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Journal officiel
de l'Union européenne

FR

Série C


C/2024/6875

28.11.2024

Avis du Comité économique et social européen

Promouvoir l’intégration sociale des personnes handicapées et des personnes ayant une capacité de travail altérée

(avis exploratoire à la demande de la présidence hongroise)

(C/2024/6875)

Rapporteur:

Pietro Vittorio BARBIERI

Conseiller

Carlo GIACOBINI (pour le rapporteur)

 

 

Saisine par la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne

Lettre du 14.3.2024

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

4.9.2024

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

86/0/2

Adoption en session plénière

18.9.2024

Session plénière n°

590

Résultat du vote (pour/contre/abstentions)

213/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se dit préoccupé que l’exclusion des personnes handicapées du marché du travail constitue un état de fait qui persiste, avec toutes les conséquences en découlant du point de vue de leur appauvrissement, matériel ou non, encore aggravées par des inégalités supplémentaires entre les hommes et les femmes, et il s’inquiète de constater que cette tendance affecte les personnes concernées d’autant plus fortement que leurs atteintes sont graves.

1.2.

Le CESE relève que malgré les nombreuses réglementations et orientations stratégiques que l’Union européenne, avec le socle européen des droits sociaux et la stratégie européenne en faveur des droits des personnes handicapées, et les Nations unies, par sa Convention relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH), ont élaborées en faveur de l’inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail, des phénomènes très significatifs les excluant de ce marché du travail sont encore attestés, tout comme des schémas et des dispositifs qui, à l’exemple du travail protégé, leur donnent un semblant d’accès à l’emploi mais aboutissent en fait à leur exclusion du marché du travail ouvert, voire à leur ségrégation.

1.3.

Le CESE presse les États membres de promouvoir des politiques et mesures qui s’attachent avant toute chose à dépasser progressivement les modèles cloisonnants pour leur substituer des principes communs inclusifs et tendant à consolider l’accès au marché ouvert du travail. Il escompte que dans le même temps, la Commission entreprendra de mettre en œuvre les actions stratégiques connexes qui sont prévues dans le train de mesures sur l’emploi des personnes handicapées.

1.4.

Entre autres mesures positives à adopter, le CESE invite les États membres à reprendre ou étendre les modèles d’emploi des personnes handicapées recourant, par exemple, à un fonds commun pour les aménagements raisonnables qui est financé par les employeurs, tant privés que publics, n’ayant pas atteint les quotas éventuellement fixés, de manière à apporter des avantages concrets pour le travailleur handicapé et à favoriser la productivité de l’entreprise concernée.

1.5.

Le CESE pose que les mesures incitatives relevant des aides d’État doivent, en toute hypothèse, être subordonnées au respect des droits des travailleurs et modelées sur les indications de la CNUDPH et de son comité des droits des personnes handicapées qui concernent le travail, ainsi que sur la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées.

1.6.

Le CESE préconise d’adopter, dans l’éventail des mesures positives en matière d’emploi, des initiatives destinées à encourager l’autoentrepreneuriat des personnes handicapées, qu’il soit individuel ou collectif.

1.7.

Tout en appréciant les actions d’orientation et de soutien qui, en matière d’aménagements raisonnables, ont été élaborées grâce au train de mesures sur l’emploi, le CESE relève que leur application fait ressortir des différences significatives d’un État membre à l’autre. Il recommande d’adopter une démarche de réglementation et de mise en œuvre de ces aménagements qui soit uniforme et cohérente, ainsi que de diffuser le guide Reasonable accommodation at work — Guidelines and good practices («Aménagements raisonnables au travail — Lignes directrices et bonnes pratiques»), qui est susceptible de favoriser une sensibilisation accrue et un renforcement des compétences spécifiques en la matière.

1.8.

Le CESE souligne qu’il est nécessaire de définir des normes et d’effectuer un relevé et une comparaison des modèles, des services et des prestations que fournissent les services publics de l’emploi, en leur appliquant une évaluation comparative visant à dégager les bonnes pratiques sur la base de données réelles et à encourager l’apprentissage mutuel.

