ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 184

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

66e année
25 mai 2023


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

577e session plénière du Comité économique et social européen, 22.3.2023-23.3.2023

2023/C 184/01

Résolution du Comité économique et social européen sur le thème Unis pour la démocratie

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

577e session plénière du Comité économique et social européen, 22.3.2023-23.3.2023

2023/C 184/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le plan d’action pour la jeunesse dans l’action extérieure de l’UE de 2022 à 2027 (avis d’initiative)

5

2023/C 184/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le rôle des jeunes dans la transition écologique (avis exploratoire à la demande de la présidence suédoise)

13

2023/C 184/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La construction en bois comme moyen de réduire les émissions de CO2 dans le secteur de la construction (avis exploratoire à la demande de la présidence suédoise)

18


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

577e session plénière du Comité économique et social européen, 22.3.2023-23.3.2023

2023/C 184/05

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures destinées à assurer un niveau élevé d’interopérabilité du secteur public dans l’ensemble de l’Union (règlement pour une Europe interopérable) [COM(2022) 720 final — 2022/0379 (COD)] et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au renforcement de la politique sur l’interopérabilité du secteur public — Relier les services publics, soutenir les politiques publiques et créer un bénéfice collectif — Vers une Europe interopérable[COM(2022) 710 final]

28

2023/C 184/06

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil harmonisant certains aspects du droit de l’insolvabilité [COM(2022) 702 final — 2022/0408 (COD)]

34

2023/C 184/07

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 6/2002 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires et abrogeant le règlement (CE) no 2246/2002 de la Commission [COM(2022) 666 final — 2022/0391 (COD)] et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection juridique des dessins ou modèles (refonte) [COM(2022) 667 final — 2022/0392 (COD)]

39

2023/C 184/08

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Rapport de prospective stratégique 2022 — Garantir le couplage des transitions verte et numérique dans le nouveau contexte géopolitique[COM(2022) 289 final]

45

2023/C 184/09

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne et au Comité économique et social européen — Une voie possible vers un renforcement du système de compensation de l’UE [COM(2022) 696 final] et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) no 648/2012, (UE) no 575/2013 et (UE) 2017/1131 par des mesures visant à atténuer les expositions excessives aux contreparties centrales de pays tiers et à améliorer l’efficience des marchés de la compensation de l’Union [COM(2022) 697 final — 2022/0403 (COD)]

49

2023/C 184/10

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal [COM(2022) 707 final — 2022/0413 (CNS)]

55

2023/C 184/11

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Vers une directive relative aux sanctions pénales applicables en cas de violation du droit de l’Union en matière de mesures restrictives [COM(2022) 249 final], sur la proposition de décision du Conseil relative à l’ajout de la violation des mesures restrictives de l’Union aux domaines de criminalité énoncés à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [COM(2022) 247 final] et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la définition des infractions pénales et des sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives de l’Union [COM(2022) 684 final]

59

2023/C 184/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active [COM(2022) 490 final — 2022/0299 (NLE)]

64

2023/C 184/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement dans le domaine de l’égalité de traitement et de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes en matière d’emploi et de travail [COM(2022) 688 final — 2022/0400 (COD)] et sur la proposition de directive du Conseil relative aux normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement dans les domaines de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, de l’égalité de traitement entre les personnes en matière d’emploi et de travail sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle et de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes en matière de sécurité sociale ainsi que dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, et supprimant l’article 13 de la directive 2000/43/CE et l’article 12 de la directive 2004/113/CE [COM(2022) 689 final — 2022/0401 (APP)]

71

2023/C 184/14

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Révision du plan d’action de l’UE contre le trafic des espèces sauvages[COM(2022) 581 final]

78

2023/C 184/15

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de certification de l’Union relatif aux absorptions de carbone [COM(2022) 672 final — 2022/0394 (COD)]

83

2023/C 184/16

Avis du Comité économique et social européen sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — État de l’union de l’énergie 2022 [conformément au règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat] [COM(2022) 547 final]

88

2023/C 184/17

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Transition numérique du système énergétique — Plan d’action de l’UE [COM(2022) 552 final]

93

2023/C 184/18

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/24/CE du Conseil et la directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les valeurs limites pour le plomb, ses composés inorganiques et les diisocyanates [COM(2023) 71 final — 2023/0033 (COD)]

101

2023/C 184/19

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/19/UE relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) [COM(2023) 63 final — 2022/0025 (COD)]

102

2023/C 184/20

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE afin de rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux, et abrogeant la directive 2001/34/CE [COM(2022) 760 final — 2022/0405 (COD)], sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les structures avec actions à votes multiples dans les entreprises qui demandent l’admission à la négociation de leurs actions sur un marché de croissance des PME [COM(2022) 761 final — 2022/0406 (COD)] et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2017/1129, (UE) no 596/2014 et (UE) no 600/2014 afin de rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux [COM(2022) 762 final — 2022/0411 (COD)]

103

2023/C 184/21

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Garantir la disponibilité et le caractère abordable des engrais [COM(2022) 590 final]

109


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

577e session plénière du Comité économique et social européen, 22.3.2023-23.3.2023

25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/1


Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «Unis pour la démocratie»

(2023/C 184/01)

Rapporteurs:

Stefano MALLIA (MT-I)

Oliver RÖPKE (AT-II)

Séamus BOLAND (IE-III)

Base juridique

Article 50 du règlement intérieur

Adoption en session plénière

23.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

181/0/5

La reprise après la pandémie, les valeurs démocratiques, l’espace civique, la liberté des médias, la diversité et la démocratie libérale sont autant d’éléments qui subissent une pression de part et d’autre des frontières de l’Union européenne (UE) et qui se sont détériorés depuis le début de la guerre sur le sol européen: moins de 50 % de la population mondiale vit dans un système démocratique.

Alors que le monde continue d’être le témoin de l’effroyable guerre en Ukraine et de ses conséquences humanitaires, sociales et économiques dévastatrices, le Comité économique et social européen (CESE) lance un appel au renforcement de la démocratie et des valeurs démocratiques.

La mobilisation extraordinaire des organisations de la société civile de l’UE qui offrent une assistance humanitaire, logistique et médicale à la population ukrainienne a également montré l’importance d’une société civile bien connectée, efficace et dynamique. Au-delà de l’Ukraine, nous voyons également émerger des mouvements de terrain qui luttent pour la démocratie en Iran, en Biélorussie et en Moldavie. Renforcer ces mouvements renforce les démocraties.

Il est aujourd’hui plus important que jamais d’œuvrer à rendre les démocraties plus résilientes et mieux à même de préserver nos droits fondamentaux, de bâtir une paix et une stabilité durables et, finalement, d’assurer la prospérité pour tous.

Il ne fait aucun doute que nous devrions engager une réflexion commune sur de nouvelles approches en vue de renforcer les structures de la démocratie participative. Une société civile forte, indépendante et diversifiée est plus importante que jamais, elle joue en effet un rôle primordial dans la garantie d’une citoyenneté active et d’une démocratie résiliente, en mesure de préserver l’état de droit, les droits fondamentaux, la liberté d’expression et l’intégrité de notre mode de vie démocratique. La démocratie dans l’Union européenne est intrinsèquement et irrévocablement liée aux notions d’égalité, de justice, de respect des droits humains et de non-discrimination, comme le prévoit l’article 2 du traité sur l’Union européenne.

En ces temps de changements et de défis complexes, la démocratie délibérative/participative peut faire partie d’une vision plus large du changement systémique qui s’impose. De nombreux exemples montrent que s’ils sont mis en œuvre efficacement, ils peuvent permettre aux responsables politiques de prendre des décisions difficiles sur les problèmes de politique publique les plus complexes et renforcer la confiance entre les citoyens et les pouvoirs publics. La condition préalable est de garantir la prise en compte de la diversité des opinions et du droit de les exprimer librement. Cependant, la démocratie participative n’est pas une panacée. Les sociétés démocratiques sont confrontées à de nombreux défis qui nécessitent diverses méthodes de participation. La gouvernance démocratique suppose dès lors l’utilisation de mécanismes différents pour des objectifs différents, afin de tirer parti des forces et des faiblesses de chacun d’eux.

Nous devons chercher ensemble un nouvel équilibre entre la démocratie représentative, la démocratie participative et la démocratie directe.

Les conclusions de la conférence sur l’avenir de l’Europe (CoFoE) concernant la démocratie européenne du 9 mai 2022, et en particulier les propositions 36 et 39, fixent les objectifs consistant à accroître la participation des citoyens et à renforcer les structures de démocratie participative et d’actions délibératives. Compte tenu des résultats de la CoFoE et du rôle important déjà joué par le Comité économique et social européen, ce dernier souhaite présenter diverses options qui pourraient constituer un schéma directeur pour des réformes institutionnelles servant au mieux ses objectifs.

Dans ce contexte et en s’appuyant sur les Journées de la société civile 2023, le Comité économique et social européen:

1.

demande la mise en œuvre effective de l’article 11 du traité sur l’Union européenne, notamment une stratégie européenne relative à la société civile et un statut européen des associations pour relier les différents éléments constitutifs d’un espace véritablement autonome et inclusif, afin de renouveler l’engagement et de mettre en place un dialogue civil structuré entre les institutions de l’UE, y compris en invitant la société civile organisée à participer à des sommets sociaux et à des conférences de haut niveau, en particulier. Si l’on veut que le secteur de la société civile bénéficie d’un engagement plus significatif et plus large, les ressources sont également importantes. De meilleures possibilités de financement et des cadres d’action équitables et transparents sont nécessaires pour les organisations de la société civile, notamment la protection transfrontière, afin de renforcer les capacités et la résilience de toutes ces organisations, y compris les organisations de jeunesse, l’économie sociale et le secteur associatif, tout comme l’accès à des ressources flexibles et durables, qu’elles soient privées ou publiques;

2.

insiste sur la nécessité de renforcer le rôle essentiel de la société civile organisée et des partenaires sociaux dans le soutien à la démocratie délibérative, en complément de la démocratie représentative, afin de consolider le dialogue civil dans tous les États membres et au niveau de l’UE. La force et le pouvoir des démocraties européennes reposent sur une coopération solide et à grande échelle entre l’UE et ses États membres, qui doit contribuer à renforcer les capacités des organisations de la société civile, lesquelles sont en effet indépendantes et donc «gardiennes du bien commun», et jouent un rôle central dans l’établissement de solutions durables, la promotion des innovations sociétales et le renforcement de la confiance mutuelle au sein des communautés. Les organisations de la société civile contribuent également à recenser les processus, à fournir une expertise pour accroître la diversité des débats et à faciliter la démocratie participative, comme le prévoient les traités;

3.

préconise une approche globale et coopérative dans le domaine de l’éducation et de la formation afin de relever les défis actuels. Une politique européenne en matière de compétences devrait être élaborée conjointement avec les organisations de la société civile et les partenaires sociaux, qui disposent d’un capital politique, de connaissances du terrain et d’une compréhension des besoins et des manques actuels. Dans ce contexte, le Comité plaide pour que l’année 2025 soit proclamée «Année européenne des bénévoles et des volontaires», car ce secteur a un rôle essentiel à jouer dans le développement des compétences informelles;

4.

souligne que les compétences transversales constituent la véritable épine dorsale d’une démocratie participative et délibérative: la coopération, l’esprit critique, la résolution de problèmes, la gestion démocratique et collective, la résolution des conflits, l’éducation civique et l’éducation aux médias. Ces compétences sont essentielles pour lutter contre les tendances antidémocratiques, promouvoir les valeurs européennes et surmonter les fractures socio-économiques et politiques actuelles, tout en donnant aux organisations de la société civile et aux partenaires sociaux les moyens de concevoir conjointement des politiques par des moyens consultatifs ou participatifs pour réaliser les objectifs de responsabilité, de transparence et de citoyenneté active;

5.

s’engage à contribuer au développement d’outils visant à renforcer la démocratie participative et délibérative, tels que l’initiative citoyenne européenne et les consultations publiques en ligne de l’UE, qui doivent être pleinement accessibles et communiquées au grand public;

6.

souligne l’importance des élections européennes de 2024 et du rôle crucial des organisations de la société civile pour encourager la participation des électeurs et promouvoir le sentiment pro-européen, ainsi que pour lutter contre l’abstention et la désinformation. Le CESE invite les familles politiques européennes à mettre en exergue, dans leurs manifestes électoraux, le rôle des organisations de la société civile dans le renforcement de la vie démocratique;

7.

réaffirme sa volonté, aux côtés des organisations de la société civile au sens large et des institutions de l’UE, de jouer un rôle de médiateur pour débattre du projet européen avec les citoyens, sans se limiter à ceux qui sont déjà convaincus, et de s’adresser à eux dans leurs communautés, territoires, villes et villages. Il est donc essentiel de créer des possibilités de prendre part aux débats publics et de favoriser une culture de participation à tous les niveaux;

8.

la Commission devrait prévoir dans son organigramme des personnes de contact chargées du dialogue civil. Elle devrait également encourager les États membres à renforcer les structures de ce dialogue, en incitant à en créer, lorsqu’elles sont inexistantes, grâce à l’engagement de fonds européens. Cette initiative sensibiliserait l’opinion publique et améliorerait la qualité du dialogue civil, aidant ainsi la Commission et les États membres à mieux comprendre les avantages que peut apporter un dialogue civil efficace à l’élaboration des politiques. En outre, le dialogue civil serait renforcé par des activités de recherche et de suivi, permettant le recensement et le partage des meilleures pratiques;

9.

souligne à cet égard que la participation des jeunes et des organisations de jeunesse est particulièrement importante pour mobiliser les personnes qui votent pour la première fois ainsi que les jeunes électeurs. Pour parvenir à une pleine représentativité, il y a lieu de soutenir des solutions qui permettent une large participation et favorisent l’égalité des chances à cet égard. Il convient de s’adresser à ceux qui sont les plus éloignés des centres de décision et d’engager des discussions avec eux. Une plus grande participation au niveau local semble nécessaire;

10.

invite en outre le Parlement européen, le Conseil européen et les États membres à modifier d’urgence l’acte électoral de 1976 afin de préciser le principe du suffrage universel direct et secret. Cela permettrait de mettre en place des normes dans l’ensemble de l’UE, et de garantir ainsi le droit de vote des personnes handicapées.

Eu égard aux recommandations qui précèdent et à la conférence sur l’avenir de l’Europe, le CESE:

11.

considère le protocole de coopération récemment signé (le 27 octobre 2022) avec la Commission européenne comme un engagement politique renouvelé à contribuer au programme politique européen, à la finalité et aux principaux objectifs (1) et aspirations de l’Europe, à savoir réaliser une Union européenne compétitive, prospère sur le plan économique, inclusive sur le plan social et durable sur le plan environnemental, tout en veillant à ce que la transition vers la neutralité climatique, la numérisation et le changement démographique soient socialement équitables et justes, et à faire du pacte vert pour l’Europe et de la décennie numérique 2030 des réussites pour tous les européens. L’Union européenne doit également être guidée par le socle européen des droits sociaux et un programme de compétitivité, les feuilles de route politiques qui garantissent que personne ne soit laissé pour compte;

12.

se tient prêt à faire office de plateforme essentielle pour la participation des citoyens et de la société civile organisée, y compris les futurs panels de citoyens, et possède plus que jamais la légitimité pour ce faire. Le rôle d’une telle plateforme serait de multiplier les effets des consultations citoyennes en cours organisées par la Commission européenne et d’autres institutions, ainsi que de recueillir systématiquement les retours d’information de la société civile organisée européenne sur l’ensemble des grandes priorités et politiques de l’agenda européen. Cela contribuera à renforcer la confiance du public dans le projet et les institutions de l’UE en donnant aux citoyens un rôle effectif dans la prise de décision publique. Le CESE agirait en tant qu’hôte afin de guider, de superviser, de concevoir, d’organiser, de gérer et de faciliter les processus de délibération avec l’aide d’experts externes et de représentants d’organisations de la société civile. Cette offre s’appuie, en particulier, sur le rapport final de la conférence sur l’avenir de l’Europe du 9 mai 2022, qui préconise explicitement que «le CESE doit obtenir les moyens de jouer un rôle institutionnel plus important, celui de garant et de facilitateur des activités de démocratie participative, comme le dialogue structuré avec les organisations de la société civile et les panels de citoyens». Dans ce contexte, les recommandations des avis d’initiative du CESE et des avis exploratoires demandés par la Commission devraient être réexaminées au moyen d’évaluations des politiques de l’UE, le cas échéant;

13.

estime que les panels de citoyens et les consultations des organisations de la société civile pourraient s’attacher à définir des priorités, telles que la préparation du programme de travail de la Commission, ou qu’ils pourraient être liés au cycle de vie de grandes priorités législatives. La contribution des citoyens pourrait être particulièrement utile au cours de la phase prélégislative, afin de délibérer et de formuler des recommandations en amont de certaines propositions (législatives) importantes. À cette fin, des consultations des panels de citoyens et des organisations de la société civile pourraient être menées sur la base d’une feuille de route et d’un calendrier annuels, établis par le CESE en coopération avec les institutions européennes. Cela pourrait inclure des demandes spécifiques de la Commission européenne, du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne ou du CESE lui-même, de sa propre initiative ou à l’instigation de son organisation partenaire, le Comité européen des régions;

14.

réaffirme que le cycle d’activité pourrait débuter au moment du discours sur l’état de l’Union et de la déclaration d’intention, dans la perspective du programme de travail annuel de la Commission européenne pour l’année suivante. Des consultations auraient lieu au cours de la première moitié de l’année suivante;

15.

continuera de proposer aux autres institutions européennes, en complément des outils destinés à renforcer l’état de droit, l’établissement d’un forum annuel de l’UE sur les droits fondamentaux, les droits de l’homme et l’état de droit. Ce forum améliorera le suivi en permettant aux décideurs de l’UE de recevoir des alertes précoces de la société civile organisée et des organisations de terrain de tous les États membres de l’UE en ce qui concerne l’application intégrale et transparente de l’article 2 du traité sur l’Union européenne. En outre, le Comité invite la Commission européenne à inclure un chapitre sur la société civile dans la prochaine révision du plan d’action pour la démocratie européenne. Le CESE jouera également un rôle important dans le suivi des processus d’adhésion des pays candidats et facilitera un débat constructif avec les parties concernées afin de garantir le respect des valeurs européennes, y compris celles qui touchent les minorités nationales et ethniques;

16.

lancera une Semaine européenne de la société civile afin de renforcer son rôle de maison de la société civile européenne et d’élargir la portée de ses initiatives phares, telles que les Journées de la société civile, la Journée de l’initiative citoyenne européenne, la manifestation «Votre Europe, votre avis!» et le prix de la société civile. Cette initiative réunira des acteurs clés des organisations européennes et nationales de la société civile et constituera un forum de dialogue sur les questions qui préoccupent les acteurs de la société civile au niveau européen. Le CESE œuvrera à renforcer les activités de terrain afin de toucher autant que possible ceux qui n’ont que peu de possibilités de participer aux débats sur les questions européennes et de veiller à ce que leur voix soit prise en compte dans les processus décisionnels.

Bruxelles, le 23 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Articles 2 et 3 du traité sur l’Union européenne.


AVIS

Comité économique et social européen

577e session plénière du Comité économique et social européen, 22.3.2023-23.3.2023

25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/5


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le plan d’action pour la jeunesse dans l’action extérieure de l’UE de 2022 à 2027»

(avis d’initiative)

(2023/C 184/02)

Rapporteur:

Michael McLOUGHLIN

Corapporteure:

Tatjana BABRAUSKIENĖ

Décision de l’assemblée plénière

22.9.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

6.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Tout en se félicitant de l’adoption du plan d’action pour la jeunesse dans le cadre de l’action extérieure de l’Union européenne, le Comité économique et social européen (CESE) souligne que son déploiement et sa mise en œuvre pourraient susciter des difficultés et devront faire l’objet d’un suivi et d’une surveillance. Il exprime son souhait de participer activement à la réalisation du plan d’action pour la jeunesse.

1.2.

Le CESE estime que l’expertise et l’expérience dont disposent les organisations de jeunesse de l’Union et du monde entier constituent, tant pour la Commission européenne que pour les délégations de l’Union, une ressource de choix aux fins de la mise en œuvre du plan. Il considère également que l’ensemble du personnel de l’Union actif auprès des jeunes devrait être doté de compétences de base sur des questions telles que les espaces qui leur sont adaptés, les compétences en matière de consultation et les méthodes à utiliser pour travailler auprès d’eux.

1.3.

Le CESE souhaite que, durant la mise en œuvre du plan d’action, une attention constante soit accordée aux jeunes les plus marginalisés, y compris aux jeunes handicapés, et que tout le travail concernant les milieux dirigeants se double d’un intérêt identique pour soutenir la jeunesse sur le terrain dans les communautés locales. L’action en matière de direction et les processus de participation devraient être conçus de manière à garantir une mobilisation à la base, et il conviendrait de recourir à des démarches ascendantes afin de former des dirigeants ancrés dans la vie quotidienne.

1.4.

Le CESE souligne que la collecte et le suivi des données constituent un défi majeur pour la mise en œuvre du plan d’action pour la jeunesse et qu’ils devraient être pris en compte dans les rapports réguliers de la Commission européenne, du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), des agences financées dans ce domaine et des organisations de la société civile, dans la logique de la démarche menée par la Commission européenne, qui a récemment entrepris de recenser les données internationales sur la jeunesse et d’en répertorier les lacunes (1).

1.5.

Le CESE salue et encourage l’articulation du plan d’action pour la jeunesse avec les travaux des Nations unies (ONU) et de ses agences dans ce domaine, en particulier pour ce qui concerne le programme Jeunesse, paix et sécurité et toutes les synergies avec le Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

1.6.

Le CESE estime que les grandes politiques de l’Union en faveur de la jeunesse, telles qu’Erasmus+ et la garantie pour la jeunesse, peuvent apporter une contribution utile aux travaux menés dans le domaine de l’engagement des jeunes et celui des politiques en leur faveur. Lors du recours à ces structures, il convient de prêter attention à l’indépendance des procédures d’inscription et aux questions telles que les visas et les langues.

1.7.

Le CESE recommande au Conseil de l’Union européenne d’encourager les États membres de l’Union à élaborer leurs propres plans axés sur des questions similaires à celles du plan d’action pour la jeunesse et à collaborer avec la société civile, dont, en particulier, les organisations de jeunesse. En outre, il conviendrait de développer et renforcer les connexions existantes et les partenariats d’acteurs de la société civile entre les États membres de l’Union et les pays cibles, notamment entre les organisations de jeunesse.

1.8.

Le CESE recommande également d’encourager les pays cibles à établir leurs propres politiques concrètes en faveur des jeunes et à disposer de leurs conseils nationaux de la jeunesse ou de structures équivalentes, ainsi que de leur donner les outils nécessaires à cet effet. Dans le même temps, la Commission devrait être guidée par les principes des droits de l’homme lorsqu’elle apporte son aide à ces États.

1.9.

Le CESE estime qu’il convient d’établir des liens entre le plan d’action pour la jeunesse et l’Année européenne des compétences, de sorte à garantir que la priorité soit donnée à cette action au sein des pays partenaires.

1.10.

Le CESE est d’avis que les activités centrées sur l’éducation devraient être axées sur l’égalité, en protégeant en particulier les jeunes filles, et que dans les stratégies, il y a lieu de garantir la participation des personnes les plus difficiles à atteindre. Toutes les offres de bourses devraient être ouvertes et transparentes et prévoir expressément des mécanismes qui encouragent les candidatures de ces personnes.

1.11.

Le CESE est fermement convaincu qu’il convient de promouvoir la participation citoyenne auprès de toutes les organisations de la société civile, telles que les groupes de jeunes, les syndicats et les associations de jeunes entrepreneurs.

1.12.

Le CESE estime qu’il y a lieu d’examiner la politique commerciale de l’Union sous l’angle de l’impact qu’elle exerce sur les jeunes et de ses liens avec la jeunesse, en particulier dans le cas des chapitres sur le commerce et la durabilité, ainsi que des accords de partenariat économique (APE).

1.13.

Le CESE recommande que des services de proximité spécifiques pour les jeunes, ainsi que des objectifs de progression, tant quantitative que qualitative, soient définis en matière de santé mentale pour tous les travaux menés avec ce public dans le cadre de l’action extérieure, en concordance avec l’étude de la Commission européenne.

1.14.

Le CESE est d’avis que le plan d’action pour la jeunesse devrait réserver une place importante à la lutte contre le travail des enfants, afin qu’au vingt et unième siècle, ce fléau ne soit enfin plus qu’un souvenir du passé.

2.   Informations contextuelles: les activités du CESE dans le domaine

2.1.

En octobre 2018, le CESE a adopté un avis intitulé «Une nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse» (2), qui insiste sur la nécessité de développer une approche transsectorielle de la jeunesse, ainsi que d’accorder davantage d’attention à l’emploi, à la santé mentale, à l’égalité et à l’éducation. Dans ce même texte, il a également souligné l’importance que revêtent les politiques d’action extérieure de l’Union à cet égard.

2.2.

En septembre 2020, le CESE a adopté un avis d’initiative intitulé «Vers une participation structurée des jeunes au processus décisionnel de l’UE concernant le climat et la durabilité» (3), dans lequel il a notamment préconisé de mettre en place les tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité, d’inclure un délégué de la jeunesse dans la délégation officielle de l’Union aux réunions de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC COP), et de relayer les positions des jeunes dans les avis qu’il émet sur le climat et la durabilité.

2.3.

Dans son avis sur la «Politique de la jeunesse dans les Balkans occidentaux, dans le cadre du programme d’innovation pour les Balkans occidentaux» (4), adopté en juillet 2022, le CESE a invité les gouvernements des Balkans occidentaux à suivre la voie des documents stratégiques clés concernant les jeunes et à investir davantage dans des politiques de la jeunesse qui, fondées sur des données probantes, relèvent les défis liés à leur épanouissement, et ce, en garantissant des dotations budgétaires suffisantes et transparentes.

2.4.

Le CESE est particulièrement bien placé pour faciliter le dialogue avec les réseaux de jeunes. À l’occasion de l’Année européenne de la jeunesse, il a créé un groupe de coordination qui a reçu pour mandat de renforcer la coopération avec les jeunes et les organisations qui les représentent, durant son déroulement comme par la suite, ainsi que de travailler avec les autres institutions de l’Union et les organisations de la société civile afin qu’elles veillent, dans leur fonctionnement quotidien, à une meilleure intégration transversale des jeunes. En septembre 2022, le Comité a adopté l’avis intitulé «Évaluation d’impact de l’UE du point de vue des jeunes» (5), dans lequel il appelle de ses vœux une participation plus structurée, constructive et ciblée de ces jeunes.

3.   Observations générales concernant le plan d’action pour la jeunesse

3.1.

Le CESE est largement favorable à la communication conjointe intitulée «Plan d’action pour la jeunesse dans l’action extérieure de l’UE pour la période 2022-2027», qui représente une étape importante dans l’action extérieure et la politique de la jeunesse, en ce qu’elle reconnaît enfin les possibilités de synergies qui existent entre ces deux domaines. En outre, une telle évolution, intervenant durant l’Année européenne de la jeunesse, montre qu’il est désormais reconnu que le thème de la jeunesse et de la vie des jeunes présente un caractère transversal, couvrant tous les secteurs d’action, et que cette classe d’âge doit être prise en compte dans tous les domaines d’intervention, et non plus seulement dans les secteurs qui lui étaient traditionnellement associés.

3.2.

La guerre en Ukraine continue d’avoir de graves répercussions pour les civils, dont, tout particulièrement, les enfants, les adolescents et les jeunes. Dans ce pays, tout comme dans d’autres endroits du monde qui sont touchés par des conflits, le plan d’action pour la jeunesse devrait viser à augmenter la résilience des jeunes, à soutenir leur engagement citoyen et à leur donner les moyens d’être des moteurs de changement au sein de leurs communautés, en particulier dans la phase de relèvement au sortir des affrontements.

3.3.

La communication intervient aussi à point nommé dans le monde de l’après-COVID-19, et elle reconnaît que ce sont les jeunes, leur éducation et leur liberté de circulation qui ont le plus souffert de cette crise. Dûment actée en Europe, l’incidence de la pandémie sur la jeunesse a moins retenu l’attention dans le reste du monde, en particulier dans les pays en développement et dans les États fragiles.

3.4.

En substance, le CESE souscrit à l’idée qu’il doit être possible de donner à toutes les politiques internes en rapport avec la jeunesse un pendant dans nos relations extérieures, en tenant compte des contextes locaux ou régionaux dans lesquels s’inscrit cette action externe. À la lumière de cette observation, le Comité serait favorable à ce que le recours à l’évaluation d’impact menée sur les politiques de l’Union européenne du point de vue des jeunes soit également recommandé dans le cas de celles qui assurent la réalisation du plan d’action pour la jeunesse.

3.5.

Le CESE se félicite également que le plan d’action pour la jeunesse s’appuie sur le socle européen des droits sociaux et le plan d’action de l’Union européenne en faveur des droits de l’homme et de la démocratie, qui soulignent la nécessité d’une participation égale, pleine et significative des jeunes à la vie publique et politique. Bien qu’ils soient à la pointe du changement, ils souffrent encore trop souvent d’une sous-représentation qui est en contradiction avec les droits fondamentaux dont ils jouissent. Le CESE salue le plan d’action pour la jeunesse pour son haut degré d’ambition et l’accent qu’il met clairement sur l’action. Il apprécie, de même, qu’il reconnaisse les dimensions intergénérationnelles des défis auxquels le monde est actuellement confronté.

3.6.

La communication embrasse tous les grands chantiers politiques liés à la jeunesse dans différents domaines. Lors de sa mise en œuvre, il conviendra de disposer d’un aperçu global, eu égard, en particulier, à la multiplicité des agences qui en assureront l’exécution et à la diversité des stratégies concernées. Les acteurs responsables de la jeunesse et de leur éducation, les organisations de jeunesse et les jeunes eux-mêmes devraient aussi être associés à ce processus, tout comme les structures d’assistance, ainsi que les autres organes nationaux des États membres de l’Union, les agences financées et les organisations de la société civile. Dans le même ordre d’idées, la mise en œuvre devra tenir compte des multiples sources financières, intervenants et indicateurs impliqués. D’une manière générale, la démarche sera complexe, mais la création d’un système de surveillance efficace s’avérera payante, et elle pourrait servir de modèle pour une mise en œuvre conjointe des politiques.

3.7.

La collecte des données concernant la jeunesse devra être améliorée dans presque tous les domaines de l’action extérieure. Le déploiement du plan d’action pour la jeunesse doit se concentrer sur cette tâche ardue, comme l’a reconnu la Commission européenne, lorsqu’elle a récemment entrepris de recenser les données internationales sur la jeunesse et d’en répertorier les lacunes. Dans quelque programme ou initiative que ce soit, il peut s’avérer difficile de démêler les différents résultats et les retombées et de discerner la contribution précise apportée à tel ou tel aboutissement. Toutes les interventions menées auprès des jeunes doivent donc faire l’objet d’une analyse longitudinale.

3.8.

L’Union européenne et toutes ses institutions devraient collaborer avec le Royaume-Uni pour veiller à ce que les jeunes et les organisations de jeunesse de ce pays ne soient ni privés de l’esprit de coopération et d’apprentissage interculturel résultant du programme Erasmus+ et de toutes les autres formes de coopération, ni de l’expérience acquise dans ce cadre. Il importe d’examiner tous les moyens d’optimiser les potentialités pour retisser des relations avec les organisations de la société civile du Royaume-Uni, ainsi que d’en imaginer et d’en soutenir de nouvelles (6).

Capacités dirigeantes et participation

3.9.

Le plan d’action pour la jeunesse se concentre dans une large mesure sur les capacités dirigeantes et la participation. Cette démarche doit être saluée et est tout à fait conforme aux bonnes pratiques en matière de travail avec les jeunes. Le CESE estime toutefois qu’une stratégie très approfondie et délibérative sera nécessaire pour poursuivre le déploiement d’une telle approche dans le cadre de l’action extérieure de l’Union européenne. Même au sein de l’Union et de ses États membres et malgré les gros efforts accomplis, il reste un long chemin à parcourir en matière de pratique participative. Les capacités dirigeantes en rapport avec la jeunesse sont généralement le fruit d’un travail de qualité, accompli sur le terrain dans un environnement favorable. Si ces conditions sont remplies, les jeunes deviennent alors capables de faire entendre leur voix, mais sur la base de connexions avec leurs pairs et d’une expérience des problématiques locales telles que l’environnement, les transports, l’éducation, la santé mentale, l’assistance sociale, ou bien d’autres questions encore. Ce travail est souvent facilité par des organisations de la société civile. Le CESE espère que les programmes thématiques consacrés à la société civile, ainsi qu’aux droits de l’homme et à la démocratie, pourront se concentrer sur ces besoins.

3.10.

Pour générer de bonnes pratiques dans ce domaine, il faut donc pouvoir compter sur une combinaison de plusieurs facteurs. Le programme Erasmus+ s’emploie encore à trouver les moyens de donner la priorité aux jeunes moins favorisés, témoignant par là que même un programme de premier plan a encore beaucoup à faire à cet égard. En matière de contacts interpersonnels et de mobilité, les aspects administratifs, comme celui des visas, jouent un rôle décisif pour que les participants aient la garantie de vivre une expérience sans heurts, et il s’impose d’adopter une approche commune en ce sens. Appliqués à des pays en développement ou à des États fragiles, voire totalitaires, ces défis ne s’avéreront que plus difficiles à relever. En fin de compte, tous les travaux envisagés en matière de capacités dirigeantes et de participation doivent s’appuyer sur une expérience procédant du terrain et d’une communauté.

3.11.

Il faut veiller à ne pas travailler à contresens, en commençant par œuvrer avec les «dirigeants» en l’absence d’une véritable dynamique procédant du terrain. Les bailleurs de fonds et les organisations non gouvernementales ne peuvent créer ces capacités dirigeantes de toutes pièces, et il est nécessaire de se ménager des connexions de qualité sur le terrain. Nous avons donc besoin d’un processus de sélection transparent, de méthodes ouvertes et inclusives et de garde-fous qui garantissent que la démarche ne soit pas confisquée par des États ou d’autres acteurs, en particulier dans les pays fragiles. L’engagement, la participation et les capacités dirigeantes sont cruciales, et notre approche doit consister à construire une infrastructure pour concrétiser ces objectifs. Le soutien de longue haleine aux organisations de jeunesse et à la société civile doit être privilégié par rapport aux approches fondées sur des projets à court terme. Dans l’action visant à susciter des capacités dirigeantes chez les jeunes, il est aussi nécessaire d’établir des stratégies pour traiter avec un groupe en transformation constante, qui est en transition, grandit et évolue, et, à un moment donné, devra ou voudra aller de l’avant.

3.12.

Il convient d’apporter un soutien significatif aux organisations actives sur le terrain, afin qu’elles puissent se développer en interne et devenir des acteurs clés au sein de leurs communautés locales. Le CESE espère que cette question sera abordée dans les travaux menés par le comité de réflexion des jeunes au sujet du partenariat international dans ce domaine, ainsi que par la plateforme de dialogue avec les organisations de jeunesse dans le cadre du Forum politique pour le développement (FPD). En outre, le soutien aux syndicats et à leurs organisations de jeunesse peut contribuer à encourager et à aider les jeunes à opter pour un engagement démocratique sur leur lieu de travail. Les conseils nationaux de la jeunesse sont susceptibles de fournir une infrastructure adéquate pour décider avec qui travailler dans les pays partenaires, pour autant que ces initiatives soient indépendantes, à l’instar de la Mobilisation mondiale de la jeunesse (7), lancée par les organisations de jeunesse du Big 6.

Méthodes de déploiement

3.13.

