ISSN 1725-2431

Journal officiel

de l'Union européenne

C 157

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

48e année
28 juin 2005


Numéro d'information

Sommaire

page

 

II   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004

2005/C 157/1

Avis du Comité économique et social européen sur Le contrat d'assurance européen

1

2005/C 157/2

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le tourisme et le sport: les défis futurs pour l'Europe

15

2005/C 157/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission: Vers une stratégie européenne en faveur des nanotechnologies(COM(2004) 338 final)

22

2005/C 157/4

Avis du Comité économique et social européen sur le Code de la route et registre automobile européen

34

2005/C 157/5

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Promotion du transport maritime, recrutement et formation des gens de mer

42

2005/C 157/6

Avis du Comité économique et social européen sur le Projet de décision de la Commission concernant l'application des dispositions de l'article 86 du traité aux aides d'État sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général et le Projet de directive de la Commission modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques

48

2005/C 157/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la reconnaissance des brevets des gens de mer délivrés par les États membres et modifiant la directive 2001/25/CE(COM(2004) 311 final — 2004/0098 (COD))

53

2005/C 157/8

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des services d'information fluviale harmonisés sur les voies navigables communautairesCOM(2004) 392 final — 2004/0123 (COD)

56

2005/C 157/9

Avis du Comité économique et social européen sur laProposition de règlement du Conseil instituant une agence communautaire de contrôle des pêches et modifiant le règlement (CE) no 2847/93 instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêcheCOM(2004) 289 final — 2004/0108 (CNS)

61

2005/C 157/0

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen sur le Plan d'action européen 2004-2010 en faveur de l'environnement et de la santéCOM(2004) 416 final

65

2005/C 157/1

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil introduisant des normes de piégeage sans cruauté pour certaines espèces animalesCOM(2004) 532 final — 2004/0183 (COD)

70

2005/C 157/2

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 87/328/CEE en ce qui concerne le stockage du sperme de bovins destiné aux échanges intracommunautairesCOM(2004) 563 final — 2004/0188 CNS

74

2005/C 157/3

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Accompagner les mutations structurelles: une politique industrielle pour l'Europe élargieCOM(2004) 274 final

75

2005/C 157/4

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail(COM (2004) 279 final -2004/0084 (COD))

83

2005/C 157/5

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régionsÉtude sur les liens entre immigration légale et immigration clandestine(COM(2004) 412 final)

86

2005/C 157/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la gestion de l'entrée gérée dans l'Union européenne de personnes ayant besoin d'une protection internationale et sur le renforcement des capacités de protection des régions d'origine — Améliorer l'accès à des solutions durables(COM(2004) 410 final)

92

2005/C 157/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur Un régime d'asile européen commun plus efficace: La procédure unique comme prochaine étape(COM(2004) 503 final — SEC(2004) 937)

96

2005/C 157/8

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès à l'aide extérieure de la CommunautéCOM(2004) 313 final — 2004/0099 COD

99

2005/C 157/9

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen: élaborer un modèle agricole durable pour l'Europe grâce à la nouvelle politique agricole commune (pac) — réforme du secteur du sucreCOM(2004) 499 final

102

2005/C 157/0

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission — La science et la technologie, clés de l'avenir de l'Europe — Orientations pour la politique de soutien à la recherche de l'UnionCOM(2004) 353 final

107

2005/C 157/1

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives du Conseil 78/660/CEE et 83/349/CEECOM(2004) 177 final — 2004/0065 (COD)

115

2005/C 157/2

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée: Accroître l'emploi des travailleurs âgés et différer la sortie du marché du travail(COM(2004) 146 final)

120

2005/C 157/3

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre blanc concernant la révision du règlement (CEE) no4056/86 déterminant les modalités d'application des règles européennes de concurrence aux transports maritimesCOM(2004) 675 final

130

2005/C 157/4

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instituant un programme communautaire pluriannuel visant a promouvoir une utilisation plus sûre de l'internet et des nouvelles technologies en ligneCOM(2004) 91 final — 2004/0023 (COD)

136

2005/C 157/5

Avis du Comité économique et social européen sur L'accès maritime à l'Europe dans le futur: évolutions probables et moyens de les influencer

141

2005/C 157/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no1260/1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels, en ce qui concerne la prolongation de la durée du programme PEACE et l'octroi de nouveaux crédits d'engagementCOM(2004) 631 final

147

2005/C 157/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1059/2003 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'établissement d'une nomenclature commune des unités territoriales statistiques (NUTS) en raison de l'adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l'Union européenneCOM(2004) 592 final — 2004/0202 (COD)

149

2005/C 157/8

Avis du Comité économique et social européen sur les relations entre générations

150

2005/C 157/9

Avis du Comité économique et social européen sur la Coexistence entre les OGM et les cultures traditionnelles et biologiques

155

2005/C 157/0

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Plan d'action européen en matière d'alimentation et d'agriculture biologiquesCOM(2004) 415 final)

167

FR

 


II Actes préparatoires

Comité économique et social européen

413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004

28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Le contrat d'assurance européen»

(2005/C 157/01)

Le 17 juillet 2003, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur: «Le contrat d'assurance européen»

La section spécialisée «Marché unique, consommation, production», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 10 novembre 2004 (rapporteur: M. J. PEGADO LIZ).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 137 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions

1.   Introduction: objectif de l'avis d'initiative et exposé des motifs

1.1

Les principes essentiels qui régissent la conclusion et la validité d'un contrat d'assurance varient d'un État membre à l'autre de l'Union européenne en fonction de leur organisation juridique, et ce malgré des origines communes et des structures très similaires.

1.2

Le contrat d'assurance étant un élément fondamental pour le fonctionnement du marché intérieur, dans la mesure où il apporte une plus grande sécurité aux relations commerciales entre professionnels et consommateurs, les différences de réglementation en ce qui concerne les principaux aspects du contrat d'assurance dans les ordres juridiques nationaux sont susceptibles de créer des barrières à la réalisation du marché intérieur et d'entraver la commercialisation de cet instrument financier par-delà les frontières.

1.3

L'objectif du présent avis d'initiative est par conséquent d'attirer l'attention des instances compétentes, au niveau national et communautaire, sur la nécessité et l'opportunité:

d'inventorier les questions et les problèmes résultant, pour les consommateurs et pour la réalisation et le bon fonctionnement du marché intérieur, de la diversité actuelle des régimes juridiques pour ce qui est de la définition et des dispositions du contrat d'assurance;

d'identifier les principes communs aux différents systèmes nationaux qui régissent les contrats d'assurance et les secteurs pouvant faire l'objet d'une harmonisation d'un point de vue technique et juridique;

de réfléchir aux solutions possibles et proposer les modèles, les formules ou les instruments devant être adoptés pour obtenir la réglementation la plus adéquate pour un contrat d'assurance au niveau communautaire.

1.4

Dès le début des travaux préparatoires au présent avis d'initiative il a été fondamental de pouvoir compter sur la collaboration et la participation de membres du groupe chargé de la «Redéfinition du droit régissant le contrat d'assurance européen», dirigé et coordonné par le professeur Fritz REICHERT-FACILIDES, de l'Université d'Innsbruck, composé d'éminents juristes et de spécialistes du droit des assurances provenant de 15 pays européens.

1.4.1

Ce fut donc à notre plus grande satisfaction qu'est parvenue la réponse immédiate du professeur REICHERT-FACILIDES à notre invitation, qui s'est déclaré prêt à participer à nos travaux en tant qu'expert pour le rapporteur et a aussitôt préparé une première contribution (position paper I).

1.4.2

Il se fait que de manière tout à fait inattendue, au cours de l'élaboration du présent avis, le professeur REICHERT-FACILIDES est décédé.

1.4.3

L'intérêt que le professeur REICHERT-FACILIDES a manifesté au long de toute une vie de travail académique intense sur le thème des assurances ainsi que son projet de «Redéfinition» justifient amplement une référence à ses travaux dans le présent avis ainsi qu'une mention spéciale de notre reconnaissance pour son engagement hors du commun, comme un témoignage de notre peine devant cette perte et comme hommage sincère à sa mémoire.

1.4.4

Telle est la raison qui explique et motive l'inclusion ci-après d'une partie substantielle de son «position paper I», qu'il avait préparé à titre d'introduction aux travaux qui sont à l'origine du présent avis et qui restera l'un de ses derniers écrits.

«1.

La diversité des lois européennes du contrat d'assurance constitue un obstacle sérieux à l'achèvement d'un marché unique des assurances. Tel a été dès le début la position de notre Groupe, à laquelle le CESE a d'ailleurs lui-même souscrit, notamment dans son avis d'initiative “Les consommateurs dans le marché des assurances” du 29 janvier 1998 (JO C 95 du 30 mars 1998, p.72; v. par exemple les paragraphes 1.6 et 2.1.9 deuxième alinéa). Entre-temps, la Commission semble s'être ralliée à cette position (v. communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 12 février 2003“Un droit européen des contrats plus cohérent — un plan d'action”, COM(2003) 68 final, JO C 63 du 15 mars 2003, p.1, ci-après dénommé le plan d'action; dans ce document, v. par exemple les paragraphes 27, 47/48, 74).

2.

Une harmonisation des lois, ce qui vaut bien évidemment aussi pour le droit des contrats d'assurance, ne peut s'effectuer que sur la base de très sérieuses recherches de droit comparé. Le but de notre Groupe est de parvenir à une solution de “restatement”. Qu'entend-on par “restatement”? Le terme dérive du verbe anglais “to restate”, qui signifie “exprimer à nouveau ou de manière convaincante”. Dans le domaine juridique, “restatement” est un terme technique spécifique aux États-Unis. Bien connu dans les milieux spécialisés, il décrit un ensemble condensé de règles dérivé de sources différentes quoiqu'en substance similaires, systématisées et unifiées en vue de parvenir à une “meilleure solution”. Ce travail est effectué sur une base privée, et non législative, par l'American Law Institute. Les similarités de fond entre les sources dérivent, aux États-Unis, de la base de Common Law que partagent les droits privés (différents) des différents États fédérés. De même, en droit européen des assurances, les similarités de substance sont dues au sujet: l'assurance. Ce sujet donne lieu, en raison de sa nature même, à des besoins réglementaires similaires. Les lignes directrices devant permettre d'arriver à une “meilleure solution” pour le droit des contrats d'assurance pourraient être les suivantes. Premièrement, il faut dûment tenir compte de la tâche essentielle de toute loi relative aux contrats d'assurance, à savoir fournir un cadre juridique pour une couverture de risque effective de la part de l'assureur et, partant, garantir le bon fonctionnement des activités d'assurance. Deuxièmement, il est essentiel de soigneusement équilibrer les intérêts opposés des parties. À cet égard, il faut reconnaître comme il se doit l'importance de la tendance récente à fournir un degré relativement élevé de protection au preneur d'assurance.

3.

Le “restatement” tel que l'envisage notre Groupe se concentre sur les règles obligatoires (en particulier quasi obligatoires) qui bénéficient à l'assuré. La raison en est que le “droit vivant” des contrats d'assurance ne se trouve pas pour l'essentiel dans les recueils de lois, mais dans les conditions habituelles des contrats. Pour respecter cet état de fait, il faut non seulement prendre en compte les réalités, mais aussi avoir le plus grand respect pour le principe de la liberté de contracter. À côté de cela, la tâche essentielle du législateur est de limiter cette liberté, ce qui est nécessaire pour des raisons de politique publique et pour protéger l'assuré (ou les tierces personnes pour le bénéfice desquelles une assurance est contractée). Une attention particulière doit être apportée aux clauses contractuelles susceptibles d'engendrer une perte de protection d'assurance. Le moyen technique pour arriver à ces objectifs est — dans tous les ordres juridiques d'Europe — la création législative de dispositions (quasi) obligatoires de droit du contrat d'assurance. Les problèmes qui se posent dans l'optique d'un marché unique sont exposés comme suit dans le plan d'action: “… les États membres ont établi leurs propres règles en ce qui concerne les droits et obligations qui peuvent ou ne peuvent pas être inclus dans un contrat d'assurance ou un autre contrat de services financiers. Dans la mesure où ces règles sont divergentes, elles peuvent influer sur les produits qui sont proposés dans un contexte transfrontalier”. En effet, pour réellement favoriser l'émergence d'un marché intérieur des assurances, il est nécessaire d'harmoniser/unifier ces limitations de la liberté de contracter existant dans le domaine des assurances, ce qui aurait pour conséquence que tous les contrats (standard) respectant ces règles uniformes puissent être offerts, dans un cadre de concurrence, dans tous les pays européens, permettant donc l'émergence d'un marché non fragmenté. C'est exactement là l'objectif poursuivi par notre projet.

4.

La composition même de notre Groupe tient compte de la dimension de droit comparé nécessaire à nos travaux (comme indiqué au point 2 ci-dessus). En effet, des experts de 16 ordres juridiques différents en matière de contrats d'assurance participent à ces travaux.

5.

La question se pose de savoir si le Restatement doit remplacer les règles nationales existantes ou fournir un modèle supplémentaire (ce serait à l'heure actuelle le 16ème), en particulier pour les contrats transfrontaliers. Le problème est évoqué dans le plan d'action, qui entame la discussion sur un instrument dit “optionnel”. Cette question ne sera pas examinée de manière plus approfondie dans le présent cadre.

6.

Les travaux comparatifs sur le droit des contrats d'assurance doivent être menés à bien en prêtant une étroite attention au droit général des contrats. Le Groupe s'y attelle en tenant dûment compte des principes dits de “Lando/beale”. En outre, il coopère étroitement avec le “Groupe d'études sur un code civil européen” (Professeurs von Bar et Beale). Dans le cadre de cette organisation, le Groupe s'est vu confier la responsabilité particulière du droit des contrats d'assurance».

1.5

Pour la préparation du présent avis un certain nombre de réunions de travail ont eu lieu, en présence de représentants de la Commission européenne liés au secteur des assurances et à la réalisation du marché intérieur, du Comité européen des assurances (CEA) et du Bureau européen des unions des consommateurs (BEUC); elles ont permis de réaliser un premier relevé d'impressions, de réactions et de suggestions sur le thème à l'examen.

1.6

Il a également été décidé d'élaborer un questionnaire adressé à une longue liste d'organismes publics et privés, nationaux et communautaires, représentatifs des principaux intérêts en cause et d'organiser une audition des principaux représentants des intérêts impliqués (assureurs, industriels, et autres professionnels et consommateurs) ainsi que de juristes spécialisés, d'universitaires et de praticiens du droit de différents pays.

1.7

Le présent avis rend compte de manière synthétique des réponses reçues à ce questionnaire ainsi que des réactions et suggestions recueillies lors de l'audition tenue le 16 avril 2004.

2.   Quelques précédents sur la question

2.1

Le thème ici abordé n'est pas nouveau. Dans son avis d'initiative sur «Les consommateurs dans le marché des assurances»  (1) , le Comité économique et social européen attirait l'attention sur la «Proposition de directive du Conseil visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant le contrat d'assurance»  (2) , dont l'objet était pour l'essentiel de tenter d'harmoniser certaines règles fondamentales du droit du contrat d'assurance, et regrettait que la Commission, à l'époque, n'ait pas l'intention de revenir sur ce thème, «quoique l'opinion générale tant chez les opérateurs d'assurance qu'auprès des organisations de consommateurs est que l'absence d'une norme communautaire sur le contrat d'assurance (minimum d'harmonisation du droit substantiel) est sans doute à l'origine de toute une série d'obstacles et de difficultés rencontrés sur le chemin de la réalisation effective du marché unique dans ce domaine»  (3).

2.1.1

Plus loin, le Comité soulignait comme l'un des premiers obstacles de caractère général reconnus entravant l'achèvement effectif du marché unique dans le secteur des assurances «l'inexistence d'une harmonisation au niveau du droit substantiel, c'est-à-dire l'absence d'une réglementation minimale sur le droit du contrat d'assurance dans l'Union européenne  (4) ».

2.1.2

En outre, le Comité attirait l'attention sur le fait qu'il n'existait «au niveau communautaire aucun cadre légal qui définisse les règles de transparence minimale dans la conclusion de contrats d'assurance en général, ni qui donne des exemples particuliers de clauses contractuelles générales abusives en matière d'assurances, voire qui définisse les principes généraux que sont la bonne foi et l'équilibre contractuel dans le domaine spécifique des assurances»  (5).

2.1.3

Et d'ajouter, concrètement: «La manière différente dont chaque État membre a réglé ces questions, ou, dans le cas où cela n'a pas été fait, l'absence même de réglementation — laissant entièrement l'issue des problèmes à un marché dans lequel la concurrence est loin d'être parfaite et où les agents de l'une des parties tentent à se concerter au détriment de l'autre partie — sont à l'origine de l'existence d'une multitude de solutions différentes pour des situations identiques dans l'espace du marché unique, en particulier pour les transactions transfrontières, rendues de plus en plus faciles par l'avènement de la “société de l'information”»  (6).

2.1.4

Enfin, après avoir procédé à une analyse des matières qui selon lui pourraient/devraient faire l'objet d'une harmonisation, l'avis en question conclut en attirant l'attention de la Commission et des États membres sur «l'opportunité de revoir la proposition de directive de la Commission de 1979 relative à l'harmonisation minimale dans le domaine des assurances, à la lumière du principe de subsidiarité»  (7) et insiste auprès de la Commission afin qu'elle déploie tous les efforts en vue de parvenir à la définition au niveau communautaire d'exigences minimales communes applicables aux contrats d'assurance (proposition de directive) (8):

2.2

Par ailleurs, tant les organisations de consommateurs que les associations de professionnels des assurances soulignent depuis longtemps déjà la nécessité d'une harmonisation plus poussée du droit relatif au contrat d'assurance.

2.2.1

Dès 1986, le «European Consumer Law Group» attirait l'attention sur la nécessité de procéder à un certain degré d'harmonisation de la législation relative aux contrats d'assurance au sein de la Communauté et énumérait en détail les aspects des relations contractuelles d'assurance nécessitant, selon lui, un effort d'harmonisation (9).

2.2.2

À son tour, le BEUC a souligné dès 1994 la nécessité d'instaurer un «cadre légal de base» afin de réglementer les principaux aspects du contrat d'assurance et constituer ainsi «une base juridique minimale commune».

2.2.3

Une position analogue a été exprimée en décembre 1998 par différentes organisations représentant les consommateurs.

2.2.4

Enfin, le comité européen des assurances (CEA), dans un commentaire récent sur la communication de la Commission relative à un droit européen des contrats plus cohérent, avait, après avoir souligné que la Commission avait à juste titre fait valoir que «la diversité des dispositions nationales régissant les contrats d'assurance conclus avec les consommateurs constitue un obstacle à la réalisation de transactions transfrontières d'assurance », tenu à préciser qu'en ce qui concerne l'acquis communautaire «harmonisé», le nombre et la complexité des dispositions figurant dans les différents textes applicables au droit du contrat d'assurance posent de véritables problèmes.

2.2.4.1

Après avoir énuméré toute une série de situations où se répètent inutilement des dispositions soit semblables, soit différentes pour des raisons inexplicables, dans les différents textes communautaires applicables, il avait fini par marquer son soutien à «ce projet d'amélioration de l'acquis communautaire», à condition qu'il soit précédé d'une analyse coûts/bénéfices appropriée ainsi que d'une consultation complète des parties concernées et qu'il se concentre sur les obstacles au marché unique (10).

2.3

Pour sa part, la Commission, dans sa communication sur le «Droit européen des contrats» (11) et sur «Un droit européen des contrats plus cohérent — un Plan d'action» (12) a souligné à cet égard que, selon de nombreuses instances consultées, le secteur des contrats d'assurance est l'un de ceux qui posent le plus de problèmes, dans le contexte des services financiers, en raison de l'existence «de différences entre les dispositions nationales» applicables, au point qu'il y aurait lieu d'envisager la possibilité d'instaurer «une plus grande convergence entre ces mesures de manière à ménager un équilibre entre besoin d'une plus grande homogénéité des règles nationales et nécessité de maintenir la dynamique d'innovation et la diversité de choix au niveau des produits», ce qui doit même devenir une priorité dans «l'Action de suivi au Plan d'action: Mieux Réglementer» (13).

2.4

Enfin, le Parlement européen, dans sa résolution sur la communication de la Commission relative au «Plan d'action» cité plus haut regrette «l'absence de mesures diligentes pour élaborer des instruments facultatifs dans certains secteurs, tels que les transactions de consommation et les assurances, où des avantages substantiels pourraient contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et au développement des transactions et des échanges commerciaux intracommunautaires,» et estime que «pour faciliter les échanges transfrontaliers au sein du marché intérieur, il conviendrait de procéder prioritairement à la mise en place d'un instrument facultatif dans certains secteurs, notamment celui de contrats d'assurance, et invite par conséquent, la Commission à élaborer d'urgence, tout en tenant compte d'un degré élevé de protection des consommateurs et de l'inclusion des prescriptions obligatoires appropriées, un instrument facultatif dans le domaine des contrats d'assurance  (14) ».

3.   Les réponses au questionnaire et l'audition du 16 avril 2004

3.1

Plusieurs instances ont répondu au questionnaire envoyé en temps opportun, qu'il s'agisse d'autorités nationales de régulation de différents pays, ou d'associations représentatives des intérêts des assureurs, de l'industrie, du commerce et des consommateurs, le nombre total de réponses étant de 27.

3.1.1

Des réponses ont été reçues de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Finlande, de la France, du Liechtenstein, de la Lituanie, de Malte, de la Norvège, de la Pologne et de la Suède.

3.1.2

Les membres du «Project Group Restatement of european insurance contract law» ont répondu en bloc au moyen d'un avis commun.

3.2

Une majorité confortable et significative estime que:

a)

le manque d'harmonisation des règles impératives du droit de l'assurance constitue un obstacle à la prestation transfrontalière des services d'assurances, en fournissant de nombreux exemples;

b)

que cette même situation est un obstacle à l'obtention d'une couverture par des assureurs étrangers pour les consommateurs qui veulent s'assurer, en donnant de nombreux exemples;

c)

que ce même état de fait entrave la prestation de services au-delà des frontières par des intermédiaires d'assurances, en donnant de nombreux exemples;

d)

que l'harmonisation des règles impératives du droit des contrats d'assurance contribuerait à une augmentation des opérations transfrontalières d'assurance au bénéfice des assureurs, des consommateurs et des intermédiaires d'assurances;

e)

que la directive de la Commission de 1979/1980 reste encore un bon point de départ pour un débat en la matière, moyennant néanmoins une reformulation en d'autres termes, et selon d'autres paramètres, qui ont été suggérés par certaines instances qui ont répondu et en ont donné des exemples;

3.3

46 personnalités représentant 36 institutions de 17 pays étaient présentes à l'audition.

3.4

Il ressort de la teneur des réponses au questionnaire ainsi que de celle des discussions qui ont eu lieu pendant l'audition, qu'un consensus généralisé a été obtenu autour des grandes lignes suivantes:

3.4.1

Il existe des différences marquantes entre les systèmes juridiques nationaux relatifs à la réglementation des contrats d'assurance.

3.4.2

Il existe un déficit considérable d'harmonisation concernant la législation sur les assurances au niveau de l'UE, avec des répercussions sur la réalisation du marché intérieur dans ce domaine.

3.4.3

Pour les petits et moyens assureurs en particulier (consommateurs individuels et PME), un certain degré d'harmonisation est souhaitable/nécessaire, afin d'éviter des inégalités et des discriminations (risques de masse).

3.4.4

Il faudra procéder de manière graduelle (pas à pas) et sans rigidité excessive lors du rapprochement à mener à bien dans le sens de l'harmonisation de la législation du contrat d'assurance, étant donné que l'harmonisation n'est pas une fin en soi mais un instrument pour la réalisation du marché intérieur et qu'elle doit obéir aux principes de nécessité et de proportionnalité.

3.4.5

L'objectif prioritaire de l'harmonisation doit être:

les règles impératives «mandatory rules»;

la partie générale du droit du contrat d'assurance.

3.4.6

Quant à la forme, le modèle de contrat résultant de l'harmonisation pourra être «facultatif» mais à partir du moment où il est adopté, il doit devenir contraignant pour les parties dans tous ses termes et tous ses éléments.

3.4.7

L'instrument communautaire pour l'adoption d'un tel modèle devra être le règlement, afin de garantir une harmonisation complète.

3.4.8

Pour l'élaboration de cet instrument, les propositions de directive de la Commission de 1979 et de 1980, telles que modifiées conformément aux suggestions du PE et du CESE, peuvent constituer un point de départ, mais doivent être remaniées en profondeur à la lumière de l'évolution enregistrée entre-temps dans le droit des assurances.

3.4.9

L'harmonisation, dont les contours doivent être préalablement définis, est susceptible de faciliter l'accroissement des assurances transfrontalières et de contribuer à un développement accru du marché intérieur dans ce domaine.

3.4.10

La base juridique pour une initiative de ce type pourra être l'article 95 du traité.

3.5

Certains participants et instances interrogés ont également fait valoir que:

3.5.1

L'harmonisation doit être «facultative» et limitée à la définition des concepts fondamentaux.

3.5.2

L'harmonisation doit être réalisée uniquement pour les contrats transfrontaliers et les personnes physiques.

3.5.3

L'harmonisation n'est pas la panacée pour résoudre la question du développement insuffisant du marché intérieur des assurances.

3.5.4

Une attention particulière doit être accordée aux assurances mutuelles et aux institutions de prévoyance et de sécurité sociale compte tenu de leurs spécialités.

4.   La nécessité d'une initiative au niveau communautaire

4.1   Le marché intérieur et les assurances

4.1.1   Observations générales sur les relations entre le marché intérieur et les assurances

4.1.1.1

Le marché intérieur européen consiste en une zone sans frontières intérieures permettant la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux (art. 14 paragraphe 2 du traité CE). Les assurances relèvent de la libre prestation de services (articles 49 à 55 du traité CE) ou de la liberté d'établissement selon les circonstances. Les assureurs qui offrent leurs services dans un autre État membre que le leur ou qui s'y établissent créent une concurrence entre les produits offerts dans cet État et ceux qu'ils offrent eux-mêmes.

4.1.1.2

Il en résulte un accroissement de la liberté de choix des preneurs d'assurance potentiels. Idéalement, la sélection positive opérée par les clients qui recherchent un produit d'assurance devrait être inspirée par la «main invisible» qui guide le marché intérieur des assurances.

4.1.1.3

D'autres libertés sont concernées par les questions d'assurance: le libre transfert des primes et des recettes d'assurance est garanti (article 56 du traité CE). En outre, les preneurs d'assurance qui font usage de la liberté qui leur est conférée par l'article 18 du traité CE ne devraient pas subir un impact négatif au niveau de leurs polices lorsque leur lieu de résidence habituelle passe d'une juridiction à une autre.

4.1.2   Statut de l'harmonisation du droit des assurances et du droit du contrat d'assurance

4.1.2.1

Cette vaste gamme de relations entre les assurances (le droit des assurances) et les libertés consacrées dans le traité CE ont conduit la CE à harmoniser d'importants secteurs du droit des assurances en vue du (bon) fonctionnement du marché intérieur. La législation du contrôle des assurances est bien harmonisée dans l'UE et l'EEE, grâce aux «trois générations» de directives dans le domaine de l'assurance.

4.1.2.2

Sur cette base, un système d'agrément unique et de contrôle exercé dans le pays d'origine a été mis en place, comme la CJCE l'avait déjà envisagé dans sa décision du 4 décembre 1986 (15). En ce qui concerne le droit du contrat d'assurance, l'harmonisation est plus ou moins limitée aux questions de droit privé international et de droit procédural international (16).

4.1.2.3

La législation matérielle des contrats d'assurance n'a été harmonisée que dans certains secteurs et, au sein de ces secteurs, uniquement pour certaines questions. L'harmonisation législative est par exemple bien avancée dans le domaine de l'assurance responsabilité civile automobile (17). Des règles communes existent également dans le domaine de l'assurance-protection juridique (18).

4.1.2.4

Toutefois, la grande majorité des règles de la législation matérielle des contrats d'assurance, à savoir le libellé de base fixant les règles applicables à toutes les branches d'assurance, reste soumise à la législation nationale. Cela amène à se demander si l'harmonisation du droit du contrat d'assurance est nécessaire ou non afin de permettre un bon fonctionnement du marché intérieur des assurances. La réponse à cette question se devrait d'être affirmative si les divergences en termes de droit national du contrat d'assurance constituent un obstacle au marché intérieur.

4.2   Le droit du contrat d'assurance en tant qu'obstacle au marché intérieur des assurances

4.2.1   Situation actuelle: le marché intérieur des assurances est incomplet

4.2.1.1

Des données empiriques indiquent que les mesures prises par l'UE jusqu'à présent (19) ont largement amélioré le fonctionnement du marché intérieur de l'assurance (20), sans qu'il soit parfait pour autant. Cela vaut, par exemple, pour la liberté de prestation de services dans le domaine de l'assurance des risques de masse, garantie par l'article 49 et suivants du traité CE et envisagée par les directives sur le droit de l'assurance mais, en réalité, peu utilisée par le secteur de l'assurance et les clients.

4.2.2   Arrière-plan général de la situation actuelle

4.2.2.1

La situation actuelle telle que décrite ci-avant s'explique notamment par le contexte juridique général. L'un des éléments clés à cet égard est le fait que l'assurance est fréquemment considérée comme un «produit juridique»; par référence au fait que le produit vendu par une compagnie d'assurance est le contrat d'assurance, déterminé par l'autonomie des parties et par les dispositions (impératives) de droit applicables au contrat.

4.2.2.2

Le bon fonctionnement du marché intérieur ne doit certes pas soulever d'inquiétudes, dans la mesure où l'autonomie des parties dans le domaine du droit du contrat d'assurance permet à celles-ci de façonner les produits d'assurance en fonction de leurs préférences mutuelles.

4.2.2.3

Toutefois, les assurances sont dans une large mesure régies par des règles impératives (21). Certaines de ces règles sont d'ailleurs impératives au plan international.

4.2.2.4

En fait, le produit offert par un assureur particulier est dans une large mesure déterminé par le droit applicable au contrat d'assurance. C'est pourquoi les différences entre les droits nationaux des assurances sont susceptibles d'entraver le marché intérieur. Le plan d'action de la Commission sur un droit européen des contrats plus cohérent reconnaît ouvertement ce fait (22) ce qui sera confirmé ci-après par un examen de la question sous l'angle de l'assureur (paragraphe 4.2.3), du preneur d'assurance (4.2.4) et des intermédiaires d'assurance (4.2.5).

4.2.3   La perspective de l'assureur

4.2.3.1

Les assureurs sont les producteurs de couverture d'assurance. Leurs polices sont conçues sur la base d'un calcul de risques qui prend en considération l'environnement juridique dans lequel une police est vendue. Un assureur qui est en mesure de vendre un produit relevant d'un cadre juridique unique dans l'ensemble de la Communauté est en mesure de mutualiser les risques couverts dans la CE sans distorsions résultant de différences entre les législations nationales en matière d'assurances. De la sorte, les différences en termes de droit des assurances ne constitueraient pas une entrave aux libertés de l'assureur.

4.2.3.2

En revanche, si le droit applicable à une police change en fonction de l'endroit où elle est vendue, l'environnement juridique différent de chaque État membre influera sur le calcul du risque et affectera par conséquent l'application de la loi du grand nombre sur laquelle se fonde l'assurance en tant qu'activité économique.

4.2.3.3

Il en résulte que les assureurs qui vendent leurs services dans un autre pays que le leur devraient concevoir et calculer leurs polices de manière différente selon le droit applicable. Cela constituerait une entrave majeure au fonctionnement du marché intérieur.

4.2.3.4

Un bref coup d'œil aux règles communautaires en matière de droit privé dans le secteur des assurances montre qu'un assureur est en effet contraint d'adapter ses polices à l'environnement juridique de l'État membre dans lequel elles sont vendues. Selon l'article 7, paragraphe 1, points d) et h) de la deuxième directive sur l'assurance non-vie (23), c'est la loi de l'État membre où le risque est situé, et selon l'article 32, paragraphe 1 de la directive sur l'assurance vie (24), c'est la loi de l'État membre de l'engagement qui s'applique au contrat d'assurance. Le lieu où le risque est situé ou celui de l'engagement sont dans la plupart des cas déterminés par la résidence habituelle du preneur d'assurance (25).

4.2.3.5

L'assureur peut éviter ce résultat en choisissant la loi applicable au contrat d'assurance (vraisemblablement celle de son lieu d'établissement) au moyen d'un accord avec le preneur. Toutefois, cette liberté de choix est limitée de manière substantielle par les règles de droit international privé dans les directives sur les assurances. Pour les assurances non-vie, les directives ne permettent de choisir la loi applicable que pour les contrats d'assurance couvrant de grands risques (26). Les États membres — c'est-à-dire l'État membre où le risque est situé — ont la possibilité d'étendre la portée de l'autonomie des parties (27). Dans tous les autres cas, les directives ne permettent qu'une autonomie limitée (28) des parties et n'évitent donc pas les problèmes décrits plus haut pour les assureurs qui vendent leurs contrats ailleurs que dans leur pays d'établissement. En matière d'assurance vie, l'État membre de l'engagement peut permettre l'autonomie des parties (29). Dans les autres cas, la liberté de choix de la loi par les parties n'est que très limitée (30).

4.2.3.6

Ces observations sur la situation du droit européen du contrat d'assurance montrent clairement que dans l'assurance des risques de masse, l'assureur doit dans la plupart des cas adapter son produit à l'environnement juridique de la résidence habituelle du preneur d'assurance (31).Cette charge est encore alourdie par la possibilité dont dispose le preneur de modifier le lieu de sa résidence habituelle après la conclusion du contrat (32).

4.2.3.7

La seule exception en droit européen du contrat d'assurance concerne l'assurance des grands risques en assurance non-vie. Dans ce domaine, l'assureur et le preneur peuvent choisir la loi qui s'applique. Toutefois, même dans les cas d'assurances couvrant de grands risques, un tribunal de l'État membre où le preneur d'assurance possède sa résidence (compétent au titre de l'art. 9, paragraphe 1, point b) du règlement Bruxelles I (33) peut imposer ses règles impératives (34).

4.2.3.8

Il s'ensuit que les assureurs hésiteront grandement à offrir leurs services dans un autre pays que le leur, en tout cas s'agissant de l'assurance des risques de masse. Il est légitime de penser qu'un changement au niveau du régime juridique international privé pourrait résoudre ce problème. En effet, il apparaît que les obstacles susmentionnés disparaîtraient si les parties disposaient de la liberté de choisir la loi applicable et si — en l'absence d'un tel choix — cette loi était déterminée par le lieu d'établissement de l'assureur. Toutefois, un tel changement du droit international privé comporterait des dangers pour les principes fondamentaux de la protection du preneur d'assurance et du consommateur en droit international privé. Il permettrait de choisir librement la loi applicable dans le secteur de l'assurance même d'affaires pour les situations de consommation dans lesquelles un consommateur serait protégé par l'article 5 de la Convention de Rome dans d'autres secteurs. Il ne suffirait pas pour autant à résoudre pleinement le problème: les tribunaux de l'État membre dans lequel le preneur d'assurance possède sa résidence continueraient d'appliquer leurs propres règles impératives à l'échelle internationale. Surtout, les preneurs d'assurance hésiteraient fortement à acheter des produits à l'étranger, sachant qu'ils perdent la protection de la loi de leur pays de résidence et qu'ils seront soumis à un droit de l'assurance étranger qui leur serait inconnu (35).

4.2.4   La perspective du preneur d'assurance

4.2.4.1

Dans le cadre du régime actuel de droit international privé, les preneurs d'assurance sont très susceptibles d'être intéressés par une couverture d'assurance offerte à l'étranger. Sachant qu'ils seront (dans la plupart des cas) protégés par la loi de l'État membre de leur résidence, ils seront disposés à effectuer une opération transfrontière d'achat d'assurance. Toutefois, ces preneurs d'assurance ne pourront acheter de produits étrangers même s'il le souhaitent: l'applicabilité de la loi de leur pays de résidence transforme toujours les polices qu'ils achètent en contrats plus ou moins déterminés par cette loi. Et s'ils souhaitent néanmoins acheter des produits étrangers d'assurance, ils seront confrontés à des assureurs étrangers qui rechigneront beaucoup à leur fournir la couverture voulue.

4.2.4.2

Comme on l'a vu, ces hésitations pourraient probablement être évitées par une modification du droit international des contrats d'assurance (36). Toutefois, une telle modification du droit international privé remplacerait l'hésitation de l'assureur quant à l'offre de couverture par une hésitation au moins aussi forte du preneur quant à l'opportunité de contracter une couverture d'assurance à l'étranger. On ne peut dès lors s'attendre à la formation spontanée d'un marché intérieur des assurances.

4.2.4.3

Une autre question doit encore être mentionnée. Dans le marché intérieur, un preneur d'assurance jouit de la liberté de circulation (v. en particulier article 18 du traité CE). Toutefois, une modification de sa résidence habituelle peut avoir des effets négatifs sur la situation du preneur. Premièrement, les tribunaux de l'État membre dans lequel un preneur d'assurance s'installe sont susceptibles d'imposer de nouvelles règles impératives à l'échelle internationale, lesquelles pourraient influencer la police d'assurance achetée au précédent lieu de résidence. Deuxièmement, les lois en matière d'assurance obligatoire peuvent imposer une couverture différente de celle que le preneur a acquise en son précédent lieu de résidence. Troisièmement, un preneur peut souhaiter voir des risques situés dans différents États membres couverts par une politique d'assurance unique.

4.2.4.4

La situation juridique actuelle ne permet pas encore de telles «euro-polices»; en leur lieu et place, des «contrats parapluie» sont conclus (il y a en fait autant de contrats qu'il y a d'États membres concernés). Ce qui fait défaut, c'est donc la possibilité d'une police «portable» pour le preneur d'assurance «mobile» (37), qui vit et travaille dans différents pays de la CE au long de sa vie.

4.2.5   La perspective des intermédiaires d'assurance

4.2.5.1

Les intermédiaires jouent un rôle majeur dans la distribution des contrats d'assurance. Ils sont un élément clé de l'établissement d'un marché intérieur des assurances. C'est particulièrement vrai des courtiers d'assurance. En se prévalant de leur liberté de fournir des services — garantie par les art. 49 à 55 du traité CE et mise en œuvre par la directive sur les intermédiaires d'assurance (38), les intermédiaires apportent une contribution substantielle à la création et au bon fonctionnement du marché intérieur des assurances. Dans le domaine de l'assurance des risques de masse, un courtier est plus susceptible d'essayer de placer un risque sur un marché étranger de l'assurance qu'un client lui-même.

4.2.5.2

Toutefois, il est peu probable que des informations concernant un tel marché étranger et ses produits soient d'une grande aide à un courtier qui ne connaît pas les lois dudit marché. Vu que les produits que l'on trouve sur un marché étranger de l'assurance sont conçus en fonction du droit qui y est en vigueur, le courtier ne peut supposer que le contenu et le prix d'une police resteront identiques dans l'environnement juridique de son client (étranger). Les courtiers ne peuvent donc aisément avoir recours aux marchés étrangers de l'assurance pour placer des risques de masse, mais doivent négocier des contrats individuellement, ce qui est susceptible d'entraîner des coûts de transaction prohibitifs et donc d'empêcher le bon fonctionnement du marché intérieur des assurances.

4.2.6   Des préoccupations similaires existent concernant les assurances souscrites dans les succursales

4.2.6.1

L'on dit souvent que l'assurance, en raison de sa nature même, doit impliquer une proximité géographique entre l'assureur et le preneur d'assurance. Aussi, à l'avenir, les ventes transfrontières pourraient-elles s'avérer moins fréquentes dans le secteur de l'assurance que dans d'autres (la vente de livres via Internet, etc., par exemple). Pour des raisons de relations avec la clientèle, ces assureurs pourraient préférer opérer dans d'autres États membres via leurs succursales ou leurs filiales.

4.2.6.2

Les tenants de ce point de vue ne sont pas opposés par principe à l'harmonisation du droit de contrat d'assurance. Ils tentent plutôt de montrer que l'impact sera limité à une certaine partie des contrats d'assurance qui seront effectivement conclus dans le cadre d'une opération transfrontalière ou aux clients qui sont en fait mobiles et résident alternativement dans l'un ou l'autre État membre.

4.2.6.3

L'impact réel sera néanmoins plus conséquent. Si les contrats d'assurances sont vendus dans d'autres États membres via les succursales, voire via une filiale, les mêmes problèmes se poseront pour les clients, les intermédiaires et les assureurs. Les assureurs doivent adapter leurs produits aux conditions locales, y compris au cadre juridique local et ils devront par conséquent reconcevoir leurs produits. C'est pour cette raison qu'une police conçue dans un État membre ne peut être vendue dans un autre État membre via une succursale sans avoir subi préalablement des modifications considérables dues à l'environnement (juridique) local différent. Les intermédiaires et les preneurs d'assurance sont confrontés à un problème, à savoir qu'ils ne trouvent tout simplement pas de produits d'assurance étrangers sur leurs marchés.

4.2.6.4

L'harmonisation des droits du contrat d'assurance réduirait considérablement les coûts de conception du produit dans le marché intérieur. Les assureurs s'établissant dans un autre État membre pourraient se limiter à fournir aux clients des conseils par l'intermédiaire de leurs agents et des services de règlement des réclamations à travers leurs bureaux régionaux compétents, etc. Même si les assureurs opèrent à travers des filiales, les groupes d'assurances pourraient partager l'effort et les coûts de conception du produit.

4.2.6.5

En conséquence, les clients bénéficieraient effectivement du marché intérieur. Dans un marché intérieur basé sur un droit du contrat d'assurance harmonisé, les innovations dans le secteur de l'assurance pourraient plus facilement passer les frontières. Les clients européens pourraient bénéficier d'un accès à des produits d'assurance de conception étrangère.

4.3   Un élément particulier: l'harmonisation du droit du contrat d'assurance et l'élargissement de l'UE

4.3.1

Le 1er mai 2004, dix nouveaux États membres ont rejoint la CE, dont huit sont des pays en phase de transition. Leur législation en matière d'assurance a dû être alignée sur l'acquis communautaire, condition de base pour pouvoir intégrer la CE (39). La modernisation de la législation des contrats d'assurance est une condition sine qua non pour le bon fonctionnement des marchés de l'assurance dans ces pays. Si certains des nouveaux État membres ont adopté une législation moderne en la matière, d'autres doivent encore le faire.

4.3.2

L'harmonisation de la législation des contrats d'assurance devrait donc servir les intérêts d'un marché intérieur de l'assurance élargi en aidant les nouveaux États membres en à moderniser leur législation et à éviter de nouvelles disparités entre les systèmes nationaux. Il serait utile que la Commission européenne informe ces pays le plus rapidement possible au cas où elle envisage d'harmoniser la législation des contrats d'assurance.

5.   La proposition de directive de la Commission de 1979

5.1

Comme l'on en a fait état précédemment, la Commission a présenté en 1979 une première proposition de directive visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant le contrat d'assurance (40). Cette proposition avait été élaborée conformément aux dispositions du programme général pour la suppression des restrictions à la libre prestation de services, lequel prévoyait en matière d'assurance directe la coordination des textes juridiques et administratifs régissant les contrats d'assurance, «dans la mesure où la disparité de ces textes cause un préjudice aux assurés et aux tiers» (41).

5.2

La proposition mentionnée jugeait insuffisante la coordination réalisée par les directives sur les assurances alors en vigueur, et le fait que le traité interdise tout traitement discriminatoire en matière de prestation de services fondé sur le fait qu'une entreprise ne soit pas établie dans l'État membre où la prestation était exécutée.

5.2.1

Dans ce sens, il était estimé dans la proposition qu'il conviendrait d'harmoniser la réglementation en ce qui concerne «certaines questions générales, relatives notamment à l'existence de la couverture en fonction du paiement de la prime, à la durée du contrat et à la position des assurés qui ne sont pas preneurs d'assurance» ainsi que pour «les conséquences qu'entraînent, d'une part, le comportement du preneur d'assurance au moment de la conclusion et au cours du contrat, relativement à la déclaration du risque et du sinistre, et, d'autre part, son attitude à l'égard des mesures à prendre en cas de sinistre».

5.2.2

De même, la proposition précisait que «les États membres ne peuvent être autorisés, pour les problèmes réglés dans la présente directive, à prévoir des solutions différentes que lorsque cela est expressément prévu par le texte de la directive», sans que cela puisse remettre en question les objectifs poursuivis par la proposition, accomplissant ainsi un pas important en direction d'une harmonisation totale dans ce domaine (42).

5.3

Le CESE, dans son avis sur ce projet (43), en synthèse et à l'unanimité de ses membres:

a)

observait que la Commission s'était limitée à la coordination de quelques points jugés essentiels, mais qu'ultérieurement, d'autres questions devraient également être harmonisées;

b)

regrettait qu'aucune différenciation n'ait été prévue entre les risques de masse, d'une part, et les risques commerciaux et industriels, d'autre part;

c)

suggérait que l'assurance-maladie soit également exclue du champ d'application;

d)

regrettait que n'ait pas été réglementée la situation des contrats souscrits par des assureurs établis dans un des pays membres et relatifs à des risques situés dans des pays tiers, ni celle des contrats souscrits par des preneurs domiciliés en dehors de la Communauté;

e)

demandait que pour la protection adéquate des personnes physiques ou des PME, des règles spécifiques soient établies pour:

1)

la période de réflexion et le droit de rétractation;

2)

les clauses abusives;

3)

l'énonciation expresse des exclusions et des délais;

4)

une information précontractuelle adéquate;

f)

plaidait pour que le droit de recours des tiers lésés fasse l'objet d'une directive ad hoc ou d'une phase ultérieure de coordination.

5.4

Le CESE analysait ensuite en particulier chacun des articles de la proposition et formulait à leur sujet diverses observations critiques qui méritent aujourd'hui encore d'être dûment pondérées à l'heure d'élaborer toute initiative nouvelle en la matière.

5.5

Le Parlement européen se prononça (44) également à l'époque sur la proposition, considérant notamment que «l'harmonisation sera le garant de la protection, au même degré, des preneurs d'assurance, quel que soit leur choix quant à la loi applicable».

5.5.1

En particulier, le PE présenta plusieurs propositions de modification, notamment s'agissant du champ d'application de la directive (suppression d'exclusions), des éléments essentiels du contrat d'assurance, des obligations de déclaration de la part du preneur d'assurance, de leurs conséquences sur l'existence du contrat, en ce qui concerne tant les circonstances initiales que leur modification durant l'applicabilité du contrat, des éléments de preuve à fournir par le preneur en cas de sinistre et des conditions pour la résolution du contrat.

5.5.2

Les observations du PE font clairement apparaître, comme cela est expressément précisé, l'intention d'assurer «un juste équilibre […] entre les intérêts de l'assureur et ceux de l'assuré».

5.6

Suite à ces observations, la Commission eut l'occasion d'élaborer une proposition modifiée (45) reprenant les suggestions et propositions tant du CESE que du PE, et dans laquelle, pour la première fois, elle attirait l'attention sur le fait que «la coordination des dispositions législatives concernant les contrats d'assurance faciliterait la prestation de services dans un État membre par les assureurs d'un autre État membre», première expression d'un souci de voir se réaliser un marché unique dans le domaine des services financiers (46).

5.6.1

Cette proposition de la Commission prévoyait l'entrée en vigueur de la directive au 1er juillet 1983, mais en l'absence de volonté politique des États membres, elle ne fut jamais adoptée.

5.7   Dans quelle mesure la proposition présentée par la Commission en 1979/1980 reste-t-elle d'actualité?

5.7.1

Les réponses reçues au questionnaire et l'audition publique du 16 avril 2004 font apparaître un consensus généralisé: cette proposition, même si elle a plus de 20 ans, doit être considérée comme une contribution qui reste valide et qui constitue un bon point de départ en vue d'une nouvelle initiative en la matière.

5.7.2

Cependant, il a également été souligné que la nécessité actuelle d'harmonisation du contrat d'assurance va bien au-delà de la proposition de 1980 et que les règles à proposer doivent s'appuyer sur une discussion menée à la lumière d'une étude approfondie de droit comparé.

6.   Modalités d'harmonisation

6.1   Trouver les meilleures solutions en utilisant une méthode de droit comparé

6.1.1

Toute tentative d'harmonisation du droit européen du contrat d'assurance doit être précédée de travaux préparatoires de droit comparé. Ces travaux sont bien avancés au niveau académique. En fait, des travaux comparables ont déjà été effectués dans le domaine du droit général des contrats et ont donné lieu aux Principes généraux du droit des contrats. Dans le domaine du droit du contrat d'assurance, une quantité importante de résultats de travaux de recherche en droit comparé ont été ou seront publiés (47). En 1999, feu le Professeur Reichert-Facilides a fondé un groupe appelé «Restatement of European Insurance Contract Law». Les membres de ce groupe sont des experts du droit de l'assurance et représentent différents ordres juridiques (tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'UE).

6.1.2

Les orientations en vue de parvenir à la «meilleure solution» pour le droit du contrat d'assurance pourraient être les suivantes: premièrement, il faut dûment prendre en considération la mission essentielle du droit dans ce domaine, à savoir fournir un cadre juridique permettant à l'assureur de couvrir efficacement des risques et garantissant par conséquent le bon fonctionnement des activités d'assurance. Par ailleurs, il est primordial de trouver un juste équilibre entre les intérêts opposés des parties. S'agissant de ce dernier aspect, il faut tenir compte comme il se doit de la tendance moderne consistant à conférer au preneur d'assurance un degré relativement élevé de protection.

6.1.3

Sur la base de ces observations, il apparaît que les efforts déployés en vue de l'amélioration du marché intérieur des assurances devraient se concentrer sur les règles impératives. Ces règles constituent un cadre indispensable pour l'exercice par les parties de leur faculté de contracter librement, tout en constituant par ailleurs un obstacle au marché intérieur des assurances tant qu'elles ne sont pas harmonisées. Par conséquent, les besoins de réglementation dans le domaine de l'assurance sont compatibles avec les exigences d'harmonisation d'un marché intérieur de l'assurance.

6.2   Les mesures d'harmonisation doivent offrir un niveau élevé de protection au preneur d'assurance

6.2.1

Les lois du contrat d'assurance — du moins ses dispositions semi-impératives — visent à protéger la partie la plus faible et peuvent être appelées lois de protection du consommateur d'un point de vue fonctionnel. Toutefois, traditionnellement, la protection du preneur d'assurance va plus loin que le droit général de la consommation: tout comme les consommateurs privés, les chefs de petites entreprises sont protégés par les assurances qu'ils contractent.

6.2.2

Dans le cadre d'une harmonisation du droit européen de la consommation, la CE est tenue de fournir aux consommateurs un niveau de protection élevé (v. par ex. art. 95, paragraphe 3 du traité CE). Cette notion s'applique également aux actes législatifs basés sur d'autres articles du traité CE octroyant une compétence législative à la CE (dans le domaine de l'assurance, il s'agit habituellement de l'art. 47, paragraphe 2, en connexion avec l'art. 55 du traité CE). Par conséquent, une mesure d'harmonisation du droit du contrat d'assurance devrait offrir un niveau de protection élevé au preneur d'assurance.

6.3   Harmonisation minimale ou totale?

6.3.1

L'analyse des problèmes qui affectent actuellement le marché intérieur de l'assurance indique clairement la nécessité d'une pleine harmonisation du droit des contrats d'assurance. Une harmonisation minimale permettrait aux États membres d'appliquer un niveau de protection plus élevé, comme le prévoit la législation européenne, et créerait ainsi de nouveaux obstacles au marché intérieur de l'assurance.

6.3.2

Des normes minimales d'harmonisation ne porteraient pas préjudice au fonctionnement du marché intérieur si le régime de droit international privé en vigueur était remplacé par des règles conduisant à l'application de la législation de l'État d'établissement de l'assureur. De cette manière, l'assureur développerait ses produits conformément aux dispositions du droit national (ce qui permettrait à tout le moins d'offrir un niveau minimal de protection à l'échelle européenne) et pourrait les vendre en appliquant la législation du «pays d'origine» dans tous les autres États membres. L'assuré serait sûr d'obtenir un niveau minimal de protection malgré le fait d'être soumis à une législation étrangère.

6.3.3

Toutefois, une telle modification du régime de droit international privé n'est ni vraisemblable ni souhaitable. Premièrement, elle priverait les consommateurs de services d'assurance de la protection offerte par l'article 5 de la Convention de Rome qui protège le consommateur «passif», y compris dans des domaines où le droit matériel des consommateurs est harmonisé. Deuxièmement, des dispositions impératives de la loi du pays de résidence de l'assuré seraient imposées par des tribunaux, de sorte que des obstacles subsisteraient au fonctionnement du marché intérieur. Troisièmement, il convient de noter qu'en vertu du règlement communautaire concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des jugements, l'assureur ne peut poursuivre son assuré en justice qu'auprès des tribunaux du lieu de résidence de l'assuré (voir article 12, paragraphe 1, à quelques exceptions près). L'assuré, quant à lui, choisira probablement d'intenter ses actions devant les mêmes instances, aux termes de l'article 9, paragraphe 1, alinéa b dudit règlement.

6.3.4

En conséquence, une modification du régime de droit international privé donnerait lieu à une situation où les tribunaux compétents seraient tenus, dans la plupart des cas, d'appliquer la loi étrangère. Les litiges en matière d'assurance deviendraient de ce fait plus complexes et onéreux, même en cas d'harmonisation du droit des assurances. C'est la raison pour laquelle cette approche ne peut être recommandée. En principe, le régime de droit international privé devrait demeurer en l'état et la législation des contrats d'assurance faire l'objet d'une pleine harmonisation. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut récuser toute possibilité d'améliorer le régime de droit privé existant à l'heure actuelle. En d'autres termes, tant que le droit du contrat d'assurance n'est pas harmonisé, un citoyen «euromobile» pourrait être autorisé à choisir entre la loi de son lieu de résidence et celle liée à sa nationalité.

6.4   Le marché intérieur de l'assurance requiert-il l'harmonisation du droit général des contrats?

6.4.1

La législation des contrats d'assurance est systématiquement intégrée au droit général des contrats. D'où la question de savoir si l'harmonisation de la législation des contrats d'assurance ne peut atteindre ses objectifs que si l'ensemble du droit des contrats (ou, du moins, le droit général des contrats) est harmonisé ou si l'harmonisation peut être réalisée indépendamment de cela. C'est cette dernière solution qui semble l'emporter.

6.4.2

Comme nous l'avons déjà mentionné, ce sont les dispositions impératives qui constituent un obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur de l'assurance et qui devraient donc faire l'objet d'une harmonisation. Cependant, le droit général des contrats est, par essence, non impératif, bien qu'il existe certaines dispositions impératives. Mais ces dispositions ne semblent pas suffisamment différentes d'un État membre à l'autre pour que l'absence d'harmonisation puisse perturber le fonctionnement du marché intérieur de l'assurance. De plus, elles n'ont pas d'influence majeure sur le produit d'assurance en tant que tel.

6.4.3

Des exceptions existent mais l'harmonisation du secteur de l'assurance peut en venir à bout, comme le montre la directive concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (48), qui s'applique également aux polices d'assurance (49). Un texte législatif communautaire sur les contrats d'assurance n'aurait plus qu'à étendre son champ d'application à l'ensemble des risques de masse afin de satisfaire le marché intérieur de l'assurance.

6.4.4

Ces arguments n'ont pas pour objectif de plaider contre l'harmonisation du droit général des contrats. Ils laissent cette question à la seule appréciation des institutions européennes. En réalité, l'harmonisation du droit général des contrats simplifierait la tâche d'harmonisation de la législation des contrats d'assurance. L'unique objectif des arguments présentés est d'essayer de montrer que l'harmonisation de la législation des contrats d'assurance peut atteindre son but par elle-même.

6.5   Mise en place d'un instrument facultatif ou harmonisation des législations nationales sur les contrats d'assurance?

6.5.1   La différence entre l'harmonisation des législations nationales et un instrument facultatif

6.5.1.1

Le plan d'action pour un droit européen des contrats plus cohérent a mis en exergue la possibilité d'introduire un instrument facultatif en lieu et place d'une harmonisation ou d'une unification des législations nationales en matière de contrats. La principale différence entre les deux approches réside dans le fait qu'un instrument facultatif n'entraînerait pas de modification des législations nationales en matière de contrats pour autant que les parties concernées décident soit de ne pas être liées par cet instrument (opt out) soit de s'y soustraire (opt in), selon que cet instrument prévoit ou non ces deux possibilités. On crée de cette manière des régimes juridiques parallèles (un régime européen et des régimes nationaux) et les parties sont libres de choisir l'un d'eux.

6.5.1.2

En revanche, une harmonisation ou une unification des législations nationales en matière de contrats substituerait une solution européenne aux concepts traditionnels des législations nationales. Les parties n'auraient pas la faculté d'opter ou pour le modèle national ou pour le modèle européen.

6.5.2   Avantages et inconvénients des deux approches

6.5.2.1

Pour ce qui est du marché intérieur de l'assurance, les deux solutions présentent un même avantage évident: elles lèvent les obstacles à la commercialisation de polices d'assurance en Europe ainsi qu'à la libre circulation de l'assuré au sein de la Communauté sans que des différences dans le droit du contrat d'assurance n'entraînent d'effets néfastes sur son contrat d'assurance. Pour cette raison, l'une ou l'autre de ces approches est à privilégier par rapport à la situation actuelle et le choix entre les deux finit par être une question de politique et non de principe.

6.5.2.2

L'harmonisation de la législation des contrats d'assurance pourrait s'avérer plus contraignante que l'adoption d'un instrument optionnel. Étant donné qu'une solution européenne se substituerait aux «traditions» nationales, l'élite juridique nationale (tant les praticiens que les universitaires) pourrait hésiter à répondre à l'appel à une harmonisation.

6.5.2.3

Un autre facteur ambivalent est la corrélation entre le degré d'interférence avec la législation nationale et la rapidité d'obtention de résultats pour le marché intérieur. Étant donné qu'un instrument facultatif n'abolirait pas les législations nationales, il peut être considéré comme une approche «douce» et ainsi apparaître comme une solution plus aisément acceptable par les marchés. D'autre part, la crainte existe qu'un instrument facultatif pourrait placer les acteurs du marché unique (par exemple, les assureurs et les courtiers) dans une position d'attente: hésitant à jouer le rôle de chef de file, chaque acteur attendrait qu'un autre prenne les devants et tenterait de tirer avantage des (mauvaises) expériences de ses concurrents. Ou alors, l'instrument facultatif serait-il considéré comme une «fenêtre d'opportunités» que chacun souhaite ouvrir en premier, grâce à la vente d'assurances par Internet? Une harmonisation permettrait certainement d'engranger des résultats immédiats dans la mesure où aucun acteur ne peut éviter sa réalisation. En revanche, l'intervention pourrait être ressentie comme très, voire trop, forte.

6.5.2.4

Le fait qu'un instrument facultatif ne puisse pleinement remplacer une harmonisation suscite une préoccupation d'ordre technique. Pour le démontrer facilement, prenons l'exemple de l'assurance responsabilité civile automobile. Une harmonisation de la législation en matière d'assurance responsabilité civile automobile est capitale pour la mobilité des citoyens européens en ce qu'elle confère une protection indispensable aux victimes d'accidents. Il est évident que la protection des victimes ne doit pas dépendre du choix des parties au contrat d'assurance en faveur d'un instrument européen. Pour cette raison, un instrument facultatif ne pourrait pas remplacer une harmonisation de la législation nationale en matière d'assurance responsabilité civile automobile.

6.5.2.5

Pour terminer, la question se pose de savoir si un instrument facultatif donnera de bons résultats dans un domaine tel que le droit des assurances, qui se caractérise par un déséquilibre entre les parties. Les parties feraient-elles un choix judicieux ou le choix serait-il fait de manière unilatérale par les assureurs grâce à l'insertion de clauses de participation (opt in) ou de renonciation (opt out) dans leurs conditions générales d'assurance?

6.5.2.6

Le plus important n'est pas de savoir si cet objectif sera atteint par une harmonisation des législations nationales ou par la mise en place d'un instrument facultatif, mais la question nécessite néanmoins un examen rigoureux.

6.6   Élaboration de conditions générales d'assurance à l'échelle communautaire?

6.6.1

Une dernière interrogation concerne le remplacement éventuel d'une harmonisation des législations par l'élaboration de conditions générales d'assurance à l'échelle communautaire. En effet, les inquiétudes liées au fait que les assureurs doivent prendre en compte la législation de chaque État membre seraient atténuées (mais pas pour autant levées) si cet effort était consenti de manière collective et avec le soutien des institutions européennes.

6.6.2

On ne peut toutefois souscrire à cette approche. Premièrement, si des conditions générales applicables dans l'UE peuvent tenir compte des différences entre les législations nationales, elles requièrent toujours un calcul de risques séparé et sont susceptibles de porter préjudice aux citoyens qui se déplacent fréquemment sur le territoire communautaire.

6.6.3

En outre, cette approche conduirait à la définition de conditions types, ce qui aurait des répercussions négatives en termes de concurrence sur les marchés de l'assurance. Il convient de rappeler que l'une des étapes majeures dans la création d'un marché unique de l'assurance a été la suppression du droit des États membres de contrôler de manière systématique les conditions générales d'assurance avant leur introduction sur le marché (50). Un tel contrôle entraîne un manque de diversité des produits d'assurance, une réduction du choix pour les consommateurs et, partant, une diminution de la concurrence. L'élaboration de conditions générales d'assurance à l'échelle communautaire comporte structurellement un risque identique.

7.   Domaines d'harmonisation

7.1

Il a été démontré plus haut que l'harmonisation doit concerner les dispositions impératives de la législation des contrats d'assurance. Un autre point consiste à déterminer si cette harmonisation doit porter sur l'ensemble de la législation des contrats d'assurance ou sur certains domaines en particulier.

7.2

Le droit des assurances est communément scindé en deux parties: d'une part, le droit général contenant des dispositions applicables à tous les contrats d'assurance et, d'autre part, la législation spécifique aux diverses branches d'assurance. Il y a lieu de se demander si le marché intérieur de l'assurance requiert une harmonisation des dispositions générales, des dispositions spécifiques à certaines branches d'assurance ou des deux.

7.3

En théorie, une harmonisation des dispositions tant générales que spécifiques est nécessaire: elles touchent au produit et, ce faisant, entravent le fonctionnement du marché intérieur de l'assurance. Ainsi, les dispositions relatives aux garanties promissoires, régulièrement formulées dans le droit général, ont une influence sur le rapport entre le risque et la prime, au même titre que les dispositions spécifiques en matière d'assurance vie, par exemple. C'est pourquoi une harmonisation ne devrait en principe pas faire de distinction entre ces deux types de dispositions.

7.4

Une harmonisation pourrait toutefois être réalisée en plusieurs phases. Dans ce cas, il conviendrait d'établir une liste des priorités. Il apparaîtrait judicieux d'harmoniser en premier lieu le droit général. Nombreuses sont les branches d'assurance qui, dans le cadre des régimes nationaux de droit des contrats d'assurance en vigueur, ne font pas l'objet de dispositions spécifiques et impératives (51), mais uniquement de dispositions générales. Par conséquent, le plus urgent est de procéder à l'harmonisation des dispositions générales de la législation des contrats d'assurance pour autant qu'elles soient impératives. Cette harmonisation permettrait immédiatement la création d'un marché intérieur de l'assurance pour toutes les branches d'assurance non soumises à des dispositions juridiques spécifiques et impératives. Dès que cette tâche aura été accomplie, les branches soumises aux dispositions précitées, telles que l'assurance vie et l'assurance santé, devraient également faire l'objet de l'harmonisation.

7.5

Les dispositions susceptibles d'être harmonisées au cours de cette première phase pourraient être les suivantes:

a)

Obligations précontractuelles, essentiellement des informations;

b)

Établissement du contrat;

c)

Police d'assurance, nature, effets et exigences formelles;

d)

Durée du contrat, renouvellement et résiliation;

e)

Intermédiaires d'assurance;

f)

Aggravation des risques;

g)

Prime d'assurance;

h)

Objet de l'assurance;

i)

Assurance pour le compte de tiers.

8.   Conclusions et recommandations

8.1

L'assurance constitue aujourd'hui un service essentiel dans les relations commerciales entre les professionnels, d'une part, et entre ceux-ci et les consommateurs, d'autre part.

8.2

Certains des principes fondamentaux qui régissent la conclusion et la validité d'un contrat d'assurance en général varient selon les ordres juridiques nationaux des États membres de l'UE.

8.3

Cette situation constitue une entrave à la commercialisation transfrontalière de cet instrument financier et par conséquent, entrave la réalisation du marché intérieur dans ce domaine.

8.4

Une certaine harmonisation des dispositions impératives de la dénommée «partie générale» du droit de l'assurance peut contribuer de manière décisive à éliminer toute une série d'obstacles et de difficultés auxquels se heurtent les compagnies d'assurances, les intermédiaires d'assurance, les assurés et les preneurs d'assurance, qu'ils soient professionnels ou consommateurs, dans la réalisation d'opérations transfrontalières d'assurance.

8.5

Ce point de vue est unanimement partagé par toutes les parties concernées qui ont été consultées et entendues sur cette question.

8.6

Quant à la manière de procéder à cette harmonisation, il apparaît qu'un rapprochement progressif doit être l'approche à suivre, en vue, dans une première phase, d'adopter éventuellement un modèle de contrat d'assurance optionnel mais contraignant dans ses termes et ses éléments.

8.7

Il faudra tenir compte, lors de la préparation, des propositions de directive de la Commission de 1979 et de 1980, à la lumière des considérations et des analyses dont elles ont fait l'objet de la part de plusieurs parties intéressées, représentantes de la société civile et des instances de régulation des États membres, et prendre dûment en considération l'évolution entre-temps enregistrée dans le secteur.

8.8

L'instrument communautaire à utiliser devrait être le règlement et sa base juridique l'article 95 du traité.

8.9

Sur la base des considérations formulées dans le présent avis, le CESE invite instamment la Commission à rouvrir ce dossier et à commencer des études de droit comparé et une étude comparée des pratiques nationales pour le domaine des contrats d'assurance, en vue de confirmer la nécessité, l'opportunité et la possibilité de poursuivre les travaux conduisant à l'harmonisation du droit du contrat d'assurance au niveau communautaire.

8.10

Dans le cadre de ces travaux, il faudra prendre en considération les résultats déjà obtenus dans le cadre de recherches universitaires en la matière.

8.11

Le CESE recommande à la Commission que les travaux ainsi réalisés soit publiés et qu'ils fassent l'objet d'un débat public à travers, notamment, un livre vert, base indispensable pour l'élaboration de l'instrument communautaire qui viendrait à être considéré comme le plus approprié.

8.12

Le CESE est conscient que ce n'est qu'au prix d'une volonté politique claire des États membres de soutenir cette initiative d'harmonisation du droit du contrat d'assurance qu'il sera possible de concrétiser cette importante contribution à la réalisation du marché intérieur des services financiers.

8.13

Le CESE appelle le Parlement européen à s'associer à cette initiative et, renouvelant son soutien à l'objectif d'une harmonisation des dispositions impératives de la partie générale du droit du contrat d'assurance, à lui accorder le degré de priorité approprié dans son agenda politique.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Rapporteur: M. Manuel Ataíde Ferreira, JO C 95 du 30 mars 1998.

(2)  COM(79) 355 final, JO C 190 du 28 juillet 1979, modifié par COM(80) 854 final, JO C 355 du 31 décembre 1980; les avis du CESE et du PE ont été respectivement publiés aux JO C 146 du 16 juin 1980 et C 265 du 13 octobre 1980. Ces textes feront l'objet d'une appréciation au paragraphe 4 du présent avis.

(3)  Op. cit. point 2.1.9.

(4)  Idem point 2.3.1.1.1.

(5)  Idem point 3.4.

(6)  Idem point 3.6.1.

(7)  Idem point 4.3.6.

(8)  Les aspects considérés comme devant être intégrés dans la directive étaient les suivants:

«—

L'information précontractuelle minimale;

une liste de mots clés et leur signification;

une liste de clauses abusives propres aux assurances;

les mentions minimales obligatoires dans tout contrat d'assurance;

l'ensemble des obligations contractuelles communes à tout contrat d'assurance;

les principes de base et les règles fondamentales de tout contrat d'assurance;

un régime d'indemnisation temporaire en cas d'assurances de responsabilité civile;

le caractère obligatoire de la correspondance entre les primes et la valeur du risque, notamment eu égard à la dévalorisation automatique de la valeur des objets assurés en raison de leur âge, et la diminution des primes qui s'ensuit;

l'établissement de délais minimaux harmonisés pour l'exercice du droit de rétractation;

l'obligation que les polices soient lisibles et intelligibles et que les conditions générales et particulières y afférentes soient communiquées dans la phase précontractuelle et avant la souscription de l'assurance;

Idem point 4.5. Cette orientation a été ensuite reprise et réaffirmée dans divers avis du CESE, comme dans celui tout récent sur la “Proposition de directive de la Commission dans le domaine de l'assurance de responsabilité civile automobile”, rapporteur: M. Levaux, paragraphe 4.3, JO C 95 du 23.04.03».

(9)  «ECLG-Consumer Insurance», in Journal of Consumer Policy (1986), pages 205-228.

(10)  Note du CEA du 4 juin 2003.

(11)  COM(2001) 398 final du 11 juillet 2001 (JO C 255 du 13 septembre 2001).

(12)  COM(2003) 68 final du 12 février 2003.

(13)  Plan d'action, pt 74; cf. également les points 27, 47 et 48 du même document.

(14)  A5-0256/2003, approuvé lors de la session plénière du PE du 2 septembre 2003, points 11 et 14.

(15)  CJCE, 04/12/1986, Rec. 1986, 3755 (Commission / Allemagne).

(16)  Droit procédural international: règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO 2001 no L 12/1 (dernier amendement JO 2002 no L 225/13), art. 8 - 14; Droit privé international: convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles du 19 juin 1980, JO 1980 no L 166, en particulier art. 1 paragraphes 3 et 4; Droit des directives: deuxième directive 88/357/CEE du Conseil du 22 juin 1988 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 73/239/CEE, JO 1988 no L 172/1 (dernier amendement JO 1992 no L 228/1), en particulier art. 2 alinéa c, d; art. 3, 5, 7 et 8; Directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (troisième directive «assurance non vie»), JO 1992 no L 228/1 (dernier amendement JO 2003 no L 35/1) en particulier art. 1 alinéa a, b; art. 27, 28, 30, 31; Directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie, JO 2002 no L 345/1, en particulier art. 32, 33; En ce qui concerne le droit privé international des directives, voir Reichert-Facilides/d'Oliveira (dir.), International Insurance Contract Law in the EC, Deventer 1993; Reichert-Facilides (Hg.), Aspekte des internationalen Versicherungsvertragsrechts im EWR, Tübingen 1994.

(17)  Directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, JO 1972 no L 103/1 (dernier amendement JO 1984 no L 8/17); Deuxième directive 84/5/CEE du Conseil du 30 décembre 1983 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, JO 1984 no L 8/17 (dernier amendement JO 1990 no L 129/33); Troisième directive 90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, JO 1990 no L 129/33; Directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE du Conseil (Quatrième directive sur l'assurance automobile), JO 2000 no L 181/65; une cinquième directive a été proposée par la Commission le 7 juin 2002, COM(2002) 244 final, JO 2002 no C 227 E/387.

(18)  Directive 87/344/CEE du Conseil du 22 juin 1987 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance protection juridique, JO 1987 no L 185/77.

(19)  Voir par. 4.1.2.

(20)  Voir Eurostat.

(21)  Ces règles peuvent être appelées «absolument impératives» lorsque les parties ne peuvent y déroger par un accord particulier. Elles sont en revanche considérées comme «semi-impératives» lorsque les parties (ne) peuvent y déroger (que) dans la mesure où les conditions d'un tel accord seraient plus favorables au client que celles que lui offrent la loi.

(22)  JO 2003 No. C 63/1 (9 sub no. 47, 48: «Les contrats d'assurance, en particulier, se heurtent aux mêmes problèmes»).

(23)  Voir plus haut note 20.

(24)  Voir plus haut note 20.

(25)  Voir article 2, point d) de la deuxième directive sur l'assurance non-vie; article premier, paragraphe 1, point g) de la directive sur l'assurance vie.

(26)  Voir art. 7, paragraphe 1, point f) de la deuxième directive sur l'assurance non-vie (tel que modifiée par l'art. 27 de la troisième directive non-vie); pour la définition des grands risques, v. art. 5, points d) et i) de la première directive sur l'assurance non-vie.

(27)  Voir art. 7, paragraphe 1, points a) et d) de la deuxième directive sur l'assurance non-vie.

(28)  Voir art. 7, paragraphe 1, points a) et d) de la deuxième directive sur l'assurance non-vie.

(29)  Voir article 32, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive sur l'assurance vie.

(30)  Voir article 32, paragraphe 2 de la directive sur l'assurance vie.

(31)  Voir le plan d'action de la Commission européenne, JO C 63 du 15.03.2003 (paragraphe 48: «Dans la pratique, il s'est avéré impossible d'établir une seule police d'assurance qui pourrait être commercialisée dans les mêmes conditions sur différents marchés européens»).

(32)  Même si un tel changement n'a pas d'incidence sur la loi applicable en général, des règles impératives (internationalement) au lieu de la nouvelle résidence habituelle peuvent être imposées par les tribunaux de cet État membre; en vertu de l'article 9, paragraphe 1, point b) du règlement sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions, le preneur a le droit d'intenter un recours contre l'assureur dans l'État membre de sa (nouvelle) résidence. Les tribunaux de cet État membre peuvent imposer des règles impératives conformément à l'article 7, paragraphe 2 de la deuxième directive sur l'assurance non-vie et de l'article 32, paragraphe 4, point 1 de la directive sur l'assurance vie (règles impératives de la lex fori).

(33)  Voir plus haut note 20.

(34)  L'assureur peut éviter cela en insérant dans le contrat une clause de juridiction admissible au titre de l'article 13, paragraphe 5, en connexion avec l'article 14 (paragraphe 5) du règlement sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions, clause reconnaissant une compétence exclusive aux tribunaux de l'État membre où l'assureur est établi. De manière générale, les perspectives pour l'assureur sont beaucoup plus favorables en termes d'assurance de grands risques.

(35)  Voir infra 4.2.4.

(36)  Voir paragraphe 4.2.3 plus haut.

(37)  Basedow, Die Gesetzgebung zum versicherungdvertrag zwischen europaÏscher Integration und verbrauccherpolitik, in Reichert Facilities/Shnyder (H.g), Versicherungsrecht in Europa Kernperspeektiven am Ende des 20 Jahrhunderts, ZRS 2000 (Beiheft 34) 13 30 (at p 20).

(38)  Directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance, JO L 9 du 15.1.2003, p. 3

(39)  Voir Heiss, «Expanding the insurance acquis to accession candidates: From the Europe agreements to full membership», dans Heiss (éd.), «An internal market in an enlarged European Union», Karlsruhe 2002, 11–22.

(40)  Doc. COM(79) 355 final du 10 juillet 1979, in JO C 190/2 du 28.7.1979.

(41)  JO du 15.01.1962, titre V, C) a).

(42)  La proposition prévoyait notamment une harmonisation dans les domaines suivants:

a)

la structure formelle de la police d'assurance;

b)

le droit à une déclaration de garantie au moment de la conclusion du contrat et ses exigences formelles minimales; par un accroissement des risques et les conséquences du non-respect de cette obligation;

f)

le régime de la charge de la preuve pour le non-respect des obligations susmentionnées;

g)

le régime de la prime en cas de diminution du risque; l'effet du défaut de paiement de la totalité ou d'une fraction de la primependant la durée du contrat d'assurance;

h)

l'effet du défaut de paiement de la totalité ou d'une fraction de la prime pendant la durée du contrat d'assurance;

i)

les obligations du preneur d'assurance en cas de sinistre;

j)

le régime de résiliation du contrat;

k)

la possibilité pour les parties de déroger aux dispositions prévues dans la directive à condition que cela aille dans un sens plusfavorable au preneur d'assurance, à l'assuré ou au tiers lésé.

Le régime de la proposition de directive serait appliqué à toutes les assurances directes non-vie, à l'exclusion des branchessuivantes:

a)

véhicules ferroviaires;

b)

véhicule aériens;

c)

véhicules maritimes, lacustres et fluviaux;

d)

transport de marchandises;

e)

responsabilité civile relative aux véhicules aériens, maritimes, lacustres et fluviaux;

f)

crédit et caution compte tenu de leurs particularités.

(43)  rapporteur: M. DE BRUYN (JO C 146 du 16.06.80).

(44)  JO C 265 du 13.10.1980.

(45)  COM(80) 854 final du 15 décembre 1980 in JO C 355 du 31.12.1980.

(46)  Dans la nouvelle proposition de la Commission, il convient de mettre en exergue les éléments suivants:

a)

l'exclusion de l'assurance-maladie, comme l'avait suggéré le CESE;

b)

davantage de détail dans les procédures de résolution du contrat, la possibilité de maintenir les contrats étant privilégiée par opposition à leur révocation pure et simple;

c)

une meilleure formulation du régime de la charge de la preuve.

(47)  Voir Basedow/Fock (dir.), Europäisches Versicherungsvertragsrecht I, Tübingen, volumes I et II 2002, volume III 2003; Reichert-Facilides (dir.), Insurance Contracts, in: International Encyclopedia of Comparative Law (non encore publié).

(48)  Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, JO 1993 no L 95/29.

(49)  Une liste de clauses abusives spécifiques aux contrats d'assurance pourrait être insérée, conformément à l'avis d'initiative du CES sur «Les consommateurs dans le marché des assurances» (CES 116/98 du 29.01.98) et à l'étude commandée par la Commission et coordonnée par le Centre de droit de la consommation de l'Université de Montpellier (contrat AO-2600/93/009263) sur les clauses abusives présentes dans certains contrats d'assurance, à l'instar de ce que la Commission a proposé très récemment en matière de crédit aux consommateurs (COM(2002) 443 final).

(50)  Voir l'article 29 de la troisième directive sur l'assurance-dommages et l'article 34 de la directive sur l'assurance-vie.

(51)  De nombreuses dispositions relatives à des branches spécifiques, qui figurent dans les législations nationales des contrats d'assurance, ne revêtent pas un caractère obligatoire et ne constituent donc pas en soi une entrave au marché intérieur.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/15


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le tourisme et le sport: les défis futurs pour l'Europe»

(2005/C 157/02)

Le 29 janvier 2004, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème: «Le tourisme et le sport: les défis futurs pour l'Europe».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 novembre 2004 (rapporteur: M. PESCI).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 144 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

Avant-propos

Le développement des individus, des villes et des peuples s'opère à travers l'échange et le partage de valeurs positives, inspirées par le respect d'autrui et orientées vers la connaissance réciproque, la tolérance, l'accueil et la volonté mutuelle d'échanger des expériences et des projets.

Dans une société de plus en plus dynamique, marquée par de profondes mutations sociales, géopolitiques et technologiques, et où le développement des valeurs doit au moins aller de pair avec le développement matériel, il semble fondamental de saisir toutes les occasions, quelle qu'en soit l'importance, pour réaffirmer et diffuser ces valeurs.

Le tourisme et le sport sont des secteurs qui tendent naturellement à la réalisation d'une telle mission. Ils sont par nature d'essence sociale et culturelle, et non pas seulement économique, sont unis par une forte corrélation, dans la mesure où ils partagent certaines valeurs fondamentales telles que la curiosité intellectuelle, la disponibilité au changement, l'ouverture à la connaissance et la confrontation loyale.

Le tourisme et le sport peuvent en outre contribuer à la réalisation des objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne, qui vise à faire de l'Europe d'ici à 2010 l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde. Leur impact économique croissant joue en effet un rôle de levier pour les économies des pays de l'Union.

Cette contribution acquiert encore plus d'importance maintenant qu'a été approuvé le traité constitutionnel européen qui pour la première fois reconnaît le tourisme en tant que matière relevant de la compétence communautaire. Le CESE voit dans ce résultat un premier pas fondamental vers une politique européenne de développement, de soutien et de coordination du tourisme et accueille favorablement l'insertion dans le projet de constitution européenne de l'article relatif au sport.

1.   Introduction

1.1

Le tourisme et le sport sont deux secteurs appelés à jouer à l'avenir un rôle de plus en plus important pour la prospérité économique et sociale de l'Europe. Leur rôle fondamental est unanimement reconnu au niveau mondial.

1.2

Les États et les sociétés misent de plus en plus sur ces secteurs en tant que canaux privilégiés pour la diffusion de valeurs et de messages positifs et pour le développement d'économies durables d'un point de vue environnemental et social.

1.3

Depuis toujours, le sport attire en masse des gens qui partagent la même passion, qui les pousse à se déplacer continuellement pour suivre les événements sportifs, des plus petits aux plus grands.

1.4

Le tourisme offre aujourd'hui une gamme complète d'attractions sportives qui, ces dernières années surtout, rencontrent un grand succès, contribuant parfois à la revitalisation de zones connaissant un déclin partiel ou prononcé (1).

1.5

Certains sites d'événements sportifs sont ainsi devenus des destinations touristiques, et inversement. On observe une intégration croissante entre ces deux vocations, qui s'enrichissent mutuellement par l'apport de nouvelles possibilités d'offre et de croissance.

1.6

Cette évolution a accru la capacité de ces destinations d'attirer non seulement des jeunes et des moins jeunes, mais aussi des personnes handicapées, qui peuvent enfin vivre pendant leurs loisirs une expérience sportive dans des conditions inédites et plus gratifiantes.

1.7

En 2002, le nombre de touristes en provenance de pays tiers a été de 411 millions en Europe, soit un impact sur le PIB de plus de 5 % et un pourcentage de 58 % environ du marché touristique mondial. L'Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit toutefois que la part de l'Europe dans le marché touristique mondial tombera à 46 % d'ici à 2020, en dépit d'un nombre de touristes presque double, en raison de l'apparition des nouveaux concurrents.

1.8

Le CESE a organisé à Rome dans le cadre du présent avis une audition publique sur le thème «Le tourisme et le sport: les défis futurs pour l'Europe», à laquelle ont pris part de hauts représentants italiens et européens du monde touristique et sportif, ainsi que le responsable de l'Unité Tourisme et celui de l'unité Sport de la Commission européenne. Cette audition a été l'occasion d'une confrontation très utile qui a suscité de nombreuses suggestions et sujets de réflexion (2).

1.9

Dans la lignée de l'audition publique de Rome et sachant que cette année la Journée mondiale du tourisme (27 septembre 2004), organisée par l'OMT, a été consacrée au thème «Le sport et le tourisme: deux moteurs de l'entente entre les peuples, de la culture et du développement social», le CESE a tracé quelques pistes de réflexion pour une future politique plus intégrée en termes d'analyse et d'intervention dans ces deux secteurs.

1.10

Dans les quinze années à venir, l'Europe, qui a déjà accueilli en 2004 le Championnat d'Europe de football au Portugal et les XXVIIèmes Jeux olympiques et para-olympiques en Grèce, sera le théâtre de plusieurs événements sportifs d'importance mondiale, dont l'impact sera considérable en termes de flux touristiques et économiques. Le déplacement d'un bout à l'autre de l'Europe de visiteurs internationaux représentera une occasion unique pour toutes les destinations du continent.

2.   Tourisme et sport: les défis futurs pour l'Europe

2.1

Dans les années à venir, les médias du monde entier concentreront donc leur attention sur notre continent pendant des périodes prolongées. L'Union européenne se trouvera en ces différentes occasions (3) au cœur de la communication par le biais de différents canaux et à des niveaux divers. Il sera donc question de l'Europe, tout au moins à un certain niveau, y compris en termes politiques, socioculturels et touristiques, ainsi bien entendu que sportifs.

2.2

Il importe donc que cette période de grands événements sportifs constitue pour les sociétés européennes, non pas seulement une opportunité économique, mais surtout l'occasion de réfléchir et d'expérimenter certaines valeurs sur le plan culturel et social dans une optique de croissance et de développement durable.

2.3

Ces événements offrent à l'évidence l'occasion de développer et de diffuser une action de formation et d'éducation de grande ampleur auprès de la population des États membres et du monde entier. Une attention particulière devra être accordée aux jeunes et aux catégories moins bien intégrées dans le tissu social, parmi lesquelles les personnes handicapées.

2.4

Dans une perspective de compétitivité touristique, les années à venir, si riches en grands événements sportifs d'importance mondiale, pourront constituer une occasion unique pour notre continent, qui pourra ainsi développer et valoriser une démarche commerciale orientée vers la qualité de l'accueil et la durabilité des services offerts.

2.5

L'Union européenne comprend désormais vingt-cinq États, avec tous les avantages que cela comporte pour les 450 millions d'habitants du nouveau territoire communautaire. Cela signifie qu'il y aura un nombre plus élevé de destinations accessibles, de citoyens intéressés par la mobilité, d'athlètes et d'événements à intégrer le plus rapidement possible dans les programmes et les circuits continentaux.

3.   Tourisme et sport: binôme stratégique pour l'Europe

3.1

Le tourisme est une industrie de paix qui favorise l'intégration entre les peuples et permet leur coexistence, dans un esprit de tolérance et de respect réciproque.

3.2

Le tourisme a montré qu'il pouvait contribuer à l'amélioration des conditions de vie de millions de personnes dans le monde, en favorisant un développement économique plus équitable et solidaire.

3.3

Son impact sur l'emploi est considérable. À l'échelle européenne, il y a plus de 2 millions d'entreprises actives dans ce secteur, qui emploie plus de 8 millions de personnes, sans compter les emplois générés indirectement.

3.4

Le tourisme est en effet un secteur horizontal, capable de créer des emplois dans une mesure supérieure à d'autres secteurs de production.

3.5

Mais c'est aussi un secteur particulièrement sensible à des conjonctures économiques négatives, aux crises internationales et aux fluctuations saisonnières qui en limitent l'impact sur l'emploi de longue durée. Cela étant, ce secteur a toujours fait preuve d'une certaine capacité de résistance générale, grâce à la présence d'un large éventail d'offres qui, par leur diversité, sont en mesure de compenser et d'absorber les crises structurelles et occasionnelles.

3.6

Le défi des prochaines années consistera à créer et à maintenir un cadre socialement et économiquement stable dans l'Europe des 25 et à éliminer toute forme d'exclusion sociale. Il faudra faire en sorte que tout le monde puisse avoir accès au tourisme et au sport ainsi qu'à la culture et en profiter concrètement, en prévoyant des facilités pour les catégories sociales défavorisées.

3.7

La Commission européenne a déjà esquissé ces grandes lignes dans sa Communication de novembre 2001 intitulée «Une approche coopérative pour l'avenir du tourisme européen»  (4) et dans la Communication suivante de novembre 2003 présentée sous le titre «Orientations de base pour la durabilité du tourisme européen»  (5). Il s'agit à présent de concrétiser les thèses développées dans ces documents.

3.8

Néanmoins, le développement d'un tourisme de qualité ne peut s'envisager indépendamment de l'intégration avec d'autres secteurs de production et/ou de loisirs de la société. Et le sport, véritable réservoir de valeurs, de culture, de règles et d'idéaux, en représente la contrepartie idéale pour la mise en oeuvre d'une croissance durable à tous les niveaux.

3.9

Le sport, comme le tourisme, est aujourd'hui une composante essentielle de l'activité humaine pendant les loisirs et représente dans le même temps un facteur de croissance sociale et de développement économique aux énormes potentialités.

3.10

Les valeurs qu'il véhicule et qui, comme on le sait, remontent aux premières Olympiades grecques du VIIIe siècle av. J.-C., sont plus que jamais d'actualité et sont de plus en plus mises à l'honneur par les politiques de formation destinées aux jeunes.

3.11

La dimension économique du sport a crû outre mesure ces dernières années. Les grands événements sportifs sont devenus de grands moments de mobilisation collective et sociale qui sont porteurs de messages et de valeurs dans le monde entier et auprès de toutes les classes d'âge.

3.12

Les événements sportifs ont également entraîné l'apparition de nouvelles formes de tourisme qui associent aux vacances traditionnelles la possibilité de pratiquer une activité sportive donnée. Les grands événements jouent à cet égard le rôle de catalyseurs et poussent les gens à se lancer dans de nouvelles disciplines sportives.

3.13

Le sport profite d'une part des infrastructures et des services touristiques et d'autre part il est générateur de tourisme, lequel à son tour bénéficie considérablement des événements sportifs qui se déroulent dans les différentes destinations touristiques. Il suffit de penser au nombre de personnes qui se déplacent pour suivre un Championnat du monde de football ou des Jeux olympiques et surtout à la possibilité pour le pays d'accueil de ces manifestations d'améliorer ainsi son image.

3.14

Le présent avis porte essentiellement, mais non seulement, sur les grands événements sportifs, qui sont habituellement ceux qui génèrent le plus de bénéfices en termes culturels, sociaux, économiques et en termes de visibilité pour les destinations européennes.

3.15

Par grand événement sportif, on entend d'une manière très générale et non exclusive un événement capable de mobiliser un flux significatif de touristes qui passent au moins une nuit sur le lieu de la compétition et stimulent ainsi l'industrie touristique locale.

3.16

Le grand événement sportif peut être l'occasion de promouvoir des valeurs, des comportements et des pratiques pouvant ensuite être expérimentés et développés dans le cadre des multiples activités locales (6).

3.17

La relation complexe qui unit le tourisme et le sport s'insère toutefois dans un réseau plus large qui inclut également l'environnement social, culturel et environnemental. Le touriste d'aujourd'hui est en effet en quête d'expériences de vacances de plus en plus intégrées, capables de satisfaire à la fois un besoin de distractions et des attentes culturelles et sportives.

4.   Le niveau institutionnel

4.1

Dans les années passées, l'unique base juridique disponible pour la mise en oeuvre d'une politique communautaire du tourisme était l'article 3, lettre u), du traité CE, qui faisait référence en termes généraux à des mesures dans le domaine du tourisme. Pour un secteur pesant autant sur l'économie d'un grand nombre de pays de l'Union, cela représentait un sérieux frein à la mise en oeuvre d'une véritable politique européenne du tourisme.

4.2

Le tourisme est en effet une matière à caractère nettement transversal, qui embrasse la quasi-totalité des secteurs de production et des services et nécessite des économies d'échelle efficaces, non seulement dans sa gestion territoriale mais aussi dans le cadre du processus décisionnel et politique qui oriente les choix en la matière.

4.3

Toutefois, surtout depuis 1999, l'on a assisté à un regain d'intérêt de la part des institutions communautaires pour le tourisme (7). Le CESE a suivi avec attention cette nouvelle tendance et accueille avec beaucoup de satisfaction l'insertion d'un article ad hoc sur le tourisme dans la constitution européenne (8).

4.4

Cette avancée met fin à une longue période parfois pénalisante de marginalisation du tourisme et représente la condition nécessaire à une reconnaissance et intégration institutionnelle du secteur dans les politiques de l'Union européenne.

4.5

Le CESE espère que le tourisme pourra désormais bénéficier de mesures, d'initiatives et de programmes européens véritablement ciblés et spécifiques. À ce propos, il souhaite la création d'une instance de contrôle unique au niveau communautaire, à l'image des agences européennes compétentes dans des secteurs déterminés (9).

4.6

Le fait que l'action de l'Union européenne s'oriente déjà vers une politique du tourisme inspirée par le développement durable sous toutes ses formes est en tout état de cause appréciable (10).

4.7

S'agissant de la politique européenne en matière de sport, elle s'appuie sur quelques documents fondamentaux: parmi ceux-ci, la Charte européenne du sport de 1992, le traité d'Amsterdam, qui en a consacré l'importance sociale, et la déclaration annexée au traité de Nice, qui en a quant à elle sanctionné la spécificité parmi les matières relevant de la compétence communautaire.

4.8

Grâce notamment à l'impulsion reçue lors du Sommet de Nice, le sport a trouvé sa juste place dans la Constitution pour l'Europe adoptée en juin 2004, qui comporte un article spécifique en la matière (11).

4.9

Afin de marquer l'importance socio-éducative du sport, la Commission européenne a décidé de faire de 2004 l'«Année européenne de l'éducation par le sport». C'est une façon d'attirer l'attention sur ce secteur, ainsi que de financer des projets de formation, de sensibilisation et de développement dans les milieux scolaires et parascolaires de toute l'Union.

4.10

Mais cette initiative a également permis de favoriser, bien qu'avec des ressources limitées, la mobilité des étudiants, qui ont ainsi pu visiter des lieux autres que leur lieu d'origine et conjuguer leur désir de découvrir et de voyager avec celui de pratiquer leur sport favori.

4.11

Les modalités d'intégration entre tourisme, sport et culture représentent l'un des défis que nous devrons relever dans les années à venir, afin de contribuer à la relance de l'économie européenne et de favoriser un niveau plus élevé de bien-être social pour tous.

4.12

Il s'agit là d'une tâche prioritaire au regard des objectifs de la stratégie de Lisbonne déjà évoqués, lesquels devront en tout état de cause prendre également en compte l'évolution de la situation économique des pays de l'Union de manière à garantir une croissance et un développement durables.

4.13

L'élaboration au niveau européen de cette stratégie innovante axée sur l'intégration horizontale du tourisme, du sport et de la culture peut s'opérer aussi bien par le biais d'ateliers spécifiques (organisés au sein du Forum européen du tourisme ou d'un Forum européen du sport) que via la promotion d'initiatives innovantes (par exemple: échanges d'étudiants, lancement de campagnes de sensibilisation afin d'impliquer le touriste «sportif» dans la vie culturelle et sociale du lieu de l'événement sportif, ou encore cours volontaires en vue de l'acquisition de nouvelles compétences, etc.). À cet égard, il apparaît essentiel d'associer en priorité à ces actions tant la société civile que les partenaires privés.

4.14

La reconnaissance juridique dans la constitution européenne des secteurs du tourisme et du sport constitue une grande avancée pour la réalisation de ces objectifs, en particulier pour la promotion et le développement de la compétitivité des entreprises européennes opérant dans ces deux secteurs.

5.   Sécurité et trêve olympique

5.1

Les années à venir seront comme on l'a vu très riches en événements sportifs et des millions de personnes accourront du monde entier pour y assister.

5.2

Cette période de grands déplacements, de grands événements sportifs et de forte attention médiatique soulève de manière aiguë la question de la sécurité. Celle-ci doit être affrontée de manière responsable, sans créer d'alarmes injustifiées, mais en prenant toutes les mesures de prévention et de surveillance nécessaires pour garantir le déroulement serein des différentes manifestations sportives.

5.3

La coopération et l'élaboration préventive de stratégies communes d'intervention sont de ce point de vue fondamentales pour la gestion des grandes manifestations sportives.

5.4

La sécurité sera donc au centre des stratégies d'organisation des événements des années à venir et la prévention devra en constituer l'un des piliers.

5.5

Les Nations unies, réunies en assemblée générale le 6 septembre 2000, ont adopté une déclaration dont le point II stipule: «Nous demandons instamment à tous les États membres d'observer la trêve olympique, individuellement et collectivement, dans le présent et à l'avenir, et de soutenir les efforts que le Comité international olympique déploie pour promouvoir la paix et la compréhension entre les hommes par le sport et l'idéal olympique».

5.6

Le Conseil européen de Bruxelles (12 décembre 2003) et le Parlement européen (1er avril 2004) se sont eux aussi exprimés en ce sens. Ce dernier en particulier a accueilli favorablement la création par le CIO (Comité international olympique) d'une Fondation internationale pour la trêve olympique, organisation ayant pour objet de promouvoir les idéaux de paix et de compréhension à travers le sport.

5.7

Le CESE souligne dans sa contribution au débat sur la sécurité la nécessité de faire de la trêve olympique un «message universel» pour toutes les manifestations sportives mondiales des prochaines années. Il soutient en effet que le sport peut contribuer à diffuser la culture du dialogue et à multiplier les occasions de rencontre.

6.   Durabilité intégrée

6.1

Comme on l'a déjà dit, le tourisme et le sport mettent en jeu des relations complexes qui ont des répercussions dans le domaine social, économique et environnemental. Cette complexité s'accroît encore lors d'événements de grande portée (les «grands événements»).

6.2

L'organisation de ces événements doit donc être guidée par les principes de la durabilité: durabilité socioculturelle, économique et environnementale. Il faut étendre au sport et aux destinations sportives les lignes directrices pour la durabilité du tourisme adoptées par la Commission européenne dans sa récente communication déjà citée «Orientations de base pour la durabilité du tourisme européen» (12) et commentées dans l'avis du CESE sur le thème «Un tourisme accessible à tous et socialement soutenable» (13).

6.3

D'un point de vue social et culturel, ces manifestations sportives devront notamment être l'occasion de valoriser les identités et de réaliser des échanges culturels. Il est donc proposé d'encourager les initiatives et les événements à caractère touristique/sportif impliquant plusieurs régions de différents pays européens (sur le modèle du programme Interreg).

6.4

D'un point de vue socio-économique, il y a lieu d'insister sur l'importance d'accorder la plus grande attention à la population locale en tant qu'acteur premier de la manifestation. La planification des différents services et infrastructures devra tenir compte de la possibilité pour les habitants d'en faire usage à l'avenir. La population locale devra également servir de référence pour la relance de l'emploi et la mise en oeuvre de mesures de formation orientées vers les manifestations proprement dites.

6.5

Des modèles ont déjà été développés afin de mesurer les capacités d'absorption des lieux de destination et des services correspondants en termes de durabilité environnementale, mais aussi à d'autres points de vue. Il apparaît souhaitable de promouvoir la divulgation et l'application de ces modèles également lors des manifestations sportives, en soutenant comme indiqué précédemment une approche intégrée, prenant en compte différents aspects relatifs à la société, à l'économie, à l'environnement.

6.6

Il convient donc d'identifier et de soutenir les modèles de planification, de gestion et de développement de ces événements, afin d'en maximiser les bénéfices et la valeur ajoutée créée, notamment dans l'intérêt du territoire et de la communauté d'accueil, qui en subissent en tout état de cause les retombées négatives et n'en tirent que rarement un bénéfice mesurable.

6.7

Les événements sportifs de grande portée peuvent être l'occasion de développer des compétences et un savoir-faire de haut niveau, qui peuvent être utiles à moyen et à long terme à la destination touristique/sportive, en termes de culture d'accueil et de préparation à la rencontre. Ils peuvent en outre contribuer à la diffusion des meilleures pratiques dans le cadre de la gestion intégrée du tourisme et du sport.

6.8

L'organisation de manifestations complexes présuppose une activité initiale de cartographie des conflits éventuels entre les habitants et les visiteurs temporaires quant à l'utilisation des ressources, des services, des espaces et à leur qualité respective.

6.9

L'activité de gouvernance à mettre en oeuvre entre les promoteurs des manifestations, les services organisateurs, les représentations locales, les représentants des bénéficiaires finaux, les représentants des intérêts sociaux et d'une manière générale entre tous les acteurs concernés revêtira une importance fondamentale.

6.10

Les événements sportifs doivent s'insérer dans la programmation à moyen/long terme de la localité et du pays d'accueil. En particulier, il y a lieu de prendre en compte l'impact de ces manifestations sur l'image globale de la destination touristique/sportive.

6.11

Il est notoire que le caractère saisonnier du tourisme est l'un des obstacles à son développement. Or les événements sportifs favorisent également une politique de développement du tourisme et de son économie tout au long de l'année, en assurant une rentabilité optimale et en garantissant la stabilité à long terme de l'emploi.

6.12

Il serait utile d'instaurer et de soutenir des actions de suivi des expériences en cours et à venir, afin de contribuer à la définition d'un modèle d'expériences de planification et de gestion des manifestations sportives dans le plein respect des aspects sociaux, environnementaux et économiques précédemment évoqués. Il semble en particulier intéressant de soutenir une action de suivi quant à l'utilisation des installations et à l'usage ultérieur des structures et des services créés en vue d'un événement donné.

6.13

D'une manière générale, il convient de mettre en avant la possibilité d'adopter les mesures, actions et recommandations contenues dans le programme européen pluriannuel pour un développement durable du tourisme en créant un Agenda 21 pour le sport également ainsi que pour les destinations se prêtant le plus à l'organisation et à l'accueil de tels événements.

6.14

Il y a lieu de systématiser, de diffuser et de mettre en commun les bonnes pratiques et les expériences positives en matière de planification et de gestion d'événements touristiques et sportifs, de manière à favoriser une organisation optimale des grandes manifestations dont l'Union européenne sera prochainement le théâtre.

7.   Tourisme, sport et formation

7.1

On ne saurait trop souligner l'opportunité de renforcer à tous les niveaux l'objectif de formation et d'éducation dans le cadre des politiques menées dans le domaine du sport et du tourisme.

7.2

Telle est l'orientation préconisée également par la déclaration sur le sport annexée aux conclusions du Conseil européen de Nice de décembre 2000, qui souligne que «la Communauté doit tenir compte … des fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport… afin de respecter et de promouvoir l'éthique et les solidarités nécessaires à la préservation de son rôle social».