1.9.

Le CESE invite à entreprendre un recensement des données, tant quantitatives que qualitatives, qui sont utiles pour cerner la situation et les tendances en matière d’emploi accompagné, dans l’Union européenne et ses États membres.

1.10.

S’inscrivant dans la voie que la déclaration européenne du Parlement européen, du Conseil et de la Commission sur les droits et principes numériques a tracée, dans une perspective de réduction de la fracture numérique, le CESE attire l’attention sur l’aide que les développements technologiques en rapport avec l’intelligence artificielle (IA) peuvent apporter pour favoriser la participation des personnes handicapées au marché du travail ouvert. Il appelle à soutenir des politiques qui entendent promouvoir les potentialités, l’accessibilité et la durabilité économique de cette innovation.

2.   Observations générales

2.1.

Le rapport de la direction générale pour l’emploi, les affaires sociales et l’inclusion de la Commission européenne European comparative data on Europe 2020 and persons with disabilities — Labour market, education, poverty and health analysis and trends (1) («Données européennes comparées sur Europe 2020 et les personnes handicapées — Analyse et tendances concernant le marché du travail, l’éducation, la pauvreté et la santé») indique qu’au niveau européen, 51,3 % des personnes handicapées ont un emploi, contre 75,6 % dans le cas des non-handicapés.

2.2.

À l’échelle des 27 pays de l’Union, le même rapport relève que sur un total de 42,8 millions de personnes handicapées de 20 à 64 ans, on en recense 22 millions qui, pour cette tranche d’âge, occupent un emploi.

2.3.

Pour les 27 États membres de l’Union, 17,3 % des personnes handicapées de 20 à 64 ans sont sans emploi, contre 8,3 % de celles de la même classe d’âge qui ne sont pas handicapées, le taux de chômage total étant de 9,5 %. Par rapport au reste de la population, ces chiffres témoignent d’un écart qui est attesté dans tous les États membres, quoique avec des différences notables de l’un à l’autre: en Croatie, en Bulgarie et en Irlande, il atteint respectivement 34, 37 et 44 points de pourcentage, tandis que les disparités les moins marquées sont attestées en Italie, avec 17 points de pourcentage, ainsi qu’en Lettonie et en France, où elles se situent à 18 points.

2.4.

Les femmes handicapées sont doublement désavantagées, étant donné que les personnes handicapées ont un taux d’activité inférieur à celui des non-handicapés et que, parmi la population porteuse d’un handicap, le taux d’activité féminin, qui est de 59,1 %, se situe en outre en retrait de celui des hommes, à savoir 65,4 %.

2.5.

Une corrélation inverse existe entre le degré de handicap et le taux d’activité, lequel s’établit à 82,5 % pour les personnes non handicapées et à 69 % et 42,1 %, respectivement, pour celles qui sont atteintes d’un handicap, selon qu’il soit modéré ou grave. Le risque de pauvreté financière augmente avec le degré de handicap. Dans l’Union européenne, il se situe à 19,8 % pour les personnes de 16 ans et plus porteuses d’un handicap modéré, contre 24,4 % pour celles qui sont gravement handicapées.

2.6.

Quelque 17,8 millions de personnes handicapées vivent dans des familles exposées au risque de pauvreté financière.

2.7.

En matière de pauvreté, l’on observe un écart de genre au sein de l’Union européenne. Environ 21,9 % des femmes handicapées de 16 ans et plus sont confrontées à un risque de pauvreté financière, alors que ce pourcentage s’établit à 20,0 % pour les hommes handicapés de la même tranche d’âge. Dans son avis de 2018 (2), le CESE a relevé que dans l’Union européenne, les femmes «ne sont que 18,8 % à occuper un emploi, selon l’indice d’égalité de genre de 2015, élaboré par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, alors que ce pourcentage est de 28,1 % pour les hommes».

