ISSN 1725-2431

Journal officiel

de l'Union européenne

C 24

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Édition de langue française

Communications et informations

49e année
31 janvier 2006


Numéro d'information

Sommaire

page

 

II   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005

2006/C 024/1

Avis du Comité économique et social européen sur La contribution du tourisme au redressement économique et social des zones en déclin

1

2006/C 024/2

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil rectifiant la directive 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services[COM(2005) 214 final — 2005/0100 (COD)]

11

2006/C 024/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les droits des personnes à mobilité réduite lorsqu'elles font des voyages aériens[COM(2005) 47 final — 07/2005 (COD)]

12

2006/C 024/4

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'information des passagers du transport aérien sur l'identité du transporteur aérien effectif et la communication des informations de sécurité par les États membres[COM(2005) 48 final — 08/2005 (COD)]

15

2006/C 024/5

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil relative à des mesures communautaires de lutte contre l'influenza aviaire et la Proposition de décision du Conseil modifiant la décision du Conseil 90/424/CEE relative à certaines dépenses dans le domaine vétérinaire[COM(2005) 171 final — 2005/0062 + 0063 CNS]

16

2006/C 024/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 2075/92 portant organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut[COM(2005) 235 final — 2005/0105 (CNS)]

18

2006/C 024/7

Avis du Comité économique et sociale européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 3317/94 en ce qui concerne la transmission des demandes de licences de pêche aux pays tiers[COM(2005) 238 final — 2005/0110 (CNS)]

19

2006/C 024/8

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert sur le droit applicable et la compétence en matière de divorce[COM(2005) 82 final]

20

2006/C 024/9

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et le règlement (CEE) no 574/72 du Conseil fixant les modalités d'application du règlement (CEE) no 1408/71[COM(2004) 830 final — 2004/0284 (COD)]

25

2006/C 024/0

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d'un Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes[COM(2005) 81 final — 2005/0017 (COD)]

29

2006/C 024/1

Avis du Comité économique et social européen sur La dimension septentrionale et son plan d'action

34

2006/C 024/2

Avis du Comité économique et social européen sur Mieux légiférer

39

2006/C 024/3

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Comment améliorer la mise en œuvre et l'application de la législation communautaire?

52

2006/C 024/4

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Obésité en Europe — Rôle et responsabilités des différents partenaires de la société civile

63

2006/C 024/5

Avis du Comité économique et social européen sur La politique sociale dans le cadre d'un régime paneuropéen de navigation intérieure

73

2006/C 024/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de déclaration conjointe du Conseil, du Parlement européen et de la Commission — La Politique de Développement de l'Union européenne — Le Consensus européen[(COM(2005) 311 final)]

79

2006/C 024/7

Avis du Comité économique et social européen sur Le dialogue social et l'implication des travailleurs, clé pour anticiper et gérer les mutations industrielles

90

2006/C 024/8

Avis du Comité économique et social européen sur La pauvreté des femmes en Europe

95

FR

 


II Actes préparatoires

Comité économique et social européen

420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005

31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/1


Avis du Comité économique et social européen sur «La contribution du tourisme au redressement économique et social des zones en déclin»

(2006/C 24/01)

Le 10 février 2005, conformément au paragraphe 2 de l'article 29 du Règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis sur le thème: «La contribution du tourisme au redressement économique et social des zones en déclin»

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 juillet 2005 (rapporteur: M. MENDOZA).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 135 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Dans le contexte des avis qu'il élabore en tant que contribution à la conception d'une politique touristique à l'échelle européenne, le Comité économique et social européen se propose maintenant d'en réaliser un qui pourrait servir de référence afin, d'une part, que certaines initiatives touristiques puissent être utiles pour l'action des institutions européennes, nationales, régionales et locales ainsi que pour les partenaires sociaux et d'autres organisations de la société civile et celles qui sont actives dans le secteur du tourisme et, d'autre part, pour unir les efforts en vue d'offrir des alternatives aux zones qui seraient concernées et en particulier aux personnes et aux entreprises qui y sont installées pour y vivre et y exercer une activité rentable, dans l'objectif d'y maintenir une activité productive, avec les conséquences positives qui peuvent en découler.

1.2

Ce document doit servir de contribution à la nécessaire reconversion de différentes zones sur tout le territoire de l'Union européenne qui, pour diverses raisons, sont en situation de déclin socioéconomique, contribution qui privilégiera le thème de l'industrie touristique comme alternative.

1.3

Pour l'élaboration du document définitif de l'avis, la procédure suivante a été suivie:

Première réunion du groupe d'étude: inventaire des thèmes autour desquels l'avis s'est articulé.

Audition publique déjà tenue à Cordoue (Espagne) et deuxième réunion du groupe d'étude, ayant permis de prendre connaissance des bonnes pratiques en matière d'initiatives de redressement des zones en déclin économique à travers le développement d'activités touristiques, et de dresser un constat y relatif. Cela dans le cadre de l'objectif prioritaire de l'avis, qui est de faire connaître des expériences qui peuvent s'avérer efficaces et servir à donner un élan à ces activités ou à en développer d'autres dans des zones qui souffrent actuellement où sont menacées de souffrir à l'avenir de déclin économique et social.

Troisième et dernière réunion qui doit servir à donner sa forme définitive au document en vue de son examen en section et en session plénière du CESE.

1.4

Il convient de tenir compte d'une double réalité, deux aspects qui s'enrichissent en se complétant:

Comme cela apparaîtra tout au long de l'avis, le tourisme représente une alternative et une grande opportunité pour les zones en déclin dans la mesure où il est source d'activité économique recelant d'énormes potentialités de développement de la société, de l'entreprise et de l'emploi. La reconversion des zones en déclin peut et doit aller de pair avec un nouveau système de production, plus durable et capable d'améliorer la qualité de vie.

Certaines zones en déclin peuvent devenir des lieux touristiques susceptibles de pouvoir accueillir l'afflux toujours plus important de touristes venus du monde entier de façon diversifiée et bien entendu durable et capable d'améliorer la qualité de vie.

2.   Portée et schéma de l'avis

2.1

L'avis ne prétend pas passer en revue les processus qui ont conduit les zones concernées à une situation donnée ni faire une analyse des actions engagées pour des reconversions de nature diverse (industrielle, minière, agricole, etc.), même si pour certaines questions, il faudra insister sur des aspects qui en découlent aux fins de l'élaboration de propositions touristiques.

2.2

Dans notre analyse, nous nous poserons d'abord la question de savoir si la zone concernée a connu un processus de reconversion donné ou s'il s'agit d'une zone en déclin qui n'a pas encore développé d'activité productive et dans laquelle le tourisme peut constituer un point de départ à titre d'activité initiale et moteur d'un développement plus global.

2.3

Sur cette base, l'avis suit le schéma de développement suivant:

2.3.1

Analyse de la situation des zones en déclin et constats les plus évidents pour ce qui est des aspects les plus significatifs à prendre en considération pour les futures propositions relatives aux activités touristiques: social et emploi, activité des entreprises, engagement des institutions, etc. Il convient de définir en priorité ce qu'on entend exactement par «zones en déclin» dans la mesure où la diversité des situations peut impliquer des alternatives différentes.

2.3.2

Cela étant, notre avis couvre les aspects suivants:

2.3.2.1

La situation des zones en déclin: définir leurs points faibles du point de vue des différents aspects, en mettant l'accent sur l'analyse de chacun d'entre eux: problèmes découlant, parfois, d'un passé de mono-activité industrielle et entrepreneuriale; inadéquation ou détérioration de facteurs environnementaux, faiblesses des infrastructures ou insuffisance de celles-ci pour le passage à une autre activité touristique; main-d'œuvre travaillant dans des spécialités non assimilables à l'emploi dans le tourisme; méconnaissance ou inadaptation de l'environnement social pour intégrer les nouvelles activités, parmi lesquelles le tourisme. Il faut notamment tenir compte du fait que les zones en déclin industriel ne sont pas par nature des zones touristiques: ce qui rend d'autant plus difficile la recherche du produit touristique approprié, le tourisme lié à la culture, à l'archéologie, au sport, à la formation intellectuelle et toute autre forme non traditionnelle. Il semble en particulier acquis qu'une «expérience positive» est le fondement de tout produit touristique et que c'est cette expérience qui doit être identifié et soutenue.

2.3.2.2

L'engagement des institutions: cet avis lance un appel à la coopération indispensable entre les différentes administrations et institutions, dont il faudra définir comment elle s'articule: quels types, scénarios et modèles de coopération entre les institutions et quelles ressources publiques. Il fait plus particulièrement référence au rôle des Fonds structurels européens dans le redressement des zones en déclin. Les institutions ont un rôle important à jouer dans la formation de la main-d'œuvre locale afin qu'elle puisse s'adapter à des emplois dans le secteur des services.

2.3.2.3

L'ancrage social comme objectif: les secteurs en déclin sont liés aux zones où ils se sont développés et épuisés pendant de nombreuses années. Cela a permis aux citoyens de localités concernées, de dimensions différentes, de nouer au fil du temps et depuis des générations une relation avec leur environnement de vie et de travail. Les initiatives touristiques que nous envisageons doivent contribuer dans une large mesure à soutenir cet enracinement à travers la création de conditions de nature à rendre cet ancrage social possible, etc. Une autre façon de favoriser cet enracinement est de créer des emplois stables, car s'il est vrai que le tourisme est une source importante d'emplois, l'enracinement social peut tout de même être entravé par le grave problème de la saisonnalisation qui peut provoquer des mouvements non-désirés de personnes à certaines périodes de l'année.

2.3.2.4

Le dialogue social, élément clé dans l'analyse et le développement d'alternatives: nous proposons que le débat et le dialogue social soient la pierre angulaire d'un accord entre les travailleurs et les chefs d'entreprise, au travers de leurs syndicats et associations, en vue d'engager des projets et des initiatives. Ce dialogue bipartite doit associer, dans un cadre tripartite, les administrations à la recherche d'alternatives viables. D'autres organisations de la société civile et du secteur touristique doivent également contribuer à donner un élan à la matérialisation des projets.

2.3.2.5

Donner un élan aux initiatives prises en liaison avec la dimension durable du tourisme: malgré le drame social qu'a représenté pour de vastes zones le déclin économique et social, nous considérons que la conception de nouvelles alternatives de développement peut non seulement corriger les erreurs du passé quant aux choix des activités antérieures mais doit en plus inscrire les nouvelles dans les paramètres d'un tourisme durable, du point de vue social, économique et environnemental, que le CESE préconise.

2.3.2.6

L'environnement comme axe de redressement et de planification d'activités touristiques:

Bien qu'il ne rentre pas dans le cadre de cet avis d'analyser l'origine du déclin socioéconomique d'une zone donnée, nous pouvons constater que de nombreuses zones en déclin sont situées dans des secteurs où pour des raisons naturelles, géographiques ou géologiques, une quasi-monoactivité industrielle s'est développée. Or, ce mode de développement, non seulement n'a pas été respectueux de l'environnement mais a également conduit à une réelle détérioration de celui-ci. Les nouvelles exigences et engagements en matière d'environnement peuvent permettre le redressement de ces zones et contribuer à renforcer les potentialités touristiques des projets.

Nous allons dans notre avis ainsi établir la liste des priorités en matière d'initiatives environnementales qui doivent accompagner le développement de projets touristiques.

2.3.2.7

Maintenir et intensifier l'activité des entreprises et encourager l'investissement productif: nous tenterons d'établir un catalogue le plus précis possible d'initiatives pour soutenir l'activité des entreprises. L'entrepreunariat dans ces zones en déclin est basé sur une spécialisation de l'activité d'origine, en raison d'une implication directe dans celle-ci, ou indirecte au travers d'entreprises auxiliaires de l'activité principale. Dans ce sens, l'avis envisage des initiatives en faveur du maintien et de la création d'entreprises existantes et de la création de nouvelles, de la formation et du renforcement des ressources des entreprises, de la définition de critères de compétitivité, de la recherche et du développement, de la conception, de la commercialisation etc. Il faut également promouvoir des concepts tels que la promotion, le partenariat et la coopération entre entreprises comme entre ces dernières et les administrations ainsi que la création de réseaux entre les entreprises, les zones et les secteurs. Une attention particulière doit être accordée aux micro, petites et moyennes entreprises.

2.3.2.8

Le maintien et la création d'emplois en tant que priorité: si le coût social le plus élevé des processus de déclin économique et social des entreprises et des secteurs réside dans les pertes d'emplois, les initiatives en vue de leur redressement doit avoir pour principal objectif le maintien et, si possible, l'augmentation de l'emploi dans ces zones. Aussi, proposons-nous, en plus des mécanismes de protection sociale transitoires, l'encouragement, dans le cadre du développement d'initiatives touristiques, de l'investissement générateur d'emplois, de la formation et du recyclage professionnel, sans oublier la promotion et la culture de l'emploi indépendant ainsi que de l'économie sociale, etc.

2.3.2.9

Intégrer tous les facteurs d'une politique touristique: les projets de tourisme pour le redressement économique et social des zones en déclin doivent prévoir de donner une meilleure impulsion à tous les éléments qui, en plus de ceux qui ont déjà été cités, peuvent configurer une politique touristique. Ainsi, il faudra déterminer la contribution des facteurs culturels, historiques, en termes de patrimoine, naturels, sportifs, etc.

2.3.2.10

Un défi important, qui a déjà été relevé et qui a produit des effets positifs dans certaines zones est la mise à profit d'éléments qui étaient présents dans les activités antérieures pour les intégrer dans la conception de nouvelles alternatives dans le domaine du tourisme.

2.3.3

Il apparaît comme important d'analyser de façon attentive, dans les différents pays de l'Union, les expériences qui ont réussi, non seulement pour tenter de les reproduire en les adaptant à d'autres conditions, mais également pour les soutenir et les renforcer. Mais, dans la mesure où il ne semble pas que les expériences positives soient très nombreuses, il n'est pas aisé de définir une gamme très étendue et diversifiée d'expériences positives.

2.3.4

Il est important que les différentes destinations touristiques dans les zones en déclin puissent fonctionner en réseau, ce qui donnerait des bases fortes à la promotion du tourisme dans ces zones et leur permettrait de profiter mutuellement de leur expérience.

2.3.5

Le renforcement et la promotion de l'emploi indépendant est sans doute un facteur très important pour que les travailleurs puissent s'adapter à une nouvelle réalité. L'étude de cette contribution constituera sans doute certainement un apport majeur pour les zones en déclin dans leur processus de transformation en zones de tourisme et notamment de tourisme rural. Il conviendra d'étudier les soutiens dont cette forme d'emploi a besoin pour devenir un instrument efficace dans ce difficile processus d'adaptation.

2.3.5.1

Quelques initiatives à mettre en œuvre en ce domaine:

2.3.5.1.1

Dans le cadre de l'Union européenne, on entend par emploi indépendant la capacité et la décision des travailleurs d'exercer une activité pour leur propre compte, tant de manière individuelle que collective. Le travailleur indépendant est avant tout une personne qui, dans le cadre de son activité entrepreneuriale autonome, entretient avec des fournisseurs et des clients des relations d'ordre commercial et social.

2.3.5.1.2

Durant des années, le travail indépendant a représenté une forme efficace de défense contre la crise économique qui touchait le secteur de l'industrie, dans la mesure où il a permis de maintenir l'emploi et a apporté une réponse aux nouveaux besoins en matière de création d'emplois.

2.3.5.1.3

À l'heure actuelle, c'est parmi les jeunes et les femmes que l'on trouve le plus de travailleurs indépendants.

2.3.5.1.4

Une offre touristique basée sur le travail indépendant doit, pour être efficace, motiver de nouvelles capacités professionnelles. Voici la liste non-exhaustive des nouvelles professions rurales susceptibles de voir le jour:

Commerce spécialisé dans les produits locaux

Artisanat alimentaire et traditionnel

Services liés au sport et aux loisirs écologiques

Centres audiovisuels et virtuels

Promotion culturelle

Garderies, campings et refuges

Médecine naturelles

Esthétique corporelle

Construction traditionnelle et réhabilitation de bureaux

Cybercafés

Promotion immobilière locale

Assistance aux nouvelles activités

Production de biens et services de consommation courante

Service spécialisé aux personnes âgées

2.3.6

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le tourisme social, qui sera sans doute appelé à l'avenir à devenir une alternative dans de nombreuses zones en déclin et qui cherchent dans le tourisme une nouvelle activité économique. Il est à noter, que, grâce à ses caractéristiques propres, le tourisme social constitue un bon instrument de lutte contre la saisonnalisation et pour l'étalement des vacances.

2.3.7

Le nouveau scénario européen pour donner un élan aux alternatives touristiques dans les zones en déclin: L'avis fait référence aux opportunités offertes par l'Europe élargie pour, dans le contexte de cette problématique, établir des cadres de référence pour l'action, l'apport de changements en termes d'information, des projets en partenariat, la promotion des bonnes pratiques, le développement de la coopération public-privé, etc.

2.3.8

Par ailleurs, l'engagement, consacré dans le traité constitutionnel, pris envers les citoyens et leurs droits ainsi que vis-à-vis des régions et des zones les plus défavorisées permet d'envisager dans notre avis, conjointement au traitement du tourisme dans le contexte constitutionnel, une réponse à l'échelle européenne à même de s'ajuster aux réalités nationale, régionale et locale.

2.4

Prise en considération des lignes d'actions de nature à contribuer à l'élaboration d'une alternative. Les avis antérieurs du CESE, les initiatives de la Commission et du Parlement européen ainsi que les expériences d'institutions telles que l'Organisation mondiale du tourisme et le Bureau international du tourisme social, sont prises en compte dans le texte du présent avis.

2.5

Les expériences en tant qu'axe fondamental: cet avis se veut pratique et utile, en particulier pour les zones au redressement desquelles nous souhaitons contribuer de façon positive. Aussi, rendra-t-il compte de bonnes pratiques existantes en matière de développement de ce type d'initiatives.

3.   Les zones en déclin socioéconomique

3.1

Il n'est pas facile de définir avec exactitude ce que recouvre l'expression «zones en déclin» à laquelle se réfère le titre de cet avis, et ce, non seulement en raison de la variété des caractéristiques susceptibles de la définir: origine et cause du déclin, importance ou ampleur de ses effets, éparpillement géographique, mais aussi et surtout en raison du fait que ce déclin a des conséquences plus ou moins graves sur la vie des personnes qui vivent dans ces zones et sur les entreprises qui y exercent leur activité.

3.2

L'histoire économique des différentes zones en déclin présentée à travers différents indicateurs, est sans doute la première chose à examiner pour définir et établir leur typologie car elle révèle si le déclin est intervenu de façon récente et a été provoqué par des mutations technologiques, sociales ou économique externes ou s'il s'agit d'une situation structurelle en raison de laquelle une zone donnée n'a, à aucun moment de son histoire, atteint un développement économique à même de générer richesse et bien-être pour ses habitants. Il ne fait aucun doute que cette différence a une grande influence sur le choix de la solution la mieux adaptée au problème du déclin et sur la recherche d'alternatives efficaces. L'expérience des entreprises, la formation des habitants et, par conséquent, la possibilité d'imaginer une activité nouvelle ou de substitution, sont très différentes selon les cas.

3.3

Dans le cas des zones qui n'ont pas encore atteint un niveau de développement économique suffisant, les causes peuvent en être très variées: une situation géographique périphérique, des conditions environnementales extrêmes, des infrastructures insuffisantes, un caractère peu entreprenant des populations locales et, en somme, tout un ensemble de circonstances qui ont poussé et poussent encore les populations locales à émigrer vers des zones où les possibilités de développement économique sont meilleures, tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. En définitive, le dépeuplement progressif à caractère essentiellement rural de larges zones d'Europe et le déracinement social qui en découle, est un problème auquel sont en train de s'attaquer de façon déterminée les politiques et les instruments communautaires de développement régional. Le tourisme, et le développement qui accompagne cette activité, représentent un objectif à atteindre pour un certain nombre d'actions importantes allant en ce sens.

3.4

Pour ce qui concerne les zones qui, à une certaine époque, ont réussi à développer une activité économique prospère et diversifiée fondée par exemple sur l'agriculture, l'activité minière, l'industrie textile, métallurgique, ou chimique et qui, pour diverses raisons, ont dû abandonner cette ou ces activités, le problème réside dans le fait qu'un modèle de société a été détruit avec toutes les répercussions que cela implique sur la population et le réseau d'entreprises de la zone. Dans ces cas précis, la mono-activité ou une trop faible diversification économiques sont des facteurs aggravants qui rendent plus difficile la recherche d'une alternative à la perte d'emplois provoquée par le déclin économique.

3.5

Les facteurs qui peuvent influer et influent de fait sur le déclin d'une zone auparavant active, rentable, compétitive et génératrice d'emplois et de richesses peuvent être très différents, mais il est possible que la mondialisation de l'activité économique et les mutations technologiques soient la source de tous ces facteurs et leur dénominateur commun. Les marchés évoluent rapidement et souvent brusquement. La stabilité que représentait l'industrie jusqu'au siècle dernier aux yeux des nations ayant su appliquer à leur profit les principes industriels n'existe plus. À sa place on trouve aujourd'hui les mutations technologiques, l'évolution sociale, l'élargissement des marchés, la circulation instantanée de l'information d'un bout à l'autre de la planète, la mondialisation de la concurrence et la délocalisation de la production de biens et de services. Le coût de la main-d'œuvre est devenu la principale variable présidant au choix de la localisation des industries mais les facteurs qui déterminent la compétitivité d'une activité économique sont les capacités en matière de recherche, le développement et l'innovation, la proximité et la qualité des services, la valeur de la gestion et le professionnalisme des salariés, avec l'accès aux technologies. Enrayer le processus de désindustrialisation de l'Europe et trouver des alternatives génératrices d'emploi sont les deux missions qui représentent sans doute le défi le plus important que doit relever l'Europe, comme il ressort de la stratégie de Lisbonne.

3.6

Les effets induits par le déclin d'une zone donnée sur sa population et ses entreprises sont multiples: perte d'emplois, appauvrissement général, mutations démographiques et dépeuplement, disparition du réseau entrepreneurial, etc. Il est cependant important de noter que ces effets se répercutent encore sur plusieurs générations et sous des formes très différentes. La première génération, confrontée directement au déclin économique, trouve souvent une forme de substitution dans les instruments de la protection sociale. Si elle n'est pas désirée, celle-ci est pourtant indispensable dans la mesure où les aides sociales procurent les revenus nécessaires. Cette situation se produit lors de la disparition des grandes entreprises industrielles et minières, qui accule les personnes jeunes et d'âge moyen, potentiellement aptes à travailler, à l'inactivité et les poussent à se tourner vers l'aide sociale pour pouvoir survivre. Cette situation subie a beau être traumatisante, le problème de la génération suivante qui ne dispose ni d'emplois ni de ressources sociales est sans doute encore plus angoissante. Dans des situations de ce type, l'esprit d'entreprise, la diversification des activités, la formation sont bien plus qu'un atout, une nécessité absolue.

3.7

En définitive, ces zones dites en déclin, soit en raison d'un développement économique insuffisant, soit en raison de facteurs conjoncturels qui ont stoppé leur développement, peuvent trouver dans le tourisme une alternative viable apte à réamorcer leur développement économique dans la mesure où cette industrie a fait ses preuves: puissante, stable, disposant de bonnes perspectives d'avenir et de croissance et créatrice d'emplois, elle peut également contribuer au maintien de l'équilibre économique, social et environnemental en termes de durabilité. Il est clair que les mutations culturelles et économiques que doit engendrer, selon toute probabilité, cette reconversion, ne représentent pas une évolution facile, et toutes les initiatives ne seront pas couronnées de succès, mais les alternatives qui s'offrent aux zones en déclin sont peu nombreuses et d'autres, qui pourraient éventuellement être envisagées, exigent des conditions encore plus difficiles à réunir.

3.8

Par ailleurs, il faut savoir que l'on trouve parfois à la périphérie ou à proximité des grandes villes, et ceci même quand leur économie est florissante, des zones marginales et dégradées dont l'activité économique est très réduite voire nulle. Certains événements de portée internationale peuvent favoriser leur valorisation et leur réactivation économique. Ainsi, les expositions universelles de Séville et Lisbonne, ou les olympiades de Barcelone et, plus récemment, d'Athènes ont constitué un facteur essentiel de réhabilitation physique. Elles ont enclenché une dynamique présentant les caractéristiques et créant les conditions propices à l'établissement d'une nouvelle zone touristique.

4.   Objectifs et moyens d'action

4.1

Une fois analysé la situation, l'origine et les caractéristiques essentielles des zones en déclin, il convient de déterminer les objectifs et méthodes qui permettront, comme l'indique le titre de cet avis, de connaître la contribution du tourisme au redressement économique et social de ces zones en déclin.

4.1.1

Il faut avoir à l'esprit tout d'abord, que toute action de développement économique doit impérativement avoir comme objectif premier de créer les conditions propres au développement personnel et social des habitants de cette zone, afin qu'ils ne soient pas forcés à émigrer ou à quitter la région. En fait, ces actions doivent contribuer à maintenir l'enracinement social que les habitants ont, durant des générations, réussi à préserver avec leur environnement le plus proche. Pour ce faire, les initiatives touristiques envisagées en tant qu'alternatives, doivent, de façon efficace, établir non seulement les infrastructures nécessaires mais également assurer l'emploi stable des personnes qui dépendent de cette activité au sens le plus large. Si l'objectif premier est de sauvegarder l'enracinement social, il est essentiel comme alternative au chômage provoqué par le déclin socioéconomique, de créer des produits touristiques durables et viables à long terme.

4.2

Par ailleurs, toute action de développement économique dans les zones en déclin doit être motivée par un objectif de diversification de l'activité économique. En effet, dans des zones caractérisées par une mono-activité industrielle, le déclin peut être lié d'une façon ou d'une autre aux mutations technologiques ou à l'évolution des marchés. Dans ce cas, il est nécessaire afin que cette situation ne se répète pas, que s'articule tout un ensemble d'activités complémentaires et diversifiées capables de soutenir l'avenir économique de la région. En raison de son caractère transversal et de la multiplicité de ses intervenants: grandes entreprises, PME, entreprises familiales, multinationales, entreprises ayant des objectifs sociaux et des orientations commerciales très variés, le tourisme est un facteur intéressant de diversification du système de production dans une zone donnée.

4.3

L'équilibre durable de l'activité dans ses aspects économiques, sociaux et tout particulièrement environnementaux, est un autre des objectifs que doit viser toute action de développement pour les zones en déclin. Il arrive souvent que le déclin d'une activité industrielle ou minière détériore gravement la zone: constructions obsolètes et abandonnées, déchets industriels polluants, dégradations physiques, sols contaminés en sont les manifestations les plus fréquentes, ce qui, évidemment, est loin de constituer l'environnement idéal pour le développement d'une activité touristique qui nécessite plutôt des conditions où la nature doit se montrer sous son meilleur jour.

4.3.1

En principe, c'est aux industries installées dans une zone que revient la tâche de rétablir les conditions naturelles d'origine ou, dans la mesure du possible, de réhabiliter cette zone. Dans la pratique, il n'est évidemment pas simple pour ces entreprises d'appliquer ce principe, puisqu'elles sont elles-mêmes dans une situation de déclin qui ne le permet pas. Dans ce cas, il appartient aux pouvoirs publics d'intervenir à titre subsidiaire afin d'assurer les bonnes conditions environnementales de la zone concernée. Cela est important notamment lorsque les entreprises délocalisées ont obtenu des subventions publiques au moment de leur installation. La responsabilité sociale des entreprises doit leur permettre de faire face à ces coûts additionnels dérivés de leur activité

4.4

Il convient d'assurer le succès de ces objectifs difficiles à atteindre en partant du principe que le dialogue social constitue un élément clé du développement des alternatives. Le dialogue social entre les agents économiques et sociaux, entre les chefs d'entreprise et les travailleurs par le biais des syndicats et associations d'entreprises est essentiel au bon déroulement des projets et initiatives. La société civile sous toutes ses formes: associatives; civiques et organisations de consommateurs peut et doit également prendre part à ce processus.

4.4.1

Il est important cependant que, dans les zones en déclin, les pouvoirs publics s'engagent et participent activement à la promotion d'alternatives, que celles-ci soient liées au tourisme ou à un autre secteur d'activité. La coopération entre les différents niveaux administratifs et institutionnels publics doit assurer les conditions propices au succès de ces initiatives et, s'il le faut, contribuer à la viabilité économique des projets. Les Fonds structurels de l'UE sont des instruments privilégiés pour cette action coordonnée des niveaux européens, nationaux, régionaux et locaux en matière de recherche puis de mise en œuvre des projets et initiatives de développement régional aptes à revitaliser les zones en déclin.

4.5

La formation des habitants des zones en déclin est un élément clé du processus de réhabilitation de ces zones et il convient d'assurer la reconversion professionnelle des chômeurs afin qu'ils puissent trouver un emploi dans les activités alternatives qui sont généralement très différentes de leur précédent travail quant aux conditions et aux compétences requises. La pratique démontre que cette reconversion est un défi important et que seules des actions de formation volontaires et suivies permettront aux travailleurs du secteur primaire de s'adapter au secteur tertiaire. Cette reconversion n'est pas moins importante pour les travailleurs de la génération suivante qui n'ont pas eu à souffrir directement de la perte d'un emploi mais dont l'environnement professionnel ne leur permet pas d'espérer pouvoir s'employer dans le secteur d'industrie traditionnel de la zone. Seules, des actions de formation sont susceptibles de pallier à cette absence de perspectives professionnelles.

4.6

Pour ce qui relève de notre problématique, le processus d'élargissement européen porte en lui des éléments handicapants mais aussi positifs. Handicapants, car les zones à développer sont plus nombreuses, avec un passé industriel, minier ou agricole difficile à surmonter, et positifs car la mobilité et la demande en matière de loisirs et de tourisme pourraient augmenter considérablement, et renforcer ainsi l'industrie touristique. L'action de promotion d'un modèle touristique durable européen peut être un bon instrument de développement économique pour certaines zones en déclin.

5.   Bonnes pratiques de reconversion socioéconomique en faveur du tourisme des zones en déclin

5.1

L'un des principaux objectifs de cet avis est de recueillir, analyser puis appliquer les différentes bonnes pratiques tirées des expériences touristiques alternatives réussies dans les zones en déclin.

5.1.1

À cet égard, outre les diverses expériences qui ont pu être mises en valeur lors de l'audition de Cordoue organisée par le CESE en coordination avec l'administration provinciale, d'autres initiatives très instructives ont également pu être recueillies qui méritent d'être étudiées et analysées afin de pouvoir servir d'exemple.

5.2

Expérience des Asturies (Espagne): Expérience réussie d'une région essentiellement minière et industrielle, qui se mobilise face au déclin de ces secteurs et à la perte d'emplois qui en résulte, pour se tourner vers le développement intensif de son tourisme. Dans la logique de cette alternative, un certain nombre de labels et produits touristiques liés au concept de la nature et de la province des Asturies ont été créés.

Tourisme et nature: Asturies, paradis naturel

Tourisme et culture: Asturies, trésor culturel

Tourisme et gastronomie: Savourer les Asturies

Tourisme et ville: Villes des Asturies

Tourisme et qualité: Belles demeures des Asturies

Tables des Asturies

Villages des Asturies: la qualité rurale

Les Asturies pour l'excellence touristique

5.2.1

On peut dire de cette nouvelle stratégie de développement local que c'est un succès marqué, dans la mesure où le taux d'emploi de la région a augmenté de 8 % au cours des dernières années. Il est manifeste que dans ce cas précis, le choix de la durabilité environnementale a été le gage d'un tourisme de qualité en harmonie avec la nature, et que les acteurs économiques et sociaux ainsi que les institutions publiques se sont associés pour soutenir activement ce changement de stratégie et de modèle pour la région.

5.3

Expérience de Zabrze (Pologne). Dans toute la région de Silésie, la transformation de l'économie et des marchés a provoqué la disparition des nombreuses entreprises, et causé la perte de dizaines de milliers d'emplois laissant un paysage désolé parsemé d'installations industrielles abandonnées. De nombreux efforts de promotion touristique ont été faits mais la région continue de souffrir de son image traditionnelle de zone industrielle aux paysages sombres et défigurés. Cette image peu attirante pour les touristes pourrait cependant devenir un atout pour la vie sociale et économique de la région si le patrimoine industriel de la zone était exploité à des fins touristiques comme le souhaitent et le prévoient les autorités. Il s'agit de transformer les sites industriels désaffectés en sites touristiques qui auraient l'avantage d'avoir un caractère permanent et non pas saisonnier. Le patrimoine industriel serait ainsi conservé, préservant le caractère original des villes et de leurs environs.

5.3.1

Ce projet présente cependant de nombreuses difficultés. Au mauvais état des installations techniques et à la déshérence du patrimoine s'ajoutent des problèmes liés à la propriété des sites, au manque de ressources financières et de personnel qualifié, à l'absence d'infrastructures d'accueil et d'autres facteurs qui font que seul un petit nombre de sites «d'archéologie industrielle» remplissent les conditions propres à des produits touristiques rentables. Les Fonds structurels européens tels que le FEDER ou le FSE peuvent jouer un rôle capital en faveur du financement des projets et de la formation de la population.

5.3.2

Un projet touristique d'exploitation des sites postindustriels intitulé «Circuit de sites d'archéologie industrielle» a été élaboré au niveau régional. Celui-ci regroupe 30 sites sélectionnés en fonction de différents critères tels que l'accessibilité, l'attractivité, la capacité d'accueil et la sécurité des visiteurs.

5.3.3

Dans le cas particulier de la municipalité de Zabrze, ville de taille moyenne située au sud de la Pologne, les autorités municipales ont su apprécier l'importance du tourisme industriel dont Zabrze est, depuis 2003, un modèle reconnu ayant obtenu un certain nombre de certifications significatives dans le domaine touristique. Zabrze a non seulement su opposer sa propre alternative au déclin de l'industrie minière de la région, mais également s'imposer comme un centre de réflexion et d'inspiration pour les prochains projets de développement du tourisme industriel en Pologne et dans toute l'Europe, en organisant des conférences internationales telles que celles qui ont eu lieu en septembre 2004 et mai 2005 destinées à étudier «les trésors du patrimoine industriel dans le cadre du tourisme et des loisirs». Ces conférences ont débouché sur les résolutions de Zabrze qui représentent un point de vue précieux sur l'exploitation du patrimoine industriel appliqué au tourisme et aux loisirs. Il convient ici de noter la volonté de l'OMT de s'engager dans le processus de création d'un réseau de tourisme industriel qui contribuerait à la promotion des produits.

5.3.4

En définitive, l'expérience de Zabrze constitue une source précieuse d'enseignements qui pourront certainement servir sur d'autres sites dont les caractéristiques sont similaires et auxquels on cherche à donner une orientation touristique. Le CESE reconnaît expressément la valeur de cette expérience, la soutient et la diffusera si cela peut s'avérer utile.

5.4

Expérience du Musée de la mine de Río Tinto à Huelva (Espagne). La mine de Río Tinto a, dans le passé, été le centre d'une production abondante de métaux précieux ayant assuré la prospérité de la région depuis l'époque romaine. À la suite de la fermeture de la mine en 1982, cette zone connut une période de dépression économique. C'est aujourd'hui le musée de la mine de Río Tinto qui gère cet héritage. Ce musée est le point central du parc minier de Río Tinto, conçu comme un parc à thème qui comprend les villages et les paysages du bassin minier. Sur un espace de 900 hectares, ce parc minier est un lieu que les visiteurs peuvent parcourir en train le long de l'ancienne voie ferrée qui transportait le minerai à Huelva. Ils peuvent également visiter d'anciennes mines, un cimetière romain et le village minier construit par la compagnie anglaise propriétaire de la mine à la fin du 19ème siècle. Ce site laissé à l'abandon est donc devenu un lieu de loisirs et permettant à la population de se réapproprier le patrimoine et la culture de cette zone. Dans ce cas comme dans d'autres, c'est «l'expérience», moteur habituel de l'intérêt touristique, qui permet aux entreprises exploitantes de pouvoir rentabiliser certaines zones qui, sans cela, seraient laissées à l'abandon.

5.5

Expérience de la zone minière et industrielle de Peñarroya-Plueblonuevo (Espagne). Ce site possède un riche patrimoine industriel, vestige d'un grand centre manufacturier du 20ème siècle, et fait actuellement l'objet d'une réhabilitation en zone d'activités de loisirs pour la population locale et les visiteurs. Il est important de noter que plusieurs villages de la vallée d'Alto Guadiato dans la province de Cordoue se sont associés autour d'un projet commun de revalorisation de différents éléments, dont par exemple le musée géologique minier de Peñarroya-Pueblonuevo. Cette démarche a été entreprise dans le souci de développer l'activité touristique, ce qui pourrait apporter une nouvelle vitalité économique à certains villages dont les habitants victimes du déclin de l'activité minière ont perdu leur emploi. Cette expérience s'inscrit dans le cadre d'une offre globale et coordonnée d'ordre gastronomique, sportif et culturel associant les populations de Fuenteovejuna, Bélmez et autres localités de la zone et qui intègre d'anciens centres industriels et géologiques.

5.6

Le réseau muséographique des sciences et techniques de Catalogne (Espagne) comprend une vingtaine de sites relevant de l'archéologie industrielle dans la région catalane. Ces lieux présentent diverses caractéristiques selon le domaine concerné: textile, industrie, papeterie, tannerie, transports, etc. Pendant plusieurs siècles, l'industrie catalane a joué un rôle économique majeur et a permis aux domaines culturel, architectural et social constitutifs de l'identité collective catalane de bénéficier d'un rayonnement extraordinaire. La conception du réseau muséographique nécessite que les 20 sites fassent l'objet d'une promotion touristique globale pour qu'il puisse agir en définitive comme un réseau de sites d'intérêt touristique culturel. Ce mode d'action est également adaptable aux projets dont les caractéristiques sont similaires.

5.7

Une autre expérience intéressante a été patronnée par le Bureau international du tourisme social (BITS) à la Roche-en-Ardenne en Belgique. Sur cette zone carbonifère en déclin, l'établissement d'un centre de vacances de tourisme social a contribué au développement alternatif de la région tout en y créant de nombreux emplois.

5.8

Dans toute l'Europe, de nombreuses expériences touristiques innovantes sont menées actuellement pour tenter de développer, même de façon partielle, une alternative à des situations de déclin économique. À cet égard, il convient de citer par exemple la possibilité offerte aux touristes par des professionnels de la pêche traditionnelle de passer une journée sur leur bateau et de participer activement à leur travail. Ainsi, l'expérience vécue par ces touristes au contact d'une réalité professionnelle et culturelle dotée d'un fort attrait touristique permet par ailleurs d'améliorer les recettes d'une activité en déclin.

5.9

Le CESE soutient la déclaration conjointe de l'EFFAT (Syndicat européen de l'alimentation, de l'hôtellerie, du tourisme et de l'agriculture) et de l'HOTREC (Confédération européenne des Associations nationales de l'hôtellerie, de la restauration, des cafés et établissements similaires) dans laquelle les signataires énoncent une série de lignes d'action visant à maintenir et à développer l'emploi du secteur du tourisme dans les zones rurales.

6.   Conclusions

6.1

Au cours des diverses réunions du groupe d'étude chargé d'élaborer cet avis, et de la fructueuse audition réalisée à Cordoue, il a été possible de recueillir non seulement les opinions consignées dans le précédent texte du projet d'avis, mais aussi de précieuses conclusions et recommandations.

6.2

Comme il apparaît dans divers documents de la Commission, du CESE et de multiples sources d'étude, le tourisme est une activité économique de grande importance non seulement du strict point de vue économique mais également social et environnemental. Il convient d'indiquer notamment que le tourisme est une industrie puissante, stable, disposant de bonnes perspectives d'avenir et génératrice d'emplois, qui peuvent d'ailleurs être de qualité si cette activité respecte des critères de durabilité à court, moyen ou long terme.

6.3

Le déclin socioéconomiques des zones touchées dans différents pays d'Europe peut avoir des causes et des caractéristiques diverses mais la perte d'emplois et l'absence d'alternative économique en est la manifestation la plus visible et la conséquence la plus pénible pour la population locale dont les représentants se voient souvent forcés à émigrer à la recherche d'un travail différent de celui qu'ils occupaient précédemment. Le dépeuplement de larges zones agricoles, industrielles et minières est l'effet indésirable entraîné par les mutations de la structure économique.

6.4

L'enracinement social de la population locale est l'objectif fondamental de toute politique visant à l'équilibre régional par l'élaboration d'alternatives viables pour les zones en déclin et les Fonds structurels européens sont l'un des instruments essentiels de cette politique d'enracinement. Le maintien ou la création d'emplois doit être considéré comme une priorité absolue dans cette optique d'insertion sociale.

6.5

Même lorsque les situations sont très différentes, le tourisme est sans doute une bonne alternative pour lutter contre le déclin, dans la mesure où il représente une source d'activité économique à fort potentiel de développement social, des entreprises et de l'emploi. Diverses expériences à tous les niveaux l'ont d'ailleurs prouvé.

6.6

Mais dans cette recherche de l'alternative touristique pour les zones en déclin, les difficultés et obstacles de toutes sortes ne manquent pas. On peut notamment signaler que ces zones ne sont pas en principe «naturellement» touristiques, bien au contraire, dans la mesure où elles sont parfois dégradées et totalement dépourvues d'attrait. Il est, pour cette raison, très difficile de réhabiliter ces zones ou de créer un environnement propice au développement viable du tourisme, c'est pourquoi il est important de créer la demande par une offre et des produits adaptés.

6.7

À cette situation de base peu favorable à une alternative touristique pour les zones en déclin, s'ajoutent des obstacles de différente nature:

Financiers dans la mesure où un apport de fonds initial est nécessaire pour la création des produits et des infrastructures touristiques.

Culturels car une formation spéciale est nécessaire pour que la population locale puisse se reconvertir dans le secteur des services.

D'accessibilité et de mobilité des visiteurs potentiels dans le souci d'assurer leur venue en toute sécurité dans les lieux touristiques créés et ayant fait l'objet d'une promotion.

De sécurité des personnes et de sûreté des installations.

De promotion dans la mesure où son absence ou son manque de coordination nuit à l'activité touristique des sites

De manque d'assistance technique spécialisée: celle-ci est en effet très utile pour déterminer les variables favorables à la viabilité des nouvelles entreprises

6.8

Mais l'alternative du tourisme et les difficultés inhérentes à ce processus sont précisément les deux variables sur lesquels doivent se concentrer les pouvoirs publics, les acteurs sociaux et les citoyens en général pour relever le défi que représente la concrétisation de ce potentiel touristique. La politique régionale européenne et les autres politiques communautaires dans les domaines touristique, culturel, de l'emploi, des transports, des infrastructures, etc. doivent soutenir les objectifs poursuivis et mettre leurs actions en commun pour les réaliser. Dans cette perspective, il convient de ne pas occulter la situation des zones en déclin et d'affronter les risques et les obstacles de l'alternative touristique, car à part le tourisme, les autres alternatives pouvant faire redémarrer l'économie de ces zones ne sont ni faciles ni très nombreuses.

6.9

Afin que l'alternative touristique pour les zones en déclin soit viable, celle-ci doit remplir plusieurs conditions:

Renforcer les valeurs culturelles, patrimoniales et naturelles propres à la zone. Les populations locales, y compris dans les zones en déclin, sont souvent les gardiens d'une richesse culturelle locale unique.

Adopter une démarche globale pour assurer, par le biais des plans intégrés de développement, la diversité des produits et services dont le tourisme a besoin.

Prévoir des possibilités d'hébergement sur des produits touristiques variés. L'hébergement génère en effet des ressources ayant un effet stabilisateur sur l'activité touristique, et contribue à l'apparition d'un tissu entrepreneurial complémentaire. Il faut poursuivre la formule du tourisme hôtelier ou de l'hébergement temporaire de préférence au tourisme résidentiel afin de garantir une viabilité à long terme.

Respecter des conditions de durabilité économique, sociale, et environnementale de façon à ce que l'activité touristique puisse contribuer à la création de nombreuses entreprises et ainsi générer des emplois de salariés et d'indépendants.

Créer un tissu entrepreneurial compétitif et diversifié afin que les fluctuations des marchés, la mondialisation de l'économie et les délocalisations ne puissent plus affecter la zone.

Favoriser, par la formation professionnelle, la qualité sous toutes ses formes: service, conditions de travail, respect de l'environnement.

S'associer à d'autres zones en déclin afin créer des réseaux susceptibles de renforcer la promotion conjointe des produits, des marques ou des destinations.

Innover en matière d'offre de produits et services. Le recours généralisé et intensif aux technologies de l'information et de la communication (TIC) est sans nul doute un facteur important de compétitivité. L'utilisation d'Internet est, pour les entreprises de toutes tailles liées au tourisme et notamment les plus petites, un instrument essentiel pour la promotion et le positionnement de leur offre.

Garantir les droits des consommateurs dans la mesure où le tourisme est une activité caractérisée par la transversalité des actions et la dimension réduite des entreprises prestataires de services

6.10

De nombreuses variables président au choix de l'offre touristique pour une zone donnée, et il est difficile de dire quelle offre est la mieux adaptée à chaque cas. À titre d'exemple, il convient cependant de citer quelques activités ayant un lien, direct ou non, avec le tourisme et qui, à ce titre, peuvent contribuer à la création d'un espace touristique alternatif: l'agrotourisme et le tourisme rural, complétés par l'artisanat, la production et le commerce de produits alimentaires locaux; le tourisme industriel, pour lequel nous avons énuméré quelques exemples de bonnes pratiques; le tourisme de santé; le tourisme culturel, etc. La réussite à long terme du tourisme rural passe par le soutien des pouvoirs publics.

6.11

La typologie des entreprises créatrices de produits et d'activités touristiques dans les zones en déclin est la même que pour une activité touristique classique mais il convient cependant de citer:

L'emploi indépendant, qui s'est révélé une forme de défense efficace face aux crises industrielles et qui, dans une situation nouvelle de création d'activité peut offrir une bonne solution aux jeunes les plus entreprenants. Dans le cas du tourisme rural, le recours aux diverses formules d'emploi indépendant et familial est plus fréquent que dans les autres secteurs.

Les coopératives de travail associé, de production, d'assistance ou de consommation qui gèrent les structures d'accueil, les petites auberges, les campings, les refuges, les voyages ou divers services touristiques. La possibilité de créer et de travailler en réseau est une valeur ajoutée importante que plusieurs pays, parmi lesquels l'Italie, par le biais de Legacoop ont su mettre à profit pour renforcer la présence des coopératives dans le domaine touristique.

Dans le cas des micro-entreprises, il convient que les conventions collectives envisagent un traitement individualisé des différentes situations afin d'assurer la qualité de l'emploi offert tout en permettant l'adaptation à une réalité variée, variable et complexe.

Les organisations de gestion du tourisme social dans les différents pays peuvent collaborer de façon très efficace pour établir le tourisme en tant qu'alternative pour les zones en déclin économique. Le nombre de touristes que ces organisations gèrent annuellement peut les inciter à mettre en place des itinéraires et des produits touristiques dans ces zones. Nous pouvons citer à cet égard l'expérience précieuse du BITS (Bureau international du tourisme social) qui, par sa collaboration avec le centre de vacances de Liguerre de Cinca en Espagne, a donné un élan économique important à cette région. De même, au Portugal, plusieurs villages de vacances gérés par INATEL contribuent de façon significative à l'activité économique de toute la région.

6.12

Afin d'assurer la viabilité des entreprises touristiques créées à titre d'alternatives dans les zones en déclin, il est essentiel de faire en sorte que se développe parallèlement tout un réseau d'activités complémentaires unies dans un intérêt commun et capables de s'allier au sein d'une authentique «alliance touristique» faisant de chaque entreprise l'une des composantes d'une offre touristique globale. Les aspects culturels, gastronomiques, environnementaux, d'hébergement et, en bref, toute les activités économiques relevant de «l'attrait touristique» doivent être coordonnées, tant au niveau du secteur public que privé. Cette synergie que l'on retrouve parfois dans le tourisme traditionnel est vitale pour les entreprises nouvelles et alternatives créées dans les zones en déclin en raison de leur extrême fragilité commerciale et des difficultés qu'elles ont à s'implanter. Le modèle du «circuit touristique» faisant intervenir un grand nombre d'acteurs économiques est l'une des façons de concrétiser l'alliance recherchée. Quoi qu'il en soit, tous les acteurs économiques et sociaux doivent s'associer pour renforcer la coopération entre les entreprises.

7.   Considérations finales

7.1

Le redressement socioéconomique des zones européennes en déclin est, pour les pouvoirs publics à tous les niveaux, les acteurs socioéconomiques et les citoyens, un défi de taille que nous devons absolument relever si nous ne voulons pas acculer certaines régions au dépeuplement en condamnant leurs habitants à la pauvreté ou à l'immigration. L'alternative touristique est une possibilité parmi d'autres mais sa valeur ajoutée, sa capacité à créer des emplois et ses perspectives d'avenir en font la possibilité privilégiée et prioritaire.

7.2

Il est vrai que les politiques européennes ainsi que les documents élaborés par les institutions plaident en faveur de cette voie: la Commission européenne, le Parlement et le Comité économique et social européen favorisent et encouragent cette alternative mais les ressources financières accordées par les Fonds structurels pour les actions en ce domaine restent insuffisantes. Il est en outre de plus en plus compliqué d'en faire un usage favorisant un nouvel élan économique. Il est suggéré à la Commission de réaliser un projet pilote fondé sur des expériences réussies, qui étudierait dans la pratique la meilleure méthodologie pour l'application des Fonds structurels à la promotion du tourisme dans les zones en déclin socio-économique.

7.3

D'autres institutions telles que l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) et le Bureau international du tourisme social (BITS) réalisent actuellement des actions stratégiquement importantes dans la mesure où celles-ci renforcent et favorisent les réseaux de promotion et d'intercommunication, indispensables à la viabilité des projets touristiques dans les zones en déclin.

7.4

À l'échelle des États membres, il conviendrait que ceux-ci coordonnent les actions de leurs différentes niveaux administratifs: national, régional et local. La création d'observatoires du tourisme qui analyseraient les possibilités du secteur et élaboreraient les différentes stratégies et politiques intégrées de développement touristique sont à cet égard un bon instrument de diagnostic et d'action.

7.5

Dans le cadre de plusieurs de ses avis portant sur le tourisme, le CESE appelle à la promotion de politiques européennes visant à l'établissement d'un modèle touristique européen fondé non pas exclusivement sur des réglementations mais sur des valeurs et des principes de durabilité, de protection environnementale, de qualité des services, des produits et de l'emploi, de sécurité des consommateurs, de coopération public-privé, d'accessibilité pour tous, de renforcement du patrimoine et de la culture locaux, et sur d'autres valeurs garantissant qu'en Europe et ailleurs, le tourisme respecte des principes de durabilité à court, moyen et long terme. Le présent avis est une contribution supplémentaire à ce corpus documentaire stratégique et politique. Il présente tout ce que le tourisme, en tant qu'élément constitutif du modèle touristique européen, peut apporter au redressement socioéconomique des zones en déclin.

8.

Le Comité économique et social européen éditera et publiera le présent avis et le présentera à titre de contribution du CESE lors de Forum européen du tourisme qui se tiendra en octobre 2005 à Malte, sous l'intitulé «Déclaration de Cordoue sur la contribution du tourisme au redressement économique et social des zones en déclin».

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/11


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil rectifiant la directive 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services»

[COM(2005) 214 final — 2005/0100 (COD)]

(2006/C 24/02)

Le 8 juin 2005, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 juillet 2005 (rapporteur unique M. PETRINGA).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour et 3 abstentions.

1.   Introduction

1.1

La directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 réglemente et garantit la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. Cette directive a rassemblé les directives précédentes traitant de cette matière, en a modifié le contenu et a mis en place un cadre juridique simplifié.

1.2

En définissant son champ d'application, la directive a fixé une série de seuils au-dessous desquels la législation n'est pas applicable; par ailleurs, elle a prévu une procédure spécifique pour la révision périodique de ces seuils.

1.3

Les seuils visés par la directive sont fixés en euros, tandis que ceux établissant les obligations internationales de l'Union au titre de l'accord OMC sur les marchés publics sont établis en droits de tirage spéciaux (DTS). L'article 78 de la directive prévoit un mécanisme qui permet à la Commission de vérifier et de réviser les seuils si l'évolution des taux de change DTS — euros le rend nécessaire. Même en cas de révision, le niveau des seuils doit rester fondamentalement identique.

1.4

La Commission avait décidé de maintenir inchangé, en particulier, le niveau des seuils de 249.000 euros applicables aux marchés publics de services subventionnés à plus de 50 % par les pouvoirs adjudicateurs (art. 8 b) et aux marchés publics de fournitures passés par les pouvoirs adjudicateurs autres que ceux visés à l'annexe IV (c'est-à-dire par les pouvoirs adjudicateurs n'étant pas des autorités gouvernementales centrales).

1.5

À cause d'une erreur matérielle, l'article 78 prévoit que les marchés subventionnés à plus de 50 % par les pouvoirs adjudicateurs, visés à l'art. 8b), soient alignés sur un seuil différent, qui en abaisse dans les faits le niveau.

2.   Conclusions

2.1

La proposition de directive cherche simplement à corriger cette erreur matérielle. En rectifiant l'article 78, on rétablit la cohérence entre le seuil indiqué à l'article 8, qui réglemente le champ d'application de la directive, et le mécanisme de révision des seuils prévu par ce même article 78.

2.2

Le CESE ne peut qu'exprimer un avis favorable sur une modification qui redonne cohérence au texte normatif.

2.3

Les observations ci-dessus valent notamment dans la perspective de la prochaine échéance prévue pour la révision des seuils, aux termes de l'article 78, paragraphe 4, qui devrait avoir lieu en novembre 2005.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/12


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les droits des personnes à mobilité réduite lorsqu'elles font des voyages aériens»

[COM(2005) 47 final — 07/2005 (COD)]

(2006/C 24/03)

Le 8 avril 2005, le Conseil, conformément aux dispositions de l'article 71 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er septembre 2005 (M. CABRA DE LUNA, rapporteur).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 160 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

La Commission a présenté une proposition de règlement concernant les droits des personnes à mobilité réduite lorsqu'elles font des voyages aériens afin de garantir aux personnes handicapées et à mobilité réduite une égalité des chances dans le domaine du transport aérien par rapport au reste de la population.

1.2

La Commission considère les voyages aériens comme l'un des outils permettant l'intégration et la participation active des personnes handicapées à la vie économique et sociale.

1.3

La Commission inscrit cette initiative dans le contexte de ses politiques de non-discrimination, qui se fondent sur le principe général exprimé dans l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En outre, l'article 13 du traité CE permet à la Communauté européenne de combattre toute discrimination fondée notamment sur un handicap.

1.4

Le règlement vise à faire bénéficier tous les citoyens des possibilités offertes par le marché unique des services de transport aérien.

1.5

La proposition de la Commission constitue la première législation visant spécifiquement les personnes handicapées dans le droit communautaire européen, même si elle a des retombées positives pour bon nombre de personnes âgées, ainsi que pour les passagers à mobilité temporairement réduite.

1.6

La proposition, qui vise à empêcher tout traitement inéquitable, est basée sur quelques principes fondamentaux:

les passagers à mobilité réduite ne peuvent se voir refuser le transport, sauf lorsque des raisons de sécurité justifient le refus d'embarquement;

une assistance spécifique doit être apportée gratuitement aux passagers à mobilité réduite;

les passagers à mobilité réduite doivent bénéficier d'un service de qualité tout au long du voyage, depuis un point de départ donné jusqu'à un point d'arrivée donné;

un système d'assistance centralisé;

des sanctions effectives en cas de non-respect du règlement.

1.7

Les engagements volontaires pris ces dernières années par les transporteurs aériens et les aéroports doivent être considérés comme un premier pas encourageant vers la suppression des traitements inéquitables et l'assurance d'une assistance de qualité pour les personnes à mobilité réduite. Ces engagements se sont toutefois avérés insuffisants et il convient de définir des règles et responsabilités précises dans ce domaine clé.

2.   Observations générales

2.1

Le Comité se félicite de l'initiative de la Commission et souscrit pleinement aux principes fondamentaux de la proposition.

2.2

Le règlement contribue clairement à supprimer les obstacles au transport aérien des personnes à mobilité réduite. Il se rattache également au récent règlement communautaire relatif à l'indemnisation et à l'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol (1) qui contribue à renforcer les droits des passagers.

2.3

Par ailleurs, dans ses avis récents (2), le Comité insiste sur la nécessité d'adopter une législation qui va au-delà de l'emploi, qui traite des obstacles rencontrés par les personnes handicapées dans d'autres domaines. La mobilité est un facteur clé de l'intégration sociale des personnes handicapées.

2.4

Le CESE regrette que la législation ne contienne aucune disposition relative à l'accessibilité aux personnes handicapées des infrastructures aéroportuaires, des véhicules utilisés pour le transport des passagers et des avions. Le CESE note que seules de telles dispositions garantiront une égalité des chances dans le domaine du transport aérien. Le Comité invite la Commission européenne à présenter une nouvelle législation garantissant l'accessibilité de tout nouveau matériel de transport et toute nouvelle infrastructure, ainsi que la suppression progressive des obstacles existants.

2.5

Le Comité souscrit au cadre général du règlement et adhère en particulier au principe d'une entité gestionnaire des services unique et centralisée dans les aéroports, ce système constituant le moyen le plus sûr de garantir la responsabilité, ainsi qu'une assistance de qualité et cohérente aux passagers à mobilité réduite.

2.6

Le Comité estime toutefois que certaines dispositions doivent être renforcées afin de réaliser au mieux l'objectif général.

2.7

Le Comité insiste également sur la nécessité de procéder à une consultation étendue des organisations représentatives de la société civile afin de garantir les droits de tous les citoyens, et notamment des personnes à mobilité réduite, dans le secteur du transport aérien. Par ailleurs, en vue de garantir une mise en œuvre optimale du règlement, il est important de veiller à établir un dialogue — notamment sur les normes de sécurité — entre les aéroports, les prestataires de services, les compagnies aériennes et les organisations représentatives des personnes handicapées, y compris des personnes à mobilité réduite au sein du comité des usagers de l'aéroport.

Le Comité adhère pleinement au fait que l'assistance ne sera pas facturée aux personnes handicapées; il désapprouve néanmoins la proposition figurant au 7ème considérant du projet de règlement CE, selon laquelle l'assistance devrait être financée de manière à en répartir la charge équitablement sur tous les passagers. Le Comité réaffirme que la responsabilité de l'assistance doit être répartie entre les transporteurs aériens qui utilisent un aéroport en proportion du nombre de passagers que chacun d'eux transporte au départ et à destination de cet aéroport et que cela ne doit en aucun cas avoir pour conséquence une augmentation des tarifs des transports aériens payés par les passagers.

2.8

Le Comité note que la dérogation au principe général de l'article 3 (interdiction de refuser le transport), prévue à l'article 4, et qui autorise le refus d'embarquement pour raisons de sécurité, doit être clarifiée afin d'empêcher tout refus arbitraire. Il convient de définir au niveau de l'UE un cadre spécifiant et définissant les exigences de sécurité, sous la forme d'une annexe au présent règlement ou d'un règlement d'application. Actuellement, les règles sont définies par les transporteurs ou par la législation et par conséquent, sont très diverses et parfois contradictoires. La proposition de la Commission européenne qui consiste à définir les exigences de sécurité dans la législation nationale ne résoudrait pas cette question. En outre, les informations sur les exigences de sécurité doivent être fournies à l'ensemble des passagers et pas uniquement sur demande.

