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Journal officiel
de l'Union européenne

FR

Séries C


C/2023/865

8.12.2023

Avis du Comité économique et social européen sur

a) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant un certificat complémentaire de protection unitaire pour les produits phytopharmaceutiques

[COM(2023) 221 final — 2023/0126 (COD)]

b) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant un certificat complémentaire de protection unitaire pour les médicaments et modifiant les règlements (UE) 2017/1001, (CE) no 1901/2006 et (UE) no 608/2013

[COM(2023) 222 final — 2023/0127 (COD)]

c) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques (refonte)

[COM(2023) 223 final — 2023/0128 (COD)]

d) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises et modifiant le règlement (CE) no 816/2006

[COM(2023) 224 final — 2023/0129 (COD)]

e) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (refonte)

[COM(2023) 231 final —2023/0130 (COD)]

et f) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les brevets essentiels liés à une norme et modifiant le règlement (UE) 2017/1001

[COM(2023) 232 final — 2023/0133 (COD)]

(C/2023/865)

Rapporteur:

Rudolf KOLBE

Consultation

a)

Conseil de l’Union européenne, 6.9.2023

Commission européenne, 2.6.2023

b)

Conseil de l’Union européenne, 6.9.2023

Commission européenne, 2.6.2023

c)

Parlement européen, 11.9.2023

Conseil de l’Union européenne, 7.9.2023

d)

Parlement européen, 12.6.2023

Conseil de l’Union européenne, 12.6.2023

e)

Parlement européen, 11.9.2023

Conseil de l’Union européenne, 7.9.2023

f)

Parlement européen, 15.6.2023

Conseil de l’Union européenne, 21.6.2023

Base juridique

a)

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

b)

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

c)

Article 114, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

d)

Articles 114 et 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

e)

Article 114, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

f)

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

4.9.2023

Adoption en session plénière

20.9.2023

Session plénière no

581

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de l’intention de la Commission européenne de prendre des mesures en matière de certificats complémentaires de protection (CCP), et en particulier du projet visant à créer un nouveau CCP centralisé, non seulement pour les brevets européens «traditionnels», mais aussi pour les brevets européens à effet unitaire (brevets unitaires). Ces mesures sont essentielles à la mise en place d’un système de brevets plus harmonisé au sein de l’Union. Les propositions à l’examen relatives à la mise en place d’un processus centralisé pour obtenir des CCP, ainsi que les propositions visant à améliorer les règlements existants en ce qui concerne les CCP pour les médicaments et les produits phytopharmaceutiques, sont tout à fait bienvenues. Certains détails de ces propositions doivent encore être clarifiés (voir paragraphe 3 ci-dessous), mais le concept général a été bien accueilli.

1.2.

La proposition de système centralisé pour les brevets essentiels liés à une norme (BEN) est susceptible de promouvoir efficacement la transparence et la prévisibilité des BEN. Toutefois, en raison de sa complexité technique et juridique, la mise en place de procédures et d’un traitement administratif appropriés pour établir le caractère essentiel et les conditions FRAND (équitables, raisonnables et non discriminatoires) d’un BEN donné constituera un défi majeur dans le cadre de ce projet. Le CESE demande donc à la Commission de poursuivre l’examen du projet, sur la base de l’option 4, et d’envisager d’associer davantage les experts et les autorités compétentes, y compris la juridiction unifiée du brevet (JUB) (voir paragraphe 5 ci-dessous).

1.3.

Assorties d’une approche appropriée et transparente des BEN, les nouvelles propositions en matière de CCP se révéleront particulièrement avantageuses pour les PME innovantes au sein de l’Union. Ces propositions peuvent s’inscrire dans le cadre d’un système amélioré de l’Union européenne (UE) en matière de propriété intellectuelle (PI) permettant des investissements compétitifs dans les PME européennes innovantes, notamment en autorisant les jeunes entreprises européennes à amener leurs idées innovantes sur le marché, qu’il s’agisse du marché unique ou des marchés en dehors de l’UE.

1.4.