7.3

L'intégration et la valorisation des valeurs positives communes au tourisme et au sport peuvent constituer de puissants outils d'intégration au niveau des populations, des villes et des États.

7.4

La série de manifestations qui a débuté en 2004 apparaît donc d'autant plus importante au regard de l'objectif proposé: la transmission d'éléments et d'orientations en matière de formation par le biais de ces grands événements, qui jouiront d'une énorme visibilité auprès du public et des institutions.

7.5

L'ouverture de l'Union à dix nouveaux États vient encore renforcer cette possibilité. La finalité éducative, à travers une meilleure connaissance de l'Union et de ses peuples, l'échange réciproque des valeurs liées à la sportivité, à la loyauté et à la compétitivité pourront être étendus et partagés avec les nouveaux États membres par le recours aux grands moyens de communication.

7.6

Parmi les valeurs centrales à développer et à diffuser, il y a également celles de la tolérance, de l'ouverture, de l'accueil et de la disponibilité à la rencontre entre des peuples et des ethnies différentes. L'échange de ces valeurs au sein de l'Union européenne demande d'une part une éducation scolaire appropriée ainsi que, pour les adultes, une formation adéquate pour toutes les personnes travaillant dans les secteurs du tourisme et du sport, et d'autre part des échanges intensifs d'expériences qu'il convient d'encourager. Lors de leurs voyages, les touristes nourrissent également des attentes à l'égard de ces valeurs.

7.7

Il conviendra de s'attacher à défendre, lors des événements sportifs et touristiques, le droit de pratiquer les différentes disciplines et de participer aux événements correspondants pour toutes les catégories de la population, en particulier les plus faibles: jeunes, personnes âgées, personnes handicapées.

7.8

Comme il ressort en effet de la déclaration sur le sport annexée aux Conclusions du Conseil européen de Nice du 2000, déjà évoquée, «la pratique des activités physiques et sportives est, pour les personnes handicapées, physiques ou mentales, un moyen privilégié d'épanouissement individuel, de rééducation, d'intégration sociale et de solidarité…».

7.9

Ces actions destinées aux catégories les plus défavorisées de la population doivent être soutenues par les institutions centrales et locales, les fédérations nationales, les sociétés et associations sportives, les clubs non professionnels et les écoles.

7.10

En effet, le monde scolaire est précisément le terrain le plus fertile pour diffuser des valeurs positives et contribuer à la connaissance réciproque, dans la mesure où c'est dès l'âge scolaire que les liens entre le sport, le tourisme et la formation peuvent être le mieux exploités.

7.11

Il est donc proposé de continuer à promouvoir la mobilité et les échanges d'étudiants à travers l'organisation de rencontres sportives prévoyant également des moments d'étude et d'approfondissement des réalités et des cultures locales.

7.12

Il est également proposé de développer la coopération entre les États membres, notamment dans le domaine de l'échange d'informations sur les meilleures pratiques, en particulier celles impliquant le touriste sportif dans la vie culturelle et sociale du lieu de la manifestation sportive, de façon à réduire les actes de violence et d'intolérance et à favoriser des occasions de développement réciproque.

7.13

Il serait également intéressant d'étudier l'opportunité d'organiser des cours en vue de développer de nouvelles compétences relatives à l'organisation d'événements touristiques/sportifs, qui prennent en compte tous les aspects du tourisme liés au développement social, à la durabilité intégrée, à la communication et au marketing.

8.   Conclusions

8.1

Le tourisme et le sport peuvent se concevoir comme des laboratoires du développement, de l'échange et du partage de valeurs positives, inspirées par le respect d'autrui et orientées vers un savoir commun, la tolérance et l'accueil réciproque. Il s'agit en effet de secteurs naturellement portés vers l'accomplissement d'une telle mission et dont le rôle acquiert une importance particulière dans le contexte d'une société de plus en plus dynamique, marquée par de profondes transformations socioculturelles, géopolitiques et technologiques.

8.2

Le tourisme et le sport peuvent en outre contribuer dans une large mesure à la réalisation des objectifs définis dans la stratégie de Lisbonne. Leur impact économique croissant pourrait en effet devenir un véritable levier de l'économie de l'Union européenne, surtout si l'on tire pleinement profit de toutes les possibilités permettant de développer et de diffuser les compétences liées à ces deux secteurs.

8.3

La mention du tourisme et du sport dans la version finale de la constitution européenne représente un tournant historique pour ces deux secteurs. Le CESE espère que la Communauté va maintenant développer une activité significative dans ces deux domaines et préconise le recours à la méthode ouverte de coordination afin d'assurer un échange de capacités et de connaissances ainsi qu'une confrontation au niveau européen.

8.4

Le tourisme et le sport sont deux secteurs complexes et non homogènes, très difficiles à étudier conjointement et à comparer sur le plan économique et social. Le CESE propose donc de créer un Observatoire européen commun ainsi qu'une banque de données capables de recueillir, de regrouper et de diffuser dans les États membres les connaissances et les meilleures pratiques relatives au développement de ces deux secteurs.

8.5

Le CESE souhaite en outre que l'Union européenne encourage des études et des recherches afin de permettre une analyse comparée au niveau européen de l'impact social, économique et environnemental du binôme tourisme-sport.

8.6

La diffusion d'une culture promouvant l'accès de tous au tourisme et au sport et l'élaboration de politiques visant à favoriser cet accès doivent constituer une priorité pour toutes les actions de développement de ces deux secteurs, en prenant en compte aussi bien les catégories plus fragiles de la population, à savoir les jeunes, les personnes âgées et les personnes handicapées, que celles disposant de moyens financiers limités. Une campagne de sensibilisation serait à cet égard souhaitable afin que l'on prenne conscience que l'accessibilité et la durabilité sont des critères concourant à une meilleure compétitivité sur le marché.

8.7

Il est proposé de créer une Agence européenne du tourisme, ayant pour objet de préserver les spécificités de ce secteur, d'en analyser les points faibles, de définir d'éventuels axes de développement et d'identifier en matière de croissance durable des instruments novateurs à intégrer dans les actions structurelles de l'Union européenne.

8.8

Le tourisme et le sport sont des réalités pluridimensionnelles et complexes à fort potentiel de développement. Le présent avis soutient la nécessité d'une intégration horizontale de ces secteurs au niveau européen, afin que ce potentiel puisse se concrétiser en termes aussi bien socioéconomiques que culturels. Le CESE estime également qu'il convient, lors de la mise en oeuvre des mesures préconisées, de porter une attention constante à leur durabilité, tant d'un point de vue socioéconomique et culturel qu'environnemental.

8.9

Le présent avis est présenté par le CESE sous l'appellation de «Déclaration de Rome sur le tourisme et le sport» afin de faciliter son identification et sa diffusion lors de toutes les grandes manifestations liées au tourisme et au sport organisées au niveau européen.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  La ville de Turin illustre bien ce processus, puisqu'à l'occasion des prochains Jeux olympiques et para-olympiques d'hiver de 2006, des zones industrielles à l'abandon sont revitalisées et de nouveaux territoires périphériques sont aménagés, ce qui dynamise tous les secteurs de l'économie locale.

(2)  Audition publique «Le tourisme et le sport: les défis futurs pour l'Europe», organisée à Rome le 22 avril 2004 au CNEL (Conseil national de l'économie et du travail).

(3)  Cf. note de bas de page 3.

(4)  COM(2001) 665 final.

(5)  COM(2003) 716 final.

(6)  Championnats locaux par catégorie, tournois interscolaires et amateurs, manifestations sportives régionales, Universiades, etc.

(7)  Depuis le Plan d'action européen pour l'emploi dans le tourisme de 1999, jusqu'à la communication de la Commission intitulée «Une approche coopérative pour l'avenir du tourisme européen» du 13 novembre 2001, la résolution du Parlement européen du 14 mai 2002 ou la résolution du Conseil concernant l'avenir du tourisme européen, du 21 mai 2002, ou enfin la communication de la Commission intitulée «Orientations de base pour la durabilité du tourisme européen» de novembre 2003.

(8)  Art. I-16 et art. III-281 bis, Section 3 A.

(9)  Par exemple, l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'Agence européenne pour l'environnement, etc.

(10)  Le CESE a participé à ce processus à travers son avis d'initiative «Un tourisme accessible à tous et socialement soutenable» (JO C 32 du 5.2.2004), par lequel il a voulu donner une contribution aux futures mesures d'intervention.

(11)  Art. I-17 et art. III-282, Section 54.

(12)  COM(2003) 716 final.

(13)  JO C 32 du 5.2.2004.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/22


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission: Vers une stratégie européenne en faveur des nanotechnologies»

(COM(2004) 338 final)

(2005/C 157/03)

Le 12 mai 2004, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission: Vers une stratégie européenne en faveur des nanotechnologies»

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 novembre 2004 (rapporteur: M. PEZZINI).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004 ), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 151 voix pour et 1 abstention.

1.   Observations préliminaires

1.1

Le Comité économique et social européen est conscient que cet avis concerne un thème dont certains aspects sont nouveaux et dont la terminologie est souvent méconnue ou, en tout cas, peu usitée. Aussi a-t-il jugé utile de présenter quelques définitions et de décrire l'état d'avancement de la recherche et des applications relatives aux nanotechnologies en Amérique et en Asie.

1.2

Table des matières de l'avis

2.

3.

4.

5.

6.

7.

8.

2.   Définitions

2.1

Nano: désigne un milliardième d'unité. En l'occurrence, étant donné qu'il est question de dimensions, le préfixe «nano» désigne un milliardième de mètre.

2.2

Micro: désigne un millionième d'unité. En l'occurrence, un millionième de mètre.

2.3

Nanosciences: les nanosciences sont une nouvelle approche des sciences traditionnelles (chimie, physique, biologie, électronique, etc.) en ce qui concerne la structure fondamentale et le comportement de la matière au niveau des atomes et des molécules. En fait, ce sont les sciences qui étudient le potentiel des atomes dans les différentes disciplines (1).

2.4

Nanotechnologies: il s'agit des technologies qui permettent de manipuler les atomes et les molécules de manière à créer de nouvelles surfaces et de nouveaux objets qui, grâce à la composition différente et à la nouvelle disposition des atomes, présentent des caractéristiques spécifiques, pouvant être utilisées dans la vie quotidienne (2). Ce sont donc les technologies liées au milliardième de mètre.

2.5

Outre la définition susmentionnée, il est bon d'en donner une deuxième, plus percutante d'un point de vue scientifique: le terme nanotechnologie désigne une approche multidisciplinaire de la création de matériaux, de dispositifs et de systèmes, en maîtrisant la matière à l'échelle nanométrique.

2.6

Nanomécanique: les dimensions d'un objet commencent à présenter de l'importance lorsqu'il faut en déterminer les propriétés si l'échelle de dimension varie entre un et quelques dizaines de nanomètres (il s'agit d'objets composés de quelques dizaines à quelques milliers d'atomes). Dans cet ordre de dimensions, un objet composé de cent atomes de fer présente des propriétés physiques et chimiques radicalement différentes d'un autre objet composé de deux cents atomes, même s'ils sont tous deux fabriqués avec les mêmes atomes. De même, les propriétés mécaniques et électromagnétiques d'un solide constitué de nanoparticules sont radicalement différentes de celles d'un solide traditionnel de même composition chimique et présentent les propriétés des différentes unités qui le composent.

2.7

Il s'agit là d'une nouveauté scientifique et technologique fondamentale, qui modifie notre manière d'appréhender la création et la manipulation des matériaux dans tous les secteurs de la science et de la technologie. Par conséquent, la nanotechnologie n'est pas une nouvelle science qui vient prendre place à côté de la chimie, de la physique ou de la biologie, mais bien une nouvelle manière de faire de la chimie, de la physique ou de la biologie.

2.8

Il ressort de ce qui précède qu'un matériau ou un système nanostructuré est composé d'unités de dimension nanométrique (les architectures traditionnelles dont nous avons l'habitude, composées de différents atomes, ne sont plus pertinentes) et donc dotées de propriétés spécifiques qui se combinent pour former des structures complexes. Il est par conséquent clair qu'il a lieu de remplacer les paramètres de production basés sur l'assemblage de divers atomes ou molécules, tous identiques, par des approches pour lesquelles les dimensions sont un paramètre fondamental.

2.9

Si nous voulons quantifier la portée révolutionnaire de la nanotechnologie, nous pouvons affirmer que celle-ci est comparable à la découverte d'un nouveau tableau périodique des éléments, bien plus grand et compliqué que celui que nous connaissons, et que les limitations fixées par les diagrammes de phase (par exemple la possibilité de mélanger deux matériaux) peuvent être dépassées.

2.10

Il s'agit par conséquent de technologies du bas vers le haut, qui permettent de passer de la dynamique de fonctions individuelles à un ensemble. Le nombre d'applications possible ne cesse de croître, notamment dans les secteurs suivants: la santé, les technologies de l'information, les sciences des matériaux, l'industrie manufacturière, l'énergie, la sécurité, les sciences aérospatiales, l'optique, l'acoustique, la chimie, l'alimentation, l'environnement.

2.11

Ces applications, dont certaines peuvent déjà être utilisées par les citoyens (3), permettent d'affirmer que «les nanotechnologies pourront améliorer considérablement la qualité de la vie, la compétitivité de l'industrie manufacturière et le développement durable» (4).

2.12

Microélectronique: branche de l'électronique qui s'occupe du développement de circuits intégrés, réalisés sur une seule partie de semiconducteur, de dimensions très réduites. À l'heure actuelle, la microélectronique est en mesure de réaliser différents composants d'environ 0,1 micromètre, soit 100 nanomètres (5).

2.13

Nanoélectronique: science qui s'occupe de l'étude et de la production de circuits qui sont réalisés au moyen de technologies et de matériaux autres que le silicium et qui fonctionnent selon des principes fondamentalement différents des principes actuels (6).

2.13.1

La nanoélectronique est en passe de devenir l'un des points phares des nanotechnologies, de la même manière que l'électronique se retrouve actuellement dans tous les secteurs scientifiques et dans tous les processus industriels (7).

2.13.2

L'évolution du secteur des composants électriques et électroniques a été extrêmement rapide. En l'espace de quelques décennies seulement, l'on est passé des valves aux semiconducteurs, aux puces et aux micropuces, pour arriver, aujourd'hui, aux nanopuces, assemblage d'éléments constitués chacun de quelques centaines d'atomes. Une nanopuce peut contenir des informations correspondant à 25 volumes de l'Encyclopédie britannica (8).

2.13.3

Les scientifiques et les fabricants de composants électroniques se sont rapidement rendu compte que le flux des informations est d'autant plus rapide que la taille de la puce est réduite (9). La nanoélectronique permet par conséquent de gérer des informations très rapidement, dans des espaces extrêmement réduits.

2.14

Microscope à effet tunnel: cet outil, qui a valu le Prix Nobel à ses inventeurs, est également défini comme la «lentille du XXIème siècle». Il sert à «voir» la matière à l'échelle atomique. Fonctionnement: la pointe du microscope se déplace en un mouvement de balayage sur une surface traitée électriquement. Grâce à l'effet tunnel, les électrons (pas les atomes) se déplacent de la surface à la pointe. Ceci crée un courant d'autant plus intense que la distance entre la surface et la pointe est grande. Ce courant est converti, par le biais d'un calcul vertical, et permet d'obtenir la topographie de la surface d'un objet à l'échelle nanométrique.

2.14.1

Effet tunnel: en mécanique classique, une particule qui se trouve dans un récipient et qui possède une énergie déterminée ne peut en sortir, à moins que cette énergie ne soit suffisante pour lui faire franchir les bords de ce récipient. En mécanique quantique en revanche, en raison du principe d'indétermination, la situation est très différente. Étant donné que la particule est confinée dans le récipient, l'indétermination de sa position est faible et, par conséquent, l'indétermination de sa rapidité est grande. Par conséquent, il existe une certaine probabilité que la particule dispose d'une énergie suffisante pour sortir du récipient, même si son énergie moyenne ne suffit pas pour franchir la barrière (10).

2.15

Nanotubes de carbone: résultat d'un assemblage spécifique des atomes de carbone. Les nanotubes comptent parmi les matériaux les plus résistants et les plus légers connus à ce jour. Ils sont six fois plus légers et cent fois plus résistants que l'acier. Ils ont un diamètre de quelques nanomètres pour une longueur également très supérieure à plusieurs micromètres (11).

2.16

Autoassemblage de macromolécules: il s'agit du procédé utilisé en laboratoire pour imiter la nature: «tout ce qui est vivant est autoassemblé». En utilisant le procédé d'autoassemblage l'on crée des interfaces entre circuits électroniques et tissus biologiques et l'on tente de combiner l'informatique et la biologie. L'objectif, qui ne semble plus si lointain aux scientifiques, est de permettre aux sourds d'entendre et aux aveugles de voir (12).

2.17

Biomimétique  (13): science qui étudie les lois sur lesquelles reposent les assemblages moléculaires qui existent dans la nature. La connaissance de ces lois permettra de créer des nanomoteurs artificiels, basés sur les mêmes principes que ceux qui existent dans la nature (14).

3.   Introduction

3.1

Le Comité économique et social européen se félicite de clarté de la communication sur les nanotechnologies, souscrit aux raisons qui ont incité la Commission à présenter en temps utile des propositions solides sur ce thème et se félicite des nombreux textes publiés, y compris les cédéroms, destinés à des experts et aux jeunes.

3.1.1

Plus particulièrement les cédéroms, conçus selon une approche pédagogique, sont des vecteurs culturels extrêmement utiles pour diffuser les informations nécessaires sur les nanotechnologies auprès d'un large public parfois inexpérimenté et souvent jeune.

3.2

Le Comité considère que ce secteur, qui est susceptible de comporter des découvertes nouvelles et fructueuses dans de nombreux domaines de la vie des citoyens, doit être expliqué en utilisant un langage accessible au plus grand nombre. En outre, les recherches sur de nouveaux produits doivent pouvoir répondre aux exigences et aux besoins des consommateurs, qui sont sensibles aux thèmes du développement durable.

3.2.1

Les journalistes et les professionnels des médias, surtout ceux de la presse spécialisée, peuvent notamment jouer un rôle particulier, dans la mesure où ils sont les premiers à divulguer les succès remportés par les scientifiques qui ont à cœur de défier la science pour obtenir des résultats concrets.

3.2.2

Les indicateurs actuels d'évolution relatifs aux nanotechnologies se concentrent surtout sur quatre domaines: 1) les publications (15); 2) les brevets; 3) les créations de nouvelles entreprises (start-up); 4) le chiffre d'affaires. S'agissant des publications, l'UE figure en première position, avec 33 %, suivie des États-Unis, avec 28 %. L'on ne dispose pas de chiffres exacts pour la Chine, mais il semble que, là aussi, le nombre de publications est en augmentation. Ce sont les États-Unis qui détiennent la première place en matière de brevets, avec 42 %, suivis par l'UE, avec 36 %. En ce qui concerne l'émergence de nouvelles entreprises, sur 1 000 entreprises véritablement consacrées aux nanotechnologies, 600 sont créées aux États-Unis et 350 dans l'Union européenne. D'un point de vue global, une augmentation est prévue en ce qui concerne le chiffre d'affaires, dans la mesure où il passera des 50 milliards d'euros actuels à environ 350 milliards en 2010 et à 1 000 milliards d'euros en 2015 (16).

3.3

Les nanotechnologies et les nanosciences constituent de nouvelles approches des sciences et de l'ingénierie des matériaux, mais aussi et surtout l'un des outils multidisciplinaires les plus prometteurs et importants pour élaborer des systèmes de production, des inventions hautement innovantes ainsi que des applications à large spectre dans les différents secteurs de la société.

3.3.1

À l'échelle du nanomètre, les matériaux conventionnels acquièrent des propriétés différentes par rapport à celles qu'ils présentent à l'échelle macroscopique, ce qui permet d'obtenir des systèmes dont les fonctionnalités et les prestations sont meilleures. La nouveauté révolutionnaire de la nanotechnologie consiste dans le fait qu'en réduisant les dimensions d'un matériau on modifie ses propriétés physiques et chimiques. Ceci permet d'élaborer des stratégies de production calquées sur l'approche utilisée par la nature pour réaliser des systèmes complexes, en rationalisant l'utilisation de l'énergie et en réduisant la quantité de matière première nécessaire et de déchets (17).

3.3.2

Aussi les processus de production liés aux nanotechnologies doivent-ils faire l'objet d'une approche nouvelle qui prenne globalement en compte ces nouvelles propriétés, de manière à garantir que le système économique et social européen en tire profit au maximum.

3.4

L'approche nanotechnologique gagne tous les secteurs de production et est actuellement utilisée dans certains procédés de production des secteurs de l'électronique (18), de la chimie (19), du secteur pharmaceutique (20), de la mécanique (21) ainsi que des secteurs automobile, aérospatial (22) manufacturier (23) et dans le domaine de la cosmétologie.

3.5

L'Union européenne peut tirer profit des nanotechnologies pour imprimer une solide impulsion à la réalisation des objectifs prévus par le Conseil européen de Lisbonne, à travers le développement de la société de la connaissance et faire de l'Union la puissance la plus dynamique et compétitive au monde, respectueuse de l'environnement, caractérisée par la cohésion, génératrice de nouvelles entreprises, d'emplois plus qualifiés et de nouveaux profils professionnels et de formation.

3.6

Dans le secteur des nanotechnologies, selon la Commission, l'Union européenne semble en mesure de bénéficier d'une position de départ favorable, mais celle-ci doit se transformer en avantages concurrentiels réels pour l'industrie et la société européenne et garantir des retombées à la mesure des investissements élevés qu'exige la recherche.

3.6.1

Il est essentiel de reconnaître l'importance stratégique de ces technologies qui s'immergent dans de nombreux secteurs de l'économie et de la société. Il est également impératif de développer une véritable politique intégrée dans le domaine des nanotechnologies et des nanosciences, dotée de ressources substantielles et bénéficiant de l'appui total des secteurs privé, industriel, financier et éducatif.

4.   Synthèse de la proposition de la Commission

4.1

Avec la communication à l'examen, la Commission a voulu lancer un débat au niveau institutionnel afin que des mesures cohérentes soient prises pour:

accroître les investissements en faveur de la R&D et renforcer la coordination de ces activités afin d'intensifier l'exploitation industrielle des nanotechnologies, tout en maintenant le niveau de l'excellence scientifique et de la concurrence;

mettre en place des infrastructures de R&D capables de soutenir la concurrence mondiale («pôles d'excellence») et tenant compte des besoins des industries et des organismes de recherche;

promouvoir l'enseignement et la formation interdisciplinaires pour les personnels de recherche, et favoriser davantage l'esprit d'entreprise;

ménager les conditions favorables au transfert de technologies et à l'innovation pour s'assurer que l'excellence européenne en matière de R&D se concrétise sous la forme de produits et de procédés générateurs de richesse;

intégrer une réflexion concernant les incidences sur la société à un stade précoce du processus de R&D;

aborder de manière franche les risques potentiels pour la santé publique, la sécurité, l'environnement ou les consommateurs en générant les données nécessaires à l'évaluation de ces risques, en intégrant l'évaluation des risques à toutes les étapes du cycle de vie des produits issus des nanotechnologies et en adaptant les méthodologies existantes ou, si nécessaire, en élaborant des méthodologies nouvelles;

compléter les activités précitées par une coopération et des initiatives adaptées au niveau international.

4.2

La Commission propose plus particulièrement de mettre l'accent sur les actions suivantes:

créer un Espace européen de la recherche dans le secteur des nanotechnologies;

développer des infrastructures de qualité, consacrées à la recherche fondamentale et appliquée, ainsi que des infrastructures universitaires, ouvertes aux entreprises, en particulier aux PME;

consentir des investissements importants dans les ressources humaines, au niveau de l'UE et des États membres;

renforcer les mesures relatives à l'innovation industrielle, aux systèmes de brevetage, à la métrologie et à la normalisation, à la réglementation et la protection de la sécurité, de la santé, de l'environnement, des consommateurs et des investisseurs en vue d'un développement responsable;

consolider, entre la communauté scientifique et la société, une relation basée sur la confiance et un dialogue régulier et transparent;

maintenir et renforcer une coopération internationale solide et structurée, basée sur une nomenclature et des codes de conduite communs ainsi que sur des mesures communes destinées à lutter contre l'exclusion du développement nanotechnologique;

coordonner les stratégies et mener des actions intégrées au niveau communautaire en veillant à mettre à disposition des ressources humaines et financières adéquates.

5.   Les principaux développements en Amérique, en Asie et en Océanie

5.1

S'agissant de l'expérience américaine, l'initiative nationale sur les nanotechnologies (NNI — National Nanotechnologies Initiative), lancée en 2001 à titre de programme de recherche fondamentale et appliquée et qui coordonne l'action de nombreuses agences américaines actives dans ce secteur, a reçu, pour l'année budgétaire 2005, des crédits pour un montant de plus d'un milliard de dollars, soit le double du budget initial de 2001. Ces crédits sont consacrés en particuliers à la recherche fondamentale et appliquée, au développement des centres d'excellence et des infrastructures, ainsi qu'à l'évaluation et à la vérification des implications pour la société, surtout sous l'angle éthique, juridique, de la sécurité et de la santé publique, ainsi que du développement des ressources humaines.

5.1.1

La NNI finance directement dix agences fédérales et en coordonne plusieurs autres. La Fondation nationale pour la science (NSF), le département de la Science du ministère de l'énergie (DOE), le ministère de la défense, l'Institut national de la santé (NIH) ont bénéficié d'une augmentation sensible de leurs crédits respectifs destinés spécifiquement aux nanotechnologies. Le ministère de la défense, en particulier, a investi des sommes considérables et a pu créer cinq infrastructures importantes, c'est-à-dire les centres de recherche sur la science à l'échelle nano, ouverts aux chercheurs de l'ensemble de la communauté scientifique. De son côté, le Programme pour les nanotechnologies du ministère de la défense s'est enrichi au fil des années de différentes contributions provenant notamment également des services sollicités par l'armée des États-Unis.

5.1.2

Ces développements importants ont été rendus possibles par l'adoption, en décembre 2003, d'une loi essentielle pour la politique américaine en matière de nanotechnologies: le «21st Century Nanotechnology Research and Development Act». Cette loi a notamment prévu la création d'un Office national de coordination des nanotechnologies, dont les tâches sont les suivantes:

redéfinir les objectifs, les priorités et les paramètres d'évaluation,

coordonner les agences et les autres activités fédérales,

investir dans les programmes de R&D, les nanotechnologies et les sciences connexes,

mettre en place, sur une base concurrentielle, des centres interdisciplinaires de recherche en nanotechnologies, disséminés sur le plan géographique, sans exclure la participation de l'État et du secteur industriel,

accélérer le développement des applications dans le secteur privé, y compris les activités de start-up des entreprises,

garantir une instruction et une formation qualifiée, qui fasse émerger puis consolide une culture en matière de technologie et d'ingénierie des nanosciences,

garantir la prise en compte des aspects éthiques, juridiques et environnementaux dans le développement des nanotechnologies et organiser des «conférences-consensus» et des débats avec les citoyens et la société civile,

promouvoir des échanges d'informations entre le monde académique et industriel, l'État, le gouvernement central et les gouvernements régionaux,

développer un plan d'utilisation des programmes fédéraux, tel que le «Small Business Innovation Research Programm» et le «Small Business Technology Transfer Research Program», afin de promouvoir le développement ramifié des nanotechnologies dans l'ensemble du tissu des entreprises, y compris les petites.

5.1.3

L'institut national de normalisation et de technologie (NIST) a lancé, à l'appui de la loi susmentionnée, un programme spécifique destiné à promouvoir la fabrication dans le secteur des nanotechnologies. Ce programme est axé sur la métrologie, la fiabilité et les normes qualitatives, le contrôle des procédés et l'amélioration des pratiques manufacturières. Grâce au «Manufacturing Extension Partnership» (partenariat en matière d'extension de fabrication), les résultats du programme susmentionné pourront également être étendus aux PME.

5.1.4

La loi en question a également prévu la création d'un bureau central d'information, chargé de:

la commercialisation des nanotechnologies et du transfert des technologies et des nouveaux concepts dans les produits militaires et les produits commercialisés,

l'identification des meilleures pratiques des universités et des laboratoires publics et privés, susceptibles d'être transférées dans le secteur commercial.

5.1.5

Il a également été prévu de créer un centre américain de préparation à la nanotechnologie, chargé de mener, coordonner, recueillir et diffuser des études sur les répercussions des nanotechnologies sur les plans éthique, juridique, éducatif, environnemental et de l'emploi, ainsi que d'anticiper les problèmes y liés dans le but de prévenir d'éventuels effets négatifs.

5.1.6

Enfin, le cadre organisationnel prévu par la loi est complété par la mise en place d'un centre manufacturier relatif aux nanomatériaux, appelé à encourager, mener et coordonner les recherches sur les nouvelles technologies manufacturières, ainsi qu'à recueillir et diffuser leurs résultats dans le but d'en faciliter le transfert dans l'industrie américaine.

5.1.7

La loi fixe également, pour la période de 2005 à 2008, la dotation financière des principales agences et départements fédéraux tels que le NSF, le DOE, la NASA, et le NIST (24).

5.2

L'annonce de l'initiative américaine NNI a entraîné de profonds changements dans la politique scientifique de recherche et de développement technologique des pays d'Asie et du Pacifique. Ceux-ci ont en effet décidé de faire jouer à la région un rôle phare dans le développement des nanotechnologies. Ces dernières sont devenues la «priorité des priorités» dans de nombreux pays d'Asie et du Pacifique, qui ont dépensé un montant global de plus de 1,4 milliard de dollars dans ce secteur en 2003. 70 % de ce montant concerne le Japon, mais des investissements importants ont également été consentis en Chine, en Corée du Sud, à Taïwan, Hong Kong, en Inde, en Malésie, en Thailande, au Vietnam, à Singapour, et bien entendu, en Australie et en Nouvelle Zélande.

5.3

À partir du milieu des années quatre-vingts, le Japon a lancé différents programmes pluriannuels (5-10 ans) dans le secteur des nanosciences et des nanotechnologies. Si, en 2003, le programme de R&D pour les nanotechnologies et les matériaux a atteint les 900 millions de dollars, différents thèmes liés aux nanotechnologies sont toutefois également repris dans les programmes sur les sciences de la vie, l'environnement et la société de l'information, ce qui porte le montant total des fonds consacrés à ce secteur à quasiment 1,5 milliard de dollars pour l'année 2003, avec une augmentation d'environ 20 % pour 2004. Le secteur privé japonais est lui aussi bien présent, avec deux grandes entreprises comme Mitsui & Co et Mitsubishi Corporation. Les principales entreprises japonaises, telles que NEC, Hitachi, Fujitsu, NTT, Toshiba, Sony, Sumitomo Electric, Fuji Xerox et d'autres, investissent des montants considérables dans les nanotechnologies.

5.3.1

Dans le cadre de l'actuel plan quinquennal 2001-2005, la Chine a prévu d'investir quelque 300 millions de dollars dans les nanotechnologies. Selon le ministère chinois des sciences et des technologies, environ 50 universités, 20 instituts et plus de 100 entreprises sont actives dans ce secteur. Pour assurer une plate-forme adéquate de commercialisation des nanotechnologies, un centre d'ingénierie et une base pour l'industrie des nanotechnologies ont été créés, entre Pékin et Shangaï. En outre, le gouvernement chinois a affecté 33 millions de dollars à la création du centre national de recherche sur les nanosciences et technologies, dans le but d'améliorer la coordination des efforts scientifiques et de recherche dans ce secteur.

5.3.2

En 2002, l'Académie des sciences chinoise (CAS) a mis en place le Casnec (centre d'ingénierie des nanotechnologies du CAS, pourvu d'une dotation financière globale de 6 millions de dollars). Ce centre est appelé à jouer le rôle de plate-forme afin d'accélérer la mise sur le marché des nanosciences et des nanotechnologies. À Hong Kong, les deux principales sources de financement des nanotechnologies sont le Grant Research Council et l'Innovation and Technology Fund, dont la dotation globale se monte à 20,6 millions de dollars pour la période de 1998 à 2002. Pour la période de 2003 à 2004, l'Université Hkust et l'Institut Polytechnique ont octroyé quelque 9 millions de dollars à leurs propres centres de nanotechnologies.

5.3.3

En Australie et en Nouvelle-Zélande, l'Australia Research Council (ARC) a doublé, en cinq ans, ses fonds destinés au financement de projets concurrentiels et projette la création de huit centres d'excellence, répartis dans les différentes régions et qui auront pour mission d'approfondir les thématiques relatives à la technologie des ordinateurs quantiques, à l'optique atomique quantique, au photovoltaïque, à la photonique avancée et aux systèmes optiques avancés.

5.3.4

De son côté, l'Institut néozélandais MacDiarmid for advanced materials and nanotechnology coordonne la recherche et la formation avancée dans les sciences des matériaux et nanotechnologies de la Nouvelle Zélande, en étroite coopération avec des universités et divers partenaires, dont l'Industry Research Ltd (IRL) et l'Institut de sciences géologiques et nucléaires (IGNS).

5.3.5

L'institut MacDiarmid axe plus particulièrement ses activités sur les secteurs suivants: nano-ingénierie des matériaux, optoélectronique (25), superconducteurs, nanotubes au carbone, matériaux légers et fluides complexes, systèmes sensoriels et d'image, nouveaux matériaux pour le stockage de l'énergie.

6.   Observations générales

6.1

L'expansion importante des nanotechnologies à l'échelle planétaire, que ce soit en Amérique, en Asie ou en Océanie, indique que le moment est venu d'engager une action européenne organisée et coordonnée, qui garantisse le financement de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée aux niveaux communautaire et national, ainsi que la transformation rapide des résultats en nouveaux produits, procédés et services.

6.2

Toute stratégie commune au niveau européen devrait s'articuler autour des éléments suivants:

le renforcement des efforts conjoints de RDT, de démonstration et de formation scientifique et technologique dans le cadre de la réalisation de l'Espace européen de l'innovation et de la recherche;

l'amélioration de l'interaction entre l'industrie et les universités (recherche, éducation et formation avancée);

l'accélération du développement des applications industrielles et multisectorielles et du contexte économique et social, juridique, fiscal et financier, dans lequel doivent s'inscrire les initiatives en matière de nouvelles entreprises et de profils professionnels innovants;

la sauvegarde des aspects éthiques, environnementaux, relatifs à la santé et à la sécurité tout au long du cycle de vie des applications scientifiques, la prise en compte des relations avec la société civile ainsi que le respect des règles en matière de métrologie et de normalisation technique;

le renforcement, au niveau communautaire, de la coordination des politiques, des mesures, des structures et des réseaux d'acteurs, de manière à maintenir et à augmenter le niveau de compétitivité actuel en ce qui concerne le développement scientifique et technologique et ses applications;

la participation, dès à présent, des nouveaux États membres au processus d'étude et d'application des nanosciences, par le biais de mesures ciblées, de l'utilisation des ressources financières prévues par le FEDER et le FSE (26) ainsi que des programmes communs gérés avec des centres de recherche confirmés de l'UE (27)

6.3

La réalisation d'une masse critique élevée et une valeur ajoutée non négligeable devrait déboucher sur la réalisation et le développement d'une stratégie commune. Les entreprises manufacturières et de services, en particulier de petite taille, devraient à la fois pouvoir exploiter les résultats de ce type de stratégie pour développer leur capacité d'innovation et leur compétitivité et y contribuer en activant des réseaux d'excellence transeuropéens qui regroupent des universités, des centres de recherche publics et privés et des organismes financiers.

6.4

Le développement de cette stratégie doit être étroitement lié à celui de la société. Cela signifie qu'elle doit trouver sa principale justification dans la contribution importante qu'elle est susceptible d'apporter à la compétitivité de l'économie européenne basée sur la connaissance mais aussi et surtout, à la santé, à l'environnement, à la sécurité et à la qualité de vie des citoyens européens. Cela signifie aussi qu'il faut agir sur la demande en nanotechnologies de la part des citoyens, des entreprises et des organisations, parce que c'est surtout à cette demande qu'il faut donner des réponses concrètes.

6.5

Il y a lieu de mobiliser la société dans son ensemble grâce à un processus de développement des nanotechnologies qui soit transparent et sûr, de la phase de recherche fondamentale à l'application de ses résultats et de leur démonstration et transformation en produits et services innovants commercialisables. Ce processus requiert des accords clairs et compréhensibles pour tous les citoyens, qui démontrent que l'on est en mesure d'assurer le contrôle et l'évaluation constante des risques durant le cycle de vie complet des produits obtenus au moyen de ces technologies, y compris leur élimination.

6.6

À la différence de ce qui s'est produit lors de l'expansion récente d'autres technologies nouvelles, il y a lieu de mettre en place, dans le secteur des nanotechnologies, une relation positive entre la communauté scientifique et la société afin d'éviter tout obstacle à leur développement ou une stagnation de celui-ci.

6.7

Il est également essentiel de créer des infrastructures européennes qui se diffusent à l'échelle internationale et de développer de nouveaux profils scientifiques et universitaires pluridisciplinaires. Pour ce faire, il est indispensable de gagner la confiance des contribuables et des décideurs politiques et de leur faire prendre conscience du potentiel positif que recèle la révolution nanotechnologique.

6.8

Aussi le développement des nanotechnologies constitue-t-il non seulement un défi intellectuel et scientifique majeur, mais également et surtout un défi pour la société dans son ensemble. En effet, des phénomènes dont les principes scientifiques sont connus à l'échelle macroscopique sont modifiés, amplifiés, réduits ou éliminés à l'échelle nanoscopique, ce qui est susceptible d'avoir un impact, parfois radical, sur les applications, avec le développement de nouvelles techniques manufacturières, de nouvelles approches, de différents types de services et de nouvelles professions pour les gérer.

6.8.1

Cette rapide transformation impose une stratégie visant à former et/ou recycler un personnel d'encadrement qui soit capable de gérer la transition, de créer un nouveau management de ce type de processus, d'activer de nouvelles qualités professionnelles et d'attirer les meilleurs cerveaux à l'échelle mondiale.

6.9

Les perspectives financières de la Communauté pour la période 2007-2013, présentées récemment par la Commission, doivent être évaluées et remodulées à la lumière des défis que pose cette nouvelle révolution technologique. Le Congrès américain a approuvé un budget de plus de 700 millions d'euros pour la seule année fiscale 2004. D'après les estimations de la National Science Fondation (NSF), l'agence gouvernementale américaine destinée à financer la recherche, en 2003, les différentes organisations gouvernementales de la planète ont investi pour des usages civils plus de 2 700 millions d'euros, ventilés comme suit:

environ 700 millions d'euros aux États-Unis (auxquels il faut ajouter 250 millions gérés par le ministère de la défense, DoD);

720 millions d'euros au Japon;

moins de 600 millions en Europe, y compris la Suisse;

environ 720 millions d'euros dans le reste du monde.

6.10

La croissance mondiale de la production industrielle dans le secteur des nanotechnologies est estimée à quelque 1 000 milliards d'euros pour les dix à quinze années à venir, ce qui implique des besoins en ressources humaines nouvelles et qualifiées dans ce secteur supérieurs à deux millions de personnes.

6.10.1

La validité de l'axiome nanotechnologies = progrès pour la stratégie de l'emploi (28) se confirme sous cet angle également: le développement de la société de la connaissance s'apprécie en effet essentiellement à l'aune de la capacité à s'insérer, de manière consciente et visible, dans les nouveaux gisements de l'emploi et du progrès.

6.11

Si elle veut assurer le succès d'une stratégie communautaire dans ce domaine, l'Union européenne doit impérativement augmenter les ressources financières et humaines et renforcer leur coordination au niveau communautaire.

6.12

En Asie et en Amérique, une approche intégrée des différentes politiques qui concernent directement ou indirectement le développement de ce secteur s'est révélée indispensable pour appréhender de manière proactive les besoins en matière de nouvelles entreprises, de nouvelle formation et de nouveaux cadres juridique, réglementaire et de normes techniques.

6.13

Comme il ressort des nombreuses études menées jusqu'ici (29), les nanotechnologies permettent de produire, de manipuler et de positionner des objets à l'échelle nanométrique (10-9) tout en assurant une approche technologique proactive sur une vaste échelle ainsi qu'à un prix concurrentiel en termes de production et de procédé.

6.14

À long terme, la science sera en mesure de fournir les instruments nécessaires à l'assemblage des nano-objets, de manière à former des systèmes complexes capables de réaliser des fonctions que les différentes composantes ne peuvent exécuter individuellement. C'est là un objectif lointain, dont le délai de mise sur le marché est encore incertain mais qu'il convient néanmoins de poursuivre grâce à des mesures de soutien appropriées.

6.15

Divers matériaux «intelligents» (30) ont été réalisés et se trouvent déjà à la disposition des consommateurs:

matériaux de longue durée pour les secteurs automobile et aérospatial,

lubrifiants à haut rendement,

nanoparticules permettant de réduire les frottements;

traitement des surfaces de pièces mécaniques,

Intelligent Stick, de très petite taille, dont la mémoire est de 1 000 MB (31),

CD souples pouvant contenir plus de 20 heures de musique,

tissus, céramiques ou verres à surface autonettoyante (32),

verres dont la transparence est réglable électriquement,

verres hyperrésistants à la chaleur, y compris à des températures extrêmement élevées,

tôles nanostructurées résistant aux rayures et à la corrosion,

systèmes de diagnostic,

vernis spécifiques, adaptés à la protection des murs et des bâtiments,

vernis antigraffitis pour les murs, wagons de chemin de fer et autres objets.

6.15.1

Outre les applications susmentionnées, de nombreuses nouvelles autres applications peuvent déjà être utilisées ou sont en cours de perfectionnement et feront bientôt partie de notre vie quotidienne. Elles représenteront une évolution et/ou révolution dans la «domotique» (33) et contribueront à améliorer la qualité de vie des citoyens.

6.16

Grâce à la biomimétique, qui étudie la possibilité d'établir des interfaces entre circuits électroniques et tissus biologiques, l'on pourra, dans un avenir proche, redynamiser la vue et l'ouïe de personnes dont ces organes sont déficients.

6.16.1

Divers types de micromoteurs (34) réalisés en laboratoire sont en mesure d'atteindre une cible prédéfinie, par exemple une cellule infectée qui doit être éliminée pour éviter de contaminer d'autres cellules. Actuellement, les interventions effectuées sur les cellules malades touchent également les cellules saines, de sorte que les organes sont souvent fortement endommagés.

6.16.2

La technique appliquée à la science est déjà en mesure de fournir de nombreux résultats concrets qui pourraient être utilisés directement dans notre vie quotidienne, même si les coûts restent malheureusement élevés. Pour que les nouvelles possibilités soient abordables, il faut en assurer la diffusion de sorte qu'elles deviennent notre patrimoine culturel à tous et permettent de modifier des procédures et des habitudes ancrées depuis très longtemps qui, la plupart du temps, entravent et retardent tout changement.

6.17

Les secteurs du textile, de l'habillement et de la cordonnerie sont en crise dans l'ensemble de l'Union européenne, notamment parce que leurs productions traditionnelles sont concurrencées par des produits provenant de pays qui ne respectent pas les normes fondamentales du travail et qui ne prennent pas en compte les coûts liés à la protection de l'environnement ni ceux qu'implique le respect de l'hygiène et de la sécurité sur le lieu de travail.

6.17.1

Les tissus intelligents et/ou techniques, conçus notamment à l'aide de poudres nanotechnologiques, gagnent de nombreux pays européens et connaissent une croissance de quelque 30 % par an. Parmi ces tissus, ceux conçus pour la sécurité sous tous ses aspects (35) (sécurité routière, sécurité liée à la pollution, agents chimiques, produits allergènes, agents atmosphériques, etc.) jouent un rôle particulièrement important.

6.18

Les nanotechnologies sont également en train de révolutionner la médecine, en particulier concernant le diagnostic et le traitement précoces de pathologies graves, tumorales ou neurodégénératives, liées au vieillissement. Des nanoparticules employées à bon escient peuvent être utilisées comme marqueurs pour diagnostiquer avec une grande efficacité des agents infectieux ou des particularismes métabolitiques, ainsi que comme vecteurs de remèdes qui doivent être délivrés dans des zones ou des organes spécifiques, atteints de pathologies très localisées. Des systèmes de ce type dont déjà utilisés dans le cadre de différentes expériences.

7.   Observations spécifiques

7.1

L'approche nanotechnologique des nouveaux matériaux consiste à créer de nouvelles fonctionnalités en utilisant des composants de dimension nanométrique. Les technologies de production et de transformation de matériaux durables et efficaces pour les secteurs automobile et aéronautique, dans lesquels l'Europe occupe une position avantageuse par rapport à ses principaux concurrents, en constitue un bon exemple. Il a été largement démontré que les systèmes nanostructurés peuvent réduire sensiblement le frottement entre deux surfaces qui sont en contact et, partant, leur usure.

7.1.1

A titre d'exemple, et certainement sans aucune exhaustivité, des différents champs d'application commerciale des nanotechnologies, on peut citer le développement de surfaces et de matériaux nanostructurés destinés à limiter le frottement et l'usure. Ces systèmes jouent un rôle essentiel dans le développement de nouveaux processus industriels extrêmement efficaces et ayant une faible incidence sur l'environnement. Environ 25 % de l'énergie utilisée dans le monde se perd dans des phénomènes de frottement (36) et l'estimation des pertes dues à l'usure de pièces mécaniques varie entre 1,3 et 1,6 % du produit intérieur brut (PIB) d'un pays industrialisé. Les coûts liés à des problèmes de frottement, d'usure et de lubrification sont estimés à quelque 350 milliards d'euros par an, répartis entre les secteurs suivants: transports de surface (46,6 %), procédés de production industriels (33 %), fourniture d'énergie (6,8 %), aéronautique (2,8 %), consommation domestique (0,5 ), autres (10,3 %) (37).

7.1.2

Il y a par conséquent lieu de créer de nouvelles plates-formes technologiques sur la base d'approches qui tiennent compte de la spécificité des nanotechnologies et, en particulier, du fait que fonctions et dimensions coïncident, c'est-à-dire que le contrôle des dimensions coïncide avec celui des fonctions. L'exemple de la lubrification est éclairant: si l'on insère des particules nanométriques de dimension appropriée dans une surface, il n'est plus nécessaire d'utiliser de lubrifiants parce que cette fonction est assurée par les nanoparticules, compte tenu des nouvelles dimensions.

7.1.3

Les matériaux et les revêtements nanostructurés, c'est-à-dire qui contiennent des composants de dimensions nanométriques, peuvent réduire sensiblement les pourcentages susmentionnés. Par exemple, une diminution de 20 % du coefficient de frottement de la boîte de vitesse d'un véhicule peut réduire de 0,64 à 0,80 % les pertes d'énergie, ce qui correspond à une épargne de 26 milliards d'euros par an pour le seul secteur des transports.

7.1.4

Le contrôle et l'ingénierisation des surfaces constitue une technologie-clé en vue de la réalisation d'une croissance durable. Le ministère du commerce et de l'industrie du Royaume-Uni a élaboré un rapport décrivant l'état de l'industrie liée à l'ingénierie de surface au cours de la période de 1995 à 2005 et en 2010 (38). Il ressort de ce rapport que le marché anglais des procédés de modification des surfaces était d'environ 15 milliards d'euros en 1995, les biens produits se montant à quelque 150 milliards d'euros, dont 7 milliards liés au développement de technologies ayant pour but la protection des surfaces contre l'usure. Le rapport prévoit qu'en 2005, ce secteur représentera environ 32 milliards d'euros et les procédés industriels environ 215 milliards d'euros.

7.1.5

Si l'on projette ces chiffres sur le marché européen, l'on arrive à 240 milliards d'euros pour le traitement des surfaces, avec des retombées sur d'autres secteurs de production de l'ordre 1 600 milliards d'euros.

7.2

Pour tirer profit des nanotechnologies (39), le développement industriel doit pouvoir faire coexister des procédés manufacturiers et technologiques traditionnels (du haut vers le bas) et des procédés innovants capables de créer, de manipuler et d'intégrer de nouveaux composants de dimension nanométrique, dans des plates-formes existantes ou nouvelles.

7.2.1

Une approche fondée sur la gouvernance revêt une importance fondamentale. À côté de mesures générales en faveur des consommateurs, il serait opportun de développer des initiatives axées sur les organisations sectorielles, les administrations locales et les organismes non lucratifs, de manière à associer le tissu économique, politique et social dans son ensemble. À cet égard, les centres de compétence pourraient jouer un rôle important (40) en jetant les bases requises pour améliorer la coordination des initiatives locales et communautaires, en générant une culture favorable à l'innovation basée sur les nanotechnologies. Il y a également lieu d'inscrire dans ce contexte des initiatives visant à évaluer l'impact des nanotechnologies sur la santé et l'environnement, en mettant en relation les initiatives promues par l'UE (approche descendante) et d'autres initiatives définies et encouragées au niveau local (approche ascendante).

7.3

Le Comité économique et social européen est conscient, je tiens à le redire, du potentiel considérable que représente le développement des nanotechnologies et des nanosciences pour la réalisation de la stratégie de Lisbonne. Réunir les disciplines scientifiques autour d'une approche nanoscopique de l'unité matérielle de la nature permet de jeter de nouvelles bases en vue de l'intégration de la connaissance, de l'innovation, de la technologie et du développement.

7.4

Au niveau européen, la coordination demeure plutôt fragmentée, en dépit des avancées réalisées dans le contexte du sixième programme-cadre. Les efforts semblent concentrés sur la rationalisation de l'utilisation des ressources. Même si la recherche fondamentale et le développement de nouveaux procédés industriels bénéficient d'un soutien important, la promotion et le soutien d'actions destinées à faire progresser les technologies de production de masse restent insuffisants. Le soutien octroyé aux efforts visant à développer une gouvernance européenne est plus embryonnaire encore.

7.5

Si une coordination réelle au niveau des États membres est indispensable, elle fait toutefois encore défaut à ce jour, surtout au niveau de l'application de la recherche. Dans nombre d'États européens, les entreprises, surtout les PME, rencontrent notamment les difficultés suivantes:

connaissances de base insuffisantes en ce qui concerne les nanosciences et les nanotechnologies,

absence d'acteurs professionnels en mesure d'établir un lien avec les besoins des entreprises,

incapacité à évaluer l'impact des nouvelles technologies en termes de processus technologique et de marché;

difficultés à trouver et à évaluer des matières premières «nanostructurées»;

incapacité à insérer les procédés nanotechnologiques dans les procédés de production traditionnels;

difficulté à évaluer l'évolution du marché des produits «nano»;

relations insuffisantes avec les universités et les centres d'innovation.

7.6

Le Comité considère qu'il est essentiel d'utiliser la recherche afin de créer des systèmes utiles dans les secteurs de la santé publique et de la vie quotidienne des citoyens, en s'inspirant toujours davantage du principe de l'imitation de la nature.

7.7

Le Comité se félicite de la création du réseau thématique «Nanoforum» (41) et espère que ses publications seront traduites et diffusées dans tous les États membres. Le langage utilisé dans les publications doit être le plus simple possible et accessible à un large public. Les universités et centres de recherche devront avoir la possibilité d'utiliser les résultats de ce réseau thématique.

7.7.1

Par ailleurs, le Comité est convaincu que la «Plate-forme pour la technologie européenne sur la nanoélectronique», proposée par le groupe de haut niveau (42) aura d'autant plus de succès qu'elle sera en mesure d'éviter, grâce à une étroite coopération avec la Commission, des chevauchements inutiles et coûteux en matière de recherche.

7.8

Le Comité est également d'avis que, d'ici à 2008, les investissements consentis par l'UE dans ces secteurs devront passer des actuels trois milliards d'euros par an à huit milliards, étant entendu que la Commission effectuera régulièrement des vérifications concernant les aspects suivants:

l'augmentation des parts de marché;

les investissements publics et privés destinés à la recherche;

l'augmentation du nombre d'étudiants qui optent pour le secteur des nanotechnologies.

8.   Conclusions

8.1

Le CESE souscrit pleinement aux conclusions du Conseil «Compétitivité» du 24 septembre 2004 sur le rôle important et les potentialités des nanosciences et des nanotechnologies. Il ressort des résultats obtenus jusqu'ici qu'il importe d'affiner les connaissances et de réaliser des outils qui permettent d'intervenir sur les atomes afin de produire de nouvelles structures et de modifier les caractéristiques des structures existantes.

8.2

À cet égard, le CESE recommande le lancement immédiat d'une stratégie européenne commune, intégrée et responsable, visant en particulier les objectifs suivants: le développement de forces associées en matière de R&DT; des manifestations et des formations scientifiques et technologiques; les interactions entre l'industrie et l'université; le développement accéléré des applications industrielles et multisectorielles; le renforcement de la «coordination ouverte» européenne des politiques, mesures, structures et des réseaux d'intervenants. Dans le cadre de cette stratégie, on devra en particulier garantir dès le départ, et pendant toute sa durée, également au niveau international, la défense des aspects éthiques, environnementaux, de santé et de sécurité, des applications scientifiques ainsi que la définition de normes techniques adaptées.

8.3

Le CESE insiste particulièrement sur le fait qu'il est nécessaire qu'une telle stratégie soit solidement ancrée au développement de la société afin de contribuer positivement, non seulement à la compétitivité de l'économie européenne mais également et surtout à la santé humaine, à l'environnement et à la sécurité ainsi qu'à la qualité de vie des citoyens.

8.3.1

Le CESE souligne à cet égard l'importance de garantir un développement responsable et durable des nanotechnologies, et ce dès leur stade initial, afin de répondre aux attentes de la société civile en matière de justification, sur les sujets liés à l'environnement, à la santé, l'éthique, l'industrie et l'économie.

8.3.2

Le CESE recommande d'augmenter de manière substantielle les moyens financiers destinés à la recherche fondamentale, étant donné que l'excellence technologique et industrielle repose toujours sur l'excellence scientifique.

8.3.3

L'objectif de 3 %  (43) défini à Barcelone devrait être atteint en consacrant une part adéquate des ressources aux nanosciences, au développement de leurs applications et à la convergence entre nano et biotechnologies, technologies de l'information et de la connaissance.

8.3.4

L'organisation des perspectives financières communautaires pour 2007-2013, proposée récemment par la Commission, devra être évaluée et reformulée en fonction des défis posés par cette nouvelle révolution nanotechnologique.

8.3.5

La probable augmentation des fonds doit se refléter dans l'attribution d'une dotation financière adéquate dans le prochain septième programme cadre. Le chiffre en question devra donc faire référence à ce qui est prévu dans d'autres pays, comme par exemple les États-Unis.

8.4

Le Comité est convaincu que l'Union devrait adopter un plan d'action ambitieux, assorti d'une feuille de route et d'un calendrier précis, fondé sur une approche intégrée. Ce plan devrait permettre de recueillir le consensus nécessaire de tous les acteurs de la société civile et de les rallier autour d'une vision commune caractérisée par des objectifs clairs et transparents permettant de satisfaire aux impératifs du progrès économique et social, de la qualité de vie ainsi que de la sécurité et de la santé de tous les citoyens

8.5

Le Comité estime qu'il y a lieu de créer des plate-formes technologiques qui présentent une masse critique élevée et une grande valeur ajoutée sur le plan européen, qui rassemble les intervenants publics et privés: scientifiques, industriels, financiers et administratifs travaillant dans les différents secteurs appliqués spécifiques.

8.6

Le Comité rappelle qu'il est urgent de créer des infrastructures européennes de haut niveau, et d'augmenter le nombre des Centres de compétence (CdC) dont l'implantation et la spécialisation devraient être décidées en étroite coopération entre les instances européennes et locales, de manière à sélectionner des zones industrielles homogènes spécialisées localement dans une gamme de produits et menant déjà des activités de R&D qui présentent une certaine masse critique.

8.6.1

Les Centres de compétence devraient être capables d'effectuer et de transférer des activités de recherche de qualité ciblées sur l'application et l'innovation dans le secteur des nanotechnologies, spécialement dans des domaines tels que la nanoélectronique, les nanobiotechnologies et la nanomédecine.

8.7

En particulier dans un domaine aussi sensible, il est nécessaire de fournir des garanties et de protéger la propriété intellectuelle des chercheurs. Le Comité est convaincu qu'il est primordial d'apporter une solution claire et satisfaisante au problème des brevets si l'on veut garantir le succès de la recherche appliquée dans le secteur des nanotechnologies. Il estime donc nécessaire, dans l'immédiat, d'envisager la création à l'échelon européen d'un «service d'assistance relatif aux droits de propriété intellectuelle» spécialisé dans ce secteur pour répondre aux exigences des chercheurs, des entreprises et des centres de recherche.

8.8

En accord avec les États membres, la Commission doit intensifier ses efforts et encourager les universités et centres de recherche à réaliser des études pour que, en particulier dans un secteur aussi innovant, il soit possible de déposer des brevets moyennant une procédure simple et peu coûteuse.

8.8.1

S'agissant de la coopération internationale, les travaux portant sur la sécurité et sur la normalisation des mesures et des procédés devraient être renforcés en collaboration avec des pays tiers. Une attention particulière devrait être accordée à la Chine qui est en train d'accroître considérablement ses investissements dans le secteur des nanotechnologies. Par ailleurs, les États-Unis et le Japon mènent une politique très agressive dans ce secteur (comme le montre l'accord entre la Chine et l'État de Californie relatif au développement de centres d'excellence pour des nanotechnologies biomédicales).

8.8.2

Le Comité considère qu'il y a également lieu de consentir un effort supplémentaire, notamment à travers l'Initiative en faveur de la croissance lancée en décembre 2003, pour augmenter le nombre des entreprises de nanotechnologies dans l'Union. À cette fin, il convient de dynamiser et d'améliorer sans cesse les relations entre universités, centres nanotechnologiques d'innovation et entreprises.

8.8.3

Des actions ont lieu, visant à développer des processus industriels fondés sur les nanotechnologies (de la nanotechnologie à la nanofabrication), pour les grandes entreprises comme pour les PME: l'exemple américain de développement d'un plan destiné à utiliser les programmes fédéraux tels que le «Small Business Innovation Research Program» et le «Small Business Technology Transfer Research Program» devrait être suivi en Europe si l'on veut encourager un vaste développement nanotechnologique dans l'ensemble du réseau des entreprises, y compris les plus petites.

8.8.4

Les associations sectorielles peuvent jouer un rôle non négligeable au niveau national et local. Certaines actions de sensibilisation «intensive» pourraient être encouragées conjointement par la DG «Recherche» et la DG «Entreprises», et associer tous les intervenants économiques et sociaux, sur le modèle positif de Trieste (44).

8.8.5

Selon le CESE, la création d'un «Centre d'échange» (45) européen de l'information pourrait représenter un mécanisme important sur le plan européen, en vue de faciliter:

la commercialisation des nanotechnologies et le transfert de ces technologies et des nouveaux concepts dans les produits du marché et dans ceux du secteur militaire,

la diffusion des meilleures pratiques réalisées par les universités et les laboratoires publics et privés, destinée à être traduites en utilisation commerciale.

8.9

À côté des plate-formes européennes, et en relation avec celles-ci, il conviendrait de créer des plate-formes mondiales, qui fassent référence aux États membres de l'ONU et soient en mesure d'aborder des problèmes tels que:

les brevets,

les règles éthiques,

la gestion du consensus social,

les aspects environnementaux,

le développement durable,

la sécurité des consommateurs.

8.10

Notamment par le biais de l'intervention concrète du Fonds européen d'investissement (FEI), la Banque européenne d'investissement (BEI) devrait créer des lignes de crédit simplifié qui seraient gérées avec les instituts de crédit, les organes financiers régionaux spécialisés dans le crédit aux entreprises, les sociétés de capital à risque et les coopératives de garantie. Ceci faciliterait l'émergence et le développement d'entreprises dont la production est axée sur des produits nanotechs.

8.10.1

Pour favoriser le développement de nouveaux produits basés sur les nanotechnologies  (46), l'on pourrait s'inspirer du programme«Croissance et Environnement» qui a donné d'excellents résultats par le passé, même si ceux-ci concernaient surtout le secteur environnemental.

8.11

La recherche et ses retombées sur les produits doit être définie principalement en tenant compte des exigences des citoyens et dans le respect du développement durable. Dans ce cadre, on devrait réunir les initiatives visant à évaluer l'impact des nanotechnologies sur la santé et sur l'environnement, en associant celles promues au niveau de l'UE (approche de haut en bas) à celles promues localement (approche de la base vers le sommet).

8.12

Il convient d'instaurer avec l'opinion publique un dialogue constant qui repose sur des bases scientifiques. Les nouvelles technologies qui découlent de l'utilisation des atomes doivent être transparentes et donner aux citoyens la certitude qu'elles ne comportent pas de risque potentiel pour la santé et l'environnement. L'histoire nous enseigne que les craintes et les réticences à l'égard des nouveaux produits sont souvent le fruit de l'ignorance plutôt que de la réalité.

8.12.1

C'est notamment pour cette raison que le Comité souhaite qu'une relation étroite et continue soit établie entre résultats de la recherche et principes éthiques universellement reconnus, pour lesquels un dialogue international sera nécessaire.

8.13

Principalement lors de la phase de mise en place et de développement des plate-formes technologiques (47), il convient d'accorder une attention particulière aux nouveaux États membres de l'Union européenne afin de garantir qu'ils soient massivement représentés et étroitement associés aux centres d'excellence européens.

8.14

Le Comité considère que, dans le vaste secteur des nanosciences, la coordination de la recherche doit continuer de relever de la Commission — la recherche fondamentale devant quant à elle être du ressort du Conseil européen de la recherche, organe indépendant qui doit être créé à cet effet laquelle, en accord avec le Parlement européen et le Conseil, peut garantir aux citoyens européens une valeur ajoutée optimale et notamment une utilisation plus étendue, détaillée et objective des résultats de la recherche.

8.15

Le CESE demande à la Commission de lui présenter tous les deux ans un rapport sur le développement des nanotechnologies, afin de vérifier l'état d'avancement du plan d'action adopté et de proposer d'éventuelles modifications ou actualisations.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Interview du Commissaire BUSQUIN (synthèse dans le document IP/04/820 du 29 juin 2004).

(2)  Cf. note 1.

(3)  Cf. paragraphe 6.15 des conclusions.

(4)  Cfr. note no1.

(5)  Centre de micro et de nanoélectronique de l'Institut polytechnique de Milan, Prof. Alessandro Spinelli.

(6)  Ibidem.

(7)  Les investissements en nanoélectronique représentent actuellement 6 milliards d'euros, ventilés comme suit: 1/3 pour les nano et micro, 1/3 pour le diagnostic et 1/3 pour les matériaux (source: Commission européenne, DG «Recherche»).

(8)  Source: Commission européenne, DG «Recherche» – 2003.

(9)  Cfr. paragraphe 3.3.1.

(10)  Tullio REGGE: «Il vuoto dei fisici», L'Astronomia, no 18, septembre-octobre 1982.

(11)  Source: Commission européenne, DG Recherche, 2003.

(12)  Différentes expériences se trouvent à un stade avancé et un «dialogue» interface a déjà été instauré entre un neurone de limace et une puce électronique.

(13)  Du grec mimesis, imiter la nature.

(14)  Par exemple le mouvement autonome des spermatozoïdes.

(15)  Il s'agit d'une donnée quantitative et non qualitative: il serait intéressant d'effectuer une évaluation plus approfondie comme celle que préconise la Société royale britannique.

(16)  Source: Commission européenne, DG Recherche.

(17)  Source: Université de Milan, Département de physique, Centre interdisciplinaire matériaux et interfaces nanostructurées.

(18)  Cfr. Technology Roadmap for Nanoelectronics, European Commission IST Programme Future and emergine technologies, deuxième édition 2000.

(19)  Additifs nanostructurés pour des polymères, vernis, lubrifiants.

(20)  Vecteurs nanostructurés de principes actifs, systèmes de diagnostic.

(21)  Traitements de surface de parties mécaniques afin d'en améliorer la durée de vie et les performances.

(22)  Pneus, matériaux structurels, systèmes de contrôle et surveillance.

(23)  Tissus techniques et tissus intelligents.

(24)  Les crédits financiers pluriannuels prévus par la loi du 3.12.2003 sont ventilés comme suit

(a)

National Science Foundation

(1)

385 000 000 dollars pour 2005;

(2)

424 000 000 dollars pour 2006;

(3)

449 000 000 dollars pour 2007;

(4)

476 000 000 dollars pour 2008.

(b)

Department of Energy

(1)

317 000 000 dollars pour l'année fiscale 2005;

(2)

347 000 000 dollars pour l'année fiscale 2006;

(3)

380 000 000dollars pour l'année fiscale 2007;

(4)

415 000 000 dollars pour l'année fiscale 2008.

(c)

National Aeronautics and Space Administration

(1)

34 100 000 dollars pour 2005;

(2)

37 500 000 dollars pour 2006;

(3)

40 000 000 dollars pour 2007;

(4)

42 300 000 dollars pour 2008.

(d)

National Institute of Standards and Technology

(1)

68 200 000 dollars pour 2005;

(2)

75 000 000 dollars pour 2006;

(3)

80 000 000 dollars pour 2007;

(4)

84 000 000 dollars pour 2008.

(e)

Environmental Protection Agency

(1)

5 500 000 dollars pour l'année fiscale 2005;

(2)

6 050 000 dollars pour l'année fiscale 2006;

(3)

6 413 000 dollars pour l'année fiscale 2007;

(4)

6 800 000 dollars pour l'année fiscale 2008.

(25)  Optoélectronique: technique qui réunit les disciplines de l'optique et de l'électronique. Elle étudie des dispositifs convertissant des signaux électriques en signaux optiques et vice-versa (lecteurs CD, systèmes laser, etc.).

(26)  FEDER, Fonds européen de développement régional: l'un des fonds structurels qui, au sein de l'axe IV (systèmes locaux de développement), peut être activé pour financer des infrastructures et des machines destinées à la recherche.

FSE, Fonds social européen, autre fonds structurel qui, au sein de l'axe III (ressources humaines), peut être activé pour financer la formation des chercheurs et le recyclage des entrepreneurs.

(27)  Les cédéroms et les publications récentes de la DG Recherche donnent un aperçu complet des centres européens de recherche et de leurs spécialisations. Pour plus d'informations, consulter le site suivant:

http://cordis.lu/nanotechnology.

(28)  Cf. Les processus de Luxembourg (1997), de Cardiff (1998), de Cologne (1999) et de Lisbonne (2000), sur le thème de l'utilisation du développement dans le but d'augmenter et d'améliorer l'emploi.

(29)  Commission européenne, DG Recherche.

(30)  Il s'agit de surfaces nanostructurées, qui présentent des caractéristiques différentes des surfaces traditionnelles.

(31)  Il s'agit d'outils extrêmement utiles qui permettent de mémoriser un nombre considérable de données, photographies et musiques.

(32)  La manière particulière dont la surface est structurée, enrichie de types particuliers d'atomes, empêche la saleté et la poussière de venir directement au contact du tissu, de la céramique ou du verre.

(33)  Du latin domus, c'est-à-dire la science qui étudie l'évolution de l'habitation, sous tous ses aspects.

(34)  L'Université de Grenoble a expérimenté de nombreux types de micromoteurs, à base de kinésine.

(35)  Cf. Avis du CESE 967/2004 et études réalisées par les Universités de Gand et de Bergame (secteur textile).

(36)  Source: Laboratoires nationaux Oakridge, États-Unis.

(37)  Ibidem.

(38)  A. Matthews, R. Artley et P. Holiday, 2005 Revisited: The UK Surface Engineering Industry to 2010, NASURF, Dera, 1998.

(39)  N.B. l'on ne peut pas parler de développement industriel des nanotechnologies mais d'un développement qui tire profit de celles-ci.

(40)  Cf. notamment l'expérience de Servitec, une société de services pour l'innovation technologique implantée à Dalmine (Bergame).

(41)  Le réseau Nanoforum est composé des organes suivants: Institute of Nanotechnology (RU), chargé de la coordination; UDI Technolgiezentrum (DE); CEA-LETI (FR); CMP Cientifica (ES); Nordic Nanotech (DK); Malsch Technovalutation (NL).

http://www.nanoforum.org/.

(42)  Cf. note précédente: rapport «Vision 2020», publié le 29 juin 2004.

(43)  Les pouvoirs publics (des États membres et de la Communauté) et l'industrie devraient consacrer 3 % du PIB européen à la recherche et au développement.

(44)  Nanoforum organisé à Trieste, en 2003, auquel ont participé plus de 1000 personnes.

(45)  Cf. «Clearing House» dans la loi américaine sur les nanotechnologies de décembre 2003.

(46)  Le programme «Croissance et Environnement», géré par le FEI en relation avec diverses institutions financières européennes, a contribué, à l'aide de cofinancements et crédits simplifiés, à améliorer les aspects environnementaux des micro, petites et moyennes entreprises.

(47)  Cf. paragraphe 6.3.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/34


Avis du Comité économique et social européen sur le «Code de la route et registre automobile européen»

(2005/C 157/04)

Le 29 janvier 2004, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème: «Code de la route/registre automobile».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 octobre 2004 (rapporteur: M. PEGADO LIZ).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 147 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Introduction: objet de l'avis et justification

1.1

Lors de sa réunion du 29 janvier 2004, le CESE a approuvé la demande de la section TEN visant l'élaboration d'un avis d'initiative relatif à un code de la route européen.

1.2

Vu que la libre circulation des personnes (1) est l'une des libertés fondamentales consacrées dans le Traité, que l'abolition des frontières entre les États membres (2) est l'un des objectifs de l'UE, ce qu'a encore renforcé l'intégration de la convention de Schengen en son sein (3), et attendu que le domaine des transports fait l'objet d'une politique commune de la Communauté (4), il apparaît que le rapprochement des législations en matière de circulation routière, en particulier à la lumière des incidences qu'il aura sur la réalisation du marché unique (5), revêt une importance primordiale.

1.3

Il convient de rappeler ici l'importance du transport routier de personnes et de biens dans l'Europe des 15 et sa croissance exponentielle ces dernières années.

Les données statistiques les plus récentes dont l'on dispose font notamment apparaître qu'en 2001:

le secteur du transport terrestre employait 3,9 millions de personnes;

le transport de marchandises par route représentait 45 % du total des transports, avec une croissance de 120 % depuis 1970;

le transport routier de passagers représentait 86,8 % du transport total de passagers, avec une croissance de 128 % depuis 1970;

le chiffre d'affaires (données relatives à 2000) du transport terrestre de passagers (55,455 millions d'euros) et de marchandises (220,87 millions d'euros) représente environ 49 % du chiffre d'affaires global des transports (566,193 millions d'euros) (les données relatives à la Grèce ne sont pas disponibles) (6).

1.4

Or, le transport par la route de personnes et de biens est conditionné par des réglementations nationales nombreuses et différentes, et ce y compris au niveau des règles et des principes fondamentaux régissant la conduite de véhicules automobiles.

1.4.1

Par ailleurs, plusieurs conventions internationales sont également en vigueur, avec des champs d'application différents et des dispositions parfois divergentes.

1.4.2

Il en résulte qu'un simple déplacement en automobile à travers l'Europe soumet un conducteur à des régimes juridiques différents, ce qui l'expose à des règles différentes voire contradictoires.

1.4.3

Cette situation a été rendue plus aiguë encore par le récent élargissement de l'UE, qui a vu l'adhésion de nouveaux États membres possédant eux aussi leurs propres règles de conduite automobile.

1.5

Le présent avis d'initiative a pour objet d'inciter la Commission à se pencher sur la nécessité et l'opportunité d'une initiative législative qui harmonise les règles de conduite dans l'Union européenne, tout en reconnaissant le bien-fondé de certaines exceptions. Au moyen d'une analyse de droit comparé, il présentera les divergences existant entre les régimes juridiques des codes de la route des différents États membres et ébauchera des solutions envisageables pour leur harmonisation au niveau européen.

1.6

Pour son élaboration, il a été jugé indispensable d'entendre les principaux intéressés (représentants des usagers de la route, des producteurs des véhicules automobiles et des organes de réglementation), ce pourquoi a été organisée une audition publique qui a eu lieu en marge de la deuxième réunion du groupe d'étude, le 17 mai 2004, et à laquelle ont participé les personnalités liées au secteur.

1.6.1

En vue de faciliter la discussion et de recueillir des informations, un questionnaire a été soumis à la considération des membres du groupe d'étude.

2.   Antécédents de l'initiative

2.1

L'idée d'élaborer un Code de la route de portée universelle n'est pas récente; même au seul niveau européen, elle a déjà des antécédents, notamment dans le souhait de voir codifiée cette matière exprimé en son temps par le VIIIème Congrès juridique international sur la circulation automobile (7).

2.2

Lors de la 38ème Conférence du Conseil allemand des juridictions chargées du trafic, en janvier 2000, le groupe de travail IV a conclu que l'harmonisation des règles de circulation européennes était un objectif important (8).

2.3

La Commission a proposé plusieurs initiatives qui relèvent des mêmes préoccupations et du même objectif, sans avoir toutefois jusqu'à présent fait pleinement sienne l'idée de réaliser un Code de la route européen en tant que tel (9).

2.4

Une attention particulière mérite d'être accordée aux conclusions d'une récente étude élaborée pour la Direction générale de l'énergie et des transports de la Commission, dans laquelle sont mises en exergue les raisons qui plaident pour que soit reconnue la nécessité de «l'harmonisation des règles de circulation et des mesures pour leur application effective» au moyen de «futures initiatives législatives» au niveau de l'UE (10).

2.5

Le CESE a quant à lui, dans plusieurs de ses avis, attiré l'attention sur la nécessité d'accroître «la libre circulation de véhicules» et de responsabiliser «les autorités nationales pour ce qui est de démanteler certaines dispositions internes qui rendent difficile l'utilisation par leurs ressortissants de véhicules immatriculés dans un autre État membre» (11).

3.   Aperçu du droit conventionnel et de son champ d'application

3.1

La réglementation internationale de la circulation routière relève de plusieurs conventions, parmi lesquelles se détachent la Convention de Paris (1926), la Convention de Genève (1949) et la Convention de Vienne (1968).

3.2

La Convention internationale relative à la circulation automobile a été signée le 24 avril 1926 à Paris par 40 États, afin de faciliter le tourisme international. Elle est aujourd'hui en vigueur dans plus de 50 pays.

3.2.1

Elle a essentiellement pour objet de:

a)

définir des exigences techniques minimales pour les automobiles, leur immatriculation et leurs feux, ainsi que pour leur identification dans chaque État visité;

b)

réglementer la délivrance et la validité des certificats internationaux pour automobiles, destinés à valider leur admission et leur circulation dans la zone d'application de la convention;

c)

reconnaître certains permis de conduire et définir les caractéristiques des autorisations internationales permettant la conduite d'automobiles (permis internationaux de conduire) qui sont valides dans les États contractants où lesdits permis ne sont pas reconnus mais sont toutefois nécessaires;

d)

établir plusieurs (six) signaux de danger que les États contractants sont tenus d'utiliser sur leurs routes;

e)

créer un système d'échange d'informations relatives aux conducteurs, titulaires de certificats et de permis internationaux, impliqués dans des accidents graves ou coupables d'infractions aux dispositions légales internes relatives à la circulation routière.

3.2.2

Cette convention a facilité les procédures douanières, mais elle n'a pas exempté les conducteurs de connaître et d'observer les règles internes de circulation.

3.2.3

L'entrée en vigueur de la convention dépendait de sa ratification par chaque État et du dépôt de l'instrument de ratification. En outre, la convention n'est d'application que dans la métropole de l'État contractant, sa mise en vigueur dans des territoires placés sous une forme quelconque d'administration étant subordonnée à une notification spéciale.

3.3

La Convention sur la circulation routière, signée à Genève le 19 septembre 1949 par 17 États est aujourd'hui en vigueur dans plus de 120 pays. Elle révoque entre les États contractants et adhérents la Convention de 1926.

3.3.1

Cette convention a développé les principes consacrés dans la convention antérieure conformément à l'évolution constatée de l'industrie automobile. Elle témoigne d'une préoccupation accrue pour la sécurité routière.

3.3.2

Elle ne consacre pas de signaux de circulation mais établit que les États membres doivent homogénéiser leur signalisation et ne l'utiliser qu'en fonction de ce qui est strictement nécessaire.

3.3.3

Elle ne contient que peu de règles de circulation et ne couvre guère d'autres domaines que les précautions à adopter lors du croisement de véhicules, la priorité et les feux.

3.3.4

L'entrée en vigueur de la convention était soumise aux mêmes mécanismes que ceux décrits plus haut; son objectif d'harmonisation était quant à lui conditionné par la faculté des États de se soustraire à certaines de ses dispositions et de ne pas accepter des modifications qui pourraient lui être apportées.

3.4

La Convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968, signée à Vienne par 37 États, est actuellement en vigueur dans environ 100 pays. Elle met fin aux effets entre ceux-ci des conventions de 1926 et de 1949 dès lors qu'elle est ratifiée et que l'instrument de ratification est déposé.

3.4.1

C'est le texte conventionnel le plus abouti en matière de réglementation de la circulation routière, avec trente articles à ce sujet et des dispositions concernant les manœuvres qui constituent le noyau essentiel des codes modernes. La Convention de 1968 va plus loin que les préoccupations minimalistes des conventions antérieures, qui se limitaient au croisement de véhicules et aux signaux y relatifs: non seulement elle établit les principes que doivent observer les conducteurs lors des manœuvres les plus risquées (par exemple les dépassements, les changements de direction, les précautions à observer à l'égard des piétons), mais encore réglemente-t-elle l'arrêt des véhicules, le stationnement, l'embarquement et le débarquement de passagers, la circulation dans les tunnels, soit en somme toutes les situations typiques de la conduite d'automobiles.

3.4.2

La Convention de Vienne va plus loin que les textes antérieurs: elle contraint en substance les États contractants et adhérents à mettre leurs dispositions légales en conformité avec les règles de conduite qu'elle établit, ce qui présente l'avantage pour les conducteurs qui se déplacent dans d'autres pays adhérents d'être familiarisés avec l'essentiel des règles de conduite.

3.4.3

Cependant, les États ont conservé la possibilité de rejeter les modifications apportées à la convention.

3.5

Ce relevé des conventions permet de constater que sur le territoire de l'Union européenne, maintenant étendu à dix États supplémentaires, trois conventions internationales sont en vigueur, pas toujours de manière identique (12), ce qui fait que l'on est encore loin d'une harmonie réglementaire en matière de circulation routière, à plus forte raison si l'on ajoute au texte des conventions les 25 législations nationales en constante mutation (13).

3.6

Certains obstacles ont déjà été surmontés ou sont en passe de l'être, comme la suppression des frontières, les conditions d'homologation des véhicules et de leurs composants, ainsi que la reconnaissance mutuelle des permis de conduire et l'harmonisation des règles les régissant. Le nœud essentiel des problèmes en matière de circulation routière subsiste toutefois: les règles de la signalisation.

3.7

Par rapport au reste du monde, les conventions facilitent les procédures douanières et la faculté de conduire des véhicules dans l'espace communautaire, mais les ressortissants de pays tiers qui visitent l'Union européenne restent confrontés à autant de législations routières qu'il y a d'États dans l'Union.

4.   Quelques disparités flagrantes entre les droits nationaux

4.1

Une brève étude de droit comparé fait clairement apparaître l'existence entre les droits nationaux qui régissent la circulation de différences prononcées dans des domaines importants qui constituent de véritables obstacles à la libre circulation et qui sont susceptibles de porter préjudice à la sécurité des personnes et des biens et de contribuer au taux d'accidentabilité au niveau européen.

4.2

Il sera particulièrement tenu compte ici, mais pas exclusivement des observations contenues dans l'étude susmentionnée élaborée pour la Commission, dans laquelle ces aspects sont examinés en détail (14).

4.3

À titre d'exemple, mentionnons simplement, parmi de nombreux autres que l'on pourrait énumérer, quelques cas particulièrement significatifs et préoccupants de différences de régime juridique, pour des situations courantes:

Vitesse maximale hors agglomération, sur les routes où existe une séparation physique entre les sens de circulation

B

120 Km/h

PT

90 Km/h

UK

70 MPH (112 Km/h

Fautes graves

B

+ 10 Km/h

PT

+ 30 Km/h

Alcoolémie

SV

0,2

UK

0,8

Obligation d'équiper les véhicules légers de trousses de premier secours

EL

Oui

FR

Non

Feu rouge + orange; préparer le redémarrage du véhicule

DK/FI

Oui

NL/ES

Non

Obligation de concéder la priorité aux cyclistes engagés dans un rond-point

DE

Oui

PT

Non

Obligation d'équiper les véhicules légers d'une trousse de secours

EL

Oui

FR

Non

Priorités des transports en commun lorsqu'ils quittent un arrêt

ES

Oui

IT

Non

Obligation d'allumer les feux pendant la journée en dehors des agglomérations

IT

Oui

LU

Non

Signal d'interdiction de stationnement

IE

Fond blanc et bord rouge

Autres États

Fond bleu et bord rouge

Interdiction pour les passagers de quitter le véhicule du côté d'une voie de circulation

PT

Oui

IT

Non

4.4

Davantage de disparités de même ordre sont observables, comme le fait apparaître de façon détaillée l'étude susmentionnée, dans des domaines tels que les exigences pour l'obtention du permis de conduire, la signalisation routière, les équipements de sécurité obligatoires, la traversée de la chaussée par les piétons, les règles de priorité, l'utilisation des feux, l'embarquement et le débarquement de passagers, l'utilisation de bandes spéciales, le dépassement, la classification des véhicules, le type de pneumatiques, l'utilisation de remorques, les panneaux de signalisation, etc. Ladite étude met en exergue un total de 45 différences au niveau des règles fondamentales et d'utilisation courante dans la circulation routière de tous les jours.

4.5

Ajoutons que si des différences significatives existent au niveau de la simple formulation des règles fondamentales de circulation, la situation est encore plus grave en ce qui concerne leur interprétation et application dans les différents États membres, situation qui est le fruit d'appréciations différentes quant aux infractions, mais aussi d'une gamme très différente de pénalités applicables à celles-ci.

5.   Bref aperçu de l'audition du 17 mai 2004

5.1

L'audition publique du 17 mai 2004 a vu la participation de représentants de plusieurs organisations privées représentatives des intérêts des automobilistes, de l'industrie automobile, des assurances et de la sécurité routière, du Bureau de l'AIT/FIA et de TIS-PT, la firme coordinatrice de l'étude mentionnée précédemment (15). Grâce à la pertinence des contributions qu'elle a permis de recueillir, il a été possible d'élucider et de clarifier plusieurs éléments d'intérêt pour le présent avis en reflétant les points de vue des principaux intéressés de la société civile.

Plusieurs institutions ont complété leur intervention par la remise de réponses écrites au questionnaire qui leur avait préalablement été fait parvenir.

5.2

Il se dégage de l'ensemble des interventions et des communications issues de l'audition une adhésion généralisée à la teneur et à l'opportunité de l'initiative du CESE allant dans le sens d'une certaine harmonisation des règles de circulation routière au niveau européen. De même, quelques participants se sont montrés ouverts quant au rapprochement possible et souhaitable des systèmes d'enregistrement et d'immatriculation des véhicules automobiles.

5.3

Dans ce contexte, les éléments suivants ont été soulignés de manière particulière:

a)

la décision-cadre de l'UE du 8 mai 2003 concernant la reconnaissance mutuelle et l'exécution transfrontalière des sanctions pécuniaires encourues du fait d'infractions au code de la route présuppose et nécessite l'uniformisation des règles de circulation routière en Europe;

b)

parallèlement, il importe de tenir compte des règles de procédure pour la fixation et l'application des amendes pénales et non pénales et des possibilités qu'ont les usagers de la route de recourir dans les différents États membres à la justice pour se défendre;

c)

les règles de conduite automobile sont en effet très différentes d'un État membre à un autre, ce qui entraîne un danger accru pour l'automobiliste qui conduit un véhicule dans un pays différent de celui dont il est originaire;

d)

les principales différences mises en exergue, outre celles mentionnées dans l'étude du consultant TIS-PT, sont relatives:

aux taux d'alcoolémie,

aux limitations de vitesse,

aux signaux de signalisation, aux signaux des agents de la circulation et au marquage des routes,

aux peines relatives aux infractions et aux règles de procédure pour leur application,

aux équipements de sécurité exigés;

e)

dans le cadre du processus de rapprochement législatif visant l'éventuelle harmonisation des règles de circulation au niveau communautaire, il convient de suivre une méthodologie graduelle;

f)

une harmonisation totale ne semble pas possible immédiatement, si ce n'est en ce qui concerne des aspects essentiels et fondamentaux;

g)

ces aspects devraient obligatoirement inclure:

la sécurité routière dans ses différents aspects,

les équipements obligatoires dans les véhicules automobiles (par exemple, ampoules de remplacement, triangles de présignalisation, téléphones mains-libres, airbags, etc.),

la signalisation et le marquage des routes,

les critères de délivrance des autorisations de conduire,

le permis de conduire avec points de pénalisation uniforme,

la nature des sanctions pour les infractions les plus graves;

h)

la référence à utiliser pour ce rapprochement législatif doit être la Convention de Vienne;

i)

toute proposition devra être précédée d'études de coûts/bénéfices d'un type similaire à celles déjà effectuées pour certains secteurs des transports ou pour certaines initiatives dans le domaine de la sécurité routière (16);

j)

un accent tout particulier devra être placé sur l'application effective des règles de circulation, sur la surveillance de leur respect et sur la sanction des infractions.

5.4

Parmi les aspects parallèles et complémentaires à toute initiative dans les domaines à l'examen, les suivants ont été mis en exergue de façon particulière:

a)

l'uniformisation des systèmes de paiement automatique des péages sur les autoroutes et les ponts (17);

b)

la normalisation des définitions du poids et de la dimension des véhicules et des restrictions y relatives;

c)

les niveaux minimaux de formation des conducteurs, en fonction du type de véhicules;

d)

l'inclusion dans cette formation de notions approfondies de premiers soins et de premiers secours;

e)

la définition de normes de qualité minimales pour la construction des infrastructures routières;

f)

l'organisation de campagnes d'éducation à la circulation routière et à la prévention des accidents aux différents niveaux d'enseignement ainsi que pour les adultes.

6.   Champ d'application et portée d'un code de la route européen

6.1

L'audition évoquée au paragraphe précédent a clairement fait apparaître le souhait d'avancer vers une harmonisation des règles routières, sans que cet exercice ne se limite à la réglementation de la circulation; il devrait au contraire s'étendre par exemple aux infrastructures routières et à la sécurité.

6.2

Au long de son existence, l'Union européenne a élaboré d'innombrables outils législatifs liés à la circulation routière: permis de conduire, homologation des véhicules et de leurs composants, règles applicables aux transports, assurance automobile, etc. Ce dont il s'agit ici, c'est d'établir les règles de circulation, en vue de leur harmonisation, laquelle pourra contribuer à d'autres objectifs, notamment celui de la sécurité routière, grâce à la certitude et à la sécurité apportée par la connaissance du comportement à adopter sur la route.

6.3

Comme cela a déjà été dit, la Convention de Vienne de 1968 contient le texte le plus abouti en matière de circulation routière. Il dénote un souci d'exhaustion et présente la particularité, vu qu'il s'agit de l'instrument international adopté par l'ensemble des pays européens, d'exhorter les États contractants et adhérents à rendre le droit national conforme au texte de la convention. S'agissant du texte le plus connu et le mieux accepté par les pays européens, cette convention peut servir de point de départ pour une plus vaste discussion du code de la route européen.

6.4

La proposition faite ici consiste à ce qu'il soit procédé à une harmonisation des règles de conduite qui forment le noyau essentiel des codes de la route européens les plus modernes, à savoir notamment mais pas exclusivement:

a)

règles générales de conduite de véhicules, démarrage et position de marche, vitesse et distance entre véhicules;

b)

signaux des conducteurs;

c)

vitesse de conduite (pas nécessairement les limites de vitesse maximale);

d)

priorité (règle générale, aux croisements, aux bifurcations, aux ronds-points et entre véhicules);

e)

dépassements;

f)

changements de direction;

g)

marche arrière;

h)

inversion du sens de la marche;

i)

arrêt et stationnement;

j)

capacité et dimensions des véhicules, transports de personnes et de charges, embarquement et débarquement de passagers, opérations de chargement et de déchargement;

k)

éclairage des véhicules et utilisation des feux;

l)

la circulation des véhicules d'urgence et celle sur des voies spéciales (par exemple, autoroutes et voies similaires, passages à niveau et voies réservées à certains véhicules, sur rail ou non);

m)

alcool et substances psychotropes;

n)

utilisation d'accessoires de sécurité (ceintures et dispositifs de retenue pour enfants);

o)

documents obligatoires;

p)

comportement en cas d'accident ou de panne;

q)

définition uniforme et règles applicables aux différents utilisateurs de la voie publique, et en particulier aux motocycles, quadricycles, tricycles, cyclomoteurs, vélos et utilisateurs de rollers ou de skateboards;

r)

circulation des piétons et précautions à observer par les conducteurs;

s)

règles spéciales à observer par les conducteurs de véhicules par rapport aux transports en commun et aux transports et véhicules spéciaux;

t)

circulation des animaux.

6.5

Les signaux de circulation doivent compléter, expliciter ou apporter des exceptions aux règles de circulation. Ils peuvent contenir de multiples indications susceptibles de renforcer la sécurité de la circulation routière. Il convient dès lors également d'uniformiser la signalisation, tant en ce qui concerne sa forme que son contenu, ou encore s'agissant des règles régissant leur emplacement et de leur valeur par rapport aux règles de circulation, en garantissant la meilleure gestion possible en termes de quantité et de visibilité.

6.6

La signalisation ne se limite pas aux signaux relatifs à la circulation. Il convient également que soient harmonisés les signaux utilisés par les agents de circulation, les signaux lumineux, les signaux des conducteurs et le marquage des routes.

6.7

Le non-respect des prescriptions résultant des règles et de la signalisation de la circulation constitue une infraction, ce qui implique des règles uniformes pour les procédures de surveillance, notamment en ce qui concerne la vitesse, la consommation d'alcool et de substances psychotropes. En outre, il est nécessaire que les États soient d'accord quant aux faits illicites qui doivent constituer une infraction, de manière à éviter que ce qui constitue une infraction dans un État n'en soit pas une dans un autre État. Il s'agit donc d'uniformiser les infractions.

6.8

Par conséquent, il importe d'étudier et de concrétiser des mécanismes simplifiés destinés à favoriser une interprétation uniforme d'un code de la route européen, car il convient que les procédures relatives aux infractions routières soient rapides, sous peine que les règles ne perdent de leur efficacité (en fait, l'objectif recherché est un processus simplifié pour les questions préjudicielles posées à la Cour de justice).

7.   Une immatriculation automobile unique au niveau européen

7.1

Dès lors que les exigences, les instruments et les procédures relatives à l'immatriculation des véhicules automobiles diffèrent également beaucoup d'un État membre à l'autre, la possibilité de s'orienter vers la création d'une immatriculation unique en Europe a également été débattue lors de l'audition et a recueilli plusieurs avis favorables.

7.2

Ont également été pondérés le pour et le contre d'un registre central européen de propriété automobile où seraient recensés les principaux éléments relatifs aux droits, les charges et obligations susceptibles de grever un véhicule automobile et les modalités de sa détention/utilisation. Lors de l'audition, les avantages d'une solution de ce type pour le commerce juridique intracommunautaire de véhicules automobiles, la prévention des fraudes et des vols de véhicules automobiles et la répression des infractions au code de la route commises par des conducteurs d'autres États membres ont été mis en exergue.

7.3

Il est estimé que les conditions existent pour poursuivre en direction de l'introduction d'un registre automobile unique lié aux véhicules automobiles et non à leurs propriétaires ou détenteurs, en tirant parti de l'expérience déjà acquise dans le cadre du système d'information relatif au numéro d'immatriculation et à l'identification des propriétaires dans le cadre de l'assurance automobile (3ème directive).

7.4

Les possibilités ainsi accrues d'acheter, d'assurer et d'immatriculer un véhicule dans n'importe quel État membre contribueront de manière décisive à l'augmentation des transactions transfrontalières de véhicules, à l'accroissement de la mobilité des citoyens et du tourisme et au développement du marché intérieur (18).

7.5

Par ailleurs, un système européen d'enregistrement automobile semble hautement souhaitable et envisageable sans coûts excessifs, en passant lors d'une première phase par une coordination et coopération accrues entre les registres nationaux existants. Il apporterait d'énormes avantages au niveau de la connaissance précise de la titularité (propriété ou autre régime juridique) des véhicules, de la certitude juridique au niveau des transactions de véhicules, de la prévention des vols et de la fraude, de même qu'il faciliterait la surveillance et la sanction des infractions commises dans tout État membre.

8.   La base juridique et l'instrument communautaire adéquat

8.1

En l'état actuel des choses, le CESE est d'avis que l'instrument juridique le plus adéquat pour la mise en œuvre d'une initiative dotée de la portée proposée ici est une directive d'harmonisation minimale.

8.2

La base juridique pour son adoption devra tenir compte de l'impact de l'initiative comme moyen de réalisation du marché intérieur et comme instrument visant à accroître la liberté de circulation des citoyens européens dans l'espace communautaire.

9.   Conclusions et recommandations

A)   concernant un code de conduite de la route européenne

9.1

Le CESE est d'avis qu'un certain degré d'harmonisation des législations s'agissant des règles de circulation routière constitue un moyen efficace non seulement d'accélérer la réalisation du marché intérieur, mais aussi d'accroître la sécurité de la circulation automobile.

9.2

Par ailleurs, le CESE estime que cette harmonisation est susceptible de contribuer, de façon décisive, à accroître la sécurité de la circulation routière, à prévenir les accidents, et, partant, à rendre plus tangible la liberté de circulation des citoyens européens.

9.3

Le CESE est d'avis que les conditions propices au lancement de travaux préparatoires en vue d'une initiative législative communautaire aux objectifs susmentionnés, qui tienne compte des différents points de vue et des difficultés dont il est fait état dans le présent avis, sont réunies.

9.4

Le CESE entend que, dans l'état actuel des choses, il convient d'envisager la possibilité de recourir à une directive d'harmonisation minimale, prenant pour base la Convention de Vienne, laquelle directive définirait les règles fondamentales de circulation et de signalisation, les conditions de délivrance des autorisations de conduire et des permis de conduire, la nature des infractions et de leur sanction, ce qui constituerait un premier pas vers l'institution d'un Code de la route européen.

B)   Concernant un registre automobile unique au niveau européen

9.5

Le CESE estime également que la sécurité dans l'utilisation des véhicules automobiles, de par une traçabilité plus aisée, aurait beaucoup à gagner de la création d'un système de registre automobile unique au niveau européen, ayant pour objet les véhicules automobiles eux-mêmes.

9.6

Le CESE considère en outre qu'un instrument communautaire contraignant pourra définir les bases de la création d'un système unique d'enregistrement automobile, en mettant à profit une grande partie de l'expérience déjà acquise en matière de coopération entre les instances nationales compétentes.

9.7

Dans ce contexte, le CESE invite instamment la Commission à entamer les études préalables indispensables aux fins d'une analyse coûts/bénéfices dans les différents domaines susceptibles d'harmonisation.

C)   En résumé

9.8

Le CESE suggère à la Commission de lancer au moyen d'un Livre vert une discussion publique sur le thème de la présente initiative, en vue de recueillir les points de vue et les observations du plus grand nombre possible de parties intéressées.

9.9

Le CESE invite entre temps la Commission à poursuivre à son tour les études en cours, en vue d'une harmonisation de plus en plus grande des aspects liés à la conduite automobile en général et d'un accroissement de la sécurité des véhicules mêmes.

9.10

Le CESE attire l'attention des États membres sur la nécessité et l'opportunité d'adopter des mesures de coopération et de coordination sans cesse plus étroites dans le domaine des règles de circulation routière, de la prévention des accidents, des secours immédiats et de l'indemnisation des victimes.

9.11

Le CESE espère que le Parlement européen apportera un soutien sans réserve à la présente initiative et incite la Commission et le Conseil à poursuivre la réalisation des objectifs énoncés ici.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Articles 39 ss. du traité CE.

(2)  Article 2, quatrième tiret du traité UE et articles 61 ss. du traité CE.

(3)  Protocole no2 du traité UE.

(4)  Articles 70 et ss. du traité CE.

(5)  Articles 95 et ss. du traité CE.

(6)  Cf. «Energy & Transport in figures», DG de l'énergie et des transports, en collaboration avec EUROSTAT (2003).

(7)  M. Argante RIGHETTI, Procureur général, Bellinzona – Tessin, «Criteri di applicazione delle norme di circolazione per i veicoli stranieri in caso di difformità fra la Convenzione di Ginevra e la legislazione interna degli Stati aderenti», Automobile Club di Perugia, 8-10 septembre 1961.

(8)  Tant à l'occasion des 5èmes journées européennes sur le droit de la circulation routière, qui auront lieu à Trèves en octobre 2004, que dans le contexte du 1er Congrès européen de la route qui se tiendra à Lisbonne du 24 au 26 novembre 2004, sur le thème «La mobilité dans l'Europe élargie: les défis et les responsabilités du secteur routier», ce sujet devra être abordé.

(9)  À cet égard, il convient de mettre en exergue les instruments suivants: acte du Conseil du 17 juin 1998 établissant la convention relative aux décisions de déchéance du droit de conduire (JO C 216 du 10.7.1998), règlement (CE) no 2411/98 du 3 novembre 1998 (JO L 229 du 10.11.1998) relatif à la reconnaissance en circulation intracommunautaire du signe distinctif de l'État membre d'immatriculation des véhicules à moteur, les directives 1999/37/CE et 2003/127/CE du 29 avril 1999 et du 23 décembre 2003 relatives aux documents d'immatriculation des véhicules (JO L 138 du 1.6.1999 et L 10 du 16.1.2004), résolution du Conseil du 26 juin 2000 relative au renforcement de la sécurité routière (JO C 218 du 31.7.2000), recommandation de la Commission du 6 avril 2004 relative à l'application de la réglementation dans le domaine de la sécurité routière (JO L 111 du 17.4.2004), décision de la Commission du 23 décembre 2003 concernant les prescriptions techniques pour la mise en œuvre de la directive 2003/102/CE relative à la protection des piétons et autres usagers vulnérables de la routes (JO L 31 du 4.2.2004), directive 2004/11/CE du 11 février 2004 relative aux dispositifs limiteurs de vitesse montés sur certaines catégories de véhicules à moteur (JO L 44 du 14.2.2004), décision de la Commission du 2 avril 2004 sur l'application de la directive 72/166/CEE du Conseil en ce qui concerne les contrôles de l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs (JO L 105 du 14.4.2004), proposition de directive du 21 octobre 2003 relative au permis de conduire européen (COM(2003) 621 final), proposition de directive relative à l'établissement de règles communes pour certains transports de marchandises par route (COM(2004) 47 final du 2.2.2004) et proposition de règlement sur l'accès des services des États membres chargés de la délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules au système d'information Schengen (COM(2003) 510 final du 21 août 2003). De même, les règlements no 39, 60, 62, 71, 73, 78, 101 et 103 de la Commission économique des Nations unies pour l'Europe (CEE/NU) visent le même objectif d'information (JO L 95 du 31.03.2004).

(10)  «Comparative Study of Road Traffic Rules and corresponding enforcement actions in the Member States of the European Union», étude réalisée par la société TIS.PT, consultants en transports, innovations et systèmes et conclue en février 2004.

(11)  V. avis CESE JO C 110 du 30.4.2004 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes en ce qui concerne l'accès des services des États membres chargés de la délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules au système d'information Schengen (COM (2003) 510 final; rapporteur: M. Barros Vale. V. également, entre autres, l'avis CESE JO C 112 du 30.4.2004 sur la proposition de directive relative au permis de conduire (rapporteur: M. Simons) et l'avis CESE JO C 108 du 30.4.2004 sur la communication de la Commission – Technologies de l'information et des communications pour les véhicules sûrs et intelligents (rapporteur: M. Ranocchiari).

(12)  Par exemple, entre le Portugal et l'Allemagne, c'est la Convention de 1926 qui est en vigueur; entre le Portugal et la Belgique, c'est celle de 1949; entre l'Allemagne et la Belgique, c'est celle de 1968. La gamme des possibilités est plus vaste encore si l'on considère les États qui se préparent à rejoindre l'Union européenne. Parmi d'autres exemples, c'est la Convention de 1926 qui est en vigueur entre l'Allemagne, l'Irlande et les Pays-Bas, celle de 1949 entre les Pays-Bas, le Portugal et la Suède et celle de 1968 entre la Finlande, l'Italie, l'Autriche et la Lettonie. Cette diversité trouve son origine dans l'adhésion ou non des États à l'instrument le plus récent. Ainsi, quand deux pays ou davantage adhèrent à l'instrument le plus récent, les conventions antérieures cessent de régir leurs relations, mais continuent de s'appliquer aux pays qui, eux, n'ont pas adhéré à la convention la plus récente.