2.9

De plus, le Comité constate que le règlement n'envisage pas de disposition explicite obligeant la compagnie aérienne à rembourser la personne dont l'embarquement a été refusé ou à la réacheminer sur un autre vol et la prendre en charge, à la manière de la clause qui est prévue dans le règlement relatif à l'indemnisation et à l'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement, d'annulation et de retard important d'un vol.

2.10

Le Comité souligne également le besoin de renforcer les dispositions relatives à l'obligation de fournir une assistance mentionnée à l'article 5. La responsabilité de l'entité gestionnaire de l'aéroport doit être étendue aux passagers en transfert ou en transit dans l'aéroport, à condition que ces derniers aient notifié leur besoin d'assistance 24 heures à l'avance. La formulation actuelle de la proposition («s'efforce») n'est pas satisfaisante. Cependant, il peut être tenu compte de circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté de l'entité gestionnaire.

2.11

Le Comité est d'avis que tous les aéroports européens devraient fixer pour les passagers à mobilité réduite des normes cohérentes et de qualité qui vont plus loin que celles établies à l'annexe 1 du règlement. Le seuil des deux millions de passagers défini dans la proposition actuelle dispenserait bon nombre d'aéroports européens de cette obligation principale. En outre, le Comité estime que pour les petits aéroports accueillant moins d'un million de passagers par an, des normes de qualité (adaptées en fonction de leur taille) doivent également être établies au niveau local, en étroite collaboration avec les organisations représentatives des personnes handicapées, y compris des personnes à mobilité réduite.

2.12

Le Comité souligne également qu'il est nécessaire de prévoir une formation de sensibilisation au handicap pour le personnel concerné afin de garantir une réponse adéquate et de qualité aux besoins des personnes. L'application des nouvelles technologies, telles que les SMS ou pageurs, pourrait également faciliter le transfert des passagers à mobilité réduite (par exemple les personnes malvoyantes et malentendantes).

2.13

Il faudrait envisager l'établissement d'une procédure de notification de l'assistance qui soit simple et gratuite. Cette notification a généralement lieu lors de la réservation des billets et est adressée aux compagnies aériennes. Il est dès lors essentiel qu'un transfert d'informations fiable soit assuré entre les compagnies aériennes et les aéroports afin de garantir des services de la meilleure qualité possible. Lors de la notification du besoin d'assistance, il convient de donner aux passagers un code de confirmation. De plus, en cas de litige, la charge de la preuve concernant l'absence de notification devrait incomber aux transporteurs aériens et/ou à l'organisateur de voyages responsable de la réservation.

2.14

Les procédures de notification doivent également tenir compte des exigences en matière d'accessibilité. D'autres modes de communication (téléphone et internet) doivent être proposés. Les sites web doivent être conformes à l'initiative WAI (3) et la notification par téléphone doit être gratuite.

2.15

Le Comité estime par ailleurs que le texte du règlement devrait se référer à la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Cette référence, destinée à garantir le respect de la vie privée, permettrait de préciser que les informations requises servent uniquement à l'exécution des obligations d'assistance fixées dans le règlement et qu'elles ne seront pas exploitées au préjudice des passagers requérant ces services.

2.16

Le Comité est préoccupé par le fait que la désignation de différents organes nationaux responsables des plaintes risque de compromettre l'efficacité des procédures d'infraction et la possibilité pour les passagers d'y accéder. Le Comité insiste sur la nécessité de désigner un organe facilement accessible qui serait chargé d'enregistrer les plaintes, de suivre la mise en œuvre du règlement et son application. Le Comité estime qu'on pourrait, dans chaque État membre, nommer un organe unique afin de simplifier le système actuellement proposé. Étant donné l'internationalisation du secteur des transports aériens et le nombre grandissant de passagers se déplaçant entre des pays autres que leur pays de résidence, le Comité juge adéquat de créer un organe européen.

2.17

Le Comité juge nécessaire d'octroyer aux personnes à mobilité réduite une indemnisation complète en cas d'endommagement ou de perte de l'équipement facilitant leur mobilité. Les importantes conséquences pour la mobilité, l'autonomie et la sécurité des passagers concernés doivent être dûment prises en compte. Le Comité est également d'avis que la responsabilité de la prise en charge au sol de l'équipement de mobilité doit incomber au transporteur aérien, conformément au cadre international de la responsabilité des transporteurs aériens, conformément à la Convention de Montréal.

2.18

Le Comité souhaite également souligner la nécessité de définir clairement dans le règlement les responsabilités en cas d'accident ou de mauvais traitement des passagers requérant une assistance, que ce soit à l'aéroport ou lors de l'embarquement et ce, conformément à la Convention de Varsovie telle que modifiée par les Conventions de La Haye et de Montréal (4). Le Comité souhaite que soient abordées certaines questions relatives à l'assistance à bord des aéronefs.

2.19

Le Comité préconise de supprimer la proposition visant à limiter la durée du transport des chiens guides à cinq heures, étant donné que cette limitation n'existe pas en pratique. Le règlement devrait également contraindre les transporteurs à informer les passagers des restrictions concernant le transport de l'équipement facilitant la mobilité. Les dispositions relatives à l'accessibilité des informations sur les vols doivent être étendues aux mesures de sécurité.

2.20

Le Comité est également préoccupé par le fait que le règlement ne traite pas de tous les obstacles aux voyages aériens. En particulier, il est essentiel que tous les nouveaux aéroports soient accessibles aux personnes à mobilité réduite et que les aéroports existants éliminent progressivement les entraves à l'égalité d'accès.

2.21

Par ailleurs, le Comité souhaiterait recommander aux transporteurs aériens qui achètent ou affrètent de nouveaux aéronefs le choix d' appareils qui répondent aux normes d'accessibilité.

3.   Conclusion

3.1

Le CESE soutient fermement la proposition mais recommande un certain nombre de modifications détaillées au point 2 afin de garantir une cohérence et une efficacité accrues dans la réponse apportée au besoin d'égalité des chances pour les passagers handicapés et les passagers à mobilité réduite lorsqu'ils font des voyages aériens.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO L 40 du 17.2.2004, p. 1) – Avis CESE JO C 241 du 7.10.2002, p.29.

(2)  Voir l'avis du Comité économique et social européen sur L'intégration des personnes handicapées dans la société (JO C 241 du 7.10.2002, p. 89) et l'avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Égalité des chances pour les personnes handicapées: un plan d'action européenJO C 110 du 30.4.2004, p. 26.

(3)  L'initiative pour l'accessibilité du web (WAI - Web Accessibility Initiative) consiste en des directives reconnues internationalement relatives à l'accessibilité des browsers, outils de création et sites web visant à faciliter l'utilisation du web pour les personnes souffrant d'un handicap (physique, visuel, auditif, cognitif ou neurologique). Pour plus d'informations, consultez le site http://www.w3.org/WAI, ainsi que la communication de la Commission européenne du 25 septembre 2001 sur l'amélioration de l'accessibilité des sites Internet publics.

(4)  Voir l'article 7 qui établit les responsabilités des transporteurs aériens en cas d'accident à bord de l'aéronef ou lors de l'embarquement et du débarquement des passagers.


31.1.2006   

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C 24/15


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'information des passagers du transport aérien sur l'identité du transporteur aérien effectif et la communication des informations de sécurité par les États membres»

[COM(2005) 48 final — 08/2005 (COD)]

(2006/C 24/04)

Le 30 mars 2005, le Conseil, conformément aux dispositions de l'article 80, paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er septembre 2005 (M. McDonogh, rapporteur).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre) le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 161 voix pour et 5 abstentions.

1.   Contexte

1.1

La surveillance de la sécurité est réglementée à l'échelle mondiale dans le cadre de la convention de Chicago de 1944 relative à l'aviation civile internationale et repose sur des normes élaborées par l'Organisation de l'aviation civile internationale, créée par cette convention. Pour l'essentiel, les transporteurs aériens sont contrôlés, notamment en ce qui concerne leur respect des exigences de sécurité, par leur pays d'origine.

1.2

En dehors de l'Union européenne, les niveaux de sécurité dépendent de la manière dont les procédures de surveillance sont appliquées dans les pays tiers. Pour assurer un haut niveau de sécurité aérienne de tous les aéronefs volant à destination, au départ ou à l'intérieur de la Communauté, le Parlement européen et le Conseil ont récemment adopté la directive 2004/36/CE concernant la sécurité des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports communautaires (1), qui instaure un système d'inspection harmonisé des aéronefs des pays tiers qui utilisent des aéroports européens. En outre, cette directive prévoit un échange d'informations entre les États membres ainsi que la possibilité d'étendre à l'ensemble de la Communauté les mesures prises par un État membre à l'encontre d'un aéronef ou d'un exploitant d'un pays tiers qui ne répond pas aux normes de sécurité internationales.

1.3

En résumé, la directive «SAFA» oblige les États membres à mettre en place un mécanisme de collecte d'informations leur permettant d'identifier les exploitants qui présentent un risque potentiel.

1.4

Les accidents de Charm El Cheikh et de l'été 2005 ont montré que des règles rigoureuses sont nécessaires.

1.5

En effet, il convient de rendre les inspections au sol obligatoires, d'obliger les États membres à participer à un plus large échange d'informations et à appliquer des mesures communes arrêtées sur la base des résultats de ces inspections. La Commission devrait établir une liste des compagnies aériennes qui présentent des problèmes de sécurité.

1.6

Il faut en outre effectuer des contrôles aléatoires des simulateurs des équipages de conduite des aéronefs qui entrent dans l'espace aérien européen afin de vérifier s'ils sont compétents pour voler dans un espace aérien saturé.

1.7

Les passagers doivent avoir accès au nom du transporteur au moment de la réservation sur le site Internet d'une compagnie ou auprès d'une agence de voyage et être informés avant le départ des modifications éventuelles (par exemple: affrètement de l'appareil d'une tierce partie). Ils devraient pouvoir être remboursés intégralement s'ils ne sont pas satisfaits.

1.8

Les passagers doivent avoir accès aux informations concernant le type, le modèle et l'âge de l'appareil, et s'ils le souhaitent le pays d'enregistrement.

1.9

Il conviendrait d'insister sur le fait que les équipages doivent disposer de plages de repos adéquates entre les vols.

1.10

Le personnel de cabine devrait obligatoirement maîtriser l'anglais ou une autre langue européenne en fonction du pays de destination afin d'être en mesure de s'occuper des passagers ou de gérer des urgences.

1.11

Les appareils interdits dans un État membre pour des raisons de sécurité devraient également être interdits dans les autres États membres.

2.   Conclusions

Le Comité approuve pour la plus grande part le contenu du document de la Commission, mais ce dernier ne va pas suffisamment loin. Avec l'accroissement du trafic aérien et un espace aérien plus encombré, la sécurité aérienne va devenir un sujet de plus en plus préoccupant dans les années à venir. Par conséquent, la révision du règlement peut s'effectuer sur une période inférieure à cinq ans. Il est également nécessaire de renforcer la sécurité des compagnies aériennes de l'UE, par exemple en ce qui concerne la quantité de bagages à main autorisée en cabine, la maîtrise de l'anglais par les contrôleurs aériens et une définition appropriée des plages de repos pour les équipages etc.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO L 143 du 30.4.2004, p. 76 — Avis du CESE: JO C 241 du 7.10.2002, p. 33.


31.1.2006   

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C 24/16


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil relative à des mesures communautaires de lutte contre l'influenza aviaire» et la «Proposition de décision du Conseil modifiant la décision du Conseil 90/424/CEE relative à certaines dépenses dans le domaine vétérinaire»

[COM(2005) 171 final — 2005/0062 + 0063 CNS]

(2006/C 24/05)

Le 14 juin 2005, le Conseil a décidé, conformément à l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur les propositions susmentionnées.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 septembre 2005 (rapporteur: M. DONNELLY).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 160 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Introduction

1.1

L'influenza aviaire (IA) est une maladie virale hautement contagieuse affectant les volailles, mais qui peut également se transmettre à d'autres espèces animales et parfois à l'homme. Ces derniers mois, la Chine a mené une vaste campagne de vaccination après que des oies sauvages migratrices furent tuées par le virus dans la province du Qinghai, située dans l'Ouest du pays.

1.2

Lors des récentes apparitions de la variante hautement pathogène de la maladie survenues dans plusieurs régions du monde, y compris dans certains États membres de l'UE, plus de 200 millions de volailles sont mortes ou ont été abattues et détruites afin de circonscrire la maladie. Ces mises à mort et destructions massives d'animaux suscitent, notamment chez les citoyens de l'UE, de graves inquiétudes concernant l'éthique, le bien-être des animaux ainsi que les aspects économiques, sociaux et environnementaux.

1.3

La capacité du virus de l'influenza à muter et à s'adapter rapidement constitue une menace particulièrement sérieuse pour la santé humaine et animale. Bien que les connaissances actuellement disponibles indiquent que les risques liés aux virus de l'IA dits «faiblement pathogènes» (IAFP) sont inférieurs à ceux que posent les virus de l'IA dits «hautement pathogènes» (IAHP), ces derniers sont issus de mutations de certains virus de l'IAFP, les types H5 et H7, et provoquent chez les volailles une maladie dont le taux de mortalité peut s'avérer très élevé. Les données disponibles révèlent que les virus de l'IAHP des types H5 et H7 sont responsables de la grande majorité des cas d'influenza aviaire rapportés chez l'humain, et de tous les cas de mortalité humaine causée par des virus de l'influenza aviaire. Bien qu'il soit établi qu'il est possible de transmettre à l'humain le virus du type H9 affectant les porcs ou les volailles, il est difficile d'évaluer la menace effective pour la santé humaine.

1.4

Une apparition incontrôlée de foyers d'influenza aviaire pourrait potentiellement conduire à l'émergence d'un virus totalement adapté aux humains, donnant lieu, à terme, à une pandémie d'influenza avec des effets dévastateurs sur la santé et sur la situation socio-économique à l'échelle planétaire.

2.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

2.1

La première proposition établit qu'il convient d'abroger la directive 92/40/CEE relative à l'influenza aviaire et de la remplacer par une directive actualisant les dispositions en vigueur.

2.2

La proposition comprend une modification de la définition de l'influenza aviaire de manière à ce qu'elle couvre également les virus de l'influenza aviaire faiblement et hautement pathogènes. Les méthodes de lutte contre la maladie, quant à elles, vont toutefois varier en fonction du risque spécifique présenté par chacun des deux virus: IAFP et IAHP.

2.3

La proposition introduit des mesures de surveillance et de lutte obligatoires en ce qui concerne l'influenza aviaire faiblement pathogène. Il est proposé que les États membres soient tenus de soumettre à l'approbation de la Commission leurs plans de surveillance de l'IAFP permettant une détection rapide de la maladie de manière à accélérer la mise en œuvre des mesures de lutte contre celle-ci et à empêcher des mutations des virus de l'IAFP et de l'IAHP.

2.4

Cette proposition prévoit le déclenchement de mesures de lutte contre l'IAFP en cas de détection du virus, parmi lesquelles un abattage limité si le risque est considéré comme mineur. Néanmoins, des mesures de dépeuplement total dans le cadre de la lutte contre l'influenza aviaire ne sont pas exclues si cela s'avère approprié.

2.5

L'introduction de nouvelles dispositions plus souples en matière de vaccination des volailles et d'autres oiseaux est envisagée, notamment le recours à une vaccination «d'urgence» et «préventive».

2.6

Il est proposé d'inclure également dans les dispositions relatives à la lutte contre l'IAFP et l'IAHP les oiseaux domestiques autres que les volailles, tels que ceux détenus dans des zoos. La proposition prévoit toutefois qu'il incombe aux États membres de décider s'il convient de procéder à des vaccinations ou à l'abattage. Leur choix doit s'appuyer sur l'analyse des risques.

2.7

Selon la proposition, les dispositions relatives à la coopération entre les autorités vétérinaires et celles chargées de la santé publique en cas de détection de l'influenza aviaire devraient être considérées comme des mesures de protection de la santé publique.

2.8

Il est proposé d'adopter des dispositions permettant de mettre sur pied un processus de prise de décision rapide par le biais des procédures de comitologie.

2.9

La seconde proposition vise à inclure dans la législation existante les dispositions d'assistance financière communautaire destinées à la mise en œuvre par les États membres des mesures d'éradication de l'IAFP.

2.10

Il est également proposé d'examiner la possibilité d'instaurer une banque de vaccins contre l'influenza aviaire.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE accueille favorablement cette proposition dans la mesure où elle répond largement aux problèmes liés au nombre croissant de foyers de grippe aviaire et à la présence du virus chez les oiseaux sauvages, en tenant compte des expériences acquises dans la gestion des foyers de ces épizooties et des connaissances nouvelles concernant la mutabilité du virus de l'influenza, notamment celui de l'IAFP.

3.2

Le Comité est également tout à fait conscient du risque potentiel que représenterait l'influenza aviaire pour la santé publique et animale en l'absence de nouvelles dispositions de lutte contre cette maladie.

3.3

Le CESE considère la nouvelle définition de l'influenza aviaire et les exigences en matière de surveillance et de lutte contre la souche faiblement pathogène du virus responsable de la maladie comme un grand pas vers la victoire contre ce dernier et contre ses effets négatifs potentiels.

3.4

Le CESE comprend la réaction négative de la population à l'égard d'une politique visant à procéder à un abattage massif d'oiseaux comme unique moyen de lutte contre cette maladie.

3.5

Le CESE reconnaît les connaissances acquises en matière de vaccination et se félicite de l'introduction d'une politique de vaccination d'urgence et préventive comme outil complémentaire dans la lutte contre ladite maladie.

3.6

Le CESE accueille favorablement la proposition concernant l'instauration d'une notification obligatoire relative à l'influenza aviaire à destination des autorités chargées de la santé publique.

4.   Observations spécifiques

4.1

Le CESE reconnaît les risques potentiels dans le domaine de la santé animale, notamment en raison d'une redéfinition des frontières de l'UE suite à l'élargissement; le Comité recommande par conséquent à la Commission de prévoir des ressources suffisantes pour l'inspection et la vérification de la mise en œuvre et de la transposition des directives concernées.

4.2

Le CESE reconnaît le caractère international de l'influenza aviaire et demande à la Commission de réclamer une application uniforme des mesures de contrôle au niveau mondial dans le cadre de la lutte contre cette maladie.

4.3

Même si le CESE approuve l'enveloppe financière et l'aide de l'UE en cas de recours au dépeuplement comme moyen de lutter contre l'IAFP, il propose que le montant des compensations soit revu à la hausse, passant de 30 à 50 %.

5.   Conclusions

5.1

Le CESE se prononce en faveur de la proposition de la Commission, car celle-ci permet de protéger la santé humaine et animale contre le virus de l'influenza aviaire caractérisé par sa capacité de muter et de s'adapter rapidement.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


31.1.2006   

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C 24/18


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 2075/92 portant organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut»

[COM(2005) 235 final — 2005/0105 (CNS)]

(2006/C 24/06)

Le 14 juin 2005, le Conseil a décidé, conformément à l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement» chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 septembre 2005 (rapporteur unique: M. FAKAS).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour, 3 voix contre et 14 abstentions.

1.   Introduction

Dans ses titres I et II, le règlement (CEE) no 2075/92 portant organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut prévoit respectivement un régime de prime et de quotas de production. Ce dispositif de soutien sera appliqué pour la dernière fois à la production de 2005.

Adopté en avril 2004, le deuxième train de mesures de la réforme de la PAC, concernant les produits méditerranéens, dispose que le régime de prime et de quotas est supprimé à partir de la récolte 2006.

De même, il n'est pas nécessaire de maintenir la disposition relative au programme de rachat de quotas en ce qui concerne la production de 2005. En conséquence, un certain nombre d'articles et l'annexe du règlement (CEE) no 2075/92 deviendront obsolètes et doivent être supprimés pour des raisons de clarté juridique et de transparence.

Le 3 juin 2005, la Commission a dès lors soumis au Conseil une proposition de règlement modifiant le règlement (CEE) no 2075/92 à la suite de la réforme arrêtée en 2004 (1) dans le secteur du tabac.

2.   Observations

2.1

Le CESE estime que la proposition de la Commission représente la suite logique de la réforme du secteur du tabac décidée en avril 2004, qui prévoit l'abandon du système de primes et de quotas de production, ainsi que l'instauration du nouveau régime d'aide découplée.

2.2

Pour des raisons de simplification après la réforme de 2004 et vu les discussions menées au sein du Comité de gestion des aides directes, le Comité est d'avis qu'il serait plus utile et plus commode que la Commission soumette une proposition de version consolidée du règlement (CEE) no 2075/92 plutôt que de proposer d'en modifier ou supprimer certains articles.

2.3

De l'avis du CESE, la proposition revêt un caractère formel; présentée pour des raisons de clarté juridique et de transparence et orientée dans la bonne direction, elle peut recevoir son approbation.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Règlement (CE) no 864/2004 (JO L 161 du 30.4.2004, p. 48).


31.1.2006   

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C 24/19


Avis du Comité économique et sociale européen sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 3317/94 en ce qui concerne la transmission des demandes de licences de pêche aux pays tiers»

[COM(2005) 238 final — 2005/0110 (CNS)]

(2006/C 24/07)

Le 16 juin 2005, le Conseil a décidé, conformément à l'article 37 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 7 septembre 2005 (rapporteur: M. SARRÓ IPARRAGUIRRE).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 162 voix pour, 2 voix contre et 6 abstentions.

1.

Les accords de pêche communautaires sont renouvelés avec les pays tiers, moyennant la négociation d'un nouveau protocole, en temps utile pour qu'il n'y ait pas d'interruption des activités de pêche de la flotte communautaire.

2.

À la fin du processus de négociation pour le renouvellement d'un protocole à un accord de pêche, la CE et le pays tiers concerné paraphent le texte du protocole et son annexe ainsi qu'un échange de lettres portant sur l'application provisoire du nouveau protocole à une date fixée, dans la plupart des cas, au lendemain de la date d'expiration du protocole précédent.

3.

Une fois ces documents paraphés, les services de la Commission entament une procédure sous forme de proposition formelle transmise au Conseil pour adoption.

4.

Cette procédure comporte deux volets:

un règlement du Conseil (règlement) avec avis du Parlement européen;

une décision du Conseil (décision) fixant:

la répartition des possibilités de pêche entre les États membres;

l'approbation de l'échange de lettres sur l'application provisoire du nouveau protocole.

5.

Cette procédure que vient clore l'adoption au Conseil de la proposition formelle transmise par la Commission peut durer plusieurs mois. Il peut s'avérer que l'acte du Conseil intervienne plusieurs mois après la date d'application provisoire prévue dans l'échange de lettres, du fait que la date de fin des négociations dépend du pays tiers.

6.

Dans ce cas, un certain laps de temps s'écoule entre la date d'application provisoire et l'acte du Conseil, durant lequel les possibilités de pêche prévues dans le nouveau protocole ne peuvent pas être exploitées.

7.

Les procédures et modalités d'application que doivent suivre la Commission et l'État membre du navire de pêche communautaire pour gérer les activités des navires communautaires dans le cadre d'accords de pêche et pour traiter les licences de pêche accordées par le pays tiers sont établies dans le règlement (CE) no 3317/94 du Conseil du 22 décembre 1994 (1).

8.

La nouvelle proposition de règlement envisage l'ajout d'un alinéa à l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) no 3317/94, aux termes duquel la Commission pourrait traiter sans délai les licences de pêche provenant des États membres et les transmettre au pays tiers, sans devoir attendre que le Conseil adopte l'acte relatif à l'application provisoire du nouveau protocole.

9.

Considérant qu'il est extrêmement important d'éviter toute suspension des activités de pêche, que la présente proposition permet de conserver la clé de répartition des licences de pêche figurant dans le précédent protocole tout en maintenant le principe de stabilité relative et que ce traitement s'effectue sans préjudice des dispositions qui pourraient être adoptées ultérieurement par le Conseil, le CESE marque son accord sur la proposition de règlement présentée par la Commission.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO L 350 du 31.12.1994.


31.1.2006   

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C 24/20


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert sur le droit applicable et la compétence en matière de divorce»

[COM(2005) 82 final]

(2006/C 24/08)

Le 14 mars 2005, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur «Le Livre vert sur le droit applicable et la compétence en matière de divorce»

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 septembre 2005 (rapporteur: M. RETUREAU).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 4 voix contre et 8 abstentions.

1.   Présentation commentée de la proposition de la Commission

1.1

La Commission a publié un Livre vert ouvrant une consultation sur la compétence, les conflits de loi et la reconnaissance mutuelle en matière de divorce international; le champ d'application proposé se limiterait cependant aux pays membres de l'Union (il faut noter que le Livre vert sur les testaments et successions propose une approche incluant les personnes et les biens également dans les pays tiers).

1.2

Plusieurs références internationales concernent directement ou indirectement la matière:

les Pacte des Nations Unies de 1966 et les conventions européennes relatives aux droits de l'homme qui proclament la liberté du mariage et la nécessité d'un consentement libre et non vicié au mariage, à peine d'invalidité,

la Convention de La Haye de 1970 sur la compétence juridictionnelle, les critères de compétence et la reconnaissance mutuelle des décisions en matière de divorce et de séparation de corps, à laquelle sont parties les pays membres suivants: Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg,

le règlement «Bruxelles II» no 2201(2003) sur la compétence et la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires dans l'Union européenne en matière matrimoniale et de responsabilité parentale, qui ne s'applique pas au Danemark, et se substitue à la Convention de La Haye précitée entre tous les pays membres de l'Union européenne, Danemark excepté,

les conventions entre le Vatican et respectivement le Portugal, l'Espagne, Malte et l'Italie sur le mariage canonique et sa dissolution et la reconnaissance des décisions des tribunaux du Vatican (compétence de la Sainte-Rote en matière d'annulation du mariage canonique — en principe indissoluble — pour des motifs admis par le droit canonique), (1)

les conventions bilatérales, en particulier celle entre la Finlande et la Suède qui restera d'application entre ces deux pays. Certains pays membres ont aussi passé des accords avec des pays tiers sur le droit applicable en matière familiale, notamment pour la reconnaissance du mariage et du divorce étrangers,

les protocoles «opt in» et «opt out» annexés aux traités qui excluent le Danemark et offrent l'option au Royaume Uni et à l'Irlande de décider s'ils désirent ou non être liés par une législation relative au droit civil.

1.3

Il serait vain de nier la complexité d'une question qui se rattache à des particularismes spécifiques à différentes religions et cultures, qui sont à la fois fortement ancrés dans les consciences collectives mais qui dans le même temps connaissent, comme tout le droit de la famille, des évolutions profondes depuis plusieurs décennies. Cependant, le législateur européen ne peut ignorer, au sein de l'espace européen de droit et de liberté et compte tenu de la libre circulation des personnes, le fait qu'un nombre important de mariages s'achèvent par un divorce, et qu'un nombre croissant d'entre eux ont un caractère international.

1.4

L'évolution contemporaine des droits nationaux de la famille s'appuie principalement sur les notions de démocratie (pouvoir des assemblées de faire le droit), et sur celles de liberté des individus et d'égalité des personnes, qui sont d'ordre public tant au niveau communautaire qu'au niveau de chacun des pays membres. On relève ainsi une tendance à la contractualisation dans le droit de la famille (mariage ou contrat civil entre personnes de même sexe, divorce par consentement mutuel, contrats sur successions, …).

1.5

Elle semble irréversible, quoique se matérialisant à des rythmes différents. La prégnance culturelle de conceptions religieuses plus ou moins profondément ancrées paraît jouer un rôle dans la rapidité et le contenu de changements qui peuvent entrer en conflit avec des conceptions et des règles prenant racine dans de longues traditions, ainsi qu'avec les conceptions et notions juridiques et sociales qui les reflétaient.

1.6

Le droit national des pays membres présente en tout état de cause une grande diversité en ce qui concerne le droit du divorce et de la séparation de corps ou les conditions et effets de l'annulation du mariage; un pays membre ne reconnaît pas le divorce (Malte). Le Livre vert propose en conséquence (sagement) de ne pas choisir la voie de l'harmonisation du droit substantiel.

1.7

Il suggère de légiférer éventuellement dans deux directions en ce qui concerne les divorces présentant une composante internationale (européenne):

la compétence juridictionnelle (détermination du for compétent et reconnaissance de ses décisions dans tous les pays membres),

la détermination du droit applicable par le tribunal compétent.

1.8

Les dispositions du règlement Bruxelles II concernant la détermination de la juridiction nationale compétente et la reconnaissance mutuelle des décisions de justice sans procédure d'exequatur sont déjà applicables en matière de divorce; la question se pose de savoir si elles suffisent ou non en l'état et dans quelle mesure un pays pourrait ou non opposer des dispositions de son ordre public interne à l'exécution d'un jugement du tribunal compétent d'un autre pays membre appliquant un droit matériel différent au cas d'espèce (et pas nécessairement son droit national ordinaire ).

1.9

Un problème majeur est posé par les divergences profondes existant entre les règles internes de recevabilité d'une demande de divorce à composante internationale; il est possible dans certains cas que la demande de divorce ne puisse être accueillie par aucun tribunal d'un pays membre. Une telle situation prive les parties de leur droit d'accès à une juridiction, ce qui est contraire à un droit fondamental et est donc inacceptable.

1.10

Il conviendrait de prévoir une règle d'attribution de compétence pour éviter ce déni du droit d'accès au juge; mais quelle en serait la forme ?

1.11

En ce qui concerne le droit applicable, il facilite parfois la procédure de divorce ou peut la rendre longue, complexe, voire restrictive quant aux motifs ou conditions pouvant être invoqués. Si le droit du for était seul applicable, il pourrait en résulter une «course à la juridiction», si le premier demandeur pouvait choisir le tribunal et le droit national le plus favorable envers sa demande; mais l'autre partie pourrait s'en estimer lésée, car ce droit ne répond pas nécessairement à son attente s'il n'a, par exemple, pas ou peu de liens avec le droit du mariage et la nationalité des époux.

1.12

Faut-il alors permettre le renvoi devant une autre juridiction compétente, s'il est allégué par la partie défenderesse l'existence de liens de rattachement plus forts ou aussi valables avec un autre for, ou si la première juridiction saisie et les normes substantielles qu'elle applique à une telle demande n'avaient que peu ou pas de liens objectifs de rattachement?

1.13

Cette possibilité de renvoi devrait être admise (mais il convient d'éviter un «ping-pong» entre diverses juridictions) et jugée dans des délais suffisamment brefs (procédure d'urgence) pour éviter des manœuvres tendant à faire repousser l'examen au fond. Les parties ont en effet le droit à un jugement définitif dans des délais raisonnables, y compris en cas de divorce conflictuel.

1.14

En ce qui concerne le droit applicable par la juridiction nationale, celle-ci applique selon le cas son droit commun interne ou des règles nationales de droit international privé. La question (non abordée par le Livre vert) de l'application de règles d'un pays tiers (droit personnel des conjoints, par exemple) est cependant importante si l'un des conjoints ou les deux possèdent la nationalité d'un pays tiers, ce qui est assez courant en Europe.

1.15

Le Comité approuve les orientations de travail proposées par le Livre vert, et suggère d'éviter toute procédure de renvoi vers un pays tiers lorsqu'un des conjoints est de nationalité européenne, quelle que soit la loi du mariage.

1.16

Outre la reconnaissance du divorce, la question de la reconnaissance de l'annulation du mariage et de la séparation de corps devrait aussi être considérée. Les droits nationaux diffèrent en ce qui concerne les conditions et effets de l'annulation (notamment le problème du mariage putatif). Par ailleurs, même si son droit national ne prévoyait pas le divorce, tout pays membre doit reconnaître sur son territoire non seulement la validité d'un divorce obtenu dans un autre pays membre mais aussi l'ensemble de ses effets juridiques, patrimoniaux et sur l'état des personnes.

1.17

Les critères de compétence de la convention de La Haye sont, par ordre d'importance: la résidence habituelle (domicile en common law) du demandeur, ou au moins un an de résidence continue dans le pays où la demande est soumise au tribunal (2), le dernier domicile commun des époux avant la demande, la nationalité des deux époux ou d'au moins l'un(e) d'entre eux.

1.18

Le règlement 2201(2003) prévoit (huitième considérant) que «en ce qui concerne les décisions de divorce, de séparation de corps ou d'annulation du mariage, le présent règlement ne devrait s'appliquer qu'à la dissolution du lien matrimonial et ne devrait pas concerner des questions telles que les causes du divorce, les effets patrimoniaux du mariage ou autres mesures accessoires éventuelles» (néanmoins, il faut convenir que les conséquences économiques et autres du divorce pourront différer selon le for compétent ou la loi applicable, et que les époux pourront en tenir compte quand ils choisiront un tribunal).

1.19

En outre, les décisions définitives des juridictions nationales devraient être automatiquement reconnues dans l'ensemble de l'Union, sans autre procédure de validation ni invocation de motifs d'inexécution (3). Le certificat délivré en vue de l'exécution ne devrait alors être susceptible d'aucun recours.

1.20

La compétence générale est celle du territoire (pays membre ou subdivision juridique du pays membre dans le cas du Royaume-Uni où des droits différents s'appliquent pour l'Angleterre et le pays de Galles, l'Écosse, l'Irlande du Nord et Gibraltar). Aux critères de La Haye et pratiquement dans le même ordre, le règlement ajoute: la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux en cas de demande conjointe. En matière de nationalité, elle doit être la même pour les deux époux si la demande est introduite dans le pays d'origine quelle que soit la résidence ou le domicile effectifs de chacun. Le délai de résidence du demandeur est réduit à six mois s'il a la nationalité du pays de résidence.

1.21

L'article 7(2) sur les compétences résiduelles permet à l'époux ayant la nationalité d'un pays membre de présenter sa demande dans le pays membre de sa résidence et selon les règles de compétence applicables dans cet état si le conjoint a la nationalité d'un pays tiers ou n'a pas sa résidence (ou son «domicile» au sens de la «common law») dans un pays membre. Mais un problème de conflit positif de compétences avec une juridiction saisie par l'autre époux dans un pays tiers pourrait se poser. En outre, si aucune juridiction d'un état membre n'était compétente, mais que celle d'un état tiers l'était, et que l'un des ex-conjoints ou les deux étaient ressortissants d'un pays membre ou venaient à y établir leur résidence habituelle et voulaient faire reconnaître le jugement étranger par tous les pays membres ou à tout le moins dans leurs pays respectifs de nationalité ou de résidence, ils seraient soumis dans ces derniers au droit applicable aux jugements étrangers ou aux dispositions de reconnaissance mutuelle d'éventuels accords internationaux; faut-il revoir Bruxelles II sur ce point pour les ressortissants d'un pays membre?

1.22

Les critères d'attribution de compétence sont donc plus nombreux et plus explicites dans le règlement communautaire considéré par rapport aux dispositions de la convention de La Haye, et les premiers devraient servir de base pour les critères à retenir dans un règlement spécifique au divorce (par exemple renvoi à ces dispositions, ainsi qu'à celles sur la reconnaissance mutuelle des décisions).

1.23

Mais ni la convention de La Haye ni le règlement «Bruxelles II» précité ne contiennent de dispositions sur la loi applicable au divorce, et le règlement limite son champ d'application au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation proprement dits, sans s'appliquer aux causes ni aux conséquences de la dissolution du mariage; ces questions sont renvoyées au droit national applicable.

1.24

Il faut noter, à titre d'exemple, qu'environ 15 % des demandes de divorce, de séparation de corps ou d'annulation du mariage en Allemagne ont une composante internationale. Le nombre de divorces, dans les divers pays membres, et qui présentent en outre une composante européenne, n'est pas connu.

2.   Éléments complémentaires et suggestions du Comité

2.1

Les règles de conflits de lois sont actuellement les règles nationales du pays membre où se trouve le tribunal saisi; il peut en résulter des solutions très différentes d'un pays à l'autre quant au droit applicable pour une même situation selon le pays ou la demande est introduite.

2.2

Le Livre vert donne une série d'exemples bien choisis à ce propos, tant sur la compétence — qui peut provoquer un conflit négatif et aboutir à un déni de droit — que sur la diversité des solutions. La solution pourrait alors ne pas correspondre aux attentes de l'un des conjoints, sinon des deux. Il en résulte en tout état de cause une certaine insécurité et un manque de prévisibilité juridiques dans certains cas et un risque de «forum shopping» et de «course à la juridiction» due à la règle de litispendance du règlement Bruxelles II (la première juridiction saisie est compétente si un critère de rattachement existe).

2.3

Le problème se pose en particulier lorsque les conjoints n'ont ni nationalité ni résidence communes, ou si, ayant la même nationalité, ils résident dans d'autres pays que celui de leur nationalité.

2.4

Dans de telles situations, le Comité partage l'opinion qu'une certaine latitude devrait être laissée aux parties pour choisir le droit applicable ou pour la partie défenderesse d'invoquer ses attentes en matière de droit applicable ou de demander le renvoi devant une autre juridiction avec laquelle le mariage aurait le plus de liens objectifs. Dans des circonstances où le demandeur invoque une juridiction et la loi nationale ordinaire qu'elle applique, et où le défendeur invoque pour sa part une autre juridiction compétente ou une autre loi applicable, la décision préalable relative à la juridiction ou à la loi compétente devrait relever de la Cour de première instance saisie en premier lieu par le demandeur, et faire l'objet d'une procédure d'urgence.

2.5

Si le seul critère de rattachement était la nationalité d'une des parties, le règlement oblige de recourir à la compétence du tribunal de leur résidence habituelle, où le droit applicable pourrait ne pas correspondre à leur attente conjointe (par exemple, souhait d'appliquer le droit du pays avec lequel le mariage a des liens plus étroits).

2.6

L'autonomie de la volonté des parties devrait alors pouvoir jouer un rôle, plutôt que de se contenter d'une application mécanique des critères de rattachement. Permettre par exemple le choix entre la loi de la nationalité et la loi du for, mais sans possibilité de renvoi.

2.7

En matière d'annulation canonique par un tribunal ecclésiastique, certains pays membres ont déclaré soumettre de telles décisions pour reconnaissance à leurs tribunaux civils, en vertu d'un concordat ou d'une convention conclue avec le Saint-Siège (Italie, Portugal, Espagne, Malte (4)); l'annulation canonique pourrait poser des problèmes de conflit avec les droits internes d'autres pays membres en raison du fait qu'ils ne reconnaissent pas le motif canonique d'annulation, ou pour un motif de procédure (5).

2.8

En cas de conflit de fond ou de procédure avec son ordre public interne ou avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'État saisi devrait refuser l'exequatur ou la reconnaissance de la décision ecclésiastique. Une procédure civile normale pour annulation, séparation ou divorce devrait alors pouvoir être engagée par la partie demanderesse. Sinon, les requérants n'auraient plus comme solution que de recourir à la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg, ce qui pourrait allonger indûment la durée de la procédure.

2.9

Même si le nombre de cas de conflit négatif de compétences peut s'avérer relativement réduit, le Comité estime qu'une initiative communautaire se justifie dans la mesure où une telle situation aboutit à la violation d'un droit fondamental, celui d'avoir accès à un juge compétent pour le prononcé et le règlement du divorce, de la séparation de corps ou de l'annulation.

2.10

Cela devrait donc conduire à admettre une harmonisation des règles de conflits de loi et de compétence pour éviter un tel déni de droit.

2.11

Mais ces règles harmonisées devraient comprendre une réserve d'ordre public en matière de reconnaissance ou d'exequatur de la décision présentant un aspect européen et prononcée dans un pays tiers si cette décision remettait en cause un droit fondamental reconnu en Europe pour l'une des parties ou d'autres dispositions impératives d'ordre public interne que le juge est tenu d'évoquer d'office.

2.12

Le droit communautaire ne devrait en outre accepter aucune reconnaissance obligatoire par tous les pays membres d'un jugement de divorce, d'annulation ou de séparation de corps prononcé dans un pays tiers et concernant des résidents dans l'Union n'ayant pas de nationalité d'un pays membre sans procédure préalable d'exequatur, quand un autre pays membre aurait préalablement reconnu un tel jugement en vertu d'un accord bilatéral conclu avec ledit pays tiers (6).

2.13

Le Comité estime que la prorogation de compétence devrait être admise en cas de recours conjoint, pourvu qu'un critère de rattachement existe avec le for élu. Un acte authentique (notarié…) pourrait être requis pour la demande conjointe de prorogation.

2.14

Le Comité considère que les conséquences effectives du divorce, en matière de droits parentaux et de garde des enfants mineurs et en matière patrimoniale devraient faire l'objet d'une étude comparative par pays; ces éléments ne sont pas à négliger lorsqu'on évoque une éventuelle «ruée vers un tribunal». En tout état de cause, il paraît difficile de traiter la question du divorce en faisant totalement abstraction de ses conséquences familiales et patrimoniales, parfois différentes d'un pays à l'autre selon le droit applicable ou la jurisprudence courante des juridictions nationales (par exemple en matière de garde et d'autorité parentale), comme le fait le livre vert.

2.15

Les États membres devraient être invités, s'ils ne l'ont déjà fait, à considérer toutes leurs possibilités d'introduire les modes alternatifs de résolution des conflits, comme la médiation (7), en matière de divorce, séparation ou annulation à composante européenne. Cela faciliterait l'accès à la justice et la réduction de la durée des procédures pour les justiciables.

2.16

Le Comité reste ouvert sur une question importante pour les citoyens et leur mobilité; il suivra le résultat des consultations engagées par la Commission ainsi que les propositions plus précises de réglementation qui pourront être proposées par la suite; un aménagement du Nouveau Règlement Bruxelles II ou un Règlement spécifique au divorce peuvent être envisagés. Le Comité souhaite par ailleurs savoir plus précisément quels sont par pays le nombre de cas de demandes de divorce à composante communautaire, le nombre de cas de conflits négatifs de compétences et autres informations pertinentes. Il pourra ainsi examiner plus concrètement les problèmes dans l'éventualité d'une future proposition à portée législative en matière de compétence et de loi applicable au divorce.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Il faut noter que les Cortes espagnoles ont été saisies en décembre 2004 d'un projet de loi modifiant le droit national applicable au mariage et au divorce. Fortement contesté par l'Église; le mariage entre conjoints de même sexe a été récemment adopté dans ce pays (il existe déjà dans plusieurs pays membres de l'Union). En France, un contrat civil peut être passé entre deux personnes ne pouvant se marier légalement, le PACS, pacte civil de solidarité, enregistré par un juge, et qui constitue une sorte de substitut au mariage. Institution et/ou contrat, le mariage ou le quasi-mariage restent limités à deux personnes ayant l'âge légal, et la prohibition de l'inceste subsiste ; il faut se demander si la rupture d'un pacte civil comme le PACS français devrait être inclus dans le projet législatif relatif au divorce suggéré par le livre vert, ou s'il devrait simplement relever du droit des obligations contractuelles.

(2)  Dans certains pays membres, un délai de résidence continue de six mois est suffisant.

(3)  Sauf invocation de la réserve éventuelle d'ordre public, qui devrait être d'interprétation stricte.

(4)  La Pologne n'a pas fait état de son concordat avec le Vatican.

(5)  Voir Cour européenne des droits de l'homme, Strasbourg, affaire 30882/96, arrêt du 26/7/2001«Pellegrini c. Italie»; annulation du jugement italien ayant accueilli la décision de nullité du mariage prononcée en appel par le tribunal de la Rote, en raison d'une violation des droits de la défense par celui-ci.

(6)  Même si cela va sans dire, s'agissant d'un règlement applicable aux décisions judiciaires originaires d'un pays membre, cela va encore mieux en le précisant, pour éviter tout problème éventuel d'interprétation.

(7)  Livre vert COM(2202)196 sur les modes alternatifs de résolution des conflits en matière civile et commerciale.


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/25


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et le règlement (CEE) no 574/72 du Conseil fixant les modalités d'application du règlement (CEE) no 1408/71»

[COM(2004) 830 final — 2004/0284 (COD)]

(2006/C 24/09)

Le 14 janvier 2005, le Conseil, conformément à l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 5 septembre 2005 (rapporteur: M. RODRÍGUEZ GARCÍA-CARO).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 171 voix pour, 0 voix contre et 4 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Depuis leur approbation, les règlements (CEE) no 1408/71 et (CEE) no 574/72 relatifs à l'application des régimes de sécurités sociale aux travailleurs se déplaçant au sein de l'Union européenne et aux membres de leur famille ont subi plusieurs modifications afin de tenir compte de l'évolution de ces régimes et des prestations y relatives.

1.2

Il s'agit essentiellement de mettre à jour les règlements compte tenu des modifications apportées à la législation des États membres et des différents arrêts de la Cour de Justice. Dans ce sens, la proposition de règlement soumise au Comité entend avant tout refléter les modifications apportées à la législation des nouveaux États membres, et parachever la simplification des procédures relatives aux soins médicaux reçus à l'étranger en étendant certaines de ces modifications aux procédures applicables aux prestations d'accident du travail et de maladie professionnelle.

1.3

Ces deux règlements ont été modifiés pour la dernière fois par le règlement (CE) no 631/2004 (1), qui introduit les modifications susmentionnées en ce qui concerne les procédures d'accès aux soins médicaux dans un autre État membre. Concernant la proposition de règlement, le Comité a déjà exprimé son avis (2).

1.4

Toutefois, la principale modification introduite dans le cadre des efforts de coordination des systèmes de sécurité sociale des États membres provient du règlement (CE) no 883/2004 (3) du Parlement européen et du Conseil qui, après 6 ans de négociations au sein des institutions de l'Union, a été approuvé et publié au Journal officiel de l'Union européenne. L'entrée en vigueur de ce règlement, qui remplace le règlement (CEE) no 1408/71, dépend de l'approbation de son règlement d'application, qui remplacera à son tour l'actuel règlement (CEE) no 574/72.

Concernant le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale, le CESE a émis un avis (4) sur la proposition présentée par la Commission.

2.   Contenu de la proposition

2.1

La proposition présente les modifications apportées au règlement (CEE) no 1408/71 et au règlement (CEE) no 574/72, qui fixe les modalités d'application du premier. Il n'y a pas de lien entre les modifications apportées à ces deux règlements dans la mesure où elles se fondent sur des aspects juridiques différents (voir paragraphe 1.2 du présent avis).

2.1.1

En ce qui concerne le règlement (CEE) no 1408/71, plusieurs modifications sont apportées aux annexes qui l'accompagnent. Celles-ci concernent des cas particuliers dans les différents États membres qui, pour produire les effets escomptés vis-à-vis des citoyens, doivent être mentionnés de façon expresse dans les annexes.

2.1.2

En ce qui concerne le règlement (CEE) no 574/72, les modifications visent à simplifier le texte à et réduire les démarches administratives en vigueur actuellement en cas de soins médicaux reçus à l'étranger ou en cas de maladie professionnelle dans un autre État membre, conformément aux règles de simplification des procédures générales applicables en cas de soins médicaux, introduites par le règlement (CE) no 631/2004.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité accueille favorablement le contenu de la proposition, estimant que le document de la Commission poursuit les efforts d'amélioration et de simplification des procédures visant une meilleure coordination des régimes de sécurité sociale au sein de l'Union européenne. Toute modification favorable aux citoyens de l'Union et visant à faciliter leurs rapports avec les administrations publiques des États membres sera toujours accueillie favorablement par le Comité.

3.2

Ainsi, le Comité se félicite de la proposition de règlement dans la mesure où elle contribue expressément à l'une des quatre libertés qui constituent le fondement de l'Union européenne depuis ses débuts, à savoir la libre circulation des travailleurs et, par extension, la libre circulation des personnes concernées par le règlement en question. Dès lors, le Comité se doit d'exprimer à nouveau son souhait que les différentes instances de l'Union et des États membres s'efforcent de supprimer toutes les barrières existantes afin de créer un véritable espace de liberté de circulation des personnes à l'intérieur de l'Union et d'instaurer un authentique droit social. Dans ce sens, le Comité se félicite du contenu de la proposition, qui apporte un nouvel élément et contribue ainsi à consolider ce droit des citoyens.

3.3

La procédure de codécision, de par sa durée, peut impliquer d'importants changements dans le contenu des propositions. Dans un précédent avis relatif à une proposition de modification partielle des deux règlements (5), le Comité a exprimé son opinion sur la nécessité de participer et de donner son avis en temps réel, essentiellement lorsqu'il s'agit de propositions visant à modifier la réglementation socioprofessionnelle. Cette opinion a été confirmée dans un autre avis ultérieur du CESE (6), qui évoquait la possibilité pour le Comité de s'exprimer sur l'ensemble des modifications qui seront apportées aux textes au cours de la procédure de décision. Par conséquent, nous rappelons la nécessité de prendre en considération le rôle du CESE dans ce type de procédures.

3.4

La situation décrite au paragraphe 3.3 apparaît encore plus clairement avec l'approbation et la publication du règlement (CE) no 883/2004 (7) sur la coordination des régimes de sécurité sociale. Dans un précédent avis (8), le Comité s'est exprimé sur la nécessité de procéder au suivi de la proposition étant donné sa complexité et les nombreuses modifications qui allaient immanquablement être apportées tout au long du processus d'approbation. Quatre années après la rédaction de cet avis, le règlement en question a été adopté sans que le CESE se soit prononcé à nouveau sur le texte.

Étant donné l'importance de ce type de réglementation et qu'il est primordial que l'opinion du CESE soit entendue au moment le plus opportun, le Comité demande que la procédure de consultation soit adaptée afin de rendre plus efficace l'action du Comité en tant que représentant de la société civile organisée durant le processus législatif communautaire.

De même et afin de donner sens à l'opinion exprimée par le Comité dans l'avis susmentionné, le Comité juge nécessaire l'élaboration d'un avis d'initiative sur le nouveau règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des régimes de sécurité sociale, qui remplacera l'actuel règlement (CEE) no 1408/71.

3.5

De même, le Comité estime que le rôle consultatif du Comité consultatif sur la sécurité sociale des travailleurs migrants, instauré en vertu du Titre V du règlement (CEE) no 1408/71, soit assumé de façon consciencieuse et conformément aux dispositions du règlement précité. Ce Comité, constitué essentiellement de représentants syndicaux et patronaux, est la plate-forme où les acteurs économiques et sociaux peuvent transmettre directement leur opinion aux Institutions, sous forme d'avis ou de propositions, en ce qui concerne les modifications à introduire en matière de sécurité sociale au niveau communautaire.

3.6

L'article 90 du règlement (CE) no 883/2004 concerne l'abrogation, sauf dans certains cas précis, du règlement (CEE) no 1408/71, tandis que l'article 91 stipule que le règlement entrera en vigueur vingt jours après sa publication. Toutefois, le deuxième paragraphe de cet article précise que le règlement sera applicable à partir de la date d'entrée en vigueur du règlement d'application.

Dans ce sens, et avant le lancement, en 2006, de l'année européenne de la mobilité des travailleurs, le Comité invite les institutions de l'Union et les États membres à lancer le plus rapidement et le plus efficacement possible le processus d'élaboration et d'approbation du futur règlement d'application de sorte que le nouveau règlement de coordination puisse entrer en vigueur dès que possible et remplacer ainsi les dispositions complexes qui constituent l'actuel règlement (CEE) no 1408/71.

4.   Observations particulières

4.1

Règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.

4.1.1

L'article premier de la proposition modifie les annexes I, II, II bis, III, IV et VI du règlement.

4.1.2

Afin d'adapter le texte aux changements apportés à la législation slovaque, le titre II de l'annexe I relatif au champ d'application personnel du règlement en ce qui concerne la signification du terme «membre de la famille» est modifié.

4.1.3

En raison des changements intervenus dans la législation française, le titre I de l'annexe II relatif aux régimes spéciaux applicables aux travailleurs indépendants exclus du champ d'application du règlement est modifié.

4.1.4

En conséquence des changements apportés aux législations estonienne, lettone, luxembourgeoise et polonaise, le titre II de l'annexe II concernant les allocations spéciales de naissance ou d'adoption exclues du champ d'application du règlement est modifié. Cette annexe est également modifiée en ce qui concerne le Luxembourg en raison d'un arrêt de la Cour de Justice qui considère que l'allocation spéciale de naissance ou d'adoption ne peut être exclue du règlement et constitue une prestation familiale exportable.

4.1.5

En raison d'une série de mises à jours et d'ajustements des législations allemande, slovaque, lettone et polonaise, l'annexe II bis du règlement relative aux prestations spéciales à caractère non contributif est modifiée.

4.1.6

Afin de supprimer les points inutiles et, par conséquent, de simplifier le document, la partie A de l'annexe III relative aux dispositions de conventions de sécurité sociale qui restent applicables malgré les dispositions du règlement concernant leur suppression est modifiée.

Dans le même but, la partie B de l'annexe III relative aux dispositions de conventions de sécurité sociale dont le bénéfice n'est pas étendu à toutes les personnes auxquelles s'applique le règlement est également modifiée. La numérotation est mise à jour et des conventions ou accords bilatéraux répondant aux exigences d'introduction à l'annexe sont ajoutés.

4.1.7

Afin de garantir la conformité avec la législation tchèque, la section A de l'annexe IV reprenant les législations stipulant que le montant des prestations d'invalidité est indépendant de la durée des périodes d'assurance) est modifiée.

Pour la même raison, la section C de l'annexe IV relative aux cas où il peut être renoncé au double calcul de la prestation en ce qui concerne la République tchèque et l'Estonie est modifiée. En effet, une telle pratique ne débouchera jamais sur un résultat plus élevé.

En raison des changements intervenus dans la législation slovaque, la section D de l'annexe IV relative aux prestations et accords sur le cumul de prestations de même nature dues en vertu de la législation de deux ou plusieurs États membres est modifiée.

4.1.8

Eu égard aux modifications apportées à la législation des Pays-Bas, l'annexe VI relative aux modalités particulières d'application des législations de certains États membres est modifiée.

4.1.9

Les modifications apportées aux différentes annexes accompagnant le règlement (CEE) no 1408/71 remplissent différentes fonctions, que le Comité souhaite souligner.

Premièrement, le Comité signale que ces modifications entraînent une simplification et, par conséquent, une meilleure application et une meilleure compréhension du texte. Elles s'inscrivent ainsi dans l'esprit du règlement (CEE) no 883/2004 sur la coordination des régimes de sécurité sociale, dont l'objectif est la simplification et la modernisation de la coordination dans le respect des législations nationales en matière de sécurité sociale. Par conséquent, le Comité soutient ces modifications.

Deuxièmement, le Comité constate que certaines législations nationales ont introduit de nouvelles allocations spécifiques qui constituent de véritables avancées en ce qui concerne les réglementations sociales des pays concernés. Dans ce sens, le Comité se dit satisfait des progrès réalisés en matière de droits sociaux dans les différents États membres, mais déplore les obstacles administratifs spécifiques imposés aux citoyens des nouveaux États membres.

4.1.10

Enfin, le Comité estime que la section II de l'annexe II du règlement devrait être supprimée. Les États membres devraient être sensibles à la jurisprudence de la Cour de Justice en ce qui concerne le fait que les allocations de naissance et d'adoption ne constituent pas des prestations particulières mais des allocations familiales, et qu'elles sont par conséquent exportables. Le Comité souhaite que les États tiennent compte de cette réalité juridique avant que la Cour de Justice ne l'étende à toute l'Union par le biais d'arrêts.

4.2

Règlement (CEE) no574/72 du Conseil fixant les modalités d'application du règlement (CEE) no1408/71

4.2.1

L'article 2 de la proposition modifie quatre articles du règlement, tous relatifs aux soins médicaux reçus en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

4.2.2

Les paragraphes 5 et 6 de l'article 60, relatifs aux prestations en nature en cas de résidence dans un État membre autre que l'État compétent sont supprimés. En particulier, certaines procédures de notification qui en pratique n'étaient pas appliquées sont supprimées.

Le Comité approuve toute modification visant la simplification et la suppression des procédures bureaucratiques non productives.

4.2.3

Le texte de l'article 62 (prestations en nature en cas de séjour dans un État membre autre que l'État compétent) est modifié. L'introduction de la carte d'assurance maladie permet de supprimer certaines démarches superflues, qui de toute façon seront effectuées au niveau des institutions compétentes des États et non par la personne concernée. La formulation de l'article reste donc la même que celle de l'article 21 du règlement conformément à la modification introduite par le règlement (CE) no 631/2004.

Le Comité approuve toute modification visant à faciliter l'accès des citoyens aux prestations auxquelles ils ont droit.

4.2.4

Le paragraphe 2 de l'article 63, relatif aux prestations en nature aux travailleurs salariés ou non salariés en cas de transfert de résidence ou de retour dans le pays de résidence, ainsi qu'aux travailleurs salariés ou non salariés autorisés à se rendre dans un autre État membre pour s'y faire soigner est modifié en raison de la référence aux paragraphes 5 et 6 de l'article 60, qui ont été supprimés par la proposition de règlement à l'examen.

4.2.5

Le paragraphe 1 de l'article 66, relatif à la Contestation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est modifié. La référence à l'article 20, qui a été supprimé par le règlement (CE) no 631/2004, est ainsi supprimée elle aussi.

4.2.6

Le Comité soutient toutes les modifications introduites dans la mesure où elles contribuent à l'amélioration du règlement, et plus particulièrement à la simplification du texte et à l'allégement de la bureaucratie dès lors que ces modifications facilitent les rapports entre les citoyens et les administrations publiques.

5.   Conclusions

5.1

D'une façon générale, le Comité accueille favorablement la proposition de règlement sous réserve des observations formulées dans le présent document. Le Comité est conscient de la nécessité de simplifier et d'améliorer le texte des règlements (CEE) no 1408/71 et (CEE) no 574/72 afin de favoriser la libre circulation des citoyens de l'Union. Toutefois, il estime que l'entrée en vigueur du règlement no 883/2004, qui constitue en soi une simplification globale et de grande envergure en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale, serait encore plus bénéfique.

5.2

Étant donné qu'il n'a pas pu se prononcer sur le texte final issu de la longue procédure législative dont a fait l'objet le règlement (CE) no 883/2004, le Comité juge nécessaire de rédiger sans délai un avis d'initiative sur ce document avant le début de la procédure législative relative au nouveau règlement d'application que la Commission est sur le point de publier.

5.3

Le Comité invite la Commission à terminer au plus tôt les travaux relatifs à la proposition de règlement d'application. Il invite également le Conseil et le Parlement européen à poursuivre à un rythme soutenu la procédure législative relative à l'adoption du règlement susmentionné de façon à ne pas revivre les lenteurs qui ont caractérisé la procédure relative au règlement (CE) no 883/2004, notamment en raison de la célébration en 2006 de l'année de la mobilité des travailleurs.

5.4

En ce qui concerne les réformes présentées dans les différentes annexes du règlement (CEE) no 1408/71, le Comité demande que la réforme touchant la section II de l'annexe II sur les allocations spéciales de naissance et d'adoption sera supprimée dans les plus brefs délais et de commun accord avec les États membres, qui maintiennent les exceptions.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO L 100 du 6.4.2004.

(2)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement (CE) du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale» (rapporteur: M. Rodríguez García Caro – JO C 75 du 15.3.2000).

(3)  JO L 166 du 30.4.2004.

(4)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et le règlement (CEE) no 574/72 du Conseil fixant les modalités d'application du règlement (CEE) no 1408/71, en ce qui concerne l'alignement des droits et la simplification des procédures» (rapporteur: M. Boldt – JO C 32 du 5.2.2004).

(5)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et le règlement (CEE) no 574/72 du Conseil fixant les modalités du règlement (CEE) no 1408/7» (rapporteur: M. Rodríguez García Caro – JO C 367 du 20.12.2000).

(6)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et le règlement (CEE) no 574/72 du Conseil fixant les modalités d'application du règlement (CEE) no 1408/71, en ce qui concerne l'alignement des droits et la simplification des procédures» (rapporteur: M. Boldt – JO C 32 du 5.2.2004).

(7)  JO L 166 du 30.4.2004.