Dans le plan d’action pour la jeunesse, les références au programme Erasmus+ sont nombreuses et bienvenues. Sur ce point, la communication se garde de «réinventer la roue». Quand il y a lieu, il est possible, et souhaitable, que l’Union utilise les structures et processus de ce programme dans le cadre de ses relations extérieures. Au stade de la mise en œuvre, il pourrait être utile de dissocier les sous-parties du programme, telles que la jeunesse, les écoles, l’enseignement et la formation professionnels (EFP) et l’enseignement supérieur. Il conviendrait de lever les obstacles tels que les visas, l’insuffisance des financements et la barrière de la langue, et la mise en œuvre devrait se concentrer sur l’apprentissage mutuel, le développement des compétences et l’expérience. Les agences nationales auxquelles il sera éventuellement fait recours devraient faire l’objet d’un contrôle minutieux pour garantir qu’elles respectent les acteurs de la société civile proprement dits et leur autonomie.

3.14.

Les mesures d’enseignement et formation professionnelle initiaux (EFPI) améliorent l’employabilité future des jeunes et leur participation à l’apprentissage tout au long de la vie. Les politiques et les bonnes pratiques en matière d’enseignement et de formation professionnelle contribuent à l’intégration sociale et à l’inclusion sur le marché du travail des jeunes qui ne travaillent pas ni ne suivent d’études ou de formation (NEET).

3.15.

La communication tisse des relations utiles entre l’action extérieure de l’Union et les droits de l’enfant, au sujet desquels elle a récemment élaboré une stratégie. Il pourrait également être avantageux de nouer davantage de connexions entre la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE) de 1989 et la réalisation du plan d’action pour la jeunesse, par exemple sur la base des rapports par États du comité de Genève. Les principes de la CNUDE peuvent servir d’orientation pour les jeunes de moins de 18 ans, qui sont nombreux, mais le travail socio-éducatif de l’Union va au-delà de cet âge, qu’il ne faudrait pas toujours considérer comme une césure automatique.

3.16.

C’est à une démarche d’«Équipe Europe» qu’il convient de recourir aux fins de réaliser le plan d’action pour la jeunesse au niveau national, régional et multilatéral. Dans cet effort, l’Union doit s’adapter aux besoins et caractéristiques propres à chaque région. Le CESE estime qu’il serait bénéfique que les partenariats continuent à combler les lacunes en matière de connaissances et de données sur les jeunes, en particulier lorsqu’elles concernent les domaines prioritaires que constituent le développement de compétences numériques, le changement climatique et le pacte vert. Le Comité est désireux de découvrir, dans les mois à venir, comment les multiples actions seront mises en œuvre, et il se tient prêt à apporter sa contribution.

3.17.

Le CESE aurait souhaité que, durant le processus de consultation relatif au plan d’action pour la jeunesse, le niveau de réaction eût été plus élevé, et les réponses davantage représentatives. Ce constat met en lumière la nécessité de fournir aux jeunes toutes les informations pertinentes concernant les sujets importants, pour qu’ils puissent prendre des décisions éclairées et contribuer de manière précise et significative au processus d’élaboration des politiques. Des outils tels que le label de qualité de l’Agence européenne pour l’information et le conseil des jeunes (Eryica) pourraient être utiles à cet égard.

4.   Commentaires spécifiques sur certains volets du plan d’action pour la jeunesse

4.1.

Les dispositions du plan d’action pour la jeunesse fédèrent de nombreuses activités en cours, et leur mise en œuvre soulèvera d’immenses défis, surtout après la pandémie de COVID-19. L’accès à l’éducation et l’égalité de genre représentent un enjeu crucial et, dans ce domaine, des progrès ont été accomplis.

Éducation

4.2.

Le déploiement du plan d’action pour la jeunesse nécessite d’établir des articulations étroites avec l’Année européenne des compétences. Le CESE souligne qu’il y a lieu de prendre en compte, y compris s’agissant d’assurer la reconversion et le perfectionnement professionnels des jeunes à cet égard, l’importance que revêtent les besoins de développement des compétences dans le domaine de l’atténuation du changement climatique et de l’adaptation à ses effets, tout comme dans celui de l’économie circulaire, de la santé mentale et physique, ainsi que de la santé et des droits relatifs à la sexualité et à la procréation (8). Le rôle du dialogue social et civique est essentiel et doit être renforcé.

4.3.

Là encore, les parties prenantes associées à l’éducation seront nombreuses, et il est nécessaire de définir des objectifs et des critères d’évaluation qui soient clairs. Il est indispensable de déployer des efforts soutenus pour toucher les personnes qu’il est le plus difficile d’atteindre, en particulier dans les États les plus pauvres et les plus fragiles. L’engagement de consacrer à cette fin 10 % des dépenses ressortissant à l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI) de la Commission européenne et au budget humanitaire constitue une initiative louable, et le CESE souhaiterait que d’autres agences et États suivent la même voie. En matière d’éducation, les solutions de long terme doivent émaner des gouvernements des pays cibles, et il convient que les organisations locales de la société civile y jouent un rôle majeur. La communauté internationale ne peut pas en être le principal moteur sur la durée. Nous espérons que le sommet sur la transformation de l’éducation pourra donner lieu à des progrès dans ce sens.

4.4.

Les dispositions relatives aux bourses et aux fondations sont appréciables, mais il faut prêter attention aux questions de sélection des bénéficiaires et s’assurer que les organisations de la société civile participent au processus. Lors de l’élaboration de ces dispositifs, il convient de définir des procédures transparentes, justes et inclusives pour la sélection de participants à des programmes universitaires, en donnant la priorité aux candidats moins favorisés.

4.5.

Il est essentiel de maximiser la valeur du capital humain pour accroître la compétitivité et lutter contre le chômage, tout en restant dans la logique du développement durable. Pour ce faire, il est nécessaire de pouvoir compter sur une main-d’œuvre dotée d’un éventail de compétences transversales et d’une capacité d’adaptation. Les politiques en matière d’éducation et de formation doivent être pensées et menées en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et se concentrer davantage sur les compétences que sur les qualifications. Une telle démarche contribuera à réduire l’hiatus en matière d’aptitudes.

Organisations de jeunesse

4.6.

La communication met en avant plusieurs forums et organismes susceptibles de faire participer les jeunes. La plateforme du Forum politique pour le développement constitue une initiative bienvenue, pour autant qu’elle garantisse des liens avec des organisations de jeunesse sur le terrain qui soient indépendantes, auto-organisées et, idéalement, dirigées par des jeunes.

4.7.

Il est positif que la communication mentionne la participation des organisations de jeunesse et s’y réfère. Pour son déploiement, il pourrait être utile que le plan d’action pour la jeunesse s’engage dans les différents schémas de l’animation socio-éducative en faveur de la jeunesse qui est pratiquée dans l’Union européenne. Ces actions peuvent être aussi pertinentes que la prise en compte des opinions de la jeunesse, car elles renforcent les capacités de tous les jeunes au niveau local et, par la suite, suscitent l’émergence de jeunes dirigeants ancrés dans une expérience locale. Sur ce point, l’on dispose de toute une série d’exemples probants et de modèles dans le cadre du partenariat de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe avec le secteur du bénévolat de la jeunesse.

4.8.

Les organisations de jeunesse peuvent constituer une formidable ressource pour la réalisation du plan d’action. Les États membres de l’Union devraient être incités à associer leur secteur de la jeunesse à cette démarche, grâce à des plans d’action nationaux. Il conviendrait de donner la priorité aux modèles et au travail éprouvés des organisations de jeunesse de l’Union dans leurs actions en matière de développement, de conflits et de droits de l’homme, plutôt que d’avoir recours, par exemple, à des schémas américains de développement des jeunes, que les pays en développement, et d’autres régions, utilisent souvent tels quels, alors que dans bien des cas, ils ne sont pas ancrés dans les mêmes valeurs que les leurs. Pareille démarche concorderait parfaitement avec l’engagement de mettre en place des solutions sur mesure pour des régions spécifiques.

4.9.

Dans la mise en œuvre des engagements en matière éducative, il conviendrait également d’investir le champ des systèmes d’éducation formels et informels, implantés au sein des communautés, des organisations de la société civile et des organisations d’animation socio-éducative auprès de la jeunesse. L’Unesco et le Conseil de l’Europe fournissent de précieuses orientations à cet égard, tout comme les travaux menés dans le cadre du volet du programme Erasmus+ consacré aux jeunes. Il y a lieu de reconnaître les immenses avantages que recèle pour tous l’apprentissage en dehors du cadre scolaire, qui a lieu tout au long de la vie et embrasse tous les aspects de l’existence.

4.10.

Le dialogue politique est crucial et le plan d’action pour la jeunesse affiche des objectifs ambitieux, mais il s’impose néanmoins de ne négliger ni les politiques menées par chaque pays en faveur des jeunes, ni les responsabilités des pouvoirs publics en la matière, ainsi que de ne pas faire l’impasse sur la nécessité de disposer d’un vrai secteur associatif et d’une société civile authentique. Dans son exécution, le plan d’action pour la jeunesse doit soutenir l’évolution des politiques en matière d’animation socio-éducative pour cette tranche d’âge, le développement de conseils nationaux de la jeunesse ou d’organes similaires ainsi que les approches telles que les évaluations d’impact des politiques de l’Union du point de vue des jeunes, pour ne citer que ces exemples.

4.11.

Comme le montre le travail des organisations de jeunesse du Big 6 à travers le monde, ces mouvements disposent déjà de connexions internationales; il serait opportun que, dans sa mise en œuvre, le plan les associe à sa démarche et qu’il prenne appui sur les travaux préexistants en la matière et joue le rôle de modèle pour d’autres initiatives. Il convient également de veiller à ne pas être trop restrictif en matière de participation. Il est difficile de discerner si des processus participatifs ont été utilisés pour définir les questions sur lesquelles le Fonds pour l’autonomisation des jeunes portera son attention. Les jeunes ne choisissent pas forcément des problématiques qui semblent importantes à d’autres yeux, en particulier dans des pays en développement ou des États fragiles, où des considérations plus pratiques peuvent peser davantage.

4.12.

Les dispositions visant à renforcer les capacités des organisations de jeunesse sont judicieuses, et elles devraient s’accompagner d’un soutien efficace pour faire émerger des mouvements venus de la base dans les pays partenaires, les délégations de l’Union à travers le monde étant susceptibles de jouer un rôle clé à cet égard. Dans ce domaine, il serait opportun de proposer, le cas échéant, de nouer des partenariats avec des organisations de l’Union, et les travaux afférents devraient faire l’objet d’un suivi. Il est important d’aider à créer ou à renforcer des réseaux, avec des organisations de l’Union comme avec celles de pays tiers.

Efficacité de la mise en œuvre

4.13.

Un grand nombre d’acteurs, de politiques et de lignes de financement sont parties prenantes de la démarche à l’examen, qu’il s’agisse des délégations de l’Union, de différentes directions générales de la Commission, du Service européen pour l’action extérieure, du Conseil de l’Union européenne ou des États membres, et les budgets d’assistance engagés dans cette action sont également des plus varié. Il convient que le déploiement du plan d’action pour la jeunesse soit placé sous le signe de la clarté et d’une coopération intersectorielle adéquate, afin de garantir, en fin de compte, qu’il soit résolument axé sur le groupe cible, tout en fournissant des ressources budgétaires suffisantes.

4.14.

S’agissant de nouer des contacts entre les intervenants, il est possible de prendre appui sur les travaux existants et de s’inspirer des jumelages ou d’autres initiatives du programme Erasmus+, en rapport, le cas échéant, avec la jeunesse. En outre, les projets relatifs à la participation des jeunes qui s’inscrivent dans le cadre d’Erasmus+, sans dimension transnationale, pourraient fournir de bons modèles pour des initiatives semblables dans les pays ciblés.

4.15.

Les jeunes, qui sont les dirigeants de demain et les moteurs des changements futurs, représentent aussi des interlocuteurs essentiels quand il s’agit de contribuer au succès du programme de développement durable à l’horizon 2030, de l’accord de Paris sur le changement climatique et de la transition numérique. Le plan d’action pour la jeunesse devrait garantir que l’action extérieure de l’Union leur donne les moyens d’agir, au niveau politique, social et économique. Le CESE est prêt à apporter sa contribution à cet égard, mû par sa volonté de mettre en œuvre la recommandation de la conférence sur l’avenir de l’Europe qui vise à le doter des moyens de jouer un rôle institutionnel plus important, celui de garant et de facilitateur dans le domaine des activités de démocratie participative, comme le dialogue structuré avec les organisations de la société civile et les tables rondes de citoyens.

4.16.

Les références à la transition vers l’âge adulte qui figurent dans le plan d’action pour la jeunesse sont bien étayées, extrêmement appréciables et conformes aux valeurs de l’animation socio-éducative en faveur des jeunes qui est menée au sein de l’Union. Parmi les questions les plus importantes qui se posent à cet égard, il convient de mentionner les connaissances que les jeunes se devraient d’acquérir concernant leurs droits et devoirs en tant que citoyens, les rouages de la finance, les langues étrangères, la durabilité de notre planète et l’esprit d’entreprise. Dans le même ordre d’idées, le CESE salue le lien que le plan d’action établit avec le programme des Nations unies relatif aux jeunes et à la paix et à la sécurité, ainsi que l’appel à une coopération approfondie avec les Nations unies. Dans la mise en œuvre du plan d’action pour la jeunesse, il convient d’avoir conscience de toute la distance qui, dans bien des domaines, sépare généralement les jeunes de la prise des décisions.

4.17.

La résolution 2250, sur la jeunesse en rapport avec la paix et la sécurité, que le Conseil de sécurité des Nations unies a adoptée en 2015, constitue un outil essentiel pour dialoguer avec les jeunes à l’échelle mondiale. Elle définit cinq grands piliers d’action: la participation, la protection, la prévention, les partenariats et, enfin, le désengagement et la réintégration des jeunes concernés. Ce texte phare marquant invite instamment les parties signataires à veiller à ce que la jeunesse ait davantage voix au chapitre dans la prise de décision, au niveau local, national, régional et international, et à envisager de mettre en place des mécanismes grâce auxquels il lui soit possible de participer de manière significative aux processus de paix. Il conviendrait de dispenser une assistance aux intervenants désireux de concrétiser ce programme au niveau local et national. Les liens et la coordination avec le Fonds pour l’autonomisation des jeunes seraient susceptibles de créer de nombreuses synergies dans ce domaine.

Genre

4.18.

Le CESE estime que tirer parti du potentiel des jeunes et soutenir l’égalité de genre constituent des facteurs clés pour assurer un développement durable. L’action extérieure de l’Union vise à donner aux jeunes les moyens d’agir au niveau politique, social et économique et à les aider à participer de façon significative et inclusive à la prise de décision et à l’élaboration des politiques. Le Comité considère que l’autonomisation des filles et des jeunes femmes est cruciale pour garantir un développement durable et apprécie les références que fait le plan d’action pour la jeunesse à l’égalité de genre et à l’élimination des discriminations. Il souligne que ce plan doit se décliner en interventions substantielles et stratégiques à long terme, qui profiteront d’égale manière aux jeunes hommes et aux jeunes femmes. L’enjeu consistera aussi à élaborer des stratégies qui promeuvent l’intégration de la dimension de genre dans tous les domaines de l’action extérieure.

4.19.

Il convient d’augmenter le nombre de jeunes, et en particulier de jeunes femmes, qui disposent de qualifications en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) et de compétences numériques, d’agir pour que les filles s’intéressent à ces matières dès le plus jeune âge, de soutenir les femmes entrepreneures et les modèles féminins dans ces branches du savoir et d’investir dans des programmes visant à susciter l’intérêt des lycéennes en la matière.

Santé mentale

4.20.

Il convient de se féliciter que la communication fasse référence à la santé mentale, et le CESE espère que cette problématique occupera une place de choix dans la mise en œuvre du plan d’action pour la jeunesse. Eu égard à la faiblesse qui caractérise les systèmes de santé à travers le monde, il y aurait lieu d’étoffer l’action visant à apporter dans ce domaine des améliorations dans un sens qui soit plus favorable aux jeunes.

Personnes handicapées

4.21.

En outre, le CESE estime que la référence aux jeunes handicapés dans la communication est tout aussi importante et devrait également figurer en bonne place dans la mise en œuvre du plan d’action pour la jeunesse. Ce groupe est souvent oublié lorsqu’il est question de promouvoir l’autonomisation et la participation démocratique des jeunes. Il faudrait qu’il soit intégré dans la réalisation du plan.

Perspectives économiques

4.22.

Des compétences bien adaptées joueront un rôle capital pour ouvrir aux jeunes des perspectives d’avenir en matière économique. Il sera nécessaire de prévoir un soutien, et notamment des financements et des crédits, pour les entrepreneurs et les nouvelles entreprises, car les occasions qui se présenteront seront nombreuses, entre autres dans le domaine numérique et en particulier dans les pays en développement.

4.23.

S’agissant de ces potentialités économiques, le modèle européen de la garantie pour la jeunesse représente un bon exemple d’aménagements appropriés pour offrir des perspectives aux jeunes ressortissant à la catégorie de ceux qui ne travaillent pas ni ne suivent d’études ou de formation (NEET). Pour donner une traduction tangible au programme pour un travail décent, il sera nécessaire de dispenser une formation en matière de droit du travail et droits sociaux.

4.24.

Des questions telles que les échanges commerciaux doivent être abordées au titre du plan d’action pour la jeunesse, par exemple dans les chapitres des accords de libre-échange qui traitent de la durabilité, et il convient de plaider pour que la société civile soit associée à la démarche, grâce aux organisations de jeunesse, pour ne prendre que cet exemple. Les jeunes restent la catégorie de population la plus exposée au travail des enfants et à d’autres formes de maltraitance. Pour y remédier, le plan d’action pour la jeunesse devrait réserver une place importante à la lutte contre le travail des enfants, afin qu’au vingt et unième siècle, ce fléau ne soit enfin plus qu’un souvenir du passé. Des ressources financières doivent être débloquées à cette fin, pour que les enfants qui travaillent ne soient plus tributaires de ces revenus. D’autre part, il conviendrait de restreindre la capacité d’action des entreprises qui recourent au travail des enfants dans leur chaîne de production mondiale.

4.25.

Les jeunes sont souvent les premiers à emprunter les routes périlleuses de l’émigration vers l’Europe et d’autres destinations. Afin de s’assurer qu’ils ne soient pas contraints de se hasarder sur des voies dangereuses et souvent illégales pour traverser des frontières internationales, le plan d’action pour la jeunesse devrait prévoir une coopération active avec les pays tiers, en vue d’établir des corridors humanitaires et des programmes de réinstallation grâce auxquels ils puissent gagner l’Europe en toute sécurité et légalité.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Kalantaryan, S., McMahon, S., et Ueffing, P., «Youth in external action» («Les jeunes dans l’action extérieure»), JRC130554, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2022.

(2)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 142.

(3)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 44.

(4)  JO C 443 du 22.11.2022, p. 44.

(5)  JO C 486 du 21.12.2022, p. 46.

(6)  Rapport d’information du CESE sur «La mise en œuvre de l’accord de retrait UE-Royaume-Uni, y compris le protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord» (en attente de publication au Journal officiel).

(7)  https://globalyouthmobilization.org/?lang=fr

(8)  JO C 100 du 16.3.2023, p. 38.


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/13


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle des jeunes dans la transition écologique»

(avis exploratoire à la demande de la présidence suédoise)

(2023/C 184/03)

Rapporteure:

Nicoletta MERLO

Demande de la présidence suédoise du Conseil

lettre du 14.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

8.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

152/00/01

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est d’avis que les jeunes peuvent et doivent jouer un rôle essentiel dans le contexte de la transition écologique. Il estime qu’il est primordial d’élaborer un nouveau modèle de gouvernance plus inclusif et capable de garantir la participation active des jeunes aux processus décisionnels en surmontant les obstacles qui subsistent.

1.2.

Le CESE souligne qu’il importe de s’assurer que les organisations de jeunesse jouent un rôle de premier plan dans le processus décisionnel ainsi que dans l’élaboration et la diffusion de projets liés à la durabilité et à l’environnement, notamment en leur garantissant le soutien financier nécessaire à cette fin.

1.3.

Le CESE considère qu’il est crucial de surveiller en permanence les effets que les investissements publics, y compris ceux liés à la transition écologique, ont et auront à l’avenir sur les jeunes, au moyen d’une évaluation fondée sur des indicateurs de l’impact économique, politique et social des politiques à mettre en œuvre, et ce avant, pendant et après leur approbation.

1.4.

Le CESE encourage les institutions de l’Union européenne et les États membres à mettre en œuvre les mesures et les mécanismes nécessaires pour s’assurer que la perspective de la jeunesse soit prise en compte dans tous les domaines d’action et créer un espace permettant de garantir leur participation active grâce à l’adoption intégrale de l’évaluation d’impact de l’Union du point de vue des jeunes.

1.5.

Le CESE estime qu’il est essentiel de relier les initiatives et les politiques qui seront adoptées dans le cadre de l’Année européenne des compétences au thème de la transition écologique, du développement durable et des défis auxquels les jeunes sont confrontés dans un monde en constante évolution.

1.6.

Le CESE juge qu’il est primordial d’envisager l’éducation et le développement des compétences attendues par les jeunes sur cette question en suivant une approche transversale capable de fournir des compétences théoriques et pratiques, notamment par la mise en œuvre et l’amélioration des parcours de transition de l’école à l’emploi et des apprentissages professionnels, et en associant également les partenaires sociaux. Il y a également lieu de donner à la formation sur ces sujets un caractère structurel, en la concevant et en la développant à partir des territoires et de leurs besoins, dans un cadre plus large au niveau national.

1.7.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de commencer à enseigner les questions de durabilité et de protection de l’environnement dès le plus jeune âge, en recourant à des outils éducatifs innovants qui tiennent compte de la protection de l’environnement, du développement social et économique et de la réalisation des objectifs connexes. Assurer une éducation de qualité pour tous et un travail décent à ceux qui la dispensent est essentiel à cette fin.

1.8.

Le CESE souligne qu’il importe que les écoles s’engagent sur les questions de transition écologique en concertation avec les autorités locales et dans le cadre d’activités extrascolaires, en associant notamment à la démarche les organisations de jeunesse et la société civile organisée, de manière à stimuler une sensibilisation et une participation accrues des citoyens ordinaires. À cet égard, le Comité juge positive l’expérience acquise dans le cadre du projet Erasmus vert et attend avec intérêt sa mise en œuvre.

1.9.

Afin de doter les travailleurs, jeunes comme âgés, des compétences permettant de gérer l’innovation induite par la transition écologique, le CESE estime qu’il est important d’investir dans la formation par le travail et de promouvoir la formation sur le lieu de travail et des stages et des apprentissages de qualité capables de créer un dialogue vertueux entre les besoins du marché et les compétences individuelles des jeunes. À cet égard, le dialogue social et la négociation collective peuvent jouer un rôle de premier plan.

1.10.

Le CESE estime qu’il est essentiel de disposer de politiques de formation globales, intégrées aux politiques industrielles, coordonnées avec d’autres stratégies de développement et planifiées en détail au niveau territorial et local, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux, de manière à s’assurer que la transition écologique soit juste et ne laisse personne de côté.

1.11.

Afin de garantir une participation adéquate des femmes dans les secteurs liés à la transition écologique, le CESE estime que l’égalité entre les hommes et les femmes doit faire partie intégrante de ladite transition. Les États membres devraient investir davantage de ressources dans l’orientation professionnelle des jeunes à l’école et l’accompagnement de leur parcours vers l’emploi grâce à des services publics de l’emploi efficaces, qui sont suffisamment liés au tissu productif du territoire.

1.12.

Les jeunes entrepreneurs peuvent jouer un rôle important dans le développement de l’innovation, y compris dans le domaine de la transition écologique. Le CESE estime qu’il y a lieu d’encourager ces jeunes en prévoyant une formation spécifique, une aide pour les projets innovants et un soutien financier adéquat.

1.13.

Pour faire en sorte que la transition écologique soit également juste et éviter les fermetures d’entreprises et les pertes d’emplois qui en découlent, le CESE estime qu’il est prioritaire pour les États membres d’investir des ressources considérables, à commencer par celles des plans nationaux pour la reprise et la résilience, afin de soutenir les entreprises qui doivent reconvertir leurs activités, de redéployer les travailleurs licenciés et d’aider les entrepreneurs, en particulier les jeunes entrepreneurs, qui ont l’intention d’investir dans des entreprises vertes.

2.   Informations contextuelles

2.1.

Le présent avis exploratoire a été demandé par la présidence suédoise du Conseil de l’UE afin d’examiner le rôle des jeunes dans la transition écologique.

2.2.

La transition écologique fait référence à la transition de l’économie et de la société de l’UE vers la réalisation des objectifs climatiques et environnementaux, principalement au moyen de politiques et d’investissements, conformément à la loi européenne sur le climat prévoyant l’obligation de parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050, au pacte vert pour l’Europe et à l’accord de Paris, d’une manière qui assure une transition juste et inclusive pour tous.

2.3.

Face à ces grands défis, il est important de noter que c’est précisément la génération des jeunes qui est la plus sensible et consciente de la nécessité d’agir pour atteindre la durabilité environnementale. En effet, s’il existe à l’heure actuelle un thème capable de créer un lien vertueux entre la sensibilité et les valeurs des jeunes et les grandes questions de notre époque, et qui recèle un fort potentiel d’innovation en matière de modèles de production et de consommation, c’est bien celui de l’environnement, de la promotion de la santé et de la préservation de la biodiversité de la planète.

2.4.

Ces dernières années, l’action pour le climat a mobilisé un grand nombre de jeunes dans toute l’Europe. De nombreux mouvements sociaux et de protection de l’environnement se sont développés aux niveaux territorial, national et européen, et les jeunes qui en sont membres ont manifesté et réclamé des mesures tangibles de la part des gouvernements et des décideurs politiques afin de protéger l’environnement et de parvenir à la neutralité climatique.

2.5.

L’année 2022 a été proclamée Année européenne de la jeunesse pour célébrer et soutenir les jeunes, la génération la plus durement touchée par la pandémie, en leur insufflant de nouveaux espoirs et en leur donnant de la force et confiance en l’avenir, mais elle a aussi été l’occasion de souligner comment la transition écologique et numérique offre de nouvelles perspectives et de nouvelles possibilités.

3.   La participation des jeunes à la transition écologique

3.1.

Pour parvenir à une transition écologique juste, il est nécessaire de mettre en œuvre le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies et ses 17 objectifs de développement durable (ODD) dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, y compris en adoptant un nouveau modèle de gouvernance plus inclusif et capable d’associer activement les jeunes aux processus décisionnels.

3.2.

Les décisions prises aujourd’hui par les dirigeants politiques concernant le changement climatique et d’autres questions environnementales auront des répercussions sur les jeunes d’aujourd’hui et sur les futures générations en particulier. Les jeunes ont le droit de se prononcer sur les questions qui les concernent, comme le prévoit le programme à l’horizon 2030, qui les reconnaît en tant qu’«agents de changement essentiels» dans le cadre de ses ODD.

3.3.

Bien que le rôle des jeunes dans la construction d’un monde plus durable, plus inclusif et plus vert soit de plus en plus reconnu, et malgré la proclamation d’une année qui leur est consacrée, il est clair qu’en réalité, ils ont encore du mal à participer activement aux organes de décision.

3.4.

Ces dernières années, malgré le haut niveau d’engagement des jeunes en faveur de la lutte contre le changement climatique, on a également observé un mécontentement grandissant et une perte de confiance parmi les jeunes à l’égard des institutions politiques, se traduisant par une baisse de leur participation active au sein de partis politiques et une hausse de l’abstentionnisme lors d’élections politiques, en qualité d’électeurs comme de candidats. Cette évolution menace le système démocratique et entrave l’élaboration de politiques tournées vers l’avenir, à commencer par celles qui sont nécessaires pour relever les défis de la transition climatique, et qui sont en mesure de répondre aux différentes sensibilités et aux différents besoins. À cet égard, le CESE est convaincu que la promotion de la participation des jeunes à la vie politique et à d’autres processus décisionnels devrait être une priorité et que toutes les options devraient être explorées pour que cela soit possible et effectif à tous les niveaux.

3.5.

En guise de point de départ, il conviendrait de recenser et de surmonter les obstacles sociaux, économiques et culturels à la pleine participation des jeunes. La faible participation actuelle peut également être liée à un manque de sensibilisation ou à un accès difficile aux informations relatives à la participation des jeunes et aux mécanismes de représentation. Un autre aspect qu’il convient de souligner concerne les nouveaux modes d’engagement et de dialogue, souvent informels, privilégiés aujourd’hui par les jeunes, qui ont à cette fin fréquemment recours à la technologie et aux médias sociaux. Ces modes de participation devraient être dûment pris en considération, vu leur capacité manifeste à mobiliser des générations entières.

3.6.

La durabilité est profondément ancrée dans la vision qu’ont les jeunes du monde et dans leurs processus décisionnels, mais avec beaucoup de pragmatisme. Les organisations de jeunesse, qui représentent les intérêts et les sensibilités de millions de jeunes en Europe, peuvent donc jouer un rôle important pour faire en sorte que la voix de la jeune génération soit entendue au sein des institutions et de la société civile, mais aussi lui permettre d’apporter une contribution significative et utile au processus décisionnel à l’échelon local, régional, national et européen (1).

3.7.

Pour ces raisons, le CESE insiste sur l’importance de créer des possibilités pour que l’ensemble des organisations de jeunesse les plus représentatives, à commencer par celles qui représentent les jeunes les plus vulnérables et ceux qui vivent dans les zones les plus périphériques et rurales, soient associées à l’élaboration des politiques et au développement d’idées sur les questions de durabilité.

3.8.

Les organisations de jeunesse peuvent remplir de nombreuses fonctions et jouer un rôle crucial dans la diffusion et la mise en œuvre de projets liés à l’environnement et à la durabilité. Pour cette raison, le CESE invite les institutions de l’Union à mobiliser des ressources adéquates et spécifiques pour fournir à ces associations un soutien financier structurel grâce auquel les organisations de jeunesse bénéficieront de conditions favorables pour assurer et développer l’engagement des jeunes dans la transition écologique.

3.9.

Toutefois, la participation à elle seule ne suffit pas. Il importe également de s’assurer qu’il soit tenu compte dans toutes les politiques publiques de l’impact qu’elles auront sur les jeunes et leurs attentes, notamment celles des générations futures. Par conséquent, il convient de procéder à une évaluation ex ante, en cours d’exécution et ex post de tous les investissements, y compris ceux liés à la transition écologique, afin d’établir avec certitude, à l’aide d’indicateurs, les incidences économiques, politiques et sociales qu’ils auront sur les jeunes générations.

3.10.

Le CESE encourage les institutions de l’Union et les États membres à mettre en œuvre les mesures et les mécanismes nécessaires pour s’assurer que la perspective de la jeunesse soit prise en compte dans tous les domaines d’action, tout en créant un espace permettant aux jeunes d’apporter une contribution cohérente et fondée sur les compétences en vue de relever les défis auxquels ils sont confrontés, grâce à l’adoption intégrale de l’évaluation d’impact de l’UE du point de vue des jeunes (2) («test jeunesse»).

3.11.

Il est nécessaire, tant pour la planète que pour le développement avancé de nos États membres, d’assurer l’autonomisation des jeunes autour de quatre piliers: la participation aux processus de changement, la possibilité de jouer un rôle actif en exerçant sa responsabilité dans des choix individuels et collectifs, l’amélioration des connaissances concernant les transformations en cours et les conséquences inévitables de la transition écologique et numérique et le développement des compétences nécessaires pour intervenir de manière qualifiée.

4.   La transition écologique dans l’éducation et sur le marché du travail

4.1.

L’année 2023 a été proclamée «Année européenne des compétences». Le CESE estime qu’il est essentiel de relier les initiatives et les politiques qui seront adoptées dans ce contexte au thème de la transition écologique, du développement durable et des défis auxquels les jeunes sont confrontés dans un monde en constante évolution.

4.2.

Dans la situation d’urgence climatique et environnementale que nous connaissons aujourd’hui, l’éducation à la durabilité devrait devenir une priorité dans les écoles. Les éducateurs ont un rôle déterminant à jouer pour faire en sorte que les élèves soient au fait des questions climatiques et possèdent les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour participer à l’économie verte. Les approches que les enseignants et les écoles peuvent adopter pour étudier ces questions avec les élèves ne manquent pas, mais l’objectif poursuivi requiert également une éducation de qualité pour tous et des conditions de travail décentes pour ceux qui la dispensent. Le CESE estime essentiel de garantir un financement adéquat aux niveaux européen, national, régional et local afin de soutenir les projets et initiatives visant à encourager et à mettre en œuvre l’enseignement et l’apprentissage dans les domaines de l’environnement et de la durabilité.

4.3.

La question des stratégies de transition écologique et de développement durable est éminemment transversale. Il est donc nécessaire d’envisager l’éducation et le développement des compétences attendues par les jeunes sur cette question en suivant une approche transversale capable de fournir des compétences théoriques et pratiques, notamment par la mise en œuvre et l’amélioration des parcours de transition de l’école à l’emploi et des apprentissages professionnels. Il y a également lieu de donner à la formation sur ces sujets un caractère structurel, en la concevant et en la développant à partir des territoires et de leurs besoins, dans un cadre plus large au niveau national et dans une perspective d’apprentissage tout au long de la vie.

4.4.

L’éducation des enfants aux questions de durabilité et de protection de l’environnement devrait commencer dès le plus jeune âge, tout d’abord au jardin d’enfants et ensuite dans le cadre de programmes spécifiques pendant toute la scolarité. Il est donc important que les enseignants reçoivent également une formation spécifique et que des possibilités de mise à jour régulière de leurs compétences leur soient garanties.

4.5.

L’introduction de parcours de transition écologique et culturelle dans les processus éducatifs implique de réaffirmer le rôle éducatif des écoles, qui sont chargées d’appuyer des parcours civiques capables d’enseigner aux élèves comment habiter le monde d’une manière nouvelle et durable. Les étudiants deviennent ainsi les protagonistes d’un changement qui les oriente vers un nouveau modèle de société plaçant l’environnement au centre et leur permet d’expérimenter et de diffuser de nouveaux modes de vie en équilibre avec la nature.

4.6.

Le contexte actuel, en évolution constante et rapide, incite à mettre en place des environnements éducatifs innovants en créant un nouvel alphabet écologique conforme aux objectifs du programme à l’horizon 2030 et centré sur les méthodes de mise en œuvre de l’économie circulaire et sur les outils offerts par la réflexion sur le cycle de vie (RCV) (3), qui tienne compte de la protection de l’environnement, du développement social et économique et de la réalisation des objectifs connexes.

4.7.

Le CESE fait observer que chacun a besoin des connaissances nécessaires pour lutter contre le changement climatique, en particulier en ce qui concerne tous les aspects de la consommation et de la production durables, les choix alimentaires responsables et la réduction du gaspillage alimentaire, et l’utilisation de l’énergie durable. L’éducation des jeunes devrait être soutenue par l’apprentissage tout au long de la vie des parents et l’éducation des citoyens (4).

4.8.

Le succès de la transition écologique dépendra donc de la capacité des écoles à travailler de concert avec les autorités locales et dans le cadre d’activités extrascolaires, en associant notamment à la démarche les organisations de jeunesse et la société civile organisée, de manière à stimuler une sensibilisation et une participation accrues, y compris parmi les citoyens. À cet égard, le Comité juge positive l’expérience acquise dans le cadre du projet Erasmus vert et attend avec intérêt sa mise en œuvre.

4.9.

La prise de conscience, les connaissances et le leadership positif en matière de protection de l’environnement s’observent de manière encore plus importante parmi la jeune génération, à savoir la «génération Z» (moins de 25 ans) et chez les individus ayant un niveau d’éducation plus élevé et maîtrisant des outils culturels plus puissants. Cela signifie que la prise de conscience et l’information de qualité devraient s’accroître et se consolider, mais également qu’il est possible de favoriser les réactions positives requises en améliorant l’éducation des jeunes et en renforçant leur capital humain dans les sphères sociale et économique. À l’inverse, un faible niveau d’études et des difficultés à entrer dans le monde du travail non seulement ralentissent la contribution à la croissance actuelle du pays, mais affaiblissent également le rôle des jeunes en tant qu’acteurs actifs de nouveaux processus de croissance qui répondent davantage aux défis de l’époque dans laquelle ils vivent.

4.10.