(13)  Par exemple, le Portugal vient de procéder à une révision du Code de la route et l'Italie est en voie d'achever le même exercice.

(14)  Cf. note no10 ci-dessus.

(15)  V. paragraphes 2.3 et 4.

(16)  Cf. le rapport du European Transport Safety Council intitulé «Cost Effective EU Transport Safety Measures» (2003) et le rapport final «Cost-Benefit Analysis of Road Safety Improvements» de ICF Consulting, Ltd, Londres 12 juin 2003.

(17)  Cf. directive 2004/52/CE du 29 avril 2004 concernant l'interopérabilité des systèmes de télépéage routier dans la Communauté (JO L 166 du 30.4.2004).

(18)  Certains membres du groupe d'étude ont soulevé l'hypothèse d'instaurer d'ores et déjà un régime permettant l'achat et l'établissement d'un registre automobile transnational pour toutes les situations dans lesquelles les personnes se déplacent temporairement, pour raisons professionnelles, dans un Etat membre ou de manière régulière et impérative.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/42


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Promotion du transport maritime, recrutement et formation des gens de mer»

(2005/C 157/05)

Le 29 janvier 2004, conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis sur le thème: «Promotion du transport maritime, recrutement et formation des gens de mer».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 5 octobre 2004 (rapporteur: M. CHAGAS).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 137 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Introduction

1.1

En 1996, la Commission européenne et la présidence irlandaise du Conseil des ministres de l'UE ont organisé une conférence internationale à Dublin sur le thème «Le marin de l'Union européenne est-il une espèce en voie de disparition?». Les participants à cette conférence ont reconnu que les marins européens sont indispensables à la durabilité de l'industrie maritime européenne. Plusieurs propositions ont été avancées pour rétablir une communauté suffisamment nombreuse de marins hautement qualifiés. La même année, la Commission a présenté une analyse de cette question dans sa communication intitulée «Vers une nouvelle stratégie maritime» (1). La résolution du Conseil du 24 mars 1997 sur une stratégie visant à renforcer la compétitivité des transports maritimes communautaires (2) va dans le même sens. Le Conseil des ministres de l'Union européenne a approuvé la communication de la Commission, et a notamment reconnu que des mesures volontaristes étaient nécessaires pour promouvoir l'emploi des marins communautaires.

1.2

Dans sa communication sur la formation et le recrutement des gens de mer (3), la Commission avait reconnu que les deux dernières décennies étaient marquées par une pénurie croissante de gens de mer bien formés, en particulier des officiers. Depuis le début des années 80, tant la flotte de l'UE que le nombre de gens de mer communautaires sont en forte baisse. Toutefois, les lignes régulières de navires à passagers et de transbordeurs dans l'UE constituent une exception, puisque ce marché est encore principalement occupé par les navires battant pavillon communautaire et dont les équipages sont constitués essentiellement de ressortissants de l'UE. L'industrie, les États membres et la Commission ont abordé à plusieurs occasions la question de la diminution du nombre des marins de l'UE, ainsi que de la pénurie des gens de mer hautement qualifiés, mais les mesures prises pour enrayer et inverser cette tendance sont loin d'avoir été efficaces.

1.3

Plusieurs études et projets de recherche ont tenté d'analyser et de traiter la question de la diminution du nombre de marins dans l'UE, notamment:

une étude de 1996 sur les professions maritimes dans l'Union européenne (financée par la Commission);

l'étude conjointe FST-ECSA de 1998 (financée par la Commission) (4);

les projets de recherche METHAR (5) et METNET (6) (tous deux financés par la Commission européenne au tire du programme de RDT pour les transports, respectivement dans le 4ème et le 5ème programme cadre).

1.4

Le rapport BIMCO/ISF sur la main-d'oeuvre (7), publié en avril 2000, est sans doute à ce jour l'étude la plus complète sur l'offre et la demande mondiales de marins pour la marine marchande. Il estimait qu'il existait une pénurie de 16 000 officiers, soit 4 % de la main- d'œuvre. En ce qui concerne les officiers, les projections pour 2010, qui varient en fonction de la croissance, des qualifications des effectifs, des abandons et de l'amélioration de la formation indiquent, après analyse de sensibilité, soit un excédent d'environ 11 %, soit un déficit de 24 %. La mise à jour prévue pour 2005 indiquera probablement un déficit. Selon l'étude conjointe FST/ESCA de 1998 (8), l'UE est confrontée à ce problème à un degré nettement supérieur, avec une pénurie estimée à quelque 13 000 officiers en 2001, qui passera à environ 36 000 officiers en 2006.

1.5

Une étude récente (9) menée au Royaume-Uni par l'Université de Cardiff, à la demande du ministère britannique des Transports, de la Chamber of Shipping (chambre britannique de la navigation maritime) et de la Marine Society, a révélé une pénurie importante de gens de mer qualifiés disponibles pour occuper des emplois à terre au Royaume-Uni.

1.6

La Commission a reconnu que le transport maritime à courte distance faisait partie intégrantedu système de transport (10). Bien que plusieurs initiatives aient été prises pour promouvoir le transport maritime à courte distance, notamment dans le cadre des orientations sur les aides d'État au secteur maritime, celles-ci n'ont donné lieu à aucune amélioration matérielle significative en ce qui concerne l'emploi des marins. Le tonnage enregistré a cessé de diminuer dans certains États membres, et d'autres ont constaté une augmentation. Toutefois, le nombre de gens de mer dans l'UE continue à baisser.

2.   Recommandations de la Commission visant à promouvoir le recrutement et la formation des gens de mer, ainsi que le transport maritime (11)

2.1

Tout en reconnaissant que l'emploi et la formation sont deux domaines relevant avant tout de la compétence des États membres, la Commission a défini et proposé des recommandations concernant des actions prioritaires:

a)

Il convient d'appliquer correctement la législation communautaire et internationale existante concernant les conditions de vie et de travail et la qualité des opérations à bord afin d'améliorer les conditions sociales dans le but de pouvoir recruter et garder du personnel hautement qualifié.

b)

La Commission a reconnu la concurrence croissante d'une main-d'œuvre moins chère venant de pays tiers sur les lignes régulières de navires à passagers et de transbordeurs de l'Union européenne. Tout en proposant une solution à ce problème, elle a jugé nécessaire que des accords soient conclus parallèlement entre les partenaires sociaux.

c)

Les États membres et les partenaires sociaux devraient organiser des campagnes de sensibilisation coordonnées au niveau national et européen en vue de revaloriser l'image des transports maritimes et de donner aux jeunes des informations précises sur les possibilités et les implications d'une carrière maritime.

d)

Les armateurs devraient examiner les possibilités d'amélioration des conditions de vie et de travail, notamment les périodes de rotation et la rémunération.

e)

Il y a lieu de préserver un système de formation maritime de haute qualité dans l'UE, les États membres et les partenaires sociaux devant garantir un nombre suffisant de places de formation à bord.

f)

Les États membres et les partenaires sociaux doivent étudier et exploiter les possibilités offertes par les instruments communautaires pour financer la formation maritime.

g)

La Commission a reconnu que la Communauté peut soutenir l'effort du secteur pour remédier à la pénurie actuelle de gens de mer communautaires en parrainant des projets de recherche ciblés dans le futur 6ème programme cadre.

2.1.1

Le Comité économique et social européen a indiqué dans un avis (12) que tous les destinataires de la communication sur la formation et le recrutement des gens mer devraient prendre note attentivement de ses recommandations. En particulier, il estimait que les États membres devraient exploiter pleinement les aides publiques au transport maritime et les autres mesures d'aide communautaire existantes. Le Comité a également souligné la nécessité d'améliorer les conditions de vie et de travail à bord, de ratifier les normes internationales pertinentes et de veiller à leur respect, et le cas échéant, de prendre les mesures qui s'imposent pour rehausser le prestige social et la satisfaction au travail des professions maritimes. Le Comité a également insisté sur la nécessité d'une coopération et de la promotion de la profession par les États membres et les partenaires sociaux.

2.2

Reconnaissant que le transport maritime est un domaine relevant avant tout de la compétence des États membres, la Commission a défini et proposé des recommandations concernant des actions prioritaires. Bien que l'accent ait été mis surtout sur le transport maritime à courte distance, les mesures ne se limitent pas à ce secteur:

a)

Activités législatives: mise en œuvre de la directive concernant certaines formalités déclaratives applicables aux navires à l'entrée et/ou à la sortie des ports des États membres (OMI-FAL), mise en œuvre de Marco Polo, normalisation et harmonisation des unités de chargement intermodales, autoroutes de la mer, et amélioration des performances environnementales du transport maritime.

b)

Activités techniques: guide des procédures douanières applicables au transport maritime à courte distance, recensement et élimination des obstacles aux progrès du transport maritime à courte distance, rapprochement des pratiques nationales et informatisation des procédures douanières communautaires, recherche et développement technologique.

c)

Activités opérationnelles: guichets administratifs uniques, préserver le rôle essentiel des correspondants pour le transport maritime à courte distance, assurer le bon fonctionnement et l'orientation des centres de promotion pour le transport maritime à courte distance, promouvoir l'image du transport maritime à courte distance comme alternative satisfaisante aux autres modes de transport, et collecte d'informations statistiques.

2.2.1

Le Comité économique et social européen a approuvé la communication de la Commission dans un avis (13) sur le programme pour la promotion du transport maritime à courte distance. Le Comité a toutefois insisté sur la nécessité de supprimer les goulets d'étranglement afin que le transport maritime à courte distance puisse évoluer vers l'intermodalité. Il a exprimé ses préoccupations quant à un certain nombre de questions connexes. Le Comité a également souligné qu'il importait d'assurer un suivi continu des actions à entreprendre.

3.   Recommandations du Conseil visant à promouvoir le recrutement et la formation des gens de mer, ainsi que le transport maritime

3.1

Le Conseil a pris acte (14) de la structure générale et des orientations de la communication de la Commission sur «la formation et le recrutement des gens de mer» (15). Ce faisant, il a reconnu l'importance du transport maritime dans le commerce mondial et intracommunautaire. Il a également admis que le transport maritime constitue le mode de transport le plus efficace, le plus respectueux de l'environnement et le moins coûteux.

3.2

Tout en reconnaissant la concurrence régnant dans le secteur des transports maritimes, le Conseil a également souligné l'importance de la lutte contre les transports maritimes qui ne respectent pas les normes, en intégrant les normes internationales ou en comblant les lacunes de la législation internationale, et a insisté sur l'importance de la mise en œuvre et du respect de la législation en vigueur, en particulier la législation relative aux conditions de vie et de travail des gens de mer, qui sont essentielles pour la sécurité des navires.

3.3

Le Conseil a souligné que le facteur humain est essentiel pour la qualité des transports maritimes et qu'il convenait d'influencer favorablement l'opinion publique, tant en ce qui concerne l'image globale du secteur que l'attrait du métier de marin.

3.4

Il a en outre reconnu l'effet positif des orientations communautaires sur les aides d'État au secteur maritime et leur importance pour le maintien de la compétitivité des flottes des États membres et l'augmentation du nombre de navires immatriculés dans les États membres.

3.5

Eu égard à l'importance du transport maritime, le Conseil a défini et proposé des recommandations concernant, entre autres, les questions spécifiques suivantes:

a)

la publication à brève échéance d'une version révisée des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur maritime, qui pourra contribuer à stimuler le maintien de la compétitivité ainsi que la promotion du savoir-faire des transports maritimes, de même que l'embauche des marins européens;

b)

les États membres doivent améliorer l'image des transports maritimes;

c)

veiller à ce que la qualité des transports maritimes continue à être encouragée, grâce au respect plus strict des instruments juridiques de l'OMI et de l'OIT, mais aussi de la législation communautaire, dans le cadre du contrôle des navires par l'État du pavillon et l'État du port;

d)

examiner la possibilité de mettre en place un système européen de prime de qualité destiné aux opérateurs méritants, qui se conforment entre autres aux normes en matière de sûreté, de conditions de vie et de travail des gens de mer, de sécurité et de protection de l'environnement, en tant qu'encouragement à la promotion des transports maritimes de qualité;

e)

il s'est félicité de l'intention de la Commission de présenter un rapport sur l'évolution éventuelle des procédures spécifiques de reconnaissance pour les attestations de capacité des marins dans la Communauté, en conformité avec les exigences de la STCW;

f)

les partenaires sociaux doivent contribuer aux efforts déployés par les États membres et la Commission pour attirer les jeunes vers les professions maritimes, notamment en créant des conditions de travail et de salaire intéressantes et en promouvant l'emploi des femmes à bord et à terre;

g)

les armateurs doivent assurer et maintenir un niveau suffisant d'emploi pour les citoyens de l'UE à bord de leurs navires et dans leurs compagnies, et en particulier, promouvoir l'idée d'une carrière comportant des perspectives de mobilité, des promotions et un emploi futur à terre, en signant avec les jeunes officiers des contrats de carrière; ces mesures devraient être assorties d'améliorations des conditions de vie et de travail en faisant appel aux moyens techniques et de communication modernes;

h)

il a reconnu l'importance des conventions faisant référence à des normes du travail, par exemple les conventions de l'OIT.

4.   Avis du Parlement européen concernant la promotion du recrutement et de la formation des gens de mer, ainsi que le transport maritime

4.1

Le Parlement européen s'est penché à plusieurs reprises sur la question de la promotion du transport maritime et des professions maritimes. En particulier, sa résolution récente sur le renforcement de la sécurité maritime (P5_TA_PROV(2004)0350), faisant suite à l'accident du Prestige au large des côtes galiciennes, comporte plusieurs propositions qui, si elles sont mises en œuvre, contribueront sensiblement, directement ou indirectement, à la promotion du transport maritime de l'UE, ce qui bénéficiera à la fois aux armateurs et aux marins européens.

4.2

Le CESE marque son intérêt, entre autres, pour les recommandations suivantes de cette résolution:

4.2.1

«[Le PE] réclame une politique européenne de la mer, globale et cohérente, destinée à la création d'un espace européen de sécurité maritime; considère que cette politique doit reposer en particulier sur les mesures suivantes:

l'interdiction des navires sous normes,

l'amélioration des conditions de vie, de travail et de la formation des gens de mer».

4.2.2

«[Le PE] souligne que, pour la sécurité maritime, il est indispensable que les marins perçoivent une rémunération valorisante et que soit mis fin à la surexploitation existante dans nombre de navires; demande à la Commission d'oeuvrer en faveur d'une harmonisation et de la revalorisation de cette profession à l'échelle européenne par les moyens législatifs et d'agir dans ce sens au sein de l'OMI».

4.2.3

«[Le PE] demande des mesures visant à promouvoir les professions maritimes, afin de les rendre plus attrayantes pour les jeunes en général et pour les jeunes européens en particulier».

5.   Remarques et observations générales

5.1

Il est admis que le transport maritime joue un rôle essentiel dans le cadre de l'actuel programme de développement durable au sein de l'UE. L'importance du transport maritime a été reconnue dans le Livre blanc de la Commission intitulé: «La politique européenne des transports à l'horizon 2010: l'heure des choix» (16) et soulignée dans un document sur la politique maritime intitulé «Législation et objectifs de l'Union européenne en matière de transport maritime» (17).

5.2

Le transport maritime représente 40,7 % de la valeur et 69,9 % du poids des importations et exportations de l'UE (18). Ces chiffres sont sensiblement plus élevés pour les États membres ayant le statut d'île. Le transport maritime est le principal mode de transport en ce qui concerne le commerce extérieur de l'UE.

5.3

Le transport maritime représente 12 % de la valeur et 19,7 % du poids des échanges intracommunautaires (19). Ces chiffres sont sensiblement plus élevés pour les îles ultrapériphériques et certaines régions, en particulier le Royaume-Uni et l'Irlande, dont le bien-être et la prospérité dépendent presque totalement du transport maritime.

5.4

Une industrie de transport maritime saine et dynamique contribue au maintien d'autres formes de transport. En outre, une industrie de transport maritime performante participe au maintien et à la prospérité de l'ensemble du secteur maritime. En particulier, il y a lieu de permettre à des gens de mer formés, hautement qualifiés, de passer dans des sous-secteurs dans les domaines des services, de la finance, des loisirs et de la fabrication. Bien qu'il soit possible de remplacer certains éléments, d'autres méthodes de formation ne sont pas toujours souhaitables ou possibles.

5.5

Il convient de faire la distinction entre les matelots et les officiers. Les armateurs semblent plus enclins à employer des officiers européens en dépit des coûts salariaux plus élevés.

5.6

Un grand nombre d'officiers européens sont employés en mer, occupent des postes importants à haut risque, ou assument des fonctions dirigeantes dans tous les domaines de l'industrie maritime, sur divers types de navires. L'expérience de ces personnes est abondamment utilisée tant dans les sociétés de transport que pour la gestion des flottes, à l'intérieur et à l'extérieur de l'UE.

5.7

Sur les navires enregistrés dans l'UE, un grand nombre de matelots européens ont été remplacés par des matelots issus de pays tiers. De plus en plus, les matelots de l'UE ne sont employés que sur les navires spécialisés, notamment dans le secteur de l'énergie offshore. C'est une conséquence des mesures prises par les armateurs désireux de réduire leurs coûts salariaux afin de rester compétitifs et/ou d'augmenter leurs bénéfices.

5.8

Il ne fait aucun doute que les ports maritimes sont des nœuds de transport essentiels au développement des échanges et de l'économie des États membres. Le rapport annuel 2003 de l'Organisation européenne des ports maritimes (20) souligne l'importance des ports maritimes en tant que nœuds de transport, données statistiques à l'appui. Divers emplois au sein des ports maritimes de l'UE requièrent des gens de mer hautement qualifiés et expérimentés. Si les pilotes maritimes et les capitaines de ports constituent un groupe aisément identifiable, les gens de mer expérimentés sont aussi employés dans la gestion des ports et les opérations logistiques.

5.9

Dans l'UE, une quantité non négligeable des revenus est générée par la fourniture de services spécialisés de transport. À la gestion directe des flottes s'ajoutent ainsi des domaines tels que les services de courtage, juridiques et financiers.

5.10

La fabrication des équipements, y compris l'équipement de sécurité pour les navires et le secteur des loisirs, occupe une place importante dans l'UE. Plusieurs ex-marins sont employés dans ce sous-secteur, au niveau du développement et de la vente.

5.11

La construction navale, bien que souffrant beaucoup de la concurrence, en particulier des pays d'Extrême-Orient, est importante pour les économies de certains États membres et régions. Elle se concentre actuellement sur les navires de guerre, les bateaux de croisière et les navires hautement spécialisés. Une part importante de l'activité concerne également la réparation des navires et la production pour le secteur de l'énergie offshore.

5.12

Les organes réglementaires des États membres de l'UE sont également très demandeurs de gens de mer qualifiés et expérimentés. De telles personnes sont essentielles pour assurer des contrôles appropriés des navires par l'État du port et l'État du pavillon, en vue de garantir la sécurité de la vie en mer et la protection de l'environnement marin.

5.13

Les instituts de formation maritime de la Communauté dispensent une éducation et une formation de qualité aux ressortissants de pays tiers, contribuant ainsi à la sécurité de la navigation et de la vie en mer, et à la protection de l'environnement marin.

5.14

Des gens de mer hautement qualifiés et expérimentés sont requis pour assurer le développement durable de l'infrastructure maritime et des sous-sections dans le domaine des services. La proposition conjointe de l'ECSA et de la FST concernant un projet (21) relatif aux plans de carrière dans l'industrie maritime a été approuvée et ses conclusions devraient être disponibles dans le courant de 2005.

5.15

L'on manque d'éléments pour affirmer que les jeunes citoyens de l'UE ne souhaitent pas embrasser une carrière dans l'industrie maritime. Les campagnes publicitaires efficaces offrant des possibilités d'emploi dans l'industrie maritime attirent un grand nombre de candidats.

6.   La profession maritime

6.1

L'on constate un vieillissement croissant de la main-d'œuvre, et aujourd'hui, les niveaux de recrutement sont insuffisants pour remplacer tous les marins actuels. C'est particulièrement le cas des officiers supérieurs, qui sont non seulement employés sur des navires battant pavillon européen, mais sont également demandés par des navires étrangers. Étant donné le temps nécessaire pour former de telles personnes et pour qu'elles acquièrent l'expérience nécessaire, il faut reconnaître que la situation devient critique dans certains États membres.

6.2

L'attrait de la carrière de marin diffère considérablement d'un État membre à l'autre. Cela peut être dû à des situations économiques différentes, à la situation géographique du pays ou à sa culture.

6.3

L'on a laissé entendre que les jeunes sont de moins en moins prêts à passer de longues périodes en mer, car ce mode de vie n'est pas attrayant, ni socialement ni financièrement. Toutefois, peu d'emplois offrent des périodes de repos prolongées permettant de s'adonner à ses loisirs et de voyager.

6.4

Au Royaume-Uni, des données empiriques montrent que si une campagne publicitaire est efficace et permet de mieux informer le public sur les carrières dans l'industrie du transport maritime, un nombre suffisant de jeunes posent leur candidature aux places de formation proposées.

6.5

Dans l'intérêt de la durabilité du secteur de l'infrastructure maritime, et dans le cadre d'une campagne publicitaire encourageant les jeunes à embrasser une profession maritime, il est essentiel d'offrir une «carrière dans l'industrie maritime» plutôt qu'une «carrière en mer». L'on démontre ainsi que les possibilités sont vastes, ce qui permet de diminuer la réticence des jeunes et de leurs parents à opter pour une carrière dans ce secteur.

6.6

L'éducation et la formation maritimes doivent non seulement respecter les dispositions de la convention STCW et le code ISM, mais il faut également veiller à ce que les cours soient à jour, répondent aux besoins de l'industrie et mettent les apprenants en mesure de suivre le changement technologique.

6.7

Les marins-pêcheurs et les militaires représentent une main-d'œuvre additionnelle utile, quoique limitée, pour l'industrie du transport maritime. Le déclin de l'industrie de la pêche et la réduction des forces navales de l'UE entraînent une diminution du nombre de personnes pouvant être employées dans l'industrie du transport maritime, en mer ou à terre. Il est peu probable que des réductions substantielles de la flotte de pêche de l'UE accroissent sensiblement le nombre de marins, en raison du vieillissement de la main-d'œuvre.

6.8.

Il importe également de garder des matelots ressortissants de l'UE afin de préserver le niveau de qualification des marins en Europe. En outre, ceux-ci, s'ils bénéficient d'une formation adéquate, peuvent constituer une réserve de recrutement appréciable pour des postes d'officiers.

7.   Transport maritime

7.1

Il est vrai que plusieurs initiatives visant à promouvoir le transport maritime à courte distance ont été lancées dans les États membres. Dans certains cas, ces projets n'en sont qu'à leurs balbutiements et leurs effets sont encore à évaluer. Il semble toutefois y avoir peu de coopération entre les États membres. Les initiatives telles que le marquage, les «autoroutes de la mer», sont utiles pour mieux faire connaître le transport maritime. Il faut que tous les États membres coopèrent pour tirer au mieux parti du transport maritime.

7.2

Même si les orientations sur les aides d'État au transport maritime sont essentielles pour garantir une concurrence équitable entre les États membres et une compétitivité accrue, l'efficacité de telles mesures pourrait être remise en question, étant donné la diminution continue du nombre d'emplois pour les gens de mer.

7.3

Des éléments indiquent que certains États membres n'exploitent pas pleinement les dispositions actuelles. En outre, il semble y avoir un manque de volonté à faire des changements lorsque des restrictions existent ou sont perçues comme telles.

7.4

Bien que la promotion du transport maritime relève de la responsabilité des États membres, l'absence de coordination centrale semble en entraver le développement. Par conséquent, les initiatives telles que Marco Polo ou les Autoroutes de la mer, visant à promouvoir le transport maritime à courte distance, n'ont à ce jour pas encore pu produire d'effet.

8.   Recommandations

8.1

La Commission devrait prendre des mesures adéquates et faire des recommandations pour:

a)

évaluer les mesures existantes visant à encourager la promotion du transport maritime par les États membres;

b)

évaluer les mesures existantes visant à encourager le recrutement et la formation des gens de mer dans les États membres;

c)

estimer le nombre de marins européens nécessaires pour maintenir l'infrastructure maritime et les industries connexes;

d)

examiner le fonctionnement et l'adéquation des dispositions existantes dans le cadre des lignes directrices relatives aux aides d'État, en ce qui concerne le certificat de qualification de niveau 1. En outre, examiner la possibilité pour le personnel de bord de suivre des formations donnant accès aux certificats STCW de niveau 2 et 3;

e)

veiller à définir des priorités pour encourager le recrutement, la formation et l'emploi à long terme de citoyens européens comme marins.

8.2

Les États membres devraient prendre des mesures adéquates et faire des recommandations pour:

a)

veiller au respect des conventions fondamentales et consolidées de l'OIT et des conventions modifiées de l'OMI ainsi qu'à la mise en œuvre et au respect des directives européennes afin de garantir des conditions de vie et de travail appropriées;

b)

accorder des aides financières adéquates à la formation, en tirant pleinement parti des orientations existantes en matière d'aides d'État, et en recourant le cas échéant aux régimes fiscaux et de sécurité sociale;

c)

identifier toute autre mesure nécessaire pour encourager le recrutement et la formation des gens de mer de l'UE;

d)

collaborer avec les partenaires sociaux afin de mener des campagnes de publicité efficaces pour encourager les jeunes à embrasser une carrière dans l'industrie des transports maritimes;

e)

veiller à ce que les établissements d'enseignement/de formation de haut niveau, dispensant une formation nautique spécialisée, disposent d'un financement adéquat;

f)

encourager davantage la formation des marins par le secteur du transport maritime;

g)

veiller à mettre en place l'infrastructure de transport nécessaire pour faciliter et développer l'utilisation du transport maritime;

h)

promouvoir le recours au transport maritime en tant que mode de transport écologique;

i)

assurer la disponibilité d'une série de navires pour répondre aux besoins stratégiques et économiques;

j)

éviter l'introduction de mesures criminalisant la profession de marin et supprimer toute mesure existante visant à criminaliser les marins, en particulier les capitaines.

8.3

Le Parlement européen et le Conseil devraient:

a)

amener la Commission à faire des propositions relatives à des mesures de promotion du transport maritime;

b)

amener la Commission à faire des propositions relatives à des mesures de promotion du recrutement et de la formation des gens de mer;

c)

assurer le suivi des actions menées par la Commission dans le contexte des mesures visant à promouvoir le transport maritime;

d)

assurer le suivi des actions menées par la Commission dans le contexte des mesures visant à promouvoir le recrutement et la formation des gens de mer.

8.4

Les armateurs devraient prendre des mesures appropriées pour:

a)

garantir des conditions de vie et de travail appropriées afin d'encourager le recrutement et l'emploi à long terme des marins européens hautement qualifiés;

b)

s'efforcer de recruter des personnes hautement qualifiées et leur proposer une formation adéquate;

c)

garantir un nombre suffisant de formations et, ultérieurement, de postes, pour assurer la succession des officiers supérieurs de l'UE;

d)

étudier les moyens de développer le transport maritime pour le commerce intracommunautaire et extérieur.

8.5

Les syndicats devraient prendre des mesures appropriées pour:

a)

promouvoir les carrières dans l'industrie maritime;

b)

veiller à garantir le niveau professionnel élevé des gens de mer de l'UE;

c)

participer à la promotion de l'industrie maritime, y compris le transport maritime à courte distance.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(96) 81 final du 8.4.1997.

(2)  JO C 109 du 8.4.1997, p.1.

(3)  COM(2001)188 final du 6.4.2001. Avis du CESE: JO C 80 du 3.4.2002, p. 9.

(4)  Source: étude conjointe de la Fédération des syndicats des travailleurs des transports dans l'Union européenne (FST) et de l'Association européenne des armateurs communautaires (ECSA): «Improving the Employment Opportunities for EU Seafarers: An Investigation to Identify Seafarers Training and Education Priorities» (Amélioration des possibilités d'emploi pour les marins de l'UE: enquête en vue de déterminer les priorités en matière de formation initiale et continue des gens de mer) (1998).

(5)  METHAR: harmonisation des régimes d'éducation et de formation maritimes.

(6)  METNET: réseau thématique européen sur l'éducation, la formation maritime et la mobilité des marins.

(7)  BIMCO (Conférence maritime internationale et baltique)/ISF (Fédération internationale des armateurs) «2000 Manpower Update – The World-wide Demand for and Supply of Seafarers» (Mise à jour sur la main-d'œuvre, demande et offre mondiales de gens de mer) – avril 2000.

(8)  Voir note de bas de page no 3.

(9)  Source: étude intitulée «The UK economy's requirements for people with experience of working at sea 2003» (Besoins de l'économie britannique en gens de mer expérimentés en 2003), commandée par le ministère britannique des Transports, la Chamber of Shipping (chambre britannique de la navigation maritime) et la Marine Society, et menée par l'Université de Cardiff.

(10)  COM(2003) 155 final du 7.4.2003.

(11)  Voir note de bas de page no 34

(12)  Avis du CESE, JO C 80 du 3.4.2002, p.9.

(13)  Avis du CESE, JO C 32 du 5.2.2004, p. 67.

(14)  2515ème réunion du Conseil du 5.6.2003, 9686/03 (Presse 146).

(15)  Voir note de bas de page no 1.

(16)  Livre blanc - «La politique européenne des transports à l'horizon 2010: l'heure des choix» – Commission européenne, 2001.

(17)  «La politique maritime: Législation et objectifs de l'Union européenne en matière de transport maritime» - Commission européenne, 2002.

(18)  EU Energy and Transport in Figures (L'énergie et les transports dans l'Union européenne en chiffres) – Statistical pocket book 2003 - Commission européenne (disponible uniquement en anglais).

(19)  Voir note de bas de page no 16.

(20)  Rapport annuel 2003 de l'Organisation européenne des ports maritimes.

(21)  «Proposal for a joint ECSA/ETF Project on the mapping of career paths in the maritime industries 2004».


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/48


Avis du Comité économique et social européen sur le «Projet de décision de la Commission concernant l'application des dispositions de l'article 86 du traité aux aides d'État sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général» et le «Projet de directive de la Commission modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques»

(2005/C 157/06)

Le 19 mars 2004, la Commission, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur les projets susmentionnés.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 5 octobre 2004 (rapporteur: M. HERNÁNDEZ BATALLER — corapporteur: M. BURANI).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 140 voix pour et 9 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Conformément à l'article 3, lettre g) du traité CE, l'action de la Communauté comporte «un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur». Le maintien d'un contrôle efficace destiné à éviter que les aides octroyées par les États membres ne faussent la concurrence constitue un élément essentiel de ce régime.

1.2

La nécessité de contrôler les aides d'État a été évoquée plus d'une fois par plusieurs Conseils européens. Dans ses conclusions du 24 mars 2001, le Conseil européen de Stockholm a souligné l'importance «de réduire le niveau des aides publiques dans l'Union européenne et de rendre le système plus transparent. (…) À cet effet, les États membres doivent faire la preuve, d'ici 2003, que leurs aides publiques sont orientées à la baisse par rapport au PIB, en tenant compte de la nécessité de recibler les aides sur des objectifs horizontaux d'intérêt commun, y compris des objectifs de cohésion».

1.3

La Commission européenne présente une proposition visant à réglementer les aides d'État sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général (SIEG). Cette proposition se compose d'une décision, d'un cadre communautaire ad hoc et d'une modification de la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (1).

1.4

Cette proposition a pour objectif d'appliquer les dispositions du traité, et plus particulièrement celles sur la concurrence, aux compensations financières versées par les États membres à certains services d'intérêt économique général afin d'assumer tout ou partie des coûts spécifiques découlant des obligations de service public.

1.4.1

Toutefois, la proposition établit une distinction entre les différentes catégories de compensations et, partant, limite son champ d'application. Ainsi, seraient exclues des nouvelles dispositions' les compensations répondant aux quatre critères définis par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts Altmark (2) et Enirisorse (3), à savoir: l'entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution des obligations de service public clairement définies; les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis, de façon objective et transparente; la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable; lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution de ces obligations n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, ainsi que d'un bénéfice raisonnable, aurait encourus pour exécuter ces obligations. La Cour de justice estime que ces compensations ne ressortissent pas aux dispositions du traité concernant les «aides d'État».

1.4.2

De même, sont exclues du champ d'application les aides économiques de minimis faisant l'objet du règlement (CE) no 69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 (4) et celles destinées à certains services publics de radiodiffusion (5).

1.4.3

Parallèlement, et conformément aux dispositions de l'article 73 du traité CE et des règlements (CEE) no 1191/69 (6) et 1107/70 (7) du Conseil, sont exclues du champ d'application de la proposition à l'examen certaines aides octroyées dans le secteur du transport terrestre — par chemin de fer, route et voie navigable — en particulier dans le cas d'entreprises fournissant exclusivement des transports urbains, suburbains ou régionaux.

1.4.4

Enfin, sur la base des considérations exprimées par la Commission européenne elle-même et prenant en considération les objectifs spécifiques de la politique commune des transports, sont également exclues du champ d'application de la proposition les compensations de service public dans les secteurs du transport aérien ou maritime (8), à l'exception du transport maritime lorsque le service concerne la desserte d'îles dont les volumes de trafic sont inférieurs à 100 000 passagers par an.

1.4.5

Par conséquent, conformément à l'article premier de la décision, le champ d'application de la proposition couvre, outre le service de desserte interinsulaire susmentionné, les compensations de service public dans la mesure où elles constituent des aides d'État octroyées aux entreprises actives dans tous les secteurs régis par le traité CE et entrent dans les catégories suivantes:

1)

les compensations de service public octroyées aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes toutes activités confondues n'a pas atteint un plafond à déterminer (9), pendant les deux exercices précédant celui de l'octroi du SIEG et dont le montant annuel de compensation pour le service en cause demeure inférieur à un plafond à déterminer (10); pour les établissements de crédit, ce plafond est remplacé par un seuil à déterminer du total du bilan,

2)

les compensations de service public octroyées aux hôpitaux qui réalisent des activités de service d'intérêt économique général,

3)

les compensations de service public octroyées aux entreprises en charge du logement social qui réalisent des activités de service d'intérêt économique général.

1.4.6

Sous certaines conditions, l'application de la décision à ces secteurs ne préjuge pas de la compatibilité des aides d'État avec l'article 86, paragraphe 2, du traité CE. Ainsi, la Commission propose de faire une distinction entre, d'une part, les aides d'État dont le montant élevé est susceptible d'entraîner d'importantes distorsions de la concurrence et, d'autre part, celles d'un montant plus modeste.

1.4.7

De même, en modifiant la directive 80/723/CEE en vigueur et plus particulièrement la définition des «entreprises soumises à l'obligation de tenir des comptes séparés» qui, indépendamment de la qualification juridique des compensations de service public, implique la tenue de comptes séparés lorsque les entreprises bénéficiaires de telles compensations réalisent également des activités en dehors du SIEG, la Commission renforce encore l'impératif d'assurer la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ou qui sont chargées d'obligations de service public.

1.4.8

Enfin, les dispositions de la proposition s'appliqueront sans préjudice des dispositions spécifiques plus strictes relatives aux obligations de service public contenues dans des législations et mesures communautaires sectorielles et des dispositions communautaires en vigueur en matière de marchés publics.

1.4.9

En tout état de cause, la proposition limite son champ d'application' aux services qui constituent des services d'intérêt économique général au sens de l'article 86, paragraphe 2, du traité, sans pour autant définir ce concept.

1.4.10

D'autres dispositions de la proposition, comme celles relatives à la compatibilité et à l'exemption de notification des aides, aux exigences en matière de mission de service public et au calcul de la compensation s'avèrent plus concrètes.

1.4.11

Ainsi, l'article 2 du projet de décision dispose que les compensations de service public qui remplissent les conditions fixées dans ce même texte sont compatibles avec le marché commun et exonérées de l'obligation de notification préalable visée à l'article 88, paragraphe 3, du traité.

1.4.12

Suivant l'article 4 de la proposition de décision, la mission de service public doit être confiée au moyen d'un acte officiel (acte législatif, acte réglementaire ou contrat), qui indique la nature précise des obligations de service public, ainsi que les entreprises et le territoire concernés.

1.4.13

La question de la compensation est traitée de façon extrêmement concise tant à l'article 5 de la décision qu'aux paragraphes 12 à 23 du cadre communautaire à l'examen. Ces dispositions prévoient en substance que le montant de la compensation ne peut dépasser les coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, compte tenu des recettes y relatives et d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.

1.4.14

Les coûts attribués au SIEG peuvent couvrir tous les coûts variables occasionnés par fourniture du SIEG, une contribution adéquate aux coûts fixes, et une rémunération appropriée des capitaux propres dans la mesure où ils sont affectés au SIEG (11). Les coûts liés à des activités en dehors du SIEG ne peuvent en aucun cas être imputés au SIEG. D'une façon générale, le calcul des coûts «doit être effectué en conformité avec des principes comptables acceptés».

1.4.15

Les recettes doivent au moins inclure toutes les recettes retirées du SIEG. Par bénéfice raisonnable, il convient d'entendre un taux de rémunération du capital qui doit prendre en compte le risque, ou l'absence de risque encouru par l'entreprise du fait de l'intervention de l'État (12).

1.4.16

Enfin, l'État doit procéder à un contrôle régulier de l'absence de surcompensation. La surcompensation n'étant pas nécessaire au fonctionnement du SIEG, elle constitue une aide d'État incompatible qui doit être remboursée à l'État. Toutefois, lorsque le montant de la surcompensation ne dépasse pas 10 % du montant de la compensation annuelle, cette surcompensation peut être reportée sur l'année suivante. Il se peut que certains SIEG connaissent des coûts avec une variabilité annuelle importante. Une surcompensation supérieure à 10 % sur plusieurs années peut alors se révéler nécessaire au fonctionnement du SIEG. En pareille hypothèse, l'État devra effectuer un bilan sectoriel périodique, qui ne pourra pas dépasser trois années, et la surcompensation constatée à l'issue de cette période devra être remboursée.

2.   Observations générales

2.1

La proposition à l'examen correspond à l'engagement pris par la Commission lors du Conseil européen de Laeken en décembre 2001 d'améliorer la sécurité juridique dans le domaine des compensations de service public et, plus concrètement, d'établir un cadre communautaire de soutien pour les aides d'État octroyées aux entreprises chargées d'assurer la gestion de SIEG (13).

2.2

L'insécurité juridique qui règne dans le domaine des normes applicables au financement des services d'intérêt général, et plus particulièrement à l'application des normes relatives aux aides d'État, est incontestable, malgré la jurisprudence de la Cour de justice — arrêts Altmark et Enirisorse évoqués ci-dessus — qui envisage des critères juridiques à respecter obligatoirement dans ce domaine.

2.3

Toutefois, il convient d'éclaircir ces critères et, en particulier, les méthodes de calcul des coûts (transparence, paramètres) ainsi que la nature des obligations de service public faisant l'objet des compensations (14).

2.4

En ce sens, la proposition s'avère particulièrement opportune pour les opérateurs économiques car, tant que le cadre réglementaire ne sera pas entré en vigueur, toute aide publique reçue par ces derniers en tant que prestataires d'un service d'intérêt économique général qui n'aura pas été notifiée à la Commission peut être considérée comme illégale, quel qu'en soit le montant.

2.5

Par conséquent, elles ne seraient pas à l'abri d'une action remettant en cause leur légalité devant la justice ordinaire des États membres.

2.6

Ce risque est d'autant plus grand qu'il existe deux domaines — le financement et l'attribution de marchés — où le pouvoir que possèdent les États membre de définir et développer les missions des SIEG se heurte souvent à certaines règles fondamentales du droit communautaire.

2.7

Ainsi, les États membres disposent d'une vaste marge de liberté pour décider de l'opportunité de la fourniture des SIEG et des moyens de les financer, dans la mesure où, en l'absence d'une harmonisation communautaire, la principe limite de ce pouvoir discrétionnaire réside dans le respect de la législation européenne en matière de concurrence (15), sans préjudice de l'accomplissement de leurs missions sociales et dans le plein respect du principe de subsidiarité qui est une norme juridique contraignante de nature constitutionnelle que l'Union et les États membres doivent respecter l'un et l'autre et qui ne doit pas conduire à une remise en cause de l'acquis communautaire.

2.8

Il conviendrait que la Commission étudie comment présenter de manière explicite pour quelles raisons chacune des propositions est avancée (base juridique, nécessité et proportionnalité) et doit être mise en oeuvre au niveau communautaire (critères de subsidiarité, indicateurs qualitatifs ou quantitatifs), au nom des bonnes pratiques et en accord avec le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

2.9

De nombreux motifs, dont ceux exposés ci-dessus, incitent à accueillir favorablement la proposition de la Commission qui a pour objectif premier de guider les États membres dans l'accomplissement des obligations fondamentales telles que l'exécution transparente des procédures en matière de marchés publics et l'adoption d'une attitude vigilante face aux éventuels effets négatifs qui peuvent affecter la libre concurrence lorsque les entreprises accomplissent la mission des SIEG de façon inefficace (16).

2.10

Le CESE se prononce en faveur d'une proposition législative qui aboutisse à étendre les critères avancés par la Cour de justice, de manière que les compensations des obligations de service public soient retirées du champ d'application des dispositions du traité relatives aux aides d'État.

3.   Observations particulières

3.1

Il convient toutefois de signaler que l'analyse de la proposition à l'examen soulève un certain nombre de questions de forme comme de fond.

3.2

Les trois principaux objectifs de la proposition se résument comme suit: établir la présomption de conformité avec le marché commun des aides d'État d'un montant «relativement limité» destinées aux entreprises chargées de la gestion de SIEG; renforcer la sécurité juridique en ce qui concerne les compensations pour la fourniture de SIEG dépassant ce montant, par le biais d'un cadre communautaire fixant les critères d'évaluation; ordonner les critères qui déterminent que ces compensations peuvent constituer une aide d'État.

3.3

Le CESE estime qu'il conviendrait d'étendre les dispositions prévues par la proposition à toute compensation versée pour une obligation de service public clairement définie et permanente, qui couvrira sans dépassement les coûts exposés, étant entendu que l'entreprise bénéficiaire tiendra des comptes distincts et que l'ensemble du dispositif sera toujours susceptible de faire l'objet d'un contrôle a posteriori et de sanctions de la part de la Commission et de la Cour de justice.

3.4

La proposition ne circonscrit cependant pas précisément son champ d'application, qui, notamment dans le cas de la décision, est défini selon des critères peu homogènes qui soit excluent certaines situations ou secteurs (voir paragraphe 1.4.2 — 1.4.4 ci-dessus), soit les délimitent de façon générale et selon des critères plus quantitatifs que qualitatifs (voir paragraphe 1.4.5 ci-dessus).

3.5

Les mêmes reproches peuvent être formulés pour ce qui est de l'utilisation dans certaines dispositions de concepts juridiques flous tels que le calcul des coûts attribués au SIEG, «en conformité avec des principes comptables acceptés» ou la référence à l'applicabilité de la décision aux «services qui constituent des services d'intérêt économique général au sens de l'article 86, paragraphe 2 du traité», notion qui n'est définie, comme on sait, ni dans les traités ni dans le droit communautaire dérivé.

3.6

Le CESE estime qu'à l'instar des autres modes de transport, le cabotage maritime insulaire de tout type devrait être exclu du champ d'application de la proposition, à moins que la Commission ne fournisse des justifications adéquates pour l'y inclure.

3.7

Dans ce sens, et étant donné le caractère éminemment technique et instrumental des objectifs de la proposition, il paraît raisonnable d'exiger que la Commission fournisse un effort accru afin de cerner la notion de SIEG par rapport à d'autres concepts qui tendent à se chevaucher dans les traditions constitutionnelles des États membres, comme celui de service public et de service d'intérêt général (17). De fait, les termes généraux dans lesquels la Commission décrit la notion de SIEG excluraient du champ de la proposition les activités présentant un intérêt social considérable tel que le financement de la recherche en rapport avec les progrès de la santé ou la protection des consommateurs (18).

3.8

Il y a lieu de souligner à cet égard que s'il est bien nécessaire de clarifier en droit, au niveau supranational, les concepts de services d'intérêt général et de services d'intérêt économique général, il n'apparaît pas aussi indispensable de définir au même échelon les services sociaux et ce pour au moins deux raisons: premièrement, ces services ne relèveraient du cadre communautaire que dans le cas où ils entraîneraient un bénéfice économique pour le prestataire et deuxièmement, dans cette hypothèse, ils seraient forcément englobés dans l'un des deux concepts précédemment mentionnés.

3.9

En outre, la proposition n'aborde ni le statut à donner à certains modes de financement des SIEG, comme le financement basé sur la solidarité, compte tenu des problèmes d'accès à certains marchés nationaux (voir les assurances), ni la fixation des critères pour l'évaluation de bonnes pratiques au niveau communautaire, qui aurait notamment pour avantage de clarifier la légalité du fameux «écrémage» (19).

3.10

La proposition impose les mêmes critères de respect du cadre législatif de base du marché intérieur sans opérer de distinction entre les secteurs, ni soupeser la réponse des opérateurs.

3.11

Ainsi, elle se fonde sur un principe erroné d'égalité de traitement pour des situations qui s'avèrent différentes. Selon cette optique, la distribution d'eau potable, l'assainissement urbain ou le recyclage des déchets seraient comparables à la distribution de l'électricité ou de gaz, alors qu'il s'agit de secteurs qui ne fonctionnent pas dans les mêmes conditions (respect de l'environnement, infrastructures, etc.) et dont les marchés ne sont pas semblables (d'une part les marchés locaux ou régionaux, d'autre part les marchés d'envergure nationale, transnationale ou internationale). Il n'est pas approprié de placer ces secteurs sur un même plan et de leur appliquer les mêmes règles supranationales de financement.

3.12

De même, tous les secteurs ne présentent pas le même attrait pour les opérateurs de SIEG. Certains services exigent des infrastructures particulières et leur fourniture demande des équipements qui, en toute logique, induisent une augmentation des coûts, voire excluent le recours à l'investissement privé, par manque de rentabilité à court et à moyen terme.

3.13

Par ailleurs, la proposition, dont la base juridique est l'article 86, paragraphe 3 du traité CE, reproduit le hiatus qui existe dans les traités entre l'interprétation du droit de la concurrence (qui considère les SIEG comme autant de dérogations à l'article 86, paragraphe 2, du traité) et la reconnaissance positive qu'en font l'article 16 de ce même traité, l'article 36 de la Charte des droits fondamentaux. Cette vision relativise la place fondamentale qui est celle des SIEG, tant dans l'action politique de l'UE (cohésion sociale et territoriale) que pour offrir aux citoyens la garantie de jouir de droits fondamentaux tels que la libre circulation.

3.14

Les problèmes que suscite la proposition tiennent donc au fondement même de la technique législative utilisée par la Commission, du moins en ce qui concerne deux questions: sa finalité instrumentale et son efficacité législative. En ce qui concerne la première question, la technique utilisée dans la proposition rappelle la typologie bien connue des règlements d'exemption par catégories, qui est pratique courante dans le régime juridique communautaire relatif à la concurrence sur le marché intérieur. En assimilant de facto des situations différentes, on court le risque d'une harmonisation cachée qui, par la voie réglementaire, méconnaîtrait la complexité des SIEG au lieu de privilégier une approche juridique plus fine et de plus grande envergure.

3.15

Cette observation en appelle une autre, relative à la seconde question: l'efficacité législative. En l'absence d'une proposition préalable de directive cadre — vivement réclamée par le Comité (20) — qui consoliderait les objectifs et les principes législatifs fondamentaux concernant les SIEG et préciserait, d'une part, les concepts utilisés dans les traités et les directives sectorielles et, d'autre part, les conditions d'intervention des différents opérateurs (21), la proposition à l'examen ne garantit pas en soi le niveau de sécurité juridique qu'exige ce secteur du marché intérieur.

3.16

Sans l'infrastructure juridique évoquée, on peut s'attendre à d'innombrables conflits au niveau de l'application et de l'interprétation, qui auront pour effet de paralyser les organes juridictionnels compétents. La mise en œuvre du dispositif pourrait en fait déboucher sur des infractions au principe de subsidiarité qui, dans l'état actuel du processus d'intégration, jouit d'un niveau de protection renforcé comme en témoigne l'article I-9 et le protocole ad hoc annexé au projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe, qui a été élaboré par la Convention européenne.

3.17

Le CESE souhaite que la visée du renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale ne soit pas entravée par la mise en œuvre du cadre prévu. Il convient de maintenir, tout en les réorientant vers les objectifs de cohésion, les aides destinées à favoriser le développement économique de régions où le niveau de vie est anormalement bas ou de celles confrontées à une situation préoccupante en termes de sous-emploi, ainsi que les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités et de certaines régions économiques.

3.18

Peut-être faut-il repenser la mise en œuvre de la politique en matière d'aides d'État au niveau communautaire, dans la mesure où l'action de la Commission peut s'avérer de plus en plus ardue en ce qui concerne ses relations avec les pouvoirs régionaux ou locaux, avec lesquels elle devrait traiter directement pour toutes les questions directement liées à l'octroi d'aides de leur part.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Projet de directive modifiant la directive 2000/52/CE (JO L 193 du 29 juillet 2000, p. 75).

(2)  Arrêt du 24 juillet 2003 dans l'affaire C-280/00, non encore publié au Recueil.

(3)  Arrêt du 27 novembre 2003 dans les affaires jointes C-34/01 à C-38/01, non encore publié au Recueil.

(4)  JO L 10 du 13 janvier 2001, p. 30. Il s'agit des soutiens financiers dont le montant ne dépasse pas 100 000 euros pour une entreprise sur une période de trois ans. Il convient de souligner que ce règlement n'est pas applicable au secteur des transports ni aux activités liées à la transformation ou à la commercialisation des produits énumérés à l'annexe I du traité.

(5)  Plus concrètement, il s'agit des services définis aux points 49 à 56 de la communication de la Commission publiée dans le JO C 320 du 15 novembre 2001.

(6)  JO L 156 du 28 juin 1969. Modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) no 1893/91 (JO L 169 du 29 juin 1991, p. 1).

(7)  JO L 130 du 15 juin 1970. Modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no543/97 (JO L 84 du 26 mars 1997, p. 6).

(8)  Toutefois, il existe des normes applicables à ces secteurs dans le règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 (JO L 240 du 24 août 1992, p. 8) relatif à l'accès des compagnies aériennes de la Communauté aux routes aériennes intracommunautaires, modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil (JO L 284 du 31 octobre 2003, p. 1) et dans le règlement (CEE) no 3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992 (JO L 364 du 12 décembre 1992, p. 7) relative au cabotage maritime.

(9)  Ces montants seront finalisés à la lumière des résultats de la consultation ouverte par la Commission en ce qui concerne le contenu de la proposition.

(10)  On peut déterminer ce dernier seuil en considérant une moyenne annuelle, représentant la somme actualisée des compensations octroyées au cours du contrat ou sur une période de cinq années.

(11)  Voir l'arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 2003, Chronopost, affaires jointes C-83/01P, C-93/01P et C-94/01P, non encore publié au Recueil.

(12)  Selon l'article 5, paragraphe 4 de la décision, il conviendra de prendre en considération l'existence ou non de droits exclusifs ou spéciaux octroyés par l'État membre concerné, qui peut par ailleurs introduire des critères incitatifs, liés notamment à la qualité du service fourni.

(13)  COM(2001) 598 final.

(14)  Commission CE, Document de travail des services de la Commission «Rapport relatif à la consultation publique sur le Livre vert sur les services d'intérêt général», Bruxelles, 29 mars 2004, SEC (2004) 326, pp. 27-28.

(15)  Parmi les mécanismes de financement utilisés par les États membres figurent l'aide financière directe par l'intermédiaire du budget de l'État, les droits spéciaux ou exclusifs, les contributions des opérateurs du marché, l'établissement d'un tarif moyen et le financement basé sur la solidarité; voir Commission CE, COM(2004) 374, p. 13.

(16)  Voir à cet égard le document du Parlement européen «Rapport sur le livre vert sur les services d'intérêt général», Bruxelles, 17 décembre 2003, doc. A5-0484/2003 final, PE 323.188, pp. 11-13, ainsi que le document du Comité des régions «Avis sur le livre vert sur les services d'intérêt général», JO C 73 du 23 mars 2004, p. 7, et plus particulièrement les pp. 10-11.

(17)  Cette question a été abordée à plusieurs reprises par le Comité économique et social européen, notamment récemment dans su avis sur le livre vert sur les services d'intérêt général du 11 décembre 2003, JO C 80 du 30 mars 2004, p. 66.

(18)  Voir Annexe I («Définitions terminologiques») du livre blanc sur les services d'intérêt général, COM (2004) 374, cit. p. 23.

(19)  Les péréquations tarifaires et le financement croisé entre services rentables et déficitaires risquent tout particulièrement d'être mis en cause dans les secteurs libéralisés.

(20)   JO C 241 du 7 octobre 2002, paragraphe 4.4.

(21)  Voir paragraphes 3.1 à 3.5 de l'avis du Comité économique et social européen du 11 décembre 2003 (voir ci-dessus).


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/53


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la reconnaissance des brevets des gens de mer délivrés par les États membres et modifiant la directive 2001/25/CE»

(COM(2004) 311 final — 2004/0098 (COD))

(2005/C 157/07)

Le 6 mai 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 80, paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 24 novembre 2004. (Rapporteur: M. CHAGAS).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 140 voix pour et 4 abstentions.

1.   Contexte

1.1

Le 26 avril 2004, la Commission a présenté une proposition de directive concernant la reconnaissance des brevets des gens de mer délivrés par les États membres et modifiant la directive 2001/25/CE (1), l'objectif étant d'instaurer une procédure simplifiée pour la reconnaissance des brevets délivrés par les États membres.

1.2

Les dispositions relatives à la formation, la certification et la veille applicables aux gens de mer sont énoncées par la convention de 1978 de l'Organisation maritime internationale sur les normes de formation des gens de mer, de brevet et de veille, telle qu'elle a été modifiée (convention STCW). La convention définit, entre autres, des critères spécifiques pour la reconnaissance des brevets des gens de mer délivrés par les Parties à un capitaine, un officier ou un opérateur radioélectricien.

1.3

Ces dispositions internationales ont été transposées en droit communautaire par la directive 2001/25/CE (2) du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001, modifiée en dernier lieu par la directive 2003/103/CE (3) concernant le niveau minimal de formation des gens de mer (la directive). Par conséquent, les États membres doivent appliquer ces normes lorsqu'ils délivrent des brevets d'aptitude aux gens de mer.

1.4

En ce qui concerne la reconnaissance des brevets entre les États membres, la directive 2001/25/CE stipule que la reconnaissance des brevets des gens de mer est soumise aux dispositions des directives 89/48/CEE (4) et 92/51/CEE (5) relatives à un système général de reconnaissance des formations professionnelles, que les bénéficiaires soient ou non des ressortissants des États membres. Le système général établit une procédure de reconnaissance des titres de qualification professionnelle des gens de mer qui nécessite une évaluation de la formation reçue et des qualifications correspondantes. En cas de différences notables par rapport à la formation requise, des mesures d'ajustement particulières peuvent être prévues pour les gens de mer concernés. Il existe actuellement un paradoxe, puisqu'au sein de l'UE, la reconnaissance mutuelle entre États membres est plus difficile que la reconnaissance des certificats provenant de pays tiers.

1.5

La Commission propose la reconnaissance automatique par les États membres de tous les brevets délivrés par un autre État membre en conformité avec la directive. Le principal objectif de la mesure proposée est de faire en sorte que tous les gens de mer qui ont suivi une formation dans un État membre et sont titulaires d'un tel brevet soient autorisés à servir à bord de navires battant le pavillon de n'importe quel État membre sans avoir à remplir d'autres conditions préalables.

1.6

La Commission estime en outre qu'il est utile de transposer en droit communautaire les dispositions de la convention STCW relatives aux connaissances linguistiques des marins. Ces dispositions visent à permettre une bonne communication à bord et à faciliter la libre circulation des professionnels.

1.7

Les propositions de la Commission visent à modifier la directive 2001/25/CE et prévoient également:

l'obligation pour les États membres d'adopter des mesures de prévention et de sanction des pratiques frauduleuses en matière de certification des gens de mer, et

l'examen régulier de l'application par les États membres des dispositions de la directive 2001/25/CE.

2.   Observations générales

2.1

Le CESE reconnaît la nécessité d'établir une procédure facilitant la reconnaissance par tous les États membres des brevets délivrés dans l'Union conformément aux exigences minimales de la directive 2001/25/CE dans sa version modifiée.

2.2

Le CESE reconnaît en outre la nécessité de garantir une conformité entière et permanente avec les exigences en vigueur, afin de respecter les obligations internationales.

2.3

Le CESE constate, dans ses conclusions du 5 juin 2003, que le Conseil insiste sur la nécessité d'encourager la mobilité des marins dans l'Union (6).

2.4

De plus, le CESE constate que l'actuel système général de reconnaissance des formations professionnelles est quelque peu pesant et s'oppose à une reconnaissance mutuelle entre États membres des brevets qui sont délivrés en application des dispositions pertinentes de la convention.

2.5

Le CESE admet que la procédure de reconnaissance des brevets récemment instaurée en dehors de l'Union est plus simple; dès lors, les gens de mer qui ont obtenu leur diplôme dans un État membre pourraient être désavantagés. Les changements proposés, qui sont conformes aux exigences internationales, devraient remédier à ce désavantage potentiel.

2.6

Le CESE admet également que certains États membres réservent les postes de capitaine et de second à leurs ressortissants nationaux, cela ayant été confirmé par la Cour de justice (affaires C-47/02 et C-405/01); cela confirme que les États membres peuvent entraver la libre circulation des gens de mer et réserver ainsi des postes à leurs propres ressortissants. Parmi les États membres, ce sont les Pays-Bas et le Royaume-Uni qui ont instauré les politiques les moins restrictives en matière d'emploi des ressortissants étrangers.

2.7

Le CESE est conscient de la nécessité d'une langue de travail commune que tous les gens de mer puissent comprendre et dans laquelle ils soient capables de communiquer. Cet aspect est particulièrement important dans des situations d'urgence ainsi que pour l'amélioration des conditions sociales à bord.

2.8

Le CESE approuve le fait que la Commission signale la multiplication des brevets obtenus frauduleusement, évoquée par une étude récente de l'Organisation maritime internationale (7) et il invite instamment les États membres à prendre et à renforcer toutes les mesures nécessaires afin de prévenir l'obtention et la délivrance frauduleuse, ainsi que la contrefaçon de brevets des gens de mer.

2.9

Tout en reconnaissant la nécessité d'un système de reconnaissance mutuelle des brevets entre États membres plus efficace et moins pesant, le CESE estime qu'il est de plus en plus nécessaire que les procédures luttent activement contre la délivrance frauduleuse de brevets. Les États membres d'accueil doivent disposer de procédures appropriées, afin que le brevet délivré par un autre État membre puisse être utilisé sur un navire de l'État membre d'accueil.

2.10

Le CESE estime qu'un État membre d'accueil, en plus d'exiger des critères minimaux pour les connaissances linguistiques de tous les détenteurs de brevets, devrait également poser des conditions relatives à la connaissance du droit maritime de cet État membre. D'où la nécessité de délivrer un document de «reconnaissance».

2.11

Le CESE reconnaît l'importance du rôle de l'Agence européenne pour la sécurité maritime en ce qui concerne la conformité et la cohérence dans les États membres, ainsi que la nécessité de réduire au minimum la charge administrative. Cela est indispensable si l'on veut assurer un niveau professionnel élevé des gens de mer dans les États membres.

2.12

Le CESE, tout en acceptant l'importance du rôle de l'Agence européenne pour la sécurité maritime, en reconnaît les limites. Cependant, le CESE attire l'attention de la Commission sur le besoin de ressources financières, humaines et techniques appropriées.

2.13

Le CESE attire l'attention de la Commission sur les éventuelles conséquences négatives que comporterait la possibilité de permettre à un nombre illimité de ressortissants d'un État membre de naviguer sur des navires d'un autre État membre. Tout en reconnaissant que cela est lié à la libre circulation des travailleurs, et que, dans certains cas, cela peut répondre à une nécessité, le CESE indique que l'absence de toute limite imposée au nombre de brevets délivrés peut porter préjudice à la stabilité de l'emploi des gens de mer dans certains États membres. À terme, le maintien et la progression du niveau des qualifications des marins dans l'UE pourraient en être affectés.

2.14

Le CESE invite instamment les États membres à rechercher, en coopération avec leurs partenaires sociaux, un régime d'emploi équilibré en vue de garantir le maintien et la progression du niveau des qualifications des marins de l'UE.

2.15

Le CESE est déçu de constater que la Commission, après avoir précédemment traité de la reconnaissance des qualifications des ressortissants de pays tiers, puis à présent de la reconnaissance mutuelle de celles des gens de mer de l'UE, ne recherche actuellement pas une application universelle de dispositions relatives à la protection sociale de tous les gens de mer employés sur les navires battant pavillon européen.

3.   Observations particulières

3.1   Article premier

Il y a lieu de reconnaître que la présente directive s'applique aux professions maritimes exercées par des ressortissants d'un État membre, et des non-ressortissants qui sont titulaires d'un brevet d'aptitude délivré par un État membre. Il est important que cette disposition ne soit pas étendue aux brevets délivrés par un pays tiers et validés par un État membre.

3.2   Article 3

Bien que le paragraphe 2 prévoie que tout marin titulaire d'un brevet approprié ou de tout autre brevet défini au paragraphe 1 est autorisé à servir à bord des navires battant le pavillon d'un autre État membre, cela ne devrait être possible qu'à condition qu'un document de reconnaissance formel ait été délivré. Un tel document est exigé afin de prévenir l'utilisation frauduleuse de brevets et afin de tester les capacités linguistiques et la connaissance du droit maritime de l'État membre d'accueil.

3.3   Article 4

Le CESE reconnaît qu'il est nécessaire que les gens de mer acquièrent des compétences linguistiques adéquates, telles que définies aux chapitres A-II/1, A-III/1, A-IV/2 et A-II/4 du code STCW. Toutefois, cela semble quelque peu ambigu, car, pour les États membres, il est difficile de garantir que cette disposition a été respectée alors que, d'après le code STCW, la vérification du niveau des compétences linguistiques des marins devrait incomber à l'État membre d'accueil. Une fois que cela aura été vérifié, une reconnaissance adéquate pourra être garantie par l'État membre d'accueil.

3.4   Article 5

Le CESE accueille favorablement les dispositions concernant la prévention de la fraude. L'utilisation de brevets d'aptitude falsifiés peut non seulement mettre en danger la vie en mer, mais également causer des dommages sérieux à l'environnement marin et détériorer la réputation des professions maritimes. La délivrance d'un document de reconnaissance approprié contribuerait à la prévention de l'utilisation frauduleuse des brevets.

3.5   Article 6

Le CESE est favorable au rôle de l'Agence européenne pour la sécurité maritime, consistant à s'assurer que les États membres adoptent et renforcent les mesures adéquates pour prévenir et sanctionner l'utilisation frauduleuse des brevets.

3.6   Article 7

Le CESE reconnaît qu'il est souhaitable que la Commission, secondée par l'Agence, vérifie, à des intervalles ne dépassant pas cinq ans, que les États membres respectent l'application des exigences relatives à la formation et au brevet prévues par la directive 2001/25/CE.

4.   Conclusion

4.1

Sans préjudice des observations formulées plus haut, le CESE reconnaît l'intérêt de la proposition de la Commission.

4.2

Le CESE admet qu'un système moins lourd de reconnaissance des brevets par les États membres est nécessaire. Toutefois, la reconnaissance automatique ne devrait pas passer outre la nécessité de garantir des compétences linguistiques suffisantes, une connaissance du droit maritime de l'État membre d'accueil et la prévention de l'utilisation frauduleuse des brevets. Cela suppose dès lors que des procédures de reconnaissance appropriées soient en vigueur dans l'État membre d'accueil.

4.3

Le CESE, tout en reconnaissant qu'il est souhaitable de pouvoir disposer d'un système efficace et fiable de reconnaissance des brevets d'aptitude délivrés en dehors de l'Union européenne, s'interroge sur l'efficacité de l'action de la Commission pour l'emploi futur des ressortissants de l'UE ainsi que pour le maintien et la progression du niveau des qualifications des marins européens.

4.4

Le CESE reconnaît l'intérêt du rôle que l'on prévoit d'attribuer à la Commission, aidée par l'Agence européenne pour la sécurité maritime, pour la garantie de l'intégrité des procédures et demande à la Commission de prévoir des ressources suffisantes, tant au niveau des États membres qu'au niveau européen.

4.5

Le CESE, tout en reconnaissant l'importance qu'accorde la Commission à la formation des gens de mer dans l'intérêt de la sauvegarde de la vie humaine en mer et de la protection de l'environnement marin, est préoccupé par le fait qu'aucune mesure supplémentaire n'a été prise afin d'empêcher l'exploitation tant de ressortissants de pays tiers que de ressortissants de l'UE sur les navires des États membres.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Directive 2001/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le niveau minimal de formation des gens de mer.

(2)  Voir note 1.

(3)  Directive 2003/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 17.11.2003, modifiant la directive 2001/25/CE concernant le niveau minimal de formation des gens de mer.

(4)  Directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans.

(5)  Directive 92/51/CEE du Conseil, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE.

(6)  Concernant la promotion des transports maritimes et des professions maritimes au sein de l'Union.

(7)  A study of fraudulent practices associated with certificates of competency and endorsements, Seafarers International Research Centre (SIRC) 2001.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/56


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des services d'information fluviale harmonisés sur les voies navigables communautaires»

COM(2004) 392 final — 2004/0123 (COD)

(2005/C 157/08)

Le 8 juin 2004, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions de l'article 71 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 24 novembre 2004. (rapporteur: M. SIMONS).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 144 voix pour et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

La Commission européenne a présenté, le 25 mai 2004, une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des services d'information fluviale (SIF) harmonisés sur les voies navigables communautaires. La Commission européenne entend ainsi encourager le développement futur de la navigation intérieure en intégrant et en harmonisant les services télématiques nationaux existants, mis en place ces dernières années ou à l'heure actuelle dans les différents États membres.

1.2

Cette proposition de directive est faite dans le contexte politique de la promotion d'autres moyens de transports constituant une alternative au transport routier, en vue de trouver une solution aux problèmes de la politique des transports qui n'était pas unifiée ces dernières années, ce qui a été désigné comme étant la source des grands problèmes actuels du système de transport européen.

La navigation intérieure possède les capacités suffisantes, aussi bien du point de vue des infrastructures que de la technique des navires, pour décharger la route d'une part beaucoup plus importante du volume total du transport de marchandises en Europe. La navigation intérieure peut couvrir une grande partie du territoire européen grâce aux grandes voies navigables transfrontalières et aux nombreuses routes fluviales nationales qui existent en Europe. Ce secteur est caractérisé par l'innovation dans divers domaines. Il a déjà réussi à conquérir de nouveaux marchés en développant sa notoriété en tant qu'alternative au transport routier.

1.3

Le Comité économique et social européen a déjà accordé une grande importance à la position de la navigation intérieure dans le marché communautaire, à travers différents avis (d'initiative), des consultations et des conclusions au sein de commissions (1). La lutte contre les goulots d'étranglements dus aux infrastructures, tant nationaux qu'internationaux, mérite une attention particulière, et le Comité économique et social européen renouvelle sa demande aux États membres de l'Union de mettre en œuvre notamment les mesures indispensables à l'entretien des voies fluviales. Le Comité considère qu'un entretien adapté des voies fluviales constitue une condition impérative, sans laquelle la mise en place de services avancés d'information fluviale n'aurait aucun sens. Le non-respect de cette première condition aboutit aujourd'hui déjà à des goulots d'étranglement qui peuvent remettre en cause l'évolution future du positionnement de la navigation intérieure (2).

1.4

Dans le cadre de la stratégie du livre blanc, la Commission s'est engagée à aider davantage ce secteur à s'adapter aux nouveaux besoins du marché. De plus, elle encourage vivement le déploiement de technologies de l'information et des communications (TIC) modernes afin, notamment, d'améliorer la gestion du trafic et des transports sur les voies navigables.

1.5

La Commission européenne estime que la mise en œuvre du concept de SIF permettra d'assurer la compatibilité et l'interopérabilité, au niveau européen, des systèmes de SIF actuels et futurs. Cela devrait inciter les fournisseurs européens d'équipement à produire du matériel et des logiciels de SIF à un prix raisonnable et abordable.

1.6

Le développement et la mise en place des SIF sont encouragés par les commissions fluviales internationales, la Commission centrale pour la navigation du Rhin ainsi que par la Commission du Danube. La Commission centrale pour la navigation du Rhin a, dans cet objectif, déjà adopté pour le Rhin les orientations et les spécifications techniques élaborées par l'Association internationale de navigation (AIPCN).

2.   Les utilisateurs et l'importance des services d'information fluviale (SIF) pour la navigation intérieure

2.1

La proposition de directive indique que le projet de services d'information fluviale constitue le changement le plus important que le secteur ait connu depuis des décennies. Ce concept a pour objet la mise en œuvre de services d'information contribuant à améliorer la planification et la gestion du trafic et des opérations de transport. A cette fin, les services télématiques nationaux qui ont été mis au point de manière autonome doivent être intégrés en un concept interopérationnel commun.

2.2

La mise en place des SIF bénéficiera, selon la proposition, à l'ensemble du secteur européen de la navigation intérieure, d'autant que la redynamisation de ce type de transport au moyen de la mise en œuvre des SIF présente un intérêt particulier en raison de l'élargissement de l'Union européenne vers les pays de l'Europe centrale et orientale.

Par ailleurs, les SIF devraient faciliter la tâche des autorités compétentes, en particulier en matière de gestion du trafic et de contrôle des marchandises dangereuses. La sécurité et l'environnement seront améliorés du fait que les intervenants seront mieux informés, et que les temps de réaction en cas d'urgence seront réduits.

2.3

Les avantages de la mise en place des SIF doivent porter aussi bien sur les services qui concernent le trafic, que ceux qui concernent le transport. Ce qui signifie que les avantages de la directive à l'examen doivent bénéficier tant aux autorités nationales, qu'à la navigation intérieure. En cela, la directive poursuit des objectifs de nature publique aussi bien que privée.

2.4

Les objectifs et points de départ différents, en fonction de la nature privée ou publique des fins auxquelles le système est utilisé, nécessitent une surveillance particulière des informations et des services, afin d'éviter une utilisation inappropriée. La protection de l'espace privé dans la communication électronique doit être clairement garantie dans le cadre de l'utilisation des données à des fins publiques.

3.   Avantages des SIF pour le développement futur de la navigation intérieure

3.1

Les services d'information fluviale à destination de la navigation intérieure sont considérés, selon la proposition de directive, comme destinés à soutenir un transfert potentiel de certains transports vers le mode fluvial, et d'une intégration accrue de la navigation intérieure dans un concept intermodal, qui bénéficierait à l'ensemble de la société. Selon la proposition à l'examen, les SIF sont censés apporter quatre types d'avantages stratégiques:

une compétitivité accrue,

une utilisation optimale des infrastructures,

un renforcement de la sûreté et de la sécurité

un renforcement de la protection de l'environnement.

3.2

Concernant le premier aspect, le CESE tient à souligner que l'amélioration de la compétitivité devait renforcer le positionnement de l'ensemble du secteur vis-à-vis d'autres modes de transport. Les services envisagés ne doivent pas avoir pour effet de dégrader encore la compétitivité de la navigation fluviale des nouveaux et des futurs États membres, déjà affaiblie en raison de la situation économique de ces pays. La mise à disposition de fonds pour mettre en place ces services doit tenir principalement compte de cet aspect (3).

3.3

Selon la proposition, une meilleure planification des trajets permettra de limiter les temps d'attente ainsi que les pertes de rendement, en raison de vitesses plus adaptées. Les SIF devraient en outre, à travers les interfaces d'information communes à tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement, encourager l'intégration du mode de transport qu'est la navigation intérieure dans les chaînes de transport multimodales.

3.4

Les avantages bien connus de la navigation intérieure, tels que la sûreté, la sécurité et la protection de l'environnement doivent être davantage mis en valeur, tout comme le développement de la compétitivité par rapport à d'autres modes de transport (4).

3.5

En termes de protection de l'environnement, la navigation intérieure va pouvoir conserver l'avance qu'elle avait déjà dans la situation actuelle, par rapport à d'autres modes de transport. Selon une étude parue récemment sur les performances environnementales de ce mode de transport (5), il est possible de conclure que la navigation intérieure est en mesure de contribuer à l'amélioration de la performance environnementale de la chaîne du transport. Ce qui peut donc participer à la réalisation des objectifs de Kyoto dans la perspective d'une réduction des gaz d'échappement.

3.6

La décision des ministres de l'environnement de l'UE du 28 juin 2004 de fixer à 0,1 % en 2010 la teneur en soufre du carburant des navires assurant la navigation intérieure correspond également au souci écologique du transport fluvial. Un taux élevé de soufre dans le carburant constitue un risque pour la santé humaine et est susceptible de provoquer une acidification des sols et des eaux. La navigation intérieure contribue à lutter contre ces risques afin de conserver sa réputation de mode de transport favorable à l'environnement. La flotte intérieure européenne utilise déjà à l'heure actuelle principalement des carburants contenant moins de 0,2 % de soufre.

Outre l'installation de moteurs à émissions réduites, l'utilisation de carburants pauvres en matières toxiques permet au bilan de la navigation intérieure en matière d'environnement de rester positif, comparé aux autres modes de transport.

L'avantage déclaré de la mise en place des SIF, qui doit permettre de réduire encore la consommation d'énergie de ce type de transport, peut aider le transport fluvial à réaliser ses objectifs en matière de protection de l'environnement.

4.   La proposition de directive et son champ d'application

4.1

La directive devrait contraindre les États membres à faciliter les conditions de mise en place et d'utilisation des services d'information de la navigation fluviale (SIF) et à créer le cadre réglementaire nécessaire à leur établissement et à leur développement. Elle part de l'intégration directe des technologies existantes (article 1).

4.2

Le fait de limiter le champ d'application aux voies navigables de classe IV et supérieure semble justifié aux yeux du CESE. Il convient de saluer le fait que le renvoi à la classification des voies navigables d'après le barème européen indique un choix dynamique.

4.3

La directive définit les obligations spécifiques des États membres concernant la mise à disposition des données nécessaires à la poursuite d'un trajet, des cartes de navigation électroniques et des informations nécessaires aux opérateurs de la navigation intérieure et aux autorités.

L'obligation faite aux États, relative uniquement aux voies navigables de classe IV et supérieure conformément à la classification des voies navigables européennes, de mettre à disposition des cartes de navigation électroniques à jour, se heurte pour le CESE à des réserves concernant les réseaux de voies navigables allemand, belge, tchèque et polonais (article 4).

4.4

En principe, la directive n'oblige pas les utilisateurs privés, c'est-à-dire les opérateurs de transport fluvial, à installer l'équipement nécessaire pour prendre part aux SIF. Toutefois, les États membres sont invités à prendre les mesures nécessaires pour inciter les utilisateurs et les navires à répondre aux exigences d'équipements prévues dans la directive. Afin de satisfaire à cette exigence, et d'encourager l'utilisation des services par les opérateurs, il convient de prévoir, outre la mise à disposition des données nécessaires par les États membres, également des incitations pour permettre aux navires de disposer à leur bord des équipements nécessaires.

Pour des raisons de transparence et compte tenu du principe de volontariat, il convient d'éviter de rendre obligatoire l'utilisation des services en question. Les méthodes destinées à permettre une exploitation maximale du système, et les incitations à le faire par les opérateurs dans le but de réaliser les objectifs fixés par la directive devraient toutefois constituer l'essentiel des mesures des États membres concernant la mise en œuvre des SIF.

4.5

Les spécifications techniques en matière de planification, de mise en oeuvre et d'exploitation des services sont fixées par les orientations techniques (orientations SIF). Afin de conserver des systèmes unifiés, le Comité estime que ceux-ci doivent être conformes aux orientations et spécifications existantes des organisations internationales compétentes.

4.6

L'utilisation des données dans le cadre des SIF à des fins publiques et privées nécessite une protection spécifique de la sphère privée de l'opérateur de transport fluvial. Le Comité estime que la sécurité des données demande une attention particulière, concernant certaines données sensibles, et que cela exige de les protéger contre la communication aux autorités publiques.

4.7

La Commission crée, conformément à la décision du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (1999/468/CE), un comité destiné à transposer et mettre en œuvre la directive proposée. Afin de garantir une mise en œuvre de la directive dans le sens des objectifs fixés, et de l'intention initiale de promotion du transport fluvial, le Comité estime que ce comité, composé de représentants des États membres de l'Union européenne doit également consulter au cours des travaux des représentants des associations d'entreprises concernées (article 11).

5.   Mise en œuvre de la directive

5.1   Acceptation par les utilisateurs

Le Comité estime que la mise en oeuvre et l'application de la directive doivent se voir accorder une importance particulière. Les services standardisés de navigation intérieure doivent transmettre des informations utiles, susceptibles de contribuer au développement du transport fluvial. Les sondages sur la télématique effectués dans les États membres de l'Union ont montré que la navigation fluviale ne dispose pas encore dans une mesure suffisante des possibilités d'utilisation des SIF.

Si l'on veut encourager l'acceptation de cette directive par les utilisateurs, et sa mise en œuvre par les opérateurs de transport fluvial, le Comité estime indispensable de prévoir des mesures d'accompagnement destinées à soutenir les exigences en matière d'équipements. Le Comité soutient donc la proposition commune des ministres des transports néerlandais et autrichien visant à élaborer une proposition conjointe de mise en œuvre des SIF à destination de la Commission européenne. Il encourage le soutien du projet de mise en œuvre dans les (futurs) États membres à partir de programmes d'aides de l'UE appropriés, en particulier dans la perspective de la mise en place des SIF dans les régions économiquement défavorisées.

L'efficacité des services d'information de la navigation fluviale dépend, selon le Comité, de son utilisation maximale par les opérateurs. Les projets généraux qui seront développés dans ce but doivent prendre en compte cette exigence.

5.2   Coûts

Comme l'indiquent les considérants de la proposition de directive, les fabricants européens de ces équipements doivent être encouragés à produire du matériel et des logiciels SIF à un prix raisonnable et abordable. La Commission européenne estime que la mise en place du projet SIF permettra la compatibilité et l'interopérabilité entre les systèmes SIF actuels et les nouveaux sur le plan européen. Le Comité est d'avis que la même consigne doit être donnée concernant la mise en œuvre d'une incitation et d'une surveillance supplémentaire par la Commission. Des informations et des publications régulières peuvent y contribuer.

Indépendamment du coût élevé du matériel et des logiciels SIF, les opérateurs de transport fluvial ont, jusqu'à présent, estimé que la transmission de données et la connexion internet par GSM étaient limitées du fait des coûts élevés des communications. Il s'agit selon le Comité d'encourager, dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive, les systèmes de communication qui répondront le plus aux exigences de la navigation intérieure, et qui pourront être utilisés selon le meilleur rapport qualité-prix.

6.   Justification des recommandations figurant ci-après

6.1

Le plus grand défi économique de l'Union européenne consiste en la réalisation de son potentiel de croissance. Dans cet objectif, il convient de développer et encourager des projets de croissance durable. Le transport des marchandises joue un rôle essentiel pour le marché communautaire. Cependant, il est confronté, en raison de l'absence d'une politique cohérente du trafic et des transports, à de grandes difficultés, dues en particulier à la congestion du trafic routier, à l'absence de coopération entre les sociétés de chemin de fer et à l'absence de libre accès au marché.

6.2

L'avenir de l'Europe passe notamment par le transport fluvial ou maritime. Les mers et les voies fluviales jouent un rôle essentiel dans notre société. Au sein de l'Union européenne, 50 % de la population vit à proximité d'une côte ou d'une rive de l'un des quinze plus grands fleuves européens. Avec l'élargissement, les transports par voie navigable intérieure sont amenés à jouer un rôle d'autant plus important au sein du marché unique. Nombreux sont les nouveaux États membres qui disposent de voies navigables intérieures qui sont utilisées pour le transport de fret. Dans le cadre de la politique annoncée par la Commission européenne, les transports par voie navigable intérieure en tant que tels et en tant que maillon de la chaîne de transport intermodal peuvent jouer un rôle majeur dans l'intégration des nouveaux États membres et dans la réalisation de leur potentiel de croissance économique.

6.3

Le fonctionnement du transport de marchandises dépend d'une infrastructure en parfait état. Surveiller et entretenir convenablement les infrastructures des voies fluviales existantes, ainsi que supprimer les goulots d'étranglement, constituent des conditions essentielles si l'on veut lancer des projets de transport de marchandises intermodaux et promouvoir le rôle de la navigation intérieure. Le Comité considère qu'un entretien adapté des voies fluviales constitue une condition impérative, sans laquelle la mise en place de services avancés d'information fluviale n'aurait aucun sens. Le non-respect de cette première condition aboutit aujourd'hui déjà à des goulots d'étranglement qui peuvent remettre en cause l'évolution future du positionnement de la navigation intérieure. Par conséquent, le Comité demande aux États membres de prendre des mesures qui s'imposent et de mettre à disposition les moyens nécessaires.

7.   Recommandations générales

7.1

Il convient de saluer, dans le contexte actuel, la mise en place d'un cadre juridique destiné à des services d'information fluviale harmonisés sur les voies intérieures de la Communauté. Des services d'information harmonisés sur les voies de navigation intérieure peuvent, à condition de faire l'objet d'une large acceptation, contribuer à la réalisation de l'objectif diffusé par ce biais même, à savoir opérer un changement modal en faveur de l'utilisation de la navigation fluviale comme mode de transport alternatif disposant d'un potentiel de croissance et d'avantages dans le domaine de la sécurité et de la protection de l'environnement.

Le principal défi économique auquel l'Union européenne se trouve confrontée est de réaliser son potentiel de croissance. Il est donc nécessaire d'encourager une croissance économique durable. Le transport de fret joue un rôle important au sein du marché unique. Cependant, il est confronté à des problèmes considérables dans toute l'Europe, où la congestion du trafic routier constitue la principale menace à l'égard du développement économique au sein de l'Union européenne. La solution est à trouver dans un changement de mode de transport et dans le développement durable, en facilitant l'utilisation de solutions de transport intelligentes.

L'évolution économique en Europe dépend donc d'une politique des transports solide et équilibrée, qui doit être pleinement reconnue par les décideurs européens.

À cette fin, il convient de créer et de garantir un cadre adéquat pour que le développement de la navigation intérieure devienne une priorité politique.

En s'appuyant sur les succès remportés dans le cadre du transfert modal vers le transport maritime à courte distance, il est possible d'obtenir des succès similaires à l'aide de mesures ciblées et à la condition que le secteur de la navigation intérieure bénéficie également d'un soutien politique.

7.2

L'intérêt pour les économies nationales que représentent le désengorgement de la route, l'intégration de la navigation fluviale au cœur de chaînes de transport intermodales et la protection des ressources naturelles, en exploitant pleinement les capacités des navires, plaide en faveur d'une aide européenne à la télématique dans le domaine de la navigation fluviale et de l'harmonisation des services dans ce secteur. Dans le but de mettre en place efficacement les mesures prévues, le CESE souhaite communiquer les recommandations suivantes, jugées indispensables dans le cadre de la mise en œuvre des services d'information de la navigation fluviale:

Reprise d'orientations techniques déjà décidées par d'autres organisations internationales compétentes dans le cadre de la directive SIF.

Obligation faite aux États de mettre à disposition des voies navigables de classe IV et supérieure, conformément à la classification des voies navigables européennes, des cartes électroniques de navigation à jour.

Protection des données à l'égard d'une utilisation impropre.

Consultation de la profession dans le cadre du comité mis en place, le cas échéant du comité à mettre en place par la Commission et chargé de la mise en œuvre de la directive.

8.   Observations particulières

8.1

Des mesures d'accompagnement sont nécessaires en vue de l'application de la directive à bord des navires concernés

La navigation fluviale ne dispose pas encore dans une mesure suffisante des possibilités d'utilisation des SIF, alors que l'efficacité des services d'information de la navigation fluviale dépend précisément de leur utilisation maximale par les opérateurs de ces transports. Dans le cadre des projets généraux qui restent à développer, il convient de prendre en compte cette exigence à l'aide de mesures ciblées. Celles-ci comporteraient notamment:

L'élaboration d'une proposition de mise en œuvre des SIF;

l'incitation et l'aide aux opérateurs à l'occasion de la mise en place des équipements nécessaires à bord des navires afin de pouvoir utiliser de manière efficace le système en vue de réaliser les objectifs de la directive;

la promotion de systèmes de communication d'un bon rapport qualité-prix tenant compte de la plupart des exigences de la navigation intérieure;

le suivi des coûts de fabrication du matériel et des logiciels SIF.

9.

Le CESE recommande l'application de ces mesures afin de permettre une mise en œuvre efficace de la proposition de directive.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  DI CESE 48/2002, Conclusions communes adoptées lors de la 5ème réunion du Comité consultatif mixte UE-Roumanie tenue à Bucarest, les 23 et 24 mai 2002, sur «L'optimisation du Danube en tant que corridor paneuropéen TEN», rapporteuse: Mme BREDIMA-SAVOPOULOU); avis du CESE sur la «Mise en oeuvre du dialogue social structuré dans les corridors paneuropéens», JO C 85 du 8 avril 2002, rapporteuse: Mme ALLEWELDT; avis du CESE sur «L'avenir du réseau transeuropéen» voies navigables, JO C 80 du 3.3.2002, rapporteur: M. LEVAUX ainsi que l'avis du CESE intitulé «Vers un régime paneuropéen de la navigation fluviale», JO C 10 du 14 janvier 2004, rapporteur M. SIMONS.

(2)  Les Pays-Bas ont par exemple stoppé en 2004 les investissements en matière d'entretien des voies fluviales, alors qu'un investissement minimum de 35 millions d'euros serait nécessaire afin de résoudre la stagnation actuelle et éviter que la situation ne stagne de nouveau ; les moyens nécessaires ne seront mis à disposition qu'en 2007.

En Allemagne, les besoins en investissement pour la période 2000-2020 sont estimés à plus de 11 milliards d'euros. Ceci correspond à une somme annuelle de plus de 500 millions d'euros, alors que le nouveau programme fédéral des transports part d'un chiffre annuel moyen de 440 millions d'euros pour l'entretien, sur la période 2001-2015 (Planco Gutachten «Potenziale und Zukunft der deutschen Binnenschifffahrt», November 2003).

(3)  Tous les États du Danube participent déjà à des projets de SIF destinés à harmoniser les services de navigation fluviale (cf. COMPRIS: Consortium, Operational Management Platform 2002-2005, auquel 44 partenaires issus de 11 pays dont la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie participent). Conformément aux attentes, les services d'information fluviale vont considérablement moderniser la navigation sur le Danube (Via Donau: «Strategy and achievements on the implementation (Stratégie et réalisations relatives à la mise en place des RIS dans la région du Danube)», 13 octobre 2004).

(4)  EU Energy and transport in figures, statistical pocketbook 2003, Part 3: Transport, chapter 6: Safety.

(5)  Royal Haskoning: «Binnenvaart voortdurend duurzaam (Environmental Performance of Inland Shipping)», 27 janvier 2004.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/61


Avis du Comité économique et social européen sur la«Proposition de règlement du Conseil instituant une agence communautaire de contrôle des pêches et modifiant le règlement (CE) no 2847/93 instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche»

COM(2004) 289 final — 2004/0108 (CNS)

(2005/C 157/09)

Le 14 mai 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmntionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 novembre 2004 (rapporteur: M. SARRÒ IPARRAGUIRRE).

Lors de sa 413e session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 138 voix pour, 3 voix contre et 7 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le 1er janvier 2003 est entrée en vigueur la réforme de la politique commune de la pêche (PCP), dont l'objectif principal est la conservation et l'exploitation durable des ressources halieutiques. Une série de règles, contraignantes tant pour le secteur de la pêche dans la Communauté que pour les États membres, ont en ce sens été fixées.

1.2

Le chapitre V du règlement 2371/2002 (1) définit le système communautaire de contrôle et d'exécution de la politique de la pêche, délimite clairement les compétences des États membres et de la Commission européenne et fixe les modalités de coopération et de coordination entre les États membres entre eux et entre ceux-ci et la Commission, afin de veiller ainsi à l'application des règles de la PCP.

1.3

La Commission européenne estime que l'application des règles de la PCP par les États membres nécessite une structure organisationnelle de contrôle et d'inspection solide à l'échelle communautaire, des moyens de contrôle et d'inspection suffisants, ainsi qu'une stratégie appropriée pour assurer un déploiement coordonné de ces moyens.

1.4

Avec cette nouvelle proposition de règlement (2), la Commission entend créer une agence communautaire de contrôle des pêches ci-après dénommée «l'agence». En tant qu'organe technique communautaire spécialisé, elle aurait pour tâche de veiller à ce que les États membres appliquent uniformément et efficacement les règles relatives à la politique commune de la pêche, d'organiser la coordination opérationnelle de leurs activités de contrôle et d'inspection et de promouvoir la coopération entre les États.

1.5

La Commission européenne propose par conséquent que l'agence coordonne l'inspection et le contrôle réalisés par les États membres eu égard aux obligations de la Communauté en matière d'inspection et de contrôle; coordonne le déploiement des moyens nationaux d'inspection et de contrôle mis en commun par les États membres; aide ces derniers à communiquer à la Commission et aux tierces parties des informations sur les activités de pêche ainsi que sur les activités d'inspection et de contrôle; et enfin aide les États membres à s'acquitter des tâches et obligations qui leur incombent en vertu des règles de la politique commune de la pêche.

1.6

La Commission propose en outre que l'agence puisse fournir des services contractuels payants aux États membres et qu'elle les assiste en matière de formation d'inspecteurs, d'achats en commun de biens destinés aux activités de contrôle et d'inspection et de coordination de projets-pilotes conjoints de contrôle et d'inspection.

1.7

La proposition de règlement à l'examen prévoit que l'agence soit un organe communautaire doté de la personnalité juridique et de son propre personnel. La Commission propose que l'agence dispose d'un conseil d'administration composé d'un représentant de chaque État membre dont des navires exercent des activités de pêche portant sur les ressources marines vivantes, de quatre représentants de la Commission ainsi que de quatre représentants du secteur de la pêche nommés par la Commission. L'agence sera en outre dirigée par un directeur exécutif.

1.8

La Commission propose que l'agence soit financée par une participation de la Communauté, la rémunération des services fournis par l'agence aux États membres et la rémunération perçue pour les publications, activités de formation et autres services assurés par l'agence.

1.9

Enfin, la Commission prévoit que l'agence commence ses activités en 2006 et qu'elle dispose d'une enveloppe de 4,9 millions d'euros et d'un effectif de 38 personnes la première année, puis d'un budget de 5,2 millions d'euros et d'un effectif de 49 personnes à partir de 2007. L'agence aura son siège en Espagne.

2.   Observations générales

2.1

La communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulée «Vers une application uniforme et efficace de la PCP» (3) prévoyait, après une étude de faisabilité à réaliser en coordination avec les États membres, la création d'une agence communautaire de contrôle des pêches (ACCP). La Commission présente cette proposition de règlement sans avoir effectué au préalable cette étude de faisabilité, ce que le CESE regrette.

2.2

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission consistant à créer l'agence et partage ses objectifs, à savoir assurer une application efficace de la PCP et une uniformité des opérations d'inspection et veiller à la mise en œuvre des règles en la matière dans l'ensemble de l'Union européenne. Le CESE est conscient de la nécessité d'appliquer uniformément et efficacement les règles de la PCP mais considère que le secteur doit pour ce faire les accepter et les comprendre. Le secteur doit par conséquent, dès le début, participer au processus décisionnel, ce qui passe avant tout par une collaboration lors de l'élaboration des avis scientifiques qui orienteront les stratégies et les mesures de conservation des ressources halieutiques. Ainsi, le CESE estime que l'agence devrait elle aussi contribuer à l'amélioration des avis scientifiques en encourageant la participation du secteur à leur élaboration. Il convient d'inclure ce dernier point parmi les missions de l'agence énoncées à l'article 4 de la proposition de règlement.

2.3

Dans la mesure où l'agence sera la première à être consacrée exclusivement aux questions relatives à la pêche, le CESE considère que la proposition de règlement devrait prévoir la possibilité d'étendre par la suite ses compétences.

2.4

Le CESE est par conséquent d'avis que l'agence pourrait apporter aux États membres et à la Commission une assistance technique et scientifique quant à l'application effective des règles de la PCP, notamment pour ce qui concerne les possibilités de contrôle des mesures d'inspection et de contrôle proposées et leur efficacité. L'agence pourrait en outre être chargée de promouvoir la formation d'inspecteurs et de personnel spécialisé dans le contrôle en créant un centre de formation spécifique. Enfin, l'agence pourrait contribuer à l'effort nécessaire d'harmonisation des sanctions prévues dans les différents États membres.

2.5

La proposition de règlement du Conseil dispose que la coordination opérationnelle assurée par l'agence porte sur l'inspection et le contrôle, jusqu'au premier point de vente des produits de la pêche, des activités de pêche exercées sur le territoire des États membres, dans les eaux communautaires ou en dehors des eaux communautaires par les navires de pêche communautaires. Le CESE estime que le champ d'application de la coordination opérationnelle de l'agence doit être plus large. Il devrait comprendre, d'une part, l'inspection et le contrôle non seulement jusqu'au premier point de vente des produits de la pêche mais tout au long de la chaîne alimentaire, c'est-à-dire de la pêche jusqu'à la vente au consommateur final et d'autre part, les attributions de l'agence devraient inclure la coordination du contrôle des produits de la pêche provenant de navires de pêche battant pavillon de pays tiers, notamment ceux qui se livrent à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.

2.6

Le CESE juge opportun que l'agence soit en mesure d'assister à la fois la Communauté et les États membres dans leurs relations avec les pays tiers et avec les organisations régionales de pêche, mais également ces derniers directement, dans la mesure où cela contribuera à conserver et à exploiter de manière durable les ressources halieutiques des eaux des pays tiers et des eaux internationales. À cet égard, il importe de l'avis du CESE que le budget alloue à l'agence des moyens financiers suffisants pour assurer cette mission, favorisant ainsi un développement durable de la pêche.

2.7

Le CESE approuve l'idée énoncée à l'article 6 de la proposition de règlement visant à instituer un centre communautaire de surveillance des pêches aux fins de l'organisation de la coordination opérationnelle des activités communes d'inspection et de contrôle. Le CESE estime néanmoins que la proposition de règlement à l'examen devrait se montrer plus explicite quant aux attributions de ce centre afin d'éviter les doublons avec les compétences des États membres. Aux yeux du Comité, il importe qu'une fois installée, l'agence applique les dispositions en matière de confidentialité prévues à l'article 33 de la proposition de règlement du Conseil.

2.8

La forme des plans de déploiement commun telle que précisée au chapitre III de la proposition de la Commission est, de l'avis du CESE, essentielle à une application effective, uniforme et équilibrée de la politique de contrôle par les différents États membres. Le CESE estime que le contenu de ces plans de déploiement commun, leur procédure d'adoption, leur mise en œuvre et leur évaluation sont adéquats, et considère que les États membres devraient collaborer étroitement avec l'agence afin de les mener à bien.

2.9

Le Comité juge indispensable l'évaluation annuelle de l'efficacité de chacun des plans de déploiement commun prévue dans la proposition de règlement, et cela afin de vérifier si les différentes flottes respectent bien les règles de conservation et de contrôle en vigueur.

2.10

Le CESE approuve la proposition consistant à instituer un réseau d'information entre la Commission, l'agence et les autorités compétentes des États membres mais considère que l'agence et la Commission devraient faire le nécessaire afin d'assurer la confidentialité des données recueillies et échangées, comme cela est exigé des États membres à l'article 17, paragraphe 2 de la proposition de règlement.

2.11

S'agissant de la structure interne et du fonctionnement de l'agence, la proposition à l'examen dispose que celle-ci sera un organe communautaire doté de la personnalité juridique. Le CESE approuve sans réserve cette précision dans la mesure où l'agence doit être un organe au service de l'ensemble de la Communauté agissant en totale transparence, sans se laisser influencer par les intérêts particuliers de la Commission ou des États membres. Le CESE s'inquiète à cet égard du manque de clarté en matière de recrutement par l'agence de ses fonctionnaires, qu'ils soient affectés ou détachés par la Commission ou les États membres à titre temporaire.

2.12

Le CESE se félicite de l'application au personnel de l'agence du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, du régime applicable aux autres agents des Communautés et des réglementations adoptées d'un commun accord par les institutions des Communautés européennes, et de la définition claire à la fois des responsabilités contractuelles incombant à l'agence et des responsabilités non contractuelles de celle-ci et de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions. En outre, il apparaît logique au Comité que la Cour de justice des Communautés européennes soit compétente pour connaître de tout litige pouvant survenir à la suite de contrats conclus par l'agence et de ceux relatifs à l'indemnisation de dommages.

2.13

La pierre angulaire de la structure de l'agence, telle que la Commission nous la présente à l'article 25 de sa proposition, est le conseil d'administration, à l'instar de toute entreprise publique ou privée. Le CESE s'inquiète de la dépendance excessive de ce conseil d'administration vis-à-vis de la Commission, laquelle dispose de dix voix par rapport à la voix unique dont dispose chaque État membre dont des navires exercent des activités de pêche portant sur les ressources marines vivantes. Les États membres disposeront à eux tous de vingt voix au maximum, si bien que la Commission pourra aisément imposer ses décisions. Le CESE estime que chaque représentant de la Commission européenne devrait, comme les autres représentants, disposer d'une seule voix.

2.14

La Commission propose en outre de nommer au sein du conseil d'administration quatre représentants du secteur de la pêche ne participant pas aux votes. Le CESE considère que le nombre de représentants du secteur proposé par la Commission est très faible et qu'il conviendrait de le porter au moins à huit, en indiquant expressément qu'ils seront nommés par les organisations européennes d'employeurs et de travailleurs et qu'ils auront un droit de vote. De l'avis du Comité, la proposition de règlement devrait fixer les critères minimums que devraient remplir les représentants du secteur pour siéger au conseil d'administration. En outre, elle devrait indiquer que les représentants du secteur ont également le droit de désigner des suppléants au conseil d'administration.

2.15

La Commission propose que les réunions du conseil d'administration soient convoquées par son président et que celui-ci se réunisse une fois par an en session ordinaire ou à l'initiative de son président, ou à la demande de la Commission ou d'un tiers des États membres représentés. Le CESE considère que la proposition de règlement devrait stipuler un tiers des membres du conseil d'administration de l'agence, dans la mesure où les représentants du secteur peuvent eux aussi souhaiter la tenue d'une réunion du conseil d'administration.

2.16

La proposition de règlement prévoit à l'article 27, paragraphe 4 que le conseil d'administration puisse, lorsque le sujet est confidentiel ou qu'il existe un conflit d'intérêt, délibérer sans la présence des représentants du secteur de la pêche. Le CESE propose de supprimer ce paragraphe étant donné qu'il reviendrait en pratique à restreindre considérablement la participation des représentants du secteur de la pêche aux réunions du conseil d'administration.

2.17

Parmi les attributions que la proposition de règlement confère au conseil d'administration figure l'adoption d'un rapport général de l'agence relatif à l'année précédente et du programme de travail de celle-ci pour l'année à venir, qu'il est tenu de transmettre au Parlement européen, au Conseil, à la Commission, à la Cour des comptes et aux États membres. Aux fins d'une plus grande transparence et d'une participation accrue du secteur de la pêche, le CESE considère que le règlement devrait également faire obligation à l'agence de transmettre ces documents au Comité consultatif de la pêche et de l'aquaculture de l'Union européenne.

2.18

L'article 29 de la proposition de règlement exige des représentants du secteur siégeant au conseil d'administration qu'ils fassent une déclaration d'intérêt indiquant, soit l'absence de tout intérêt susceptible d'être préjudiciable à leur indépendance, soit tout intérêt direct ou indirect qui pourrait être considéré comme préjudiciable à leur indépendance. Le CESE estime que cette déclaration d'intérêt est inappropriée et inutile, tout représentant du secteur de la pêche exerçant une activité et éligible ayant un intérêt direct dans la pêche susceptible d'être préjudiciable à son indépendance. La déclaration d'intérêt devrait, le cas échéant, être étendue aux autres membres du conseil d'administration.

2.19

Le CESE est également préoccupé par le pouvoir de décision excessif dont jouira la Commission dans la sélection, la nomination, le cadre de travail et la révocation du directeur exécutif. En ce sens, il devrait être précisé à l'article 31 de la proposition de règlement que la révocation du directeur exécutif, sur proposition de la Commission, devrait être décidée, comme sa nomination, à la majorité des deux tiers des membres du conseil d'administration. Il conviendrait, de l'avis du Comité, de communiquer au préalable la liste des candidats possibles au poste de directeur exécutif au CCPA afin que celui-ci puisse émettre un avis non contraignant sur les candidats.