(8)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement (CE) du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale» (rapporteur: M. Rodríguez García Caro - JO C 75 du 15.3.2000).


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/29


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d'un Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes»

[COM(2005) 81 final — 2005/0017 (COD)]

(2006/C 24/10)

Le 22 mars 2005, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 septembre 2005 (rapporteuse: Mme ŠTECHOVÁ).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 166 voix pour, 5 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations du Comité (1)

1.1

Le Comité économique et social européen réitère le grand intérêt qu'il porte à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes; dans ses récents avis portant sur cette question, le Comité a de nouveau souligné combien il est essentiel que des progrès bien plus concrets soient réalisés (2). Dans le cadre des politiques européennes, l'égalité entre les hommes et les femmes (égalité des sexes) est une priorité et doit le rester. Bien que des efforts accrus aient été déployés dans l'UE au cours des dernières années en matière de promotion de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, les femmes demeurent désavantagées dans une grande majorité de domaines d'activités (3) — cela doit changer. Bien que le phénomène soit beaucoup plus rare, il existe néanmoins des situations, où ce sont les hommes qui subissent une discrimination en raison du sexe; il est également nécessaire d'y remédier. Il convient en outre de résoudre toute une série de problèmes provoqués par la discrimination (en raison de l'orientation sexuelle, de l'âge, de la santé, du handicap, de l'origine ethnique) et renforcés par la dimension hommes-femmes.

1.1.1

Ainsi, de très nombreuses formes d'inégalités fondées sur le sexe existent dans toute l'UE et il est indispensable de les identifier, de les documenter, de recueillir les cas, de les analyser, d'en tirer des enseignements au niveau communautaire, et de rechercher les solutions adéquates.

1.1.2

Le CESE accueille donc favorablement tout instrument efficace qui permettra d'accélérer l'instauration concrète de l'égalité entre les hommes et les femmes.

1.1.3

Le CESE soutient la proposition de créer un Institut européen pour l'égalité entre hommes et femmes (4) (ci-après dénommé «Institut»), car il estime qu'il pourra devenir cet instrument efficace — doté d'un grand potentiel — qui soutiendra les efforts de l'UE et des États membres en vue de réaliser des progrès dans la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes, tant le plan juridique que dans la pratique.

1.2

Le CESE approuve les raisons justifiant la création d'une institution indépendante et la décision selon laquelle l'Institut ne saurait ni remplacer ni affaiblir les agences spécialisées qui possèdent une expérience, ni celles dont la mise en place se prépare au niveau communautaire (5). En outre, la création de l'Institut ne doit pas affecter l'application du principe de «mainstreaming» (intégration de la dimension hommes-femmes) dans les organes et dans tous les politiques et programmes communautaires: le CESE est, au contraire, convaincu que ce principe n'en sera ainsi que renforcé.

1.3

Le CESE considère que l'Institut assoira son autorité sur l'objectivité, la neutralité, l'indépendance, l'expérience, la possibilité de centraliser les informations pertinentes, et pourra devenir un instrument majeur au service d'une grande variété d'usagers. Grâce à une mise en oeuvre systématique de l'intégration de la dimension hommes-femmes («gender mainstreaming»), l'Institut servira les intérêts de «clients» extrêmement variés, allant des couches les plus vastes de la société civile jusqu'aux organes décisionnels de l'UE.

1.3.1

De plus, les activités de l'Institut ne seront pas uniquement orientées vers l'intérieur de l'UE; elles couvriront un contexte européen plus large, tel que la préparation des futurs élargissements de l'Union, et s'étendront au niveau international. Ainsi, l'Institut oeuvrera également pour l'entretien de liens et d'échanges multiculturels.

1.4

Le CESE estime que compte tenu de l'objectif et des tâches aussi ambitieux que ceux qui incombent à l'Institut, il serait nécessaire de définir plus clairement que ne le propose la Commission ses compétences et ses missions s'agissant de ses fonctions de recherche, de diffusion des informations, d'éducation, etc. Il est indispensable de préciser les objectifs de la collecte et de l'analyse des données, afin que l'Institut puisse assumer pleinement son rôle dans le processus décisionnel européen. Il convient à cet égard de rappeler que l'ensemble des instances communautaires doivent s'en remettre aux outils statistiques des différents États membres. L'Institut devrait avoir la possibilité de clarifier de son point de vue les projets en préparation. Il devrait également avoir pour rôle d'apporter des enseignements sur les questions liées au «gender mainstreaming». Il devrait également disposer de la possibilité de présenter son point de vue en matière d'initiatives et d'activités communautaires en la matière.

1.4.1

Le CESE estime qu'une définition plus exacte des objectifs et des tâches de l'Institut attestera de son importance et montrera clairement qu'il ne saurait se passer des moyens nécessaires à la réalisation de ces objectifs.

1.5

L'Institut doit être doté d'une autorité morale forte; il est essentiel d'accroître sa transparence et de garantir des liens véritablement effectifs avec les groupes concernés de la société civile visés à l'article 10, paragraphe 1, lettres a) à c), qui ont une grande expérience en matière d'analyse et d'expertise des questions d'égalité entre hommes et femmes et qui peuvent également refléter d'une manière plus directe les besoins des citoyens de l'UE. Le CESE recommande donc vivement que les représentants de ces groupes de la société civile disposent d'un plus grand nombre de sièges au Conseil d'administration de l'Institut (voir les paragraphes 3.7.2 et 3.7.3 ci-après). À cet égard, le CESE rappelle le rôle important que jouent à différents niveaux les partenaires sociaux dans la résolution des problèmes liés à l'égalité entre les hommes et les femmes sur le marché de l'emploi.

1.6

Le CESE insiste également pour que les représentants des partenaires sociaux européens et de l'organisation non gouvernementale représentative appropriée bénéficient, au sein du Conseil d'administration, du même statut que les autres membres, c'est-à-dire qu'ils disposent du droit de vote (voir le paragraphe 3.7.4 ci-après).

1.7

Le CESE juge essentiel que les ressources financières destinées à l'Institut lui permettent de mener à bien ses missions, au côté des autres agences ou programmes communautaires qui traitent également des problèmes d'égalité entre les hommes et les femmes.

1.8

La proposition de règlement ne précise pas le lieu d'établissement de l'Institut; le CESE soutient néanmoins la recommandation selon laquelle il devrait être établi dans l'un des pays qui ont adhéré à l'UE en 2004. En effet, certains de ces pays ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt à accueillir l'Institut; cela répondrait également au besoin d'une décentralisation équilibrée des institutions dans l'UE et permettrait un contact plus immédiat avec les citoyens et les citoyennes du pays retenu ainsi qu'une meilleure connaissance de ses expériences dans le domaine de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

1.9

Le CESE est convaincu qu'une étroite coopération avec l'Institut sera bénéfique pour toutes les parties prenantes et se déclare prêt à coopérer avec le futur Institut dans le cadre des règles communautaires.

2.   Introduction — remarques générales

2.1

La Commission européenne a publié le 8 mars 2005 la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d'un Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (6) et a notamment déclaré, dans son communiqué de presse (7), que:

«Cet institut constituera un centre d'excellence indépendant au niveau européen. Il collectera, analysera et diffusera les données de recherche et les informations fiables et comparables dont les décideurs ont besoin à Bruxelles et dans les États membres. Il disposera d'un centre de documentation et d'une bibliothèque qui seront ouverts au public.

Cet institut stimulera la recherche et les échanges d'expériences en organisant des réunions entre les décideurs, les experts et les parties prenantes, et attirera l'attention sur les mesures en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes par des manifestations telles que conférences, campagnes et séminaires. Une autre tâche cruciale consistera à élaborer des instruments destinés à mieux intégrer l'égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les politiques communautaires».

2.2

La longue période qui a séparé la première initiative en vue de la création de l'Institut européen en 1995 (8) de la publication de la proposition de règlement en mars 2005 a servi à la réalisation d'expertises et de recherches d'ordre politique permettant de préparer une mesure pondérée.

2.3

Lors de sa réunion des 1er et 2 juin 2004, le Conseil «emploi, politique sociale, santé et consommateurs» a exprimé un soutien unanime à la création de l'Institut européen (9):

«Tout en souscrivant sans réserves au principe de la création d'un institut, les délégations ont rappelé qu'il importait de mettre en place une structure apportant une valeur ajoutée et ne faisant pas double emploi avec les activités existantes dans ce domaine. Elles ont également mentionné la nécessité de maintenir la neutralité budgétaire».

Le Conseil a confié à l'Institut les tâches suivantes:

les questions de coordination;

la centralisation et la diffusion d'informations;

l'accroissement de la visibilité des questions liées à l'égalité entre les hommes et les femmes; et

la mise à disposition d'outils pour l'intégration dans les politiques des questions d'égalité entre les hommes et les femmes.

2.3.1

Le Conseil européen a ensuite invité la Commission à présenter sa proposition (10).

2.4

La mise en place de l'Institut a donc été décidée après l'entrée de dix nouveaux pays dans l'UE et le CESE estime qu'il est important que son fonctionnement ait, dès le début, pour cadre l'Union élargie, ce qui permet de prendre en considération un éventail plus large d'expériences, de situations et de savoir-faire.

2.5

Dans son récent avis «10 ans après Pékin: quels progrès pour l'égalité hommes/femmes?» (11), le CESE a récapitulé l'évolution et l'ampleur des activités de l'UE en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Le Comité se réfère à cet avis et souligne qu'il convient de constater que les besoins en matière d'expertises, d'analyses et d'informations ainsi que les exigences concernant leur qualité augmentent; le CESE marque sa satisfaction car ce progrès résulte d'une mise en œuvre plus vaste du principe du «gender mainstreaming».

2.6

En pratique, certains problèmes permanents et d'autres problèmes nouveaux auxquels sont confrontés l'UE et ses États membres sont mis à jour et il est urgent de les résoudre. Ils sont directement liés à la question de l'égalité entre hommes et femmes et il appartiendra à l'Institut de les traiter. Il s'agit de:

inégalités sur le marché du travail, notamment en ce qui concerne la ségrégation en termes de métiers, les différences de salaires, les risques inhérents au marché du travail;

l'évolution de la carrière des femmes et leur accès à des postes de cadres ou de direction, le suivi de la situation des femmes exerçant des fonctions de direction et de management;

conciliation de la vie professionnelle et privée;

accès à la formation tout au long de la vie, suivi de l'augmentation de la qualification professionnelle des femmes;

évolution démographique dans l'UE;

trafic des femmes (et des enfants) et leur exploitation à des fins sexuelles;

totalité des formes de violences liées à la dimension hommes-femmes;

déficit de participation des femmes au processus décisionnel;

conscience générale insuffisante des problèmes liés à l'égalité entre hommes et femmes et application toujours insuffisante du concept de «gender mainstreaming»;

présentation stéréotypée du rôle de la femme et de l'homme (dans le système éducatif, dans les médias, dans la vie publique, dans le monde du travail);

conscience insuffisante des femmes elles-mêmes de la place qu'elles peuvent occuper dans la société;

problèmes interculturels;

égalité des sexes au sein de diverses institutions, organismes et organisations, y compris dans les organisations de la société civile organisée;

etc.

2.6.1

Le CESE se réfère à son avis «10 ans après Pékin:…», dans lequel il a déjà relevé de manière assez détaillée de nombreux domaines dans lesquels il convient d'agir (12).

2.7

Comme souligné précédemment, le CESE est conscient que la mise en oeuvre du principe du «gender mainstreaming» progresse et se développe. Le CESE consent par conséquent à ce que soit confiée à une institution indépendante la tâche de centraliser les efforts des États membres et des parties intéressées de la société civile pour aider les organes communautaires dans ce domaine; l'effet de synergie sera ainsi renforcé. De plus, le CESE estime que la complémentarité entre l'Institut et les agences communautaires devrait être garantie, et que le principe du «gender mainstreaming» poursuivra son développement dans le cadre des agences, en bonne coopération avec le futur Institut. Il convient de la même manière d'instaurer une coopération systématique avec les mécanismes institutionnels dans le domaine de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

2.8

Le CESE rappelle que la création de l'Institut représente une avancée, mais que d'autres initiatives n'en demeurent pas moins nécessaires afin de progresser dans la promotion de l'égalité des chances en pratique, et dans le cadre de l'ensemble des objectifs énoncés par les textes communautaires. Il est de la plus haute importance que l'Institut prenne une part active à la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne visant à encourager la croissance et la création d'emplois.

2.9

Le CESE est favorable à la création de l'Institut; il est néanmoins essentiel que celui-ci jouisse du meilleur accueil possible de la part de la société civile au niveau européen, national et local; il ne pourrait entreprendre ses travaux d'une manière positive sans ce soutien. Il convient donc de doter cette nouvelle institution des moyens nécessaires qui lui confèreront crédibilité et confiance et lui permettront d'élaborer avec succès toutes sortes d'activités et de susciter l'intérêt qu'il mérite.

3.   Observations particulières

3.1

Le CESE approuve la base juridique sur laquelle s'appuie la création de l'Institut, à savoir l'article 141, paragraphe 3, et l'article 13, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne. Il approuve les motifs énoncés dans les considérants expliquant également que la proposition à l'examen est conforme à l'article 5 du traité.

3.2

Le CESE considère également que la coopération avec les structures existantes, fondations et autres institutions, est conforme au souhait exprimé par le Conseil d'éviter tout double emploi. Le CESE note que le 12ème considérant fait implicitement référence à d'autres institutions et instances européennes, comme par exemple Eurostat. Le CESE renvoie aux communications de la Commission intitulées «Encadrement des agences européennes de régulation» (13) et «Projet d'accord interinstitutionnel pour un encadrement des agences européennes de régulation» (14) et prend acte du fait que ce cadre déterminera également la place de l'Institut parmi les institutions actuelles.

3.3

Le CESE attire l'attention sur le fait que la dénomination de l'Institut (article 1) en anglais «European Institute for Gender Equality» traduit clairement sa mission et permet ainsi de prendre en compte les dimensions les plus larges (éthiques, morales, esthétiques, sexuelles, etc.). En effet, l'expérience a montré que le mot «gender» n'avait pas d'équivalent précis dans différentes langues de l'Union européenne. Aussi les traductions devraient-elles trouver une formulation la plus proche possible de la version originale.

3.4

S'agissant des objectifs de l'Institut, le CESE estime que l'article 2 devrait mentionner explicitement la promotion du principe de «gender mainstreaming».

3.4.1

Le CESE est en outre d'avis que l'Institut devrait se voir confier la mission d'assister les organisations d'employeurs et de travailleurs et d'autres composantes de la société civile organisée dans le cadre de leurs activités en matière d'égalité entre hommes et femmes. Cet objectif devrait être clairement mentionné et pris en considération.

3.5

Le CESE estime que les tâches de l'Institut, définies à l'article 3, sont tout aussi importantes que ses objectifs. Il convient dès lors de les compléter comme indiqué au paragraphe 1.4 du présent avis.

3.5.1

Le CESE demande que l'article 3, paragraphe 1a), mentionne explicitement les partenaires sociaux. À cet égard, le Comité rappelle que les partenaires sociaux européens ont récemment adopté le «Cadre d'actions sur l'égalité hommes-femmes».

3.5.2

Le CESE souligne qu'en présentant régulièrement, y compris hors du cadre de son rapport annuel, ses travaux concourant ainsi à la réalisation des tâches qui découlent notamment de la stratégie-cadre en matière d'égalité entre hommes et femmes, l'Institut contribuera à apporter la preuve de sa valeur ajoutée. Outre son rapport annuel, il devrait également publier, entre autres, son programme de travail (article 3, paragraphe 1e).

3.5.3

Les questions que traitera l'Institut requerront également la mise en place de méthodes de travail appropriées. Elles devraient s'adapter à différents types d'inégalités et de discrimination entre les sexes; il conviendrait par conséquent de recourir entre autres à des méthodes comparatives («benchmarking»), à des études de cas, à une collecte de données verticale (sectorielle), à l'intégration de la dimension hommes-femmes dans l'élaboration des budgets, à un suivi etc. Il va de soi que, dans ce domaine aussi, l'Institut devra collaborer avec les agences et institutions spécialisées.

3.5.4

Le CESE note que le paragraphe 1d) du même article prévoit que l'Institut réalise en «Europe» des enquêtes par lesquelles il attire l'attention sur son action plus large à l'échelle de l'EEE, dans la perspective du prochain élargissement et auprès des États membres du Conseil de l'Europe.

3.5.5

Le CESE souhaiterait ajouter à l'article 3, paragraphe 1g), les niveaux national ou régional, ce qui permettrait une ouverture à d'autres parties prenantes, par exemple aux collectivités territoriales, qui contribuent à sensibiliser davantage le grand public aux questions d'égalité entre hommes et femmes, ce qui correspond aux objectifs visés à l'article 2 ainsi qu'aux considérants.

3.6

Le CESE se réjouit de l'indépendance de l'Institut (article 5) vis-à-vis des autorités nationales et de la société civile. Le Comité estime néanmoins qu'il devrait également être indépendant des institutions communautaires, ce qui lui conférerait une position plus objective à leur égard. Aussi le CESE propose-t-il en outre d'élargir le nombre des représentants de la société civile au sein du Conseil d'administration afin d'accroître l'indépendance de l'Institut.

3.6.1

Le CESE approuve et soutient le principe selon lequel l'Institut collaborera librement et de manière indépendante vis-à-vis des autorités des États membres. Il estime qu'il conviendrait de charger les membres du forum consultatif d'obtenir et de fournir en temps utile les informations(voir ci-dessous le paragraphe 3.8.2). Dans ce contexte, il pourrait s'agir d'une mission adaptée aux instances qui, dans les États membres, doivent déployer leurs activités dans le cadre de la directive procédant à la refonte des directives relatives à l'égalité des chances (15).

3.7

S'agissant des organes de l'Institut, le CESE apprécie les efforts qui visent à faire du Conseil d'administration l'organe opérationnel devant être en mesure de diriger efficacement l'Institut afin qu'il puisse s'adapter aux évolutions et à la demande.

3.7.1

Le CESE part toutefois du principe que la Commission ne peut nommer les membres du Conseil d'administration représentant les groupes mentionnés que sur proposition des organisations visées dans le règlement à l'examen. Cela devrait figurer dans l'article 10 correspondant.

3.7.2

Le CESE souligne qu'une représentation à la fois efficace et claire des partenaires sociaux européens et de l'organisation non gouvernementale appropriée au niveau communautaire ayant, aux termes du règlement, «un intérêt légitime à contribuer à la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes» s'impose pour que le Conseil d'administration soit à même de mener à bien ses missions, c'est-à-dire d'assumer ses obligations vis-à-vis de la Commission européenne et des États membres et, dans le même temps, de recueillir à ce sujet les réactions de la société civile. En outre, rien ne justifie de ne pas proposer que siègent des représentants de la société civile. Dans la mesure où, contrairement à la situation en vigueur dans les instances tripartites communautaires, la représentation des partenaires sociaux au niveau national ne sera pas assurée au sein du Conseil d'administration, il convient de garantir, ne serait-ce que par ce biais, la participation active des partenaires sociaux ainsi que de l'ONG correspondante.

3.7.3

Le CESE appelle par conséquent instamment à une augmentation du nombre de membres siégeant au Conseil d'administration. Il convient à ses yeux d'augmenter le nombre de membres de sorte que chacune des parties (Conseil, Commission, et partenaires sociaux et organisation non gouvernementale appropriée au niveau communautaire) dispose de six représentants, ce qui permettrait ainsi aux organisations visées à l'article 10 (1), lettres a) à c) de sélectionner ses candidats en veillant à assurer une représentation paritaire des hommes et femmes. Chacune de ces organisations citées dans la proposition de règlement à l'examen disposerait dès lors de deux sièges.

3.7.4

De la même manière, rien ne justifie que les représentants des partenaires sociaux et de l'organisation non gouvernementale ne disposent pas d'une voix délibérative. En vue de mieux garantir l'indépendance de l'Institut ainsi que l'autonomie et l'objectivité de ses activités, le CESE invite la Commission à faire en sorte d'accorder à chaque représentant des organisations d'employeurs et de travailleurs et de l'organisation non gouvernementale appropriée une voix délibérative à part entière. Cela est conforme au paragraphe 4 qui précise que «chaque membre du Conseil d'administration ou, en cas d'absence, son suppléant dispose d'une voix.»

3.7.5

Le CESE estime que les directeurs de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle et de l'Agence européenne des droits fondamentaux devraient avoir le cas échéant la possibilité de participer systématiquement aux réunions du Conseil d'administration de l'Institut en tant qu'observateurs (article 10, paragraphe 11). Le directeur de l'Institut devrait lui aussi avoir la possibilité de participer aux réunions de ces institutions (au nom du Conseil d'administration ou sur la base de «protocoles d'accords»).

3.8

Le CESE ne voit pas d'objection à ce que le forum consultatif ait pour tâche de permettre aux États membres d'associer les instances compétentes et de mettre en place un réseau d'experts. Cet organe ne jouissant aux termes de l'article 12 d'aucun pouvoir décisionnel au sein de l'Institut, il est par conséquent inutile de préciser que les trois membres représentant les parties intéressées au niveau européen ne disposent pas de voix délibérative. Dès lors, se pose également la question de savoir pourquoi ces représentants sont nommés par la Commission; il conviendrait qu'ils soient désignés directement par les organisations visées à l'article 10, paragraphe 1, lettres a) à c).

3.8.1

Il faut trouver un moyen d'assurer l'équilibre de la représentation des femmes et des hommes au sein du forum consultatif.

3.8.2

Comme indiqué au paragraphe 3.6.1 ci-dessus, il conviendrait que les membres du forum consultatif soient chargés d'assurer la coopération entre les instances de leurs pays et l'Institut (article 12, paragraphe 4).

3.9

Le CESE émet des réserves quant aux moyens financiers qu'il est prévu d'accorder à l'Institut. Le CESE voit dans la déclaration du Conseil mentionnée au paragraphe 2.3 ci-dessus des instructions contradictoires: veiller à apporter une valeur ajoutée, c'est-à-dire mener à bien des tâches difficiles, tout en maintenant la neutralité budgétaire.

3.9.1

Il est prévu que le financement de l'Institut se décompte partiellement du programme Progress. Le paragraphe 3.6 de l'exposé des motifs du projet de règlement précise que «les activités de l'Institut seront distinctes de celles proposées dans le volet Égalité hommes-femmes du programme Progress (2007-2013)…». Le CESE y voit un argument appuyant la position qu'il a exprimée dans son avis sur le programme Progress:

«Dans ce contexte, le CESE préconise que l'on prévoie pour l'Institut européen du genre un financement spécifique plutôt que de le soustraire du budget prévu pour Progress, lors de l'élaboration du cadre financier afférent, démarche que semble suivre selon toute apparence le document à l'examen»  (16).

3.9.2

Le CESE recommande par conséquent qu'il soit tenu compte lors des négociations sur les perspectives financières de l'Union européenne des fonds indispensables aux travaux et au bon fonctionnement de l'Institut et que ces ressources soient en tout état de cause allouées progressivement afin de permettre à l'Institut de mener à bien les missions qui lui seront confiées et de lui garantir une certitude juridique et financière.

3.9.3

Le CESE considère que la concentration en un seul lieu des travaux en matière d'égalité entre les hommes et les femmes permet de réaliser des économies tant au niveau communautaire que national. Le budget prévisionnel du programme Progress ne devrait donc pas être amputé de ces sommes mais plutôt revu à la hausse au cas où aucune décision ne serait prise quant à l'attribution à l'Institut d'une enveloppe financière indépendante.

3.9.4

La création de cet Institut ne doit en aucun cas servir de prétexte à une réduction des financements accordés à d'autres organes, notamment la Fondation de Dublin dont les activités portent-elles aussi entre autres sur les problèmes liés à l'égalité des chances.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Les intitulés de tous les postes ou fonctions mentionnés dans le présent document s'entendent au féminin et masculin.

(2)  Avis du CESE du 10.12.2003, intitulé «Égalité des chances hommes/femmes - Programme de soutien» (Rapporteuse: Mme WAHROLIN), JO C 80 du 30.3.2004.

Avis du CESE du 3.6.2004, intitulé «Égalité de traitement entre les femmes et les hommes/accès aux biens et aux services» (Rapporteuse: Mme CARROLL) JO C 241 du 28.9.2004.

Avis du CESE du 15.12.2004, intitulé «Refonte des directives sur l'égalité des chances» (Rapporteuse: Mme SHARMA,) (CESE 1641/2004).

Avis du CESE du 9.2.2005, intitulé «10 ans après Pékin: quels progrès pour l'égalité hommes/femmes?» (Rapporteuse: Mme FLORIO), JO C 221 du 8.9.2005.

(3)  COM(2005) 44.

(4)  Cette dénomination ne correspond pas à la traduction officielle tchèque – voir le commentaire relatif au nom de l'Institut, au point 3.3.

(5)  La Fondation de Dublin, l'Agence de Bilbao, le CEDEFOP, l'Agence des droits fondamentaux.

(6)  Voir note no4, qui se réfère au point 3.4.

(7)  Communiqué de presse de la Commission européenne IP/05/266, 8.3.2005, publié uniquement en anglais, en français et en allemand.

(8)  «Rôle d'un futur Institut européen du genre», étude réalisée pour le Parlement européen, rapport final, 15.6.204.

(9)  Conseil de l'UE, communiqué de presse 9507/04, 01-2.6.2004.

(10)  Conseil européen des 17 et 18 juin 2004, conclusions de la Présidence, par. 45, p. 11. Voir le commentaire dans la note de bas de page no7.

(11)  Rapporteuse: Mme FLORIO, paragraphe 4, JO C 221 du 8.9.2005.

(12)  Ibidem, point 6, Conclusions et propositions, JO C 221 du 8.9.2005.

(13)  COM(2002) 718 du 11.12.2002.

(14)  COM(2005) 59 du 25.2.2005.

(15)  COM(2004) 279 du 21.4.2004.

(16)  Avis du Comité économique et social européen du 6.4.2005 sur le «Programme communautaire pour l'emploi et la solidarité sociale – Progress» (Rapporteur: M. GREIF) (JO C 255 du 14.10.2005, p. 39.).


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/34


Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension septentrionale et son plan d'action»

(2006/C 24/11)

Le 10 février 2005, le Comité économique et social européen a, conformément à l'article 29 de son règlement intérieur, décidé d'élaborer un avis sur le thème: «La dimension septentrionale et son plan d'action».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 septembre 2005 (rapporteur: M. HAMRO-DROTZ).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 29 septembre 2005) le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 163 voix pour, 2 voix contre et 9 abstentions.

La politique de la dimension septentrionale (DS) de l'Union européenne a été mise en place en 1999. La DS fait partie de la politique de relations extérieures de l'UE, laquelle vise à améliorer, par la coopération régionale et transfrontalière, la prospérité dans la partie septentrionale de l'Europe. La DS concerne la région de la mer Baltique et l'espace arctique. Elle est mise en œuvre dans le cadre de l'accord de partenariat et de coopération (APC) avec la Russie et de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE — Norvège, Islande). À la suite de l'élargissement de l'UE, a eu lieu un accroissement, dans le cadre de la DS, des activités ayant trait à la Russie, en particulier ses régions du Nord-Ouest.

Les relations UE-Russie ont été renforcées par l'adoption des «quatre espaces communs». En mai 2005, un accord a été atteint (il s'agit des feuilles de route) sur la manière de procéder vis-à-vis de la mise en place des espaces communs. La Russie négocie également son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), adhésion qui faciliterait les relations commerciales et la coopération économique entre l'UE et la Russie. Le développement d'ensemble des relations UE-Russie donne, en outre, un nouvel élan à la dimension septentrionale.

Un resserrement des liens entre la DS et la coopération UE-Russie est prévu. Cet aspect est évoqué dans les conclusions du Conseil européen des 16 et 17 juin 2005: «Le Conseil européen se félicite des résultats du quinzième sommet UE-Russie, qui s'est tenu le 10 mai 2005, et plus particulièrement de l'adoption des feuilles de route portant sur la création des quatre espaces communs (…) Leur mise en œuvre permettra de renforcer le partenariat stratégique entre l'UE et la Russie ainsi que la coopération régionale notamment dans le cadre de la dimension septentrionale».

La feuille de route pour les quatre espaces communs se réfère aussi à la DS, en particulier dans le texte relatif à l'espace économique commun: «Lors de la mise en œuvre d'actions relevant de l'espace économique commun, les priorités recensées conjointement dans le cadre d'organisations et d'initiatives régionales, comme le Conseil des États de la mer Baltique, la dimension septentrionale, entre autres, seront prises en considération».

Le présent avis, qui porte sur la dimension septentrionale, constitue une poursuite des travaux du Comité; il formera la contribution du CESE à la conférence ministérielle sur la dimension septentrionale qui se tiendra en novembre 2005.

1.   Les objectifs et les secteurs prioritaires du PADS-II (2004-2006)

1.1

Le IIème plan d'action «Dimension septentrionale» (PADS-II) (1) est entré en vigueur en janvier 2004.

1.2

Il porte sur cinq secteurs prioritaires:

économie, affaires et infrastructures;

ressources humaines, éducation, recherche scientifique et santé;

environnement, sûreté nucléaire et ressources naturelles;

coopération transfrontalière et développement régional;

justice et affaires intérieures.

1.3

Le PADS-II porte également sur les régions ayant des besoins spécifiques, telles que Kaliningrad et la région arctique. Il encourage la mise en œuvre, par tous les partenaires concernés, d'actions concertées visant au renforcement des politiques économiques, des politiques relatives à l'emploi et des politiques sociales.

1.4

Le PADS-II indique diverses possibilités d'actions dans ces secteurs, tout en laissant la conduite pratique de celles-ci au soin des partenaires concernés. La DS ne dispose pas d'un budget propre, mais elle est financée par divers programmes européens (Tacis), par les gouvernements concernés, ainsi que par les institutions financières internationales (Banque nordique d'investissement — NIB, Banque européenne pour la reconstruction et le développement — BERD, etc.).

1.5

La Commission européenne élabore des rapports annuels sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du PADS-II. Le rapport annuel pour 2004 fait état de nombreuses activités dans les cinq secteurs prioritaires. Il comporte notamment une référence à la conclusion du CESE selon laquelle les organisations de la société civile sont mal informées des activités ayant trait à la DS, et plaide en faveur d'une meilleure information du public et d'une plus grande implication des organisations régionales dans la mise en œuvre et dans le contrôle de ces activités.

1.6

La mise en œuvre du PADS-II est contrôlée une fois par an: une réunion de hauts fonctionnaires a eu lieu en 2004; la conférence ministérielle a lieu en 2005, et il est prévu qu'une nouvelle réunion de hauts fonctionnaires se tienne au second semestre 2006.

2.   La dimension septentrionale et le Comité économique et social européen (CESE)

2.1

Dans le PADS-II, la Commission demande au CESE de contribuer à la mise en œuvre de ce plan: «Afin de favoriser une vaste participation des groupes de la société civile à l'examen des progrès dans le cadre du plan d'action, il serait également utile que le Comité économique et social européen organise des forums annuels sur la mise en œuvre d'un plan d'action réunissant des représentants des organisations sociales et économiques représentées dans le Comité»  (2) .

2.2

Cette demande se fonde sur les contributions fournies par le CESE au cours des années précédentes: ses avis sur «Les relations entre l'Union européenne et les États riverains de la mer Baltique» (3), «La dimension septentrionale de l'UE et les relations avec la Russie» (4), «La dimension septentrionale: Plan d'action pour la dimension septentrionale dans les politiques extérieure et transfrontière de l'Union européenne 2000-2003» (5) et sur le thème «Partenariat stratégique UE/Russie: les prochaines étapes?» (6); les déclarations qu'il a présentées aux réunions ministérielles pour la DS en 1999, en 2001 et en 2002; et enfin les conclusions des deux forums que le CESE a consacrés à la dimension septentrionale en 2001 et 2003.

2.3

Le CESE a apporté une réponse positive à la demande de la Commission, et a décidé de rassembler des informations relatives aux positions des organisations de la société civile (OSC) sur:

leur sensibilisation et leur participation à la mise en œuvre du PADS-II par le biais d'activités entreprises à la demande de la Commission ou de leur propre initiative;

leurs opinions et leurs recommandations sur le contenu et la mise en oeuvre du PADS-II.

2.4

Les positions des OSC ont été recueillies en 2004, au moyen d'un questionnaire distribué de façon large aux organisations de la société civile de tous les pays concernés, et par le biais de missions exploratoires à Gdańsk, à Kaliningrad et à Riga.

3.   Conclusions et recommandations présentées par le CESE en 2004

3.1

Le CESE était représenté à la réunion de hauts fonctionnaires d'octobre 2004; dans un rapport, il y a présenté des conclusions et des recommandations (7).

3.2

La conclusion générale concernant la participation des organisations de la société civile au IIème plan d'action «Dimension septentrionale» à ce stade était la suivante:

la connaissance de la dimension septentrionale est généralement faible;

ces organisations ne sont engagées que de façon très marginale dans la mise en œuvre du PADS-II;

elles ne jouent aucun rôle (sauf en ce qui concerne les activités du CESE) dans le contrôle de la mise en œuvre.

La situation à l'égard de ces trois aspects semblait meilleure dans les «anciens» États membres de l'UE dans la région que dans les autres.

De manière générale, les organisations de la société civile qui avaient été contactées s'étaient montrées intéressées par des informations sur la dimension septentrionale et sur le PADS-II, et avaient envisagé de participer à des projets et au contrôle, tant au niveau national qu'au niveau européen.

Le CESE avait estimé qu'il était nécessaire d'améliorer la diffusion de l'information concernant le PADS-II aux organisations de la société civile et d'associer plus étroitement ces dernières à la mise en œuvre et aux contrôles.

Le CESE avait proposé de collaborer à des activités d'information et de contrôle au niveau européen, tout en soulignant néanmoins que la priorité des activités liées à la dimension septentrionale devait aller au niveau régional, national et local, afin d'associer les autorités concernées et les organisations de la société civile intéressées à une interaction constructive.

Le CESE avait soutenu le principe énoncé par le PADS-II (8), selon lequel la participation des représentants de la société civile aux réunions annuelles des hauts fonctionnaires devrait être encouragée.

Il était également proposé que l'UE envisage un certain nombre d'aspects supplémentaires dans le cadre du PADS-II:

mise en valeur de la dimension septentrionale dans les relations UE-Russie et dans le développement de la politique de voisinage de l'Union européenne;

organisation d'une réunion sur la dimension septentrionale dans la région, y compris Kaliningrad (les organisations de la société civile dans la région profiteraient beaucoup d'une telle initiative);

amélioration des accords permettant le financement de petits projets dans le but de stimuler les contacts transfrontaliers entre les organisations de la société civile de la région;

clarification concernant la disponibilité des ressources de l'UE pour le financement de projets liés à la dimension septentrionale (les organisations de la société civile éprouvent des difficultés à trouver des sources de financement);

diffusion de l'information dans la région (y compris Kaliningrad) au sujet de la BEI et des autres ressources financières potentiellement partenaires de projets liés à la dimension septentrionale;

réflexion sur l'action à mener dans le domaine de la dimension septentrionale dans la perspective du nouveau cadre financier de l'UE pour la période 2007-2013.

3.3

Ces recommandations restent appropriées.

4.   La poursuite des contacts entre le CESE et les OSC concernées par la DS

4.1

Dans son rapport de 2004, le CESE a exprimé l'intention de fournir une contribution se fondant sur les mêmes critères que ceux utilisés en 2004, tant à la conférence ministérielle de 2005 qu'à la réunion de hauts fonctionnaires de 2006.

4.2

Dans le cadre de son groupe de contact de création récente «Voisins européens de l'Est» (VEE), le Comité a poursuivi ses activités relatives à la dimension septentrionale. Le groupe de contact VEE est composé de membres du CESE et s'occupe des activités du Comité vis-à-vis des pays d'Europe de l'Est. L'objectif de ces activités est de soutenir les politiques européennes visant à améliorer les relations avec ces pays, d'apporter la contribution que constituent les positions des organisations de la société civile dans ce contexte, et de mettre en place des contacts directs avec les acteurs de la société civile de ces pays.

4.3

Le CESE a diffusé l'information concernant la dimension septentrionale par ses contacts propres et en se référant au système d'information sur la dimension septentrionale (SIDS) de la Commission.

4.4

Dans le cadre de la préparation du présent avis, le CESE a distribué, en juin 2005, un questionnaire à environ 100 organisations de la société civile. Le Comité a également eu des discussions relatives à la DS avec les OSC russes au cours de la préparation de l'avis sur les relations UE-Russie. Les conclusions du présent avis reflètent donc notamment les positions des OSC des pays partenaires.

5.   Conclusions émises sur la base de l'enquête réalisée par le CESE en 2005

5.1   Connaissances d'ensemble sur la dimension septentrionale

5.1.1

L'enquête sur les connaissances générales du public à propos du PADS-II a été menée en juin 2005. Les questionnaires ont été envoyés à diverses organisations de la société civile des pays principalement concernés par les activités du plan d'action (les pays baltiques et nordiques, l'Allemagne, la Russie y compris Kaliningrad, ainsi que la Pologne). Le questionnaire demandait à ces organisations de donner leur point de vue sur les mêmes questions que l'année précédente: a) la sensibilisation des acteurs de la société civile à la DS et au PADS-II; b) l'avis des OSC sur la DS; c) l'implication des OSC dans la mise en œuvre et le contrôle du PADS-II.

5.1.2

N'ont été reçues que 20 réponses, ce qui indique que la sensibilisation à la DS et au PADS-II reste dans l'ensemble très faible. Cette impression a été confirmée par les résultats du questionnaire: la plupart des OSC ont déclaré être informées sur la DS et le PADS-II, mais rares sont celles qui connaissent réellement le PADS-II. Un tiers des OSC ont répondu qu'elles avaient déjà entendu parler de la DS et du PADS-II, mais il est clair qu'elles ne connaissaient pas grand-chose de leurs objectifs et de leur contenu.

5.1.3

Certains acteurs semblent être informés des quelques partenariats public-privé (PPP) de la DS, en particulier du partenariat environnemental (PEDS). En outre, plusieurs OSC connaissent la DS par le truchement de diverses organisations régionales de la région de la mer Baltique, en particulier le Conseil des États de la mer Baltique (CEMB). Les réseaux d'employeurs (Conseil consultatif des entreprises) et syndicaux (réseau des syndicats de la mer Baltique) ont, eux aussi, sensibilisé leurs membres à la DS.

5.1.4

Le PADS-II est perçu par certains acteurs comme un programme qui ne concerne pas les OSC mais qui consiste bien plutôt dans un projet politique de coopération régionale entre les gouvernements et les autorités compétentes. Et il semble d'ailleurs que cette perception reflète la réalité, malgré les efforts fournis par la Commission pour améliorer l'information du public au moyen de l'initiative du système d'information sur la dimension septentrionale.

5.2   L'information des OSC et leur implication dans les activités relatives à la dimension septentrionale de la part des collectivités locales

5.2.1

Les résultats des questionnaires montrent clairement que très peu d'initiatives ont été prises par les gouvernements, les pouvoirs publics ou d'autres associations pour informer les OSC sur le PADS-II et les y impliquer. Seules quelques réponses ont confirmé un engagement de ce type. Les autorités compétentes ont cependant, dans certains pays, organisé des séminaires et des ateliers au sujet de la mise en œuvre du PADS-II, de même que des collectivités régionales.

5.2.2

Seules quelques rares OSC se sont impliquées dans le PADS-II de leur propre initiative; lorsque cette implication spontanée s'est produite, elle avait trait à des activités liées au renforcement des conditions d'investissement dans l'espace concerné par la DS, à la coopération avec d'autres associations dans les pays de la DS, au débat sur l'avenir de la DS, et d'une manière générale au suivi des développements relatifs à la DS.

5.3   Opinions d'ensemble sur la DS et sur le PADS-II

Dans l'ensemble, les opinions émises sur la DS et sur le PADS-II sont plutôt positives, avec malgré tout quelques exceptions. La majorité des OSC ont exprimé une opinion positive ou assez positive sur la DS et le PADS-II, quelques-unes une opinion négative, et d'autres étaient sans opinion, à cause surtout du manque de connaissances sur les activités relatives à la DS et au PADS-II.

5.4   Les secteurs les plus importants du PADS-II

Une réelle convergence de vues semble se dégager sur la question de savoir quels sont les secteurs du PADS-II qui sont les plus importants pour les pays dans lesquels sont localisées les OSC concernées. Économie, affaires et infrastructures; environnement, sûreté nucléaire et ressources naturelles, coopération transfrontalière et développement régional: tels sont les secteurs que les OSC affirment considérer comme les plus importants au sein du PADS-II. Justice et affaires intérieures, Kaliningrad et coopération arctique semblent présenter un intérêt moindre du point de vue des OSC.

Secteurs du PADS-II

Nombre de mentions

Économie, affaires et infrastructures

**************

Ressources humaines, éducation, recherche scientifique et santé

******

Environnement, sûreté nucléaire et ressources naturelles

************

Coopération transfrontalière et développement régional

**********

Justice et affaires intérieures

***

Kaliningrad

*****

Coopération arctique

****

5.5   Actions prioritaires

Les OSC ont estimé qu'il convenait de donner la priorité, dans le cadre des secteurs susmentionnés, aux actions suivantes:

questions relatives au marché du travail, emploi, dialogue social;

promotion des petites et moyennes entreprises;

facilitation des relations commerciales et économiques;

amélioration des conditions des investissements transfrontaliers;

mise en place de liens entre les infrastructures et amélioration des réseaux de transport.

En outre, les OSC ont souligné la nécessité d'autres mesures complémentaires:

actions visant à impliquer les acteurs de la société civile dans la mise en œuvre du PADS-II;

mise en place de structures pour la mise en œuvre du PADS-II;

attribution de ressources suffisantes au PADS-II;

distribution de rapports sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du PADS-II.

6.   Recommandations relatives à la dimension septentrionale

6.1

Le CESE apporte son soutien à la poursuite de la coopération régionale dans la partie septentrionale de l'Europe: une coopération structurée, multilatérale et transfrontalière qui implique également des pays tiers de la région. Il semble que la dimension septentrionale convienne à cet objectif.

6.2

Le CESE approuve la volonté existante de créer un lien entre la DS d'une part et la coopération UE-Russie et les quatre espaces communs d'autre part. Dans son récent avis sur le thème «Quelle contribution la société civile peut-elle apporter aux relations entre l'UE et la Russie?» (9), le Comité a affirmé, au paragraphe 3.2.5: «L'UE et la Russie devraient également travailler de concert à remodeler dans le même ordre d'idées la coopération régionale, le dossier de la dimension septentrionale (…). Le CESE note avec satisfaction que cet aspect a également été pris en considération dans les feuilles de route et encourage la prise de nouvelles mesures visant à développer la coopération régionale dans le cadre des relations UE-Russie».

6.3

Pour que la coopération régionale dans le cadre de la DS puisse fonctionner avec succès, il est nécessaire que la Russie participe comme il se doit à la préparation et à la mise en œuvre de la politique future relative à la DS. Il conviendrait d'envisager des mécanismes de coopération dans ce contexte, par exemple un conseil conjoint de pilotage, en prenant également en compte les pays tiers de la région.

6.4

Le CESE insiste sur les recommandations qu'il a déjà émises dans son avis sur les relations UE-Russie: il conviendrait que les questions relatives à la société civile soient mieux prises en compte dans les feuilles de route UE-Russie, et que les acteurs de la société civile soient impliqués dans la coopération UE-Russie. Il conviendrait entre autres d'envisager comment mettre en place une consultation structurée des OSC dans les mécanismes futurs de la DS.

6.5

Les cinq secteurs de coopération qui existent dans le cadre de la DS restent pertinents pour l'avenir. Il convient avant tout de s'appuyer sur les expériences positives qui ont lieu dans la création de partenariats dans le cadre de la dimension septentrionale (expériences qui existent à l'heure actuelle dans les secteurs de l'environnement, des services sociaux et de la santé, des technologies de l'information). Il conviendrait, à cet égard, d'envisager sérieusement de mettre en place des partenariats dans les secteurs suivants:

les infrastructures et la logistique,

l'emploi, les ressources humaines et les affaires sociales, y compris le dialogue civil,

la coopération transfrontalière et les contacts interpersonnels, y compris en ce qui concerne la jeunesse, l'éducation et la culture.

6.6

Les organisations régionales de la région de la mer Baltique, en particulier le Conseil des États de la mer Baltique (CEMB), devraient jouer un rôle central au cours du prochain cycle de la DS. Les organisations de la société civile disposeraient dans ce contexte d'une véritable possibilité d'être impliquées dans la DS et d'y contribuer au moyen des réseaux de coopération régionale qui leur sont propres et des liens qu'elles entretiennent avec les organisations régionales susmentionnées.

6.7

Le CESE renouvelle la recommandation qu'il avait déjà émise en 2004 quant à la nécessité d'améliorer la diffusion de l'information destinée au public sur la DS. Pour cela, une amélioration du système d'information sur la dimension septentrionale est nécessaire. Le CESE souligne également que cette diffusion de l'information devrait avoir lieu avant tout à l'échelon national et local, dans la mesure où elle relève de la responsabilité des pouvoirs publics et des autorités compétentes des États concernés. Une meilleure diffusion de l'information stimulerait, d'une manière générale, l'intérêt porté à la DS et encouragerait les acteurs de la société civile à augmenter leur participation et leur contribution.

6.8

Il conviendrait que le financement des partenariats conclu dans le cadre de la DS soit déterminé en se fondant sur une approche au cas par cas; tant les gouvernements que les institutions internationales devraient y jouer un rôle central. Les mécanismes financiers norvégien et de l'EEE pourraient, eux aussi, constituer un apport appréciable en fournissant une impulsion, en particulier pour les actions transfrontalières conjointes engagées dans le cadre de la DS. Il conviendrait que l'instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) soit d'actualité à partir du début de l'année 2007.

6.9

Le CESE poursuivra ses activités relatives à la DS et a l'intention de fournir une contribution à la réunion de hauts fonctionnaires qui se tiendra en 2006. Cette contribution peut également refléter des conclusions fondées sur les discussions que le Comité entreprend avec les OSC des pays partenaires. Le Comité est prêt, le cas échéant, à apporter sa contribution aux nouvelles réflexions qui pourraient avoir lieu sur la future mise en œuvre de la dimension septentrionale.

Bruxelles, le 29 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir http://europa.eu.int/comm/external_relations/north_dim/ndap/com03_343.pdf (en anglais uniquement).

(2)  COM(2003) 343 final, 10 juin 2003, p. 16.

(3)  JO C 73 du 9.3.1998, p. 57..

(4)  JO C 368 du 20.12.1999, p. 39..

(5)  JO C 139 du 11.5.2001, p. 42..

(6)  JO C 125 du 27.5.2002, p. 39..

(7)  Rapport du CESE 2004 concernant les conclusions du CESE dans le cadre du IIème plan d'action «Dimension septentrionale» (PADS-II).

(8)  COM(2003) 343 final, page 17.

(9)  JO C 294 du 25.10.2005, p. 21.


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/39


Avis du Comité économique et social européen sur «Mieux légiférer»

(2006/C 24/12)

En date du 7 février 2005, M. Denis McShane, Ministre des affaires européennes du Royaume-Uni, a sollicité au nom de la Présidence britannique du Conseil de l'Union européenne, un avis exploratoire du Comité économique et social européen sur le thème suivant: «Mieux légiférer».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 juillet 2005 (rapporteur: M. Daniel RETUREAU).

Lors de sa 420e session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 105 voix pour, 3 voix contre et 8 abstentions.

1.   Résumé de l'avis

1.1   Qu'est ce qu'une meilleure législation

1.1.1

Mieux légiférer constitue une véritable demande sociale que le CESE relaiera, à partir des besoins de la société civile, des usagers du droit, auprès des institutions européennes et des gouvernements.

1.1.2

Mieux légiférer, c'est avant tout se placer au niveau de l'usager de la norme juridique. D'où l'importance d'une démarche participative, qui organise la consultation préalable et prend en compte la représentativité des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, des groupes directement concernés par la législation, et qui utilise de façon constructive les ressources et compétences des institutions consultatives.

1.1.3

C'est aussi moins légiférer, lutter contre l'inflation législative et simplifier l'acquis, car trop de législation crée de l'opacité juridique, source notamment d'entraves aux échanges; c'est aussi s'assurer que la mise en oeuvre de la norme sera effective et simple.

1.1.4

Mieux légiférer, c'est ramener la législation à l'essentiel, privilégier les objectifs à atteindre. C'est aussi concevoir une législation souple, adaptable, tout en étant suffisamment pérenne, ce qui suppose rigueur, et surtout cohérence, de la conception à l'application sur le terrain.

1.1.5

Simplifier, c'est réduire autant que possible la complexité du droit, mais cela ne signifie pas qu'il faille forcément réduire de façon drastique l'œuvre législative communautaire ou déréglementer, sinon cela irait à l'encontre de l'attente de sécurité émanant de la société civile, et des besoins de sécurité juridiques et de stabilité exprimés par les entreprises, notamment les PME.

1.1.6

Toute législation ou partie d'une législation devenues obsolètes doivent être explicitement abrogées.

1.2   Comment améliorer la qualité de la législation communautaire

1.2.1

Chaque Direction générale (DG) de la Commission, compte tenu du nombre de textes qui relèvent de sa compétence et de leur complexité (mesurable par exemple par le nombre total de lignes et de renvois internes à d'autres législations antérieures, et par les obligations administratives qui en découlent), doit proposer un programme proportionné de simplification à inclure dans le programme d'ensemble de la Commission, précisant la nécessité et l'impact prévisible de ses propositions pour les destinataires de la législation candidate à la simplification. Ce programme devra définir les mesures proposées pour chaque groupe de textes retenus (abrogation, révision, codification ...), ainsi que les ressources estimées nécessaires à sa réalisation.

1.2.2

Un rapport annuel consolidé «Simplifier l'acquis et mieux légiférer» de la Commission fera état du programme retenu pour l'année et de la réalisation effective du programme de l'année précédente, ainsi que de la situation qui en résulte pour son programme glissant de simplification à moyen terme et son programme de travail. Les développements communautaires et nationaux en matière de simplification et de meilleure législation y seront analysés, le cas échéant accompagnés de propositions nouvelles et de recommandations. Il conviendra d'éviter la prolifération de rapports et de communications dont les contenus se recoupent ou se superposent.

1.2.3

Le pouvoir d'initiative n'est pas neutre; il a une influence déterminante sur le choix des priorités et des finalités de la législation, sur sa préparation, sa formulation, sa reformulation en cas d'amendements du législateur. La qualité et la pertinence de la proposition législative ont des conséquences directes sur la durée et l'issue de la procédure d'adoption. Or une mauvaise préparation de l'initiative entraîne une perte importante de temps et de ressources pour toutes les institutions concernées et les organisations consultées.

1.2.4

La qualité du texte adopté au terme de la procédure législative et celle de la transposition des directives ont aussi des conséquences en termes de contentieux et d'intervention du pouvoir judiciaire national et communautaire, de surcoûts pour les administrations nationales et les justiciables, si elles présentent des insuffisances ou entraînent des difficultés d'interprétation.

1.2.5

La Commission et le législateur ne sont pas omniscients: la réalité sociale, économique, technologique est à la fois complexe et changeante. Aussi modifier profondément ou assouplir une législation dont les effets pratiques divergent des objectifs poursuivis ou dont le coût de mise en oeuvre est excessif pour les administrations ou les usagers ne constitue pas un affaiblissement de l'autorité du législateur, mais au contraire une démonstration d'intelligence politique de nature à renforcer la confiance des destinataires et le respect du droit.

1.2.6

L'évaluation entamée en amont de la production législative doit donc s'achever avec l'étude (ou l'évaluation) d'impact (impact assessment), mesurant comment la législation peut effectivement être reçue, comment elle s'insèrera dans le corpus juridique préexistant et les éventuels problèmes de mise en œuvre.

1.2.7

En cas de retrait par la Commission de propositions législatives déjà en cours d'examen, il conviendrait que la Commission justifie son choix de mettre fin à la procédure législative engagée et qu'elle consulte les institutions législatives et consultatives ainsi que les organisations de la société civile dont l'opinion avait été sollicitée ou dont les intérêts sont affectés par un tel retrait.

1.2.8

L'évaluation législative ex ante et ex post, n'est concevable que comme un exercice pluraliste et participatif, afin de lui conférer une légitimité politique et pratique incontestable. Alors que l'évaluation, ex ante, précède puis accompagne le processus d'élaboration, l'évaluation ex post s'effectue en deux temps: tout d'abord durant la phase de transposition des directives ou d'exécution des règlements, qui peut faire apparaître de premières difficultés de réception et d'exécution, puis lors de l'évaluation d'impact proprement dite qui intervient après une période prédéterminée de mise en oeuvre sur le terrain, et qui peut alors mettre en évidence des conséquences imprévues voire indésirables. Cette évaluation d'impact peut impliquer un effet de retour (feed back) sur la législation ou sur les modalités de sa mise en œuvre (1) .

1.2.9

Les conséquences négatives ou imprévues peuvent être de nature très diverse: leur évaluation en termes de coûts excessifs pour les administrations ou les usagers doit être complétée par l'étude de leur impact social, économique, environnemental ou au regard des droits fondamentaux.

1.2.10

Il convient d'évaluer l'exercice des compétences d'exécution, tant communautaires (exécution directe, comitologie de réglementation, agences de régulation) que nationales (ministères, autorités décentralisées, autorités administratives indépendantes), leur impact (démarches administratives demandées aux usagers, coût, complexité) et l'effectivité des contrôles ou des sanctions éventuelles. Le législateur doit pouvoir effectuer un suivi de cet exercice qui combine régulation et exécution.

1.2.11

Les États membres doivent aussi développer et perfectionner leurs propres instruments d'évaluation, puis faire rapport à la Commission et au législateur national des résultats en mettant en évidence les réussites et les problèmes rencontrés.

1.2.12

Une politique de coordination, d'information et d'échange sur les pratiques nationales et leur efficacité, la publication régulière des tableaux de transposition, comme prévu dans la décision de la Commission, ainsi que le tableau de bord d'avancement du marché intérieur, permettront un suivi effectif et des corrections.

1.2.13

Le Comité économique et social européen, comme il s'y est engagé en octobre 2000 (Code de Conduite), continuera à lui donner un avis annuel sur le rapport global «Simplifier l'acquis et mieux légiférer» ainsi que sur les communications et les différents rapports sectoriels présentés par la Commission en matière de simplification de l'acquis et de qualité de la législation.

1.3   Conclusion

1.3.1

Le CESE estime que la tâche de rendre le corpus juridique communautaire plus simple, cohérent et pertinent n'est pas seulement une question de méthodes et de techniques, mais une question profondément politique qui demande une intense mobilisation interinstitutionnelle, soutenue par un appui participatif tout aussi intense de la part de la société civile organisée.

AVIS

2.   Introduction

2.1

Le Comité économique et social européen (CESE) a été saisi par la Présidence britannique d'une demande d'avis sur le thème «Mieux légiférer»; il est également saisi du 12ème rapport de la Commission sur le thème de la simplification du droit communautaire et a pris en considération sa Communication «Mieux légiférer, croissance, emploi» faisant suite au Conseil européen sur la révision de la stratégie de Lisbonne, ainsi que la récente décision de la Commission sur la transposition des directives.

2.2

Les suggestions du Comité ne remettent pas en cause la méthode communautaire, fondée sur l'État de droit (rule of law), réaffirmée et consolidée dans le traité constitutionnel, ainsi que complétée par l'adjonction d'une procédure d'intervention directe de la société civile auprès du pouvoir d'initiative. Elles s'appuient essentiellement sur les conclusions du Conseil d'Édimbourg de 1992, le Livre blanc sur la gouvernance et la stratégie de Lisbonne (2000 -2001), l'Accord interinstitutionnel du 16 décembre 2003 et prennent en compte les travaux engagés par l'initiative des six Présidences et du Conseil.

2.3

Cependant, elles insistent sur la participation de la société civile au processus d'élaboration, d'évaluation et de révision ultérieure de la législation. Ses opinions et propositions sur l'objet et la qualité des projets législatifs visent à contribuer de façon constructive à l'amélioration de l'environnement juridique et administratif pour les entreprises et les citoyens.

2.4

Le CESE reconnaît le besoin de mieux légiférer et salue toute initiative allant en ce sens. Cependant, il souligne que toute réglementation ne doit pas être considérée comme inutile ou handicapante pour que l'UE s'adapte aux défis qui se posent à elle. D'ailleurs, il ne pourrait soutenir un processus qui conduirait la Commission, en tant que gardienne de l'intérêt communautaire et moteur de l'intégration européenne, à renoncer à exercer son droit d'initiative et de ce fait, à contribuer à créer «une Union sans cesse plus étroite entre les peuple».

I.   MIEUX LEGIFÉRER: DE QUOI S'AGIT-IL?

3.   Mieux légiférer: une stratégie communautaire prioritaire

3.1

Mieux légiférer, c'est contribuer à une meilleure gouvernance, et à une législation plus simple et compréhensible est aussi de nature à donner à la société civile une bonne image des institutions européennes dans leur capacité à agir efficacement; c'est donc rétablir la confiance de la société civile dans les institutions productrices de normes.

3.2

Actuellement, le principe d'égalité devant la loi est remis en cause par la complexité et le nombre des normes en vigueur, la difficulté d'accès au droit applicable et au droit en gestation; or les impératifs d'intelligibilité et d'accessibilité de la législation doivent autant dominer la simplification de l'acquis que la préparation de nouvelles propositions législatives.

3.3

La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée solennellement à Nice en 2000 affirme le droit des citoyens européens à une bonne administration; l'information et la participation des destinataires, la nécessité de la proposition législative, le recours à des expertises indépendantes et fiables, la mise en oeuvre des principes de proportionnalité et de subsidiarité, la qualité de la législation, de sa transposition ou de son application, et la simplification administrative sont des conditions essentielles de l'efficacité de ce droit du point de vue des usagers du droit.

3.4

Les priorités «Simplifier l'acquis» et «Mieux légiférer» accompagnée par des actions communautaires engagées à cet effet participent de la même démarche de bonne gouvernance et demandent que l'on y dédie des ressources suffisantes; il leur faut s'intégrer au processus d'élaboration et d'application de la législation. Le processus une fois bien établi doit être politiquement soutenu dans le temps par des ressources adéquates.

3.5

La simplification de l'acquis et l'amélioration de la qualité et de l'efficacité de la législation sont devenues une priorité communautaire absolue pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, le développement durable, la qualité de vie des citoyens de l'Union, y compris pour faciliter l'activité économique des entreprises européennes dans le marché intérieur et dans les échanges commerciaux avec les pays tiers.

3.6

Cependant, les travaux entrepris et les initiatives engagées sont encore loin d'avoir donné leur pleine mesure; l'insuccès actuel de la stratégie de Lisbonne, le constat et les propositions du rapport de Wim Kok, et sa relance par le Conseil européen conduisent nécessairement à une réévaluation de la stratégie engagée depuis 1992 d'ailleurs notablement renforcée depuis 2001 par les institutions et les États membres pour améliorer la législation et son application.

3.7

Le CESE partage le point de vue de la Commission selon lequel une réévaluation globale des besoins et des ressources disponibles s'impose. Cela vaut aussi au niveau national.

3.8

Or, les difficultés de l'Europe en termes de compétitivité, de réalisation d'une économie de la connaissance et sur le plan politique en termes de transparence, de participation, d'efficacité et d'acceptation de la législation par les citoyens et les entreprises, demandent un renforcement décisif, voire sous certains aspects une redéfinition des méthodes, accompagnée d'une réaffectation des moyens pour mieux légiférer dans une Europe à 25 qui va d'ailleurs continuer de s'élargir à l'avenir.