Il ne peut y avoir de transition sans compétences. Il est essentiel de doter les travailleurs, jeunes comme âgés, des compétences permettant de gérer l’innovation induite par la transition écologique qui a inéluctablement, et devrait continuer d’avoir à l’avenir, une incidence considérable sur le monde du travail. Le CESE estime qu’il est important d’investir dans la formation par le travail, à savoir une série de pratiques de formation et d’apprentissage mises en œuvre dans des contextes professionnels, notamment sous la forme d’apprentissages, qui constitue un atout considérable en vue de l’acquisition ou de la réacquisition de compétences, tant techniques que transversales. La formation en cours d’emploi, les stages et les apprentissages sont trois modes d’apprentissage qui, à leurs manières propres et diverses, contribuent à créer un dialogue vertueux entre les besoins du marché et les compétences individuelles des jeunes. Les partenaires sociaux ont un rôle essentiel à jouer dans la réalisation de cet objectif par le biais du dialogue social et de la négociation collective.

4.11.

La transition écologique doit être une transition juste, garantissant la reconversion et le perfectionnement professionnels des travailleurs ainsi que des emplois de qualité pour tous afin de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. Pour cette raison, le CESE juge essentiel que les politiques de formation soient globales, intégrées aux politiques industrielles, coordonnées avec d’autres stratégies de développement et planifiées en détail au niveau territorial et local, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux.

4.12.

On observe actuellement qu’une telle approche globale fait défaut et que la diffusion des compétences vertes et, partant, le développement des emplois verts sont lacunaires, particulièrement parmi les personnes ayant des niveaux d’éducation et de compétences moins élevés. De ce fait, une nouvelle polarisation risque de voir le jour entre, d’une part, ceux qui possèdent des compétences vertes et jouissent dès lors d’une excellente employabilité dans les scénarios ouverts par la transition écologique et, d’autre part, ceux qui demeurent exclus de ces processus de formation, disposent de compétences limitées et s’acquittent souvent de tâches opérationnelles susceptibles de disparaître sous l’effet combiné de la transition écologique et de l’automatisation industrielle.

4.13.

L’égalité entre les hommes et les femmes doit également faire partie intégrante des stratégies en faveur de l’économie verte. Les jeunes femmes sont sous-représentées dans les domaines technologiques et scientifiques du fait qu’il est peu probable qu’elles optent pour une éducation spécialisée dans ces secteurs compte tenu des stéréotypes de genre qui considèrent certains emplois comme purement masculins. Pour permettre une participation adéquate des femmes dans ces secteurs qui connaissent et connaîtront dans un avenir proche une évolution majeure découlant de la transition écologique, il importe de s’attaquer à ces stéréotypes, et l’orientation professionnelle dans les écoles peut jouer un rôle crucial à cet égard. Le CESE estime que les États membres devraient investir davantage de ressources pour que les jeunes puissent bénéficier d’une orientation professionnelle à l’école et être aidés dans leur parcours vers l’emploi par des services publics de l’emploi efficaces, suffisamment liés au tissu productif de la région.

4.14.

Le développement de l’innovation est l’une des clés du succès de la transition écologique. Encourager les jeunes à adopter une attitude entrepreneuriale dans le cadre du processus d’innovation grâce à une formation spécifique et à un soutien pour les projets innovants et en garantissant une aide financière adéquate constitue dès lors un aspect essentiel en vue de la réalisation des objectifs.

4.15.

Selon une étude d’impact (5) réalisée par l’Agence européenne pour l’environnement, la transition écologique pourrait créer un million de nouveaux emplois dans l’Union européenne d’ici à 2030 mais également entraîner entre 500 000 et deux millions de pertes d’emploi. Le CESE estime qu’il est prioritaire pour les États membres d’investir des ressources considérables, à commencer par celles des plans nationaux pour la reprise et la résilience, afin de soutenir les entreprises qui doivent reconvertir leurs activités, de redéployer les travailleurs licenciés et d’aider les entrepreneurs, en particulier les jeunes entrepreneurs, qui ont l’intention d’investir dans des entreprises vertes.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du CESE sur le thème «Vers une participation structurée des jeunes au processus décisionnel de l’Union européenne concernant le climat et la durabilité» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 44).

(2)  Avis du CESE sur le thème «Évaluation d’impact de l’UE du point de vue des jeunes» (JO C 486 du 21.12.2022, p. 46).

(3)  https://www.lifecycleinitiative.org/starting-life-cycle-thinking/what-is-life-cycle-thinking/

(4)  Avis du CESE sur le thème «Donner aux jeunes les moyens de réaliser le développement durable grâce à l’éducation» (JO C 100 du 16.3.2023, p. 38).

(5)  https://www.eea.europa.eu/policy-documents/swd-2020-176-final-part


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/18


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La construction en bois comme moyen de réduire les émissions de CO2 dans le secteur de la construction»

(avis exploratoire à la demande de la présidence suédoise)

(2023/C 184/04)

Rapporteur:

M. Rudolf KOLBE

Corapporteur:

M. Sam HÄGGLUND

Consultation

Présidence suédoise, 14.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

14.12.2022

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

07.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

153/2/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) voit dans les matériaux de construction biosourcés un levier important pour la transition écologique. Il faut, pour augmenter la part représentée par le bois dans la construction dans le but de réduire les émissions de carbone, promouvoir une exploitation active et durable des forêts dans l’Union européenne et ne pas compromettre cette démarche avec des politiques restrictives.

1.2.

Eu égard au devoir d’exemplarité qui incombe aux pouvoirs publics, le CESE invite les États membres à recourir davantage au bois dans le parc immobilier public, où son utilisation est inférieure à la moyenne globale.

1.3.

Le CESE estime que des aides à la recherche, au développement et à l’innovation en ce qui concerne les matériaux de construction alternatifs, auxquelles les PME pourraient aisément prétendre également, constituent des leviers importants pour exploiter le potentiel de la construction en bois.

1.4.

Le CESE suggère de reconsidérer le bien-fondé d’opposer aux constructions en bois des obstacles découlant d’exigences formelles, juridiques et techniques pour assurer la qualité de leur conception, et soutient que l’innovation doit pouvoir refléter l’état de l’art, non pas seulement en se conformant à des normes, mais aussi en déployant des «solutions alternatives équivalentes».

1.5.

Étant donné que les divergences dans les prescriptions légales applicables aux matériaux de construction renouvelables font elles aussi obstacle à leur utilisation, le CESE préconise en la matière des mesures d’harmonisation et voit dans le nouveau Bauhaus européen un moteur important pour ce faire.

1.6.

Le CESE recommande le recours systématique au bilan environnemental pour faire une évaluation approfondie de la durabilité des bâtiments sur l’ensemble de leur cycle de vie et en comparer les incidences environnementales.

1.7.

Le CESE souligne l’importance de disposer de normes minimales en matière d’émissions de carbone des bâtiments durant l’intégralité de leur cycle de vie, et d’imposer en conséquence une comptabilité carbone obligatoire dans toute la filière de la construction.

1.8.

Le CESE considère que la directive sur la performance énergétique des bâtiments est le principal instrument des politiques au moyen duquel on puisse définir des exigences en matière de réduction des émissions de carbone portant sur le cycle de vie entier des bâtiments. Le CESE invite la Commission européenne à mettre au point un système de certification carbone qui prendrait pleinement en compte le rôle que jouent les produits du bois dans la compensation des émissions.

1.9.

Le CESE tient pour indispensables un transfert de savoir-faire — comme le prévoit l’académie du nouveau Bauhaus européen — ainsi que des offres correspondantes de formation initiale et continue à l’échelon national. Des formations et modules de perfectionnement sur l’utilisation de nouveaux procédés et matériaux de construction durables sont nécessaires pour tous les acteurs des chantiers: maîtres d’œuvre, architectes, ingénieurs, techniciens, informaticiens et ouvriers.

1.10.

De l’avis du CESE, des procédures de passation de marchés reposant sur la qualité et comportant des critères relatifs à la durabilité et au cycle de vie, mais aussi le choix de procédures d’adjudication appropriées, qui autorisent les solutions innovantes, constituent des prérequis si l’on veut atteindre les objectifs climatiques fixés et promouvoir la construction en bois. Par conséquent, le CESE préconise, d’une part, une obligation légale plus stricte de placer la concurrence sur le terrain de la qualité et de veiller à ce que les marchés publics soient respectueux du climat, ainsi que, d’autre part, des actions de formation en ce sens à l’intention des adjudicateurs publics.

1.11.

Le CESE invite les États membres à prendre part à l’initiative WoodPoP des gouvernements autrichien et finlandais, laquelle vise à mobiliser les acteurs publics et privés de la filière bois aux niveaux national et régional, et à soutenir une réorientation des investissements vers des solutions durables et biosourcées et vers des chaînes de valeur fondées sur le bois.

2.   Observations générales

2.1.

La construction en bois a derrière elle une tradition séculaire de l’innovation. L’utilisation de matériaux durables a trouvé un écho, notamment, dans les idées du nouveau Bauhaus européen (1).

2.2.

Le CESE souscrit à la position de la Commission selon laquelle des matériaux — notamment ceux utilisés pour la construction — innovants, biosourcés et produits de manière durable à partir de procédés sobres en carbone revêtent la plus grande importance au regard de la transition écologique. D’après le rapport que l’Agence internationale de l’énergie a consacré à ce sujet (2), les bâtiments sont à l’heure actuelle responsables de 33 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale (en 2021). Ces dernières proviennent en majeure partie, directement ou indirectement, de l’exploitation des bâtiments, même si la fabrication et la production des matériaux de construction représentaient tout de même 6,4 % de ces émissions en 2021. Le transport, la démolition et les ouvrages d’infrastructure ne sont pas pris en compte dans ce calcul. Les émissions générées par l’acheminement sont imputées au secteur des transports. On peut donc partir du principe que les émissions réelles causées par la construction sont plus élevées. D’après les données de la Commission, les bâtiments sont responsables d’environ 40 % de la consommation énergétique au sein de l’Union européenne et d’environ un tiers de ses émissions de gaz à effet de serre. Les réductions des émissions de gaz à effet de serre sont principalement obtenues grâce aux mesures prises dans le domaine de la rénovation thermique, à la part croissante des sources d’énergie renouvelables et au renouvellement des installations de chauffage. À contre-courant de cette tendance, on constate cependant une augmentation du nombre des résidences principales et de la surface moyenne des logements.

2.3.

Le CESE met en avant l’importance cardinale que revêtent les forêts pour la vie humaine partout dans le monde. Ainsi, les 400 milliards d’arbres qu’abrite l’Europe absorbent près de 9 % des émissions de gaz à effet de serre européennes. Le CESE n’est pas sans savoir que la déforestation représente un problème colossal à l’échelle du monde, même si, au sein de l’Union européenne, les ressources forestières sont en progression. Entre 1990 et 2020, la surface boisée a progressé de 9 % et le volume de bois dans les forêts européennes a augmenté de 50 % (3). Le CESE soutient sans réserves tous les efforts déployés par la Commission européenne pour affronter ce problème mondial et insiste sur la nécessité de préserver la bonne santé et la croissance des forêts dans l’Union. Il faut, pour augmenter la part représentée par le bois dans la construction dans le but de réduire les émissions de carbone, promouvoir une exploitation active et durable des forêts partout dans l’Union et ne pas compromettre cette démarche avec des politiques restrictives.

2.4.

Par conséquent, le CESE soutient que l’on ne saurait dissocier la valorisation du potentiel que recèle la construction en bois (aussi bien massif que non massif) pour lutter contre le changement climatique d’une exploitation durable des forêts. En Autriche, le projet CareforParis (4), auquel ont collaboré le Centre fédéral de recherche sur les forêts (BFW), l’université d’agronomie BOKU, l’organisation Wood K plus et l’Agence fédérale pour l’environnement, a mis au point et analysé différents scénarios pour l’exploitation des forêts. Ces scénarios postulent différentes altérations du climat et stratégies pour y adapter les forêts autrichiennes, et en présentent les évolutions possibles jusqu’à l’année 2150. Une analyse approfondie a été réalisée sur le bilan carbone des forêts et des produits du bois ainsi que sur l’évitement des émissions de CO2 grâce à l’emploi de ces produits. L’effet combiné de la croissance des forêts, de l’utilisation du bois et de la prévention des émissions de gaz à effet de serre grâce aux produits du bois débouche sur un bilan positif au regard de ces gaz. Les forêts européennes sont un important puits de carbone. Entre 2010 et 2020, la séquestration de carbone par la biomasse forestière dans la région Europe s’est établie à 155 millions de tonnes en moyenne annuelle. Ce chiffre correspond à 10 % des émissions brutes de gaz à effet de serre dans l’Europe des Vingt-huit (5). Le principal levier dont on dispose pour lutter contre le changement climatique est celui du remplacement des matières premières et sources d’énergie fossiles par le bois (comme matériau et comme énergie) et des émissions ainsi évitées. Substituer le bois à des matériaux qui génèrent plus d’émissions sur leur cycle de vie est donc une démarche importante pour lutter contre le changement climatique.

2.5.

On qualifie d’énergie grise l’énergie nécessaire à la production, au stockage, au transport, à la pose et enfin à l’élimination des matériaux et éléments de construction ainsi qu’aux bâtiments. Par rapport à d’autres matériaux de construction couramment employés, le bois fixe par ailleurs le carbone avant même d’être utilisé comme matériau de construction (un arbre est constitué pour environ 50 % de carbone pur). Si l’on considère le bilan du bois en matière d’émissions, on constate que les facteurs que sont l’origine, la distance de transport, le mode de traitement et la possibilité de réemploi sont d’une importance primordiale. Les comparaisons avec des bâtiments équivalents — en prenant en compte l’ensemble du cycle de vie — montrent que, contrairement à d’autres matériaux de construction, le bois affiche de meilleures performances en ce qui concerne l’énergie grise, les émissions de gaz à effet de serre, la pollution de l’air et de l’eau ainsi que d’autres indicateurs d’impact. Au rythme actuel, les produits du bois qui sont fabriqués chaque année (c’est-à-dire le bois utilisé comme matériau) permettent, par le seul effet de substitution, de prévenir environ 10 % de la totalité des émissions de gaz à effet de serre annuelles.

2.6.

Concrètement, les constructions en bois permettent de réduire jusqu’à hauteur de 40 % les émissions de CO2 par rapport à celles en béton. Si l’on applique la formule préconisée par Hagauer et al. (2009) (6) pour convertir les volumes en poids, le poids sec d’un mètre cube (m3) de bois (résineux et feuillus confondus) est de 417 kg. En admettant une teneur en carbone de 50 %, on obtient donc un équivalent CO2 de 0,765 tonne par m3. Par conséquent, la récolte d’un million de m3 supplémentaires de bois prêt à l’emploi permettrait de fixer 0,765 million de tonnes équivalent CO2 dans des produits durables.

2.7.

La part représentée par les constructions en bois a augmenté ces dernières années. En Autriche, par exemple (7), elle a progressé en l’espace de vingt ans de plus de 70 % pour s’établir, en 2018, à 24 % de la surface utile construite. Ce chiffre comprend 53 % de constructions résidentielles, 11 % d’édifices commerciaux et industriels et 29 % de bâtiments à usage agricole. En comparaison, la part représentée par le secteur des bâtiments publics n’était que de 7 %. En Suède et en Finlande, 90 % des nouvelles maisons individuelles sont en bois, et quelque 20 % des nouvelles constructions d’immeubles à appartements ont une charpente en bois.

2.8.

La densification des villes est un levier important pour lutter contre le changement climatique et va nécessairement de pair avec des hauteurs de bâti plus élevées. Des projets actuels montrent qu’il est possible de réaliser des constructions en bois de grande hauteur. On citera comme exemples le centre culturel Sara en Suède, qui s’élève à 75 m pour vingt étages (8), ou la tour Ascent à Milwaukee, qui compte dix-huit niveaux en bois (9).

2.9.

Les systèmes actuels de construction en bois peuvent aisément être adaptés de sorte qu’ils offrent des solutions globales pour la rénovation des bâtiments, en créant des logements de qualité et en réalisant des économies d’énergies substantielles. Les projets de rénovation mettent à profit non seulement les infrastructures urbaines facilement disponibles, mais aussi l’énergie grise déjà présente dans le bâti existant.

2.10.

Utiliser le stock existant au lieu d’ajouter de nouveaux bâtiments est synonyme d’une utilisation plus efficace des ressources qu’une ville peut offrir, et c’est donc cette démarche qu’il faut en principe privilégier. Les avantages en sont la rapidité du montage et de l’assemblage des composants, un meilleur rapport entre la capacité portante et le poids par rapport à d’autres matériaux et une charge propre comparativement faible s’exerçant sur l’édifice existant.

2.11.

Le bois se prête bien à une utilisation en cascade. Se faire succéder différents usages permet d’augmenter la valeur ajoutée, de réduire la consommation de ressources et de fixer le CO2 plus longtemps.

2.12.

Les exigences formelles, juridiques et techniques s’appliquant en matière de qualité de la conception aux constructions en bois sont comparativement plus strictes et complètes que celles en vigueur pour d’autres modes de construction. Ce niveau de complexité fait obstacle à une progression des parts de marché de la construction en bois. La normalisation des composants, des raccords et des assemblages est de nature à faciliter l’exécution des chantiers et à en garantir la rentabilité et la qualité. On peut citer l’initiative dataholz.eu, une banque de données qui propose en ligne des éléments et composants de construction contrôlés pour l’Allemagne et l’Autriche. De manière générale, le CESE observe que, dans le secteur de la construction en bois aussi, l’innovation doit refléter dans tous les domaines l’état de l’art, non pas seulement en se conformant aux normes en vigueur, mais aussi en déployant des «solutions alternatives équivalentes».

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE fait observer que, grâce à leur normalisation, à leur précision et à leur qualité, les systèmes de construction en bois se prêtent tout aussi volontiers aux nouvelles constructions qu’à la rénovation du bâti existant et à la densification des villes. Parmi leurs nombreux avantages, on citera leur adaptabilité, leur degré avancé de préfabrication, des temps de construction réduits ou encore leur poids inférieur en comparaison avec d’autres matériaux.

3.2.

Un critère essentiel dans l’évaluation des bâtiments est celui des incidences environnementales tout au long du cycle de vie. Celles-ci se manifestent lors de l’édification (fabrication et transport des matériaux de construction utilisés), de l’utilisation et de la démolition (en prenant en compte la valorisation ou l’élimination des produits de construction). Ces incidences sont consignées dans des bilans environnementaux (EN 15804:15.2.2022).

3.3.

Le bilan environnemental est un instrument approprié pour évaluer la durabilité des produits de construction. Le CESE recommande dès lors que cet outil du bilan environnemental, qui permet de faire une évaluation approfondie de la durabilité sur l’ensemble du cycle de vie, soit systématiquement appliqué aux bâtiments pour en présenter et en comparer les incidences environnementales.

3.4.

Ces dernières années, les prescriptions légales quant à l’utilisation de matériaux renouvelables dans la construction ont été libéralisées. Les possibilités de construction en bois ont été étendues, surtout au regard de la protection contre les incendies. Des projets sont également en cours dans ce domaine.

3.5.

Sous la direction de l’université technique de Munich (TUM), le projet de recherche «TIMpuls» (10) étudie actuellement des incendies qui se sont déclarés dans des bâtiments en bois à plusieurs étages dans le but d’asseoir sur des bases probantes une réglementation uniforme pour la construction d’immeubles en bois de grande hauteur.

3.6.

Des travaux de recherche et projets réalisés récemment témoignent du fait que, s’agissant de la protection contre les incendies, la construction en bois n’a rien à envier aux autres modes de construction, et elle présente même des avantages sur le plan de la sécurité antisismique (11).

3.7.

Les divergences dans les dispositions législatives, souvent même dans le droit interne des États membres, forment souvent des obstacles indus. Le CESE préconise donc une plus grande harmonisation des règles du droit de la construction afin de placer le bois sur un pied d’égalité avec les autres matériaux de construction.

3.8.

Le CESE invite les États membres à recourir davantage au bois dans le parc immobilier public, où son utilisation est inférieure à la moyenne globale. Les pouvoirs publics ont à cet égard un rôle de modèle à jouer pour ce qui est d’exploiter le potentiel de la construction en bois en vue d’atteindre les objectifs fixés pour lutter contre le changement climatique. Des édifices en bois innovants et remarquables peuvent notamment être porteurs d’une identité et créer une dynamique en faveur d’une utilisation accrue du bois.

3.9.

Dans les procédures de passation de marchés, des critères tels que, entre autres, la bioéconomie, la durabilité, les coûts sur le cycle de vie ou l’incidence sur le climat ne sont souvent pas pris en compte, ou le sont trop peu, pour déterminer la meilleure offre, au détriment des solutions de construction en bois. Le CESE préconise donc une obligation plus stricte de prendre en considération les critères favorisant les objectifs climatiques dans les marchés publics.

3.10.

Pour les constructions en bois préfabriquées, la planification doit en outre être proche du stade de l’achèvement afin d’éviter tout risque d’interprétation et d’assurer une comparabilité sans équivoque. Pour dégager des avantages sur le plan de l’optimisation technique et économique et des délais d’exécution (12), il convient dans ce cas de réfléchir à la gamme complète des produits ainsi qu’à l’influence des processus de fabrication, de logistique et de montage à un stade plus précoce que dans le cas d’une construction à partir d’un état plus brut. On peut, pour ce faire, intégrer en amont des informations des soumissionnaires en choisissant la procédure d’adjudication appropriée, par exemple un concours d’architecture ou un dialogue compétitif, ou prévoir que le pouvoir adjudicateur s’entoure de maîtres d’œuvre spécialisés.

3.11.

Le CESE souligne l’importance du nouveau Bauhaus européen pour ce qui est de promouvoir des matériaux de qualité, respectueux du climat, et favoriser ainsi l’utilisation du bois dans les constructions. Pour l’heure, la part du bois comme matériau de construction dans l’Union européenne atteint à peine 3 %, et l’on est donc bien loin d’exploiter tout le potentiel de la construction en bois pour lutter contre le changement climatique. Par conséquent, le CESE estime que les aides à la recherche, au développement et à l’innovation en ce qui concerne les matériaux de construction alternatifs dans le cadre du nouveau Bauhaus européen constituent des leviers importants pour exploiter ce potentiel.

3.12.

Dans bien des cas, les possibilités qui s’offrent en la matière aux opérateurs du secteur de la construction ne sont pas encore suffisamment connues de tous. Cette vision incomplète a souvent pour conséquence que le recours au bois reste limité. Par conséquent, le CESE tient pour très important le transfert de savoir-faire au sein de l’Europe — ainsi que le prévoit l’académie du nouveau Bauhaus européen — et fait observer dans le même temps que l’on doit veiller à ce qu’il existe une offre suffisante de modules de formation initiale et continue correspondants, y compris à l’échelon national. Des formations et modules de perfectionnement sur l’utilisation de nouveaux procédés et matériaux de construction durables sont nécessaires pour toutes les catégories de travailleurs intervenant dans les chantiers: maîtres d’œuvre, architectes, ingénieurs, techniciens, informaticiens et ouvriers. On ne pourra réaliser la transition écologique qu’avec des personnes formées en conséquence.

3.13.

Le CESE salue le projet social Resilientwood, une initiative commune menée à l’échelle européenne sous la direction de la Confédération européenne des industries du bois (CEI-Bois) et de la Fédération européenne des travailleurs du bâtiment et du bois (FETBB) qui vise à mettre au point des recommandations et des orientations à l’intention des entreprises, des acteurs de la formation professionnelle et des pouvoirs publics, dans l’objectif d’attirer les jeunes dans la filière bois de l’Union, de s’adapter aux mutations technologiques et de renforcer les qualifications des travailleurs.

3.14.

Le CESE est d’avis qu’il est important de publier des informations techniques pour porter l’état de l’art de la construction en bois à la connaissance de tous les acteurs et pour établir des normes de construction et des normes structurelles qui la faciliteront.

3.15.

La directive sur la performance énergétique des bâtiments est le principal dispositif législatif dont l’Union dispose pour le secteur de la construction. En vertu de ce texte, les États membres sont tenus de fixer un niveau de performance pour leurs bâtiments, de planifier dans des stratégies la décarbonation du bâti existant au moyen de politiques de rénovation à long terme, ainsi que de mettre en œuvre des mesures complémentaires. Cette directive est donc l’instrument de politique qui s’impose comme le choix évident pour établir des exigences et des signaux clairs en matière de réduction des émissions de carbone sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments.

3.16.

Les dispositions de la directive doivent être alignées sur les objectifs de neutralité climatique et indiquer les mesures les plus importantes et les plus urgentes à prendre d’ici 2050. S’il est certes important d’améliorer la performance énergétique des bâtiments, l’on s’expose néanmoins, en l’absence d’une compréhension fine de l’empreinte carbone intégrée des bâtiments, au risque que les mesures prises ne soient pas optimales.

3.17.

Le CESE se félicite de la proposition de règlement sur l’écoconception pour des produits durables présentée au printemps 2022, dans laquelle il voit une étape importante sur la voie de produits plus respectueux de l’environnement et circulaires. La définition de critères minimaux, par exemple pour réduire l’empreinte climatique et environnementale des produits, peut tout à fait s’appliquer aussi aux constructions en bois, même si celles-ci ne sont pour l’heure pas couvertes par le règlement, et ouvrir des débouchés économiques en matière d’innovation.

3.18.

Une comptabilité carbone obligatoire sur l’ensemble du cycle de vie dans le secteur de la construction facilitera la collecte et la comparaison des données, et donnera au secteur la possibilité de développer les compétences et les capacités nécessaires. Des normes minimales contraignantes en matière d’émissions de carbone sur l’intégralité du cycle de vie doivent être mises en place et renforcées au fil du temps. Le CESE invite la Commission européenne à mettre au point un système de certification carbone qui prendrait pleinement en compte le rôle que jouent les produits du bois dans la compensation des émissions.

3.19.

Le CESE invite les États membres à prendre pleinement part à la nouvelle initiative WoodPoP des gouvernements autrichien et finlandais, une plateforme de promotion d’un dialogue stratégique autour du bois qui vise à mobiliser les grands acteurs publics et privés de la filière bois aux niveaux national et régional, et dans le même temps à soutenir une réorientation des investissements vers des solutions durables et biosourcées et vers des chaînes de valeur fondées sur le bois.

3.20.

Dans son avis complémentaire CCMI/205 intitulé «Industrie 5.0 dans le secteur de la construction en bois», le CESE fait valoir que le bois comme matériau de construction constitue un atout majeur, puisque celui-ci offre une solution de substitution durable et rentable en remplacement de matériaux de construction traditionnels tels que le béton et l’acier. Un autre de ses avantages réside dans la forte productivité du travail, qui permet une exécution plus rapide et plus efficace des chantiers. La construction en bois ouvre par ailleurs des perspectives d’emploi dans les régions rurales. Elle présente des avantages du point de vue environnemental, puisque le bois est une ressource renouvelable et peu émettrice de carbone à la production et tout au long de son cycle de vie par rapport à d’autres matériaux. Enfin, elle favorise la préservation et l’entretien des forêts, contribuant ainsi à la réduction des gaz à effet de serre.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 275 du 18.7.2022, p. 73; JO C 155 du 30.04.2021, p. 73.

(2)  Agence internationale de l’énergie (2022), rapport sur les bâtiments: https://www.iea.org/reports/buildings

(3)  https://foresteurope.org/wp-content/uploads/2016/08/SoEF_2020.pdf

(4)  Weiss P., Braun M., Fritz D., Gschwantner T., Hesser F., Jandl R., Kindermann G., Koller T., Ledermann T., Ludvig A., Pölz W., Schadauer K., Schmid B.F., Schmid C., Schwarzbauer P., Weiss G., 2020: rapport final sur le projet CareforParis, Fonds autrichien pour le climat et l’énergie, Vienne.

(5)  https://foresteurope.org/wp-content/uploads/2016/08/SoEF_2020.pdf

(6)  Hagauer, D., B. Lang, C. Pasteiner et K. Nemesthoty (2009), Empfohlene Umrechnungsfaktoren für Énergieholzsortimente bei Holz- bzw. Énergiebilanzberechnungen, ministère fédéral autrichien de l’agriculture et des forêts, de l’environnement et de la gestion des eaux, département V/10 — Énergie et économie de l’environnement, publication interne, Vienne.

(7)  Holzbauanteil in Österreich — Statistische Erhebung aller Hochbauvorhaben in den Jahren 1998–2008–2018, Robert Stingl, Gabriel Oliver Praxmarer, Alfred Teischinger, université d’agronomie de Vienne BOKU sur commande de proHolz Austria.

(8)  Voir: centre culturel Sara, Skellefteå, Suède, White Arkitekter, 2021.

(9)  Voir: Ascent Tower, Milwaukee, Wiehag Österreich, 2021.

(10)  www.cee.ed.tum.de/hbb/forschung/laufende-forschungsprojekte/timpuls (consulté le 23.1.2023).

(11)  Voir le projet de recherche «Erdbebensicherheit von Holzgebäuden», haute école spécialisée bernoise, 2020, www.bfh.ch/de/forschung/referenzprojekte/erdbebensicherheit-holzgebaeude (consulté le 23.1.2023).

(12)  Voir aussi le projet de recherche «leanWOOD — Neue Kooperations- und Prozessmodelle für das vorgefertigte Bauen mit Holz», haute école de Lucerne (HSLU), 2017.


ANNEXE

L’avis complémentaire de la commission consultative des mutations industrielles — «Industrie 5.0 dans le secteur de la construction en bois» figure sur les pages ci-après.

Avis de la Commission consultative des mutations industrielles sur le thème «Industrie 5.0 dans le secteur de la construction en bois»

(avis complémentaire à l’avis TEN/794)

Rapporteur:

Martin BÖHME

Corapporteur:

Rolf GEHRING

Décision de l’assemblée plénière

15.11.2022

Base juridique

Article 56, paragraphe 1, du règlement intérieur

 

Avis complémentaire

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

27.2.2023

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

29/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souligne que l’utilisation du bois comme matériau de construction constitue un atout majeur, puisque celui-ci représente une solution de substitution et une ressource complémentaire aux matériaux de construction traditionnels tels que le béton et l’acier, qui s’avère durable et rentable. L’un des autres avantages de la construction en bois réside dans la forte productivité du travail, qui permet une édification plus rapide et plus efficace des bâtiments. La possibilité de préfabriquer les éléments de construction en usine permet elle aussi de réduire les coûts et de renforcer la sécurité sur le chantier.

1.2.

L’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction en bois sont plus importants que jamais. L’éducation et la formation doivent être le fruit d’un dialogue social associant l’ensemble des partenaires sociaux.

1.3.

Le CESE estime que l’essor du secteur de la construction en bois ouvre de grandes possibilités aux travailleurs, en particulier en milieu rural. L’emploi décent dans l’industrie forestière et la construction en bois peut contribuer à améliorer la situation économique des zones rurales où la filière du bois occupe une place importante.

1.4.

Le CESE met en évidence les nombreux avantages que présente la construction en bois pour l’environnement. L’un de ses principaux atouts est que le bois constitue une matière première renouvelable, qui émet moins de CO2 que d’autres matériaux de construction lors de la fabrication des éléments et de l’édification des bâtiments, ainsi que durant leur cycle de vie. L’utilisation du bois dans le secteur de la construction favorise en outre la préservation et l’entretien des forêts, en ce qu’elle incite à les gérer de manière durable. Pendant leur période de croissance, les arbres absorbent du CO2 présent dans l’atmosphère et le stockent. Utilisé comme matériau de construction, le bois constitue ainsi un matériau écologique qui contribue à la réduction globale des gaz à effet de serre.

1.5.

Le CESE renvoie à ses récents travaux sur le thème de la construction et des produits de construction, en particulier les avis intitulés «Conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction» (1) et «La construction en bois comme moyen de réduire les émissions de CO2 dans le secteur de la construction» (2).

1.6.

L’utilisation du bois dans le secteur de la construction atteste du comportement parasismique de celui-ci, tel qu’il s’est manifesté dans certains cas, comme lors du tremblement de terre survenu en Alaska en 1964. Le CESE estime qu’il faudrait encourager les personnes vivant dans des zones à risque sismique à utiliser le bois comme matériau de construction.

2.   Observations générales

2.1.

Le présent avis s’inscrit dans le prolongement des observations générales exposées dans l’avis TEN/794 sur le thème «La construction en bois comme moyen de réduire les émissions de CO2 dans le secteur de la construction».

2.2.

Le secteur de la construction est un grand émetteur d’émissions de gaz à effet de serre et représente donc un facteur important pour ce qui est des effets néfastes sur le climat. Les émissions proviennent principalement du recours à des combustibles fossiles pour générer de la chaleur et de l’électricité dans les bâtiments, ainsi que de la production de matériaux de construction. Il est grandement nécessaire de prendre des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur de la construction, comme le recours aux énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et l’utilisation de matériaux de construction durables (3).

2.3.

Le CESE fait valoir que pour accroître, au sein du secteur du bâtiment, la part du bois issu d’une production durable utilisé comme matériau de construction, il convient de souligner la nécessité de gérer les forêts de manière durable pour produire la matière première qu’est le bois. La gestion forestière durable consiste en la gouvernance et l’exploitation des forêts de manière à garantir leur durabilité sur les plans aussi bien environnemental que social et économique. Les forêts sont ainsi préservées tant pour les générations actuelles que pour celles à venir, et les ressources naturelles sont utilisées de manière responsable. La préservation de la biodiversité et des services écosystémiques des forêts représente un volet important de la gestion forestière durable. Il importe également de réduire la vulnérabilité des forêts aux perturbations naturelles telles que les incendies de forêt et les infestations par des insectes.

2.4.

D’un point de vue technique, il y a lieu de noter que la construction en bois requiert une consommation bien moindre d’énergie dite grise par rapport à d’autres matériaux de construction comme le béton. L’énergie grise désigne l’énergie utilisée pour la production, le transport, le stockage et le recyclage des produits. Une réduction de l’énergie grise signifie que ces processus utilisent moins d’énergie, ce qui se traduit par une diminution des émissions de CO2 et une consommation d’énergie plus durable. Réduire l’énergie grise peut en outre contribuer à améliorer la compétitivité des entreprises.

2.5.

Le CESE constate que les réglementations entravent parfois le développement de la construction en bois, en ce qu’elles restreignent l’utilisation du bois comme matériau de construction ou imposent certaines règles et normes dont la mise en œuvre est difficile ou coûteuse pour ce secteur. La limite de hauteur applicable aux bâtiments en bois dans certains pays en est un exemple. De telles dispositions peuvent restreindre les possibilités qu’offre la construction en bois et mettre un frein à la conception de structures en bois novatrices. Dans le domaine de la sécurité incendie des bâtiments, il est inacceptable que le bois soit soumis à des règles de performance différentes de celles qui s’appliquent aux autres matériaux. Le CESE plaide en faveur d’une harmonisation des règles au niveau européen, quel que soit le matériau utilisé.

2.6.

La construction en bois peut apporter une contribution significative pour accroître la circularité de l’économie et, en particulier, pour atteindre l’objectif de la rendre davantage biosourcée, selon les termes des politiques de l’Union y afférentes. À cet égard, il convient d’élargir les domaines d’application du bois et des produits qui en sont dérivés et d’améliorer leurs propriétés physiques. Dans cette démarche, si la recyclabilité des produits ligneux constitue un facteur particulièrement crucial, la combinaison du bois avec d’autres matériaux revêtira elle aussi une importance toujours plus grande. Des mesures coordonnées et soutenues au niveau européen visant à promouvoir la coopération en matière de recherche dans les domaines des propriétés physiques et des matériaux composites peuvent jouer un rôle majeur à cette fin et favoriser l’innovation.

2.7.

La transformation de nos industries vers le concept de l’industrie 5.0, lequel comprend aussi un fondement social, revêt des aspects hautement techniques. La numérisation (modélisation des informations de la construction), la robotisation et l’utilisation de programmes d’apprentissage automatique (intelligence artificielle) transformeront l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la sylviculture jusqu’à la construction, à sa conservation et au recyclage. Un cadre juridique s’avère dès lors nécessaire en ce qui concerne les exigences générales applicables aux produits, celles relatives aux produits de construction et la normalisation. Il s’impose de les coordonner dans le domaine de la construction du bois. Conformément aux objectifs sociaux qui se profilent pour l’industrie 5.0, les évolutions techniques et les modèles d’organisation du travail devraient suivre une approche de conception technologique qui soit centrée sur l’humain. À cet égard, il importera également de prêter une attention systématique, dès la première étape d’une avancée technologique, à ses éventuels effets positifs ou négatifs, afin de garantir un environnement de travail et un cadre de vie sains.