2.20

Le budget de l'agence, au moins au cours des premières années suivant sa création et le début de ses activités, doit être alimenté essentiellement par la contribution de la Communauté prévue dans le budget général de l'Union européenne, dans la mesure où les deux autres sources de revenus, à savoir la rémunération des services fournis par l'agence aux États membres et la rémunération perçue pour les publications ou les activités de formation, ne seront disponibles qu'après un certain temps. Le Comité considère qu'au cours des trois premières années d'existence de l'agence, il convient d'assurer une certaine souplesse budgétaire, étant donné que la proposition de la Commission semble être trop restrictive à cet égard.

2.21

Le CESE entend exprimer son soutien au système d'exécution et de contrôle du budget prévu dans la proposition de règlement, notamment au contrôle provisoire des comptes annuels de l'agence par la Cour des comptes ainsi qu'à l'application sans restriction à l'agence des dispositions du règlement (CE) no 1073/1999 (4) afin de lutter contre la fraude, la corruption et autres activités illégales. L'adhésion de l'agence à l'accord interinstitutionnel du 25 mai 1999 relatif aux enquêtes internes effectuées par l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) revêt une importance majeure.

2.22

La proposition de règlement à l'examen modifie le règlement (CEE) no2847/93 (5) instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche, notamment son article 34 quater qui prévoyait que la durée des programmes d'inspection et de contrôle des pêcheries que la Commission viendrait à fixer ne pourrait pas excéder deux ans et qu'il appartient aux États membres d'adopter les mesures appropriées tant en ce qui concerne les moyens humains que matériels. La modification prévue dans la proposition de règlement porte le délai à trois ans ou à toute période fixée à cet effet dans un plan de reconstitution correspondant et dispose que les États membres mettront en œuvre les programmes d'inspection et de contrôle sur la base de plans de déploiement commun. Le CESE approuve cette modification.

2.23

Afin de respecter les délais prévus et conformément à l'article 40 relatif au début des activités de l'agence, le CESE considère que la présente proposition de règlement devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2005 de manière à ce que l'agence puisse commencer ses activités à partir du 1er janvier 2006.

3.   Conclusion

3.1

Le CESE félicite la Commission pour sa proposition visant à créer l'ACCP. Il l'invite à allouer à l'agence un budget suffisant pour atteindre ses objectifs, à prévoir la possibilité d'élargir ses compétences et à respecter les délais fixés dans la proposition de règlement.

3.2

De même, le CESE demande à la Commission européenne de prendre en considération les recommandations formulées dans le présent avis, et en particulier les suivantes:

3.2.1

Le règlement devrait prévoir la possibilité pour l'agence d'élargir son domaine de compétences.

L'agence devrait également se pencher sur la question de l'amélioration des avis scientifiques, en encourageant la participation du secteur à leur élaboration.

L'agence pourrait conseiller les États membres et la Commission au plan technique et scientifique sur l'application effective des normes de la PCP, en particulier sur l'efficacité et les possibilités en matière de contrôle de l'application des mesures d'inspection et de contrôle proposées.

L'agence pourrait contribuer à l'effort nécessaire en matière d'harmonisation des sanctions dans les différents États membres.

3.3

Le champ d'application de la coordination opérationnelle de l'agence devrait être plus étendu. Il conviendrait, d'une part, qu'il couvre l'inspection et le contrôle, et ce non seulement jusqu'au premier point de vente des produits de la pêche mais également tout au long de la chaîne alimentaire, c'est-à-dire depuis que le produit est pêché jusqu'à ce qu'il arrive au consommateur final et, d'autre part, il faudrait inclure parmi ses fonctions la coordination du contrôle des produits de la mer provenant de bateaux de pêche battant pavillon de pays tiers, en particulier de ceux qui pratiquent une pêche illégale, non déclarée et non réglementée.

3.4

L'agence doit être un organe au service de toute la Communauté, qui agit en toute transparence et indépendance, sans se laisser influencer par les intérêts particuliers de la Commission ni des États membres.

3.5

Le conseil d'administration devrait assurer une représentation équilibrée entre les États membres, la Commission européenne et les représentants du secteur.

3.6

Le nombre de représentants du secteur au sein du conseil d'administration proposé par la Commission est très restreint et il faudrait par conséquent le porter à 8 au moins, en indiquant expressément qu'ils seront nommés par les organisations européennes d'employeurs et de travailleurs et qu'ils auront un droit de vote.

3.7

L'agence devrait respecter scrupuleusement les règles de confidentialité prévues à l'articles 33 de la proposition de règlement.

3.8

Le paragraphe 4 de l'article 27 de la proposition de règlement devrait être supprimé.

3.9

La déclaration d'intérêt exigée des représentants du secteur prévue à l'article 29 est incongrue et inutile. Le cas échéant, il y aurait lieu de l'exiger de tous les membres du conseil d'administration.

3.10

Enfin, le règlement devrait être plus explicite quant aux fonctions du Centre communautaire de surveillance des pêches.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Règlement (CE) no 2371/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l'exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO no L 358 du 31.12.2002).

(2)  COM(2004) 289 final du 28.04.2004.

(3)  COM(2003) 130 final du 21.03.2003.

(4)  J.O. no L 136 du 31.5.1999.

(5)  J.O. no L 261 du 20.10.1993.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/65


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen sur le “Plan d'action européen 2004-2010 en faveur de l'environnement et de la santé”»

COM(2004) 416 final

(2005/C 157/10)

Le 10 juin 2004, la Commission a décidé, conformément aux dispositions de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux en la matière, a adopté son avis le 16 novembre 2004 (rapporteur: M. RAGHIN).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 146 voix pour et 2 abstentions.

1.   Contenu essentiel de l'avis

1.1

Le Comité, considérant que les questions liées à l'environnement et à la santé sont des objectifs stratégiques prioritaires mais jugeant le plan proposé insuffisant en l'absence d'un ensemble structuré et complet d'actions concrètes assorti des délais de réalisations correspondants, invite le Conseil et le Parlement européen à appuyer les efforts de la Commission visant à définir un plan d'action plus concret afin que ces thèmes soient abordés de manière intégrée, avec des objectifs mieux définis et des indications précises pour l'élaboration de politiques communautaires et nationales appropriées.

1.2

Dans cette optique, le Comité suggère que les différentes autorités concernées donnent un nouvel élan à leur engagement et associent constamment des experts et les acteurs concernés à leurs travaux, notamment afin de réaliser les objectifs suivants:

identifier les moyens permettant dès à présent d'orienter vers les objectifs définis les programmes de recherche spécifiques correspondants, ainsi que les actions prévues par le programme d'action dans le domaine de la santé publique et par le programme communautaire en matière d'environnement;

considérer dès à présent la question de l'environnement et de la santé comme prioritaire dans le débat qui vient de s'engager sur le septième programme-cadre, de même que dans les discussions à venir sur le nouveau programme d'action en faveur de la santé publique;

fixer les crédits à affecter, dans le cadre de ces programmes, aux trois grands objectifs définis comme prioritaires (sur lesquels le Comité marque pleinement son accord) et aux treize actions énumérées;

développer des méthodes scientifiques pour l'évaluation des risques ainsi que pour l'harmonisation et la validation des modes opératoires, de façon à établir scientifiquement les résultats et les objectifs à atteindre;

mettre en œuvre et encourager la coopération et l'étalonnage des performances afin d'accélérer la collecte des informations requises pour que les actions soient efficaces et d'identifier les mesures menées avec succès aux niveaux national, régional ou local, qui pourraient être appliquées ailleurs;

définir de manière plus précise les compétences et les tâches des autorités concernées ainsi que des modalités efficaces de coopération et de coordination des actions et des ressources prévues pour leur mise en oeuvre.

1.3

Le Comité recommande que des efforts supplémentaires soient accomplis afin de définir des actions concrètes qui permettent de dépasser une approche principalement cognitive et d'élaborer un véritable plan d'action assorti d'objectifs précis et, si possible, quantitatifs. Il invite par ailleurs la Commission à prendre les mesures nécessaires pour accélérer la mise en œuvre du plan et la définition des objectifs et des actions spécifiques de la deuxième phase du plan en question.

1.4

Le Comité en appelle enfin à la responsabilité politique des institutions européennes et des États membres afin que les objectifs fondamentaux définis dans la communication à l'examen soient dûment pris en compte dans les discussions en cours sur le financement de l'Union européenne et de ses activités pour la période 2007-2013. Il invite par ailleurs la Commission à préparer en temps utile la documentation requise en vue d'une attribution plus ciblée des crédits aux actions prioritaires mises en exergue et largement partagées.

2.   Résumé de la communication de la Commission

2.1

La Commission a lancé en juin 2003 une stratégie européenne en matière d'environnement et de santé (appelée «initiative SCALE» (1)), dans laquelle elle propose l'élaboration d'un système communautaire intégrant les informations sur l'état de l'environnement, l'écosystème et la santé humaine. Il sera ainsi possible d'évaluer plus efficacement les incidences globales de l'environnement sur la santé, en tenant compte des effets cocktails, des effets de l'exposition mixte, des effets cumulatifs. La stratégie proposée a pour ultime objectif de définir un «canevas cause-effet» destiné à donner les informations nécessaires à l'élaboration d'une politique axée sur les sources et les modes d'influence des facteurs de stress sur la santé.

2.2

La stratégie européenne en matière d'environnement et de santé s'intéresse tout spécialement aux enfants, qui sont plus exposés et plus vulnérables que les adultes. Les engagements relatifs au droit des enfants à grandir et à vivre dans un environnement sain doivent aujourd'hui être concrétisés.

2.3

L'initiative SCALE a vu la participation de plus de 150 experts, répartis en 9 groupes de travail techniques, et d'un nombre équivalent de représentants de tous les États membres de l'Union européenne, y compris de membres des agences nationales, des organismes de recherche, des universités, des services sanitaires et environnementaux, ainsi que de représentants des secteurs de production et des associations, qui ont contribué à l'élaboration de recommandations au sein de groupes consultatifs et de coordination, de conférences régionales, de forums et de réunions informelles entre les États membres.

2.4

Le plan d'action pour la période 2004-2010 présenté dans la communication à l'examen (2) vise à donner à l'Union européenne les informations scientifiques nécessaires pour aider les 25 États membres à réduire les effets néfastes de certains facteurs environnementaux sur la santé et à renforcer la coopération entre les différents intervenants dans les domaines de l'environnement, de la santé et de la recherche.

2.5

Les propositions du plan d'action s'articulent autour de trois grands thèmes:

améliorer la chaîne d'information afin de comprendre les liens existant entre les sources de pollution et les effets sanitaires (actions 1 à 4);

compléter les connaissances en renforçant la recherche et en s'intéressant aux questions émergentes concernant l'environnement et la santé (actions 5 à 8);

réexaminer les politiques et améliorer la communication (actions 9 à 13).

2.6

Le plan d'action s'attachera en particulier à mieux comprendre les liens existant entre les facteurs environnementaux et les maladies respiratoires, les troubles du développement neurologique, les cancers et les perturbations du système endocrinien, pathologies dont l'incidence s'accroît chez les enfants. Il définira des actions de recherche ciblées afin d'améliorer et d'affiner les connaissances sur les différents rapports de cause à effet. La surveillance sanitaire sera également renforcée afin de mieux comprendre l'occurrence des maladies dans l'Union européenne.

2.7

Un autre point-clé en matière d'information réside dans la surveillance de l'exposition aux facteurs de risque présents dans l'environnement, y compris certains facteurs tels que l'alimentation, l'environnement domestique ainsi que certains comportements pouvant être associés à des facteurs de risque pour la santé, notamment des styles de vie particuliers.

2.8

Pour la mise en oeuvre du plan, la Commission encouragera la coopération avec l'Agence européenne de l'environnement, l'Autorité alimentaire européenne et les principaux acteurs concernés (États membres, autorités nationales, régionales et locales, organismes responsables de la santé, de l'environnement et de la recherche, industrie, agriculture et parties intéressées) et avec des organisations internationales comme l'OMS, l'OCDE et les agences compétentes des Nations unies.

2.9

La Commission procédera en 2007 à une évaluation à mi-parcours de la mise en œuvre du plan d'action. Elle mettra en œuvre les actions dans le cadre des initiatives et programmes existants, auxquels des ressources sont déjà allouées (notamment le programme communautaire de santé publique, le sixième programme cadre pour la recherche) et sur la base des budgets opérationnels des services concernés.

3.   Problèmes identifiés dans le cadre du Plan d'action

3.1

Tout comme la Commission et les États membres, le Comité accorde une attention grandissante aux questions liées à l'environnement et à la santé, et considère qu'il est nécessaire d'élaborer une stratégie claire et un plan d'action efficace pour que ces thèmes soient abordés selon une approche intégrée et contribuent ainsi au développement de politiques communautaires et nationales appropriées, permettant tout à la fois de contribuer au bien-être et à la qualité de vie de la population grâce à la mise en oeuvre d'un développement durable.

3.1.1

Les travaux préparatoires ont été très complexes et effectués par plusieurs groupes de travail dont les réunions se sont succédé à un rythme soutenu au cours de l'année écoulée. Le Comité se félicite de cet engagement et reconnaît la valeur du travail accompli par les intervenants, en particulier les experts associés aux différentes phases techniques. Il constate toutefois que, faute de temps, il n'a pas été possible d'analyser en profondeur ces questions complexes et encore peu connues, de sorte que d'une manière générale, la communication n'est pas en mesure de présenter un ensemble complet et cohérent d'actions concrètes ni de définir des délais précis pour leur mise en oeuvre.

3.1.2

L'étendue différente des compétences de la Commission et des États membres en matière d'environnement et de santé a sans aucun doute compliqué l'identification de leurs responsabilités respectives et, partant, des actions à proposer dans le respect du principe de subsidiarité. Le Comité considère que la Commission et les États membres doivent fournir un effort accru de coordination afin d'accélérer l'acquisition de connaissances de base et l'échange d'informations et de données ainsi que pour définir de manière appropriée les crédits à allouer aux actions prévues.

3.1.3

Le Comité considère par conséquent que le plan d'action n'est pas l'aboutissement mais le point de départ d'un processus. C'est dans cette perspective que s'inscrivent les observations formulées ci-après.

3.2

Le Comité attire plus particulièrement l'attention sur la nécessité de disposer d'une dotation financière adéquate, dans la mesure où un budget spécifique n'est pas prévu pour la réalisation des actions définies dans le plan d'action à l'examen, lequel s'appuie sur la possibilité d'inscrire chacune des actions dans le cadre d'initiatives déjà en cours et de programmes déjà financés par l'Union européenne, tels que le programme communautaire de santé publique, le sixième programme cadre pour l'environnement (qui n'est d'ailleurs mentionné que dans le vol. II), le sixième programme cadre de recherche.

3.2.1

Une telle approche peut s'avérer utile pour éviter les dispersions de fonds et d'inutiles duplications de projets visant les mêmes résultats, mais elle soumet les priorités stratégiques à des mécanismes et à l'articulation de programmes poursuivant des finalités différentes et des objectifs qui ne coïncident pas nécessairement avec ceux exposés dans la communication.

3.2.2

Le Comité considère que la promotion de la santé, en particulier des catégories les plus fragiles (c'est-à-dire en priorité les enfants, auxquels l'initiative SCALE est destinée, car ils font partie des couches les plus vulnérables de la population, mais aussi à l'avenir les personnes âgées et les travailleurs exposés à des facteurs de risque), constitue un objectif stratégique prioritaire. Aussi juge-t-il opportun de définir le plus rapidement possible les ressources financières à allouer aux thèmes et objectifs-clés identifiés et de prendre cet impératif dûment en compte dans les discussions en cours sur le budget de l'Union pour la période de 2007 à 2013 et sa répartition.

3.3

L'interaction avec d'autres instances et organismes autonomes sur le plan juridique et financier représente une autre question très délicate. Nombre des actions prévues se réaliseront dans le cadre d'une participation à des projets issus de la coopération internationale, ce qui confèrera une portée plus large aux initiatives prévues, mais avec le risque que cela nuise à la concentration des actions et à la rapidité d'obtention des résultats visés. Les mécanismes de coordination et de coopération prévus ne garantissent pas en effet une orientation unitaire et univoque dans la mise en oeuvre de l'action et il ne sera pas non plus facile d'identifier les responsabilités dans le déroulement des différentes phases constitutives des actions prévues.

3.3.1

La multiplicité des acteurs impliqués et la diversité de leurs compétences et de leurs ressources professionnelles (il suffit de mentionner d'une part des organismes tels que l'OMS et l'Agence pour l'environnement, et d'autre part les autorités régionales et a fortiori locales) tendent à accroître la complexité de l'action, avec le risque d'accumuler des retards dans la définition des objectifs et des moyens requis pour les réaliser.

3.3.2

Le Comité souhaite que l'on identifie clairement les rôles et les responsabilités des parties intéressées (en particulier de la Commission d'une part et des États membres et des collectivités locales et régionales d'autre part) et que l'on établisse une répartition précise des compétences, en fonction du type d'action et des compétences respectives prévues par les traités. En effet, la communication à l'examen ne clarifie pas ces points cruciaux, ce qui confirme les craintes exprimées par le Comité dans son précédent avis sur la stratégie européenne en matière d'environnement et de santé (3).

3.4

Les actions spécifiques décrites au volume II ne définissent pas les objectifs précis à atteindre, mais donnent plutôt une indication des besoins et — dans la meilleure des hypothèses — des instruments auxquels la Commission peut, avec d'autres parties concernées, recourir pour remédier à un besoin ou à un manque de connaissances. Ainsi se trouve malheureusement confirmée la crainte, déjà exprimée par le Comité (4), que l'absence d'objectifs concrets, ou tout au moins de ce qu'il est convenu d'appeler les «objectifs du millénaire» (Millennium Goals), ne constitue une grave lacune, susceptible de remettre en question la validité même du plan d'action.

3.5

Les actions prévues ont pour caractéristique commune de comporter des indications assez détaillées en ce qui concerne les deux ou trois premières années, tandis qu'elles restent vagues pour ne pas dire indéterminées en ce qui concerne les quatre années suivantes. Une telle approche est déconcertante, dans la mesure où le plan d'action devrait représenter la concrétisation d'une stratégie qui par définition vise à l'obtention de résultats sensibles sur le long terme. Cette lacune ne saurait non plus se justifier par la méconnaissance jusqu'à aujourd'hui des ressources qui seront disponibles pour les quatre dernières années du plan d'action. Une définition claire des résultats recherchés est la condition requise pour que des ressources adaptées à l'importance de la stratégie soient mises à disposition par les décideurs politiques.

3.6

L'évaluation intermédiaire prévue pour 2007 ne peut être considérée comme adéquate: le CESE préconise la réalisation de deux évaluations intermédiaires, l'une en 2006 et l'autre en 2008.

3.6.1

La première échéance permettrait de prendre en compte les résultats d'une série de programmes et/ou d'actions en cours d'achèvement (qui ne sont pas mentionnés dans la communication) et d'évaluer en temps utile les réalisations des deux premières années. Ceci constituerait un point de référence stable avant le lancement d'actions financées par les nouveaux crédits budgétaires en 2007.

3.6.2

La seconde échéance permettrait de préparer, sur la base d'une évaluation spécifique et en temps voulu, les phases et cycles suivants du plan d'action, en l'élargissant à d'autres objectifs sensibles (par exemple les personnes âgées) sur la base d'une évaluation plus approfondie des réalisations effectuées et des obstacles rencontrés.

4.   Observations particulières

4.1

Le premier groupe d'actions vise à améliorer la chaîne d'information grâce à des informations intégrées sur l'environnement et la santé permettant de mieux comprendre les liens de causalité existant entre les sources de pollution et les effets sanitaires. Le CESE déplore que ce besoin d'information soit toujours aussi aigu malgré l'adoption du programme d'action communautaire 1999-2003 relatif aux maladies liées à la pollution (5) et du programme d'action communautaire en matière de surveillance de la santé dans le cadre de l'action dans le domaine de la santé publique (6). Aussi regrette-t-il que la communication à l'examen ne soit pas accompagnée de rapports sur les réalisations de ces programmes et sur les lacunes auxquelles il faudrait remédier dans la première phase de mise en œuvre du plan d'action.

4.1.1

Dans les deux premières actions proposées («Préparer des indicateurs de santé et d'environnement» et Développer la surveillance intégrée de l'environnement, y compris des denrées «alimentaires, afin de déterminer les différents types d'exposition»), l'aspect cognitif prévaut, de sorte que la conception des actions à développer dans la deuxième phase du plan laisse à désirer. Même si les connaissances font défaut, les objectifs de comparabilité et d'accessibilité des données sur la santé auraient dû être explicités, afin de permettre l'interopérativité et l'intégration des bases de données existantes, et il aurait fallu prévoir, le cas échéant, la mise à disposition de ressources, notamment financières, pour les études méthodologiques requises et la mise en réseau des bases de données existantes ainsi que, à long terme, pour la constitution d'une future banque de données européenne.

4.1.1.1

Afin d'intégrer la surveillance de l'environnement et celle de la santé humaine, le Comité recommande que l'on définisse tout d'abord des activités de recherche clinique et épidémiologique ainsi que de recherche expérimentale visant à améliorer et à affiner notre connaissance des rapports de cause à effet entre des facteurs environnementaux spécifiques et certaines pathologies.

4.1.2

L'action relative à la «biosurveillance» (qui consiste à détecter, grâce à des marqueurs biologiques, des expositions environnementales, des maladies, des troubles ou une prédisposition génétique), ressemble plutôt à une liste de difficultés, par ailleurs réelles, qu'à une incitation à agir. Le CESE invite à préciser au plus vite le mandat et les objectifs du groupe de travail multidisciplinaire chargé de la coordination, afin d'en faire un instrument opérationnel efficace, et surtout, crédible, au niveau tant communautaire que national.

4.1.2.1

Le Comité suggère que l'on définisse des domaines d'action prioritaires et des modalités de coordination optimales entre centres opérationnels spécialisés, sur la base des travaux effectués par les différents groupes de travail techniques créés jusqu'ici, afin d'obtenir des résultats optimaux en ce qui concerne l'action relative à la biosurveillance. Le Comité préconise en outre le développement d'études de cohorte (en particulier mère-enfant) afin d'évaluer de manière adéquate des marqueurs biologiques d'exposition.

4.1.3

Par analogie, l'action 4 («Améliorer la coordination et les activités conjointes)» propose la création d'un groupe consultatif et promet un soutien général aux «échanges […] entre les autorités responsables». Le CESE estime que de tels engagements sont tout à fait inadéquats et juge que la constitution d'un groupe consultatif n'est pas en soi suffisante pour assurer la réalisation d'échanges réguliers de communications et de meilleures pratiques. Il souhaite en conséquence que les États membres, dans lesquels les compétences en matière de protection de la santé et de l'environnement sont réparties entre plusieurs ministères, prennent sans attendre les dispositions nécessaires pour créer un organisme ou une autorité responsable, disposant des pouvoirs et des instruments appropriés pour coordonner les efforts dans la direction prévue. Il invite en outre la Commission à se doter à son tour de structures de coordination mieux adaptées et à proposer des instruments plus efficaces pour favoriser ce processus.

4.2

Le deuxième groupe d'actions vise à compléter les connaissances en renforçant la recherche, et la lecture des actions concrètes envisagées confirme la volonté de consolider les connaissances de base plutôt que de mener des projets de recherche concrets. L'action 5 consiste en fait à analyser les résultats des recherches déjà réalisées dans ce domaine par le CCR ou dans le cadre des programmes de recherche existants, ainsi qu'à organiser des conférences sur ce thème; l'action 6 ne consiste pas tant à «centrer la recherche sur les maladies, les troubles et les expositions» qu'à étudier les causes et les mécanismes des pathologies spécifiques et à créer un réseau européen de recherche, sans fournir d'indications de recherche précises; enfin, l'action 7 vise à créer un système méthodologique pour l'évaluation des risques, compte tenu des interactions complexes et des coûts externes, ainsi qu'un système méthodologique pour harmoniser et valider ces méthodes.

4.2.1

Le Comité recommande que l'on remédie au plus vite au manque de données épidémiologiques à grande échelle, en particulier en ce qui concerne les troubles neurocomportementaux en Europe, pour lesquels les connaissances scientifiques sont plus lacunaires, notamment en ce qui concerne les enfants; cela étant, l'on dispose d'éléments suffisants pour attribuer un rôle étiologique à certains facteurs environnementaux, même s'ils ne sont pas les seuls en cause.

4.2.2

Le Comité préconise que la recherche interdisciplinaire sur l'environnement et la santé figure parmi les domaines de recherche prioritaires du septième programme-cadre de recherche et que l'on destine dès à présent, lors de la réalisation des programmes spécifiques déjà financés, des ressources appropriées à l'approfondissement des connaissances et à la définition des instruments et des méthodes d'intervention efficaces en matière d'environnement et de santé.

4.2.3

L'action 8 («Détecter et traiter les risques éventuels sur l'environnement et la santé») comporte des objectifs plus précis, visant à améliorer les prévisions et la préparation du secteur de la santé aux événements climatiques extrêmes et à d'autres menaces environnementales à l'échelle planétaire. Le Comité approuve ces objectifs même s'ils ne sont pas strictement liés à l'objectif général de protection de la santé des enfants qui caractérise l'initiative SCALE. Le CESE souhaite que ce type de mesure débouche à moyen terme sur la définition d'un programme adapté disposant d'une autonomie financière et ne reste pas insérée (comme proposé actuellement) dans un contexte peu approprié, dans lequel elle n'est pas dotée de ressources spécifiques.

4.3

Les actions suivantes (9 et 10), visant à améliorer la communication en renforçant la formation et l'éducation, présentent un certain intérêt, mais ne constituent pas une base solide sur laquelle fonder réellement une stratégie de communication et de formation sur laquelle les États membres, qui sont compétents dans ce domaine, puissent fonder leurs actions, et qui permette d'obtenir un comportement plus approprié de la part des citoyens. Le Comité a déjà fait remarquer que «favoriser la sensibilisation et créer un soutien et un engagement à la base va devenir absolument indispensable, et c'est là que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ont un rôle central à jouer» (7).

4.3.1

Les dernières actions proposées (11, 12 et 13), visant à réexaminer et à adapter la politique de réduction des risques ayant un rapport direct avec les maladies prioritaires prises en considération (maladies respiratoires, troubles du développement neurologique, cancers et perturbations du système endocrinien), présentent des initiatives telles que le lancement de projets pilotes, l'incitation à la mise en réseau ou la coordination des actions en cours, ou simplement la promesse de «surveiller l'évolution en ce qui concerne les champs électromagnétiques». De manière générale, cela ressemble davantage à un catalogue de bonnes intentions qu'à une liste concrète et exhaustive des situations à haut risque. Le CESE estime que de telles propositions ne sont pas adaptées à la gravité des dommages causés à la santé, identifiés dans la précédente communication sur la stratégie, et ne permettront pas de préparer dans un délai raisonnable une véritable politique de réduction des risques. L'absence d'objectifs concrets et de résultats à atteindre dans un laps de temps déterminé laisse craindre que ces propositions n'aideront pas non plus à trouver des moyens efficaces de coordonner les actions mises en œuvre à ce jour au niveau communautaire, ni de mener une action coordonnée avec les États membres.

4.3.2

Le CESE recommande en particulier de considérer comme prioritaire la recherche sur les facteurs ayant une incidence sur la qualité de l'air dans les logements et les bureaux (comme indiqué dans l'action 12) et de définir une échéance précise et pas trop lointaine pour l'obtention de preuves scientifiques permettant de réexaminer la recommandation de 1999 sur les champs électromagnétiques. En l'absence d'objectifs concrets et de résultats à atteindre dans un laps de temps déterminé, le CESE craint que ces propositions n'aident pas non plus à trouver des moyens efficaces de coordonner les actions mises en œuvre à ce jour au niveau communautaire, ni de mener une action concertée avec les États membres.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Communication de la Commission intitulée «Stratégie européenne en matière d'environnement et de santé», COM(2003) 338 final, sur laquelle le CESE a émis un avis lors de 404ème session plénière du 10 décembre 2003 (CESE 1602/2003, rapporteur EHNMARK) – JO C 80 du 30.3.2004.

(2)  Communication de la Commission – Plan d'action européen 2004-2010 en faveur de l'environnement et de la santé, COM(2004) 416 final du 9.6.2004, vol. I et II.

(3)  Avis CESE 1602/2003, rapporteur: EHNMARK, paragraphe 6.4 – JO C 80 du 30.3.2004.

(4)  Ibidem, paragraphe 5.3.

(5)  CES 1172/97 – JO C 19 du 21.1.1998.

(6)  CES 424/96 – JO C 174 du 17.6.1996.

(7)  JO C 80 du 30.3.2004.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/70


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil introduisant des normes de piégeage sans cruauté pour certaines espèces animales»

COM(2004) 532 final — 2004/0183 (COD)

(2005/C 157/11)

Le 14 septembre 2004, le Conseil, conformément à l'article 175 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 16 novembre 2004 (rapporteur: M. DONNELLY).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 16 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 60 voix pour, une voix contre et 6 abstentions.

I.   INTRODUCTION

1.   Réglementation en matière de pièges à mâchoires

1.1

En 1989, le Parlement européen a adopté une résolution appelant à interdire l'usage de pièges à mâchoires dans l'UE et l'importation de fourrures et de produits fabriqués à partir de fourrures provenant de pays qui utilisent les pièges à mâchoires.

Faisant suite à cette résolution, la Commission a soumis une proposition de règlement en la matière, adoptée par le Conseil en 1991 (1). Ce règlement interdisait l'utilisation du piège à mâchoire dans l'Union européenne à compter du 1er janvier 1995 et l'importation de fourrures de 13 espèces indiquées des pays tiers, à moins qu'une des conditions suivantes soit respectée:

L'existence de dispositions administratives ou législatives adéquates en vigueur qui interdiraient l'utilisation de pièges à mâchoires, ou

L'utilisation de méthodes de piégeage pour les 13 espèces énumérées (annexe I du règlement de l'UE) qui seraient en conformité avec les normes de piégeage sans cruauté mondialement reconnues.

1.2

Il est utile de noter que dans son avis, le Parlement européen appelait à interdire la vente de pièges à mâchoires et à retirer progressivement du commerce les fourrures et les produits fabriqués à partir de fourrures provenant d'animaux pris au piège à l'aide de ces derniers. En 1991, le Conseil n'en a pas tenu compte lors de sa délibération.

1.3

Bien que l'utilisation de pièges à mâchoires ait été interdite dans l'UE depuis 1995, cela n'a pas été le cas dans les pays exportateurs de produits fabriqués à partir de fourrures provenant d'animaux pris au piège à l'aide de ceux-ci.

Dans son avis de 1990 (2), tout en soulignant à quel point il était important de parvenir à un consensus sur cette question, le CESE a non seulement soutenu l'interdiction des pièges à mâchoires au niveau européen, mais a également proposé leur interdiction au niveau international.

2.   L'Accord

2.1

Suite à la législation communautaire en matière de pièges à mâchoires, il était indispensable d'établir des normes de piégeage à l'échelon international. Un accord avait été négocié entre l'UE, le Canada, la Russie et les États-Unis. Cependant, seuls le Canada, la Russie et l'UE ont signé cet accord. Les États-Unis ne pouvaient pas faire partie de l'Accord étant donné que, dans leur système national, la compétence dans ce domaine est décentralisée. Les États-Unis ont néanmoins consenti à appliquer une version plus souple de cet accord.

2.2

L'Accord a été négocié dans le but d'éviter une éventuelle interdiction au niveau européen d'importer les produits fabriqués à partir de fourrures d'animaux pris au piège en milieu naturel provenant des pays où les pièges à mâchoires n'ont pas été interdits.

2.3

Selon le Parlement européen, l'Accord était totalement inadéquat et inefficace et aurait dû être rejeté; à la place, il aurait fallu introduire une interdiction d'importer les fourrures et les produits fabriqués à base de fourrures provenant des animaux sauvages énumérés dans le cadre de l'Accord.

2.4

L'Accord définit certaines normes à respecter lors du piégeage des animaux. L'Accord a été ratifié par la Communauté européenne en 1997. Les normes de piégeage qui figuraient dans l'Accord correspondaient aux normes déjà existantes en Russie, au Canada et aux États-Unis. L'introduction du terme «sans cruauté» était très controversée, vu que ces normes sont basées sur l'acceptation d'un niveau élevé de souffrance chez les animaux pris au piège.

2.5

Les avis scientifiques (y compris un avis du comité scientifique et vétérinaire de la Commission) ont confirmé que les méthodes de piégeage sans cruauté répertoriées dans le cadre de l'Accord n'excluent pas les niveaux de souffrance inacceptables.

2.6

Le comité scientifique a souligné que le critère essentiel à utiliser pour juger du degré d'humanité, c'est le temps nécessaire pour rendre l'animal insensible à la douleur ainsi que la quantité de douleur et de stress infligés à l'animal pendant ce laps de temps. Le comité est arrivé à la conclusion que pour être considéré «sans cruauté», un piège de mise à mort doit rendre l'animal insensible à la douleur de façon instantanée ou dans le pire des cas, dans les secondes qui viennent. Or, l'Accord a fixé le temps maximal à 5 minutes, ce qui a rendu inapproprié le terme «sans cruauté».

2.7

Le comité a conclu également que la gradation des lésions établie par l'Accord n'avait pas de base scientifique valable en comparaison avec d'autres méthodes bien connues d'évaluation du niveau de bien-être.

2.8

À l'heure actuelle, l'UE et le Canada ont ratifié l'Accord, mais pas la Russie. C'est pourquoi son application n'est toujours pas effective. Néanmoins, le Canada et l'UE ont convenu, dans tous les cas, de mettre en oeuvre les dispositions de l'Accord en attendant.

3.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

3.1

La proposition de la Commission pour une directive introduisant des normes de piégeage sans cruauté pour certaines espèces animales (3) vise la transposition de l'Accord sur les normes de piégeage sans cruauté dans la législation communautaire, conformément aux décisions 98/142/CE et 98/487/CE du Conseil.

3.2

La proposition est applicable aux 19 espèces animales sauvages (dont 5 sont des espèces européennes), conformément à la liste établie en annexe 1.

3.3

La proposition définit certaines obligations et exigences en ce qui concerne les méthodes de piégeage, l'utilisation des pièges, les trappeurs, les sanctions et la certification. Le texte comprend également toute une série de dérogations possibles et deux annexes (annexes II et III) relatives aux normes de piégeage sans cruauté et aux essais des méthodes de piégeage.

3.4

La proposition souligne que les États membres seront autorisés à appliquer une législation sévère en la matière et que le règlement communautaire de 1991 interdisant l'utilisation des pièges à mâchoires restera en vigueur. La mise en œuvre et l'application de la directive seront du ressort des États membres et de leurs autorités compétentes. La proposition n'inclut pas de ligne budgétaire communautaire, les États membres devront donc allouer des ressources financières pour couvrir les coûts correspondants.

II.   OBSERVATIONS

4.   L'utilisation du terme «normes de piégeage sans cruauté»

4.1

Le CESE estime que l'utilisation dans la proposition du terme «sans cruauté» (4) est sujet à discussion. L'article 2 définit les «méthodes de piégeage» mais ne contient pas de définition des «normes de piégeage sans cruauté». Le fait est que le texte de l'Accord (dont s'inspire la proposition) reconnaît dans son préambule l'absence de normes internationales de piégeage, et de manière générale, rattache le terme «sans cruauté» aux normes qui «garantiraient un niveau suffisant de bien-être aux animaux pris au piège».

4.2

Au moment de la négociation de l'Accord, le comité scientifique et vétérinaire de la Commission (5) a fait observer que les normes spécifiées dans ce texte ne correspondent pas à la définition «sans cruauté» (comme il a déjà été souligné), étant donné que le temps maximal autorisé pour rendre l'animal insensible à la douleur était largement au-dessus de la durée acceptable (mort instantanée). Un accent particulier a été mis sur les pièges de submersion sachant que lorsqu'un mammifère semi-aquatique est pris au piège sous l'eau, il peut s'écouler jusqu'à 15 minutes avant qu'il soit mort.

4.3

C'est pourquoi le Comité recommande de remplacer l'expression «sans cruauté» par un autre terme plus approprié dans la version finale du texte législatif communautaire, au moins en attendant que les normes de piégeage répondent aux exigences décrites ci-dessus.

5.   Les pièges

5.1

La proposition concerne deux types de pièges: pièges de mise à mort et pièges de capture. Pour ce qui est des pièges de mise à mort, les normes fixées dans la proposition sont loin de correspondre aux normes scientifiques établies au niveau communautaire et qui préconisent la mort instantanée ou un seuil maximum tolérable de 30 secondes avant la mort. En ce qui concerne les pièges de capture (pièges destinés à capturer les animaux vivants), la proposition ne définit aucune spécification relative à ces pièges, ni la finalité de capturer ces animaux. Qui plus est, la proposition n'établit aucune norme en matière de bien-être pour les cas où les animaux capturés sont tués. Autrement dit, si un animal est capturé à l'aide d'un piège de capture et tué ensuite, la méthode de mise à mort n'est pas réglementée.

En outre, la proposition ne garantit pas que si l'on utilise des méthodes de piégeage autorisées, des espèces non-cibles ne seront pas accidentellement tuées ou capturées. Les normes de piégeage devraient être conçues de façon à réduire ce risque au niveau le plus bas possible.

6.   Les essais

6.1

La proposition prévoit des dispositions techniques pour les essais des méthodes de piégeage qui n'excluent pas l'utilisation d'animaux vivants. Elle définit les exigences minimales relatives aux essais en enclos et sur le terrain. En outre, les essais effectués par une des parties à l'Accord peuvent être reconnus par les autres parties.

6.2

Néanmoins, afin que les résultats soient valables, les essais doivent être réalisés dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles les pièges devront être utilisés. C'est pourquoi les paramètres basés sur les résultats des essais en enclos ne peuvent pas s'appliquer pour évaluer le bien-être des animaux vivant en milieu naturel. Pour les raisons citées ci-dessus, il conviendrait de ne pratiquer aucun essai sur les animaux mais d'envisager uniquement des simulations sur ordinateur, déjà disponibles.

7.   Dérogations

7.1

La proposition énumère toute une série de dérogations possibles qui, une fois appliquées, risqueraient de porter un vrai préjudice à l'objectif même de la directive. Le CESE considère que l'on doit accorder des dérogations lorsqu'elles sont liées à la sécurité publique ou à la santé humaine et animale. Dans ce cas, les autorités publiques doivent immédiatement informer les opérateurs qui travaillent dans la région où de tels problèmes surviennent (par exemple, les agriculteurs) et leur demander conseil. Le CESE exprime des réserves quant aux autres dérogations proposées.

7.2

Étant donné la difficulté d'effectuer un vrai contrôle et de faire fonctionner le système juridique en milieu naturel où le piégeage a lieu, les dérogations proposées par la Commission (à l'exception de celles qui sont indiquées plus haut) ne pourraient que nuire à la transparence et à la responsabilité dans les relations entre les parties de l'Accord.

8.   Trappeurs

8.1

La proposition prévoit la mise en place d'un système d'autorisations et de formation pour les trappeurs. Cependant, l'octroi de licences n'est pas assuré et le contrôle sur les méthodes de piégeage utilisées par les trappeurs est pratiquement impossible à effectuer étant donné qu'il faudrait le réaliser en milieu naturel. Le CESE recommande la mise en place d'un système strict d'octroi de licences, qui mènerait à une harmonisation au niveau communautaire.

9.   Certification

9.1

La proposition de la Commission confie aux États membres la certification des méthodes de piégeage utilisées et préconise une reconnaissance mutuelle de cette certification au niveau communautaire.

Même si ce système pourrait être appliqué de façon efficace au sein de l'UE, il convient aussi d'introduire un système international de certification. En effet, les parties de l'Accord devraient mettre en place un système de certification normalisée et de traçabilité. Un tel système contribuerait à assurer la transparence et la mise en œuvre efficace de l'Accord.

10.   Sanctions

10.1

La proposition de la Commission évoque une éventuelle application de sanctions administratives en cas d'infraction à la loi. Néanmoins, vu que certains États membres de l'UE appliquent le code pénal en cas de violation de la loi en matière de bien-être animal, le CESE recommande que les sanctions soient infligées en fonction des systèmes nationaux.

11.   Conclusions

11.1

Le CESE estime que les normes de piégeage sans cruauté inscrites dans la proposition ne peuvent pas être définies comme telles, étant donné qu'elles se contentent de reproduire les normes indiquées dans l'Accord. Selon les évaluations, les normes établies dans l'Accord sont moins élevées que les normes en matière de bien-être des animaux qui existent dans la législation communautaire. C'est pourquoi le Comité recommande de remplacer l'expression «sans cruauté» par un terme plus approprié dans la version finale du texte législatif.

11.2

En ce qui concerne les pièges, le CESE estime que seuls les pièges de mise à mort instantanée sont à envisager et que le cadre d'utilisation des pièges de capture doit être précisé. En outre, au cas où l'animal capturé serait tué, la méthode de mise à mort devrait, dans la mesure du possible, être réglementée conformément à la législation en matière de bien-être des animaux.

11.3

Le CESE est d'avis que les pièges de submersion sont à interdire, vu la conclusion du comité scientifique et vétérinaire de la Commission qui a estimé que c'est une méthode de mise à mort cruelle puisqu'elle implique une lente suffocation de l'animal sous l'eau.

11.4

Le CESE note que même si la proposition comporte des dispositions pour tester les pièges, il n'existe aucune base scientifique pour pouvoir appliquer aux animaux sauvages les paramètres établis d'après les résultats d'essais menés dans un environnement clos. Le CESE recommande donc de ne pas utiliser d'animaux pour les essais et de se servir plutôt de simulations sur ordinateur déjà disponibles.

11.5

Le CESE considère que la plupart des dérogations que comporte la proposition, peuvent permettre aux acteurs concernés d'échapper dans certains cas totalement à l'application de la législation, et recommande donc que les autorités compétentes envisagent des dérogations pour des raisons de sécurité publique ou de santé humaine et animale. Cet aspect est important vu que le contrôle et la surveillance sont difficiles à réaliser en milieu naturel.

11.6

Le CESE est d'avis qu'il convient de mettre en place, au niveau européen, un système transparent d'octroi de licences aux trappeurs. La proposition délègue entièrement aux autorités des États membres le soin de fixer les exigences en matière de formation et des autorisations pour les trappeurs. Le CESE craint que cet état de fait ne risque d'aboutir à un système non harmonisé, qui ne pourra pas garantir l'application dans l'UE de normes en matière de bien-être.

11.7

Le CESE estime que les parties à l'Accord devraient mettre en place un système efficace de certification et de traçabilité qui garantisse une mise en oeuvre effective de la directive.

11.8

En cas d'infraction à la directive proposée, le CESE recommande d'appliquer des sanctions conformément à la législation nationale en matière de bien-être des animaux.

11.9

Le CESE recommande d'adopter un calendrier plus strict pour l'application des dispositions prévues dans la directive proposée. D'après la proposition, les pièges devront être en conformité avec les normes proposées à partir de 2009 et les méthodes de piégeage à partir de 2012. Le CESE estime que toutes les dispositions devraient être appliquées le plus rapidement possible.

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Règlement no 3254/91 du Conseil, JO L 308, du 9.11.1991.

(2)  Avis sur la proposition de règlement du Conseil relatif à l'importation de certaines fourrures, JO C 168 du 10.07.1990, p. 32.

(3)  COM(2004) 532 final.

(4)  En février 1994, la Commission de travail créée sous l'égide de l'ISO (Organisation internationale de normalisation) pour examiner les normes de piégeage sans cruauté, a décidé de retirer l'expression «sans cruauté» de l'appellation desdites normes. Lors de cette réunion, il a été convenu de supprimer toutes les références aux termes «sans cruauté» ou «humanité». Aucun accord sur les normes de piégeage n'a pu être trouvé dans le cadre de l'ISO. Au cours des négociations à l'ISO, les vétérinaires européens ont souligné qu'aucune méthode de mise à mort qui nécessite plus de 15 secondes pour tuer un animal ne peut être considérée «sans cruauté» et qu'en aucun cas, les pièges de submersion ne pouvaient être autorisés. Ces éléments, entre autres, n'ont pas été pris en compte lors de l'élaboration du texte final de l'Accord.

L'avis du comité scientifique vétérinaire de la Commission européenne (1994) a conclu qu'un piège de mise à mort «sans cruauté» doit rendre l'animal insensible à la douleur de façon instantanée et qu'il convient d'accorder une plus grande attention à la configuration de pièges qui devraient tenir compte du comportement des espèces non cibles de façon à ne pas les capturer ou blesser. Le comité a estimé que la gradation des lésions proposée n'avait aucune base scientifique et ne pouvait donc pas servir à évaluer le degré d'humanité.

(5)  Avis du comité scientifique rendu dans le cadre du règlement CITES de 1995; avis du comité scientifique, DG «Agriculture», 1994.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/74


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 87/328/CEE en ce qui concerne le stockage du sperme de bovins destiné aux échanges intracommunautaires»

COM(2004) 563 final — 2004/0188 CNS

(2005/C 157/12)

Le 20 septembre 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 novembre 2004 (rapporteur: M. Leif E. NIELSEN).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 139 voix pour et 7 abstentions.

1.   Résumé de la proposition de la Commission

1.1

La directive 88/407/CEE fixe les exigences de police zoosanitaire applicables aux échanges intracommunautaires et aux importations de sperme d'animaux de l'espèce bovine. Malgré l'avis du CESE, qui émettait de sérieuses réserves, cette directive a été modifiée récemment par la directive 2003/43/CE afin de permettre le stockage du sperme non seulement dans des «centres de collecte de sperme» (avec production propre), mais également dans des «centres de stockage de sperme» (sans production propre) (1).

1.2

«Afin d'éviter toute confusion avec le champ d'application et les définitions», la Commission propose désormais de modifier les règles de la directive du Conseil 87/328/CEE relative à l'admission à la reproduction de bovins reproducteurs de race pure, de sorte qu'en ce qui concerne la collecte, le traitement et le stockage de sperme bovin, les centres de stockage devront, à l'avenir, être placés sur le même plan que les centres de collecte.

2.   Observations générales

2.1

La Commission aurait dû être attentive à la nécessité d'une nouvelle modification de la directive 87/328 qui soit conforme à la modification de la directive du Conseil 88/407/CEE, ne serait-ce que dans un souci de cohérence de la législation communautaire. L'on aurait pu ainsi éviter la confusion et les incertitudes en ce qui concerne le champ d'application et les définitions, et faire l'économie de la procédure législative actuelle.

2.2

En second lieu, la proposition visant à reformuler l'article 4 de la directive 87/328 donne l'impression d'une nouvelle extension par rapport aux dépôts autorisés, qui pourraient «récolter et traiter la semence d'animaux reproducteurs», ce qui aurait pour effet de créer un système parallèle de centres de collecte de sperme à côté des centres existants. Compte tenu des circonstances, ce serait un non-sens; lorsque l'on lit le texte plus attentivement, l'on s'aperçoit d'ailleurs que tel n'est pas le cas. Il convient dès lors de formuler la modification de manière à ce qu'elle ne donne pas lieu à des malentendus.

3.   Conclusion

3.1

Le CESE reconnaît que, malgré sa résistance en 2002, les centres de distribution de sperme bovin ont été autorisés par la directive du Conseil 2003/43/CEE et que la modification proposée, qui aurait dû être introduite en même temps que la décision de 2003, est nécessaire à la cohérence de la législation communautaire. Cette modification ne doit toutefois pas donner lieu à des malentendus et doit dès lors être formulée de manière plus précise.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Directive 2003/43/EC, OJ L 143, 11.6.2003, p. 23.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/75


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Accompagner les mutations structurelles: une politique industrielle pour l'Europe élargie»

COM(2004) 274 final

(2005/C 157/13)

Le 20 avril 2004, la Commission européenne a décidé, en vertu de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la communication: «Accompagner les mutations structurelles: une politique industrielle pour l'Europe élargie»

La commission consultative des mutations industrielles, chargée des travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 décembre 2004 (M. VAN IERSEL, rapporteur, et M. LEGELIUS, corapporteur).

Lors de sa 413ème session plénière des 14 et 15 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 142 voix pour, 1 voix contre et 9 abstentions.

Résumé

Après de nombreuses années, la politique industrielle figure de nouveau parmi les priorités de l'Union européenne. Au cours des dix dernières années, des mesures spécifiques ainsi que des approches thématiques ont certes été adoptées en matière de politique industrielle, mais elles n'ont pas toujours été correctement coordonnées ni équilibrées du point de vue des entreprises européennes. L'évolution du contexte mondial — les États-Unis, la Chine et l'Inde jouant un rôle fondamental — nécessite une nouvelle conception et davantage d'efforts. Il est temps de réévaluer l'industrie de transformation et de clarifier les relations complexes entre le secteur de l'industrie et celui des services.

Le Comité estime que la sensibilisation de l'opinion publique constitue un défi important. Il faut fournir au public des données et des analyses transparentes pour favoriser l'émergence d'un consensus et du soutien de l'opinion publique. Le CESE soutient sans réserve les trois principaux axes stratégiques: «mieux légiférer»; une approche intégrée au niveau européen; des politiques sectorielles assorties de mesures spécifiques et appropriées. «Mieux légiférer» implique une évaluation minutieuse et continue des mesures tant actuelles que nouvelles. Une approche intégrée requiert une coordination effective entre les politiques européennes et nationales. La dimension sectorielle et les approches sur mesure figurent parmi les aspects particulièrement novateurs du document de la Commission. Malgré certaines caractéristiques communes, la situation varie d'un secteur à l'autre. La Commission a procédé à de nombreuses analyses sectorielles, et d'autres sont encore prévues. Le CESE approuve cette pratique en tant que base d'une politique industrielle «d'un nouveau type».

Le Comité estime que la politique industrielle peut contribuer à placer l'économie européenne au premier rang en matière de compétitivité, de connaissance et de viabilité, conformément à la Stratégie de Lisbonne. Pour y parvenir, les analyses et les politiques doivent être plus étroitement liées au dynamiques des divers secteurs et entreprises concernés. En effet, la nouvelle politique industrielle doit reposer sur une conformité avec le marché et sur un processus de libéralisation. Toutefois, elle inclut également des éléments spécifiques à certains secteurs, tels que des consultations permanentes avec les entreprises, la réglementation, la suppression des obstacles aux barrières non commerciales, la R&D, les échanges commerciaux et la gestion ciblée des ressources humaines. En outre, il est nécessaire de mettre en place des plate-formes technologiques qui pourront donner lieu, en Europe, à de nouvelles alliances au sein du secteur privé, mais également entre celui-ci et le secteur public, par exemple entre les universités, les centres de recherche et les entreprises.

Il est souhaitable d'améliorer la coordination au sein de la Commission (par exemple sous l'égide de la DG Entreprises) de même qu'au sein du Conseil des ministres, afin de promouvoir la visibilité et d'encourager les synergies. Un plan d'action à moyen terme approuvé par la Commission et par le Conseil «Compétitivité» serait des plus souhaitables. Le CESE insiste pour que cette politique industrielle d'un nouveau type soit prise en compte lors de la préparation de la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne en mars 2005.

1.   Introduction

1.1

La politique industrielle fait partie de l'agenda de l'intégration européenne depuis son commencement. Le traité CECA prévoyait des objectifs et des instruments spécifiques pour les secteurs du charbon et de l'acier. Le traité CEE envisageait une approche plus générale dont la question clé a été et reste toujours la réalisation d'un marché intérieur.

1.2

Des mesures spécifiques de politique industrielle ont été appliquées au niveau européen, ciblant des objectifs connexes sur le plan environnemental, sur le plan social, ou encore sur celui de la recherche-développement. Au fil des années, les approches sectorielles ont été remplacées par des approches thématiques, mais ces dernières n'ont pas toujours été bien coordonnées avec le monde européen des entreprises, ni équilibrées du point de vue de ce dernier.

1.3

Mis à part les politiques générales, quelques politiques sectorielles ont été élaborées dans le but de la libéralisation du marché, comme dans les secteurs de l'énergie et des télécommunications, par exemple. Des projets industriels européens ont été mis en place, tels que Galileo.

1.4

Aujourd'hui, les mutations industrielles permanentes et la mondialisation exigent un nouvel ajustement dans les approches aussi bien du côté des industriels que des pouvoirs publics, afin d'augmenter la compétitivité européenne. En juillet dernier, la Commission européenne a publié une impressionnante analyse de la situation et des perspectives des secteurs industriels européens dans le contexte global actuel, caractérisé par un dynamisme accru dans les autres régions du monde (1). Ce dynamisme pourrait influencer les stratégies d'investissement des sociétés européennes. L'Europe a besoin d'un saut qualitatif en matière technologique afin de pouvoir garantir la compétitivité de la plupart des secteurs.

1.5

Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, le Conseil européen et autres formations du Conseil, telles que «Ecofin» ou «Compétitivité», ont examiné et examinent encore plusieurs communications et propositions concrètes de la Commission concernant l'amélioration de l'environnement macroéconomique et microéconomique des entreprises. Ces documents et débats privilégient une approche politique horizontale. Pendant un certain nombre d'années, on a purement et simplement banni l'usage de l'expression «politique industrielle», qui charriait trop de souvenirs de ces interventions étatiques et subventions publiques qui entravaient l'instauration de conditions de concurrence loyales au sein d'un marché intérieur au fonctionnement efficace. Ces interventions ont été progressivement abolies entre-temps.

1.6

Des visions nouvelles de la politique industrielle sont à l'examen. C'est dans ce contexte que la communication sur «Une politique industrielle dans une Europe élargie» a été adoptée, en 2002 (2).

1.7

Le Conseil européen de printemps 2003 a confié à la formation «Compétitivité» du Conseil la tâche de réexaminer «périodiquement tant les questions horizontales que sectorielles» (3).

1.8

La Commission a publié en avril 2004 une seconde communication sur la politique industrielle, qui est l'objet du présent document (4).

1.9

En mai 2004, ces initiatives et les résultats des discussions menées jusqu'à présent ont amené M. LIIKANEN, membre de la Commission, à déclarer que contrairement aux pronostics du milieu des années 1990 «la politique industrielle de l'UE est de nouveau une priorité dans l'agenda politique européen» (5).

1.10

Le CESE se félicite du changement d'attitude vis-à-vis de la politique industrielle, qui survient au bon moment. Le Comité estime lui aussi qu'il est souhaitable d'accorder une attention particulière aux questions industrielles et à la dimension sectorielle, tout en évitant de reproduire les errements du passé. On pourra à l'avenir s'appuyer sur l'expérience et les connaissances en la matière, représentées au sein de la CCMI. Des politiques industrielles et sectorielles appropriées contribueront de manière significative à la réalisation des objectifs fixés dans la stratégie de Lisbonne.

2.   Avis de la Commission dans un contexte de changement

2.1

Aujourd'hui, l'élément clé est le changement de contexte dans l'économie mondiale, ce qui nécessite de nouvelles approches. Du point de vue de la Commission, la future politique industrielle doit se construire autour de trois axes:

l'industrie n'a pas à supporter de charge législative ou réglementaire excessive, d'où la nécessité d'évaluer soigneusement aussi bien les mesures existantes que toute nouvelle mesure envisagée,

une approche intégrée au niveau européen s'impose pour renforcer la compétitivité de l'industrie (6),

il est judicieux de disposer de politiques sectorielles, avec des mesures spécifiques et adaptées.

2.2

Cette approche, que la Commission a annoncée avec prudence en 2002, marque une véritable percée. Le document précédent de la Commission sur la politique industrielle datait de 1990 (7). Depuis lors, plusieurs facteurs de poids avaient relégué la politique industrielle à l'arrière-plan, au profit de politiques essentiellement horizontales.

2.3

En 2000, la stratégie de Lisbonne a été élaborée dans le but de projeter l'économie européenne à l'avant-plan de la connaissance et de la compétitivité. Jusqu'à présent, aucun élan important n'a été donné à cette stratégie. En lieu et place, la croissance de la productivité a ralenti et le chômage a augmenté. Qui plus est, on a vu surgir des craintes de délocalisation des activités industrielles (8).

2.4

C'est pour ces différentes raisons qu'il est souhaitable d'approfondir l'analyse dans les domaines suivants:

productivité et chômage,

qu'en est-il vraiment de la délocalisation?

quel est l'impact général de l'industrie pour l'Europe et en Europe?

comment mettre en place une politique européenne intégrée dans le domaine de l'industrie?

comment déterminer et élaborer des approches sectorielles?

2.5

Le document de la Commission de 2002 (9) définit une feuille de route pour les changements à effectue. Il donne un nouveau contenu à la notion de «politique industrielle» mais continue à la formuler en termes assez abstraits, se bornant à juxtaposer toutes les politiques communautaires qui intéressent directement l'industrie sans présenter de procédures ou méthodes concrètes quant au rôle que jouent les institutions européennes et surtout la Commission dans la prise de décisions et la coordination.

2.6

Le document «Accompagner les mutations structurelles» d'avril 2004, publié sous l'égide de M. LIIKANEN, membre de la Commission, et de la DG «Entreprise», apporte bon nombre d'éléments supplémentaires. Dans son analyse, le texte rentre directement dans le vif du sujet:

en présentant quelques chiffres parlants sur les questions de production et d'emploi dans l'industrie manufacturière, en les reliant par ailleurs aux évolutions dans le reste du monde,

en exposant certains développements sectoriels, qui brossent un tableau plus précis des enjeux dans différents domaines, avec des perspectives très variables.

2.7

La Commission commence à juste titre par analyser la dynamique actuelle mais souligne en même temps qu'elle peut être influencée de façon positive par l'anticipation, le repérage des problèmes et la stimulation des facteurs de croissance.

2.8

L'analyse générale confirme la diminution des gains de la productivité en Europe, l'écart avec la situation aux États-Unis, ainsi que des performances industrielles décevantes, notamment dans les secteurs de haute technologie. En termes relatifs, les dépenses des entreprises européennes en recherche et développement accusent vis-à-vis des firmes américaines un retard qui est, selon la Commission, assez évident, hormis quelques exceptions marquées, comme la Finlande et de la Suède, ce qui est dû en partie à l'insuffisance des investissements dans le secteur privé. De plus, le potentiel de la Chine et de l'Inde en rapport avec la connaissance tend à s'accroître rapidement.

2.9

La Commission mentionne — et il vaut la peine de répéter ici cette information — que selon une enquête effectuée en 2002 par la Table ronde européenne des industriels auprès de grandes sociétés européennes, un certain nombre d'entre elles ont l'intention d'implanter leurs nouvelles activités de recherche et développement en dehors de l'Europe si l'environnement réglementaire ne s'améliore pas (10).

2.10

Bien que les performances de l'industrie européenne soient bonnes dans des secteurs qui constituent ses atouts classiques, comme la chimie, la construction mécanique, les télécommunications ou l'industrie automobile, de nouveaux concurrents font leur apparition. La Chine et l'Inde entrent avec succès dans l'arène de la concurrence pour des branches traditionnelles comme pour des secteurs de haute technologie. Un lien direct existe entre ce phénomène et la délocalisation ou la relocalisation des entreprises européennes.

2.11

On assiste dans le monde entier à un processus d'ajustement progressif. Cet ajustement est rendu nécessaire par la mondialisation, qui apporte aussi de nouvelles possibilités. Les avis divergent à ce sujet, mais la Commission voit apparaître certains signaux préoccupants.

2.12

L'élargissement amène une augmentation des investissements des pays de l'Union des quinze dans les nouveaux États membres. Puisque ces mouvements s'effectuent désormais au sein même de l'UE, le bon fonctionnement du marché intérieur n'en est que plus nécessaire, pour ce qui est, par exemple, des normes en matière d'environnement et de travail.

2.13

Étant donné que les entreprises doivent affronter la concurrence au sein de marchés ouverts dans les conditions établies par l'OMC, la Commission considère qu'il appartient à l'UE et à ses États membres d'apporter une réponse claire au processus de changements dynamiques:

en légiférant mieux,

en adoptant une approche intégrée des différentes politiques en rapport avec la compétitivité,

en prenant pleinement en compte les besoins spécifiques des différents secteurs industriels.

2.14

La Commission préconise la réalisation d'une évaluation d'impact approfondie tant de la législation et de la réglementation existantes que des mesures à adopter ultérieurement. Une coopération plus étroite entre les États membres et l'UE est indispensable étant donné que beaucoup de dispositions sont mises en oeuvre au niveau national. La Commission insiste sur le fait que le Conseil «Compétitivité» doit jouer un rôle important et transparent dans ce processus.

2.15

La Commission fait valoir qu'il est possible d'arriver à une synergie entre les différentes politiques en encourageant une concertation plus adéquate de mise au point entre les législateurs, en étroite collaboration avec les milieux industriels.

2.16

La remarque vaut également pour le problème de la recherche et du développement, qui aura indubitablement des répercussions financières pour l'Union mais aussi au niveau national. Cette question touche au cœur même de la stratégie de Lisbonne. L'année prochaine, la Commission proposera de nouvelles orientations concernant la recherche dans l'industrie manufacturière et les aides d'État dans le domaine de l'innovation. Les plates-formes technologiques peuvent s'avérer très utiles.

2.17

Certaines politiques, comme celle de la concurrence ou l'élimination des barrières commerciales, visent directement à créer un climat favorable pour la compétitivité. La Commission avance cependant qu'elles pourraient et devraient parfois être appliquées plus subtilement.

2.18

Selon la Commission, les politiques de cohésion peuvent être utilisées pour promouvoir les mutations structurelles et régionales souhaitables en ce qui concerne le fonctionnement des marchés du travail (11). Il en va de même pour ce qui est de mieux concilier développement durable et compétitivité.

2.19

Étant donné que la partie se déroule à l'échelle planétaire, la Commission prône la mise en place de conditions équitables sur la base de normes internationales. Celles de l'UE sont généralement plus sévères que celles le cas d'autres régions du monde en concurrence avec elle, si bien qu'il sera nécessaire d'arriver à l'avenir à une certaine égalisation, soit par le biais de négociations bilatérales, soit dans le cadre de l'OMC. Ce problème ne devrait pas être résolu par un alignement des normes européennes sur celles qui sont en vigueur dans le reste du monde; l'Europe doit prendre des initiatives, comme elle l'a fait pour l'application du protocole de Kyoto, afin d'amener d'autres régions du monde pays à élever leurs normes, et ce grâce à des actions appropriées au sein des institutions internationales.

2.20

Toutes ces questions ont déjà été régulièrement débattues au niveau européen. L'élément marquant réside dans l'insistance accrue sur la «compétitivité». Les évolutions extrêmement rapides sur les marchés mondiaux ne laissent guère le choix à l'Europe.

2.21

Le document de la Commission innove principalement par sa dimension sectorielle. Depuis plusieurs années, la Commission a mené des études approfondies sur certains secteurs, souvent sur la base de consultations avec les organisations professionnelles de branche au niveau européen.

2.22

Des propositions intéressantes ont été avancées — dont le CESE a également eu l'occasion de débattre — en ce qui concerne par exemple l'industrie pharmaceutique (CESE 842/2004), le textile et l'habillement (CESE 62/2004 fin; avis complémentaire du CCMI CESE 528/2004), la construction et la réparation navales (CESE 397/2004 fin; avis complémentaire du CCMI CESE 478/2004), l'espace (CESE 501/2004), l'industrie chimique (CESE 524/2004; rapport d'information du CCMI CESE 242/2004, en cours d'élaboration), ainsi que les sciences du vivant et les biotechnologies (CESE 1010/2002; CESE 920/2003).

2.23

Le tableau varie d'un secteur à l'autre. Il existe bien sûr des dénominateurs communs comme l'exigence de qualité en tant qu'atout compétitif, le statut de «nouvelle matière première» acquis par les technologies de l'information (TIC), l'augmentation de l'intensité capitalistique de capital ou l'exacerbation de la concurrence internationale, mais les divergences entre les secteurs sont criantes. Industries de haute ou de basse technologie, à forte intensité de main-d'œuvre ou de capital, de biens de consommation ou de biens d'équipement, à marchés dominés par une poignée d'acteurs majeurs ou donnant une place prépondérante aux PME, etc. C'est un panorama captivant que, selon la Commission, les concepteurs de politiques n'ont pas suffisamment pris en compte des années durant.

2.24

Dans le cadre de la «politique industrielle», les analyses et les approches sectorielles sont de nouveau à l'ordre du jour. Dans le texte à l'examen, la Commission n'élabore pas de nouvelles initiatives pour les secteurs mentionnés.

2.25

La Commission prévoit de nouvelles activités qui vont au-delà des secteurs cités. Elle annonce ainsi pour l'année à venir des études dans les secteurs de la construction mécanique, des éco-industries, de l'automobile, des métaux non ferreux et des technologies de l'information et des communications.

3.   Favoriser une politique industrielle d'un nouveau type — points de vue du CESE

3.1

Le CESE partage l'opinion selon laquelle le dynamisme de l'économie mondiale nécessite une nouvelle approche. Il se réjouit qu'après tant de temps, la «politique industrielle» redevienne une priorité de l'agenda européen. Certains aspects de l'industrie européenne (la question de l'environnement par exemple) ont, certes, figuré à l'ordre du jour de l'Union au cours de la dernière décennie, mais le Conseil des ministres n'a pas débattu de politiques qui auraient amélioré de manière cohérente les conditions de production globale et permis de maintenir de façon proactive un environnement favorisant les investissements (à valeur ajoutée).

3.2

Rétrospectivement, et au vu de l'actuelle évolution vers une approche industrielle plus ciblée, il est utile de rappeler les principaux facteurs ayant contribué à un certain tabou entourant la politique industrielle:

l'échec de la plupart des interventions d'État destinées à renforcer l'industrie et sa compétitivité à long terme;

l'élimination des distorsions du marché non justifiées d'un point de vue économique et le développement d'un environnement concurrentiel équitable au profit des activités industrielles en Europe, même si des mesures spécifiques qui faussent la concurrence, adoptées par certains États membres, doivent toujours subir un examen approprié au niveau européen;

l'insistance générale qui a été mise, avec succès, sur la libéralisation des marchés;

les espoirs démesurés placés dans la «nouvelle économie» et l'ère postindustrielle;

la focalisation sur la mise en œuvre de l'UEM et de politiques macroéconomiques adéquates;

la perte d'influence des ministères responsables des affaires industrielles dans plusieurs pays membres.

3.3

Les éléments que la Commission expose dans sa Communication étaient déjà connus pour une grande part depuis plusieurs années. Néanmoins, ce document se démarque des précédents par le mode de présentation des faits et par les liens établis entre les divers champs d'analyse et les solutions proposées. Les analyses et les politiques y sont à présent davantage reliées qu'autrefois, et de manière plus directe, à la dynamique des différents secteurs et activités concernés.

3.4

Le CESE souscrit totalement à l'idée que davantage d'études approfondies sur les évolutions sectorielles devraient être lancées avec le concours de l'industrie elle-même. Cela ne peut qu'attiser l'indispensable «sentiment d'urgence» qui figurait parmi les objectifs de la stratégie de Lisbonne mais en a ensuite disparu, en grande partie parce que le Conseil et les États membres n'ont pas mis en oeuvre leurs propres décisions ni les politiques dont ils avaient eux-mêmes convenu. Ce fait implique, du point de vue du CESE, que la politique industrielle repensée doit entrer en ligne de compte pour la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne en 2005, dont elle est susceptible de constituer à l'avenir un des principaux piliers.

3.5

En effet, la «politique industrielle repensée» est fondée sur le respect du marché et sur un processus de libéralisation, mais elle inclut également d'autres facteurs tels que les particularités sectorielles; l'harmonisation de la législation en vue du marché intérieur; la suppression d'obstacles non tarifaires; la technologie et la recherche-développement; les ressources humaines.

3.6

La nouvelle politique industrielle ne doit à aucun prix retomber dans les agissements inadéquats du passé, qui se caractérisaient par diverses distorsions de marché. La discipline financière amenée par l'UEM a également conduit à la prudence en matière d'interventions étatiques, qu'elles soient financières ou autres, dans le monde de l'entreprise. Hormis dans quelques cas spécifiquement justifiés, on s'accorde globalement à reconnaître qu'à long terme, l'interventionnisme et les appuis financiers publics ne servent pas les intérêts de l'industrie.

3.7

Compte tenu des récentes évolutions dans le monde, et après quelques années de tentatives de mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne, notamment en ce qui concerne la fragilité de la croissance économique en Europe, la productivité, la mise en oeuvre des TIC et la redistribution géographique des investissements, le temps est venu de repenser la question de l'industrie manufacturière et développer, à cette fin, des approches sectorielles et des actions concrètes. Ces actions devraient cibler des activités aussi adaptées que possible aux conditions socio-économiques prévalant en Europe, en particulier celles à haute intensité de main-d'œuvre hautement qualifiée dans les secteurs tant opérationnels qu'administratifs (par exemple, la fabrication d'équipements et de systèmes industriels sur mesure: en matière de robotique, d'instruments, d'équipements, de contrôle, etc.). Le CESE adhère totalement à cette démarche et à cet objectif.

3.8

Il importe de sensibiliser l'opinion publique quant à la nécessité d'une industrie rationnelle. En vue de cet objectif, des données et des analyses transparentes doivent être à la disposition du public. Dans ce même contexte, les instances décisionnelles européennes et nationales devraient accorder une attention particulière à des aspects tels que la cohérence des politiques européennes, l'harmonisation des législations nationales au sein de l'UE et un rapprochement entre les normes européennes et mondiales (par ex. celles de l'OMC).

3.9

Une sensibilisation du public favorisera un consensus et le soutien du public. La politique industrielle ne peut se réduire à un enjeu cantonné à quelques cénacles d'acteurs directement intéressés, que ce soit dans l'administration ou dans le monde de l'entreprise; cette question concerne l'ensemble de la société. Il est de l'intérêt de tout un chacun que l'industrie manufacturière européenne soit prospère. Afin de promouvoir son image, des efforts doivent être consentis dans tous les domaines connexes, par exemple celui de l'enseignement — professionnel mais aussi, dans ce cas, général, pour stimuler la création de compétences techniques.

3.10

Il est nécessaire de clarifier, à l'usage de l'opinion publique, l'étroite imbrication qui existe entre les différents maillons de la chaîne industrielle. À titre d'exemple, la totalité de l'industrie sidérurgique, industrie automobile comprise, dépend d'un approvisionnement en acier en quantité suffisante et à un prix abordable; la production d'acier, à son tour, dépend d'un approvisionnement en matières premières en quantité suffisante et à un prix abordable.

3.11

Une des implications directes de cette position est qu'il importe de clarifier les rapports croisés entre l'industrie et les services. L'économie progresse certes vers une activité de services mais bon nombre de services sont tributaires directs de l'industrie du fait de la sous-traitance et le resteront. D'un autre côté, il est de plus extrême importance, pour que l'industrie atteigne une haute qualité et des performances technologiques élevées, qu'elle dispose de services élaborés. À bien des égards, il s'agit là d'un tout. Dans la dynamique actuelle, la ligne de partage entre l'industrie et les services tend à s'effacer.

3.12

Le CESE considère que la Commission a un rôle actif à jouer dans ce processus. La simple réinscription de la politique industrielle à l'ordre du jour contribue déjà en soi à une sensibilisation. Il est cependant possible d'en faire encore bien davantage. Tout d'abord, il conviendrait d'améliorer les analyses, les données et leur publication adéquate en ce qui concerne les thèmes suivants:

l'Europe industrielle, en termes de production comme d'emploi,

les différents secteurs et complexes d'industries,

l'interaction entre l'industrie et les services,

les interdépendances technologiques,

le développement du secteur des services proprement dit,

les comparaisons à l'échelle mondiale.

3.13

Les analyses devraient également tenir compte des différences structurelles entre les États membres, certains pays ou régions disposant d'une base industrielle plus solide que d'autres. Connaître les principaux secteurs industriels en profondeur servira à améliorer l'objectivité du débat sur les tendances et les conséquences des dynamiques de l'économie mondiale.

3.14

Toute approche sectorielle doit s'appuyer sur des données correctes. De nombreuses études sont menées au sein du monde de l'économie et au niveau national ou universitaire (12). Le CESE recommande qu'avec l'aide d'Eurostat, on en collecte les résultats à l'échelle de l'Europe, afin de créer des bases de données européennes fiables et dynamiques sur l'industrie et les services et d'effectuer des analyses «Atouts, faiblesses, ouvertures, menaces» (AFOM). Des statistiques claires et complètes permettront de dresser en permanence un tableau des changements qui s'opèrent. Après une adaptation appropriée, les cinquante ans de statistiques de la CECA par Eurostat pourraient servir d'exemple.

3.15

La Commission insiste à juste titre sur une approche intégrée des politiques, comme celles concernant les systèmes nationaux de fiscalité des entreprises, les procédures fiscales, les normes, le commerce, la propriété intellectuelle, la recherche et le développement, l'environnement, le marché du travail, la formation ou l'enseignement. Le CESE appuie très vigoureusement cet objectif, qui n'a pas pu être atteint pendant trop longtemps, non seulement au niveau européen, mais aussi dans un certain nombre d'États membres.

3.16

Ce n'est pas la première fois que l'on plaide pour une approche intégrée. Malheureusement, une telle démarche est très ardue à concrétiser dans un environnement complexe, où les institutions européennes doivent parvenir à s'accorder avec 25 États membres. Une solution viable consisterait en ce que le Conseil «Compétitivité», oeuvrant de concert avec la Commission, détermine un plan d'action à moyen terme, qui serait évalué tous les ans (13).

3.17

Il est indispensable également que dans le cadre de ce plan d'action, toute politique influant sur la compétitivité de l'industrie tienne compte, d'une manière équilibrée, des objectifs de différentes politiques de l'UE. Il n'en a pas toujours été ainsi par le passé (14). Une meilleure exploitation des synergies entre les différentes politiques communautaires est donc nécessaire.

3.18

Lorsque le Conseil «Compétitivité» aura discuté et approuvé les règles de procédure et le plan d'action à moyen terme, il en ira de même dans les États membres, aussi bien dans le domaine de l'industrie en général, qu'en ce qui concerne les questions dont les États membres sont eux-mêmes responsables. Cela renforcera également l'influence des ministères responsables des intérêts industriels dans les États membres.

3.19

L'amélioration du cadre réglementaire implique, entre autres, une simplification et une législation efficace au niveau européen. Elle ne doit certainement pas être limitée aux nouvelles dispositions. Le mot d'ordre «mieux légiférer» concerne tout autant le passé que l'avenir. Il convient de donner corps à la proposition de la présidence néerlandaise de focaliser l'attention sur la simplification de la législation et la réduction des lourdeurs administratives (15). Il est indispensable de coordonner les directives et les règlements qui ont des objectifs d'ordre général en matière de sécurité du travail, d'économie d'énergie, de déchets, etc. (politiques horizontales), puisque ces politiques sont interdépendantes et que leurs effets sont parfois contradictoires. Les directives concernant l'environnement ont un impact spécifique. Étant donné que ces directives s'attachent avant tout à des objectifs, sans harmoniser les procédures de mise en œuvre, leur application incohérente par les États membres peut entraîner des distorsions sur le marché. Les évaluations d'impact et la mise en œuvre revêtent la plus grande importance, puisque la crédibilité des politiques dépend de leur efficacité.

3.20

Certains aspects sont particulièrement intéressants pour les nouveaux États membres, qui ne devraient pas se satisfaire d'obtenir les investissements étrangers pour des raisons de coût mais devront également diversifier leur propre activité industrielle afin de renforcer les capacités de leurs économies en termes de durabilité. Ces pays sont confrontés à plusieurs défis majeurs tels que la mise au point des politiques environnementales, l'optimisation de la formation et de l'amélioration des compétences ainsi que l'implication de toutes les parties intéressées, notamment à travers un dialogue social sectoriel.

3.21

Il faudra renforcer le contrôle du marché pour les produits d'origine non-européenne. Le seul moyen de préserver une concurrence équitable est d'instaurer des conditions de concurrence loyales au niveau mondial. À ce propos, le CESE demande à la Commission d'intensifier les efforts afin de garantir que des normes environnementales, commerciales et des normes relatives aux produits appropriées soient respectées par tous les acteurs mondiaux.

3.22

Parmi les autres éléments clés de la politique industrielle figure la préservation de conditions de concurrence loyales au niveau du commerce mondial. Les pratiques faussant la concurrence, telles que les aides d'État ou le dumping qui sont pratiqués dans certains pays tiers doivent faire l'objet d'une surveillance systématique et détaillée de la part de la Commission européenne. Il est nécessaire d'appliquer fermement les mesures de politique commerciale lorsque les critères pertinents sont remplis.

3.23

Au même titre que l'objectif de «mieux légiférer» et la promotion des synergies entre les politiques communautaires, l'approche sectorielle constitue le troisième pilier de la politique industrielle de nouveau type. Cette approche est fondée sur le respect et l'ouverture du marché, conformément aux politiques horizontales qui sont souhaitables. Le CESE adhère totalement à cet objectif, qui est déjà en cours de transposition dans la pratique. L'approche sectorielle privilégie les caractéristiques ainsi que les développements spécifiques des secteurs individuels; elle peut donc également profiter aux deux autres piliers, qui sont «mieux légiférer» et la promotion des synergies entre les politiques communautaires. La politique environnementale, la formation professionnelle, ainsi que les programmes de recherche et de développement peuvent être élaborés et mis en œuvre avec d'autant plus de succès qu'ils s'inscrivent dans une approche sectorielle.

3.24

Les analyses sectorielles démontreront la dynamique des évolutions dans un contexte international. Elles devront décrire l'état de l'industrie européenne et contextualiser celle-ci par rapport à nos partenaires et concurrents sur la scène mondiale. Elles dresseront l'état des lieux des interactions entre l'industrie et les services et tiendront dûment compte des aspects sociaux, tels que les relations industrielles et l'emploi. Enfin, les analyses sectorielles serviront également à identifier les obstacles que certains textes réglementaires et législatifs de l'UE dressent devant les entreprises. Par conséquent, les entreprises devraient être consultées plus souvent lors de la phase initiale, lorsque les évaluations d'impact sont effectuées, et ce, afin de déterminer la réglementation et les procédures souhaitables au niveau européen.

3.25

À cet égard, il y a lieu d'étendre la méthodologie à base d'analyse, de consultation et d'action que la Commission emploie pour aborder les problèmes de compétitivité, (pages 20 et 21). La Commission évoque à juste titre les exemples de G10, de Star 21 et de LeaderShip.

3.26

LeaderShip 2015 (16) constitue un exemple parlant, à condition d'être exécuté correctement. Le but est d'assurer un avenir prospère à l'industrie européenne de la construction et de la réparation navales sur un marché ouvert. La Commission et les entrepreneurs européens se sont réunis autour de cet objectif. Ils sont parvenus à inventorier en commun les problèmes. Huit terrains d'action ont été définis, soit pour l'industrie, soit pour la Commission. Le tout donne lieu à un dialogue social fructueux avec les partenaires sociaux sur le processus de modernisation.

3.27

D'autres secteurs suivront peut-être cette voie. Il n'existe pas de modèle universel. Comme les États membres et leurs politiques sont concernés, il est souhaitable que des approches sur mesure résultant de ces analyses sectorielles débouchent sur des engagements de la part des industriels, comme de la Commission et des États membres. Pour les États membres, de tels engagements peuvent aussi contribuer à promouvoir les échanges d'expérience et de savoir-faire. Le CESE estime que des observatoires sectoriels au niveau européen pourraient être très utiles, et qu'ils devraient être mis en place.

3.28

Compte tenu de l'importance cruciale du «savoir» et de la recherche et du développement ainsi que du phénomène de «mobilité des cerveaux» (scientifiques, chercheurs, cadres, professions libérales) dans le monde, le CESE préconise fortement la création de plate-formes technologiques bénéficiant d'une participation active de la part des secteurs et des firmes industrielles. Ces plate-formes ne doivent pas être limitées au monde de l'entreprise, mais inclure également d'autres acteurs majeurs, tels que les grands instituts de technologies et universités. Elles peuvent aussi donner naissance à de nouvelles alliances dans le secteur privé ou entre le secteur privé et le secteur public en Europe (17).

3.29

Il est indispensable de créer un environnement européen favorable à la connaissance, résultant d'une synergie efficace entre les universités, les instituts technologiques et l'industrie, afin de promouvoir la technologie appliquée. Il convient de tenir compte des particularités sectorielles. De plus, la construction d'une économie basée sur la connaissance doit être assortie d'outils nécessaires à la formation permanente, qui peut également être organisée au sein des institutions et des universités. Une fois de plus, cette tendance peut être encouragée au moyen d'initiatives sectorielles. Dans ce contexte, le rôle de la gestion technique et administrative devrait être renforcé, en vue de la mobilité au sein de l'Union européenne.

3.30

Dans cette optique et pour donner suite à d'autres projets menés ailleurs dans le monde, il est indispensable de lancer des initiatives essentielles dans le but de créer des synergies entre différents secteurs (citons l'exemple de Galileo ou de l'industrie militaire) et de stimuler la coopération entre les centres de connaissances et les entreprises, établissant les conditions nécessaires pour la création de groupements (comme Airbus) ou de systèmes productifs locaux (clusters), ces derniers étant susceptibles d'améliorer la compétitivité et de favoriser la cohésion économique, sociale et territoriale (18).

3.31

Les ressources humaines sont plus que jamais d'une importance capitale. Dans le cadre d'un processus continu de mutations industrielles, la responsabilité est bien sûr repartie entre les gestionnaires et les employés et leurs organisations. Il s'agit, entre autres implications, de se concentrer sur la qualité, la professionnalisation, les compétences et la motivation (19).

3.32

À cet égard, il convient de tenir suffisamment compte du fait que les jeunes ne sont pas attirés par l'idée de travailler dans l'industrie, car celle-ci souffre d'une image trop peu positive. C'est ce qui a engendré, entre autres, une insuffisance de main-d'œuvre qualifiée.

3.33

En outre, le CESE considère que dans le cadre de l'approche sectorielle qui est souhaitable, le dialogue social sectoriel renforcera l'engagement des employés et de leurs organisations en termes d'adaptation et de qualité. Des approches sur mesure au niveau des secteurs favoriseront aussi les discussions entre les partenaires sociaux au sujet des exigences spécifiques concernant les compétences, l'adaptabilité et les capacités des employés.

3.34

Afin de promouvoir la mise en œuvre des mesures spécifiques fondées sur les analyses sectorielles, il conviendra de débattre de chacune d'entre elles au sein du Conseil «Compétitivité». Selon le CESE, cette formation du Conseil doit jouer un rôle décisif dans la politique industrielle repensée en offrant une plate-forme générale aux divers intérêts en jeu. Des analyses sectorielles appropriées réalisées par la Commission et le Conseil, puis, au final, des négociations sur les mesures à adopter dans les domaines précités renforceront également l'engagement des administrations nationales, qui, au même titre que les entreprises, jouent un rôle de premier plan pour instaurer un environnement tourné vers l'avenir.

3.35

Comme M. LIIKANEN, ancien membre de la Commission, l'a très justement indiqué, un tel environnement et une telle approche ferment la porte à une politique qui ne serait préoccupée que de «miser sur le bon cheval», ou encore de privilégier les «champions nationaux» (20), et qui aurait faussé tout le débat sur la politique industrielle de nouveau type. Le but est d'instaurer un climat qui stimule la prise de risque par l'industrie européenne. Il est bien plus approprié de mener une action qui libère les potentialités des gagnants et les soutienne (21). On se devra d'examiner ou de réexaminer les instruments en vue de cet objectif, qu'ils soient financiers ou non.

4.   Conclusions particulières

4.1

Le CESE accueille favorablement l'initiative de la Commission (en particulier du commissaire LIIKANEN et de la DG «Entreprises») visant à redonner à la «politique industrielle» une place prioritaire dans l'agenda européen, en plus des politiques horizontales. Cette initiative correspond à des évolutions similaires dans différents États membres, et pourrait permettre de promouvoir des conceptions communes en la matière au sein de l'Union. Elle aidera à déterminer de meilleures voies et moyens de stimuler la compétitivité européenne. Il faut espérer qu'elle sera aussi d'utilité pour la définition d'objectifs appropriés et concrets lors de la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne en 2005.

4.2

Le CESE indique qu'en vue de la politique industrielle repensée, un besoin urgent existe de cadre institutionnel crédible, dans le but de parvenir à une juste répartition des tâches au sein de l'Union — qui fait quoi, et quand? — ainsi qu'à la réalisation et à la mise en oeuvre dans les États membres des objectifs et des directives décidés par le Conseil européen et les diverses formations du Conseil (22).

4.3

Le CESE soutient les trois éléments de cette «nouvelle» politique industrielle: amélioration de la réglementation, promotion des synergies entre différentes politiques communautaires et développement de la dimension sectorielle. Dans un souci de transparence et de visibilité, une meilleure coordination au sein de la Commission (par exemple sous l'égide de la DG Entreprises) et du Conseil des ministres est souhaitable. Une meilleure coordination doit également mener à une synergie indispensable et enrichissante des politiques. Un plan d'action à moyen terme approuvé par la Commission et par le Conseil «Compétitivité», qui sera évalué tous les ans, est dès lors tout à fait bienvenu.

4.4

Le CESE accueille favorablement l'analyse et les nombreuses recommandations figurant dans le rapport «Relever le défi» (23). Toutefois, il déplore que le rapport n'évoque pas la nouvelle politique industrielle au titre d'instrument utile pour relever les défis sur les marchés mondiaux. Il eût été particulièrement pertinent d'insister sur l'approche sectorielle ainsi que sur la nécessité de bien coordonner les politiques dans ce cadre. Le CESE approuve la proposition de plans d'action nationaux. Afin d'optimiser les résultats de ces plans d'action, ainsi que ceux des politiques européennes, la formation «Compétitivité» du Conseil doit les coordonner efficacement. Le CESE insiste pour que ces éléments soient pris en compte lors de la préparation de la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne en mars 2005.

4.5

Le CESE souligne la nécessité de sensibilisation, indispensable pour obtenir le consensus et le soutien du public. Il convient de démontrer que toute la société européenne est impliquée dans ces mutations industrielles qui s'opèrent à l'échelle mondiale et qui demandent des efforts dans un contexte beaucoup plus large que celui des seules entreprises.

4.6

Le CESE estime que les analyses sectorielles peuvent et vont certainement contribuer à une meilleure compréhension des évolutions qui sont en jeu. Elles vont également favoriser une coopération plus étroite entre les acteurs publics et privés ainsi que l'application des approches sur mesure et l'adaptation souhaitée des politiques aux niveaux européen et national de façon à promouvoir la création de nouvelles opportunités et à contribuer ainsi à la réalisation de la stratégie de Lisbonne. Le cadre sectoriel constitue également un instrument adapté pour mener un dialogue social axé sur la promotion d'un engagement plus largement partagé et de la qualité des ressources humaines.

4.7

Une telle approche sectorielle nécessite de plus en plus une connaissance des tendances mondiales et des mutations industrielles au sein des services de la Commission. Le Comité recommande vivement que les fonctionnaires de la Commission approfondissent leurs connaissances pratiques des enjeux propres au secteur privé. La CCMI et le EMCC (European Monitoring Center on Change) peuvent contribuer aux analyses sectorielles en tant que partenaires jouant un rôle consultatif, sans empiéter sur le territoire des acteurs sociaux.

4.8

Compte tenu de l'évolution dans d'autres zones du globe (en termes de coûts, de compétences et de combinaison des deux), les facteurs décisifs pour la compétitivité européenne sont la connaissance, la qualité, tant celle des sociétés en tant que telles que celle des ressources humaines et des compétences, ainsi qu'une organisation adéquate, ce qui signifie que les politiques et les mesures spécifiques dans ces domaines auront une importante cruciale pour l'Europe. Il est crucial de disposer de politiques et de mesures orientées vers l'avenir dans ces domaines.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  «L'insertion de l'industrie européenne dans la division internationale du travail: situation et perspectives», juillet 2004, rapport élaboré à la demande de la DG «Commerce» de la Commission européenne par CEPII-CIREM (Consortium européen pour l'analyse des politiques commerciales - ECTA).

(2)  COM(2002) 714 final, 11 décembre 2002. Le Comité a rendu son avis le 17 juillet 2003 (JO C 234, du 30 septembre 2003, pp. 76-85). La CCMI a également participé à l'élaboration de cet avis. Sa contribution peut être consultée sur le site Internet suivant: http://www.esc.eu.int/ccmi/documents/docs/divers/di_ces25-2003_fin_rev_di_fr.doc.

(3)  Conclusions de la Présidence, pt. 21, Conseil européen de printemps, 20/21-03-2003.

(4)  «Accompagner les mutations structurelles: une politique industrielle pour l'Europe élargie», COM(2004) 274 final.

(5)  Déclaration de M. LIIKANEN, membre de la Commission, lors de la Journée européenne de la politique industrielle, le 27 mai 2004, discours 04/268.

(6)  Cet objectif est déjà établi dans le document de la Commission intitulé «Les enjeux clés de la compétitivité en Europe - vers une approche intégrée», COM(2003) 704 final.

(7)  Rapport BANGEMANN.

(8)  Voir l'avis sur le sujet de la CCMI, sous le titre «Portée et effets de la délocalisation d'entreprises», actuellement en cours d'élaboration.

(9)  Voir la note de bas de page no2.

(10)  «Le défi européen», message de la Table ronde européenne des industriels au Conseil européen de printemps, mars 2003.

(11)  La Commission mentionne notamment l'accent qu'il convient de placer sur la «compétitivité» dans le cadre de la politique régionale, ainsi que la contribution du groupe ad hoc sur l'emploi en Europe présidé par M. Wim KOK et créé le 1er avril 2003. À cet égard, il peut être utile de renvoyer à l'avis de la CCMI sur le sujet («Les mutations industrielles et la cohésion économique, sociale et territoriale»).

(12)  On peut citer l'exemple très intéressant d'une étude intitulée «L'importance d'une industrie manufacturière compétitive pour le développement du secteur des services», Brème, décembre 2003. Elle peut être consultée sur le site Internet suivant: http://www.bmwi.de/Navigation/Service/bestellservice,did=31812,render=renderPrint.html.

(13)  Cet objectif est directement lié à la bonne gouvernance économique. L'avis du CESE «Pour une meilleure gouvernance économique dans l'Union européenne» souligne à quel point il est important qu'il existe un cadre clair et transparent, surtout en ce qui concerne le Conseil «Compétitivité».

(14)  Voir aussi le discours de M. LIIKANEN du 27 mai défendant une politique industrielle active (cf. note de bas de page no4).

(15)  Voir aussi COM(2004) 274, chapitre 5, page 41.

(16)  Voir le document de la Commission COM(2003) 717 final et les avis correspondants du CESE: JO C 241 du 28.9.2004

(17)  Pour ce qui est des plate-formes technologiques, voir l'avis complémentaire de la CCMI sur «la science et la technologie, clés de l'avenir de l'Europe - Orientations pour la politique de soutien à la recherche de l'Union» (COM(2004) 533 final), CCMI/015; rapporteur M. Van IERSEL.

(18)  Voir l'avis du CESE sur le thème «Mutations industrielles et la cohésion économique, sociale et territoriale»JO C 241 du 28.9.2004, points 1.4,3 et 10.i) en particulier.

(19)  Voir l'avis du CESE sur le thème «Les mutations industrielles: bilan et perspectives - Une approche d'ensemble»JO C 10 du 14.1.2004, points 2.2.2.14 et 3.9.

(20)  Voir note de bas de page no5.

(21)  Idem.

(22)  Voir avis du CESE «Pour une meilleure gouvernance économique dans l'Union européenne»JO C 74 du 23.3.2005.

(23)  «Relever le défi, la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi», rapport du groupe de haut niveau présidé par M. WimKOK, novembre 2004.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/83


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail»

(COM (2004) 279 final -2004/0084 (COD))

(2005/C 157/14)

Le 18 mai 2004, le Conseil, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 25 novembre 2004 (rapporteuse: Mme SHARMA).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 147 voix pour, 1 voix contre et 6 abstentions.

1.   Introduction

1.1

L'objectif principal de la proposition de directive est d'augmenter la transparence et la clarté de la législation sur l'égalité de traitement ainsi que de faciliter une mise en oeuvre efficace en renforçant l'acquis et en évitant les régressions. Il est nécessaire d'avoir un texte de loi unique, clairement structuré, facilement accessible et lisible pour aller dans le sens des objectifs socioéconomiques communautaires en faveur d'une augmentation et d'une amélioration des emplois offerts aux femmes.

1.2

Le regroupement des dispositions des directives sur l'accès à l'emploi, l'égalité salariale, la sécurité sociale professionnelle et la charge de la preuve représente l'occasion de présenter un seul texte cohérent, exempt de toute définition contradictoire. La proposition intègre l'évolution récente de la jurisprudence européenne en mettant à jour les textes de droit dérivé existants, en fonction d'arrêts de la Cour européenne de justice qui ont clarifié et approfondi le concept de l'égalité. Cela permet également d'assurer un degré élevé de sécurité juridique en regroupant les dispositions de directives qui se rapportent à un même sujet, dans le nouveau contexte politique qui présente l'Union comme ouverte, compréhensible et pertinente pour la vie de tous les jours.

1.3

La présente directive s'applique à la population active, y compris les travailleurs indépendants, les travailleurs dont l'activité est interrompue par une maladie, une maternité, un accident ou un chômage involontaire, et les personnes à la recherche d'un emploi, aux travailleurs retraités et aux travailleurs invalides, ainsi qu'aux ayants droit de ces travailleurs, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.

2.   Contexte

2.1

Le traité d'Amsterdam a renforcé les compétences communautaires en matière d'égalité entre hommes et femmes et fixé comme objectif de parvenir à éliminer les inégalités dans tous les domaines de la vie civile et de promouvoir l'égalité entre hommes et femmes. L'inégalité de traitement constitue non seulement une violation d'un principe fondamental de l'Union européenne mais également un facteur limitatif de la croissance économique et de la prospérité des économies nationales.

2.2

L'égalité de traitement est une condition indispensable si l'UE veut respecter ses objectifs de croissance et de développement économique, social et environnemental durables. L'Europe, plus que jamais, devra pouvoir compter sur une proportion bien plus élevée de femmes dans la population active, à laquelle on ne pourra parvenir qu'en fixant un certain nombre de droits minimums pour tous.

2.3

Les études menées ont montré que la discrimination fondée sur le sexe ainsi que le manque d'aide spécifique aux employés qui ont charge de famille constituent des obstacles significatifs parmi les premiers à s'opposer à l'augmentation du taux d'emploi féminin.

2.4   L'évolution de la législation sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes

L'égalité de traitement entre hommes et femmes est un principe fondamental du concept social de l'Union européenne. Dès 1976, le principe de l'égalité de rémunération entre homme et femme telle que prévue à l'article 119 du traité CEE (article 141 du traité CE) était décrit comme l'un des principes fondamentaux de droit communautaire par la Cour européenne de justice (1).

La première directive sur l'égalité de traitement, adoptée en 1975, portait sur l'égalité salariale (2);

elle fut suivie, en 1976, par la directive sur l'égalité de traitement en matière d'emploi (3), qui fut profondément modifiée en 2002 par la directive 2002/73 qui définissait le «harcèlement» et le «harcèlement sexuel» (4);

une directive relative aux régimes de sécurité sociale nationaux est adoptée en 1978 (5);

une directive introduisant le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale est adoptée en 1986 (6), puis révisée ultérieurement (7);

une directive sur l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, incluant des dispositions pour la protection de la maternité chez les femmes exerçant une activité indépendante, est adoptée en 1986 (8);

puis, en 1992, une directive relative à la protection des travailleuses enceintes comme mesure de santé et de sécurité publiques, en fixant le droit statutaire à un congé de maternité d'au moins 14 semaines, le droit de s'absenter de son poste de travail pour des examens prénataux et la protection contre le licenciement (9);

en 1995, adoption de l'accord-cadre sur le congé parental par les organisations interprofessionnelles de niveau européen, qui devient ensuite une directive; celle-ci fait état du fait que l'égalité de traitement impliquerait également de prévoir des mesures en faveur des hommes et reconnaît la place du père dans l'éducation de l'enfant (10); cette directive est modifiée ultérieurement et étendue au Royaume-Uni (11);

la directive sur la charge de la preuve en 1997 (12), ultérieurement étendue au Royaume-Uni (13).

La Cour européenne de justice a toujours joué un rôle important en contribuant à diminuer effectivement la discrimination envers les femmes en matière d'emploi. Elle interprète la législation communautaire et développe naturellement les concepts juridiques incomplets de la législation relativement récente pour créer un système juridique cohérent (14). Sur la question de l'égalité des chances, la Cour a essentiellement interprété la discrimination directe et indirecte sur la base de l'application efficace de la législation sur l'égalité de traitement (15) et a établi clairement que la protection contre la discrimination fondée sur le sexe concernait également les hommes (16).

3.   Observations particulières

3.1

Le CESE félicite la Commission pour son travail de simplification visant à rendre plus accessible l'ensemble des directives sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes. L'égalité de traitement est un droit fondamental à tous les niveaux de la vie socioéconomique et la législation en la matière doit donc être claire et lisible par tous.

3.2

A l'issue d'un processus qui a duré 30 ans, la législation sur l'égalité de traitement comprend aujourd'hui 12 directives et le Comité prend note que la Commission propose désormais de regrouper sept de ces directives portant sur l'égalité de traitement dans un texte de refonte unique (17). La Commission a choisi de refondre ces six directives car elles présentent de nombreux points communs, ce qui entraîne des répétitions et des duplications, mais également un certain manque de cohérence dans les définitions.

3.3

La refonte modernise, clarifie et simplifie ces sept directives en une seule directive, en réduisant le volume total des textes et en y intégrant un ensemble de définitions, notamment sur la discrimination directe et indirecte et le harcèlement. Le Comité se félicite de cette démarche au vu de l'élargissement et de l'engagement de la Commission en faveur d'une meilleure réglementation.

3.4

Le Comité prend note que cinq directives sur l'égalité de traitement ont été exclues de l'exercice de refonte parce qu'elles ne présentent pas de dénominateur commun (18). Il s'agit des deux directives sur le congé parental, qui ont été élaborées en collaboration avec les associations d'employeurs et de salariés et ne sont pas considérées comme relevant de l'égalité des chances, de la directive relative au congé de maternité et aux droits des femmes allaitantes, qui relève de la législation sur la sécurité et la santé publiques, ainsi que de la directive sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale et de la directive sur la protection des femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole.

3.5

Le Comité partage l'avis de la Commission selon laquelle inclure ces directives ne ferait que compliquer et allonger la directive de refonte. Néanmoins, le CESE insiste sur le fait que la directive 86/613/CEE (19) aurait besoin d'une révision immédiate étant donné le nombre de femmes exerçant une activité indépendante et de femmes employées dans l'agriculture. De l'avis du CESE, le contenu de cette législation spécifique est peu solide et n'accorde qu'une protection insuffisante aux femmes concernées. Étant donné son importance pour atteindre les objectifs de Lisbonne, une révision s'impose de toute urgence.

3.6

La Commission a fait aux directives deux ajouts qui reflètent directement la jurisprudence bien établie et se contente donc de clarifier la législation déjà en vigueur. Ces ajouts portent sur l'égalité de rémunération (article 4) et les régimes professionnels de retraite spécifiquement destinés à des fonctionnaires publics (article 6) (20). Le CESE précise que la Cour européenne de justice contribue activement à renforcer la législation communautaire. L'ajout de la jurisprudence dans la directive de refonte permet donc d'augmenter la clarté et de mieux cibler le texte.

3.7

La codification est un exercice purement technique et la Commission a précisé que les directives n'avaient pas été modifiées en substance, à l'exception de l'ajout de l'article 21 relatif aux dispositions sur les organismes de promotion de l'égalité de traitement dans les «dispositions horizontales» (Titre III). Faire porter les «dispositions horizontales» sur l'ensemble de la directive accroît désormais, même si ce n'est que de manière limitée, les pouvoirs des organes chargés de l'égalité des chances puisque le champ d'application de la directive s'en trouve élargi. Cela offre la possibilité d'étendre encore ces pouvoirs à une date ultérieure. Le CESE souligne que si la substance des directives n'a pas été modifiée, leur mise à jour et leur modernisation, avec la jurisprudence qui en découle, pourrait cependant entraîner des changements à long terme.

4.   Conclusion

4.1

L'égalité de traitement est le résultat de 30 ans de législation; cependant, si le CESE félicite la Commission pour ses efforts de simplification et de lisibilité de la directive, il souligne qu'il ne sera possible de parvenir à une véritable égalité de traitement sur l'ensemble du territoire européen qu'avec l'engagement actif des États membres en faveur de l'égalité de traitement entre hommes et femmes. Il considère que l'échange et la promotion des bonnes pratiques en la matière ainsi que le renforcement du dialogue social dans ce domaine constituent une manière concrète de progresser et il reconnaît pleinement le rôle fondamental des partenaires sociaux européens en soulignant leurs actions dans le cadre du «Programme de travail des partenaires sociaux européens 2003-2005». La Commission doit s'engager encore davantage pour promouvoir l'égalité de traitement et l'égalité des chances, et valoriser l'apport des femmes dans l'économie européenne en vue d'atteindre les objectifs de Lisbonne.