3.9

La stratégie actuelle de la Commission se dégage clairement de deux communications publiées en mars 2005 (2) et devrait être complétée par la proposition d'un cadre opérationnel pour les agences au cours de cette année. Ce cadre devrait, selon le CESE, se limiter à donner des lignes directrices, sans porter atteinte à l'autonomie des agences, qui sont déjà contrôlées par la Cour des Comptes dans l'exécution de leurs budgets et par l'autorité judiciaire en cas de contentieux.

3.10

Dans le 12e rapport «Mieux légiférer 2004» (3), sont rappelés: le plan d'action de la Commission «Simplifier et améliorer l'environnement réglementaire», l'accord interinstitutionnel (AII) de décembre 2003 (4) et la stratégie des États membres inscrite dans le programme d'action intergouvernemental adopté en mai 2002 par les ministres de l'administration publique. Dans son 11ème rapport «Mieux légiférer 2003» (5), la Commission avait rappelé ses objectifs qui sont en outre déclinés en détail dans huit communications thématiques (6).

3.11

Le plan d'action de la Commission découle de travaux préparatoires d'experts et du Livre blanc sur la gouvernance européenne de 2001 et les travaux du groupe sur la qualité de la réglementation mis en place en 2000 par les ministres de l'administration publique; un consensus assez large existe désormais.

3.12

L'amélioration de l'acquis communautaire par la simplification constitue un objectif essentiel pour la Commission, qui s'est donnée une méthodologie et des moyens pour y parvenir.

3.13

La Commission a pris des dispositions cadre en ce qui concerne les modalités des consultations préalables, la conduite des évaluations d'impact, la qualité et les modalités de rédaction de la législation nouvelle, depuis le début du processus lancé par le Conseil d'Édimbourg de 1992 en matière de simplification et de respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité. Douze rapports annuels relatent le suivi et les progrès, pourtant ces derniers, quoique réels, sont encore loin d'être pleinement convaincants pour les usagers du droit.

3.14

L'initiative engagée par le Conseil pour une meilleure législation depuis la présidence irlandaise a fait l'objet en 2004 de la déclaration des six Présidences en vue d'une meilleure législation (7). Le Conseil «Compétitivité» de novembre 2004 a identifié une vingtaine d'actes législatifs (répartis en 15 priorités) pour la simplification et a poursuivi ses travaux à cet effet en février 2005; la Commission a entrepris de concrétiser ces orientations et il est devenu impératif de réussir.

3.15

Dans sa communication «Améliorer la réglementation en matière de croissance et d'emploi dans l'Union européenne» (8), la Commission redéfinit son approche de 2002 dans le cadre de la révision de la stratégie de Lisbonne.

3.16

Le CESE est pour sa part également déterminé, en qualité de représentant institutionnel de la société civile organisée, à contribuer dès l'amont et beaucoup plus activement à l'initiative de doter l'Europe d'une meilleure législation, plus claire, plus cohérente et plus efficace afin de répondre aux attentes légitimes des citoyens et des entreprises. Le protocole (9) conclu avec la Commission lui permet d'organiser des consultations sur les propositions législatives. Ses avis doivent à cet égard être plus incisifs et se placer prioritairement du point de vue des destinataires de la législation.

4.   Fondements d'une stratégie pour mieux légiférer en Europe

4.1

La législation constitue le moyen privilégié de l'action communautaire, en vertu du cadre juridique fixé par les traités, à la différence des États membres qui peuvent recourir à une plus grande variété d'instruments.

4.2

L'amélioration de la législation (existante et à venir) devrait viser non pas seulement la simplification, mais aussi l'utilisation cohérente des concepts juridiques, la clarté de la rédaction, en priorité dans les domaines où la législation est la plus évolutive, la plus abondante ou la plus complexe. On peut citer comme exemple la législation relative au marché intérieur et à l'environnement, la politique des transports ou les statistiques.

4.3

La stratégie de Lisbonne, notamment la nécessité d'améliorer la compétitivité et l'objectif d'une meilleure gouvernance européenne (10), impliquent en particulier de se livrer à un examen de la fonction de régulation et des conditions de son exercice en même temps que des répercussions de la législation européenne dans les États membres (législation, administration) pour assurer une application plus uniforme du droit et la cohérence législative dans un «level playing field» du marché intérieur. Pour cela, les transpositions ne doivent pas ajouter des dispositions inutiles ou compliquer les directives.

4.4

Le Conseil européen de Lisbonne avait déjà demandé à la Commission, au Conseil et aux États membres de définir pour 2001 une stratégie visant, par une action coordonnée, à simplifier l'environnement réglementaire (11). Il a aussi souligné la nécessité de s'orienter vers des modes de réglementation nouveaux et plus souples.

4.5

Le CESE considère que ces modes nouveaux de réglementation auxquels il apporte son soutien (12), impliquent un engagement plus direct et plus permanent de la société civile dans l'action législative, soit en coopération avec les institutions, soit de manière plus autonome (corégulation et autorégulation), comme prévu par l'AII de décembre 2003.

4.6

Il convient de créer de nouveaux partenariats avec les acteurs socio-économiques (mieux mobiliser les Comités de l'emploi, du Dialogue social, mais aussi éventuellement créer des Comités sectoriels, ou des groupes de travail thématiques, par exemple), car l'économie se mondialise et se dématérialise (économie numérique et société de la connaissance, questions de propriété industrielle et de droits d'auteur, audit des entreprises, nouveaux instruments et services financiers) (13), ce qui remet en cause les procédures et instruments traditionnels, où suppose en tout cas de surmonter leur difficulté à s'adapter aux évolutions rapides des marchés et aux besoins en matière d'innovation, d'investissements ou en matière de formation et de recherche.

4.7

Pour sa part, la Commission pratique déjà des procédures de consultation, des évaluations d'impact dont la feuille de route est publiée chaque année, en recourrant notamment à la méthode comparative «coûts-avantages», qui est complétée par d'autres outils, comme l'analyse multi-critères. Le seul bilan coûts-bénéfices ne constitue pas pour le CESE un outil totalement pertinent pour tous les domaines et pour toutes les conséquences de la législation (santé publique, environnement, par exemple). En effet, la mise en oeuvre de droits fondamentaux ou de considérations d'intérêt général par définition difficiles à évaluer en termes de coûts-avantages sont à inclure dans l'analyse.

4.8

Outre la communication «Mettre à jour et simplifier l'acquis communautaire» (14) qui fixe le cadre d'action, deux initiatives plus spécifiques ont été lancées en ce qui concerne d'une part la législation agricole (15) et en 2004 celle de la pêche (16), particulièrement touffues et évoluant rapidement, et d'autre part la simplification dans le marché intérieur (SLIM) qui fonctionnait depuis 1996 et avait donné des résultats partiels mais encourageants, bien que peu suivie par le Conseil et le Parlement, au point de sembler désormais abandonnée (17).

4.9

L'accord interinstitutionnel (AII) du 16 décembre 2003 entre la Commission, le Parlement et le Conseil (18) vise à fonder entre les institutions une approche rénovée de la fonction législative qui ouvre des possibilités accrues en faveur du contrat, la corégulation et l'autorégulation. Le CESE a adopté un avis suivant cet accord sur le thème de la simplification (19), et le rapport d'information précité sur les formes alternatives de régulation (20). Auparavant, le CESE avait surtout concentré son attention sur l'action SLIM. La mise en œuvre de l'AII devrait s'effectuer, selon le Comité, en prêtant une attention particulière aux PME et à l'application de la Charte des petites entreprises européennes.

4.10

On prétend parfois que plus de la moitié de la législation applicable dans les États membres est d'origine communautaire; le chiffre avancé en 2000 lors des travaux préparatoires sur la gouvernance évoquaient 80.000 pages d'acquis communautaire; aujourd'hui, d'autres études montrent une évolution plus modérée, de l'ordre de 10 % de la législation interne nouvelle.

4.11

En tout état de cause, l'application de cette législation a un coût en termes d'élaboration, de transposition et d'application non seulement pour l'Union et les États membres, mais aussi un coût pour les entreprises et les particuliers qui sont censés connaître la loi, la respecter et suivre des démarches administratives spécifiques (compliance costscoûts de mise en œuvre).

4.12

Les coûts de production de la législation, de son respect et de ses implications administratives et bureaucratiques sont difficiles à évaluer, mais un nombre croissant de critiques, en particulier de la part des entreprises, sont formulées pour souligner les exigences, difficultés, obstacles et démarches parfois superflues qui en résultent, au point, selon certains, de constituer un frein important à la compétitivité européenne, ce qui rejoint ainsi la préoccupation du Conseil et de la Commission. Ces coûts doivent être évalués pour une approche objective de la qualité de la législation. L'OCDE estime le coût de mise en œuvre de la réglementation entre 3 et 4 % du PIB européen (21).

4.13

Mais l'angle d'approche par les coûts de mise en conformité et par l'impact sur la compétitivité ne concerne qu'un aspect, certes non négligeable, mais non unique ou privilégié de la question (22). Néanmoins, il serait possible d'envisager une approche par l'aval de la meilleure législation; ce serait celle qui, pour atteindre ses objectifs, offrirait des coûts de mise en oeuvre et de respect minimaux; c'est une suggestion du rapport Mandelkern que le CESE souhaiterait voir tentée, à titre expérimental, sur des propositions qui auront un impact sur les entreprises et en particulier sur les PME. La Commission considère déjà la question des coûts administratifs dans son approche, et travaille actuellement sur un projet pilote pour les modéliser (EU Net Admin. Costs model).

4.14

Légiférer constitue un acte politique qui concerne, au-delà des institutions communautaires et des gouvernements, la société civile organisée et tous les citoyens européens. Nombre de critiques portent sur l'opacité, la complexité des procédures d'élaboration du droit européen et leur insuffisante transparence, l'introduction stérile d'exigences ou de procédures lors de la transposition d'une directive alors que cette dernière ne le requiert même pas (gold plating). Ce sont autant d'arcanes de procédures administratives qui multiplient obstacles, paperasse et coûts pour les usagers du droit (red tape). Par ailleurs les ONGs et les partenaires sociaux se plaignent souvent du caractère formel et des limites des procédures de consultation préalable, alors que celles-ci leur demandent un investissement en temps et en expertise aussi important que coûteux.

4.15

Il s'agit là de problèmes de visibilité institutionnelle, de gouvernance et de démocratie, tant pour les institutions que pour les États membres; il en va de l'image de l'Europe et de ses institutions, qui sont aujourd'hui dans l'obligation de trouver des solutions rapides et efficaces; il s'agit en même temps de mieux répondre aux défis de la croissance, l'emploi et la compétitivité en Europe. Les États membres doivent aussi envisager une réforme de l'État et de ses administrations car ils sont impliqués directement dans ces critiques et leur contribution active à une meilleure gouvernance globale est indispensable.

4.16

Ceci a une incidence directe sur les progrès de l'idée européenne et de la construction de l'Union, en particulier au moment où le débat politique sur le traité constitutionnel est au centre de l'attention des citoyens. Il convient de répondre aux attentes des citoyens et de la société civile sur le terrain de l'amélioration de la qualité et la lisibilité de la législation communautaire, et d'œuvrer en faveur de sa simplification, tout en évaluant la charge bureaucratique pesant tant sur les administrations que sur les entreprises pour l'application du droit.

II.   AMELIORER LA QUALITE DE LA LEGISLATION COMMUNAUTAIRE

5.   Simplifier l'acquis

5.1

En février 2003, la Commission a lancé un cadre d'action visant à réduire le volume de l'acquis communautaire, à améliorer l'accessibilité de la législation et à simplifier la législation existante. Sur cette base, la Commission a mis au point un programme glissant de simplification et a présenté une trentaine d'initiatives ayant un effet de simplification pour les opérateurs économiques, les citoyens et les administrations nationales. A ce jour, 15 propositions législatives sont toujours à l'examen du législateur pour adoption.

5.2

Le CESE attend la présentation en octobre 2005 de la nouvelle phase de programme de simplification de la Commission. Cette nouvelle phase devrait notamment prendre en compte l'avis des parties intéressées (voir la consultation publique ouverte le 1er juin 2005 sur le site EUROPA) et inclure une approche sectorielle.

5.3

Le CESE rappelle l'importance de la mise en œuvre de l'accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» adopté en décembre 2003 et notamment son paragraphe 36 concernant les méthodes de travail du Conseil et du Parlement européen pour l'examen des propositions de simplification.

5.4

La codification, instrument de simplification essentiel, doit légalement se substituer au droit dispersé en le regroupant et en l'harmonisant. Le droit antérieur doit être explicitement abrogé pour donner au code la sécurité juridique qu'attendent les destinataires et usagers du droit. Cela implique une adoption formelle des codes par le législateur, à la différence de la consolidation réalisée par l'Office des Publications officielles, qui revêt un caractère technique n'offrant pas les mêmes garanties de sécurité juridique bien que facilitant la connaissance du droit. La consolidation est en fait une préparation à la codification.

5.5

Le domaine codifié doit offrir un certain niveau de complétude ou de stabilité du droit si la codification est effectuée à droit constant; rien n'empêche d'envisager dans certains domaines une autre forme de codification lorsqu'une refonte partielle du droit applicable est devenue nécessaire.

5.6

Si une disposition peut trouver sa place dans plus d'un code, qu'elle figure dans un code à titre principal et, dans les autres codes, sous une forme typographique spécifique, avec mention du code où elle est inscrite à titre principal.

5.7

Si une consolidation conduit à constater des contradictions internes, comme des définitions ou un vocabulaire divergents d'un texte à l'autre, une reformulation globale remplaçant le texte consolidé devrait alors être soumise dans les meilleurs délais au législateur.

5.8

Les erreurs éventuelles d'abrogation ou de codification sont corrigées et publiées au plus vite.

5.9

Le recours systématique à la consolidation constitue un moyen continu et efficace de simplification, qui peut mettre en évidence le besoin de codifier ou de réviser la législation pour la rendre plus claire et cohérente; cela facilite beaucoup l'accès au droit en vigueur.

5.10

Le site EURlex doit permettre d'accéder tout le droit applicable; tous les textes codifiés et consolidés représentant le droit en vigueur doivent rester inscrits en permanence dans EURlex.

5.11

Or, après un certain délai, les textes applicables deviennent difficilement consultables, en raison de la méthode d'accès aux Journaux officiels, ce qui fait obstacle à la connaissance complète de l'acquis: ce problème technique doit être corrigé.

6.   Propositions du CESE sur les méthodes à considérer afin de mieux légiférer

6.1

Le site PRElex devrait permettre d'accéder à tout le droit en gestation en situant ce dernier dans son environnement (accompagné des évaluations, consultations, études et explications); lorsqu'une législation en préparation renvoie à d'autres directives ou règlements, un lien hypertexte devrait permettre d'y accéder directement, quelle que soit la date de publication au Journal officiel.

6.2

Abroger explicitement ou modifier toute norme antérieure contradictoire avec une législation nouvelle.

6.3

La plupart de ces méthodes existent déjà et sont utilisées, mais certaines demandent à être perfectionnées. D'autres méthodes ou aménagements peuvent être envisagés, mais l'ensemble de leur mise en œuvre ne doit pas surcharger ou retarder indûment des procédures d'élaboration déjà complexes, d'autant que le traité constitutionnel ferait de la codécision la procédure législative ordinaire.

6.4

Ainsi, la Commission propose (COM 2005/097) d'instituer auprès d'elle deux instances de travail:

un groupe d'experts nationaux de haut-niveau en réglementation, l'aidant à la mise en oeuvre du processus «Mieux légiférer»;

un réseau d'experts scientifiques fournissant des avis sur la méthodologie choisie (évaluations d'impact, notamment), au cas par cas.

6.5

La Commission a déjà recours à de telles expertises, en fonction des projets législatifs; l'expérience dira si cette formalisation du recours à l'expertise apportera une plus value par rapport aux pratiques actuelles.

7.   En amont du projet législatif

a)

Définition des objectifs à atteindre par la législation, en fonction du droit originaire et de la législation déjà existante, y compris la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE) dans le domaine concerné; examen des possibilités d'atteindre au mieux les objectifs envisagés ou poursuivis en évitant l'inflation législative, dans le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité;

b)

hiérarchisation des objectifs et définition de priorités par voie de mesures sectorielles ou horizontales; rôle du Conseil dans cet exercice; examen de la nécessité de légiférer, si des moyens n'existent pas déjà dans les traités ou la législation dérivée pour parvenir aux mêmes objectifs;

c)

planification à moyen terme (agenda, plan de travail) pour atteindre les objectifs déterminés, en intégrant l'utilisation de nouveaux partenariats pour atteindre ces objectifs;

d)

définition de l'acte ou des actes juridiques les plus appropriés aux objectifs à atteindre: directive (loi-cadre), règlement (loi), simplification (fusion de la nouvelle législation avec la législation antérieure, avec unification des concepts juridiques et des définitions, consolidation systématique des modifications avec le texte antérieur, codification, restatement — fusion de la législation dispersée dans un instrument révisé et simplifié -) ou autre forme de régulation par des méthodes alternatives (codécision, corégulation, autorégulation «supervisée» ou non, contractualisation); intégration de l'objectif de simplification et de clarification dans toute démarche législative nouvelle;

e)

études d'impact préliminaires allant au-delà de la méthode coûts-avantages en termes purement financiers, notamment dans des domaines où la quantification dans ces termes est difficile (mesures environnementales, par exemple: impact sur la santé publique, la bio-diversité, la qualité de l'air ou de l'eau; mesures sociales: participation, conditions de vie et de travail et leur impact prévisible sur la productivité et l'efficacité économique ou le bien-être social); le bilan global doit être positif en termes d'intérêt public ou d'intérêt général (effectivité de droits socio-économiques, par exemple), mais les modalités d'application doivent éviter dans toute la mesure du possible des contraintes trop fortes, des coûts de mise en œuvre (compliance costs) disproportionnés ou des contrôles et dispositions superfétatoires par rapport aux buts à atteindre; si le calcul financier reste indispensable, il peut dans certains cas être relativisé au regard de certains objectifs politiques prioritaires;

f)

démocratie participative: formes alternatives de régulation impliquant directement les destinataires de la législation; dans le cas d'instruments législatifs, consultation, impliquant en priorité et de manière effective et suffisante les acteurs les plus directement concernés de la société civile, directement et par l'intermédiaire de leurs organisations représentatives, éventuellement sollicitation d'avis exploratoires auprès du Comité économique et social et/ou du Comité des régions; utilisation des Livres verts et blancs comme outils préparatoires et de large consultation de la société civile et des institutions; création de partenariats avec les organisations de la société civile organisée; utilisation des moyens de communication pour expliquer les objectifs et le contenu des instruments envisagés.

8.   Élaboration du projet législatif selon le CESE

8.1   Études d'impact:

8.1.1

Le CESE prend note de l'adoption de nouvelles lignes directrices internes à la Commission pour l'analyse d'impact qui sont opérationnelles depuis le 15 juin 2005.

8.1.2

Les évaluations d'impact préliminaires, proportionnées à l'ampleur et à la complexité des objectifs à atteindre, devraient être initiées en utilisant les ressources humaines et les compétences existantes au sein de la ou des DG qui veulent engager une initiative dès que les objectifs à atteindre par la législation envisagée ont été établis au plan politique. Il s'agirait alors d'une première approche de l'évaluation.

8.1.3

Les critères et la méthodologie peuvent répondre à un standard prédéfini, mais adapté ensuite à chaque DG; en tant que de besoin, au projet à l'étude. Des consultations informelles portant sur le champ d'application, les objectifs, la nature de l'instrument et son impact prévisible avec certaines des organisations les plus représentatives ou les plus concernées, des experts nationaux peuvent être envisagées à ce stade, sans pour autant remettre en cause le principe de consultation ouverte.

8.1.4

Ce que le CESE qualifie «d'étude d'impact préliminaire» (23) pourrait alors être affinée, en interne et en tant que de besoin en recourrant à une expertise externe indépendante ou à des experts nationaux sur le modèle suggéré par la Commission (24).

8.1.5

Le Comité insiste pour que les analyses d'impact traitent de manière équilibrée des trois dimensions — économique, sociale et environnementale — de la Stratégie de Lisbonne.

8.1.6

Le CESE considère qu'il est important de placer l'étude d'impact au cœur du processus d'élaboration et d'application de la législation; ces études ne doivent plus apparaître comme des exercices administratifs obligés, ou sans valeur ajoutée.

8.1.7

Il insiste sur l'obligation d'une évaluation d'impact au moins pour tout projet législatif affectant les entreprises ou les travailleurs dans les divers secteurs économiques, et pour toute proposition relevant de la codécision. Le choix de l'instrument législatif ou une éventuelle alternative à la législation (corégulation, contrats, autorégulation) devrait être justifié comme prévu par l'accord interinstitutionnel de décembre 2003 «mieux légiférer» et du point de vue de sa contribution à la simplification juridique ou administrative pour les destinataires. Toutefois, les résultats de l'analyse d'impact ne peuvent suffire à justifier du lancement d'une proposition législative.

8.2   Consultations et rédaction:

8.2.1

Le stade suivant, celui de la rédaction proprement dite de la législation, se réaliserait aussi d'abord en interne, selon les méthodes de travail de la Commission, notamment le Guide de rédaction, qui pourra être affiné avec des comités de juristes et d'experts auprès de la Commission; cette rédaction devrait laisser certaines options ouvertes; en effet, le stade de la consultation ne devrait pas offrir un texte déjà «ficelé» dans les moindres détails, mais les intéressés devraient être consultés sur les diverses options politiques possibles.

8.2.2

Les organes communautaires consultatifs devraient aussi être saisis ou s'autosaisir dès ce stade des projets d'une certaine importance; par exemple, au-delà du cas des Livres verts et blancs, le Comité des régions, représentant des administrations et pouvoirs locaux, et le CESE, en sa qualité de représentant de la société civile organisée, devrait pouvoir être sollicités pour un avis consultatif exploratoire sur les propositions législatives concernant en particulier le marché intérieur, l'économie, les entreprises, le commerce international, les relations extérieures, l'environnement, les questions sociales et d'immigration, la consommation, les réformes des législations agricoles. L'avis devrait porter sur l'étude d'impact préliminaire comme sur les objectifs poursuivis et les moyens d'y parvenir.

8.2.3

En effet, les avis donnés sur des textes législatifs déjà élaborés en détail et ayant fait l'objet de premiers arbitrages constitue un exercice trop tardif pour influencer significativement leur économie générale; l'expertise des Comités pourrait ainsi contribuer dès l'amont de façon beaucoup plus constructive à une meilleure législation et à sa compréhension et à son acceptation par les destinataires.

8.2.4

Pendant cette phase, la consultation directe des intéressés et des institutions ou organisations et institutions nationales et locales devrait être réalisée, en combinant les moyens classiques (auditions, séminaires, demandes d'avis consultatif) et les moyens électroniques (courriers électroniques, questionnaire sur le site de la DG principalement compétente). En application des protocoles conclus avec les organes consultatifs, celles-ci peuvent organiser certaines des procédures de consultation: l'utilisation devrait en être développée.

8.2.5

L'ouverture d'une consultation ouverte via un site communautaire suppose l'utilisation de moyens de communication et de publicité adéquats pour que la nature, le contenu résumé et le site soient connus du plus grand nombre possible de personnes, d'acteurs socio-économiques, d'entreprises ou d'administrations locales concernées par le projet législatif; un registre des organisations européennes et nationales, des administrations locales, des CES nationaux et régionaux, pourrait être établi, afin de les alerter par courrier électronique d'une ouverture de consultation; les organes de communication pertinents pourraient aussi être alertés (presse générale, spécialisée, professionnelle…) afin de diffuser l'information.

8.2.6

Une synthèse objective des éventuelles réponses aux consultations doit être publiée en fin de parcours sur le site de la Commission. Cette synthèse devra être libre de tout préjugé ou de toute tendance à retenir en priorité ce qui irait dans le sens voulu initialement par la Commission, se dégager de pressions de lobbies aussi, et ce afin de faire prévaloir l'intérêt général sur des intérêts particuliers ou le réalisme de terrain sur des approches idéologiques.

8.2.7

Sinon des obstacles difficilement surmontables pourraient en résulter par la suite, comme celles rencontrées à propos des deux projets de «paquets portuaires» (absence d'étude d'impact, absence de références aux conventions maritimes internationales de l'OIT ratifiées par les États membres), du projet de directive «services dans le marché intérieur» (renoncement à l'harmonisation des législations), ou la proposition de directive sur «la brevabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur» (qui introduisait de sérieuses confusions et incertitudes juridiques, et envers laquelle le CESE avait émis de fortes réserves, et qui a finalement été rejetée en 2ème lecture par le Parlement (25)).

8.2.8

En ce qui concerne l'impact sur les administrations nationales, exécutrices principales de la législation communautaire, il conviendrait de recourir aux méthodes déjà en place dans de nombreux pays en établissant des liens entre la DG compétente et les services idoines de l'administration nationale, des directions juridiques, et des directions techniques concernées. Une coopération et des évaluations des procédures internes d'étude d'impact sont à envisager -benchmarking- pour établir des critères comparables et tenant compte des destinataires finaux de la législation.

8.2.9

Les critères de détermination de la qualité et de l'impact de la législation devront être simples, comme ceux proposés dans le rapport Mandelkern (26), et utiliser au mieux les ressources statistiques européennes et nationales existantes, les expériences des services de contrôle ou d'inspection. Ils ne devront pas négliger la consultation du personnel d'exécution et de suivi qui la mettra en pratique. Ils envisageront aussi les besoins d'information et éventuellement de formations complémentaires ou de recrutement/redéploiement pour une mise en oeuvre efficace sur le terrain.

8.2.10

Il s'agira en effet d'établir le coût de mise en oeuvre et les prérequis techniques de manière aussi fine que possible, à chaque niveau concerné, compte tenu de la législation déjà existante dans le domaine visé. On pourra ainsi atteindre l'objectif d'une meilleure connaissance des divers aspects de l'impact de la législation prévue et en minimiser le coût de mise en œuvre.

8.2.11

Le réseau d'experts scientifiques établi auprès de la Commission, pourrait travailler à affiner la méthode actuellement suivie par la Commission afin d'en renforcer l'efficacité. Il lui faudrait éventuellement examiner aussi les études d'impact particulières liées à un projet ou à des amendements qui lui seraient soumises.

8.2.12

Une programmation est nécessaire pour chaque projet afin de définir les étapes et connaître les contraintes de temps qui doivent s'inscrire dans une planification d'une durée raisonnable de la préparation de la législation, tenant compte des implications et des urgences éventuelles.

8.2.13

Les études d'impact estimées incomplètes ou insuffisantes devraient pouvoir être révisées, y compris par le recours à des expertises externes si nécessaire. Le Parlement vient d'ouvrir une nouvelle rubrique sur son site OEIL (27) qui concerne l'analyse des études d'impact et qui pourrait venir en complément, peut-être critique, des publications déjà effectuées par la Commission (feuille de route et évaluations particulières pour tous les projets relevant de la codécision que la Commission s'est engagée à réaliser dès 2005).

8.2.14

Une fois ces étapes franchies, il deviendrait alors possible de finaliser la proposition législative, l'étude d'impact (28) et la fiche financière ainsi que les explications destinées à faire comprendre aux usagers, aux praticiens et aux législateurs communautaires et nationaux — en termes aussi compréhensibles que possible, — les finalités, la portée et les conséquences pratiques de la législation proposée. Un «contrôle de qualité» de la législation devrait tout particulièrement intervenir au cours de cette phase; il reste à en définir les modalités pratiques.

8.2.15

La communication de la Commission aux législateurs et organes de conseil communautaires et nationaux ou aux organes locaux d'application et de contrôle devrait contenir tous ces éléments.

8.2.16

Une fois l'instrument choisi, il importera de définir précisément son champ d'application, en distinguant ce qui relève de l'instrument envisagé (directive) de ce qui pourrait figurer dans un instrument différent (règlement) ou bien encore relever d'une méthode alternative de régulation.

8.2.17

La rédaction devra être claire, non ambiguë, se référer explicitement, au-delà de la base juridique retenue, aux autres articles concernés des traités et à la législation antérieure (le simple renvoi technique à une édition du JOCE ne sera pas suffisant. Il conviendra au contraire de préciser la dénomination complète et synthétiser brièvement le contenu et la portée des instruments auxquels il est fait référence afin de favoriser la compréhension des usagers du droit et non seulement celle des juristes spécialisés). Les considérants ou attendus seront particulièrement importants pour rendre intelligibles les objectifs et le contenu de la législation proprement dite, et devront être clairement rédigés, en évitant tout développement parasite.

8.2.18

L'évolution ou la modification ultérieure de la législation pourrait être intégrées dans la législation elle-même (rapport de la Commission après un temps d'application déterminé que l'on rencontre déjà ou, mieux encore, clause-type de révision — sunset clause — après une certaine période, par exemple trois ans) (29); ce qui supposera un système d'information, de feed back, appuyé sur la sollicitation d'informations et de suggestions de la part de la société civile qui devra disposer d'un interlocuteur communautaire à cet effet (point de contact unique au niveau des représentations communautaires dans les pays membres, ou service déterminé de la Commission indiqué dans la législation elle-même).

8.2.19

La Commission devrait alors, en application de la clause de révision, soit proposer des modifications ou une initiative dans un délai déterminé, soit dans le même délai expliquer pourquoi des modifications ne sont pas à son point de vue nécessaires.

8.2.20

Certains «think tanks» préconisent de créer une agence européenne de contrôle de la qualité ou de la pertinence de la législation. Il serait disproportionné, et contraire à la lettre et à l'esprit des traités, de créer une sorte d'autorité supérieure de supervision de la législation avec un pouvoir de modification. Cela remettrait en cause le pouvoir — et le devoir — d'initiative de la Commission. Le Comité n'est en tout état de cause pas favorable à la création d'une telle «super agence» de contrôle de l'exercice du pouvoir d'initiative de la Commission. Il préfère insister sur les procédures de consultation ex ante et la qualité des études préliminaires d'impact et sur les études et consultations ex post.

8.2.21

Les pouvoirs réglementaires autonomes ou délégués doivent également faire l'objet d'évaluations car les comités de législation et les agences réglementaires travaillent dans une opacité relative au regard des procédures législatives ordinaires. Le législateur doit pouvoir contrôler l'exercice de ces pouvoirs. La composition des Conseils d'administration des agences devrait en outre comporter une représentation à parité des partenaires sociaux.

8.2.22

La qualité des traductions dans les langues officielles de l'Union est parfois un problème: le nombre et les compétences des juristes-linguistes au sein de la Commission doivent être renforcés pour tenir compte des élargissements. L'expertise en légistique formelle et en évaluation législative devra être développée en interne pour les fonctionnaires impliqués dans la rédaction des propositions législatives et dans l'effort de simplification, ainsi que renforcée dans les formations juridiques universitaires nationales afin de permettre le recrutement de futurs fonctionnaires européens et nationaux qualifiés. Certaines universités dispensent déjà un tel enseignement et effectuent des recherches en ces domaines; leur expertise peut être mise à profit.

8.2.23

Les comités d'experts ad hoc, auprès ou au sein de la Commission, devront faire des suggestions dans le sens de la clarté, de la cohérence et de la pertinence du contenu et de la rédaction ainsi que de l'unité des notions et concepts juridiques utilisés dans différents projets d'instruments et comparativement avec la législation déjà en vigueur, avant la publication d'une initiative. La Commission a déjà conçu un guide pratique commun à l'intention des personnes qui contribuent à la rédaction des propositions législatives, et ce dans un souci d'uniformité, des notions et concepts juridiques utilisés et de cohérence du droit; il s'agit de mettre ces normes de rédaction correctement en œuvre.

8.2.24

La qualité de la législation dépendra donc fortement des études d'impact et des procédures de consultation préliminaires, qui seront de nature à prévenir des amendements trop nombreux ou trop larges par rapport au projet initial, la qualité des amendements est aussi de nature à influencer celle du texte final. S'il s'agit d'amendements de consensus peu clairs ou rédigés de manière vague afin de satisfaire tout le monde, l'effectivité et la clarté du droit pourront en être affectés. Un comité de terminologie (juristes-linguistes et experts) pourrait aider la Commission à reformuler les changements proposés afin de garder clarté et cohérence aux modifications qu'elle serait en mesure d'accepter en vue d'une nouvelle lecture.

8.2.25

Le Comité note avec intérêt que la Commission révise ses lignes directrices d'évaluation d'impact en fixant des orientations plus claires en ce qui concerne l'économie et la compétitivité et prévoit en outre un examen de compatibilité avec la Charte des droits fondamentaux (30). Cette approche révisée répond à un certain nombre de suggestions du présent avis, et le Comité suivra leur mise en œuvre.

8.2.26

Des études d'impact sur les amendements soumis par le législateur européen devraient aussi être envisagées lorsque ces amendements présentent un caractère substantiel, en utilisant la méthode élaborée par la Commission, mais sans que cela ne proroge indûment les procédures d'adaptation. Dans ce contexte, le CESE espère que les trois institutions pourront définir une approche commune en matière d'analyse d'impact dans le cadre de la mise en œuvre de l'accord interinstitutionnel «Mieux légiférer».

9.   Apport du juge communautaire

9.1

Il conviendra de limiter autant que possible l'obligation de recourir à des interprétations pour comprendre la législation, bien que l'interprétation par le juge, complétée par celle de la doctrine et des praticiens, reste indispensable pour l'application du droit aux cas d'espèce. Mais une législation floue ou incertaine remet en cause la sécurité juridique, accroît les coûts de mise en œuvre par l'obligation de recourir en permanence à des experts juridiques, techniques et éventuellement au juge, ainsi que les délais de mise en œuvre ou les transpositions incorrectes. Le juge se voit alors contraint de suppléer le législateur, tandis que les affaires risquent de s'accumuler au point de nuire à l'efficacité du droit d'accès au juge et à tout le moins à un procès équitable dans des délais raisonnables.

9.2

Par ses réponses aux questions préjudicielles, le juge communautaire favorise l'uniformisation des droits nationaux. Cependant la mauvaise qualité éventuelle de la législation l'oblige à clarifier la signification et la portée juridique de dispositions d'interprétation incertaine en suppléant ainsi une défaillance du législateur.

9.3

Enfin, les possibilités de créer des chambres spécialisées de première instance devraient être exploitées de façon optimale pour permettre à la Cour de statuer au premier degré dans les meilleurs délais possible et de jouer au mieux et rapidement en seconde instance son rôle d'uniformisation de la jurisprudence et de clarification du droit communautaire originaire et dérivé.

10.   Rôle des États membres

10.1

Les gouvernements et leurs représentants au sein du COREPER, des différentes formations du Conseil et des comités de législation ont une responsabilité particulière dans l'élaboration et l'application de la législation, tant en qualité de pouvoir législatif que de pouvoir exécutif conjoint avec la Commission.

10.2

Une meilleure coopération entre les négociateurs et les services des ministères concernés par la transposition et l'application devrait commencer dès le stade de l'examen des projets, afin d'anticiper et de mieux préparer les dispositions d'application et de réduire les délais d'exécution.

10.3

Outre son insertion dans le système institutionnel communautaire et les transferts de compétences ou les modes d'exercice conjoint de ces dernières, l'État membre a aussi évolué au plan interne; il a vu surgir des centres multiples de décision, par la décentralisation ou la déconcentration des administrations et services de l'État, le transfert de compétences à des autorités territoriales ou des organes administratifs indépendants et agences disposant de pouvoirs de régulation et d'administration, avec les conséquences budgétaires que cela suppose. Au-delà de l'Union européenne, il est aussi soumis à des ordres juridiques supranationaux (acceptés et de ce fait obligatoires en vertu du principe pacta sunt servanda), et sa maîtrise sur la gouvernance économique s'est affaiblie dans certains domaines (globalisation et OMC, marché unique, privatisations).

10.4

Or, la réforme de l'État et des administrations ne se développe pas toujours au rythme souhaité et des chevauchements de compétences créent une incertitude ou des difficultés juridiques préjudiciables aux entreprises et aux services de l'État ou des collectivités territoriales chargés de la mise en œuvre du droit.

10.5

L'État n'est plus la source unique du droit; il transpose le droit communautaire selon ses règles d'application et de contrôle, en ne les partageant pas toujours clairement avec les pouvoirs locaux ou les autorités décentralisées. Ceci conduit parfois à des divergences importantes d'un pays à l'autre pour l'application du droit et des exigences administratives d'origine communautaires, et ce au détriment de l'harmonisation nécessaire, au sein du marché intérieur, ce qui risque de créer des distorsions de concurrence.

10.6

Sans participation active et résolue, sur le plan politique et pratique des États membres au processus de simplification et d'amélioration de la législation européenne, ce dernier ne sera pas sensible pour les citoyens et les efforts entrepris seraient finalement déployés en vain. Les principes de guichet unique, d'e-administration, de simplification et d'unification des formulaires progressent, comme en matière douanière, mais trop lentement. Il faut aussi tenir compte de la «fracture numérique» dans la manière de diffuser l'information aux usagers de la norme juridique.

10.7

Néanmoins, un nombre important de gouvernements et de parlements nationaux ont pris conscience du besoin de mieux légiférer et de mieux administrer, souvent en créant des organes spécialisés à l'écoute de certains secteurs de la société civile et chargés de veiller à la qualité de la législation en élaboration ou en transposition. Le bilan de ces expériences mérite d'être établi et doit conduire à des échanges d'expériences ainsi qu'à une meilleure harmonisation des critères et des méthodes employés.

10.8

Le rôle du juge national et son recours à bon escient aux questions préjudicielles doivent également être pris en considération; le service public de la justice doit généralement être amélioré du point de vue de la durée des procédures et dans certains cas du point de vue du coût d'accès à la justice pour les justiciables.

10.9

Le mandat des experts (le groupe d'experts nationaux et l'autre réseau d'experts indépendants préconisés par la Commission) (31) intervenant en appui auprès de la Commission pour contribuer à la qualité de la législation, pourrait éventuellement s'étendre, à titre consultatif, à la vérification de la qualité de la transposition. Un système d'alerte déclenché par les organisations nationales de la société civile et les destinataires de la législation pourrait être établi (point de contact spécifique, Info-Eurocentres…).

10.10

Le CESE pourrait également réfléchir à la mise en place d'un relais des organisations de la société civile auprès des sections spécialisées, notamment des sections spécialisées «Agriculture, développement rural, environnement» et «Marché unique, production et consommation» par exemple, avec son Observatoire du marché unique et sa base de données PRISM rénovée. Il pourrait ainsi évaluer des rapports de la Commission en matière de simplification et de meilleure législation au plus près des besoins exprimés par les destinataires et formuler plus efficacement des suggestions d'amélioration.

11.   Considérations finales

11.1

Les États membres seront également engagés dans un exercice d'amélioration de la législation en vue d'une meilleure compétitivité au sein de l'OCDE. Différents rapports de l'OCDE montrent dans la plupart des cas des résultats limités, par rapport aux objectifs poursuivis; mais certains se recoupent avec les attentes communautaires (qualité de la réglementation, simplification des rapports avec les administrations et des démarches (guichets uniques), la création de nouveaux outils d'aide à la décision, des procédures de prise de décisions plus ouvertes (transparence, participation), e-administration, décentralisation ...).

11.2

L'OCDE encourage la création dans chaque pays d'une unité en charge de l'évaluation du coût, de la qualité et de l'impact des réglementations nouvelles. Si les initiatives et les critères à promouvoir en ce qui concerne la législation communautaire ne recoupent pas entièrement ceux de l'OCDE, en raison de la diversité des compétences mises en commun dans l'Union par les 25 et des finalités de la législation communautaire, il existe cependant des synergies entre les deux approches (32).

11.2.1

D'ailleurs un projet, UE-OCDE est en préparation sur l'intégration de la législation communautaire dans les dix nouveaux États membres. Une plus grande synergie entre l'UE et l'OCDE mérite donc d'être envisagée.

11.3

Les problèmes de transposition émanent essentiellement des gouvernements nationaux et de leurs administrations centrales. En ce domaine, la qualité devrait constituer la priorité essentielle. Le respect des délais apparaît tout aussi important pour éviter les fragmentations temporaires du marché intérieur.

11.4

L'extension du domaine de la codécision prévue par le Traité constitutionnel est importante du point de vue démocratique; en liaison avec les procédures de consultation et d'évaluation à différents moments et différents niveaux, les procédures risquent de devenir plus longues et complexes. Aussi, la qualité initiale des propositions et la qualité de la transposition des directives peuvent compenser le risque de prorogation des délais. L'élaboration des indicateurs de qualité de la réglementation revêt donc une importance fondamentale (33).

11.5

La question la plus difficile concerne la simplification de l'acquis. La tâche est considérable et le CESE doute que les ressources nécessaires puisent y être affectées sans que des décisions politiques et leurs implications financières ne soient pleinement soutenues par les États membres. Le CESE leur lance donc un appel à cet effet.

11.6

Il convient de souligner que l'approche participative pose des exigences non négligeables aux organisations de la société civile, aux institutions et à leurs agents, aux gouvernements et à leurs administrations. Des recettes formelles ou technocratiques n'auront aucune chance de réussir seules, même si les instruments techniques de légistique ou les indicateurs d'évaluation d'impact sont au point.

11.7

Lorsque la Commission a le pouvoir de conclure des traités internationaux au non de la Communauté (OMC ...), la consultation et la participation des organisations des acteurs socio-économiques et des autres composantes de la société civile doivent également pouvoir s'exercer, au niveau national comme au niveau communautaire. Des principes et méthodes sont à considérer à cet effet.

11.8

Simplification de l'acquis et meilleure qualité de la législation ne se confondent pas avec une quelconque idéologie de la dérégulation économique et sociale; elles participent d'une démarche de bonne gouvernance, qui conduit à mieux maîtriser, techniquement et politiquement, la complexité de l'élaboration législative pour une Union d'États, selon des procédures démocratiques, participatives et rationnelles.

11.9

Finalement, les problèmes et les perspectives de solution ont été clairement posés; les efforts entrepris sont de nature à parvenir aux objectifs fixés. Alors pourquoi les avancées pratiques restent-elles encore modestes? Existe-t-il des facteurs de résistance et lesquels? Les ressources sont-elles suffisantes ou faut-il les redéployer? La volonté politique de réussir est-elle suffisante chez l'ensemble des acteurs concernés? Les obstacles peuvent-ils être surmontés? Les réponses à ces questions restent ouvertes, mais une volonté politique ferme et suivie d'actions dans le long terme paraît essentielle au succès de l'entreprise globale «simplifier l'acquis et mieux légiférer en Europe».

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  La méthode proposée ici diffère de celle de la Commission, qui conçoit l'évaluation d'impact (impact assessment), essentiellement pour l'étape de conception et d'élaboration du projet législatif. Le CESE estime pour sa part qu'une évaluation participative des transpositions nationales et de l'impact effectif de la législation après un certain temps d'application pourrait heureusement compléter et renforcer le système d'évaluation, en connaissance des réalités de terrain. Il sera ainsi possible de vérifier si l'intervention législative a atteint les objectifs fixés.

(2)  COM(2005) 97 final du 16.3.2005 et COM(2005) 98 final du 21.3.2005.

(3)  COM(2005) 98 final du 21.3.2005.

(4)  JO C 321 du 31.12.2003.

(5)  COM(2003) 770 final du 12.12.2003.

(6)  Notamment «l'encadrement des agences européennes de régulation» COM(2002) 718 final.

(7)  Advancing Regulatory Reform in Europe, joint statement 7 December 2004.

(8)  COM(2005) 97.

(9)  Conclu le 24 septembre 2001

(10)  Livre blanc de la Commission sur Gouvernance européenne, COM(2001) 428 final.

(11)  La Commission a donné suite à la demande du Conseil dans les communications COM(2002) 275 «Gouvernance européenne, mieux légiférer» et COM(2002) 278 «Plan d'action: simplifier et améliorer l'environnement réglementaire» du 6.2.2002.

(12)  Voir le rapport d'information adopté par le CESE en février 2005 concernant «L'état actuel de la corégulation et de l'autorégulation dans le marché unique», CESE 1182/2004 fin du 10.2.2005.

(13)  Exemple de la procédure Lamfalussy dans la régulation des marchés financiers.

(14)  COM(2003) 71 final du 11.2.2003.

(15)  COM(2001) 48 final, rapport sur la simplification de la législation agricole.

(16)  COM(2004) 820 final du 15.12.2004.

(17)  SLIM ne concernait que le marché intérieur; la Commission envisage de définir une méthodologie horizontale pour tous les secteurs; la publication de nouvelles indications est prévue en octobre 2005.

(18)  JO C 321 du 31.12.2003.

(19)  JOCE C 112/4 du 30.4.2004.

(20)  CESE 1182/2004 fin.

(21)  Le FMI l'évalue à 3 % du PIB; une étude du Bureau fédéral du Plan l'évalue, en 2000, à 2,6 % pour la Belgique. Mais le rapport «Less is More» (mars 2005) de la Better Regulation Task Force l'évalue de 10 à 12 % du PIB au Royaume Uni, dont environ 30 % du coût total de la régulation pour les coûts administratifs.

(22)  Le fait de ne pas légiférer pourrait aussi avoir un coût, bien qu'il ne puisse faire l'objet d'une évaluation d'impact. Un récent document (staff paper) de la Commission évalue le coût de la non application des orientations de Lisbonne.

(23)  La différence de terminologie entre celle du CESE et de la Commission qui traite «d'évaluation d'impact» et non pas d'évaluation «d'impact préliminaire» comme le CESE, illustre la différence méthodologique envisagée par le CESE.

(24)  COM(2005) 97 final du 16.03.2005.

(25)  JO C 61 du 14.3.2003 et C 294 du 25.11.2005.

(26)  Élaborer des indicateurs de coûts pour l'usager et l'administration par blocs homogènes de réglementations; utiliser un nombre réduit de rubriques: complexité, longueur des textes, renvoi à d'autres textes, nombre et importance des obligations déclaratives pour les usagés ou les tiers déclarants, nombre d'agents nécessaires à la gestion du dispositif, importance du contentieux généré.

(27)  Observatoire législatif (http://www.europarl.eu.int/oeil/); pour l'instant la page «études d'impact» est encore en construction.

(28)  La Commission dispose déjà de la possibilité de mettre à jour son évaluation d'impact à la lumière d'informations nouvelles ou non disponibles auparavant.

(29)  Depuis la présentation en 2002 du plan d'action pour améliorer le cadre réglementaire [COM(2002) 278], la Commission introduit dans ses propositions législatives une clause de révision/réexamen selon la matière réglementée. Le législateur devrait assurer le maintien de cette disposition lors de l'adoption de textes législatifs.

(30)  IP/05/733.

(31)  COM(2005) 97 final du 16.3.2005.

(32)  L'OCDE insiste sur la privatisation des services publics et la réforme de l'État (allègement de l'administration). Ces recommandations sont souvent plus idéologiques que pratiques; le rôle des administrations nationales doit certainement évoluer vers une meilleure efficacité, mais le but de la réforme ne doit pas viser à substituer le marché à l'État, qui doit rester en mesure d'accomplir ses responsabilités.

(33)  La Commission a commandité une étude sur ces indicateurs à l'Université de Bradford; le CESE attend avec intérêt sa publication. Une publication intérimaire est consultable sur le site de l'Université (http://www.bradford.ac.uk).


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant, qui a recueilli plus d'un quart des suffrages exprimés, a été repoussé au cours des débats:

Paragraphe 8.2.7

Supprimer le paragraphe

Exposé des motifs

Le fait que ces propositions n'aient pas été adoptées n'a rien à voir avec ce qui est indiqué dans les paragraphes précédents. À mon avis (avis que beaucoup d'autres personnes partagent), ce n'est pas l'absence d'analyses d'impact ou de synthèses objectives des consultations qui est à l'origine de ces problèmes. Dans le cas des directives portuaires, ce sont des groupes d'intérêts sectoriels, petits mais extrêmement puissants, qui sont parvenus jusqu'à présent à empêcher l'adoption des directives en question. Le fait que la proposition de directive sur les services n'ait pu jusqu'à présent être adoptée tient aussi à l'existence de puissants groupes d'intérêts sectoriels qui se regroupent en alliances protectionnistes improbables pour essayer de faire échec à l'intérêt général dans le sens duquel va la libre circulation. L'on peut dire que les difficultés rencontrées par la proposition de la Commission sur les brevets évoqués trouvent leur origine dans une sous-estimation du risque de voir un groupe limité d'intérêts sectoriels qui intervient dans le processus politique exploiter le fait que la proposition de législation (qui avait été présentée afin d'harmoniser et de clarifier le droit en vigueur) était techniquement d'une grande complexité.

D'autres personnes peuvent avoir d'autres opinions quant à la question de savoir pourquoi différents groupes d'intérêts sont parvenus à retarder ou à bloquer l'adoption des propositions législatives évoquées. Dans tous les cas, les travaux du CESE ont fait apparaître que ces propositions prêtaient fortement à controverse.

Le développement qui figure au paragraphe 8.2.7 est grandement de nature à susciter la controverse et n'ajoute rien d'utile à cet avis qui, pour le reste, est équilibré, de bonne qualité et en certains endroits, tout à fait remarquable. C'est pourquoi il convient de supprimer ce paragraphe. Cela permettrait à cet avis de recueillir une adhésion plus large.

Résultats du vote

Voix pour: 31

Voix contre: 61

Abstentions: 13


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/52


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment améliorer la mise en œuvre et l'application de la législation communautaire?»

(2006/C 24/13)

Le 10 février 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème «Comment améliorer la mise en œuvre et l'application de la législation communautaire?»

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 juillet 2005 (rapporteur: M. Joost VAN IERSEL).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 90 voix pour, 6 voix contre et 12 abstentions.

Mise en œuvre et application

Synthèse

Dans son avis, le CESE considère que l'objectif «Log mieux légiférer» est étroitement lié aux questions de mise en oeuvre et d'application: une bonne loi est une loi applicable et appliquée. La Commission, le Conseil et la Cour de justice sont régulièrement amenés à traiter de problèmes d'application. Néanmoins, le suivi reste limité. Ce problème résulte des différences qui existent en Europe au plan des cultures et des compétences ainsi que du fait que les efforts déployés pour une mise en œuvre efficace des normes varient en intensité. Le CESE distingue divers ensembles d'actions à lancer par les États membres et la Commission. Pour ce qui est des États membres, il s'agit essentiellement d'une question de volonté politique. L'attitude des administrations nationales doit montrer qu'elles sont elles-mêmes des instances de l'UE et qu'elles s'investissent en conséquence dans les décisions de l'Union. Certaines approches telles que la garantie de la capacité administrative, l'examen analytique des lois et des procédures nationales doivent par conséquent évoluer; il faut également s'abstenir de la pratique qui consiste à ajouter des exigences non prévues par les directives, ainsi que le «picorage» des textes normatifs et améliorer l'information. Les États membres, quant à eux, devraient organiser la discussion systématique entre autorités compétentes dans l'ensemble de l'UE, ainsi que des évaluations ex post et une responsabilité des administrations nationales vis-à-vis de leurs homologues des autres États membres. La participation des collectivités territoriales dotées de pouvoirs législatifs autonomes est également une nécessité. Le CESE recommande que la Commission tienne un rôle actif dans la promotion d'une confiance mutuelle entre les autorités chargées de faire appliquer la législation et qu'elle soutienne les réseaux d'autorités publiques, l'évaluation systématique de leurs résultats, ainsi que la mise en évidence et la diffusion des meilleures pratiques. Il faudrait également envisager l'extension des programmes de formation des juges et des fonctionnaires. Certaines des propositions évoquées par l'avis du CESE sont en discussion au sein de la Commission, tandis qu'un certain nombre de changements sont en cours de réalisation par les États membres; actuellement, le bilan général en matière de mise en œuvre et d'application révèle néanmoins de graves insuffisances. Le Parlement européen ainsi que les parlements nationaux devraient également s'engager. Le CESE estime qu'une évolution culturelle est nécessaire, et notamment une réorientation visant à privilégier une application efficace des normes au lieu d'une multiplication de nouvelles lois européennes; il sera ainsi possible de garantir que la législation et les politiques européennes qui ont été approuvées réalisent pleinement leurs effets. En garantissant la cohésion nécessaire, cela contribuera au bon fonctionnement d'une UE composée de 25 États membres et davantage.

1.   La législation de l'UE, fondement de l'intégration européenne

1.1

Un marché intérieur pleinement fonctionnel réglementé par des normes sociales adéquates, notamment dans le domaine de la protection des travailleurs, des consommateurs et de l'environnement, constitue la base de l'intégration européenne. Il légitime cette intégration en offrant d'importants avantages aux citoyens et aux entreprises.

1.2

L'UE est fondée sur l'État de droit. Ce principe renforce les bases du marché intérieur et interdit toute discrimination en raison de l'origine ou de la nationalité des produits, des personnes ou des entreprises. Une application effective de la législation communautaire favorise la confiance du public dans les politiques et les processus européens et rend l'Europe plus apte à répondre aux préoccupations des citoyens et des entreprises. Cela implique néanmoins une transposition correcte et en temps voulu du droit communautaire au niveau national.

1.3

De plus, la législation européenne qui a pour objectif d'éliminer tout obstacle à l'instauration de conditions de concurrence loyales doit être mise en oeuvre rapidement et de manière cohérente dans l'ensemble de l'UE et elle doit être appliquée de manière efficace par les autorités compétentes, au niveau tant national que régional.

1.4

Le marché intérieur ne fonctionne correctement et ne devient une source de croissance et de prospérité que lorsque les citoyens et les entreprises ne sont confrontés à aucun obstacle, ni discriminatoire, ni dissimulé, y compris à des procédures administratives pesantes ou longues. Tous les ans, les citoyens et les entreprises déposent de nombreuses plaintes à cause de mesures nationales souvent trop restrictives ou trop complexes et disproportionnées. (1) Cela s'explique notamment par le phénomène qui consiste à ajouter des exigences non prévues par les directives lors de la transposition de la législation communautaire dans le droit national: des réglementations nationales sont ajoutées, lesquelles peuvent éventuellement détourner l'attention des objectifs de la législation communautaire.

1.5

L'amélioration de la qualité du travail législatif fait partie intégrante de l'agenda de Lisbonne. Les conclusions du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 reconnaissent explicitement l'influence bénéfique qu'exerce un meilleur environnement normatif sur la compétitivité. Le Conseil «Compétitivité» des 6 et 7 juin 2005 est parvenu au même constat (2). À cet égard, il est nécessaire de souligner que l'objectif «mieux légiférer» est étroitement lié aux questions de mise en oeuvre et d'application: une bonne loi est une loi applicable et appliquée.

1.6

Pour être applicable, une loi doit être suffisamment claire et pour être efficace, elle doit fournir une réponse adéquate à des problèmes spécifiques. Lorsque la loi est trop complexe et trop vague, par exemple en l'absence d'une évaluation d'impact appropriée, elle pose inévitablement des problèmes d'application. Par conséquent, des lois supplémentaires doivent venir remédier à ces problèmes. Des lois de mauvaise qualité sont à l'origine d'une pléthore législative et d'un excès de réglementations qui imposent des contraintes inutiles aux entreprises et engendrent la confusion parmi les citoyens (3).

1.7

Afin de garantir l'application effective de la législation, les autorités doivent disposer de la capacité administrative essentielle. Dans le cas contraire, les faiblesses administratives engendrent des problèmes de mise en oeuvre et d'application.

1.8

Parallèlement, une mise en oeuvre effective du droit communautaire améliore la compétitivité et facilite la coopération transfrontalière, ce qui correspond à deux objectifs majeurs de l'agenda de Lisbonne.

1.9

Le CESE estime que l'UE est confrontée à un problème d'application et de respect du droit. Les statistiques se rapportant à l'état de la mise en oeuvre du droit communautaire montrent que les États membres ne transposent pas les directives à temps. Les statistiques relatives aux procédures d'infraction indiquent que la transposition est souvent incorrecte ou incomplète. En effet, 78 % des recours introduits par la Commission européenne contre les États membres entre 2002 et 2005 concernent la transposition et l'application de directives. Les États membres rencontrent donc des problèmes lorsqu'ils choisissent la méthode nationale de mise en œuvre permettant de donner effet aux directives.

1.10

Le Conseil s'est penché sur les problèmes liés à l'application et à la mise en oeuvre dans diverses résolutions (4). En 2003, l'accord interinstitutionnel intitulé «mieux légiférer» visait également «une meilleure transposition et application».

1.11

Dans un certain nombre d'affaires, la Cour de justice a affirmé que les États membres ont l'obligation de garantir une mise en oeuvre et une application efficaces (5).

1.12

La Commission a rédigé plusieurs documents explorant les possibilités d'améliorer la transposition et l'application par les États membres (6). Dans son Livre blanc sur la gouvernance, la Commission indique qu'«en dernière analyse, l'impact des règles de l'Union européenne dépend de la volonté et de la capacité des autorités des États membres d'en assurer la transposition et l'application efficacement, intégralement et en temps utile» (7). Tout récemment, dans sa communication du 16 mars 2005 intitulée «améliorer la réglementation en matière de croissance et d'emploi dans l'Union européenne», la Commission indiquait comment améliorer le cadre réglementaire communautaire sans engendrer de coûts administratifs excessifs.

1.13

Depuis 1985, la nouvelle approche représente un instrument de plus en plus utile pour renforcer l'harmonisation des normes et des approches réglementaires. Elle crée un cadre légal stable, léger et transparent qui comporte, pour les autorités, un système de garanties grâce à la grande diversité d'instruments prévus par les directives et qui impose aux fabricants ainsi qu'aux tiers une importante responsabilité. Quant à la mise en œuvre, la Commission conclut, principalement d'après une analyse approfondie, que «l'expérience fait apparaître également que la mise en œuvre de ces directives peut encore être améliorée de nombreuses façons» (8). Ce document fait apparaître l'existence de graves imperfections.

1.14

Dans son «Deuxième rapport de mise en œuvre de la stratégie pour le marché intérieur 2003-2006» (9), la Commission analyse les carences dans la mise en oeuvre et l'application qui touchent un grand nombre de domaines. Elle définit également des intentions ainsi que des objectifs d'amélioration. Cela implique, entre autres, un engagement plus direct des États membres et, par voie de conséquence, une volonté politique. La recommandation de la Commission relative à la transposition en droit national des directives ayant un impact sur le marché intérieur (10) identifie un certain nombre d'initiatives que les États membres sont invités à développer. Les principales sont les suivantes: accorder la responsabilité du suivi et de la coordination à un ministre et à un ministère uniques, créer une base de données nationale répertoriant les directives transposées et encourager une coopération étroite entre les responsables nationaux qui négocient à Bruxelles et les fonctionnaires qui mettent en oeuvre les mesures nationales.

1.15

Les «tableaux de bord» de la mise en œuvre font état de carences dans la transposition formelle. Toutefois, malgré ces marques d'intérêt des différentes institutions européennes, la mise en œuvre des règles communes par les législations et/ou les réglementations nationales ne fait pas systématiquement l'objet de discussions de contrôle ni de suivi au sein du Conseil. Tandis qu'une mise en œuvre variable au sein d'un même État membre provoquerait rapidement une protestation des citoyens, une mise en œuvre variable d'un État membre à l'autre ne constitue pas une priorité politique.

1.16

Les «tableaux de bord» ont indéniablement renforcé la transparence du processus de transposition des États membres. Il n'existe pas encore de tels «tableaux de bord» pour l'application, qui viseraient à renforcer la transparence du processus d'application du droit et des politiques communautaires par les autorités nationales.