2.8.

Le CESE constate que les changements technologiques et matériels dans le secteur de la construction en bois modifieront aussi l’organisation du travail et les compétences requises. Des chevauchements apparaissent ainsi entre le secteur de la construction et la filière bois, plus particulièrement entre les métiers classiques de ces deux secteurs économiques. L’adaptation des cursus existants pour certaines professions ou la redéfinition de celles-ci représente à cet égard une condition essentielle qui doit faire l’objet d’une coordination à l’échelon européen. L’objectif de proposer des professions attrayantes comprenant un large éventail de tâches et d’organiser le travail en conséquence contribuera également à accroître l’attractivité du secteur de la construction et de la filière bois.

2.9.

Le CESE estime qu’en raison de l’évolution rapide des méthodes de travail (numérisation, robotique, intelligence artificielle, nouvelles machines), l’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction en bois sont plus importants que jamais. L’éducation et la formation doivent être le fruit d’un dialogue social associant l’ensemble des partenaires sociaux.

3.   Observations particulières

3.1.

L’augmentation du taux de construction en bois devrait contribuer de manière significative à renforcer les chaînes de valeur régionales et à réduire l’empreinte environnementale. Sur le plan matériel et technique, la construction en bois contribue de manière très efficace à la bioéconomie, notamment lorsqu’une importance accrue est accordée à l’entretien et à la conservation des édifices en bois tout au long de leur cycle de vie, et ce, dès leur conception. En outre, afin d’éviter les effets de fuite sur le plan écologique, ce bois devrait uniquement provenir de sites abritant des zones forestières certifiées (systèmes de certification forestière FSC et PEFC) et dont le potentiel de production de bois brut est supérieur aux quantités exploitées.

3.2.

Le CESE considère que l’aménagement des surfaces requises pour la production de bois ainsi que le mode d’exploitation (intensif, extensif, monoculture, écologique) et d’approvisionnement (conventionnel ou durable) sont d’une importance cruciale pour la durabilité globale de la construction en bois. Dans la perspective, notamment, d’une hausse souhaitée de la part du bois dans le secteur de la construction, il est primordial de garder à l’esprit les objectifs de durabilité et de biodiversité lors de l’agrandissement des surfaces et de la réaffectation des terres à la production de bois.

3.3.

Les essais sur le terrain montrent que, sur le plan de l’analyse du cycle de vie, la construction en bois s’avère globalement plus avantageuse que d’autres techniques de construction, telles que celle du béton armé. L’indicateur d’impact servant à évaluer le potentiel de réchauffement planétaire affiche de bien meilleurs résultats puisqu’il ne représente que 57 % du potentiel de la construction en béton armé (4).

3.4.

Le CESE souligne que les études comparant la construction en bois à celle en dur montrent que la production de bois produit des effets moindres sur l’environnement dans la quasi-totalité des cas, s’agissant des indicateurs d’analyse du cycle de vie que sont, premièrement, la demande d’énergie primaire (totale et non renouvelable) et, deuxièmement, le potentiel de réchauffement planétaire. Ces résultats ne dépendent aucunement des matériaux choisis pour la construction en dur ni de la technique de construction employée pour la structure en bois (5).

3.5.

Le degré de préfabrication dans la construction en bois est nettement plus élevé que dans la construction en dur. Ainsi, le travail sur chantier est moins dépendant des conditions météorologiques, sachant qu’une plus grande part de la fabrication a lieu dans des conditions de travail optimales en atelier. Néanmoins, le caractère plus vertical de la production nécessite un effort de planification accru et, partant, un cycle de planification plus long.

3.6.

Le CESE constate que les délais de construction plus courts des structures en bois se traduisent par une diminution des frais généraux de travaux et de la durée de mise à disposition des engins de chantier. La préfabrication permet de limiter le nombre de transports vers le chantier. Dans les zones urbaines notamment, la construction en bois offre la possibilité de créer rapidement de nouveaux logements, par exemple en surélevant et en agrandissant les bâtiments.

3.7.

La construction en bois permet, pour des dimensions extérieures égales, de disposer d’espaces d’habitation plus vastes. En effet, l’isolation y est souvent intégrée dans la structure porteuse, tandis qu’elle fait l’objet d’une structure séparée dans la construction en dur. Il est dès lors possible, dans une construction en bois, d’avoir un mur extérieur plus fin pour une même épaisseur d’isolation.

3.8.

Outre la construction de logements, le CESE mise sur les possibilités supplémentaires que peut offrir la construction en bois pour des bâtiments non résidentiels, par exemple des bureaux, des entrepôts ou des laboratoires.

3.9.

Le CESE note que, comme pour tous les types de construction, une conception et une exécution de haute qualité revêtent une grande importance pour le cycle de vie de l’ouvrage. Cette démarche requiert notamment que les architectes et ingénieurs soient dûment formés, et nécessite une directive européenne en matière de planification qui soutienne ces professions au moyen d’un cadre réglementaire approprié. Dans le domaine de la planification en particulier, il convient de veiller à ce que les contrats de services soient obligatoirement attribués dans le cadre d’une concurrence axée sur la qualité, grâce à des adaptations juridiques et à la formation appropriée des donneurs d’ordre (6).

3.10.

Étant donné les récentes répercussions des tremblements de terre survenus en Turquie, mais aussi celles de précédents séismes, et au vu des prévisions d’experts sur de futurs épisodes, le CESE estime qu’il faudrait encourager les personnes vivant dans des zones à risque sismique à construire des maisons et des immeubles en bois.

3.11.

Dans les entreprises de production, l’utilisation de technologies provenant de l’industrie 5.0 peut permettre d’optimiser et de simplifier les processus de production, ce qui peut aboutir à une réduction de leur consommation d’énergie et, partant, des émissions de CO2 qu’ils génèrent. En outre, la préfabrication d’éléments de construction en usine permet d’organiser le chantier de manière plus efficace et de diminuer la production de déchets, puisque ces éléments n’ont plus qu’à être assemblés sur place. La quantité d’énergie consommée lors du transport est ainsi réduite, de même que le volume des déchets (7).

Bruxelles, le 27 février 2023.

Le président de la commission consultative des mutations industrielles

Pietro Francesco DE LOTTO


(1)  JO C 75 du 28.2.2023, p. 159.

(2)  TEN/794, Comité économique et social européen (voir JO, p. 18).

(3)  Voir «Kreislaufwirtschaft für die Dekarbonisierung des EU-Bausektors — Modellierung ausgewählter Stoffströme und Treibhausgasemissionen» (L’économie circulaire au service de la décarbonation du secteur européen de la construction — modélisation de flux de matériaux sélectionnés et des émissions de gaz à effet de serre connexes), Meta Thurid Lotz, Andrea Herbst, Matthias Rehfeldt.

(4)  https://www.berlin.de/nachhaltige-beschaffung/studien/holz-versus-stahlbetonbauweise/

(5)  Voir «Potenziale von Bauen mit Holz» (Les potentialités de la construction en bois), Agence allemande de l’environnement, p. 25.

(6)  Voir «Holzbau vs. Massivbau — ein umfassender Vergleich zweier Bauweisen im Zusammenhang mit dem SNBS Standard» (Construction en bois versus construction en dur — comparaison complète de deux techniques de construction au regard de la norme SNBS), Daniel Müller.

(7)  Voir Koppelhuber, J., Bok, M., «Paradigmenwechsel im Hochbau» (Changement de paradigme dans la construction d’immeubles), 2019, dans: Hofstadler, C. (éd.), Aktuelle Entwicklungen in Baubetrieb, Bauwirtschaft und Bauvertragsrecht (Évolutions récentes dans les entreprises du bâtiment, l’industrie de la construction et le droit des contrats de construction), Springer Vieweg, Wiesbaden. https://doi.org/10.1007/978-3-658-27431-3_19


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

577e session plénière du Comité économique et social européen, 22.3.2023-23.3.2023

25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/28


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures destinées à assurer un niveau élevé d’interopérabilité du secteur public dans l’ensemble de l’Union (règlement pour une Europe interopérable)

[COM(2022) 720 final — 2022/0379 (COD)]

et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au renforcement de la politique sur l’interopérabilité du secteur public — «Relier les services publics, soutenir les politiques publiques et créer un bénéfice collectif — Vers une “Europe interopérable”»

[COM(2022) 710 final]

(2023/C 184/05)

Rapporteur:

Vasco DE MELLO

Consultation

a)

Parlement européen, 21.11.2022

b)

Conseil de l’Union européenne, 25.11.2022

Base juridique

a)

Article 172 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

b)

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Marché unique, production et consommation

Adoption en section

10.3.2023

Date de l’adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

200/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

À l’égal de la Commission, le Comité économique et social européen (CESE) estime que l’interopérabilité entre services publics constitue un préalable essentiel pour créer un marché unique numérique.

1.2.

Néanmoins, la poursuite de cet objectif ne pourra avoir pour effet que les États membres mènent une politique débouchant sur une numérisation totale des services publics, au détriment de ceux fournis en présentiel, et il devra être tenu compte des groupes de citoyens les plus vulnérables. La formation aux compétences numériques devrait être accessible à tout un chacun, mais tout particulièrement à ces catégories au sein de la population.

1.3.

Au lieu d’aboutir à des réductions d’effectifs, le développement et l’exploitation des services numériques susciteront, dans un premier temps, des besoins supplémentaires en ressources humaines. Un des préalables obligés pour assurer la réussite de la transition numérique est de pouvoir compter sur des personnels appropriés.

1.4.

Le CESE constate avec satisfaction que lors de la pandémie, la numérisation des services publics a progressé à grands pas.

1.5.

Le CESE salue la mise en place, pour les besoins de cette politique, d’un modèle de gouvernance qui sera constitué de deux instances principales, à savoir le comité pour une Europe interopérable et la communauté «Europe interopérable».

1.6.

Le CESE se réjouit que la communication envisage et encourage la conception de processus à valeur d’expérimentations qui permettent la conclusion de partenariats entre le secteur public et des entreprises technologiques innovantes ou de jeunes pousses, afin de concevoir des solutions expérimentales novatrices qui pourraient être appliquées au sein des services publics et partagées entre eux.

1.7.

De l’avis du CESE, il importe que les futurs programmes pour le financement de projets d’interopérabilité en matière de service public conditionnent l’octroi de leurs ressources à l’adoption des principes et structures que préconise le cadre européen en la matière.

1.8.

Tout en se félicitant que la démarche suivie s’inscrive dans le cadre de la transition dite «double», le CESE tient à souligner que certains mécanismes technologiques de numérisation pourraient être très gourmands en énergie.

1.8.1.

Le CESE considère que pour autant que soient prises les précautions voulues, il ne peut être question que la protection des données en vienne à faire obstacle à la création de nouvelles solutions d’interopérabilité, tant par les services publics que par les particuliers.

1.8.2.

Par ailleurs, le CESE juge qu’il y a lieu de soumettre à différents niveaux d’autorisation l’accessibilité des données d’un service public, que ce soit pour les citoyens, les entreprises ou d’autres de ces services, de manière à en préserver la confidentialité et à ne communiquer que celles qui sont absolument nécessaires.

2.   Informations contextuelles

2.1.

La création d’un marché intérieur, c’est-à-dire d’un espace de libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, suppose de démanteler toutes les barrières nationales existantes.

2.2.

Dès ses débuts, et avec plus de vigueur encore après l’instauration du marché unique, l’Union européenne s’est efforcée d’éliminer tout obstacle qui était susceptible de poser des entraves à l’émergence d’un véritable marché intérieur.

2.3.

Pour qu’un marché intérieur existe véritablement, il est nécessaire que les citoyens et les entreprises aient la faculté, d’une manière simple et rapide, d’avoir accès aux services publics des États membres, que ce soit au niveau local, régional ou national, et d’interagir avec eux.

2.4.

Par ailleurs, l’existence d’un espace ouvert, comme celui de l’Europe, exige que les organes des administrations publiques de ses États, à quelque niveau que ce soit, partagent leurs données et coopèrent.

2.5.

Depuis la dernière décennie du siècle dernier, la Commission s’est efforcée de poser des jalons qui permettent la création et le maintien d’une interopérabilité (1) ou, mieux encore, d’une interconnectivité entre les différents services publics des États membres (2).

2.6.

Cette nécessité est devenue progressivement plus impérieuse, à mesure que le marché intérieur s’enrichissait d’une nouvelle dimension, en l’occurrence le numérique (3).

2.7.

La numérisation représente une véritable révolution, dans les habitudes de la population comme dans le mode de fonctionnement des entreprises, ainsi que de l’administration publique.

2.8.

Durant ces dernières années, une série de services publics qui, jusqu’alors, avaient été dispensés exclusivement sous forme présentielle, en sont venus à l’être également de manière numérique, générant ainsi de forts avantages, que ce soit pour le citoyen, le monde de l’entreprise, ou les services publics eux-mêmes, qui ont pu réaliser des économies substantielles, en heures de travail comme en ressources financières.

2.9.

Avec la crise de la COVID-19, la tendance s’est accélérée, dès lors qu’il a été démontré que l’interopérabilité entre les différents services publics européens pouvait s’avérer constituer un instrument appréciable au service de la liberté de circulation des personnes, comme l’a illustré le recours au certificat COVID.

2.10.

L’Union européenne reconnaît que vu le poids dont le secteur public pèse dans le PIB (4), sa numérisation pourra représenter un facteur décisif dans le processus européen en la matière, non seulement parce qu’elle est susceptible d’exercer un effet de levier pour les autres domaines mais aussi en ce qu’elle est en mesure de jouer un rôle d’entraînement en faveur de l’ensemble de ce processus, dans le cadre de l’économie de l’Europe.

2.11.

En conséquence, les plans pour la relance et la résilience prévoient que des investissements publics d’un montant total de 47 milliards d’euros seront consentis aux fins de numériser l’administration publique.

2.12.

Tout comme les gouvernements des pays qui la composent, l’Union européenne a reconnu au fil du temps, par la voix de la Commission, qu’il était nécessaire d’accroître l’interopérabilité et l’interconnectivité des services publics de ses États membres, que ce soit entre eux ou avec ceux qu’elle offre elle-même (5), de manière qu’ils deviennent accessibles pour l’ensemble de ses citoyens et de ses entreprises, quel que soit l’endroit où ils se trouvent.

2.13.

Si l’interopérabilité entre les services publics n’a rien d’une thématique neuve (6), la communication à l’examen entend cependant établir un cadre de coopération qui soit plus formel, présente davantage de stabilité et offre une sécurité accrue, de manière à augmenter l’interconnectivité existante des dispositifs numériques des différents services publics nationaux, entre eux comme avec ceux de l’Union européenne (7), et à cristalliser cet objectif afin d’aboutir en 2030 à un taux de numérisation de ces services sur son territoire qui atteigne 100 %, comme l’a proposé la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Une boussole numérique pour 2030: l’Europe balise la décennie numérique» [COM(2021) 118].

2.14.

À cette fin, la communication à l’examen pose, pour la mise en œuvre d’une démarche cohérente en la matière, les principes essentiels suivants:

créer une structure de gouvernance de l’interopérabilité, qui se compose de deux organes, le comité pour une Europe interopérable et la communauté «Europe interopérable», et dont l’architecture vise à permettre une collaboration entre les administrations publiques, tant à un niveau général, qu’il soit européen, national, régional ou local, qu’à celui des secteurs, notamment dans le domaine de la justice, des transports, des affaires intérieures, de la santé et de l’environnement, tout comme avec les acteurs intéressés de la sphère privée, en établissant un mandat clair pour convenir de solutions partagées d’interopérabilité, prenant la forme, par exemple, de cadres, de spécifications et de normes ouvertes, d’applications ou de lignes directrices,

instaurer une évaluation obligatoire des incidences sur l’interopérabilité transfrontière qui pourraient se produire lorsqu’un service public crée ou modifie un système d’information,

établir conjointement un écosystème de solutions d’interopérabilité pour le secteur public de l’Union européenne, en constituant un répertoire de solutions d’interopérabilité reconnues, susceptibles d’être utilisées par ses administrations et aux fins de l’élaboration de politiques, par exemple sous la forme d’outils, de spécifications ou de solutions numériques, le but étant que les administrations publiques, à tous ses niveaux de gouvernance, ainsi que les autres parties concernées, puissent apporter une contribution pour les concevoir, les perfectionner ou les réutiliser ces mécanismes et, ainsi, soient en mesure d’innover ensemble et de créer de la valeur publique,

subordonner l’octroi de certains financements de l’Union européenne soutenant la création ou le renforcement de systèmes d’information nationaux à l’utilisation de solutions ou principes qu’elle a prédéfinis (8).

3.   Observations générales

3.1.

À l’égal de la Commission, le CESE estime que l’interopérabilité entre services publics constitue un préalable essentiel pour créer un marché unique numérique et démanteler les obstacles qui subsistent dans celui de type physique (9).

3.2.

Se donner pour but, à l’horizon 2030, de parvenir dans l’ensemble de l’Union européenne à un taux de services publics numérisés qui atteigne 100 % exige de mettre en place de manière accélérée et de perfectionner dans son fonctionnement un réseau transeuropéen qui relie ces administrations et utilise des éléments communs, à tous les niveaux, notamment technique, sémantique, juridique ou organisationnel.

3.3.

Néanmoins, la poursuite de cet objectif ne pourra avoir pour effet que les États membres mènent une politique débouchant sur une numérisation totale des services publics, au détriment de ceux fournis en présentiel, et il devra être tenu compte des groupes de citoyens les plus vulnérables. La formation aux compétences numériques devrait être accessible à tout un chacun, mais tout particulièrement à ces catégories au sein de la population.

3.4.

Au lieu d’aboutir à des réductions d’effectifs, le développement et l’exploitation des services numériques susciteront, dans un premier temps, des besoins supplémentaires en ressources humaines. Un des préalables obligés pour assurer la réussite de la transition numérique est de pouvoir compter sur des personnels appropriés.

3.5.

La numérisation devra servir à assurer un meilleur service public.

3.6.

Comme le CESE l’a fait valoir précédemment dans un de ses avis, «il ne devra […] pas s’agir de remplacer les humains par des outils informatiques, mais de libérer du temps humain pour le consacrer à une tâche à plus haute valeur ajoutée» (10).

3.7.

La numérisation et l’utilisation de l’intelligence artificielle ne peuvent servir de prétexte pour procéder à des suppressions d’emplois indifférenciées. Dès lors que la numérisation les aura déchargés de tâches routinières, les employés devraient avoir plus de temps à consacrer à des travaux exigeants et à dispenser des conseils aux usagers.

3.8.

Cette recommandation s’impose d’autant plus qu’en 2030, la population comptera certainement en son sein une minorité de citoyens exclus de l’information, qui ne pourront accéder aux services publics que sur un mode présentiel (11). Il ne peut être question que dans la foulée de la numérisation, certains dispositifs grâce auxquels la population peut y avoir accès sur un mode analogique deviennent plus compliqués, voire soient supprimés.

3.9.

En conséquence, le CESE se félicite que la communication à l’examen se donne pour visée d’approfondir et d’améliorer le degré d’interopérabilité du secteur public, en créant un cadre juridique qui est défini au niveau de l’Union (12).

3.10.

Le CESE reconnaît que pour les citoyens, dont, en particulier, les travailleurs transfrontaliers, tout comme pour le monde économique et pour l’administration publique des États membres elle-même, cet approfondissement sera porteur d’énormes avantages.

3.11.

Pour qu’ils trouvent véritablement une traduction concrète, il ne suffit néanmoins pas, comme la Commission en convient elle-même, d’établir des normes techniques qui permettent l’interconnexion des services. Les États membres se doivent de procéder aux investissements publics appropriés, à tous les niveaux.

3.12.

Il s’impose d’assurer une coordination, que ce soit au niveau législatif ou à celui des réseaux de services sectoriels, afin d’éviter, d’une part, que les résultats obtenus grâce à l’interopérabilité ne soient gâchés par d’inutiles lourdeurs bureaucratiques et, d’autre part, que les particuliers ou les entreprises n’aient à fournir les mêmes données à chacun de ces différents services publics et ne soient ainsi contraints à une réitération de procédures et exposés à des coûts inutiles.

3.13.

Par ailleurs, il est indispensable qu’au niveau national, les services publics numériques ne se heurtent, du point de vue de la connectivité et de l’interopérabilité, à aucune entrave qui interdirait leur utilisation transfrontière, et ce, que cette interconnexion avec d’autres États membres concerne des citoyens et des entreprises ou d’autres services publics (13).

3.14.

Le CESE constate avec satisfaction que lors de la pandémie et des confinements, la numérisation des services publics a progressé à grands pas.

3.15.

Dans cette perspective, il est louable que la communication qui fait l’objet du présent avis entende parvenir à assurer qu’entre toutes les politiques d’interopérabilité, concernant tant les actions d’ordre national que celles menées sectoriellement au niveau européen, une logique de cohérence soit instaurée, qui se concrétisera grâce à l’incitation à utiliser des modèles communs, au partage de spécifications techniques et au recours à des solutions d’autres types susceptibles d’être mises en commun.

3.16.

Pour ces mêmes raisons, le CESE est favorable au principe que les différents services publics réutilisent et partagent des éléments et des données, au niveau tant européen que national.

3.17.

Par ailleurs, le CESE fait part de ses inquiétudes quant à l’utilisation des langues dans le domaine de l’interopérabilité des services publics. Le régime linguistique ne pourra former un obstacle d’ordre bureaucratique, et il est nécessaire de garantir que le partage des données et des informations s’effectue dans un langage qui soit compréhensible par tous.

3.18.

Le CESE se félicite que pour les besoins de cette politique soit défini et mis en place un modèle de gouvernance qui sera constitué de deux instances principales, à savoir, d’une part, le comité pour une Europe interopérable, qui sera présidé par la Commission et se composera de représentants de chaque État membre, plus deux autres, représentant respectivement le Comité économique et social européen lui-même et le Comité des régions, et; d’autre part, la communauté «Europe interopérable», formée d’acteurs de la société civile et du secteur privé (14) (15).

3.19.

Le CESE considère que s’il importe que la société civile, dont les partenaires sociaux en particulier, prenne part à la définition des politiques en matière d’interopérabilité, c’est non seulement parce que les citoyens et les entreprises constituent les destinataires finaux de cette action mais aussi parce que ladite société civile peut y contribuer en apportant de nouvelles solutions technologiques que le secteur public ne serait pas à même de mettre au point.

3.20.

Le CESE estime que la participation de la société civile devra s’effectuer sur différents plans, la Commission se devant d’encourager et d’inciter les États membres à promouvoir cet engagement aux différents niveaux, national, régional et local.

3.21.

Le CESE se félicite que la Commission crée un point d’accès unique, dans le but de rassembler et centraliser l’ensemble des savoirs et mécanismes en matière d’interopérabilité, qui sont susceptibles d’être apportés par des acteurs tant publics que privés.

3.22.

À l’égal de la Commission, le CESE considère que les services publics de l’Union européenne devraient réduire leur dépendance à l’égard des infrastructures numériques fournies par des pays tiers, qui constituent une menace pour la souveraineté numérique européenne.

3.23.

On relèvera sur ce point que la Commission juge qu’il conviendrait de recourir de préférence à des systèmes ouverts, dont le code-source soit ouvert lui aussi, de manière à donner aux développeurs la possibilité de partager leurs solutions.

3.24.

À cet égard, le CESE se réjouit que la communication envisage et encourage la conception de processus à valeur d’expérimentations qui permettent la conclusion de partenariats entre le secteur public et des entreprises technologiques innovantes ou de jeunes pousses, afin de concevoir des solutions expérimentales novatrices qui, dès lors qu’elles auraient franchi avec succès une phase de mise à l’épreuve, pourraient être appliquées au sein des services publics et partagées entre eux.

3.25.

De l’avis du CESE, il importe que les futurs programmes pour le financement de projets d’interopérabilité en matière de service public conditionnent l’octroi de leurs ressources à l’adoption des principes et structures que préconise le cadre européen en la matière.

3.26.

Pareille condition constituerait un excellent moyen pour que les services publics s’engagent, de manière volontaire, à adopter des normes qui soient communes.

3.27.

Le CESE dit son étonnement de constater que contrairement à des communications précédentes (16), celle qui fait l’objet du présent avis ne mentionne aucunement les avantages que l’interopérabilité des systèmes publics européens pourrait produire pour lutter contre la fraude et procurer ainsi aux États membres des gains d’efficacité et des rentrées supplémentaires.

3.28.

Sur ce point, le CESE relève que l’interopérabilité des systèmes devra aller de pair avec le recours à l’intelligence artificielle, laquelle pourra apporter une aide aux services publics pour l’analyse des données et ouvrir la possibilité de lancer des alertes et avertissements qui seront envoyés à différents services publics des États membres.

3.29.

Pour terminer, il y a lieu de formuler deux observations, concernant la transition écologique et la protection des données.

3.29.1.

Un des objectifs de la communication consiste à inscrire la démarche d’interopérabilité des systèmes publics dans la stratégie de la transition non seulement numérique mais également écologique.

3.29.2.

Le CESE souligne que certains mécanismes informatiques, bien que d’une haute efficacité, pourraient être très gourmands en énergie.

3.29.3.

Tel est le cas de la chaîne de blocs, qui, pour être hautement opérante, par exemple s’agissant de la sécurité de données sensibles, consomme par ailleurs des ressources énergétiques en grandes quantités.

3.29.4.

Le CESE porte un jugement positif sur la manière dont la réglementation prévue dans la communication instaure des «bacs à sable» pour mettre à l’épreuve les dispositions envisagées.

3.29.5.

Le CESE considère que pour autant que soient prises les précautions voulues, il ne peut être question que la protection des données en vienne à faire obstacle à la création de nouvelles solutions d’interopérabilité, tant par les services publics que par les particuliers.

3.29.6.

Par ailleurs, le CESE juge qu’il y a lieu de soumettre à différents niveaux d’autorisation l’accessibilité des données d’un service public, que ce soit pour les citoyens, les entreprises ou d’autres de ces services, de manière à en préserver la confidentialité et à ne communiquer que celles qui sont absolument nécessaires.

3.29.7.

En adoptant pareille démarche, il deviendrait possible de faire l’économie de problèmes tels que ceux qui, s’étant récemment posés quant à la possibilité d’accéder aux données tirées du registre central des bénéficiaires effectifs, ont déjà fait l’objet d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  L’interopérabilité du secteur public se définit comme le processus qui «permet aux administrations de coopérer et de faire fonctionner les services publics au-delà des frontières, des secteurs et des obstacles organisationnels». Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au renforcement de la politique sur l’interopérabilité du secteur public — «Relier les services publics, soutenir les politiques publiques et créer un bénéfice collectif — Vers une “Europe interopérable”».

(2)  Par la décision no 1719/1999/CE du Parlement européen et du Conseil, la Commission a lancé une initiative en faveur de l’interopérabilité des services publics, consistant en une série d’orientations, qui ont notamment pour objet de cerner des projets d’intérêt commun en rapport avec des réseaux transeuropéens pour l’échange électronique de données entre administrations.

(3)  Dans la constitution d’un marché intérieur numérique, il est devenu prégnant non seulement de démanteler les obstacles qui s’opposent à son émergence, mais aussi de mettre en place des mécanismes pour empêcher que de nouvelles barrières ne s’élèvent.

(4)  Selon les données d’Eurostat pour l’année 2022, le secteur public intervient à hauteur de 53,1 % dans le PIB européen: voir Government finance statistics — Statistics Explained («Les statistiques des finances publiques — Les statistiques expliquées») sur le site europa.eu.

(5)  Voir, par exemple, les communiqués finaux des réunions interministérielles tenues à Tallinn en 2017, à Berlin en 2020, à Lisbonne en 2021 et à Strasbourg en 2022.

(6)  En 2010, la Commission a présenté la communication COM(2010) 744, «Vers l’interopérabilité pour les services publics européens», qui a fait l’objet d’un avis du CESE (TEN/448-449) et dont la mise en œuvre a été effectuée grâce au programme sur les solutions d’interopérabilité pour les administrations publiques européennes (ISA, décision no 922/2009/CE du Parlement européen et du Conseil), auquel ont succédé, en 2015, le programme ISA2, instauré par la décision (UE) 2015/2240 du Parlement européen et du Conseil, ainsi que le programme «Europe numérique», au titre du règlement (UE) 2021/694 du Parlement européen et du Conseil.

(7)  Dans la proposition qu’examine le présent avis, la Commission reconnaît que l’approche volontariste suivie jusqu’à présent est insuffisante pour atteindre les objectifs proposés en matière d’interopérabilité.

(8)  Voir l’exposé des motifs de la proposition de règlement, ainsi que la communication de la Commission au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au renforcement de la politique sur l’interopérabilité du secteur public — «Relier les services publics, soutenir les politiques publiques et créer un bénéfice collectif — Vers une “Europe interopérable”».

(9)  L’avis TEN/635 du CESE, relatif au «Cadre d’interopérabilité européen — Stratégie de mise en œuvre», avait déjà souligné l’importance que l’interopérabilité revêtait pour réaliser le marché unique numérique (JO C 81 du 2.3.2018, p. 176).

(10)  Voir l’avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action européen 2011-2015 pour l’administration en ligne — Exploiter les TIC pour promouvoir une administration intelligente, durable et innovante» et la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers l’interopérabilité pour les services publics européens» (JO C 376 du 22.12.2011, p. 92).

(11)  Il s’agit là d’une préoccupation qui s’exprime de manière récurrente dans les avis du CESE (JO C 81 du 2.3.2018, p. 176).

(12)  Dans des avis antérieurs, le CESE a exprimé son soutien à tous les projets que l’Union européenne a lancés afin de réaliser les objectifs de sa transition numérique (JO C 365 du 23.9.2022, p. 13).

(13)  Un élément qui peut se transformer en entrave pour l’interopérabilité transfrontière des services publics réside dans la position adoptée à propos des données personnelles.

(14)  Le comité pour une Europe interopérable est chargé de concevoir des mesures, fournir un appui, dispenser des conseils et assurer un suivi concernant les politiques européennes d’interopérabilité, tandis que la communauté «Europe interopérable» réunira des intervenants de la société civile qui assisteront ledit comité lorsqu’il s’emploiera à rechercher et définir des solutions nouvelles à proposer.

(15)  L’option retenue par la Commission concorde avec les recommandations que le CESE avait formulées dans des avis antérieurs (JO C 81 du 2.3.2018, p. 176).

(16)  Voir l’annexe de la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Cadre d’interopérabilité européen — Stratégie de mise en œuvre».


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/34


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil harmonisant certains aspects du droit de l’insolvabilité

[COM(2022) 702 final — 2022/0408 (COD)]

(2023/C 184/06)

Rapporteure:

Sandra PARTHIE

Corapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Consultation

Parlement européen, 26.1.2023

Conseil de l’Union européenne, 30.1.2023

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

10.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) fait valoir qu’un régime d’insolvabilité bien conçu devrait aider les entreprises viables à rester en activité et éviter qu’elles ne soient liquidées prématurément. L’objectif devrait consister à trouver le juste milieu entre une insolvabilité prématurée et un retard excessif à l’ouverture d’une procédure. Dans ce contexte, la transparence des procédures et un accès aisé aux informations sur les performances d’une entreprise constituent des facteurs essentiels. En outre, un régime d’insolvabilité bien conçu devrait également dissuader les prêteurs d’octroyer des prêts à haut risque et les dirigeants et les actionnaires de contracter de tels prêts, ainsi que de prendre d’autres décisions financières inconsidérées (1).

1.2.

Le CESE estime que des réformes du régime d’insolvabilité visant à favoriser la restructuration de la dette et les réorganisations internes contribuent au maintien de l’emploi, tout en permettant de réduire tant le taux de défaillance parmi les petites et moyennes entreprises que les liquidations d’entreprises rentables. Il se féliciterait néanmoins de propositions visant à traiter du problème non résolu jusqu’à présent de l’insolvabilité des personnes physiques.

1.3.

Le CESE doute que la proposition à l’examen, présentée comme une étape importante pour combler les lacunes en cause en vue d’améliorer l’union des marchés des capitaux de l’Union européenne, soit réellement à même de satisfaire cette attente. Cette proposition est loin d’apporter une définition harmonisée des motifs d’insolvabilité et du rang des créances, lesquels sont tous deux déterminants pour accroître l’efficacité des règles nationales en matière d’insolvabilité et atténuer leur fragmentation actuelle.

1.4.

Le CESE presse donc la Commission, le Parlement et le Conseil de réviser la proposition posée à l’article 27 selon laquelle les contreparties, par exemple les fournisseurs d’une entreprise tombant sous le coup d’une procédure d’insolvabilité, sont tenues de conclure des contrats à exécuter, lesquels sont ensuite cédés à l’acquéreur de l’entreprise, sans que la contrepartie concernée y consente. Dans les faits, ces contreparties se retrouvent artificiellement liées à un partenaire contractuel qu’elles n’ont jamais choisi ni agréé, limitant ainsi leur liberté d’entreprendre. Restreindre le droit de résilier un contrat en cas d’insolvabilité amoindrira l’inclination de fournisseurs essentiels à faire crédit, notamment dans le cas de microentreprises et de PME en proie à des difficultés financières.

1.5.

Ceci posé, le CESE se félicite de la proposition d’instaurer une procédure spéciale afin de faciliter et d’accélérer la liquidation des microentreprises, en vue d’accroître le rapport coût/efficacité des procédures d’insolvabilité pour ce type d’entreprise. Ces dispositions favorisent également la liquidation ordonnée de microentreprises «sans actifs» et permettent de remédier au problème posé par le fait que certains États membres refusent l’accès à une procédure d’insolvabilité si la valeur de recouvrement prévue est inférieure aux coûts judiciaires. Le CESE fait valoir que cette situation se présente pour quelque 90 % des procédures d’insolvabilité dans l’Union européenne; aussi estime-t-il que cette procédure revêt une très haute importance.

1.6.

Si le CESE approuve cette procédure spéciale, il met toutefois en garde contre l’obligation qui pèse sur les juridictions nationales de mener à bien cette tâche, sachant qu’elle peut mener à surcharger les systèmes judiciaires nationaux si ceux-ci sont chargés de juger de l’insolvabilité effective d’une microentreprise et de mener les procédures chronophages nécessaires pour ce faire, s’agissant notamment de réaliser les actifs et d’en répartir le produit. Il recommande donc de faire appel à d’autres acteurs compétents, tels que les praticiens de l’insolvabilité, afin de contribuer à alléger la charge qui pèse sur les institutions judiciaires (2).

1.7.

En dernier lieu, le CESE entend faire observer que des procédures d’insolvabilité inefficaces peuvent entraîner des niveaux plus importants de prêts non productifs, lesquels compromettent la stabilité financière et ont des incidences sur le crédit, l’inflation et le PIB réel. Il est d’avis que des régimes efficaces d’insolvabilité et de relations entre créanciers et débiteurs constituent l’un des instruments complémentaires dans l’arsenal où peut puiser le décideur politique afin de limiter la croissance de ces prêts non productifs en augmentant la probabilité du remboursement des prêts et en ajustant plus promptement les niveaux de ces prêts non productifs.

2.   Synthèse de la proposition de la Commission

2.1.

La proposition à l’examen vise à réduire les écarts entre les législations nationales en matière d’insolvabilité et à traiter ainsi du problème que peut poser l’inefficacité des cadres d’insolvabilité des États membres lorsque de tels écarts se manifestent, en accroissant la transparence des procédures d’insolvabilité de manière générale et en réduisant les entraves à la libre circulation des capitaux. En harmonisant certains aspects bien définis de la législation en matière d’insolvabilité, cette proposition vise notamment à réduire les coûts d’information et d’apprentissage pour les investisseurs transfrontières. L’on escompte ainsi qu’accroître l’uniformité des législations en matière d’insolvabilité permettra d’élargir le choix des financements disponibles pour les entreprises dans l’ensemble de l’Union européenne.

