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2023/2530

24.11.2023

DÉCISION (UE) 2023/2530 DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

du 28 septembre 2023

relative à la délégation du pouvoir d’adopter des décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées par les autorités compétentes nationales ou les autorités désignées nationales (BCE/2023/24)

LE CONSEIL DES GOUVERNEURS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

vu le règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (1), et notamment son article 5, paragraphe 1, et son article 6, paragraphe 1,

vu le règlement (UE) no 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le «règlement-cadre MSU») (BCE/2014/17) (2), et notamment son article 101,

considérant ce qui suit:

(1)

La Banque centrale européenne (BCE) est responsable du fonctionnement efficace et cohérent du mécanisme de surveillance unique et s’est vu confier des missions micro et macroprudentielles. L’attribution de missions macroprudentielles renforce le rôle de la BCE en matière de stabilité financière, qui est déjà inscrit dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

(2)

Les autorités compétentes nationales (ACN) et les autorités désignées nationales (ADN) sont chargées de fixer les taux de coussin pour les établissements d’importance systémique mondiale (EISm) et les autres établissements d’importance systémique (autres EIS).

(3)

Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1024/2013, chaque fois que cela est jugé opportun ou nécessaire, les ACN ou les ADN des États membres participants imposent aux établissements de crédit des exigences en ce qui concerne les coussins de fonds propres à détenir au niveau adéquat, destinées à lutter contre les risques systémiques ou macroprudentiels.

(4)

Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1024/2013 et à l’article 104 du règlement (UE) no 468/2014, les ACN ou les ADN notifient à la BCE leur intention de mettre en œuvre des mesures macroprudentielles dix jours ouvrés avant de prendre cette décision (notification des «mesures macroprudentielles envisagées»). Dès réception de la notification, le secrétaire du conseil de surveillance prudentielle transmet sans délai les mesures macroprudentielles envisagées au conseil des gouverneurs et au conseil de surveillance prudentielle. Le conseil des gouverneurs décide, dans un délai de trois jours ouvrés, de soulever ou non des objections en s’appuyant sur une proposition élaborée par le conseil de surveillance prudentielle qui repose sur ladite intention et tient compte de la contribution du comité compétent et de la structure interne compétente de la BCE. Si le conseil des gouverneurs soulève une objection à l’encontre des mesures macroprudentielles envisagées, il explique ses motifs par écrit aux ACN ou aux ADN dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la notification à la BCE. Les ACN ou les ADN examinent les motifs de la BCE avant d’adopter la décision finale, le cas échéant.

(5)

La BCE est tenue d’évaluer un nombre important de mesures macroprudentielles envisagées présentées par les ACN ou les ADN, y compris celles qui fixent des coussins pour les autres EIS et les EISm. Ces évaluations doivent souvent être réalisées dans des délais très courts. Afin de faciliter le processus décisionnel, il convient de prévoir la délégation du pouvoir d’adopter certaines décisions au sein de la BCE. En particulier, le pouvoir d’adopter des décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles présentées par les ACN ou les ADN devrait être délégué aux responsables de service de la BCE. Les banques ou établissements d’importance systémique mondiale (BISm-EISm) sont des banques ou des établissements qui, en raison de leur taille, de leur interconnexion, de leur complexité, de leur manque de substituabilité ou de leur envergure mondiale, sont perçus comme n’étant pas autorisés à faire faillite. Dans la mesure où un problème dans l’un des BISm-EISm peut avoir des répercussions sur d’autres établissements financiers dans de nombreux pays et sur l’économie mondiale dans son ensemble, ce problème ne concerne uniquement les ACN ou les ADN, et une harmonisation est donc nécessaire au niveau mondial, concrétisée par un accord mondial conclu par les membres du comité de Bâle sur le contrôle bancaire et du Conseil de stabilité financière, dont les résultats sont publiés par le Conseil de stabilité financière. La communauté mondiale traite ces questions par le biais d’une approche multidimensionnelle.