4.2

Le CESE invite la Commission à encourager les États membres à élaborer un petit guide soulignant les principaux éléments des directives européennes sur l'égalité des chances tels qu'ils ont été transposés en droit national, les obligations des employeurs et les droits des employés, pour lever le voile de l'ignorance qui entoure l'égalité de traitement, ce qui serait profitable à l'économie toute entière.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Arrêt de la CEJ du 8.4.1976, affaire 43/75 (Defrenne II), Rec.1976, p.455.

(2)  Directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins.

(3)  Directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail.

(4)  Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail.

(5)  Directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale.

(6)  Directive 86/378/CEE du Conseil du 24 juillet 1986 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale.

(7)  Directive 96/97/CE du Conseil, du 20 décembre 1996, modifiant la directive 86/378/CEE du 24 juillet 1986 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale.

(8)  Directive 86/613/CEE du Conseil du 11 décembre 1986 sur l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, ainsi que sur la protection de la maternité.

(9)  Directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.

(10)  Directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES.

(11)  Directive 97/75/CE du Conseil du 15 décembre 1997 modifiant et étendant au Royaume-Uni la directive 96/34/CE concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES.

(12)  Directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.

(13)  Directive 98/52/CE du Conseil du 13 juillet 1998 étendant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord la directive 97/80/CE relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.

(14)  Streinz, Europarecht, 4ème édition, Heidelberg 1999, par. 494.

(15)  Depuis les arrêts de la CJCE dans les affaires C-96/80 Jenkins / Kingsgate, C-170/84 Bilka / Weber von Hartz, C-171/88 Rinner-Kühn / FWW Spezial-Gebäudereinigung et C-184/89 Nimz / Freie und Hansestadt Hamburg.

(16)  CJCE, affaire C-450/93 Kalanke / Freie Hansestadt Bremen; CJCE, affaire C-409/95 Marschall / Land Nordrhein-Westfalen;

(17)  Directive du Conseil 75/117/CEE, directive du Conseil 76/207/CEE, directive du Conseil 86/378/CEE, directive du Conseil 96/97/CE, directive du Conseil 97/80/CE, directive du Conseil 98/52/CE, directive du Parlement européen et du Conseil 2002/73/CE.

(18)  Directive du Conseil 79/7/CEE, directive du Conseil 86/613/CEE, directive du Conseil 92/85/CEE, directive du Conseil 96/34/CE, directive du Conseil 97/75/CE.

(19)  Directive 86/613/CEE du Conseil du 11 décembre 1986 sur l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, ainsi que sur la protection de la maternité.

(20)  L'article 4 de la nouvelle directive indique que selon la Cour «(...) rien dans le libellé de l'article 141, paragraphe 1, du traité CE n'indique que l'applicabilité de cette disposition soit limitée à des situations dans lesquelles des hommes et des femmes effectuent leur travail pour un même employeur», tandis que l'article 6 précise «qu'elle s'applique aussi aux régimes de sécurité sociale propres à une catégorie particulière de fonctionnaires publics si les prestations concernées sont payées au titre du rapport d'emploi, si elles sont directement liées à la période de travail accomplie et si leur montant est calculé à partir du dernier salaire».


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/86


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions»«Étude sur les liens entre immigration légale et immigration clandestine»

(COM(2004) 412 final)

(2005/C 157/15)

Le 4 juin 2004, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, le Conseil a décidé de consulter le Comité économique et social sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux sur ce thème, a approuvé son avis le 24 novembre 2004 (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 138 voix pour, 0 voix contre et 8 abstentions.

1.   Synthèse de la communication

1.1

Le Conseil européen de Thessalonique de juillet 2003 a déclaré qu'il était nécessaire d'explorer «des moyens juridiques permettant à des ressortissants de pays tiers d'immigrer dans l'Union, en tenant compte de la capacité d'accueil des États membres, dans le cadre d'une coopération renforcée avec les pays d'origine». Présentant les résultats d'une étude sollicitée par le Conseil sur les liens entre l'immigration légale et l'immigration clandestine, la Commission se demande si l'existence de voies légales d'entrée sur le territoire européen est capable d'enrayer l'immigration clandestine en en détournant les candidats à l'immigration. Après cette communication, la Commission présentera un Livre vert sur les voies légales d'immigration.

1.2

Dans la première partie, la Commission analyse les voies légales d'immigration pour recherche d'emploi. L'admission à des fins d'emploi de ressortissants des pays tiers est régie par la législation propre à chaque État membre, très différente selon le pays. Plusieurs de ces États n'acceptent pas de main d'œuvre immigrée, d'autres ont recours à des politiques permettant la venue de travailleurs immigrés lorsque ceux-ci disposent d'une promesse d'embauche dans le respect du principe de la préférence nationale. Quelques États acceptent également des travailleurs indépendants. La majorité des immigrants économiques acceptés reçoivent initialement un permis de séjour temporaire d'une validité de un à cinq ans.

1.3

Les méthodes utilisées pour déterminer le nombre d'immigrants qu'il est possible de recevoir chaque année sont très variées. Certains États n'acceptent que les travailleurs hautement qualifiés (par exemple, le système de carte verte en Allemagne et le programme britannique destiné aux migrants hautement qualifiés). D'autres États dont plusieurs au sud de l'Europe acceptent également les travailleurs peu qualifiés selon diverses procédures. Certains, comme l'Italie, ont recours à un système de quotas. D'autres encore, comme l'Espagne, ont conclu également des accords bilatéraux avec des pays pour l'immigration de leurs ressortissants. La communication de la Commission analyse les divers outils utilisés dans la gestion de l'immigration.

1.4

La Commission examine également les mesures de régularisation appliquées dans différents pays (par exemple en Belgique), qu'elle considère comme positives lorsqu'elles favorisent l'intégration des immigrants à la société et contribuent à éviter l'exploitation de leur travail. Elle critique ces mesures en revanche, lorsqu'elles risquent de constituer une incitation à l'immigration clandestine.

1.5

Dans la seconde partie, la Commission affirme qu'il existe de nombreuses formes d'immigration clandestine, et qu'il est très difficile de disposer de données précises. Bien que l'ampleur de l'immigration clandestine en direction de l'UE ne soit pas connue avec exactitude, on estime que celle-ci est considérable, ce qui fait de la réduction des flux migratoires clandestins une priorité tant au niveau national que de l'UE.

1.6

La Commission souligne qu'il existe un lien incontestable entre l'économie souterraine, le marché de l'emploi informel et l'immigration clandestine, notamment dans des secteurs comme la construction, l'agriculture, la restauration, le nettoyage et les services à domicile. Au sein de l'UE, l'économie souterraine représente de 7 à 16 % du PIB.

1.7

Il est très difficile de déterminer dans quelle mesure les voies légales existantes, comme les accords bilatéraux, contribuent à faire diminuer l'immigration clandestine. La Commission signale que les États membres n'ont pas procédé aux évaluations nécessaires. L'impact de la politique de visas sur la diminution de l'immigration clandestine, n'a elle non plus fait l'objet d'aucune évaluation.

1.8

L'amélioration de la coopération avec les pays d'origine des immigrants devrait théoriquement favoriser la réduction des flux migratoires illégaux. C'est ce qui a été souligné lors de Conseils européens de Tampere, de Séville et de Thessalonique. Pour le moment cependant, l'expérience des États membres en la matière est limitée et les résultats ne sont dans l'ensemble pas très concluants. La Commission avance qu'il pourrait être nécessaire d'envisager une approche différente des incitations proposées aux pays tiers.

1.9

Dans la troisième partie, la Commission présente ses conclusions et la voie à suivre. Étant donné le manque de données fiables et comparables au niveau de l'Union, la Commission s'est engagée à publier un rapport statistique annuel sur les besoins en matière de coopération et d'échange d'informations entre les États membres. Elle cite les avancées: création, en 2002, du groupe d'experts connu sous le nom de Comité sur l'immigration et l'asile; amorce de la création du Réseau européen des migrations (sur lequel porte le projet pilote de 2004), et création d'un réseau de points de contact nationaux sur les questions d'intégration. En ce qui concerne l'immigration clandestine, un système d'alerte rapide a été créé et l'échange d'informations a été renforcé.

1.10

La Commission estime qu'en raison du déclin démographique et du vieillissement de la population, le recrutement de ressortissants de pays tiers et l'immigration vers l'UE pour des raisons économiques devraient se poursuivre et s'amplifier.

1.11

La Commission relève que sa proposition de directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi salarié ou de l'exercice d'une activité économique indépendante (1), présentée en 2001, n'a pas reçu l'appui du Conseil. Elle demande si l'admission des personnes ayant immigré pour des motifs économiques devrait être régie au niveau de l'UE, quel degré d'harmonisation est à rechercher et si le principe de préférence communautaire devrait ou non être maintenu sur le marché interne du travail. La Commission indique également que le projet de Traité constitutionnel confirme, d'une part la compétence européenne en matière de politique de l'immigration, mais laisse aux États membres le soin de définir le nombre d'immigrés à admettre et, d'autre part, la nécessité que toute mesure prise en ce domaine soit fondée sur le critère de la valeur ajoutée de l'adoption de la mesure au niveau de l'UE. À la fin de cette année, la Commission présentera un livre vert sur la proposition de directive et les difficultés qui se posent au Conseil et procédera à une consultation publique.

1.12

La Commission considère que les mesures de régularisation ont permis de régler le problème posé par la présence d'un grand nombre d'immigrés clandestins mais devraient pas être considérées comme un moyen de gérer les flux migratoires. Il sera nécessaire à l'avenir de procéder à une analyse plus approfondie des procédures de régularisation en vue d'identifier et de comparer les différentes pratiques, au sein du Comité sur l'immigration et l'asile.

1.13

L'intégration des ressortissants de pays tiers est un objectif que la Commission considère comme essentiel de prendre en compte lors de l'élaboration des futures propositions. Dans le cadre de cet objectif, l'insertion dans le marché du travail étant, elle aussi, très importante, la Commission rappelle la nécessité de mesures visant à réduire les disparités de taux de chômage entre les ressortissants des pays tiers et les citoyens européens. Elle fait également référence à l'opportunité de favoriser la mobilité des ressortissants des pays tiers au sein de l'Union européenne, mesure déjà approuvée par la directive de 2003 sur les résidents de longue durée (2) et le règlement 1408/71. Par ailleurs, il est nécessaire d'améliorer la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants des pays tiers.

1.14

La Commission considère que le travail non déclaré stimule dans une large mesure l'immigration clandestine, c'est la raison pour laquelle, le principal objectif doit être de transformer le travail non déclaré en emploi légal, objectif déjà envisagé dans les lignes directrices de la politique de l'emploi.

1.15

Le développement d'une politique communautaire de retour, permettant de garantir le retour au pays d'origine des immigrants illégaux, constitue également une priorité dans le cadre des instruments de politique migratoire. La Commission propose la création d'un instrument financier de gestion des retours pour les années 2005 et 2006.

1.16

Enfin, la Commission fait valoir que cette étude confirme qu'il est nécessaire d'intensifier la coopération avec les pays d'origine et de transit dans le but de réduire l'immigration clandestine et d'organiser l'immigration légale. Toutes les informations disponibles doivent être réunies afin d'apprécier le degré d'avancement de cette coopération et quelle en est sa portée. Selon la Commission, il convient également d'étudier certaines idées telles que: le développement dans les pays d'origine de programmes de formation pour les travailleurs, des besoins de main d'œuvre au sein de l'UE dans l'optique d'une embauche ultérieure; compte tenu des services de main-d'œuvre au sein de l'UE; ou la modification partielle de la politique de visas, afin de définir les catégories pour lesquelles les procédures de délivrance des titres seront facilitées.

2.   Observations générales

2.1

Le CESE se réjouit de cette communication de la Commission qui implique un nouvel élan de la politique communautaire d'immigration. Au Conseil, les débats sont difficiles en raison de l'attitude peu coopérative de certains gouvernements. Le CESE a déjà établi dans plusieurs de ses avis qu'il existe un lien direct entre immigration légale et immigration clandestine. Lorsqu'il n'existe aucun moyen transparent, flexible et approprié pour immigrer légalement, l'immigration clandestine augmente (3). Par ailleurs, une bonne politique d'asile et une législation harmonisée capables d'assurer la protection appropriée des personnes qui requièrent la protection internationale sont des instruments nécessaires.

2.2

Dans la communication de la Commission portant sur l'immigration, l'intégration et l'emploi (4), ainsi que lors du Conseil européen de Thessalonique, il a été considéré que dans les prochaines années, l'immigration des travailleurs provenant de pays tiers pour des motifs économiques allait d'augmenter dans de larges proportions. Celle-ci a augmenté, tant pour des emplois demandant des qualifications élevées que pour des activités peu qualifiées. Ainsi que l'affirme le CESE, il est nécessaire que l'immigration transite par des voies légales et transparentes, afin d'éviter les problèmes qui se manifestent sur les marchés du travail. C'est pour cette raison qu'une coopération appropriée entre les autorités et les partenaires sociaux est nécessaire.

2.3

Il est difficile de concevoir que le Conseil n'ait pas adopté la directive proposée par la Commission en 2001 portant sur les conditions d'entrée et de séjour des travailleurs immigrés. Dans son avis (5), le CESE a considéré comme positive bien qu'insuffisante la proposition de la Commission, et a proposé que les travailleurs puissent être admis selon deux procédures différentes: par un permis de travail et de séjour acquis dans le pays d'origine, ou bien par un permis de travail et de séjour provisoire pour recherche d'emploi. En proposant cette directive, la Commission respecte ses obligations découlant de Tampere, et tandis que le Conseil en revanche, par son attitude s'est écarté de cet objectif.

2.4

Répondant à la demande de la Commission, le CESE précise qu'il est effectivement nécessaire de réguler l'entrée des immigrants pour motifs économiques sur le territoire européen, et qu'il convient donc, comme le prévoit le projet de Traité constitutionnel, de porter l'harmonisation législative à un niveau élevé. Le CESE a déjà réclamé dans des avis antérieurs (6) que l'UE puisse disposer rapidement d'une politique commune d'immigration et d'une législation harmonisée. Le Comité étudiera le Livre vert en cours d'élaboration par la Commission et émettra un avis y relatif.

3.   Observations particulières

3.1

À l'heure actuelle, les voies légales régissant l'immigration de main-d'œuvre sont insuffisantes. Les accords bilatéraux, les quotas, les programmes d'admission des travailleurs hautement qualifiés et les autres instruments disponibles ne suffisent pas à canaliser l'immigration économique par les voies légales dès lors que l'immigration clandestine continue d'augmenter. L'Union européenne et les États membres doivent disposer d'une législation ouverte qui permette l'immigration de main d'œuvre par des voies légales et transparentes, tant pour les emplois hautement qualifiés que pour ceux qui le sont moins.

3.2

Plusieurs États membres ont décidé d'ouvrir leurs portes aux seuls travailleurs hautement qualifiés; la communication de la Commission analyse à cet égard l'expérience de l'Allemagne et du Royaume-Uni. Le CESE considère qu'il s'agit expériences très limitées, qui méritent d'être saluées, bien qu'insuffisantes pour satisfaire les besoins actuels dans les secteurs d'emploi concernés. De plus, les États membres doivent disposer de nouveaux instruments légaux pour l'immigration des travailleurs moins qualifiés dont le marché a besoin, ce type d'immigration passant à l'heure actuelle en grande partie par l'économie souterraine, le travail illégal et l'immigration clandestine, notamment dans les secteurs tels que les services à domicile, l'assistance médicale, les services aux personnes, l'agriculture, la restauration, la construction et autres services.

3.2.1

Il est extrêmement important que les personnes désireuses d'immigrer puissent disposer d'une information suffisante et claire sur les instruments existants pour l'immigration légale dans les États membres. Les services consulaires devront donc transmettre l'information aux pays d'origine. De la même façon, les immigrants doivent être informés des instruments légaux en vigueur dans les États européens qui les accueillent.

3.3

Par ailleurs, les accords bilatéraux entre les États membres et les pays tiers visant à réguler l'immigration des travailleurs, constituent une expérience extrêmement positive, dans la mesure où ces flux sont gérés en coopération avec les pays d'origine, comme le réclament le Conseil, la Commission, le Parlement et le CESE depuis Tampere. La majorité de ces accords concernent la gestion des immigrants temporaires employés dans des secteurs d'activités peu qualifiées. Le CESE tient pourtant à souligner que ces accords pourraient être plus efficaces si les partenaires sociaux des États membres et des pays d'origine étaient associés à la gestion. Par ailleurs, la pratique a mis en lumière certains problèmes qui se posent dans les représentations consulaires des États membres en raison du manque de personnel spécialisé dans l'immigration à des fins d'emploi.

3.3.1

Le CESE propose également qu'au travers des instruments de partenariat et de coopération avec les pays tiers, l'UE puisse disposer de services spécialisés dans l'immigration à des fins d'emploi. Les accords d'association et de coopération entre l'UE et les pays tiers peuvent inclure des opportunités pour l'immigration à des fins d'emploi et des programmes de formation. L'immigration à destination de l'Europe des travailleurs qualifiés des pays d'origine peut devenir un nouvel obstacle pour leur développement, raison pour laquelle l'Union européenne et les États membres coopéreront avec les pays d'origine afin que l'immigration se convertisse en un facteur de développement et pas en un nouveau problème.

3.3.2

Par ailleurs, les pays d'origine n'entretiennent pas avec l'UE une relation équilibrée en matière d'échanges commerciaux, financiers et technologiques. Les accords d'association et de coopération entre l'UE et les pays tiers doivent disposer de nouveaux instruments politiques et économiques qui puissent servir le développement de ces derniers. Une coopération efficace entre l'UE et les pays en développement est nécessaire dans le cadre de l'OMC.

3.4

Après l'analyse, en collaboration avec les associations d'entreprises et les organisations syndicales, de leurs besoins en matière de main d'œuvre, certains États membres ont recours à un système de quotas pour gérer les accords bilatéraux. Les résultats ne sont toutefois pas à la hauteur des espérances en raison du nombre limité de ces quotas et des formalités bureaucratiques qui en découlent. Il existe des États, tels l'Espagne, où l'immigration clandestine augmente fortement, alors même que les quotas prévus n'ont pas été atteints. Un système plus souple de gestion de ces quotas pourrait s'avérer plus utile, grâce par exemple à la délivrance de visas temporaires pour la recherche d'un emploi, tel que le CESE l'a recommandé dans son avis (7) sur la directive concernant l'admission des travailleurs.

3.5

La Commission affirme que de nombreux «sans papiers» exercent des activités professionnelles non déclarées et participent de l'économie souterraine. Ces personnes sont soit entrées clandestinement, soit restées sur place après l'expiration de leur permis de séjour. Dans sa communication, la Commission analyse les politiques de retour et les régularisations.

3.6

Le CESE est en désaccord avec l'affirmation de la Commission selon laquelle «la seule approche cohérente au regard des personnes résidant illégalement sur le territoire de l'Union consiste à faire en sorte qu'elles retournent dans leur pays d'origine» (8). Cette approche n'est pas réaliste dans la mesure où les systèmes et les instruments utilisés dans le cadre du retour ne sont pas appropriés à la situation dans laquelle se trouvent des millions de personnes. Dans l'avis (9) sur le livre vert relatif à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier et l'avis (10) sur une méthode ouverte de coordination de la politique communautaire de retour des résidents illégaux en matière d'immigration, le CESE a déjà fait part de sa position: «Le CESE considère qu'il est faux de croire que le retour forcé peut être l'unique ou la principale réponse de l'UE à la question des immigrés» sans papiers «qui se trouvent aujourd'hui parmi nous. Une politique globale comprenant tant des mesures de retour que des mesures de régularisation s'impose (11)». «Si la politique de retour forcé n'est pas assortie de mesures de régularisation, la proportion de la population en situation irrégulière se maintiendra à son niveau actuel, avec tout ce que cela suppose: encouragement de l'économie souterraine, exploitation de main-d'œuvre et exclusion sociale (12)». Le CESE souhaite que la politique communautaire promeuve des programmes de retour volontaire et n'envisage de recourir au retour forcé que dans des cas où il est dûment justifié, comme il l'a dit dans l'avis mentionné sur le Livre vert relatif à une politique de retour (13).

3.7

Le CESE a déjà indiqué qu'il convient, sous certaines conditions d'intégration dans la société et le monde du travail, de régulariser la situation des nombreuses personnes en situation irrégulière (14) Le Conseil et la Commission ont raison d'affirmer qu'il est nécessaire de convertir les emplois non déclarés en emplois déclarés, et il est essentiel à cet égard de pouvoir compter sur la collaboration des personnes concernées, qui sont en grande partie des immigrés clandestins, et sur celle des partenaires sociaux (15).

3.8

L'immigration clandestine est en étroite relation avec l'économie souterraine et le travail non déclaré. La première est toutefois une réalité qui dépasse le cadre strict de l'immigration, et les caractéristiques du travail non déclaré représentent un facteur d'attraction pour les flux migratoires à caractère clandestin. Le CESE considère donc comme très positives les législations de certains États membres permettant de régulariser la situation des personnes en situation irrégulière en tenant compte des aspects professionnels, humanitaires ou d'insertion. De cette façon, il est d'ailleurs possible d'éviter que le nombre de personnes en situation irrégulière requérant des procédures exceptionnelles de régularisation augmente. Ces législations doivent par ailleurs être transparentes et il est nécessaire de les appliquer avec toute l'information et la coordination requise entre les membres.

3.9

Il est nécessaire de parvenir à la pleine intégration des immigrants sur le marché du travail, en favorisant une plus grande mobilité. En ce sens, le CESE a appuyé la directive relative au statut de résidents de longue durée qui permettra aux immigrants en (16) bénéficiant de pouvoir se déplacer à l'intérieur de l'UE. Par ailleurs, le CESE a également appuyé l'extension du règlement 1408/71 (17) aux ressortissants des pays tiers. Il convient d'étendre la liberté de mouvement aux autres groupes d'immigrants, dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi et par le biais du réseau EURES (EURopean Employment Services — Services européens de l'emploi).

3.9.1

La Commission affirme que sa proposition de directive sur les services au sein du marché intérieur relative à la prestation de services transfrontaliers augmentera également la mobilité. Le CESE est en train d'élaborer un avis comptant plusieurs propositions destinées à remédier aux problèmes qu'occasionnera cette directive (18).

3.10

De nombreux immigrants ne peuvent exercer les activités professionnelles correspondant à leurs qualifications, celles-ci n'étant pas reconnues par les États membres. L'UE doit étendre le domaine d'application des directives relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles, afin que soient reconnues plus facilement celles obtenues dans le pays d'origine. Cela contribuera à éviter les situations discriminatoires et permettra aux États membres et aux entreprises européennes d'améliorer leurs potentialités grâce à l'apport de connaissances professionnelles.

3.11

Les données sont insuffisantes pour pouvoir évaluer l'impact de la politique de visas sur la baisse de l'immigration clandestine. Si l'obligation pour les citoyens des pays tiers d'obtenir un visa de courte durée peut contribuer à réduire l'immigration clandestine, il convient de ne pas négliger le risque d'augmentation du nombre de personnes victimes des réseaux de trafic et de traite des êtres humains. La politique de visas peut occasionner une limitation drastique et donc discriminatoire de la mobilité des personnes, il est donc nécessaire que les autorités consulaires gèrent la situation de façon appropriée et transparente et éliminent toute corruption éventuelle.

3.12

Le CESE approuve la Commission lorsque celle-ci déclare que la lutte contre l'immigration clandestine doit rester une composante essentielle de la gestion de l'immigration. L'introduction de voies légales pour l'immigration à des fins d'emploi, la réduction du phénomène d'économie souterraine et de travail illégal, la coopération avec les pays d'origine, etc. doivent s'accompagner d'un contrôle d'un niveau d'efficacité approprié aux frontières extérieures de la Communauté.

3.13

Les organisations criminelles qui exercent le trafic d'êtres humains sont extrêmement puissantes et sont liées à d'autres activités délictueuses. Dans divers avis (19). le CESE réclame une plus grande efficacité de la lutte contre les réseaux criminels qui se livrent au trafic d'êtres humains. La collaboration entre les autorités des États membres responsables de la justice et des affaires intérieures et la Commission européenne doit être améliorée. EUROPOL et EUROJUST doivent disposer d'instruments politiques, juridiques et administratifs plus appropriés. Il est nécessaire d'accélérer les travaux de l'Agence européenne de contrôle des frontières, ainsi qu'à moyen terme, de la création d'un corps de gardes-frontières européen.

3.13.1

Certains territoires européens comme les îles méridionales (Malte, Lampedusa, les Canaries, etc.) éprouvent des difficultés particulières car elles constituent des points de passages pour l'immigration illégale et elles reçoivent parfois un nombre d'immigrés qui excède leur capacité d'intégration. Il faut pour cette raison que l'Union européenne ait un système de solidarité à même de résoudre ces situations.

3.13.2

La lutte contre la traite et le trafic illégal d'être humains doit être menée en garantissant de façon systématique aux victimes l'application du droit humanitaire international et des conventions européennes en matière de droits de l'homme. Les personnes en situation irrégulière font partie de catégories vulnérables qui ont besoin d'une protection spéciale. Leur vie et leur sécurité constituent la priorité. Le CESE a adopté un avis (20) afin d'améliorer la protection des victimes.

3.14

Le CESE a soutenu la mise en œuvre d'une méthode ouverte de coordination de la politique d'immigration et d'asile (21). À l'heure actuelle, l'UE dispose d'un Comité sur l'immigration et l'asile qui réalise un bon travail de coordination et de consultation mais dont le mandat reste insuffisant. Le Conseil européen de Thessalonique a établi un projet pilote afin de créer un réseau européen des migrations, lequel mérite le soutien du CESE dans la mesure où il constitue un pas supplémentaire vers l'amélioration de la coordination au sein de l'UE.

3.15

Le CESE exprime sa satisfaction quant au fait que, comme il l'a réclamé, les mesures d'intégration font partie des objectifs de la politique communautaire (22). L'accueil des nouveaux immigrés, leur intégration sur le marché du travail, la formation linguistique, la lutte contre la discrimination, ainsi que la participation à la vie civile, culturelle et politique doivent constituer des objectifs stratégiques de l'UE. Le CESE considère comme indispensable que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile s'associent aux autorités publiques dans le cadre des politiques d'intégration.

3.15.1

Le Comité est désireux de faire passer aux citoyens européens le message que les immigrants font partie intégrante de notre communauté et qu'ils contribuent à l'enrichissement économique, social, et culturel de l'Europe. Le CESE désire poursuivre sa collaboration active avec les autres institutions de l'UE pour atteindre les objectifs de Tampere et afin que soit appliquée une politique commune d'immigration adaptée et une législation harmonisée. Dans cette optique, le Comité a l'intention de mettre en place un instrument permanent (23) en collaboration avec la Commission, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile. La lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination sont la voie qui permettra d'atteindre l'égalité de traitement et l'intégration.

3.16

L'agenda social (24) comprend à l'heure actuelle certains objectifs destinés à favoriser l'intégration, à lutter contre la discrimination et à garantir l'égalité de traitement. Dans les prochaines années, subséquemment à l'augmentation du nombre d'immigrants, les objectifs de certaines des lignes directrices de la politique sociale de l'UE demanderont à être adaptés.

3.17

Le CESE souligne que le projet de Traité constitutionnel a jeté de nouvelles bases pour la politique communautaire d'immigration et tient à rappeler qu'il a adopté un avis d'initiative (25) proposant que ce projet prévoie d'accorder la citoyenneté européenne aux ressortissants des pays tiers bénéficiant d'un statut de résidents de longue durée, ceci afin de faciliter l'exercice de leurs droits politiques et de favoriser leur intégration. La CESE a également adopté un autre avis d'initiative (26) proposant que les États membres de l'UE ratifient la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, approuvée par l'Assemblée générale de Nations unies (27), et ayant pour objectif de protéger les droits de l'homme et la dignité des personnes qui émigrent pour des raisons économiques ou professionnelles dans le monde entier, par le biais de législations appropriées et de bonnes pratiques nationales. Une nouvelle fois, le Comité demande au Conseil et à la Commission de se pencher sur la question de la ratification de cette convention.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2001) 386 final.

(2)  Directive 2003/109/CE.

(3)  Avis sur la communication portant sur une politique communautaire de l'immigration: JO C 260 du 17.09.2001, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(4)  COM(2003) 336 final.

(5)  Avis, JO C 80 du 3.04.2002, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(6)  Avis sur la communication portant sur une politique communautaire de l'immigration: JO C 260 17.09.2001, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS et Avis sur la communication concernant une politique commune en matière d'immigration clandestine, JO C 149 du 21.06.2002, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(7)  Voir JO C 80 du 03.04.2002, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(8)  Paragraphe 3.2.2 de la communication.

(9)  Voir le JO C 61 du 14.03.2003, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(10)  Voir le JO C 221 du 17.09.2002, rapporteur: Mme. ZU EULENBURG.

(11)  Voir le paragraphe 2.2. de l'avis sur le livre vert relatif à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier.

(12)  Voir le paragraphe 2.4. de l'avis susmentionné.

(13)  Voir dans JO C 61 du 14.03.2003. (rapporteur : M. PARIZA CASTAÑOS)

(14)  Avis sur la communication sur une politique de l'immigration communautaire en matière d'immigration, JO C 260 du 17.09.2001, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS; Avis sur la communication concernant une politique commune en matière d'immigration clandestine, JO C 149 du 21.06.2002, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS; Avis sur le livre vert relatif à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier, JO C 61 du 14.03.2003, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(15)  Avis en cours d'élaboration SOC/172, rapporteur: M. HAHR.

(16)  Avis du Comité économique et social sur la Proposition de directive du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, JO C 36, 8/2/2002, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(17)  Avis sur le règlement 1408/71, JO C 157, 25.5.1998, rapporteur: M. LIVERANI.

(18)  Avis sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur (rapporteur : M METZLER, corapporteur : M EHNMARK).

(19)  Avis sur l'immigration clandestine, JO C 149 du 21.06.2002, rapporteur M. PARIZA CASTAÑOS; Avis sur l'Agence des frontières, JO C 108 du 30.04.2004, rapporteur M. PARIZA CASTAÑOS et sur le programme ARGO, SOC/186, rapporteur M. PARIZA CASTAÑOS.

(20)  Avis sur la proposition de directive du Conseil relative au titre de séjour de courte durée délivré aux victimes de l'aide à l'immigration clandestine ou de la traite des êtres humains qui coopèrent avec les autorités compétentes, JO C 221, 17.09.2002, rapporteur M. PARIZA CASTAÑOS.

(21)  Avis rédigé par Mme EULENBURG, JO C 221 du 17.09.2002.

(22)  Avis, JO C 125 du 27.05.2002; L'immigration, l'intégration et le rôle de la société civile organisée; conférence organisée par le CESE et la Commission les 9 et 10 septembre 2002«Immigration: le rôle de la société civile dans l'intégration».

(23)  À déterminer (observatoire, conférence annuelle, etc.).

(24)  Avis du CESE sur la Communication intitulée «révision à mi-parcours de l'agenda pour la politique sociale», JO C 80, 30.03.2004, rapporteur M. JAHIER.

(25)  Avis: L'accès à la citoyenneté de l'Union européenne, JO C 208 de 03.09.2003, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(26)  Avis: La Convention internationale pour les travailleurs migrants, JO C 241 du 28.9.2004, rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS.

(27)  Résolution no 45/158 du 18 décembre 1990 et entrée en vigueur le 1er juillet 2003.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/92


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la gestion de l'entrée gérée dans l'Union européenne de personnes ayant besoin d'une protection internationale et sur le renforcement des capacités de protection des régions d'origine — “Améliorer l'accès à des solutions durables”»

(COM(2004) 410 final)

(2005/C 157/16)

La Commission, le 25 août 2004 conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 25 novembre 2004 (rapporteuse: Mme LE NOUAIL-MARLIÈRE).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 139 voix pour, 1 voix contre et 9 abstentions.

1.   Contenu du document de la Commission

1.1

La présente communication constitue la réponse de la Commission au point 26 des conclusions du Conseil européen de Thessalonique des 19 et 20 juin 2003, qui invite la Commission «à explorer tous les paramètres permettant d'assurer que l'entrée dans l'UE des personnes qui ont besoin d'une protection internationale se fasse d'une manière plus ordonnée et mieux gérée, et à examiner comment les régions d'origine pourraient mieux assurer la protection de ces personnes.»

1.2

Elle est subdivisée en quatre chapitres, dont le premier est consacré à «explorer tous les paramètres permettant d'assurer que l'entrée dans l'UE des personnes qui ont besoin d'une protection internationale se fasse d'une manière plus ordonnée et mieux gérée».

1.3

La réinstallation consiste à transférer sur le territoire de l'Union ou de celui de pays tiers (Canada, États Unis, Australie, …) des réfugiés venant d'un premier pays d'accueil ou d'un pays de transit, et constitue, par définition, une entrée ordonnée et gérée dans l'UE. Elle pourrait jouer un rôle, dans la politique d'asile commune de l'UE. Dès lors, la Commission considère qu'il existe de bonnes raisons d'opter pour une approche à l'échelle de l'Union dans ce domaine et de mettre en place un programme de réinstallation au niveau de l'UE.

1.4

Le chapitre II examine comment les régions d'origine pourraient mieux assurer la protection des personnes ayant besoin d'une protection internationale, et comment l'UE pourrait les aider dans cette tâche.

1.5

Les mesures destinées à renforcer les capacités de protection doivent s'inscrire dans une approche coordonnée et systématique de la question. Dans ce contexte, il est indispensable de s'efforcer de concevoir un système de référence en matière de protection effective vers lequel devraient tendre les pays d'accueil, avec l'aide et le partenariat de l'UE. À cette fin, l'UE devrait tout d'abord analyser les mesures qu'elle-même préconise pour garantir la protection à ceux qui en ont besoin et qui mettent l'accent sur la protection contre les persécutions et le refoulement, l'accès à une procédure légale et la possibilité de vivre avec des moyens suffisants pour subvenir à ses besoins.

1.6

Les composantes de la protection qui sont indiquées ci-après pourraient, d'une part, être considérées comme des indicateurs appropriés pour apprécier les capacités de protection d'un pays d'accueil et pour déterminer si le système de protection mis en place est durable, et, d'autre part, servir d'orientations pour définir un système de référence sur le renforcement des capacités:

Adhésion aux instruments sur la protection des réfugiés, y compris les instruments régionaux, ainsi qu'aux autres traités sur les droits de l'homme et le droit humanitaire international, respect de ces instruments et levée des réserves;

Cadres juridiques nationaux: adoption/modification de la législation sur les réfugiés et l'asile;

Enregistrement des demandeurs d'asile et des réfugiés et constatation écrite et détaillée de leur demande;

Admission et accueil des demandeurs d'asile;

Soutien en faveur de l'autosuffisance et de l'intégration locale.

1.7

Le chapitre III examine comment parvenir à une approche intégrée, globale, équilibrée, souple et adaptée aux différentes questions d'immigration et asile.

1.8

Pour ce faire, la Commission proposerait des programmes pluriannuels de protection régionaux de l'UE, avec une liste et un calendrier des actions et projets à mener en matière d'asile et de migrations, ces programmes étant élaborés en partenariat avec les pays tiers de la région considérée. Ces programmes seraient établis conjointement avec les documents de stratégie par région et par pays, qui constituent le cadre global des relations de la Communauté avec les pays en développement, et selon les mêmes cycles

1.9

Les programmes de protection régionaux de l'UE correspondraient à un «panier» de mesures, déjà existantes pour certaines, en cours d'élaboration ou en attente de proposition pour d'autres: mesures destinées à renforcer les capacités de protection, système d'enregistrement, programme de réinstallation au niveau de l'UE, aide à l'amélioration des infrastructures locales, aide à l'intégration locale des personnes ayant besoin d'une protection internationale dans le pays tiers, coopération en matière d'immigration légale, action sur la gestion des flux migratoires, retour.

1.10

Enfin, le chapitre IV énonce les conclusions de la présente communication et présente la meilleure voie à suivre, sur laquelle il demande l'appui du Conseil, du Conseil européen et du Parlement.

2.   Observations générales

2.1

Le Comité approuve l'intention de la Commission appuyée sur les recommandations du UNHCR, mais trouve insuffisantes dans la communication de la Commission, les garanties du niveau de protection internationale acquis depuis 1951. Il est malheureusement toujours nécessaire de garantir ce niveau ou de l'élever car le contexte international comporte encore des situations de discrimination sur fond de haine pouvant aller jusqu'au conflit armé, discrimination affectant des groupes sociaux de populations civiles ou des individus appartenant à des groupes sociaux et de persécution d'individus ou de groupes par des États ou par des agents non étatiques (groupes ou individus). De ce point de vue, le Comité encourage les travaux menés au sein de la «Convention +» du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés visant à améliorer et adapter le statut de réfugié et la Convention de Genève.

2.2

La proposition de programmes de réinstallation, devrait davantage souligner que l'objectif premier de la réinstallation comme solution durable est de rétablir le plus rapidement possible les personnes bénéficiant du statut de réfugié ou de protection internationale au sens de la directive sur les conditions requises pour la reconnaissance du statut (1), dans des conditions de vie normales et dignes au sens de la Convention de Genève et du guide des procédures du HCR.

2.3

Le Comité souligne qu'un statut légal doit être convenu entre les États membres pour reconnaître et appuyer les programmes de réinstallation qui existent déjà dans certains États membres, et viser à l'adoption de normes communes pour étendre ces programmes aux États membres de l'UE et parties à la Convention de Genève.

2.4

Ces programmes seraient une réponse aux besoins des personnes nécessitant une réelle protection internationale au sens de la Convention de 1951, et empêcher le «recours abusif» d'amoindrir le statut de réfugié et son niveau de protection. Le Comité partage cette préoccupation, mais néanmoins rappelle que:

les obligations internationales des États membres de l'Union européenne qui sont parties à la Convention de 1951 demeurent, alors même que certains États ne se donnent plus même la peine e recevoir ou d'examiner la demande, procédant au refus d'admission sans examiner si le retour peut mettre la vie de la personne en danger.

Les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans certains États membres se transforment en conditions de «rétention» pour les demandeurs d'asile — dont les demandes sont reçues mais pas encore examinées — et ont fait l'objet de rapports des services sociaux publics qui révèlent des faits traumatisants pour les demandeurs d'asile eux mêmes et pour la société civile. Celle-ci se forge dès lors une opinion désastreuse de la question de l'asile en général.

Une amélioration notable devrait faire partie des objectifs présentés dans la Communication notamment en ce qui concerne la liberté de circulation, l'assistance financière, l'assistance par les associations spécialisées dans l'aide aux réfugiés et les programmes favorisant l'intégration.

Les conditions de présence des ONGs et associations d'aide aux réfugiés dans les centres d'accueil devraient être améliorées, en contractant des accords de partenariats avec les autorités du pays d'accueil, ou en clarifiant leurs droits à tout le moins.

2.5

L'amalgame fait entre les demandeurs de protection internationale et la lutte contre l'immigration illégale, en insinuant que toute demande d'asile est un abus de droit et serait infondée et que la protection du statut des réfugiés passe par le renforcement de mesures coercitives globales, n'améliore ni ne clarifie la perception de l'opinion publique quant à ses obligations.

2.6

Comme le préconisent les rapports du Parlement européen (2), les avis du CESE (3) et les recommandations des organisations internationales (4), les programmes ne devraient pas se substituer au respect par les États membres des procédures et examen des demandes individuelles.

2.7

Le Comité rappelle que les personnes qui tentent et arrivent à traverser les frontières de l'UE dans l'espoir d'y demander asile ne sont qu'une partie mineure (plutôt autour du centième) des personnes en droit de demander asile. Il faut pour quantifier correctement les engagements et obligations de l'UE, se référer au rapport UNHCR 2003 qui rapporte le nombre de personnes et les populations concernées par le HCR ou pour lesquelles le HCR est concerné.

3.   Observations particulières

3.1

Au vu du bilan d'évaluation que tirent les ONGs européennes et les institutions, en ce compris le Parlement européen, le Comité craint que la marge laissée aux États membres, pour déterminer les critères d'accès aux programmes de réinstallation, n'entraîne peu à peu un abaissement de la protection garantie par les normes de la Convention de Genève de 1951 et le Protocole de New York de 1967.

3.2

La reconnaissance par les services du HCR «Prima Facie» des réfugiés en demande de protection internationale dans les pays de premier accueil dans les régions d'origine, ne constitue pas une reconnaissance du statut de réfugié au titre de la Convention de Genève mais permet au HCR de proposer une liste de personnes fondées à bénéficier d'un programme de réinstallation. Il appartiendra aux autorités du pays de premier accueil, de transit ou de réinstallation de reconnaître un statut de réfugié au titre conventionnel ou de protection subsidiaire. Les bénéficiaires de programme de réinstallation devront avoir été reconnus dans un des statuts de protection internationale.

3.3

Le Comité réaffirme la nécessité d'examiner individuellement les demandes indépendamment de l'éligibilité aux programmes de réinstallation (avec un droit de recours juridique suspensif de mesures de refoulement) et craint qu'en l'absence de prise en charge claire et de partage clair des responsabilités, ne se crée une zone indéfinie de renvoi des responsabilités malgré la Convention Dublin 2 à laquelle les pays d'accueil ou de transit des régions d'origine ne sont pas liés. De plus le conditionnement de la reconnaissance d'un statut de protection internationale à l'éligibilité à un programme de réinstallation pourrait conduire les États membres, parties aux programmes de réinstallation, à restreindre le nombre de réfugiés conventionnels reconnus ou celui de bénéficiaires d'une protection subsidiaire.

3.4

Le Comité soutient la proposition de la Commission comme contribution de l'UE à la protection effective des réfugiés reconnus au statut de réfugié si les garanties juridiques de procédures et de respect des droits individuels des demandeurs d'asile au sens des Conventions internationales, notamment Convention de Genève et de New York, s'appliquent et si les réfugiés qui n'entreraient pas dans les critères de sélection rendant éligible aux programmes de réinstallation ne voient pas leurs droits d'examen et de reconnaissance diminuer. Le Comité ne serait par contre pas favorable si le renforcement des capacités des pays de premier accueil ou de transit dans les régions d'origine se traduisait par un désengagement des États membres de l'Union européenne à reconnaître la protection statutaire et juridique de réfugié ou de bénéficiaire d'une protection subsidiaire.

3.5

Le Comité recommande que les procédures harmonisées adoptées par le Conseil du 29 avril 2004 soient mises en œuvre et révisées et que l'objectif de la présente Communication ne soit pas de glisser vers l'examen des demandes dans les régions d'origine. Le Comité recommande au contraire que les normes minimales adoptées encouragent les États membres à appliquer des garanties pouvant aller au-delà des normes préconisées.

3.6

Il reste beaucoup de régions susceptibles de devenir zones sources, à cause de discriminations, de non respect des droits de l'homme, de persécutions de militant(e)s des droits de l'homme, de catastrophes naturelles, ou liées, famines, spéculation, changements climatiques, causes cumulées. Ainsi, le Comité s'interroge si les pays limitrophes de pays d'origine de demandeurs d'asile sont toujours les mieux placés pour accueillir, reconnaître et sélectionner tous les réfugiés éligibles aux programmes de réinstallation. Le Comité s'interroge aussi sérieusement sur les capacités des représentations de l'UE dans les pays tiers de le faire sans l'assistance et l'intervention de la société civile organisée. Le Comité recommande que les procédures harmonisées adoptées par le Conseil du 24 avril 2004 soient mises en œuvre et révisées avant de passer à l'étape ultérieure consistant à décentraliser l'examen des demandes dans les régions d'origine.

3.7

Le Comité redoute que l'assistance par les associations et les ONGs européennes, internationales ou locales déjà difficile, devienne impossible du fait de l'éloignement, du surcoût induit, de la multiplication d'interlocuteurs représentant les pouvoirs publics ou de relations tendues ou encore de manque de moyens existant dans certains pays pour ce qui concerne les associations locales.

3.8

Malgré les besoins de soulager les pays de premier accueil ou de transit dans les régions d'origine et d'amplifier la contribution à redonner des conditions de vie normale et digne aux réfugiés, l'éventuelle coopération avec les pays de premier accueil ou de transit concernant les programmes de réinstallation ne devrait en aucun cas se substituer au droit individuel de demander asile sur le territoire de l'UE, ni aux obligations des États parties à la Convention de Genève saisis d'une demande d'asile individuelle.

3.9

Le Comité rappelle que le traitement «politique» doit se poursuivre avec les pays d'origine en particulier par l'appel et l'aide au respect des droits de l'Homme, les pays pouvant être selon les cas, pays d'origine, d'accueil ou de transit selon la situation individuelle des personnes, et par le partage des obligations entre les États de toutes régions.

3.10

Des afflux massifs sont encore possibles. La Directive sur l'accueil en cas d'afflux massif (5) ne s'applique qu'en cas d'afflux massif sur le territoire de l'UE, et le Comité regrette que la Communication ne concerne pas l'assistance qu'elle entend préconiser ou la possibilité d'utiliser des programmes de réinstallation dans cette situation.

4.   Conclusions

4.1

L'ouverture de voies légales d'immigration doit répondre aux besoins d'émigration et d'immigration, tandis que les voies d'asile doivent rester dédiées à l'asile et prendre en compte de façon absolue les besoins de protection et de rétablissement dans une vie normale et digne des réfugiés, indépendamment des moyens de coopération et d'aide aux pays tiers sur le plan économique, social, ou environnemental durable de l'Union européenne qui viennent en complément et non à la place de la protection internationale individuelle. L'amalgame ne doit pas être fait et, même si des effets peuvent avoir des causes proches, le lien de causalité n'est pas systématique entre les régions faiblement ou mal intégrées dans l'économie mondiale et le non respect des droits de l'homme.

4.2

De quelque côté qu'on se tourne, les jugements sur le développement d'une politique commune d'asile sont sévères, ONGs, syndicats de niveau national comme international s'alarment de plus en plus des promesses non tenues par l'UE. C'est dans ce contexte qu'intervient la Commission pour développer une Communication sur l'élaboration et la mise en œuvre de «solutions durables».

4.3

Le Comité estime que la Commission et le Conseil ne peuvent ignorer l'alarme qui est donnée d'une situation dans laquelle les engagements de Tampere ont donné suite à des directives ou des mesures réglementaires qui ont privilégié une approche sur une autre. Le Comité insiste sur le fait que l'opinion publique européenne est faite de courants pluriels, qu'elle est non homogène et non monolithique, ce qui est caractéristique d'une société ouverte se réclamant de la démocratie et du droit. Dès lors, la Commission dans son approche et le Conseil dans ses décisions devraient interpréter les engagements pris à Tampere de créer un espace de liberté et de justice davantage dans un sens de droits des citoyens et des personnes au sens de la Charte des Droits fondamentaux et d'obligations qui en découlent pour les États.

4.4

L'interprétation sécuritaire qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001 montre sa limite, tant dans les résultats des diverses élections nationales qu'européennes, en ce inclus le taux d'abstention constamment croissant, que dans les divers conflits armés transformés en guerres civiles chroniques, ou encore dans le non respect des droits humains universels.

4.5

Depuis dix ans l'UE a accueilli et reconnu un nombre inégal de réfugiés selon les États membres, mais les besoins réels montrent que, quelle que soit la part de l'UE dans l'accueil international, les programmes d'appui dans les régions d'origine (Afrique et Caswaname par exemple) comme les programmes de réinstallation dans l'UE elle-même pourraient contribuer à améliorer la situation des réfugiés ou des demandeurs d'asile en droit de bénéficier d'une protection internationale.

4.6

Le Comité appuie la proposition de communication sous réserve des clarifications demandées suivantes:

meilleur traitement des demandes d'asile sur le territoire de l'ensemble des États membres, et arrêt des refus d'admission sans examen des demandes vers les pays ou régions d'origine en violation du principe de non refoulement, par la transposition et la mise en œuvre rapide par les États membres des directives «Procédures» et «Qualifications» en utilisant la possibilité d'user de normes plus élevées que les normes minimales;

que les conditions de présence des ONGs et associations d'aide aux réfugiés dans les centres d'accueil soient améliorées, en contractant des accords de partenariats avec les autorités du pays d'accueil, ou en clarifiant leurs droits à tout le moins.

réexamen du principe de qualification donnée à certains États d'origine ou de transit «d'États tiers» sûrs qui privent les demandeurs d'asile de possibilité d'examen de leur situation individuelle et de leurs droits découlant;

clarification que le statut conventionnel de Genève prime en procédure comme en droit sur la protection subsidiaire (6);

clarification que les bénéficiaires des programmes de ré-installation soient reconnus au statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et au statut de réfugié ou de bénéficiaire d'une protection subsidiaire au sens de la Directive «Qualifications», qui permette le respect en toutes circonstances de leurs droits fondamentaux et que ne soit pas instauré de facto une population de «undecided cases» sans droits précis dans les pays de ré-installation, communautaires européens ou tiers .

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir directive 2004/83/CE qui a été adoptée par le Conseil le 29.4.2004.

(2)  Voir le rapport du Parlement européen A5-0304/2001 (rapporteur: R. J. E. EVANS) sur la communication de la Commission «Vers une procédure d'asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l'Union, pour les personnes qui se voient accorder l'asile» (COM(2000)755 final) et le rapport A5-0291/2001 (rapporteur: R. G. WATSON) sur la directive sur les normes minimales concernant les procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié. Rapport du Parlement européen A5-0144/2004 (Rapporteur: Luis MARINHO) sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen: Vers des régimes d'asile plus accessibles, équitables et organisés (COM(2003)315 final).

(3)  Voir l'avis du CESE sur la communication de la Commission «Vers une procédure d'asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l'Union, pour les personnes qui se voient accorder l'asile» (COM(2000)755 final) dans le JO C 260 du 17/09/2001 (rapporteurs: M. MENGOZZI et M. PARIZA CASTAÑOS) et avis CESE sur la directive sur les normes minimales concernant les procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans le JO C 193 du 10/07/2001 (rapporteur: M. MELICÍAS).

(4)  Notamment le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (ECRE) et Caritas Europe.

(5)  Directive 2001/55/CE.

(6)  Voir la communication de la Commission COM(2004) 503 final et l'avis du Comité sur celle-ci (SOC/185).


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/96


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur “Un régime d'asile européen commun plus efficace: La procédure unique comme prochaine étape”»

(COM(2004) 503 final — SEC(2004) 937)

(2005/C 157/17)

La Commission, le 15 octobre 2004, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 25 novembre 2004 (Rapporteur: Mme LE NOUAIL-MARLIÈRE).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 133 voix pour, 0 voix contre et 10 abstentions.

1.   Synthèse de la communication de la Commission

1.1

La communication proposée à l'examen du CESE préconise d'améliorer et d'accélérer les procédures de reconnaissance du statut de réfugié et de bénéficiaire d'une protection internationale.

1.2

Elle examine quels seraient les avantages d'une procédure unique d'asile plus rapide et plus efficace, d'une simplification des procédures pour les demandeurs; elle apparaît soucieuse d'une meilleure perception par l'opinion publique du traitement des demandes d'asile et de leur retour éventuel.

1.3

La Commission défend ensuite la valeur ajoutée d'une telle mise en place par le renforcement de la coopération et une méthodologie commune pour les États membres, qui seraient axées sur deux volets successifs interdépendants: une première phase dite préparatoire et des mesures législatives communautaires.

1.4

La phase préparatoire consisterait en une période de consultation et de débats entre les États membres au sujet des mesures à prendre pour unifier les procédures de reconnaissance des deux types de statut prévus par la directive relative aux conditions requises (1).

1.5

Cette phase préparatoire commencerait en janvier 2005 et se déroulera en même temps que la mise en œuvre de la législation relevant du «premier volet du régime d'asile européen commun» déjà adoptée (2).

1.6

La Commission présentera ici la fin de l'année 2004 son plan d'action «guichet unique».

1.7

La phase préparatoire préconisée a quatre objectifs:

Orienter et éclairer le débat sur les mesures à prendre par l'UE en vue d'adopter une procédure unique;

Mesurer les changements à apporter;

Initier ces changements en adoptant des pratiques opérationnelles avant l'action législative ou parallèlement à celle-ci;

Enfin et aussi, la phase préparatoire servira de plate-forme de consultation.

1.8

Les mesures législatives communautaires constituent la deuxième phase pour rendre unique la procédure d'examen des demandes de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951 et du Protocole de New York de 1967 et de la protection subsidiaire entendue au sens de la directive qualification et conditions requises (3).

1.9

La communication de la Commission indique les modalités envisagées de l'approche législative: niveau d'ambition, calendrier de mise en place des mesures, champ d'application, recours, sauvegarde de l'intégrité de la Convention de Genève, maintien de la qualité des décisions, modalités des retours et interaction avec d'autres instruments.

1.10

Pour résumer, la procédure unique mise à l'examen en une seule procédure d'une demande d'asile et de protection internationale quel que soit le statut que pourrait se voir reconnu le demandeur:

réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951 et du Protocole de New York de 1967;

bénéficiaire de la protection subsidiaire au sens de la directive 2004/83/CE adoptée par le Conseil du 29.04.04 (4).

2.   Observations générales

2.1

Le Comité soutient le niveau d'ambition affiché par la Commission et rejoint le souci de la Commission qu'une procédure unique devrait préserver l'intégrité de la Convention de Genève de 1951. A cette fin, conformément aux dispositions de la directive «Qualifications», l'examen des droits des réfugiés devrait se faire sur la base des procédures de la Convention de 1951 en premier lieu, et l'examen d'une protection subsidiaire devrait se faire en deuxième lieu si les conditions requises au premier statut conventionnel ne sont pas remplies.

2.2

Le Comité recommande que cette priorité soit explicite quel que soit l'avenir donné à la mise en place d'une procédure unique.

2.3

Le Comité recommande que toute décision négative suivant une demande de protection internationale, et particulièrement le rejet de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève 1951 soit motivée même lorsque la protection subsidiaire est reconnue. Pour le Comité ces garanties sont indispensables pour préserver l'intégrité de la Convention de Genève 1951 que souligne la Commission.

2.4

Concernant les besoins de protection subsidiaire, le Comité pourrait reconnaître que les demandeurs d'asile ne peuvent évaluer ce que sont les statuts conventionnels ou subsidiaires, et sont soumis à des difficultés accrues dans les pays où ils ont à réintroduire une demande sur des bases différentes après que le statut conventionnel de Genève de 1951 leur soit refusé, ce qui entraîne incompréhension, découragement et délais insupportables.

2.5

Le Comité appelle la Commission à tenir compte dans sa Communication et dans le démarrage des phases préparatoires et législatives du principe de non-refoulement (art. 33 de la Convention de Genève) et de la nécessite de rendre effectif un droit de recours juridique suspensif de décisions négatives. Un éventuel examen d'office (administratif) des motifs de protection subsidiaire devrait se faire après examen des conditions de reconnaissance du statut de réfugié prévue par la Convention de Genève et ouvrir au même droit de recours juridique suspensif de mesures d'éloignements conformément aux Conventions internationales et européennes des droits de l'homme.

2.6

À cet effet les ONGs et le HCR ne devraient pas être écartés des commissions administratives de recours lorsqu'elle existent, et lors qu'elle n'existent pas, avoir accès librement aux demandeurs et à leurs dossiers introduits afin de facilité l'accès et l'usage de ce droit de recours devant une juridiction.

2.7

Le Comite invite la Commission lors des modifications apportées à la Directive «Procédures» adoptée par le Conseil du 19.11.04 et qui doit être re-soumise au PE à en étendre le champ d'application en incluant la protection subsidiaire au sens de la Directive «Qualifications», et à revoir la qualification donnée à des États tiers d'origine ou de transit «d'États tiers sûrs», qui privent les demandeurs d'asile de possibilité d'examen de leur situation individuelle et de leurs droits découlant.

2.8

Le Comité préconise que les défauts et problèmes que peuvent présenter les procédures actuelles de reconnaissance du statut de réfugié soient examinés au cours de la phase préparatoire.

2.9

Concernant les accords bilatéraux de réadmission, afin de permettre à tous les États membres de respecter leurs obligations internationales et les directives européennes (5), le Conseil devrait se donner la possibilité dans la phase préparatoire de créer un système harmonisé de solidarité (ex.: programme de réinstallation et «partage des charges») entre les États membres.

2.10

Le Comité invite également la Commission à revoir la procédure dite accélérée qui prive les demandeurs d'asile de la qualité d'un examen approfondi de leur situation individuelle et de leurs droits y afférent, en particulier de l'effet suspensif d'un recours, ce qui les expose au renvoi dans leur pays d'origine avant que le recours soit examiné par un tribunal compétent.

2.11

S'agissant des possibilités et raisons de renvoi dans le pays d'origine, le Comité invite la Commission à prendre en compte qu'il n'est pas possible, dans certains cas, à cause d'obstacles non liés au statut de réfugié ou pour des motifs humanitaires (comme une maladie).

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir directive 2004/83/CE sur les normes minimales sur le contenu du statut de réfugié, adoptée par le Conseil le 29/04/2004 et avis du CESE relatif dans le JO C 221 du 17/9/2002 (rapporteur: Mme LE NOUAIL).

(2)  Voir décision 2000/596/CE sur le Fond européen des réfugiés et avis relatif dans le JO C 168 du 16.6.2000 (rapporteur: Mme zu EULENBURG); la directive 2001/55/CE sur la protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et l'avis du CESE dans le JO C 155 du 29/05/2001 (rapporteur: Mme CASSINA); la directive sur les normes minimales concernant les procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié, sur lequel le Conseil a trouvé un accord le 19/11/2004 et l'avis du CESE dans le JO C 193 du 10/07/2001 (rapporteur: M. MELICÍAS); la directive 2003/9/CE sur les normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile et l'avis du CESE dans le JO C 48 du 21/02/2001 (rapporteurs: M. MENGOZZI et M. PARIZA CASTAÑOS); le règlement 343/2003 sur les critères et mécanismes de l'examen des demandes d'asile (Dublin II) et l'avis du CESE dans le JO C 125 du 27/05/2002 (rapporteur: M. SHARMA); la directive 2004/83/CE sur les normes minimales relatives aux conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, ou de personne qui a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, adoptée par le Conseil le 29/04/2004 et l'avis du CESE dans le JO C 221 du 17/9/2002 (Rapporteur: Mme LE NOUAIL); la décision sur le Fond européen des réfugiés pour la période 2005-2010, sur laquelle le Conseil a trouvé un accord politique le 8/06/2004 et l'avis du JO C 241 (28.9.2004).

(3)  Voir directive 2004/83/CE sur les normes minimales relatives aux conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, ou de personne qui a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, adoptée par le Conseil le 29/04/2004 et avis du CESE relatif dans le JO C 221 du 17/9/2002 (rapporteur: Mme LE NOUAIL).

(4)  Voir directive 2004/83/CE sur les normes minimales relatives aux conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, ou de personne qui a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, adoptée par le Conseil le 29/04/2004.

(5)  Voir point 3.13.1 de l'avis du CESE sur la communication de la Commission «Étude sur les liens entre immigration légale et immigration clandestine» (COM(2004) 412 fin), adopté le 15/16 décembre 2004 (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS).


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/99


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès à l'aide extérieure de la Communauté»

COM(2004) 313 final — 2004/0099 COD

(2005/C 157/18)

Le 15 août 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 9 novembre 2004 (rapporteur: M. ZUFIAUR NARVAIZA).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 145 voix pour et 5 abstentions.

1.   Introduction

1.1

La recherche d'une meilleure efficacité de l'aide au développement, en réduisant les coûts de transaction, a poussé la communauté des donateurs à fournir un effort constant d'adaptation qui s'est reflété dans les positions du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (CAD de l'OCDE), organe qui regroupe les donateurs et entend harmoniser leurs politiques.

1.2

Sur la base d'une expérience vieille de plusieurs décennies, chacun reconnaît clairement que la pratique consistant à lier directement ou indirectement l'aide à l'acquisition de biens ou de services du donateur non seulement est incompatible avec les objectifs poursuivis par l'aide au développement mais réduit son efficacité. Le fait que l'achat de biens et de services doit avoir lieu auprès des entreprises publiques ou privées du pays donateur, en l'absence de toute concurrence, engendre un coût supplémentaire et favorise en outre la corruption. Ce type de pratiques engendre toute une série de distorsions sur le marché intérieur et va à l'encontre des normes de l'UE applicables en matière de concurrence, qui se fondent sur les principes d'égalité de traitement et de non-discrimination.

1.3

C'est pourquoi cette réflexion a été au cœur des préoccupations des pays donateurs ces dernières années et a trouvé sa concrétisation en mars 2001 quand le Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (CAD de l'OCDE) a adopté une «Recommandation sur le déliement de l'aide publique au développement aux pays les moins avancés», qui constitue depuis lors une référence obligée en la matière. La logique qui sous-tend la recommandation du CAD vise à réduire les coûts de transaction de l'aide de 15 à 30 %. Selon les chiffres de la Banque mondiale, le déliement total de l'aide pourrait permettre de réduire les coûts de transaction de 25 %.

1.4

Dans le domaine communautaire, cette approche s'est vu concrétisée en mars 2002 lors du Conseil «Affaires générales», qui s'est tenu parallèlement au Conseil européen de Barcelone, en préparation à la conférence internationale sur le financement du développement, organisée à Monterrey. Le Conseil «Affaires générale»s a déclaré que l'UE avait décidé d'appliquer la recommandation du CAD sur le déliement de l'aide pour les pays les moins avancés tout en maintenant le système existant des prix préférentiels du cadre UE-AC. Le Conseil et ultérieurement le Parlement (Rapport sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulée «Le déliement: renforcer l'efficacité de l'aide» COM(2002) 639 — 2002/2284 (INI)) A5-0190/2003) ont pris position en faveur du déliement sur la base de trois critères à observer: intégration régionale et interrégionale, développement des institutions et des capacités des pays bénéficiaires et suppression des distorsions de concurrence entre pays donateurs et pays bénéficiaires. S'y ajoute le principe de réciprocité et de coopération avec des organisations internationales.

1.5

Cette prise de position a été développée dans des communications ultérieures des organes communautaires, citées dans la proposition de règlement à l'examen. Il reste à établir et à concrétiser davantage les conditions d'accès aux divers instruments d'aide extérieure de la Communauté et c'est ce qu'entend faire la présente proposition.

1.6

Étant donné la nature juridique encore bien distincte des instruments au titre du Fonds européen de développement (FED) et de ceux au titre du budget communautaire, il paraît logique d'établir deux processus parallèles. La récente communication de la Commission intitulé «Construire notre avenir commun — Défis politiques et moyens budgétaires de l'Union élargie 2007-2013» (1) met en place le cadre dans lequel la présente proposition de règlement vient s'insérer. Il ne faut cependant pas oublier que le processus de budgétisation du FED aura des conséquences à l'avenir si celui-ci est intégré dans le budget communautaire. Mais en tout état de cause, la présente proposition de règlement ne s'applique que dans le cadre des instruments qui font partie du budget communautaire. Une fois que le FED aura été inclus dans le budget communautaire, il sera lui-aussi soumis au règlement examiné dans le présent avis (2).

1.7

La proposition de règlement sur l'accès à l'aide extérieure de la Communauté paraît donc pertinente et trouver sa justification, tant pour les motifs précédemment exprimés sur les engagements des institutions communautaires qu'en vertu des critères de subsidiarité et de proportionnalité auxquels il est fait référence dans l'exposé des motifs de la proposition de règlement.

2.   Observations relatives aux différents articles

Article premier — Champ d'application

2.1

Le CESE n'émet aucune objection à cet égard et estime que le champ d'application du règlement est correct, étant entendu que certains instruments comme l'aide budgétaire sortent clairement de ce champ d'application. La liste proposée à l'annexe I paraît appropriée.

Article 2 — Définition

2.2

Le CESE partage le point de vue exprimé dans le règlement sur le fait que celui-ci doit être interprété sur la base des termes du règlement financier et des autres instruments applicables au budget général des Communautés européennes.

Article 3 — Règles d'éligibilité

2.3

Il paraît logique d'établir des catégories distinctes en fonction des divers instruments. Il paraît également judicieux d'avoir des instruments géographiques spécifiques, qui ont notamment pour objet de renforcer la capacité et l'intégration régionales. Étant donné la tradition qui a prévalu pendant des dizaines d'années en matière d'aides conditionnelles, avec les inerties qui en ont découlé, le CESE aimerait insister sur la nécessité d'encourager la participation des personnes physiques et morales des pays en développement ou en transition qui figurent sur les listes du CAD de l'OCDE. L'application du principe de déliement et d'ouverture des marchés publics doit se révéler bénéfique pour les pays percevant l'aide communautaire.

Article 4 — Règles d'origine

2.4

Le CESE est favorable, pour rester cohérent avec l'article précédent, à toute clarification en relation avec les fournitures acquises et les règles d'origine. Le CESE aimerait insister sur la nécessité de se montrer très exigeant sur le respect des normes et de l'ensemble de la réglementation sur le travail, l'environnement et les droits humains qui a été adoptée au niveau international, et il s'est d'ailleurs déjà exprimé en ce sens par le passé (3). Le déliement de l'aide et l'ouverture des marchés devront être compatibles avec le respect de normes élevées en matière de protection sociale et environnementale.

Article 5 — Réciprocité avec des pays tiers

2.5

Le CESE est fermement convaincu du bien-fondé de l'approche choisie dans cet article, à savoir la valorisation non seulement de la réciprocité officielle mais aussi de la réciprocité réelle. Cette prudence élémentaire est dictée par l'expérience en la matière et recommande que la réciprocité soit octroyée en fonction de critères de transparence, de cohérence et de proportionnalité. L'utilisation de l'expression «dans toute la mesure du possible» en référence aux pays bénéficiaires au 5ème paragraphe enlève tout son poids à celui-ci. Le CESE propose de faire référence au principe de partenariat, pilier fondamental de la politique communautaire d'aide au développement ainsi que du CAD, afin de susciter davantage d'intérêt dans la participation des pays bénéficiaires.

Article 6 — Dérogations aux règles d'éligibilité et d'origine

2.6

Pour le CESE, il paraît logique de prévoir des dérogations dans un règlement de ce genre afin d'obtenir la flexibilité nécessaire à sa mise en œuvre. Les cas d'urgence ou d'indisponibilité de produits et de services sur les marchés des pays concernés que cite le règlement paraissent appropriés dans des cas dûment justifiés.

Article 7 — Opérations impliquant des institutions internationales ou des pays tiers

2.7

Il convient de faire expressément référence au fait qu'une grande partie de l'aide transite par des mécanismes multilatéraux ou autres et qu'un grand nombre d'actions sont cofinancées, référence qui en paraît d'autant plus appropriée. Il faut veiller, notamment dans ces cas, au respect du principe d'égalité entre donateurs et au principe de réciprocité.

Article 8 — Aide humanitaire

2.8

La nature particulière de l'aide humanitaire, qui se justifie de plus en plus sur la scène internationale, réside en ce que le règlement 1257/96 avait déjà reconnu certaines dérogations aux autres règles communautaires, et le nouveau contrat-cadre de partenariat que l'Office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO) souscrit avec les entités financées conserve la même logique. Cette approche se justifie par un souci de rapidité et d'efficacité de la réponse en cas de crises; il paraît de même judicieux que le présent règlement s'applique dans les cas où une procédure de marchés publics s'impose.

Article 9 — Mécanisme de Réaction Rapide

2.9

Il est logique, comme déjà indiqué précédemment, que ce type de mécanisme prévoie des procédures et des critères de dérogation. La modification concerne l'article 6(4)(b).

Article 10 — Mise en œuvre du règlement

2.10

Conformément à ses objectifs, le règlement modifie certaines parties des règlements précédents figurant à l'annexe. Le fait de préciser les modifications apportées pour chacun se justifie par le grand développement de la réglementation dans les années 90 et la diversité des instruments ainsi créés. En revanche, le terme «régulièrement» ne paraît pas très approprié (4).

Article 11 — Entrée en vigueur

2.11

Le CESE n'a pas d'observation à faire sur cet article.

3.   Appréciation globale

3.1

La présente proposition de règlement relatif à l'accès à l'aide extérieure de la Communauté est conforme à la doctrine professée par les organismes donateurs et aux positions prises précédemment par les institutions communautaires et les États membres. Par conséquent, elle ne contient rien qui, de l'avis du CESE, pourrait aller à l'encontre ou avoir une influence négative sur la coopération au développement ou l'action extérieure de l'Union européenne. Bien au contraire, le CESE estime qu'elle contribue à l'amélioration de l'efficacité de la coopération communautaire et au respect de la fameuse «règle des trois C» de l'aide au développement: coordination, complémentarité et cohérence.

3.2

Néanmoins, le CESE souhaite insister sur certaines idées porteuses et certains éléments que le règlement pourrait intégrer avec plus de rigueur et de précision:

3.3

Il faut insister sur le rôle fondamental que les pays bénéficiaires de l'aide doivent jouer en tant qu'acteurs essentiels de leur développement. Le déliement de l'aide ne doit pas se révéler préjudiciable et en tout état de cause devra donner lieu à un partenariat accru avec ces pays, conformément à ce que recommandent les textes internationaux cités précédemment ainsi qu'aux prises de position des institutions communautaires elles-mêmes; sans préjudice de ce qui précède, il faut inviter les pays bénéficiaires à fixer et à appliquer des critères de transparence, d'égalité, de reconnaissance mutuelle et de proportionnalité lors de la passation de leurs marchés publics, ainsi que des pratiques de bonne gouvernance leur permettant de progresser aussi bien sur le plan politique que sur le plan économique et social.

3.4

Pour une mise en œuvre plus efficace du présent règlement, il conviendrait d'analyser de manière approfondie le cycle de l'aide communautaire en termes de coûts d'approvisionnement, de coûts réels de transport et de mobilisation des ressources entre autres afin de déterminer avec plus de rigueur les paralysies et les lacunes du système. Bien que dans son esprit et sa lettre, le règlement semble aller dans le sens de la simplification et de l'amélioration, le CESE craint qu'il n'aboutisse à créer de nouvelles normes rigides, qui augmenteront la bureaucratie et s'opposeront à un acheminement rapide de l'aide.

3.5

Le respect des normes internationales en matière socioprofessionnelle et environnementale doit être au cœur de l'ensemble du règlement et il convient de veiller à ce qu'aucune de ses dispositions ne favorise les instruments de «dumping» du travail ou de «dumping» social ou environnemental. Le respect du rôle essentiel des partenaires des pays bénéficiaires de l'aide communautaire et l'accent mis sur le principe de partenariat ne doivent pas faire oublier le respect d'autres normes du travail, écologiques ou sociales. L'article 4 de la présente proposition de règlement devrait y faire explicitement référence.

3.6

Le poids excessif des obligations liées à l'octroi d'aides est unanimement considéré comme l'une des limites du modèle de coopération au développement qui prévalait jusqu'ici, et qui a nuit à son efficacité, voire à sa crédibilité en accordant la priorité aux biens et services des «bienfaiteurs». Le déliement de l'aide n'est certainement pas une fin en soi mais il doit être compris comme un instrument, le moyen d'augmenter l'efficacité de l'aide à un coût moindre. En ce sens, une participation accrue des pays bénéficiaires est essentielle pour que ceux-ci deviennent les acteurs de leur propre développement, en encourageant la participation des organisations sociales, professionnelles et d'entreprises de tout genre dans le processus.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2004) 101 final du 10.2.2004.

(2)  Il est à l'heure actuelle difficile de dire quand le processus d'intégration du FED au budget communautaire pourra s'achever.

(3)  Cf. à cet égard l'avis du CESE sur «Les droits de l'homme au travail», rapporteurs: MM. PUTZHAMMER et GAFO FERNÁNDEZ, JO C 260 du 17.9.2001, pp. 79 à 85, ainsi que l'avis du CESE sur le «Système de préférences généralisées (SPG)», rapporteur: M. PEZZINI, JO C 112 du 30.4.2004.

(4)  NdT: la traduction française de «de vez en cuando» serait plutôt «de temps en temps» et non «régulièrement» comme l'indique la version française de la proposition de règlement. Il est à remarquer que les versions anglaise («from time to time») et allemande («ab und zu») correspondent à la version espagnole.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/102


Avis du Comité économique et social européen sur la «communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen: élaborer un modèle agricole durable pour l'Europe grâce à la nouvelle politique agricole commune (pac) — réforme du secteur du sucre»

COM(2004) 499 final

(2005/C 157/19)

Le 15 juillet 2004, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement» chargée de préparer les travaux en la matière a élaboré son avis le 16 novembre 2004 (rapporteur: M. BASTIAN, corapporteur: M. STRASSER).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 137 voix pour, 21 voix contre et 11 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Vingt et un pays de l'Union européenne produisent du sucre de betterave. Les départements d'outre-mer français et l'Espagne, dans une faible proportion, produisent du sucre de canne (280 000 tonnes). Au total, la production sucrière européenne fluctue selon les années entre 17 et 20 millions de tonnes pour une consommation européenne de sucre estimée à 16 millions de tonnes.

1.2

La betterave, qui intervient dans la rotation des cultures, est cultivée sur 2,2 millions d'hectares par 350 000 agriculteurs (un peu plus de 6 ha de betterave en moyenne par betteravier). La betterave est transformée dans environ 200 sucreries employant directement près de 60 000 salariés.

1.3

On compte également dans l'Union européenne une production de 500 000 tonnes d'isoglucose et de 250 000 tonnes de sirop d'inuline, ainsi qu'une industrie de raffinage de sucre brut de canne (dont la majeure partie — 1,5 millions de tonnes — est importée des pays ACP (1)).

1.4

Dans le secteur du sucre, de l'isoglucose et du sirop d'inuline, le régime des quotas de production résultant du règlement 1785/81 a été reconduit à plusieurs reprises. La dernière reconduction date de 2001. Elle porte sur les cinq campagnes 2001/2002 à 2005/2006. Ce règlement porte le numéro 1260/2001 et présente, par rapport au règlement précédent, quelques modifications importantes, comme la fixation des prix jusqu'au 30 juin 2006, l'abolition du régime de stockage, l'abolition du financement des frais de stockage du sucre reporté, une réduction des quotas de 115 000 tonnes et la prise en charge par les planteurs de betteraves et les fabricants de sucre de la totalité des restitutions à la production octroyées à l'industrie chimique.

1.5

La Commission a présenté le 14 juillet 2004 une communication sur la réforme du secteur du sucre visant à compléter son modèle d'agriculture européenne durable (COM(2004) 499 final).

1.6

La Commission, dans ce document, propose de modifier profondément le règlement sucrier, les prix et les quotas à partir du 1er juillet 2005 et envisage de faire, le cas échéant, de nouvelles propositions en matière de quotas et de prix en 2008. La Commission veut ainsi insérer le régime du sucre dans la logique de la réforme de la PAC, rendre le marché européen du sucre moins attractif aux importations, réduire sensiblement les exportations de sucre du quota avec restitution et supprimer les restitutions à la production pour les sucres vendus à l'industrie chimique.

1.7

La Commission propose la fusion des quotas A et B en un quota unique et la diminution des quotas de sucre de 1,3 million de tonnes puis de 500 000 tonnes supplémentaires par an au cours des trois campagnes suivantes (soit une baisse totale de 2,8 millions de tonnes ou de 16 %).

1.8

Parallèlement à cette baisse des quotas de sucre, la Commission propose l'augmentation des quotas d'isoglucose de 100 000 tonnes par an pendant trois ans (soit une hausse de 60 %) et le maintien des quotas d'inuline.

1.9

Afin d'assurer la restructuration du secteur du sucre qu'elle estime nécessaire, la Commission propose de rendre les quotas librement transférables au niveau européen. Elle prévoit également la possibilité de cofinancer avec les États membres l'octroi d'une aide de 250 € par tonne de quota sucre aux fabricants de sucre qui n'auraient pas réussi à céder leur quota et qui abandonneraient la production de sucre. Cette aide aurait pour but de faciliter le respect par les fabricants de sucre en cause de leurs obligations en matière sociale et de réhabilitation environnementale.

1.10

La Commission propose de remplacer par le stockage (2) privé et le report obligatoire de sucre du quota le régime d'intervention et le mécanisme de déclassement qui servent à garantir les prix par l'équilibre du marché et à respecter les engagements à l'OMC.

1.11

En matière de prix, la Commission propose de remplacer le prix d'intervention du sucre par un prix de référence servant au calcul du prix minimum à respecter pour les importations ACP et PMA (pays les moins avancés), ainsi que pour le déclenchement des mesures de stockage privé et de report des quantités excédentaires sur l'année suivante. Les prix de soutien institutionnels seraient réduits en deux étapes. Pour cela, la Commission propose un prix de référence de 506 € par tonne de sucre blanc en 2005/2006 et 2006/2007 et de 421 € par tonne en 2007/2008 contre un prix d'intervention actuel de 631,9 € par tonne et un prix de marché pondéré A+B qu'elle évalue à 655 €.

1.11.1

Parallèlement, le prix minimum pondéré de la betterave sucrière du quota A+B passerait de 43,6 € par tonne actuellement à 32,8 € par tonne en 2005/2006 et 2006/2007 (-25 %) et 27,4 € par tonne en 2007/2008 (-37 %). Le prix de base de la betterave est actuellement de 47,67 € par tonne. Le Comité est conscient que la baisse des prix sera plus importante dans certains des États membres eu égard aux proportions différentes des quotas A et B.

1.11.2

La perte de revenu résultant de la baisse du prix pondéré de la betterave du quota devrait, selon la Commission, être compensée à hauteur de 60 % par une aide directe au revenu, découplée de la production (conformément aux règles de la réforme de la PAC de 2003).

1.11.3

La Commission évalue le coût budgétaire des aides directes au revenu, découplées à 895 millions d'€ en 2005/2006 et 2006/2007 et à 1,340 milliard d'€ par an à partir de 2007/2008.

1.12

La Commission propose de supprimer le régime de restitution à la production pour l'industrie chimique et pharmaceutique (3) et de permettre à ces industries de s'approvisionner en sucre C, comme le secteur de l'alcool et de la levure.

1.13

En ce qui concerne les relations avec les fournisseurs de sucre préférentiel ACP, la Commission propose la poursuite du «protocole sucre» ACP caractérisé par des quotas d'importation mais avec une baisse du prix garanti parallèle à la baisse du prix de la betterave. Pour les aider à s'adapter aux nouvelles conditions, elle propose l'établissement d'un dialogue avec les ACP sur la base d'un plan d'action qui serait présenté avant fin 2004.

1.13.1

Elle propose de supprimer l'aide au raffinage de sucre ACP et DOM (départements d'outre-mer) et d'éliminer à terme la notion de «besoins maximaux d'approvisionnement».

1.14

Pour les pays les moins avancés (PMA), la Commission ne fait aucune proposition de gestion quantitative des importations. En matière de prix d'importation du sucre PMA, elle demande le respect du prix minimum ACP. Pour les Balkans, la Commission prévoit la négociation d'un quota d'importation. Au titre de l'initiative TSA («Tout sauf les armes»), le sucre en provenance de 49 pays parmi les moins avancés pourra, à partir de 2009, pénétrer sur le marché européen en exemption de droit et sans quotas.

2.   Remarques générales

2.1

Le Comité économique et social européen (CESE) note qu'en raison:

de l'initiative «Tout sauf les armes» de 2001 destinée aux pays les moins avancés (PMA) dont les conséquences pour le sucre n'ont pas été convenablement mesurées à l'époque par la Commission,

de la tendance générale à l'ouverture plus grande des marchés agricoles européens en raison des négociations à l'Organisation mondiale du commerce,

des menaces qui pèsent sur les exportations européennes de sucre du fait du groupe spécial (panel) «Sucre» de l'OMC et des négociations commerciales du cycle de Doha,

de la réforme de la politique agricole commune,

des modifications et adaptations de l'organisation commune de marché (OCM) du sucre sont devenues nécessaires. Il ne s'agit donc pas d'évaluer si une réforme est nécessaire, mais d'examiner quelle réforme est nécessaire, son étendue et sa date d'application.

2.2

La Commission se prononce pour une «réorganisation radicale du règlement sucre» et justifie sa proposition, en soulignant qu'il est reproché au régime actuel «de ne pas favoriser la concurrence, de provoquer des distorsions de marché, de maintenir des prix à un niveau élevé pour les consommateurs et les utilisateurs et d'influer sur le marché mondial, en particulier sur les pays en développement». Le Comité économique et social européen regrette que la Commission s'appuie sur ce type de critiques générales sans chercher à les vérifier par des études sérieuses. Le Comité rappelle à cet égard son avis du 30 novembre 2000 (4).

2.3

Le CESE constate que la proposition de la Commission anticipe largement les échéances internationales et mine le mandat de négociation à l'OMC, ce qui est imprudent et dommageable pour la défense des intérêts légitimes de l'économie sucrière de l'Union européenne et de ses fournisseurs préférentiels. Cette anticipation ne permet pas non plus à la Commission de traiter la question des sucres hors quota.

2.4

Le CESE s'inquiète de l'effet des baisses de prix et de quotas proposées sur le niveau de la production betteravière et sucrière de l'Union européenne, sur le revenu de nombreuses exploitations familiales agricoles, sur la durabilité des activités industrielles et commerciales du secteur sucre, sur l'emploi dans l'industrie sucrière et en milieu rural et sur la multifonctionnalité, notamment dans les régions défavorisées ou périphériques ainsi que dans les nouveaux États membres où des investissements importants de restructuration sont nécessaires. Il doute que les propositions de réforme de la Commission respectent le modèle agricole européen, la multifonctionnalité et le principe de durabilité, comme cela a été défini unanimement par le Conseil européen de Luxembourg, en décembre 1997 (5). Il considère également que les propositions de réforme sont en contradiction avec la stratégie de Lisbonne qui, entre autres, vise explicitement à la création d'emplois.

2.5

Le CESE demande à la Commission d'étudier, de façon approfondie et vérifiable, dans quelles régions la production de betteraves et l'industrie sucrière seront en danger et combien d'emplois directs et indirects aux niveaux agricole et industriel seront menacés au total. L'estimation d'impact présentée l'année dernière par la Commission ne donne pas en effet les informations nécessaires.

2.6

Le CESE ne croit pas que l'option de réforme choisie par la Commission qui consiste à rechercher l'équilibre du marché par la baisse des prix puisse atteindre son but. De plus, cette option n'assure pas le maintien à long terme d'une culture betteravière et d'une industrie sucrière européennes solides et ne respecte pas les engagements européens à l'égard des pays en développement fournisseurs de sucres préférentiels. En effet, ces baisses élimineront de nombreux producteurs des pays européens et des pays en développement et affaibliront considérablement les producteurs qui subsisteront. Dans le même temps, de nouvelles parts de marché mondial seront offertes au Brésil qui pourra également exporter indirectement à partir des années 2008/2009 des tonnages sans cesse croissants de sucre vers l'Europe par le moyen de «Swap» (6) (commerce triangulaire) avec les pays les moins avancés, sans aucun profit pour le développement agricole et social de ces derniers.

2.7

Le CESE estime que seuls quelques pays, et essentiellement le Brésil, seront les bénéficiaires d'une telle réforme de l'OCM du sucre. Dans ce contexte, il souligne que la production de sucre au Brésil, largement soutenue par la politique du bio éthanol et la politique monétaire, se réalise dans des conditions sociales, environnementales et de propriété foncière qui ne sont pas acceptables mais qui expliquent les coûts de production brésiliens extrêmement bas et donc la faiblesse des prix sur le marché mondial.

2.8

Le CESE ne comprend donc pas que la Commission n'ait pas retenu l'idée de négocier des quotas d'importation préférentielle avec les PMA comme ceux-ci le demandent d'ailleurs. Ceci permettrait de satisfaire, d'une façon plus ciblée, les intérêts des pays en développement les plus pauvres, et de parvenir à un approvisionnement équilibré du marché et à un niveau de prix soutenable en Europe. Le CESE attire l'attention sur la contradiction fondamentale dans laquelle se trouve la Commission qui, d'un côté justifie la réforme radicale de l'OCM du sucre par l'initiative «Tout sauf les armes» et d'un autre côté refuse de donner suite au souhait explicitement exprimé par les PMA d'obtenir un système de quotas préférentiels. Le CESE estime urgent la fixation des quotas d'importation des Balkans.

2.9

Le CESE estime que les baisses de prix proposées et la réduction des quotas vont bien au-delà du mandat pour l'OMC et sont un pas important en direction de la libéralisation complète du marché du sucre. Ceci ne peut offrir de perspectives durables aux planteurs de betteraves, salariés du secteur sucre et consommateurs des pays européens, contrairement à ce que la communication essaye de faire croire.

2.10

Le CESE ne peut pas partager l'opinion de la Commission selon laquelle la baisse significative des prix du sucre devrait essentiellement bénéficier aux consommateurs (7). Comme lors des réformes précédentes, ces baisses de prix de la matière première ne seront guère ou pas du tout transmises. Ceci vaut en particulier pour les produits transformés comme les limonades et les produits sucrés (75 % du sucre en Europe est consommé sous la forme de produits transformés). Le CESE considère que la Commission doit surveiller attentivement l'impact de la réforme sur le prix des produits contenant du sucre.

2.11

Le CESE partage le souci des pays ACP sur l'impact négatif des propositions de réforme sur le revenu et l'emploi dans les secteurs économiques directement concernés ainsi que sur leur équilibre social et leurs perspectives de développement.

2.12

Le CESE n'ignore pas les menaces qui pèsent sur les exportations européennes de sucre. Il ne peut donc comprendre que les baisses de quotas programmées entre 2005 et 2009 par la Commission conduisent à une baisse des exportations avec restitution plus importante que nécessaire dans l'hypothèse où l'Union européenne perdrait le groupe spécial qui l'oppose au Brésil, à l'Australie et à la Thaïlande. Il lui semble au contraire que l'Union européenne, par une réglementation adaptée, devrait s'efforcer de garder toutes les possibilités d'exportation qu'elle revendique et que lui reconnaissent les accords internationaux, et donc proposer une moindre réduction des quotas.

2.13

Il estime par ailleurs qu'en contrepartie de ses initiatives en matière d'exportations et d'importations qui conduisent à une réduction des débouchés pour les producteurs européens, il incombe à la Commission de proposer des mesures assurant le développement de débouchés alternatifs notamment dans le secteur des biocarburants.

2.14

Le CESE estime globalement que la Commission n'a pas bien mesuré l'impact de sa proposition qui conduit à un transfert massif de ressources du secteur rural (agricole et de première transformation) d'Europe et des pays en développement vers les grandes sociétés internationales de l'alimentation et de la distribution et qui, dans le même temps, démantèle une part considérable de l'industrie sucrière européenne et des pays ACP au profit presque exclusif des latifundia qui dominent la production sucrière brésilienne, le plus souvent sans respecter les droits fondamentaux de l'homme au travail (déclaration de la conférence de l'Organisation internationale du travail de 1998 (8)), ni la durabilité (défrichements de la forêt amazonienne). Il considère que l'accès au marché communautaire devrait être conditionné au respect de certaines normes sociales et environnementales.

3.   Remarques particulières

3.1

Le CESE souligne que le règlement 1260/2001, adopté à l'unanimité par le Conseil, est valable jusqu'au 1er juillet 2006 et a servi de base aux négociations d'adhésion des dix nouveaux États membres. Il ne peut donc comprendre que la Commission propose d'anticiper la réforme au 1er juillet 2005 alors que cela n'est pas nécessaire. Par ailleurs, les agriculteurs ont déjà organisé leurs assolements de 2005/2006 et réalisent actuellement dans certains pays européens les semis de betteraves d'automne. De plus, depuis 2001, de nombreux investissements ont été réalisés aux niveaux agricole et industriel sur la base du respect du règlement 1260/2001 jusqu'à son terme.

3.2

Le CESE demande donc que le nouveau règlement sur le sucre ne s'applique au plus tôt qu'à partir du 1er juillet 2006. Une autre façon de procéder serait, avec raison, considérée par les groupes professionnels concernés et les nouveaux États membres comme une rupture du principe de la confiance légitime.

3.3

Le CESE constate que la proposition de la Commission laisse finalement ouverte la question de la façon de continuer l'OCM au-delà de 2008 alors que le secteur betterave-sucre a besoin de prévisibilité pour les restructurations et investissements nécessaires. Il demande donc à la Commission de proposer un règlement allant du 1er juillet 2006 au 30 juin 2012, ce qui correspond à l'échéance de la PAC rénovée.

3.4

Le CESE est d'avis que la Commission n'a pas donné de justification à la baisse massive des prix institutionnels (de 33 % pour le sucre et de 37 % pour les betteraves, en deux étapes). Or, il ressort de calculs vérifiables qu'une baisse de 20 % au maximum serait suffisante pour faire face aux nouvelles contraintes à attendre de l'OMC. Le CESE souhaite que la Commission s'en tienne à ce chiffre. Il demande par ailleurs à la Commission de tenir compte du souhait des PMA de négocier des quotas préférentiels car ceci allègerait considérablement, dans les années ultérieures, la pression sur le marché du sucre européen et offrirait aux PMA des conditions d'exportation satisfaisantes.

3.5

Le CESE dénonce la faiblesse des instruments de gestion du marché proposés par la Commission en remplacement de l'intervention. Il est en effet prévisible que le stockage privé et le report obligatoire ne permettront pas d'assurer que le prix de marché respecte le prix de référence.

3.6

Le CESE prend note de la proposition faite par la Commission de compenser une partie des pertes de revenus agricoles par une aide compensatoire. Il souligne cependant qu'une moindre baisse de prix ou la limitation de la baisse à la seule première étape permettrait de combiner économie budgétaire et augmentation du taux de compensation, tout en n'excédant pas les ressources financières disponibles. Il s'interroge sur la façon de répartir de manière juste et pratique les enveloppes nationales pour s'assurer que l'aide atteint bien les agriculteurs confrontés à la baisse ou à la perte de recettes betteravières. Sur le modèle des recommandations formulées pour le secteur laitier dans le cadre de la réforme de la PAC adoptée en 2003, il conviendrait de prendre en considération, pour la répartition des aides compensatoires, du volume de référence qui avait été octroyé à l'agriculteur pour les deux dernières années précédant l'entrée en vigueur du nouveau règlement. Il insiste sur la nécessité d'assurer la durabilité de telles aides et la préservation du budget sucre.

3.7

Le CESE estime que, si des baisses de quotas s'avéraient nécessaires, elles devraient être limitées au strict nécessaire et s'appliquer au sucre et à ses concurrents soumis au régime des quotas dans les mêmes proportions. L'augmentation du quota d'isoglucose proposée par la Commission est à cet égard injuste, car il conduit la Commission à augmenter sa proposition de baisse de quotas sucre au détriment des planteurs de betteraves et de l'industrie sucrière.

3.7.1

Le CESE pense qu'une décision sur l'étendue nécessaire de chaque baisse éventuelle de quota ne devrait être prise qu'après une étude détaillée de la Commission, prenant en compte les déficits structurels et arrêts éventuels de production de sucre du quota ainsi que les effets que les accords OMC en attente et le résultat que l'appel du groupe spécial de l'OMC auront sur les productions de sucre du quota et hors quota et sur les flux de commerce du sucre entre l'Union européenne et les pays tiers.

3.7.2

Le CESE est d'avis que les États membres doivent disposer d'une marge de manœuvre suffisante pour gérer en interne les réductions de quotas, aussi bien pour le sucre que pour les betteraves, en respectant les intérêts de toutes les parties concernées, en fonction de critères tels que l'équité et le bénéfice social. Il demande donc à la Commission de veiller à ce que cette possibilité soit spécifiée dans les propositions de réforme et dans les textes réglementaires.

3.8

L'abandon de la restitution à la production pour la fourniture du sucre du quota aux industries chimiques et pharmaceutiques aurait également un effet négatif sur le niveau des quotas sucre et introduirait un facteur de risque sur les conditions futures d'approvisionnement en sucre de ces industries. Le CESE demande donc que l'on s'en tienne aux règlements actuellement en vigueur.

3.9

Le CESE estime que les transferts de quotas, notamment transfrontaliers, pourraient conduire à empêcher la poursuite d'une culture betteravière rentable dans de nombreuses régions, avec des effets économiques dommageables pour les familles betteravières et les emplois concernés, des effets écologiques négatifs au niveau de la rotation des cultures ainsi que des effets négatifs sur les marchés agricoles des cultures de remplacement. Le CESE demande que la gestion des quotas reste soumise au contrôle des États membres et que toutes les décisions de restructuration fassent préalablement l'objet d'un accord interprofessionnel.

3.9.1

Plutôt qu'un commerce des quotas, le CESE estime que la Commission devrait étudier la mise en place d'un fonds européen de restructuration de l'industrie sucrière qui, tenant compte notamment des besoins de reconversion des agriculteurs et des salariés de l'industrie, indemniserait au début du règlement les quotas rendus disponibles, après accord interprofessionnel entre le fabricant de sucre et les planteurs de betteraves concernés, et réduirait d'autant le besoin de diminution des quotas.

4.   Conclusions

4.1

Le CESE reconnaît la nécessité d'adapter l'OCM du sucre mais il estime que les propositions de réforme vont trop loin et que leur mise en œuvre se traduirait par des répercussions considérables sur le secteur sucrier européen, notamment sur l'emploi. Il est au regret de constater que les propositions ne sont pas suffisamment motivées et que leurs effets n'ont pas fait l'objet d'une évaluation suffisante comme cela s'imposait.

4.2

Il demande que la date d'entrée en vigueur du nouveau règlement soit repoussée au 1er juillet 2006 et que les agriculteurs en soient avertis rapidement pour pouvoir confirmer leurs assolements de 2005.

4.3

Il estime que le règlement doit couvrir une période de six ans au moins pour offrir une perspective suffisante au secteur.

4.4

Il demande que, comme le souhaitent les PMA, l'Union négocie des quotas d'importation de sucre PMA. Il convient en tout état de cause d'interdire la pratique du Swap et d'établir des critères de durabilité sociale et environnementale ainsi que de souveraineté alimentaire à respecter pour accéder au marché communautaire.

4.5

Il demande la fixation rapide des quotas d'importation des Balkans.

4.6

Il estime que l'ampleur des adaptations de prix et de quotas de production doit être strictement limitée aux engagements internationaux et s'appliquer de manière égale à tous les édulcorants (sucre et ses concurrents soumis au régime des quotas). Le sucre doit être traité en tant que produit sensible dans le cadre des négociations de l'Agenda de Doha pour le développement (ADD).

4.7

Il recommande le maintien du régime d'intervention comme instrument de garantie de prix.

4.8

Le CESE signale que le prix du produit (betterave) doit tenir compte des coûts de production supportés par les agriculteurs. Il prend note des propositions de compensation partielle des planteurs pour les pertes de revenu résultant de la baisse du prix de la betterave. Il demande que cette compensation soit augmentée dans la mesure du possible. Il insiste sur la nécessité d'assurer la durabilité des aides et de préserver le budget sucre.

4.9

Il demande la poursuite des dispositions en vigueur pour la fourniture de sucre du quota aux industries chimiques et pharmaceutiques.

4.10

Il estime que la Commission ne doit pas fuir ses responsabilités mais mettre sur pied un vrai plan de restructuration de l'industrie sucrière européenne respectant les intérêts des fabricants de sucre, des planteurs de betteraves et des salariés concernés.

4.11

Il interroge la Commission sur ses intentions à l'égard des productions de sucre hors quota.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  ACP: pays en développement d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique signataires du protocole sucre de la Convention de Cotonou.

(2)  Le stockage privé permet de retirer temporairement du marché un certain tonnage de sucre sans diminution de quota. Le report obligatoire est le stockage et le transfert d'un certain tonnage de sucre du quota de la campagne n à la campagne n+1 avec réduction correspondante des quotas de la campagne n+1.

(3)  Le règlement 1265/2001 prévoit le versement d'une restitution à la production (aide visant à réduire l'écart entre le prix d'intervention du sucre et le prix mondial) pour les tonnages de sucre et d'isoglucose du quota utilisés dans les industries chimiques et pharmaceutiques (environ 400 000 tonnes/an).

(4)  JO C 116 du 20 avril 2001, pp. 113-115, Avis du Comité sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre: «Le Comité demande par ailleurs à être associé aux études que la Commission veut engager pour analyser notamment les critiques faites à l'OCM Sucre, la concentration dans l'industrie agroalimentaire et la transmissibilité des changements de prix entre le producteur et le consommateur».

(5)  Conclusion de la présidence: SN 400/97, page 14 du 13 décembre 1997.

(6)  Dans le cas visé «vente de sucre brésilien à un pays moins avancé, consommation de ce sucre brésilien dans le PMA en cause en substitution de sucre indigène et vente à l'Union Européenne de la quantité de sucre de ce PMA ainsi substituée».

(7)  Voir la communication COM(2004) 499 final, début point 3.2 «Répercussions économiques».

(8)  «Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail», Conférence internationale du travail, 86e session, Genève, juin 1998.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/107


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission — La science et la technologie, clés de l'avenir de l'Europe — Orientations pour la politique de soutien à la recherche de l'Union»

COM(2004) 353 final

(2005/C 157/20)

Le 17 juin 2004, la Commission européenne a décidé, en vertu de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 novembre 2004 (M. WOLF, rapporteur).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 83 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

L'avenir économique, social et culturel de l'Europe. Le développement futur de l'Europe et sa position au sein de l'équilibre mondial des pouvoirs seront avant tout déterminés par l'inéluctable concurrence sur le marché mondial caractérisé par des mutations dans le secteur de l'industrie, en matière de structure économique, sur le marché du travail et dans le domaine des matières premières. En outre, il est de plus en plus évident que la croissance, la réussite et la puissance économique (garants de la pérennité des prestations sociales et du développement culturel) dépendent en grande partie des connaissances disponibles et des investissements dans le domaine de la recherche et du développement technologique.

1.2

Le contexte mondial de la concurrence. L'Europe n'est toutefois plus seulement en concurrence avec les pays industrialisés traditionnels que sont les États-Unis, le Japon ou la Russie, mais également avec les puissances économiques montantes telle que la Chine, l'Inde ou la Corée du Sud, en d'autres termes avec l'ensemble de l'espace économique de l'Asie du Sud-Est. Les performances scientifiques et techniques déterminent non seulement la compétitivité macroéconomique et la force d'attraction qu'elle exerce sur les investisseurs, scientifiques et ingénieurs, mais aussi l'estime et l'influence culturelle et politique. Des investissements suffisants en recherche et développement peuvent et doivent contribuer à asseoir la position de l'Europe et à garantir un développement durable.

1.3

L'Espace européen de la recherche (EER). (1) C'est à la lumière de ce défi qu'a été forgé le concept d'«Espace européen de la recherche». Suite aux décisions du Conseil adoptées à Lisbonne en mars 2000, l'EER est devenu le mot clef et le cadre de la politique de recherche des Communautés européennes, notamment du fait des ambitieux objectifs de Lisbonne, Göteborg et Barcelone. La recherche et le développement communautaire doivent apporter une valeur ajoutée européenne, se charger, conformément au principe de subsidiarité, des tâches qui dépassent la capacité des États membres et unir, renforcer et mettre en valeur le potentiel de l'Europe. Ils sont au service des objectifs de compétitivité et de durabilité. La science et la recherche sont des éléments essentiels de la culture européenne.

1.4

Aménagement de l'EER. Toutes les communications, décisions et initiatives ultérieures relatives à la politique européenne de la recherche se sont construites sur la notion, très fertile, de l'Espace européen de la recherche. L'on mentionnera tout particulièrement le sixième programme cadre, avec le programme EURATOM et les instruments de promotion de la recherche, l'initiative des 3 % (2) et de nombreux autres aspects qui concernent par exemple la profession de chercheur, l'importance de la recherche fondamentale, l'approvisionnement en énergie, la recherche spatiale et les biotechnologies, mais aussi l'ensemble des liens entre la science, les citoyens et la société.

1.5

Avis antérieurs du Comité. Dans des avis antérieurs (3), le Comité a systématiquement et fermement exprimé son soutien aux initiatives de la Commission évoquées ci-dessus, et il a souligné l'importance cruciale de la recherche et du développement (R&D) pour la prospérité économique, sociale, écologique et culturelle de l'UE, ainsi que pour les objectifs de Lisbonne — et plus tard également pour ceux de Göteborg et de Barcelone — ainsi que pour la prospérité durable de l'UE dans le domaine économique, sociale et culturel. Le Comité a émis des suggestions sur de nombreux points de détail importants et formulé des propositions. Il est même souvent allé jusqu'à préconiser des renforcements significatifs; toutefois, à plusieurs reprises, il a demandé des corrections et exprimé des réserves. Ces dernières ont mis en cause la tendance à engendrer inefficacité, confusion et gêne du fait de l'excès de législation, d'objectifs restrictifs et de procédures bureaucratiques, ainsi que de la modification trop rapide et trop inconstante des procédures en vigueur.

