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Journal officiel |
FR Série C |
C/2024/3995 |
17.7.2024 |
P9_TA(2023)0268
La loi électorale, la commission d'enquête et l'état de droit en Pologne
Résolution du Parlement européen du 11 juillet 2023 sur la loi électorale, la commission d’enquête et l’état de droit en Pologne (2023/2747(RSP))
(C/2024/3995)
Le Parlement européen,
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vu le traité sur l’Union européenne (traité UE), et notamment son article 2, son article 4, paragraphe 3, et son article 7, paragraphe 1, |
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vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après «la charte»), |
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vu le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (1), |
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vu la convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles, |
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vu sa résolution du 17 septembre 2020 sur la proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’état de droit (2), |
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vu ses résolutions du 16 janvier 2020 et du 5 mai 2022 sur les auditions en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Pologne et la Hongrie (3), |
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vu sa résolution du 9 juin 2022 sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national (FRR) polonais (4), |
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vu sa résolution du 21 octobre 2021 sur la crise de l’état de droit en Pologne et la primauté du droit de l’Union (5), |
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vu sa résolution du 16 septembre 2021 sur la liberté des médias et la nouvelle détérioration de l’état de droit en Pologne (6), |
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vu la lettre des chefs de cinq groupes politiques au Parlement européen du 6 juin 2023 sur la nécessité d’une mission d’observation électorale à grande échelle pour les élections législatives en Pologne, |
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vu les chapitres consacrés à la situation en Pologne dans les rapports annuels de la Commission sur l’état de droit, |
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vu la résolution intérimaire du Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 7 juin 2023 sur l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Xero Flor w Polsce sp. z o.o. c. Pologne, |
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vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur, |
A. |
considérant que l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit et de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, valeurs proclamées à l’article 2 du traité UE, reflétées dans la charte et inscrites dans les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme; |
B. |
considérant que, conformément à l’article 49 du traité UE, l’Union regroupe des États qui ont librement et volontairement adhéré aux valeurs communes visées à l’article 2 du traité UE; |
C. |
considérant que le respect par un État membre des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE est une condition de la jouissance de l’ensemble des droits découlant de l’application des traités à cet État membre; que la Pologne elle-même a adhéré aux valeurs inscrites à l’article 2 du traité UE; qu’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE ne concerne pas uniquement cet État membre, mais qu’il a une incidence considérable sur les autres États membres, sur la confiance mutuelle entre eux, sur la nature même de l’Union et sur les droits fondamentaux de ses citoyens; |
D. |
considérant que, depuis plusieurs années, l’état de droit se détériore en Pologne en raison des actions systématiques de son gouvernement; que cette situation n’a pas été suffisamment prise en compte, que de nombreuses préoccupations subsistent et que de nombreux nouveaux problèmes continuent de se poser; que cela a une incidence négative sur l’image de l’Union, ainsi que sur son efficacité et sa crédibilité dans la défense des droits fondamentaux, des droits de l’homme et de la démocratie dans le monde; que ce problème doit être résolu par une action concertée de l’Union; |
E. |
considérant que, le 26 janvier 2023, la Diète, chambre basse du parlement polonais, a adopté des modifications au code électoral du pays, qui sont entrées en vigueur le 31 mars 2023, moins de six mois avant la convocation prévue des élections législatives; que cela constitue une violation du code de bonne conduite en matière électorale adopté par la Commission de Venise ainsi que de la jurisprudence du tribunal constitutionnel polonais; |