La crise de la COVID-19 et la manière dont l’UE l’a gérée avec succès ont montré que la mise à disposition de produits nécessaires en cas de crise, tels que les vaccins contre la COVID-19, n’a pas interféré avec les brevets de ces produits et technologies. Il est pertinent et primordial que le système de brevets prévoie un système d’octroi de licences obligatoires qui soit transparent et équitable pour toutes les parties prenantes (les titulaires de droits, les titulaires de licences potentiels et le public) et protège les droits fondamentaux (voir également les paragraphes 2.5 et 4 ci-dessous). La proposition à l’examen ne répond pas à ces critères, dans la mesure où elle n’est conforme ni à la convention européenne des droits de l’homme (CEDH), ni aux normes minimales requises par l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord sur les ADPIC) (1). L’actuelle proposition d’octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises n’établit pas de système de procès équitable et transparent (2) dans lequel le titulaire du brevet a le statut de partie à part entière (3) et n’apporte pas de voies de recours spécifiques (4), ce qui n’est pas approprié pour un tel acte d’expropriation.

1.5.

Le CESE recommande que la mise en place d’un octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises pour les brevets européens et unitaires soit traitée par une juridiction qui soit aussi techniquement compétente, telle que la JUB, sur la base d’un cadre juridique et procédural transparent, qui devrait être élaboré sur la base de l’article 5, paragraphe A, points 2) et 4), de la Convention de Paris, de l’article 31 de l’accord sur les ADPIC et des orientations de la jurisprudence nationale. L’octroi de licences obligatoires pour les brevets nationaux et les modèles d’utilité nationaux devrait être effectué par les autorités et juridictions nationales déjà compétentes dans le domaine des demandes de licences obligatoires pour la gestion de crises, en s’inspirant d’une directive européenne appropriée relative à ce sujet et correspondant au droit et à la pratique en ce qui concerne les procédures devant la JUB.

2.   Observations générales

2.1.

Les brevets unitaires et la JUB devraient être davantage intégrés dans les propositions à l’examen. Les juges de la JUB, et en particulier les juges qualifiés sur le plan technique, sont les personnes les plus aptes à traiter les questions techniques et juridiques complexes visées dans les trois projets. Ils ont une connaissance approfondie des pratiques en matière de brevets et des domaines technologiques pertinents, concernant soit les brevets liés aux médicaments et aux produits phytopharmaceutiques pour les CCP et les octrois de licences obligatoires pour la gestion de crises, soit les brevets liés aux technologies de l’information pour les BEN. Dans les faits, la JUB jouit déjà d’une compétence exclusive pour statuer sur la validité des CCP et des BEN, ainsi que pour toute «défense afférente» d’un défendeur dans des affaires de contrefaçon de brevets, y compris les demandes reconventionnelles concernant les licences (5), qui comprennent les licences basées sur les principes FRAND. Par conséquent, les octrois de licences obligatoires pour la gestion de crises pourraient aussi relever des compétences de la JUB. En outre, cette juridiction pourrait servir d’instance de recours compétente pour les recours contre les décisions relatives aux CCP (et cette solution pourrait être établie immédiatement de manière simple en ce qui concerne les CCP pour les brevets unitaires) ou aux BEN prises par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dans le cadre d’une procédure en première instance. Ces recours pourraient être introduits de la même manière que les procédures de recours pour les questions liées à l’article 32, paragraphe 1, point i), de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet (6) déjà disponible. En tant que «fleuron des juridictions spécialisées en matière de brevets», la JUB devrait être associée et pleinement intégrée aux projets actuels. Cette approche permettrait également d’éviter l’établissement d’un système fragmenté entre l’EUIPO et la JUB.

2.2.

L’EUIPO est la plateforme centrale pour l’enregistrement des marques de l’Union européenne (MUE) et des dessins ou modèles communautaires, ainsi que pour les questions connexes de protection de la propriété intellectuelle (7). Jusqu’à présent, l’EUIPO n’est pas impliqué dans les grandes questions en matière de brevets. Néanmoins, les propositions à l’examen recommandent d’établir les procédures administratives requises pour chacun des trois projets à l’EUIPO. Les projets concernés (CCP, BEN et octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises) peuvent comporter des questions techniques et juridiques complexes, telles que:

a)

le fait de savoir si un produit, pour lequel un CCP est demandé, est protégé par un brevet de base en vigueur [article 3, paragraphe 1, point a), des propositions relatives au CCP]. Cette question a été soulevée dans de nombreuses affaires devant la CJUE;