2.2.

La proposition à l’examen entend remédier à certaines lacunes de la législation antérieure de l’Union régissant les règles en matière d’insolvabilité, à savoir la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil (3) et le règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil (4), notamment pour ce qui est du recouvrement des actifs de la masse de l’insolvabilité liquidée, de l’efficacité des procédures, ainsi que de la prévisibilité des montants recouvrés et de l’équité de la répartition de la valeur de recouvrement entre les créanciers. Il s’agit notamment des problèmes liés aux actions révocatoires, au traçage des actifs, aux obligations et aux responsabilités des dirigeants d’entreprise, à la vente d’une entreprise en continuité d’exploitation via une procédure de cession prénégociée, au critère de déclenchement d’une procédure d’insolvabilité, à un régime spécial d’insolvabilité pour les microentreprises et les petites entreprises, au rang des créances et aux comités des créanciers.

2.3.

Une comparaison entre les dispositions nationales en matière d’insolvabilité en vigueur au sein des États membres fait apparaître des différences significatives concernant le temps nécessaire à la liquidation d’une entreprise et la valeur qui peut être recouvrée à terme. Dans certains États membres, les procédures d’insolvabilité sont par conséquent longues et la valeur moyenne de recouvrement est faible en cas de liquidation. La Commission européenne est d’avis qu’il s’agit là d’un obstacle à l’union des marchés des capitaux et aux investissements transfrontières au sein de l’Union.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission d’accroître la transparence et la disponibilité des informations touchant aux régimes et procédures d’insolvabilité transfrontières. Il estime néanmoins que cette proposition ne constitue qu’une première étape pour parvenir à faire converger les régimes d’insolvabilité des différents États membres. Il se féliciterait également de propositions qui traitent du problème qui demeure pour l’heure sans solution de l’insolvabilité des personnes physiques.

3.2.

Le CESE fait valoir qu’un régime d’insolvabilité bien conçu devrait aider les entreprises viables à rester en activité et éviter qu’elles ne soient liquidées prématurément. Il devrait également dissuader les prêteurs d’octroyer des prêts à haut risque et les dirigeants et les actionnaires de contracter de tels prêts, ainsi que de prendre d’autres décisions financières inconsidérées (5). Il est encore possible de remettre sur les rails une entreprise victime d’une récession économique temporaire ou d’une décision erronée lorsque la conjoncture économique s’améliore ou lorsque l’entreprise prend des mesures correctives. En l’occurrence, toutes les parties intéressées en profitent. Il est ainsi possible pour les créanciers de récupérer une plus grande part de leur investissement, pour davantage de travailleurs de conserver leur emploi et pour l’entreprise de préserver son réseau de fournisseurs et de clients.

3.3.

Dans ce contexte, le CESE met en avant les études qui montrent que des réformes efficaces des droits des créanciers sont associées à des coûts inférieurs du crédit, à un meilleur accès au crédit, à un taux de recouvrement plus élevé pour les créanciers et à une meilleure préservation de l’emploi (6). Il convient de renforcer également les droits de participation d’un comité des créanciers qui pourrait compter dans ses rangs un représentant des travailleurs. Si à l’issue de la procédure d’insolvabilité, les créanciers sont à même de recouvrer la plupart de leurs investissements, ils peuvent continuer à réinvestir dans des entreprises et à améliorer l’accès des sociétés au crédit. De même, lorsqu’un régime de faillite respecte l’ordre absolu de priorité des créances, les créanciers garantis peuvent continuer à prêter et la confiance dans le système de faillite est maintenue (7).

3.4.

Le CESE estime que des réformes du régime d’insolvabilité visant à favoriser la restructuration de la dette et les réorganisations internes contribuent au maintien de l’emploi et permettent de réduire tant le taux de défaillance parmi les petites et moyennes entreprises que les liquidations d’entreprises rentables.

3.5.

Les différences notables entre les législations nationales en matière d’insolvabilité sont souvent citées parmi les obstacles aux investissements transfrontières, au même titre que les réglementations fiscales. Le CESE estime que des progrès dans la convergence des législations en matière d’insolvabilité contribueraient à mieux faire fonctionner les marchés des capitaux et à faciliter ainsi les investissements dans toute l’Union. Toutefois, cette proposition est loin d’harmoniser des aspects essentiels du droit de l’insolvabilité, tels qu’une définition harmonisée des motifs d’insolvabilité et du rang des créances, lesquels sont tous deux déterminants pour accroître l’efficacité des règles nationales en matière d’insolvabilité et atténuer leur fragmentation actuelle. Ces lacunes n’augurent rien de bon pour ce qui est de réaliser l’objectif indispensable mais ambitieux d’une union des marchés des capitaux.

3.6.

Le CESE réaffirme néanmoins son soutien indéfectible à une plus grande ouverture des marchés des capitaux dans toute l’Union qui conférerait aux entreprises des possibilités plus larges d’accéder aux investissements, et il prend note des conclusions de la Commission et de la Banque mondiale (8) selon lesquelles accroître le taux de recouvrement des actifs dans le cadre d’une efficacité accrue des régimes de l’insolvabilité et des droits des créanciers permettrait d’élargir l’accès au crédit des entreprises européennes.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE constate que les procédures d’insolvabilité diffèrent fortement d’un État membre à l’autre, selon que les réglementations nationales adoptent une approche qui privilégie soit le «débiteur non dessaisi», soit les droits des créanciers, soit l’emploi et la législation y afférente. Ceci donne donc un tour différent à la liquidation des sociétés, au rang des créances déclarées par les créanciers et aux attributions des dirigeants de la société, des praticiens de l’insolvabilité et des juridictions. Lorsque l’on conçoit des politiques, il convient tout autant de tenir compte des différences entre les actionnaires et les créanciers; alors que les premiers sont avant tout sensibles à des instruments de prévention et de rationalisation, les seconds sont plus sensibles aux instruments de restructuration disponibles. Le CESE est d’avis que si les propositions de la Commission constituent une première étape sur la voie de la convergence dans toute l’Union, elles sont encore loin de consacrer une réelle harmonisation et elles ne traitent pas du problème jusqu’à présent non résolu de l’insolvabilité des personnes physiques.

4.2.

Le CESE souscrit au point de vue de la Commission selon lequel les législations nationales en matière d’insolvabilité constituent une considération essentielle pour les investisseurs étrangers. Il fait néanmoins observer que la part des procédures d’insolvabilité où se présente une opération transfrontière de crédit n’excède pas 20 % de l’ensemble des cas, et les données disponibles pour les pays du G20 montrent qu’un système efficace de droits juridiques ne permet d’augmenter le niveau de l’investissement direct étranger que de 2 à 3 % du PIB. En outre, une bonne partie de l’investissement direct étranger s’explique par des opérations de fusion et d’acquisition de sociétés existantes plutôt que d’investissement dans de nouvelles entreprises.

4.3.

Aussi le CESE met-il en garde contre des espérances excessives concernant les effets sur l’investissement de la convergence de la législation en matière d’insolvabilité. Ceci dit, le CESE convient qu’assurer aux créanciers un cadre efficace de droits juridiques et apporter à tous les investisseurs potentiels un surcroît de transparence en ce qui concerne les dispositions législatives en matière d’insolvabilité et une information égale sur l’état du droit peut avoir des effets positifs sur les investissements étrangers. Asseoir la certitude quant aux règles relatives aux droits des créanciers et des débiteurs et améliorer l’harmonisation des procédures de retrait des garanties entre les États membres permettrait également de réduire les risques et d’imprimer un nouvel élan aux investissements transfrontières et aux échanges intérieurs.

4.4.

En outre, le CESE estime qu’il importe fortement d’apporter informations et clarté aux investisseurs concernant les questions liées aux actions révocatoires, au traçage des actifs, aux obligations et aux responsabilités des dirigeants d’entreprise, à la vente d’une entreprise en continuité d’exploitation via une procédure de cession prénégociée, au critère de déclenchement d’une procédure d’insolvabilité, à un régime spécial d’insolvabilité pour les microentreprises et les petites entreprises, au rang des créances et aux comités des créanciers.

4.5.

Le CESE se félicite également que la proposition à l’examen instaure une procédure spéciale afin de faciliter et d’accélérer la liquidation des microentreprises, en vue d’accroître le rapport coût/efficacité des procédures d’insolvabilité pour ce type d’entreprise. Ces dispositions favorisent également la liquidation ordonnée de microentreprises «sans actifs» et permettent de remédier au problème posé par le fait que certains États membres refusent l’accès à une procédure d’insolvabilité si la valeur de recouvrement prévue est inférieure aux coûts judiciaires. Le CESE fait valoir que cette situation se présente pour quelque 90 % des procédures d’insolvabilité dans l’Union européenne; aussi estime-t-il que cette procédure revêt une très haute importance.

4.6.

Si le CESE approuve cette procédure spéciale, il met toutefois en garde contre l’obligation qui pèse sur les juridictions nationales de mener à bien cette tâche, telle que la prévoient les articles 12 et suivants de la directive à l’examen, sachant qu’elle peut mener à surcharger les systèmes judiciaires nationaux si ceux-ci sont chargés de juger de l’insolvabilité effective d’une microentreprise et de mener les procédures chronophages nécessaires pour ce faire; de l’avis du CESE, un tel cas de figure ferait pour partie échouer la législation proposée dans ses finalités. Dans des avis antérieurs (9), le CESE avait constaté qu’un recours systématique à la voie juridictionnelle pourrait ne pas constituer la voie préférable et il avait recommandé d’instituer de nouvelles instances qui se chargeraient de mener à bien cette tâche. Faire participer effectivement des praticiens de l’insolvabilité indépendants s’est avéré profitable, tout spécialement dans le cas de microentrepreneurs dépourvus de structures organisationnelles solides dans le cadre de procédures simplifiées de liquidation, et le CESE est d’avis qu’il convient d’envisager sérieusement une telle intervention des praticiens de l’insolvabilité (10).

4.7.

Le CESE recommande également, lorsqu’il se présente un intérêt légitime, de donner aux praticiens de l’insolvabilité un accès direct et rapide aux registres nationaux des actifs, quel que soit l’État membre où ils ont été désignés. Le CESE fait également observer que de tels registres n’ont pas encore été mis en place dans tous les États membres et il presse donc les autorités compétentes de remédier rapidement à cette situation.

4.8.

Dans un souci d’efficacité, le CESE se félicite de la proposition de procédure de cession prénégociée, qui prévoit de préparer et de négocier la vente de l’entreprise du débiteur, ou de l’une de ses parties, avant même que d’ouvrir officiellement la procédure d’insolvabilité. Ce procédé permet d’exécuter la vente et d’en obtenir le produit dans le sillage immédiat de l’ouverture de la procédure officielle d’insolvabilité visant à liquider une société. Le CESE met toutefois en garde contre la proposition posée à l’article 27 selon laquelle les contreparties, par exemple les fournisseurs d’une entreprise tombant sous le coup d’une procédure d’insolvabilité, sont tenues de conclure des contrats à exécuter, lesquels sont ensuite cédés à l’acquéreur de l’entreprise, sans que la contrepartie concernée y consente. Dans les faits, ces contreparties se retrouvent artificiellement liées à un partenaire contractuel qu’elles n’ont jamais choisi ni agréé, limitant ainsi leur liberté d’entreprendre. Cette mise en garde vaut d’autant plus dans le cas des travailleurs, pour lesquels un changement imposé d’employeur ne saurait attenter à leur liberté de choisir librement leur profession. Aussi le CESE invite-t-il instamment la Commission, le Parlement et le Conseil à réviser cette proposition. En outre, il convient, également dans le cadre d’une procédure de cession prénégociée, de renforcer la possibilité pour un comité de créanciers d’y participer et de la contrôler.

4.9.

Le CESE fait également valoir que la directive proposée ne traite pas réellement du problème de la convergence du rang des créances, et qu’elle ne fournit pas davantage une définition des motifs d’insolvabilité. Sachant qu’il s’agit d’exigences essentielles pour harmoniser les procédures d’insolvabilité, il regrette vivement que la Commission ne les ait pas faites avancer.

4.10.

De même, la proposition à l’examen ne traite pas suffisamment des critères de déclenchement d’une procédure d’insolvabilité, bien que la communication sur cette directive se prévale du contraire. La proposition constate que les deux critères habituels dans les États membres pour ouvrir une procédure ordinaire d’insolvabilité sont la cessation de paiement et le test du bilan.

4.11.

En vue de simplifier la procédure d’insolvabilité, un objectif dont le CESE approuve par ailleurs le principe, la directive à l’examen pose que l’incapacité d’honorer les dettes à leur échéance devrait constituer le critère pour ouvrir une procédure simplifiée de liquidation. Au lieu de fournir elle-même une orientation sur la manière de définir les conditions spécifiques dans lesquelles ce critère est satisfait, ladite proposition laisse aux États membres le soin de les définir et renonce de ce fait à la possibilité d’en assurer la cohérence dans toute l’Union européenne.

4.12.

Le CESE relève également que, de manière générale, les banques sont les premiers des intermédiaires financiers et revêtent un rôle fondamental pour asseoir la stabilité du système financier. Les prêts non productifs érodent leur rentabilité et peuvent ainsi mettre en péril leur solvabilité. Les régimes d’insolvabilité et des droits des créanciers et des débiteurs constituent l’un des instruments complémentaires dans l’arsenal où peut puiser le décideur politique afin de limiter la croissance de ces prêts non productifs et de contribuer à résorber ceux-ci lorsqu’ils atteignent des niveaux problématiques. L’analyse à l’échelon de l’entreprise montre que des réformes des régimes d’insolvabilité qui sont de nature à réduire les obstacles à la restructuration de la société ainsi que le coût personnel associé à la défaillance entrepreneuriale peuvent réduire la part du capital englouti dans des sociétés zombies. Ces gains sont en partie obtenus grâce à la restructuration d’entreprises dans une mauvaise passe, ce qui favorise dès lors la réorientation des capitaux vers des entreprises plus productives.

4.13.

En dernier lieu, le CESE recommande à la Commission de publier périodiquement des statistiques relatives aux cas d’insolvabilité soumis au règlement pertinent sur l’insolvabilité afin de pouvoir évaluer au fil du temps l’efficacité du système mis en place.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Banque mondiale, règlement de l’insolvabilité, consulté le 3 janvier 2023.

(2)  Banque mondiale, Principes régissant le traitement de l’insolvabilité et les relations entre créanciers et débiteurs, édition revue de 2021, principes C6.1 et C19.6.

(3)  Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 (directive sur la restructuration et l’insolvabilité) (JO L 172 du 26.6.2019, p. 18).

(4)  Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 141 du 5.6.2015, p. 19).

(5)  Banque mondiale, règlement de l’insolvabilité, consulté le 3 janvier 2023.

(6)  Banque mondiale, règlement de l’insolvabilité, consulté le 3 janvier 2023.

(7)  Banque mondiale, règlement de l’insolvabilité, consulté le 3 janvier 2023.

(8)  Groupe de la Banque mondiale, How Insolvency and Creditor/Debtor Regimes Can Help Address Nonperforming Loans («Comment les régimes d’insolvabilité et des droits des créanciers et des débiteurs peuvent contribuer à résoudre le problème des prêts non performants»), Notes financières «Croissance équitable, finance et institutions», Washington DC.

(9)  Voir notamment l’avis du CESE sur «Les cadres de restructuration préventifs, la seconde chance et les mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement» (JO C 209 du 30.6.2017, p. 21).

(10)  Banque mondiale, Principes régissant le traitement de l’insolvabilité et les relations entre créanciers et débiteurs, édition revue de 2021, principes C6.1 et C19.6.


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/39


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 6/2002 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires et abrogeant le règlement (CE) no 2246/2002 de la Commission

[COM(2022) 666 final — 2022/0391 (COD)]

et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection juridique des dessins ou modèles (refonte)

[COM(2022) 667 final — 2022/0392 (COD)]

(2023/C 184/07)

Rapporteur:

Ferre WYCKMANS

Consultation

a)

Conseil, 21.12.2022

b)

Parlement européen, 12.12.2022

Conseil, 21.12.2022

Base juridique

a)

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

b)

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

148/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère qu’un système efficace de protection de dessins ou modèles est favorable aux consommateurs et au grand public, dans la mesure où il encourage une concurrence et des pratiques commerciales loyales. Il contribue aussi au développement économique en stimulant la créativité dans l’industrie, des produits, des activités commerciales et de l’exportation.

1.2.

Dans la plupart des États membres, le dessin ou modèle doit être enregistré auprès d’un office national de la propriété industrielle afin d’être protégé par la loi. Selon la législation nationale considérée et le type de dessin ou modèle, ce dernier peut aussi être protégé par le droit d’auteur en tant que dessin ou modèle non enregistré ou en tant qu’œuvre d’art. Dans certains États membres, la protection en tant que dessin ou modèle industriel et la protection par le droit d’auteur se cumulent, dans d’autres, elles s’excluent mutuellement. Dans certaines circonstances, un dessin ou modèle peut également prétendre à une protection en vertu du droit de la concurrence déloyale, mais les conditions de la protection et l’étendue des droits et des voies de recours existantes peuvent varier sensiblement.

1.3.

Le CESE considère qu’il est indispensable d’adapter le cadre juridique des dessins ou modèles à l’ère numérique afin de favoriser la reprise et la résilience de l’Union, et d’encourager l’innovation et la compétitivité. Il approuve la nouvelle définition du dessin ou modèle que prévoit la proposition de directive. Celle-ci gagne en pertinence à la lumière des progrès technologiques en élargissant la notion de produit aux dessins ou modèles technologiques qui ne sont pas incorporés dans des objets physiques.

1.4.

Le CESE approuve également la limitation de la protection aux caractéristiques de l’apparence telles que représentées de manière visible dans la demande d’enregistrement, car elle renforce la sécurité juridique de la protection.

1.5.

Le CESE se félicite que la proposition de règlement reprenne la solution posée par la Cour de justice de l’Union dans son arrêt «Acacia» du 20 décembre 2017 (1), où elle avait précisé l’interprétation de la notion de «clause de réparation», et ce d’autant plus que cette solution améliore la protection du consommateur.

1.6.

En revanche, le CESE n’estime pas que fusionner la taxe de publication et la taxe d’enregistrement permettra de réduire le montant total des taxes à payer, puisque le coût des renouvellements, tel que proposé, augmente drastiquement. Cette mesure n’est donc pas aussi favorable aux PME et créateurs indépendants qu’on ne le prétend. Le CESE souhaite que soient prévus des montants moins élevés pour les PME et les créateurs indépendants, le cas échéant au prorata de leur chiffre d’affaires.

1.7.

Selon le CESE, la simplification engendrée par la suppression de la règle de «l’unité de classe» est nécessaire mais insuffisante, car encore faut-il améliorer l’ergonomie des systèmes de dépôt de dessins ou modèles proposés sur les sites internet des offices nationaux de la propriété industrielle et de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, ci-après «l’Office»). Pour relever ce défi, les offices pourraient s’adresser à la profession des conseils en propriété industrielle et permettre ainsi aux PME et aux créateurs indépendants de protéger plus facilement leurs dessins ou modèles.

1.8.

Le CESE considère qu’il n’est pas approprié de recourir à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) pour élaborer des règles de contentieux et de recours contre des décisions de l’Office, car un acte délégué ne vise qu’à compléter l’acte de base et ne doit porter que sur des éléments non essentiels. Or, les dispositions que la proposition de règlement envisage de faire adopter par acte délégué concernent les droits prévus au titre VI de la Charte des droits fondamentaux relatif à la justice, dont notamment l’article 47 sur le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial. Elles ne sauraient donc être considérées comme des éléments non essentiels.

1.9.

Le CESE recommande que de telles dispositions soient définies par le règlement en tant que tel.

2.   Contexte

2.1.

En droit positif, la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil (2) (ci-après «la directive») harmonise partiellement les lois nationales sur la protection juridique des dessins ou modèles et le règlement (CE) no 6/2002 du Conseil (3) (ci-après «le règlement») instaure un système autonome de protection des droits unitaires dans l’ensemble de l’Union pour les dessins ou modèles communautaires enregistrés et les dessins ou modèles communautaires non enregistrés, pour autant que ces derniers satisfassent aux conditions de protection, à savoir qu’ils doivent être nouveaux et posséder un caractère individuel. Faute d’enregistrement, le titulaire risque de peiner à prouver l’existence d’un droit au dessin ou modèle. De surcroît, la durée de protection est limitée à trois ans et l’étendue des droits conférés est moins grande.

2.2.

Le règlement a été modifié en 2006 pour donner effet à l’adhésion de l’Union au système international d’enregistrement de La Haye, dont l’objectif était d’établir une procédure d’enregistrement des dessins et modèles unique, simple, peu coûteuse et centralisée auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

2.3.

Le règlement exempte les pièces de rechange de la protection des dessins ou modèles communautaires car aucun accord n’avait pu être trouvé sur ce sujet lors des travaux d’élaboration de la directive. En l’absence de soutien au Conseil, la Commission avait retiré en 2014 sa proposition de révision de la directive.

2.4.

La proposition à l’examen fait suite à cet échec et résulte de la communication de la Commission du 25 novembre 2020 intitulée «Exploiter au mieux le potentiel d’innovation de l’Union européenne — Un plan d’action en faveur de la propriété intellectuelle afin de soutenir la reprise et la résilience de l’Union européenne», publiée dans le prolongement de la réforme du droit des marques. Son ambition est d’être plus adaptée à l’ère numérique, plus accessible et efficace pour les créateurs indépendants, les PME, les industries, moins coûteuse et compliquée, et de renforcer la sécurité juridique du système de protection.

3.   Observations générales

3.1.

Un dessin ou modèle industriel est constitué par l’aspect ornemental d’un objet. Il peut être tridimensionnel ou bidimensionnel. Un dessin ou modèle réussi allie harmonieusement la fonction et la forme. Qu’il s’agisse de tables ou de téléphones, le dessin ou modèle rend l’objet attrayant ou le fait préférer à un autre.

3.2.

Un dessin ou modèle industriel s’applique à divers produits de l’industrie et de l’artisanat, que ce soient des instruments techniques ou médicaux, des montres, des bijoux, des articles de luxe, des objets ménagers, des appareils électriques, des véhicules, des structures architecturales, des produits du secteur des textiles, des articles de loisirs, etc.

3.3.

En conférant à l’objet son attrait et son pouvoir de séduction, le dessin ou modèle industriel accroît la valeur marchande du produit. Protéger un dessin ou modèle contribue donc à garantir un retour sur investissement.

3.3.1.

Le CESE considère qu’un système efficace de protection est donc avantageux pour les consommateurs et pour le grand public, dans la mesure où il encourage une concurrence et des pratiques commerciales loyales.

3.3.2.

Il favorise aussi le développement économique en stimulant la créativité dans l’industrie et la production industrielle, ainsi que le développement des activités commerciales et des exportations.

3.4.

Dans la plupart des États membres, le dessin ou modèle doit être enregistré auprès d’un office national de la propriété industrielle afin d’être protégé par la loi. Selon la législation nationale considérée et le type de dessin ou modèle, ce dernier peut aussi être protégé par le droit d’auteur en tant que dessin ou modèle non enregistré ou en tant qu’œuvre d’art.

3.5.

Dans certains États membres, la protection en tant que dessin ou modèle industriel et la protection par le droit d’auteur se cumulent, alors que dans d’autres, elles s’excluent mutuellement. Un dessin ou modèle peut également prétendre à une protection en vertu du droit de la concurrence déloyale, mais les conditions de la protection et l’étendue des droits et des voies de recours existantes peuvent varier.

3.6.

Compte tenu des objectifs de l’Union visant à stimuler la reprise et la résilience, et à encourager l’innovation et la compétitivité, le CESE considère qu’il est indispensable d’adapter le cadre juridique des dessins ou modèles à l’ère numérique. Il approuve la nouvelle définition proposée car elle est pertinente à la lumière des progrès technologiques, tout en élargissant la notion de produit aux dessins ou modèles technologiques qui ne sont pas incorporés dans des objets physiques.

3.7.

Le CESE approuve également le renforcement de la sécurité juridique lié à la limitation de la protection aux caractéristiques de l’apparence telles que représentées de manière visible dans la demande d’enregistrement.

3.8.

Il approuve également l’adaptation de la portée des droits conférés par l’enregistrement d’un dessin ou modèle de manière à englober les problèmes liés au déploiement des technologies d’impression 3D, tout comme il approuve l’ajout, à l’instar du droit des marques, du droit pour les titulaires de dessins ou modèles d’empêcher que des produits contrefaits ne transitent par le territoire de l’Union ou ne soient placés sous un régime douanier sans y être mis en libre pratique, et ce afin de lutter contre la contrefaçon.

4.   Observations particulières

4.1.    Clause de réparation et protection des consommateurs

4.1.1.

La protection des pièces détachées («pièces d’un produit complexe») par le droit des dessins ou modèles a fait couler beaucoup d’encre. Acquise grâce au règlement, elle est assortie d’une exception, dite «clause de réparation», afin de limiter le monopole des constructeurs ou équipementiers (notamment automobiles) sur le marché des pièces détachées (article 110). Cette «clause de réparation» prévoit que le titulaire d’un dessin ou modèle portant sur une pièce détachée ne peut pas exercer un monopole ni empêcher un tiers de mettre sur le marché des pièces détachées de rechange destinées à la réparation d’un produit et à lui rendre son apparence initiale.

4.1.2.

En effet, le producteur d’un produit fini complexe (voiture, montre, téléphone portable, etc.) contrôle souvent l’ensemble de la chaîne de production. Il est alors susceptible d’en tirer un double profit, tout d’abord sur le marché de la vente du produit fini, mais également sur le marché de la vente des pièces détachées.

4.1.3.

Or, l’économie comportementale a établi que la plupart des consommateurs font leur choix en fonction du prix de vente du produit primaire, sans se soucier du prix de vente des services secondaires. Ils se retrouvent donc captifs de leur investissement initial et contraints de subir un prix qu’ils n’auraient pas nécessairement accepté dans d’autres circonstances.

4.1.4.

Le CESE relève que cette situation est donc susceptible de faire naître des problèmes de droit de la concurrence car le producteur/assembleur d’origine titulaire d’un droit sur les dessins et modèles dispose d’un avantage concurrentiel important qui peut in fine léser le consommateur:

vis-à-vis de ses clients, en lui permettant de pratiquer des prix élevés ou des ventes liées,

vis-à-vis des réparateurs, pour accaparer le marché ou dicter ses conditions à ceux des réparateurs qu’il accepte d’approvisionner,

vis-à-vis de ses fournisseurs, dans la mesure où il pourrait leur interdire d’approvisionner des réparateurs indépendants ou interdire à des fournisseurs indépendants de copier ses pièces pour approvisionner le marché de la réparation.

4.1.5.

Afin d’éviter la monopolisation des marchés secondaires, le législateur européen a décidé de limiter les droits qu’il est possible d’obtenir sur les pièces détachées.

La première limitation est parfois désignée comme l’exception de l’«obligation d’adaptation» (must match) (article 8, paragraphe 2). L’apparence extérieure d’un produit qui est nécessaire au raccordement avec un autre produit ne peut pas être protégée.

La seconde limitation porte sur la protection des pièces qui ne sont pas visibles.

4.1.6.

Une pièce qui n’est pas visible lors d’une utilisation normale du produit ne peut pas être protégée par le dépôt d’un dessin ou modèle (article 4, paragraphe 2).

Il s’agit par exemple:

de la mécanique d’une montre,

de l’intérieur de la plupart des moteurs de produits électroménagers,

du moteur d’une voiture (considéré comme n’étant pas visible lors d’une utilisation normale du véhicule, même si le moteur est aisément visible en soulevant le capot).

4.1.7.

Les pièces détachées qui peuvent être protégées sont donc celles qui ne comportent aucun mécanisme d’interconnexion et qui sont visibles. En vertu du règlement, il est donc possible de protéger un grand nombre de pièces. À titre d’exemple, pour une voiture, il s’agira:

des phares,

des ailes,

du capot et des portières (mais pas des gonds),

du volant.

4.1.8.

Le produit qui n’est pas protégé par le dépôt d’un dessin ou modèle peut donc être reproduit par tout producteur de pièces détachées concurrent et alimenter le marché de la réparation.

4.1.9.

L’application de ces dispositions a néanmoins suscité des interrogations. Le CESE se félicite donc que la proposition de règlement prenne en considération la solution posée par la Cour de justice de l’Union dans l’arrêt Acacia du 20 décembre 2017, dans lequel elle avait précisé l’interprétation à donner à la notion de «clause de réparation».

4.1.10.

Le CESE indique que la Cour d’appel de Paris a donné une application concrète de cette solution dans son arrêt du 11 septembre 2018 dans l’affaire no 2017/01589, dans le cas de jantes commercialisées sur un site de vente en ligne. La «clause de réparation» n’avait pas pu être valablement invoquée par le vendeur car ces jantes étaient proposées «à des fins de personnalisation esthétique des véhicules» et de «tuning». Les jantes litigieuses ont donc été jugées contrefaisantes et le vendeur sanctionné au titre de la contrefaçon de modèles.

4.1.11.

Certains États membres ont libéralisé le marché des pièces détachées. La loi française «Climat et Résilience» no 2021-1104 du 22 août 2021 ouvre le marché de la vente de certaines pièces détachées automobiles à compter du 1er janvier 2023.

4.1.12.

Cette mesure vise à faire baisser les prix sur ce marché. Entre 2019 et 2020, ceux-ci ont connu une hausse moyenne de 8 %, notamment en raison de la complexification technique des différentes pièces, telles que les moteurs des rétroviseurs électriques, les capteurs installés dans les pare-brise, etc. Les États les plus libéraux pour ce secteur ne disposent pas d’une industrie très développée, à la différence notable de l’Allemagne, pays de constructeurs automobiles puissants, mais où le marché est déjà plus ouvert.

En France, à compter du 1er janvier 2023, les équipementiers, qu’ils soient de première monte, c’est-à-dire ayant participé à l’assemblage du véhicule neuf, ou indépendants, pourront commercialiser les pièces de vitrage. Les équipementiers ayant participé à la première monte des autres pièces détachées visibles (pièces d’optique, rétroviseurs, etc.) pourront donc commercialiser les pièces comme les constructeurs.

4.2.    Coût de la protection des dessins ou modèles

4.2.1.

L’EUIPO dispose d’un système de dépôt des dessins ou modèles en lignes qui indique un coût actuel partant de 350 EUR. Le CESE rappelle qu’un dessin ou modèle communautaire enregistré est valide pour une période initiale de cinq ans à compter de la date de dépôt et qu’il peut être renouvelé tous les cinq ans pendant une période maximale de 25 ans.

4.2.2.

Au coût du dépôt, s’ajoutent des taxes de trois types:

la taxe d’enregistrement de 230 EUR, à laquelle peut s’ajouter une taxe d’enregistrement supplémentaire de 115 EUR euros pour 2 à 10 enregistrements supplémentaires, et de 50 EUR au-delà de 10,

la taxe de publication de 120 EUR, qui peut être majorée de 60 EUR pour 2 à 10 publications supplémentaires, et de 30 EUR au-delà de 10,

la taxe d’ajournement de la publication de 40 EUR, qui peut être majorée de 20 EUR pour 2 à 10 dessins ou modèles et de 10 EUR au-delà de 10.

4.2.3.

Le montant des taxes à payer est déterminé par deux facteurs:

le nombre de dessins ou modèles visés par la demande,

l’ajournement ou non de la publication du dessin ou modèle.

4.2.4.

Leur structure répond au modèle suivant:

une taxe de base pour un seul dessin ou modèle ou pour le premier dessin ou modèle d’une demande multiple,

une taxe réduite du deuxième au dixième dessin ou modèle,

une taxe encore plus réduite à partir du onzième dessin ou modèle.

4.2.5.

La proposition de règlement prévoit de réduire à 70 EUR le coût du premier renouvellement (après cinq ans) et d’augmenter à 140 EUR le deuxième renouvellement (après 10 ans), à 280 EUR le troisième renouvellement (après 15 ans) et à 560 EUR le quatrième renouvellement (après 20 ans). La somme des taxes pour les deux premiers renouvellements reste équivalente à celle qui est due actuellement, soit 210 EUR au total, mais les taxes de renouvellement suivantes augmentent drastiquement.

4.2.6.

Cette proposition ne semble pas aussi favorable aux PME et aux créateurs indépendants qu’elle le prétend. Le CESE appelle donc de ses vœux des montants moins élevés pour les PME et les créateurs indépendants, éventuellement au prorata de leur chiffre d’affaires.

4.2.7.

En outre, le CESE n’estime pas que la modification de la structure des taxes consistant à fusionner les taxes de publication et d’enregistrement permettra de réduire le coût total des taxes.

4.3.    Suppression de la règle de l’«unité de classe»

4.3.1.

Même si un dépôt peut porter sur plusieurs dessins et modèles, ils doivent nécessairement être destinés à être incorporés ou appliqués à des produits appartenant à la même «classe», en vertu de la règle dite de «l’unité de classe». Ces classes sont organisées dans une liste intitulée «classification de Locarno».

4.3.2.

La classification de Locarno, selon l’article 2, paragraphe 1, de l’Arrangement de Locarno, «n’a par elle-même qu’un caractère administratif» et comprend:

une liste des classes et des sous-classes,

une liste alphabétique des produits qui constituent des dessins et des modèles industriels, qui indique les classes et les sous-classes dans lesquelles ils sont rangés,

des notes explicatives.

4.3.3.

La suppression de la règle de «l’unité de classe» envisagée dans la proposition de règlement, qui permettrait aux entreprises de déposer des demandes multiples de dessins et modèles en réunissant plusieurs dessins ou modèles dans une seule et même demande multiple, et ce sans devoir se limiter à des produits appartenant à la même classe de Locarno, vise à encourager les PME et les créateurs indépendants à déposer leurs dessins et modèles pour les protéger.

4.3.4.

Selon le CESE, la simplification produite par la suppression de la règle de «l’unité de classe» est nécessaire sans être suffisante, car encore faut-il améliorer l’ergonomie des systèmes de dépôt de dessins ou modèles proposés sur les sites internet des offices nationaux de la propriété industrielle et de l’EUIPO.

4.3.5.

Les offices pourraient mettre à profit l’expertise des conseils en propriété industrielle pour relever ce défi et permettre ainsi aux PME et aux créateurs indépendants de protéger plus facilement leurs dessins ou modèles.

4.3.6.

Les conseils en propriété industrielle continueront évidemment à accompagner les titulaires de droit dans l’exploitation de leurs dessins ou modèles et les représenter dans le contentieux.

4.4.    Délégation de pouvoir et adoption d’actes délégués

4.4.1.

La proposition de règlement prévoit que les dispositions relatives au contentieux du droit des dessins ou modèles seront adoptées dans des actes délégués.

Il s’agit:

du retrait et de la modification de dessin ou modèle (articles 47 bis et 47 ter),

des actions en nullité (article 53 bis),

de la procédure de recours contre les décisions de l’Office (article 55 bis),

de la procédure orale devant les chambres des recours de l’Office (article 64 bis),

de l’instruction (article 65 bis),

de la notification des décisions et invitations à comparaître (article 66 bis),

de la procédure des communications à l’Office (article 66 quinquies),

du calcul et de la durée des délais de procédure (article 66 septies),

de la reprise de la procédure devant l’Office (article 67 quater),

de la représentation professionnelle devant l’Office en cas de litige (article 78 bis),

du paiement des taxes et tarifs (article 106 bis bis).

4.4.2.

Le CESE considère qu’il n’est pas approprié de recourir à l’article 290 du TFUE pour élaborer les règles de contentieux et de recours contre des décisions de l’Office, car un acte délégué ne vise qu’à compléter l’acte de base et ne doit porter que sur des éléments non essentiels. Or, les dispositions visées concernent les droits prévus au titre VI de la Charte des droits fondamentaux relatif à la justice, dont notamment l’article 47 sur le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial. Elles ne sauraient donc être considérées comme des éléments non essentiels de l’acte de base.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Affaires jointes C-397/16 et C-435/16.

(2)  Directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO L 289 du 28.10.1998, p. 28).

(3)  Règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (JO L 3 du 5.1.2002, p. 1).