1.17

Bien que des améliorations soient envisagées, les acteurs publics en Europe sont encore trop peu sensibilisés et impliqués par rapport à la nécessité de s'assurer que la législation de l'UE, base de l'intégration européenne, est mise en oeuvre correctement. Pour remédier à cette situation, l'ensemble de la procédure doit être pleinement respecté: adoption des directives, transposition, mise en œuvre, application. Dans de nombreux cas, il se peut précisément que la volonté de mettre en œuvre l'ensemble de cette procédure de manière constante fasse défaut. Les documents de la Commission, les nombreux jugements de la Cour de justice et les ouvrages scientifiques consacrés à cette question constituent des sources suffisantes dont peuvent s'inspirer les États membres pour améliorer l'exécution de leurs obligations légales.

1.18

La question de l'efficacité de l'application du droit communautaire doit bénéficier d'une attention particulière et de garanties dans une Union européenne dont le nombre d'États membres ne cesse d'augmenter. Le processus d'intégration de l'UE ne doit pas être menacé par une dilution de l'efficacité des règles communautaires.

2.   Contexte et évolution

2.1

Le traité CE prévoit diverses mesures de rapprochement et d'harmonisation permettant d'achever le marché intérieur (11); dans les années 1970 et au début des années 1980, l'expérience a néanmoins montré qu'une harmonisation complète est un processus lent, fastidieux et, dans certains cas, inutile. Les mesures fondées sur la reconnaissance mutuelle et sur le principe du contrôle par l'État membre d'origine ont été plus faciles à négocier et à mettre en œuvre. Elles ont également été plus efficaces, en libéralisant le commerce et l'investissement sans imposer de contraintes trop lourdes. Il faut cependant rappeler que l'UE est entrée dans une nouvelle phase qui se caractérise par des différences croissantes entre les cultures gouvernementales. Les réglementations pourraient ainsi voir leur pertinence renforcée, en ce qu'elles permettent d'atteindre la convergence et de promouvoir les bonnes pratiques.

2.2

Malgré les nouveaux instruments politiques, la multiplication des normes communautaires est, d'une part, une conséquence naturelle de l'approfondissement et de l'élargissement de l'intégration, et d'autre part le résultat d'une mise en oeuvre incomplète ou incorrecte par les États membres. De nouvelles règles ont été ajoutées afin d'empêcher les États membres de ne pas respecter leurs obligations ou d'adopter des normes nationales trop complexes (12). À titre d'exemple, citons les directives de libéralisation adoptées par la Commission sur la base de l'article 86, paragraphe 3, dans les domaines tels que les services et matériel de télécommunication.

2.3

Étant donné les difficultés d'application rencontrées par de nombreux États membres (13), l'amélioration de la mise en oeuvre de la législation européenne nécessite également des efforts concertés de la part des autorités nationales. Jusqu'à présent, ces efforts font défaut, de même que des instruments de mise en œuvre des politiques et de réglementation moins interventionnistes et plus légers au sein des États membres.

2.4

Le Conseil européen de Lisbonne, qui a eu lieu en 2000 et lors duquel a été lancé le processus visant à améliorer la compétitivité de l'Union, a introduit la méthode ouverte de coordination afin d'améliorer l'application et la mise en oeuvre en utilisant des indicateurs quantitatifs et qualitatifs, l'étalonnage des performances et les meilleures pratiques. Les États membres n'ont pas encore encouragé ces meilleures pratiques de manière plus systématique et plus soutenue afin d'améliorer leurs propres performances en matière de mise en œuvre des politiques.

2.5

Au début, la méthode ouverte de coordination a suscité de grands espoirs. L'étalonnage des performances et les meilleures pratiques ont eu le même effet. L'expérience ne permet pas une conclusion positive. En l'absence d'engagements contraignants, les États membres semblent refuser d'adapter leur législation, sans parler de mise en œuvre ni d'application.

2.6

En 2004, les dix pays candidats à l'adhésion avaient intégré l'acquis communautaire dans leur législation nationale. Ce délai a dès lors été formellement respecté. Mais le simple fait de modifier la loi ne garantit pas une transposition correcte. De plus, la mise en œuvre et l'application nécessitent des autorités et des procédures administratives adéquates qui ont dû, dans de nombreux cas, être mises en place sur des bases nouvelles en raison du manque d'expérience nécessaire à une application efficace des normes communautaires. Une meilleure coopération entre les autorités nationales et avec les institutions européennes devrait faciliter une application uniforme des normes communautaires dans l'ensemble de l'Union (14).

2.7

Les réglementations et la législation communautaires visent la mise en place de conditions communes sur un marché européen ouvert; néanmoins, les instruments peuvent fortement varier d'un domaine à l'autre. Le principe peut être commun à l'ensemble des domaines, mais le degré d'intégration visé peut grandement varier. Par conséquent, les règles sont plus ou moins communautaires et les philosophies ainsi que les approches juridiques varient.

2.8

Ces différences découlent des différents objectifs d'intégration entre par exemple des domaines tels que le marché intérieur et les politiques environnementales et d'autres tels que la politique sociale et la santé, où la compétence est principalement nationale. Le Traité lui-même utilise des termes moins ambitieux dans des domaines tels que la santé publique ou l'éducation. Dans ces domaines politiques, le rôle de l'UE est de «coordonner» et d'«encourager» et non d'intégrer.

2.9

Ainsi, la situation actuelle offre l'image d'un spectre varié d'instruments législatifs qui coexistent au niveau européen et modifient à leur tour les approches nationales. Parmi ceux-ci, on peut citer:

les instruments de l'UE assurant une harmonisation globale de la législation,

les instruments de l'UE assurant une harmonisation minimale, permettant aux États membres d'adopter des règles plus strictes (ce qui dans un contexte transfrontalier ne peut être appliqué que sous réserve d'un test de reconnaissance mutuelle);

des directives prônant une nouvelle approche et visant à établir des conditions essentielles que doivent remplir les produits sur le marché de l'UE;

la législation communautaire basée sur le principe du pays d'origine;

des directives-cadres laissant aux États membres une marge de manœuvre considérable lors de la mise en œuvre;

les recommandations qui peuvent être transposées dans la législation des États membres;

les décisions.

2.10

L'étendue de cette gamme d'instruments communautaires, qui nécessitent d'être transposés, mis en oeuvre et appliqués dans les États membres, donne souvent lieu à des interprétations nationales et donc divergentes de ce qui doit être mis en oeuvre et appliqué au niveau national et de quelle manière cela doit l'être.

2.11

L'incidence pratique du modèle tel qu'il fonctionne actuellement tient compte, à des degrés divers, des éléments suivants concernant les États membres:

des cultures et des systèmes juridiques qui varient d'un État à l'autre,

des responsabilités différentes au sein des administrations nationales et des ministères,

des compétences régionales et locales spécifiques aux États membres,

l'influence des groupes de pression nationaux politiques, socio-économiques et citoyens,

des besoins/avantages nationaux ayant pour effets le processus qui consiste à ajouter des exigences non prévues par les directives, ainsi que le «picorage»,

des ressources financières et organisationnelles à mettre en oeuvre de manière adéquate.

2.12

L'approche de l'UE respecte évidemment la diversité des États membres et de leurs traditions administratives, cultures juridiques et systèmes politiques. C'est une question de principe. Cependant, les diverses traditions et cultures doivent permettre de garantir l'application effective de la législation communautaire afin d'éviter d'éventuelles distorsions ou discriminations. L'extension des compétences de l'Union ainsi que la poursuite de l'élargissement soulignent la complexité de cette tâche.

2.13

Selon la Commission, certains éléments décisifs spécifiques ont des effets sur le résultat final, à savoir notamment:

les déficiences dans la formulation technico-juridique des textes de droit (y compris les problèmes de traduction);

des degrés variables d'utilisation d'instruments juridiques plus ou moins contraignants, situation qui peut découler de décisions du Conseil,

des degrés variables d'implication dans la mise en oeuvre et dans l'application au sein de la Commission; d'importantes différences existent entre les DG,

parfois, un manque de clarté concernant les prérogatives des États membres et/ou les prérogatives de la Commission du fait de l'impact de la subsidiarité,

parfois, un manque de personnel à la Commission,

des problèmes linguistiques (dans le cadre de la surveillance pratiquée dans les nouveaux États membres),

la portée et l'impact des procédures d'infraction.

2.14

Parallèlement à la multiplication des normes communautaires, le nombre d'instruments et de procédures non juridiques a augmenté; leur objectif est d'inciter les États membres à mettre en oeuvre la législation européenne à temps et correctement. À titre d'exemple, citons les rapports et tableaux de bord réguliers consacrés aux résultats des États membres en matière de transposition.

2.15

De plus, la Commission a pris plusieurs initiatives afin d'informer les citoyens et les entreprises sur leurs droits et de les inciter à exercer ces droits devant les autorités et les juridictions nationales. Par exemple, les points de contact pour les citoyens et pour les entreprises et les centres SOLVIT recensent et résolvent les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes et les sociétés qui ont quitté leur État membre d'origine ou qui opèrent dans un autre État que le leur.

2.16

Le dernier rapport consacré aux cas traités par les centres SOLVIT montre que plus de 50 % des problèmes concernent la reconnaissance de qualifications professionnelles, l'accès des produits au marché, l'immatriculation des véhicules à moteur et les permis de séjour. Bien que 80 % des cas puissent être résolus, ces statistiques indiquent également que ces problèmes ne sont ni nouveaux ni inédits. Les difficultés auxquelles sont confrontés les citoyens et les entreprises sont principalement dues aux procédures bureaucratiques et à la réticence des administrations nationales à simplifier leurs exigences. De plus, en dépit de la réussite des centres SOLVIT, 20 % des problèmes ne sont pas résolus. Les États membres devraient s'efforcer de faire baisser ce pourcentage et de sensibiliser davantage le public — tant les entreprises que les citoyens — à l'existence du réseau européen et des centres nationaux SOLVIT.

2.17

L'élargissement de l'Union représente également un défi. Le nombre d'États membres ne saurait augmenter sans un renforcement parallèle des procédures de consultation et de surveillance.

2.18

Lors du dernier élargissement, ainsi que dans les paramètres convenus lors du Conseil européen de Bruxelles en décembre 2004, ce renforcement des procédures de consultation et de surveillance est devenu plus visible que jamais. Les futurs États membres feront l'objet d'un suivi plus attentif de la part de la Commission et ils devront avoir mis en œuvre une proportion plus large de l'acquis communautaire avant leur entrée dans l'UE. Ils devront également se conformer plus rapidement aux éventuelles dispositions transitoires qui leur auront été accordées.

3.   Thèmes nécessitant une réflexion

3.1

La mise en œuvre et l'application efficaces ont une importance stratégique pour les citoyens et les entreprises. En effet, ces deux procédures font partie intégrante de l'État de droit. Les interprétations souvent divergentes de la législation commune donnent lieu à des interrogations de la part des entreprises et des citoyens, telles que: à qui adresser les revendications? qui est responsable? que faire à court terme? Une question est encore plus fondamentale: dans quelle mesure une mise en œuvre inefficace peut-elle retarder ou modifier les modèles d'investissement et entraîner un manque de confiance auprès des citoyens? Ces questions ont également trait à la légitimité, à la cohérence et à la prévisibilité des politiques de l'UE. Le rythme actuel de mise en œuvre et de transposition, tout à fait insuffisant, ne peut plus être toléré.

3.2

Compte tenu de la grande complexité et de l'évolution confuse de la mise en œuvre correcte des directives approuvées au niveau européen, il convient de procéder à une analyse «AFOM» de l'ensemble du système ainsi que de ses fonctions: Où en sommes-nous? Quelles sont les origines de nos problèmes? Quels sont les problèmes typiques auxquels sont confrontés les États membres? Quels sont les objectifs des États membres: quelle relation et quelle interaction souhaiter entre la subsidiarité et le suivi de l'UE? En d'autres termes, qui est chargé d'évaluer quoi et quels sont les critères? Dans quelle mesure les instruments juridiques et les pratiques actuelles correspondent-ils aux objectifs de l'intégration européenne? Quelle réponse l'UE et les États membres vont-ils apporter aux citoyens et aux entreprises qui se plaignent d'une transposition, d'une mise en œuvre et d'une application incomplètes, et parfois contre-productives, des normes européennes dans les réglementations et les pratiques nationales?

3.3

En dehors des discussions sur les améliorations au sein des États membres, il est nécessaire de soulever ces questions, fort intéressantes, afin d'encourager, entre les décideurs politiques et les responsables officiels mais également avec le secteur privé et la société civile, un débat large et ouvert portant sur les modifications qu'il convient d'apporter aux procédures ainsi qu'aux pratiques existant dans l'UE et dans les États membres, le but étant de sensibiliser les différents acteurs à l'impact d'une transposition, d'une mise en œuvre et d'une application correctes de toutes les politiques communautaires approuvées.

3.4

Il est nécessaire de réfléchir davantage à l'impact que les futurs élargissements auront sur la cohérence et l'application uniforme du droit communautaire dans l'UE. L'UE doit également réfléchir aux moyens permettant d'éviter qu'une Union comptant 27 membres voire plus, à la diversité croissante, n'entraîne des entraves aux échanges et aux investissements.

3.5

Il existe différentes visions de la façon de résoudre le problème de la mauvaise application du droit communautaire, qui, sur le plan politique, est liée aux tensions entre la subsidiarité et l'approche communautaire. La première vision consiste à dire que la Commission reconnaît pleinement la responsabilité des États membres dans la mise en œuvre du droit communautaire, mais qu'elle doit toutefois suivre le processus de près. La deuxième approche est fondée sur la subsidiarité: elle préconise de laisser les États membres libres d'agir et de régler leurs problèmes respectifs. Enfin, une troisième possibilité consisterait à accorder plus de responsabilités aux États membres: ces derniers se contrôlent mutuellement, la Commission suit de près la conformité des procédures et le cas échéant utilise sans hésitation ses pouvoirs juridiques.

3.6

En tant que gardienne des traités et principal auteur des projets législatifs, la Commission joue un rôle important dans la garantie du bon fonctionnement du marché intérieur. Il lui incombe de proposer des lois simples et applicables qui remédient aux dysfonctionnements du marché intérieur sans imposer de coûts excessifs aux États membres ni aux entreprises. De fait, au cours des deux dernières années, la Commission a fourni de sérieux efforts pour simplifier la législation et pour évaluer l'impact potentiel de la législation proposée. Parallèlement, la Commission doit réagir promptement et fermement pour mettre fin aux infractions. La Commission devrait envisager une extension du champ d'application des recommandations formulées par elle en 2004 (voir ci-dessus) et qui concernaient la transposition correcte et dans les délais, afin qu'il couvre également la phase de mise en œuvre et d'application.

3.7

En tant que coresponsables de l'Union, les États membres ont l'obligation d'agir loyalement envers l'Union, d'assurer l'exécution de leurs obligations et de s'abstenir de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'article 10 du traité instituant la Communauté européenne. En clair: les États membres doivent montrer, par leur attitude, qu'eux-mêmes constituent l'Union européenne et qu'ils s'investissent par conséquent dans les décisions de l'Union (15).

3.8

Dans de nombreuses affaires, la Cour européenne de justice a estimé que les États membres ne sauraient se défendre en invoquant l'existence de difficultés administratives nationales afin de justifier une mise en œuvre incomplète ou incorrecte du droit communautaire. Ces jugements peuvent contribuer à améliorer les procédures futures.

3.9

Il sera également nécessaire d'identifier quels instruments législatifs et non législatifs et quelles procédures seront les plus aptes à garantir la mise en œuvre effective des politiques dans une Union qui comptera plus de 30 membres.

3.10

L'utilisation d'instruments et de procédures non législatifs a eu des résultats plutôt mitigés. Malgré un début prometteur, la méthode ouverte de coordination n'apparaît pas comme une réussite. En revanche, les centres SOLVIT ont résolu 80 % des problèmes qui leur avaient été soumis.

3.11

Dans ses conclusions de mars 2005, le Conseil Compétitivité invite les États membres à étudier la compatibilité entre leur propre législation et le droit communautaire afin de supprimer les entraves aux échanges et de développer la concurrence. Le Parlement européen a également reconnu les avantages procurés par le fait de charger les administrations nationales de contrôler le respect du droit communautaire dans leur propre pays. Ce contrôle permet d'identifier et de supprimer les entraves aux échanges, qu'elles découlent d'une mise en œuvre incorrecte, d'une application déficiente du droit communautaire ou simplement d'une pratique administrative qui ne respecte pas les exigences de l'UE.

4.   Conclusions et recommandations

4.1   Généralités

4.1.1

Le CESE estime que la mise en œuvre et l'application de la législation sont indissociables d'une amélioration de la qualité du travail législatif et qu'elles devraient dès lors constituer une priorité politique (16), ce qui n'est pas encore le cas, malgré une approche qui évolue dans certains États membres et au sein de la Commission, et qui ouvre la voie aux évolutions futures. Les législateurs ont souvent trop peu pris en compte les conditions de mise en œuvre et d'application. Des évaluations d'impact régulières visant à améliorer la qualité du travail législatif doivent également tenir compte de la manière dont la législation devrait être développée et mise en œuvre. L'ensemble de ce processus est une condition préalable à la création de conditions de concurrence équitables et à la légitimité de l'UE.

4.1.2

En principe, il revient essentiellement aux États membres de garantir une bonne mise en œuvre et application du droit communautaire. En tant que gardienne des traités, la Commission doit s'assurer que les États membres remplissent leurs responsabilités. En cas de manquement, la Commission peut entamer une procédure d'infraction ou mettre en œuvre d'autres moyens jugés appropriés pour résoudre un problème de mauvaise application du droit communautaire.

4.1.3

Suite à l'accord interinstitutionnel de 2003, le Conseil examine actuellement les modalités permettant d'améliorer la qualité des réglementations et de simplifier la législation. Le CESE estime qu'il est nécessaire d'accorder une attention suffisante à l'amélioration de la mise en œuvre de l'ensemble des règles communautaires que les États membres doivent appliquer, et de ne pas s'intéresser uniquement aux directives.

4.1.4

Le CESE considère que le Conseil Compétitivité, vu son engagement par rapport au marché intérieur, qui est au cœur du processus d'intégration, devrait se joindre à la Commission pour discuter de la mise en œuvre et de l'application.

4.1.5

Un aspect très important, qui s'avère souvent décisif, est que les systèmes administratifs des États membres échappent au champ d'application des traités. Il découle néanmoins de l'article 10 du traité CE et de la jurisprudence que les autorités nationales ont l'obligation d'assurer une mise en œuvre et une application correctes. À cet égard, le CESE souligne la double compétence et, bien entendu, la double responsabilité des États membres et de l'UE.

4.1.6

Depuis trop longtemps, l'on met l'accent sur l'introduction de nouvelles réglementations européennes. Le CESE souscrit au point de vue de la Commission selon lequel l'UE des 25 devrait mettre l'accent sur la mise en œuvre et l'application de la législation existante plutôt que sur l'introduction d'une nouvelle réglementation. De nouveaux textes normatifs ne constituent pas une alternative séduisante car ils nécessitent un important investissement en termes de temps et de ressources. De même, le recours exclusif aux procédures judiciaires pour contraindre les États membres à régler les problèmes demandera beaucoup de temps et entraînera l'utilisation de ressources précieuses. Il faut plutôt changer les mentalités et amener les États membres et la Commission à privilégier la mise en œuvre et l'application par rapport au côté création, ce qui permettra de tirer pleinement profit de la législation et des politiques communautaires adoptées. Cela ne signifie naturellement pas que l'importance accordée à la mise en œuvre et à l'application puisse justifier l'absence de législation dans des domaines où de nouvelles mesures s'avèrent nécessaires.

4.1.7

L'évaluation de la législation européenne en vigueur et déjà mise en œuvre — l'expérience réalisée au Danemark peut en témoigner — pourra également contribuer aux efforts visant à mieux légiférer. Cet exemple illustre bien l'interaction qui existe entre la simplification et une meilleure mise en œuvre et application des normes.

4.1.8

Quant aux alternatives que sont l'autorégulation et la corégulation (17), il convient d'examiner au cas par cas si ces solutions peuvent s'avérer pertinentes ou non. Il est essentiel d'encourager les initiatives d'autorégulation et de corégulation; la validité de ces alternatives doit néanmoins être évaluée lors du processus d'application concrète.

4.1.9

Selon le CESE, il est également évident que les difficultés grandissantes des processus nationaux de mise en œuvre et d'application doivent être traitées et résolues grâce à une coopération plus étroite entre les autorités nationales et communautaires.

4.1.10

Le CESE considère qu'une telle coopération renforcée permettra également d'éviter la création de nouveaux textes législatifs communautaires superflus qui ne constituent certainement pas le bon moyen pour améliorer les procédures nationales de mise en œuvre. Ces dernières sont trop lentes et trop lourdes et cherchent souvent à poursuivre des objectifs politiques nationaux par des moyens disproportionnés.

4.2   États membres

4.2.1

Le CESE estime que les États membres devraient demeurer libres de déterminer leurs propres méthodes et procédures de mise en œuvre. Les évaluations d'impact effectuées par les États membres et la Commission devraient également prendre en compte ces méthodes et ces procédures.

4.2.2

Selon le CESE, quelles que soient les méthodes ou les procédures choisies par les États membres pour mettre en œuvre le droit communautaire ou le droit national qui influe sur le fonctionnement du marché intérieur, les résultats doivent être similaires dans l'ensemble de l'Europe. De plus, ces résultats doivent permettre au droit communautaire primaire et dérivé de s'appliquer pleinement.

4.2.3

En ce qui concerne les États membres, le CESE estime que la participation des autorités infranationales disposant de responsabilités de mise en œuvre et/ou de pouvoirs législatifs autonomes (ex. Länder, provinces, régions) est indispensable.

4.2.4

Le CESE considère que la prochaine étape de la coopération entre les institutions européennes et les autorités nationales pour la mise en œuvre du droit et des politiques communautaires est le renforcement ou la rationalisation de la capacité administrative nationale d'application des politiques, comme il en est actuellement question dans certains États membres.

4.2.5

La capacité administrative est une question «d'intérêt commun» et les États membres devraient prouver que les autorités chargées de la mise en œuvre et de l'application possèdent cette capacité à un degré élevé. Pour le Comité, cela implique notamment une coopération étroite entre les négociateurs à Bruxelles et les organes législatifs au sein des administrations nationales.

4.2.6

Dans certains domaines tels que les télécommunications, les régulateurs nationaux ont développé une approche spécifique. Ces régulateurs respectent non seulement les dénominateurs communs d'origine communautaire, mais également les procédures de surveillance nationales. Ces pratiques doivent également être examinées.

4.2.7

Les États membres doivent être incités à passer en revue les règles et procédures nationales (comme le font déjà certains d'entre eux, tels que le Danemark). Les problèmes de mise en œuvre proviennent souvent du fait que les règles et procédures nationales ne tiennent pas suffisamment compte du marché européen dans son ensemble.

4.2.8

Les processus qui consistent à ajouter des exigences non prévues par les directives («gold-plating») et à faire un choix arbitraire parmi les exigences prévues («picorage») constituent une façon particulière de mettre en œuvre le droit communautaire. Le CESE propose d'introduire une règle générale en vertu de laquelle les États membres doivent justifier formellement, au moyen de tableaux de transposition, à la Commission que les mesures de mise en œuvre nationales communiquées sont totalement compatibles avec le droit communautaire.

4.2.9

Il serait souhaitable que les États membres fournissent des informations plus nombreuses et de meilleure qualité sur les droits et obligations, tant au sein de leurs propres administrations qu'auprès du grand public. L'absence d'informations adéquates est souvent une cause de non-respect. Le CESE préconise l'établissement de sanctions nationales pour non-respect par les citoyens ou les entreprises.

4.2.10

À l'heure actuelle, les consultations sur la transposition et l'application se limitent principalement à des contacts bilatéraux entre les gouvernements et la Commission. Il convient de développer les interactions et la flexibilité. Des discussions multilatérales se déroulent déjà au sein de groupes composés d'experts nationaux dans l'optique de la transposition et de la mise en œuvre; l'impact de ces discussions devrait être renforcé. Il est essentiel d'instaurer un débat régulier et construit entre l'ensemble des autorités européennes compétentes, dans tel ou tel domaine politique, portant sur les résultats obtenus et sur les expériences de chaque État membre. Des évaluations ex post sont souhaitables.

4.2.11

Dans les contacts bilatéraux entre États membres, on pourrait envisager un échange de responsables à l'instar des «projets de jumelage» qui sont d'une grande aide pour les nouveaux États membres et les pays candidats.

4.2.12

Les directives et les normes communautaires mises en œuvre doivent systématiquement faire l'objet d'évaluations ex post. La consultation présente un intérêt crucial pour l'amélioration de la qualité du travail législatif; il conviendrait donc de prévoir des procédures similaires pour le processus d'évaluation ex post (18). Les organes législatifs d'origine ne devraient pas être chargés de telles évaluations, qui pourraient également évoquer la nécessité future ainsi que la pertinence de certaines normes.

4.2.13

Le CESE estime que les débats donneront lieu à l'identification systématique des meilleures pratiques à adopter par l'ensemble des autorités en Europe. Lorsque les différences juridiques ou administratives entre les États membres ne permettent pas l'adoption des meilleures pratiques identifiées, les autorités nationales devraient avoir l'obligation de prouver que la méthode ou la procédure pour laquelle elles ont opté permet d'obtenir des résultats similaires à ceux atteints grâce aux meilleures pratiques dans les autres États membres. L'une de ces bonne pratiques, mise en œuvre dans certains États membres, consiste à appliquer une «règle de priorité». C'est un principe de travail de base que la transposition de la législation communautaire a priorité sur la mise en oeuvre de la législation à caractère national.

4.2.14

Les autorités nationales sont généralement responsables devant les gouvernements ou les ministres, et en fin de compte devant le parlement. Lorsque la législation européenne est mal appliquée ou ne l'est pas du tout, les intérêts des citoyens et des entreprises d'autres États membres se trouvent également affectés. Par conséquent, le CESE estime que l'UE devra peut-être élaborer une nouvelle conception de la responsabilité réciproque devant les autorités homologues des autres États membres (19).

4.2.15

Les autorités des États membres doivent expliquer à leurs homologues leurs pratiques administratives, décisions officielles et autres actions relatives à la mise en œuvre et l'application du droit communautaire lorsque ces pratiques, décisions et actions sont perçues par les autorités responsables d'autres États membres comme un frein au bon fonctionnement du marché intérieur.

4.2.16

Le CESE est d'avis que les États membres devraient vérifier régulièrement la capacité de leurs autorités chargées de la mise en œuvre et de l'application et évaluer la compatibilité des règles et réglementations nationales, ainsi que des pratiques administratives avec les obligations du droit communautaire.

4.2.17

Dans la perspective du prochain élargissement, les pays candidats doivent avoir transposé l'ensemble de l'acquis communautaire. Selon le CESE, il est souhaitable qu'ils disposent d'une capacité administrative adéquate pour le mettre en œuvre correctement avant de rejoindre l'UE.

4.2.18

Le CESE est d'avis que les États membres doivent être prêts à consacrer davantage de ressources humaines et financières pour promouvoir sérieusement la mise en œuvre et l'application. Le Comité attire l'attention sur le contraste frappant entre les ressources consacrées à la méthode ouverte de coordination (nombre de responsables, réunions, documents) et les difficultés financières et en termes de main-d'œuvre rencontrées dans de nombreux États membres dans le cadre du fonctionnement d'un réseau aussi important que SOLVIT. La Suède constitue une exception positive à cet égard.

4.2.19

Il y a lieu d'accorder une attention toute particulière au fonctionnement des tribunaux, qui sont les organes expressément chargés d'interpréter et d'appliquer directement la législation communautaire (règlements) ou les textes résultant de sa transposition (directives) et éprouvent de grandes difficultés en ce qui concerne l'homogénéisation de son interprétation et la rapidité de son application à des situations concrètes, d'où un besoin spécifique de formation des juges et des avocats en matière de droit communautaire, notamment dans le domaine de celui de la concurrence, de la santé et de la protection des consommateurs.

4.3   Commission

4.3.1

Selon le CESE, en plus des efforts louables que la Commission a déployés pour orienter ses propres services vers une amélioration de la qualité du travail législatif, la Commission doit contribuer à développer la confiance entre les autorités chargées de l'application et ce en gérant les réseaux d'autorités nationales, l'évaluation systématique de leurs performances ainsi que l'identification et la diffusion des meilleures pratiques. Elle peut exploiter des outils particuliers, tels que les systèmes d'information, afin de favoriser la coopération administrative quotidienne entre responsables. À cet égard, le «comité consultatif pour le marché intérieur» est une plate-forme utile tant pour la Commission que pour les États membres. Il en est de même pour le service d'information sur le marché intérieur que la Commission européenne prévoit de mettre en place afin de promouvoir la coopération entre les États membres.

4.3.2

Outre les instruments visant à prévenir les infractions qui ont été identifiés par la Commission dans sa «communication sur l'amélioration du contrôle de l'application du droit communautaire» (20), il est également important de renforcer la coopération entre les autorités nationales. La Commission peut contribuer à l'examen des pratiques nationales, même si elles n'ont pas entraîné de procédure officielle pour infraction, en favorisant la résolution des problèmes et la diffusion des meilleures pratiques d'application entre les États membres.

4.3.3

Le CESE préconise d'inviter la Commission à mener des audits des structures d'application dans les États membres, éventuellement en ayant recours à un partenaire neutre, et à rendre compte régulièrement de la mise en œuvre et de l'application sous la forme de tableaux de bord.

4.3.4

Il convient d'encourager les programmes de formation financés par l'UE qui sont fondés sur des études et expériences nationales et rassemblent des praticiens de toute l'Europe. La formation des juges dans le domaine de la concurrence organisée récemment par la Commission a donné des résultats positifs. De tels programmes de formation destinés aux juges des juridictions de première instance et des juridictions régionales ainsi qu'aux fonctionnaires doivent être étendus à tous les domaines concernés, car les connaissances nécessaires font encore souvent défaut. Une attention particulière pourrait également être accordée au rôle des médiateurs.

4.3.5

La Commission devrait s'atteler à envisager d'autres solutions que l'action juridique formelle, qui est souvent trop lente pour le plaignant. La moitié des procédures d'infraction durent plus de quatre ans! Les solutions de remplacement pourraient être notamment des ensembles de réunions et d'outils tels que SOLVIT. La Commission pourrait étudier la possibilité de publier les résultats de telles réunions.

4.3.6

Il conviendrait de chercher à identifier la manière la plus appropriée de parvenir au résultat politique souhaité. Dans certains cas spécifiques, afin de garantir la fiabilité des résultats dans les États membres, la Commission pourrait présenter des propositions de règlement plutôt que des propositions de directive. D'une manière plus générale, la Commission devrait tenir compte des problèmes qui peuvent être liés à la diversité des procédures nationales de mise en œuvre.

4.3.7

Selon le Comité, la Commission doit disposer des compétences et des ressources requises pour remplir sa mission fondamentale de contrôle de la mise en œuvre du droit communautaire, ainsi que ses nouvelles missions consistant à faciliter l'identification et la diffusion des meilleures pratiques. Le CESE se félicite de l'audit interne planifié par la Commission en 2006 en vue d'évaluer ses procédures et méthodes de travail existantes dans ce domaine.

4.3.8

Il faut encourager la Commission à rationaliser ses efforts de contrôle de la mise en œuvre et de l'application, ce qui pourrait également nécessiter un renforcement des moyens au sein de la Commission. À cet égard, il convient d'harmoniser les différentes approches des DG.

4.4   Bonne gouvernance et société

4.4.1

Selon le CESE, l'étude, la consultation et le contrôle de la mise en œuvre et de l'application ne doivent pas se limiter aux administrations et aux responsables. Le Parlement européen et les parlements nationaux doivent également être impliqués dans les mêmes processus. Le CESE accueille favorablement la récente initiative du Parlement européen d'inscrire les questions de mise en œuvre et d'application à son ordre du jour. Cette démarche contribuera certainement à rehausser l'intérêt politique qui fait cruellement défaut en la matière.

4.4.2

Dans le cadre de l'initiative pour une meilleure gouvernance, la Commission a organisé une vaste consultation (21). Les États membres auraient dû faire de même. En droit dérivé, certains textes tels que les règlements en matière de concurrence ou les directives sur les télécommunications nécessitent une consultation préalable des parties intéressées par les autorités nationales avant que celles-ci n'entreprennent d'adopter des mesures. Certains États membres organisent traditionnellement des consultations publiques afin d'obtenir un soutien quant à la formulation et à l'évaluation de leurs politiques. La plupart des États membres réalisent des évaluations d'impact concernant les effets financiers ou environnementaux. Une évaluation d'impact comprend une phase consultative mais également une phase consacrée à l'évaluation. Le Comité estime que ces consultations et évaluations, qui identifient les besoins des citoyens et des entreprises, puis l'effet que peut avoir sur eux une politique donnée, améliorent la compréhension des politiques, renforcent leur légitimité et préparent le terrain pour d'éventuelles améliorations.

4.4.3

En raison de la complexité de ces processus, une bonne gouvernance sous-entend qu'il faut expliquer à l'ensemble des États membres qu'en dépit du principe de subsidiarité et des traditions administratives spécifiques, les gouvernements sont tenus de mettre en œuvre ce qu'ils ont approuvé au niveau de l'UE. Cela signifie également qu'outre le rôle de la Commission et des États membres, l'apport du secteur privé et de la société civile est le bienvenu pour promouvoir l'amélioration et les meilleures pratiques.

4.4.4

Selon le CESE, une publicité bien équilibrée sera nécessaire dès que la Commission et les États membres auront formulé des idées concrètes sur la présentation de la mise en œuvre et l'application dans le cadre de la politique de meilleure gouvernance.

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Les résultats de l'enquête sur les éventuels manquements et défaillances lors de la mise en œuvre et l'application dans les États membres qui a été menée par le CESE sont synthétisés à l'annexe B.

(2)  Au point 11 des Conclusions, le Conseil «invite les États membres à redoubler d'efforts pour réduire les déficits en matière de transposition et à envisager la possibilité de passer en revue leur législation nationale pour en vérifier la compatibilité avec les règles de l'UE …».

(3)  Il est tout à fait indiqué d'évoquer ici la Better Regulation Task Force (UK) qui a publié en 2003 et 2004 trois documents de grande valeur sur le travail législatif national et européen, et notamment la mise en œuvre. Les analyses et recommandations soulignent notamment le besoin de clarté et d'efficacité du travail législatif en vue d'assurer la réussite de l'interaction nécessaire entre les différentes procédures.

(4)  Résolutions du Conseil du 16 juin 1994, du 29 juin 1995 et du 8 juillet 1996, voir «National Implementation of EU Law and the Shaping of European Administrative Policy», Hans Petter Graver in ARENA Working Papers WP 02/17, p. 6.

(5)  Ibid. p. 21.

(6)  Voir, récemment, la recommandation de la Commission du 12 juillet 2004, 2005/309/CE.

(7)  «Livre blanc sur la gouvernance européenne», COM(2001) 428 final, p. 25.

(8)  «Améliorer l'application des directives» nouvelle approche, COM(2003) 240 final, p. 3.

(9)  COM(2005) 11 final, 27 janvier 2005.

(10)  JO L 98/47 du 16.4.2005.

(11)  Articles 94-97 du Traité CE.

(12)  Voir le «Livre blanc sur la gouvernance européenne», COM(2001) 428 final.

(13)  Voir par exemple le«XXIe rapport annuel de la Commission sur le contrôle de l'application du droit communautaire», COM(2004) 839, 30/12/2004.

(14)  Voir également: J. Vervaele, «Compliance and Enforcement of European Community Law», The Hague, Kluwer Law International, 1999, Ph. Nicolaides, «Du graphite au diamant: l'importance des structures institutionnelles pour la mise en place de capacités nécessaires à une application effective et crédible des normes européennes», Institut européen d'Administration publique, 2002, et références citées dans ces ouvrages.

(15)  Une analyse des résultats négatifs auxquels ont abouti les referenda en France et aux Pays-Bas montre à quel point l'opinion publique et certains hommes politiques (!) recourent encore à des termes tels que «nous» et «eux» en évoquant la relation entre les États membres et «Bruxelles».

(16)  Cette considération est tout à fait conforme à des observations figurant dans des avis émis par le CESE depuis 2000, consacrés à la mise à jour, la simplification et l'amélioration de l'acquis communautaire et du cadre réglementaire.

(17)  «L'état actuel de la corégulation et de l'autorégulation dans le marché unique», rapporteur : M. VEVER, CESE 1182/2004.

(18)  Les résultats du questionnaire élaboré par le CESE – voir annexe A – contient des exemples qui témoignent de la nécessité de telles évaluations ex post.

(19)  Récemment, le gouvernement britannique a mis en place un Comité de la responsabilité réglementaire (Panel for Regulatory Accountability), qui peut également fournir certains éléments utiles au niveau communautaire.

(20)  COM(2002) 725 final, 11.12.2002.

(21)  Voir COM(2002) 713 final, 11.12.2002.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli plus d'un quart des suffrages exprimés, ont été repoussés au cours des débats:

Paragraphe 1.2

Modifier comme suit:

«L'UE est fondée sur l'État de droit. Ce principe renforce les bases du marché intérieur et interdit toute discrimination en raison de l'origine ou de la nationalité des produits, des personnes ou des entreprises. Une application effective de la législation communautaire, dans le strict respect des normes existantes en matière de protection sociale, de protection du consommateur et de l'environnement, favorise la confiance du public dans les politiques et les processus européens et rend l'Europe plus apte à répondre aux préoccupations des citoyens et des entreprises et des entreprises. Cela implique néanmoins une transposition correcte et en temps voulu du droit communautaire au niveau national.»

Exposé des motifs

Seul un marché intérieur réglementé par les règles mentionnées ci-dessus est à même de garantir les résultats escomptés par la grande majorité des citoyens. Les référendums (sur la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas) et les sondages (Eurobaromètre) effectués ces derniers temps montrent clairement que la population souhaite une politique dans laquelle elle puisse se reconnaître.

Résultats du vote:

Voix pour: 43

Voix contre: 45

Abstentions: 7

Paragraphe 2.1

Modifier comme suit:

«2.1

Le traité CE prévoit diverses mesures de rapprochement et d'harmonisation permettant d'achever le marché intérieur22; dans les années 1970 et au début des années 1980, l'expérience a néanmoins montré qu'une harmonisation complète est un processus lent, fastidieux et inutile. Il est vrai que, dans certains cas, Llles mesures fondées sur la reconnaissance mutuelle et sur le principe du contrôle par l'État membre d'origine ont été plus faciles à négocier et à mettre en œuvre. Elles ont également été plus efficaces, en libéralisant le commerce et l'investissement sans imposer de contraintes trop lourdes. Toutefois, une approche globale du principe du pays d'origine suppose la création au préalable de conditions permettant de poursuivre une approche différenciée et donnant la priorité à l'harmonisation vers le haut des normes en matière de protection des travailleurs, des consommateurs et de l'environnement dans les différents secteurs. Ce n'est qu'ainsi que l'on parviendra à donner au marché intérieur un niveau de qualité adéquat. Cela correspond également à la demande formulée par le CESE dans son avis relatif à la directive sur les services, adopté en février 200523. Il faut cependant également rappeler que l'UE est entrée dans une nouvelle phase qui se caractérise par des différences croissantes entre les cultures gouvernementales. Les réglementations pourraient ainsi voir leur pertinence renforcée, en ce qu'elles permettent d'atteindre la convergence et de promouvoir les bonnes pratiques.»

Exposé des motifs

Il serait inopportun, compte tenu de la longueur du débat qui a été mené dans le cadre de l'élaboration de l'avis relatif à la directive sur les services, de remettre à nouveau en question dans le projet d'avis à l'examen l'harmonisation des dispositions, maintenant qu'un consensus a été trouvé. En citant ici les conclusions de ce débat, l'on contribue non seulement à renforcer la cohérence des avis du CESE mais l'on donne aussi, du point de vue du contenu, un complément utile au projet d'avis à l'examen en ce qui concerne le thème de l'harmonisation.

Résultats du vote:

Voix pour: 44

Voix contre: 48

Abstention: 9

Le texte suivant de l'avis de la section spécialisée a été rejeté au profit d'un amendement mais a recueilli plus d'un quart des suffrages exprimés:

Paragraphe 1.1

«1.1

Un marché intérieur pleinement fonctionnel constitue la base de l'intégration européenne. Il légitime cette intégration en offrant d'importants avantages aux citoyens et aux entreprises.»

Résultats du vote:

Voix pour: 38

Voix contre: 44

Abstention: 10


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/63


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Obésité en Europe — Rôle et responsabilités des différents partenaires de la société civile»

(2006/C 24/14)

Le 18 février 2005, le Comité économique et social européen a décidé, en vertu de l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème «Obésité en Europe — Rôle et responsabilités des différents partenaires de la société civile»

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 5 septembre 2005 (rapporteuse: Mme SHARMA).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 28 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 83 voix pour, 4 voix contre et 10 abstentions.

1.   Obésité — La responsabilité de la société

1.1

Il est malheureux de constater que les deux principaux problèmes nutritionnels du monde contemporain sont, d'un côté, la famine, qui touche 600 millions de personnes et, de l'autre, l'obésité, qui concerne 310 millions de personnes.

1.2

Des documents, études et rapports interminables sur le régime alimentaire, l'exercice physique et l'obésité ont été élaborés par des experts, de grandes organisations internationales, et lors de tables rondes sans déboucher sur des solutions ou des ACTIONS CONCRÈTES afin d'enrayer ce mal de nos sociétés, invalidant sur le plan économique.

1.3

Apport en calories excessif moins consommation de calories réduite = surplus énergétique, stocké sous forme de graisses. Tel est le mécanisme qui est à la base de l'obésité et qui s'est accéléré durant les dernières décennies sous l'action de toute une série de facteurs économiques, sociaux et psychologiques au point qu'elle est devenue un problème de santé à caractère prioritaire.

1.4

Le nombre de personnes souffrant d'obésité a augmenté de manière spectaculaire durant les 30 dernières années. En 2000, l'OMS a défini l'obésité comme étant le principal problème de santé menaçant les pays occidentaux.

Au total, 14 millions d'enfants souffrent de surcharge pondérale, dont 3 millions sont obèses, avec une augmentation de plus de 400 000 cas par an, ce qui représente quasiment 1 enfant sur 4 dans l'ensemble de l'Union à 25.

10 à 20 % des enfants de l'Europe du Nord présentent une surcharge pondérale. Pour l'Europe du Sud, l'Irlande et le Royaume-Uni, ce chiffre passe à 20-35 %.

Dans de nombreux pays de l'UE, plus de la moitié de la population adulte souffre de surcharge pondérale, 20 à 30 % des adultes étant classés dans la catégorie des obèses.

L'obésité à l'âge mûr augmente le risque de démence future.

Six des sept principaux facteurs de risque de mort prématurée concernent la façon dont nous mangeons, buvons et nous dépensons (le septième étant le tabac).

L'obésité représente entre 2 et 7 % des dépenses globales de santé des pays développés.

1.5

Face à la tendance d'une expansion de l'obésité et à ses effets dommageables, pour les personnes comme pour la société, il s'impose désormais d'adopter une approche interdisciplinaire et multifactorielle, qui exige une action caractérisée par l'interdépendance des nations, communautés et individus. Les pouvoirs publics, en coopération avec d'autres partenaires, jouent un rôle central dans la mise en place d'un environnement autorisant et incitant les individus, les familles et les communautés à faire des choix positifs allant dans le sens d'un mode de vie sain.

2.   Les facteurs contribuant à la propagation de l'obésité

Le développement des activités sédentaires, l'utilisation croissante de transports motorisés, le recul de l'activité physique ainsi qu'une plus forte consommation d'aliments et de boissons à fort apport énergétique et mal équilibrés quant à leur composition sont probablement les principaux facteurs contribuant à l'actuelle épidémie d'obésité.

2.1   Les facteurs généraux

Les modèles de culture et de comportement propres à la «civilisation du bien-être» constituent la cause première de la montée explosive de l'obésité, à laquelle il ne sera possible de remédier que par des actions d'information et de prévention coordonnées au niveau national, local et même individuel, afin de modifier l'approche culturelle et les modèles comportementaux qui sont les plus nocifs, sans verser pour autant dans l'erreur ou la démarche instrumentalisante que représente la «médicalisation» du phénomène.

2.2

Les principaux points d'intervention couvriront dès lors un éventail très articulé de secteurs ou d'activités que l'on peut résumer comme suit:

société: éducation à l'alimentation, qui abordera la question de la valeur nutritive globale des aliments, en ne se limitant plus à en évoquer les seuls aspects nutritionnels quantitatifs, ainsi qu'en faveur de modes de vie plus sains, notamment pour ce qui est de l'exercice physique,

école: cours sur la qualité de la nourriture, les causes et les effets de l'obésité, renouveau de l'enseignement concernant l'économie familiale et l'éducation civique, afin d'inculquer des styles de vie plus sain, et mise en valeur de l'activité physique, y compris de loisir,

industrie: stimulation des comportements éthiques dans l'industrie alimentaire, en particulier en ce qui concerne les activités de marketing et la publicité dans les médias, actions pour une politique du personnel qui favorise une alimentation convenable et une pratique physique adéquate,

transports: lutte contre l'utilisation abusive des moyens de transport, qui s'effectue au détriment de l'activité physique, et définition de politiques qui n'alourdissent pas les frais de distribution des aliments frais, en particulier,

médias: contrôles pour éviter que les pratiques publicitaires ne débouchent sur des consommations excessives ou déséquilibrées et sensibilisation des parents aux dangers, y compris physiques, d'une utilisation excessive et prolongée de la télévision, des jeux vidéos et d'Internet,

services de santé: fourniture de véritables prestations informatives sur tout sujet et élaboration de campagnes d'information et de prévention en lieu et place d'interventions thérapeutiques tardives et souvent inefficaces,

politiques: lancements d'investissements réfléchis et appropriés dans des initiatives concrètes qui, du niveau national au niveau local, s'adressent à toutes les couches de la population et tout particulièrement aux groupes les plus fragiles du point de vue de l'instruction et des revenus.

3.   Arrêter de culpabiliser les autres

3.1

Nos sociétés occidentales constituent un environnement très propice à l'obésité. Certaines causes sont évidentes, beaucoup le sont moins et la plupart ne sont pas considérées par la société comme nuisibles. On peut s'inquiéter du manque de prévoyance pour les générations futures et de la réticence généralisée des individus à prendre leurs responsabilités, préférant les rejeter sur d'autres.

3.2

Les causes sous-jacentes de l'obésité sont les suivantes: consommation importante d'aliments riches en calories mais pauvres en substances nutritives, qui comportent beaucoup de matières grasses, de sucre et de sel; peu d'exercice physique à la maison, à l'école, au travail, dans les loisirs et les transports. Les variations des niveaux de risques et les conséquences sur la santé sont en partie attribuables aux évolutions temporelles et quantitatives des facteurs économiques, démographiques et sociaux aux niveaux national et mondial.

3.3

L'introduction de modifications dans les habitudes alimentaires, de modèles d'exercice physique et d'un mode de vie sain nécessitera la coopération de nombreux acteurs du secteur public et du secteur privé sur plusieurs décennies. Un changement des mentalités, une prise de conscience et une éducation grâce à un ensemble d'actions efficaces et de bon sens sont nécessaires à tous les niveaux et doivent s'accompagner d'un soutien psychologique, d'une évaluation et d'un suivi étroits de leur impact. En outre, les individus doivent s'impliquer personnellement dans le changement.

3.4

Le CESE juge nécessaire d'adopter une stratégie globale afin que tous les acteurs luttent ensemble contre le problème en élaborant des politiques du haut vers le bas accompagnées de stratégies ascendantes, créant ainsi des actions sur le plan horizontal et vertical, avec l'engagement de tous, que ce soit d'un point de vue financier, en temps ou en nature. Bien que cela ne soit pas simple, l'objectif est de créer un environnement favorisant une alimentation saine et équilibrée accompagnée d'exercice physique partout en Europe, sans laisser la place au sentiment de culpabilité.

4.   «Obesity Check»

4.1

Le CESE propose de réduire l'obésité au moyen de la promotion en Europe d'une campagne de lutte contre l'obésité baptisée « Obesity Check », consistant à passer toute politique au crible de l'obésité, campagne de sensibilisation aux bénéfices d'un mode de vie sain et à la responsabilité de toutes les parties dans la prévention de l'obésité. La campagne sera basée sur un message simple comportant 10 objectifs et impliquant les secteurs public et privé, la société civile et les citoyens via leur engagement à soutenir la campagne. Il s'agit de promouvoir les habitudes liées à un mode de vie sain sans pour autant interférer avec les choix personnels de l'individu.

4.2

Les 10 objectifs sont les suivants:

poursuivre et améliorer le processus d'éducation de la population;

coopérer pour une bonne communication et une prise de responsabilités;

garantir que l'information parviendra à CHAQUE citoyen européen;

mettre chacun devant ses responsabilités et maintenir cette situation;

convaincre les individus et les organisations qu'ils peuvent influencer les autres;

accepter que toutes les actions doivent être intégrées dans un large éventail de politiques communautaires et nationales;

accepter qu'il s'agit d'une «responsabilité sociale collective»;

garantir une approche en plusieurs étapes, horizontale et verticale, à tous les niveaux;

garantir la transparence, le désintéressement et supprimer les agendas secrets;

sensibiliser les citoyens au fait que les effets de l'obésité sur la santé sont réversibles grâce à une alimentation saine et à l'exercice physique.

4.3

La campagne «Obesity Check», qui doit être clairement définie par les responsables politiques et les autres acteurs concernés et menée par la DG SANCO, consisterait en un message simple prouvant aux européens qu'il est nécessaire de manger sainement et de faire plus d'exercice physique, message transmis au moyen d'un engagement à passer au crible de l'obésité toutes les politiques et pratiques des parties concernées. Chaque organisation, de la Commission européenne à l'individu au sein de sa famille, peut être invitée à participer à la campagne afin d'analyser ses habitudes et les façons de les modifier pour prévenir le risque d'obésité.

4.4

Les campagnes précédentes telles que celles pour le port de la ceinture de sécurité, pour l'allaitement maternel, contre le tabac et contre le dopage étaient simples mais efficaces et relayées par toutes les couches de la société. Il s'agissait à chaque fois d'une association réussie d'éducation du consommateur, de législation, de modification des politiques et de programmes communautaires.

5.   Campagne «Obesity check»

Un questionnaire a été élaboré pour inciter les destinataires à consacrer le temps qu'ils auront eux-mêmes choisi à soutenir, au sein de leur organisation ou à l'extérieur, les travaux de la DG SANCO en matière de promotion de l'idée consistant à passer toute politique au crible de l'obésité, via la campagne «Obesity Check». (Ce questionnaire est joint à l'avis. Il peut être modifié pour être utilisable par toute organisation).

Objectif — obtenir des résultats ciblés et suivre les progrès réalisés

À court terme — Les questionnaires complétés prouvent l'engagement et la volonté d'individus ainsi que d'organisations de contribuer à une prise de conscience, d'éduquer et d'informer les autres de la nécessité de changer de mode de vie. L'objectif peut être évalué en termes de temps ou de ressources consacrés à la campagne. Les exemples de meilleures pratiques peuvent également être recueillis.

À moyen terme — L'action effective. Maintenir l'engagement de temps et de ressources, y compris la lutte des organisations contre l'obésité. Dans le cadre de cet objectif, les exemples de meilleures pratiques recueillis à court terme devront également être publiés et diffusés. Les objectifs peuvent être appréciés grâce aux réactions positives et au suivi des questionnaires originaux et grâce à l'évaluation des progrès de la plate-forme européenne.

À long terme — Évaluer les progrès effectivement réalisés grâce à un avis du CESE, sous forme d'un rapport destiné aux autres institutions. Cela facilite les processus de réaction et de poursuite du mouvement.

5.1   CESE

5.1.1

Le CESE a pour rôle de travailler avec la Commission, le Parlement et le Conseil pour rapprocher la société civile du processus décisionnel. Le CESE peut donc, avec tous les acteurs concernés, consacrer du temps à initier de réels changements via l'action volontaire de ses membres en faveur de la promotion de modes de vie plus sains. Les membres du CESE ont dû remplir le questionnaire « Obesity check » et ont montré l'exemple avec les suggestions suivantes:

les employeurs pourraient proposer des modes de vie plus sains sur le lieu de travail, notamment en favorisant un choix plus important de produits alimentaires sains, en adoptant des politiques alimentaires cohérentes et en équipant leurs entreprises d'installations sportives ou de salles de sport. Pour les petites entreprises, il pourrait s'agir d'aider les salariés à adopter des modes de vie plus sains. Il serait également intéressant que les employeurs participent à des travaux de sensibilisation en dehors de leur entreprise. La Déclaration du millénaire des Nations Unies (septembre 2000) reconnaît que la croissance économique est limitée si la population est en mauvaise santé;

les organisations salariales pourraient diffuser un message similaire à leurs membres, par exemple pour leur permettre d'intégrer l'exercice physique, la pratique de la marche ou du vélo à leurs habitudes quotidiennes. Les salariés pourraient également être encouragés à faire passer le message au sein de leurs familles et de leurs communautés, dans un processus d'éducation en continu;

les ONG et notamment les organisations de consommateurs pourraient consacrer du temps, avec leurs membres, à participer à la diffusion du message auprès des autres institutions et communautés. Les organisations de jeunes et les organisations familiales peuvent être très utiles pour promouvoir des régimes alimentaires équilibrés ainsi que l'exercice physique. Toutes ces organisations peuvent promouvoir le caractère économiquement abordable d'une alimentation et de comportements sains, et fournir le savoir-faire connexe.

5.1.2

Le CESE travaille dans les 25 États membres à tous les niveaux de la société civile, ce qui en fait un instrument important dans la diffusion du message de cette campagne et fixe les bases pour d'autres campagnes à venir.

5.2   Commission européenne et Parlement européen

Les membres des DG de la Commission et les députés européens rempliront le questionnaire «Obesity Check» , afin de montrer l'exemple.

5.2.1

Il convient de féliciter la DG SANCO pour le lancement de la Plate-forme d'action européenne en matière d'obésité. Il faut espérer que les membres de cette plate-forme pourront trouver un slogan (ou message de campagne) simple pouvant être utilisé dans toute l'Europe pour promouvoir un mode de vie sain. Des messages adaptés, cohérents et clairs devraient être élaborés et diffusés par les gouvernements, les ONG, les organisations de base et les entreprises. Ils devraient être diffusés via de nombreux canaux et sous la forme adaptée à la culture locale, à l'âge et au sexe. Il est notamment possible d'influencer les comportements dans les écoles, sur le lieu de travail, au sein des communautés éducatives et religieuses, par la voix des personnes exerçant une influence au niveau local, et par l'intermédiaire des médias.

5.2.2

Le responsable de la plate-forme, Robert MADELIN, a souligné que, pour gagner le combat contre l'obésité, toutes les actions doivent être intégrées dans un large éventail de politiques communautaires. A l'échelle mondiale, toutes les études montrent qu'il s'agit de politiques à long terme qui doivent s'appuyer sur des stratégies efficaces et durables à court, moyen et long terme, stratégies doublées d'actions et d'une participation multisectorielle, pluridisciplinaire et multifacteurs, ce qui signifie qu'il faut prévoir une consultation avec les personnes les plus directement concernées (familles, parents et enfants).

5.2.3

La DG SANCO fait en sorte que la plate-forme permette d'engager le dialogue avec d'autres DG de la Commission: DG Agriculture, DG Entreprises, DG Éducation, DG Recherche, DG Transports. En effet, il est essentiel que tous les acteurs concernés soient impliqués dès l'élaboration de la stratégie. Par la suite, il conviendra de réaliser une évaluation d'impact consultative afin de s'assurer que la stratégie ne montre du doigt ni ne pénalise aucune institution en particulier mais qu'elle communique clairement ses propositions afin de les impliquer toutes, dans leur ensemble.

5.2.4

Sur la base des principes de subsidiarité et de complémentarité, les mesures de promotion au niveau communautaire peuvent renforcer l'effet des initiatives prises par les autorités nationales, le secteur privé et les ONG. Il conviendrait d'identifier plusieurs sources de financement qui, outre les budgets nationaux, aideraient à la mise en œuvre d'une stratégie et de la campagne «Obesity Check».

5.2.5

La DG Éducation et culture, notamment dans sa composante Sport, va demander des financements pour élaborer des stratégies clés en coopération avec les pouvoirs publics nationaux. Elle doit toutefois faire aussi passer dans ses messages l'idée selon laquelle les ressources financières ne sont pas toujours nécessaires pour accroître les niveaux d'exercice physique. Par exemple, les écoles n'ont pas toujours besoin de nouveaux équipements sportifs et de nombreux athlètes actuellement en recherche d'emploi pourraient être incités à travailler dans l'éducation. Les responsables de la promotion du sport pourraient persuader les stars du sport de diffuser des messages positifs.

5.2.6

Des études approfondies ont été menées par la DG EAC dans le domaine de l'exercice physique chez les jeunes mais il conviendrait également de s'intéresser aux loisirs des adultes. En effet, il faut tenir compte de l'importance des références familiales. Par exemple, les parents pratiquant un sport durant le week-end emmènent leurs enfants avec eux et les incitent à participer. Le sport devient alors une expérience familiale et cela fait évoluer les tendances culturelles.

5.2.7

La DG Agriculture dispose d'un budget «promotion» qui pourrait être utilisé comme un investissement en faveur de la promotion des fruits et légumes frais, ce qui lui permettrait de jouer son rôle de façon positive dans la campagne «Obesity Check». De même, elle pourrait fournir aux organes nationaux une assistance préalable pour les campagnes promotionnelles locales en faveur des produits agricoles nutritifs.

5.2.8

Il faut également tenir compte du rôle des partenaires internationaux dans la réalisation des objectifs. Les organisations du système des Nations Unies, les organes intergouvernementaux, les ONG, les associations professionnelles, les instituts de recherche et les entités du secteur privé doivent travailler de façon coordonnée.

5.3   États membres

Tous les pouvoirs publics d'Europe devront remplir le questionnaire «Obesity Check» et, afin de montrer l'exemple, l'on pourra leur demander de consacrer des ressources spécifiques à la promotion de la campagne. Il est essentiel que les gouvernements adoptent une approche «intégrée» prenant en compte les facteurs économiques, sociaux et environnementaux.

5.3.1

Tous les partenaires, en particulier les gouvernements, doivent examiner simultanément un certain nombre de questions. En matière d'alimentation, il s'agit d'examiner tous les aspects de la nutrition, de la sécurité alimentaire (accessibilité, notamment financière, et disponibilité des aliments sains) et de la sûreté alimentaire. Il convient de promouvoir l'exercice physique au travail, au domicile et à l'école, en tenant compte de l'aménagement urbain, des transports, de la sécurité et de l'accès à l'exercice physique durant les loisirs. Les priorités en matière d'élaboration des activités gouvernementales de passage au crible de l'obésité, dans le cadre de la campagne «Obesity Check», seront définies en fonction de la situation de chaque État membre. Il existe des différences considérables au sein de chaque État membre ainsi que d'un État membre à l'autre et les collectivités régionales devraient participer à la définition des stratégies régionales.

5.3.2

Le soutien nécessaire devrait être apporté par une infrastructure adaptée, des programmes de mise en œuvre, un financement adéquat, un suivi et une évaluation ainsi qu'un processus de recherche continu. Les stratégies doivent s'appuyer sur les meilleures recherches et preuves scientifiques existantes et intégrer les politiques, l'action et les échéances.

5.3.3

Il convient de donner la priorité aux activités ayant des répercutions positives sur les populations les plus pauvres. Ce type d'activités nécessite en général des actions au sein des communautés fortement appuyées et très surveillées par les pouvoirs publics.