b)

le fait de savoir si un brevet est un BEN [article 20 de la proposition concernant les BEN, y compris les contrôles du caractère essentiel au titre V: «au moins une revendication de brevet doit correspondre avec au moins une exigence ou recommandation à la norme, désignée par une référence, une version (et/ou une édition) et une sous-clause»];

c)

la détermination des conditions FRAND (titre VI de la proposition concernant les BEN); ou

d)

le fait de savoir si une expropriation du titulaire du droit par un octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises est justifiée et «strictement limitée aux activités pertinentes des produits nécessaires en cas de crise dans l’Union», et si la redevance pour l’octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises est «adéquate» (articles 4 et 5 de la proposition relative à l’octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises à l’examen).

Ces questions sont généralement traitées dans le cadre de procédures nationales par les autorités administratives et devant les tribunaux, où interviennent des juges, des juristes et des représentants qualifiés sur les plans technique et juridique.

2.3.

Bien que la participation de ce personnel spécialisé puisse être mise en pratique par la création de «panels d’examen», comme le suggère l’article 17 des propositions relatives au CCP, étant donné que les experts du CCP des offices nationaux des brevets établis peuvent participer, le «centre de compétences», dont la création est proposée au sein de l’EUIPO pour effectuer les contrôles du caractère essentiel et des conditions FRAND, ne fournit pas encore, sous la forme proposée, les instruments et la main-d’œuvre requis pour les tâches prévues, car les exigences applicables aux évaluateurs et conciliateurs qualifiés n’ont pas été définies de manière satisfaisante.

2.4.

Les systèmes linguistiques proposés pour les projets à l’examen sont difficiles à mettre en œuvre. Les processus impliquant des brevets, en particulier ceux qui nécessitent d’évaluer l’étendue de la protection d’un brevet donné [tels que les contrôles du caractère essentiel (pour les BEN) et ceux visant à déterminer si un produit relève d’un brevet de base (pour les CCP)], sont loin d’être négligeables et toute exigence de traduction augmente leur complexité. Si les traductions générées par ordinateur sont déjà très bénéfiques dans le domaine des brevets [considérants 11 à 13 du règlement (UE) no 1260/2012 du Conseil (8)], l’échange d’instructions de procédure au cours d’une procédure d’examen ou d’une procédure impliquant plus d’une partie, comme dans une procédure d’opposition, nécessite un régime linguistique clair et transparent. Dans le domaine des brevets, le système trilingue (allemand, anglais et français) de l’Office européen des brevets (OEB) a déjà fait ses preuves. Étant donné que tous les brevets unitaires sont délivrés dans l’une de ces trois langues, l’emploi des langues de l’OEB ou de «l’anglais uniquement» peut également constituer un système approprié pour les trois projets. Les utilisateurs pour lesquels l’emploi de ce système linguistique, par ailleurs pratique, entraîne une charge supplémentaire, tels que les PME désavantagées en raison du système linguistique, peuvent bénéficier d’une compensation appropriée.

2.5.

La crise de la COVID-19 a démontré combien il importe que les entreprises innovantes de l’UE (telles que BioNTech, qui a élaboré un vaccin à ARNm efficace contre la COVID-19) aient accès à un système de brevets solide permettant, entre autres, un financement adéquat aux premiers stades du développement de leurs concepts innovants (tels que le développement de la technologie à ARNm pour les vaccins). Sans ces titres fondés sur la propriété intellectuelle et sans un environnement d’investissement financier approprié, il aurait été impossible de concrétiser les modalités et les évolutions qui ont conduit à la fourniture rapide et fructueuse des produits nécessaires pour faire face à la crise.

3.   Observations particulières sur les propositions relatives au CCP

3.1.

Les propositions concernant le CCP pourraient permettre de surmonter certains problèmes de compétences, tels que:

a)

la jurisprudence «Medeva» (C-322/10: les «principes actifs qui ne sont pas mentionnés dans le libellé des revendications du brevet de base» ne peuvent être des «produits» admissibles pour une protection par CCP);

b)

la jurisprudence «Smithkline» de la CJUE (C-181/95: le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, qui a réalisé des investissements importants dans un produit, peut simplement être contourné); ou

c)

la question de savoir dans quelles circonstances plus d’un CCP peut être délivré pour le même «produit» [jurisprudence de la CJUE fondée sur l’arrêt rendu dans l’affaire C-482/07 (ci-après l’«arrêt AHP Manufacturing»)].