2.8.

La directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (3) constitue un point de référence sur la question de l’égalité des chances des personnes handicapées dans le domaine du travail.

2.9.

Dans son article 5, relatif aux aménagements raisonnables pour les personnes handicapées, cette directive 2000/78/CE dispose qu’«afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus». Les employeurs sont tenus d’adopter, le cas échéant, les dispositions adéquates pour qu’une personne handicapée puisse accéder à un emploi, prendre part au monde du travail ou y progresser, ou encore suivre une formation, sauf si ces mesures leur imposent une charge disproportionnée (4).

2.10.

Dans sa communication sur la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030, la Commission européenne pose que «la participation à l’emploi est le meilleur moyen de garantir l’autonomie économique et l’inclusion sociale».

2.11.

La stratégie susmentionnée affirme que le socle européen des droits sociaux sert de boussole pour les politiques en matière d’emploi et celles du domaine social. Le principe no 17 du socle souligne que «les personnes handicapées ont droit à une aide au revenu leur permettant de vivre dans la dignité, à des services leur permettant de participer au marché du travail et à la société, ainsi qu’à un environnement de travail adapté à leurs besoins». Il convient en outre de signaler que l’Union européenne est signataire de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui constitue donc pour elle un autre texte juridique de référence.

2.12.

Pour une mise en œuvre plus efficace de la stratégie européenne, la Commission a publié, en 2022, le train de mesures sur l’emploi des personnes handicapées, qui, visant à améliorer leurs perspectives sur le marché de l’emploi, entend aider les États membres à garantir que ces personnes accèdent, par l’emploi, à l’inclusion sociale et à une autonomie économique, et il définit pour ce faire six lignes d’action:

le renforcement des capacités des services de l’emploi et de l’intégration (5),

la promotion des perspectives d'embauche par des mesures positives et la lutte contre les stéréotypes;

la garantie d'aménagements raisonnables au travail;

le maintien au travail des personnes handicapées, avec la prévention des handicaps associés à des maladies chroniques,

l’assurance de programmes de réadaptation professionnelle en cas de maladies ou d’accidents,

l’exploration de pistes d’emploi de qualité dans des emplois protégés et des parcours amenant au marché du travail ouvert.

2.13.

En ce qui concerne plus particulièrement les réalités de l’emploi accompagné, le train de mesures sur l’emploi souligne que les personnes handicapées, notamment celles qui le sont gravement, ont tendance à travailler dans des circuits d’emplois de substitution. Les programmes qui ont été adoptés dans les États membres sont hétérogènes, de sorte que des différences existent sur le plan des conditions de travail, des droits des travailleurs et des approches suivies en matière d’évolution de carrière. La frontière entre les programmes de réadaptation et l’ergothérapie est parfois floue. Même si l’on ne dispose pas encore de données quantitatives spécifiques, il apparaît que les taux de basculement des formes substitutives d’emploi vers le marché du travail ouvert tendent à être très faibles.

2.14.

Il convient de noter que s’agissant des emplois de substitution destinés aux personnes handicapées, le dispositif le plus répandu est celui de l’«emploi protégé» ou de l’«atelier protégé». Au niveau européen, la seule acception juridique que l’on peut trouver de cette notion d’«emploi protégé» figure dans le règlement général d’exemption par catégorie, en l’occurrence le règlement (UE) no 651/2014 (6), qui la définit comme «un emploi dans une entreprise dont au moins 30 % des salariés sont des travailleurs handicapés». En vertu dudit règlement, les États membres sont autorisés à fournir à ce modèle d’emploi un soutien financier dérogeant à la réglementation sur les aides d’État.

2.15.