5.3.4

A l'image de la Plate-forme d'action européenne, les gouvernements nationaux devraient créer des canaux de communication et des tables rondes réunissant les ministères et les institutions chargés des politiques alimentaire, agricole, de la jeunesse, des loisirs, des sports, de l'éducation, du commerce et de l'industrie, de la finance, des transports, des médias et de la communication, des affaires sociales et de l'aménagement urbain et environnemental afin de débattre de la lutte contre l'obésité. Des tables rondes réunissant parents et jeunes pourraient permettre d'intégrer les contributions des individus les plus concernés. Toutes les parties intéressées doivent coopérer et s'engager dans ce processus sans agenda caché. La task-force internationale sur l'obésité (International Obesity Task Force, IOTF) est un «réservoir d'idées» s'appuyant sur des données scientifiques et jouant un rôle de conseiller et de catalyseur, qui fournit des données pertinentes pour le débat. Ces canaux de communication devraient être élargis aux partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Ils ne doivent absolument pas gaspiller les ressources en augmentant les coûts administratifs ou en créant des doublons avec des organes existants.

5.3.5

Les gouvernements doivent penser en termes d'actions résultant dans la mise à disposition d'informations simples et sensées permettant aux consommateurs de faire facilement des choix éclairés. Les gouvernements doivent également garantir la disponibilité des programmes adéquats de promotion de la santé et d'éducation à la santé. L'information des consommateurs doit tenir compte des différences de niveau d'alphabétisation, des obstacles à la communication et de la culture locale et les messages doivent être compris par tous les segments de la population.

5.3.6

Les gouvernements, en application du principe de subsidiarité, jouent un rôle de premier plan, en coopération avec d'autres partenaires, dans la création d'un environnement autorisant et favorisant l'évolution des comportements chez les individus, dans les familles et les communautés, évolution qui les conduit vers des choix positifs allant dans le sens d'un mode de vie sain.

5.4   Éducation

Dans chaque établissement d'enseignement, des personnes devront compléter le questionnaire «Obesity Check» . Les autorités responsables de l'enseignement pourraient être incitées à consacrer des ressources spécifiques à la promotion de la campagne auprès de leurs organes constitutifs à tous les niveaux de l'enseignement.

5.4.1

Pour la prévention et la surveillance de l'obésité, il est essentiel d'adopter une perspective sur toute la durée de la vie, de diffuser une check-list de l'obésité qui soit simple et compréhensible aussi bien par les jeunes que par les personnes âgées. Cette approche débute par la santé maternelle durant la grossesse et l'alimentation prénatale, l'allaitement et la santé du nourrisson, de l'enfant et de l'adolescent. Sont concernés ensuite: les enfants à l'école, les adultes sur leur lieu de travail et ailleurs et, enfin, les personnes âgées. Cette approche favorise donc un mode de vie plus sain dès la période prénatale et jusqu'à un âge avancé.

5.4.2

L'apprentissage de la santé devrait faire partie des programmes d'enseignement pour adultes. Ces programmes permettent aux professionnels de la santé et aux prestataires de services d'améliorer leurs connaissances en matière d'alimentation et d'exercice physique et d'atteindre les populations marginalisées. L'apprentissage par les médias est également possible afin de donner aux consommateurs les clés qui leur permettent de comprendre l'étiquetage et les publicités pour faire le bon choix ainsi que des conseils pratiques pour la préparation des repas.

5.4.3

L'école influence la vie de la plupart des enfants. Elle devrait les protéger en fournissant des informations sur la santé, en améliorant l'apprentissage de la santé, en éduquant leur goût et en faisant la promotion d'un mode de vie sain. Les écoles doivent proposer un minimum de cours quotidiens d'éducation physique (au moins deux heures par semaine) ainsi qu'un enseignement des bases de l'alimentation équilibrée. Elles devraient disposer des installations et équipements adaptés. Elles devraient admettre que, même en présence de contraintes budgétaires, il reste possible d'agir avec les installations existantes.

Les dépenses en matière d'installations sportives doivent faire l'objet d'un suivi rigoureux afin de garantir que les activités proposées sont autant destinées aux filles qu'aux garçons, le taux d'obésité chez les filles augmentant plus rapidement que chez les garçons.

5.4.4

Les gouvernements sont encouragés à adopter des politiques en faveur d'une alimentation équilibrée à l'école et à limiter la présence de produits alimentaires riches en sel, sucre et matières grasses. Les écoles, associées aux parents et aux autorités responsables, devraient envisager de signer des contrats d'approvisionnement pour les cantines scolaires avec les producteurs locaux, afin d'assurer un marché local pour les produits sains. Il conviendrait d'adopter une politique alimentaire et nutritionnelle cohérente après consultation du personnel, des élèves, des parents et des autorités publiques compétentes.

5.4.5

Lorsque l'activité entrepreneuriale est encouragée dans les écoles, cela ne doit pas se faire sous la forme de stands de friandises et autres pâtisseries, où l'on trouve traditionnellement des chips et des confiseries. Cela pourrait être remplacé par des produits sains.

5.4.6

Une attention particulière doit être accordée aux personnes âgées car les plus de 60 ans sont également concernés par l'obésité. En outre, les personnes âgées ont beaucoup d'informations et une longue expérience de l'alimentation et des méthodes de préparation traditionnelles et peuvent à ce titre participer à l'éducation de leurs familles.

5.5   Services de santé

Dans chaque établissement de santé publique, les patients devraient être invités à compléter le questionnaire «Obesity Check» . Les autorités responsables de la santé publique pourraient être incitées à consacrer des ressources spécifiques à la promotion de la campagne auprès de leurs organes constitutifs (cliniques, hôpitaux, cantines du personnel, groupes de patients, par exemple).

5.5.1

Le rôle des pouvoirs publics est crucial lorsqu'il s'agit de déclencher des changements durables en matière de santé publique. Ils sont au premier plan pour lancer et élaborer une stratégie de réduction de l'obésité dans le cadre d'un effort de santé publique plus vaste, global et coordonné. Il faut diffuser des messages simples et directs sur l'exercice physique nécessaire, aussi bien au niveau de la quantité que de la qualité, pour apporter des bienfaits substantiels en matière de santé. Les administrations régionales et locales devront, elles aussi, être mises à contribution et participer activement à ce processus d'information.

5.5.2

Dans leurs relations habituelles avec les patients, les professionnels de santé doivent inclure des conseils pratiques portant sur les bienfaits d'une alimentation saine et d'une augmentation de l'exercice physique ainsi qu'un soutien pour aider les patients à mettre en place et à conserver des comportements sains, grâce à une check-list de l'obésité. Les pouvoirs publics devraient envisager des incitations pour motiver les services de prévention et identifier les opportunités dans les services cliniques existants, y compris une structure de financement améliorée pour soutenir les professionnels de santé et leur permettre, notamment pour les soins de santé primaires mais également dans d'autres services (tels que les services sociaux et les pharmacies), de consacrer davantage de temps à la prévention. Il pourrait s'agir d'un message simple, positif et proactif du type «Marchez plus, mangez moins».

5.5.3

Les mesures de soutien et d'information devraient viser en premier lieu les parents, en les informant sur le meilleur choix en matière de nutrition pour le plus jeune groupe d'âge (nourrissons et enfants en bas âge). Il existe désormais des preuves scientifiques solides montrant que les nourrissons allaités ont, plus tard, une tendance moindre à l'obésité que ceux qui ont été nourris avec du lait en poudre; ainsi, la prévention pourrait commencer par la promotion d'une alimentation adéquate du nourrisson.

5.5.4

Les mesures de soutien et d'information devraient également s'adresser aux personnes âgées, notamment les personne seules, en situation de pauvreté ou de marginalité, afin d'éviter les fréquentes pratiques alimentaires malsaines que ces situations de précarité tendent souvent à engendrer.

5.6   Collectivités locales

Dans chaque collectivité locale et régionale, le questionnaire «Obesity Check» devra être complété en vue d'actions spécifiques pour passer leurs activités au crible de l'obésité et soutenir la campagne «Obesity Check». Les instances responsables au niveau local pourraient être incitées à consacrer des ressources spécifiques à la promotion de la campagne.

5.6.1

Les collectivités locales devraient favoriser la création de comités consultatifs d'experts multisectoriels et pluridisciplinaires réunissant des experts techniques et des représentants des agences gouvernementales. Leurs présidents devraient être indépendants pour garantir que les preuves scientifiques sont interprétées à l'écart de tout conflit d'intérêts.

5.6.2

Les pouvoirs publics nationaux, régionaux et locaux devraient prévoir des incitations pour garantir que la pratique de la marche, du vélo et d'autres formes d'exercice physique soit accessible et sans danger; les politiques de transport doivent laisser une place aux moyens de transport non motorisés; les politiques de l'emploi et du travail devraient encourager l'exercice physique; enfin, les installations de sport et de loisirs devraient refléter le concept du sport pour tous.

5.7   Industrie (à savoir les employeurs et les salariés, qui travaillent ensemble pour leur bénéfice mutuel)

Dans l'industrie, employeurs et salariés devront compléter le questionnaire «Obesity Check» pour soutenir la campagne.

Les entreprises et les syndicats pourraient être incités à consacrer des ressources spécifiques ou une partie de leur capital à la promotion de la campagne «Obesity Check», dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises.

5.7.1

Le secteur privé peut être un acteur important, notamment parce que de nombreuses entreprises développent leur activité sur le plan mondial et peuvent donc appliquer des politiques à tous les niveaux de l'entreprise et dans les différents pays. Au niveau de leur responsabilité sociale, les entreprises pourraient faire intervenir différents partenaires qui coopéreraient avec les établissements scolaires locaux pour soutenir la stratégie éducative de sensibilisation à l'alimentation saine ou d'augmentation de l'exercice physique. Par précaution, une consultation doit être organisée au préalable afin d'examiner les éventuels conflits d'intérêts.

5.7.2

L'industrie alimentaire, les distributeurs, les entreprises de restauration, les fabricants d'équipements sportifs, les entreprises de publicité et de loisirs, les assurances et les groupes bancaires, les laboratoires pharmaceutiques et les médias ont tous un rôle important à jouer en tant qu'employeurs responsables et défenseurs d'un mode de vie sain. Ils pourraient tous devenir partenaires des gouvernements et ONG dans la mise en œuvre de mesures destinées à envoyer des messages positifs et cohérents afin de faciliter les efforts intégrés de promotion d'un mode de vie sain.

5.8   Industrie alimentaire

5.8.1

Les fabricants de produits alimentaires ont œuvré proactivement à la mise en place de nombreuses initiatives visant à réduire les quantités de matières grasses, de sucre et de sel présentes dans les produits alimentaires transformés, ainsi qu'à réduire la taille des portions et à augmenter le recours aux produits novateurs, nutritifs et sains.

5.8.2

L'industrie alimentaire est consciente du fait que la publicité affecte les choix des consommateurs et influence leurs habitudes alimentaires et qu'il convient de s'assurer que la publicité ne profite pas du manque d'expérience ou de la naïveté des enfants. Les pouvoirs publics devraient travailler en coopération avec les groupes de consommateurs et le secteur privé pour élaborer des approches multisectorielles adaptées en ce qui concerne la vente de nourriture aux enfants (questions du parrainage, de la promotion et de la publicité). Ils devraient parvenir ensemble à un accord sur des pratiques socialement responsables qui ne supprime pas la liberté de choisir mais reconnaisse que les enfants ne sont pas en mesure d'identifier le contenu nutritionnel.

5.8.3

Les projets actuels d'élaboration de mesures rapides simplistes telles que les indicateurs, devant figurer sur les produits alimentaires, sur la base d'une signalétique vert-orange-rouge, devraient être découragés. Les recommandations doivent faire l'objet d'une consultation avec l'industrie alimentaire et les consommateurs avant leur mise en oeuvre. Ces projets peuvent être appuyés par des campagnes d'information dans les médias, portant notamment sur l'étiquetage, et des messages publicitaires diffusés sur les points de vente, dans les écoles et les centres de formation pour adultes.

5.8.4

Les consommateurs veulent des informations précises, standardisées et compréhensibles sur le contenu des produits alimentaires afin d'être en mesure de faire le bon choix pour leur santé. Les pouvoirs publics peuvent demander à ce que des informations soient fournies sur les principaux aspects nutritionnels, tel que cela est proposé dans les lignes directrices du Codex sur l'étiquetage nutritionnel.

5.8.5

Étant donné que les consommateurs sont de plus en plus intéressés par les questions de santé et que l'on accorde de plus en plus d'attention aux aspects nutritionnels de l'alimentation, les fabricants ont de plus en plus recours à des messages en rapport avec la santé. Mais ces messages ne doivent pas induire les consommateurs en erreur à propos des bienfaits ou des risques.

5.8.6

Les recommandations faites à l'industrie alimentaire, qui pourraient être appuyées par la société civile organisée, sont les suivantes:

promouvoir les modes de vie sains, conformément aux lignes directrices communautaires et aux objectifs généraux de la stratégie mondiale;

limiter les niveaux de graisses saturées, d'acides gras trans, de glucides rapides et de sel dans les aliments;

continuer à mettre au point et à proposer aux consommateurs des produits abordables, sains et nutritifs;

fournir aux consommateurs des informations adaptées et compréhensibles sur le produit et la nutrition;

pratiquer un marketing responsable en accord avec la campagne « Obesity Check », notamment en ce qui concerne la promotion et le marketing des produits riches en graisses saturées, en sucre ou en sel, particulièrement auprès des enfants;

utiliser un étiquetage simple et cohérent et des allégations nutritionnelles scientifiquement fondées qui aident les consommateurs à faire des choix éclairés pour leur santé;

fournir aux pouvoirs publics nationaux des informations sur la composition des produits alimentaires;

soutenir l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes en faveur d'une alimentation saine et de l'exercice physique.

5.9   Agriculture

5.9.1

Les politiques alimentaires et agricoles nationales doivent être cohérentes avec la protection et la promotion de la santé publique. Il conviendrait d'envisager des politiques favorisant l'adoption d'une alimentation saine et garantissant la sûreté alimentaire et une sécurité alimentaire durable.

5.9.2

Les prix influencent les consommateurs dans leurs choix. Les politiques publiques peuvent influer sur les prix par le biais de la fiscalité, des subventions ou de la fixation directe des prix, de façon à encourager la consommation de produits bons pour la santé.

5.10   Médias

5.10.1

Les médias jouent l'un des rôles les plus importants car ils sont présents dans la vie quotidienne, souvent de façon subliminale. Si tous les médias coopéraient autour d'une campagne européenne et en faisaient la promotion auprès de leur public de façon simple et régulière sur une période prolongée, le message de la campagne finirait par atteindre chaque citoyen européen.

5.10.2

Dans nos sociétés où les stars sont considérées comme des modèles, y compris les champions olympiques, l'on pourrait faire plus pour les impliquer dans la diffusion du message de la campagne.

5.10.3

Les nouveaux médias, notamment les jeux vidéo et l'Internet, ont un rôle essentiel à jouer auprès du jeune public, d'autant plus que leur utilisation est liée à l'augmentation de l'obésité.

5.10.4

Le placement et la promotion des produits dans les films de cinéma devraient être soigneusement adaptés au public visé. Cette prudence s'impose particulièrement lorsque le public est constitué d'enfants.

5.11   Société

5.11.1

Les ONG et les organisations de la société civile devront compléter le questionnaire «Obesity Check». Les organisations pourraient être incitées à consacrer des ressources spécifiques, y compris en nature, à la promotion de la campagne auprès de leurs membres et organisations constitutives. La qualité du travail de ces organisations au niveau communautaire est reconnue et essentielle pour la réussite de toute initiative.

5.11.2

Nombreux sont ceux qui pensent que la question de l'obésité est de la responsabilité de chacun. Ils ont en partie raison mais il s'agit également d'une responsabilité de la société, notamment au niveau communautaire de base. La société civile et les ONG ont un rôle important à jouer pour encourager une attitude proactive et inciter à l'action en mettant en commun les réflexions et les initiatives locales. Il peut simplement s'agir de l'utilisation par les écoles des installations d'associations sportives, de la promotion par les médias locaux des campagnes locales, d'une coopération entre les entreprises locales et les pouvoirs publics locaux pour proposer des aides à l'éducation ou encore de l'approvisionnement en produits frais des écoles auprès des agriculteurs locaux. L'objectif peut être de garantir que les aliments sains sont disponibles, abordables, adaptés et durables.

5.11.3

Les ONG peuvent soutenir efficacement cette stratégie si elles coopèrent avec leurs partenaires nationaux et internationaux, notamment:

en prenant la tête de la mobilisation à la base de la société et en demandant à ce que le thème des modes de vie sains soit intégré au débat public;

en aidant à la diffusion à grande échelle des informations sur la prévention de l'obésité au moyen d'une alimentation équilibrée et saine et de l'exercice physique;

en créant des réseaux et des groupes d'action pour promouvoir la disponibilité des produits alimentaires sains et les possibilités d'exercice physique et soutenir les programmes de promotion de la santé et les campagnes d'éducation;

en organisant des campagnes et événements qui incitent à l'action;

en soulignant le rôle des gouvernements dans la promotion d'un mode de vie sain, le suivi des progrès réalisés dans la poursuite des objectifs fixés et la coopération avec d'autres acteurs concernés tels que le secteur privé;

en jouant un rôle actif dans la promotion de la mise en œuvre de la campagne communautaire «Obesity Check»;

en contribuant à mettre en pratique le savoir et les preuves scientifiques;

en promouvant les modèles de rôle et les meilleures pratiques à suivre, notamment dans le domaine du rôle des familles et des parents. Il est essentiel que les modèles mettent l'accent sur une image positive liée à la santé et non à l'apparence physique.

5.11.4

Les modèles d'exercice physique et d'alimentation varient en fonction du sexe, de la culture et de l'âge. Ce sont souvent les femmes qui prennent les décisions en matière d'alimentation et de nutrition, en s'appuyant sur leur culture et sur l'alimentation traditionnelle. Par conséquent, les stratégies et plans d'action nationaux devraient tenir compte de ces différences.

6.   L'avenir en l'absence d'actions

6.1   Le coût humain

6.1.1

L'obésité chez les enfants est l'un des principaux problèmes de santé publique auxquels sont confrontés les pays développés et, de plus en plus, les pays en développement. L'obésité est en augmentation chez les enfants de tous âges.

6.1.2

Les enfants atteints d'obésité souffrent de nombreuses pathologies associées, certaines évidentes, d'autres servant de signal d'alarme de maladies futures. Bien que la prévention primaire reste en définitive la stratégie la plus efficace pour lutter contre l'épidémie, il est nécessaire de traiter les enfants actuellement obèses afin d'améliorer à la fois leur santé immédiate et leur santé à long terme.

6.1.3

L'obésité chez les jeunes est associée à un ensemble de complications psychosociales et médicales. Les conséquences les plus fréquentes sont celles liées au dysfonctionnement psychosocial et à l'isolement social. Des études transversales ont démontré l'existence d'une relation inverse entre le poids, d'un côté, et l'amour-propre et l'image corporelle, de l'autre, en particulier chez les adolescents. Chez les adolescentes, la peur de la surcharge pondérale est liée à une mauvaise image corporelle, à une quête de la minceur et à la boulimie.

6.1.4

La pathologie la plus fréquente est le diabète de type 2, à l'origine de troubles circulatoires, de défaillances rénales et de cécité. Les cancers (en particulier le cancer du sein), pathologies cardiovasculaires (notamment l'hypertension), pathologies respiratoires (notamment l'apnée du sommeil), pathologies rénales, dépressions, problèmes articulaires et dermatologiques peuvent résulter d'une augmentation de la masse graisseuse corporelle.

6.1.5

Certains effets de l'obésité sur la santé sont réversibles si la personne perd du poids.

6.2   Le coût financier

6.2.1

L'obésité impose d'importantes contraintes économiques à des systèmes de santé déjà mis à rude épreuve et coûte très cher à la société. La santé est un facteur clé du développement et un pré-requis pour la croissance économique. Le National Audit Office du Royaume-Uni chiffre les conséquences économiques de l'obésité à près de 500 millions de livres sterling par an pour les coûts de santé directs et à 2 milliards de livres sterling pour les coûts économiques globaux.

6.2.2

L'obésité existe dans toutes les catégories sociales mais elle est particulièrement fréquente dans les catégories socialement désavantagées, qui ont sans doute moins accès aux rues et parcs où l'on peut circuler en toute sécurité et qui achètent les produits alimentaires les moins chers, qui sont souvent ceux qui contiennent le plus de matières grasses et de sucre.

6.2.3

Dans les pays développés, les femmes ayant une surcharge pondérale à la fin de l'adolescence et au début de l'âge adulte sont plus susceptibles d'avoir des revenus familiaux moindres et d'être célibataires. De plus, les personnes obèses peuvent être rejetées socialement et faire l'objet de discriminations sur leur lieu de travail.

6.2.4

Grâce aux actions proactives et à l'éducation, il est désormais possible de garantir que les coûts financiers seront réduits afin d'investir dans le développement durable de l'Europe.

6.3   Un pas vers la responsabilité sociale

Les mesures de lutte contre l'obésité s'inscrivent dans une évolution allant dans le sens de la reconnaissance des différents niveaux de responsabilité partagée de la société, dans le respect de la liberté individuelle. Par exemple:

6.3.1   Sphère politique

une Commission européenne et des gouvernements des États membres mettant en oeuvre des stratégies de communication bilatérales, des initiatives en faveur d'investissements responsables ou tournées vers l'action afin de décourager l'obésité;

des systèmes d'enseignement promouvant les modes de vie sains;

des services de santé disposant de ressources pour assurer la promotion de la santé;

des services de l'aménagement du territoire promouvant les pistes cyclables, les parcs et les installations sportives.

6.3.2   Industrie

une industrie alimentaire centrée sur les besoins des consommateurs en aliments nutritifs abordables;

des méthodes de distribution garantissant que les aliments sains sont accessibles à tous, même aux populations défavorisées;

une agriculture fournissant en abondance des produits frais sains et abordables;

un secteur des transports décourageant l'utilisation excessive de l'automobile et favorisant la pratique de la marche et du vélo en toute sécurité;

des médias décourageant la consommation passive et promouvant l'exercice physique.

6.3.3   Société

une culture centrée sur la famille, favorisant la préparation et la prise des repas au domicile, ainsi que des repas plus sains dans les écoles, hôpitaux, établissements sociaux et cantines des lieux de travail;

une modification des modèles de consommation durable, en conservant les ressources nutritives et en promouvant l'exercice physique;

des environnements urbains plus sûrs, avec moins de criminalité et une circulation maîtrisée;

plus d'égalité et d'inclusion sociale pour garantir que tous les foyers ont accès aux aliments sains et aux loisirs en toute sécurité;

un soutien destiné aux parents et à l'entourage pour garantir qu'ils sont en mesure de faire des choix judicieux en matière de santé pour eux et leurs enfants.

6.3.4

Les gouvernements sont élus par les citoyens. Ces derniers influencent considérablement les sociétés en tant qu'individus, groupes ou organisations et peuvent faire bouger les choses. Les coûts ne sont pas nécessairement d'ordre financier. Il est possible de faire avancer les choses ensemble à condition d'arrêter de culpabiliser les autres et de prendre ses propres responsabilités.

7.   Conclusion

L'obésité est un problème complexe associant des aspects psychologiques, sociologiques, économiques, culturels et historiques et des comportements individuels.

En 1997, l'OMS a classé l'obésité morbide au rang des maladies. Elle en a fait de même avec l'obésité en 2005. L'obésité morbide et l'obésité sont liées à une augmentation de la mortalité due aux pathologies associées telles que le diabète de type 2, l'hypertension et les pathologies cardiaques.

7.1

Il existe une opportunité unique de formuler et de mettre en œuvre une stratégie efficace visant à réduire substantiellement le nombre de décès et de maladies en améliorant l'alimentation et en favorisant l'exercice physique. La relation entre les comportements malsains et les pathologies et problèmes de santé ultérieurs est clairement établie. Des actions efficaces en vue de permettre à la population de vivre plus longtemps en restant en bonne santé, de réduire les inégalités et de renforcer le développement peuvent être conçues et mises en œuvre au moyen d'une campagne simple et claire impliquant et incluant tous les citoyens, qui sera soumise à une évaluation a posteriori.

7.2

L'introduction de modifications dans les habitudes alimentaires, de programmes d'exercice physique et d'un mode de vie sain nécessitera la coopération de nombreux acteurs du secteur public et du secteur privé sur plusieurs décennies. Un changement des mentalités, une prise de conscience et une éducation grâce à un ensemble d'actions efficaces et de bon sens sont nécessaires à tous les niveaux et doivent s'accompagner d'un soutien psychologique, d'une évaluation et d'un suivi étroits de leur impact. En outre, les individus doivent s'impliquer personnellement dans le changement.

7.3

Cette vision peut devenir une réalité si l'on mobilise tout le potentiel de la société civile ainsi que les principaux acteurs concernés. Comme le disait Gandhi, «vous devez être les acteurs du changement que vous souhaitez».

8.   Questionnaire — À l'appui de l'avis d'initiative du CESE

«Obésité — Une responsabilité collective»

Le présent questionnaire n'a pour le moment qu'un but documentaire; il serait cependant apprécié que vous le remplissiez et nous le renvoyiez.

Le monde industrialisé du 21ème siècle crée un environnement hautement propice à l'obésité. Certaines causes sont évidentes, de nombreuses autres sont moins bien comprises et la plupart ne sont pas considérées comme nuisibles par la société. Ce qui est très préoccupant, c'est le manque de prévoyance vis-à-vis des générations futures et le fait que personne ne veuille prendre ses responsabilités, chacun se contentant de condamner les autres. Le monde industrialisé du 21ème siècle crée un environnement hautement propice à l'obésité. Certaines causes sont évidentes, de nombreuses autres sont moins bien comprises et la plupart ne sont pas considérées comme nuisibles par la société. Ce qui est très préoccupant, c'est le manque de prévoyance vis-à-vis des générations futures et le fait que personne ne veuille prendre ses responsabilités, chacun se contentant de condamner les autres.

Dans l'Union à 25, 14 millions d'enfants souffrent de surcharge pondérale, dont 3 millions d'obésité;

dans plusieurs pays de l'UE, plus de la moitié de la population adulte présente une surcharge pondérale; entre 20 et 30 % d'adultes sont considérés comme obèses;

le nombre d'enfants européens souffrant de surcharge pondérale et d'obésité augmente de plus de 400.000 cas par an et ce problème touche quasiment 1 enfant sur 4 dans l'ensemble de l'Union à 25;

10 à 20 % d'enfants en Europe du Nord sont en surpoids, alors qu'en Europe du Sud et au Royaume-Uni la proportion est de 20 à 35 %;

À court terme, les questionnaires complétés témoigneront de l'engagement et de la volonté des personnes et des organisations pour ce qui est de sensibiliser, d'éduquer et d'informer les autres quant à la nécessité de modifier les modes de vie. La réalisation des objectifs peut être appréciée en termes de temps ou de ressources consacrés à la campagne. Des exemples de meilleures pratiques peuvent également être transmis à la rapporteuse.

L'approche adoptée dans l'avis du CESE consiste à «tout inclure» dans une stratégie commune visant à combattre le problème. Il s'agit de combiner des politiques allant du haut vers le bas avec des stratégies allant du bas vers le haut, tout en lançant des actions aussi bien horizontales que verticales, où chacun s'engage à apporter une contribution, financière, en temps ou en nature.

Je souhaiterais évaluer votre engagement ainsi que celui de votre organisation et vous serais reconnaissante de faire suivre ce questionnaire à toute personne ou organisation souhaitant éventuellement formuler des commentaires ou s'engager.

Veuillez renvoyer vos réponses par courrier électronique à madi.sharma@esc.eu.int, par télécopie au 0115 9799333 ou par courrier à Madi SHARMA, CESE, C/o 40 Ridge Hill, Lowdham, Notts. NG14 7EL. UK.

Ce questionnaire a été élaboré afin de demander aux personnes et aux organisations de consacrer une quantité de temps ou une somme d'argent librement choisie à travailler au sein de leurs organisations ou dans des organes extérieurs pour aider la DG SANCO à mener une campagne de sensibilisation pour un mode de vie plus sain. Il est essentiel que ces efforts puissent être quantifiés afin de pouvoir juger de leurs résultats.

Par exemple:

Les employeurs et les organisations d'employeurs pourraient envisager la promotion de modes de vie plus sains sur le lieu du travail, notamment en encourageant la consommation d'une nourriture plus saine, en particulier en ce qui concerne les produits proposés dans les distributeurs automatiques ou bien en prévoyant des équipements sportifs ou des salles de gymnastique. Les entreprises plus petites pourraient encourager leurs employés à envisager des modes de vie plus sains et les soutenir dans cette démarche. Des actions en dehors de l'entreprise, surtout dans le domaine de l'éducation, seraient également appréciables: elles pourraient consister en un engagement correspondant à un certain nombre d'heures par mois.

Les syndicats et les organisations de travailleurs pourraient diffuser un message similaire parmi leurs membres afin de les encourager à intégrer une activité physique, la marche ou le cyclisme, dans leur vie quotidienne. De plus, ceux-ci pourraient faire des émules dans leurs familles et leurs communautés.

Les ONG et surtout les organisations de consommateurs pourraient consacrer du temps, avec leurs membres, à contribuer à une diffusion plus large du message, au sein des autres institutions et communautés.

Les individus peuvent s'engager à changer leur mode de vie afin de servir de modèles en augmentant leur activité physique ou en optant pour des régimes alimentaires plus sains. La promotion de tels comportements, qui pourra encourager les autres à essayer de modifier, eux aussi, leurs habitudes, peut se faire de bouche à oreille. C'est essentiellement au sein du cadre familial qu'une telle évolution serait bénéfique. Tous les mois, durant 15 minutes, il convient de communiquer aux autres les changements réalisés.

Je consacre 30 minutes par mois à travailler avec les écoles afin de les sensibiliser à un mode de vie plus sain et avec des organisations de femmes afin de contribuer à transmettre le message aux parents. Je présente également les changements apportés à mon mode de vie; j'ai perdu 10kg grâce à la marche et à un suivi nutritionnel.

Image

Bruxelles, le 28 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/73


Avis du Comité économique et social européen sur «La politique sociale dans le cadre d'un régime paneuropéen de navigation intérieure»

(2006/C 24/15)

Le 1er juillet 2004, conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis sur le thème: «La politique sociale dans le cadre d'un régime paneuropéen de navigation intérieure».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 15 juin 2005 (rapporteur: M. ETTY; corapporteur: M. SIMONS).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 29 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 92 voix pour, 7 voix contre et 12 abstentions.

1.   Introduction

1.1

L'avis d'initiative de 2004 (1), ayant pour point de départ l'ambition de la Commission européenne de développer le grand potentiel de la navigation intérieure, s'est concentré sur l'ordre juridique éclaté actuellement en vigueur. Cet avis faisait état de la nécessité d'harmoniser et d'unifier la législation, surtout étant donné que l'élargissement de l'Union risque de causer encore plus de complications qu'auparavant. Il faudra en effet concilier et rapprocher le régime du Rhin et celui du Danube. Dans le cadre de la nouvelle politique de la Commission européenne, l'objectif poursuivi est celui d'un rééquilibrage entre les différents modes de transport. À cet égard, la navigation intérieure est considérée comme un moyen de rendre le marché du transport plus équilibré. Afin de pouvoir utiliser pleinement le potentiel de ce mode de transport, il convient de supprimer une série d'obstacles empêchant encore actuellement ce secteur de se développer complètement.

1.2

En ce qui concerne les questions de politique sociale et la situation du marché du travail, l'avis a notamment souligné:

le principe de libre circulation des travailleurs et la coordination de la sécurité sociale qui y est associée;

le manque de travailleurs qualifiés dans le secteur de la navigation intérieure des 15 «anciens» États membres, opposé au grand excédent dans les «nouveaux» et futurs États membres;

les divergences en matière d'exigences de qualifications et d'examens, et les difficultés qu'elles posent pour le recrutement et la libre circulation des travailleurs dans les régimes du Rhin et du Danube, qui diffèrent en matière d'équipages de navires (ainsi qu'en matière de règlements contraignants et de recommandations);

le couplage entre les prescriptions relatives aux équipages et les exigences techniques auxquelles les navires doivent satisfaire;

l'importante nécessité d'harmoniser la formation afin d'harmoniser la législation européenne en matière d'équipages;

les problèmes potentiels de communication entre membres d'équipages et entre les différents acteurs sur les voies navigables européennes ainsi que la volonté d'examiner ces problèmes afin de contribuer à une meilleure sécurité;

les règlements du Rhin sont applicables à tous les membres d'équipages (travailleurs et indépendants) et ne contiennent aucune disposition spécifique pour les travailleurs, alors que la réglementation communautaire se concentre sur la protection des travailleurs et ne tient compte ni des circonstances spécifiques à la navigation intérieure ni de la législation existante relative aux équipages. Un dialogue social au niveau communautaire est nécessaire afin d'harmoniser ces régimes.

2.   Observations générales

2.1

Traditionnellement, les règlements techniques et sociaux régissant le secteur de la navigation intérieure ont toujours été intimement liés. Ceci concerne en particulier les règlements relatifs aux équipages qui, en lien étroit avec les exigences techniques relatives au bateau, portent à la fois sur la sécurité générale et sur la protection de la main-d'œuvre.

2.2

Les règlements techniques pour le Rhin ont été établis dans l'Acte de Mannheim, qui relève de l'autorité de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin (CCNR), basée à Strasbourg. Certains États membres appliquent ces règlements sur toutes leurs voies de navigation.

Si l'on tient compte de la Convention de Belgrade régissant la navigation sur le Danube, qui revêt un caractère différent en ce que la Commission du Danube formule des recommandations et non des règlements, et que l'on ajoute à ces instruments une réglementation communautaire limitée, l'on peut véritablement parler d'un patchwork réglementaire complexe en Europe.

L'Acte de Mannheim pourrait devenir l'une des pierres angulaires, sur le plan technique, d'une législation européenne mature en matière de navigation intérieure.

2.3

En plus des règlements relatifs aux équipages, les principaux aspects sociaux de la navigation intérieure que traite le règlement de la CCNR sont le temps de navigation des bateaux et le temps de repos des membres d'équipage.

2.4

Les États du Danube sont en train de réviser la Convention de Belgrade dans le but de donner à la Commission du Danube des pouvoirs comparables à ceux de la CCNR. La Convention révisée devrait être adoptée sous peu. Tous les pays intéressés pourraient en être parties.

2.4.1

Vu les intérêts économiques croissants (le trafic sur le Danube connaît une expansion rapide), les États du Danube considèrent cette question comme prioritaire. Pour la Commission du Danube, les principaux objectifs sont au nombre de quatre:

a.

reconnaissance mutuelle des brevets, des qualifications professionnelles et des certificats techniques,

b.

équivalence des paramètres pour la navigation intérieure,

c.

ouverture du marché européen de la navigation intérieure, et

d.

intégration des politiques sociales.

2.4.2

Un problème important pour la navigation sur le Danube est constitué par l'état d'entretien de la flotte du Danube, qui est relativement mauvais. Ce problème s'explique notamment par la vétusté des constructions et des équipements et par la longue sous-utilisation due au blocage à Novi Sad.

La navigation intérieure dans les États du Rhin est confrontée à un manque considérable de personnel originaire de ces États.

2.4.3

Selon la Commission du Danube, hormis le fait que la Convention de Belgrade formule des recommandations, il n'existe pas de différences notables en termes d'exigences techniques et de règlements sociaux entre le régime du Rhin et celui du Danube. Dans une large mesure, les aspects de politique sociale de la navigation intérieure sur le Danube sont régis par les législations nationales et les conventions collectives.

La Commission du Danube estime que le principal problème sur le plan social réside dans la sérieuse limitation de l'accès des capitaines des pays du Danube aux pays du Rhin.

2.4.4

La Commission du Danube n'a jamais effectué d'étude comparative des législations et réglementations sociales de la navigation intérieure dans les États membres. Cet aspect de la navigation intérieure n'avait apparemment pas suscité d'intérêt jusqu'à présent, alors qu'il s'agit tout de même d'un facteur intervenant dans les relations de concurrence.

2.5

Les principaux problèmes sociaux auxquels sont confrontés les travailleurs de la navigation fluviale dans les États membres du Rhin et du Danube, tels qu'ils ont été identifiés par les syndicats, sont, en plus des questions liées aux équipages et aux temps de travail et de repos, les différences entre les dispositions nationales de sécurité sociale ainsi que la connaissance insuffisante des différentes législations et réglementations nationales et des conventions collectives.

Les employeurs des États du Rhin considèrent que les principaux problèmes dans le domaine social sont, en ce qui les concerne, liés à la rigidité et à la complexité des règlements ainsi qu'aux différences entre les législations nationales. Ces problèmes influencent fortement leur compétitivité et conduisent certaines entreprises à rechercher la législation la plus favorable et/ou à transférer du personnel dans le but de contourner des obligations professionnelles et sociales. Elles tentent ainsi de tirer avantage des différences de coûts salariaux et de charges de sécurité sociale.

2.6

Environ 40.000 personnes occupent un emploi dans ce secteur; 30.000 dans les «anciens» États membres de l'UE et 10.000 dans les «nouveaux», dont quelque 3.000 travaillent actuellement sur le Rhin. Parmi les personnes travaillant dans la navigation intérieure dans les «anciens» États membres, près de la moitié est salariée tandis que l'autre moitié a un statut d'indépendant.

2.7

Au sein de la CCNR, les partenaires sociaux sont consultés sur les questions de politique sociale. Les syndicats estiment toutefois ces consultations insuffisantes.

De telles consultations n'existent pas dans les États du Danube. Une majorité de travailleurs est organisée en syndicats, mais du côté des employeurs, la situation est transitoire en raison du processus de privatisation.

2.7.1

Le dialogue social entre les travailleurs et les employeurs du secteur de la navigation intérieure est peu développé dans les «anciens» États membres de l'UE et pas du tout dans les «nouveaux» États membres ni dans les pays candidats. Pour permettre un véritable dialogue social, l'existence d'organisations patronales et syndicales indépendantes et représentatives est primordiale. Cette question doit faire l'objet d'une attention particulière dans les États du Danube.

2.7.2

Ceci explique, de même que la longue domination des législations et réglementations techniques, pourquoi le facteur humain dans la navigation intérieure a été sous-estimé pendant longtemps. Les propriétaires de bateaux ont à cet égard le point de vue suivant. La plupart des bateaux de navigation intérieure étant détenus par des particuliers, il a toujours été dans l'intérêt des propriétaires de contrôler tous les risques opérationnels, notamment le facteur humain. C'est ce qui explique aussi que le besoin d'une législation sur les qualifications requises a été relativement peu ressenti par rapport à d'autres secteurs des transports.

2.8

Existe-t-il un potentiel de changement positif en la matière, compte tenu de l'intérêt grandissant pour le renforcement du rôle de la navigation intérieure dans la future politique européenne des transports et pour l'augmentation de la cohérence entre les différents régimes de la navigation intérieure? Trois rapports publiés récemment et une importante conférence européenne, traitant tous de l'avenir de ce secteur, ne le pensent pas.

2.8.1

Le rapport de la CCNR intitulé «Navires du futur» (2) examine le futur de la navigation intérieure, tout particulièrement d'un point de vue technologique.

2.8.1.1

Concernant les questions sociales, ce rapport se concentre presque exclusivement sur le futur capitaine, représenté comme un «opérateur» qui n'aura que très peu de tâches physiques à effectuer, mais qui doit être en mesure d'agir de manière adéquate en cas d'urgence. Pour l'instant, cette perspective n'est pas réaliste, mais elle permet d'attirer l'attention sur la forte influence des développements technologiques sur le contexte social de la navigation intérieure. Se basant sur cette théorie, le rapport préconise une politique sociale active pour le secteur.

2.8.1.2

Dans le cas de figure présenté dans le rapport, les besoins du secteur semblent être limités à du personnel hautement qualifié, ce qui n'est pas non plus réaliste. Les opportunités d'emploi pour des travailleurs moins qualifiés pourraient baisser, mais le secteur de la navigation intérieure ne pourra en aucun cas se passer complètement de cette catégorie de travailleurs.

2.8.1.3

Concernant le marché de l'emploi, le rapport mentionne l'importance de temps de loisirs réguliers, d'une extension de l'offre des fonctions et d'une mobilité de la main-d'œuvre.

2.8.2

Le rapport PINE (3) donne un aperçu de l'avenir de la navigation intérieure sous un angle essentiellement économique. La principale question de politique sociale qu'il aborde concerne les effets de la libre circulation des travailleurs au sein de l'UE sur les paramètres financiers et économiques du secteur.

Le rapport s'attarde également sur le problème représenté par le manque de personnel actuel et à venir dans le secteur de la navigation intérieure.

2.8.3

Le rapport EFIN (4) explore la possibilité d'un cadre de coopération principal comprenant les États et les institutions concernés. Le CESE traitera prochainement les propositions développées dans ce rapport dans le cadre d'un avis séparé. Le rôle des partenaires sociaux n'y est aucunement abordé, ce qui suggère qu'il n'est pas considéré comme pertinent pour les questions traitées dans le rapport.

2.8.4

Lors du Congrès sur le pouvoir de la navigation intérieure, organisé du 10 au 12 novembre 2004, à La Haye, par la présidence néerlandaise de l'UE dans le but de mettre en avant la contribution de la navigation intérieure à la croissance économique et aux progrès de la société en général, les aspects sociaux ont été, une fois de plus, à peine évoqués.

2.9

Le contenu des trois études ainsi que les discussions menées lors de la conférence, dont il est question plus haut, semblent illustrer le fait que les gouvernements et de nombreuses personnes actives dans le secteur considèrent toujours que les questions de politique sociale n'ont qu'un intérêt marginal pour la navigation intérieure.

Une autre illustration est le fait que les partenaires sociaux du secteur n'ont aucunement été invités à participer, ni aux études, ni à la conférence. Le rapport PINE fait exception. La Commission européenne a bien associé les partenaires sociaux à sa réalisation; toutefois, comme il a été fait remarquer, les questions sociales n'ont bénéficié que d'une attention relativement limitée, alors qu'elles sont considérées par les partenaires sociaux (et certainement par les syndicats) comme revêtant une grande importance.

2.10

Dans un précédent avis intitulé «Vers un régime paneuropéen de la navigation fluviale», le Comité n'a pas examiné en détail la politique sociale du secteur, du fait de son architecture complexe, mais a renvoyé le lecteur à ce supplément d'avis. Les remarques ci-dessus constituent autant d'arguments supplémentaires pour se pencher plus avant sur la question. Il est grand temps que la politique sociale soit affranchie de la constante domination des questions techniques et traitée de manière plus équilibrée, en impliquant pleinement toutes les parties prenantes, tant dans les États du Rhin que dans ceux du Danube, dans les «anciens» et les «nouveaux» États membres ainsi que dans les pays candidats et, le cas échéant, également dans d'autres pays concernés.

3.   Observations spécifiques

3.1

Le Comité souhaite l'instauration d'une politique sociale, qui repose sur une base large et uniforme et prenne en compte les spécificités régionales voire locales. Les partenaires sociaux doivent être associés le plus étroitement possible à cette politique.

3.2   Règlements relatifs aux équipages

3.2.1

L'essentiel de la législation concernant les équipages dans les États membres de la CCNR se trouve au chapitre 23 du règlement de visite des bateaux du Rhin, en vertu duquel la taille et la composition de l'équipage sont déterminées par la classification du bateau et le temps de navigation quotidien. Il est très important de bien contrôler le respect des règlements relatifs aux équipages. Il apparaît en effet, en pratique, que des infractions soient quelquefois commises.

3.2.2

Depuis vingt ans déjà, la Commission européenne planche sur un instrument européen. Toutefois, peu de progrès ont été enregistrés à ce jour, ce qui peut s'expliquer en partie par le souhait exprimé il y a plusieurs années par les États membres concernés d'attendre d'abord la révision du chapitre 23. L'instrument européen envisagé devrait couvrir les prescriptions relatives à la composition des équipages, les horaires de navigation des bateaux ainsi que les périodes de repos obligatoires pour les membres d'équipage.

3.2.3

Dans les États du Rhin, les règlements relatifs aux équipages sont une source de controverse entre gouvernements et employeurs ou indépendants d'un côté, et syndicats de l'autre. Selon les syndicats, le règlement révisé relatif aux membres d'équipage de juillet 2002, rédigé par la CCNR, n'est pas adéquat. Ils sont d'avis que les dispositions en matière d'équipage minimum ne prévoient pas un effectif suffisant et que les exigences en matière de formation professionnelle et de qualifications ne sont pas satisfaisantes. Selon eux, ces prescriptions, combinées aux heures de travail et de repos prévues actuellement, présentent un danger pour la sûreté de la navigation intérieure.

Les organisations d'employeurs maintiennent que le règlement existant relatif aux équipages contribue pleinement à la sécurité dans le secteur. Elles estiment qu'il est souhaitable d'augmenter la flexibilité, ce qui pourrait simplifier l'arrivée de travailleurs provenant d'autres secteurs maritimes. Les exigences en matière d'équipage pour les bateaux dotés d'équipements ultramodernes pourraient être réduites.

3.2.4

S'agissant du régime du Danube, les prescriptions en matière d'équipage minimum ne semblent pas poser problème. Les textes pertinents de la Convention de Belgrade traitent principalement des capitaines et des mécaniciens, mais ne disent pas grand chose sur les membres d'équipage de rang inférieur. En comparaison avec les catégories équivalentes de membres d'équipage dans les États du Rhin, le niveau d'éducation des capitaines et des mécaniciens est élevé.

Les États du Danube prévoient de commencer à travailler à l'unification des règlements nationaux concernant les équipages à partir de 2005 et comptent impliquer les organisations d'employeurs en tant qu'observateurs. Selon la Commission du Danube, «les employeurs représenteront leurs travailleurs». Ce n'est pas précisément le point de vue exprimé par les syndicats dans les différents pays.

3.2.5

Dans les États du Rhin, il n'est pas rare que les règles relatives aux équipages soient enfreintes, ce qui, selon les syndicats, renforce leurs inquiétudes concernant la sécurité. Dans le secteur de la navigation intérieure, les contrôles du respect de ces règles en pratique ne sont pas légion.

Les organisations d'employeurs et d'indépendants estiment qu'il est important d'appliquer correctement les règles relatives aux équipages, non seulement pour garantir la sécurité mais aussi pour garantir une concurrence loyale. Elles soulignent également le fait que ces règles doivent être formulées de façon à stimuler l'innovation dans le secteur de la navigation intérieure au lieu de l'entraver.

3.3   Heures de travail et de repos

3.3.1

Comme énoncé précédemment, les heures de navigation des bateaux et les heures de repos des membres d'équipage constituent les principaux éléments de politique sociale dans le régime du Rhin. Les règles existantes ne prennent en compte que les heures travaillées lorsque le bateau est opérationnel et non les heures effectivement travaillées. En conséquence, ces dernières ne sont pas prises en considération lors de contrôles.

3.3.2

Les horaires comportant de très longues heures de travail quotidien sont plutôt la règle que l'exception dans le secteur de la navigation intérieure. En général, l'équipage reste à bord d'un navire pendant une période fixe (quatorze jours par exemple), mais certains membres vivent à bord en permanence. Alors que les règlements ad hoc précisent des heures de repos, l'équipage doit rester disponible (pour parer à toute éventualité) pendant ces périodes de repos.

3.3.3

Lorsqu'ils ont été consultés par la CCNR, les syndicats se sont prononcés contre le fait que les contrôles portent uniquement sur les heures de navigation des bateaux et non sur les heures réellement prestées. Ces objections ont toutefois été largement ignorées par les États parties.

3.3.4

Les heures de travail ne sont pas définies dans la législation et la réglementation actuelles relatives à la navigation intérieure (qui s'appliquent à la fois aux indépendants et aux salariés). La législation dans les États du Rhin traite de manière interconnectée des heures pendant lesquelles les bateaux sont opérationnels, de la composition de l'équipage et des heures de repos obligatoires pour l'équipage.

3.3.4.1

Selon les parties concernées, la directive européenne sur l'organisation du temps de travail (en cours de révision) n'est pas suffisamment adaptée aux conditions particulières prévalant dans le secteur de la navigation intérieure. C'est pourquoi, elles ont formulé des objections. Les partenaires sociaux du secteur au niveau européen se sont engagés à élever au rang de priorité la conclusion d'un accord sur cette question dans le cadre du dialogue social qui, tombé dans un état de léthargie, a récemment repris vigueur.

3.3.5

Sur le Rhin, ainsi que sur certaines autres voies de navigation des États du Rhin, le temps de repos minimal sur une période de vingt-quatre heures est de huit heures, dont six sans interruption.

3.3.6

Sur le Danube, il n'existe pas de règlement définissant le temps pendant lequel les bateaux sont opérationnels ou concernant l'équipage. Dans la pratique, on s'en tient à un équipage minimum de quatre personnes. Avec cet équipage, un bateau peut être opérationnel pendant vingt-quatre heures. Il n'existe pas de règles impérieuses relatives aux heures de repos.

3.3.7

Les différences existant entre les divers règlements en matière de navigation intérieure européenne appellent l'établissement de normes minimales communes. L'accord recherché par les partenaires sociaux, mentionné au paragraphe 3.3.4.1, pourrait aussi être d'une grande importance dans la perspective des efforts à fournir.

Afin de créer des conditions équitables, il est urgent de mettre en place des règlements similaires pour le Rhin, le Danube et les autres voies navigables. i. De plus, ces règlements devraient être compatibles et transparents.

3.4   Santé et sécurité sur le lieu de travail

3.4.1

Tout comme d'autres éléments de la politique sociale actuelle dans le secteur de la navigation intérieure, les règles concernant la santé et la sécurité sur le lieu de travail sont intimement liées aux exigences techniques des bateaux. Les prescriptions en la matière ont en grande partie été fixées dans le règlement de visite des bateaux du Rhin et les législations nationales connexes, sous la forme de règles pour la construction et l'équipement des bateaux.

3.4.2

Concernant la protection des travailleurs, des dispositions existent en la matière dans les directives de l'UE sur la santé et la sécurité au travail. Ces instruments obligent les employeurs à procéder à l'appréciation et à l'évaluation des risques. Cette obligation n'est pas toujours observée dans le secteur de la navigation intérieure.

3.4.3

La législation européenne en matière de santé et de sécurité est critiquée par certaines personnes du secteur qui lui reprochent de ne pas prendre en compte certaines réalités importantes et certaines circonstances spécifiques à la navigation intérieure et de ne pas être liée à la législation existante en la matière qui couvre tous les membres d'équipage. En effet, les directives se limitent à la protection des salariés et ne s'appliquent pas aux indépendants. À cet égard, il convient de noter que la même situation se présente également dans d'autres secteurs d'activité économique. Ainsi, pour le transport routier, une directive spécifique a été adoptée en ce qui concerne l'aménagement du temps de travail sur la base des articles 71 et 137, paragraphe 2, du traité CE (5).

3.5   Inspection du travail

3.5.1

En plus d'une réglementation uniforme et exigible, l'existence d'une inspection sérieuse, régulière et compétente est cruciale dans ce secteur où de nombreux indépendants (ou personnes ayant un statut proche de celui des indépendants) travaillent côte à côte avec des employeurs disposant d'une main-d'œuvre salariée, une situation qui implique un risque de dégradation de la protection de cette dernière et de concurrence déloyale.

3.5.2

Or, l'inspection du travail dans la navigation intérieure est limitée et se heurte à des difficultés spécifiques au secteur. L'un des problèmes particuliers auxquels doit faire face l'inspection est la situation assez unique à bord des bateaux où, contrairement à ce qui est communément observé dans la plupart des autres secteurs d'activité économique, il est difficile de dissocier la vie privée et la vie professionnelle. Compte tenu de cette situation, il n'est pas inhabituel que des inspecteurs soient traités de manière désobligeante.

3.5.3

Dans de nombreux pays, l'inspection présente de graves lacunes (l'Allemagne et la Suisse étant des exceptions relativement positives en ce qui concerne les États du Rhin). Les services d'inspection doivent faire face à un manque de personnel. Aux Pays-Bas et en Belgique, en particulier, cette pénurie a pour conséquence que les contrôles par l'inspection du travail sont très rares (en pratique, une inspection tous les deux ou trois ans par bateau). Il convient en outre de noter que la construction et l'équipement des bateaux sont soumis au contrôle de l'inspection nationale de la navigation et que c'est la police fluviale qui fait respecter la mise en œuvre de la législation.

Sur le Danube, les inspections sont pratiquement inexistantes.

3.5.4

Il n'y a pas que les exigences légales qui ne sont pas observées par de nombreuses personnes du secteur, il en va de même pour les accords collectifs de travail.

3.5.5

Chaque fois qu'une inspection à grande échelle a lieu, des infractions aux règlements sont constatées sur un grand nombre de bateaux.

3.5.6

Malgré la réputation de relative sécurité de la navigation intérieure en tant que mode de transport, il arrive évidemment que des accidents se produisent. Cependant, l'enregistrement d'accidents se limite aux accidents mortels et autres catastrophes. Il n'existe pas de définition explicite de ce qu'est un accident dans la navigation intérieure. Dans la perspective d'un accroissement de la navigation intérieure et compte tenu de précédentes observations sur le respect en pratique des règlements relatifs aux équipages, ces questions nécessiteront une attention approfondie de toutes les parties ayant un intérêt dans la promotion de ce mode de transport à l'avenir.

3.6   Éducation/Formation/Examens

3.6.1

Afin de garantir l'emploi dans ce secteur à l'avenir et de préserver sa réputation de relative sécurité, il est important de se concentrer sur l'éducation et la formation. Ceci nécessitera l'introduction de normes éducatives claires et communes ainsi qu'une mise en œuvre stricte de ces normes.

Dans les États du Danube, le niveau d'éducation est relativement élevé (en particulier celui des capitaines). Pour ce qui concerne les États du Rhin, il existe des différences significatives en termes de qualité.

Cette situation montre bien la nécessité d'instituer des normes minimales communes, de préférence à l'échelle paneuropéenne.

3.6.2

La CCNR s'est engagée à préparer l'élaboration de profils professionnels uniformisés pour les fonctions de matelot et de batelier. Les partenaires sociaux seront associés à cette tâche. Ces profils, prévus pour 2005, pourront servir de base à l'harmonisation des formations professionnelles dans les États concernés par la navigation intérieure européenne. Ils pourront également favoriser la reconnaissance mutuelle des qualifications.

3.6.3

Dans le cadre du dialogue social sectoriel, des informations ont récemment été recueillies auprès des nouveaux États membres de l'UE sur les formations qu'ils dispensent dans le domaine de la navigation intérieure.

3.6.4

L'harmonisation de l'éducation doit aller de pair avec la promotion de la navigation intérieure comme étant un secteur intéressant pour les jeunes en termes d'emploi.

3.7   Communication

3.7.1

Le rapport PINE fait justement observer qu'il existe des lacunes en matière d'aptitudes linguistiques et de connaissance des voies de navigation étrangères, qui sont dues à la migration des travailleurs et à l'accroissement du trafic international entre l'est et l'ouest. Ces manquements pourraient entraîner une augmentation des risques en termes de sûreté de la navigation intérieure.

3.7.2

Le temps est peut-être venu d'introduire une langue commune pour la navigation intérieure dans le cadre du transport international sur le Rhin et le Danube, tant pour la communication entre les bateaux que pour la communication entre les bateaux et la terre.

3.8   Dialogue social

3.8.1

La contribution des partenaires sociaux à la formulation, par la CCNR et la Commission du Danube, d'une politique sociale dans le secteur de la navigation intérieure a été très limitée. Cette situation n'est pas satisfaisante et il appartient d'abord aux partenaires sociaux eux-mêmes d'essayer de la changer. Toutefois, les gouvernements des États membres, qui jusqu'à maintenant sont loin d'être enthousiastes lorsqu'il s'agit d'écouter ce que les partenaires sociaux ont à dire, vont devoir revoir leur attitude.

3.8.2

En développant la dimension sociale d'une politique de navigation intérieure pour l'UE élargie, qui essaie de trouver un nouvel équilibre dans le domaine des transports en promouvant la navigation intérieure, la Commission européenne, forte d'une tradition éprouvée de la consultation des partenaires sociaux et du dialogue social, peut mieux réussir que la CCNR et la Commission du Danube.

3.8.3

À cet égard, on note avec satisfaction que le dialogue social, qui a sommeillé pendant quelques années dans le secteur de la navigation intérieure, a été engagé par les partenaires sociaux. Il se déroule dans l'enceinte du Comité pour le dialogue social dans la navigation intérieure, conformément à une décision prise par la Commission européenne à la demande des partenaires sociaux.

Malheureusement, les progrès réalisés par ce Comité sont pour l'heure assez lents. Les travaux relatifs à l'organisation du temps de travail ont débuté au printemps 2004 et la première session plénière s'est tenue en juin 2005.

3.8.4

Un autre sujet identifié comme priorité dans le dialogue social est le fonctionnement du marché du travail européen dans le secteur de la navigation intérieure, en ce compris la libre circulation des travailleurs.

3.8.5

Le dialogue social incombe intégralement aux partenaires sociaux. Il est souhaitable que la Commission européenne encourage ce dialogue social, mais dans le respect du postulat précité. On pourrait envisager de solliciter des avis de la part des partenaires sociaux, selon un cadre précis, et de favoriser la publication de ceux-ci dans un laps de temps raisonnable, en fixant par exemple un délai précis.

3.8.6

Les accords entre partenaires sociaux au niveau communautaire fondés sur l'article 139 du traité CE peuvent conduire à des règlements spécifiques destinés à répondre à des besoins particuliers de la navigation intérieure. Ces accords, basés sur les prescriptions minimales définies par le Conseil au titre de l'article 137 du traité CE, ne sont toutefois effectifs que lorsque les partenaires sociaux se sont entendus sur le fait que des règles spécifiques supplémentaires sont souhaitables.

4.   Conclusions et recommandations

4.1

Le CESE est d'avis que le temps est venu d'instituer une politique sociale communautaire pour la navigation intérieure, de préférence dans un contexte paneuropéen. Cette politique doit s'appliquer à toutes les voies d'eau européennes, reposer sur une base large et uniforme et tenir compte des spécificités régionales voire locales. Les partenaires sociaux doivent être étroitement associés à sa mise en oeuvre.

4.2

Les observations formulées par le CESE en termes généraux concernant le régime légal de la navigation intérieure en Europe doivent être étendues, a fortiori, à la législation et à la réglementation sociales dans le secteur, qui sont fragmentées et doivent être harmonisées et unifiées comme décrit plus haut, tout particulièrement étant donné que l'élargissement de l'UE pourrait engendrer davantage de complications qu'avant mai 2004.

4.3

Jusqu'à maintenant, la politique sociale a toujours revêtu un intérêt secondaire en ce qui concerne la navigation intérieure. Elle fait par essence partie de la législation et de la réglementation techniques relatives aux bateaux. Il est temps de promouvoir le facteur humain dans la navigation intérieure et de lui donner un statut plus important.

4.4

Il faudra, à cet effet, un changement significatif d'attitude de toutes les parties impliquées, tout particulièrement en ce qui concerne le rôle des partenaires sociaux dans le développement d'une politique sociale moderne, de même qu'un déploiement d'actions visant à moderniser d'autres aspects de la navigation intérieure en Europe.

4.5

De nombreux aspects nécessiteront une analyse minutieuse et une prise de décision correctement préparée et équilibrée. Actuellement, les règlements relatifs aux équipages ainsi que les heures de travail et de repos apparaissent comme les domaines prioritaires, sans oublier l'instauration d'un véritable dialogue social actif.