2.   La communication de la Commission

2.1

La communication de la Commission à l'examen est une suite logique de cette évolution exceptionnellement positive. Elle comporte un ensemble d'objectifs et de considérations relatifs à la préparation des propositions en vue du 7ème programme-cadre de recherche et de développement et du programme EURATOM, compte tenu du fait que l'UE regroupe désormais 25 États membres et des expériences enregistrées jusqu'ici dans le cadre du 6ème programme-cadre.

2.2

En premier lieu, elle récapituele de nouveau les objectifs et les mesures existants, dont notamment «l'objectif 3 %» qui est, du point de vue de l'Union européenne — laquelle s'est entre temps élargie — et par comparaison avec les données et la situation des Etats concurrents de l'Union européenne, pleinement justifié. Elle insiste avant tout sur l'effet de levier des dépenses du secteur public sur les investissements privés en matière de recherche, ainsi que sur la nécessité de rendre attractive la profession de chercheur, afin de pouvoir concurrencer les meilleurs cerveaux au niveau mondial.

2.3

Cela explique également la nécessité de renforcer et de développer sensiblement les aides à la recherche dans l'Union européenne, ce qui doit s'accompagner d'une intensification des efforts de la part de chacun des États membres — et en aucun cas d'une diminution de ceux-ci.

2.4

Ainsi, au vu des expériences de fond et opérationnelles liées à la mise en œuvre des précédents programmes-cadres, la Commission formule six grands objectifs:

Créer des pôles d'excellence (4) européens par la collaboration entre laboratoires;

lancer des initiatives technologiques européennes;

en matière de recherche fondamentale, stimuler la compétition au niveau européen;

rendre l'Europe plus attirante pour les meilleurs chercheurs;

développer des infrastructures de recherche d'intérêt européen;

améliorer la coordination des programmes nationaux de recherche.

2.5

Parmi les autres réalisations et propositions contenues dans la communication, il convient encore de mentionner les suivantes:

Exploiter pleinement le potentiel de l'Europe à 25 et plus;

profiter au mieux de la complémentarité avec les fonds structurels;

identifier les thèmes d'intérêt européen majeur;

deux nouveaux thèmes importants pour l'Union: l'espace et la sécurité;

utiliser les modes de mise en œuvre les plus efficaces;

améliorer le fonctionnement du programme-cadre.

3.   Observations générales

3.1

Les objectifs de Lisbonne, Göteborg et Barcelone. Le Comité approuve et soutient les projets et les initiatives exposés dans la communication de la Commission, et considère les propositions de la Commission comme des mesures particulièrement importantes dans le cadre des ambitieux objectifs de Lisbonne, Göteborg et Barcelone. Il se félicite que nombre des recommandations spécifiques qu'il a formulées dans ses avis antérieurs aient été prises en compte dans la présente communication.

3.2

«L'objectif 3 %  (5)». Le Comité soutient particulièrement le principal «objectif 3 %», qui prend pour référence les investissements actuels en recherche et développement des concurrents mondiaux. Au niveau européen, il est dès lors nécessaire d'augmenter considérablement les ressources disponibles pour le programme-cadre et pour le programme Euratom — correspondant aux objectifs de Lisbonne mais également au nouvel objectif de l'Europe élargie à 25 États membres.

3.2.1

Doublement des ressources communautaires nécessaires à cet effet. Conformément à la proposition de la Commission, les ressources consacrées à toutes ces actions confondues devraient doubler. Cela correspond également à la recommandation formulée par le Comité dans son avis sur le 6ème programme-cadre (6).

3.2.2

États membres et industrie. Toutefois, l'objectif des 3 % ne pourra être atteint que si ce doublement s'accompagne d'une augmentation semblable des budgets nationaux de R&D et des dépenses de R&D du secteur industriel. Dans un cas comme dans l'autre, le Comité est vivement préoccupé par l'absence ou l'insuffisance de l'augmentation des budgets du secteur public comme privé. On constate même dans bien des cas, en matière de recherche et développement industriels, un transfert des investissements de R&D vers des lieux situés hors de l'UE. Le Comité préconise que l'on étudie les raisons de cette tendance déplorable afin de pouvoir prendre des mesures, permettant ainsi à la recherche et au développement industriels en Europe d'atteindre l'objectif des 3 %.

3.2.3

Appel du Comité. Le Comité réitère dès lors son appel au Conseil, au Parlement européen et aux gouvernements des États membres — ainsi qu'en particulier à l'industrie — d'aligner leurs décisions en conséquence et d'adapter au niveau national leurs budgets tant publics que privés en matière de recherche et développement. Le Comité est pleinement conscient du fait que la situation financière générale actuelle ne facilite pas la tâche. Toutefois, les investissements proposés par la Commission dans le domaine de la recherche sont non seulement modestes, mais aussi largement insuffisants compte tenu de la concurrence internationale. Les paroles ne suffisent plus; il faut désormais des actes.

3.2.4

Développement dynamique. Il faut se garder de considérer la situation de manière exclusivement statique. La politique européenne doit, dans le contexte de concurrence mondiale, s'adapter au développement futur hors de l'Europe (7). Si l'objectif des 3 % est atteint avec du retard, les objectifs de Lisbonne ne pourront être réalisés. À long terme, il faudra d'ailleurs poursuivre l'augmentation des investissements de R&D.

3.3

Les pôles d'excellence européens. Le Comité soutient l'objectif global visant à créer et à soutenir des pôles d'excellence européens, l'on crée ainsi une valeur ajoutée paneuropéenne, l'on fixe des critères qualitatifs et l'on augmente la force d'attraction de la recherche et du développement européens. La collaboration transnationale entre les centres de recherche, les universités et les entreprises doit désormais constituer, grâce au programme-cadre de recherche et de développement (et grâce à Euratom), l'élément essentiel de la politique de soutien, une importance de premier ordre étant accordée aux priorités thématiques.

3.3.1

Condition. La réalisation de cet objectif suppose l'existence d'excellentes institutions et équipes de recherche, grâce à la collaboration desquelles on peut espérer parvenir à des prestations de premier ordre (8).

3.3.2

Pas de nouvel instrument. En outre, il doit être clair la notion de «pôle d'excellence européen», n'est pas un nouvel instrument d'intervention (voir plus loin), mais un terme général englobant l'ensemble des instruments d'intervention consacrés à cet objectif, tels que par exemple les«réseaux d'excellence (RE)», les «projets intégrés (PI)» ou les «projets de recherche spécifiques ciblés (PRSC)».

3.4

Instrument de promotion de la recherche  (9) (structure des projets). Le Comité, tout en soutenant (10) l'intention de la Commission d'établir des modalités de mise en œuvre efficaces, réitère ses préoccupations en matière de clarté, de simplicité, de continuité et de flexibilité. Concrètement, cela signifie que les auteurs des demandes doivent pouvoir adapter les instruments en fonction de la structure optimale nécessaire et de la taille des projets. Ce n'est qu'en procédant ainsi que l'on évitera la création de projets dont la taille et la structure sont ciblées en fonction des instruments prescrits et non en fonction des meilleures exigences scientifiques et techniques. Les instruments doivent être au service des conditions de travail et des objectifs de la recherche et non l'inverse. Le traitement des dossiers et les frais de gestion doivent être rentables.

3.5

Recherche fondamentale et concurrence européenne. Le Comité réitère également le message fondamental de l'avis (11) récent qu'il a consacré à ce thème, à savoir la nécessité d'encourager l'aide à la recherche fondamentale — point de départ de toutes les initiatives futures en matière de recherche et de développement au niveau européen — notamment en laissant la liberté du choix du thème à l'auteur de la demande. La concurrence au niveau européen est un facteur de valeur ajoutée européenne.

3.6

Dimension internationale de la recherche De plus, il convient de ne pas perdre de vue l'importance de la dimension internationale de la recherche, laquelle dépasse de loin les frontières de l'Union européenne. La recherche et le développement évoluent aujourd'hui dans un environnement mondial, international, (12) caractérisé par l'ouverture, la coopération et la concurrence. Il y a lieu de promouvoir et de tenir compte de cet aspect en adoptant les mesures correspondantes (programmes de mobilité, accords de coopération etc.).

3.7

Complexité des liens et équilibre entre les catégories de la recherche  (13) . À cet égard, le Comité renvoie une fois de plus à la complexité des liens nécessaires à l'innovation et au progrès, aux échanges fructueux entre ces catégories et aux passerelles existant entre les différentes catégories de la recherche: recherche fondamentale, recherche appliquée (parfois également appelée recherche préparatoire) et développement (de produits et de procédés). Cet enchevêtrement de liens, vital pour la compétitivité de la Communauté et pour les objectifs de Lisbonne, concerne également la coopération et la complémentarité mutuelle entre recherche et développement industriels, d'une part, et recherche au sein des universités et des organismes de recherche financés par l'État, d'autre part. Cela doit se refléter non seulement dans la pondération de l'aide aux différentes catégories de la recherche mais aussi dans les domaines de recherche et les thèmes des priorités et des actions thématiques. Les catégories de la recherche citées doivent également avoir accès à tous les axes correspondants du programme-cadre. C'est là, en fin de compte, que se trouve l'effet de levier entre les efforts en matière de recherche et développement consentis par les pouvoirs publics et par les entreprises.

3.8

Des modalités de mise en oeuvre efficaces. Enfin, et ce n'est pas le moins important, le Comité soutient l'intention d'utiliser les modalités de mise en œuvre les plus efficaces et d'améliorer l'application pratique du programme-cadre. Le Comité estime nécessaire de définir des mesures nécessitant moins de procédures bureaucratiques, mieux adaptées à la communauté scientifique et à l'industrie, correspondant aux règles internes, aux expériences et aux conditions de travail de ces derniers. Les principaux acteurs de l'espace européen de la recherche sont les chercheurs et leur enthousiasme. Ils ont besoin d'un espace d'épanouissement et d'un environnement optimal. Il faut tenir compte de cela.

4.   Observations particulières du Comité

4.1

Les avis récents. La majorité des observations suivantes ont déjà été mentionnées ou formulées dans les avis récents consacrés à la politique européenne de recherche (14).

4.2

Critère déterminant. Le critère déterminant en matière de sélection des projets et d'aide à la recherche doit être l'excellence scientifique et technologique, afin que l'UE puisse conserver ou atteindre les meilleures places dans la concurrence globale. C'est là l'unique moyen d'atteindre les objectifs formulés dans la communication de la Commission, c'est-à-dire, engendrer «excellence et innovation, clés de la compétitivité industrielle européenne» et «stimuler la créativité de la recherche fondamentale par la compétition entre équipes au niveau européen».

4.2.1

Excellence. L'excellence et les prestations de haut niveau sont le résultat d'un processus de développement et de sélection complexe, long et laborieux, régi par des règles établies par la communauté scientifique elle-même, et qui nécessite la conjonction et la mise en réseau de nombreux facteurs.

4.2.2

La société et la politique. La société et la classe politique doivent s'assurer qu'existent ou que vont être créées les conditions nécessaires à la formation et à la pérennité de l'excellence et de la performance.

4.2.3

Les critères déviants. Les critères théoriques ou spéculatifs déviants renforcent la charge bureaucratique, induisent en erreur et risquent de conduire à des décisions erronées, avec toutes les conséquences négatives que cela peut comporter, non seulement pour les objectifs de Lisbonne, mais également pour le milieu européen de la recherche.

4.3

Le potentiel de l'Europe des 25. Cependant — et le Comité soutient pleinement le dessein de la Commission dans ce domaine — il convient également de développer et d'exploiter pleinement le potentiel de l'Europe des 25. Pour cela, les organismes de recherche de l'Union élargie, ainsi que les régions dont les équipements de recherche sont insuffisants, doivent disposer — dans la mesure où ce n'est pas déjà le cas — des ressources nécessaires afin de pouvoir enfin réunir — et mettre en œuvre — les conditions favorables à l'excellence.

4.3.1

Subsidiarité. Conformément au principe de subsidiarité, le développement de capacités et d'infrastructures scientifiques et techniques nationales est primordial en tant que base de l'excellence et des prestations de haut niveau; cette tâche incombe aux États membres.

4.3.2

Les fonds structurels et le Fonds européen d'investissement. Cependant, le cas échéant, cet objectif devrait être visé et soutenu efficacement grâce aux fonds structurels de l'UE et au Fonds européen d'investissement. Le Comité estime dès lors, à l'instar de la Commission, que le succès de la politique de cohésion suppose d'exploiter pleinement la complémentarité du programme-cadre et des fonds structurels (en préconisant toutefois d'y inclure le Fonds européen d'investissement) et de consacrer une partie de leurs fonds au développement des capacités de recherche et des infrastructures.

4.3.3

A cet effet, il faut également prévoir un financement de démarrage des mesures de R&D dans les nouveaux États membres, étant donné que les instituts de recherche de ces pays ne sont pas encore à même d'avancer pour le moment les moyens nécessaires aux projets financés par l'UE. Il convient également de mettre en place des systèmes d'aide nationaux appropriés qui viendraient s'y ajouter.

4.4

Les infrastructures de recherche. Le Comité abonde, une fois de plus, dans le sens de la Commission qui propose de renforcer les infrastructures de recherche (15) européennes. Jusqu'à présent, le principal financement des grandes installations sélectionnées sur la base de la «géométrie variable» s'est avéré efficace et devrait par conséquent être poursuivi. Le Forum Stratégique Européen pour les Infrastructures de Recherche (ESFRI) joue à cet égard un rôle clef consultatif et précieux. Il devrait servir de base à l'élaboration d'un concept européen en matière d'infrastructures.

4.4.1

Les infrastructures moyennes. Dans la mesure des moyens disponibles, et en fonction de son utilité pour les projets communautaires, cette mesure ne doit pas s'appliquer exclusivement aux grandes installations, car des infrastructures de recherche complexes de taille moyenne sont également indispensables dans certains domaines de recherche et peuvent, elles aussi, aider maints États membres à atteindre leurs objectifs de recherche.

4.5

Renforcement des priorités thématiques et de la mobilité. Comme indiqué précédemment, le Comité soutient la proposition de la Commission de doubler les ressources disponibles pour le 7ème programme-cadre et le programme Euratom (par rapport au budget de l'actuel 6ème programme-cadre). Cette augmentation devrait essentiellement (16) servir aux priorités/actions/projets thématiques (y compris ceux d'Euratom), ainsi qu'au plan de mobilité (17) (y compris le soutien aux chercheurs débutants et aux experts de haut niveau).

4.6

Les instruments de promotion de la recherche. Le Comité, soucieux de la clarté des recommandations qu'il a formulées en la matière, préconise d'appliquer les principes suivants:

Les instruments doivent être en nombre restreint.

Les instruments doivent être bien déterminés et leur finalité doit être transparente.

Leur utilisation doit être la plus simple possible.

Ils doivent servir en priorité au soutien direct des activités de R&D et aux chercheurs qui s'y consacrent.

Le choix de l'instrument ou des instruments pour un projet déterminé devrait incomber à la personne introduisant la demande. Les divers éléments des priorités thématiques ne devraient donc en aucun cas être liés a priori à un instrument préétabli (18); néanmoins, il serait souhaitable que la Commission joue ici un rôle de conseil et expose les raisons pour lesquelles elle privilégie certains instruments pour certains thèmes.

De même, il faut veiller à ce que les instruments s'inscrivent dans une continuité suffisante, et à éviter un «changement de paradigme» instable, afin de limiter les dépenses administratives de tous les intéressés.

Il convient de privilégier l'attribution de bourses ou de projets de recherche spécifique ciblés (PRSC)qui permettent d'autoriser des projets de recherche plus faciles à appréhender. Le Comité attire de nouveau l'attention sur les suggestions qu'il a déjà émises à ce sujet, ainsi que sur les observations ci-après relatives aux PME

Dans cet ordre d'idées, le Comité préconise notamment, s'agissant des réseaux d'excellence, d'apporter un soutien non seulement aux efforts en matière de coordination, mais aux efforts directs de R&D (comme cela se pratique déjà par exemple dans le cas des associations participant au programme de fusion d'Euratom).

4.6.1

Le rapport MARIMON  (19). Le Comité constate avec satisfaction que la majorité des recommandations du rapport MARIMON qui vient d'être publié concordent avec ses propres recommandations. Il en approuve expressément le contenu.

4.6.2

La continuité. Il convient de souligner et de clarifier de nouveau l'importance de garantir, autant que faire se peut, la continuité lors de la transition entre le sixième et le 7ème programme-cadre. Pour la science et l'industrie (en particulier les PME), le passage d'un programme-cadre à un autre implique toujours des changements au niveau des conditions d'octroi des aides, des modalités de demande des critères d'évaluation, du cadre juridique/des instruments et des frais, ce qui représente une charge contre-productive. Afin de garantir cette continuité, il ne faudrait donc pas introduire des instruments radicalement nouveaux ni des méthodes supplémentaires. Il convient, au contraire, de simplifier et d'adapter, grâce aux expériences et aux recommandations, les instruments et les méthodes actuels. L'objectif premier doit donc être la continuité, liée à la simplification et la clarification, ainsi que, pour les personnes introduisant la demande, la souplesse dans le choix des instruments.

4.7

Les plates-formes technologiques. Le Comité soutient expressément l'initiative de la Commission et de l'industrie d'instaurer des «plates-formes technologiques» regroupant les entreprises, les institutions de recherche, les financiers, les autorités et les instances normatives au niveau européen. Elles serviront à établir un programme commun de recherche permettant de mobiliser une masse critique de ressources au niveau des États membres et au niveau communautaire, que ce soit dans le secteur public ou privé.

4.7.1

Projets communautaires de développement. De l'avis du Comité, cette initiative constitue, dans le cas d'actions communautaires de développement scientifico-technique coûteuses et de grande envergure, comme par exemple le projet GALILEO — dotées d'un objectif précis — un pas dans la bonne direction, permettant de mettre en œuvre une véritable concertation des partenaires. Ces initiatives pourraient prendre la forme soit de «projets intégrés», soit d'«entreprises communes», conformément à l'article 171 du traité CE. (20) Il y a lieu toutefois d'examiner soigneusement (21) les moyens d'éviter le gonflement des dépenses de fonctionnement et des charges d'organisation et administratives et de faire participer au projet les PME, les petits instituts et les petites équipes de recherche.

4.7.2

Les dépenses de fonctionnement et les charges administratives. Du fait de l'importance des charges administratives et juridiques (par exemple dans le domaine de la propriété intellectuelle), il conviendrait toutefois de préciser, avant de mettre en place de nouvelles «plates-formes technologiques», que, au vu de l'expérience acquise grâce aux plates-formes développées actuellement, le principe de la «géométrie variable» peut également s'y appliquer. En outre, il convient d'examiner si l'objectif est clairement défini et s'il peut être atteint en recourant à des procédures plus simples, afin d'éviter qu'une nouvelle multiplication du nombre d'instruments, se recoupant partiellement, n'engendre davantage de confusion ainsi qu'un excès de coordination disproportionné. Dans la mesure du possible, la préférence doit être donnée aux instruments les plus simples.

4.8

Petites et moyennes entreprises (PME). Les PME contribuent dès à présent considérablement au processus d'innovation ou du moins disposent de ce potentiel pour l'avenir. C'est pourquoi il convient de rendre encore plus flexibles et encore plus simples les conditions de participation des PME aux priorités thématiques, notamment grâce à une attribution flexible et à une palette de thèmes et d'instruments (CRAFT, Recherche collective, EUREKA). Dans l'ensemble, il y a lieu de veiller, lors de l'adaptation des instruments financiers et de la structuration des projets, à assurer mieux que jusqu'à présent une participation appropriée de PME compétentes, tant dans le domaine de la haute que de la basse technologie. Des instruments financiers tels que les «projets de recherche spécifique ciblés (PRSC)» conviennent davantage à cet effet, étant donné qu'ils permettent également l'activité de groupements et de projets de taille plus réduite et favorisent une approche de la base vers le sommet.

4.8.1

PME et transfert de connaissances. Il convient en outre de s'attacher à une tâche tout aussi capitale, à savoir amener les connaissances les plus récentes et porteuses d'applications potentielles issues de la recherche fondamentale — provenant des universités et des instituts de recherches subventionnés par l'État — aux chercheurs et aux ingénieurs travaillant dans l'industrie et en particulier dans les PME, et les leur transmettre, afin d'accélérer le transfert de connaissances nécessaire à l'innovation et à la compétitivité des entreprises. À ce sujet également, le Comité a déjà émis à maintes reprises des suggestions (22) concernant notamment les échanges de personnel (mobilité) entre université et entreprises qu'il convient d'améliorer nettement et de rendre plus attrayants.

4.8.2

Esprit d'entreprise et politique industrielle. La création de petites entreprises, tout particulièrement, constitue un important moteur d'innovation et de croissance économique. Les principales difficultés auxquelles sont confrontées les créations de ce type ne résident pas tant dans le manque de soutien à la recherche et au développement que dans les questions de gestion d'entreprise et de marketing ainsi que dans le manque de couverture financière à long terme qui permettrait de surmonter les pertes du début de l'activité. La politique industrielle et la politique de recherche doivent ici chercher ensemble des solutions destinées à stimuler l'esprit d'entreprise en Europe et à lui conférer plus de chances de réussite.

4.8.3

Programme américain SBIR. Le Comité préconise en outre de tirer les leçons des expériences effectuées aux États-Unis dans le cadre du programme SBIR (Small Business Innovation Research) (23), par lequel le gouvernement américain incite, via différentes agences, les petites et moyennes entreprises à prendre des mesures de R&D orientées vers le marché.

4.9

Coordination ouverte. Le Comité s'est déjà prononcé plusieurs fois en faveur de la méthode ouverte de coordination de la Commission, tout en soulignant toujours qu'elle ne peut être efficace que si la participation des États membres y est volontaire.

4.10

Auto-organisation et autocoordination. Le Comité a par ailleurs mentionné à maintes reprises l'auto-organisation et l'autocoordination opérant «du bas vers le haut» des acteurs scientifico-techniques au sein de l'UE. Ces acteurs, qui se connaissent dans leur domaine de spécialité respectif grâce aux publications, conférences et ateliers, prennent alors l'initiative d'influencer la programmation — au beau milieu de la concurrence et de la coopération (voir ci-dessous) de contribuer à une coordination. Des initiatives, des programmes et des instituts de recherche de grande ampleur au niveau mondial ont ainsi été créés et ont préparé la notion d'espace européen de la recherche. Il convient de le souligner et de recourir prioritairement à cette méthode.

4.11

Favoriser la concurrence. À ce sujet, le Comité se félicite que «favoriser la concurrence» figure parmi les six grands objectifs de la Commission. En outre, le Comité (24) réitère son observation, à savoir que la science et la recherche vivent de la concurrence visant à obtenir les meilleures idées, méthodes et résultats, de la reproduction ou de la réfutation indépendante (c'est-à-dire la «certification») de nouvelles découvertes, ainsi que de leur diffusion, approfondissement et extension.

4.12

Concurrence, coopération et coordination. Les objectifs de concurrence, de coopération et de coordination peuvent parfois être contradictoires, et ce d'autant plus que les tâches sont étroitement liées au développement des produits. Il est nécessaire de fixer, pour chacun, les limites optimales de leur champ d'application — et de déterminer ce faisant le choix des instruments appropriés. Autant de concurrence que possible, autant de coopération que nécessaire.

4.13

Masse critique et concurrence mondiale. Les objectifs en matière de recherche et de développement, dont la masse critique en tant qu'élément isolé dépasse les capacités des États membres, et qui ne sont donc en principe réalisables que dans le cadre d'une alliance européenne, telles les grandes infrastructures ou certains grands projets technologiques, doivent tout particulièrement se positionner par rapport à la concurrence mondiale (voir aussi le chapitre «Dimension internationale») et faire leurs preuves dans ce même contexte. Il en va de même pour les «plates-formes technologiques» susmentionnées.

4.14

Conseil européen de la recherche (CER). Comme il l'a déjà mentionné dans son avis récent (25), le Comité soutient l'intention de la Commission de mettre en place un «conseil européen de la recherche» (CER) Cet organe, qui serait appuyé par la communauté scientifique, devrait être chargé d'organiser et de promouvoir la recherche fondamentale. Il devrait effectuer ses travaux en toute autonomie et selon les règles des instituts de haut niveau équivalents dans les États membres ou aux États-Unis. Afin de profiter de la corrélation entre les différentes catégories de la recherche, le Comité préconise que le CER fasse également appel à des scientifiques de haut niveau issus de la recherche industrielle.

4.15

Évaluation collégiale. L'évaluation doit être avant tout collégiale. Cependant, afin de compenser les faiblesses connues (par exemple les conflits d'intérêts) qui concernent même ce système d'évaluation, le CER et plus généralement chaque organisation de soutien (26) devraient employer des scientifiques expérimentés, qui ont fait leurs preuves sur le plan scientifique et qui connaissent parfaitement le domaine de spécialité dont ils s'occupent.

4.16

Favoriser les carrières. Le Comité soutient expressément l'objectif de rendre plus attrayantes les professions liées à la science, à la recherche et au développement, de passionner les plus talentueux et d'encourager en conséquence les carrières professionnelles. Ce n'est que dans un avis (27) récent qu'il a abordé ce sujet de manière très approfondie et s'est prononcé en faveur des efforts de la Commission.

4.16.1

Situation contractuelle insatisfaisante des chercheurs. Dans bon nombre d'États membres, les barèmes salariaux et les conditions contractuelles existants représentent un problème particulier. En effet, pour les jeunes scientifiques en particulier, ces conditions sont nettement désavantageuses par rapport aux carrières du secteur privé, voire par rapport à des carrières comparables du secteur public. Le Comité souligne à nouveau l'urgente nécessité d'une action, en particulier de la part des États membres.

4.17

Éviter les instances à double emploi ou parallèles. L'activité de recherche nécessite également des activités connexes de planification, d'entreprise, d'administration et d'expertise, qui doivent être assurées par des scientifiques expérimentés. Au vu de l'inflation de demandes, avis et processus de suivi, le Comité recommande (28) à nouveau à la Commission d'examiner cette question et de tendre (notamment avec et entre les instances parties prenantes dans les États membres) vers des méthodes efficaces, coordonnées, afin d'éviter la multiplication d'instances (et de procédures) d'autorisation, d'orientation et de contrôle verticales (voire horizontales/parallèles) agissant séparément, ainsi que le travail improductif qui en résulte.

4.18

Sélection des experts. En outre, il faut également veiller, sous réserve d'une réduction générale du recours actuel aux experts, à obtenir pour chaque domaine concerné des scientifiques particulièrement performants et expérimentés en qualité d'experts, sous peine de voir se multiplier les évaluations erronées. Pour ce faire, il est nécessaire de débarrasser les méthodes de sélection des nouveaux experts de tout le fatras bureaucratique à la fois excessif et rigide, qui effraie tout particulièrement les scientifiques de haut niveau.

4.19

Méthodes d'évaluation. Certaines méthodes critiquées par la communauté scientifique sont sans doute le résultat d'une tentative pleine de bonne volonté d'introduire et d'utiliser des critères d'évaluation standardisés dans un domaine bien trop complexe et délicat, au lieu de recourir à l'expérience humaine. Le Comité reconnaît certes l'intention de supprimer autant que possible, dans un esprit de transparence et d'objectivité, les évaluations subjectives, qui sont vulnérables et présentent également des risques d'abus; il en résulte en tout état de cause un dilemme insoluble. L'évaluation de la performance et de la créativité scientifiques ne peut être automatisée ou déléguée à des personnes sans expérience.

4.20

Deux nouveaux thèmes: Espace et recherche en matière de sécurité. La communication de la Commission n'aborde pas encore les priorités thématiques. La seule exception est la référence à la recherche fondamentale (29) et les deux nouveaux thèmes que sont l'espace et la recherche en matière de sécurité. Le Comité accueille favorablement la proposition de la Commission de traiter désormais elle-même les questions de l'espace et de la recherche en matière de sécurité au niveau européen, et confirme ainsi ses recommandations antérieures concernant le secteur spatial (30). Le Comité recommande cependant de traiter ces deux domaines en dehors du budget prévu pour le 7ème programme-cadre et en dehors de ses priorités thématiques, étant donné qu'ils sont chacun caractérisés par des spécificités différentes et propres qui ne correspondent pas aux modalités de procédure du programme-cadre.

4.20.1

Le secteur spatial est déjà doté d'un programme efficace et couronné de succès, qui a jusqu'à présent été surtout coordonné et réalisé par l'ESA et l'industrie spatiale et aéronautique européenne, et auquel les instituts de recherche des États membres ont jusqu'à présent également considérablement contribué. Par conséquent, la participation de la Commission, qui est pleinement appuyée par le Comité, devrait être séparée, c'est-à-dire financée et réalisée dans le cadre de l'accord de coopération existant entre l'ESA et la Commission, mais en marge du programme-cadre. Le Comité désirerait obtenir davantage de détails à ce sujet.

4.20.2

Pour ce qui est de la recherche en matière de sécurité, il existe un vif intérêt à travers l'Union en faveur d'une approche communautaire. Le Comité a déjà débattu et souligné ce sujet à plusieurs reprises, aussi préconise-t-il expressément que cette question soit abordée. Cela implique toutefois également des questions liées au secret et à l'utilisation possible de missions de défense internes ou externes, qui nécessitent un traitement différent par rapport aux priorités thématiques du programme-cadre (p.ex. exigence de transparence). C'est pourquoi, il convient, dans ce cas également, de créer un projet indépendant en marge du financement et des instruments du programme-cadre.

5.   Résumé

5.1

Le Comité souligne le caractère déterminant de la recherche et du développement pour la compétitivité de l'Europe sur le marché mondial et donc pour les objectifs de Lisbonne. Le Comité appuie par conséquent les mesures et les objectifs définis dans la communication de la Commission.

5.2

Le Comité se félicite particulièrement de l'objectif 3 % et de la proposition de doublement du budget communautaire de recherche et développement avancée à cet effet (programme cadre + programme Euratom). Il invite le Conseil et le Parlement européen à suivre cette proposition, exhorte les gouvernements des États membres à adapter en conséquence leurs budgets en matière de recherche et développement, et appelle l'industrie à augmenter ses investissements de recherche et développement de manière appropriée, et ce en Europe.

5.3

Le Comité souligne que l'objectif 3 % correspond à la situation actuelle de la concurrence et devra à l'avenir être adapté pour faire face aux tendances croissantes notamment aux États-Unis et en Asie du Sud-Est.

5.4

Le Comité soutient l'intention de la Commission d'attribuer une partie des ressources des fonds structurels au développement des capacités et des infrastructures de recherche, afin d'exploiter pleinement le potentiel de l'Europe des 25 et prendre également en compte la situation de transition des nouveaux États membres. Le Comité recommande par ailleurs d'associer également le Fonds européen d'investissement à cet effort.

5.5

Le Comité soutient l'intention de la Commission d'établir des modalités de mise en œuvre efficaces et d'améliorer la mise en oeuvre pratique du programme. Il recommande en conséquence une simplification et un assouplissement des instruments tout en se prononçant en faveur du maintien de la continuité. Les auteurs des demandes doivent pouvoir adapter lescadre.

5.8

Le Comité se félicite de l'intention de la Commission d'inclure la recherche fondamentale en tant que telle dans le programme-cadre, de promouvoir la concurrence européenne en matière de recherche et de créer un conseil européen de la recherche (CER) indépendant.

5.9

Le Comité souligne l'importance fondamentale des liens entre les catégories de la recherche que sont la recherche fondamentale, la recherche appliquée (recherche préparatoire) et le développement. Cela nécessite un soutien équilibré à ces catégories.

5.10

Le Comité se félicite de l'intention de la Commission de rendre l'Europe plus attrayante pour les meilleurs chercheurs, d'attirer les jeunes les plus talentueux et de favoriser les carrières scientifiques. Des mesures doivent être prises dans ce domaine, en particulier de la part des États membres. Le Comité renvoie aux chapitres 3 et 4, extrêmement détaillés, et qui comportent nombre de points de vue, de recommandations et d'observations critiques.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  EER: Espace européen de la recherche, voir notamment CESE 319/2000 et CESE 288/2003.

(2)  Au Conseil européen de Barcelone de mars 2002, l'Union s'est fixé pour objectif de porter d'ici 2010 l'effort européen de recherche à 3 % du PIB de l'Union, 2/3 provenant d'investissements privés, et 1/3 du secteur public (États membres et UE confondus). Voir à ce sujet également JO C 95 du 23.4.2003.

(3)  JO C 204 du 18.7.2000; JO C 221 du 7.8.2001; JO C 260 du 17.9.2001; JO C 94 du 18.4.2002; JO C 221 du 17.9.2002; JO C 61 du 14.3.2003; JO C 95 du 23.4.2003; JO C 234 du 30.9.2003; JO C 32 du 5.2.2004; JO C 110 du 30.4.2004; JO C 302 DU 7.12.2004.

(4)  Voir à ce sujet le paragraphe 3.3.

(5)  JO C 112 du 30.4.2004.

(6)  (L'augmentation du budget y était proposée en fonction des besoins de l'Europe des 15 et doit, par conséquent, être extrapolée à l'Europe des 25 - JO C 260 du 17.9.2001).

(7)  Voir paragraphe 1.2.

(8)  Voir aussi les paragraphes 4.2 et ss.

(9)  Voir également le paragraphe 4.6.

(10)  Voir également les paragraphes 4.1.4 et 4.2 (JO C 95 du 23.4.2003).

(11)  JO C 110 du 30.4.2004.

(12)  Citons notamment le Canada, la Chine, la Corée, les États-Unis, l'Inde, le Japon et la Russie.

(13)  Le chapitre 7 «Recherche et innovation technique» de l'avis du Comité sur l'«Espace européen de la recherche» a abordé en détail ce sujet ainsi que certains problèmes fondamentaux qui y sont liés.

(14)  JO C 95 du 23.4.2003; JO C 110 du 30.4.2004.

(15)  Voir également le paragraphe 5.4, (JO C 95 du 23.4.2003).

(16)  Voir à ce sujet les recommandations du paragraphe 3.5.

(17)  Il convient ici de mentionner l'importance et le succès du programme Marie-Curie, dont le Comité préconise le renforcement.

(18)  Le Comité déplore à nouveau que ses recommandations antérieures allant dans le même sens n'aient pas été prises en compte.

(19)  Rapport du groupe d'experts présidé par le Professeur MARIMON, 21 juin 2004, 6ème programme-cadre.

(20)  «La Communauté peut créer des entreprises communes ou toute autre structure nécessaire à la bonne exécution des programmes de recherche, de développement technologique et de démonstration communautaires».

(21)  Voir également à ce sujet le paragraphe 4.7.2.

(22)  Cf. par exemple les points 7 et 8 (JO C 204 du 18 juillet 2000).

(23)  Voir http://sbir.us/pm.html sowie http://www.zyn.com/sbir/funding.htm.

(24)  Paragraphes 4.2.2, 4.2.3 et 4.2.4 du document (JO C 95 du 23 avril 2003).

(25)  JO C 110 du 30.4.2004.

(26)  Aussi le Comité a-t-il déjà recommandé à plusieurs reprises d'appliquer la même manière de procéder également aux domaines responsables de l'aide à la recherche au sein de la Commission.

(27)  JO C 110 du 30 avril 2004 (CESE 305/2004).

(28)  CESE 305/2004; Paragraphe 5.18 (JO C 110 du 30 avril 2004).

(29)  Voir paragraphe 3.5.

(30)  JO C 112 du 30.4.2004.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/115


Avis du Comité économique et social européen sur la «proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives du Conseil 78/660/CEE et 83/349/CEE»

COM(2004) 177 final — 2004/0065 (COD)

(2005/C 157/21)

Le 21 avril 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 44 paragraphe 2 point (g) du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché intérieur, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 septembre 2004. (Rapporteur: M. FRANK VON FÜRSTENWERTH).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 86 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives du Conseil 78/660/CEE et 83/349/CEE s'entend dans le contexte plus large des mesures prises par l'Union européenne dans le cadre de son plan d'action pour les services financiers. A cet égard, des jalons importants ont déjà été posés, en particulier avec la communication de la Commission «Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouvernement d'entreprise dans l'Union européenne — un plan pour avancer» (COM(2003) 284), le passage aux normes comptables internationales à partir de 2005, et les directives relatives à l'abus de marché et au prospectus.

1.2

Depuis 1996, la Commission européenne poursuit l'objectif d'améliorer et d'harmoniser la qualité du contrôle légal des comptes. La présentation en mai 2003 d'un programme d'action en dix points (communication de la Commission européenne: «Renforcer le contrôle légal des comptes dans l'Union européenne»; COM/2003/286) constitue un résultat intérimaire supplémentaire. L'un des points du programme d'action concerne la modernisation de la 8ème directive en matière de droit des sociétés (84/253/CEE). La proposition de directive à l'examen doit remplacer la 8ème directive en matière de droit des sociétés.

1.3

Ces mesures doivent permettre de rétablir la crédibilité de l'information financière et la confiance dans les marchés financiers. Loin de constituer une simple réaction aux récents scandales financiers, qui sont toutefois pris en compte dans les réflexions, la proposition de directive s'inscrit dans la droite ligne de la politique poursuivie depuis 1996 en matière de contrôle légal des comptes.

2.   Propositions de la Commission

2.1

La proposition de directive comprend des dispositions relatives à l'agrément des contrôleurs légaux et des cabinets d'audit, à leur formation continue et à leur reconnaissance mutuelle au niveau international.

2.2

Tous les contrôleurs légaux et cabinets d'audit sont tenus au respect d'une éthique professionnelle. Ces principes comprennent la responsabilité des contrôleurs légaux et des cabinets d'audit envers le public, leur intégrité et leur objectivité, ainsi que leur compétence professionnelle et leur diligence.

2.3

Les États membres doivent veiller à assurer l'enregistrement des contrôleurs légaux et des cabinets d'audit dans un registre public.

2.4

Le contrôleur légal ou le cabinet d'audit doit être indépendant de l'entité dont il contrôle les comptes et ne doit être en aucune façon associé aux décisions prises par la direction de l'entité. Le contrôleur légal ou le cabinet d'audit ne doit pas procéder au contrôle légal des comptes d'une entité avec laquelle il entretient une relation financière, d'affaires, d'emploi ou de toute autre nature pouvant compromettre son indépendance.

2.5

L'utilisation de normes d'audit internationales doit être rendue obligatoire pour tous les contrôles légaux de l'Union européenne dès lors que ces normes sont inscrites dans le droit communautaire.

2.6

Les États membres doivent mettre en place un système effectif de supervision publique de la profession de l'audit auquel tous les contrôleurs légaux et les cabinets d'audit soient soumis. Cette supervision obéit à certains principes qui concernent notamment la composition de l'instance concernée, ses prérogatives et la transparence de la supervision.

2.7

Le contrôleur légal ou le cabinet d'audit doit être désigné par l'assemblée générale des actionnaires de l'entité contrôlée. Les États membres peuvent toutefois prévoir que cette désignation soit soumise à l'approbation préalable d'une autorité de surveillance compétente ou qu'elle soit effectuée par une juridiction ou par un autre organe habilité par le droit interne.

2.8

Le contrôleur légal ou le cabinet d'audit ne peut être révoqué que pour des motifs valables. Une divergence d'opinion sur un traitement comptable ou une procédure de contrôle ne constitue pas un motif de révocation valable.

2.9

La Commission propose que les États membres veillent à fixer des règles adéquates pour garantir une véritable communication entre le contrôleur légal ou le cabinet d'audit et l'entité contrôlée. Cette communication doit être dûment consignée par l'entité contrôlée.

2.10

La proposition de directive prévoit des dispositions spéciales concernant le contrôle légal des entités d'intérêt public. Les entités d'intérêt public sont les entités qui présentent un intérêt public significatif en raison de la nature de leur activité, de leur taille ou du nombre de leurs employés, notamment les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé de tout État membre, ainsi que les banques, les autres institutions financières et les entreprises d'assurance. Ces entités doivent par exemple mettre en place un comité d'audit composé de membres non exécutifs de l'organe d'administration ou de membres de l'organe de surveillance de l'entité contrôlée, comprenant au moins un membre indépendant compétent en matière de comptabilité et/ou d'audit. En outre, la réglementation concernant l'indépendance, l'assurance qualité, la supervision publique et la désignation des contrôleurs légaux ou des cabinets d'audit est renforcée.

2.11

Sur une base de réciprocité, les États membres peuvent agréer un auditeur d'un pays tiers en tant que contrôleur légal, à condition que cette personne prouve qu'elle a été agréée en tant qu'auditeur, qu'elle possède les connaissances théoriques, les compétences pratiques et une intégrité équivalentes à celles prévues par la directive à l'examen, ainsi que les connaissances juridiques nécessaires à l'exercice du contrôle légal dans cet État membre. Des principes fondamentaux réglementant la coopération internationale et l'échange d'informations sont également proposés.

2.12

Il est prévu d'instituer un comité de réglementation de l'audit, composé de représentants des États membres, et chargé d'assister la Commission dans l'élaboration de mesures d'exécution.

2.13

Une modification des directives 78/660/CEE et 83/349/CEE rend obligatoire la publication des honoraires versés pendant l'exercice au contrôleur légal ou au cabinet d'audit pour le contrôle légal des comptes, pour les autres services d'audit, les services de conseil fiscal et tout autre service autre que d'audit.

2.14

Les États membres doivent adopter et publier avant le 1er janvier 2006 les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive à l'examen.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité économique et social européen se félicite de cette proposition de directive qui permet aux investisseurs et aux autres parties concernées d'être assurés de la fiabilité du contrôle légal des comptes des entreprises.

3.2

Le Comité accueille favorablement le fait que la nouvelle directive crée un cadre juridique européen unifié pour le contrôle légal des comptes.

3.3

Le Comité prend note du fait que la Commission prendra des initiatives supplémentaires suite au scandale Parmalat. Ces initiatives comprennent une accélération des mesures annoncées dans le programme d'action de mai 2003 sur la modernisation du droit des sociétés et le renforcement du gouvernement d'entreprise. Ces mesures concernent: (1) la définition du rôle des administrateurs extérieurs, (2) la clarification des responsabilités des membres du conseil d'administration en matière d'information financière et non financière, (3) l'amélioration de la publicité des transactions internes aux groupes et des transactions effectuées avec des entités apparentées, ainsi que (4) la publication dans les comptes de l'intégralité des informations relatives aux sociétés off-shore, et un renforcement drastique du contrôle effectué sur leur contenu par le contrôleur légal du groupe.

3.4.

Le Comité reprend la position présentée par la Commission dans sa communication sur le renforcement du contrôle légal des comptes selon laquelle la responsabilité des contrôleurs légaux est un facteur de qualité du contrôle légal des comptes (1). Il est toutefois toujours d'avis (2) qu'une telle responsabilité doit être proportionnée, en ce qui concerne les préjudices occasionnés à la société contrôlée et à ses actionnaires, et il se félicite que la Commission ait l'intention d'examiner l'impact économique accru des régimes sur la responsabilité des contrôleurs légaux. Le Comité encourage la Commission à faire rapidement progresser les études qu'elle a engagées à ce sujet.

4.   Observations spécifiques

4.1

Les dispositions réglementaires proposées en matière d'agrément et de formation continue des contrôleurs légaux ou cabinets d'audit visent entre autres à garantir que les contrôleurs légaux possèdent les connaissances spécialisées indispensables à l'exercice de leur profession. Le Comité s'en félicite.

4.2

Les propositions concernant l'éthique professionnelle sont jugées positives dans leur principe. La Commission propose que la possibilité lui soit donnée d'adopter des mesures d'exécution en matière d'éthique professionnelle. Il convient selon le Comité que celles-ci répondent à des normes de qualité excellentes et qu'elles soient conformes aux dispositions internationales (code d'éthique de la fédération internationale des experts comptables) ou européennes (recommandation de la Commission européenne sur l'indépendance des contrôleurs légaux dans l'UE du 16 mai 2002 (3)) reconnues.

4.3

Le Comité est d'avis que l'indépendance du contrôleur légal ou du cabinet d'audit est très importante. Le Comité soutient donc dans son principe la proposition de la Commission de fixer des principes pour garantir l'indépendance du contrôleur légal ou du cabinet d'audit. Ces principes doivent s'appliquer à toutes les sociétés contrôlées, en particulier aux entités d'intérêt public puisqu'elles sont également tenues à une plus grande transparence vis-à-vis de leurs actionnaires et des investisseurs potentiels.

4.4

Le Comité se félicite de l'attention portée par la Commission aux normes de contrôle internationales, et par conséquent aux ISA (normes d'audit internationales). Étant donné qu'à partir de 2005 les entreprises orientées vers les marchés des capitaux seront tenues d'établir leur bilan consolidé sur la base des ISA (normes comptables internationales) ou des IFRS (normes internationales en matière d'information financière) (4), l'utilisation de normes de contrôle internationales est jugée appropriée. Les normes de contrôle internationales seront élaborées conformément à certains principes, et ces normes devront satisfaire des critères de qualité très exigeants. De ce fait, le Comité soutient dans son principe la proposition de la Commission relative à la procédure de reconnaissance des normes. Toutefois, l'élaboration de normes de contrôle reconnues au niveau international suppose la prise en compte des intérêts de toutes les parties impliquées et de ceux du public dans le cadre d'un processus de normalisation transparent («due process»). C'est pourquoi la Commission doit introduire ses propositions expressément et le plus tôt possible dans le processus de normalisation.

4.5

Le Comité souscrit dans son principe à la proposition de la Commission selon laquelle les États membres doivent mettre en place une supervision publique de tous les contrôleurs légaux et les cabinets d'audit, contrôle obéissant lui-même à certains principes.

4.6

Concernant la révocation du contrôleur légal ou du cabinet d'audit, la Commission propose que les divergences d'opinion sur les traitements comptables ou les procédures de contrôle ne constituent pas un motif de révocation valable. Il peut cependant arriver qu'une entreprise utilise un traitement comptable communément admis auquel le contrôleur légal ne souscrit pas pour autant. Dans pareils cas, la question se pose de savoir comment procéder si la révocation du contrôleur légal ou du cabinet d'audit n'est pas possible.

4.7

Le Comité accueille favorablement la réglementation proposée relative à la communication entre l'entité contrôlée et le contrôleur légal ou le cabinet d'audit.

4.8

Le Comité accueille favorablement la proposition de la Commission relative à l'introduction de dispositions particulières pour le contrôle légal des comptes des entités d'intérêt public. Toutefois, il conviendrait que les exigences particulières requises soit proportionnelles aux coûts supplémentaires qu'elles induisent. Les coûts supplémentaires sont en effet assumés au final par les clients et les propriétaires des entreprises.

4.9

La Commission propose que soient publiés les honoraires versés pendant l'exercice au contrôleur légal ou au cabinet d'audit pour le contrôle légal des comptes, pour les autres services d'audit, les services de conseil fiscal et tout autre service autre que d'audit. Le Comité se félicite de l'accroissement de la transparence. Il se demande néanmoins si cette publication obligatoire conduira nécessairement à une amélioration de la qualité du contrôle légal des comptes. Le Comité considère possible qu'une transparence accrue renforce la pression en faveur de l'ajustement des prix des services d'audit.

4.10

La Commission propose qu'il incombe à chacun des États membres de fixer des règles telles que les honoraires perçus pour le contrôle légal des comptes garantissent un contrôle légal d'une une qualité appropriée, et qu'ils ne soient pas influencés par la prestation de services supplémentaires pour le compte de l'entreprise contrôlée, ni liés à aucune sorte de condition. Le Comité note que cette disposition est conçue pour éviter que ne soit pratiqué un dumping sur les prix des services de contrôle légal. Toutefois, le Comité se demande comment cette disposition sera mise en œuvre. Le Comité estime qu'il ne faut pas que cette réglementation conduise en conséquence à une fixation des prix du contrôle légal des comptes par les États membres.

4.11

Le Comité accueille favorablement la procédure proposée par la Commission pour l'adoption de mesures d'exécution et l'institution d'un comité de réglementation de l'audit, tant que ces mesures d'exécution ne sont pas en contradiction avec les déclarations internationales et européennes mentionnées au paragraphe 4.2.

5.   Aspects internationaux

5.1

Le Comité accueille favorablement les règles relatives à la coopération internationale proposées par la Commission. Cette coopération concerne en particulier les États-Unis. A cet égard, le Comité souligne que les réglementations nationales obligatoires en vigueur en matière de confidentialité et de protection des données doivent être prises en compte.

5.2

La proposition de directive prévoit que les contrôleurs légaux de pays tiers puissent être agréés sur une base de réciprocité, à la condition qu'ils produisent certaines pièces justificatives. Une coopération avec les États tiers requiert au préalable une équivalence entre le système de supervision publique de l'État tiers et le système de supervision européen. Pour cela, il convient que la Commission évalue cette équivalence en coopération avec les États membres et pour ce faire statue selon la procédure prévue pour l'adoption de mesures d'exécution. A cet égard, le Comité estime que les contrôleurs légaux de pays tiers doivent être soumis aux mêmes conditions d'agrément que les contrôleurs légaux des pays membres pour pouvoir exercer leur profession.

5.3

Il est difficile de dire avec certitude si le modèle de coopération internationale proposé tient suffisamment compte de tous les aspects de la question. Aussi le Comité estime-t-il nécessaire que la Commission examine plus avant la manière dont est reçu le modèle proposé, en particulier au sein des autorités compétentes aux États-Unis.

6.   Conclusions

6.1

Le Comité approuve la proposition de directive concernant le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE. Il estime que la proposition couvre presque tous les domaines importants du contrôle légal des comptes. Lorsque la directive aura été entièrement mise en œuvre, elle contribuera de manière essentielle au renforcement et à une plus grande uniformisation du contrôle légal des comptes, conformément à l'objectif de la Commission.

6.2

Le Comité s'est penché sur certains aspects de la proposition de directive, afin de donner à la Commission des indications et des suggestions concrètes quant à des réflexions et des analyses plus approfondies. Soulignant l'importance de la proposition de directive, le Comité plaide pour un processus législatif rapide.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 236/2-8 du 2 octobre 2003, paragraphe 3.10.

(2)  Voir l'avis du Comité économique et social européen du 10 décembre 2003 sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil - Renforcer le contrôle légal des comptes dans l'UE» (COM(2003) 286 final) (2004/C 80/06); JO C 80/17-19 du 30 mars 2004, paragraphe 4.7.

(3)  JO L 191 du 19 juillet 2002.

(4)  Selon le Comité, une interprétation commune des ISA et des IFRS est une condition essentielle à la garantie d'une grande qualité des audits.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Le texte suivant de l'avis de section, qui a recueilli un nombre de voix favorable représentant plus d'un quart des suffrages exprimés, a été refusé et remplacé par un amendement adopté en plénière.

Point 4.3

«Le Comité est cependant d'avis que l'introduction d'une rotation externe des cabinets d'audit dans le cas du contrôle légal des entités d'intérêt public ne permettra pas d'améliorer la qualité du contrôle légal. En effet, le transfert de connaissances spécifiques relatives à un client donné à un nouveau contrôleur légal s'accompagne inévitablement d'une déperdition de savoir-faire et d'une diminution de la qualité du contrôle légal par rapport à celle que permet une expérience de plusieurs années avec le même client. De plus, il y a lieu de craindre qu'une telle réglementation conduise à une concentration du marché autour des grands cabinets d'audit au détriment des contrôleurs légaux appartenant à de petites et moyennes entités.»

Résultats du vote

Voix pour: 50

Voix contre: 21

Abstentions: 4


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/120


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée: Accroître l'emploi des travailleurs âgés et différer la sortie du marché du travail»

(COM(2004) 146 final)

(2005/C 157/22)

Procédure

Le 3 mars 2004, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 24 novembre 2004 (rapporteur: M. DANTIN).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté par 125 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions l'avis suivant.

Préambule

I.

Dès le mois d'octobre 2000 dans un avis d'initiative le CESE indiquait: «Le Comité a estimé que le dossier des travailleurs âgés était d'une importance telle, qu'il appelait de sa part un avis d'initiative prenant en compte les différents aspects de cette question. Par cet avis d'initiative, le Comité à également voulu souligner la nécessité d'une approche positive à l'égard des travailleurs âgés, dans la mesure ou le traitement souvent réservé à ceux-ci relève non seulement d'une conception de la société peu solidaire et discriminatoire, mais entraîne dans de nombreux cas la perte d'un personnel hautement qualifié et, partant, la baisse du niveau global de la compétitivité. Il considère, par ailleurs, que si les progrès scientifiques permettent aujourd'hui de donner “du temps à la vie” il convient que, de façon corrélative, l'organisation de notre société s'efforce de donner “de la vie au temps”  (1) .»

II.

Le contenu de cet avis d'initiative, adopté à la quasi-unanimité en séance plénière, représente un acquis du Comité. Il reflète l'état de ses réflexions et de ses positions sur le sujet à traiter.

III.

La communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Accroître l'emploi des travailleurs âgés et différer la sortie du marché du travail», sujet du présent avis, sera donc examinée à la lumière des attendus, des analyses, des recommandations et des conclusions de l'avis d'initiative précité. Il intégrera ce qui pourrait être considéré comme des éléments nouveaux.

1.   Introduction

1.1

Le Conseil européen de Lisbonne a assigné à l'Union européenne un objectif ambitieux en matière de taux d'emploi. Celui-ci devrait être porté à un «niveau aussi proche que possible de 70 % d'ici 2010» et de 60 % pour les femmes. Cet objectif se justifie autant pour des raisons sociales que pour des motifs économiques. L'emploi reste en effet le meilleur rempart contre l'exclusion sociale. S'agissant des entreprises, de l'économie dans son ensemble, l'accroissement du taux d'emploi des travailleurs âgés est crucial afin d'éviter ou de réduire la pénurie de main-d'œuvre en utilisant son plein potentiel. Il s'agit par là, également, de soutenir la croissance économique, les recettes fiscales et les systèmes de protection sociale, au regard des réductions attendues de la population en âge de travailler.

1.2

La réalisation progressive de cet objectif confronte la plupart des États membres à l'incontournable défi de devoir relever, avant tout, le taux d'emploi des travailleurs âgés.

1.2.1

C'est pour cette raison, notamment, que la promotion du vieillissement actif figure dans deux objectifs complémentaires que l'Union européenne s'est assignés. En effet le Conseil européen de Stockholm de 2001 a établi que la moitié de la population européenne se situant dans le groupe d'âge de 55 à 64 ans devrait être employée d'ici 2010. Le Conseil européen de Barcelone de 2002 à conclu quant à lui qu'il faudrait chercher à réaliser, d'ici 2010, une augmentation progressive d'environ 5 ans de l'âge effectif moyen auquel les gens arrêtent de travailler dans l'Union européenne.

1.3

Dans son rapport de synthèse au Conseil européen de printemps 2004 (2) la Commission a identifié le vieillissement actif comme l'un des trois domaines d'actions prioritaires qui appellent des actions rapides pour réaliser la stratégie de Lisbonne.

1.4

La communication sous examen vise donc à alimenter le débat sur les progrès réalisés dans la poursuite des objectifs de Stockholm et de Barcelone et à mettre en lumière le rôle des gouvernements et des partenaires sociaux dans la promotion du vieillissement actif. Elle répond également à la demande du Conseil européen de Barcelone d'analyser les progrès dans ce domaine sur une base annuelle, avant chaque Conseil de printemps.

1.5

Le contenu du présent avis est la contribution du Comité économique et social européen au débat concernant le «taux d'emploi des travailleurs âgés», débat nourri par la Communication sous examen et devant trouver un aboutissement provisoire au mois de décembre à venir.

2.   La communication

2.1

La communication affirme qu'avec le vieillissement et la diminution attendue de la population active, les travailleurs âgés doivent être reconnus pour ce qu'ils sont: une composante essentielle de l'offre de main d'œuvre et un facteur clé pour le développement durable de l'Union européenne.

2.2

Il est donc essentiel, selon elle, de mettre en œuvre des stratégies visant à maintenir l'offre de main d'œuvre et à garantir l'employabilité de cette tranche d'âge, même durant les périodes de stagnation de la croissance de l'emploi.

2.3

Pour ce faire elle indique qu'une approche préventive basée sur la mobilisation du plein potentiel de la population de tous âges, dans une perspective de cycle de vie, doit constituer la principale direction des politiques à mener.

2.3.1

Dans ce cadre elle propose, en substance, que les États membres élaborent et mettent en œuvre des stratégies globales de vieillissement actif qui pourraient comprendre:

des incitations financières pour décourager les retraites anticipées et rendre le travail plus attractif financièrement;

l'accès à des stratégies de formation et d'éducation tout au long de la vie;

des politiques actives du marché du travail efficaces;

de bonnes conditions de travail favorables au maintien dans l'emploi notamment en terme de santé et de sécurité et des formules souples de travail.

2.3.2

Elle indique également qu'une participation et un engagement plus fort des partenaires sociaux sont nécessaires pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies globales de vieillissement actif. Elle précise que ces derniers ont un rôle particulièrement important à jouer au travers des conventions collectives.

2.4

On pourra observer — afin d'y revenir dans le développement du présent avis — que la communication ne se livre pas à l'analyse des causes qui conduisent aux situations et à leurs évolutions, lesquelles sont décrites par ailleurs de façon détaillée et précise, et qu'elle est peu diserte sur les décisions du Conseil de Barcelone.

3.   Les faits

3.1

D'ici 2030, l'Union européenne à 25 comptera 110 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, alors que leur nombre n'était que de 71 millions en 2000, et la population active sera constituée de 280 millions de personnes, contre 303 millions aujourd'hui faisant passer le rapport de 4,27 à 2,55.

3.2

Parallèlement à cette évolution la distribution du travail sur le cycle d'une vie a connu, lors des vingt dernières années, des bouleversements majeurs.

3.2.1

Les jeunes font une entrée plus tardive sur le marché du travail en raison de l'allongement de la scolarité, de la formation et des difficultés qu'ils ont à trouver un emploi approprié (3).

3.2.2

Le taux d'emploi de la population totale après 55 ans s'est considérablement réduit en Europe lors des trois dernières décennies mais aussi, dans une moindre mesure, outre atlantique: celui-ci, dans la tranche des 55-64 ans, était de 37 % en 1999 dans l'Union européenne et de 55 % aux États-Unis (4). En 2002, en Europe, on note une forte différence entre les hommes (50,1 %) et les femmes (30,25 %) pour arriver à un total de 40,1 %.

3.2.3

Le taux d'emploi n'a cessé de décroître depuis les années 70 et jusqu'à une période récente, ceci de façon importante et continue, avec une accentuation marquée entre 1980 et 1985 (5). C'est ainsi qu'il a chuté entre 1971 et 1999 de 47,4 % en France, 45,8 % aux Pays-Bas, 39 % en Espagne, 38,7 % en Allemagne, 30 % en Irlande, 29 % au Portugal et au Royaume-Uni. Il était en 2002, pour la tranche des 55-64 ans de 40,1 % dans l'UE des 15 et de 38,7 % dans l'UE à 25. On verra en annexe les évolutions globales, État membre par État membre, de 1997 à 2002 (6). Il serait sans doute possible de parler d'une individualisation du parcours des âges. Mais celle-ci ne reflète pas toujours l'élargissement de la capacité de choix individuel. La sortie précoce est, en général, dans certains États membres, plus souvent imposée que choisie. La flexibilité de la fin du cycle de vie au travail traduit plutôt la pesée de la situation du marché du travail, des stratégies de politiques de main-d'œuvre des entreprises, et des pouvoirs publics qui lui sont corrélatives (7) ainsi que souvent la conception des régimes de retraite.

3.3

La vie au travail a donc tendu à se raccourcir aux deux extrémités et concerne aujourd'hui, principalement les groupes d'âges médians.

3.4

La tranche d'âge des 50-64 ans revêt une importance particulière pour la politique de l'emploi. Au niveau de l'Union européenne à 15 sa part passera de 25 % en 1995 à 34,40 % en 2025 de la population totale. Cette croissance sera nettement plus rapide dans les pays scandinaves (8).

3.5

Cette évolution est particulièrement préoccupante dans la perspective du vieillissement démographique accentué que va connaître l'Union européenne (9). La fin de la première décennie du siècle devrait être marquée par un événement dont la symbolique ne saurait cacher une réalité préoccupante: le nombre de personne de moins de 20 ans passera en dessous de celui des plus de 60 ans. Ce n'est qu'une étape dans une évolution qui pourrait voir, dans les cinquante prochaines années, le rapport doubler entre la population sortie du marché du travail et celle en âge de travailler (de 4 pour 10 à 8 pour 10) (10).

3.6

Toutefois, la communication sous examen relève que des progrès ont récemment été accomplis dans la réalisation des objectifs de Stockholm et de Barcelone. En effet, en 2002 l'emploi des travailleurs âgés a progressé de 5,4 % ce qui a fait progresser le taux d'emploi de 1,3 point pour atteindre 40,1 %. L'accroissement de l'âge moyen de sortie du travail est passé de 60,4 ans en 2001 à 60,8 en 2002.

3.6.1

Cependant, précise la Communication, il serait prématuré d'interpréter l'accroissement de l'âge de sortie comme le signe fort d'une tendance positive car les données ne concernent que deux années.

3.6.2

Malgré les difficultés liées à la mise en œuvre récente de certaines réformes, il serait cependant utile, mieux que ne le fait la Communication, de procéder à une analyse aussi fine que possible des raisons qui ont présidé à ce redressement afin d'en dégager d'éventuelles pratiques.

3.6.3

Il serait également nécessaire, dans ce cadre, d'observer quelle est la part du redressement qui est liée à la mise en place de dispositifs dont l'objectif premier, sinon unique, est bien de relever le taux d'emploi des travailleurs âgés et quelle est la part qui relève des conséquences, résultantes indirectes, de modifications apportées à des systèmes sociaux dont l'objectif était d'abord d'assurer leur viabilité économique déstabilisée par la situation et les prévisions démographiques.

3.7

Il n'en demeure pas moins que dans la tranche des 55-64 ans, et en moyenne pour la période 1995-2002, seulement 35 % des salariés quittent le marché du travail à l'âge légal de la retraite; 22 % partent en préretraite; 17 % en maladie invalidité; 13 % pour licenciement individuel et collectif et 13 % également pour des raisons variées (11).

3.7.1

Même si ces chiffres se sont améliorés lors de ces dernières années, ils demeurent édifiants. Alors qu'on avait pu penser dans les années 80 que l'importance en nombre des préretraites — et des départs en maladie-invalidité que l'on peut parfois considérer comme des substituts aux préretraites — était liée aux fortes restructurations industrielles de cette époque, il semble aujourd'hui que cette explication soit insuffisante face à la persistance de cette situation puisque seulement 35 % des salariés quittent le marché du travail à l'âge légal de la retraite.

4.   Approches de solutions, les propositions de la Communication

4.1

Le rééquilibrage du rapport entre actifs et inactifs, l'évolution de l'âge moyen de la sortie du marché du travail, le maintien d'un volume de main d'œuvre optimal au regard des prévisions démographiques de l'Union européenne, passent d'abord par le relèvement du taux d'activité des salariés de plus de 55 ans. Bien entendu celui-ci doit se situer dans le cadre des équilibres souhaitables entre travail et retraite, loisir et travail qui représentent des valeurs du modèle social européen.

4.2

Une telle conversion doit se programmer sur le moyen terme en mettant en place une politique d'entretien de l'employabilité tout au long de la vie de travail et de requalification des salariés de plus de 40 ans aussi bien pour les femmes que pour les hommes. En effet il est difficile de croire, en la matière, en un scénario d'harmonie spontanée dans lequel le renversement de tendance du marché du travail suffirait pour que les entreprises conservent leurs salariés âgés.

4.2.1

Au-delà des actions concrètes à entreprendre, il paraît fondamental que sur le plan de la perception tout soit fait pour conduire à un changement de mentalité et à une prise de conscience tant des entreprises que des salariés. Il faut que travailler après 55 ans soit considéré comme valorisant par les salariés et que les entreprises ou les services publics soient conscients des avantages que peuvent leur procurer les travailleurs âgés (expérience acquise, savoir-faire, faire savoir, etc.). À défaut de cette prise de conscience collective les mesures concrètes qui seraient adoptées ne sauraient trouver leur pleine efficacité.

4.2.2

À cet effet, le Comité avait suggéré, dans son avis d'initiative d'octobre 2002 (12) sur ce sujet, à la Commission de promouvoir, en interaction avec les États membres, une large campagne d'information et d'explication afin de contribuer à une perception positive du rôle que peuvent jouer les travailleurs vieillissants tant dans les entreprises que dans les services publics.

4.2.2.1.

Le CESE se réjouit de constater que «Le rapport du Groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une UE élargie» paru à la fin du premier semestre 2004, reprend la proposition du Comité.

4.2.3

En outre, il est nécessaire de reconnaître bien davantage le rôle joué par les personnes vieillissantes dans l'économie sociale, tant par le rôle qu'elles assument au sein de la famille que par leur travail de bénévolat dans la société civile, les institutions démocratiques, les ONG et plus généralement dans la vie associative. Ce faisant, à l'aune de ces observations, on peut concrètement mesurer les ressources de dynamisme, d'innovation et d'efficacité qui les habitent.

4.3

Dans la Communication la Commission présente les «Conditions clés de la promotion de l'emploi des travailleurs âgés».

4.3.1   Préretraites et incitants financiers

Après avoir constaté que plus de 20 % des salariés quittent leur dernier emploi par le biais des préretraites, soit environ 3 millions de salariés, la Communication suggère d'en réexaminer les «incitants financiers» pour faire du maintien sur le marché du travail un solution payante.

4.3.1.1

Selon le Comité cette proposition, qui est à rapprocher de la Communication «Moderniser la protection sociale: rendre le travail rémunérateur» (13) est à considérer de façon positive en fonction de la qualité et de la nature des éléments de mise en œuvre. Cependant, ce concept pour autant qu'il puisse être utile, ne saurait effacer le poids déterminant des éléments objectifs de la situation des salariés que sont le niveau de leur employabilité, la gestion des ressources humaines au long de la carrière et plus particulièrement de sa deuxième partie, et plus généralement la situation qui leur est faite dans le cadre de la politique conduite dans l'entreprise. Sur un autre plan, on peut également retenir les projets individuels du salarié relatif à sa vie privée.

4.3.1.2

En effet, face à l'évolution constante et exponentielle de l'appareil de production et des processus de fabrication, dans une économie en perpétuel mouvement et face à un marché sans cesse évolutif, les entreprises doivent s'adapter, évoluer, se restructurer afin de progresser dans un environnement mondialisé, en même temps qu'elles doivent trouver un équilibre entre le social et l'économique, seul à même d'assurer leur dynamisme et leur croissance. Elles recherchent en conséquence des marges de manœuvre, des possibilités de respiration.

4.3.1.3

Elles trouvent souvent ces marges de manœuvres en terme de quantité et de qualité d'emploi auprès des salariés âgés. C'est particulièrement le cas lors de «plans sociaux» consécutifs à des restructurations.

4.3.1.4

En dehors des «plans sociaux» la mise en place de départs en préretraites permet aux entreprises de remplacer les salariés âgés qu'elles jugent peu productifs et aux compétences obsolètes par des salariés plus jeunes mais en nombre souvent plus réduit. Elles estiment ainsi pouvoir améliorer leur compétitivité, en même temps qu'elles allègent leur masse salariale et rééquilibrent leur pyramide des âges. Même si cela est difficile, cette situation relève parfois d'un management insuffisant des ressources humaines et d'une prise en compte insuffisante de la gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications. L'ensemble de ces situations, d'une façon générale, ont été rendues possibles, suivant les États membres, par des dispositifs établis par les pouvoirs publics et/ou par les systèmes de sécurité sociale.

4.3.1.5.

Mais ceci ne saurait occulter le choix des salariés. Parmi ceux qui ont été mis en préretraite, seuls 4 sur 10 auraient souhaité poursuivre leur activité professionnelle (14). En effet, au delà des travailleurs atteints d'invalidité réelle, il ne faut pas ignorer ce souhait, souvent présent, de participer par ce procédé, à une nouvelle forme attractive du partage des fruits de la croissance, cette lassitude d'exercer un emploi où l'insuffisance, voire l'absence de diversifications des fonctions, de valorisations des postes de travail ou de rotations des postes a été le plus souvent la règle, parfois depuis plus de quarante ans, qui les conduit à aspirer à un autre mode de vie. Et c'est souvent avec le sentiment d'avoir déjà «beaucoup donné» qu'ils font acte de volontariat, parfois par défaut d'une proposition d'un nouvel emploi mieux adapté.

4.3.1.6

Dans les conditions actuelles, on peut dire qu'il y a souvent concordance d'intérêt entre le salarié et son entreprise ou autrement dit qu'il existe une alliance objective, celle-ci se traduisant généralement dans des accords collectifs conclus par les partenaires sociaux aux différents niveaux de négociation, y compris celui de l'entreprise.

4.3.1.7

C'est l'ensemble du constat et de la problématique énoncée ci-avant qui est au centre de la «justification» des préretraites. C'est à l'ensemble de cette situation complétée par celle exposée à l'article 4.3.2 qu'il convient de s'intéresser si on veut modifier la donne.

4.3.2   Réformer les préretraites

La Communication évoque également, de façon générale, la nécessité de réformer les systèmes de préretraites. Le CESE peut examiner favorablement cette orientation générale si elle doit conduire exclusivement les salariés âgés à conserver leur emploi et non pas à les conduire au chômage car l'objectif est bien d'accroître le taux d'emploi.. En effet, il est juste de souligner comme le fait la Commission «Qu'à l'évidence tous les incitants au maintien des travailleurs âgés dans l'emploi doivent se refléter dans de réelles perspectives d'emploi» car jusqu'à présent, pour l'essentiel, les préretraites ne sont qu'un moyen mis à la disposition du marché du travail pour en aplanir les coûts sociaux en terme de chômage de longue durée et d'exclusion. En d'autres termes on a utilisé les préretraites comme l'instrument d'une «politique d'emploi» ou plus exactement comme l'instrument d'une politique anti-chômage. On peut observer que dans nombre d'États membres elles sont souvent devenues et considérées, par les entreprises, comme un outil de gestion des effectifs et par les salariés comme un avantage social et un droit acquis.

4.3.2.1

Cependant, deux cas de préretraite méritent la réflexion, l'attention et surtout la prudence:

les mises à la retraite anticipée lors de restructurations lourdes, tant il est vrai qu'au regard de la cohésion sociale 'il vaut mieux un «jeune» retraité qu'un «vieux» chômeur de longue durée sans perspective de réemploi. Il faut avoir à l'idée que toutes les mutations industrielles ne sont pas derrière nous en particulier dans le cadre de l'élargissement;

les mises à la retraite anticipée, totale ou partielle, contre des embauches équivalentes de demandeurs d'emploi, tant il est vrai là aussi, qu'il vaut mieux un retraité qu'un chômeur auquel aucune perspective d'insertion dans la vie active n'est offerte.

4.3.2.2

Par ailleurs les préretraites peuvent être un élément de réponse pour les salariés âgés qui ont eu des conditions de travail particulièrement difficiles. En effet même si d'une manière globale, on vit vieux plus longtemps, tout le monde n'est pas concerné à l'identique. De fortes disparités apparaissent selon les groupes sociaux notamment entre le groupe des «cadres» et le groupe des «ouvriers» Ainsi en 1999 l'espérance de vie d'un cadre est de 44,5 ans à 35 ans et de 38 ans pour un ouvrier (15). Toute réflexion sur la durée de vie au travail et hors travail doit intégrer ces données. Réduire ces inégalités est un enjeu majeur.

4.3.3   De bonnes conditions de santé et sécurité au travail

La Communication souligne, à juste titre, que la deuxième raison qui conduit les salariés à quitter le marché du travail est la maladie de longue durée ou l'invalidité. En effet, cela concerne plus de 15 % de la population concernée.

4.3.3.1

Il convient certainement de relativiser cette situation dans la mesure ou certains États membres ont dévié vers l'invalidité nombre de chômeurs ou l'ont utilisée comme substitut aux préretraites (16).

4.3.3.2

En tout état de cause, il est évident que des conditions de travail améliorées, préservant au mieux la santé et l'intégrité physique tout au long de la vie au travail sont des éléments qui contribuent au maintien des salariés dans l'emploi. De même l'ergonomie, l'étude des postes et leur pénibilité, la définition des tâches, leur modification et leur amélioration, bref un emploi de qualité tout au long de la vie au travail, sont au centre de la problématique du maintien dans l'emploi des travailleurs âgés dans la dernière partie de leur carrière.

4.3.3.3

Cependant, et ceci d'une façon générale, l'invalidité ne saurait être considérée comme une situation qui conduirait de façon systématique à la sortie du marché du travail. En effet, les salariés qui deviennent travailleurs handicapés au cours de leur vie professionnelle représentent un capital humain de grande valeur potentielle. Avec les ajustements nécessaires, la réadaptation, des formations complémentaires, ils peuvent acquérir de grandes capacités pour la réalisation de travaux autres que ceux que leur handicap leur empêche de réaliser normalement. De ce point de vue, et pour une plus grande efficacité, il pourrait être utile de considérer quel serait l'impact du cumul des revenus provenant de la pension d'invalidité et des revenus salariaux.

4.3.4   Des formes flexibles d'organisation du travail

4.3.4.1

Les formes flexibles d'organisation de travail, en amont de l'âge légal de la retraite, sont une autre composante des conditions de travail qui peuvent favoriser le maintien dans l'emploi des travailleurs âgés. Les observations nationales démontrent souvent qu'une proportion significative de travailleurs âgés préférerait une retraite progressive, notamment en raison des problèmes de santé liés au vieillissement mais aussi pour lisser le passage de la vie au travail à la vie sans travail. Plus qu'une «date butée» la retraite anticipée devrait devenir un processus choisi par lequel les travailleurs concernés pourraient décider de réduire leurs heures de travail progressivement dans le temps.

4.3.4.2

Or en jouant, pour l'essentiel, quasi uniquement sur le cursus de l'âge de départ à la retraite, les conditions d'emploi des salariés âgés ne sont pas prises en compte. Les mesures positives d'aménagement des fins de carrière comme les préretraites progressives ont été, le plus souvent, «cannibalisées» par le maintien de préretraites totales et n'ont donc pas connu le développement souhaitable. Cette situation doit être modifiée. En effet, plus qu'un événement qu'on essaie d'avancer le plus possible, la retraite devrait devenir un processus «choisi et progressif» par lequel les salariés peuvent, dans le cadre d'un ensemble de garanties collectives, réduire progressivement leur temps de travail.

4.3.5   L'accès permanent à la formation

Il convient de mettre en avant le concept suivant: «Le potentiel de productivité des travailleurs âgés n'est pas dégradé par l'âge mais par l'obsolescence des qualifications, ce à quoi il est possible de remédier par la formation.» (17)

Fort de ce qui précède, il est utile de préciser qu'il ne suffit pas de mener une politique pour les catégories d'âges à partir de 40-50 ans. Car, ainsi que le notait à juste titre le Conseil supérieur de l'emploi en Belgique «Une politique visant à modifier la problématique des travailleurs âgés arrive trop tard si elle ne couvre que cette catégorie de salariés. D'où la nécessité d'une gestion du personnel tenant compte de l'âge dès le moment où les travailleurs entrent dans le processus de travail  (18) ».

4.3.5.1

Alors que «l'éducation et la formation tout au long de la vie» sont devenues une antienne, un élément central de la politique européenne pour l'emploi il est très inquiétant de constater le pourcentage de la main-d'œuvre participant à l'éducation et à la formation. Ce pourcentage se situe simplement, en moyenne, à 14 % pour la tranche d'âge des 25-29 ans, pour décroître régulièrement au fur et à mesure que s'accentue le vieillissement et pour arriver autour de 5 % s'agissant de la tranche d'âge des 55-64 ans (19). Cette tendance n'a connu qu'une croissance extrêmement modeste, sinon nulle, au cours des dernières années.

4.3.5.2

Dans un système de production où les postes de travail requièrent de plus en plus de technicité et de savoir-faire cette situation ne laisse d'inquiéter, non seulement pour le taux d'emploi des salariés âgés mais plus largement pour la compétitivité européenne. Il est souhaitable, sinon indispensable, que cette situation soit dépassée:

par les entreprises qui doivent intégrer dans leur stratégie la formation comme étant un investissement à moyen et à long terme et non pas comme une action justifiant un retour sur investissement rapide si ce n'est immédiat;

par les salariés qui parfois éprouvent des difficultés à se former, soit par manque d'enthousiasme ce qui est souvent le cas des salariés peu ou pas qualifiés, soit parce qu'ils ne s'en sentent pas capables s'étant trouvé en situation d'échec scolaire, soit parce qu'ils n'en ressentent pas la nécessité en raison d'une fin de carrière proche.

4.3.5.3

Il est bien évident que, dans cette problématique, le rôle des partenaires sociaux à tous les niveaux de négociations peut être déterminant. À cet effet, le «Cadre d'action pour le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie» conclu par les partenaires sociaux européens constitue un effort majeur pour promouvoir l'apprentissage tout au long de la vie, dans toutes les classes d'âge. Dans le même temps, le rôle de la puissance publique qui doit garantir la création d'un cadre favorable au développement de la formation tout au long de la vie est également de première importance.

4.3.5.4

Cependant la formation professionnelle, la formation et l'éducation tout au long de la vie ne doivent pas être considérées isolément. Elles doivent être constitutives de la gestion de carrière des salariés. Il s'agit là d'assurer, au travers de la formation, les motivations à tout âge en valorisant les compétences et en dynamisant les parcours professionnels. De ce point de vue, les bilans de compétences, la validation des acquis sont autant d'outils qui doivent être développés dans le cadre de projets professionnels individuels s'articulant avec le projet de l'entreprise.

4.3.5.5

L'Union européenne est là face à un défi dont les enjeux sont considérables et dont dépend, pour partie, la réussite de la stratégie de Lisbonne. Il faut accroître, d'une façon générale, la participation des salariés à la formation professionnelle et ce faisant, améliorer le niveau général des connaissances et des compétences des travailleurs âgés.

4.3.6   Politiques actives efficaces du marché du travail

4.3.6.1

Le CESE partage le point de vue exprimé dans la Communication qui indique que: «pour que les travailleurs se maintiennent plus longtemps dans l'emploi, il est essentiel d'anticiper les changements et de gérer avec succès les restructurations économiques.» Cette analyse rejoint l'une des causes des situations analysées dans le présent avis au point 4.3.1.4 ou il est indiqué en substance que cette situation relève notamment: «en particulier d'une prise en compte insuffisante de la gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications».

4.3.6.2

Le CESE partage également l'idée selon laquelle: «Il est particulièrement important de mettre en place des approches personnalisées qui répondent aux besoins individuels, notamment par des services d'orientation, une formation spécifique et des systèmes de reclassement externes». Pour ce faire il peut-être utile comme le fait la Communication, et comme cela se pratique dans certains États membre, d'envisager une activation des prestations de chômage en formant et en soutenant les qualifications afin de faciliter le recrutement des travailleurs âgés au chômage tout en maintenant le droit aux indemnités de chômage et en offrant une orientation qui encourage la transition vers un autre emploi ou un travail indépendant.

4.3.6.3

Mettre en place des «Politiques actives efficaces du marché du travail» concerne à la fois la demande et l'offre d'emploi. De ce point de vue l'ensemble des recommandations constituant le corps de la communication participe de ce principe ce dont le Comité se félicite, car cet équilibre est l'une des conditions pour aller vers des progrès tangibles.

4.3.7   Amélioration de la qualité de l'emploi

4.3.7.1

C'est à juste titre que la Communication souligne que la qualité de l'emploi est, d'une manière générale, cruciale pour faire revenir ou maintenir dans le marché de l'emploi des travailleurs âgés. Dans le même temps, le retrait du marché du travail des salariés âgés occupant des emplois de qualité médiocre est jusqu'à quatre fois supérieur à celui des travailleurs âgés occupant des emplois de qualité supérieure, mais aussi deux fois plus élevé que celui des jeunes travailleurs occupant des emplois de qualité médiocre (20). Cette partie de la Communication aurait gagné en précision et aurait suscité un débat si elle s'était essayée à définir le concept «la qualité de l'emploi» et si elle s'était attachée à esquisser l'amorce de solution de mise en œuvre. Pour le moins, une synthèse des approches de textes antérieurs (COM(2003) 728 du 26.11.2003; Rapport «Emploi en Europe 2002») aurait été utile.

4.4   D'autres propositions et réflexions

D'une façon générale, comme pour l'ensemble des orientations de Lisbonne, la réalisation de la «Stratégie/relever l'âge de sortie du marché du travail» s'établira avec une plus grande efficacité si elle est accompagnée d'un taux de croissance conséquent bénéfique à l'emploi.

La méthode ouverte de coordination est utilisée pour les différents aspects ayant trait aux retraites. Cependant pour ce qui est du «vieillissement actif» la communication évoque «un programme d'évaluation par les pairs» mis sur pied dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi. Il est difficile d'appréhender les raisons qui conduiraient à avoir recours à deux processus différents. Par pragmatisme et par soucis d'efficacité il semble utile de rester centrer sur le concept de «l'âge de la sortie du marché du travail», donc globalement de la retraite, et de privilégier en conséquence la méthode ouverte de coordination.

Pour ce qui est des orientations du Conseil européen de Stockholm, et compte tenu des chapitres précédents, le CESE partage les pistes d'action retenues dans la Communication. S'agissant de la «Task-force pour l'emploi» on se reportera à l'avis du Comité concernant son contenu (21)

Cependant, d'autres propositions «et réflexions» peuvent être avancées ou mieux précisées.

4.4.1   Le recrutement

Le recrutement est un élément stratégique du taux d'emploi des salariés âgés (22). Cet aspect est cependant tombé en désuétude dans la réflexion générale. La Communication ne fait pas de cet aspect un élément central qui touche à la fois l'approche psychologique de la problématique, la discrimination et donc au respect de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne.

4.4.1.1

Pourtant il est essentiel que soient combattues toutes les formes de discriminations en matière d'embauche et celles liées à l'âge s'agissant du sujet traité par la communication sous examen. Les méthodes de recrutements doivent s'interdire de faire de l'âge un critère de choix, elles doivent au contraire rechercher davantage à cerner et à valoriser les aptitudes issues de l'histoire de chacun à partir des acquis professionnels. Il importe, certainement, de prendre en compte les aspirations et les choix de ces salariés et notamment des demandes de travail différencié (durée, répartition, horaires, etc.).

4.4.1.2

De ce point de vue il est édifiant de constater, par exemple, que nombre de concours ouvrant droit, dans certains États membre, à un emploi dans la fonction publique relève souvent d'un critère d'âge se situant la plupart du temps autour de 40 ans. Ceci signifie qu'un demandeur d'emploi ayant dépassé 40 ans, issu du secteur privé, ne peut prétendre à un emploi dans la fonction publique. Cette ségrégation n'est pas admissible: elle interdit à un chômeur, fut-il qualifié ou très qualifié et répondant au profil du poste à pourvoir, d'accéder à un emploi existant, en même temps qu'elle prive la fonction publique de l'expérience d'un salarié issu du secteur concurrentiel. Sur ce point la responsabilité des États membres est entièrement engagée. S'agissant de l'Union européenne soulignons que ce n'est qu'en avril 2002 que la Commission a accepté de supprimer les limites d'âge dans ses procédures de recrutement à la suite d'observations du Médiateur européen. Plus récemment, en juillet 2004, le Médiateur a demandé à la Commission, à la suite d'une plainte, de supprimer la limite d'âge pour le recrutement des stagiaires. Il a estimé que celle-ci constitue une discrimination injustifiée, le plaignant indiquant quant à lui que cette pratique est contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'UE.

4.4.1.3

Par ailleurs il faut relever que la multiplication des départs anticipés a accentué la dépréciation des travailleurs vieillissants sur le marché de l'emploi et donc sur leur embauche. L'abaissement des seuils d'âge en vue de faciliter les départs anticipés a eu des conséquences majeures sur ces travailleurs car il a modifié, dans l'esprit des employeurs, l'âge auquel les travailleurs peuvent être considérés comme «trop vieux».

4.4.1.4

En même temps, d'un point de vue psychologique, imprégné du comportement des entreprises, le salarié âgé ou vieillissant ressent implicitement qu'il n'est plus celui qui est décrit prioritairement comme approchant de l'âge du droit à la retraite et au repos. Il est devenu celui qui est défini comme «incapable» de travail ou «inemployable». Lorsque près de la moitié de ceux qui liquident leur retraite sont sortis de l'activité en amont par le biais de «l'invalidité», comme ce fut le cas dans certains pays de l'U.E, le temps de l'inactivité tend à se concevoir, non plus comme le temps du droit au repos, mais bien comme celui de l'incapacité de travail. Une telle perception de l'âge, par ces effets d'étiquetage, n'est pas sans induire des modifications de comportement dans la mesure ou elle n'est pas sans encourager le développement, dans l'esprit du salarié mais surtout dans les faits, d'un sentiment de marginalisation dans le marché du travail et donc de l'embauche mais aussi dans l'entreprise et in fine dans la société elle-même.

4.4.1.5

Dans le même esprit que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la directive 2000/78/CE a créé un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Elle interdit, sous certaines conditions, les discriminations fondées notamment, sur l'âge. Cette directive devait être transposée au plus tard pour décembre 2003. Il sera utile dans un avenir proche de faire le bilan de son application et ce faisant de mesurer la portée de son efficacité.

4.4.2   La flexibilité

On a examiné le concept de flexibilité de l'âge des départs ainsi que la mise en œuvre de forme flexible d'organisation du travail pour ce qui est des retraites anticipées (cf. 4.3.2). Le même raisonnement vaut pour les départs en retraite à l'âge légal. En effet, quatre salariés sur dix auraient souhaité poursuivre leur activité (23) pour des raisons professionnelles, familiales ou d'intérêt personnel (24). Il convient donc de mettre en place des modes de prises de la retraite plus flexible pour répondre à ces attentes.

4.4.2.1

Il faut permettre aux salariés de quitter progressivement leur emploi, et non pas comme cela est majoritairement le cas aujourd'hui, à l'âge légal, d'une manière abrupte, avec ce qu'on peut appeler la «retraite couperet». Des dispositions devraient être prises permettant à la fin de vie au travail, aux salariés de travailler 3/4, 1/3 ou 1/2 temps. Afin de dynamiser ce principe, il conviendrait d'examiner l'impact que pourrait avoir la mise en place d'un salaire proportionnellement supérieur au pourcentage des heures travaillées.

4.4.2.2

Ce temps de présence pourrait être mis à profit, par exemple, pour partager avec les plus jeunes, l'expérience acquise en particulier par la mise en place de tutorat, de soutien et de coopération à l'apprentissage (25) et à l'ensemble des formations en alternance. Tout le monde y gagnerait: le salarié volontaire qui pourrait poursuivre une activité valorisante, l'entreprise qui conserverait et pourrait dispenser un savoir-faire à l'aide d'un faire savoir, et l'intérêt général par l'accroissement du taux d'occupation.

4.4.3   Les femmes et l'égalité des chances

La communication souligne la différence du taux d'emploi des femmes et des hommes âgés. Celle-ci est importante: les taux d'emploi sont respectivement de 30,5 % de 50,1 %. Pour ce qui est de l'âge moyen de sortie du marché du travail la différence est faible. (26) (cf.: tableau Annexe 3).

4.4.3.1

La différence des taux d'emploi de cette catégorie d'âge correspond à un effet de cohorte qui reflète la composition du marché du travail d'une façon générale. Il est notable d'observer que cette différence n'a pas d'incidence et ne se reflète pas dans l'âge moyen de sortie du marché du travail.

4.4.3.2

Augmenter le taux d'emploi des femmes est une condition essentielle de la réalisation des objectifs de Stockholm. Le taux d'emploi de cette catégorie d'âge résulte, pour l'essentiel, du taux d'emploi des tranches d'âge antérieures. C'est donc le taux d'emploi des femmes de façon générale qui est au centre de la problématique, et pas seulement leur âge de sortie du marché du travail.

4.4.3.3

Cette question, au delà des résultantes économiques qu'elle génère, relève aussi de raisons d'équité maintes fois mises en avant par le Comité, qu'il s'agisse d'orientation scolaire, de niveau de formation, d'égalité salariale ou de responsabilité exercée à qualification identique.

4.4.3.4

Accroître le taux d'emploi des femmes implique nécessairement d'améliorer leurs conditions d'accès au marché du travail. Pour ce faire, il faut mettre en œuvre des dispositifs qui permettent aux hommes et aux femmes de concilier leur vie privée et leur vie professionnelle sur un pied d'égalité, à travers le développement d'un réseau de services sociaux à même de répondre aux besoins d'attention et de soins existants dans la sphère privée: mineurs (notamment la mise en place de système de garde pour les jeunes enfants; cf. tableau Annexe 3), personnes dépendantes (personnes âgées, malades …) etc.

4.4.4   La négociation collective

La Communication indique: malgré «l'évolution récente de la situation, les partenaires sociaux devraient élargir et intensifier leurs efforts, tant au niveau national qu'à l'échelon de l'Union, pour créer une nouvelle culture en matière de vieillissement et de gestion du changement. Bien trop souvent, les employeurs continuent à privilégier les régimes de retraites anticipées».

4.4.4.1

Le CESE salue sur ce point l'approche du document qui attribue, en substance, au dialogue social un rôle indispensable pour tendre vers des progrès significatifs. Le Comité approuve et soutient la démarche et le souhait de la Commission tout en l'approfondissant. En effet, si le dialogue social et mieux la négociation collective doit être intensifiée au niveau national et de l'Union, celle-ci doit être étendue afin de pratiquer du «sur-mesure», car il y a de moins en moins de mesures «passe-partout» à valeur universelle. De ce point de vue les négociations collectives, pour tenir compte des spécificités professionnelles (pénibilité, conditions et organisation du travail, niveau de qualification …) doivent aussi toucher les branches professionnelles, européennes et nationales, et par répercussion les entreprises. Ce n'est qu'à ces conditions que des dispositions générales pourront trouver leur pleine efficacité.

5.   Relèvement de l'âge moyen de sortie du marché du travail

5.1

Le point 32 des conclusions de la Présidence du Conseil de Barcelone stipule qu'en ce qui concerne les politiques actuelles en matière d'emploi, il faudrait, entre autres

«chercher d'ici 2010 à augmenter progressivement d'environ 5 ans l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité professionnelle.»

5.2

L'ensemble des analyses et des dispositions qui ont été examinées dans les articles précédents — et qui concernent plus particulièrement les décisions du Conseil de Stockholm «amener à 50 % le taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans» — contribuent à mettre en œuvre les orientations de Barcelone. En effet chaque travailleur, dont l'âge se situe entre 55 et 64 ans, qui diffère sa sortie du marché du travail participe à augmenter l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'UE, l'activité professionnelle.

5.3

La mise en œuvre des décisions de Stockholm est le moteur essentiel de l'évolution positive de l'orientation du Conseil de Barcelone. Ce faisant «l'augmentation progressive de l'âge moyen effectif auquel cesse l'activité professionnelle» ne saurait être ni examinée, ni appréciée séparément de «l'augmentation du taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans».

5.4

En effet, compte tenu des difficultés observées pour accroître le taux d'activité des salariés de 55 à 64 ans, il ne serait pas raisonnable de prendre isolément le concept de Barcelone. Ceci pourrait conduire, pour accomplir sa réalisation, à suggérer le recul de l'âge légal de l'ouverture des droits à la retraite.

5.5

Il serait peu conséquent d'imaginer une telle hypothèse alors que, pour l'essentiel, il n'est pas toujours permis aujourd'hui aux salariés qui le souhaitent, d'aller jusqu'au terme de leur vie de travail dans le cadre actuel.

6.   Conclusions et recommandations

6.1

Le Comité confirme l'orientation générale de son avis d'initiative «Les travailleurs âgés» d'octobre 2000: «Il souligne la nécessité d'une approche positive à l'égard des travailleurs âgés, dans la mesure ou le traitement souvent réservé à ceux-ci relève non seulement d'une conception de la société peu solidaire et discriminatoire, mais entraîne dans de nombreux cas la perte d'un personnel hautement qualifié et, partant, la baisse du niveau global de la compétitivité.»

6.1.1

Dans le cadre de cette orientation le Comité se félicite que le Conseil européen de printemps 2004 ait identifié le vieillissement actif comme l'un des trois domaines d'actions prioritaires qui appellent des actions rapides pour réaliser la stratégie de Lisbonne. Pour ce faire le Comité apprécie que la Commission ait choisi, par le biais de la communication sous examen, d'alimenter le débat sur les progrès réalisés dans la poursuite des objectifs de Stockholm et de Barcelone et de mettre en lumière le rôle des gouvernements et des partenaires sociaux dans la promotion du vieillissement actif.

6.2

Le CESE, d'une façon générale et globalement, approuve le choix des grands thèmes d'action qui constituent le cœur de la Communication. Ces grands thèmes représentant l'approche de solutions, sont à considérer de façon positive sous réserve de la qualité et de la nature des éléments de mise en œuvre choisis ainsi que des observations contenues dans le présent avis. Qu'il s'agisse des préretraites et incitants financiers, de la réforme des préretraites, des formes flexibles d'organisation du travail, des conditions de santé et de sécurité au travail ou bien encore de l'amélioration de la qualité de l'emploi.

6.2.1

Cependant le Comité estime, qu'au delà des grands thèmes choisis, des actions concrètes à entreprendre, il est fondamental que sur la plan de la perception tout soit fait pour conduire à un changement de mentalité et à une prise de conscience tant des entreprises que des salariés. Il faut que travailler après 55 ans soit considéré comme valorisant par les salariés et que les entreprises ou les services publics soient conscients des avantages que peuvent leur procurer les travailleurs âgés. À défaut de cette prise de conscience collective les mesures concrètes qui seraient mises en œuvre ne sauraient trouver leur pleine efficacité.

6.2.2

À cet effet le Comité suggère à la Commission, comme il l'avait déjà fait dans son avis d'initiative d'octobre 2000, de promouvoir, en interaction avec les États membres, une large campagne de sensibilisation, d'information et d'explication en direction des principaux acteurs et de la société en général, afin de contribuer à la construction d'une perception positive du rôle que peuvent jouer les travailleurs vieillissants tant dans les entreprises que dans les services publics et au total pour l'ensemble de la société.

6.2.2.1

Le CESE se réjouit de constater que le «Rapport du groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une UE élargie» paru à la fin du 1er semestre 2004 a repris à son compte la suggestion du Comité

6.3

Par ailleurs le Comité économique et social européen estime que:

6.3.1

Toutes les actions entreprises pour avancer dans la réalisation des décisions de Stockholm ou de Barcelone doivent conduire exclusivement les salariés âgés à conserver leur emploi ou à les remettre dans l'emploi. L'objectif étant l'accroissement du taux d'emploi et le recul de l'âge de la sortie du marché du travail, il doit être exclu que des modifications de situations actuelles, en particulier s'agissant des préretraites, ne conduisent au chômage. D'une façon générale il est juste de souligner, comme le fait la Communication, «qu'à l'évidence tous les incitants au maintien des travailleurs âgés dans l'emploi doivent se refléter dans de réelles perspectives d'emploi».

6.3.2

Le CES estime qu'accroître le taux d'emploi global, ou celui concernant la tranche d'âge des 55/64 ans passe également par l'accroissement du taux d'emploi des catégories de salariés potentiels qui y sont insuffisamment présents. De ce point de vue, des mesures importantes doivent être prises pour mobiliser toutes les réserves de main d'œuvre qui existent dans l'Union, qu'il s'agisse, en particulier, des jeunes trop souvent maintenus dans un chômage démotivant, ce qui est préoccupant pour l'avenir du taux d'emploi global, ou bien encore des femmes et des handicapés.

6.3.3

La formation professionnelle, la formation et l'éducation tout au long de la vie ne peuvent être considérés isolément. Elles doivent être constitutives de la gestion de carrière des salariés. Il s'agit là d'assurer, au travers de la formation, la motivation à tout âge en valorisant les compétences et en dynamisant les parcours professionnels. Ce n'est qu'à cette condition qu'un niveau de compétence adéquat et donc d'employabilité des travailleurs âgés sera obtenu.

6.3.3.1

Soulignons, que de façon générale, au-delà de la formation, toutes les actions constituant une stratégie visant à accroître l'emploi des travailleurs âgés ne doivent pas être mises en œuvre, seulement, à partir de 40-50 ans. Un politique visant à modifier la problématique des travailleurs âgés arrive trop tard si elle ne couvre que cette catégorie de salariés. D'où la nécessité d'une gestion du personnel tenant compte de l'âge dès le moment ou les salariés entrent dans le processus de travail.

6.3.4

Le recrutement doit être mis au cœur de la problématique. Toutes formes de discrimination liées à l'âge doivent être combattues. De ce point de vue il convient de faire le bilan de l'application de la directive 2000/78/CE qui a créé un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi. Il interdit, sous certaines conditions, toutes discriminations fondées, notamment, sur l'âge. Ceci vaut pour toutes les tranches d'âge, qu'il s'agisse en particulier des travailleurs âgés ou des jeunes.

6.3.5

Qu'il s'agisse des préretraites ou des retraites il doit être possible de quitter progressivement l'emploi. En effet plus qu'une «date couperet», un événement qu'on essaie souvent d'avancer le plus possible, la fin d'activité devrait devenir un processus «choisi et progressif» par lequel les salariés pourraient, dans le cadre d'un ensemble de garanties contractuelles, réduire progressivement leur temps de travail. Ce thème pourrait être un sujet prioritaire de recherche et d'action dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi 2005.

6.3.6

Le dialogue social et mieux la négociation collective doit être intensifiée tant au niveau de l'Union européenne qu'au niveau national. Celle-ci doit être étendue afin de pratiquer du «sur-mesure» car il y a de moins en moins de mesures «passe-partout» à valeur universelle. De ce point de vue les négociations collectives, pour tenir compte des spécificités professionnelles (pénibilité, conditions et organisation du travail, niveau de qualifications…) doivent aussi toucher les branches professionnelles, européennes et nationales, et par répercussion les entreprises.

6.3.6.1

Il serait utile d'accorder au vieillissement actif une place prioritaire dans le nouvel Agenda de la politique sociale après 2006.

6.3.7

Le Comité considère que la mise en œuvre des décisions de Stockholm est le moteur de l'évolution positive de l'orientation du Conseil de Barcelone. Ce faisant il estime que «l'augmentation de l'âge moyen effectif auquel cesse l'activité professionnelle» ne saurait être ni examinée, ni appréciée séparément de «l'augmentation du taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 ans à 64 ans».

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis d'initiative «Les Travailleurs âgés», article 1.5, JO C 14 du 16.1.2001, rapporteur: M.DANTIN.

(2)  COM(2004) 29 «Réalisons Lisbonne - Réformes pour une Union élargie», rapport de la Commission au Conseil européen de printemps.

(3)  Avis du CESE «Chômage des jeunes», JO C 18 du 22 janvier 96, rapporteur M. RUPP.

(4)  Contribution de la Commission européenne au Conseil social de Lisbonne., source Eurostat.

(5)  Source Eurostat «Étude de la population active», 1999.

(6)  Voir annexe 1.

(7)  Guillemard 1986; Casey et Laczko, 1989.

(8)  Eurostat. Projections démographiques, 1997 (scénario de base).

(9)  «Situation et perspective démographique de l'UE», rapporteur M. BURNEL.

(10)  «Ages et emplois à l'horizon 2010» Conseil économique et social français, octobre 2001, rapporteur M. QUINTREAU.

(11)  Source: Eurostat «Enquête sur la force de travail», Résultat de Printemps 2003.

(12)  «Les travailleurs âgés» – Rapporteur: M. DANTIN – JO C 14 du 16.1.2001.

(13)  Cf. SOC/162 – Rapporteuse: Mme St-HILL.

(14)  Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail: «La lutte contre les barrières d'âge dans l'emploi», 1999.

(15)  Idem 9.

(16)  Idem 1 (article 3.3.3).

(17)  Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes de l'OCDE (International Adult Literacy Survey – IALS).

(18)  Idem 1 (4.3.2).

(19)  Idem 10.

(20)  COM(2003) 728 «Amélioration de la qualité de l'emploi: un examen des derniers progrès accomplis».

(21)  Avis du CESE «Les mesures de soutien à l'emploi» Rapporteur: Mme Hornung-Draus, Corapporteur: M. Greif – J.O. C 110 du30.04.2004.

(22)  Idem 11.

(23)  Idem 11.

«Age and Attitudes-Main Resultats from a Eurobaromètre Survey» - Commission of the EC, 1993.

(24)  Idem 1 (article 3.3.5).

(25)  Idem 1 (article 4.3.4).