Comme le prévoyait le train de mesures sur l’emploi, un document intitulé Reasonable accommodation at work — Guidelines and good practices (7) («Aménagements raisonnables au travail — Lignes directrices et bonnes pratiques») a été publié en mai 2024, afin de fournir des indications et des suggestions concernant ces aménagements raisonnables au travail, tels que visés dans la directive 2000/78/CE. En préambule, le texte fait observer que «les 27 États membres de l’Union européenne disposent tous de textes de loi nationaux et régionaux qui transposent et mettent en œuvre la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, de sorte que, notamment, les employeurs sont tenus de fournir des aménagements raisonnables dans tous ces pays. Néanmoins, certains d’entre eux n’utilisent que des définitions au sens large en ce qui concerne les aménagements réputés être raisonnables et les charges qu’il convient de considérer comme disproportionnées.»

2.16.

Le document relève par ailleurs que «dans la plupart des pays, des subventions, des aides et un soutien logistique sont disponibles afin de couvrir les frais à engager pour les aménagements raisonnables, tout comme une assistance est prévue du point de vue de la planification et de la mise en œuvre. Des allégements fiscaux sont disponibles dans onze des pays de l’Union pour les employeurs qui embauchent des travailleurs handicapés sur le marché ouvert du travail, tandis que treize leur offrent des abattements sur leurs cotisations à la sécurité sociale ou à l’assurance maladie. La majeure partie des États membres prévoient, pour encourager à employer des personnes handicapées, des subventions salariales, dont l’utilisation va croissant.»

2.17.

Dans son avis de 2021 (8), le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission sur la stratégie 2021-2030 mais «se déclare toutefois préoccupé par l’atténuation des mesures obligatoires et de la législation contraignante pour mettre en œuvre la stratégie». Dans ce même texte, il souligne que «la Commission devra se montrer exigeante en veillant au strict respect par les États membres des objectifs qu’ils se sont fixés, lesquels précisent jusqu’où ils entendent aller pour réduire l’écart en matière d’emploi des personnes handicapées d’ici à 2030». Le CESE préconise «des objectifs ambitieux visant à se rapprocher le plus possible de la suppression de tout écart en matière d’emploi, et en prenant pour point de mire l’emploi sur le marché du travail ouvert».

2.18.

Dans son train de mesures sur l’emploi des personnes handicapées, la Commission européenne met l’accent, parmi les actions à déployer pour améliorer le marché du travail, sur le renforcement des capacités des services de l’emploi et de l’intégration, notamment en prévoyant de fournir aux services publics de l’emploi une boîte à outils contenant des recommandations, des informations et des conseils sur les stratégies et pratiques en rapport avec six domaines, à savoir les politiques internes s’adressant au personnel de ces structures, les services, les mesures actives du marché du travail, les aménagements raisonnables, la sensibilisation et, enfin, les partenariats.

3.   Le travail et la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées

3.1.

Dans la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées (CNUDPH) (9), le thème de l’emploi de ces personnes est abordé à l’article 27. Pour clarifier le contenu de la convention en rapport avec cette question et expliquer la lecture qu’il fait des dispositions y prévues, le comité des droits des personnes handicapées de la CNUDPH a publié, le 9 septembre 2022, sa nouvelle observation générale, no 8, sur le droit au travail et à l’emploi. L’observation explicite la manière dont il convient d’interpréter bon nombre des dispositions de la convention qui portent sur cette question du travail et de l’emploi. Ces indications constituent la base sur laquelle les États peuvent rendre compte des facteurs juridiques, politiques et socio-économiques qui leur sont propres concernant les droits des personnes handicapées en rapport avec le travail (10).

3.2.

La clarification la plus importante qu’apporte cette observation no 8 concerne le travail protégé, en décrivant notamment les types d’environnements protégés qui vont à l’encontre de la convention. Il est ainsi expliqué qu’«en vertu du paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention, les États parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l’inclusion et accessibles aux personnes handicapées». Ces explicitations indiquent clairement que les structures de travail ségréguées contreviennent au droit au travail des personnes handicapées.

3.3.