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/45


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — «Rapport de prospective stratégique 2022 — Garantir le couplage des transitions verte et numérique dans le nouveau contexte géopolitique»

[COM(2022) 289 final]

(2023/C 184/08)

Rapporteur:

Angelo PAGLIARA

Consultation

Commission européenne, 27.10.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

10.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

204/0/3

Préambule

Le rapport de la Commission européenne et le présent avis ont été élaborés dans un contexte marqué par les répercussions sociales, géopolitiques et économiques de la poursuite de l’agression militaire russe contre l’Ukraine. Les choix stratégiques opérés par l’Union européenne au cours des derniers mois détermineront non seulement la réalisation des objectifs de la double transition écologique et numérique, mais aussi la résilience et l’autonomie stratégique de l’Union.

Aussi, conscient du rôle fondamental que joue la société civile organisée dans la définition et l’interprétation des grandes tendances et de l’importance que revêt sa participation en amont du processus de prospective stratégique de l’Union, le Comité économique et social européen (CESE) entend-il apporter, par le présent avis, sa contribution à l’élaboration du rapport de prospective stratégique 2023, qui se concentrera sur les orientations stratégiques susceptibles de renforcer le rôle de l’Union sur la scène internationale.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen encourage la Commission à continuer d’approfondir le programme de prospective stratégique et demande à être davantage associé au processus dès le tout début. Une participation accrue du CESE, en tant que porte-voix des partenaires sociaux et de la société civile organisée, améliorerait la capacité d’analyse et de prévision et contribuerait à cerner les tendances et les solutions possibles.

1.2.

Le CESE souhaiterait que le programme de prospective stratégique ainsi que l’action de la Commission européenne soient axés sur la construction d’un nouveau modèle de développement qui tienne compte de la durabilité économique, environnementale et sociale.

1.3.

Étant donné que la réalisation de la double transition dépend aussi de la volonté et du comportement de la population, le CESE recommande à la Commission de prêter également attention aux préoccupations de la société et à la réticence éventuelle des citoyens à l’égard des modifications proposées.

1.4.

Le rapport décrit l’avenir souhaité et les ressources nécessaires à cette fin, mais n’aborde pas de manière suffisamment détaillée les risques et les menaces. Le CESE invite la Commission à décrire plus clairement les risques et à analyser les possibilités et les scénarios au cas où les objectifs visés ne seraient pas atteints, notamment en ce qui concerne la disponibilité des matières premières, des métaux des terres rares et des ressources en eau, et les éventuelles problématiques connexes.

1.5.

Les tensions géopolitiques actuelles auront une incidence sur les systèmes d’approvisionnement et la résilience du secteur agroalimentaire européen. Les événements récents tels que la COVID-19 et l’agression militaire russe contre l’Ukraine ont perturbé notre système de distribution, et cela risque de se reproduire à brève échéance. Le CESE accueille favorablement la recommandation visant à réduire autant que possible la dépendance de l’Union vis-à-vis des importations d’aliments pour animaux, d’engrais et d’autres intrants et propose d’établir une définition de l’autonomie stratégique ouverte appliquée aux systèmes alimentaires, fondée sur la production d’aliments, la main-d’œuvre et le commerce équitable, ayant pour visée globale d’offrir la sécurité alimentaire à tous les citoyens de l’Union grâce à un approvisionnement en denrées saines qui soit durable, résilient et équitable.

1.6.

Le rapport de prospective stratégique ne tient pas compte de l’importance stratégique d’un système industriel européen fort, cohérent et innovant, en mesure de créer des emplois de qualité. Le CESE invite la Commission européenne à établir des prévisions spécifiques sur l’avenir de la politique industrielle européenne et recommande l’adoption de politiques économiques appropriées pour améliorer la compétitivité et la productivité à long terme et renforcer les investissements publics et privés à cet égard.

1.7.

L’agression militaire russe contre l’Ukraine, la crise énergétique et la nouvelle réalité économique et géopolitique auront des répercussions sur la progression de la double transition. Le CESE se félicite de la détermination de l’Union à atteindre les objectifs fixés, mais invite dans le même temps la Commission et le Conseil à mettre au point tous les instruments nécessaires pour renforcer l’autonomie stratégique en matière d’énergie, consolider le système industriel européen et soutenir les entreprises et les travailleurs, dans le prolongement de ce qui a été fait pendant la pandémie, grâce à l’adoption d’un instrument fondé sur le modèle SURE.

1.8.

Le CESE se réjouit de la place accrue accordée à la dimension sociale et, comme dans son avis de 2021, il invite la Commission à développer, dans le cadre de l’analyse stratégique, des outils de prospective particuliers concernant l’incidence des transitions sur les systèmes de sécurité sociale, et à proposer en conséquence des mesures spécifiques pour atténuer les effets sociaux de la double transition.

1.9.

Le CESE estime que l’Union, pour consolider son rôle d’acteur mondial, doit défendre ses valeurs et continuer à collaborer avec les pays tiers, en renforçant sa politique extérieure commune, en recherchant des solutions collectives et en veillant à ce que sa coopération et ses échanges commerciaux bénéficient aux droits économiques et sociaux des peuples de ces pays, en particulier dans la perspective d’une durabilité à long terme.

2.   Observations générales

2.1.

L’agression militaire russe sur le territoire ukrainien et ses répercussions sur le système économique, social et industriel — en matière de technologie, d’échanges, de normes d’investissement et de changements dans la structure industrielle — rendent d’autant plus nécessaires les investissements dans la transition verte et numérique, notamment en vue d’assurer l’autonomie stratégique européenne. Aussi le CESE accueille-t-il favorablement la réflexion stratégique menée sur l’interaction entre les transitions verte et numérique et la capacité de celles-ci à se renforcer mutuellement.

2.2.

La succession des crises, sanitaire d’abord, militaire ensuite, a augmenté, dans les divers aspects du quotidien, la demande de sécurité de la population, laquelle recherche davantage de protection. Dans ce contexte, la réalisation des objectifs de la double transition passe par la prise en compte pleine et entière de leurs conséquences négatives potentielles sur les plans économique et social, ainsi que dans tous les autres domaines, notamment au moyen des instruments d’intervention appropriés. À cet égard, le CESE souligne que les citoyens européens, en particulier les personnes les plus vulnérables, pourraient se montrer plus réticents à l’égard du changement inhérent à ces transitions s’ils ont le sentiment qu’ils pâtiront de leurs conséquences.

2.3.

Associer davantage le CESE, en sa qualité de porte-voix des partenaires sociaux et de la société civile organisée, aux activités liées au programme de prospective stratégique permettrait de renforcer la capacité d’analyse et de prospective et de mieux cerner les grandes tendances.

2.4.

Le CESE développe en effet les capacités de la société civile organisée en matière de prospective stratégique, par des actions menées soit auprès de ses membres et, partant, des organisations nationales qu’ils représentent, soit auprès de la société civile européenne, par l’intermédiaire de son groupe de liaison, au sein duquel sont représentés les principaux réseaux et organisations de la société civile européenne. Plus particulièrement, il facilite le dialogue avec la société civile organisée et la consultation de cette dernière, et il sensibilise ces acteurs à l’importance de la prospective stratégique tout en leur fournissant des outils concrets pour la mettre en œuvre. L’association structurée de la société civile organisée représentée par le CESE à l’élaboration du programme stratégique permettra également de mieux y prendre en considération les différentes dimensions (industrielle, sociale, économique, environnementale, etc.) dans leur globalité.

2.5.

Pour toutes ces raisons, le CESE tient tout particulièrement à coopérer avec la Commission européenne dans le cadre du cycle de prospective stratégique, dès le tout début du processus, afin de le rendre plus participatif. Citons à titre d’exemple l’audition au cours de laquelle le CESE a recueilli les points de vue des organisations de la société civile et des experts, afin de réfléchir aux enjeux qui se poseront pour l’Europe et aux possibilités qui s’ouvriront à elle dans sa trajectoire pour devenir un continent durable sur les plans social et économique. Le CESE propose, tout au long du présent avis, des contributions et des suggestions sur les aspects essentiels que la Commission européenne devrait placer au centre de son prochain rapport.

2.6.

Eu égard aux défis que l’Europe devra relever et aux possibilités qui s’offriront à elle dans les décennies à venir, la prospective stratégique devrait gagner en importance. Par conséquent, le CESE invite la Commission à continuer à développer le programme de prospective stratégique en renforçant la participation du Comité à la phase d’analyse et d’élaboration du rapport.

2.7.

Le rapport ne tient pas suffisamment compte du fait que la fracture numérique entre les différentes régions européennes compromet la réalisation des objectifs de la double transition. Le prochain rapport stratégique doit dès lors prendre en compte ces disparités ainsi que les conséquences éventuelles du point de vue social et en ce qui concerne les possibilités offertes.

2.8.

Le CESE est conscient que les technologies numériques peuvent avoir un effet positif sur la réalisation des objectifs climatiques, notamment en renforçant la sécurité énergétique, et que la transition verte peut également transformer le secteur numérique et l’économie. À cet égard, il se félicite des nombreux appels que comporte le rapport en faveur de la réalisation d’investissements technologiques et de l’élaboration de politiques adaptées à la réalisation de ces objectifs, et approuve également les références qui sont faites à la nécessité d’adopter des mesures de cybersécurité pour protéger les technologies stratégiques.

2.9.

À plusieurs reprises, le rapport de prospective stratégique 2022 met l’accent sur les besoins énergétiques engendrés par la numérisation et sur la consommation que génère le fonctionnement des réseaux, systèmes et dispositifs et qui est compensée par l’amélioration de l’efficacité et de la durabilité des secteurs concernés (agriculture, logistique, informatique en nuage, etc.). Il est pertinent d’attirer l’attention sur la nécessité d’améliorer l’efficacité énergétique du secteur numérique et de faire en sorte que l’Europe occupe une place plus centrale dans l’économie circulaire de celui-ci, de l’accès aux matières premières critiques à la gestion des déchets électroniques en passant par le développement de technologies numériques avancées.

2.10.

Il conviendrait toutefois de rappeler de manière plus explicite les avantages que présente la transition numérique (dématérialisation et «substitution») en matière de durabilité et d’économies d’énergie et de contribuer ainsi à renforcer l’adhésion des citoyens et des décideurs politiques à la valeur et à l’impact de ces transformations profondes.

2.11.

Parmi les mutations liées à la transition numérique, le rapport ne mentionne pas les crypto-actifs ni les monnaies numériques alors même que leur diffusion croissante est liée à l’omniprésence des processus de numérisation et au développement de la technologie des chaînes de blocs, dont les flux échappent à la capacité de régulation des États, laissant largement le champ libre à l’économie souterraine. Le CESE considère dès lors que le rapport de prospective stratégique doit impérativement consacrer un espace de lecture et d’analyse à l’utilisation des crypto-actifs et des monnaies numériques, et encourage la Commission à adopter et à mettre en œuvre un cadre réglementaire unique conforme aux conclusions du G20.

2.12.

Le CESE se félicite de la réflexion que le rapport de prospective consacre à l’agriculture car il place au cœur même de la prospective le rôle de la politique européenne et la place centrale qu’elle occupe dans la définition des évolutions futures, ce qui n’est pas le cas pour d’autres secteurs. Le rapport précise en l’occurrence les actions que l’Union devra entreprendre pour prévenir tout retour en arrière hasardeux, ce qui n’est généralement pas le cas pour les autres secteurs examinés.

2.13.

Il conviendrait que l’Union diversifie davantage ses systèmes alimentaires, qu’elle renforce les effectifs de l’agriculture, en particulier en attirant des jeunes dans ce secteur d’activité et en y garantissant des conditions de travail et des rémunérations décentes, et qu’elle mette ses politiques commerciales en cohérence avec ses normes en matière de durabilité alimentaire et ses impératifs de compétitivité. Il est également nécessaire de traiter la question de la concentration dans les chaînes alimentaires et de la propriété financière, ainsi que de la transparence du marché, afin de garantir que les crises futures ne soient pas exacerbées par une spéculation excessive sur les produits de base.

2.14.

Le CESE entend souligner que, dans le contexte géopolitique actuel, l’accès aux matières premières critiques est essentiel non seulement pour réaliser les objectifs de la double transition, mais aussi et surtout pour maintenir et renforcer le système industriel européen, ainsi que la stabilité sociale, économique et de l’emploi. À cet égard, le CESE suggère à la Commission d’approfondir sa réflexion au moyen d’outils d’analyse (y compris d’un point de vue géopolitique) et de prévision ad hoc.

2.15.

Le CESE souligne que si l’eau et les ressources hydriques, mentionnées à plusieurs reprises dans le rapport, constituent un problème, elles recèlent aussi un potentiel, notamment en ce qui concerne une utilisation plus rationnelle de l’eau, la gestion des ressources et les campagnes de sensibilisation en faveur d’une consommation responsable. En particulier, l’économie bleue joue un rôle considérable et recèle un potentiel qui s’affirme chaque jour davantage pour l’économie européenne et mondiale, s’agissant de la création d’emplois et du bien-être des citoyens. Le CESE estime qu’il convient de tirer le meilleur parti de ces possibilités — qui concernent un large éventail de secteurs et d’opérations, tant traditionnels qu’émergents — tout en réduisant au minimum les effets négatifs sur le climat, la biodiversité et l’environnement.

2.16.

Le CESE invite la Commission, dans le cadre de la double transition, à prendre davantage en considération les éventuels changements de scénario induits par la guerre en Ukraine, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en énergie et en matières premières critiques.

2.17.

Le CESE se réjouit de l’appel en faveur de la nécessité d’adapter les politiques européennes à un nouveau modèle économique, de l’augmentation des investissements pour améliorer le bien-être, et d’un accroissement de la compétitivité et de la productivité du système industriel et économique européen. À cet égard, il préconise l’élaboration de prévisions spécifiques sur l’avenir de la politique industrielle européenne, laquelle est essentielle pour parvenir à une autonomie stratégique complète.

2.18.

Si le CESE approuve la recommandation visant à renforcer les investissements publics et privés en vue d’atteindre les objectifs de la transition, il souligne toutefois que les choix économiques européens, et en particulier les perspectives liées à une nouvelle hausse des taux d’intérêt, peuvent avoir une incidence négative sur les investissements.

2.19.

Le CESE se félicite que le rapport à l’examen soit favorable à une transition juste et qu’il accorde davantage d’attention que le précédent à la cohésion sociale et au rôle du dialogue social. Il est également convaincu que les instances européennes mettront l’accent sur la dimension sociale et la qualité du travail, de manière à modifier l’échelle des priorités dans laquelle ces thèmes n’occupent encore qu’une position complémentaire.

2.20.

Le CESE se réjouit de l’attention que porte le rapport de prospective stratégique 2022 aux changements induits par la double transition sur le marché du travail et la situation économique des groupes sociaux les plus vulnérables (familles, communautés), ainsi qu’à la nécessité de disposer de ressources adaptées pour les mesures d’intervention sociale. Le CESE demande également qu’une attention accrue soit accordée aux questions de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

2.21.

Le CESE invite l’Union à tenir compte du vieillissement de la population et de l’évolution démographique, qui entraînera, d’une part, une augmentation de la demande prévisible de soins, et d’autre part, une pénurie de professionnels de la santé. L’Union doit veiller à ce que les soins restent accessibles et abordables et ne deviennent pas un luxe.

2.22.

Le CESE attire l’attention sur l’approche généraliste qu’adopte le rapport de prospective stratégique 2022 s’agissant de l’accélération de l’hybridation du travail engendrée par la numérisation. Le rapport se borne en effet à intercaler cette thématique dans un paragraphe entre la numérisation et la demande de transports, considère qu’elle est la conséquence d’un simple processus de transformation technologique et omet de s’interroger sur ses conséquences sur les conditions et les relations de travail, ainsi que sur les exigences qui en découlent en matière de réglementation.

2.23.

Le CESE fait observer que l’approche adoptée dans le rapport de prospective stratégique risque d’apparaître trop économiciste et de présenter la concurrence et le marché comme le véritable ciment et le cœur de l’action, de la stratégie et des intérêts européens. Il place en effet la société civile et les travailleurs dans un rôle complémentaire, sans tenir suffisamment compte de la capacité des doubles transitions à créer davantage de nouvelles richesses à favoriser la définition de nouveaux modèles à même de réduire les vulnérabilités et de socialiser les bénéfices générés.

2.24.

Le CESE invite la Commission à réaliser une enquête Eurobaromètre spécifique sur les thèmes couverts par le futur rapport de prospective stratégique afin de mieux comprendre les attentes et points de vue des citoyens. Ces informations sont notamment essentielles pour prévoir l’acceptation future des mesures proposées par l’analyse prospective.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/49


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne et au Comité économique et social européen — Une voie possible vers un renforcement du système de compensation de l’UE

[COM(2022) 696 final]

et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) no 648/2012, (UE) no 575/2013 et (UE) 2017/1131 par des mesures visant à atténuer les expositions excessives aux contreparties centrales de pays tiers et à améliorer l’efficience des marchés de la compensation de l’Union

[COM(2022) 697 final — 2022/0403 (COD)]

(2023/C 184/09)

Rapporteur:

Florian MARIN

Consultation

Conseil, 31.1.2023

Parlement européen, 1.2.2023

Commission européenne, 8.2.2023

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

2.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

201/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement (1) et les efforts fournis par la Commission pour garantir l’autonomie stratégique de nos marchés des capitaux, renforcer notre capacité de compensation interne et améliorer la sécurité et la robustesse du système de compensation. Le Comité juge essentiel, pour la stabilité financière des marchés des capitaux de l’Union, de disposer d’un système de compensation compétitif et efficace.

1.2.

Le CESE propose que les chambres de compensation établies dans l’UE conçoivent et élaborent leurs cadres de capacité, et investissent dans ces derniers, de manière à inciter les acteurs du marché à procéder à la compensation de leurs opérations dans l’Union.

1.3.

Le Comité estime qu’un plan global aurait dû être mis en œuvre pour encourager, immédiatement après le Brexit, la transition vers des acteurs de la compensation établis dans l’Union; il déplore la lenteur du processus décisionnel concernant un marché des produits dérivés d’un montant de 81 000 milliards d’EUR. Le CESE aurait espéré une position plus ferme sur la réduction de l’exposition aux contreparties centrales britanniques et des règles et incitations plus spécifiques pour favoriser la transition vers des contreparties centrales établies dans l’UE.

1.4.

Le CESE juge essentiel de disposer de données spécifiques sur le système de compensation de l’UE, qui couvrent toutes les catégories d’actifs et tous les volumes d’actifs, et estime qu’il convient d’en faire davantage à cet égard. La relation entre les données collectées et la dynamique de risque devrait être examinée régulièrement afin de permettre une compréhension précise des risques pour la stabilité financière. Le CESE apprécie qu’outre le risque financier, les modèles de risque doivent également tenir compte des risques sociaux, de gouvernance et environnementaux des contreparties centrales, et que ces risques doivent avoir la même importance dans différents scénarios et analyses de risques.

1.5.

Le CESE demande une évaluation complète des coûts supplémentaires potentiels pour l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et d’autres organes de l’UE en ce qui concerne le personnel, les systèmes informatiques, les équipes de surveillance conjointes et le mécanisme de suivi conjoint proposé.

1.6.

Compte tenu des pouvoirs supplémentaires conférés à l’AEMF par les modifications apportées au règlement EMIR en 2019 et par la proposition de règlement à l’examen, le CESE souhaite l’instauration d’un système d’équilibre des pouvoirs en ce qui concerne les activités de l’AEMF. Le Comité recommande à l’AEMF d’en faire davantage pour imposer la compensation d’une part importante des services fournis à ses clients européens par des contreparties centrales de l’UE.

1.7.

S’agissant des transactions intragroupes, le CESE se réjouit de la décision de ne pas exempter de l’obligation de compensation et des exigences de marge les entités de pays figurant sur la liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales et celle des pays à haut risque aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

1.8.

Le CESE déplore que la Commission n’ait pas procédé à une évaluation complète du cadre existant et de la manière dont l’attrait du marché de l’UE a évolué ces dernières années, étant donné que la dernière modification du règlement remonte à plus de trois ans. Le Comité se félicite de l’introduction de l’article 7 ter et demande à l’AEMF de présenter, un an après l’entrée en vigueur du règlement, un rapport sur les principales raisons du recours à des contreparties centrales de pays tiers.

1.9.

Le Comité préconise que les chambres de compensation soient tenues d’être transparentes en ce qui concerne leurs frais, leurs appels de marge et leurs actions en période de tensions sur le marché, afin d’améliorer la prévisibilité pour l’ensemble des participants au marché.

1.10.

Le Comité demande à la Commission de préciser ce qu’elle entend exactement par «d’urgence» dans sa proposition de modification de l’article 20, et invite les colégislateurs à définir les exemptions qui relèvent de la décision «d’urgence».

1.11.

Le CESE approuve les modifications qu’il est proposé d’apporter à l’article 23 en ce qui concerne la création d’équipes de surveillance conjointe et d’un mécanisme de suivi conjoint. Le CESE propose que la société civile soit associée au mécanisme de suivi institué par l’article 23 quater et que lui-même y participe en tant qu’observateur.

1.12.

Le CESE estime que le délai de cinq ans dont dispose la Commission pour réexaminer l’application du règlement est trop long. Il considère également qu’il convient de réduire le temps nécessaire à l’octroi des autorisations ou à l’extension des activités et des services, ainsi que de créer une base de données centrale. Le CESE demande que l’interopérabilité du système européen de compensation soit renforcée, parallèlement à une réduction de la charge administrative et à des solutions d’accès plus simples.

1.13.

Le Comité approuve la transparence accrue offerte par la proposition de modification de l’article 38 concernant l’obligation, pour les membres compensateurs et les clients qui fournissent des services de compensation, d’informer leurs clients existants et potentiels des modèles de marge et des pertes possibles et autres coûts.

2.   Contexte

2.1.

L’union des marchés des capitaux, lancée par la Commission européenne en 2015, est un projet ambitieux de longue haleine visant à garantir la libre circulation des capitaux dans l’Union, l’une des quatre libertés fondamentales du marché unique. À la suite du Brexit, le rôle de l’Europe sur les marchés des capitaux mondiaux a fortement diminué, passant de 22 % de l’activité mondiale avant le Brexit à seulement 14 % actuellement (2). Trente ans après le lancement du marché unique, vingt ans après l’introduction de l’euro et sept ans après le déploiement de l’initiative sur l’union des marchés des capitaux, l’UE a encore beaucoup à faire pour créer un marché unique des capitaux.

2.2.

Les règlements EMIR Refit (3) et EMIR 2.2 (4) ont renforcé la transparence en ce qui concerne les contreparties centrales de pays tiers, en apportant des modifications au mandat de compensation et en conférant des pouvoirs supplémentaires à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), l’autorité de surveillance de l’UE. La proposition de règlement à l’examen confère encore plus de pouvoirs à l’AEMF. La capacité de compensation constituant une part importante de l’union des marchés des capitaux, les marchés financiers européens sont menacés par une dépendance excessive à l’égard des services fournis par des contreparties centrales de pays tiers, en particulier au Royaume-Uni. Dans le cadre de l’accord sur le Brexit, l’UE a permis aux organismes de compensation britanniques de continuer à fournir des services aux acteurs du marché de l’UE jusqu’à la fin du mois de juin 2022. Ce délai a été prolongé de trois ans en raison de la menace pesant sur la stabilité des marchés financiers, l’objectif étant de laisser suffisamment de temps pour le transfert progressif des opérations de compensation dans l’UE.

2.3.

La proposition de règlement vise à renforcer la stabilité, la prévisibilité et la proportionnalité pour tous les acteurs soumis à des obligations de compensation, et impose aux acteurs du marché de déclarer dans quelle mesure ils dépendent de pays tiers pour le traitement de leurs transactions sur produits dérivés. Les modifications proposées portent également sur des mesures visant à rendre les contreparties centrales de l’UE plus attrayantes et à réduire la charge administrative, à promouvoir la compensation centrale dans l’UE en obligeant les acteurs de la compensation à détenir un compte actif auprès des contreparties centrales de l’UE, et à doter les collectivités locales des pouvoirs nécessaires pour surveiller les risques liés aux transactions transfrontières.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE plaide depuis longtemps en faveur d’une législation visant à renforcer les marchés des capitaux de l’UE et à les rendre plus stables et attrayants (5). Compte tenu des évolutions géopolitiques récentes (invasion de l’Ukraine par la Russie, hausse des prix de l’énergie, tensions géopolitiques dans de nombreuses régions du monde et pandémie de COVID-19) et de leurs effets immédiats sur l’environnement économique, le CESE souligne qu’il convient d’agir rapidement pour préserver et renforcer la stabilité des marchés financiers de l’UE. Le CESE estime qu’il est essentiel pour la stabilité financière des marchés des capitaux de l’UE de disposer d’un système de compensation compétitif et efficace.

3.2.

Le Comité accueille favorablement la proposition de règlement et l’intention de la Commission de prendre des mesures pour garantir l’autonomie stratégique de nos marchés des capitaux, renforcer notre capacité de compensation interne et faire en sorte que le système de compensation soit plus sûr et plus résilient. Le renforcement du marché de la compensation de l’Union devrait tenir compte des coûts engendrés par la migration des capitaux en provenance de marchés de compensation hors UE, de la nécessité de protéger l’approche fondée sur les risques, ainsi que de l’interdépendance entre les marchés financiers des pays tiers et ceux de l’UE.

3.3.

La proposition de modification du règlement EMIR intervient après la hausse spectaculaire des prix de l’énergie en Europe, principalement causée par l’attaque injustifiée de la Russie contre l’Ukraine, et qui a engendré une instabilité sur les marchés de la compensation, les sociétés n’étant pas en mesure de fournir les garanties (collateral) sur leurs contrats dérivés. Le CESE demande instamment que la consolidation du secteur de la compensation dans l’Union reste une priorité. Le prix, la liquidité, le risque, les marges, la réglementation et l’efficacité sont autant d’éléments à envisager afin de rendre le système de compensation de l’UE plus compétitif. Le Comité convient qu’il y a lieu de réduire le temps nécessaire à l’octroi des autorisations ou à l’extension des activités et des services, ainsi que de créer une base de données centrale.

3.4.

Le CESE estime que les contreparties centrales établies dans l’UE doivent concevoir et élaborer leurs cadres de capacité et investir dans ces derniers afin de persuader les opérateurs du marché de procéder à la compensation de leurs opérations dans l’UE, notamment en renforçant leurs capacités technologiques et opérationnelles, en assurant une meilleure coopération entre les acteurs du marché et en améliorant les pratiques de gestion des risques. Afin d’améliorer la prévisibilité, les contreparties centrales doivent être transparentes en ce qui concerne leurs frais, leurs appels de marge et leurs actions en période de tensions sur le marché.

3.5.

La stabilité des marchés des capitaux requiert un marché du travail équilibré et stable. Le CESE apprécie qu’outre le risque financier, les modèles de risque doivent également tenir compte des risques sociaux, de gouvernance et environnementaux des contreparties centrales, et que ces risques doivent avoir la même importance dans différents scénarios et analyses de risques.

3.6.

Le CESE se félicite de la consultation menée par la Commission au début de 2022, des réunions avec les représentants des États membres et du Parlement européen, du Comité des services financiers et du Comité économique et financier, ainsi que des réunions bilatérales avec les parties prenantes.

3.7.

Le CESE déplore que l’accès illimité aux parties prenantes établies dans l’UE dont jouissent les chambres de compensation établies au Royaume-Uni ait été prolongé de trois ans, jusqu’au 30 juin 2025. Il estime qu’un plan détaillé aurait dû être mis en place immédiatement après le Brexit pour encourager le passage à des acteurs de la compensation établis sur le marché de l’UE. Le Comité critique le manque de réaction, la consultation limitée et la lenteur du processus décisionnel qui a prévalu dans le passé concernant un marché des produits dérivés d’un montant de 81 000 milliards d’EUR.

3.8.

Les banques européennes bénéficient d’un pool multidevises du marché britannique et le passage à des chambres de compensation européennes impliquerait un processus de compensation fondé sur l’euro, ce qui entraînerait des coûts importants pour le système bancaire. Bien que le CESE soutienne ce changement et estime qu’il doit être effectué dans les meilleurs délais, il souligne que les incitations appropriées doivent être prévues afin d’empêcher les banques de se tourner vers d’autres marchés. Des incitations plus ciblées et adaptées devraient être envisagées pour consolider le secteur de la compensation dans l’Union.

3.9.

Étant donné que de nombreux acteurs du marché de l’UE compensent leurs transactions sur les produits dérivés dans d’autres pays, le CESE aurait espéré une position plus ferme contre cette tendance et des règles et incitations plus spécifiques qui induiraient une transition vers des contreparties centrales établies dans l’UE. Le Comité se serait attendu à ce qu’au moins les entités publiques soient tenues de faire compenser leurs transactions dans l’UE et réclame une vision claire pour mettre un terme à cette dépendance dans les meilleurs délais.

3.10.

Le CESE estime que le développement des activités de compensation dans l’UE devrait tenir compte de l’ensemble de la chaîne de l’offre, dans l’intérêt des acteurs du marché. La liquidité du marché devrait être gérée avec soin lors de la réduction de l’exposition aux contreparties centrales britanniques, parallèlement à une perspective à plus long terme et à la normalisation des exigences d’accès au marché de la compensation de l’Union. Il convient de tenir compte de la préparation des clients à la compensation et d’effectuer diverses simulations à leur intention. Le Comité estime également que l’AEMF devrait adapter soigneusement les mesures aux petits et moyens acteurs du marché.

3.11.

Le CESE souligne l’importance du rôle des contreparties centrales de pays tiers pour la stabilité financière de l’UE. Il est crucial de réduire les risques de concentration et de veiller à ce que les relations avec ces contreparties centrales reposent sur une approche transparente, prévisible, proportionnée et axée sur les risques. Étant donné que la proposition de règlement à l’examen conférera encore plus de pouvoir à l’AEMF, le CESE souhaite l’instauration d’un système d’équilibre des pouvoirs en ce qui concerne les activités de l’Agence.

3.12.

Le CESE fait observer que des données spécifiques sur le système de compensation de l’UE, qui soient comparables et couvrent toutes les catégories et tous les volumes d’actifs, sont indispensables pour pouvoir disposer d’un tableau clair de la situation à des fins de suivi. Il importe de recueillir les données adéquates afin d’avoir une image précise des risques pour la stabilité financière, et la synergie entre les données collectées et la dynamique des risques devrait être prise en compte de manière systématique. Le CESE estime que les efforts fournis à cet égard sont insuffisants.

3.13.

Il faudrait créer davantage de synergies entre les activités de compensation et le point d’accès unique européen (PAUE). Ce dernier promeut la finance fondée sur les données et améliore considérablement l’accès des sociétés, des entreprises et des institutions financières aux données et aux informations des entités, et, dans le même temps, prépare l’économie à l’avenir numérique, renforce la souveraineté numérique, accélère les échanges d’information et établit des normes communes, en mettant l’accent sur les données, les technologies et les infrastructures (6).

3.14.

Le CESE approuve la proposition visant à assouplir les règles du règlement EMIR relatives aux produits dérivés et à permettre l’acceptation des garanties bancaires et des lettres de crédit comme garanties hautement liquides, étant donné que ces solutions de substitution non monétaires garantissent la liquidité du marché et sont déjà utilisées à grande échelle sur des marchés de capitaux plus avancés, comme celui des États-Unis. Le CESE soutient le rôle accru des banques centrales dans la protection des consommateurs de l’UE.

3.15.

Le CESE approuve les modifications proposées aux articles 11, 14, 15 et 17 concernant la période de mise en œuvre de quatre mois pour les contreparties non financières qui sont soumises pour la première fois à l’obligation d’échanger des garanties (collateral), ainsi que les procédures plus courtes et moins complexes permettant aux contreparties centrales d’élargir leur offre de produits. Le Comité accueille favorablement les modifications proposées, car elles rationaliseront le processus d’extension des activités et des services, ainsi que l’octroi et le refus d’autorisations. Il est nécessaire de renforcer l’interopérabilité du système européen de compensation, tout en réduisant la charge administrative et en proposant des solutions d’accès plus simples.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE ne partage pas l’avis de la Commission européenne selon lequel «[cette initiative législative] n’aura pas d’incidence sur les dépenses de l’AEMF, ni d’autres organes de l’Union européenne» et estime que les coûts augmenteront en ce qui concerne notamment le personnel, les systèmes informatiques, les équipes conjointes de surveillance prudentielle et le mécanisme conjoint de suivi proposé. Le Comité constate que, dans la proposition de modification de l’article 90, la Commission demande à l’AEMF de présenter un rapport sur «ses besoins en personnel et en ressources». Par conséquent, le CESE demande qu’il soit procédé à une évaluation approfondie des coûts additionnels, de manière à calculer et à annoncer les incidences budgétaires estimées.

4.2.

Le CESE entérine et salue la proposition de la Commission introduisant une obligation, pour l’ensemble des participants au marché soumis à des obligations de compensation, de détenir un compte auprès des contreparties centrales de l’UE. Il demande à l’AEMF de veiller, après consultation de l’Autorité bancaire européenne, de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, du Comité européen du risque systémique et du Système européen de banques centrales, à ce qu’une part importante des services fournis à leurs clients dans l’UE soient définis comme revêtant une importance systémique substantielle et devant faire l’objet d’une compensation par des contreparties centrales de l’UE.

4.3.

Le Comité se félicite de l’intention de demander aux acteurs du marché de communiquer les chiffres exacts concernant leur dépendance à l’égard d’organismes de compensation étrangers. Le Comité attend de l’AEMF qu’elle élabore rapidement les normes techniques précisant ces informations et présente un rapport complet un an après l’entrée en vigueur du règlement EMIR, et espère que celui-ci sera modifié en conséquence.

4.4.

Quant aux transactions intragroupes, le CESE se réjouit de la non-exemption de l’obligation de compensation et des exigences de marge pour les entités de pays figurant sur la liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales et celle des pays à haut risque aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le Comité soutient pleinement les mesures administratives relatives à ces pays et territoires et estime que ces entités constituent une menace importante pour le système financier de l’UE.

4.5.

Bien que la mise à jour numérique implique des besoins budgétaires supplémentaires, le CESE juge essentiel de garantir les investissements numériques nécessaires pour soutenir les propositions d’actualisation du règlement EMIR. Le Comité se félicite de la proposition relative à un outil informatique avancé pour la transmission en ligne des documents de surveillance, accessible à toutes les autorités concernées.

4.6.

Le CESE regrette que la Commission n’ait pas procédé à une évaluation approfondie du cadre existant, étant donné que la dernière modification du règlement remonte à plus de trois ans. En outre, pour que la modification actuelle soit adaptée à sa finalité, il aurait fallu, selon le Comité, une analyse ciblée de la manière dont l’attrait du marché de l’Union a évolué ces dernières années, en particulier au regard des grands événements géopolitiques récents.

4.7.

Le Comité suggère que les normes techniques élaborées au titre de l’article 7 soient transparentes et inclusives. Il convient également de prévoir la possibilité d’apporter des modifications en vue d’adapter rapidement ces normes. Il est important, pour les gestionnaires d’actifs, de fournir des outils de comparaison des prix pour les coûts d’exécution, les coûts de compensation et les coûts pour les membres compensateurs.

4.8.

Le Comité se félicite de l’introduction de l’article 7 ter, qui précise que les prestataires de services de compensation doivent rendre compte de la portée de la compensation dans une contrepartie centrale de pays tiers et sont tenus d’informer leurs clients de la possibilité de faire compenser un contrat concerné auprès d’une contrepartie centrale de l’UE. Le Comité invite l’AEMF à mettre au point une procédure de déclaration normalisée à utiliser dans tous les États membres et recommande qu’un rapport sur les principales raisons de l’utilisation de contreparties centrales de pays tiers soit présenté un an après l’entrée en vigueur du règlement. Une approche commune en matière d’amendes pour les acteurs du marché devrait également être bien encadrée afin de garantir la proportionnalité dans le marché unique.

4.9.

Le Comité demande à la Commission de clarifier ce qu’elle entend exactement par «d’urgence» dans sa proposition de modification de l’article 20, et invite les colégislateurs à se mettre d’accord et à préciser quelles sont les exemptions qui relèvent de la décision «d’urgence».