(6)

La Cour de justice de l’Union européenne a reconnu que la délégation de pouvoirs était nécessaire et appropriée pour permettre à une institution, appelée à prendre un nombre considérable de décisions, de remplir sa fonction. Les pouvoirs conférés à une institution incluent le droit de déléguer, conformément aux dispositions du TFUE, un certain nombre de ces pouvoirs, sous réserve de toute condition précisée par ladite institution. Une institution de l’Union peut donc mettre en place des mesures de nature organisationnelle, en déléguant ses pouvoirs de décision à ses propres organes internes ou à son propre personnel, dans la mesure où de telles mesures sont justifiées et respectent le principe de proportionnalité. Afin de garantir la sécurité juridique, il convient que la délégation de pouvoirs de décision soit à la fois limitée et proportionnée et que sa portée soit clairement définie et soumise aux conditions précisées par l’institution.

(7)

Le 24 juin 2020, le conseil des gouverneurs a décidé d’instaurer une coopération rapprochée entre la BCE et la Българска народна банка (banque nationale de Bulgarie) (3). Aux fins de la coopération rapprochée, la décision de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées concernant la République de Bulgarie sera également adoptée conformément aux dispositions pertinentes de la présente décision.

(8)

Lorsque les critères d’adoption d’une décision déléguée ne sont pas remplis, il convient d’adopter les décisions selon la procédure prévue à l’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1024/2013 ainsi qu’à l’article 13 nonies de la décision BCE/2004/2 de la Banque centrale européenne (4),

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Définitions

Aux fins de la présente décision, on entend par:

1)

«mesures macroprudentielles envisagées»: les mesures que les autorités compétentes nationales (ACN) et les autorités désignées nationales (ADN) ont l’intention d’appliquer pour exiger des banques qu’elles détiennent de coussins pour les autres EIS ou les EISm, conformément à l’article 131 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil (5), telles qu’elles ont été officiellement notifiées à la BCE pour que celle-ci puisse décider de s’y opposer ou non;

2)

«coussin pour les autres EIS»: les fonds propres qui doivent être détenus conformément à l’article 131, paragraphe 5, de la directive 2013/36/UE;

3)

«coussin pour les EISm»: les fonds propres qui doivent être détenus conformément à l’article 131, paragraphe 4, de la directive 2013/36/UE;

4)

«évaluation technique de la BCE»: l’évaluation technique indépendante réalisée par la BCE, qui se prononce sur les taux de coussin adéquats;

5)

«plancher de la BCE»: la dernière version applicable de la méthodologie relative au plancher de la BCE aux fins de l’évaluation des coussins pour les autres EIS, telle qu’adoptée par le conseil des gouverneurs et fondée sur le score d’importance systémique des banques, qui affecte chaque banque à l’une des catégories d’importance systémique [«classes» (buckets)], chaque classe étant associée à un coussin pour les autres EIS spécifique qui devrait être considéré comme un plancher;

6)

«sensibilité» ou «caractère sensible»: une caractéristique ou un facteur susceptible d’avoir une incidence négative sur la réputation de la BCE et/ou sur le fonctionnement efficace et cohérent du mécanisme de surveillance unique, y compris, notamment, l’un des éléments suivants: a) les préoccupations importantes exprimées au sein du comité compétent et de la structure interne compétente lors de leurs délibérations, qui ne sont pas prises en compte dans l’évaluation technique de la BCE; b) les mesures macroprudentielles envisagées susceptibles de susciter des commentaires négatifs des médias ou du public.

Article 2

Objet et champ d’application

1.   La présente décision précise les critères de délégation des pouvoirs de décision aux responsables de service de la BCE pour l’adoption de décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées.

2.   La délégation des pouvoirs de décision est sans préjudice de l’évaluation technique réalisée par la BCE aux fins de l’adoption de décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre des mesures macroprudentielles envisagées visées au paragraphe 1.

Article 3

Délégation du pouvoir d’adopter des décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées

1.   Par la présente décision, le conseil des gouverneurs délègue aux responsables de service nommés par le directoire le pouvoir d’adopter des décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées.