La même observation précise encore que «les emplois ségrégués, comme les ateliers protégés correspondent à diverses pratiques et expériences, où l’on retrouve quelques-uns au moins des éléments suivants: a) les personnes handicapées font l’objet d’une ségrégation et sont écartées des emplois ordinaires, inclusifs et accessibles; b) l’emploi est organisé autour de certaines activités que les personnes handicapées sont jugées capables d’exercer; c) l’approche médicale et l’approche fondée sur la réadaptation sont privilégiées et mises en avant; d) la transition vers le marché du travail général n’est pas réellement encouragée; e) les personnes handicapées ne reçoivent pas une rémunération égale pour un travail de valeur égale; f) les personnes handicapées ne sont pas rémunérées sur la base de l’égalité avec les autres pour le travail qu’elles effectuent; g) les personnes handicapées n’ont généralement pas de contrat de travail régulier et ne sont donc pas couvertes par les régimes de sécurité sociale.»

3.4.

Il convient toutefois de relever que l’observation générale prévoit une exception, en l’occurrence quand elle précise que «les entreprises qui sont gérées et dirigées par des personnes handicapées, notamment les coentreprises contrôlées de manière démocratique, ne sauraient être considérées comme des exemples d’emploi ségrégué si elles offrent des conditions de travail justes et favorables sur la base de l’égalité avec les autres».

3.5.

Toujours selon l’observation générale no 8 de la CNUDPH, «l’emploi ségrégué, dont les ateliers protégés sont un exemple, ne doit pas être considéré comme un moyen d’assurer progressivement aux personnes handicapées le plein exercice du droit au travail», dont la réalisation ne peut s’effectuer que par «un emploi librement choisi ou accepté, exercé sur un marché du travail ouvert et inclusif».

4.   De l’emploi accompagné au travail inclusif

4.1.

Le CESE:

4.1.1.

relève qu’en dépit des nombreuses réglementations et orientations stratégiques qui ont été élaborées, en faveur de l’inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail, tant par l’Union européenne que par les Nations unies, des manifestations très significatives d’exclusion du marché du travail sont encore attestées, tout comme des schémas et des dispositifs qui, sous des apparences d’emplois, aboutissent en fait à exclure les personnes concernées, voire à les ségréguer ou à les confiner dans des activités non qualifiées et mal rémunérées;

4.1.2.

est d’avis que la pierre de touche pour faire le départ entre les initiatives réellement axées sur l’inclusion et le travail protégé et ségrégatif est essentiellement fournie par la conformité avec la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées (CNUDPH) et avec la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées, ainsi que par le respect des droits liés au travail et la mise en œuvre du processus de transition vers le marché du travail ouvert;

4.1.3.

considère que pour dépasser progressivement le travail protégé et ses effets de ségrégation, tels que relevés par l’observation générale no 8 du comité des droits des personnes handicapées de la CNUDPH et de la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées, il convient de lancer des politiques et des mesures globales qui visent à déclasser progressivement les modèles cloisonnants, suivant la vision inclusive développée par ladite convention, en tirant parti des processus d’autonomisation, de formation, de développement des capacités et, si besoin, d’accompagnement;

4.1.4.

suggère, entre autres mesures positives envisageables, de reprendre et de diffuser plus largement les modèles nationaux qui favorisent l’emploi des personnes handicapées en recourant, par exemple, à un fonds commun pour les aménagements raisonnables qui est financé par les employeurs, tant privés que publics, n’ayant pas atteint les quotas fixés en la matière;

4.1.5.

estime que dans l’éventail des mesures positives, il s’impose de faire figurer des interventions destinées à encourager l’autoentrepreneuriat des personnes handicapées, qu’il soit individuel ou collectif;

4.1.6.

juge que les mesures incitatives relevant des aides d’État doivent, en toute hypothèse, être subordonnées au respect des droits des travailleurs et se conformer aux indications formulées par la CNUDPH, son comité des droits des personnes handicapées en ce qui concerne le travail, ainsi que la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées;

4.1.7.