4.10.

Le CESE approuve les modifications qu’il est proposé d’apporter à l’article 23 en ce qui concerne la mise en place d’équipes de surveillance conjointes et le mécanisme de suivi conjoint, mais note que celles-ci auront des implications budgétaires, étant donné que ces autorités devront recruter davantage de personnel, y compris pour l’AEMF. Le CESE propose que la société civile soit associée au mécanisme de suivi institué par l’article 23 quater, notamment en ce qui concerne les futures décisions politiques.

4.11.

Une évaluation adéquate des interconnexions, des interdépendances et des risques de concentration dans le cadre du comité de surveillance des contreparties centrales (article 24 bis) requiert également la participation de la société civile, et le CESE devrait prendre part au mécanisme de suivi conjoint en tant qu’observateur. Il convient de veiller à réduire le chevauchement des responsabilités entre le grand nombre d’autorités participant au système de compensation. La coopération entre les autorités européennes et nationales devrait être efficace et adaptée à la dynamique des risques de marché.

4.12.

La Commission dispose d’un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du règlement pour examiner attentivement son application, ce qui semble très long compte tenu de l’intervalle entre les modifications du règlement EMIR. Le CESE attendait en outre le rapport de la Commission sur l’application du règlement EMIR Refit et du règlement EMIR 2.2, comme convenu, le 2 janvier 2023, mais la Commission propose à présent de l’annuler. Le Comité s’oppose à cette annulation car il estime qu’à défaut de rapport, les modifications apportées au règlement EMIR ne seraient pas du tout évaluées, compte tenu des changements substantiels qui y ont déjà été apportés.

4.13.

Enfin, le Comité approuve la transparence accrue offerte par la proposition de modification de l’article 38 concernant l’obligation, pour les membres compensateurs et les clients qui fournissent des services de compensation, d’informer leurs clients existants et potentiels des modèles de marge et des pertes possibles ou d’autres coûts qu’ils pourraient avoir à supporter au cas où la contrepartie centrale engagerait des mesures de redressement. Le CESE estime que les membres compensateurs devraient également contribuer à améliorer la transparence au sein du système de compensation de l’Union.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2022) 697 final.

(2)  Rapport — A new vision for EU capital markets (Une nouvelle vision pour les marchés des capitaux de l’UE).

(3)  JO L 141 du 28.5.2019, p. 42.

(4)  JO L 322 du 12.12.2019, p. 1.

(5)  JO C 155 du 30.4.2021, p. 20.

(6)  JO C 290 du 29.7.2022, p. 58.


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/55


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal

[COM(2022) 707 final — 2022/0413 (CNS)]

(2023/C 184/10)

Rapporteur: Petru Sorin DANDEA

Corapporteur: Benjamin RIZZO

Consultation

Conseil, 7.2.2023

Base juridique

Articles 113, 115 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

2.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission relative à la directive DAC 8, qui constitue une avancée substantielle s’agissant d’améliorer et de compléter l’actuelle directive DAC.

1.2.

Le CESE estime que les améliorations qu’il est proposé d’apporter à la directive DAC sont efficaces pour dissuader les détenteurs de crypto-actifs de ne pas respecter les règles fiscales, renforçant ainsi la lutte contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale, conformément à plusieurs initiatives prises précédemment par la Commission.

1.3.

Le CESE estime que l’initiative de la Commission est totalement cohérente par rapport au principe d’une fiscalité équitable et efficace, pierre angulaire de l’économie sociale de marché européenne, qui vise à garantir que chacun apporte sa juste part et bénéficie d’un traitement égal et proportionné, quel que soit le type de patrimoine détenu.

1.4.

Le CESE note qu’un effort mondial visant à réglementer les crypto-actifs et leur utilisation est essentiel pour résoudre avec succès les problèmes croissants posés par ces actifs et leurs implications de plus en plus nombreuses à l’échelle mondiale. Les travaux en cours au niveau de l’OCDE et du G20 en vue de parvenir à un accord mondial sur la transparence des cryptomonnaies sont essentiels à cet égard et le CESE encourage la Commission à jouer un rôle actif sur la scène internationale.

1.5.

Le CESE se félicite qu’une imposition renforcée et plus efficace des crypto-actifs contribuera à élargir la couverture fiscale et à stimuler les budgets nationaux, en permettant le déploiement de ressources supplémentaires axées sur le bien commun et sur les priorités d’investissement de la Commission (transition écologique et numérique).

1.6.

Le CESE estime que le système de déclaration du numéro d’identification fiscale (NIF) est la méthode de contrôle la plus efficace pour garantir l’effectivité des nouvelles règles. Dès lors, il soutient fermement la proposition de la Commission sur le NIF, lequel contribue à prévenir d’éventuelles erreurs, améliorant ainsi la sécurité juridique et la prévisibilité du système.

1.7.

Le CESE estime que les obligations de déclaration ne devraient pas seulement se limiter aux échanges et transferts de crypto-actifs, mais qu’elles devraient également être étendues, du moins dans la phase initiale, à l’ensemble des détentions d’actifs en crypto-actifs, dans un souci de transparence et de sécurité, bien qu’il reste évident que l’imposition ne devrait s’appliquer qu’aux gains effectifs.

1.8.

Le CESE insiste sur la nécessité de prévoir des sanctions efficaces et proportionnées, en laissant aux États membres le soin d’en décider les montants précis. Le CESE recommande également que, après la mise en œuvre de la directive, la Commission établisse un rapport sur les systèmes de sanctions des États membres et fournisse des orientations sur les éventuelles modifications à y apporter, le cas échéant.

1.9.

Le CESE espère que les sanctions et les mesures de mise en conformité permettront de trouver un juste équilibre entre l’efficacité des règles et un effet dissuasif adéquat, d’une part, et la proportionnalité, d’autre part. La proportionnalité pourrait, par exemple, être assurée en tenant dûment compte du nombre de transactions impliquées dans des infractions commises par une entreprise donnée.

1.10.

Le CESE souligne que les dispositions et garanties spécifiques en matière de protection des données figurant dans la proposition de directive et conformes aux règles du RGPD devraient être dûment appliquées et respectées selon des normes élevées afin de pleinement protéger les droits fondamentaux des personnes dont les données seront collectées, échangées et stockées.

1.11.

Le CESE recommande à la Commission d’inclure dans son projet de proposition des règles visant à renforcer la coopération entre les autorités fiscales déjà visées par le texte actuel et les autorités chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement des activités illégales et du terrorisme. Dans ce contexte, le CESE rappelle que les pouvoirs publics, en l’occurrence les autorités fiscales, ont besoin de ressources suffisantes tant en personnel qualifié qu’en technologies et normes numériques de haut niveau.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

La proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE (1) relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (DAC 8) (2), présentée par la Commission, vise à mettre à jour la directive en vigueur afin d’étendre la déclaration et l’échange d’informations entre les autorités fiscales aux revenus ou redevances générés par les crypto-actifs et perçus par des utilisateurs résidant dans l’Union européenne. À l’heure actuelle, les autorités fiscales ne disposent pas des informations nécessaires pour contrôler les produits obtenus à l’aide de crypto-actifs, qui sont facilement négociés par-delà les frontières.

2.2.

L’initiative législative à l’examen vise à introduire une plus grande transparence fiscale sur les crypto-actifs au moyen de dispositions spécifiques relatives à la déclaration et à l’échange d’informations à des fins de fiscalité directe. La proposition affine également les dispositions applicables existantes afin d’éviter les failles juridiques et de renforcer le cadre juridique.

2.3.

La DAC 8 est alignée sur les définitions figurant dans le règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA) (3), qui ne constitue pas en soi une base permettant aux autorités fiscales de collecter et d’échanger les informations nécessaires à l’imposition des revenus de crypto-actifs. Toutefois, la DAC 8 s’appuie sur l’expérience acquise avec le MiCA ainsi que sur l’obligation d’agrément déjà introduite par ce règlement, évitant ainsi des charges administratives supplémentaires pour les prestataires de services sur actifs virtuels.

2.4.

La proposition est cohérente avec le cadre de déclaration des crypto-actifs (CARF) (4) récemment approuvé par l’OCDE, ainsi qu’avec les modifications apportées à la norme commune de déclaration établie par la même organisation. Ces normes ont également été approuvées par le G20. Au cours de la consultation de la Commission, la plupart des États membres se sont déclarés favorables à l’alignement du champ d’application du cadre juridique de l’UE sur les travaux réalisés au sein de l’OCDE.

2.5.

Afin d’améliorer la capacité des États membres à détecter et à combattre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale, tous les prestataires de services sur crypto-actifs déclarants, indépendamment de leur taille ou de leur localisation, seront tenus de déclarer les transactions de leurs clients résidant dans l’UE. Les transactions tant nationales que transfrontières sont concernées. Dans certains cas, les obligations de déclaration couvriront également les jetons non fongibles. Des règles détaillées concernant les obligations à remplir par les prestataires de services sur crypto-actifs déclarants sont énoncées à l’annexe VI.

2.6.

Les opérations devant faire l’objet d’une déclaration comprennent les opérations avec contrepartie directe et les transferts de crypto-actifs devant faire l’objet d’une déclaration. Les transactions tant nationales que transfrontières sont incluses dans le champ d’application de la proposition et sont regroupées par type de crypto-actifs devant faire l’objet d’une déclaration.

2.7.

Les établissements financiers établiront des déclarations relatives à la monnaie électronique et aux monnaies numériques de banque centrale, tandis que le champ d’application de l’échange automatique des décisions fiscales anticipées en matière transfrontière pour les personnes fortunées sera étendu. Ces personnes physiques sont celles qui détiennent un minimum d’un million d’euros de patrimoine financier ou pouvant faire l’objet d’investissements, ou d’actifs sous gestion. Les États membres échangeront des informations sur les décisions fiscales anticipées en matière transfrontière émises, modifiées ou renouvelées entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2025.

2.8.

La proposition ne limitera pas la capacité des États membres de façonner comme ils l’entendent leur système de conformité. Toutefois, un niveau minimal commun de sanctions pour les comportements non conformes les plus graves, comme l’absence totale de déclaration malgré les rappels administratifs, sera établi et appliqué.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement et soutient la proposition de la Commission relative à la directive DAC 8, étant donné qu’elle représente une étape importante dans l’amélioration et le parachèvement de la directive DAC à la suite des recommandations de la Cour des comptes européenne, qui a averti que «si un contribuable détient de l’argent dans des cryptomonnaies électroniques, la plateforme ou tout autre fournisseur électronique du portefeuille de services ne sont pas obligés de déclarer les montants en jeu ou les gains réalisés aux autorités fiscales. En d’autres termes, l’argent logé dans ces instruments électroniques reste largement non taxé» (5).

3.2.

Le CESE estime que les améliorations qu’il est proposé d’apporter à la directive DAC constituent un outil efficace pour dissuader les détenteurs de crypto-actifs de ne pas respecter les règles fiscales, renforçant ainsi la lutte contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale, conformément à plusieurs initiatives prises par la Commission ces dernières années.

3.3.

Le CESE salue la consultation organisée par la Commission sur la proposition à l’examen. Vaste et bien structurée, elle a réuni toutes les parties intéressées ainsi qu’un public plus ciblé d’opérateurs du secteur, qui ont été consultés séparément par la Commission. Les États membres ont également été en mesure d’exprimer leur position, encourageant la Commission à travailler en étroite collaboration avec l’OCDE, compte tenu des travaux en train d’être menés par cette organisation. Les consultations ont rendu le processus législatif plus transparent et plus significatif, malgré la nature hautement technique de la proposition.

3.4.

Le CESE souligne qu’un effort mondial visant à réglementer les crypto-actifs et leur utilisation est nécessaire pour résoudre avec succès les problèmes croissants posés par ces actifs et leurs implications de plus en plus nombreuses à l’échelle mondiale. À cet égard, les travaux et les négociations en cours au niveau de l’OCDE et du G20 en vue de parvenir à un accord mondial sur la transparence des cryptomonnaies sont essentiels et le CESE encourage la Commission à jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale.

3.5.

Le CESE estime que l’initiative de la Commission est pleinement conforme au principe d’une fiscalité équitable et efficace, pierre angulaire de l’économie sociale de marché européenne, qui vise à garantir que chacun apporte sa juste part et bénéficie d’un traitement égal et proportionné, quel que soit le type de patrimoine détenu ou la forme de paiement acceptée.

3.6.

Le CESE se félicite qu’une imposition renforcée et plus efficace des crypto-actifs contribuera à élargir la couverture fiscale et à stimuler les budgets nationaux, en permettant le déploiement de ressources supplémentaires axées sur le bien commun et sur les priorités d’investissement de la Commission (transition écologique et numérique).

3.7.

Le CESE partage pleinement l’avis de la Commission selon lequel une plus grande transparence atténuera les disparités et la différenciation injustifiée qui existe actuellement dans le cadre et le traitement juridiques des utilisateurs, ceux recourant aux crypto-actifs bénéficiant d’un avantage par rapport à ceux qui ne le font pas, situation qui entrave non seulement l’objectif d’une fiscalité équitable, mais également le bon fonctionnement du marché unique et les conditions de concurrence équitables.

3.8.

Le CESE soutient le recours combiné à l’article 113 du TFUE (étant donné que les informations échangées pourraient également être utilisées aux fins de la TVA) et à l’article 115 du TFUE en tant que base juridique à l’appui de la proposition. Le rapprochement des législations nationales qui ont une incidence sur le fonctionnement du marché unique, consacré à l’article 115, est effectivement pertinent en l’espèce, les crypto-actifs pouvant être utilisés à plusieurs fins. Il convient donc d’éviter les divergences dans le cadre juridique général et au niveau des outils d’exécution dans le marché unique, car elles peuvent nuire à sa consolidation.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE encourage la Commission et les États membres à inclure dans la proposition actuelle des obligations de déclaration pour les personnes physiques qui détiennent des crypto-actifs. Cela accroîtrait assurément l’efficacité et le champ d’application de la proposition.

4.2.

Le CESE estime qu’un système de déclaration du numéro d’identification fiscale (NIF) est la méthode de contrôle la plus efficace pour garantir l’efficacité des nouvelles règles. C’est pourquoi le CESE soutient fermement la proposition de la Commission sur le NIF, car elle contribue à renforcer l’efficacité de la proposition à l’examen, étant donné qu’en tant que code d’identification unique, le NIF permet d’éviter les erreurs, contribuant ainsi à la sécurité juridique et à la prévisibilité du système.

4.3.

Le CESE note que la plupart des États membres disposent déjà d’une législation ou, à tout le moins, d’orientations administratives en matière d’imposition des revenus tirés des investissements dans les crypto-actifs, mais que, souvent, les autorités compétentes ne disposent pas des informations nécessaires pour mettre ces mesures en pratique. Par conséquent, la sécurité et la clarté juridiques ne peuvent être garanties qu’en remédiant aux carences nationales au moyen d’une initiative législative de l’UE visant à favoriser ainsi une collaboration efficace et efficiente entre les autorités fiscales.

4.4.

Le CESE estime que les obligations de déclaration ne devraient pas se limiter aux seuls échanges et transferts de crypto-actifs, mais qu’elles devraient également être étendues, du moins dans la phase initiale actuelle, à l’ensemble des détentions d’actifs en crypto-actifs, dans un souci de transparence et de sécurité, même s’il reste clair que l’imposition ne devrait s’appliquer qu’aux gains effectifs.

4.5.

Le CESE insiste sur la nécessité de prévoir des sanctions efficaces et proportionnées, en laissant aux États membres le soin d’en décider les montants précis. Des seuils minimaux semblent receler le potentiel d’accroître l’efficacité des nouvelles règles relatives à l’imposition des cryptomonnaies. Le CESE espère que les sanctions et les mesures de mise en conformité permettront de trouver un juste équilibre entre l’efficacité des règles et un effet dissuasif adéquat, d’une part, et la proportionnalité, d’autre part. La proportionnalité pourrait, par exemple, être assurée en tenant dûment compte du nombre de transactions impliquées dans des infractions commises par une entreprise donnée.

4.6.

Par ailleurs, après la mise en œuvre de la directive, la Commission devrait établir un rapport sur les systèmes de sanctions des États membres et fournir des orientations sur les modifications à y apporter et sur les mesures de mise en conformité.

4.7.

Le CESE souligne que les dispositions et garanties spécifiques en matière de protection des données figurant dans la proposition de directive et conformes aux règles et principes du RGPD devraient être soigneusement appliquées et respectées selon des normes élevées afin de pleinement protéger les droits fondamentaux des personnes dont les données seront collectées, échangées et stockées.

4.8.

À nouveau, le CESE invite les États membres à investir de manière adéquate dans leurs autorités fiscales et autres administrations concernées, afin de disposer des capacités nécessaires pour remplir la mission d’une meilleure coopération dans le domaine de la fiscalité.

4.9.

Enfin, le CESE recommande à la Commission d’inclure dans son projet de proposition l’exigence d’une coopération entre les autorités fiscales déjà visées par le texte actuel et les autorités chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement des activités illégales et du terrorisme, étant donné que plusieurs cas d’utilisation illégale de crypto-actifs et de blanchiment de capitaux pourraient être recensés au cours de ces dernières années. Dans ce contexte, le CESE rappelle que les pouvoirs publics, en l’occurrence les autorités fiscales, ont besoin de ressources suffisantes en personnel qualifié et en technologies et normes numériques de haut niveau.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (JO L 64 du 11.3.2011, p. 1).

(2)  COM(2022) 707 final.

(3)  COM(2020) 593 final.

(4)  Cadre de déclaration des crypto-actifs et modifications de la norme commune de déclaration, OCDE, 8.10.2022.

(5)  Cour des comptes européenne (2021), Échange d’informations fiscales dans l’UE: le système est solide, mais sa mise en œuvre laisse à désirer. Les échanges d’informations se sont accrus, mais certaines informations ne sont toujours pas communiquées.


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/59


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Vers une directive relative aux sanctions pénales applicables en cas de violation du droit de l’Union en matière de mesures restrictives

[COM(2022) 249 final]

sur la proposition de décision du Conseil relative à l’ajout de la violation des mesures restrictives de l’Union aux domaines de criminalité énoncés à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

[COM(2022) 247 final]

et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la définition des infractions pénales et des sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives de l’Union

[COM(2022) 684 final]

(2023/C 184/11)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Consultation

Commission européenne, 26.7.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

8.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

141/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la décision de faire figurer la violation des sanctions sur la liste des infractions visées à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), tout comme la proposition de directive visant à rapprocher, dans les législations nationales, les définitions et les peines minimales appliquées en cas de violation des sanctions.

1.2.

Le CESE regrette néanmoins que la décision susmentionnée n’ait pas fait l’objet d’une délibération démocratique à part entière au sein de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, en raison de l’activation de la procédure d’urgence. De même, il reste préoccupé par le fait que la Commission n’ait pas effectué d’analyse d’impact avant d’élaborer sa proposition de directive. Par ailleurs, le CESE déplore que, dans sa proposition de directive relative à la définition des infractions pénales et des peines infligées en cas de violation des sanctions, la Commission n’ait pas fait figurer le Comité économique et social européen parmi les parties prenantes consultées.

1.3.

Le CESE encourage la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, lorsqu’ils s’attèleront à peaufiner la directive, à étendre la dérogation humanitaire pour exonérer de responsabilité pénale les organisations et les travailleurs humanitaires, et aligner ainsi cette disposition sur la pratique actuellement en vigueur à l’échelle internationale, tout en veillant à prévoir des mécanismes appropriés pour prévenir les abus à des fins criminelles ou politiques.

1.4.

Le CESE est favorable à l’inclusion de garanties et de protections appropriées pour les lanceurs d’alerte et les journalistes qui divulguent des tentatives de se soustraire aux sanctions, auxquels la dérogation susmentionnée devrait s’étendre.

1.5.

Le CESE demande instamment à la Commission européenne, au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne de veiller à ce que le secteur privé et les organisations de la société civile reçoivent des informations adéquates et un soutien proactif pour pouvoir s’adapter à la nouvelle législation et se conformer aux nouvelles exigences.

1.6.

Le CESE incite la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne à ne pas se borner à promouvoir l’harmonisation de la législation, mais à faire en sorte que les États membres disposent de capacités administratives adéquates, de ressources financières suffisantes et d’un personnel formé pour détecter, poursuivre et condamner les violations de sanctions, lesquelles démarches pourraient être étayées par une coopération entre les États membres, sous la forme d’un échange de bonnes pratiques en matière de détection et de poursuites.

1.7.

Le CESE se félicite que la proposition de directive insiste sur le respect du principe de non-rétroactivité, et il souligne la nécessité de garantir les droits des personnes mises en cause à un procès équitable et d’autres garde-fous en matière de droits de l’homme.

1.8.

Le CESE reste préoccupé par le fait que des crimes courants aussi graves que les violences sexistes et les crimes de haine n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 83, paragraphe 1, du TFUE («eurocrimes»), soulignant que les impératifs géopolitiques ne sauraient prévaloir sur la protection et le bien-être de nos concitoyens.

2.   Informations contextuelles

2.1.

Les sanctions prises au titre de la politique étrangère, aussi appelées «mesures restrictives» dans le jargon européen, sont approuvées par le Conseil de l’Union européenne dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et prennent la forme d’une législation contraignante ayant un effet direct dans tous les États membres de l’UE.

2.2.

Contrairement à la législation en matière de sanctions, qui est adoptée de manière centralisée et applicable dans l’ensemble de l’Union, la mise en œuvre et l’exécution des sanctions sont décentralisées: les autorités des États membres sont chargées de surveiller que les entreprises et les citoyens se conforment aux interdictions, d’accorder des dérogations, d’établir des peines en cas d’infraction, d’enquêter sur ces violations et de poursuivre leurs auteurs. Cela vaut pour toutes les sanctions à l’exception des interdictions d’entrée sur le territoire, qui sont gérées directement par les autorités nationales.

2.3.

Le caractère décentralisé du système de mise en œuvre des sanctions instaurées par l’UE se traduit par une fragmentation (1): les définitions et la portée des violations de sanctions, ainsi que les peines qu’elles peuvent entraîner, varient selon les législations nationales. Les capacités administratives pour mener des enquêtes présentent aussi des divergences. En outre, les autorités nationales disposent chacune d’un large pouvoir d’appréciation s’agissant de décider l’octroi ou non d’une dérogation pour des raisons humanitaires.

2.4.

Les recherches ont confirmé l’existence d’importantes disparités en ce qui concerne la mise en œuvre et l’exécution des sanctions d’un État membre de l’Union à l’autre (2). Une récente étude menée par le réseau européen de points de contact en ce qui concerne les personnes responsables de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre («réseau Génocide») a mis en évidence des différences abyssales quant aux peines que les États membres de l’UE infligent en cas de violation des sanctions (3).

2.5.

La Commission jouit de certains pouvoirs de surveillance à cet égard: elle veille à ce que tous les États membres respectent les obligations qui leur incombent en vertu du règlement de l’UE établissant les sanctions, dont notamment celle de mettre en place des peines appropriées. Comme il en va dans d’autres domaines de la gouvernance de l’Union, la Commission est habilitée à engager une procédure d’infraction contre tout État membre qui ne satisfait pas à ces obligations, bien qu’à ce jour, elle ne l’ait jamais fait. Elle appuie par ailleurs la mise en œuvre des sanctions en publiant des orientations, par exemple sur l’octroi de dérogations.

2.6.

Si ce système recèle intrinsèquement un potentiel de fragmentation évident, ce n’est que très récemment que la Commission a commencé à prendre certaines mesures (4) en vue d’améliorer la mise en œuvre et l’exécution des sanctions décrétées par l’UE. Même si elle s’est de nouveau attelée à cette tâche bien avant l’invasion de l’Ukraine lancée par la Russie en février 2022, la vague de sanctions qui a alors déferlé a replacé sur le devant de la scène la question du renforcement de la mise en œuvre et de l’exécution des sanctions.

2.7.

La décision (UE) 2022/2332 du Conseil (5) classe la violation des sanctions de l’Union parmi les domaines de criminalité remplissant les critères visés à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, communément appelés «eurocrimes», et habilite ainsi la Commission à proposer une législation visant à rapprocher les définitions des infractions pénales et des peines appliquées dans les États membres (6).

2.8.

La proposition à l’examen se justifie par le fait que ces violations peuvent contribuer à perpétuer des menaces pour la paix et la sécurité, ainsi que pour l’état de droit, la démocratie et les droits de l’homme dans les pays tiers, et qu’elles revêtent souvent une dimension transfrontière. Plus précisément, la proposition pose le postulat que la violation des sanctions est un «domaine de criminalité particulièrement grave, étant donné qu’il peut perpétuer des menaces pour la paix et la sécurité internationales, nuire à la consolidation de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme et au soutien apporté à ceux-ci et provoquer des dommages économiques, sociétaux et environnementaux considérables» (7). La situation actuelle permet aux particuliers et aux entreprises qui envisagent de contrevenir aux sanctions de «faire le tour des options disponibles», et empêche par la même occasion l’instauration de conditions de concurrence équitables pour les opérateurs de l’Union.

2.9.

Le 30 juin 2022, le Conseil de l’Union européenne a dégagé un accord sur le texte et a demandé au Parlement européen d’approuver le projet de décision du Conseil visant à ajouter la violation des mesures restrictives de l’Union aux domaines de criminalité énoncés à l’article 83, paragraphe 1, du TFUE (8). Le Parlement européen a donné son approbation le 7 juillet 2022 (9) dans le cadre de la procédure d’urgence. La décision a été adoptée le 28 novembre 2022 (10).

2.10.

Le 2 décembre 2022, la Commission a présenté un projet de directive dans lequel elle propose l’établissement de règles minimales concernant la définition des infractions pénales et des peines infligées en cas de violation des sanctions (11).

3.   Observations générales

3.1.

L’identification de la violation des sanctions en tant que domaine de criminalité au titre de l’article 83, paragraphe 1, du TFUE représente une évolution positive qui contribuera à harmoniser la caractérisation des violations de sanctions et des peines associées dans l’ensemble de l’Union ainsi qu’à améliorer la mise en œuvre et l’exécution des sanctions.

3.2.

Le CESE encourage la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne à prendre en considération les préoccupations exposées dans la section ci-après lorsqu’ils proposeront et adopteront la directive actuellement à l’examen et d’autres dispositions de droit dérivé substantiel relatives à l’établissement de règles minimales concernant la définition des infractions pénales et des peines appliquées en cas de violation des sanctions.

4.   Observations particulières

4.1.

Le Parlement européen a approuvé le projet de décision du Conseil dans le cadre d’une procédure d’urgence, ce qui signifie qu’il a donné son approbation sans délibération préalable de sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE). Le puissant impératif géopolitique qui sous-tend l’adoption de cette proposition ne devrait pas effacer la nécessité de soumettre les propositions législatives à un contrôle démocratique approprié. Il y a lieu de respecter les normes de responsabilité démocratique. Le CESE rappelle l’importance de garantir le contrôle adéquat du Parlement européen sur la proposition de directive relative à l’établissement de règles minimales concernant la définition des infractions pénales et des peines appliquées en cas de violation des sanctions, qui est actuellement à l’étude.

4.2.

Dans le même ordre d’idées, la proposition de directive mentionne que la Commission s’est abstenue de procéder à une analyse d’impact, soulignant la «nécessité urgente d’obliger les personnes physiques et morales impliquées dans la violation des mesures restrictives de l’Union à rendre des comptes» (12). Si le CESE reconnaît qu’il est pertinent d’accélérer l’adoption de la directive sur les sanctions pénales applicables en cas de violation des mesures restrictives de l’Union, il estime toutefois que l’urgence relative d’harmoniser les définitions et les peines appliquées ne justifie pas l’omission de l’analyse d’impact qui devrait être réalisée en parallèle de l’élaboration de la directive. Ce constat s’avère d’autant plus juste que les personnes physiques et morales impliquées dans la violation de sanctions peuvent déjà être tenues pour responsables en vertu de la législation nationale en vigueur; un report de l’adoption de la directive ne signifie donc pas que ces violations resteront impunies. Le CESE est dès lors favorable à la réalisation d’une véritable analyse d’impact et préconise la mise en œuvre rapide de la directive une fois qu’elle aura été adoptée.

4.3.

Si le CESE se félicite que la Commission ait mené des consultations approfondies auprès d’un large éventail de parties prenantes, il regrette qu’elle n’ait pas fait figurer le Comité économique et social européen parmi celles-ci dans sa proposition de directive relative à la définition des infractions pénales et des peines infligées en cas de violation des sanctions.

4.4.

L’attention accordée à la détection, à la poursuite et à la condamnation des violations de sanctions devrait s’accompagner d’actions comparables visant à guider les opérateurs économiques et les acteurs de la société civile dans la mise en œuvre des sanctions. Les lacunes décelées en la matière résultent souvent d’un manque de sensibilisation des parties prenantes du secteur privé, et ce malgré les efforts que déploient les agences nationales pour les en informer (13). Il convient de garder à l’esprit que les opérateurs économiques de l’UE sont en majorité des petites et moyennes entreprises (PME) qui méconnaissent souvent les obligations découlant de la législation en matière de sanctions, le recours à des mesures économiques ayant rarement été pratiqué à des fins punitives par le passé (14). Le CESE se félicite des efforts actuellement entrepris par la Commission afin d’apporter un meilleur soutien aux opérateurs économiques, et il l’encourage à poursuivre dans cette voie (15).

4.5.

Il conviendrait de prendre des dispositions appropriées pour préserver l’action humanitaire dans les juridictions faisant l’objet de sanctions. La question de la responsabilité quant à d’éventuelles violations de sanctions demeure une préoccupation pour les acteurs humanitaires qui viennent en aide aux populations dans les juridictions lourdement sanctionnées (16). Ces acteurs ne cessent d’attirer l’attention sur les difficultés qu’ils éprouvent à garantir que leurs activités n’entraînent aucune transgression de la législation en matière de sanctions, ainsi que sur les répercussions négatives dues au fait qu’ils soient, aux yeux des belligérants, associés aux sanctions occidentales (17). Du fait de la récente adoption, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de la résolution 2664 de décembre 2022 (18), qui contient une dérogation générale autorisant la fourniture de fonds et de services aux organisations humanitaires (19), et de sa prompte mise en œuvre par les autorités des États-Unis (20), les clauses humanitaires restrictives qui persistent encore dans la législation de l’UE font désormais figure d’exception et se retrouvent sous le feu des projecteurs. Afin de s’assurer que le cadre de sanctions n’entrave pas l’action humanitaire, il y a lieu de renforcer les termes de la proposition de directive. Pour l’heure, seule «la fourniture d’aide humanitaire aux personnes dans le besoin» (21) n’est pas érigée en infraction pénale. Le CESE est favorable à l’adoption d’une exemption humanitaire plus large qui, dans le cadre des régimes de sanctions de l’UE, exonère de responsabilité pénale l’ensemble du personnel des organisations humanitaires impartiales. Une telle clause serait garante de la conformité des cadres juridiques de l’Union en matière de sanctions avec le droit international humanitaire (DIH). Dans le même temps, il convient de prévoir des dispositions pour prévenir d’éventuels abus à des fins criminelles ou politiques. La protection dont bénéficient les acteurs humanitaires devrait s’étendre aux journalistes d’investigation.

4.6.

Le CESE encourage la Commission à surveiller la mise en œuvre de la directive, sans se contenter de suivre l’adoption de la législation, mais en considérant aussi la mise à disposition de ressources administratives, financières, technologiques et humaines suffisantes et la fourniture d’une formation appropriée, afin que les administrations, les autorités judiciaires et les services répressifs des États membres puissent donner effet au contenu de la nouvelle législation. En l’absence d’équipements, de personnel et de ressources financières adéquats, l’harmonisation de la législation, dont l’objectif consiste en la détection, la poursuite et la condamnation des violations de sanctions, risque à elle seule d’être vouée à l’échec. En outre, le CESE invite la Commission à définir les critères qu’elle appliquera pour le suivi, afin de fournir des orientations aux parties prenantes.

4.7.

Lorsque les condamnations pénales prévoient la confiscation d’avoirs, les produits qui en résultent devraient être affectés, pour une large part, à l’indemnisation des victimes et, dans le cas des sanctions actuellement en vigueur contre des cibles russes, en raison de la guerre menée par la Russie en Ukraine, aux efforts de reconstruction de ce pays après la guerre. Le CESE soutient cette demande, dans le droit fil de l’avis (22) qu’il a élaboré sur la proposition de directive de la Commission relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs. Il encourage en outre la Commission à collaborer avec des organisations de la société civile spécialisées sur la définition des victimes et sur la conception de mécanismes permettant de faire parvenir les recettes du contournement des sanctions aux victimes ou à des actions d’investissement social dont elles bénéficient directement. Dans un souci de responsabilité, le CESE plaide en faveur d’une plus grande transparence, qui doit se traduire par la publication des montants des avoirs confisqués et de leur destination ultérieure.

4.8.

La proposition de directive devrait en outre contenir des dispositions adéquates relatives à la protection des lanceurs d’alerte et des journalistes d’investigation qui mettent au jour des pratiques de contournement des sanctions. Compte tenu de leur rôle clé de mécanismes d’«alerte précoce», ils méritent d’être protégés. À cet égard, le CESE soutient la proposition de la Commission visant à étendre la protection accordée en vertu de la directive (UE) 2019/1937 (23) au signalement de violations des mesures restrictives de l’Union et aux personnes qui signalent de telles violations.

4.9.

Comme il ressort de l’actuel libellé de la directive, il convient de prévoir des dispositions pour faire respecter le principe de non-rétroactivité des sanctions pénales, conformément au principe nulla poena sine lege. Le CESE insiste sur la nécessité de garantir les droits des personnes mises en cause à un procès équitable et d’autres garde-fous en matière de droits de l’homme.

4.10.

Enfin, si l’identification des violations de sanctions en tant que criminalité grave revêtant une dimension transfrontière («eurocrime») a suivi un processus rapide, le CESE regrette que les crimes aussi graves et courants que sont notamment les crimes de haine et les violences sexistes ne puissent pas relever du champ d’application de l’article 83, paragraphe 1, du TFUE. Il importe de ne pas donner la priorité à des impératifs géopolitiques au point de négliger d’autres crimes revêtant une importance directe pour nos concitoyens.

4.11.

En conclusion, il ne faut pas oublier que l’harmonisation des peines vise à renforcer la crédibilité des sanctions adoptées dans le cadre de la PESC. De ce point de vue, les États membres devraient s’efforcer de respecter les interdictions de visa avec la même diligence que celle qui est attendue des citoyens et des opérateurs européens (24).

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Portela, C., «Implementation and Enforcement» (Mise en œuvre et application), dans Helwig, N., et al., Sharpening EU sanctions policy (Durcir la politique de sanctions de l’UE), rapport no 63 de l’Institut finlandais des affaires internationales (FIIA), Helsinki. Étude commandée par le cabinet du Premier ministre finlandais, 2020, p. 107.

(2)  Druláková, R., Přikryl, P., «The implementation of sanctions imposed by the European Union» (L’application des sanctions imposées par l’Union européenne), Central European Journal of International and Security Studies, vol. 10, no 1, 2016, p. 134.

(3)  Réseau Génocide, Prosecution of sanctions (restrictive measures) violations in national jurisdictions: a comparative analysis [Poursuites des violations de sanctions (mesures restrictives) devant les juridictions nationales: analyse comparative], 2021.

(4)  Communication de la Commission européenne intitulée «Système économique et financier européen: favoriser l’ouverture, la solidité et la résilience» [COM(2021) 32 final].

(5)  Décision (UE) 2022/2332 du Conseil du 28 novembre 2022 relative à l’identification de la violation des mesures restrictives de l’Union en tant que domaine de criminalité qui remplit les critères visés à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO L 308 du 29.11.2022, p. 18).

(6)  Communication de la Commission européenne intitulée «Vers une directive relative aux sanctions pénales applicables en cas de violation du droit de l’Union en matière de mesures restrictives» [COM(2022) 249 final].