Cette approche rend le système plus prévisible, ce qui est particulièrement avantageux pour les PME innovantes.

3.2.

Toutefois, les propositions suivantes sont formulées pour déterminer les intentions figurant dans les considérants. Pour passer outre la jurisprudence «Medeva» (C-322/10), la disposition pertinente concernant l’étendue de la protection (tant des brevets européens que des brevets unitaires), à savoir l’article 69 de la Convention sur le brevet européen (CBE) relatif à l’étendue de la protection, devrait être incluse dans la définition d’un «brevet de base» figurant à l’article 2 des projets de règlements:

 

«un “brevet de base” est un brevet qui protège, selon l’étendue de la protection telle que définie à l’article 69 de la CBE, y compris le protocole sur l’interprétation de l’article 69 de la CBE, un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat».

Par conséquent, il convient de supprimer le terme «strictement» figurant aux considérants 16 et 18 des règlements révisés sur les CCP.

3.3.

Les considérants des propositions à l’examen abordent la jurisprudence «Smithkline» de la CJUE (C-181/95) (aucun CCP n’est délivré sans le consentement du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché). Cependant, les propositions de règlement ne comprennent aucune disposition visant à préserver les droits du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché. En conséquence, des dispositions doivent être incluses pour prendre ces droits en considération, par exemple comme une question dans le cadre d’une procédure d’examen ou, à tout le moins, comme un motif d’opposition (ce motif devrait alors être limité au titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou à son ayant droit).

3.4.

Les propositions en matière de CCP visent à prévoir «toutes les langues de l’UE» pour les demandes de CCP centralisées. Bien que cela puisse être faisable pour la demande [sauf si une déclaration concernant l’article 3, paragraphe 1, point a) (9), est faite volontairement], ce régime linguistique n’est pas adapté à l’ensemble du processus. En pratique, après le dépôt de la demande initiale dans le cadre d’une procédure de CCP, les arguments juridiques, qui sont souvent étroitement liés d’un point de vue technique, peuvent être complexes et beaucoup plus difficiles à traduire de manière automatique dans toutes les langues de l’Union sous la forme d’une liste de produits et services d’une MUE ou d’un dessin ou modèle communautaire. Cela vaut tout particulièrement étant donné que les tiers ont la possibilité d’observer une procédure contre la délivrance d’un CCP, d’obtenir des preuves ou de s’y opposer. En outre, la définition juridique et les implications d’une «traduction automatique vérifiée» devraient également être incluses dans les propositions.

3.5.

Trouver des personnes qualifiées d’un point de vue juridique et technique pour mener à bien les démarches prévues pour les propositions concernant le CCP constitue un défi de taille. La mise en place d’une procédure de recours appropriée devant l’EUIPO et devant le Tribunal s’avère encore plus compliquée. Les actuelles chambres de recours de l’EUIPO sont les plus compétentes pour traiter les questions relatives aux marques de l’Union européenne et aux dessins ou modèles communautaires. Elles n’ont aucune compétence en matière de brevets ou de CCP. Il est donc nécessaire que des procédures de recours justes et appropriées établissent la possibilité d’introduire des recours après les premières instances de l’EUIPO pour les questions relatives au CCP, qui seront supervisées par un organe disposant d’une compétence élevée dans les deux domaines (brevets et CCP), tel que la JUB (voir paragraphes 2.1 et 2.2 ci-dessus).

3.6.