4.6

La Commission européenne est bien placée pour faire avancer ce processus, en s'appuyant sur la longue tradition, l'expérience et l'expertise de la CCNR et de la Commission du Danube. Si l'on regarde le fonctionnement de ces deux commissions au fil des ans, la place qu'elles ont donnée à la politique sociale dans leurs travaux et la façon dont elles ont jusqu'à présent impliqué les partenaires sociaux, il est clair toutefois qu'une réconciliation et un rapprochement des régimes du Rhin et du Danube ne suffiront pas à créer les conditions optimales pour le développement d'une politique sociale moderne dans le secteur de la navigation intérieure.

4.7

Lors de l'élaboration de cette nouvelle politique sociale pour la navigation intérieure dans l'UE, la Commission européenne devrait collaborer étroitement avec les partenaires sociaux, la CCNR et la Commission du Danube. Cette approche suppose que les États membres de la CCNR et de la Commission du Danube permettent à leurs institutions d'élargir leur champ d'action pour inclure les questions de politique sociale et, en conséquence, d'étendre leur capacité, afin d'entretenir une coopération aussi fructueuse que possible avec la Commission européenne. Pour sa part, la Commission européenne devra consentir davantage d'efforts afin de bâtir l'expertise en matière de navigation intérieure.

4.8

En s'attaquant de cette façon aux problèmes actuels en matière de politique sociale dans la navigation intérieure européenne, il sera possible de créer un régime dans ce domaine capable d'équilibrer les caractéristiques et les problèmes spécifiques du secteur et les intérêts de tous ceux qui y travaillent.

4.9

Dans ce processus de réexamen et de révision, il est de la plus haute importance d'établir des conditions équitables dans le secteur et d'accroître son attrait pour ceux qui y travaillent déjà ainsi que pour ceux qui souhaitent y travailler à l'avenir, tout particulièrement dans la perspective de l'augmentation attendue de la concurrence, non seulement au sein du secteur de la navigation intérieure mais aussi entre la navigation intérieure et les autres modes de transport.

4.10

Ce processus de changement prendra un temps considérable et nécessitera l'implication totale et le plein engagement des partenaires sociaux. Le dialogue social au niveau sectoriel (tant à l'échelle nationale qu'européenne) est l'instrument le plus important pour construire un pont entre les points de vue des employeurs, des indépendants et des travailleurs et les objectifs de la politique européenne. Cette remarque vaut particulièrement pour la législation et la réglementation relatives aux équipages et aux heures de travail et de repos des membres d'équipage.

4.11

Il est urgent pour l'avenir de la navigation intérieure européenne d'accorder une attention particulière à l'éducation et à la formation. Il convient, à cet égard, que les partenaires sociaux apportent leur contribution.

4.12

Les accords entre partenaires sociaux au niveau communautaire fondés sur l'article 139 du traité CE peuvent aboutir à des règlements spécifiques pour la navigation intérieure. De l'avis du CESE, ces accords ne sont effectifs que lorsque les partenaires sociaux se sont entendus sur le fait que les besoins spéciaux du secteur requièrent l'adoption de dispositions additionnelles aux prescriptions minimales arrêtées par le Conseil aux termes de l'article 137 du traité CE.

Bruxelles, le 29 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Cet avis d'initiative fait suite à l'avis d'initiative «Vers un régime paneuropéen de la navigation fluviale» – JO C 10 du 14.1.2004, p. 49.

(2)  Rapport final de la CCNR à la Commission centrale, Navires du futur, 2002.

(3)  «Perspectives de la navigation intérieure en l'Europe élargie» (Mars 2004), étude demandée par la Commission européenne.

(4)  «Cadre européen pour la navigation intérieure. Un nouveau cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe» (2004). Ce rapport a été publié à la demande du gouvernement néerlandais, avec le soutien de l'Allemagne, de la Belgique, de la France et de la Suisse.

(5)  Directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier - JO L 80 du 23.3.2002, p.35-39.


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/79


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de déclaration conjointe du Conseil, du Parlement européen et de la Commission — La Politique de Développement de l'Union européenne — Le Consensus européen»

[(COM(2005) 311 final)]

(2006/C 24/16)

Le 29 juillet 2005, la Commission, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 septembre 2005 (rapporteur: M. ZUFIAUR).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre (séance du 29 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 84 voix pour, 5 voix contre et 6 abstentions.

1.   Introduction

1.1

L'initiative de la Commission et du Conseil de réviser la déclaration sur la politique de développement de l'an 2000 et de redéfinir, d'une manière générale, l'avenir de cette politique est, à tous points de vue, d'une extrême pertinence. Les changements survenus sur la scène internationale, les nouvelles positions, les consensus récents de la communauté internationale sur la politique de développement, ainsi que les transformations au sein de l'Union, indiquent l'opportunité d'une telle révision. Parallèlement, l'aggravation du problème de sous-développement, en particulier en Afrique, ainsi que le renforcement des disparités entres les pays en conséquence de la mondialisation incitent à procéder à une révision de la politique communautaire de développement.

1.2

Parmi les changements survenus sur la scène internationale ayant affecté d'une façon ou d'une autre les politiques de développement, figurent la préoccupation grandissante suscitée par les questions de sécurité depuis le 11 septembre, les résultats de la réunion de l'OMC à Doha en 2001 et le processus qui a suivi, le nouveau consensus international dégagé lors du Sommet du Millenium et exprimé lors des conférences de Monterrey, Johannesburg, Le Caire et autres, sur le développement et notamment sur les thèmes plus spécifiques du financement, de l'environnement, de l'égalité des sexes et du virus du Sida, le processus d'harmonisation des politiques de développement des bailleurs de fonds amorcé par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE et la consolidation de certains nouveaux instruments de programmation et de mise en œuvre de l'aide tels que les documents stratégiques de réduction de la pauvreté (PRSP, Poverty Reduction Strategy Papers), le programme d'appui sectoriel (SWAP, sector wide approach) ou l'aide budgétaire. Plus récemment, le forum de haut niveau consacré au renforcement de l'efficacité de l'aide et qui s'est déroulé à Paris en mars 2005 a permis une avancée en la matière, les bailleurs de fonds ayant pris un certain nombre d'engagements en matière d'appropriation, d'harmonisation, de gestion basée sur les résultats et de responsabilité mutuelle.

1.3

Les résultats médiocres obtenus jusqu'ici dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement(OMD) fixés il y a cinq ans, ce dont témoignent la plupart des indicateurs, ne sont pas non plus étrangers à ces changements. Pour éviter l'échec des OMD à la date butoir de 2015, la communauté internationale doit revoir les politiques et mettre en place un véritable plan de choc. Ce dernier devra permettre la création de ressources supplémentaires parallèlement à l'aide publique au développement et inclure aussi bien l'aide économique que la politique commerciale, la dette, la propriété intellectuelle, la prise en compte des répercussions de l'immigration ou le renforcement des organisations de la société civile.

1.4

Au même moment, sur le plan communautaire, des événements importants ont eu une influence sur la coopération au développement parmi lesquels le processus de réforme de l'aide extérieure amorcé en 2000 avec la consolidation d'EuropeAid, les processus de déconcentration et de décentralisation engagés au sein des délégations de la Commission, l'entrée en vigueur de l'accord de Cotonou en 2003 (la version révisée de l'accord qui vient d'être signée, prévoit que les pays ACP bénéficient d'un revenu minimum garanti, indépendamment du résultat des négociations des perspectives financières 2007-2013) et le processus visant la «budgétisation» du Fonds européen de développement (FED). D'un point de vue plus général, l'élargissement à 25 membres de l'UE, le lancement de la stratégie européenne de sécurité et de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ainsi que le débat sur le traité constitutionnel avec l'intégration de la politique de développement dans le «dosage politique» des relations extérieures de l'UE, donnent une nouvelle dimension à l'aide au développement et la soumettent à un recentrage. Enfin, la discussion sur les perspectives financières 2007-2013 pourrait permettre de concrétiser les implications de toutes les questions précitées et de les convertir en engagements.

1.5

Le processus consultatif engagé pour procéder à cette révision de la politique de développement est également très positif dans la mesure où il favorise la participation démocratique de tous les acteurs concernés.

1.6

Lorsque cet exercice de réflexion a débuté, en janvier 2005, il était prévu que la Commission élabore une communication en la matière dans le courant du premier trimestre de l'année. Finalement, cette communication a été publiée en juillet 2005 et la Commission a sollicité l'avis du CESE à ce sujet. Le présent avis constitue la réponse à cette demande. Étant donné que la conférence des Nations Unies sur l'état d'avancement des objectifs du Millénaire aura lieu en septembre, le CESE estime qu'il conviendrait, une fois les conclusions de cette conférence connues, que la Commission réactive le processus de consultations avant d'établir le contenu définitif de la déclaration qui sera examinée lors du Conseil de novembre. D'autre part, le fait que ce processus ait coïncidé avec l'élaboration d'autres positions par les institutions communautaires (le CESE ayant, pour sa part, contribué à l'élaboration de cette position sur les objectifs du millénaire pour le développement, le dénommé «paquet des OMD (1)» dont l'accélération a été proposée par le Conseil) peut renforcer l'engagement de l'ensemble de l'Union européenne envers les problèmes du développement et offre une opportunité de consolider le rôle de premier plan de l'UE par rapport aux pays en développement. Le CESE estime que l'accord entre toutes les institutions communautaires sur les grandes lignes de la politique de développement est très important.

1.7

Approuvée en 2000, la déclaration sur la politique de développement est le fruit du travail conjoint de la Commission et du Conseil et a bénéficié d'un large soutien et consensus. La Commission souhaite à présent impliquer aussi le Parlement européen. Le CESE participe de façon active à ce processus, estimant que la politique de développement doit bénéficier du plus large soutien des citoyens et des institutions représentatives de la société civile.

1.8

De l'avis du CESE, il aurait été utile que le document de la Commission intitulé Réflexion sur la future politique de développement de l'Union européenne, autour duquel ont récemment porté la consultation et le débat en la matière, examine de manière plus approfondie l'efficacité de l'aide communautaire depuis sa création et analyse plus en détail les goulots d'étranglement et les problèmes qui en ont entravé l'efficacité tout au long de ces années d'application (2). À notre sens, parmi ces derniers figurent la lenteur d'exécution des programmes, les coûts élevés, notamment des procédures administratives par rapport aux transferts destinés aux projets mêmes, le conditionnement de l'aide, le rôle de second plan des pays bénéficiaires et le caractère imprévisible et volatile des flux d'aide. Il aurait été très utile de savoir, ne fût-ce que brièvement, comment la Commission évalue l'impact de la déclaration de 2000 et les difficultés de tout ordre auxquelles la coopération communautaire a été confrontée, ainsi que les résultats obtenus et les leçons apprises au cours de cette période. D'autres études récentes (3), réalisées avec le soutien de la Commission européenne, constituent des références utiles en la matière. Selon le CESE, l'efficacité limitée de l'aide au développement en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté exige une certaine remise en question et la révision de la future politique de développement, ainsi que la poursuite des efforts initiés par la Commission en matière d'amélioration de la qualité et de l'efficacité de l'aide communautaire.

2.   Finalités et objectifs de la politique de développement de l'UE

2.1

Les communications du paquet sur les OMD ainsi que les engagements pris à Barcelone en 2002 sur le respect des accords de Monterrey abordent les deux aspects essentiels des politiques d'aide: le volume des ressources publiques apportées et leur efficacité. Un consensus international marqué règne autour des OMD, qui sont soutenus par 189 pays (4). La réduction et, à long terme, l'éradication de la pauvreté, doivent guider toutes les politiques de développement. Parfois, ce consensus autour des OMD devient trop rhétorique et l'on oublie que ces derniers comprennent huit objectifs de développement économique, social et environnemental, répondant tous à l'objectif principal de réduire de moitié le taux de pauvreté extrême en 2015, et s'articulent autour de dix-huit cibles auxquelles sont attribués un ou plusieurs indicateurs. L'engagement européen par rapport à chacun des huit objectifs doit être cohérent avec leur dimension concrète et fonctionnelle. L'existence de cibles et d'indicateurs concrets pour les OMD peut contribuer, en outre, à renforcer la nécessaire responsabilité et la transparence de la coopération en général et de l'aide européenne en particulier (5).

2.2

Pour la première fois depuis des décennies, les pays développés et les pays pauvres disposent d'un agenda commun de développement pour gouverner la mondialisation et en faire un processus plus inclusif, accordant plus d'importance à la promotion de la cohésion sociale. Dans tous les cas de figure, le développement doit être abordé d'une façon globale et intégrée et prendre en considération, dans la lutte contre la pauvreté, l'influence qu'exercent sur celle-ci les diverses politiques, commerciales, environnementales, migratoires ou de sécurité. Toute action menée dans le cadre de la lutte contre la pauvreté se doit de répondre à une approche intégrant la dimension du genre.

3.   Des orientations et des vecteurs de la politique européenne de développement

3.1

Les causes profondes de la pauvreté sont multiples et variées, différant selon le contexte. En outre, la pauvreté ne se définit pas uniquement par rapport à un revenu donné. C'est une situation d'extrême vulnérabilité, produite par la carence de moyens physiques, financiers et humains. Par conséquent, pour lutter contre la pauvreté, il ne suffit pas d'augmenter le volume global de l'aide; encore faut-il mettre en place les conditions nécessaires à l'accroissement de la richesse et à une distribution adéquate de celle-ci, revoir les politiques commerciales et financières des pays développés, développer les marchés locaux des pays pauvres, promouvoir les institutions démocratiques, renforcer les organisations de la société civile et mettre en œuvre une corrélation efficace et équitable entre le rôle de l'État et celui du marché. L'expérience des dernières décennies a montré qu'à défaut d'États capables de fournir les infrastructures matérielles et immatérielles nécessaires, l'essor du développement est impossible.

3.2

Les expériences visant à formaliser les droits de propriété pour les secteurs les plus pauvres de la population (portant sur des biens aussi apparemment dépourvus de valeur que les favelas dans certains pays d'Amérique latine) ont démontré que ces droits juridiques de propriété pouvaient avoir des effets positifs sur le développement. C'est la raison pour laquelle, le CESE estime que la politique européenne de développement devrait en tenir compte.

3.3

Par ailleurs, le CESE souhaite souligner l'importance de l'éducation et de la formation en tant que biens publics. L'éducation entraîne des effets positifs non seulement pour les personnes qui en bénéficient mais également pour l'ensemble de la société. L'éducation quelle qu'elle soit suppose un développement du capital humain afin de faciliter les progrès en termes de croissance, d'emploi et de revenus. L'objectif 2 des OMD, à savoir assurer l'éducation primaire pour tous, doit donner lieu dans les plus brefs délais à d'autres actions relatives à l'enseignement moyen et professionnel. Les institutions communautaires et les États membres devraient redoubler d'efforts en ce qui concerne la coopération entre eux dans le domaine de l'éducation.

3.4

La croissance économique et de l'emploi dans les pays pauvres est une condition essentielle pour le développement. Or il ne peut y avoir de croissance sans un minimum d'infrastructures, de systèmes de distribution des revenus, d'accès à l'éducation ou à la santé, de qualité institutionnelle, de consensus social. En l'absence de ce capital social, le développement économique ne peut se faire dans un contexte de cohésion sociale. A son tour, la pauvreté est un obstacle insurmontable pour la croissance. De l'avis du CESE, la création d'un tissu productif, les actions visant l'émergence de l'économie informelle (encouragement de l'auto emploi et de l'économie sociale, développement des PME, systèmes de protection sociale adaptés) et le développement d'un véritable marché local et régional sont autant d'actions qui peuvent contribuer au développement économique des pays pauvres.

3.5

L'ouverture du commerce international offre des opportunités considérables pour aider les pays moins développés à sortir de la pauvreté et du sous-développement. Cependant, les règles actuelles du commerce global favorisent les pays plus développés au détriment des pays plus pauvres. Le CESE a largement insisté sur ce point dans plusieurs avis, et notamment dans un document récent sur la dimension sociale de la mondialisation (6). Aussi, conviendrait-il d'améliorer, dans le cadre du cycle en cours des négociations de l'OMC, dont la prochaine réunion ministérielle aura lieu en décembre à Hong Kong, et des négociations bilatérales de l'Union européenne, l'accès des pays en voie de développement aux marchés des pays développés, de réduire ou d'éliminer toutes les subventions, notamment les subventions agricoles, faussant les échanges commerciaux, de réduire sérieusement les barrières aux exportations des pays en développement et de réformer l'accord sur les droits de propriété intellectuelle en rapport avec le commerce (ADPIC). Il est souhaitable, en ce sens, d'éviter de conditionner l'aide au développement de l'UE aux positions que les pays en voie de développement adoptent dans les négociations commerciales multilatérales, pour éviter l'émulation du mode opératoire de certaines institutions financières internationales.

3.6

Les pays plus pauvres et moins développés sont, d'autre part, très vulnérables à l'intégration dans les marchés extérieurs et ne disposent pas de moyens suffisants pour faire face aux phases de transformation économique. Par conséquent, les politiques de développement devraient s'orienter vers l'intégration progressive dans les marchés mondiaux, favorisant les investissements dans les infrastructures, l'éducation et la santé, le développement d'institutions démocratiques et l'émergence de marchés intérieurs propres et efficaces ainsi que de marchés régionaux.

3.7

Le CESE s'est prononcé maintes fois en faveur de l'inclusion d'une dimension sociale dans les accords d'association commerciale, politique et de coopération de l'UE (7). Cette dimension sociale minimale devrait inclure la promotion d'un travail décent, le développement de systèmes publics et privés de protection sociale et le respect effectif des droits du travail (les huit conventions fondamentales de l'OIT (8) et les conventions no 168 concernant la promotion de l'emploi, no 183 sur la protection de la maternité et no 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs).

3.8

Le travail décent — c'est-à-dire travailler dans des conditions décentes tant en ce qui concerne les rapports contractuels que les conditions d'exécution du travail — joue un rôle essentiel dans le développement. Aussi, le CESE estime-t-il qu'il conviendrait d'inclure un chapitre à caractère social dans les règles de l'OMC afin de mettre en oeuvre les droits de l'homme au travail.

3.9

Les OMD quant à eux ne reprennent pas suffisamment cette dimension fondamentale dans un contexte où les effets de la mondialisation sur les conditions sociales en général et du travail en particulier sont évidents. Le CESE propose de prévoir, dans l'évaluation intermédiaire des OMD en cours, une analyse de la situation des droits économiques, sociaux et du travail et d'inclure, à l'avenir, le travail décent comme neuvième objectif du millénaire pour le développement.

3.10

Le développement et la sécurité humaine doivent se compléter et se renforcer mutuellement dans la politique de développement de l'UE. De toute évidence, la sécurité et la mise en oeuvre d'un contexte pacifique sont des conditions nécessaires à la réalisation d'une stratégie de développement axée sur l'éradication de la pauvreté. D'autre part, le développement économique et social constitue une garantie essentielle pour la sécurité. Pour le CESE, le respect des droits de l'homme, compte tenu de l'importance du respect des droits de la femme dans la lutte contre la pauvreté, doit être l'une des priorités essentielles de la politique de développement de l'UE. Cela contribuera largement à réduire la pauvreté et à accroître la sécurité dans le monde.

3.11

Le CESE rappelle (9), en ce sens, la nécessité que la politique de développement de l'UE inclue des mesures visant la protection des défenseurs des droits de l'homme, en ce compris les droits de l'homme au travail (10), dans les différentes régions du monde.

3.12

La grande vulnérabilité de nombreuses populations et l'existence de menaces nouvelles et anciennes ont accru les risques de catastrophes d'origine naturelle ou humaine. La politique de développement doit en tenir compte et adopter une approche plus préventive. La politique de développement devrait doubler la programmation d'actions d'une analyse rigoureuse des facteurs de conflit, dans les contextes propices à la violence, et orienter une large part de ces actions vers le soutien d'organisations de la société civile dans leurs efforts pour consolider la paix, résoudre et prévenir de nouveaux conflits et menaces.

3.13

La protection de l'environnement étant l'un des trois piliers du développement durable, le CESE estime qu'elle devrait avoir un statut équivalent à celui de la dimension économique ou sociale. Le CESE souligne en ce sens la nécessité d'inclure la dimension environnementale parmi les indicateurs d'efficacité dans l'application des stratégies de développement. Par ailleurs, la réalisation d'études d'impact sur l'environnement devrait être une condition préalable obligatoire pour tout projet et action d'une certaine envergure.

3.14

Par ailleurs, le CESE estime qu'il ne sera pas possible de relever les défis environnementaux mondiaux uniquement par la mise en œuvre de stratégies nationales dans les pays bénéficiaires. Les pays développés doivent assumer la responsabilité et prendre en charge l'essentiel des coûts liés à la résolution des problèmes mondiaux de l'environnement. L'UE devrait mettre à disposition des moyens financiers supplémentaires au service de programmes visant à résoudre ces problèmes.

3.15

La seule intégration des pays en voie de développement dans le commerce international ne suffira pas, selon toute vraisemblance, à résoudre les problèmes de pauvreté et d'inégalité qui les affectent. Pour ce faire, il faudra certes créer dans ces pays les conditions nécessaires au développement et, partant, à la réalisation d'avancées économique et politique, et mettre en œuvre une politique de redistribution équitable des richesses, mais il faudra également faire prendre conscience aux pays donateurs que si l'aide au développement favorise les pays pauvres, elle est également essentielle pour l'avenir des pays riches, la pauvreté et l'inégalité faisant planer une menace sur leur propre sécurité et potentiel de développement. Enfin, le CESE estime que c'est précisément l'une des tâches que la société civile organisée peut le mieux accomplir.

3.16

La politique de développement de l'UE peut de la sorte contribuer positivement à l'intégration des flux migratoires et encourager une politique de codéveloppement avec les pays d'origine de l'immigration (11). La collaboration avec les pays d'origine est une condition essentielle pour la gestion des flux migratoires réguliers et pour que l'admission se fasse dans le respect de tous les droits des immigrants en tant que tels et en tant que citoyens de plein droit (12). Par ailleurs, l'émigration doit contribuer au développement des pays d'origine des émigrants (13). Pour ce faire, il y a lieu de mettre en œuvre des politiques de compensation à la fuite des cerveaux, d'empêcher les taxes abusives sur les transferts que les émigrés effectuent en faveur de leur famille restée dans leur lieu d'origine et de faciliter le retour des émigrés dans leur pays d'origine afin qu'ils puissent en promouvoir le développement et y créer, par exemple, des entreprises productives.

4.   Critères d'action de la politique européenne de développement

4.1

La question de la cohérence des politiques, désormais classique dans le cadre de l'aide communautaire et inscrite dans les traités, acquiert une dimension nouvelle dans l'actuel contexte international marqué par la question de la sécurité et par les répercussions de la mondialisation notamment sur le commerce, l'agriculture, l'emploi et les migrations. La récente communication de la Commission est un bon exemple de la pertinence de ce thème et de la volonté qu'a l'UE d'y apporter une réponse appropriée. L'initiative EBA (Tout sauf les armes) a imposé un regain de cohérence quant à la politique commerciale en faveur des pays pauvres.

4.2

La politique de développement de l'UE n'a pas été conçue comme un instrument palliatif destiné à réduire les dommages possibles au développement des pays pauvres provoqués par d'autres politiques, commerciale ou de sécurité, notamment. Pour renforcer l'efficacité de cette orientation il conviendrait, de l'avis du CESE, de mieux coordonner les différentes directions de la Commission européenne (la direction commerce et la direction emploi, par exemple) et de procéder à une évaluation périodique de l'impact des politiques communautaires sur la cohésion sociale dans les pays en voie de développement, à laquelle la société civile organisée participerait activement.

4.3

Bien qu'elle soit souhaitable dans toute politique de l'Union, la cohérence ne devrait pas appauvrir le contenu de la politique de développement en la mettant au service d'autres actions communautaires et en oubliant la spécificité et les objectifs des actions de développement. Dans une Union où l'action extérieure est en pleine croissance et évolution, la politique de développement doit conserver une certaine autonomie par rapport aux autres composantes de l'action extérieure, pour pouvoir atteindre les buts et objectifs qui lui ont été assignés.

4.4

De l'avis du CESE, l'harmonisation entre la politique de développement communautaire et celle des 25 États membres doit être renforcée. Leur soutien unanime des OMD et des positions du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE devrait rendre l'harmonisation plus aisée. En effet, il est essentiel d'accroître l'harmonisation des politiques des pays donateurs, contradictoires dans bien des cas, et de veiller à ce qu'elles soient cohérentes entre elles. Le manque de cohérence produit des «coûts de transaction élevés»: gaspillage, duplication d'efforts, approches incohérentes et une grande complication pour les pays récepteurs. Au sommet européen de Barcelone de mars 2002, l'UE s'est engagée à adopter des mesures concrètes sur la coordination des politiques et l'harmonisation des procédures avant 2004, aussi bien au niveau de la Commission européenne que des États membres. Néanmoins, les recommandations issues de cet engagement n'ont eu que peu d'application pratique. Le CESE considère qu'une harmonisation efficace entre les politiques de développement des États membres et celle de l'UE est essentielle pour le futur de la politique de développement communautaire. Le CESE, dans la mesure de ses possibilités, encouragera un débat avec les organisations de la société civile européenne en faveur d'une plate-forme européenne commune pour la politique de développement. Le CESE soutient également la position de la Commission à propos de l'opportunité d'une politique de développement au niveau européen qui engagerait les États membres et la Commission elle-même.

4.5

La principale valeur ajoutée d'une politique de développement communautaire devrait être de renforcer la coordination et la complémentarité avec les politiques des États membres. L'UE bénéficie de certains avantages comparatifs: échelle, image de neutralité, contribution aux fonds mondiaux, dont il faut profiter.

4.6

Par ailleurs, le CESE est d'avis que l'UE doit participer davantage et s'exprimer d'une seule voix dans toutes les enceintes multilatérales qui ont une incidence sur le développement. L'UE doit prendre une part active à la réforme du système multilatéral et adopter une position commune à cet égard, ce qui devrait influer tant sur le système des Nations unies pour ce qui a trait au processus amorcé par son Secrétaire général, que sur les institutions financières internationales et autres forums multilatéraux tels que le CAD, le Club de Paris, le G8 ou l'OMC. La capacité d'influence de l'UE en tant qu'acteur international doté d'un réel pouvoir dépend de sa capacité à faire converger les différentes positions au sein des organismes multilatéraux. De même, l'UE doit renforcer les mécanismes de concertation et de coordination sur le terrain avec les agences spécialisées de l'ONU et autres bailleurs de fonds.

4.7

La dimension institutionnelle du développement est fondamentale et, dans cette perspective, il est indispensable de renforcer les capacités des institutions locales. Le renforcement institutionnel est la clé d'une bonne gestion des affaires publiques et d'une gouvernance permettant la répartition et la gestion des ressources afin de remédier aux problèmes selon des critères de participation, de transparence, de responsabilité, de lutte contre la corruption, d'équité et de primauté de la loi. Le renforcement des capacités et de moyens des organisations de la société civile est fondamental pour que ces pays puissent s'approprier le processus de développement.

4.8

L'UE devrait, à cet égard, recueillir des informations et tirer des enseignements des programmes de coopération avec les nouveaux États membres qui, en peu de temps, sont passés du statut de bénéficiaires de l'aide à celui de membres d'une communauté de donateurs. Ce passé de bénéficiaire leur donne une sensibilité et une perception des choses qui peuvent s'avérer très utiles pour l'apprentissage de méthodes innovantes de gestion de l'aide.

4.9

En raison du degré de décentralisation élevé dans les pays récepteurs de la coopération communautaire, il est nécessaire d'améliorer les mécanismes de participation des différents partenaires et d'établir des mécanismes de coordination correspondant à une approche de la coopération «de bas en haut».

4.10

L'amélioration des mécanismes de coordination et de concertation devrait conduire à renforcer l'efficacité et l'efficience de l'aide, grâce à la réduction des coûts de transaction. Malgré tout, l'efficacité dépend également d'autres facteurs et le suivi de celle-ci devrait donc faire partie intégrante de la coopération communautaires dans son ensemble. Les systèmes rigoureux d'évaluation et de contrôle de la qualité de l'aide établis par la Commission devraient se généraliser et servir, non seulement à la nécessaire responsabilité mais aussi et surtout à l'apprentissage. D'autres questions plus générales, telle que l'étude de la fongibilité (14) de l'aide, devraient figurer dans l'analyse réalisée par les institutions communautaires.

4.11

Il faudrait harmoniser progressivement le principe d'appropriation, appliqué jusqu'ici d'une manière différenciée selon les contextes géographiques, en ayant recours aux bonnes pratiques existantes et en tirant les leçons de sa mise en oeuvre. La participation et l'appropriation devraient intervenir dans toutes les étapes de la planification d'actions, programmes ou projets: depuis la discussion de programmes indicatifs nationaux jusqu'à l'évaluation finale du résultat.

5.   Acteurs de la politique de développement

5.1

La politique communautaire de développement est une politique publique à laquelle participent de nombreux acteurs. Les institutions communautaires devraient davantage reconnaître cette multiplicité d'acteurs et permettre aux diverses organisations européennes de participer davantage à cette politique. La concertation entre les différents acteurs publics et privés est une condition essentielle à l'efficacité et à la cohérence de la politique de développement.

5.2

La mise en œuvre des principes d'association, de participation, d'appropriation ont renforcé la coopération au développement. Il y a lieu de poursuivre et d'approfondir cette amélioration en incorporant plus ouvertement les agents sociaux au-delà des acteurs gouvernementaux.

5.3

La définition de politiques à long terme de lutte contre la pauvreté et une meilleure utilisation des transferts de l'aide au développement, requièrent un engagement effectif des autorités démocratiques des pays bénéficiaires et des forces économiques et sociales de ces pays.

5.4

De l'avis du CESE, le renforcement des organisations de la société civile (travailleurs, employeurs, consommateurs, organisations spécialisées dans la défense des droits de l'homme, …) dans les pays du Sud devrait être une priorité centrale de la politique de développement de l'UE. La réduction de la pauvreté et de l'inégalité dépend largement de l'augmentation de la capacité d'exigence, de négociation, de compromis et de participation des organisations de la société civile. En conséquence, la politique de développement de l'UE devrait non seulement favoriser la participation effective des véritables organisations de la société civile aux actions dérivées de l'aide au développement mais aussi leur renforcement et leur reconnaissance comme acteurs de base du développement au sein de leurs propres sociétés (15). Des lignes spécifiques de financement devraient être prévues à cet effet.

5.5

D'autre part, la politique de développement de l'UE devrait encourager la mise sur pied, dans les pays bénéficiaires, d'un cadre juridique qui permette aux organisations de la société civile de participer au développement de leur pays. Cela inclurait la mise à disposition de moyens économiques visant à accroître les capacités et renforcer la présence de la société civile; la consolidation des structures nécessaires à une participation et un dialogue constants; la mise en place des procédures de consultation de ces organisations à toutes les phases des programmes indicatifs nationaux et régionaux et la diffusion de bonnes pratiques. Par ailleurs, les organisations européennes devraient être consultées sur les actions appuyées par l'Union.

5.6

À l'heure actuelle, seuls les acteurs de la SCO des pays ACP participent formellement à toutes les étapes de la coopération au développement. Cette obligation, prévue dans l'accord de Cotonou, n'existe pas dans le cadre de la coopération avec d'autres régions, où la participation se limite à des consultations à caractère informel (16). Le CESE demande que cette expérience soit élargie à d'autres régions, dans la future politique de développement de l'UE, établissant des mécanismes formels d'implication des organisations de la société civile dans la programmation, la réalisation et l'évaluation des politiques de développement.

5.7

De même, l'accord de Cotonou offre une possibilité unique aux acteurs non gouvernementaux d'accéder à une partie des fonds européens alloués à chaque pays (ressources du FED destinées aux programmes indicatifs nationaux et régionaux). Ces fonds ont pour objectif de permettre l'amélioration des possibilités d'action de la société civile et la participation active de celle-ci à la mise en œuvre des stratégies régionales ou nationales de réduction de la pauvreté.

Le CESE invite l'UE à reprendre le modèle de consultation de la société civile évoqué dans ses relations avec d'autres régions telles que l'Amérique latine ou les pays de l'Association euroméditerranéenne par exemple.

5.8

En outre, dans ce processus de révision de la politique de développement de l'UE, il importe de fournir un réel effort pour que les droits de participation puissent s'exercer effectivement là où ils ont été reconnus. En effet, en raison des sérieux manquements à l'application des décisions, il est plus difficile pour les représentants de la SCO d'avoir une connaissance suffisante des accords et de participer à une consultation effective. À cela s'ajoutent l'absence de critères de représentativité des organisations de la société civile et la présence d'obstacles à l'accès au financement communautaire.

5.9

L'établissement de cadres stables et démocratiques en matière de relations de travail est une condition essentielle pour encourager l'objectif de travail décent. Mais c'est également une base essentielle pour le développement économique. Le CESE considère, par conséquent, que la promotion d'un dialogue social équilibré devrait figurer parmi les objectifs de la politique européenne de développement. Compte tenu de la richesse des expériences européennes en la matière, le CESE estime qu'il serait nécessaire d'impliquer les organisations syndicales et les entreprises européennes à cet égard.

5.10

Les entreprises doivent jouer un rôle croissant et positif pour rendre possible l'objectif du développement durable, comme le reconnaît l'OCDE avec l'édition de codes de conduite à l'intention des entreprises multinationales (17). Le CESE, conformément à ce qu'il a affirmé à diverses occasions (18), estime que la politique de développement de l'UE devrait contribuer à encourager la responsabilité sociale des entreprises, en particulier européennes, dans les pays destinataires de l'aide. Le CESE estime que si les entreprises agissaient au moins selon les mêmes critères de travail, sociaux et environnementaux dans les pays bénéficiaires de l'aide qu'ils le font (en général) en Europe, cela contribuerait largement au développement économique et social de ces pays.

5.11

La politique de développement ne pourra se maintenir et se développer qu'avec un soutien social approprié. Le CESE considère qu'il est nécessaire de fournir un effort considérable de sensibilisation des citoyens à l'aide au développement. L'émergence d'une certaine «conscience citoyenne mondiale», surtout visible en matière d'environnement, devrait être consolidée et inclure des thèmes tels que la pauvreté, l'inégalité, les biens publics mondiaux. Le CESE est d'avis qu'il faut mettre à contribution les écoles, les media et, bien entendu, les organisations de la société civile pour accomplir cette tâche. Quant au CESE, il propose de servir d'instrument à cette politique en collaboration avec les institutions européennes.

6.   Priorités, concentration et différenciation dans la politique de développement de l'UE

6.1

En vue d'accroître l'efficacité et l'impact de l'aide, il semble raisonnable de se concentrer sur les secteurs et les actions par rapport auxquels l'UE peut apporter une valeur ajoutée ou un élément distinctif par rapport aux autres donateurs. Cependant, l'expérience montre qu'il n'est pas toujours possible d'établir ces priorités ou d'arriver à déterminer à l'avance quelle sera la valeur ajoutée de l'UE. En tout cas, la programmation par pays devrait être l'instrument de négociation entre partenaires, et les documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté par pays (PRSP, Poverty Reduction Strategy Papers) le pivot de ce travail.

6.2

Le CESE estime que des motivations non seulement éthiques mais aussi politiques doivent guider la politique de développement. En effet, la mondialisation ne peut pas fonctionner si les inégalités actuelles ne sont pas corrigées. Aussi, estime-t-il que les objectifs de la politique de développement européenne doivent être plus ambitieux que la correction des déséquilibres du sous-développement. L'un des atouts de l'Union devrait précisément être son action en faveur des objectifs stratégiques et multisectoriels à l'échelle mondiale tels que la santé (y compris la santé génésique), l'éducation, l'égalité des sexes, la protection de l'environnement, la création d'entreprises productives et d'emploi, le travail décent. Pour ce faire, il faudra doter la coopération au développement de moyens économiques additionnels, provenant de nouveaux instruments de financement.

6.3

La coopération communautaire a été marquée dès l'origine par une forte concentration géographique, atteignant un degré élevé de complexité dans le cas des pays ACP à travers l'accord de Cotonou. L'expérience des conventions successives de Lomé et de Cotonou devrait servir à d'autres régions, en particulier en Asie, ou pays engagés dans la réalisation des OMD. Il conviendrait ainsi d'encourager la mise en place de mécanismes plus souples, permanents et structurés avec d'autres régions du monde bénéficiant de l'aide communautaire, qui aillent au-delà des traditionnels sommets et accords et offrent une vision plus stratégique de la coopération. En outre, l'aide communautaire devrait concerner tous les pays pauvres.

6.4

Le CESE rejoint la volonté de faire de l'Afrique subsaharienne une zone prioritaire dans le cadre de l'aide au développement de l'UE. Néanmoins, pour être efficace, ce projet doit se doubler d'une meilleure gouvernance en Afrique, aussi bien sur le plan national que régional, ce qui concerne à la fois les organisations interétatiques africaines, les États et les organisations de la société civile. En raison de leur indépendance, leur proximité avec la population et leur capacité de réaction, ces dernières peuvent aider à responsabiliser les citoyens par rapport aux politiques de développement qui les touchent directement.

6.5

Dans cet esprit, le CESE propose que soit renforcé l'accès des organisations de la société civile africaine au financement communautaire en leur garantissant un accès direct au niveau national. De même, il faudrait mettre en oeuvre un programme horizontal pour le financement des agents non étatiques. Il faudrait aussi accroître et systématiser la participation de la société civile dans la définition et l'application des politiques et stratégies de coopération.

6.6

Pour que le développement économique profite au plus grand nombre et ne provoque pas d'abus, le CESE souhaite que les activités d'aide au développement de l'UE en Afrique prennent en compte les principes de cohésion sociale et de travail décent pour tous. Ces principes seront d'autant plus garantis s'il existe un véritable dialogue social et plus largement encore un dialogue entre les organisations de la société civile. Dans ce sens, le CESE collaborera comme il y est invité dans la Communication de la CE (19), avec le Comité économique, social et culturel africain en termes d'échange d'expériences et de connaissances dans les domaines jugés pertinents.

6.7

La politique communautaire de développement doit accorder une attention plus soutenue aux pays à revenu moyen où subsistent d'importants problèmes de pauvreté et d'inégalité. À cet égard, il est étonnant de constater la réduction continue des proportions de l'aide de l'UE à l'Amérique latine, alors que c'est précisément dans cette région que les niveaux d'inégalité sont les plus élevés. Par ailleurs, il subsiste dans des pays à revenu moyen comme le Brésil, l'Uruguay ou le Mexique des poches de pauvreté considérables. Il faudrait mettre en place un système d'indicateurs permettant de suivre l'évolution de la situation dans ces pays. Le CESE est donc favorable à ce que l'UE accorde une plus grande priorité à l'Amérique latine dans sa politique de développement.

6.8

La proposition de la Commission d'élaborer des mesures spécifiques aux situations de transition, susceptibles de s'adapter à des contextes changeants et des États instables et permettant d'approfondir les interrelations entre l'aide, la réhabilitation et le développement nous semble appropriée, dans la logique de la nécessaire différenciation. Par ailleurs, il conviendrait de renforcer les systèmes de prévention et d'alerte précoce pour le travail de coopération dans ces contextes.

7.   Financement

7.1

L'Union s'est engagée à respecter, à tout le moins, les engagements pris à Monterrey; or, tout semble indiquer qu'il serait nécessaire d'aller au-delà de ces engagements pour pouvoir atteindre les OMD. Le Conseil européen de Barcelone de mars 2002 a décidé d'augmenter l'AOD à 0,39 % du PIB en 2006. Si ce taux est certes supérieur à la moyenne actuelle de 0,22 %, il est cependant largement inférieur au niveau de 1990 date à laquelle l'aide publique au développement des États membres de l'UE était de 0,44 % du PIB. Le récent Conseil des 23 et 24 mai 2005 a fixé de nouveaux objectifs plus astreignants et s'est engagé à atteindre 0,56 % du PIB comme moyenne de l'UE en 2010, établissant des différences entre les 15 anciens États membres et les 10 nouveaux. Il semble néanmoins clair qu'un engagement continu et soutenu s'avère nécessaire à la réalisation des OMD.

7.2

L'engagement pris par les pays du G8 en juillet 2005 concernant l'annulation de la totalité de la dette multilatérale des 18 pays les plus pauvres constitue une avancée notoire dans cette direction, qu'il convient d'encourager, même s'il faut encore attendre la confirmation définitive de cette information et de l'annonce selon laquelle une autre vingtaine de pays bénéficieraient ultérieurement d'actions similaires. De l'avis du CESE il faudrait que ces mesures se généralisent à l'ensemble des pays moins développés et soient couvertes par des sources de financement réellement additionnelles et non pas par un simple réajustement des postes destinés à l'aide publique au développement.

7.3

Conformément à ce qui précède, les perspectives financières 2007–2013 devraient inclure d'une manière plus claire et spécifique les engagements financiers nécessaires pour se rapprocher des OMD.

7.4

Les moyens de financement du développement ont évolué, s'adaptant progressivement à leur nécessaire appropriation par les partenaires. La coopération communautaire doit progresser en matière de prévisibilité à long terme et améliorer les mécanismes de planification pluriannuels pour minimiser les effets négatifs d'éventuels changements dans les allocations budgétaires et de la «volatilité» de l'aide.

7.5

La nécessité de disposer d'une aide prévisible et stable se heurte au principe d'annualité des budgets nationaux. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est nécessaire de disposer de sources de financement supplémentaires. Mais la raison fondamentale, c'est qu'il faut trouver, parallèlement aux ressources traditionnelles, des sources additionnelles pour financer le développement. L'absence d'accord entre les États membres sur les nouvelles sources de financement comme complément à l'aide officielle au développement (AOD) qui permettrait de disposer de nouvelles ressources pour les OMD, retarde leur réalisation. Il y a en somme deux innovations possibles en termes de mécanismes supplémentaires pour financer l'aide au développement: le mécanisme de financement international (IFF, International Finance Facility), et les taxes internationales. Hormis les difficultés liées à la volonté politique de mettre en œuvre ces instruments, un certain nombre d'inconnues subsistent, quant au premier, sur la gestion et l'application des fonds. Quant au deuxième mécanisme, la principale difficulté serait d'atteindre un consensus international sur son application. Considérant que ces deux mécanismes peuvent être viables et complémentaires, le CESE estime qu'il est urgent de les mettre en oeuvre, tout en préservant leur caractère clairement additionnel.

7.6

Le déliement total de l'aide doit demeurer l'un des objectifs du développement dans les années à venir. Après de nombreuses propositions sur ce thème (20), le CESE invite le Conseil à mener résolument à bien la proposition de règlement sur le déliement de l'aide ainsi que son suivi par les États membres, allant même au-delà des recommandations du CAD.

7.7

Actuellement, la position des pays donateurs et, concrètement, la politique de l'Union européenne, tend à réduire l'aide aux projets et à financer les budgets des gouvernements des pays bénéficiaires, afin de fournir à ces derniers les moyens de développer leurs propres politiques. Le CESE considère que cela ne devrait jamais nuire à la réalisation des objectifs sensés être atteints grâce à l'aide accordée par l'UE. Par ailleurs, cette forme de financement peut favoriser le principe d'appropriation à condition que le contrôle des projets effectué précédemment ne soit pas remplacé par une nouvelle conditionnalité politique sur l'orientation de la politique économique et sociale à mettre en oeuvre.

7.8

Les instruments de financement du développement doivent être cohérents avec les objectifs poursuivis. Compte tenu de l'importance des délais de gestion des cycles de projets ou d'actions de l'aide européenne actuelle, il semble nécessaire de renforcer la souplesse et la flexibilité de la coopération communautaire. Par ailleurs, il ne semble pas opportun de mélanger les instruments de coopération économique générale avec ceux réservés à la coopération au développement. En effet, la relative autonomie des objectifs de la politique de développement exige une certaine spécialisation des instruments utilisés tant au niveau de la planification que des mécanismes d'octroi.

7.9

La souplesse est encore plus cruciale dans les contextes de reconstruction suite à une guerre ou une catastrophe naturelle voire dans les situations de crise où la lenteur et la rigidité rendent toute action impossible. Les initiatives telles que le Fonds pour la paix en Afrique sont à cet égard adaptées à la réalité de ces contextes.

7.10

L'UE dans son ensemble s'est montrée assez respectueuse par rapport à l'initiative PPTE renforcée, en faveur des pays pauvres très endettés, en ce qui concerne la réduction de la dette extérieure. Toutefois, cette initiative ne pourra pas résoudre à court terme les problèmes de la dette et du service de la dette. Il est donc nécessaire d'envisager des alternatives à la résolution de ces problèmes qui ne peuvent être résolus que sur le long terme. La Commission a proposé des mesures conjoncturelles pour les pays victimes de la guerre ou connaissant des troubles graves, mais le problème à long terme n'est pas résolu. Le CESE propose des mesures plus actives en matière de dette, notamment les échanges de dettes contre éducation, l'investissement social ou l'étude de la remise de la dette pour les régions affectées par des désastres de grande envergure.

7.11

La préoccupation croissante pour ce que l'on appelle les biens publics mondiaux devrait permettre un financement spécifique destiné à assurer leur protection. À cet effet, l'UE devrait élaborer un plan d'action sur l'importance de cette protection et les moyens de la financer et, dans ce cadre, mobiliser des ressources de manière souple. Les fonds et initiatives globaux, mis en œuvre ces dernières années dans des cas spécifiques (SIDA; eau, vaccins, ...) semblent apporter précisément cette souplesse. Aussi, faut-il continuer à soutenir ce type d'initiatives, que certains États membres ont déjà lancées (21).

7.12

Comme nous l'avons déjà signalé, le CESE propose que soient incorporés à la stratégie européenne de développement les problèmes spécifiques des pays à revenu moyen où subsistent néanmoins de nombreuses poches de pauvreté et où une part importante de la population vit dans l'indigence. Même si, en l'espèce, les modalités d'aide adoptées ne sont pas seulement l'aide non remboursable, mais également les crédits ou les formules combinées, ce problème ne peut être ignoré. Dans ces cas précis, les paramètres devront venir compléter les OMD en faisant de la cohésion sociale un objectif (22), à l'instar de ce qui s'est fait lors du Sommet UE — Amérique latine et Caraïbes de Guadalajara en 2004 avec la cohésion sociale, ce qui a impliqué des réformes de la gestion budgétaire et un système fiscal progressif.

8.   Propositions

8.1

Pour le CESE, la lutte contre la pauvreté doit figurer parmi les objectifs clés des actions menées par l'UE en faveur d'une mondialisation plus juste, sûre et responsable d'un point de vue écologique. Elle doit également constituer le prolongement logique vers l'extérieur du modèle de développement économique et de cohabitation sociale développé en son sein (23).

8.2

Le CESE estime que la politique européenne de développement doit jouer un rôle essentiel tant dans la diffusion des valeurs constituant le fondement de l'Union que dans la prévention des conséquences négatives (insécurité, déprédation des ressources naturelles, flux migratoires incontrôlés) de la pauvreté et de l'inégalité. Dans ce sens, il suggère que la politique européenne de développement soit traitée au même titre que la politique de sécurité.

8.3

En conséquence, le CESE propose que la promotion du modèle social européen — régulation sociale, systèmes de compromis entre interlocuteurs sociaux, systèmes universels de sécurité sociale — constitue, dans le nouveau contexte de la mondialisation économique, un pilier de la politique de développement de l'UE.

8.4

Le CESE estime que la réduction des barrières douanières aux exportations des pays en développement et des subventions, et notamment des subventions agricoles, liées aux prix à l'exportation pourrait contribuer (24) à la réduction de la pauvreté même lorsque ses effets à court terme peuvent être discutables (dans la mesure où les pays en développement importateurs nets peuvent être affectés par une hausse des prix). De même, il invite vivement à réformer l'accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce. Par ailleurs, il soutient les processus d'ouverture commerciale des pays en développement visant leur intégration progressive sur les marchés mondiaux et s'accompagnant de programmes de renforcement structurel de ces pays.

8.5

Le CESE propose d'inclure dans les accords d'association conclus entre l'Union européenne et différents pays et régions du monde une dimension sociale qui englobe au moins la promotion du travail décent, le développement de régimes publics et privés de sécurité sociale et le respect effectif des droits du travail définis dans les conventions fondamentales de l'OIT. Le CESE propose également que ces accords prévoient des mécanismes de participation de la société civile organisée.

8.6

Le travail décent tel qu'il est défini par l'Organisation internationale du Travail (OIT) est indissociable de la lutte contre la pauvreté et du renforcement de la cohésion sociale. Le CESE propose par conséquent de faire du travail décent le 9ème objectif de développement du millénaire.

8.7

La défense des droits de l'homme étant un des vecteurs de la politique européenne de développement, le CESE propose que celle-ci mette en place des mesures visant la protection effective des défenseurs des droits de l'homme, y compris les droits de l'homme au travail, dans les régions de coopération.

8.8

Le CESE propose d'inclure la dimension environnementale parmi les indicateurs d'efficacité en ce qui concerne la mise en œuvre de la stratégie de développement. Il considère par ailleurs que la réalisation d'analyses d'impact environnemental devrait être une exigence préalable à toutes les actions d'une certaine envergure.

8.9

Le CESE estime que la politique de développement de l'UE doit contribuer à l'intégration régulée et assortie de droit des flux migratoires. De même, elle doit favoriser une politique de codéveloppement avec les pays d'origine de l'immigration grâce à des compensations en cas de fuite des cerveaux, la suppression des obstacles au transfert des émigrés et l'aide au retour de ces derniers afin de créer des entreprises productives. En tout état de cause, les politiques d'immigration ne peuvent se convertir en conditionnalité pour la politique de développement.

8.10

Le CESE prône la cohérence de l'ensemble des politiques de l'UE avec la stratégie de développement et la nécessaire autonomie et le caractère unique de la politique de développement par rapport à d'autres politiques. Il estime que l'harmonisation entre la politique de développement de l'UE et celles des États membres est de plus en plus cruciale. Pour ce faire, il est indispensable de constituer une plate-forme ou un agenda européen commun en matière de politique européenne de développement, qui fixerait et concrétiserait des délais et des systèmes à mettre en œuvre par les États. Le CESE est également favorable à la participation des États membres et de l'UE aux forums multilatéraux par le biais de positions communes. Le CESE soutient la position de la Commission à propos de l'opportunité d'une politique de développement au niveau européen qui engagerait les États membres et la Commission elle-même.

8.11

La réduction de la pauvreté implique notamment une répartition différente du pouvoir et des possibilités. La consolidation des institutions de l'État de droit social et démocratique est fondamentale pour la réalisation de cet objectif, qui passe dans une large mesure par le renforcement des organisations de la société civile. A cet égard, le CESE propose de créer une série de lignes budgétaires destinées à la réalisation de cet objectif.

8.12

Compte tenu de l'exemple éprouvé que constituent les relations UE-ACP, le CESE invite la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen à apporter leur soutien à l'élargissement du rôle du CESE dans le cadre de ses relations avec les acteurs économiques et sociaux d'autres régions telles que l'Amérique latine et les pays euroméditerranéens. Le CESE invite également les instances politiques à soutenir le mandat politique et l'assignation de fonds permettant la participation des acteurs économiques et sociaux; la reconnaissance institutionnelle du dialogue de la société civile et de sa participation formelle et régulière au suivi des accords d'association, aux sommets, aux comités parlementaires paritaires et aux politiques présentant un intérêt particulier pour la société civile (cohésion sociale, travail décent); les efforts du CESE pour promouvoir tant la fonction consultative que le dialogue social en collaboration avec l'OIT et d'autres organisations internationales. Dans ce contexte, le CESE invite la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen à soutenir l'introduction, au paragraphe 2.2 de la déclaration conjointe sur la politique de développement de l'Union européenne, d'une référence spécifique au CESE en tant que catalyseur effectif et nécessaire du dialogue avec les acteurs économiques et sociaux.

8.13

Le CESE propose que la promotion de cadres stables et démocratiques pour les relations du travail et le dialogue social ainsi que la promotion de la responsabilité sociale des entreprises figurent parmi les objectifs fondamentaux de la politique européenne de développement.

8.14

Le CESE estime que la valeur ajoutée de l'action communautaire devrait se centrer sur des objectifs stratégiques mondiaux multisectoriels. Par ailleurs, il partage la volonté de faire du soutien à l'Afrique subsaharienne une priorité indissociablement liée à la mise en place des conditions nécessaires pour une meilleure gouvernance dans cette zone. Le CESE approuve également l'octroi de l'aide communautaire à tous les pays pauvres.

8.15

Le CESE estime que la politique européenne de développement devrait accorder une attention accrue aux pays à revenu moyen souffrant de graves problèmes intérieurs de pauvreté et d'inégalités. Cette recommandation concerne notamment certains pays d'Amérique latine – région avec laquelle l'UE a l'intention d'instaurer une association stratégique — et d'Asie.

8.16

Le CESE suggère de généraliser les mesures d'allégement de la dette approuvées par les pays du G8 à l'ensemble des pays pauvres et de les financer au moyen de sources de revenus additionnelles.

8.17

Le CESE estime qu'il est nécessaire d'instrumentaliser des sources de financement supplémentaires afin de réaliser les objectifs de développement et de préserver les biens publics mondiaux. A cet égard, il estime que le mécanisme de financement international (IFF, International Finance Facility) ainsi que l'instauration de taxes internationales, qui doivent pour être efficaces faire l'objet d'un vaste consensus, prévus dans ce but, peuvent être viables et complémentaires.

8.18

Le CESE estime que le déliement de l'aide doit être un des objectifs centraux de la stratégie européenne de développement. Il invite le Conseil à poursuivre la modification du règlement sur le déliement de l'aide en allant même au-delà des recommandations du Comité d'aide au développement (CAD).

8.19

Le CESE propose d'utiliser de nouvelles formes d'échange de dette, notamment contre l'éducation ou l'investissement dans des objectifs à caractère social (retour des émigrés, renforcement des organisations sociales, …).

8.20

L'amélioration de l'efficacité de l'aide reste un défi pour tous les acteurs concernés. Le CESE estime qu'il faut poursuivre et renforcer les efforts visant une meilleure réalisation des objectifs de développement.

8.21

Le CESE juge indispensable l'élaboration d'une politique visant à augmenter le soutien social en faveur de la politique de développement tout en renforçant la conscience citoyenne mondiale. Le CESE propose de se mettre au service de cette politique en collaboration avec les institutions communautaires.

Bruxelles, le 29 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Publié en avril 2005, ce paquet comprend trois communications: COM(2005) 132 sur la contribution de l'UE, COM(2005) 133 sur le financement du développement et l'efficacité de l'aide et COM(2005) 134 sur la cohérence des politiques.

(2)  Toutefois, il convient de mentionner l'analyse d'impact qui accompagne la proposition de la Commission, le rapport annuel sur la politique de développement et l'aide extérieure de la Communauté ainsi que les évaluations thématiques et géographiques de la Commission qui comprennent systématiquement l'application concrète de la politique de développement.

(3)  ODI/ICEI/ECDPM Assessment of the EC Development Policy. DPS Study Report. Février 2005.

(4)  Résolution de l'Assemblée générale A/RES/55/2, du 8 septembre 2000.

(5)  Les OMD sont: 1. réduire l'extrême pauvreté et la faim; 2. assurer l'éducation primaire pour tous; 3. promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes; 4. réduire la mortalité infantile; 5. améliorer la santé maternelle; 6. combattre le SIDA/HIV, le paludisme et d'autres maladies; 7. assurer un environnement durable et 8. mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

(6)  Avis sur «La dimension sociale de la mondialisation – Comment la politique de l'UE contribue à en étendre les avantages à tous», (JO C 234 du 22.9.2005).

(7)  Avis sur «Comment intégrer les aspects sociaux dans les négociations des Accords de partenariat économique» (JO C 255 du 14.10.2005); Avis sur «La cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes» (JO C 110 du 30.4.2004); Avis sur «Les droits de l'homme au travail» CESE 933/2001.

(8)  Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (no 87); Convention sur le droit d'organisation et de négociation collective (no 98); Convention sur le travail forcé (no 29); Convention sur l'abolition du travail forcé (no 105); Convention concernant la discrimination (emploi et profession) (no 111); Convention sur l'égalité de rémunération (no 100); Convention sur l'âge minimum (no 138); Convention sur les pires formes de travail des enfants (no 182).

(9)  Avis sur la cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes, (JO C 110 du 30.4.2004, p. 55.)

(10)  La violation des droits syndicaux dans certaines régions du monde telles que l'Amérique latine, où les militants syndicaux sont poursuivis, emprisonnés voire, dans de nombreux cas, assassinés, revêt une importance particulière.

(11)  Voir avis du CESE sur le Livre vert «Sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques» (JO C 255 du 14.10.2005).

(12)  Avis du CES sur «L'accès à la citoyenneté de l'Union européenne» (JO C 208 du 3.9.2003).

(13)  Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Migration et développement: des orientations concrètes» (COM(2005) 390 final).

(14)  Ce terme désigne l'usage inapproprié, de la part du bénéficiaire, des fonds alloués au titre de l'aide.

(15)  Le CESE est conscient de l'importance de la représentativité des organisations de la société civile. A cet effet, un sous-comité a été créé afin d'étudier ce thème. L'accord ACP-CE de Cotonou reprend certains critères d'éligibilité pour les organisations non gouvernementales en ce qui concerne l'accès aux ressources du FED. De même, l'avis du CES sur «La société civile organisée et la gouvernance européenne – Contribution du Comité à l'élaboration du Livre blanc» énumère les critères de représentativité des organisations de la société civile européenne.

(16)  Par exemple, les forums de la société civile organisés par la DG RELEX sur les relations UE-Communauté andine, Amérique Centrale, Mexique ou Mercosur.

(17)  Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, OCDE, 2000.

(18)  Avis du CESE sur le thème «Livre vert – Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises» (JO C 125 du 27.2.2002) et sur la «Communication de la Commission – l'Agenda social» (JO C 294 du 25.11.2005).

(19)  Accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (COM(2005) 132 final).

(20)  Voir JO C 157 du 28.6.2005 sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès à l'aide extérieure de la Communauté».

(21)  La Commission européenne a réalisé une étude sur le thème de financement additionnel en faveur du développement intitulée «Document de travail de la Commission» Nouvelles sources de financement du développement. Liste des options (SEC(2005) 467; avril 2005) ainsi qu'une Communication intitulée «Accélérer les progrès vers la réalisation des OMD. Financement du développement et efficacité de l'aide» (COM(2005) 133 final). Ces documents proposent diverses initiatives et présentent la position des États membres à ce sujet. Bien que les positions ne soient pas favorables, certains États membres ont adopté des positions plus avancées en ce qui concerne les nouvelles sources de financement.

(22)  Voir JO C 112 du 30.4.2004 sur «La cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes».

(23)  Voir à cet égard l'avis en cours d'élaboration au sein du CESE et intitulé «L'action extérieure de l'Union: le rôle de la société civile organisée» (rapporteur: M. Koryfídis – JO C 74 du 23.3.2005).

(24)  Selon les études de différentes institutions internationales, l'impact des réductions des aides à l'exportation sur l'économie des pays en développement est difficile à évaluer et varie en fonction de la situation particulière des différents pays et de la structure de leurs échanges.


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/90


Avis du Comité économique et social européen sur «Le dialogue social et l'implication des travailleurs, clé pour anticiper et gérer les mutations industrielles»

(2006/C 24/17)

Le 1er juillet 2004, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème «Le dialogue social et l'implication des travailleurs, clé pour anticiper et gérer les mutations industrielles».

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 septembre 2005 (rapporteur: M. ZÖHRER).

Lors de sa 420e session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 29 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 138 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Introduction et objectifs

1.1

Les mutations industrielles sont un processus constamment à l'œuvre dans lequel un secteur industriel s'adapte aux transformations de son environnement économique afin de rester compétitif et de créer des opportunités de croissance.