F. |
considérant que, le 14 avril 2023, la Diète a adopté la loi sur la commission nationale chargée d’enquêter sur l’influence russe sur la sécurité intérieure de la République de Pologne entre 2007 et 2022 (loi sur la commission nationale d’enquête); que, le 8 juin 2023, la Commission a ouvert une procédure d’infraction, considérant que la nouvelle loi viole le principe de démocratie, les principes de légalité et de non-rétroactivité des sanctions, les principes généraux de sécurité juridique et d’autorité de la chose jugée, les droits à une protection juridictionnelle effective et à ne pas être poursuivi deux fois pour la même cause, et la protection du secret professionnel, ainsi que les exigences du droit de l’Union en matière de protection des données; que, le 16 juin 2023, la Diète a adopté des modifications à la loi sur la commission nationale d’enquête sans la modifier de manière substantielle; |
G. |
considérant que, le 13 janvier 2023, la Diète a adopté des modifications à la loi sur la Cour suprême et à certaines autres lois; que le président polonais a décidé, avant de signer le projet de loi contenant ces modifications, de saisir le tribunal constitutionnel pour qu’il se prononce sur sa conformité avec la constitution du pays; que, le 15 février 2023, la Commission a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’un recours contre la Pologne pour violation du droit de l’Union par le tribunal constitutionnel et sa jurisprudence; que, le 5 juin 2023, la CJUE a réaffirmé une nouvelle fois dans l’affaire C-204/21 que les dispositions nationales polonaises relatives au pouvoir judiciaire violaient l’état de droit; |
H. |
considérant que, le 17 juin 2022, le Conseil a adopté sa décision d’exécution relative à l’approbation de l’évaluation du plan pour la reprise et la résilience de la Pologne, qui fixe plusieurs jalons qui devraient être effectivement mis en œuvre avant la présentation de la première demande de paiement; |
1. |
rappelle les conclusions, préoccupations et recommandations formulées dans ses précédentes résolutions sur la Pologne; condamne les tentatives systématiques et délibérées du gouvernement polonais de saper les valeurs fondatrices de l’Union consacrées à l’article 2 du traité UE, en particulier l’état de droit; rappelle que le gouvernement polonais est responsable du rétablissement du respect du droit de l’Union et des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE; |
2. |
se déclare profondément préoccupé par les modifications au code électoral polonais adoptées peu de temps avant les prochaines élections législatives de 2023 dans le pays et à l’horizon des élections au Parlement européen de 2024; indique que ces modifications peuvent avoir un effet discriminatoire en ce qui concerne les limites de dépouillement des votes exprimés par les électeurs à l’étranger, ce qui risque d’invalider ces votes; rappelle que la chambre extraordinaire de contrôle et d’affaires publiques de la Cour suprême polonaise, qui est compétente en matière de litiges électoraux, ne peut être considérée comme un tribunal indépendant et impartial préalablement établi par la loi au sens de la charte et de la convention européenne des droits de l’homme; prie instamment les autorités polonaises de mettre leur conduite des élections en conformité avec les engagements qu’ont pris les membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et avec d’autres obligations et normes internationales en matière d’élections démocratiques; demande que les dispositions nationales soient mises en conformité avec les recommandations de la mission d’observation électorale limitée du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE en 2019 ainsi qu’avec les recommandations de la Commission de Venise sur la législation électorale; invite le BIDDH de l’OSCE à organiser une mission d’observation électorale à grande échelle pour les prochaines élections législatives en Pologne; invite la Commission à évaluer d’urgence si les récentes modifications du code électoral polonais sont conformes au droit de l’Union, à partager les résultats de cette évaluation avec le Parlement européen et à prendre les mesures coercitives appropriées au cas où ces modifications seraient jugées non conformes; |
3. |
se félicite de la procédure d’infraction accélérée de la Commission concernant la loi sur la commission nationale d’enquête; prie instamment les autorités polonaises d’abroger cette loi ou, à tout le moins, d’en suspendre les effets jusqu’à ce que la Commission de Venise ait rendu son avis d’urgence demandé par la commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et que la loi ait été modifiée conformément à cet avis; invite la Commission à poursuivre la procédure d’infraction dans les plus brefs délais si la loi reste en vigueur, notamment en recourant à une procédure d’infraction accélérée et en demandant à la CJUE des mesures provisoires; |