Les CCP sont normalement représentés par des conseils en brevets nationaux ou européens qualifiés, car les questions y afférentes nécessitent une qualification et une compréhension approfondies des détails juridiques et techniques (chimiques/biologiques) de toute affaire en la matière. À cet effet, il convient de garantir le droit de représenter pleinement les clients dans une procédure d’obtention d’une protection centralisée par CCP sans frais supplémentaires inutiles. Bien que cela ne pose pas de problème dans les procédures devant l’EUIPO, y compris les chambres de recours de l’EUIPO (ou la JUB), le droit de représentation continue par des conseils en brevets qualifiés devant le Tribunal dans les procédures contre les décisions des chambres de recours de l’EUIPO (10) et dans les procédures ultérieures devant la CJUE doit être inclus dans les propositions concernant le CCP. Si les conseils en brevets qualifiés ont toujours eu et ont encore le droit de représenter leurs affaires en matière de CCP devant la CJUE (en tant que représentants dans le cadre des saisines de la CJUE au titre de l’article 267 du TFUE), ce droit devrait également être explicitement reconnu en ce qui concerne le Tribunal. Le fait d’exclure les conseils en brevets de la possibilité de représenter des clients devant les juridictions de l’UE et la nécessité d’engager un avocat pour cette étape tardive aboutiraient à un résultat très inéquitable et entraîneraient d’importants coûts supplémentaires dont souffriraient considérablement les PME innovantes. Par ailleurs, une qualification spécifique de conseil en brevets de haut niveau a été créée conjointement avec la JUB, à savoir le certificat européen dans le domaine du contentieux des brevets, qui permet à ses titulaires de représenter des clients devant la JUB et dans le cadre de saisines de la JUB devant la CJUE au titre du CCP en vertu de l’article 267 du TFUE. Ces titulaires, en tant que représentants, doivent donc avoir pleinement accès à toutes les procédures possibles dans le cadre des propositions à l’examen.

4.   Observations spécifiques sur la proposition d’octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises

4.1.

Comme déjà mentionné ci-dessus (paragraphe 1.4), la crise de la COVID-19 a montré que la protection par brevet n’empêchait pas le lancement rapide de produits vaccinaux. La possibilité de le faire était toutefois fondée sur de nombreuses années d’évolutions antérieures des différentes plateformes de vaccins, y compris les plateformes de vaccins traditionnelles, mais aussi des plateformes innovantes, telles que les vaccins qui reposent sur l’ARNm. La fourniture de brevets solides et efficaces et d’un environnement efficace et équilibré pour faire respecter les brevets était et demeure essentielle à tout processus d’innovation et sera indispensable à toutes les futures évolutions nécessaires pour relever et surmonter les défis à venir, tels que le changement climatique ou les futures pandémies, grâce aux nouvelles technologies.

4.2.

Le système de brevets a établi des équilibres pour limiter la protection conférée par les brevets, si nécessaire. L’instrument traditionnel pour assurer un tel équilibre était le système de licences obligatoires (11) mis en place au niveau international par la révision de la Convention de Paris à La Haye en 1925 (12), afin d’alléger l’instrument prévu précédemment contre la non-utilisation d’une invention brevetée, à savoir la déchéance. À partir de cette date, la déchéance du brevet n’était possible que si la concession de licences obligatoires n’avait pas «suffi pour prévenir ces abus» (c’est-à-dire le non-fonctionnement d’inventions brevetées).

4.3.

Tous les États parties à la Convention de Paris ont donc mis en place des systèmes appropriés et équilibrés pour établir des licences obligatoires (13). Étant donné que l’octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises va gravement à l’encontre du «droit de propriété», il s’agit d’un acte d’expropriation. La procédure concernant cet octroi doit donc impliquer les parties concernées, à tout le moins le titulaire du brevet, en tant que potentiel donneur de licence pour la licence obligatoire pour la gestion de crises, et le demandeur de cette licence obligatoire, en tant que potentiel preneur de ladite licence.

4.4.

Il est donc pertinent et primordial que le système de brevets prévoie un système de licences obligatoires qui soit transparent, rapide et équitable pour toutes les parties prenantes, ce qui suppose la compétence de la première instance et de la ou des instances de recours en matière d’interprétation tant technique que juridique des brevets. La JUB a mis en place, sur la base de son règlement de procédure, un système de règlement des litiges en matière de brevets qui vise à rendre de telles décisions compétentes en première instance dans un délai d’un an, ce qui constitue également un délai acceptable pour les processus d’octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises.

4.5.