(26)  Voir annexe 2.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/130


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre blanc concernant la révision du règlement (CEE) no4056/86 déterminant les modalités d'application des règles européennes de concurrence aux transports maritimes»

COM(2004) 675 final

(2005/C 157/23)

Le 13 octobre 2004, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le: «Livre blanc concernant la révision du règlement (CEE) no 4056/86 déterminant les modalités d'application des règles européennes de concurrence aux transports maritimes».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», a été chargée de préparer les travaux du Comité en la matière.

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 16 décembre), étant donné l'urgence du dossier, le Comité économique et social européen a nommé Mme BREDIMA-SAVOPOULOU rapporteuse générale et a adopté le présent avis par 148 voix pour, 12 voix contre et 10 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le transport maritime, activité internationale et mondialisée par excellence, est constitué de deux types de services: le trafic de ligne et le transport affrété. Depuis 1875, le trafic de ligne est organisé en conférences maritimes, c'est-à-dire des associations de transporteurs maritimes proposant des services qui respectent un horaire fixe annoncé et des tarifs uniformes ou communs sur des liaisons déterminées. En ce qui concerne le transport affrété, le transport de vrac sec ou liquide est effectué selon des horaires libres non annoncés et les tarifs sont négociés librement au cas par cas en fonction de l'offre et de la demande. Comme on l'aura remarqué, les services de ligne fonctionnent comme des bus et les services de transport affrétés peuvent être considérés comme les taxis des mers: les conférences maritimes proposent des services programmés (heures de départ et d'arrivée fixes), alors que le transport affrété offre des services taillés sur mesure, répondant à une demande spécifique.

1.2

En 1974, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a adopté le Code de conduite des conférences maritimes en réponse à la demande des pays en développement qui souhaitaient voir leurs transporteurs participer davantage aux services de ligne. Ce code de conduite prévoyait le partage des cargaisons comme suit: 40 % pour les transporteurs de ligne des pays exportateurs, 40 % pour les transporteurs de ligne des pays importateurs et 20 % pour les transporteurs de ligne membres de conférences maritimes des pays tiers. Le code de conduite a été ratifié par plusieurs États membres de l'UE et par d'autres pays développés (OCDE) et en développement. Il est entré en vigueur le 6 octobre 1983. Il s'agit donc du principal instrument juridique régissant le trafic de ligne dans le monde. L'UE a adopté le règlement 954/79 (1), qui prévoit les conditions d'application du code de conduite conformément au traité CE. Le règlement 954/79 (2) (le «paquet de Bruxelles»), d'après la Commission (au moment de son adoption), crée un équilibre entre les souhaits des pays en développement pour l'accès aux conférences maritimes tout en maintenant les principes commerciaux en vigueur entre les pays de l'OCDE et en respectant les principes de base du traité CE.

1.3

En 1986, l'UE a adopté le règlement 4056/86 fixant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité CE au transport maritime. Ce règlement se réfère expressément au règlement 954/79 et au Code de conduite des conférences maritimes de la CNUCED; son contenu est révélateur à ce niveau. Les conférences maritimes peuvent être ouvertes ou fermées; l'accès peut en être automatique pour les nouveaux membres ou peut nécessiter l'accord des membres de la conférence. Au moyen du règlement 4056/86, l'UE a adopté le système des conférences fermées associé aux échanges ouverts, ce qui signifie que la concurrence effective de la part des indépendants est préservée et que d'autres restrictions de concurrence de la part de conférences maritimes sont interdites. Le règlement 4056/86 était un règlement du Conseil, chose rare pour un règlement sur la concurrence. Il s'agissait essentiellement de reconnaître les caractéristiques particulières du transport maritime et son caractère international.

1.4

Au titre du règlement 4056/86, les conférences maritimes ont obtenu une exemption par catégorie sous certaines conditions et obligations. Les conférences ont été autorisées à exercer plusieurs activités (par exemple: répartition des cargaisons et des recettes entre les membres, coordination des horaires, répartition des liaisons entre les membres) compatibles avec la législation communautaire sur la concurrence, et à prévoir deux restrictions caractérisées, à savoir la fixation horizontale des prix et l'utilisation des capacités. L'exemption par catégorie concernant les restrictions caractérisées de la concurrence était justifiée par le fait que les conférences avaient un effet stabilisateur sur les tarifs du trafic de ligne, fournissaient des services indispensables et efficaces aux chargeurs et étaient soumises à la concurrence effective des indépendants. Le règlement 4056/86 prévoit l'exemption par catégorie la plus généreuse jamais accordée à un secteur industriel dans l'Union européenne. Aucun autre secteur industriel ne bénéficie d'une exemption des règles de concurrence européennes en ce qui concerne la fixation des prix. Le règlement 4056/86 est également unique en ce qu'il accorde une exemption par catégorie sans limite dans le temps.

1.5

Depuis 1986, la Commission et le Tribunal européen de première instance, ont, dans un certain nombre d'affaires (3), considéré différents aspects des activités des conférences. Le Tribunal a adopté certains principes législatifs pour l'application du règlement 4056/86. Ces principes ont été mis en oeuvre par les conférences opérant dans le trafic de ligne dans l'UE. Au fil des années, l'activité des conférences a considérablement diminué (quantité et portée), du fait de l'instabilité du marché. En particulier:

a.

Les conférences ne peuvent plus fixer le prix des services d'acheminement terrestre pour la partie terrestre du transport multimodal.

b.

Les tarifs doivent non seulement être communs ou uniformes entre les membres de la conférence, mais également avec tous les autres transporteurs de la même marchandise.

c.

Les conférences ne peuvent pas s'opposer à ce que leurs membres signent des contrats de service individuels avec des chargeurs.

d.

La gestion des capacités n'est autorisée qu'à condition que cela ne crée pas une saison de forte activité artificielle accompagnée d'une augmentation tarifaire.

1.6

Par ailleurs, le règlement 4056/86 stipulait que le transport affrété et le cabotage étaient des activités n'entrant pas dans son champ d'application. En l'absence d'un règlement spécifique, les articles 85 et 86 du traité CE étaient directement applicables pour ces activités. Le transport affrété était considéré comme l'un des très rares exemples de concurrence mondiale parfaite et le cabotage était considéré comme une activité ne produisant aucun résultat anticoncurrentiel réel dans le commerce communautaire.

1.6.1

Les caractéristiques de base du transport affrété peuvent être résumées en dix points clés:

marchés compétitifs au niveau mondial;

quasi-réalisation du modèle de concurrence parfaite;

différents sous-segments de marché en réponse aux besoins des clients;

concurrence entre les sous-segments pour le transport de marchandises;

demande changeante et imprévisible;

nombreux petits entrepreneurs;

modèles commerciaux mondiaux;

facilité d'entrée et de sortie;

forte rentabilité;

sensibilité à l'évolution des marchés et des besoins des chargeurs.

1.6.2

Globalement, le marché du transport affrété est très fragmenté (4). Au cours des 30 dernières années, la répartition des cargaisons et les liaisons spécialisées ont vu le jour pour répondre aux besoins particuliers des chargeurs et des affréteurs. Dans la grande majorité des cas, ce marché a donc fonctionné à la satisfaction des affréteurs/chargeurs, sans présenter de véritables problèmes en matière de règles de la concurrence sur le plan international ou communautaire.

1.7

Àl'heure actuelle, il existe 150 conférences maritimes dans le monde. 28 d'entre elles exercent leur activité en relation avec les importations et exportations de l'UE. Elles travaillent essentiellement sur les trois principales liaisons à destination et au départ de l'UE, à savoir la liaison transatlantique, la liaison Europe-Asie de l'Est et la liaison Europe-Australie/Nouvelle-Zélande. Leurs membres sont à la fois des compagnies maritimes européennes et non européennes. D'autres conférences opèrent sur les liaisons UE-Amérique du Sud, UE-Afrique de l'Ouest et dans d'autres zones.

1.8

La plupart des pays de l'OCDE reconnaissent le système des conférences maritimes et lui ont accordé une sorte d'immunité anti-trust. Les États-Unis reconnaissent le système des conférences ouvertes au titre du Ocean Shipping Reform Act  (5) (OSRA) de 1999. L'Australie prévoit une exemption limitée pour les conférences maritimes au titre du Australian Trade Practices Act (Part X) de 1974, révisé en 1999 et actuellement en cours de réexamen. Le Canada, le Japon et la Chine reconnaissent également le système des conférences maritimes et lui accordent une immunité anti-trust ou des exemptions sous certaines conditions.

1.9

Dans le même temps, le Code de conduite des conférences maritimes, principal instrument international régissant le trafic de ligne entre les pays développés et les pays en développement, et le système des conférences maritimes, principal système international de coordination du trafic de ligne, ont été consacrés dans plusieurs instruments juridiques adoptés par l'UE:

Les Accords Europe (dont la plupart sont désormais redondants suite à l'élargissement de 2004) prévoyaient une clause type faisant des principes du Code de conduite et des conférences maritimes les critères de base à respecter dans le trafic de ligne.

L'accord UE/Russie (art. 39(1) a) et l'accord UE/Ukraine vont dans le même sens.

Enfin, dans les négociations de l'OMC en cours sur les services, les «offres» entre l'UE et les pays tiers sont basées sur le principe selon lequel le Code de conduite est un instrument applicable.

1.10

La récente évolution de la réglementation en matière de trafic de ligne indique que la majorité des pays développés (États-Unis, Australie, Canada, Japon) ont copié l'approche communautaire et soumis leur système de conférences maritimes à une réglementation similaire à celle de l'UE. Les évolutions du marché sont significatives: depuis les années 1980, les opérateurs indépendants de trafic de ligne ont accru leur part de marché sur les principales liaisons à destination et au départ de l'Europe, au détriment des conférences. Bien que cela puisse être démontré par une analyse liaison par liaison, les liaisons sont généralement restées ouvertes à la concurrence effective. D'autres pratiques ont vu le jour, dans le cadre des conférences. Par exemple, les transporteurs de ligne membres de conférences proposent des services sur la base de contrats de services signés avec des chargeurs et, au titre de ces contrats, les chargeurs s'engagent à fournir au transporteur une certaine quantité de marchandise sur une période donnée et à payer un tarif négocié individuellement avec le transporteur.

1.10.1

La pratique des contrats de service est réglementée par la jurisprudence de l'UE et par la législation des États-Unis (OSRA, 1999) en ce qui concerne la prestation de services aux chargeurs. 90 % du trafic de ligne sur la liaison transatlantique et 75 à 80 % sur la liaison Europe-Australie/Nouvelle-Zélande s'effectue au moyen de contrats de service. Ce type de contrats est strictement confidentiel entre le transporteur et le chargeur.

1.10.2

La conteneurisation a entraîné des évolutions significatives dans le trafic de ligne. Les opérateurs de trafic de ligne coopèrent de plus en plus au sein de consortiums qui assurent plusieurs services de ligne mais ne pratiquent pas la fixation des prix dans le cadre du consortium. Le transport maritime de conteneurs est une activité qui nécessite beaucoup de capitaux mais permet des économies d'échelle. Sous certaines conditions, les consortiums ont obtenu une exemption par catégorie au titre des règlements 479/1992 (6) et 870/1995 (7) amendés par le règlement 823/2000 (8) qui expirera le 25 avril 2005. Les consortiums de trafic de ligne constituent une forme de coopération très populaire dans cette activité.

1.10.3

Une autre forme de coopération est représentée par les accords dits «de discussion», nés dans les années 1980 et reconnus dans d'autres parties du monde (États-Unis, Asie, Australie et Amérique du Sud).

1.11

En 2003, la Commission européenne a abrogé la partie procédurale du règlement 4056/86 et l'a remplacée par le règlement 1/2003 (9) qui est désormais le règlement applicable à tous les secteurs de l'activité économique. De ce fait, les dispositions sur la décentralisation des procédures de concurrence s'appliquent au secteur du trafic de ligne comme à tous les autres secteurs. L'article 32 du règlement 1/2003 prévoit toutefois une exception pour les services de transport affrété et de cabotage à destination et au départ des ports de l'UE.

1.12

Dans le même temps, le Secrétariat de l'OCDE, dans son rapport 2002 (10), concluait que les exemptions anti-trust pour les conférences maritimes en ce qui concerne les activités de fixation des prix devraient être révisées afin d'être supprimées, sauf lorsqu'elles sont particulièrement et exceptionnellement justifiées, mais il a laissé cette question à la discrétion des États membres. La justesse de ce rapport a été fortement remise en question et il n'a été publié que sous la forme d'un rapport du Secrétariat. En outre, des acteurs clés (Canada, États-Unis, Japon, Australie) ont déclaré n'avoir aucune intention de modifier leurs systèmes à ce niveau.

2.   Le Livre blanc 2004 de la Commission européenne

2.1

La Commission européenne, sous l'impulsion du Conseil européen de Lisbonne de 2000, a entamé une révision du règlement 4056/86. Le Conseil de Lisbonne lui avait en effet demandé «d'accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que le gaz, l'électricité, les services postaux et les transports». Le processus de révision a débuté en mars 2003 par la publication d'un document de consultation et 36 contributions d'acteurs concernés (chargeurs, transporteurs, États membres, consommateurs). L'Université Erasmus de Rotterdam a aidé la Commission à dépouiller les réponses. Par la suite, une audition publique a été menée en décembre 2003 et un document de discussion adressé aux États membres a été publié en mai 2004. Le 13 octobre 2004, la Commission a publié un Livre blanc accompagné d'une annexe, dans lequel elle envisage d'abroger l'exemption par catégorie pour les conférences maritimes. Elle analyse s'il convient de conserver, modifier ou abroger le règlement actuel et de le remplacer par des régimes optionnels tels que la proposition de la European Liners Affairs Association (ELAA). Pour le transport affrété, il est suggéré de clarifier la situation. La Commission demande entre autres au Comité de lui faire part de ses observations dans les deux mois.

2.2

Dans le Livre blanc, la Commission pose plusieurs questions essentielles: existe-t-il encore une justification pour la fixation des prix et l'utilisation des capacités par les conférences maritimes bénéficiant d'une exemption par catégorie au titre de l'article 81 paragraphe 3 du traité CE ? La Commission conclut que, dans les circonstances de marché actuelles, rien ne justifie de maintenir l'exemption par catégorie pour les conférences maritimes car la stabilité des prix peut être obtenue au moyen d'autres formes de coopération moins restrictives et les quatre conditions cumulatives de l'article 81 paragraphe 3 qui justifient l'exemption par catégorie ne sont plus remplies.

2.2.1

Dans le Livre blanc, la Commission examine s'il convient de créer un autre instrument juridique instaurant un nouveau cadre commercial de coopération pour le trafic de ligne. Elle invite les acteurs concernés à faire des propositions sur un instrument juridique adéquat et sur un autre cadre de coopération entre opérateurs de trafic de ligne.

2.3

Dans le Livre blanc, la Commission examine s'il existe encore une justification pour l'exclusion du transport affrété et du cabotage des dispositions d'application des règles de concurrence du règlement 1/2003. Elle conclut qu'aucun élément déterminant n'a été trouvé pour justifier un traitement différent pour ces services par rapport à tous les autres secteurs de l'économie et propose donc de placer ces services dans le champ d'application du règlement procédural 1/2003. Elle propose également, pour préserver la sécurité juridique, de clarifier la situation afin de faciliter l'auto-évaluation des accords d'utilisation conjointe par les transporteurs.

2.4

Il convient de signaler que la European Liner Affairs Association (ELAA), créée récemment (2003) pour résoudre ce problème, a proposé un nouveau cadre commercial pour la coopération en matière de trafic de ligne. Elle a notamment proposé un nouveau cadre commercial de discussion entre les compagnies maritimes au sujet de l'utilisation des capacités, des parts de marché, de l'évolution du type de cargaison par liaison, de la publication d'un indice des prix et des surcharges/charges supplémentaires.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE a suivi de près les évolutions à ce sujet depuis les années 1980 et a adopté deux avis en 1982 (11) et 1985 (12), dont il a en grande partie été tenu compte dans le règlement 4056/86. Le Comité se félicite donc de la publication du Livre blanc et de l'exercice de réflexion lancé par la Commission. Il espère contribuer de manière significative à la création d'un régime de concurrence cohérent aux niveaux communautaire et mondial.

3.1.1

L'annexe au Livre blanc fournit une analyse de la compatibilité des conférences maritimes avec les quatre conditions cumulatives de l'article 81 paragraphe 3 du traité CE. Toutefois, au cours de ces dernières années, l'utilisation des capacités n'est autorisée, selon la jurisprudence de l'UE, que si elle ne crée pas de haute saison artificielle liée à une hausse des prix et le pouvoir des conférences de fixer les prix a largement disparu (13). On peut alors se demander si les quatre conditions cumulatives de l'article 81 paragraphe 3 peuvent encore être remplies.

3.1.2

Le CESE souhaiterait voir davantage analysé le rôle croissant des opérateurs indépendants depuis les années 1980. Les données disponibles montrent que les conférences n'ont pas empêché l'émergence des indépendants, qui disposent désormais de parts de marché importantes. La concurrence effective est donc bien présente et la quatrième condition cumulative de l'article 81 paragraphe 3 du traité CE est remplie (pas d'élimination de la concurrence). De même, les données disponibles au sujet des éléments de coût du transport des biens de consommation indiquent qu'il a atteint un niveau de pourcentage marginal. On peut alors se demander si les prix fixés par les conférences sont défavorables pour les consommateurs.

3.1.3

Le règlement 4056/86 a résulté des conditions de marché prévalant dans les années 1980. Il fait partie du paquet de quatre règlements maritimes adopté en 1986, qui définit les fondements de la politique commune des transports maritimes de l'UE. Les conférences ont bénéficié d'un traitement juridique généreux pendant 18 ans en vertu de la législation communautaire.

3.2

Le CESE remarque que, si la Commission fait référence à la position internationale des conférences maritimes et au cadre réglementaire aux États-Unis et en Australie, elle ne fait pas état de leurs implications juridiques. 14 États membres de l'UE et la Norvège ont signé le Code de conduite ou y ont adhéré: si le règlement 4056/86 est abrogé, ils devront dénoncer le Code. Il convient de noter qu'au titre de l'article 50 du Code de conduite la dénonciation de ses dispositions prend effet un an minimum après réception par le dépositaire. Le règlement 954/79 devra être abrogé et les «offres» à l'OMC devront être modifiées en conséquence. Dans son Livre blanc, la Commission ne traite pas des problèmes en matière de droit des traités liés à une éventuelle abolition du système des conférences maritimes. L'UE devra renégocier ses accords avec l'Ukraine et avec la Russie.

3.3

Les conférences pourraient, au lieu d'être abolies, rester en place et développer des activités légitimes. Les conférences organisent le trafic de ligne entre les pays développés et les pays en développement. Si une conférence est abolie du côté communautaire de la liaison, qu'arrivera-t-il à l'autre extrémité de la liaison ? Par exemple, il existe des conférences UE/Amérique du Sud et UE/Afrique de l'Ouest, et le Code de conduite leur est applicable. Le Livre blanc n'a pas répondu à ces questions.

3.4

Si une conférence peut exercer des activités qui ne limitent pas la concurrence, pourquoi le système des conférences devrait-il être aboli ? Cette question n'est pas traitée dans le Livre blanc. Des activités telles que la répartition des cargaisons/recettes et la coordination des horaires/liaisons pourraient satisfaire aux quatre conditions cumulatives. Dans un document de discussion récent (14), les gouvernements néerlandais et allemand explorent des formes possibles de coopération et des instruments juridiques possibles. Il faudrait tenir compte de cette initiative. Par ailleurs, d'autres activités proposées par l'ELAA et par ce document de discussion pourraient aussi satisfaire aux quatre conditions cumulatives. La source d'inquiétude n'est donc pas la levée de l'exemption par catégorie existante mais l'abolition unilatérale du système des conférences maritimes par l'UE sans consultation des autres grands pays industrialisés (OCDE) ou des pays en développement.

3.5

Il devient alors évident que, si l'abolition de l'exemption par catégorie est envisageable, l'abolition du système des conférences maritimes engendrerait une série de problèmes juridiques qu'il faudrait résoudre auparavant. En outre, il faut régler la question de la compatibilité du nouveau régime communautaire avec le cadre réglementaire international. Une action unilatérale de l'UE est impensable étant donné que les conférences maritimes sont un système présent dans le monde entier. Le Livre blanc n'analyse pas suffisamment les implications internationales au niveau réglementaire (à savoir les engagements internationaux de l'UE et de ses États membres) ni les problèmes en matière de droit des traités nés de l'abolition des conférences maritimes.

3.6

Le CESE maintient que, indépendamment de leurs défauts et de leur âge, le Code de conduite et le système des conférences qui en émane restent les pierres angulaires du paquet des quatre règlements maritimes de 1986 qui constituent la phase I de la politique commune des transports maritimes de l'UE. Trois des quatre règlements sont fondés sur le Code de conduite et y font directement référence. Il s'agit des règlements 4055/86, 4056/86 et 4058/86 (15). Ce paquet a vu le jour suite à des négociations méticuleuses sur plusieurs années et il a engendré un équilibre délicat entre les concessions mutuelles des États membres. Avant de procéder à l'abrogation du règlement 4056/86, il faudra amender les règlements 4055/86 et 4058/86.

3.7

Le système des conférences maritimes étant déjà en cours de révision dans certaines parties du monde, il serait plus logique pour l'UE (au lieu d'agir unilatéralement) d'entrer en contact avec ces partenaires afin d'adopter un nouveau régime international compatible dans le monde entier. Dans le cas contraire, alors que les États-Unis et l'Australie ont copié le système communautaire, l'UE l'abolirait sans consultation ni coordination. Cette question pourrait également être soulevée au sein du Réseau international de la concurrence (RIC), dont la Commission est un membre fondateur (2001). Le RIC est l'un des principaux forums de discussion en matière de politique de la concurrence internationale au niveau multilatéral. Une telle abolition aurait des conséquences très néfastes et pénalisantes sur les opérateurs européens qui, malgré la concurrence acharnée des compagnies hors UE (asiatiques, principalement), arrivent en tête du classement mondial des compagnies maritimes (les 4 premières compagnies de ce classement étant européennes). Pour ces raisons, il convient de débattre au sein du RIC de la révision du règlement 4056/86.

3.8

Le CESE est conscient du fait qu'un tel exercice peut prendre du temps. En attendant qu'un autre système soit élaboré sur le plan international pour remplacer le Code de conduite et qu'une coordination entre les différentes juridictions mondiales se mette en place pour remplacer le système des conférences maritimes sur le plan réglementaire, le Comité propose donc d'abroger le règlement 4056/86 en introduisant un nouveau règlement de la Commission. Ce nouveau règlement devrait prévoir une exemption par catégorie sous des conditions strictes respectant les spécificités de la jurisprudence communautaire (affaire TACA, par exemple).

3.9

D'autres raisons font qu'une déréglementation totale en l'absence de nouvel instrument juridique est déconseillée: le Réseau européen de la concurrence (REC) (16), créé récemment, permet une décentralisation de la gestion des affaires de concurrence vers les autorités nationales. Avec l'élargissement de l'UE, les 10 nouveaux États membres pourraient avoir besoin de conseils, à la fois sur le fond et sur la procédure. Il sera nécessaire de respecter une période d'adaptation leur permettant de se familiariser avec les économies de marché, notamment si l'on tient compte du fait que certains d'entre eux ne disposent pas d'autorités chargées de la concurrence. Il sera nécessaire d'élaborer un règlement établissant les critères d'éventuelles pratiques anti-concurrentielles de diverses formes de coopération dans le trafic de ligne. A défaut, les avocats pourront s'en donner à cœur joie et la législation communautaire sera appliquée différemment en fonction des États membres.

3.10

Le CESE estime que la décentralisation des procédures de concurrence ne devrait pas coïncider avec la déréglementation de l'activité de trafic de ligne. C'est pourquoi la déréglementation n'est pas souhaitable à l'heure actuelle. En outre, la déréglementation risque d'accroître la concentration et de réduire le nombre de transporteurs présents sur le marché.

3.11

La proposition du Livre blanc concernant le traitement des services de transport affrété et de cabotage est acceptable, en partant du principe que la grande majorité des cas ne poseront aucun problème de concurrence (17). Néanmoins, par souci de sécurité juridique, il est logique que la Commission fournisse des conseils juridiques en ce qui concerne la répartition des cargaisons et les liaisons spécialisées au moment de leur auto-évaluation en relation à leur compatibilité avec l'article 81 du traité CE, en sachant que la notification des accords et la procédure d'opposition ne sont plus autorisées.

4.   Observations spécifiques

4.1

Le Livre blanc n'aborde pas la question de la protection réglementaire de la position des opérateurs indépendants. Il part du principe que leur part de marché a augmenté depuis les années 1980 et que cette tendance se poursuivra à l'avenir. Mais les garanties spécifiques apportées par le règlement 4056/86 doivent être sauvegardées dans tout nouveau règlement afin d'empêcher une restriction de leur activité et de préserver l'ouverture de l'activité.

4.2

Dans le Livre blanc, la Commission reconnaît que l'abrogation de l'immunité anti-trust risque d'accroître la concentration, à savoir les fusions et acquisitions, ce qui pourrait engendrer un renforcement unilatéral du pouvoir de marché ou un risque accru de collusion du fait d'une réduction du nombre d'acteurs présents sur le marché (annexe au Livre blanc, page 19, paragraphes 73 et 74). Étant donné qu'il n'y a pas de nouveaux arrivants sur le marché du trafic de ligne en raison des coûts élevés que cela implique et de la volatilité du marché qui ne garantissent pas les résultats, comment le règlement communautaire actuel relatif au contrôle des fusions peut-il préserver les opérations ? Il n'est pas réaliste d'espérer que les petits et moyens transporteurs qui luttent pour survivre lancent des actions en justice longues et coûteuses au titre du règlement sur les fusions, afin d'empêcher les fusions qui donnent naissance à de gros transporteurs. Le législation devrait apporter des garanties.

4.3

D'après la Commission (annexe au Livre blanc, p.17, paragraphe 64), si aucune action collective ne vient contrecarrer la nature cyclique du marché du transport maritime de conteneurs, l'on pourrait assister à un flux continu de compagnies entrant et sortant du marché. Les transporteurs non rentables vendraient leurs bateaux et de nouvelles compagnies entreraient sur le marché. Mais il s'agit là d'une vision trop simpliste du marché. En effet, il n'est guère possible de trouver aujourd'hui de nouvelles compagnies souhaitant entrer sur le marché du trafic de ligne, notamment en ce qui concerne la navigation hauturière, du fait des coûts exorbitants et de la volatilité du marché qui ne permettent pas de garantir la rentabilité. De plus, la distinction entre transporteurs rentables et transporteurs non rentables n'a pas lieu d'être. En effet, les transporteurs non rentables ne peuvent pas survivre sur le marché très concurrentiel du trafic de ligne.

4.4

Pour les raisons expliquées au chapitre 3, il convient de maintenir dans le nouveau règlement la disposition du règlement 4056/86 relative aux conflits de droit.

5.   Conclusions

5.1

Le CESE se félicite de l'initiative de Livre blanc et de l'exercice de réflexion lancé par la Commission et soumis à son avis.

5.2

Tout cadre juridique à venir devrait être compatible avec l'article 81 du traité CE et équilibré, c'est-à-dire répondre aux exigences des chargeurs et à celles des transporteurs. Il devrait également satisfaire à l'identique les besoins de l'offre et de la demande du marché du trafic de ligne. Il devrait faire preuve de transparence et prévoir l'existence d'un trafic de ligne ouvert (indépendants).

5.3

Le CESE estime que le nouveau règlement ne doit pas provenir du Conseil mais de la Commission, afin qu'il soit aligné sur la réglementation communautaire en matière de droit de la concurrence. Toutefois, si cela est accepté, la Commission devrait s'engager à étudier plus minutieusement les spécificités du transport maritime et les implications internationales du nouveau régime juridique. Le CESE se félicite de constater que le Livre blanc invite à considérer d'autres systèmes.

5.4

Traditionnellement, dans toutes les parties du monde, les conférences maritimes ont obtenu une certaine forme d'immunité contre les règles de la concurrence et aucune des autorités compétentes ayant entamé un réexamen du système (États-Unis, Canada, Australie, Japon, par exemple) n'a encore décidé de supprimer cette immunité. Le marché du trafic de ligne subit actuellement de profonds changements et cette tendance va se poursuivre. La part de marché des conférences s'est considérablement réduite et la majorité des contrats conclus sont des contrats de services individuels, qui ont la préférence des chargeurs et qui sont reconnus de par le monde. En outre, les accords de discussion et les consortiums/alliances prolifèrent partout dans le monde.

5.5

Si le règlement 4056/86 est abrogé sans être remplacé par un nouveau règlement prévoyant l'exemption par catégorie, il sera nécessaire d'effectuer un travail juridique colossal de négociations et renégociations d'accords avec plusieurs pays tiers ainsi qu'un lourd travail législatif au sein de l'UE pour amender l'acquis communautaire (à savoir les règlements 954/79, 4055/86 et 4058/86). De plus, les États membres de l'UE devront dénoncer le Code de conduite. Le CESE demande instamment à la Commission d'aborder tous ces problèmes juridiques avant d'examiner les systèmes de remplacement des conférences maritimes et l'abolition de l'actuelle exemption par catégorie.

5.6

Au vu des nombreux problèmes juridiques qui naîtraient de l'abolition des conférences maritimes, le CESE invite la Commission à réaliser une étude juridique des évolutions réglementaires nécessaires si les conférences sont abolies par l'UE mais maintenues dans le reste du monde. Une telle étude montrera que la déréglementation du secteur du trafic de ligne à l'heure actuelle pourrait n'apporter aucune valeur ajoutée, d'autant plus que cela coïnciderait avec la décentralisation de la politique de concurrence vers les États membres. Dans le cas contraire, ce secteur serait caractérisé par un vide juridique sans règles spécifiques.

5.7

Dans le même temps, Le CESE estime qu'il existe une justification pour le maintien des conférences maritimes dans l'UE jusqu'à ce qu'un nouveau régime réglementaire soit mis en place dans le monde entier. Le système des conférences est donc encore nécessaire car il constitue la base de la réglementation du trafic de ligne dans le monde. Sur le plan international, l'abolition de l'exemption par catégorie de l'UE aurait des effets importants et complexes sur les pays en développement et les autres pays de l'OCDE.

5.8

Le CESE maintient que le règlement 4056/86 devrait être abrogé et remplacé par un nouveau règlement de la Commission sur les conférences maritimes, qui prévoirait une exemption par catégorie. Le nouveau régime devrait respecter strictement les critères établis par la jurisprudence du Tribunal européen de première instance et de la Commission (affaire TACA, par exemple). Le système des conférences devrait également être maintenu afin de préserver la compétitivité des armateurs européens dans le monde. Si les alliances et autres types d'accords de coopération peuvent correspondre aux besoins des gros transporteurs, les petits et moyens transporteurs ont toujours besoin des conférences afin de conserver leurs parts de marché, notamment sur les liaisons avec les pays en développement. L'abolition de l'exemption pourrait avoir des effets anti-concurrentiels pour ces petits transporteurs, car elle renforcerait la position dominante des transporteurs les plus importants.

5.9

La Commission devrait profiter de cette période transitoire pour suivre les évolutions du marché du trafic de ligne, y compris les tendances à la consolidation. En outre, elle devrait lancer une série de consultations avec d'autres pays (OCDE) afin de parvenir à un autre système adéquat compatible dans le monde entier.

5.10

Le CESE approuve les propositions du Livre blanc concernant le traitement des services de transport affrété et de cabotage, étant donné que la grande majorité des cas, dans ces secteurs, ne poseront aucun problème de concurrence. Néanmoins, par souci de sécurité juridique, la Commission doit fournir des conseils juridiques en ce qui concerne l'auto-évaluation de la répartition des cargaisons et des liaisons spécialisées au niveau de leur compatibilité avec l'article 81 du traité CE.

5.11

Le CESE espère pouvoir contribuer au suivi de l'exercice de réflexion lancé par la Commission dans son Livre blanc.

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  15/05/1979, concernant la ratification par les États membres de l'adhésion au Code de conduite des conférences maritimes de la CNUCED.

(2)  cf. Bredima-SAVOPOULOU/TZOANNOS «The Common Shipping Policy of the EC», North Holland, Asser Institute, 1990; L. SCHMIDT – O. SEILER «The Unctad Code of Conduct for Liner Conferences», Hamburg 1979; A. Mc INTOSH «Anti-trust implications of liner conferences» Lloyds Maritime and Commercial Law Quarterly, May 1980 p.139; CLOUGH/RANDOLPH «Shipping and EC Competition Law», Butterworths. 1991, BELLAMY/CHILD «Common Market Law of Competition» Sweet & Maxwell, 1993, 2001; P. RUTTLEY «International Shipping and EEC Competition Law» (1991) 2 ECLR, 5; KREIS «European Community Competition Policy and International Shipping» (1989) Fordham International Law Journal, p. 411, vol. 13; J. ERDMENGER, «Conference on EEC Shipping Law», 4-5/2/1988, Rotterdam; Bredima «The Common Shipping Policy of the EEC», 18 Common Market Law Review, 1981, p.9-32.

(3)  Voir TACA révisé (14/11/2002, JO L 26 du 31.01.2003, p. 53), TAA, FEFC, EATA, Eurocorde; CEWAL, COWAC, UKWAL (JO L 34, 10/02/1993, p. 20), Comités armatoriaux franco- ouest-africains JO L 134, 18/05/1992, p .1.

(4)  D'après CLARKSON Research Studies («The Tramp Shipping Market», avril 2004), sur environ 4795 compagnies effectuant du transport affrété, seules 4 possèdent plus de 300 bateaux (soit 2 % de part de marché) et elles possèdent en moyenne 5 bateaux.

(5)  Amendant le US Merchant Shipping Act de 1984.

(6)  JO L 55 du 29.02.1992, p. 3.

(7)  JO L 89 du 21.04.1995, p.7.

(8)  JO L 100 du 20.04.2000, p. 24.

(9)  JO L 1 du 04.01.2003, p. 1.

(10)  DSTI/DOT (2002) 2 du 16.04.2002.

(11)  JO C 77 du 21.03.1983, p. 13.

(12)  JO C 344 du 31.12.1985, p. 31.

(13)  Octobre 2004.

(14)  Octobre 2004.

(15)  Le règlement 4055/86 du 22/12/86 («portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers») est fondé sur le Code de conduite de la CNUCED. L'article 4 §1(a) (b) prévoit la suppression progressive des dispositions existantes en matière de partage des cargaisons, en référence directe au Code de conduite; le règlement 4058/86 du 22/12/86 («concernant une action coordonnée en vue de sauvegarder le libre accès au trafic transocéanique») est fondé sur le Code de conduite. L'article 1 différencie les liaisons couvertes par le Code de conduite des autres liaisons.

(16)  Règlement 1/2003.

(17)  Le secteur du transport affrété a en effet été défini comme étant un secteur modèle de concurrence parfaite (William BOYES, Michael MELVIN, «Microeconomics», 1999 Houghton Mifflin College, 4ème édition).


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/136


Avis du Comité économique et social européen sur la «proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instituant un programme communautaire pluriannuel visant a promouvoir une utilisation plus sûre de l'internet et des nouvelles technologies en ligne»

COM(2004) 91 final — 2004/0023 (COD)

(2005/C 157/24)

Le 26 mars 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 153 du traité instituant la Communauté européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la proposition susmentionnée.

La section «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 5 octobre 2004 (rapporteur: M. RETUREAU, corapporteuse: Mme DAVISON).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 16 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 147 voix pour et 1 abstention.

1.   Résumé du projet d'avis

1.1

La Commission propose de lancer un nouveau projet «Safe Internet», mais en le renforçant, compte tenu des évolutions rapides de la Société de l'Information en ce qui concerne les réseaux de communications. Le projet est ainsi baptisé «Safe Internet plus» (2005-2008).

1.2

Outre la proposition de décision du Parlement et du Conseil soumise par la Commission, le Comité a examiné l'évaluation ex ante de Safer Internet plus (2005/2008) contenue dans un «Commission Staff working paper» SEC(2004) 148 et COM(2004) 91 final. Il soutient l'extension du champ d'application du nouveau plan d'action et ses objectifs, qui tiennent compte de l'évolution rapide et de la diversification des moyens d'accès en ligne et de la croissance très rapide du nombre des accès haut débit et des connexions permanentes. Il formule des suggestions complémentaires d'actions politiques et normatives dans ses observations générales et particulières, notamment:

les normes techniques et juridiques (impératives et volontaires);

l'éducation-formation des utilisateurs;

les obligations des fournisseurs d'espace et d'accès et des autres intervenants (compagnies de cartes de crédit, moteurs de recherche…);

la responsabilité des auteurs de logiciels et fournisseurs de moyens de sécurité;

la protection des personnes vulnérables contre les fraudes ou les informations douteuses (escroqueries diverses, vente «libre» de médicaments actifs, conseils ou cures de santé par personnes sans autorité médicale,…).

2.   Propositions de la Commission (résumé)

2.1

Le programme proposé vise à promouvoir une utilisation sûre de l'Internet et des technologies en ligne pour l'utilisateur final, en particulier pour les enfants et les jeunes, à la maison ou à l'école. A cette fin, il est prévu de cofinancer des projets conçus par des associations et d'autres groupes (équipes de recherche, concepteurs de logiciels, établissements d'enseignement…) permettant de développer des moyens de protection: «hot lines», anti-spam et anti-virus, filtres de navigation «intelligents» par exemple.

2.2

Le plan précédent pour un Internet sûr (1999-2002) avait été prolongé pour 2003-2004.

2.3

Le site Internet de la Commission indique les projets déjà réalisés sous le projet Safe Internet (Internet sûr) jusqu'à fin 2003 (1).

2.4

La proposition actuelle (2005-2008) s'étend aussi aux nouveaux moyens de communication en ligne, pour lesquels elle entend renforcer la lutte contre les contenus illicites et préjudiciables, y compris les virus et les autres contenus dommageables ou non sollicités (spam).

2.5

Ce renforcement de la lutte se justifie, pour les institutions communautaires, pour plusieurs raisons dont les principales sont:

le développement rapide des connexions haut débit de longue durée ou permanentes des particuliers, des entreprises, des administrations et des institutions privées (ONG);

la diversification des moyens et méthodes d'accès à l'internent et à de nouveaux contenus en ligne, dont beaucoup ne sont pas sollicités (mails, SMS) et à une plus grande attractivité des contenus (multimédia);

l'expansion dramatique des contenus non sollicités et potentiellement dangereux ou inappropriés crée des dangers nouveaux pour le public en général (virus: envahissement des espaces de stockage, détournement ou destruction de données, utilisation non autorisée des moyens de communication de la victime; «pourriels» (spams): détournement de la bande passante et des espaces de stockage, envahissement des boîtes à lettre électroniques, ce qui bloque ou gêne l'utilisation utile d'Internet et des communications, et cause des coûts importants non supportés par les «pollueurs» mais par l'utilisateur final) et pour certaines catégories importantes d'utilisateurs, comme les enfants (spams sexuellement explicites, messages inappropriés et demandes de rendez-vous par des pédophiles dans les salons de discussion directe (chat rooms);

contenus inappropriés facilement accessibles aux enfants en raison de l'efficacité très relative des moyens actuels de filtrage accessibles aux personnes responsables des enfants.

2.6

L'objectif principal du programme est la protection des enfants et l'appui à ceux qui sont responsables d'eux (parents, enseignants, éducateurs, etc.) ou qui défendent leurs intérêts moraux et leur bien-être. Le programme concerne ainsi les ONGs du secteur social, des droits de l'enfant, de la lutte contre le racisme, la xénophobie (2) et toute autre forme de discrimination, de défense des consommateurs et de défense des libertés civiles, etc.

2.7

Il intéresse également les gouvernements, leurs autorités législatives, judiciaires et policières, et les agences de régulation. La loi, matérielle et procédurale, doit être adaptée, le personnel en nombre suffisant doit être formé et équipé.

2.8

Il intéresse aussi l'industrie qui a besoin d'un environnement sûr pour renforcer la confiance des consommateurs.

2.9

Les universités, la recherche peuvent éclairer l'usage des nouveaux médias par les enfants. La meilleure manière de faire passer les messages relatifs à la sécurité est de faire connaître les procédés des criminels sur ces médias, de chercher de nouvelles solutions techniques, et de fournir un point de vue indépendant sur la conciliation des intérêts concernés par les procédures de régulation et d'auto-régulation.

2.10

Le programme a une double dimension. Sur le plan social, il est centré sur des domaines où la régulation et le marché ne seraient pas en mesure, seuls, d'assurer la sécurité des utilisateurs. Sur le plan économique, il s'agît de promouvoir l'utilisation sûre de l'Internet et des technologies en ligne en créant un climat de confiance.

2.11

Un financement d'environ 50 millions d'euros est envisagé pour développer les moyens techniques et juridiques, les logiciels et l'information afin de lutter plus efficacement contre les invasions des réseaux et des postes terminaux ou leur utilisation frauduleuse par le biais de contenus non sollicités et pouvant être dommageables moralement, socialement ou économiquement.

3.   Observations générales du Comité

3.1

Le Comité rappelle ses positions antérieures sur la protection des enfants sur le réseau Internet et sur le premier plan d'action (3). Il accueille positivement la proposition d'un nouveau plan de lutte contre les contenus illicites ou préjudiciables dans les communications en ligne (voir I. Résumé, au début du présent document). Il soutient les objectifs et les priorités du programme Safer Internet plus, comme un des mécanismes destinés à améliorer la sécurité sur Internet. Néanmoins, le Comité souligne la dimension très vaste du problème et des besoins d'actions internationales et de régulations pour y faire face.

3.2

Le réseau Internet et les nouvelles technologies de communication en ligne (par exemple les téléphones mobiles ou les organiseurs de poche connectables à fonctions multimédia, en pleine expansion), constituent aux yeux du Comité des instruments fondamentaux pour le développement de l'économie de la connaissance, de la e-économie et de la e-administration. Ce sont des instruments protéiformes de communication de culture, de travail, et de loisirs. Il est donc primordial d'assurer la sécurité et la continuité du fonctionnement des réseaux de communication, car il s'agit d'un service public essentiel, qui doit rester ouvert, accessible et dans lequel tous les usagers doivent avoir confiance pour qu'il puisse jouer ses multiples fonctions dans les meilleures conditions. Intégrer l'information sur la sécurisation de l'Internet au sein des divers programmes e-Europe, en particulier dans la formation, serait un moyen des plus prometteurs, en termes de coût-efficacité, pour atteindre un nombre important de personnes.

3.3

La liberté d'expression et de communication qui règne sur Internet est facilitée par les coûts relativement peu élevés des connexions, y compris haut débit, qui donnent accès aux contenus multimédias de plus en plus aisément. Seuls quelques pays à fort déficit démocratique prétendent contrôler les communications et les contenus disponibles pour leurs ressortissants, au pris d'une atteinte permanente aux libertés. Le Comité estime qu'il faut garantir une sécurité accrue tout en conservant et en promouvant les libertés d'information, de communication et d'expression.

3.4

Cependant, cet espace de liberté d'expression et d'information qu'est le réseau global est aussi utilisé, plus encore que les autres moyens de communication, pour des activités illégales comme la pédophilie ou la diffusion de contenus racistes et xénophobes; certains contenus peuvent aussi s'avérer préjudiciables pour certains publics, en particulier les mineurs, comme la pornographie ou les jeux d'argent (ces derniers sont même interdits dans certains pays) et diverses activités criminelles (détournement de la bande passante ou utilisation frauduleuse de données et de serveurs). Le Comité approuve donc l'extension du plan d'action à l'ensemble des moyens de communication électroniques qui peuvent faire l'objet d'accès extérieurs non sollicités ou hostiles.

3.5

La régulation de ce nouvel espace en pleine croissance est rendue complexe par son caractère de réseau international ouvert et accessible par tous à partir de tout serveur ou tout poste client librement connecté à partir de pratiquement tout pays du monde. Mais de nombreux pays ont encore une législation défaillante ou insuffisante, qui permet à des sites interdits en Europe communautaire de poursuivre leurs activités. Il paraît très important que l'Union européenne se prononce et agisse en faveur d'une action internationale, notamment avec les principaux pays où l'Internet à large bande est très répandu, en Amérique du Nord et en Asie, afin de protéger les plus vulnérables, et afin de lutter plus efficacement contre les contenus non sollicités (spam), qui menacent le développement des communications par courriels, et contre la dissémination de virus, qui fragilise l'économie numérique. Quoique nécessaires dans l'espace communautaire européen, les moyens à mettre un œuvre doivent aussi s'insérer dans une approche globale.

3.6

Dans la mesure où il n'existe pas d'accords internationaux, l'interdiction de certains contenus dans certains pays peut même faire l'objet d'une plainte devant l'OMC, dans le cadre des TBT (4), et cette question devrait être traitée dans les négociations en cours.

3.7

La territorialité du droit et la diversité des législations nationales constituent un problème difficile à surmonter. L'état de la technologie permet aussi les échanges directs entre personnes de fichiers de toute nature (P2P, peer to peer), y compris de fichiers cryptés dont le contenu est incontrôlable: toute machine ou réseau en ligne peut être utilisé pour le stockage et l'envoi de contenus de plus en plus sophistiqués, et il est possible de se connecter à tout serveur de manière anonyme et intraçable et d'utiliser des moyens de cryptage très robustes et même «incassables».

3.8

La mode des sites personnels et des weblogs, le développement des sites de commerce ou de services financiers électroniques, la multitude de sites informatifs, éducatifs, scientifiques ou techniques, mais aussi pornographiques ou de jeux d'argent, etc. font qu'il existe des centaines de millions de sites de par le monde. Un certain contrôle peut néanmoins s'exercer lors de l'indexation des mots clés par les moteurs de recherche. La création de connexions directes et de sites d'envois automatiques de contenus, comme les spams (polluels) est également contrôlable par les FAI: les publicités et autres contenus non sollicités ainsi envoyés peuvent avoir un caractère préjudiciable général (détournement de bande passante, virus) ou particulier, pour certains destinataires comme les enfants (dommages moraux ou psychologiques).

3.9

L'Internet est utilisé par des groupes maffieux, des fraudeurs, des auteurs de virus, des pirates, des espions industriels et autres délinquants pour y déployer leurs activités. La répression y est malaisée, quoique des services spécialisés de police s'emploient dans nombre de pays à les identifier et à les localiser pour les poursuivre et mettre fin aux activités criminelles constatées; cela suppose en général une coopération internationale, qu'il conviendrait de promouvoir davantage.

3.10

Comment lutter contre des activités criminelles telles que les sites pédophiles? Leur interdiction ne doit pas poser de difficultés juridiques, mais il convient de mettre en place les moyens de dépister de tels réseaux; comment protéger aussi les enfants des pédophiles qui agiraient sur des espaces de discussion en direct, particulièrement appréciés des jeunes, pour tenter d'obtenir des rendez-vous. Le débat ne porte pas sur la légitimité d'une interdiction et d'une répression dans ces cas particuliers, mais sur les moyens à mettre en oeuvre pour les réaliser.

3.11

Les fournisseurs d'espaces et d'accès (FAI) ne peuvent surveiller et contrôler tous les sites hébergés et toutes les communications (qui constituent des correspondances privées). Par contre, s'ils y sont requis par un magistrat ou un service de police ou de protection de l'enfance habilité, les FAI doivent répondre immédiatement aux requêtes ou décisions concernant la fermeture de tels sites et l'identification des personnes qui les utilisent; cela implique que des renseignements sur les mises en réseau et que des informations sur les connexions soient conservées durant un certain temps.

3.12

Néanmoins, les sociétés de cartes de crédit, les moteurs de recherche et les fournisseurs d'accès devraient procéder par exemple par sondages à des contrôles pour localiser les sites pédophiles ou offrant d'autres contenus criminels, au moyen d'indices tels que des mots clés et des zones géographiques. Elles feraient ensuite part de leurs découvertes à la police. Les mêmes techniques devraient être utilisées pour identifier les «clients» commandant avec une carte de crédit de la pornographie infantile «sur mesure» ou des «snuff movies» (5). Si nécessaire, la législation devrait imposer de tels contrôles. Les moteurs de recherche à Internet devraient également faire en sorte qu'il soit difficile pour un surfeur de trouver de la pornographie infantile ou d'autres contenus criminels au moyen de certains mots et expressions clés.

3.13

Cela suppose aussi, du côté des autorités publiques des moyens de lutte adaptés, du personnel qualifié, des coopérations transfrontalières généralisées et des normes équilibrées au plan national, européen et international, qui n'affectent pas les libertés des internautes, tout en permettant de mettre hors d'état de nuire les individus et groupes qui utilisent ces réseaux pour y transmettre des contenus illégaux et de bloquer volontairement la réception des contenus inappropriés ou préjudiciables.

3.14

Également, cette lutte doit concerner directement, pour être efficace, tous les usagers de l'Internet, qui doivent être formés et informés des précautions à prendre et des moyens à utiliser pour se prémunir contre la réception de tels contenus dangereux ou non souhaitables ou pour ne pas être utilisés comme relais de tels contenus. La partie information et formation du plan d'action doit, selon le Comité, accorder une haute priorité à la mobilisation des usagers afin de les rendre responsables d'eux-mêmes et de leurs dépendants. Par exemple, les sites non réglementés sur la santé posent problème. Pour se protéger, les entreprises doivent également se préoccuper de la formation de leur personnel et de la sécurisation de leurs réseaux et sites de e-commerce mais aussi les administrations et les institutions publiques et privées doivent recourir aux mêmes politiques de sécurité et assurer la confidentialité absolue des données traitées, en particulier les données à caractère personnel. L'augmentation de la prise de conscience devrait s'accompagner d'encouragement à des contenus de qualité en ligne, ainsi que d'incitations à de activités hors connexion comme alternatives au «surf» prolongé ou à certains jeux de rôle qui peuvent affecter à la longue certaines personnalités immatures.

3.15

Les usagers doivent pouvoir disposer de moyens de dénoncer facilement les contenus illégaux qu'ils rencontrent sur les réseaux auprès de centres d'appel d'urgence spécialisés ou d'organismes reconnus ou des services spécialisés des forces de police, afin d'alerter les pouvoirs publics pour qu'ils prennent si nécessaire des mesures adéquates. Des mises en garde devraient être adressées aux parents dans les pays où la maltraitance des enfants pour la pornographie en ligne et sur divers supports est fréquente, par exemple aux frontières extérieures de l'Union; cela pourrait être inclus dans certains programmes de coopération RELEX.

3.16

Tout en approuvant les objectifs spécifiques du programme: permettre aux usagers de dénoncer les contenus illicites (hotlines), de développer les technologies de filtrage des contenus non désirés, la classification des contenus, la lutte contre le spam, l'autorégulation de l'industrie, et la connaissance de l'utilisation sûre des technologies, le Comité suggère, dans ses observations particulières, quelques objectifs supplémentaires qu'il lui paraît utile de prendre en considération.

4.   Observations particulières du Comité

4.1

Le Comité a déjà demandé à la Commission dans le passé que la bureaucratie excessive dans les programmes financés par l'UE soit réduite, en particulier afin de faciliter l'accès au financement de micro-projets ou d'ONGs locales. Le Comité est favorable à un contrôle portant principalement sur les résultats tangibles obtenus dans le cadre du programme, sur l'efficacité des solutions proposées. La diffusion des solutions devrait être moins confidentielle.

4.2

Pour le Comité, des mesures normatives, venant en soutien pour la protection des utilisateurs finaux devraient être prises en considération, dans le cadre de ce programme quand cela s'avère possible, et sinon par une initiative nouvelle de la Commission.

4.3

La responsabilité des auteurs de logiciels d'accès à Internet et de systèmes d'exploitation des serveurs ou de lutte contre les intrusions devrait être pleinement engagée; les utilisateurs devraient avoir la garantie que les auteurs de ces logiciels se servent des meilleures techniques disponibles et mettent à jour régulièrement leurs produits. L'autorégulation, et à défaut une norme communautaire, devraient renforcer les garanties des clients.

4.4

Les fournisseurs d'accès devraient proposer (ce que nombre d'entre eux proposent déjà) des moyens faciles de lutte anti-virus à partir du site avant de charger un courrier ou des fichiers annexés, et proposer des moyens de filtrage préliminaire du courrier contre le spam. Cela peut assurer un avantage commercial aux fournisseurs qui font des efforts sérieux de protection de leurs clients. Du fait que les enfants sont souvent en avance sur leurs parents, en ce qui concerne l'utilisation d'Internet, les systèmes de filtrage du courrier, d'élimination des virus, de protection contre les intrusions et de contrôle parental doivent être pré-installés, et faciles à utiliser et à gérer par les personnes sans connaissances techniques particulières.

4.5

Le programme devrait aussi promouvoir la recherche sur les logiciels spécialisés et les autres moyens de vérification de «l'étanchéité» du code des divers logiciels de sécurité et de protection, inciter ou éventuellement contraindre les fournisseurs à livrer rapidement les correctifs (patches) pour toutes les failles constatées ou rapportées qui permettraient des intrusions, à développer l'efficacité des pare-feux matériels et logiciels ainsi que des méthodes de filtrage et d'identification de l'origine effective des contenus.

4.6

Le Comité aurait souhaité que l'évaluation de l'efficacité et des résultats obtenus dans le cadre du plan Safer Internet précédent, classés par catégories de problèmes traités soit diffusée plus largement. Il conviendrait de s'assurer que tous les liens vers les réalisations financées restent actifs et soient mieux connus des destinataires. Le site de la Commission devrait aussi informer sur les initiatives et expériences acquises dans les pays membres ou tiers pour diffuser les connaissances et les échanges ou coopérations utiles.

4.7

Il est parfaitement possible d'adopter des actions légales. Les FAI, les compagnies de carte de crédit, les moteurs de recherche sont tous susceptibles de régulation et certains pratiquent déjà une autorégulation. Des sanctions pénales pour les sites promouvant le terrorisme, le racisme, le suicide ou la pornographie enfantine devraient être strictes et dissuasives; des efforts internationaux plus importants devraient être déployés pour identifier et localiser de tels sites afin de les faire fermer dans toute la mesure du possible et à défaut d'engager des négociations avec les pays d'hébergement à cette fin.

5.   Conclusions

Tout en apportant son appui à la poursuite et à l'extension du programme «Safer Internet plus» le Comité (qui d'ailleurs avait appelé à sa création), considère que le sérieux et l'étendue de la menace d'abus, en premier lieu envers les enfants, nécessite des actions législatives urgentes et complémentaires et des mesures pratiques selon le cas dans les domaines suivants:

un devoir général pour tous les opérateurs concernés de protéger les enfants et plus généralement les usagers, en particulier les plus vulnérables,

installation par défaut des systèmes de filtrage,

messages de sécurité clairs sur toutes les pages d'accueil et les portails d'accès aux salons de discussion en ligne (chat rooms),

soutien aux associations créant des lignes directes (hot lines) pour le signalement des sites et activités en ligne portant un préjudice grave aux enfants,

un empêchement de l'utilisation des cartes de crédit pour commander de la pornographie enfantine et d'autres contenus criminels sur l'internet ainsi que pour les opérations de blanchiment d'argent sale,

des mises en garde et des activités ciblées en direction des parents et éducateurs, ainsi que des autorités des pays où la maltraitance des enfants à des fins pornographiques constitue un problème préoccupant,

davantage d'action en ce qui concerne les liens entre l'exploitation des enfants à des fins pornographiques et le crime organisé,

systèmes d'identification et d'information sur les contenus préjudiciables et de retrait des contenus racistes, diffusion d'informations sur les tentatives d'escroquerie ou la vente de substances pouvant affecter la santé via l'Internet afin de protéger les personnes vulnérables ou mal informées,

recherche de coopérations et de règles communes au plan international pour lutter plus efficacement contre le spam,

coopération internationale (amélioration du système d'alerte précoce) et sanctions pénales dissuasives pour les diffuseurs de virus informatiques et pour l'utilisation illégale des réseaux privés et publics à des fins criminelles (intrusion en vue de l'occupation du réseau pour espionnage industriel, détournement de bande passante, et autres utilisations abusives).

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  http://www.europa.eu.int/information_society/programmes/iap/index_en.htm.

(2)  Ces thèmes correspondent à une requête antérieure du Comité.

(3)  Avis du CESE sur «Un programme pour la protection de l'enfance sur Internet», Mme DAVISON rapporteuse, JO C 48 du 21/02/2002 et sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Sécurité des réseaux et de l'information: Proposition pour une approche politique européenne», M. RETUREAU rapporteur, JO C 48 du 21/02/2002 ainsi que sur le «Livre vert sur la protection des mineurs et de la dignité humaine dans les services audiovisuels et d'information», Mme BARROW rapporteuse, JO C 287 du 22/09/1997.

(4)  «Technical Barriers to Trade». Accords sur les obstacles techniques aux échanges et prestations de services. Voir par exemple le cas USA vs. Antigua et Barbuda contre les jeux d'argent offshore, décision du panel portée en appel à l'OMC ( http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/distabase_wto_members1_f.htm) document 03-4429 cote WT/DS285/3 du 26/08/2003. Affaire en cours.

(5)  Films où l'extrême violence, les tortures et meurtres sont réels.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/141


Avis du Comité économique et social européen sur «L'accès maritime à l'Europe dans le futur: évolutions probables et moyens de les influencer»

(2005/C 157/25)

Le 1er juillet 2004, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur d'élaborer, un avis sur: «L'accès maritime à l'Europe dans le futur: évolutions probables et moyens de les influencer».

La section spécialisée «Transport, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 novembre 2004 (rapporteur: M. SIMONS).

Lors de sa 413e session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 16 décembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 124 voix pour et 2 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le transport maritime qui s'effectue en provenance et à destination des pays membres de l'Union européenne ainsi qu'entre ceux-ci revêt une importance primordiale. Chaque année, plus de 3 500 millions de tonnes de fret arrivent dans les ports maritimes de l'Europe, qui sont un peu plus de mille, ou en repartent. Par ailleurs, les transbordeurs et les bâtiments de croisière embarquent annuellement quelque 350 millions de passagers.

1.2

Plus de 90 % du transport entre l'Europe et le reste du monde transite par les ports maritimes de l'Union. En outre, 40 % du trafic intraeuropéen emprunte également la voie maritime. Le transport maritime figure parmi les modes de transport les plus respectueux de l'environnement et les moins gourmands en énergie. Comparé au trafic routier, il peut en effet polluer 13 fois moins en termes d'émission de CO2 et de particules et va jusqu'à produire 19 fois moins de CHx (1).

1.3

Environ 250 000 personnes sont employées dans les ports européens ou par le secteur des services qui y sont directement liés. Prise dans son ensemble, la filière maritime emploie approximativement 2,5 millions de personnes en Europe et génère une valeur ajoutée de l'ordre de 111 milliards d'euros. Tous ces chiffres indiquent clairement l'importance du transport maritime pour l'Europe.

1.4

L'ampleur du transport maritime à l'intérieur, en provenance ou à destination de l'Union ne cesse de croître chaque année. Il est dès lors d'une haute importance pour l'Europe de suivre de près la croissance de ces flux de trafic maritime et de favoriser, voire, au besoin, de prendre elle-même en temps voulu les mesures adéquates afin d'être à même d'absorber ce développement.

1.5

On peut distinguer différents types et catégories de transport maritime, selon des critères comme la finalité (transport récréatif ou commercial), le mode d'organisation (transport affrété ou trafic de ligne), les eaux fréquentées (navigation hauturière ou cabotage) ou encore la nature du transport (trajets de passagers ou d'acheminement de marchandises). Ce sont essentiellement le transport commercial et les quatre dernières catégories susmentionnées qui ont trait au marché intérieur et sont concernés par le présent avis.

1.6

En ce qui concerne le transport de passagers, la distinction entre les croisières et les trajets en transbordeurs ou rouliers saute aux yeux. En matière de transport de marchandises par voie maritime, c'est selon le type de cargaison qu'il y a lieu de distinguer les catégories suivantes:

vrac sec: ce type de cargaison est chargé en vrac sur des vraquiers spéciaux. Il s'agira par exemple de minerais, de charbon ou de céréales,

vrac liquide: ces cargaisons sont transportées dans des navires-citernes. C'est par exemple le cas du pétrole brut, des produits pétroliers ou des produits chimiques,

marchandises: on distinguera les cargaisons de type roulier, les marchandises diverses et les conteneurs.

2.   Esquisse de la situation du marché dans les catégories concernées

2.1

La croisière et la navigation sur transbordeur ou roulier concernent toutes deux le transport de passagers mais sont de natures fondamentalement différentes. La croisière constitue une forme de tourisme en bateau tandis que la navigation sur transbordeur se limite à un trajet d'un point A à un point B. Dans le cas des rouliers, ce dernier type de transport est d'ailleurs également possible pour les marchandises. Le nombre total de passagers transportés par voie maritime en Europe s'élève à 350 millions de personnes, dont 4 millions voyagent dans le cadre d'une croisière.

2.2

Les principaux ports de croisière européens sont Barcelone (832 000 passagers), Palma de Majorque (665 000), Venise (634 000), Naples (534 000), Southampton (533 000) et Civitavecchia (520 000). Le plus grand navire de croisière a entamé sa carrière cette année: il s'agit du Queen Mary 2, qui affiche 345 mètres de long, 41 mètres de large et un tirant d'eau de 10,3 mètres.

En longueur, le Queen Mary 2 équivaut plus ou moins aux plus grands des vraquiers et porte-conteneurs. Le tirant d'eau des bateaux de croisière est toutefois plus réduit que celui de ces deux derniers types de bâtiment. Dans le cas des grands ports, il ne se pose pas de problèmes majeurs d'accessibilité pour ces quelques unités.

2.3

Les transbordeurs, quant à eux, transportent souvent des marchandises sur le mode roulier. Il en existe aussi certains qui combinent le transport de passagers et d'une cargaison. Au sein de l'Union européenne, le trafic par transbordeur se pratique entre l'Europe continentale et le Royaume-Uni, l'Irlande, la Scandinavie, les États baltes, et les îles Canaries, tandis que la Méditerranée, en particulier, est couverte par un vaste réseau de liaisons par transbordeurs, notamment à destination de pays extérieurs à l'Union. Les plus gros transbordeurs-rouliers sont le Pride of Rotterdam et le Pride of Hull, vaisseaux jumeaux de l'armement P&O North Sea Ferries. Ces bâtiments sont longs de 215 mètres, larges de 32 mètres mais leur tirant d'eau est limité à 6,3 mètres.

2.4

Hormis quelques difficultés d'origine géographique qui peuvent parfois se rencontrer, il n'est actuellement plus nécessaire d'accorder au niveau européen une attention structurelle aux possibilités physiques d'accès aux ports de l'Union pour cette catégorie de navires. Cette accessibilité est d'ores et déjà assurée pour l'avenir, rendant également possible la poursuite de la croissance de ce type de transport.

2.5

Les cargaisons de vrac sec et liquide revêtent beaucoup d'importance pour l'approvisionnement des industries européennes. Le transport par vraquiers de ces types de cargaisons a connu, notamment au cours des décennies 1960 et 1970, une croissance énorme en termes de volumes transportés et de taille des navires.

2.6

En ce qui concerne les cargaisons liquides, c'est la fermeture du canal de Suez à la suite de la guerre des Six jours qui, couplée à la demande toujours plus forte de pétrole brut, a poussé la taille maximale des navires de 85 000 TPL en 1968 à 560 000 TPL en 1976 (2). Plusieurs ports européens ont procédé aux aménagements nécessaires pour que ces bâtiments puissent accoster dans leurs installations. En 1973, à l'occasion de la première crise pétrolière, il est apparu que ces navires n'étaient plus rentables et ils ont fini à la casse. Les navires-citernes construits durant les années 1980 et 1990 n'ont pas connu de nouvelles évolutions en ce qui concerne la taille. Leur tonnage est resté aux alentours des 300 000 TPL. Ce n'est qu'en 2002 que l'on s'est mis à reconstruire, quelques superpétroliers de 400 000TPL mais les installations portuaires actuelles suffisent toujours pour les accueillir.

2.7

Le transport des cargaisons sèches a connu un développement similaire à partir de la fin des années 1960. Dans ce domaine, la taille des bâtiments a évolué pour culminer avec le minéralier Berge Stahl qui, fort de ses 365 000 TPL et d'un tirant d'eau de 23 mètres (76 pieds), achemine depuis déjà 18 ans du minerai de fer du Brésil à Rotterdam et ne pourrait accoster à aucun autre endroit du globe. La très grande majorité des vraquiers construits depuis les années quatre-vingts jaugent toutefois entre 150 000 et 175 000 TPL. On peut en conclure que le vrac sec et liquide représente un marché qui a atteint sa maturité. Les ports de mer européens qui constituent des escales pour ces bâtiments se sont déjà adaptés à cette situation, y compris dans le cas du plus gros vraquier de cargaisons sèches au monde. On n'escompte plus d'augmentations importantes en matière de volumes de chargement et de taille des bateaux. En conséquence, l'accès à l'Europe de cette catégorie de navires est lui aussi d'ores et déjà garanti pour l'avenir.

2.8

Pour le transport des marchandises diverses, ce sont des navires cargos et des bateaux polyvalents qui sont affrétés. Depuis l'arrivée du conteneur, cette activité des marchandises diverses a fortement régressé pour se cantonner dans des marchés de niche tels que le transport vers l'Afrique et les navires frigorifiques dédiés au négoce fruitier. Les bateaux concernés ont un tonnage qui reste limité aux alentours des 40 000 TPL et ne connaît plus de croissance.

2.9

En revanche, le transport maritime de conteneurs connaît actuellement une croissance structurelle sans précédent pour les volumes transportés comme pour le tonnage des bateaux. En 1966, le Fairland a été le premier navire à assurer le transport intercontinental de conteneurs, des États-Unis vers l'Europe. Armé par Sea-Land, ce bâtiment, pouvait contenir 266 conteneurs de 35 pieds. Aujourd'hui, c'est le CSCL Europe qui, avec ses 8 500 ÉVP (équivalents vingt pieds) est le plus grand navire porte-conteneurs au monde mais des bâtiments d'une capacité de 9 200 ÉVP sont déjà en chantier. Le CSCL Europe mesure 334 m de longueur, 42,8 m de largeur et dispose d'un tirant d'eau maximum de 14,5 m.

Le graphique suivant indique quel est le plus grand navire porte-conteneurs construit chaque année. On ne peut qu'être frappé de constater la croissance spectaculaire de la capacité des vaisseaux à partir de 1995. À l'heure actuelle, 156 navires d'une contenance dépassant les 7 000 ÉVP sont en commande.

Image

2.10

Selon les prévisions, il ne faudra pas longtemps avant que des chantiers navals ne reçoivent commande de navires d'une capacité de 10 000 puis, dans la foulée, de 12 000 ÉVP, toujours équipés d'un seul et unique moteur. Des calculs (3) ont même été effectués afin de déterminer où pourrait se situer la limite ultime en la matière. Compte tenu du seuil rocheux du détroit de Malacca, tronçon essentiel de la route suivie pour le commerce avec l'Asie, cette frontière se situe à 18 000 ÉVP. Dans ce cas, deux moteurs sont cependant nécessaires, ce qui fait grimper de façon significative le prix de revient par conteneur transporté. À l'image de l'évolution qui a été à l'œuvre au cours des dernières décennies dans le transport intercontinental en vrac de cargaisons sèches et liquides, la situation ne se présente donc pas comme si la croissance des navires porte-conteneurs intercontinentaux devait automatiquement se poursuivre jusqu'aux limites techniques et géographiques.

2.11

Ces dernières années, c'est surtout le transport des conteneurs intercontinentaux en provenance et à destination des ports européens qui a enregistré un fort essor. La mondialisation grandissante et, avec elle, l'arrivée en force de la Chine comme pays de production ont eu pour conséquence que, par exemple, les ports à conteneurs du Nord-Ouest de l'Europe qui s'égrènent entre Hambourg et Le Havre ont bénéficié au cours des dernières années d'une croissance structurelle d'un peu plus de 10 % par an. Les ports de la Méditerranée ont également connu un essor effréné.

2.12

Les grands navires porte-conteneurs en provenance, par exemple, de l'Extrême-Orient ne s'arrêtent que dans un nombre limité de ports européens, parce que leurs dimensions sont trop imposantes pour accoster dans beaucoup d'entre eux et que, par ailleurs, leurs coûts sont à ce point élevés qu'ils n'ont guère de temps à y passer. En Europe, les plus grands navires ne font escale, la plupart du temps, que dans deux ou trois ports de la Méditerranée et dans quatre ports environ du Nord-Ouest de l'Europe. C'est à partir de ces grands ports spécialisés dans les conteneurs que ceux-ci seront redistribués vers toutes les destinations européennes, par mer, pour une part, via le vaste réseau de liaisons d'apport, et par la voie terrestre pour une autre part, avec un recours accru au rail et à la navigation intérieure.

2.13

Une congestion s'observe toutefois de plus en plus, en tout cas dans les ports à conteneurs européens les plus importants (4), pour ce qui est de la manutention de ce flux croissant de conteneurs au niveau des terminaux portuaires et de leur acheminement subséquent. Pour y remédier, outre les mesures correctrices prises au niveau des terminaux (dont des travaux d'extension), on s'efforce d'assurer dans le périmètre même des ports un roulement efficace des transports d'amont et d'aval, qu'ils passent par la voie maritime ou la terre ferme.

2.14

De plus, les nouvelles exigences en matière de sécurité réclament, elles aussi, beaucoup d'attention de la part des autorités portuaires, le but étant que les opérations de transbordement et de transport des marchandises se déroulent de la manière la plus souple possible malgré le renforcement des contrôles.

2.15

Face à la montée en puissance décrite dans les paragraphes 2.9 et 2.10, il n'est pas simple de passer par le marché de la navigation maritime pour assurer l'éclatement, via d'autres ports européens, des flux hauturiers de conteneurs. Parmi les principaux obstacles, isolés ou combinés, à l'origine de cette situation figurent, des caractéristiques physiques telles que l'insuffisance des tirants d'eau admis, des installations inadaptées, des temps de traversée excessifs ou l'absence de cargaisons d'un volume suffisamment élevé pour rentabiliser une escale supplémentaire (5). Le constat n'est toutefois pas irréversible, étant donné que le dynamisme de l'économie peut donner un coup de fouet à l'activité des ports de moindre taille.

3.   Liaisons avec l'avant-pays et l'arrière-pays

3.1

La plupart des conteneurs déchargés dans les ports européens doivent encore être acheminés du point de débarquement vers d'autres destinations. Des navires plus petits en feront parvenir une partie dans d'autres ports par voie maritime mais la majeure partie d'entre eux sera transportée vers l'arrière-pays européen par camions, batellerie ou chemin de fer. Il importe donc que la capacité des voies de communication avec l'arrière-pays évolue au même rythme que la croissance du trafic des conteneurs. À cette fin et sans entraver le trafic routier indispensable, il convient, conformément à la politique de l'Union, d'encourager autant que faire se peut le recours à la navigation intérieure, au rail ainsi qu'aux bateaux de cabotage et d'apport.

3.2

Le cabotage intraeuropéen bénéficie notamment ainsi d'un fort soutien de la part de l'Union. Il faut y ajouter, dans le cadre des nouveaux réseaux transeuropéens de transport, le programme des «autoroutes de la mer», qui doit encore être élaboré de manière plus concrète. D'une façon plus spécifique, de nouvelles propositions, en date du 16 juillet 2004, prévoient de doter le budget des réseaux transeuropéens de transport de 20,35 milliards d'euros tandis que le programme Marco Polo II devrait couvrir quant à lui les autoroutes de la mer et les mesures d'évitement de trafic, avec un budget de 740 millions d'euros.

3.3.

La Commission européenne a développé le concept des autoroutes de la mer afin de compléter le soutien apporté à d'autres modes de transport dans le cadre des réseaux transeuropéens. Exempte de procédures superflues et assortie de connexions intermodales efficaces, une telle «autoroute maritime» offrirait, dans un cadre de traitement égalitaire, une solution de substitution sérieuse par rapport au transport routier intraeuropéen. L'objectif visé par le programme est d'atténuer la congestion des axes de transit en Europe et d'améliorer l'accessibilité des zones et États périphériques et insulaires.

3.4

Pour favoriser le développement du cabotage, il est possible d'apporter des améliorations au niveau des installations portuaires comme à celui de la collaboration entre les ports. La clé du succès réside dans la cadence élevée des services, qui implique des volumes de fret élevés. Le potentiel du marché et l'exploitation commerciale constituent des paramètres de premier ordre pour la viabilité des liaisons de cabotage.

3.5

Le transport intérieur requiert également beaucoup d'attention au sein de l'Union, comme le démontre déjà la politique européenne des transports (et des infrastructures afférentes), avec l'effort qu'elle déploie afin d'accroître leur efficacité et leur bon fonctionnement en permettant le libre jeu du marché dans un cadre déterminé, respectueux d'autres valeurs sociales telles que la durabilité.

3.6

La réglementation en ce sens est déjà finalisée et d'application en ce qui concerne le transport routier et la navigation intérieure. Pour ce qui est du transport ferroviaire, le processus est enfin enclenché sur l'ensemble du réseau européen. Son accélération serait plus que bienvenue, au vu notamment des évolutions des flux de conteneurs que l'on a décrites précédemment.

4.   Catégories de ports

4.1

Dans le cadre de l'élaboration des décisions communautaires (6), on ne distingue que trois catégories de ports ressortissant aux réseaux transeuropéens:

a.

les ports maritimes d'importance internationale, dont le volume annuel de transbordement ou de trafic excède 1,5 million de tonnes ou 200 000 passagers,

b.

les ports maritimes d'importance communautaire, dont le volume annuel de transbordement ou de trafic excède 0,5 million de tonnes ou un nombre de passagers compris entre 100 000 et 199 000 et qui sont équipés des installations nécessaires pour le trafic de cabotage,

c.

les ports de mer régionaux, qui ne satisfont pas aux critères applicables aux catégories A et B mais sont situés sur des îles ou dans des régions périphériques.

4.2

Cette distinction n'a jusqu'à présent pas donné lieu à une approche différente sur le fond. Il n'est en effet fait mention d'aucun port dans la version renouvelée de la liste des priorités du réseau transeuropéen de transport, pas plus d'ailleurs que dans celle du programme «Autoroutes de la mer». Hormis certaines exceptions, on n'a relevé, tant du côté des autorités que dans le monde de l'entreprise, aucune intention de procéder à une sélection plus pointue entre les différents ports pour l'octroi de facilités spécifiques de cofinancement communautaire en ce qui concerne les investissements gigantesques qu'un port de trafic hauturier de conteneurs doit consentir pour être capable d'accueillir des cargaisons qui, dans la plupart des cas, ne font qu'y transiter et ne lui apportent à lui-même qu'une valeur ajoutée relativement faible.

Le CESE soutient les appels récemment lancés par la Conférence des régions périphériques et maritimes d'Europe (20 juillet 2004) pour qu'un équilibre soit trouvé entre les notions d'autoroutes de la mer et d'accessibilité, par la prise en compte dans cet exercice des ports de taille réduite ou moyenne.

4.3

À la lumière des considérations qui précèdent, le CESE invite instamment la Commission à se pencher sur les problèmes de congestion des ports européens en général et des ports à conteneurs en particulier, ainsi qu'à examiner les pistes envisageables pour l'atténuer.

4.4

Néanmoins, les ports à conteneurs européens les plus importants (7), qui se répartissent de façon assez égale entre la Méditerranée et le Nord-Ouest de l'Europe, constituent des ports de taille très importante ou moyenne à grande et, la plupart du temps, ne traitent pas exclusivement des conteneurs mais constituent aussi des escales importantes pour le transbordement du vrac et des marchandises diverses, sont confrontés, de par la croissance soutenue des flux, à plusieurs défis spécifiques:

Comment développer en temps utile une capacité de transbordement supplémentaire, aussi bien du côté de la mer que de celui des terres, tout en se conformant à l'exigeante réglementation actuelle en matière de bruit, d'environnement et de sécurité extérieure?

Comment s'adapter, en termes d'accessibilité nautique, de profondeur des quais et de dimensions des infrastructures de transbordement, à l'augmentation à venir du nombre de bateaux de plus de 8 000 ÉVP?

Comment garantir que les communications entre le port et l'arrière-pays européen présentent une capacité suffisante pour pouvoir traiter un flux grossissant de conteneurs?

Comment assurer le fonctionnement le plus souple possible des processus logistiques du port malgré le renforcement des contrôles?

4.5

Si l'on veut que, suivant l'un des objectifs de Lisbonne, l'Europe garde sa compétitivité à l'échelle mondiale, il est dans son intérêt que les ports susmentionnés s'attaquent à ces défis de façon concrète et adéquate et proposent des solutions. Dans la mesure où elle peut influer sur ce processus, l'Union européenne ne doit pas manquer d'y jouer un rôle.

4.6

Les ports, et en particulier ceux qui sont visés par le présent paragraphe, constituent aussi les portes de l'Europe d'un point de vue sécuritaire. Ils représentent également des voies d'eau qui permettent de pénétrer sur le territoire de l'Union et cette réalité comporte des implications en matière de sécurité. Le Comité rappelle ses avis antérieurs où il demandait à la Commission européenne de procéder à une étude d'impact d'une portée générale sur les coûts de sécurité pour les ports et d'élaborer un plan européen pour leur financement.

4.7

Accorder davantage d'attention aux grands ports à conteneurs n'est pas contradictoire avec la promotion du cabotage et le concept des autoroutes de la mer. Il arrive souvent que ces grands ports à conteneurs qui accueillent des navires hauturiers soient précisément aussi de grands ports de cabotage. De plus, ils disposent de la capacité, des infrastructures et de l'arrière-pays nécessaires pour générer suffisamment de fret et soutenir ainsi la croissance des autres ports de cabotage par le biais des autoroutes de la mer.

5.   Actions concrètes de l'Union européenne possibles dès à présent

5.1

Il convient d'éviter qu'à cause de pratiques de distorsion de concurrence, d'infrastructures insuffisantes ou d'une politique des transports inefficace, les importants investissements qui sont déjà ou seront bientôt consentis par les grands ports à conteneurs pour faire face aux défis mentionnés au paragraphe 4.3 et tâcher d'y apporter des solutions n'atteignent pas à l'efficacité ou ne portent pas tous les fruits qu'ils pourraient. Si l'on considère le lien étroit qui existe entre les ports de conteneurs et le cabotage par le truchement des lignes d'apport et l'usage des autoroutes de la mer, ainsi que les connexions avec l'arrière-pays, une telle politique a des répercussions de longue portée et peut bénéficier à l'ensemble du marché des transports.

5.2

Aussi l'UE devrait-elle veiller tout d'abord à ce que l'impératif global de la concurrence loyale (qualifié aussi de «terrain de jeu équitable») soit bien établie. Les ports — ou, pour viser plus précisément, les acteurs du marché présents qui y sont présents — doivent pouvoir entrer en concurrence de façon tout à fait libre dans le périmètre portuaire même comme d'un port maritime à l'autre.

5.3

Au vu des expériences accumulées dans les autres secteurs du transport en matière de fret qui se sont déjà engagés dans cette voie, une certaine libéralisation du marché des ports maritimes apparaît judicieuse et prometteuse pour l'optimalisation des possibilités d'utilisation. Sur la proposition Mme DE PALACIO, qui y était en charge des questions de transport, la Commission sortante a déposé in extremis au Conseil une nouvelle directive sur les ports, concernant l'accès au marché des services portuaires. Le CESE aura ainsi à nouveau (8) la possibilité de développer sous la forme d'un avis spécifique tout son éclairage à ce sujet — et s'abstiendra dès lors de le faire dans le cadre du présent texte.

5.4

Il convient d'établir bien plus clairement, notamment en ce qui concerne les aides d'État, ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Dans quelle mesure, par exemple, les infrastructures d'un port maritime — et cette question est directement liée à la problématique de l'augmentation de la taille des navires — peuvent-elles être financées par l'État? Les autorités nationales et les gestionnaires de ces ports doivent savoir où l'on est sur ce point. Il existe donc un besoin urgent de lignes directrices claires sur ce dossier des aides d'État. Le CESE prend note de l'intention de la Commission d'élaborer des orientations concernant les soutiens accordés aux ports par les pouvoirs publics et l'invite à agir au plus vite en ce sens, que la nouvelle directive portuaire proposée soit adoptée ou non.

5.5

La mise en oeuvre de la réglementation et son respect requièrent une attention soutenue. Bien souvent, la transposition de la réglementation communautaire en droit national génère une marge d'interprétation. L'Union européenne se devrait de veiller beaucoup mieux à une application uniforme de la réglementation communautaire. Un phénomène similaire survient lorsqu'il s'agit de faire respecter la législation et la réglementation communautaire existantes. Son exécution est déficiente et incohérente. Des disparités apparaissent clairement d'un État membre à l'autre notamment dans la manière d'interpréter les dispositions en matière d'environnement, de nature et de sécurité. Il n'est pas souhaitable que la concurrence entre les ports se jouent sur ces domaines qui ressortissent à l'encadrement général de leur activité.

5.6

Afin d'avoir une idée plus claire de la manière dont les ports maritimes sont financés, il est nécessaire que la transparence règne dans leur comptabilité — et tout particulièrement en l'occurrence dans celle des flux monétaires en provenance et à destination des différents pouvoirs publics (locaux, régionaux et nationaux). Dans ce domaine aussi, l'UE doit mettre au point des instruments efficaces. Jusqu'à présent, on n'a pas encore relevé de traduction pratique de la conviction du Comité qui, dans son avis de 2001 (9), estimait que la Commission disposait dorénavant de suffisamment d'instruments efficaces, grâce à l'application à l'ensemble des ports de la directive dite de «transparence» du réseau transeuropéen de transport, combinée aux articles du traité relatifs à la concurrence et aux aides d'État et à la jurisprudence de la Cour européenne de justice en la matière.

6.   Résumé et conclusions

6.1

L'ampleur du transport maritime à l'intérieur, en provenance ou à destination de l'Union ne cesse de croître chaque année. Vu l'importance que ce transport revêt pour elle, l'UE se doit de suivre de près la croissance de ces flux de trafic maritime et favoriser, voire, au besoin, prendre elle-même en temps voulu les mesures adéquates afin d'être à même d'absorber ce développement.

6.2

On peut distinguer différents types et catégories de transport maritime, notamment selon des critères de finalité (transport récréatif ou commercial), d'eaux fréquentées (navigation hauturière ou cabotage) ou de nature du transport (trajets de passagers ou de acheminement de marchandises). Ce sont essentiellement le transport commercial et les quatre dernières catégories susmentionnées qui ont trait au marché intérieur et sont concernés par cet avis.

6.3

Avec ses 350 millions de voyageurs, le transport de passagers au sein de l'Union européenne peut être considéré comme très important. Du point de vue de la croissance et de l'évolution de la dimension des navires, il ne constitue cependant pas un secteur qui nécessiterait une attention accrue de la part de l'Union en termes d'infrastructures, par opposition à son développement proprement dit. Dans ce secteur, en revanche, la question de la sécurité est au centre des préoccupations, notamment dans le cas des croisières.

6.4

Le transport en vrac de cargaisons sèches et de cargaisons liquides a également connu une forte croissance durant les décennies 1960 et 1970. À l'époque, des mesures adéquates ont été prises afin d'adapter les installations portuaires à l'augmentation de la dimension des navires. Entre-temps, ces marchés sont arrivés à maturité. Le secteur des marchandises diverses conventionnelles est manifestement sur le déclin. Le transport de type roulier se confond partiellement avec la navigation par transbordeurs et constitue un marché important mais qui a lui aussi atteint le stade de la maturité.

6.5

En revanche, le transport de conteneurs connaît actuellement une croissance structurelle sans précédent tant pour la capacité que pour la taille des bateaux.

6.6

Une congestion s'observe de plus en plus pour ce qui est de la manutention de ce flux croissant de conteneurs au niveau des terminaux portuaires et de leur acheminement ultérieur. Pour y remédier, il s'impose, indépendamment des mesures correctrices prises au niveau des terminaux (dont des travaux d'extension), d'assurer dans le périmètre même des ports un roulement efficace des transports d'amont et d'aval, qu'ils passent par la voie maritime ou la terre ferme.

6.7

Face à l'augmentation des dimensions des navires, il n'est pas évident de passer par le marché de la navigation maritime pour assurer l'éclatement, via d'autres ports européens, des flux hauturiers de conteneurs, sans qu'il faille exclure pour autant que la dynamique économique donne aux ports de moindre taille des possibilités de se développer.

6.8

À la lumière des considérations qui précèdent, le CESE invite instamment la Commission à se pencher sur les problèmes de la congestion des ports européens en général et des ports à conteneurs en particulier, ainsi qu'à examiner les pistes envisageables pour l'atténuer, par-delà des initiatives actuellement en cours de réalisation au titre des réseaux transeuropéens.

6.9

Alors qu'il a déjà été mené à bien dans les secteurs du transport routier et de la navigation intérieure et maritime, le processus visant à assurer l'efficacité et le bon fonctionnement de l'ensemble du réseau européen entre enfin dans sa phase de démarrage pour le transport ferroviaire. Son accélération serait plus que souhaitable.

6.10

Si l'Europe veut garder sa compétitivité à l'échelle mondiale, il est dans son intérêt que ses grands ports à conteneurs abordent de façon concrète et adéquate les défis posés et proposent des solutions. Dans la mesure où elle peut influer sur ce processus, l'Union européenne ne doit pas manquer d'y jouer un rôle. À cet égard, il ne faut toutefois pas envisager de proposer des possibilités de soutien financier communautaire en faveur des ports autres que celles qui existent déjà. Bien qu'elles puissent tout à fait se justifier, précisément en ce qui concerne le transport de conteneurs, elles ne bénéficient pour l'instant pas d'un courant porteur suffisant, car ni les pouvoirs publics, ni le monde de l'entreprise ne souhaitent que l'on opère entre les ports des distinctions qui viendraient s'ajouter à celles déjà en vigueur au titre des réseaux transeuropéens.

6.11

Les ports constituent également des voies d'eau qui permettent de pénétrer sur le territoire de l'Union et cette réalité comporte des implications en matière de sécurité. Le Comité rappelle ses avis antérieurs où il demandait à la Commission européenne de procéder à une étude d'impact d'une portée générale sur les coûts de la sécurité portuaire et d'élaborer un plan européen pour leur financement.

6.12

Concrètement, l'Union européenne peut d'ores et déjà créer un «terrain équitable», dans lequel pourra jouer une concurrence loyale, favoriser une certaine libéralisation du marché des ports de mer, clarifier la situation en ce qui concerne les aides d'États en élaborant des lignes directrices sans équivoques, accorder une attention soutenue à la mise en œuvre et au respect de la réglementation en vigueur et veiller à imposer la transparence des flux financiers.

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Source: ESPO, brochure: «Ports creating opportunities by connecting people, products and business - by connecting Europe». («Les ports: créer des ouvertures en mettant en relation les gens, les biens et les entreprises et en assurant les liaisons en Europe»).

(2)  TPL= tonnage de port en lourd. Cette unité de mesure indique le tonnage d'un bateau exprimé en tonnes. L'unité utilisée pour mesurer la capacité des navires porte-conteneurs est le nombre d'ÉVP (équivalent vingt pieds). Il s'agit du nombre maximum de conteneurs qu'un navire peut transporter, exprimé en ÉVP. L'unité TPL n'est pas utilisée dans le cas des navires porte-conteneurs car un conteneur vide occupe autant d'espace qu'un conteneur rempli.

(3)  N. Wijnolst et alii, Malacca-Max, The Ultimate Container Carrier («Malacca-Max, le porte-conteneur ultime»), Université technique de Delft, 1999.

(4)  Pour un aperçu des principaux ports à conteneurs européens, voir le tableau et la carte en annexes.

(5)  Telles sont, par exemple, les raisons pour lesquelles les plus grands navires porte-conteneurs ne relâchent pas dans le Nord de l'Adriatique, le Nord du Royaume-Uni, en Irlande ou en mer Baltique. Ce n'est que par la voie des lignes d'apport à destination et en provenance des ports où ces navires font escale que les cargaisons finissent par arriver dans les ceux des régions non desservies directement.

(6)  Orientations pour le réseau de transport transeuropéen (décision 1692/96), qui inclut dans ce dernier les ports de navigation intérieure et les terminaux internationaux.

(7)  Voir annexes (également mentionné dans la deuxième note de bas de page).

(8)  Le Comité a émis un avis (TEN 075 «Accès au marché des services portuaires»; rapporteur: M. Retureau, JO C 48 du 21 février 2002, p. 122) sur une proposition déposée au début de l'année 2001 et rejetée entre-temps par le Parlement en tant que colégislateur.

(9)  Pour la référence, voir note 8.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/147


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no1260/1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels, en ce qui concerne la prolongation de la durée du programme PEACE et l'octroi de nouveaux crédits d'engagement»

COM(2004) 631 final

(2005/C 157/26)

Le 9 décembre 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

Vu l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé, lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 16 décembre 2004), de désigner M. SIMPSON rapporteur général et a adopté le présent avis à l'unanimité.

1.   Introduction

1.1

L'Union européenne soutient depuis 1995 les actions de paix et de réconciliation en Irlande du Nord et dans les régions frontalières de la République d'Irlande au moyen de deux programmes de paix distincts — le programme d'aide spéciale en faveur de la paix et de la réconciliation («PEACE I») 1995/99 et le programme de l'UE pour la paix et la réconciliation («PEACE II») 2000/04.

1.2

Ces programmes ont fourni environ 100 millions d'euros par an à la région éligible, qui comprend toute l'Irlande du Nord et les régions frontalières d'Irlande. Ils ont tous les deux la même mission — renforcer le progrès vers une société paisible et stable et promouvoir la réconciliation; ils soutiennent tous les deux la relance économique et les activités d'inclusion sociale et sont tous deux mis en œuvre par des acteurs locaux.

1.3

La dotation du programme PEACE II est actuellement de 531 millions d'euros pour cinq ans, soit 106 millions d'euros par an. La ressources annuelles consacrées à l'Irlande du Nord se montent approximativement à 85 millions d'euros et celles allouées aux régions frontalières d'Irlande à environ 22 millions d'euros. Les deux États membres cofinancent le projet à hauteur de 25 % chacun et veillent à ce que les exigences supplémentaires du programme soient respectées.

2.   Objet de la proposition de règlement du Conseil

2.1

Une extension pour deux années du programme PEACE II est recommandée car le niveau de progrès politique espéré en 1998 pour l'Irlande du Nord n'a pas été entièrement atteint et les institutions politiques ne sont toujours pas stables. La construction de la paix et la réconciliation sont toujours de la plus haute importance.

2.2

Une évaluation ex post de PEACE I et une évaluation à mi-parcours de PEACE II ont été entreprises en même temps en 2003. L'évaluation ex post de PEACE I a permis de conclure que le programme avait réussi à promouvoir l'inclusion et la réconciliation, tout en apportant des bénéfices précis et mesurables en termes de création d'emploi, de formation et de développement des entreprises. L'évaluation à mi-parcours de PEACE II a recommandé une concentration accrue du programme sur les critères de paix et de réconciliation lors de la sélection des projets et a noté la forte proportion de projets à dimension intercommunautaire. Les deux programmes ont eu un impact significatif sur la création d'emploi et le développement des entreprises.

2.3

L'évaluation à mi-parcours a identifié un besoin très net de poursuite des activités en faveur de la paix et a recommandé une concentration accrue sur les activités directement liées à la promotion de la réconciliation. L'extension jusqu'en 2006, proposée par la Commission, donnerait suite aux recommandations de l'évaluation à mi-parcours en soutenant les mesures existantes du programme qui sont le plus en accord avec le besoin actuel de renforcement de la réconciliation.

2.4

Le 18 mai 2004, le Premier ministre britannique et le Taoiseach (Premier ministre) irlandais ont écrit au Président de la Commission pour lui faire part des réalisations des deux programmes PEACE financés par l'UE et de leur contribution au processus de paix en Irlande du Nord. Ils ont demandé une extension du programme PEACE II jusqu'en décembre 2006.

2.5

Le 16 juin 2004, le Président de la Commission a répondu que la Commission cherchait à maintenir ces efforts. Les 17 et 18 juin 2004, à la demande des Premiers ministres britannique et irlandais, le Conseil européen a pris note des difficultés actuelles du processus de paix en Irlande du Nord et a confirmé son appui aux efforts des deux gouvernements dans la recherche d'un rétablissement des institutions politiques décentralisées. Afin de soutenir ces efforts, le Conseil européen a invité la Commission à examiner la possibilité d'aligner les interventions dans le cadre du programme PEACE II avec les programmes des Fonds structurels qui se terminent en 2006.

2.6

En réalité, le programme PEACE II serait ainsi prolongé de deux années supplémentaires.

3.   Proposition de règlement du Conseil

3.1

Le document COM(2004) 631 final est la réponse de la Commission à la demande du Conseil. Il propose une extension pour deux ans du programme PEACE II, à raison de 60 millions d'euros par an, dont 41 millions pour l'Irlande du Nord et 19 millions pour les régions frontalières d'Irlande. Cela correspond à la demande introduite par les deux États membres en septembre 2004, suite à une consultation publique.

3.2

Pour concrétiser l'extension de PEACE II et lui allouer les ressources additionnelles nécessaires, la proposition de règlement du Conseil amenderait le règlement (CE) no 1260/1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels, mais aussi la durée du programme PEACE II ainsi que les crédits d'engagement totaux annuels pour les Fonds structurels jusqu'en 2006.

3.3

Afin que cette extension puisse être financée par le budget des fonds structurels, le règlement du Conseil proposé modifie l'article relatif à la totalité des ressources disponibles en vue de l'engagement par les Fonds structurels, faisant passer celles-ci de 195 à 195,1 milliards d'euros. Une modification connexe relève le plafond des fonds structurels disponibles pour l'Objectif 1 (soutien transitoire inclus) de 135,9 à 136 milliards d'euros (1).

3.4

Le règlement du Conseil proposé modifie la durée du programme PEACE II. Initialement prévue de 2000 à 2004, elle s'étend désormais de 2000 à 2006.

4.   Conclusion

4.1

Le Comité économique et social européen accueille favorablement la contribution qu'apporte l'Union européenne à l'amélioration de la paix, de la stabilité et de la réconciliation sur l'île d'Irlande.

4.2

Le Comité remarque avec intérêt les progrès réalisés depuis 1995, date de l'approbation du programme PEACE I. Il note également et accueille favorablement les recommandations faites à la Commission par l'organisme responsable de la mise en œuvre et du contrôle de PEACE II, le Special EU Programmes Body (organe spécial pour les programmes de l'Union européenne), qui estime qu'il conviendrait de simplifier le fonctionnement du programme et permettre une concentration accrue sur les activités liées à la réconciliation.

4.3

Le Comité reconnaît également que la construction de la paix par l'implication des personnes dans le développement de leurs propres communautés est un processus continu. Le Comité salue par conséquent la contribution positive que les partenariats stratégiques locaux, mis en place en Irlande du Nord grâce au programme PEACE II, ont apportée à la promotion des partenariats sociaux et de la société civile. Le Comité se réjouit du succès des partenariats stratégiques locaux en ce qui concerne la création de partenariats entre d'une part, les pouvoirs locaux et d'autres organes publics, et d'autre part les partenaires sociaux. Les partenariats stratégiques locaux, avec les organismes de financement intermédiaires, ont ainsi promu la réconciliation au-delà des divisions dans la société nord-irlandaise. Le Comité est reconnaissant de la manière dont les institutions de l'Union européenne ont facilité le développement de ces partenariats, pouvant servir de modèles aux sociétés civiles dans d'autres régions de l'UE et d'autres sociétés divisées de l'UE.

4.4

Conformément à la recommandation de l'évaluation à mi-parcours de PEACE II, relative à une concentration accrue sur les activités promouvant directement la réconciliation, le Comité espère que l'extension de PEACE II sera utilisée pour financer des projets liés aux objectifs plus spécifiques de paix et de réconciliation, et dépendant moins de critères purement économiques ayant peu d'impact sur les membres de la communauté les plus touchés par les désordres civils. Le Comité souhaiterait également que l'extension de PEACE II serve à des projets liés au racisme et à d'autres problèmes rencontrés par les travailleurs migrants cherchant à tirer parti des politiques européennes en matière de libre circulation.

4.5

Le Comité soutient donc l'adoption du règlement proposé.

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Correction technique: le projet de règlement fait par erreur référence à un montant de 135,6 milliards d'euros actuellement alloué à l'objectif 1. L'article 7 du règlement initial, le règlement no 1260/1999, prévoit un montant de 135,9 milliards d'euros.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/149


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1059/2003 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'établissement d'une nomenclature commune des unités territoriales statistiques (NUTS) en raison de l'adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l'Union européenne»

COM(2004) 592 final — 2004/0202 (COD)

(2005/C 157/27)

Le 10 décembre 2004, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé, lors de sa 413e session plénière des 15 et 16 décembre 2004, de désigner M. Tóth comme rapporteur général et a adopté le présent avis à l'unanimité.

1.

Le Comité accueille favorablement l'initiative de la Commission de modifier le règlement (CE) no 1059/2003 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'établissement d'une nomenclature commune des unités territoriales statistiques (NUTS), en raison de l'adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l'Union européenne.

1.1

Le Comité engage la Commission à vérifier pays par pays les annexes I, II et III au règlement (CE) no 1059/2003, afin de garantir une utilisation appropriée de la terminologie et de la langue propres aux états membres en ce qui concerne les unités NUTS 1, NUTS 2 et NUTS 3, ainsi que les unités administratives existantes et les unités administratives de taille plus petite.

2.

Le Comité considère que cet exercice facilitera l'intégration de la nomenclature des unités territoriales des nouveaux états membres dans la nomenclature statistique communautaire.

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/150


Avis du Comité économique et social européen sur les «relations entre générations»

(2005/C 157/28)

Le 29 janvier 2004, le Comité économique et social européen, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son Règlement intérieur, a décidé d'élaborer un avis d'initiative sur les «Relations entre générations».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 25 novembre 2004. (rapporteur: M. BLOCH-LAINÉ).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 16 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 143 voix pour, 2 voix contre et 9 abstentions.

1.   PRÉAMBULE

1.1

L'agencement des relations entre générations (1) est, à l'évidence, l'un des facteurs majeurs qui déterminent le degré de cohésion de toute société; en l'occurrence des nôtres et, par voie de conséquence, de l'ensemble géopolitique en cours d'évolution que constitue leur UNION.

1.2

Un trait caractéristique des nations européennes est le vieillissement de leurs populations. Ce phénomène exerce chez elles des effets prépondérants et leur lance des défis complexes qu'il leur incombe de bien mesurer et de gérer de façon aussi correctement articulée et anticipatrice que possible. Il leur appartient de définir et mettre en œuvre en la matière ce qu'on peut appeler une «politique des âges de la vie» (2); c'est-à-dire, non pas des actions momentanées, fragmentaires et cloisonnées, mais une stratégie d'ensemble, globale et systémique, visant à favoriser, dans la durée, l'entente et la solidarité entre les générations de plus en plus nombreuses qui coexistent et se côtoient en leur sein.

1.3

Or l'examen de l'état des lieux en l'espèce — quelles que soient les différences et les particularités nationales — conduit à estimer qu'on est «assez loin du compte». Le Comité économique et social européen considère que ce problème est crucial pour l'avenir de l'Europe et entend lui conférer durablement une place éminente dans ses préoccupations et son programme de travail au cours des temps à venir.

Tels sont la justification et le sens du présent avis qui a pour objet:

après avoir rappelé quelques constats et réflexions (2);

d'exposer quelques orientations et préconisations (3).

2.   CONSTATS ET RÉFLEXIONS

2.1

Ce n'est faire injure à personne que de formuler le constant suivant: au cours du dernier demi-siècle, nos pays et leurs institutions communes n'ont pas tiré un parti optimal des outils et techniques de prévision — arsenal sans précédents — mis à leur disposition, pour ce qui est de la conception et de l'exécution des politiques conduites dans le champ considéré; c'est-à-dire de la manière la plus pertinente d'agir sur ces différents volets et composantes.

2.1.1

Il faut certes, en formulant pareil jugement, se garder, entre autres, de trois types d'outrances:

2.1.1.1

L'une consiste à dire que la prévision précise était là chose très simple, ce qui est faux: la science démographique permet certes, grâce à des méthodes éprouvées, de tracer d'éclairantes perspectives à moyen et long termes. Mais les lignes ainsi dessinées peuvent, on le sait bien, s'infléchir sous l'effet de variables économiques, sociologiques, politiques assez aléatoires. C'est ainsi, par exemple, que si les naissances, les décès et les flux migratoires relèvent de fluctuations qui leur sont propres, ce sont des phénomènes qui dépendent aussi de facteurs externes, extrinsèques, tels que la croissance ou le ralentissement économique, l'insécurité sociale, l'évolution des mœurs, l'environnement politique et le degré de confiance des citoyens en l'avenir. Au surplus, les experts établissent, à partir des données démographiques, des hypothèses centrales fondées sur des moyennes. Mais ces moyennes diffèrent selon les experts qui les établissent.