4. |
rappelle sa position, à savoir que l’actuel tribunal constitutionnel polonais est illégitime, manque de validité juridique et d’indépendance et n’est pas qualifié pour interpréter la constitution du pays, et que son avis sur les modifications apportées à la loi sur la Cour suprême et à certaines autres lois devrait par conséquent être considéré comme nul et non avenu; invite la Commission à progresser dans ses procédures judiciaires dans les meilleurs délais et à demander également à la CJUE des mesures provisoires dans l’affaire pendante concernant le tribunal constitutionnel; demande une nouvelle fois à la Commission d’engager d’urgence une procédure d’infraction concernant le Conseil national de la magistrature (CNM), illégitime, et tous les juges qu’il a nommés, en particulier ceux nommés à la chambre extraordinaire de contrôle et d’affaires publiques de la Cour suprême, qui examine les litiges électoraux; |
5. |
se déclare profondément préoccupé par le fait que les modifications apportées à la loi sur la Cour suprême et à certaines autres lois, si elles étaient adoptées telles qu’elles sont proposées, conféreraient à la Cour administrative suprême un nouveau mandat pour traiter les affaires disciplinaires impliquant des juges sans faire de distinction entre les juges nommés légalement et ceux nommés par le CNM, illégitime; considère que ces modifications ne résolvent pas le problème du système disciplinaire des juges polonais, qui ne respecte pas le droit de l’Union; |
6. |
regrette, une fois encore, que le Conseil n’ait pas obtenu de véritables avancées dans le cadre des procédures en cours engagées au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Pologne; note que la proposition motivée de la Commission du 20 décembre 2017 a une portée limitée, à savoir qu’elle se limite à la situation de l’état de droit en Pologne au sens strict de l’indépendance du pouvoir judiciaire; demande une nouvelle fois à la Commission d’élargir le champ d’application de la proposition motivée concernant la Pologne en y incluant des risques clairs de violations graves d’autres valeurs fondamentales consacrées à l’article 2 du traité UE, en particulier la démocratie et le respect des droits de l’homme; demande une nouvelle fois au Conseil de considérer toute nouvelle évolution affectant l’état de droit, la démocratie et les droits fondamentaux; demande une nouvelle fois au Conseil de donner suite aux recommandations dans le cadre de la présente procédure; |
7. |
demande une nouvelle fois à la Commission d’utiliser pleinement tous les outils dont elle dispose afin de remédier aux violations existantes et potentielles des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE; |
8. |
prie instamment la Commission de s’abstenir de toute action ou déclaration qui pourrait indiquer l’existence de négociations ou d’accords opaques qui préjugent de la position officielle des institutions; souligne que la Commission est chargée d’évaluer de manière indépendante et objective le respect par la Pologne des jalons et des conditions, sans compromettre la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux; déplore le manque d’informations mises à la disposition du Parlement en ce qui concerne l’évaluation par la Commission du respect, par les autorités polonaises, des jalons et des conditions, ce qui entrave la capacité du Parlement à exercer son rôle d’autorité budgétaire et de décharge; invite la Commission à respecter le rôle du Parlement; |
9. |
demande une nouvelle fois aux autorités polonaises d’atteindre les jalons et cibles liés à la facilité pour la reprise et la résilience et de mettre en œuvre tous les arrêts pertinents de la CJUE ainsi que de la Cour européenne des droits de l’homme, afin que les fonds de l’Union parviennent à la population polonaise; |
10. |
invite la Commission à présenter une proposition visant à mettre en place un laboratoire européen des technologies chargé de surveiller l’utilisation éventuelle de logiciels espions avant ou pendant les élections législatives; |
11. |
charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et aux Nations unies. |
(1) JO L 57 du 18.2.2021, p. 17.
(2) JO C 385 du 22.9.2021, p. 317.
(3) JO C 270 du 7.7.2021, p. 91; JO C 465 du 6.12.2022, p. 147.
(4) JO C 493 du 27.12.2022, p. 108.
ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/3995/oj
ISSN 1977-0936 (electronic edition)