Le CESE recommande dès lors que la mise en place d’un octroi de licences obligatoires pour la gestion de crises pour les brevets européens et unitaires soit traitée par la JUB ou par une juridiction dotée de compétences techniques et spécifiques comparables sur la base d’un cadre juridique et procédural transparent, qui devrait être élaboré sur la base de l’article 5, paragraphe A, point 4), de la Convention de Paris (14), de l’article 31 de l’accord sur les ADPIC et des orientations de la jurisprudence nationale. Les autorités et juridictions nationales établies devraient accorder des licences obligatoires pour les brevets nationaux et les modèles d’utilité nationaux, en s’inspirant d’une directive européenne appropriée correspondant au droit et à la pratique dans le cadre de la procédure devant la JUB.

5.   Observations particulières sur la proposition relative aux BEN

5.1.

Comme déjà indiqué au paragraphe 1.2 ci-dessus, déterminer si un brevet est ou non un BEN n’est pas une tâche facile. Selon la proposition à l’examen, cette tâche, qui nécessite souvent des centaines d’heures de travail dans les procédures judiciaires, est effectuée dans le cadre d’une discussion entre un évaluateur de l’EUIPO et les titulaires d’un BEN. Tout contrevenant présumé ne faisant pas partie de l’évaluation pourra contester ces résultats devant le tribunal. En outre, si un évaluateur n’est pas d’accord avec le titulaire, il doit exister une possibilité de recours pour contester cette décision de l’EUIPO. Ici également (voir paragraphes 2.1 et 3.5 ci-dessus), la JUB doit être établie en tant qu’instance de recours compétente.

5.2.

La proposition ne suggère pas combien de ressources sont nécessaires pour chaque évaluation, étant donné qu’elles sont payées par les utilisateurs du système. Il s’agit d’une tâche supplémentaire qui représentera une charge pour les titulaires de BEN, dans la mesure où ils seront tenus de procéder à une évaluation supplémentaire de brevets qui pourraient ne jamais être utilisés en détail dans les négociations d’octroi de licences ou dans les litiges. Ici aussi, il convient de se demander où l’EUIPO trouvera les professionnels pour mener à bien cette activité.

5.3.

Le CESE prend note du titre VIII de la proposition relative aux BEN, qui prévoit des formations, des conseils et un soutien pour les micro-, petites et moyennes entreprises, ainsi que des conditions FRAND spécifiques pour ces entreprises, et il les accueille très favorablement.

Bruxelles, le 20 septembre 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Les procédures doivent garantir un procès équitable, y compris le droit à un recours effectif (articles 6 et 13 de la CEDH, et articles 42 et 59 de l’accord sur les ADPIC).

(2)  Article 7, paragraphe 7, de la proposition relative à l’octroi de licences obligatoires à l’examen.

(3)  Le titulaire du brevet dispose uniquement de «la possibilité de formuler des observations» à propos de l’article 7, paragraphe 3, de la proposition relative à l’octroi de licences obligatoires à l’examen.

(4)  L’article 21 de la proposition relative à l’octroi de licences obligatoires à l’examen prévoit uniquement un contrôle par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) des «amendes» ou des «paiements», sans préciser qui peut agir ou engager un tel examen, et dans quelles circonstances.

(5)  Article 32, paragraphe 1, point a), de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet.

(6)   «[L]es actions concernant les décisions prises par l’Office européen des brevets dans l’exercice des tâches visées à l’article 9 du règlement (UE) no 1257/2012».

(7)  Par l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

(8)  Règlement (UE) no 1260/2012 du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction (JO L 361 du 31.12.2012, p. 89).

(9)  Concernant la raison pour laquelle le produit est protégé par le brevet de base et la manière dont il est protégé.

(10)  Article 28, paragraphe 6, des propositions concernant le CCP centralisé et article 29, paragraphe 6, des règlements révisés concernant le CCP.

(11)  Sur la base d’une proposition initialement soumise par Ratkowsky dès 1870 dans «Zur Reform des Patentrechts. Vermittelnde Vorschläge» (Vienne).

(12)  Introduisant les actuels points 2) à 4) de l’article 5, paragraphe A, dans la Convention de Paris.

(13)  Y compris les exigences définies aux articles 30 et 31 de l’accord sur les ADPIC.

(14)  Sous réserve de certaines modifications concernant les délais absolus à l’article 5, paragraphe A, point 4), de la Convention de Paris.


ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2023/865/oj

ISSN 1977-0936 (electronic edition)