attire l’attention sur l’aide que les développements technologiques en rapport avec l’intelligence artificielle peuvent apporter pour favoriser la participation des personnes handicapées au marché du travail ouvert. Il conviendrait de soutenir des politiques qui promeuvent les potentialités, l’accessibilité et la durabilité économique de cette innovation, en empruntant la voie tracée par la déclaration européenne du Parlement européen, du Conseil et de la Commission sur les droits et principes numériques (11);

4.1.8.

défend l’idée que les aménagements raisonnables devraient soutenir des actions qui visent à garantir, sur un large spectre, que les personnes handicapées disposent de possibilités de développer pleinement leur potentiel, d’accéder au perfectionnement professionnel, de progresser dans leur carrière, de conserver leur emploi et de concilier l’engagement dans leur métier avec des situations de santé particulières. Le CESE réserve un accueil positif à la publication et à la diffusion du document intitulé «Reasonable accommodation at work — Guidance and good practice» («Les aménagements raisonnables au travail — Lignes directrices et bonnes pratiques»), qui devrait toutefois s’accompagner d’initiatives qui s’attachent à en homogénéiser l’application dans les différents États;

4.1.9.

souscrit à la vision de la stratégie européenne en faveur des droits des personnes handicapées, lorsqu’elle fait valoir qu’il serait possible d’améliorer les perspectives d’emploi des personnes handicapées en offrant une assistance aux employeurs pour que les lieux de travail deviennent plus inclusifs. Ils ignorent bien souvent, tout comme les intéressés eux-mêmes, l’existence de mesures qui encouragent leur embauche, d’où la nécessité de mieux coordonner les politiques qui s’appliquent au marché du travail;

4.1.10.

s’accorde à penser que s’agissant de conférer à la stratégie un caractère plus contraignant, il y a lieu d’adopter en la matière des lignes directrices visant à rendre les services publics de l’emploi plus opérants et efficaces, comme le conseillait d’ailleurs, dans le quatrième alinéa de la ligne directrice no 6, la décision du Conseil du 16 juillet 2018 relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres (12). Il importe, en particulier de définir des normes afin d’effectuer un relevé homogène et une comparaison des modèles, des services et des prestations que fournissent les services publics de l’emploi, en leur appliquant une évaluation comparative visant à dégager les bonnes pratiques sur la base de données réelles et à encourager l’apprentissage mutuel;

4.1.11.

partage et soutient la préconisation, formulée dans le train de mesures sur l’emploi, qui entend dépasser les démarches de travail protégé, en encourageant la transition vers le marché du travail ouvert, notamment avec le soutien direct des services publics de l’emploi, mais aussi en favorisant un renforcement des politiques positives pour l’emploi.

Bruxelles, le 18 septembre 2024.

Le président

du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)   https://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=27037&langId=en.

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur «La situation des femmes handicapées» ( JO C 367 du 10.10.2018, p. 20).

(3)   JO L 303 du 2.12.2000, p. 16.

(4)  Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (JO L 303 du 2.12.2000, p. 16) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32000L0078.

(5)  Décision no 573/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’amélioration de la coopération entre les services publics de l’emploi (SPE) (JO L 159 du 28.5.2014, p. 32).

(6)  Réglement (UE) n ° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE (JO L 187 du 26.6.2014, p. 1) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02014R0651-20230701.

(7)   https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=fr&pubId=8612&furtherPubs=yes.

(8)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Union de l’égalité: Stratégie en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030» ( JO C 374 du 16.9.2021, p. 50).

(9)   https://social.desa.un.org/issues/disability/crpd/convention-on-the-rights-of-persons-with-disabilities-articles.

(10)   Observation générale no 8 (2022) sur le droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi.

(11)  Déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique (JO C 23 du 23.1.2023, p. 1) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:JOC_2023_023_R_0001.

(12)  Décision (UE) 2018/1215 du Conseil du 16 juillet 2018 relative aux lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres ( JO L 224 du 5.9.2018, p. 4.


ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/6875/oj

ISSN 1977-0936 (electronic edition)