1.2

Les mutations industrielles constituent ainsi une adaptation nécessaire aux transformations des marchés, des technologies, des conditions juridiques, sociales et économiques, ainsi que de la société dans son ensemble. Dans le meilleur des cas, ces transformations sont anticipées ou provoquées sciemment pour que le secteur concerné puisse agir de manière proactive, parvenir à un processus d'adaptation progressif et réduire au maximum les conséquences négatives du processus d'adaptation.

1.3

Une réaction trop tardive ou une absence de réaction aux transformations conduisent à une perte de compétitivité et à une menace pour l'emploi. Des restructurations réalisées seulement en réaction à ce processus ont la plupart du temps des répercussions douloureuses, en particulier sur l'emploi et les conditions de travail. Une mauvaise gestion des restructurations peut conduire à une dégradation de l'image de l'entreprise ou de tout un secteur et créer une atmosphère générale hostile aux restructurations.

1.4

Quelles que soient leurs formes, des mutations industrielles s'effectuent en permanence dans l'économie par un processus qui peut et doit toutefois être géré pour l'essentiel par les parties concernées. Elles ont lieu dans les entreprises et ont des retombées sur tous les acteurs de leur environnement (salariés, employeurs, régions …).

1.5

Le succès de ce processus se mesure d'une part à la compétitivité et à la capacité d'innovation des entreprises ou d'un secteur et d'autre part à la préservation des emplois et à la bonne gestion sociale des retombées négatives.

1.6

Incontestablement, ce succès a le plus de chances d'être atteint si les parties concernées sont impliquées dans la gestion des mutations. Le fait que la gestion des mutations s'effectue à tous les niveaux des secteurs ainsi que des entreprises et non pas seulement au niveau de la direction de l'entreprise n'est pas seulement d'importance pour un processus d'adaptation réussi et consensuel, c'est aussi une condition importante de la compétitivité. Le dialogue social ainsi que l'implication et la participation des salariés sont à cet égard un élément essentiel du modèle social européen.

1.7

Un état des lieux des dernières initiatives de la Commission européenne dans le domaine de la politique industrielle suffit pour se rendre compte qu'elle accorde une grande importance à l'identification de synergies et à l'implication de toutes les parties concernées pour la réussite des mutations structurelles. Ces actions peuvent permettre de rendre les mutations industrielles socialement acceptables si une implication systématique des partenaires sociaux est assurée lors de l'anticipation et de la gestion des mutations, et si l'on poursuit de manière cohérente un double objectif: celui de la compétitivité des entreprises et de la réduction des conséquences sociales négatives.

1.8

Dans son avis consacré aux «mutations industrielles: bilan et perspectives» (1), le Comité a entre autres recommandé que les futurs travaux de la CCMI portent sur les domaines suivants:

«chercher des facteurs communs d'anticipation et de gestion des mutations industrielles et analyser la manière dont l'UE et les États membres peuvent améliorer la compétitivité et la rentabilité des entreprises, en favorisant le dialogue social et une coopération entre tous les acteurs concernés;

chercher des facteurs communs favorables à un développement durable et à un accroissement de la cohésion sociale et territoriale, en vue de dynamiser la stratégie de Lisbonne, et favoriser un cadre et des conditions qui permettent des mutations industrielles compatibles à la fois avec les exigences de compétitivité des entreprises et avec la cohésion économique, sociale et territoriale (2)».

1.9

Pour gérer les mutations avec succès, de nombreuses mesures sont bien sûr nécessaires à différents niveaux. Au niveau communautaire, les mutations doivent être envisagées dans une perspective horizontale et être accompagnées de nombreuses actions (par exemple dans le domaine des conditions macroéconomiques, de la politique sociale et de l'emploi, des instruments d'aide financiers, de la politique industrielle, etc.).

1.10

L'objectif du présent avis consiste à présenter l'importance du dialogue social ainsi que de l'implication et de la participation des salariés en tant que clé de la réussite des mutations industrielles, et de tirer des conclusions pour le futur développement du dialogue social et les actions communautaires à prendre.

2.   La contribution du dialogue social à la gestion des mutations industrielles

2.1

Le dialogue social est pratiqué à différents niveaux avec des acteurs différents selon les niveaux. Chaque niveau, qu'il soit national, régional, européen, de l'entreprise, sectoriel ou plurisectoriel peut apporter une contribution significative à la préparation des mutations et à une gestion de celles-ci qui soit socialement acceptable. Pour pouvoir assurer son rôle, le dialogue social doit cependant remplir certaines conditions préalables et il convient de coordonner les différents niveaux d'action.

2.1.1

Pour anticiper les mutations, les partenaires sociaux doivent développer conjointement des perspectives à long terme. Pour ce faire, il est nécessaire d'instaurer un partenariat solide basé sur la confiance et une culture du dialogue qui permettent en situation de crise la mise au point d'approches à long terme et de solutions consensuelles. L'existence de structures stables représentatives des organisations des partenaires sociaux est une condition essentielle de toute action dans ce domaine.

2.1.2

Pour cette raison, il est également de toute importance de soutenir les nouveaux États membres de l'UE dans l'établissement et le renforcement des structures du dialogue social, afin de surmonter ensemble le défi des mutations industrielles découlant du processus d'intégration.

2.1.3

Pour encourager un état d'esprit positif vis-à-vis des mutations, il faudrait que soit élaborée suffisamment tôt — sur la base d'une culture d'entreprise orientée vers la participation — une conception commune des mutations et des possibilités de gestion dont disposent les partenaires sociaux. Les mutations peuvent parallèlement être préparées à long terme par des mesures comme la formation, des mesures encourageant la polyvalence et l'apprentissage tout au long de la vie. Ces mesures devraient avoir en particulier pour objet d'assurer l'employabilité des travailleurs.

2.2

Dans le cadre d'une consultation organisée par la Commission en janvier 2002, les partenaires sociaux ont examiné la question des restructurations ainsi que de leurs conséquences et de leur gestion. Des procédures éprouvées ont été présentées à l'aide d'exemples de cas concrets. Les partenaires sociaux ont défini à l'issue de cette consultation des «orientations de référence pour la gestion du changement». Le Comité souhaiterait que ces travaux soient poursuivis et concrétisés.

2.3

L'anticipation des mutations exige des connaissances sur leurs causes et leur contexte. Il est donc essentiel que les partenaires sociaux entretiennent un dialogue sur les perspectives de leur secteur et de leur entreprise. L'Observatoire européen du changement créé au sein de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail de Dublin pourrait apporter une contribution importante sur ce point.

2.4

En outre, une grande importance revient aux initiatives sectorielles de l'UE qui, partant d'une analyse de la situation et des perspectives d'un secteur — à travers une longue consultation incluant les partenaires sociaux — élaborent des recommandations concrètes d'actions permettant d'obtenir une certaine compétitivité et de la conserver.

2.5

Le traité CECA a introduit le premier exemple d'un dialogue social sectoriel au niveau européen. Un dialogue social ininterrompu, couplé aux instruments de la CECA (observation constante du marché, programmes de recherche et d'innovation, politique de fixation des prix et politique de la concurrence, mesures d'adaptation pour les travailleurs et les régions), a montré que les mutations industrielles et les restructurations peuvent être gérées d'une manière socialement acceptable. Tous les instruments mis à disposition dans les traités devraient être utilisés, aujourd'hui également, pour accompagner le changement.

2.5.1

Il est souhaitable, également après l'expiration du traité CECA, que cette approche globale soit reprise dans les travaux des dialogues sectoriels actuels de l'UE qui s'exercent dans le cadre des comités pour le dialogue social européen. Ces comités pourraient ainsi non seulement traiter des questions sociales mais aussi faire davantage fonction d'organes consultatifs pour toutes les initiatives européennes influant sur le développement industriel d'un secteur.

3.   L'implication et la participation des salariés et leur importance pour les mutations industrielles

3.1

Les mutations industrielles ont des conséquences sur les salariés, qui peuvent aller de l'introduction de nouvelles exigences en matière de qualifications suite aux innovations technologiques et d'une transformation de l'organisation et des conditions de travail jusqu'à une perte d'emploi. La manière dont les salariés peuvent s'adapter à ce nouvel environnement et le choix des actions à entreprendre sont donc essentiels pour réduire au strict minimum les retombées négatives que les mutations ont sur eux et pour optimiser les répercussions positives. Il est à cet égard essentiel de savoir si les travailleurs ont été informés des changements en temps utile et d'une manière appropriée et sont en mesure de participer à ce processus.

3.2

C'est la seule façon de permettre que les mutations s'effectuent et soient acceptées non pas seulement au niveau de direction de l'entreprise mais aussi en toute connaissance de cause de la part des salariés. Si les mutations industrielles ne peuvent pas être gérées d'une manière socialement acceptable pour les travailleurs, les conflits sont inévitables.

3.3

L'implication et la participation des salariés ainsi que de leurs représentants au sein des entreprises et de leurs syndicats dans la gestion des mutations contribuent donc d'une manière essentielle à rendre celles-ci socialement acceptables, à préserver l'employabilité et à éviter les conflits. Dans l'idéal, il faudrait que les entreprises deviennent des organismes interactifs et proactifs. Cela aurait pour effet de stimuler l'innovation et en fin de compte la compétitivité de l'entreprise.

3.4

Comme les entreprises prennent de plus en plus leurs décisions dans un environnement économique mondialisé et souvent dans des multinationales, les structures transfrontalières de représentation des travailleurs gagnent fortement en importance à côté des possibilités et des instruments nationaux de participation.

3.5

Les comités d'entreprise européens jouent ici un rôle particulièrement important. On dispose déjà de quelques exemples d'accords sur des mesures de restructuration conclus par des entreprises avec des comités d'entreprise européens. Il existe également des exemples d'accords conclus avec des fédérations syndicales européennes. Ces expériences doivent être évaluées positivement puisque c'est justement dans les groupes internationaux qu'une atténuation des retombées sociales sur un site de production risque de se faire au détriment d'un autre site.

3.6

Il faut partir du principe que le dialogue social transnational va continuer à se développer de manière dynamique au niveau des entreprises. Dans ce contexte, le Comité doit toutefois constater que cette évolution n'est pas sans poser problème aux parties prenantes. Pour de tels accords, il manque un cadre juridique fiable qui en réglemente la valeur juridiquement contraignante et qui prenne en compte la légitimation ainsi que les rôles traditionnels des partenaires sociaux, c'est-à-dire des employeurs et des représentants légitimes des travailleurs. De ce point de vue, il faut prendre également en considération la proposition de mise à disposition d'un cadre optionnel pour les négociations collectives transnationales que la Commission a annoncé dans sa communication sur l'Agenda social pour la période 2005-2010.

3.7

Le Comité est conscient du fait que les instruments et structures de participation des travailleurs ne sont pas aussi développés au niveau des petites et moyennes entreprises que dans les entreprises de taille supérieure. Il considère néanmoins qu'en dépit de ces conditions différentes, il est de la première importance pour ces entreprises également de gérer les mutations selon une approche partenariale.

4.   La politique de la Communauté relative aux mutations industrielles

4.1   Règles juridiques

4.1.1

Il existe déjà une série de dispositions communautaires qui ont un rapport direct ou indirect avec les mutations industrielles ou les restructurations et leurs conséquences. Les droits à l'information et à la consultation ainsi que la protection des travailleurs face aux conséquences des restructurations sont réglementés dans différentes directives (comités d'entreprise européens, sociétés anonymes européennes, cadre pour l'information et la consultation au niveau national, insolvabilité de l'employeur, transfert d'entreprise, licenciements collectifs, droits à la consultation dans les procédures en matière de concurrence).

4.1.2

Toutes ces dispositions juridiques se rapportent soit à un cadre très général d'information et de consultation soit ponctuellement à des conséquences particulières des mutations ou des restructurations et sont plus ou moins utilisables indépendamment les unes des autres. Selon le Comité, le droit communautaire doit être évalué, consolidé et, le cas échéant, développé sur cette base, dans le sens d'une anticipation des mutations.

4.2   Politique industrielle

4.2.1

Avec sa communication «Accompagner les mutations industrielles: une politique industrielle pour l'Europe élargie» (3) d'avril 2004, la Commission a fait entrer la politique industrielle dans une nouvelle ère. Le Comité s'est réjoui de l'impulsion stratégique donnée par la Commission dans son avis de décembre 2004. Il faut souligner à nouveau le changement de cap opéré par la Commission qui a permis de replacer la politique industrielle tout à fait en tête de l'agenda européen.

4.2.2

Selon le Comité, il s'agit dorénavant avant tout d'approfondir cette approche sectorielle qui permet de trouver des solutions ajustées à chacun des secteurs. Ce faisant, il ne faut pas se limiter aux secteurs économiques en crise mais il faut également que des analyses soient conduites dans le plus grand nombre possible de secteurs importants pour l'Europe, afin de contrer les mutations en temps utile et de les gérer de manière proactive. Le dialogue social doit jouer ici un rôle essentiel.

4.3   Dialogue social

4.3.1

Le Conseil européen du printemps 2004 a demandé aux États membres d'élaborer des partenariats pour le changement associant les partenaires sociaux, la société civile et les autorités publiques.

4.3.2

En liaison avec cet appel et le bilan à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, la Commission a publié sa communication «Partenariat pour le changement dans une Europe élargie — renforcer la contribution du dialogue social européen» (4).

4.3.3

Cette communication a pour objet de promouvoir la prise de conscience et la compréhension des résultats du dialogue social européen, d'améliorer leur impact et d'encourager la poursuite de ces développements sur la base d'une interaction efficace entre les employeurs et les travailleurs aux différents niveaux.

4.3.4

Dans sa communication, la Commission exige que le dialogue social aboutisse à des résultats concrets. Elle recommande ainsi aux partenaires sociaux de diffuser plus largement les textes élaborés par leurs soins, de les rendre plus transparents et de les formuler dans un style plus efficace (en utilisant par exemple un langage facilement compréhensible), d'assurer un suivi et d'harmoniser les différentes catégories de textes. Dans ce contexte, il convient de mentionner que l'efficacité du dialogue social européen est de plus en plus déterminée par la qualité des relations de travail au niveau national.

4.3.5

La Commission introduit une série de propositions qui doivent renforcer les synergies entre les différents niveaux (européen, national, sectoriel, de l'entreprise), les structures du dialogue social, l'efficacité de ce dernier et les mesures de suivi.

4.3.6

A ce stade, le Comité ne souhaite pas faire davantage de commentaires sur les propositions de la Commission car ce sont d'abord les partenaires sociaux qui doivent s'en charger dans le cadre de l'autonomie dont ils disposent.

4.3.6.1

Il se félicite toutefois de tous les efforts déployés dans le sens d'un renforcement du dialogue social. Cela vaut particulièrement pour le développement du dialogue social dans les nouveaux États membres, où d'importantes lacunes subsistent. Il attire l'attention sur le fait que des efforts importants, en particulier de nature financière, sont nécessaires, par exemple dans le domaine de la formation, de la consolidation des structures et du soutien technique. La proposition de la Commission d'utiliser une partie des ressources des Fonds structurels à cette fin apparaît logique et cohérente dans ce contexte.

Dans les nouveaux États membres, les processus de restructuration conduisent à des suppressions d'emplois considérables et s'accompagnent le plus souvent de la privatisation des entreprises. Un dialogue social opérationnel est indispensable pour négocier les paquets sociaux correspondants en amont de ce processus et pour garantir qu'ils sont applicables juridiquement.

4.3.6.2

Il soutient également la Commission dans son projet d'encourager de nouveaux secteurs à instaurer un dialogue social et à contribuer à la réalisation des objectifs de Lisbonne.

4.4   Restructurations et emploi

4.4.1

L'Agenda social adopté le 9 février 2005 prévoit, tout comme la communication sur la révision de la stratégie de développement durable, que la Commission développe une stratégie de gestion des restructurations en misant sur une amélioration de l'interaction entre les politiques européennes pertinentes, une augmentation de l'implication des partenaires sociaux, une synergie accrue entre les politiques et les leviers financiers et l'adaptation des cadres juridiques et conventionnels.

4.4.2

Dans la communication présentée par la Commission le 31 mars 2005«Restructurations et emploi» (5) sont présentées les actions que l'Union doit développer ou renforcer pour mobiliser le potentiel dont elle dispose. Elle adopte pour cela une perspective aussi bien horizontale que sectorielle et propose des mesures dans différents domaines d'action communautaires.

4.4.3

Le Comité se prononcera sur cette communication dans un avis séparé. Il se félicite en tout cas que la Commission ait choisi une approche globale et transversale. Pour ce qui concerne le présent avis, quelques propositions de la Commission doivent être soulignées.

4.4.3.1

Une attention particulière revient au développement du dialogue social. Le Comité partage le point de vue de la Commission selon lequel les partenaires sociaux peuvent exercer une fonction d'alerte grâce à leur connaissance des secteurs. Cet instrument devrait être efficace dans toutes les situations où les partenaires sociaux considèrent qu'une action est nécessaire et non pas uniquement dans les situations de crise, où les partenaires sociaux diagnostiquent une «évolution inquiétante». Cela permettrait d'être plus en phase avec les exigences d'anticipation et d'accompagnement des processus de restructuration.

4.4.3.2

Le Comité attend avec intérêt la communication annoncée sur la responsabilité sociale des entreprises, qui doit porter en particulier sur des initiatives positives prises par les entreprises en accord avec les parties prenantes dans le cas d'une restructuration. Il s'agit, en plus de continuer à développer les fondements juridiques, de rendre publiques et de promouvoir de bonnes pratiques en matière de gestion des mutations. Le Comité attire en particulier l'attention sur le fait que les entreprises touchées indirectement par les restructurations de certaines entreprises (comme les acteurs sous-traitants, les prestataires de services, etc.) doivent également être prises en compte dans ces processus.

4.4.3.3

En outre, le Comité se félicite de la création d'un forum «Restructurations», qui aura pour mission d'assurer le suivi des évolutions dans ce domaine et d'encourager la coordination des différentes initiatives. En plus de la Commission, d'autres organismes européens ainsi que les partenaires sociaux et des représentants des milieux scientifiques sont impliqués dans ce forum. Cela s'inscrit dans le droit fil de l'approche transversale préconisée dans la communication. Le Comité est satisfait de collaborer à ce forum, auquel il offrira son expertise.

4.4.3.4

La Commission prévoit de plus une seconde phase de consultation des partenaires sociaux sur les thèmes des restructurations d'entreprises et des comités d'entreprise européens. Comme on l'a déjà mentionné dans les paragraphes 2.2, 3.5 et 3.6, le Comité considère qu'il est nécessaire d'agir dans ces domaines.

5.   Conclusions

5.1

Gérer les mutations industrielles avec succès, en préservant et en rétablissant la compétitivité des entreprises et des secteurs constitue un défi déterminant pour l'Europe et contribue largement à la réalisation des objectifs de Lisbonne.

La réussite de ce processus de transformation ne se mesure pas seulement à l'aune de la compétitivité d'une entreprise ou d'un secteur, mais aussi à celle de la préservation des emplois et à la bonne gestion sociale des retombées négatives.

5.2

Outre de nombreuses mesures à plusieurs niveaux, le dialogue social, l'implication et la participation des salariés jouent un rôle clé dans la réussite de la gestion des mutations industrielles.

5.3

Le dialogue social doit s'appuyer sur un partenariat solide basé sur la confiance et sur une culture du dialogue et présenter des structures représentatives stables. Le Comité se félicite de tous les efforts qui vont dans le sens d'un renforcement du dialogue social. Cela vaut particulièrement pour le développement du dialogue social dans les nouveaux États membres, où d'importantes lacunes subsistent.

5.4

Les instruments analytiques à la disposition des partenaires sociaux doivent être renforcés. L'Observatoire européen du changement créé au sein de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail de Dublin pourrait apporter une contribution importante sur ce point.

5.5

En outre, une grande importance revient aux initiatives sectorielles de l'UE qui, partant d'une analyse de la situation et des perspectives d'un secteur, à travers une large consultation incluant les partenaires sociaux, élaborent des recommandations concrètes d'actions pour l'obtention et le maintien d'une certaine compétitivité. Le Comité soutient dès lors le projet de la Commission d'encourager de nouveaux secteurs à instaurer un dialogue social et à contribuer à réaliser les objectifs de Lisbonne.

5.5.1

Il ne faut toutefois pas se limiter dans ce contexte aux secteurs économiques en crise mais il faut également que des analyses soient conduites dans le plus grand nombre possible de secteurs importants pour l'Europe, afin de contrer les mutations en temps utile et de les gérer de manière proactive.

5.6

L'implication et la participation des salariés ainsi que de leurs représentants au sein des entreprises et de leurs syndicats contribuent d'une manière essentielle à rendre les mutations socialement acceptables et à les aménager au niveau de l'entreprise. Cela a entre autres pour effet de stimuler l'innovation et en fin de compte aussi la compétitivité des entreprises.

5.7

Les comités d'entreprises européens jouent un rôle spécifique dans ce contexte. Il faut partir du principe que le dialogue social transnational va continuer à se développer de manière dynamique au niveau des entreprises. Dans ce contexte, le Comité doit toutefois constater que cette évolution n'est pas sans poser problème aux parties prenantes, comme le montrent les accords sur des mesures de restructuration conclus par des entreprises avec des comités d'entreprise européens ou des fédérations syndicales européennes. De ce point de vue, il faut également prendre en considération la proposition de mise à disposition d'un cadre optionnel pour les négociations collectives transnationales que la Commission a annoncé dans sa communication sur l'Agenda social pour la période 2005-2010.

5.8

Le Comité se félicite de l'approche globale et transversale que la Commission a choisi dans sa communication présentée le 31 mars 2005«Restructurations et emploi» (6). Une attention particulière revient au développement du dialogue social sectoriel qui peut contribuer grandement à l'anticipation et à l'accompagnement des processus de restructuration.

5.8.1

Le Comité attend avec intérêt la communication annoncée sur la responsabilité sociale des entreprises.

5.8.2

Le Comité est satisfait de collaborer au forum sur les restructurations, auquel il offrira son expertise.

Bruxelles, le 29 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Rapporteur: M. Van Iersel, corapporteur: M. Varea Nieto.

(2)  Ibidem, paragraphe 1.7.

(3)  COM(2004) 274 final, 20.04.2004.

(4)  COM(2004) 557 final.

(5)  COM(2005) 120 final.

(6)  COM(2005) 120 final.


31.1.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/95


Avis du Comité économique et social européen sur «La pauvreté des femmes en Europe»

(2006/C 24/18)

Le 28 avril 2005, le Parlement européen a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur «La pauvreté des femmes en Europe».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 5 septembre 2005 (rapporteuse: Mme KING).

Lors de sa 420ème session plénière des 28 et 29 septembre 2005 (séance du 29 septembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 79 voix pour, aucune voix contre et deux abstentions.

1.   CONTEXTE

1.1   Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté

L'assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 17 octobre Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté afin de sensibiliser l'opinion publique sur la nécessité d'éradiquer la pauvreté et la misère dans tous les pays.

1.2   Les femmes et la pauvreté dans l'Union européenne

Dans la perspective de cette journée, le Comité des régions, le CESE et le Parlement européen travaillent chacun à l'élaboration d'un document sur Les femmes et la pauvreté dans l'Union européenne, afin de contribuer au large débat sur la nature de la pauvreté dans l'UE aujourd'hui. Bien que les approches de ces différents documents diffèrent, il y a lieu de noter le degré élevé de coordination entre ces institutions européennes.

1.3   Définition du risque de pauvreté

Le risque de pauvreté est défini en termes de pourcentage de personnes ayant un revenu équivalent disponible inférieur à 60 % du revenu national moyen. Le revenu est défini comme le revenu total disponible du ménage, divisé et attribué à chaque membre de ce dernier.

1.4   Stratégie européenne en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale

En 2000, les États membres sont convenus d'établir une stratégie européenne en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (2000) fondée sur la méthode ouverte de la coordination. Cette stratégie fixe des objectifs communs et prévoit l'obligation pour chaque État membre de présenter un plan d'action national biennal conformément à ces objectifs. Les indicateurs portent sur quatre dimensions de l'inclusion sociale, à savoir la pauvreté, l'emploi, la santé et l'éducation. L'égalité entre hommes et femmes ne figure pas parmi les principaux objectifs de cette stratégie européenne.

En 1999, le Conseil a adopté une stratégie concertée de modernisation de la protection sociale. La protection sociale est l'un des principaux instruments pour combattre la pauvreté et l'exclusion sociale dans les États membres de l'UE. La stratégie s'articule autour de trois thèmes, à savoir l'inclusion sociale, la réforme du système des pensions et du système de soins. L'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas incluse.

Au vu des résultats des référendums récents sur la Constitution européenne, la présidence britannique a annoncé pour le mois d'octobre 2005 une communication sur les systèmes de protection sociale.

1.5   Cadre juridique

Bien que la plupart des politiques en matière de pauvreté et d'exclusion sociale relèvent de la compétence des États membres, les articles 136 et 137 du traité d'Amsterdam confèrent à l'Union un rôle actif pour appuyer et compléter les initiatives des États membres en matière de lutte contre l'exclusion sociale.

L'article 13 du traité octroie à l'UE la compétence pour prendre les mesures nécessaires, y compris législatives, en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

1.6   Niveau de pauvreté dans l'UE

En 2001, le nombre de personnes touchées par la pauvreté en termes de revenu relatif était très important, puisque plus de 55 millions d'individus, soit 15 % de la population européenne, étaient vulnérables au risque de pauvreté. (1) Plus de la moitié d'entre eux subsistaient de manière durable avec un revenu relatif faible. Cette proportion masque des différences considérables entre les États membres, la part de la population exposée au risque de pauvreté variant de 9 % en Suède à 21 % en Irlande. D'une manière générale, les femmes sont beaucoup plus fortement touchées.

1.7   Niveau d'exclusion sociale

Plus une personne est amenée à vivre longtemps avec un revenu faible, plus elle risque de tomber dans le dénuement et d'être exclue de l'activité sociale, culturelle et économique. Dans tous les pays membres, la moitié ou plus des personnes exposées au risque de pauvreté en 2001 ont vécu pendant une durée prolongée avec un revenu faible, ce qui signifie que leur revenu moyen se situait en dessous du seuil des 60 % du revenu médian pendant l'année en cours et au moins deux des trois années précédentes, autrement dit 1998, 1999 et 2000. En moyenne, les personnes touchées par la pauvreté persistante ont représenté 9 % de la population de l'UE en 2001. Là encore, les femmes sont beaucoup plus fortement touchées.

1.8   Le contexte démographique et sociétal de l'UE

La population européenne en âge de travailler devant entrer bientôt dans une période de déclin après un siècle de croissance, le paysage démographique communautaire va connaître une modification spectaculaire. Les personnes âgées de 65 ans et plus représentent actuellement 16 % de la population totale contre 17 % pour les moins de 15 ans: étant donné que l'espérance de vie augmente par ailleurs, on prévoit que, sur les 15 prochaines années, le nombre d'Européens âgés de plus de 80 ans progressera de près de 50 % (2).

Par ailleurs, on relève des évolutions dans le développement de la structure des ménages. Les mariages sont plus rares et interviennent plus tard, tandis que le nombre de séparations augmente et que la proportion de couples avec enfants diminue. Ces évolutions ont conduit à la diminution de la taille des ménages dans toutes les tranches d'âge. Gary Becker, prix Nobel d'économie, et son collègue, le juge Richard POSNER, affirment que ces changements peuvent largement s'expliquer en termes économiques (3). En effet, expliquent-ils, l'indépendance financière accrue que les femmes ont acquise par l'accès à l'emploi a entraîné le glissement du «mariage patriarcal», où l'homme assure les revenus du ménage et la femme est dépendante vers un «mariage fondé sur le partenariat». On constate également une augmentation du coût d'opportunité de la maternité: en effet, plus le revenu et le statut professionnel d'une femme sont élevés, plus elle est perdante en termes d'opportunités de carrière et de progression de salaire si elle quitte le marché de l'emploi, à titre temporaire ou définitif pour avoir des enfants.

L'autre grand changement est l'augmentation spectaculaire du nombre d'enfants vivant avec un seul adulte. En 2000, 10 % des enfants âgés de 0 à 14 ans vivaient avec un seul adulte, contre 6 % en 1990. C'est le résultat de l'augmentation du nombre de séparations maritales, de ruptures et de grossesses non planifiée.

2.   OBSERVATIONS GÉNÉRALES

2.1

Le CESE se félicite de l'occasion qui lui est donnée de présenter son point de vue sur la question. Il estime néanmoins qu'il aurait été préférable d'aborder la question sous l'angle du genre et de la pauvreté plutôt que sous celui des femmes et de la pauvreté afin de mettre en lumière la relation et les différences qui existent entre les femmes et les hommes concernant les causes de la pauvreté.

Le Comité recommande vivement à la Commission de revoir la définition actuelle de la pauvreté qui met uniquement l'accent sur les causes manifestes de la pauvreté et sous-estime le niveau de pauvreté des femmes et son impact. L'actuelle définition part du principe que les revenus du ménage sont répartis équitablement au sein d'une famille, alors que la pauvreté est une expérience individuelle et devrait donc être analysée sous cet angle si l'on cherche à comprendre la dimension de genre.

2.2

Le CESE se félicite que la présidence britannique ait annoncé son intention de relancer le débat sur les systèmes de protection sociale et recommande vivement la réalisation d'une étude d'impact de genre pour garantir que ces systèmes tiennent compte des besoins des femmes et des hommes. On part de l'hypothèse implicite que les femmes peuvent compter sur les revenus de l'homme. Or cette hypothèse, très éloignée de la réalité de la société contemporaine, est précisément l'un des facteurs clés du risque accru de pauvreté encouru par les femmes.

3.   OBSERVATIONS SPÉCIFIQUES

3.1   L'incidence du risque de pauvreté

Les femmes sont généralement plus exposées au risque de vivre dans un ménage pauvre. Ainsi, en 2001, 16 % de la population féminine adulte (dès l'âge de 16 ans) disposait d'un revenu inférieur au seuil de pauvreté, contre 14 % des hommes de la même tranche d'âge. (4) Cette répartition se retrouve invariablement dans tous les États membres. Le risque de pauvreté le plus élevé (35 % en moyenne pour l'Union européenne), affecte les familles monoparentales, lesquelles ont une femme à leur tête dans 85 % des cas. Les familles dont le chef de famille est une femme âgée de moins de 18 ans sont particulièrement vulnérables à la pauvreté.

Le risque de pauvreté pour les personnes âgées de 65 ans et plus atteint un taux élevé en termes relatifs. Cette catégorie est composée pour deux tiers de femmes. Les femmes célibataires à la retraite, en particulier au-delà de 80 ans ou sans pension connaissent un taux de pauvreté nettement plus élevé. L'une des principales raisons en est que plus les retraités sont âgés plus leurs dépenses sont élevées car liées à la progression des coûts de santé, tributaires des éventuels handicaps et besoins en mobilité.

Les recherches montrent que les femmes victimes de discriminations multiples (les femmes âgées, les femmes appartenant à des minorités ethniques ou des groupes immigrés, les femmes handicapées, les femmes homosexuelles, etc.) sont plus exposées au risque d'exclusion sociale et de pauvreté.

3.2   La pauvreté et l'exclusion sociale des femmes sous l'angle du marché de l'emploi

L'emploi est considéré comme un facteur clé de l'inclusion sociale; c'est aussi le moyen le plus efficace pour sortir de la pauvreté, non seulement parce qu'il procure un revenu mais aussi parce qu'il est susceptible d'encourager la participation sociale et le développement personnel. C'est ce que reflètent les objectifs de la stratégie de Lisbonne qui visent à faire de l'Europe en 2010 «l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale». Pour atteindre ces objectifs, la participation des femmes au marché du travail est nécessaire et essentielle; aussi, a-t-on fixé un objectif concret à atteindre d'ici 2010: un taux d'emploi féminin de 60 %. Bien que le taux de participation des femmes au marché de l'emploi se rapproche désormais de celui des hommes, les femmes ayant un emploi rémunéré ne sont pas pour autant prémunies contre tout risque de pauvreté. Ceci est lié au fait que la participation des femmes au marché de l'emploi connaît d'importantes difficultés telles que le taux de chômage élevé des femmes dans l'UE à 25 (5) ainsi que la difficulté à concilier les responsabilités professionnelles et familiales, les tendances à la ségrégation et à la sectorisation de l'emploi des femmes, la prévalence des différentes formes d'emploi précaire assorti d'une protection sociale limitée et l'inégalité de rémunération entre les hommes et les femmes dans tous les pays européens.

3.2.1   L'inégalité de rémunération

Au sein de l'Union européenne aujourd'hui, trente ans après la directive de 1975 sur l'égalité des rémunérations, les femmes gagnent aujourd'hui en moyenne européenne à peine 85 % du salaire horaire de leurs homologues masculins (6). Dans de nombreux pays, cet écart est bien plus important et ce pourcentage peut descendre jusqu'à 77 %. Le CESE rejoint l'indignation de la commission FEMM du PE face à l'existence de ce fossé et rejoint la recommandation de cette dernière selon laquelle le Conseil et la Commission doivent prendre les mesures adéquates pour «mettre un terme à cette iniquité».

3.2.1.1   Coût d'opportunité de la maternité

De nombreuses études attribuent ce coût à la maternité et au temps disproportionnellement plus élevé que les femmes consacrent à leurs enfants par rapport aux hommes. La plupart des femmes interrompent leur vie active au moins pendant une partie de leur vie. En revanche, le modèle masculin est en général une carrière continue à temps plein et ce depuis la fin d'études jusqu'à la retraite. Or une interruption de carrière peut avoir des effets négatifs sur les revenus. En effet, lorsqu'une femme quitte provisoirement le marché de l'emploi pour prendre en charge un enfant, elle peut ultérieurement être confrontée à un emploi moins stable, moins d'expérience accumulée et moins d'accès à la formation. En effet, les augmentations salariales sont souvent accordées à ceux qui ne connaissent pas d'interruption de carrière pendant plusieurs années. Partant, plus l'interruption est longue, plus la pénalité financière est élevée.

3.2.2   Niveau d'éducation de la mère

Les interruptions de longue durée pour prise en charge d'enfants sont plus fréquentes chez les femmes à faible qualification scolaire. Si les mères diplômées ont réduit leur période d'absence du marché de l'emploi, le comportement des femmes sans qualification n'a en revanche pas changé. Ces dernières sont en effet plus susceptibles de quitter le marché de l'emploi jusqu'à ce que leurs enfants entrent à l'école; tandis que les femmes diplômées auront plus tendance à prendre un congé de maternité et à rémunérer ensuite quelqu'un pour garder leurs enfants.

Par conséquent, les femmes à faible qualification scolaire (dont le potentiel de revenus est aussi le plus bas avant la maternité), plus susceptibles d'interrompre à long terme leur emploi, sont les plus lourdement pénalisées financièrement.

3.2.3   Familles monoparentales

Comme mentionné au paragraphe 1.8, le nombre de parents isolés a augmenté et les données montrent qu'ils sont particulièrement exposés au risque de pauvreté. Étant donné que 85 % des parents isolés sont des femmes, ce risque de pauvreté est sexospécifique. Il est, par ailleurs, largement lié à une faible participation au marché de l'emploi: à peine 50 pour cent des mères célibataires travaillent contre 68 pour cent des femmes mariées. (7) Si le taux d'emploi des femmes avec enfants est en progression, il est en revanche resté quasiment inchangé pour les mères célibataires.

Des études montrent que l'absence de possibilités abordables de garde d'enfants ne constituent pas le seul obstacle au travail de parents isolés. On peut également citer les facteurs suivants:

Les parents isolés sans travail sont généralement dépourvus de qualifications exploitables sur le marché du travail. (8) Moins ils ont de qualifications, et moins ils ont de chances de retrouver un emploi. Leurs chances de rester sur le marché du travail dépendent pour une large part des possibilités de formation continue disponibles et financièrement à leur portée durant la période pendant laquelle ils ne travaillent pas afin de s'occuper de leurs enfants.

Les parents isolés ont tendance à se concentrer dans les zones géographiques où la demande d'emploi est faible.

Les parents isolés sans travail sont plus susceptibles d'avoir une santé fragile ou d'avoir un enfant ou un parent malade ou handicapé à la maison, ce qui restreint ses opportunités de travail (c'est le cas d'un parent isolé sans travail sur dix).

Les parents isolés traversant des situations difficiles sont plus susceptibles de voir leur moral affecté, ce qui peut constituer un obstacle pour le travail.

Par ailleurs, beaucoup de parents isolés doivent le plus souvent s'occuper eux-mêmes de leurs enfants et recherchent donc des emplois dont les horaires leur permettent de passer le plus de temps possible avec leurs enfants, et concilier cette obligation avec une activité professionnelle. Bon nombre d'entre eux sont dès lors contraints de se rabattre sur des emplois précaires, moins protégés et mal payés.

3.2.3.1   Parents adolescents

Les jeunes femmes chefs de ménage ayant moins de 18 ans sont particulièrement exposées au risque de pauvreté. Dans l'UE, 6 % des jeunes femmes ont un enfant avant 18 ans accomplis, mais ce pourcentage varie, de 3 % en Italie, aux Pays-Bas, en Espagne et en Suède, à 12 % en Hongrie et en Slovaquie et 13 % au Royaume-Uni (9).

Les parents adolescents sont plus susceptibles que les autres de connaître la pauvreté et le chômage; ils éprouvent des difficultés à y échapper, faute de formation et pour d'autres raisons exposées plus haut. C'est ainsi que dans l'Europe des quinze, 45 % des mères adolescentes vivent dans un ménage dont le revenu se situe dans les 20 % les plus bas, contre seulement 21 % dans le cas des femmes qui ont eu leur premier enfant entre 20 et 30 ans. Quelque 90 % des parents adolescents émargent à l'aide sociale. Les mères adolescentes sont par ailleurs plus susceptibles que les autres mères isolées d'avoir les prestations sociales pour unique source de revenus et ce, pour des périodes comparativement plus longues

Les États membres ont accordé la priorité à la diminution de l'incidence de la parentalité adolescente, afin de diminuer l'exposition à la pauvreté et à sa transmission intergénérationnelle. La problématique des voies à suivre pour réduire la natalité adolescente a suscité d'abondants débats, les solutions préconisées dessinant un large éventail allant de plus d'éducation sexuelle à moins d'éducation sexuelle, de l'éducation à l'abstinence à la distribution gratuite de moyens de contraception dans les écoles, et de la mise à disposition de pilules du lendemain au réexamen des prestations sociales dans l'optique d'encourager les parents adolescents à cohabiter ou à se marier.

Les quatre États membres qui connaissent le taux de natalité adolescente le plus bas pourraient servir de modèles aux autres États membres lorsqu'ils s'attaquent à ce problème.

3.2.4   Les travailleurs pauvres

L'augmentation de la participation des femmes au marché du travail est une des conséquences de l'augmentation des formes de travail atypiques, dont le travail à mi-temps, à horaires flexibles, posté et à durée déterminée. En moyenne 27 % des femmes travaillent à mi-temps, contre à peine 4 % des hommes (10). En réalité, l'écart salarial entre hommes et femmes est plus important pour un mi-temps que pour un temps plein: en effet, le salaire horaire moyen d'une femme à mi-temps est d'environ 60 % du salaire horaire moyen d'un homme à temps plein et de 82 % du salaire horaire moyen d'une femme à temps plein.

Les femmes ayant un faible niveau d'éducation, faisant un travail non déclaré, issues de communautés minoritaires ou migrantes, ayant un statut précaire ou pas de statut légal indépendant sont particulièrement exposées au risque de pauvreté dans la mesure où elles ont souvent des emplois peu rémunérateurs, un statut précaire et pas de sécurité d'emploi. Les recherches montrent que dans des cas extrêmes, ces femmes sont confrontées au risque de trafic, de prostitution et de violence.

3.2.5   Le travail non rémunéré

Le travail que les femmes effectuent au sein du foyer demeure non rémunéré. Les courses, la charge d'enfants et de parents âgés sont toujours perçues comme des activités inhérentes aux responsabilités des femmes, même lorsqu'elles occupent un emploi rémunéré, les hommes se chargeant de moins de 40 % de l'ensemble des tâches ménagères et de seulement 25 à 35 % des soins prodigués aux enfants (11). Ce travail non rémunéré n'est pas systématiquement repris dans les statistiques nationales et passe donc inaperçu aux yeux des décideurs politiques.

Il faut souligner que la conciliation des responsabilités familiales et professionnelles constitue un véritable défi pour les femmes et les hommes. Le taux d'emploi des femmes ayant des enfants de moins de 12 ans est plus de 15 % inférieur à celui des femmes sans enfants, à savoir de 60 % contre 75 %. Quant aux hommes ayant des enfants de moins de 12 ans, leur taux d'emploi est de 91 %, soit de cinq points supérieur à celui des hommes sans enfants.

3.2.6   Le chômage de longue durée

Le chômage de longue durée est très étroitement lié à la détresse sociale, car les personnes sans emploi depuis longtemps ont tendance à perdre les compétences et l'estime de soi indispensables pour reprendre pied sur le marché du travail, sauf si une assistance adaptée leur est apportée en temps utile. D'une façon générale, les taux de chômage de longue durée dans l'UE sont plus élevés chez les femmes (4,5 %) que chez les hommes (3,6 %) (12). Pourtant, ce sont les hommes qui ont tendance à profiter des programmes visant à remettre les chômeurs de longue durée dans le circuit du travail rémunéré, tandis que les femmes se voient proposer des formations plus limitées et des emplois qui sont connotés comme professions féminines et, dès lors, moins bien payés.

3.2.7   Pensions

3.2.7.1

Les désavantages que les femmes rencontrent sur le marché du travail et l'écart salarial qui en résulte sont également valables pour la retraite. Ceci est dû au fait que le modèle de retraite de bon nombre d'États membres a été conçu dans une perspective masculine, discriminatoire pour les femmes, dans la mesure où il arrive souvent que ces dernières interrompent leur activité professionnelle, occupent des postes atypiques ou connaissent des périodes de travail non rémunéré. En conséquence, nombre d'entre elles sont désavantagées concernant les droits et l'épargne nécessaire pour garantir la sécurité de leurs vieux jours. Deux tiers des retraités sont des femmes et leur revenu moyen équivaut à 53 % de celui des hommes, cette différence pouvant avoir des conséquences sur leur santé, leur logement et leur qualité de vie. Les femmes représentent 75 % des retraités percevant une aide sociale au revenu. Il résulte de cette approche que les femmes âgées, y compris les veuves et les divorcées, grossissent les rangs des retraités les plus pauvres. Vu les effets que le vieillissement de la population européenne produira à long terme pour la société, cette tendance ne fera que s'accentuer à moins que l'on s'attaque au problème.

Dans un précédent avis (13) le CESE recommande d'adapter les régimes de retraite pour assurer l'égalité entre les femmes et les hommes, l'objectif à long terme étant l'individualisation des retraites. Un peu plus loin dans cet avis, le CESE recommande des échanges d'expérience entre États membres pour éviter que certaines femmes, notamment celles qui ont pratiqué des interruptions de carrière, ne perçoivent des retraites insuffisantes.

Dans ce même avis, le Comité constate que certains États membres assurent un soutien aux personnes âgées sous d'autres formes que la pension. Il s'agit notamment de dispositifs tels que des avantages fiscaux, la gratuité de l'électricité, la gratuité ou des tarifs réduits dans les transports en commun, des abattements fiscaux liés au loyer. Cette recommandation nous semble bienvenue dans la mesure où les femmes sont plus susceptibles de vivre longtemps (en raison de leur longévité plus importante) et seules (puisqu'elles vivent plus longtemps que leur partenaire) que les hommes et sont, partant, plus susceptibles d'être confrontées aux problèmes des retraités plus âgés. Généralement, les revenus des retraités plus âgés provenant de leur pension et de leurs investissements sont inférieurs alors qu'ils doivent faire face à des dépenses accrues en raison d'un handicap, de besoins de mobilité et de la dépréciation de leurs actifs.

3.2.7.2

Les femmes qui occupent des postes atypiques, y compris celles issues de minorités ou immigrées en séjour régulier ou sans papiers sont encore plus désavantagées en ce qu'elles sont moins susceptibles de bénéficier d'un régime de retraite professionnelle. Étant donné que les hommes ont des revenus supérieurs aux femmes durant leur vie active, leur pension finale sera plus importante. En outre, par le passé, les actifs de régimes de retraite ont été liés au salaire principal du foyer, c'est-à-dire à la personne ayant accumulé ce patrimoine, généralement l'homme. Compte tenu de l'augmentation du taux de divorce, ce système a été remis en question, car il désavantage la femme en cas de rupture de la relation. D'ailleurs, plusieurs États membres ont pris des mesures législatives permettant aux tribunaux de répartir les actifs au moment du divorce de la manière qu'ils jugent appropriée.

3.3   La pauvreté et l'exclusion sociale des femmes sous l'angle de l'éducation

3.3.1

Les qualifications déterminent le choix d'une profession et l'entrée sur le marché du travail. Cette règle est particulièrement vraie pour les femmes, comme en attestent d'ailleurs les données. Les femmes plus qualifiées, en l'occurrence celles qui ont atteint les niveaux 5 et 6 de la classification internationale type de l'éducation (CITE) ont plus souvent un emploi que celles qui le sont moins, c'est-à-dire celles disposant d'un niveau de qualifications CITE inférieur à 2). (14) Dans l'UE à 25, 49 % seulement des femmes moins qualifiées âgées de 20 à 49 ans travaillent, contre 84 % de celles qui sont plus qualifiées. Il convient de remarquer que cet écart qui atteint 30 % pour la population féminine, ne se monte qu'à 10 % dans le cas des hommes (83 % contre 93 %). Les femmes plus qualifiées continuent généralement de travailler lorsqu'elles ont des enfants. Dans l'UE à 25, le taux d'activité pour ces deux catégories de femmes est de 88 % contre 57 % lorsqu'elles n'ont pas d'enfants, de 80 % contre 43 % lorsqu'elles en ont un ou deux, et de 63 % contre 22 % pour trois enfants ou plus.

3.3.2

Les programmes scolaires encouragent le choix d'orientations fortement influencées par le sexe de l'élève: encadrées par des enseignants et des conseillers en orientation professionnelle n'ayant pas reçu la formation voulue pour prendre en compte les questions d'égalité entre les hommes et les femmes et en reconnaître l'importance, les filles opteront pour des matières et des professions associées à de faibles rémunérations. Ce risque de ségrégation guette surtout les filles vivant dans des familles plus vulnérables à la pauvreté (15). La présence de ce groupe dans les emplois précaires en raison d'un faible niveau d'études est démesurément élevée. Le travail manuel à temps partiel est la catégorie d'emplois la plus défavorisée pour les femmes, plus encore que d'autres emplois à temps partiel et que d'autres emplois manuels à temps plein, car les femmes qui occupent ces postes ont un niveau d'éducation très bas. Par ailleurs, les alternatives au choix de la profession sont très limitées pour ces femmes en raison de l'interaction entre la pauvreté et le genre tout au long de leur carrière professionnelle qui a une incidence non seulement sur leur vie active et leur pension mais peut également être à l'origine d'un cycle de pauvreté intergénérationnelle.

3.3.3

Le CESE se félicite que les objectifs de la stratégie de Lisbonne accordent la priorité à l'emploi, notamment des femmes; toutefois, il attire l'attention sur le fait que cela ne suffit pas pour les femmes vulnérables à la pauvreté. Les États membres ont l'opportunité de travailler de concert avec la société civile et les ONG, notamment celles qui travaillent dans le domaine de l'égalité des opportunités entre hommes et femmes et l'éradication de la pauvreté, pour mettre un terme à la pauvreté tout au long de la vie et intergénérationnelle en s'attaquant aux clichés qui conditionnent les choix de carrière des filles et des garçons dans les établissements scolaires et en mettant sur pied des cours pour adultes efficaces qui soient accessibles, permettent d'acquérir des qualifications exploitables et répondent aux besoins de ces femmes.

3.4   La pauvreté et l'exclusion sociale des femmes sous l'angle de la justice pénale

3.4.1

Les femmes sont minoritaires parmi les personnes accusées ou déclarées coupables d'infractions pénales. Elles ne représentent qu'un cinquième environ des délinquants connus et seulement 6 % de la population carcérale. Durant la dernière décennie, les détenues sont cependant devenues nettement plus nombreuses sans qu'il ait été constaté de hausse équivalente en ce qui concerne les auteurs féminins de délits (16). Dans la plupart des cas, ces femmes sont en prison pour des infractions non violentes et y séjournent moins d'un an. Près d'un quart d'entre elles sont en détention préventive et n'ont donc pas encore été déclarées coupables d'infraction.

3.4.2

La même recherche indique qu'un pourcentage élevé de femmes incarcérées n'avaient pas de sécurité financière avant leur détention, n'ayant jamais travaillé ou ayant exercé des emplois peu rémunérateurs et précaires, avaient un logement insalubre et un faible niveau d'études et avaient souvent été, de surcroît, victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de membres de leurs famille ou d'agresseurs masculins ne faisant pas partie de la famille. Par conséquent, leur détention ne fait qu'exclure davantage des femmes souffrant déjà de l'exclusion sociale.

3.4.3

Si l'on en croit les études de cas menées dans certains États membres couverts par la recherche, la brusque augmentation du nombre de détenues pourrait s'expliquer par le fait que les femmes sont souvent incarcérées du fait qu'elles sont déjà socialement exclues (sans domicile fixe, au chômage, toxicomanes); en d'autres termes, les juges et magistrats considèrent qu'en raison de leur exclusion sociale, ces femmes sont plus vulnérables au risque de commettre un crime à l'avenir. Les magistrats estiment que grâce aux mesures et programmes de réinsertion, la prison permet de réduire et réduit dans les faits les risques de récidive délinquante (ou toxicomane) de ces femmes à leur sortie de prison.

3.4.4

Or la recherche révèle que la réinsertion et la réintégration de femmes incarcérées est impossible en raison de leur bagage professionnel et éducatif très médiocre, des proportions élevées (50 % en Angleterre et au pays de Galles) (17) de femmes atteintes de maladie mentale au sein de la population carcérale féminine et de la durée relativement courte des peines dont elles écopent pour la plupart. Le rôle de la prison en tant qu'instrument de réinsertion est matière à controverse mais quand bien même ce serait le cas, on voit difficilement, ce dont attestent d'ailleurs les conclusions de la recherche, comment la prison pourrait offrir à la majorité des détenues une formation efficace, un programme de réinsertion durable de toxicomanes, un soutien psychologique ou des qualifications exploitables sur le marché de l'emploi à leur sortie de prison.

3.4.5

La prison a essentiellement un rôle punitif. Or la recherche précitée montre qu'un séjour en prison a pour effet d'exclure socialement les femmes qui ne l'étaient pas avant leur incarcération et de renforcer l'exclusion de celles qui l'étaient déjà. La prison a des conséquences plus graves pour les femmes que pour les hommes en ce qui concerne les préjudices subis par les enfants dont la mère est en prison. Par exemple, au Royaume-Uni, 25 % des femmes détenues affirment que le père des enfants, leur mari ou leur partenaire pris en charge leurs enfants. Dans le cas des hommes détenus, le pourcentage des cas où les femmes ont pris en charge les enfants s'élève à 92 %. Ceci l'emporte largement sur tout avantage prétendu en termes de justice criminelle, de dissuasion ou de diminution du risque.

3.4.6

Les femmes étrangères et de groupes minoritaires sont victimes d'une double discrimination qui se traduit par une surreprésentation dans les cas traités par la justice pénale.

3.4.7

Le CESE souscrit aux recommandations du rapport selon lesquelles il faudrait prendre des mesures pour réduire drastiquement le nombre de femmes détenues, surtout si l'on considère qu'un grand nombre d'entre elles sont en détention préventive et n'ont pas encore été déclarées coupables d'infraction ou que, s'il y a eu infraction, elle est non violente. Certains États membres ont introduit des alternatives moins préjudiciables que la prison et constatent que grâce à des soins et un soutien appropriés, des femmes délinquantes ayant de nombreux problèmes peuvent se réinsérer dans la communauté.

3.5   La lutte contre le trafic des femmes et des enfants

Le trafic des femmes et des enfants est la conséquence d'une inégalité des sexes structurée et constitue une forme de violence. Les trafiquants profitent de la pauvreté et leurs victimes souffrent de ses nombreux aspects qui conduisent au travail forcé, à l'esclavage sexuel, aux problèmes de santé physique et mentale ou à l'exclusion sociale entre autres. Les stratégies préventives des pays d'origine doivent se traduire par des stratégies de réduction de la pauvreté et de développement social accordant une attention particulière aux opportunités économiques pour les femmes. Les stratégies de prévention à long terme doivent s'attaquer aux causes principales du trafic, c'est-à-dire la pauvreté, la discrimination, le racisme, les structures patriarcales, la violence contre les femmes, les fondamentalismes, l'inégalité entre les sexes, l'absence de réseaux de protection sociale, le blanchiment d'argent, la corruption, l'instabilité politique, les conflits et les zones hors de contrôle, les barrières et les disparités entre les pays. Tous les gouvernements doivent prévoir des dispositions qui reconnaissent l'inégalité des rapports de force entre les hommes et les femmes et adopter des mesures positives favorisant l'émancipation des femmes dans tous les domaines de la vie.

4.   RECOMMANDATIONS

4.1

Le CESE salue le rapport conjoint de la Commission et du Conseil sur l'inclusion sociale du 5 mars 2004. Il souscrit aux six grandes priorités politiques contenues dans ce rapport auxquelles les États membres sont invités à accorder une attention particulière dans le cadre des différents plans d'action nationaux (voir annexe). Le Comité attire toutefois l'attention sur l'omission flagrante dans ce document de la détermination et du suivi d'indicateurs comparatifs par sexe. Il recommande vigoureusement que ces derniers soient inclus dans les plans, étant donné les différences considérables entre hommes et femmes eu égard à la pauvreté. Si l'on ne tient pas compte de la nature sexospécifique de la pauvreté, si l'on ne détermine pas l'impact des politiques sur les femmes et les hommes, bon nombre de politiques conçues pour réduire la pauvreté pourraient n'avoir qu'un succès partiel. Le traitement du déséquilibre qui existe entre les deux sexes en termes de pauvreté passera par le respect de l'engagement pris en 1995 au Sommet mondial pour le développement social à Copenhague, où il a été décidé de donner la priorité aux besoins et droits des femmes et des enfants qui sont souvent les plus touchés par ce phénomène.

4.2

De nombreux États membres ont renforcé de manière significative leurs dispositions institutionnelles pour intégrer la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale dans leurs décisions politiques nationales. Il convient toutefois d'accentuer cet effort en veillant à ce que les partenaires sociaux et les ONG soient associés au développement et à la mise en œuvre des politiques locales, régionales et nationales surtout dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et des retraites.

4.3

Le CESE recommande vivement que les objectifs de la stratégie de Lisbonne visant à accroître le taux d'emploi des femmes s'accompagnent de stratégies pour s'assurer que les femmes vulnérables à la pauvreté puissent acquérir des qualifications exploitables sur le marché de l'emploi et jouir d'une indépendance financière. De plus, les initiatives et mesures doivent être renforcées pour assurer des moyens de subsistance aux femmes dans toutes les phases de leur vie, il s'impose par ailleurs de prendre des initiatives et dispositions visant à soutenir la qualité de l'emploi et à combler le fossé en matière de revenus. Dans son récent avis sur les lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi, le CESE s'est d'ailleurs étonné que parmi le dispositif actuel de lignes directrices pour les politiques de l'emploi, il n'en figure aucune qui soit explicitement consacrée à celui des femmes.

4.4

Le CESE estime que les États membres ont beaucoup à gagner du partage d'expériences dans les domaines qui ont une incidence sur les femmes et la pauvreté –retraite, système de protection sociale, parentalité adolescente, élimination de la violence, y compris le trafic, à l'encontre des femmes et incarcération des femmes.

4.5

De nombreux États membres ont souscrit à la plate-forme d'action de Pékin de septembre 1995, qui invitait les gouvernements à évaluer la contribution que le travail non rémunéré apporte à l'économie. Dix ans se sont cependant écoulés sans que les pays de l'UE n'aient élaboré les dispositifs de mesure et de suivi nécessaires à cette démarche. Il convient de les encourager à le faire et à intégrer ces données dans leurs statistiques nationales.

4.6

L'institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes ouvrira ses portes en 2007. Étant donné que la dimension spécifique de genre a été négligée dans les politiques visant à s'attaquer à la pauvreté dans l'UE, le rapport entre le genre et la pauvreté a été relativement négligé dans la recherche et la littérature statistique. Pour que cette situation change, il est nécessaire que l'institut dispose des ressources budgétaires voulues. Dans l'avis qu'il lui a spécifiquement consacré, le CESE s'était déjà dit inquiet de ce que le projet de règlement afférent ne semblait pas respecter totalement le droit à cet impératif.

4.7

Le CESE suggère par conséquent une série de domaines prioritaires. Le nouvel institut devrait effectuer une analyse approfondie des données actuelles dans une perspective de genre.

4.8

L'impact de la pauvreté sur la santé physique et mentale des femmes est un autre domaine de pauvreté sexospécifique qui requiert une attention particulière.

4.9

Troisièmement, peu de recherches ont été menées jusqu'ici pour déterminer ce que les femmes pensent et ressentent par rapport à la pauvreté et si leur perception de la pauvreté diffère de celle des hommes.

Bruxelles, le 29 septembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Les indicateurs du risque de pauvreté sont tirés de l'enquête sur les ménages de la Communauté européenne.

(2)  Rapport conjoint de la Commission et du Conseil sur l'inclusion sociale, 5 mars 2004.

(3)  «The Sexual Revolution» Gary Becker et Richard Posner, 10 avril 2005. Disponible sur http://www.becker-posner-blog.com/archives/2005/04/index.html

(4)  Eurostat 2001; à l'exception des ménages d'une personne, les écarts entre hommes et femmes du point de vue du risque de pauvreté doivent être interprétés avec prudence car ils reposent sur l'hypothèse d'un partage égal des revenus dans le ménage.

(5)  Eurostat 2004.

(6)  Eurostat 2003.

(7)  Eurostat 2003.

(8)  Finch et al.,(1999): New Deal for Lone Parents: Learning From the Prototype Areas. DSS Research Report No 92. Leeds: CDS; Lewis et al., (2000): Lone Parents and Personal Advisers: Roles and Relationships. DSS Research Report No. 122. Leeds: CDS; Dawson et al., (2000): New Deal for Lone Parents: Report on Qualitative Interviews with Individuals. Research and Development Report ESR55. Sheffield: Employment Service; Holtermann et al., (1999): Lone Parents and the Labour Market. Results from the 1997 Labour Force Survey and Review of Research. Employment Service Report 23. London: The Stationary Office.

(9)  Troisième rapport Innocenti, juillet 2001: A League Table of Teenage Births in Rich Nations (UNICEF).

(10)  Eurostat – Enquête européenne sur la force de travail 2003.

(11)  How Europeans spend their time, Eurostat 1998-2002.

(12)  Eurostat – Enquête européenne sur la force de travail 2003.

(13)  Avis du Comité économique et social sur le thème «Croissance économique, fiscalité et soutenabilité des systèmes de retraite dans l'UE» (JO C 48 of 21.2.2002 -. Rapporteur M. Byrne; Co-rapporteur M. Van Dijk.)

(14)  Eurostat - «Statistiques en bref», population et conditions sociales, 4/2005.

(15)  Warren, T.: «Divergent Female Part-time Employment in Britain and Denmark and the Implications for Gender Equality». Sociological Review 2001, 49(4), 548-567.

(16)  Rapport comparatif basé sur les conclusions de travail de terrain des rapports nationaux de la Central European University Team. Les données ont été recueillies dans six États membres de l'UE: Espagne, Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, Italie, France et Hongrie.

(17)  Commission nationale des femmes du Royaume-Uni, mars 2005.