2.1.1.2

Une autre outrance consisterait à sous-estimer des programmes éclairés, tenaces et des réussites obtenues depuis cinquante ans en matière de santé, de protection sociale, de solidarité, de formation, d'équipements et infrastructures, d'aménagement des territoires, de dialogue social, de vie associative, etc.

2.1.1.3

Une troisième outrance serait de minorer les démarches prospectives innovantes et prometteuses accomplies ou engagées par le Conseil, le Parlement européen et la Commission en de nombreux domaines.

2.1.2

Cependant, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, il y a eu défaut manifeste de perspicacité et de prévoyance dans le traitement de certaines conséquences socialement dangereuses du vieillissement des populations de nos pays. Ce phénomène démographique résulte de la conjonction de deux tendances prévues et signalées d'assez longue date: l'allongement de la durée de la vie et le déclin de la natalité. Le caractère inéluctable de ce phénomène, quelles qu'aient été les différences ou nuances de diagnostic des experts prévisionnistes, n'a pas été mis en doute.

2.1.3

On ne peut nier, sans vouloir s'aveugler, que sont advenus maints manquements, oublis ou erreurs dans la prise en compte anticipatrice d'une réalité actuelle, contraignante et durable: la coexistence de plus en plus fréquente, dans les pays de l'Union, de trois, voire quatre, et non plus deux générations.

2.1.4

Les champs de ces carences d'adaptation sont malheureusement nombreux. On peut évoquer, entre autres exemples:

Le financement des retraites: Dans plusieurs de nos États, le moins qu'on puisse dire est que le traitement du problème a été trop longtemps différé; qu'il a été entrepris tardivement et «à chaud», dans des conditions conflictuelles qu'on eût pu éviter.

Les places et apports respectifs dans le fonctionnement des entreprises et des administrations de tranches d'âge plus nombreuses en présence: Les dispositions prises, ici ou là, pour résoudre des questions d'effectifs et d'allègement de charges d'exploitation l'ont été sans qu'on se soit assez préoccupé de «dommages collatéraux» et d'effets pervers d'expédients à courte vue.

Formation continue: Les soucis relatifs à l'allongement de la durée de la vie active ont été, ici ou là, trop souvent négligés, s'agissant des travailleurs «plus âgés».

Urbanisme, habitat, localisation d'équipements collectifs et commerciaux: Les conceptions qui ont prévalu en ces matières ont été fréquemment oublieuses des besoins respectifs spécifiques des plus jeunes, des plus âgés, des familles unies ou éclatées.

Transmission des patrimoines matériels: Les dispositifs juridiques et fiscaux n'ont guère été repensés et réajustés en fonction de l'évolution démographique.

Relations entre l'univers éducatif et l'univers du travail: En ce domaine, quelques pays seulement ont fait mieux que beaucoup d'autres, plus nombreux, qui sont en retard.

Préservation, valorisation, exploitation et mise en commun des acquis d'expérience et de mémoire: Les avancées technologiques, les innovations de management, une certaine sacralisation du «jeunisme» n'ont pas été assez attentives à des risques de gâchis de connaissances, de capacités, d'expérience et de mémoire.

Les cultures: on a peut-être, parfois, sacralisé avec trop de complaisance (3) des cultures émergentes, sans discerner assez ce qui relevait de la mode et ce qui relevait d'inventions de progrès durables On a laissé se développer des phénomènes d'amnésie, de mépris, de frayeur, de rejet et donc de cloisonnement intergénérationnels.

2.1.5

Validité des indicateurs du «welfare»: Le CESE considère positif le travail développé par le sous-comité «Indicateurs» du Comité de coordination pour la protection sociale et notamment la définition (ou l'affinement des définitions précédentes) des indicateurs proposés: cela permet, aujourd'hui, de ventiler par groupe d'âges une série d'indicateurs relatifs, notamment, au risque de pauvreté. Il insiste sur la nécessité que ce travail continue, surtout afin de compléter et consolider une palette d'indicateurs qui puisse permettre d'évaluer toujours mieux la condition des différents groupes d'âges d'un point de vue à la fois quantitatif et qualitatif.

3.   ORIENTATIONS ET PRÉCONISATIONS

3.1

Pourquoi est-on, ces dernières décennies, trop souvent passé à côté de telles vraies et cruciales questions? C'est là un important et vaste sujet de réflexion sociologique et politique sur lequel il n'y a pas lieu de disserter superficiellement dans le cadre du présent avis. Mais quoiqu'il en soit, le CESE éprouve une conviction forte: le Comité est une instance consultative; moins soumise que des acteurs décisionnels aux contraintes et pressions de l'instant. La diversité de ses membres; leur habitude de travailler librement et durablement ensemble, de confronter leurs expériences, leurs connaissances, leurs informations, leurs inquiétudes, de conjuguer leurs intuitions et leurs analyses, leur aptitude à faire des propositions de méthode, leur enracinement et leurs engagements dans ce qu'on nomme la «démocratie participative»: pareils potentiels atouts et facilités lui ouvrent des espaces de travail qu'il a, à la fois, la latitude et le devoir d'occuper davantage qu'il ne le fait. C'est le cas du champ que constitue les «Relations entre générations».

3.1.1

Pour intervenir sur un champ aussi complexe, il faut se montrer prudent et lucide:

3.1.1.1

Le CESE doit savoir rester à sa place et éviter de s'assigner des objectifs hors de proportion avec ses moyens ou non conformes à ses missions.

3.1.1.2

La réflexion anticipatrice — qu'on appelle aussi «prospective» — ne se confond ni avec la planification ni avec la futurologie.

3.1.1.3

Les scientifiques les plus sérieux rappellent volontiers que leur connaissance n'est qu'une «suite d'erreurs en sursis». Or l'économie n'est pas une science exacte; le social l'est moins encore. On voit donc mal pourquoi la prospective socio-économique échapperait au danger de se tromper.

3.1.1.4

Parmi les nombreux chantiers que comporte le champ des relations intergénérationnelles, certains relèvent aujourd'hui d'actions réparatrices; certaines appellent des actions d'infléchissement et certaines, enfin, requièrent une grande capacité de recherche et d'invention. Il importe de bien identifier les unes et les autres, de bien les distinguer, et, dans tous les cas, de se défier des utopies dangereuses ou stériles.

3.1.2

S'agissant de la méthode qu'il entend adopter pour bien remplir son rôle dans l'ambition qu'il s'est fixée en la matière, le CESE s'est assigné une ligne de conduite: travailler en coopération la plus étroite possible avec les institutions de l'Union: Conseil, Parlement, Commission. Cette détermination lui est dictée tout à la fois par les considérations formulées aux paragraphes 2.1.1.3 et 3.1.2 ci-dessus, par la volonté de respecter tant la lettre que l'esprit des textes institutionnels, enfin par des impératifs relevant simplement du «bon sens».

3.1.2.1

Le champ des «relations entre générations» est singulièrement vaste. On ne pouvait, en première approche, qu'en esquisser ici un inventaire assez général.

3.1.2.2

Le Comité a choisi, dans le présent avis initial, de soumettre à l'attention des Institutions de l'Union une liste de sujets de réflexion susceptibles d'être traités, si elles y avaient convenance, selon des formes à déterminer mais avec une volonté de corrélations, en collaboration avec elles. Cette liste se décline ainsi, sans ordre de priorité:

Étendue, poids et limites des rôles et responsabilités incombant aux familles, à l'avenir, dans l'organisation sociétale: enfants, adultes, parents, grands-parents.

Accès des femmes au marché du travail et équipements collectifs d'accueil de l'enfance.

La solitude et l'isolement dans les sociétés européennes: personnes âgées (4); jeunes défavorisés: «enfance pauvre».

Contrats générationnels et solidarité intergénérationnelle: comment organiser socialement et politiquement de bons arbitrages — c'est-à-dire respectueux du futur — compte tenu des contraintes et pressions du présent et du silence d'ultérieurs ayants droit muets parce qu'absents?

Choix d'urbanisme, d'habitat et relations entre générations: les conceptions et choix d'urbanisme et d'habitat appliqués ces dernières années se sont révélées souvent oublieuses de l'émergence de besoins générationnels importants. Il s'agit notamment des problèmes posés:

par le développement (heureux) de l'autonomie résidentielle des personnes âgées et de leurs relations avec les générations plus jeunes, avec l'enfance et l'adolescence;

par la cohabitation forcée dans les logements familiaux non conçus à cette fin des jeunes adultes célibataires (étudiants; jeunes travailleurs);

par l'hébergement, autre que ségrégatif et temporaire, des familles dites «difficiles»;

Quels rôles utiles la «démocratie participative» peut-elle et doit-elle exercer dans l'agencement des relations entre générations?

3.2

Le Comité a décidé d'évoquer dès maintenant, en forme de préconisations, plus précisément et à terme plus rapproché, deux volets du thème général, susceptibles, eux aussi, d'une collaboration avec les institutions de l'Union si elles y consentaient.

3.2.1

La durée de la vie active: cette question est l'une des plus illustratives d'un défaut de lucidité et d'anticipation des pays européens au regard des défis que leur lance le vieillissement, depuis longtemps prévu, de leurs populations.

3.2.1.1

Le raccourcissement des carrières professionnelles crée une perte de potentiel économique, social et culturel. Il n'a pas produit les effets escomptés en matière de partage du travail et d'augmentation de l'emploi des jeunes. Il a été, dans nombre de pays, considéré et utilisé comme une «régulation value», comme un expédient à courte vue.

3.2.1.2

Tant du côté des décideurs politiques que chez les entreprises et dans l'opinion publique, des préjugés et «idées toutes faites» ont conduit, à tort, à considérer que les travailleurs âgés étaient relativement inaptes à s'adapter à l'évolution des techniques de production et des méthodes de management et freinaient les progrès de productivité.

3.2.1.3

Depuis plusieurs années pourtant, de pertinentes analyses, de forts avertissements, de bonnes préconisations ont été formulées. Il importe à cet égard de souligner surtout la clairvoyance, la continuité et la qualité des efforts accomplis sur ce sujet difficile par la Commission. Il faut aussi rappeler les pertinents travaux accomplis par l'OCDE ainsi que par de multiples instituts de recherche, organisations professionnelles et Conseils Économiques et Sociaux de divers pays.

3.2.1.4

L'éventail des moyens à mettre en œuvre pour renverser la tendance est aujourd'hui assez bien établi et connu: mieux assurer l'employabilité des travailleurs les moins jeunes par un perfectionnement des méthodes de formation continue; améliorer la qualité des postes de travail et accroître la flexibilité des horaires afin d'assurer un meilleur équilibre entre le temps de travail et la vie personnelle; développer dans les entreprises et administrations des équipes «d'âges mixtes»; donner davantage confiance en eux-mêmes aux travailleurs les plus âgés; renforcer les mesures de protection de leur santé; assurer, dans la durée, une meilleure planification des carrières; adopter des dispositions incitatives en matière de retraites et de fiscalité.

3.2.1.5

La volonté d'allonger, par des incitations à des choix volontaires, la durée de la vie active en Europe a été proclamée par le Conseil de l'Union, notamment à Lisbonne et à Stockholm.

3.2.1.6

Pourtant, sauf dans un très petit nombre de pays on constate que:

les systèmes fiscaux et de sécurité sociale ainsi que les conventions collectives et les accords d'entreprise comportent des caractéristiques et dispositions fortement incitatives explicitement ou implicitement aux départs en retraite anticipée;

les annonces et les intentions formulées lors des réunions du Conseil ne sont pas assez bien relayées, concrètement, dans les états eux-mêmes.

3.2.1.7

On s'accorde à considérer qu'un retournement de tendance et d'usages ne saurait intervenir par le miracle d'une conversion rapide.

En effet: en raison de la force des habitudes, de la diversité des types, tailles et «cultures» des entreprises et administrations, des difficultés normales et légitimes du dialogue social, sur pareil sujet, où l'on ne saurait prôner purement et simplement — sauf à courir droit à l'échec — une abolition des «acquis sociaux», l'évolution souhaitée implique la mise en place de stratégies globales assez complexes. La mutation ne peut être qu'assez longue. C'est un motif de plus pour ne pas perdre de temps et ne pas tarder à concevoir et appliquer ces stratégies.

3.2.2

Le Comité exprime fortement le vœu que les décideurs politiques de l'Union -c'est-à-dire le Parlement et le Conseil — s'engagent plus nettement, plus précisément, plus activement, dans les États qui les ont élus ou mandatés, pour assurer une meilleure concordance du «dire» et du «faire». Ceci devrait les conduire, dans l'intérêt commun d'une Union européenne qui a proclamé son ambition d'être un pôle économique de premier rang dans le monde:

à bien identifier, dans les systèmes légaux ou contractuels en vigueur dans leurs pays respectifs, des dispositions qui, explicitement, ou implicitement, contrecarrent l'allongement volontaire de la vie active;

à relayer, mieux et davantage que ce n'est le cas aujourd'hui, les bonnes préconisations de la Commission et à appliquer ses directives plus rapidement, avec davantage de détermination;

à mener des actions d'information, d'incitation et de persuasion auprès des décideurs et partenaires économiques et sociaux, une meilleure communication avec les «médias» de leurs pays respectifs.

3.2.3

Rééquilibrer les structures d'âges en Europe: il suffit seulement ici de rappeler les perspectives très alarmantes exposées dans tant d'études concernant les effets qu'exerceront, sur la démographie de l'Union européenne, la baisse de la fécondité et de natalité: un insuffisant renouvellement des générations, que les apports d'immigration ne compenseront certainement pas, ne peut que créer un rétrécissement de la place de l'Europe dans le monde et, au sein de l'Europe, qu'occasionner des difficultés économiques et financières ainsi que des risques de fractures et conflits générationnels indésirables.

3.2.3.1

Si l'on estime que le rééquilibrage des structures d'âges des pays européens doit être un objectif à long terme, il s'ensuit que l'Union européenne devrait s'assigner la tâche d'encourager davantage la natalité dans les pays qui la composent et, à cette fin, de se préoccuper davantage des politiques familiales menées dans les pays qu'elle regroupe. On ne saurait reprocher à l'Union de s'être désintéressée des questions familiales: le Conseil des Ministres européens, à diverses reprises, a fait des propositions concernant les familles. Mais les orientations exposées au niveau de l'Union restent encore fragmentaires et visent des cibles, certes justifiées et intéressantes, mais très partielles (5).

3.2.3.2

S'engager davantage et mieux en pareille voie ne serait à l'évidence pas facile: les politiques menées par les États Membres sont singulièrement hétérogènes; les «politiques natalistes» sont coûteuses; enfin et au surplus, tant chez les experts que chez les décideurs, de fortes différences d'appréciation existent quant à l'incidence effective et au degré d'efficacité spécifique de ces politiques. Mais le CESE estime que ces considérations, en dépit de leurs poids, ne sauraient justifier la persistance d'une relative abstention de la part des institutions de l'Union.

3.2.3.3

Le Comité estime souhaitable que ces institutions définissent en la matière une véritable stratégie prenant en compte les nombreux volets de la question; et, notamment, qu'elles incitent les États Membres à mener des politiques familiales visant à rééquilibrer, à long terme, les structures d'âges dans les pays membres de l'Union.

3.2.3.4

Le CESE est prêt et ne demande qu'à coopérer, activement et dans la mesure de ses moyens, aux travaux que nécessiterait pareille démarche si elle était entreprise.

4.   CONCLUSION

4.1

Les sociétés d'Europe, et la société européenne qu'elles ont entrepris de bâtir en commun sont et seront couramment confrontées à des risques de fractures sociales, politiques, ethniques, culturelles. Il importe de tout mettre en œuvre pour que ne s'y ajoutent pas des menaces de brisures intergénérationnelles.

4.2

Par essence même, les problèmes que posent les relations entre générations ont pour cadre et horizon temporel, le long terme. Il en va de même, par conséquent, pour la recherche de leurs solutions.

4.3

La multiplicité et la complexité des composantes sectorielles à prendre en compte ne dispensent pas d'en concevoir et développer une approche anticipatrice globale et systémique; car en ce domaine comme en d'autres, les réalités ne sont ni cloisonnées ni dissociables. Et il faut souligner qu'une bonne gestion des problèmes de relations intergénérationnelles aurait des incidences économiques très positives.

4.4

S'il faut «laisser du temps au temps» et s'il convient, certes, de ne pas transgresser les règles découlant du «principe de subsidiarité», il est également souhaitable que, tant l'Union européenne que les États qu'elle regroupe ne soient ni attentistes ni minimalistes

4.5

Le Comité économique et social européen attache une importance majeure à ce champ de réflexion qui suscite, manifestement, une attention croissante mais qui ne se situe pas encore à la place qu'il mérite dans les préoccupations politique des États et de leur Union.

4.6

Le présent avis est une réponse à un défi: contribuer à ce que se développe, à l'avenir, davantage de concertation sur un sujet primordial qui implique l'intervention coordonnée et prolongée d'une pluralité d'acteurs, qui commande d'éviter la prédominance d'intérêts conçus dans un horizon court, et qui requiert la continuité d'un dessein constructif. Il s'agit de l'élaboration progressive d'un nouveau pacte entre générations dans les territoires de l'Union européenne. (6)

4.7

Le présent avis est tout le contraire d'un document clos. Il n'a pas la prétention d'exposer des solutions toutes faites. Il propose d'ouvrir un chantier, d'engager un travail à long terme, une assez longue marche.

4.8

Le Comité, à ce stade, préconise l'organisation, dans des délais réalistes, d'une session publique de réflexion sur ce vaste thème. Cette conférence réunirait entre autres, des décideurs politiques, des représentants des institutions européennes, des acteurs de la société civile et des experts. Le Comité se porte candidat au lancement et à l'organisation de pareille initiative.

4.9

L'engagement du Comité sur ce vaste champ peut et doit s'y exercer, en permanence et tout le long du chemin, en étroite coopération avec les institutions de l'Union.

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Ces relations sont considérées ici, sous plusieurs angles: économique, social, culturel, politique.

(2)  L'expression est empruntée à un rapport (M. Jean BILLET) présenté au Conseil Économique et Social français en 2004.

(3)  non sans arrière-pensées, commerciales, ici ou là.

(4)  Cfr. Notamment Avis du CESE «Vers le 7 ème programme-cadre de la recherche: besoin en recherche dans le domaine des changements démographiques – Qualité de vie des âgées et besoins technologiques» – Rapporteuse: Mme HEINISCH – CESE 1206/2004 du 15 septembre 2004.

(5)  Familles en difficulté; garde des enfants; congé de maternité et congé parental.

(6)  Il convient à cet égard de rappeler l'intérêt du Rapport du Groupe de Haut Niveau de mai 2004 sur l'avenir de la politique sociale dans une Union européenne élargie.


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/155


Avis du Comité économique et social européen sur la «Coexistence entre les OGM et les cultures traditionnelles et biologiques»

(2005/C 157/29)

Le Comité économique et social européen a décidé le 29 janvier 2004, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son Règlement intérieur d'élaborer un avis sur la «Coexistence entre les OGM et les cultures traditionnelles et biologiques».

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 septembre 2004 (rapporteur: M. VOSS).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 16 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 47 voix pour, 13 voix contre et 4 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le CESE estime nécessaire d'élaborer et de fixer des règles durables, juridiquement garanties et applicables en matière de coexistence entre les cultures génétiquement modifiées et les cultures traditionnelles et biologiques tout en veillant à protéger l'environnement, et cela pour l'ensemble du secteur de l'alimentation et des productions de l'agriculture, de la pêche et de la sylviculture, y compris les cultures dans le domaine des produits pharmaceutiques et de la production non alimentaire, ainsi que la recherche.

1.2

Le Comité n'est pas consulté sur ces questions, étant donné que la Commission souhaite dans un premier temps laisser aux États membres le soin de réglementer eux-mêmes certains aspects essentiels de la coexistence, et pense ensuite statuer sur la question, centrale pour la future forme de cette coexistence, relative à la manière d'aborder la présence fortuite, ou inévitable techniquement, d'OGM dans des semences non génétiquement modifiées, dans le cadre de la procédure de comitologie prévue par la directive 2001/18 et de la directive relative au transport des semences. Il est donc judicieux de participer à cette discussion par le biais d'un avis d'initiative, afin d'éclairer tout particulièrement les questions économiques et sociales de manière adéquate dans ce contexte, et de prendre position à ce sujet vis-à-vis du Conseil, de la Commission et du Parlement.

1.3

Cet avis d'initiative doit apporter un éclairage sur les principaux aspects de fond de la coexistence, et faire des propositions visant à définir les aspects qu'il convient, selon le CESE, de réglementer au moyen d'une législation communautaire, et ceux qui doivent l'être par une législation nationale ainsi qu'à fournir les indications et orientations pratiques dont ont besoin les entreprises concernées, notamment dans l'agriculture.

1.4

Alors que la Commission a mis un terme au mois de mai dernier au moratoire en vigueur depuis 1998 sur l'autorisation de l'importation d'OGM destinés à l'alimentation et qu'elle entend prochainement se prononcer également sur des autorisations de la culture d'OGM (1), il est urgent de formaliser dans la pratique cette coexistence.

2.   Remarques préliminaires générales et définitions

2.1

L'autorisation de l'importation d'organismes génétiquement modifiés (OGM)

pour les cultures végétales et microbiologiques, ainsi que l'élevage,

à des fins de recherches,

en tant que denrées alimentaires ou aliments pour animaux,

en tant que matières premières dans d'autres domaines d'application, y compris les cultures destinées à la production pharmaceutique,

dans le but d'influencer la nature (par exemple l'élimination de substances nocives) et

comme ressource destinée aux secteurs agricole et forestier (par exemple pour lutter contre les nuisibles ou les mauvaises herbes)

a rendu nécessaire d'arrêter des dispositions pratiques relatives aux opérations de dissémination de ces organismes, et à l'attitude à adopter envers leurs produits dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux, comme dans la nature.

2.2

Sont déjà réglementés par la législation européenne:

l'évaluation du risque et la gestion du risque (2),

l'autorisation,

les prescriptions en matière d'étiquetage concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (3),

la traçabilité (4),

et le transport transfrontalier en dehors de la Communauté européenne (mise en œuvre du Protocole international de Carthagène sur la bio sécurité) (5).

2.3

Les domaines suivants ne sont jusqu'à présent pas réglementés sur le plan européen:

les prescriptions en matière d'étiquetage pour les semences et le matériel de reproduction; la Commission élabore actuellement une proposition à ce sujet (6) et

l'approche pratique des conséquences économiques, sociales et culturelles de l'utilisation d'OGM (7); les gouvernements et les parlements des États membres sont actuellement en train d'y réfléchir dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 2001/18 et à travers l'élaboration de leur législation nationale, en particulier concernant les dispositions sur la mise en culture et sur la responsabilité civile dans ce contexte.

2.4

La législation déjà adoptée par l'Union établit que les OGM doivent faire l'objet d'un examen et d'une évaluation spécifique en matière de risques, de gestion du risque et de permanence de l'étiquetage et de la traçabilité. Elle part du principe que renoncer à l'utilisation, passive ou active, d'OGM, doit être possible, et elle exige de renoncer totalement à l'utilisation d'OGM dans l'agriculture et la production alimentaire biologiques (à l'exception de certains produits vétérinaires). De même, elle prévoit la possibilité de soumettre à des conditions particulières la dissémination d'OGM dans certaines zones après vérification au cas par cas, voire de l'interdire totalement.

2.5

Concernant les OGM, il s'agit d'organismes vivants qui peuvent se multiplier et se répandre dans l'économie de la nature. Les systèmes biologiques dont ils sont des éléments constitutifs, et dont ils ne peuvent plus être ensuite ôtés, ne peuvent être ni hermétiquement isolés, ni être contrôlés et gérés de la même manière que dans des structures fermées scientifiques, industrielles ou artisanales. La biosphère est fondamentalement un système ouvert, organisé en réseau à l'échelle mondiale, dont les principes et le comportement ne sont encore que très peu connus et maîtrisés.

2.6

Pour ces raisons, le législateur européen a fixé le principe de précaution et l'évaluation et la réglementation au cas par cas comme attitude de principe vis-à-vis des OGM. En outre, il a accordé une très grande importance à la transparence et à la liberté de choix concernant l'utilisation des OGM.

2.7

Ceci a eu lieu à un moment où une majorité de citoyens européens ont, à l'égard de l'utilisation des OGM dans l'agriculture, la sylviculture ainsi que dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux, une attitude allant du scepticisme au rejet intégral.

2.8

La coexistence de formes de gestion et d'utilisation des terres avec et sans organismes génétiquement modifiés concerne donc:

l'agriculture, la sylviculture et la pêche, y compris la gestion de la propriété foncière,

l'ensemble du secteur agroalimentaire (valorisation, commerce, gastronomie),

l'aménagement du territoire et le développement économique au niveau régional et local,

la protection des consommateurs et

la protection de la nature

dans les différents cadres géographiques et temporels appropriés.

2.9

La Commission européenne a jusqu'à présent réduit, dans des avis non contraignants, la coexistence aux aspects purement économiques du voisinage géographique de formes différentes d'agriculture. Elle propose de laisser pour l'essentiel le règlement de ces aspects à l'appréciation des États membres eux-mêmes. Les membres du Conseil des ministres sont toutefois divisés au sujet de cette attitude, qui fait l'objet de la critique du Parlement européen (8).

3.   Aspects essentiels de la coexistence (classification)

3.1   État des connaissances scientifiques

3.1.1

La première condition pour réglementer la coexistence est de disposer d'une base scientifique suffisante permettant d'évaluer la diffusion et le croisement, dans l'espace et dans le temps, des OGM des différents types de végétaux (ainsi éventuellement que la diffusion de microorganismes et animaux), d'expériences pratiques fiables, et d'estimations de l'évaluation des modes possibles de propagation au cours de la production, du stockage, du transport et de la transformation.

3.1.2

La Commission a rassemblé à ce sujet différents avis (9) qui ne donnent pas encore d'image cohérente. D'autres études sont encore en cours à l'heure actuelle. Lors de la première conférence scientifique sur la coexistence, en novembre 2003 (10), les scientifiques rassemblés à cette occasion avaient identifié un besoin considérable de recherche, et ils estimaient ne pas être totalement en position d'émettre des avis fiables au sujet des possibilités de coexistence. Un avis du comité scientifique de l'UE, publié en 2001 (11), attire l'attention sur des incertitudes considérables, et ne s'engage pas clairement au sujet des seuils limites proposés par la Commission concernant les denrées alimentaires, les aliments pour animaux et les semences.

3.1.3

L'état actuel des connaissances concernant le comportement en cas de croisement, la propagation et la persistance de végétaux génétiquement modifiés ne permet pas pour le moment d'établir de pronostics fiables quant à la possibilité de la coexistence.

3.1.4

Cela est particulièrement vrai pour les prévisions à long terme ainsi que les différents écosystèmes et conditions de culture.

3.1.5

Il faut procéder à l'évaluation et l'estimation de la capacité de certains OGM à coexister au cas par cas pour chaque espèce de plante, en fonction des contextes régionaux et pour différents systèmes de production. Ce faisant, il convient en outre de tenir compte des modifications des modes de culture que cela peut supposer (par exemple l'utilisation de désherbants totaux que certaines résistances peuvent rendre possible).

3.1.6

Il s'avère particulièrement difficile de se livrer à des prévisions et de procéder à un contrôle des espèces végétales qui échangent du matériel génétique avec d'autres apparentées qui, bien que n'étant pas cultivées, existent dans la nature. Le colza, qui trouve son origine génétique en Europe, peut être croisé directement et indirectement avec une multitude d'espèces européennes sauvages et cultivées (chou, navette, moutarde (roquette), ravenelle, roquette des murailles, fausse roquette, moutarde des champs, chou champêtre et roquette bâtarde). Il en va de même des betteraves.

3.2   Gestion du risque, contrôle et enregistrement des cultures

3.2.1

L'identification et l'étiquetage des OGM est la condition matérielle nécessaire pour appliquer l'enregistrement des cultures et le contrôle des OGM prévus par la directive 2001/18. Elles sont en outre également la condition de pouvoir retirer certains OGM de la circulation, si cela s'avère nécessaire en raison de nouvelles découvertes scientifiques ou à l'expiration des autorisations limitées dans le temps. L'étiquetage des OGM capables de se reproduire est à cet égard décisif si l'on veut parvenir à une gestion efficace du risque, en particulier dans le cas où il serait nécessaire de prendre des mesures d'urgence. Il ne peut donc pas uniquement reposer sur la question de savoir s'il aboutira ou non à un dépassement du seuil limite pour l'étiquetage dans le cas des denrées alimentaires et des aliments pour animaux; d'autant plus qu'une suppression d'autorisation entraîne automatiquement une annulation des seuils prévus en matière d'information du consommateur.

3.2.2

La directive 2001/18 et des dispositions comparables contenues dans d'autres règlements et directives communautaires prévoient de procéder à l'évaluation des risques émanant d'OGM et en font une condition à leur autorisation. Les modalités pratiques de la culture déterminent toutefois largement si des mesures effectives de restriction de la culture et de limitation et d'observation de ses incidences ainsi que de retrait d'une autorisation peuvent ou non être prises, comme le prévoit la directive. La question de la coexistence ne saurait à cet égard être cantonnée aux seuls aspects économiques de la culture mais constitue une partie intégrante de la gestion du risque prévue par la législation et de la prévention.

3.3   Traçabilité et contrôle de la chaîne des denrées alimentaires et des aliments pour animaux par l'échantillonnage, les tests et la documentation

3.3.1

Le règlement sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM (inscrits dans les principes et conditions générales de la législation sur les denrées alimentaires (12)) définit des mesures destinées à identifier et étiqueter les OGM dans l'ensemble de la chaîne alimentaire. Celles-ci dépassent la simple notification de la présence d'OGM dans le produit final, étant donné qu'elle rend également obligatoire l'étiquetage des produits dans lesquels les traces d'OGM dans le produit final ne peuvent plus être mises en évidence.

3.3.2

Les informations nécessaires à l'identification d'un OGM sont consignées dans un registre central et publiées (13).

3.3.3

Le Centre commun de recherche de l'UE s'efforce actuellement de normaliser et de valider les procédures de tests et d'échantillonnages nécessaires dans ce contexte.

3.3.4

Les techniques d'analyse actuelles permettent de mettre en évidence des ADN spécifiques ou une protéine particulière d'un OGM représentant de l'ordre de 0,001 à 0,05 pour cent de l'ensemble d'un échantillon étudié. Les coûts de tests qualitatifs non spécifiques visant à déterminer la présence d'OGM sont à l'heure actuelle compris entre 100 et 150 euros par analyse. Les coûts de tests spécifiques et quantitatifs varient quant à eux entre 250 et 500 euros par analyse.

3.3.5

La Communauté enregistre encore à l'heure actuelle des différences considérables en matière de fiabilité et de disponibilité sur tout le territoire des procédures de détection et des capacités techniques en vue de leur application. Jusqu'à présent, elles ne sont en nombre suffisant que dans quelques États membres de la Communauté, voire inexistantes dans certains autres.

3.3.6

En pratique, les analyses quantitatives et spécifiques de détection de la présence d'OGM présentent encore actuellement des difficultés considérables, notamment lorsque les fabricants n'indiquent aucune procédure de détection appropriée ou fournissent des références insuffisantes. Tel est notamment le cas des OGM non autorisés dans la Communauté, dont la présence dans des semences importées ou des matières premières ne saurait toutefois être exclue.

3.4   Bonnes pratiques de l'agriculture dans ce domaine

3.4.1

Il convient d'appliquer dans l'ensemble de la chaîne de production alimentaire les bonnes pratiques en matière:

de recherche et développement, y compris de disséminations d'OGM à des fins scientifiques (partie B de la directive 2001/18);

de développement de semences, notamment compte tenu des caractéristiques du matériel génétique de départ et des différentes phases de la semence de base;

de sélection et de reproduction conservatrices;

de reproduction, de préparation, de traitement et de conditionnement des semences;

de culture, de traitement, de récolte et de transport des produits végétaux;

de sélection et de préparation des semences issues des récoltes en vue du réensemencement;

d'achat, de préparation, de stockage et de transport des matières premières et des produits agricoles;

de transformation des denrées alimentaires et des aliments pour animaux; et

de conditionnement, de distribution et d'étiquetage des produits finis.

3.4.2

Les bonnes pratiques sont dès à présent fixées à bien des égards dans la plupart des domaines. Il importe, pour assurer la mise en œuvre pratique des normes juridiques en matière de gestion du risque, de traçabilité et d'étiquetage des OGM, de les compléter par des dispositions particulières concernant les OGM. À cet égard, il s'avère particulièrement nécessaire d'intervenir dans les domaines de la production de semences et de la production agricole ainsi que dans les modalités d'achat, le stockage et le transport des produits agricoles.

3.4.3

L'efficacité mais également les exigences des bonnes pratiques dépendent essentiellement de la mesure dans laquelle elles sont respectées au cours des différents stades de production.

3.4.4

Afin de prévenir des croisements non souhaités et d'autres types de dissémination d'OGM sur des surfaces cultivées et dans la nature, et aussi pour éviter de mélanger des récoltes génétiquement modifiées avec des récoltes traditionnelles (compte tenu de la culture et des conditions qui prévalent dans chaque région), il convient de prendre plusieurs mesures. La Commission les a partiellement envisagées dans ses lignes directrices sur la coexistence (14), et elle a invité les États membres à prendre les dispositions qui s'imposent. Celles-ci concernent aussi bien les agriculteurs qui cultivent des OGM que ceux qui souhaitent les éviter dans leur production. Elles concernent en outre les exploitations agricoles sous-traitantes et les entreprises commerciales, y compris le stockage et le transport, ainsi que les administrations en charge de l'agriculture, et les institutions qui veillent à la protection du paysage et de la nature.

3.5   Caractéristiques, contrôle et étiquetage des semences

3.5.1

Les semences, qui sont à la base de la chaîne de production, se multiplient, en fonction des variétés, selon un facteur allant de 40 à 1 000, et peuvent pour partie demeurer de longues périodes dans le sol. Par pollinisation, les OGM présents dans les semences fécondent les cultures voisines et, s'il en existe à proximité, les espèces apparentées sauvages. Aussi semences et pollen peuvent-ils être dispersés sur de grandes distances. Compte tenu de ces éléments liés à la distance et au temps, les scientifiques s'accordent à penser que la présence d'OGM dans les semences revêt une importance majeure pour ce qui concerne la coexistence.

3.5.2

La directive 2001/18 prévoit la possibilité de fixer pour certaines catégories de produits des seuils limites, en-dessous desquels l'étiquetage indiquant la présence d'OGM n'est pas obligatoire dans certaines conditions. Les règlements sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (15) et sur la traçabilité (16) fixent une limite de 0,9 % pour ces produits.

3.5.3

La Commission a proposé, dans le cadre des directives sur les végétaux et les semences, de fixer également des seuils, se situant entre 0,3 et 0,7 %, à l'étiquetage de la présence d'OGM dans les semences. En raison d'objections juridiques, la Commission a retiré cette proposition en octobre 2003 et a élaboré une nouvelle proposition. Celle-ci n'établissait plus de seuils que pour les semences de colza et de maïs, à hauteur de 0,3 %. Mais cette proposition a également été retirée par la Commission en 2004. De nouvelles études d'impact sont actuellement prévues afin de faire reposer la décision sur une base scientifique plus solide et surtout d'évaluer plus précisément les retombées économiques. Le fait est que l'établissement d'exigences de pureté applicables aux semences non génétiquement modifiées est déterminant pour la possibilité ou non de la coexistence dans le cas de certaines variétés végétales et modes de production, ainsi que pour les éventuels coûts induits.

3.5.4

Sur la question de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, des limites doivent être fixées à la présence fortuite et techniquement inévitable d'OGM dans les semences, les gouvernements des États membres comme les organisations et les entreprises concernées ont des positions différentes.

3.5.5

Contrairement aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux, l'étiquetage des semences n'est pas destiné à informer les consommateurs finaux au titre de leur liberté de choix. Il vise au contraire à apporter des informations essentielles à ceux qui, dans le respect de la législation, disséminent des OGM dans l'environnement et aux autorités responsables de la transposition de la directive relative à la dissémination. Le manque d'informations quant à la présence d'OGM dans certaines semences rend pratiquement impossible l'enregistrement, l'observation (surveillance consécutive à la mise sur le marché) et, en cas d'interdiction ultérieure, le retrait que prévoit la loi à leur égard.

3.5.6

Dans l'hypothèse où, par exemple, un OGM s'avérerait par la suite allergène ou si la transmission de ses caractéristiques à des espèces apparentées sauvages devait octroyer un avantage concurrentiel et ainsi occasionner des modifications non souhaitées de l'équilibre écologique, l'OGM concerné devrait être interdit et retiré de la circulation. Dans cette optique, l'ordre de grandeur des seuils proposés par la Commission serait tout à fait inacceptable. S'il fallait en effet considérer que la présence d'au maximum 0,5 % de cet OGM contamine la totalité des semences de l'espèce végétale concernée, les mesures d'urgence et de retrait devraient s'étendre à l'ensemble de la récolte et des semences de cette espèce.

3.5.7

Aux États-Unis, une expérience concrète de retrait illustre à la fois les difficultés et les coûts éventuels de pareille action. L'agence américaine pour la protection de l'environnement US EPA a interdit en 2000 en raison d'un possible effet allergène l'utilisation de maïs transgénique de la variété «Starlink», ce qui a occasionné pour toute la chaîne de production des coûts à hauteur d'un milliard de dollars environ. Les semences et les récoltes contaminées ont été rachetées en masse et retirées du marché. Jusqu'à présent, les contaminations n'ont toutefois pas pu être totalement éliminées. Des traces de «Starlink» ont encore été détectées en 2003 aux États-Unis dans plus de 1 % des échantillons examinés.

3.5.8

La présence d'OGM dans une semence traditionnelle influence en outre considérablement les coûts liés en aval à l'agriculture et à la transformation. Si, au motif que la législation autorise des contaminations, il faut en principe analyser tous les produits traditionnels afin de déterminer leur niveau de contamination par un OGM et de s'assurer qu'ils ne dépassent pas le seuil légal de 0,9 % en matière d'étiquetage des denrées alimentaires et des produits pour animaux ou le cas échéant les niveaux inférieurs de contamination autorisés dans les produits utilisés en amont, il en résulte une dépense considérable en tests et en contrôles coûteux.

3.5.9

La contamination par un OGM de semences traditionnelles et biologiques revêtira en outre une grande importance lors de la détermination des responsabilités en cas de dommages financiers occasionnés par le dépassement des seuils d'étiquetage des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ainsi que des seuils inférieurs qui en découlent, que sont tenues de respecter les entreprises commerciales et de transformation. Naturellement, les éventuels responsables exigeront d'abord la preuve que ces dommages sont au moins pour partie imputables aux caractéristiques de la semence et non à la transmission d'OGM en champ.

3.5.10

Enfin, la présence d'OGM dans des semences traditionnelles et biologiques hypothèque les possibilités des agriculteurs de réensemencer et de reproduire leurs propres semences. Si une semence est contaminée dès l'origine, ce phénomène peut s'amplifier au fil des générations, notamment lorsque des contaminations supplémentaires issues de parcelles voisines viennent s'y ajouter, ce qui peut non seulement se traduire par des pertes financières considérables pour les agriculteurs concernés mais également nuire à la diversité et à l'adaptation locale des semences.

3.6   Responsabilité à l'égard des produits et de l'environnement

3.6.1

La directive 85/374/CE relative à la responsabilité du fait des produits défectueux prévoit que les producteurs et fournisseurs d'OGM sont responsables des dommages occasionnés par faute ou par négligence à des personnes ou des biens du fait de produits défectueux (17). Cette responsabilité est toutefois limitée aux produits finaux destinés à l'utilisation et à la consommation privée et ne concerne par conséquent ni les semences ni les dommages financiers liés à une dépréciation de la récolte et des produits qui en sont issus.

3.6.2

Cette limitation communautaire totale de la responsabilité du fait des produits complique l'adoption de réglementations nationales visant à étendre la responsabilité directe des fournisseurs d'un OGM aux dommages civils et fait peser la totalité de la responsabilité civile sur les utilisateurs (les agriculteurs) en leur qualité de fabricants directs du produit final.

3.6.3

«Toute dissémination volontaire dans l'environnement, tout transport ou mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés au sens de la directive 2001/18/CE» entre dans le champ d'application de la nouvelle directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale qui permet aux États membres, mais pas aux particuliers, d'imposer aux responsables de réparer les dommages environnementaux, dans la mesure où ils ont agit intentionnellement ou par négligence et qu'un lien de causalité peut être établi entre le dommage et les activités de chacun des exploitants (18). Les États membres doivent transposer cette directive avant le 30 avril 2007. Le fait que la dissémination d'un OGM soit autorisée au sein de la Communauté exclura généralement les cas de négligence ou de faute intentionnelle, à moins d'une infraction aux règles spécifiques prévues en matière de dissémination. Dans son avis relatif à la directive sur la responsabilité environnementale (19), le CESE avait déjà demandé qu'il soit également tenu «compte, dans la définition de la biodiversité, de l'incidence des OGM à court et à moyen terme».

3.7   Responsabilité civile

3.7.1

La présence indésirable d'OGM dans les produits, les unités de production et les surfaces de production peut être la cause de dommages financiers pour les agriculteurs, les transformateurs et les commerçants de denrées alimentaires et d'aliments pour les animaux, lorsque ceci rend plus difficile, entrave ou rend impossible la production et la vente de produits sans OGM ou bien nécessite des mesures spécifiques de contrôle et d'élimination. Elle peut en outre nécessiter des mesures destinées à remettre des zones dans leur état antérieur, dans lequel la dissémination d'OGM n'était ni autorisée ni prévue (par exemple des zones écologiques sensibles), qui représentent un certain coût.

3.7.2

Le secteur de l'assurance exclut actuellement une assurance de ces risques civils.

3.7.3

La Commission européenne estime que la responsabilité civile de ces coûts doit être réglementée par les États membres, ce qui à l'évidence ne sera pas sans influence sur la situation de la concurrence au sein de la Communauté. Des disparités entre les réglementations nationales en la matière peuvent se traduire par de considérables distorsions de concurrence dans le marché commun, ainsi que par des incertitudes juridiques, cause et conséquences dépassant les frontières intérieures au sein de la Communauté.

3.7.4

Une responsabilité individuelle des coûts que la prévention des dommages occasionne pour autrui (tests, contrôles et autres mesures de prévention des croisements et de la contamination par un OGM) n'est guère envisageable au plan juridique. Contrairement aux dommages effectivement survenus qui donnent lieu à une indemnisation, ces coûts tout à fait considérables qui apparaîtront dans l'ensemble des régions où des OGM sont cultivés, ne peuvent être compensés par des dispositions en matière de responsabilité civile. Des fonds financés par les entreprises et les agriculteurs responsables pourraient le cas échéant dédommager les agriculteurs, entreprises et administrations qui doivent les supporter.

3.8   Coûts pour les entreprises et les pouvoirs publics

3.8.1

La culture d'OGM rend nécessaire l'adoption de mesures de contrôle et de prévention de la présence indésirable d'OGM dans l'ensemble de la production de denrées alimentaires et d'aliments pour les animaux. Elle peut en outre avoir des conséquences pour la situation du marché dans certaines régions, pour certains types de production ou de produits (par exemple les labels de qualité régionaux et l'agriculture et la production biologiques). Outre les acteurs du marché, les différents pouvoirs publics et institutions des États membres et de la Communauté sont également concernés.

3.8.2

Les mesures de contrôle et de prévention nécessaires en vue d'assurer la coexistence supposent pour certaines des changements radicaux des pratiques et des traditions agricoles, artisanales et industrielles. Leurs conséquences économiques, sociales et culturelles, notamment pour les agriculteurs et les entreprises alimentaires artisanales, n'ont jusqu'à présent pas été analysées et exposées de manière systématique, ce à quoi il faut néanmoins s'atteler sans délai afin de prévenir les répercussions indésirables que peuvent entraîner ces mesures pour leur viabilité et leur compétitivité ainsi que pour les structures de marché et de prix.

3.8.3

L'évaluation des mesures et dispositions adaptées et les plus efficaces possible en matière de coexistence nécessite d'avoir une vision d'ensemble de ces coûts. Cependant, on ne dispose jusqu'à présent que d'informations et estimations limitées et partielles (20).

3.8.4

Le CESE estime qu'un aperçu et une estimation globaux des coûts que les mesures de coexistence font peser tant sur les acteurs du marché de certaines régions utilisant certains modes de production que sur les pouvoirs publics, est une condition indispensable à une réglementation prospective et durable de la coexistence. Une réglementation claire, contraignante et fiable s'impose afin de déterminer qui doit supporter ou se soustraire à ces coûts.

3.8.5

Le CESE partage l'avis de la Commission lorsque, dans ses lignes directrices concernant la coexistence, elle précise que: «En règle générale, lors de la phase d'introduction d'un nouveau type de production dans une région, les opérateurs (agriculteurs) qui en prennent l'initiative devraient s'engager à mettre en œuvre les mesures de gestion agricoles nécessaires à la limitation du flux génétique. Les exploitants agricoles devraient pouvoir choisir le type de production qu'ils préfèrent, sans que cela oblige à modifier des systèmes de culture déjà établis dans le voisinage».

3.8.6

Toute augmentation des coûts de production occasionnée par la mise en œuvre des mesures nécessaires à la coexistence ne doit pas se répercuter sur les prix à la consommation. La liberté de choix des consommateurs, notamment de ceux connaissant une situation sociale moins favorable, s'en trouverait alors limitée. Les augmentations de coûts et de prix ne doivent pas menacer la production agricole et artisanale de denrées alimentaires traditionnelles ni la reléguer à un marché de produits ciblés.

4.   Recommandations du CESE

4.1   Principes de la coexistence

4.1.1

Les règles de la coexistence doivent être guidées par les principes de précaution, de préservation de la diversité biologique naturelle et agricole, de limitation des coûts au minimum, d'exploitation maximale des opportunités économiques et sociales, de promotion de la diversité régionale et de la responsabilité économique propre, ainsi que par le principe du «pollueur-payeur», et être à long terme durables, solides, pratiques et tolérer une certaine marge d'erreur.

4.1.2

Les mesures nécessaires et les coûts induits doivent en principe être supportés par les agents économiques qui, en mettant sur le marché et en utilisant des OGM, les rendent nécessaires. Ces mesures devraient faire peser une charge la plus réduite possible sur ceux qui souhaitent que leur production ou les produits qu'ils consomment ne contiennent pas d'OGM et ne doivent pas conduire à une augmentation de leurs coûts de production ni de leurs prix. Le coût de ces mesures ne saurait non plus être supporté par les contribuables.

4.1.3

Les mesures destinées à prévenir l'apparition ou la propagation d'OGM devraient en principe être prises au niveau auquel elles occasionnent les dépenses et les coûts les plus faibles et s'avèrent les plus efficaces.

4.1.4

Il y a lieu d'interdire la culture d'un OGM lorsque celle-ci ne permet plus de produire sans OGM des plantes de la même culture ou de cultures apparentées ou dresse des obstacles disproportionnés à cette production.

4.2   Élaboration des bases scientifiques et exploitation de l'état actuel des connaissances scientifiques

4.2.1

Tant que les bases scientifiques resteront incomplètes voire inexistantes, il convient d'appliquer le principe de précaution lors de la fixation des conditions de la coexistence, et cela afin d'éviter des modifications irréversibles ou difficilement réversibles dont les conséquences pour la coexistence ne peuvent pas faire l'objet d'une évaluation suffisante. Ces précautions devraient également concerner les aspects économiques, sociaux et culturaux de la coexistence.

4.2.2

Le CESE invite la Commission à lancer un programme de recherche scientifique cohérent, interdisciplinaire et concret afin de combler les vastes lacunes en matière de connaissances sur la coexistence.

4.2.3

L'avis du comité scientifique des plantes (21), sur lequel s'appuie la Commission dans la discussion concernant les valeurs limites d'OGM dans les semences, est insuffisant. Il n'apporte en effet aucune réponse à la question des seuils d'étiquetage nécessaires en vue de respecter les normes de la directive 2001/18. Cet avis n'indique pas non plus de manière suffisamment précise quels types de contaminations des semences conduiront en pratique à quels types de contaminations de la récolte et du produit final. La Commission devrait par conséquent soumettre à nouveau au comité scientifique de l'AESA des questions précises sur ce point.

4.2.4

Il convient également que les analyses scientifiques et pratiques disponibles au niveau national et régional soient regroupées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'Agence européenne de l'environnement et le Centre commun de recherche et mises à la disposition des États membres.

4.2.5

Le CESE recommande à la Commission de mener, de concert avec différentes régions d'Europe, des essais pratiques de coexistence à grande échelle et dans différentes conditions. La culture d'espèces de maïs, de colza, de pommes de terre, de betteraves et de tomates non génétiquement modifiées mais néanmoins clairement distinctes d'autres espèces permettrait ainsi à toutes les parties concernées de procéder en pratique à des essais et à des analyses concernant la prévention des croisements, différentes distances de sécurité, le nettoyage des machines, la séparation lors du transport, le stockage et la transformation ainsi que d'autres mesures de coexistence.

4.3   Prévention et utilisation des meilleures technologies disponibles en matière de gestion du risque

4.3.1

L'étiquetage et les bonnes pratiques doivent viser un suivi le plus précis possible de la propagation et des incidences des OGM. Ils devraient en outre permettre, autant que faire ce peut, de supprimer totalement un OGM de l'environnement, des semences et des produits.

4.3.2

La fixation de seuils limites d'étiquetage ou les dispositions concernant les bonnes pratiques ne devraient en aucun cas entraver ou rendre impossible l'application des exigences et des objectifs de la directive 2001/18 et des règlements 1830/2003 et 1829/2003.

4.3.3

Il convient par conséquent d'exiger le recours aux meilleures technologies et pratiques disponibles lors de la réglementation de la culture, du transport, de la transformation, de l'importation et de l'exportation d'OGM.

4.3.4

Dans ce contexte, il convient de tenir compte des exigences particulières de la protection de l'environnement et de la diversité des écosystèmes de l'Europe.

4.4   Recueil et conservation des informations nécessaires à l'identification et à l'étiquetage

4.4.1

Il importe de demander à ce que l'identification et l'étiquetage d'OGM au cours des différents stades de production soient aussi précis que possible dès le début de la chaîne de production et à ce que ces informations soient transmises de la manière la plus complète possible aux intervenants suivants de la chaîne de production.

4.4.2

Il est essentiel de mettre un terme à la perte d'informations. Une fois recueillies, les informations devraient être consignées et retransmises quels que soient les seuils limites éventuels.

4.4.3

Il appartient aux entreprises et institutions qui mettent sur le marché ou disséminent à des fins d'expérience scientifique un OGM donné (à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté) de veiller à fournir et valider des procédures de tests et des références, à les adapter en fonction de l'état de la technique et à les mettre, à moindre coût, à la disposition de l'ensemble des parties intéressées.

4.4.4

Les procédures d'échantillonnage doivent en particulier être choisies au début de la chaîne de production de manière à assurer la plus grande certitude possible et à recueillir un maximum d'informations. Ils doivent par conséquent être conçus non en fonction des seuils limites fixés pour l'étiquetage mais de l'état de la technique qui peut être assuré de manière fiable.

4.5   L'existence, à toutes les étapes de la production, de normes contraignantes, applicables, révisables et solides en matière de bonnes pratiques constitue une condition essentielle

4.5.1

Ces normes doivent être élaborées de manière à atteindre sur le long terme les objectifs de la coexistence et de la prévention et à pouvoir être adaptées à l'évolution de l'état des connaissances scientifiques et techniques.

4.5.2

Afin d'éviter toute entrave au marché commun des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ainsi que des distorsions des organisations communes de marché et de la concurrence, les règles en matière de bonnes pratiques devraient être harmonisées ou fixées à un niveau élevé à l'échelle de la Communauté en fonction des différentes conditions de culture et de transformation.

4.6   Les normes en matière d'étiquetage et de pureté des semences revêtent une importance majeure en vue d'assurer la coexistence.

4.6.1

Il importe par conséquent, lors de la fixation des seuils limites pour l'étiquetage des OGM présents dans les semences, de viser le niveau de précision et de transparence le plus élevé possible, compte tenu des impératifs techniques et pratiques. Alors que le seuil de détectabilité techniquement fiable d'un échantillon se situe aujourd'hui à 0,01 %, la taille et le nombre appropriés d'échantillons à prélever dans la pratique suggèrent un seuil réaliste de 0,1 % pour l'ensemble du lot de semences.

4.6.2

Il convient de fixer le seuil d'étiquetage des OGM présents dans des semences traditionnelles à la limite pratique de détectabilité.

4.6.3

Il convient en outre de prévoir dans les différentes directives relatives aux semences des prescriptions strictes (valeurs plafonds) de pureté des semences en vue de permettre la commercialisation des semences traditionnelles.

4.7   Les dispositions en matière de responsabilité civile doivent couvrir l'intégralité du règlement des dommages financiers.

4.7.1

La capacité reproductive des OGM et le fait que leur apparition non souhaitée puisse occasionner des dommages financiers aux parties concernées rendent nécessaire une adaptation des dispositions en matière de responsabilité civile dans les États membres de manière à assurer une couverture de ces dommages.

4.7.2

Les dispositions en matière de responsabilité civile devraient veiller à ce que les parties concernées ne soient responsables que dans la mesure où elles sont en mesure de prévenir le dommage éventuel. Il convient que la responsabilité du respect des bonnes pratiques et de toute autre obligation incombant au fournisseur pèse sur les utilisateurs de l'OGM. Les dommages survenus alors même que les bonnes pratiques ont été respectées devraient en revanche engager la responsabilité du fournisseur de l'OGM. À cet égard, il convient éventuellement d'adapter en conséquence les règles communautaires régissant le droit de la responsabilité.

4.7.3

Il importe de faire état d'une couverture, par une assurance ou un dispositif comparable, de la responsabilité des dommages financiers pouvant survenir suite à la mise sur le marché ou à l'utilisation d'OGM.

4.8   Il convient de chiffrer, réduire au minimum et répartir conformément au principe du pollueur-payeur le total des coûts de la coexistence.

4.8.1

Le CESE invite la Commission à présenter une évaluation globale et systématique des coûts, des modifications des conditions du marché et des incidences nées de la coexistence sur les différents types et modes d'exploitation agricole et agroalimentaire, notamment sur les petites et moyennes entreprises, l'agriculture traditionnelle, y compris les ruraux exerçant une activité agricole complémentaire, la fabrication artisanale de denrées alimentaires, l'agriculture et l'industrie agroalimentaire biologiques et les entreprises de production et de multiplication de semences. En outre, cette évaluation devrait notamment analyser les répercussions sur la situation de l'emploi.

4.8.2

La Commission devrait de surcroît indiquer l'incidence qu'auront les mesures nécessaires à la coexistence et la séparation des moyens de production et des flux de marchandises sur la réalisation des objectifs de la politique agricole commune et la réforme engagée dans ce domaine. Il convient dès lors d'accorder une attention particulière aux répercussions sur les structures des exploitations et sur les programmes locaux et régionaux de culture, de transformation et de garantie de l'origine et de la qualité ainsi que leur étiquetage.

4.8.3

Le CESE demande également à la Commission d'indiquer à la fois comment compenser et répartir les coûts supplémentaires de la coexistence conformément au principe du «pollueur-payeur», et quelles mesures s'imposent afin d'être sûr d'éviter qu'ils ne se répercutent sur les prix des denrées alimentaires traditionnelles dans le marché intérieur.

4.8.4

Il convient, lors de la détermination de la proportionnalité de certaines mesures, de tenir compte de leurs incidences sur la chaîne de production dans son ensemble.

4.9   Recommandations pour une législation communautaire et nationale

4.9.1

Il convient de réglementer au niveau communautaire les aspects suivants de la coexistence:

les normes d'étiquetage concernant la présence d'OGM dans des semences traditionnelles;

les normes de pureté des semences traditionnelles pour ce qui est de la présence fortuite d'OGM, prévues par les directives existantes en matière de semences;

les objectifs, résultats, cadre juridique et normes minimales des bonnes pratiques qui s'imposent en matière de culture d'OGM et de financement des coûts supplémentaires qu'elles occasionnent et;

la responsabilité civile tant des utilisateurs que des fournisseurs d'OGM pour ce qui concerne les dommages susceptibles de survenir dans le cadre de la coexistence.

4.9.2

Dans le cadre de la coexistence, il convient d'adopter au niveau national et régional:

des mesures spécifiques de prévention des croisements et de la dissémination non souhaités d'OGM, conformément aux différents contextes régionaux;

des dispositions régionales régissant la culture de certains OGM en fonction de sa pertinence économique et du rapport coût-avantage qu'elle présente pour la région ainsi que des mesures de prévention qu'elle suppose. Ces dernières peuvent également prévoir l'interdiction de cultiver certains OGM;

des mesures de préservation des zones naturelles protégées, conformément à la directive 92/43 «Faune-Flore-Habitats» (22) et de la directive 79/409 concernant la conservation des oiseaux sauvages (23), et des autres zones écologiques sensibles; et

des mesures de protection des intérêts économiques et culturels régionaux.

5.   Aspects pratiques et actuels de la coexistence

5.1

Le Comité économique et social européen a invité en juillet 2004 des professionnels de l'ensemble de la chaîne de production concernée à une audition, afin de se faire une image concrète de la situation actuelle et de la situation future. Il en est ressorti notamment les résultats suivants:

5.2

Les tests et la traçabilité des OGM tout au long de l'ensemble de la chaîne de production vont dans tous les cas être source de coûts supplémentaires non négligeables. De simples tests qualitatifs coûtent actuellement entre 100 et 150 €, tandis que le prix des tests différenciés et quantitatifs oscille entre 250 et 400 €. En l'occurrence, le test porte chaque fois sur une séquence génétique spécifique. Le coût des tests augmente proportionnellement au nombre d'OGM différents susceptibles d'être présents.

5.3

Le premier cas dans lequel un OGM a dû être retiré de la circulation étant donné les préoccupations qu'il suscite en matière de santé (le maïs «Starlink» aux États-Unis) a occasionné jusqu'à présent des coûts qui dépassent le milliard de dollars US. Toutefois, plus de deux ans après le début des mesures de retrait, l'on n'est pas encore parvenu à supprimer totalement l'OGM concerné de la circulation.

5.4

Le montant comme la répartition des coûts liés aux tests et à la traçabilité dépendent essentiellement de deux facteurs: si l'absence d'OGM dans certains produits correspond aux normes généralement acceptées et respectées sur le marché, dont on ne s'écarte qu'en de rares occasions, ou bien si la preuve de l'absence d'OGM doit être apportée dans chaque cas par les producteurs, les industrie de transformation et les distributeurs.

5.5

Après la mise sur le marché d'un OGM, il n'est en principe plus possible de garantir l'absence totale de cet OGM dans d'autres variétés. Il est toutefois possible de maintenir la contamination accidentelle et techniquement inévitable de l'OGM concerné en dessous du seuil de 0,1 %, qui est le seuil de détectabilité possible dans la pratique et fiable.

5.6

La protection des semences traditionnelles à l'égard d'une contamination accidentelle par des semences génétiquement modifiées représente pour la production des semences un défi supplémentaire considérable. Plus le seuil fixé est bas, plus les coûts de la protection et des contrôles dans le cadre de la production des semences sont élevés.

5.7

Étant donné le mode de reproduction de ces variétés de végétaux, il ne sera possible de garantir l'absence d'OGM dans les semences qu'à condition que l'on respecte une distance géographique importante entre les cultures, et une séparation totale des autres processus de traitement, d'emballage et de distribution. Les normes ISO et les protocoles du système HACCP (Hazard Analysis Critical Control Points, «Analyse des risques et maîtrise des points critiques»), qui sont encore partiellement en cours de développement, doivent être également observés, au même titre que les contrôles externes.

5.8

L'un des producteurs de semences le plus important sur le plan international a démontré que le respect d'une garantie d'absence d'OGM au-dessous du seuil de détectabilité de 0,1 % est exigé également aux USA, où de grandes quantités d'OGM sont cultivés, et de la part d'entreprises qui élaborent aussi des semences génétiquement modifiées dans les mêmes installations.

5.9

Actuellement, il n'existe ni au sein de l'UE, ni sur le plan international, ni de limite ni de norme pratiques et contraignantes en matière de contamination par des OGM au cours de la production de semences. Le contrôle des semences fait actuellement l'objet de réglementations différentes dans les États membres de l'UE. De même, la manière dont les autorités abordent le problème de la contamination (tolérance allant de 0,1 à 0,5 %) est variable.

5.10

Alors que les producteurs de semences refusent expressément de garantir à l'heure actuelle une abseénce totale d'OGM dans leurs produits, on a réussi en Italie, à travers des négociations directes entre l'organisation représentative des agriculteurs italiens Coldiretti et les principaux fabricants de semences à trouver dans ce domaine un accord sur des garanties contrôlées par des tiers. En Autriche, un règlement interdit depuis 2002 toute mise sur le marché de semences contenant des OGM (plus de 0,1 % détectés dans les échantillons). Malgré les multiples contrôles effectués, aucune violation de ce règlement n'a depuis lors été constatée.

5.11

Les coûts supplémentaires engendrés en matière de production et de reproduction des semences varient, selon les chiffres fournis par ce secteur, de 10 à 50 %.

5.12

En phase de reproduction des semences traditionnelles, dans le cas où des OGM ont fait l'objet d'une utilisation commerciale dans une région, il est nécessaire de délimiter de grandes surfaces de cultures protégées, comme cela est déjà aujourd'hui le cas dans différents pays pour certaines cultures. Un éloignement important est surtout indispensable dans le cas du colza.

5.13

L'ensemble des acteurs du marché, à l'exception des producteurs de semences, considère que le maintien de dispositions strictes en matière de non contamination des semences (caractérisées par le seuil de détectabilité de 0,1 %) est une condition décisive pour garantir à l'avenir des produits sans OGM.

5.14

L'achat et la transformation du maïs coûtent déjà, pour garantir un seuil d'absence d'OGM inférieur à 0,1 %, comme cela a été demandé par les producteurs de produits alimentaires, d'amidon et de nourriture pour animaux domestiques, environ 3€ de plus par tonne. Ces coûts seraient considérablement augmentés dans les cas où les OGM seraient introduits sur de grandes surfaces dans l'agriculture. En outre, le coût des risques s'élève, en fonction de la taille des lots, entre 150 000 et 7,5 millions d'euros pour le cas où une contamination accidentelle dépasserait le seuil de tolérance garanti.

5.15

La vente parallèle d'OGM et de matières premières sans OGM sur un même site semble impraticable. Il est indispensable de procéder à une séparation totale de la vente, du stockage, du séchage et du transport de ces produits.

5.16

Les entreprises et coopératives de négoce garantissent déjà l'absence d'OGM dans leurs produits à travers des accords contractuels avec les agriculteurs qui les livrent. En l'occurrence, ils fixent notamment une liste positive de l'utilisation des variétés de semences acceptées et contrôlées, ainsi qu'un système de contrôle sans faille depuis la culture jusqu'à la livraison et au contrôle de réception.

5.17

Du point de vue des coopératives d'achat, les systèmes garantissant l'absence d'OGM jusqu'au seuil actuellement accepté par leurs clients ne sont possibles que si l'on sépare géographiquement les cultures d'OGM et celles d'organismes non génétiquement modifiés. Les coûts d'une telle organisation des cultures vont de 150 à 250 € par hectare. Les coûts supplémentaires occasionnés par la séparation du transport et du stockage sont évalués à 10-20 € par tonne.

5.18

La PI (préservation de l'identité) et les systèmes d'assurance qualité adéquats existent également chez les industries de transformation, comme par exemple les sociétés de moulins. Leurs clients attendent actuellement des garanties de pureté entre 0,1 % et au maximum 0,5 %. On procède ici à des tests PCR normalisés et à des tests a posteriori de toutes les livraisons. En outre, une audition des fournisseurs a lieu, qui sont généralement priés de fournir la preuve qu'ils achètent et transforment exclusivement des marchandises sans OGM. Concernant le transport, on évite dans la mesure du possible les points critiques où pourraient intervenir un mélange ou une contamination, comme par exemple les entrepôts d'expédition ou des ports, où l'on décharge également de la marchandise contenant des OGM.

5.19

Les coûts de la protection, pour les sociétés de moulins, occasionnent dans le cas du maïs un supplément de 2,50€ qui vient s'ajouter aux suppléments demandés par les fournisseurs (cf. infra). Étant donné que ces coûts ne peuvent être répercutés que sur la part de la marchandise pour laquelle la garantie correspondante est exigée, alors qu'ils s'appliquent à la totalité de la marchandise traitée, ils sont parfois considérablement plus élevés pour les produits finis sans OGM (la semoule de maïs représentant par exemple seulement 50 % de la marchandise traitée, ce qui signifie que les coûts supplémentaires (2,50€ + 3,00€ = 5,50€) représentent 11€ par tonne de semoule de maïs). Le risque d'être en présence d'un cas de contamination accidentelle et de livrer à des clients une marchandise dépassant la limite garantie peut atteindre, en fonction de la taille des lots et du degré de transformation des matières premières, plusieurs dizaines de millions. Une assurance qui prendrait ce risque en charge n'est actuellement pas possible.

5.20

La politique de précaution pratiquée par les industries de transformation en matière d'achats a pour conséquence que, le cas échéant des régions entières dans lesquelles il existe un risque supérieur de contamination en raison de la culture d'OGM, se voient exclues de ces achats, indépendamment du fait que certaines parties de ces régions soient contaminées ou non. L'unique culture expérimentale de blé génétiquement modifié d'un Land allemand a eu pour conséquence que le plus grand groupe de moulins allemands n'a plus acheté aucun blé provenant de cette région.

5.21

Le politique de la plupart des grandes entreprises de détaillants et des fabricants de produits de marque de l'UE, consistant à garantir l'absence d'OGM dans leurs marchandises, a abouti ces dernières années à des systèmes d'assurance qualité globaux, au sein desquels les entreprises ont investi individuellement plusieurs dizaines de millions d'euros par an. Ceux-ci sont constitués aussi bien d'un système sans faille de documentation et d'auditions à destination des fournisseurs, que de tests effectués régulièrement sur les produits proposés. Ces coûts supplémentaires n'ont généralement pas été reportés sur le client, jusqu'à présent. On n'est pas encore parvenu à quantifier systématiquement les différents produits et groupes de produits.

5.22

D'un point de vue régional, les conditions d'une coexistence des cultures d'OGM et des cultures sans OGM sont très diverses. En particulier dans les régions où les exploitations sont de petite taille, ce type de culture parallèle semble impraticable. D'après le cadastre des cultures, il apparaît par exemple qu'en Toscane 90 % des surfaces agricoles cultivées ne sont pas «susceptible de coexister». Cela vaut également pour un grand nombre d'autres régions européennes. En l'occurrence, il faut également considérer le fait que les mesures techniques coûteuses de séparation, de contrôle et de planification des cultures dépasseront le plus souvent les capacités des petits exploitants ou de ceux dont l'activité agricole est secondaire. Cela vaut également pour la transformation artisanale et régionale des produits agricoles.

5.23

Les marques régionales de qualité et les garanties d'origine, qui jouent un rôle de plus en plus important pour la commercialisation de produits de qualité aux prix élevés, renoncent jusqu'à présent en principe à l'utilisation d'OGM. Tant du point de vue des coûts réels de fabrication que pour l'image de ces produits, l'utilisation d'OGM dans les régions d'origine concernées aurait des effets considérablement négatifs. Ceci est l'une des raisons pour lesquelles de nombreuses régions d'Europe se sont déclarées entre temps zones sans OGM, bien que les bases juridiques de ce procédé soient encore discutées et nécessitent une clarification juridique par le biais de la législation européenne et nationale. La possibilité pour des agriculteurs individuels de devoir, en raison de la culture d'OGM garantie en droit européen, assumer des coûts et des risques supplémentaires considérables auprès d'un grand nombre de voisins et d'entreprises d'une région semble particulièrement pesante pour les intéressés et préjudiciable à la paix sociale.

5.24

Les administrations régionales, ainsi que les fédérations d'agriculteurs et des industries de transformation s'inquiètent également de la possibilité que les futures variétés d'OGM, contrairement aux actuelles, doivent être également séparées de manière hermétique de la production de produits alimentaires ou d'aliments pour animaux, pour des raisons de santé (par exemple les variétés dites pharmaceutiques), ce qui a déjà conduit aux États-Unis à d'énormes problèmes d'insécurité supplémentaire.

5.25

Dans certains États membres de l'UE, une loi a été votée pour régler la coexistence, ou bien le processus législatif est presque achevé. Les différents pays présentent déjà des constructions juridiques et de procédures très différentes. Or ces différences ne sont pas explicables par les particularités régionales. La nécessité d'une harmonisation qui permette de garantir la coexistence est déjà prévisible.

5.26

La coexistence de culture avec et sans OGM, et la possibilité d'une alimentation sans OGM est une volonté politique déclarée dans l'UE. S'il devait apparaître que cet objectif n'est pas réalisable avec la législation actuelle, il serait urgent d'améliorer les règlements et directives en question dans l'intérêt des consommateurs, des agriculteurs et des autres acteurs économiques concernés.

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Communication pour un débat d'orientation sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) et les questions connexes.

http://europa.eu.int/rapid/start/cgi/guesten.ksh?p_action.gettxt=gt&doc=IP/04/118|0|RAPID&lg=FR

Autorisation des OGM selon le droit de l'UE – État des lieux.

http://zs-l.de/saveourseeds/downloads/com_stand_gvo_28_01_04.pdf (en allemand).

Questions-réponses au sujet de la réglementation européenne sur les OGM.

http://zs-l.de/saveourseeds/downloads/com_fragen_antworten_28_01_04.pdf (en allemand).

(2)  Directive 2001/18/CEE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement.

JO L 106, 17.4.2001, p. 1.

(3)  Règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés.

JO L 268, 18.10.2003, p. 1.

(4)  Règlement (CE) no 1830/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant la traçabilité et l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés.

JO L 268, 18.10.2003, p. 24.

Règlement (CE) no 65/2004 de la Commission du 14 janvier 2004 instaurant un système pour l'élaboration et l'attribution d'identificateurs uniques pour les organismes génétiquement modifiés.

JO L 10, 16.1.2004, p. 5.

(5)  Règlement (CE) no 1946/2003 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2003 relatif aux mouvements transfrontières des organismes génétiquement modifiés.

JO L 287, 5.11.2003, p. 1.

(6)  Commission européenne, septembre 2003, Questions et réponses sur les OGM dans les semences.

http://europa.eu.int/rapid/start/cgi/guesten.ksh?p_action.getfile=gf&doc=MEMO/03/186|0|RAPID&lg=FR&type=PDF

(7)  Commissaire FISCHLER, juin 2003, communication à la Commission intitulée «Co-existence of Genetically Modified, Conventional and Organic Crops» (Coexistence d'OGM et de cultures traditionnelles et biologiques, fichier PDF en anglais).

http://zs-l.de/saveourseeds/downloads/Communication_Fischler_02_2003.pdf

(8)  Résolution du Parlement européen sur la coexistence entre cultures génétiquement modifiées et cultures conventionnelles et biologiques (2003/2098 (INI)).

JO C 91 E, 15.4.2004, p. 680.

(9)  Centre commun de recherche, 2002, «Scenarios for co-existence of genetically modified, conventional and organic crops in European agriculture» (Scénarios sur la coexistence entre cultures génétiquement modifiées et cultures conventionnelles et biologiques dans l'agriculture européenne).

http://www.jrc.cec.eu.int/download/gmcrops_coexistence.pdf

Table ronde sur les résultats de la recherche applicables à la coexistence des cultures génétiquement modifiées et non modifiées.

http://europa.eu.int/comm/research/biosociety/news_events/news_programme_en.htm

(10)  Première conférence européenne sur la coexistence entre les OGM et des cultures traditionnelles et biologiques les 13 et 14 novembre 2003 à Elseneur, au Danemark.

http://www.agrsci.dk/gmcc-03/

(11)  «Opinion of the Scientific Committee on Plants concerning the adventitious presence of GM seeds in conventional seeds» (avis du comité scientifique des plantes relatif à la présence fortuite de semences génétiquement modifiées dans les semences traditionnelles).

http://europa.eu.int/comm/food/fs/sc/scp/out93_gmo_en.pdf (en anglais).

(12)  Règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.

(13)  Décision de la Commission du 23 février 2004 définissant les modalités de fonctionnement des registres visant à consigner les informations sur les modifications génétiques des OGM, prévus par la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil [notifiée sous le numéro C(2004) 540] (1) 20 - 2004/205/EC.

JO L 65, 3.3.2004, p. 20.

(14)  Recommandation de la Commission du 23 juillet 2003, établissant des lignes directrices pour l'élaboration de stratégies nationales et de meilleures pratiques visant à assurer la coexistence des cultures génétiquement modifiées, conventionnelles et biologiques (notifiée sous le numéro C(2003) 2624.

JO L 189, 29.7.2003, p. 36.

(15)  Règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés.

JO L 268, 18.10.2003, p. 1.

(16)  Règlement (CE) no 1830/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant la traçabilité et l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés.

JO L 268, 18.10.2003, p. 24.

(17)  Directive du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administrativesdes États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (85/374/CEE).

http://europa.eu.int/eur-lex/fr/consleg/main/1985/fr_1985L0374_index.html

(18)  Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce quiconcerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. Journal officiel no L 143 du 30/04/2004 p. 0056 – 0075, voir les articles 3 et 4 et l'annexe III.

http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=32004L0035&model=guichett

(19)  Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux» (COM(2002) 17 final – 2002/0021 COD), CES 868/2002, JO C 241 du 7.10.2002, p. 37-45.

(20)  Direction générale de l'Agriculture, «Economic Impact of Genetically Modified Crops on the Agri-Food Sector» (L'impact économique des cultures génétiquement modifiées dans le secteur agroalimentaire) (2000).

http://europa.eu.int/comm/energy/en/fa_2_en.html (en anglais).

(21)  Avis du comité scientifique des plantes concernant la présence fortuite de semences génétiquement modifiées dans les semences traditionnelles.

http://europa.eu.int/comm/food/fs/sc/scp/out93_gmo_en.pdf (en anglais)

(22)  Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. Journal officiel no L 206 du 22/07/1992 p. 0007 – 0050.

http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31992L0043&model=guicheti

(23)  Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages. Journal officiel no L 103 du 25/04/1979 p. 0001 – 0018.

http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31979L0409&model=guicheti


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants ont été rejetés mais ont obtenu au moins un quart des voix exprimées:

Paragraphe 3.5.10

Supprimer

Exposé des motifs

Étant donné qu'il a été tenu compte, lors de la fixation des seuils pour le matériel de départ, des croisements avec les parcelles voisines, et étant donné que les dispositions relatives à la coexistence entre les cultures biologiques et traditionnelles tiennent compte de la contamination involontaire, la crainte exprimée dans ce paragraphe n'est pas justifiée.

Résultat du vote

Voix pour: 25

Voix contre: 55

Abstentions: 10

Paragraphe 4.2.1

Supprimer

Exposé des motifs

Dans le cadre de l'autorisation de l'accès d'OGM au marché, on examine l'ensemble des effets potentiellement négatifs de ces organismes pour la santé humaine et animale, ainsi que leur impact sur l'environnement. Il n'y a aucune raison d'invoquer à nouveau à ce stade le principe de précaution. Il n'est en effet ni possible, ni guère réaliste de garantir à 100 % qu'un organisme ne comporte aucun risque.

Résultat du vote

Voix pour: 22

Voix contre: 60

Abstentions: 5


28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/167


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Plan d'action européen en matière d'alimentation et d'agriculture biologiques»

COM(2004) 415 final)

(2005/C 157/30)

Le 15 octobre 2004, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 novembre 2004 (rapporteur: M. VOSS).

Lors de sa 413 session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 16 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 70 voix pour et 2 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le nombre d'exploitations pratiquant l'agriculture biologique dans l'Union européenne a fortement augmenté depuis quinze ans. Entre 1985 et 2002, la surface et le nombre des exploitations de l'UE à 15 sont passés respectivement de 100 000 hectares et 6 300 exploitations à 4,4 millions d'hectares et 150 000 exploitations, leur part dans la superficie agricole augmentant ainsi de 0,1 à 3,3 %. L'alimentation biologique représente un chiffre d'affaires évalué à 11 milliards d'euros en Europe et 23 milliards d'euros dans le monde.

1.2

Dans la pratique, l'agriculture biologique a essentiellement été développée depuis 1920 par des agriculteurs soutenus par des consommateurs intéressés. Une demande durable des consommateurs, dans des marchés spécialisés, s'est établie à partir des années 70. Dans les années 80, le développement, la promotion et le contrôle de la production biologique et de la commercialisation de produits biologiques se sont instaurés grâce à l'intervention de divers acteurs sociaux et économiques.

1.3

La première réglementation communautaire dans le domaine de l'agriculture biologique a été le règlement (CEE) no 2092/91 du Conseil, qui avait été précédé de longues années de travaux préparatoires de la part des associations compétentes portées par les agriculteurs travaillant selon les principes de l'agriculture biologique. L'UE a commencé à apporter son soutien en 1992, avec l'introduction de cette forme de production agricole dans la politique agri-environnementale.

1.4

En juin 2001 et en décembre 2002, le Conseil «Agriculture» a invité la Commission à présenter un plan d'action en matière d'alimentation et d'agriculture biologiques. Entre-temps, la Commission a réalisé une consultation sur Internet, à laquelle ont participé 1.136 citoyens et organisations. Ses résultats figurent, entre autres, dans le document de travail des services de la Commission consacré à la faisabilité d'un plan d'action européen en matière d'alimentation et d'agriculture biologiques. Le Parlement européen a tenu une audition en juillet 2003. En janvier 2004 a été organisée une manifestation de lancement à laquelle les organisations et gouvernements européens, ainsi que le grand public, ont largement participé.

1.5

Le plan d'action constitue une contribution essentielle à la poursuite du développement de la politique agricole commune et décrit précisément le rôle spécifique de cette forme d'agriculture pour la politique agri-environnementale future. Ce renforcement nécessite la coopération des acteurs économiques, dont les producteurs en premier lieu. Il s'impose donc de tenir compte des intérêts économiques des exploitations. Une implication précoce des pouvoirs publics nationaux et régionaux dans les États membres sera déterminante pour le succès du programme.

1.6

Le CESE accueille favorablement le plan d'action européen en matière d'alimentation et d'agriculture biologiques. Il souligne cependant que l'administration communautaire doit disposer de ressources humaines et matérielles suffisantes afin de pouvoir mener à bien, de manière satisfaisante, les futures missions liées à ce plan. À cet égard, le Comité se félicite de constater qu'en première lecture, le Parlement européen a décidé d'inclure le plan d'action dans les postes budgétaires consacrés aux actions d'encouragement, et, en particulier, aux mesures destinées à promouvoir la qualité des produits agricoles.

2.   Le contenu du document de la Commission

2.1

La Commission constate que l'agriculture biologique contribue considérablement à diverses mesures de la politique de l'UE visant à garantir un niveau élevé de protection environnementale. Différentes problématiques sont mentionnées à cet égard: les pesticides, les fertilisants pour végétaux, la protection des sols, des espèces et de la nature, le bien-être des animaux, ainsi que la sécurité des aliments.

2.2

La Commission estime qu'il importe de poursuivre sans relâche le développement du secteur de l'agriculture biologique et d'en exploiter le potentiel commercial. Pour ce faire, il convient de consacrer une attention particulière à la situation des exploitations agricoles en termes de revenus. Il faut, à cette fin, tenir compte des deux fonctions de l'agriculture biologique, qui sont a) la production de produits biologiques, qui doivent atteindre des prix nécessairement plus élevés, du fait de la non-utilisation de moyens de production ayant un impact environnemental et de la diminution du rendement qui en découle, b) la fourniture de biens publics, qui ne sont pas à même d'atteindre les prix du marché et sont donc tributaires du financement public.

2.3

Le plan d'action prévoit trois priorités:

un développement du marché des denrées alimentaires biologiques fondé sur l'information et une plus grande sensibilisation des consommateurs,

une efficacité accrue de l'aide publique en faveur de l'agriculture biologique,

une amélioration et un renforcement des normes communautaires applicables à l'agriculture biologique et des exigences concernant l'importation et l'inspection.

2.4

Le plan prévoit 21 actions, dont deux ont des implications budgétaires et sont subordonnées à la disponibilité de ressources financières. La mise en œuvre du plan d'action dépend des ressources humaines dont dispose la Commission. Pour le reste, celle-ci prendra immédiatement les mesures nécessaires conformément aux orientations définies. Le plan d'action ne contient pas de dispositions contraignantes concernant les objectifs et le calendrier.

3.   Observations générales

3.1   Réforme de la politique agricole commune

3.1.1

Les décisions arrêtées en juin 2003 à Luxembourg sur la réforme de la PAC prévoient, pour de nombreux produits, la réduction des régimes de prix réglementés, ainsi qu'un allégement du filet de sécurité. Cependant, grâce au large découplage des paiements directs par rapport à la production, qui constitue la mesure phare de la réforme agricole, la Commission prévoit une stabilisation, voire une hausse des prix des produits agricoles. Les prix payés aux producteurs de produits biologiques étant dépendants du niveau général des prix producteurs, de nouvelles possibilités de gains peuvent s'ouvrir sur le marché pour les exploitants pratiquant l'agriculture biologique. Le Comité tient à souligner que cette perspective n'est envisageable que si la préférence communautaire est maintenue à un niveau suffisant pour l'ensemble des produits agricoles.

3.1.2

Le soutien à l'agriculture biologique dépend également du volume global des ressources du second pilier de la PAC. Les États membres n'auront pas l'obligation de favoriser ce type d'agriculture. Le CESE constate que, dans les pays et les régions d'Europe qui pratiquent le soutien à l'agriculture et à la production alimentaire biologiques, ce secteur est particulièrement étendu et connaît une grande stabilité. Il conviendrait de suivre avec attention la dynamique émanant, dans les États membres, de l'élaboration et de l'application du nouveau Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

3.1.2.1

Le Comité attend avec beaucoup d'appréhension les décisions qui vont être prises concernant les perspectives financières de l'Union. Les fonds destinés au développement rural sont particulièrement menacés de restrictions. Le CESE souligne que ces ressources sont d'une importance capitale pour la stabilisation et le développement novateur des zones rurales européennes. Pour ce thème, le Comité s'est déjà exprimé dans le cadre de son avis d'initiative sur la future politique de développement rural (1) et élabore actuellement un avis relatif au projet de règlement sur le Fonds européen agricole de développement rural (2).

3.1.3

Le nombre d'acteurs désireux de bénéficier des ressources consacrées au développement rural ne cesse d'augmenter et cette tendance se poursuivra avec l'entrée des dix nouveaux pays. Même si 80 % des ressources issues de la modulation doivent être utilisés dans les pays dont elles proviennent, les moyens financiers supplémentaires ainsi dégagés sont très limités.

3.1.4

Plus encore que d'autres pratiques agricoles, l'agriculture biologique a de bonnes potentialités pour la fourniture de biens publics. Le Comité invite la Commission, le Conseil et le Parlement à s'assurer que les inflexions de la politique agricole commune qui ont été décidées en juin 2003 ne portent pas préjudice au bon usage des sols et demande que les montants financiers au profit du second pilier et du développement rural soient suffisants pour répondre aux priorités communautaires.

4.   Observations particulières

4.1   Le marché de l'alimentation biologique

4.1.1   Le point de vue des consommateurs sur les produits biologiques

4.1.1.1

Les opérateurs du marché de l'agriculture biologique, en particulier les producteurs, ont déjà conquis une part non négligeable du marché des produits alimentaires, qui, selon le CESE, ne peut plus être définie dans tous les États membres par la qualification de «marché de niche». Dans de nombreuses régions de l'UE, tout comme pour certains types de produits, les exploitations ou l'alimentation biologiques détiennent déjà une part de marché très importante. Ainsi, de très nombreuses matières premières servant à la fabrication des aliments destinés aux enfants sont déjà issues de la production biologique.

4.1.1.2

Le secteur de l'alimentation biologique en Europe, certaines régions ou certains produits se détachent en termes de production, de transformation, d'ouverture des marchés, ainsi que de recherche et de formation initiale et continue. On peut expliquer cette situation par des particularités régionales naturelles mais également par une interaction dynamique entre les acteurs économiques locaux. Le Comité demande à la Commission de consacrer, dans son plan d'action, une attention particulière à cette formation de «grappes»(«clusters») observée en Europe dans le secteur de l'agriculture biologique.

4.1.1.3

Le secteur de l'alimentation biologique s'est avéré être un moyen d'assurer la pérennité de nombreuses entreprises, dans l'agriculture en particulier mais également dans le domaine de la transformation et de la commercialisation.

4.1.2   Les mécanismes du marché

Les coûts plus importants tout au long de la chaîne de distribution des produits biologiques contribuent sans doute pour une part aux prix plus élevés pratiqués dans les secteurs de la production, de la transformation et de la vente au détail. Le Comité approuve donc pleinement les initiatives concernant la création de structures régionales de transformation et de production, car elles pourraient aider à rapprocher davantage les producteurs et les consommateurs et instaurer des mécanismes de fixation des prix compréhensibles. D'autre part, il ne faut pas perdre de vue que dans certains États membres, d'importants mouvements de concentration ont eu lieu dans le secteur du commerce alimentaire, qui exercent une pression sensible sur les prix à la production, y compris dans le domaine de l'agriculture biologique.

4.1.3   Une demande fondée sur l'information

Le Comité approuve expressément les mesures proposées au titre de l'action 1, visant à soutenir les actions d'information et de promotion. Elles devraient toutefois tenir compte des expériences de certains États membres, car dans le secteur des cuisines collectives, des cantines, des écoles et autres, une pression particulière s'exerce sur les achats pour ce qui est des prix. Les cuisines collectives, qui s'occupent de l'alimentation des enfants, des personnes âgées et des malades, représentent un marché important.

4.1.4   Les problèmes de marché résultant de l'existence de divergences entre les normes

La base de données qu'il est prévu de créer sur Internet afin de permettre une comparaison des différentes normes nationales et régionales peut s'avérer un instrument utile pour favoriser les échanges de marchandises au sein du marché unique. L'objectif d'éliminer entièrement toutes les disparités serait toutefois excessif. Ces différences ont souvent des origines régionales, sectorielles et culturelles et constituent donc un moteur pour l'innovation et pour la poursuite du développement des normes et de la qualité des produits.

4.1.5   Suivi et analyse de l'offre et de la demande

Il apparaît judicieux d'améliorer la collecte des données statistiques concernant à la fois la production et le marché des produits biologiques (action 3). Au stade de la récolte et du traitement de ces informations, il convient cependant de s'assurer que les acteurs du marché (un petit nombre de grandes firmes commerciales du côté de la demande, et un grand nombre de petites et moyennes exploitations agricoles du côté de l'offre) puissent, lorsque ces éléments supplémentaires seront rassemblés, profiter des données concernées sur un pied d'égalité ou, du moins, sans qu'il en résulte de graves désavantages pour l'agriculture. Dans les nouveaux États membres, la collecte et la publication rapide des données statistiques relatives à ce secteur demeure un objectif à atteindre.

4.2   Aide publique en faveur de l'agriculture biologique

4.2.1   L'agriculture biologique dans le cadre de la politique agricole commune

Le Comité se demande si le modèle agricole européen d'une agriculture multifonctionnelle, auquel l'agriculture biologique contribue de manière significative par ses performances environnementales, est suffisamment mis en avant dans les négociations internationales à l'OMC afin d'assurer la viabilité de la politique agricole commune et, plus particulièrement, de maintenir dans la boîte verte les aides de son second pilier'''.

4.2.2   Le développement rural

En plus de l'élaboration d'un «menu» énumérant toutes les mesures communautaires (action 5), il est proposé, en vue de promouvoir la production locale d'aliments biologiques, d'adapter en fonction du potentiel de risque spécifique les normes hygiéniques et sanitaires applicables aux petites et moyennes entreprises des secteurs de la transformation et de la commercialisation des aliments. Les normes auxquelles obéissent les entreprises traitant une grande quantité d'aliments ne sont que rarement transposables aux petites structures artisanales, qui ne transforment et ne commercialisent que des volumes limités, sur une échelle régionale. Elles constituent souvent un obstacle aux investissements et entravent ainsi la création d'emplois dans les zones rurales. Le Comité insiste particulièrement sur la nécessité de normes adaptées aux petites structures artisanales de transformation et de commercialisation de produits tant biologiques que traditionnels. C'est pourquoi elles doivent bénéficier du régime dérogatoire existant pour les entreprises de transformation. De l'avis du CESE, bien évidemment, la priorité absolue reste le respect des principes de la sécurité des denrées alimentaires énoncés dans le livre blanc sur la sécurité alimentaire et sanitaire et la réglementation nouvellement adoptée.

4.2.2.1

Dans le cadre de l'initiative proposée par l'action 6 — privilégier l'introduction de l'agriculture biologique dans les zones sensibles du point de vue de l'environnement — il convient de veiller à ne pas provoquer par là des déséquilibres dans la situation de l'offre au sein du secteur de l'agriculture biologique, et, ainsi, des distorsions de concurrence qui proviendraient de la politique suivie. Les conditions de culture plus difficiles qui prévalent dans les zones visées doivent être décrites avec une précision suffisante.

4.2.2.2

Le CESE estime que le programme d'action ne prend pas en compte l'importance considérable que le secteur l'agriculture et de l'alimentation biologiques revêtent pour la situation de l'emploi, en particulier dans les régions rurales. Des études menées dans les États membres ont montré que les créations d'activités dans l'agriculture ou les secteurs d'aval et d'amont se concentrent presque exclusivement dans les domaines relevant de l'agriculture biologique. De même, le Comité souligne que toutes les productions agricoles de qualité bénéficiant d'une dénomination d'origine régionale exercent un impact positif sur le développement des zones rurales.

4.2.2.3

La formation professionnelle initiale et continue, ainsi que l'activité de conseil sont décrites à l'action 6. Afin de renforcer ces modes de production agricole, ainsi que la commercialisation et la transformation des produits biologiques, il convient d'insister davantage sur le transfert d'informations et de connaissances dans le cadre du développement rural.

4.3   Recherche

4.3.1

L'agriculture biologique permet de disposer d'un type de pratique agricole qui n'entend mettre en application et développer que les méthodes, instruments et techniques dont les répercussions sur l'environnement soient les plus faibles possible.

4.3.2

Le Comité reconnaît l'enjeu spécifique que représente la recherche financée sur des fonds publics pour l'agriculture biologique. Les champs de recherche dans lesquels le secteur privé n'investit guère et qui représentent un intérêt important pour la société, doivent devenir les terrains privilégiés de l'aide étatique à la recherche. Il conviendrait que l'agriculture biologique, tout comme l'évaluation de l'impact des technologies, reçoive rang de priorité dans le programme-cadre de recherche européen.

4.3.3

Le Comité se félicite de l'expansion de la recherche dans le domaine de l'agriculture biologique. Les objectifs de ces activités de recherche doivent être énoncés de manière plus différenciée et il convient d'évaluer leur cohérence avec les autres domaines de la politique agricole commune. Conditionnant le bon développement de la filière de l'alimentation biologique, la formation, le transfert des connaissances et la place accordée au savoir interdisciplinaire doivent recevoir un soutien plus marqué, y compris financier, dans le programme d'action de la Commission.

4.3.4

Il existe un besoin urgent d'une recherche à orientation écologique en matière de sélection, et ce, tant pour les espèces cultivées que les animaux d'élevage. En effet, la poursuite du développement de races et de variétés adaptées doit être assuré afin de garantir les possibilités de commercialisation.

4.4   Normes et inspection — préserver l'intégrité

4.5.1   L'approche adoptée par le règlement

C'est pour des raisons purement historiques qu'en dépit de l'existence d'un règlement en la matière, les principes de base de l'agriculture biologique n'ont pas encore été définis. Dans certains États membres où cette forme d'agriculture correspond à une longue tradition, ils sont établis de longue date. Il conviendrait de parvenir en la matière à un accord, assorti d'une définition (action 8), qui inclurait les acquis de l'IFOAM (3). À cet égard, le Comité souhaite qu'il soit également tenu compte du parcours historique qu'ont connu les nouveaux États membres dans ce domaine.

4.5.1.1

Il convient de noter que suivant l'approche qu'en ont certaines de ses organisations nationales, le concept d'agriculture biologique implique, outre des critères écologiques, des principes socio-économiques, comme la création en zone rurale d'emplois de qualité et socialement stables. L'application des réglementations en matière d'agriculture biologique devrait donc s'effectuer au cas par cas, en mettant l'accent sur le respect des principes de base, et s'agissant des périodes transitoires assorties de dates finales précises qui auront été octroyées, il conviendrait de toujours procéder à des vérifications stade par stade (action 9).

4.5.2   Le champ d'application des normes en matière de production biologique

En plus de réclamer des normes simplifiées et harmonisées en matière de culture végétale et d'élevage animal, il faut aussi s'assurer que les petites et moyennes entreprises agricoles continuent d'exercer leur influence sur l'évolution de l'élevage, afin d'éviter le développement de structures monopolistiques similaires à celles existant par exemple pour beaucoup de variétés de plantes cultivées ou en aviculture. Dans ce dernier cas, les exploitations avicoles de cette catégorie ne parviennent déjà plus à s'approvisionner en races adaptées à l'agriculture biologique. La mise en oeuvre de normes plus avancées en ce qui concerne le bien-être des animaux devra être accompagnée de soutiens aux investissements, car il est fréquent qu'elle nécessite des travaux coûteux de réaménagement ou de construction de nouveaux ateliers d'élevage. Quant aux cultures végétales, il n'existe toujours pas de règles concernant les échanges de variétés locales traditionnelles ou de celles qui ne sont plus reprises dans le registre. Le CESE déplore cette situation et invite la Commission à prendre les mesures nécessaires pour combler les lacunes de la réglementation.

4.5.2.1

Pour ce qui est de l'action 10 (dernier tiret), il est nécessaire de préciser sur le plan conceptuel si le terme de «biodiversité» s'applique aux plantes cultivées et aux animaux d'élevage ou si la notion est entendue de manière plus large et recouvre l'ensemble de la faune et de la flore. Toutefois, le CESE souligne également que, conformément aux objectifs de la PAC, la tâche de préserver la biodiversité ne peut incomber uniquement aux exploitations travaillant selon les principes de l'agriculture biologique.

4.5.2.2

Bien que les procédés économes en ressources et en énergie soient un des principes fondamentaux de l'agriculture biologique, le CESE refuse l'introduction de normes en la matière. Dans ce domaine, la priorité doit être donnée à des exigences qui s'appliquent à l'agriculture et à l'économie dans leur ensemble.

4.5.2.3

Le Comité se félicite expressément que des normes européennes écologiques soient édictées pour la première fois en ce qui concerne des produits comme le vin ou l'aquaculture. Il est particulièrement sensible aux influences positives qu'elles exerceront sur les procédés traditionnels utilisés dans ces secteurs.

4.6

Le Comité approuve la création, proposée au titre de l'action 11, d'un groupe d'experts indépendants appelés à formuler des avis techniques, à condition que les personnes intéressées, c'est-à-dire les agriculteurs, les entreprises de transformation, et les consommateurs, y soient dûment associées, afin qu'il bénéficie de la confiance du grand public. Pour que cette action puisse atteindre de bons résultats, il conviendrait toutefois encore d'en déterminer précisément les conditions en ce qui concerne le calendrier, les objectifs et les ressources budgétaires nécessaires.

4.7   Organismes génétiquement modifiés

4.7.1

Le Comité regrette que le programme d'action n'aborde cette question que sous l'angle des seuils acceptables, sans proposer d'approche globale propre à garantir la coexistence qui est une condition nécessaire à l'agriculture biologique en Europe.

4.7.2

L'interdiction d'utiliser des OGM en agriculture biologique revêt une importance particulière dans le contexte du débat actuel sur les règles de la coexistence. Il est possible d'adhérer largement aux recommandations formulées à ce sujet. Les coûts ou pertes de rentrées résultant de la dissémination d'OGM ne peuvent peser sur le reste du secteur agricole, tant biologique que classique, dont ils sont bannis.

4.7.3

En matière d'agriculture biologique, les seuils généraux prévus pour les semences doivent se situer au niveau du seuil de détectabilité (action 12). Du point de vue du Comité, le seuil applicable pour les semences traditionnelles exemptes d'OGM devrait également être celui de détectabilité. À défaut, il y aurait lieu de redouter que les produits biologiques soient eux aussi contaminés, à une vitesse galopante, par des composants d'OGM, menaçant ainsi de saper les fondements de l'agriculture biologique en Europe. Vu l'importance des surfaces agricoles situées aux frontières nationales au sein de l'UE et la libre circulation des marchandises, une harmonisation est également nécessaire dans ce domaine.

4.8   Systèmes de contrôle

Il y a lieu d'approuver l'introduction de l'approche fondée sur le risque dans le cadre de l'amélioration des contrôles, conformément à l'action 13. Toutefois, le CESE signale que la version allemande du plan d'action affirme, à la différence de la version anglaise, que le risque le plus élevé en matière de pratiques frauduleuses provient des producteurs agricoles. Le CESE demande instamment que ce passage soit corrigé. Il convient plutôt de tenir compte des points vulnérables présents dans les secteurs situés en amont et en aval, tels que la transformation et la commercialisation, dans l'analyse et dans la gestion des risques du système de contrôle. L'amélioration des systèmes de contrôle doit s'accompagner d'une réduction des charges administratives et des coûts. Une mise en réseau efficace des organismes de contrôle peut s'avérer utile.

4.9   Les importations

4.9.1

Lors du développement ultérieur de la réglementation relative aux importations de produits issus de l'agriculture biologique, il conviendra de tenir compte du risque croissant de contamination par les OGM.

4.9.2

Le Comité recommande que l'on s'emploie à promouvoir l'espace économique méditerranéen en prenant particulièrement en compte les possibilités offertes par l'agriculture biologique. Il convient de renforcer les centres qui s'y consacrent et de promouvoir leur mise en réseau.

4.9.3

Pour des raisons liées à concurrence et afin notamment que l'agriculture biologique européenne puisse garder sa chance sur le marché, il n'est pas justifié que les accords commerciaux internationaux accordent, pour les produits biologiques, de larges concessions, semblables à celles octroyées aux importations traditionnelles.

5.   Synthèse

5.1

Le CESE approuve la proposition de plan d'action européen en matière d'alimentation et d'agriculture biologiques. Par cette initiative, la Commission ne répond pas uniquement à la sollicitation du Conseil «Agriculture» mais également aux attentes de nombreux citoyens. De fortes attentes sont placées dans l'évolution de la politique agricole, qui est orientée vers la protection de l'environnement avec la mise en œuvre de la conditionnalité et de la définition des conditions de bonnes pratiques agricoles et environnementales.

5.2

Le CESE se félicite que soient mis en œuvre des campagnes de promotion et des mesures d'information du consommateur qui présentent un caractère ciblé. Il escompte cependant que les dissymétries existant dans le secteur du commerce alimentaire et dans celui de la transformation ne seront pas aggravés.

5.3

Le programme FEADER, dans le cadre des mesures liées à la qualité des produits agricoles, doit tenir dûment compte du secteur de l'alimentation et de la culture biologiques, vu son importance en termes de perspectives d'emploi et de production de biens publics.

5.4

Les efforts d'harmonisation des normes et des contrôles ne peuvent imposer des tracasseries excessives aux entreprises et doivent tolérer les particularités régionales. Le logo communautaire ne devrait pas empêcher l'indication de provenance, tant pour les produits originaires de l'UE que pour ceux des pays tiers.

5.5

En matière de coexistence avec des organismes génétiquement modifiés, aucune réponse n'est apportée quant à la manière d'assurer à l'avenir une production biologique dans l'ensemble de l'Europe. Les valeurs limites en matière de contamination par des OGM doivent, par conséquent, se situer au niveau du seuil de détectabilité.

5.6

Le programme cadre de recherche de l'UE doit accorder une plus grande priorité à l'agriculture biologique. Cette accentuation s'impose parce qu'elle revêt un grand intérêt pour l'ensemble de la société et que la recherche qui s'y rapporte ne reçoit guère de ressources d'origine privée.

5.7

Grâce à la décision du Parlement européen qui permet d'utiliser pour le plan d'action les dotations inscrites au poste budgétaire de la promotion de la qualité des produits agricoles, les responsables politiques au niveau européen ont entrepris de remédier aux carences en ressources humaines et matérielles qui ont été évoquées.

5.8

Le CESE suit avec beaucoup d'inquiétude le débat sur les perspectives financières. Une réduction des ressources affectées au développement rural aurait également des effets dommageables pour l'agriculture biologique et le secteur de l'alimentation biologique en Europe.

Bruxelles, le 16 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis d'initiative du CESE sur le thème «Second pilier de la PAC: les perspectives d'adaptation de la politique de développement des territoires ruraux (suites de la conférence de Salzbourg)».

(2)  Avis du CESE en cours d'élaboration sur le thème «Proposition de Règlement du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)».

(3)  Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (FIMAB).