2.   Les décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre des mesures macroprudentielles envisagées visées au paragraphe 1 sont adoptées au moyen d’une décision déléguée si les critères d’adoption des décisions déléguées énoncés aux articles 4 et 5, selon le cas, sont remplis.

3.   La décision de ne pas soulever d’objections à l’encontre des mesures macroprudentielles envisagées visées au paragraphe 1 n’est pas adoptée au moyen d’une décision déléguée si la complexité de l’évaluation technique de la BCE ou le caractère sensible des mesures requiert qu’elle soit adoptée conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1024/2013 et à l’article 13 nonies de la décision BCE/2004/2.

4.   Si un membre du comité compétent ou de la structure interne compétente de la BCE exprime des préoccupations sur le fond des mesures macroprudentielles envisagées visées au paragraphe 1 lorsqu’ils sont consultés sur un projet de décision déléguée, les critères énoncés aux articles 4 et 5, selon le cas, sont réputés ne pas avoir été remplis et/ou les mesures sont réputées être sensibles au sens de l’article 1er, point 6), de la présente décision.

Article 4

Critères pour l’adoption de décisions déléguées de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées pour fixer un coussin pour les autres EIS

Les décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées pour fixer un coussin pour les autres EIS sont adoptées conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, si tous les critères suivants sont remplis:

a)

ces mesures macroprudentielles envisagées appliquent la méthodologie la plus récente pour déterminer le plancher de la BCE;

b)

l’évaluation technique de ces mesures par la BCE ne suscite aucune préoccupation en ce qui concerne les éléments suivants:

i)

la méthodologie employée par l’ACN ou l’ADN;

ii)

les considérations économiques à l’origine de la fixation de coussins pour les autres EIS;

iii)

l’identification d’autres EIS;

c)

l’évaluation technique de la BCE ne conclut pas que la BCE devrait s’opposer à ces mesures macroprudentielles envisagées.

Article 5

Critères pour l’adoption de décisions déléguées de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées pour fixer un coussin pour les EISm

Les décisions de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées pour fixer un coussin pour les EISm sont adoptées conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, si les mesures macroprudentielles envisagées par les ACN ou les ADN concernant les taux de coussin pour les EISm sont conformes à l’évaluation annuelle de la BCE des BISm-EISm de la zone MSU et à l’accord mondial conclu par les membres du comité de Bâle sur le contrôle bancaire et du Conseil de stabilité financière.

Article 6

Enregistrement et déclaration des décisions déléguées de ne pas soulever d’objections à l’encontre de mesures macroprudentielles envisagées

1.   Le secrétariat du conseil de surveillance prudentielle tient un registre de toutes les décisions déléguées prises conformément à la présente décision et informe le secrétariat du conseil des gouverneurs de ces décisions selon une périodicité mensuelle.

2.   Le secrétariat du conseil des gouverneurs présente un rapport trimestriel sur l’exercice des pouvoirs de décision délégués relatifs aux mesures macroprudentielles envisagées au conseil des gouverneurs et au conseil de surveillance prudentielle.

Article 7

Disposition transitoire

La présente décision ne s’applique pas aux mesures macroprudentielles envisagées qui ont été notifiées à la BCE avant l’entrée en vigueur de la présente décision.

Article 8

Entrée en vigueur

La présente décision entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Fait à Francfort-sur-le-Main, le 28 septembre 2023.

La présidente de la BCE

Christine LAGARDE


(1)   JO L 287 du 29.10.2013, p. 63.

(2)   JO L 141 du 14.5.2014, p. 1.

(3)  Décision (UE) 2020/1015 de la Banque centrale européenne du 24 juin 2020 sur l’instauration d’une coopération rapprochée entre la Banque centrale européenne et la Българска народна банка (banque nationale de Bulgarie) (BCE/2020/30) (JO L 224 I du 13.7.2020, p. 1).

(4)  Décision BCE/2004/2 de la Banque centrale européenne du 19 février 2004 portant adoption du règlement intérieur la Banque centrale européenne (JO L 80 du 18.3.2004, p. 33).

(5)  Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO L 176 du 27.6.2013, p. 338).


ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2023/2530/oj

ISSN 1977-0693 (electronic edition)