(7)  Ce libellé tiré de la communication COM(2022) 249 final de la Commission, en page 5, est repris dans le considérant 10 de la décision (UE) 2022/2332 du Conseil (JO L 308 du 29.11.2022, p. 18).

(8)  Communiqué de presse du Conseil de l’Union européenne, 30 juin 2022.

(9)  Résolution législative du Parlement européen, TA/2022/0295.

(10)  JO L 308 du 29.11.2022, p. 18.

(11)  Commission européenne, «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la définition des infractions pénales et des sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives de l’Union» [COM(2022) 684 final].

(12)  COM(2022) 684 final.

(13)  Druláková, R., Zemanová, Š., «Why the implementation of multilateral sanctions does (not) work: lessons learnt from the Czech Republic» [Les raisons de la réussite (ou de l’échec) de la mise en œuvre des sanctions multilatérales: enseignements tirés de la République tchèque], European Security, vol. 29, no 4, 2020, p. 524.

(14)  Portela, C., «Sanctions in EU Foreign policy» (Les sanctions dans la politique étrangère de l’UE), dans Helwig, N., et al., Sharpening EU sanctions policy (Durcir la politique de sanctions de l’UE), rapport no 63 de l’Institut finlandais des affaires internationales (FIIA), Helsinki. Étude commandée par le cabinet du Premier ministre finlandais, 2020, p. 23.

(15)  Décision (PESC) 2022/1506 du Conseil du 9 septembre 2022 relative à une action de l’Union européenne en faveur du développement des outils de technologies de l’information pour améliorer la diffusion d’informations sur les mesures restrictives de l’Union (JO L 235 du 12.9.2022, p. 30).

(16)  Portela, C., «What if the EU made sanctions compatible with humanitarian aid?» (Et si l’UE rendait les sanctions compatibles avec l’aide humanitaire?), dans What if…? Fourteen Scenarios for 2021 (Et si…? Quatorze scénarios pour 2021), édité par F. Gaub, IESUE, Paris, 2020. Fourteen Scenarios for 2021, EUISS: Paris, 2020.

(17)  Debarre, A., Safeguarding humanitarian action in sanctions regimes (Préserver l’action humanitaire dans les régimes de sanctions), Institut international pour la paix, New York, 2019.

(18)  Résolution 2664 des Nations unies, S/RES/2664 (2022).

(19)  Le paragraphe 1 du dispositif de la résolution S/RES/2664 (2022) du Conseil de sécurité des Nations unies dispose que le versement de fonds ou la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement en temps voulu de l’aide humanitaire par l’Organisation des Nations Unies ou toute autre personne ou entité habilitée à cette fin par l’un de ses comités agissant dans le cadre de son mandat «sont autorisés et ne constituent pas une violation des mesures de gel des avoirs imposées par lui ou ses comités des sanctions».

(20)  Communiqué de presse du département du Trésor des États-Unis, Treasury Implements Historic Humanitarian Sanctions Exceptions (Le Trésor met en œuvre des exemptions humanitaires historiques à l’application des sanctions), 20 décembre 2022.

(21)  COM(2022) 684 final.

(22)  JO C 100 du 16.3.2023, p. 105.

(23)  Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).

(24)  Mangas Martin, A., «Sobre la vinculatoriedad de la PESC y el espacio aéreo como territorio de un estado (Comentario al auto del TS español de 26 de noviembre de 2020, sala de lo penal)» [Du caractère contraignant de la PESC et de l’espace aérien en tant que territoire d’un État (commentaire de l’ordonnance de la Cour suprême espagnole du 26 novembre 2020, chambre pénale)], Revista General de Derecho Europeo, no 53, 2021.


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/64


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active

[COM(2022) 490 final — 2022/0299 (NLE)]

(2023/C 184/12)

Rapporteurs:

Jason DEGUARA et Paul SOETE

Consultation

Commission européenne, 25.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

8.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

143/00/08

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite du contenu de la recommandation, en particulier de la mise en œuvre de critères réalistes et suffisants pour définir le niveau d’adéquation et d’accessibilité du revenu minimum, de la garantie légale de ce dernier et du système d’établissement de rapports, ainsi que de la reconnaissance par la Commission européenne de la nécessité d’une politique sociale active et de nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté dans l’ensemble de l’Union.

1.2.

Il est nécessaire d’adopter une approche universelle fondée sur le droit de bénéficier d’un revenu minimum adéquat qui ne laisse personne de côté, qui n’ait pas de critères trop restrictifs et qui soit mesurée avec précision pour garantir son efficacité.

1.3.

La lutte contre la pauvreté et les inégalités de revenus est importante non seulement pour garantir l’équité, mais aussi pour soutenir la croissance économique. Dans ce contexte, il convient également de noter l’effet stabilisateur général des systèmes de revenu minimum sur l’économie.

1.4.

Le droit des États membres de définir les principes de leurs systèmes sociaux, les compétences complémentaires de l’Union et des États membres et la pleine utilisation des instruments du traité sur l’Union européenne devraient orienter toute action de l’Union dans le domaine de la protection sociale.

1.5.

Des emplois durables et de qualité sont le meilleur moyen de sortir de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Dans le même temps, veiller à ce qu’un plus grand nombre de personnes soient sur un marché du travail inclusif et de bonne qualité contribue à financer les systèmes de protection sociale et à les rendre plus viables sur le plan financier.

1.6.

Actuellement, dans un grand nombre d’États membres, la fixation et le niveau des prestations de revenu minimum ne reposent pas sur une méthodologie solide ou ne sont pas liés à des indicateurs fondés sur des statistiques reflétant une vie décente et digne. La première étape consiste à mettre en place ce type de méthodologie et à tenir compte des différentes sources de revenus et des situations spécifiques des ménages.

1.7.

Le CESE insiste sur la nécessité que le revenu minimum reste en phase avec l’inflation, et en particulier avec l’augmentation du coût de la vie en matière d’alimentation et d’énergie; il convient de s’en assurer à intervalles réguliers, avec le soutien des organisations de la société civile, des partenaires sociaux et des organismes de protection sociale.

1.8.

Pour atteindre les objectifs de la recommandation, il est nécessaire de suivre en permanence la mise en œuvre des politiques d’aide au revenu et des autres politiques de protection sociale qui garantissent une inclusion active. Les rapports d’avancement des États membres devraient être rédigés avec la participation des organisations de la société civile et des organismes de protection sociale concernés ainsi que celle des partenaires sociaux, ou leurs rapports devraient être régulièrement soumis au mécanisme de suivi de la Commission, comme indiqué dans la recommandation du Conseil.

2.   Introduction

2.1.

Malgré certains progrès en matière de réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale accomplis dans l’Union depuis le début du siècle, plus de 95,4 millions de personnes restaient menacées de pauvreté en 2021.

2.2.

Dans de nombreux États membres, on constate une augmentation du risque de pauvreté pour les personnes vivant dans des ménages (quasiment) sans emploi et une aggravation du degré et de la persistance de la pauvreté, le risque étant plus élevé pour les femmes que pour les hommes. L’objectif de l’Union est de réduire le nombre de personnes menacées de pauvreté d’au moins 15 millions d’ici à 2030.

2.3.

À long terme, l’évolution démographique aura des conséquences économiques majeures, étant donné que la main-d’œuvre diminuera et que le vieillissement rapide de la population exercera une pression supplémentaire sur le budget public et le financement des régimes de revenu minimum.

2.4.

Le contexte actuel dans lequel s’inscrit l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil (caractérisé par la guerre en Ukraine, l’augmentation des prix de l’énergie et la hausse de l’inflation) est encore plus difficile. Le FMI estime qu’à l’échelle mondiale, l’inflation augmentera de 8,8 % cette année et de 6,5 % en 2023.

2.5.

Les parents isolés représentent moins de 15 % des familles dans l’Union, mais ils sont beaucoup plus exposés au risque de pauvreté et de chômage. Même un emploi à temps plein ne les protège pas du risque de pauvreté. Les ménages bénéficiant d’un double revenu issu d’emplois à temps plein, qui ne sont normalement pas exposés à ce risque, le deviennent cependant à partir du moment où ils comptent plus de deux enfants (1).

2.6.

Les prestations de revenu minimum sont des solutions de dernier recours liées aux ressources, accordées sur la base des besoins à des chômeurs capables de travailler, assorties d’incitations suffisantes à (ré)intégrer le marché du travail. Généralement, les politiques nationales exigent une évaluation du revenu disponible, combinée à un examen des ressources personnelles. Les régimes de revenu minimum s’inscrivent dans des situations et traditions nationales et sont liés aux systèmes de protection sociale au sens large de chaque État membre.

2.7.

Globalement, il existe de très grandes disparités entre ces systèmes en ce qui concerne le niveau et la composition du revenu minimum; c’est également le cas au sein de l’Union. Comme l’indiquent les études de la Commission, la situation des bénéficiaires d’un revenu minimum sur le marché du travail varie considérablement d’un État membre à l’autre.

2.8.

Aucun des pays ne garantit actuellement une aide au revenu adéquate pour les familles sans emploi, qui permettrait d’éviter les risques de pauvreté, et 20 % des personnes sans emploi ne peuvent prétendre à aucune aide. Il existe également un problème de non-utilisation du revenu minimum, dont les estimations oscillent entre 30 et 50 %.

2.9.

Les composantes de revenu à prendre en considération pour analyser le niveau de revenu minimum sont les salaires, les prestations d’assistance sociale, les allocations familiales (les revenus supplémentaires les plus courants), les allocations de logement, d’énergie et de santé, ainsi que les autres prestations telles que les prestations en nature; tous ces éléments étant mesurés après déduction des impôts et des cotisations sociales.

2.10.

Au niveau européen, le revenu minimum a fait l’objet des actions et instruments suivants:

la recommandation 92/441/CEE du Conseil et la recommandation 2008/867/CE relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail,

le principe 14 (2) du socle européen des droits sociaux et d’autres principes, tels que ceux du «soutien actif à l’emploi», de la «protection sociale», de l’«accès aux services essentiels», de l’«éducation, [de la] formation et [de l’]apprentissage tout au long de la vie» et de l’«égalité des chances»,

le Semestre européen, qui offre une structure pour le suivi pertinent des activités de coordination des politiques sur la base du cadre d’évaluation comparative du comité de la protection sociale du Conseil,

les conclusions du Conseil de 2020 sur le renforcement de la protection du revenu minimum dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et au-delà, qui invite les États membres à revoir leurs régimes nationaux de revenu minimum (3),

les lignes directrices pour l’emploi 2022.

3.   Observations générales

3.1.

La pauvreté est multidimensionnelle et se manifeste dans tous les domaines de la vie. Elle reflète les échecs des systèmes de redistribution juste et équitable des ressources et des possibilités offertes. Ainsi, un régime de revenu minimum est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour permettre de vivre dignement et de sortir durablement de l’indigence. La pauvreté est liée à d’autres formes d’injustice sociale. Les inégalités entre les hommes et les femmes et les inégalités raciales exacerbent le risque de pauvreté, alors que cette dernière augmente le risque d’exclusion et de discrimination, surtout en ce qui concerne la santé, l’éducation et la formation, ainsi que l’exposition à la dépendance financière et à la violence.

3.2.

Le CESE se félicite du contenu de la recommandation, en particulier de la mise en œuvre de critères réalistes et suffisants pour définir le niveau et l’accessibilité du revenu minimum, de la garantie légale de ce dernier et du système d’établissement de rapports, de la reconnaissance par la Commission européenne de la nécessité d’instaurer une politique sociale active au niveau européen et de nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté dans l’ensemble de l’Union. La recommandation constitue une étape vers la mise en œuvre du principe 14 du socle européen des droits sociaux, qui détermine que «[t]oute personne ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à des prestations de revenu minimum adéquates pour vivre dans la dignité à tous les stades de sa vie».

3.3.

À la suite de l’agression barbare et illégale de la Russie contre l’Ukraine, le contexte actuel dans lequel s’inscrit l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil est encore plus difficile, compte tenu de la forte hausse des prix de l’énergie et du taux élevé d’inflation affectant les ménages, en particulier les familles à faibles revenus. Sur fond de grandes tendances telles que la mondialisation, la transition numérique et écologique et l’évolution démographique, les marchés du travail européens sont en train de connaître des transitions majeures. Les systèmes de revenu minimum devraient jouer un rôle essentiel pour aider et encourager les travailleurs à (ré)intégrer le marché de l’emploi.

3.4.

Il est nécessaire d’adopter une approche universelle fondée sur le droit de bénéficier d’un revenu minimum adéquat qui ne laisse personne de côté, basée sur des critères transparents et non discriminatoires et mesurée avec précision pour garantir son efficacité. Une société inclusive devrait pourvoir aux besoins de tous les secteurs de la société et les États membres devraient mettre en place des mécanismes de contrôle solides pour assurer sans plus tarder le suivi du revenu minimum et de son utilisation.

3.5.

Des systèmes efficaces de revenu minimum peuvent contribuer à garantir le respect des droits de l’homme, à s’assurer que les personnes vivent dans la dignité, à les aider à rester actives et intégrées au sein de la société et à les recruter pour des emplois durables et de qualité. Le CESE souligne également l’importance des régimes de revenu minimum pour les travailleurs indépendants en Europe, qui devraient bénéficier pleinement des mêmes aides et prestations que les autres groupes.

3.6.

La lutte contre la pauvreté et les inégalités de revenus est importante non seulement pour garantir l’équité, mais aussi pour soutenir la croissance économique. Comme indiqué dans le rapport de l’OCDE de 2021 (4), des politiques fiscales bien conçues peuvent soutenir une croissance inclusive et durable et tenir compte de la répartition des revenus et des richesses. Une croissance inclusive devrait alors viser à partager équitablement les avantages de la croissance et à promouvoir le caractère inclusif des marchés du travail. Dans ce contexte, il convient également de noter l’effet stabilisateur général des systèmes de revenu minimum sur l’économie.

3.7.

Les régimes de revenu minimum devraient faire partie des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté qui intègrent effectivement des mesures visant à assurer des salaires équitables et un travail décent, l’accès à des services essentiels abordables et de qualité, à une sécurité sociale de base et à une aide au revenu adéquate, des services sociaux centrés sur la personne et des politiques d’inclusion active.

3.8.

Le CESE souligne l’objectif d’une méthodologie à l’échelle de l’Union, étayée par une analyse européenne, afin d’aider les États membres à définir l’adéquation du revenu minimum au moyen d’une méthode appropriée telle que l’indicateur de risque de pauvreté (AROP) adopté par l’Union, qui équivaut à 60 % du revenu disponible équivalent ou s’appuie sur un budget de référence (comprenant les frais liés à l’alimentation, au logement, à l’eau, à l’électricité, au chauffage, aux télécommunications, à la santé, aux transports, aux loisirs et à la culture).

3.9.

Comme indiqué dans les considérants de l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil, «[l]es emplois durables et de qualité sont les meilleurs remèdes contre la pauvreté et l’exclusion sociale». Plus le nombre de personnes sur le marché du travail augmentera, plus il y aura des financements durables pour les systèmes de protection sociale, puisque ces derniers sont largement alimentés par la taxation du travail.

3.10.

Alors que les États membres ont développé et réformé leurs filets de protection sociale au cours des ans, en tenant compte des orientations fournies par la recommandation 92/441/CEE du Conseil, l’évolution de l’économie, des marchés du travail et des sociétés en général en Europe a posé de nouveaux défis et a débouché sur un besoin urgent de mettre à jour le cadre européen de lutte contre les inégalités de revenus et la pauvreté.

3.11.

Le droit des États membres de définir les principes de leurs systèmes sociaux, la complémentarité des compétences de l’Union et des États membres et la pleine utilisation des instruments du traité sur l’Union européenne devraient être les principes directeurs de toute action de l’Union dans le domaine de la protection sociale. Il est également important d’analyser les régimes de revenu minimum existants par rapport aux dispositions globales des États membres en matière de protection sociale. Une marge de manœuvre existe toutefois pour une action au niveau de l’Union visant à soutenir les États membres dans leurs efforts.

3.12.

Pour lutter contre les inégalités de revenus, les États membres doivent établir des réformes déterminées, des politiques coordonnées et des actions bien ciblées dans un large éventail de domaines d’action, tels que les systèmes d’imposition et de prestations sociales, les mécanismes de fixation des salaires, les incitations sur le marché du travail, l’éducation et la formation, l’égalité des chances et les services de bonne qualité, accessibles et abordables pour tous. En outre, une condition préalable essentielle à tous les systèmes de redistribution est une croissance durable fondée sur le bon fonctionnement des marchés et la compétitivité des entreprises.

3.13.

Le CESE souscrit à la conclusion des services de la Commission selon laquelle les conseils d’orientation professionnelle, les plans d’action individuels et l’intégration des mesures d’activation dans le système de revenu minimum ont un effet positif sur la probabilité de réussir à trouver un emploi.

3.14.

Le CESE souligne la conclusion des services de la Commission selon laquelle une grande partie des bénéficiaires du revenu minimum ne sont pas soumis à des politiques actives du marché du travail, même s’ils pourraient être aptes à travailler. S’il convient, dans l’ensemble, de trouver un juste équilibre entre les incitations et une surveillance plus étroite assortie de conditions permettant de bénéficier d’une aide au revenu et de mesures d’activation, il faut accorder une attention particulière à certains groupes tels que les jeunes adultes qui restent en dehors du marché du travail ou qui sont exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale.

3.15.

Le réseau européen de lutte contre la pauvreté a défini l’adéquation, l’accessibilité et le caractère habilitant comme trois critères clés pour l’élaboration des politiques pour les régimes de revenu minimum:

l’adéquation signifie qu’il faut disposer de moyens suffisants pour mener une vie digne;

l’accessibilité vise à garantir un accès et une couverture complète pour toutes les personnes qui ont besoin des régimes de revenu minimum;

le caractère habilitant concerne l’utilisation de paramètres de conception conformes à un «paradigme d’inclusion active» intégré et centré sur la personne.

3.16.

Comme le souligne à juste titre l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil, «il peut arriver que les personnes ayant droit à un revenu minimum ne le sollicitent pas, parce que cela représente une charge administrative trop importante, parce qu’elles ignorent que ce revenu existe ou parce qu’elles craignent d’être stigmatisées ou discriminées».

3.17.

Les entreprises de l’économie sociale, ainsi que les petites et moyennes entreprises en général, sont importantes, en particulier pour ce qui est des emplois d’insertion. Le CESE salue le plan d’action de la Commission en faveur de l’économie sociale et il la presse d’évaluer au niveau idoine les meilleurs projets qui s’y rattachent.

3.18.

Il convient d’accorder une attention particulière à des groupes spécifiques tels que les familles monoparentales, les familles de migrants, les jeunes, les personnes handicapées et les Roms.

3.19.

Aujourd’hui, bon nombre de retraités dépendent d’un revenu minimum, car leur pension de retraite est trop faible. Si elles ne sont pas en mesure de travailler, ces personnes âgées ne peuvent pas retourner sur le marché du travail pour obtenir un meilleur revenu. Des systèmes de retraite qui leur fournissent une pension adéquate leur sont alors nécessaires afin qu’elles ne soient pas obligées de recourir à une aide au revenu minimum. Étant donné que l’évolution démographique dans les États membres indique que le nombre de retraités va augmenter à l’avenir, ces pays se doivent de disposer de systèmes de retraite qui fournissent des pensions adéquates.

3.20.

Le CESE propose que les États membres évaluent les niveaux du revenu minimum au moins sur une base annuelle et l’indexent pour tenir compte de l’inflation au moins une fois par an, en fonction du niveau de l’inflation.

4.   Observations particulières

4.1.    L’adéquation du revenu minimum

4.1.1.

Actuellement, dans un grand nombre d’États membres, la fixation et le niveau des prestations de revenu minimum ne reposent pas sur une méthodologie solide ou ne sont pas liés à des indicateurs fondés sur des statistiques. La première étape consiste à mettre en place ce type de méthodologie et à tenir compte des différentes sources de revenus et des situations spécifiques des ménages.

4.1.2.

Concernant le niveau du revenu minimum, le CESE remarque que la recommandation contient différentes propositions de méthodes pour le définir: en se basant sur le seuil national de risque de pauvreté, en calculant la valeur monétaire des biens et services nécessaires conformément aux définitions nationales ou en faisant référence à d’autres législations ou pratiques nationales. Cela signifie également que des systèmes avec des budgets de référence peuvent être pris en considération. Ces systèmes sont fondés sur un panier de biens et de services défini au niveau national et reflétant le coût de la vie dans un État membre ou une région donnés; ils peuvent aider à orienter l’évaluation de l’adéquation.

4.1.3.

Le CESE insiste sur la nécessité de s’assurer à intervalles réguliers que le revenu minimum reste en phase avec l’inflation, en particulier avec l’augmentation du coût de la vie en matière d’alimentation et d’énergie. En ce sens, l’examen annuel au niveau des États membres constitue une recommandation claire.

4.1.4.

Les budgets de référence des paniers de biens et de services doivent être élaborés au niveau des États membres et coordonnés à l’échelle européenne. Cela aiderait les États membres à garantir l’adéquation des régimes de revenu minimum. Ce panier de biens et services doit inclure, entre autres, le logement, l’eau, l’énergie, les télécommunications, la nourriture, les soins de santé, les transports, la culture et les loisirs. Des mécanismes permettant une indexation précise et rapide des prix réels sont essentiels pour garantir l’adéquation, en particulier en période de crise ayant une incidence sur le coût de la vie.

4.1.5.

Les allocations de revenu minimum ne devraient pas être utilisées pour subventionner les bas salaires. Lorsque des solutions complémentaires sont envisagées pour les travailleurs pauvres, il devrait s’agir de mesures temporaires et complémentaires. Compte tenu des multiples formes de travail, il faudrait promouvoir et soutenir une politique active du marché du travail et une politique salariale adéquate, ainsi que des systèmes d’imposition et de sécurité sociale favorables, afin de garantir des emplois de qualité et un niveau de vie décent. Les personnes qui sont dans l’incapacité permanente ou totale d’être employées dans des conditions décentes leur permettant de vivre dans la dignité devraient se voir garantir des filets de sécurité solides aussi longtemps qu’elles en ont besoin.

4.1.6.

Le CESE se félicite de la décision selon laquelle des allocations telles que les prestations d’invalidité ne seront pas prises en compte dans l’examen de la condition de ressource permettant de déterminer si une personne a droit à l’allocation de revenu minimum, étant donné que ces indemnités couvrent des coûts supplémentaires dus à des besoins spécifiques. Cela montre que nous sommes très sensibles aux membres de notre société qui ont réellement besoin d’aide.

4.1.7.

Il convient d’accorder une attention particulière aux familles vulnérables et aux parents isolés, qui sont principalement des femmes, étant donné que, pour eux, le rôle complémentaire des allocations familiales, de l’accessibilité des services de garde d’enfants et des autres services de garde est essentiel.

4.1.8.

La fixation de salaires minimaux adéquats, qu’elle s’opère par le truchement d’une loi ou de la négociation collective, représente un instrument précieux pour lutter contre la pauvreté. La mise en œuvre de la directive relative à des salaires minimaux adéquats aura une incidence positive sur le risque de pauvreté pour une partie importante de la main-d’œuvre, certainement pour les travailleurs célibataires occupant un emploi à temps plein et pour les ménages à double revenu. Les partenaires sociaux devraient être encouragés à l’appliquer au moyen de conventions collectives. Une fois la directive mise en œuvre, le salaire minimum pourrait, le cas échéant, également servir de référence pour le revenu minimum, pour autant que ce dernier soit situé au seuil de pauvreté.

4.1.9.

Le CESE estime que les régimes de revenu minimum devraient fournir à la fois de l’argent et des services en nature à ceux qui ne sont pas ou presque pas en mesure de travailler.

4.1.10.

Les prestations liées à l’emploi peuvent également jouer un rôle important en attirant les personnes inactives sur le marché du travail (5).

4.1.11.

L’objectif du Conseil européen visant à réduire le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale d’au moins 15 millions d’ici à 2030 pourrait sembler peu ambitieux. Il doit cependant être considéré comme un minimum, compte tenu du fait que le niveau d’adéquation est même actuellement inférieur à 20 % dans certains pays, lesquels auront donc besoin d’un laps de temps assez long pour atteindre les objectifs poursuivis. La Commission a indiqué que la recommandation établit également une période de mise en œuvre progressive des dispositions relatives à l’adéquation de l’aide au revenu. Pour les autres défis, tels que la couverture et l’utilisation, les délais devraient être plus courts.

4.2.    La couverture, l’éligibilité et l’utilisation

4.2.1.

Actuellement, en moyenne, 20 % des personnes sans emploi ne sont pas éligibles aux régimes de revenu minimum à cause des conditions concernant l’âge minimum, la durée de résidence dans le pays, l’absence d’adresse pour les personnes sans domicile, les problèmes de composition familiale, etc. Ces lacunes dans la couverture devraient être comblées par les États membres. La continuité de la protection durant les différentes phases de la vie et de l’activité pose également problème. En tout état de cause, des critères d’accès transparents et non discriminatoires devraient être mis en place au sein des États membres.

4.2.2.

L’administration semble être largement responsable de la non-utilisation; il s’agit là d’une situation injuste à laquelle il convient de remédier. Apparemment, la non-utilisation du revenu minimum concerne entre 30 et 50 % des personnes éligibles dans les États membres. Cette estimation semble généreuse et assez large. Les États membres devraient être encouragés à recueillir des informations sur la non-utilisation et les raisons pour lesquelles ce chiffre est si élevé. Le CESE soutient sans réserve l’objectif de l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil d’encourager la pleine utilisation du revenu minimum au moyen d’un ensemble de mesures telles que la réduction de la charge administrative, la garantie d’une information compréhensible, la prise de mesures pour lutter contre la stigmatisation et une action proactive à l’égard des personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes.

4.2.3.

L’accès au revenu minimum devrait explicitement être garanti pour les jeunes adultes à partir de 18 ans et les migrants. Étant donné que le revenu minimum est une prestation non contributive, il convient de veiller à éviter une formulation ambiguë par rapport à ce qui devrait être considéré comme une durée de résidence «appropriée».

4.2.4.

Des indicateurs quantitatifs et qualitatifs ventilés au niveau de l’Union sont nécessaires pour rendre compte de la couverture actuelle des régimes de revenu minimum. Une attention particulière devrait être accordée aux taux d’utilisation et à l’efficacité des programmes, surtout en ce qui concerne les groupes marginalisés, y compris les Roms, les réfugiés et les personnes sans domicile.

4.3.    L’accès au marché du travail

4.3.1.

Les systèmes de revenu minimum devraient être assortis de mesures d’activation fortes pour les personnes capables de travailler, en tenant compte des politiques relatives aux priorités en matière de soins temporaires. En tout état de cause, les revenus du travail ne devraient pas réduire les prestations sociales de manière disproportionnée, afin d’éviter de tomber dans le piège de l’incitation.

4.3.2.

La participation à des programmes de travaux publics et les possibilités offertes par le secteur de l’économie sociale devraient être pleinement développées, en particulier pour les groupes les plus vulnérables.

4.3.3.

Il est particulièrement important de prévoir un soutien ciblé pour les chômeurs de longue durée et les personnes inactives capables d’intégrer le marché du travail. Les prestations liées à l’emploi ainsi que les mesures structurelles visant à faciliter l’inclusion des groupes vulnérables peuvent simplifier leur entrée sur le marché du travail, mais elles devraient être temporaires.

4.3.4.

La participation aux mesures d’activation nécessite la mise en place de moyens adéquats, tels que des programmes d’éducation, de formation et d’apprentissage tout au long de la vie, assortis de services de soutien tels que des conseils, un accompagnement ou une aide à la recherche d’emploi. L’élaboration de mesures efficaces nécessite un engagement fort de la part des États membres en faveur de politiques actives du marché du travail, en coopération avec les parties prenantes concernées, telles que les partenaires sociaux. L’administration et son personnel doivent être qualifiés pour effectuer leur tâche ardue, et s’appuyer sur des connaissances spécialisées et scientifiques. Il convient de tenir systématiquement compte des qualifications, du potentiel, des compétences et des plans de carrière propres à chaque chômeur.

4.4.    L’accès aux services essentiels

4.4.1.

La recommandation confirme la nécessité de garantir un accès effectif à des services essentiels qualitatifs et abordables (eau, assainissement, énergie, transports, services financiers et communications numériques) énumérés dans le principe 20 du socle européen des droits sociaux. La numérisation devrait être considérée comme un nouveau déterminant social pour l’accès aux services essentiels et des mesures devraient être prises pour surmonter la fracture numérique.

4.5.    La gouvernance

4.5.1.

Le CESE souligne la nécessité d’accroître l’efficacité de la gouvernance des filets de protection sociale à tous les niveaux. Il convient d’accorder une attention particulière à une coordination étroite entre les différentes parties prenantes, tant horizontalement que verticalement. Les rôles et les responsabilités de ces acteurs devraient être clairement définis tout en évitant le cloisonnement.

4.5.2.

La mise en œuvre de régimes de revenu minimum devrait associer toutes les parties prenantes concernées, y compris les organisations de la société civile (notamment celles qui travaillent avec des personnes en situation de pauvreté), les prestataires de services sociaux et les partenaires sociaux dans tous les États membres. Les parties prenantes devraient être consultées dans le cadre de l’élaboration de systèmes de suivi et d’évaluation permanents.

4.6.    Le suivi

4.6.1.

Comme indiqué dans l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil, un suivi continu de la mise en œuvre des politiques d’aide au revenu et des mesures connexes d’activation du marché du travail ainsi que de l’accès aux services, étayé par des évaluations régulières, est nécessaire pour atteindre les objectifs de cette recommandation de la manière la plus efficace possible. Les rapports d’avancement des États membres devraient être rédigés avec la participation significative des organisations de la société civile et des organismes de protection sociale concernés ainsi que celle des partenaires sociaux, ou leurs rapports devraient être régulièrement soumis au mécanisme de suivi de la Commission. Comme le précise la proposition de recommandation, le CESE n’est pas l’une des nombreuses parties prenantes actives au niveau de l’Union, mais bien un organe central du processus de suivi, institué par le traité.

4.6.2.

Les régimes de revenu minimum devraient comporter des éléments garantissant la non-discrimination à l’égard des bénéficiaires réels ou potentiels, ainsi que des mécanismes visant à assurer l’accessibilité aux groupes vulnérables. Tous les États membres devraient mettre en place des organes internes chargés de veiller à la protection des données et au respect des droits fondamentaux de toutes les parties concernées.

4.6.3.

Pour progresser, il est important de s’appuyer sur les informations existantes au niveau de l’Union et de prendre les mesures nécessaires pour que chaque État membre soit mieux à même d’améliorer le fonctionnement des systèmes nationaux de revenu. Cela inclut la nécessité d’organiser des échanges sur les pratiques nationales, des séminaires thématiques et des manifestations. À cet égard, et afin d’examiner les progrès accomplis, le CESE se félicite des activités institutionnelles proposées, telles que le renforcement de la coopération qui existe entre la Commission et les États membres au sein du comité de la protection sociale, du comité de l’emploi et du réseau des services publics de l’emploi. Toutefois, il convient de trouver des moyens de surmonter les obstacles et les difficultés causés par la législation sur la protection des données, qui peuvent entraver inutilement la bonne coopération entre les autorités.

4.6.4.

Les étapes du suivi des États membres sont indispensables, en particulier pour ceux qui sont encore loin d’atteindre les objectifs fixés. Le CESE souligne l’importance d’adopter une direction claire, en utilisant le Semestre européen et d’autres outils pour continuer à suivre les progrès de tous les États membres.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Aerts, E., Marx, I., et Parolin, Z., «Minimum income support for families with children in Europe and the US. Where does it stand?» («Aide au revenu minimum pour les familles ayant des enfants en Europe et aux États-Unis. Où en est-elle?», en anglais), SocArXiv, 5 mai 2022; «Children at risk of poverty or social exclusion» («Les enfants menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale», en anglais).

(2)  Toute personne ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à des prestations de revenu minimum adéquates pour vivre dans la dignité à tous les stades de sa vie, ainsi qu’à un accès efficace à des biens et des services de soutien. Pour les personnes qui sont en mesure de travailler, les prestations de revenu minimum devraient être combinées à des incitations à (ré)intégrer le marché du travail.

(3)  Le CESE a abordé le revenu minimum dans ses avis suivants: «Pour une directive-cadre européenne relative à un revenu minimum» (avis d’initiative) (JO C 190 du 5.6.2019, p. 1); «Des salaires minimum décents dans toute l’Europe» (avis exploratoire à la demande du Parlement européen et du Conseil) (europa.eu), paragraphes 1.6 et 3.3.7 (JO C 429 du 11.12.2020, p. 159); «Revenu européen minimum et indicateurs de pauvreté» (avis d’initiative) (europa.eu) (JO C 170 du 5.6.2014, p. 23).

(4)  OCDE (2021): «Tax and fiscal policies after the COVID-19 crisis» («Politiques fiscales et budgétaires après la crise de la COVID-19», en anglais).

(5)  Le rôle des prestations liées à l’emploi sur le marché du travail est souligné au paragraphe 3.4.3 de l’avis SOC/737 portant sur les «Lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres» (JO C 486 du 21.12.2022, p. 161).


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/71


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement dans le domaine de l’égalité de traitement et de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes en matière d’emploi et de travail

[COM(2022) 688 final — 2022/0400 (COD)]

et sur la proposition de directive du Conseil relative aux normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement dans les domaines de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, de l’égalité de traitement entre les personnes en matière d’emploi et de travail sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle et de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes en matière de sécurité sociale ainsi que dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, et supprimant l’article 13 de la directive 2000/43/CE et l’article 12 de la directive 2004/113/CE

[COM(2022) 689 final — 2022/0401 (APP)]

(2023/C 184/13)

Rapporteures:

Sif HOLST et Nicoletta MERLO

Consultation

Parlement européen, 15.12.2022 [pour la proposition COM(2022) 688 final]

Conseil de l’Union européenne, 21.12.2022 [pour la proposition COM(2022) 688 final]

Commission européenne, 8.2.2023 [pour la proposition COM(2022) 689 final]

Base juridique

Article 19, paragraphe 1, et article 157, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

8.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

164/01/02

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement l’initiative visant à conférer aux organismes pour l’égalité de traitement le rôle de défenseurs des droits des victimes de discrimination, et salue en particulier l’accent explicitement placé sur la promotion et la prévention, ainsi que sur la mise à disposition de ressources suffisantes permettant à ces mêmes organismes de remplir leurs missions en toute indépendance et avec efficacité.

1.2.

Le CESE souligne qu’il importe de trouver, dans les propositions de directive, un juste équilibre entre la définition de normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement et la subsidiarité, et de veiller à ce que l’objectif global des directives, à savoir renforcer lesdits organismes et accroître leur efficacité, reste prioritaire.

1.3.

Considérant comme une occasion manquée le fait de ne pas tenir dûment compte des formes de discrimination intersectionnelles et multiples, le CESE demande que la dimension de l’intersectionnalité soit prise en compte dans les politiques menées tant à l’échelon national qu’au niveau de l’UE, afin de garantir que chaque victime bénéficie d’une protection.

1.4.

Le CESE se félicite de l’introduction de l’exigence légale qui est proposée selon laquelle les organismes pour l’égalité de traitement doivent être libres de toute influence extérieure et disposer de ressources humaines, professionnelles, techniques et financières suffisantes et durables.

1.5.

Le CESE souscrit à l’obligation imposée aux institutions publiques de consulter les organismes pour l’égalité de traitement en temps utile et de tenir compte de leurs recommandations, mais préconise que les États membres soient tenus de rendre compte des mesures qu’ils ont prises en fonction de leurs interactions avec ces mêmes organismes, ainsi que des résultats ainsi obtenus.

1.6.

Le CESE estime que confier le mécanisme de surveillance à la Commission européenne permet de garantir qu’une grande attention soit portée au suivi. Néanmoins, dans un souci d’efficacité, il demande que l’on examine si le délai d’établissement des rapports pourrait être ramené à trois ans au lieu des cinq années proposées dans les directives.

1.7.

Le CESE salue la clarification apportée quant au fait que l’accessibilité pour tous requiert aussi de prêter attention aux exigences d’accessibilité des personnes handicapées, et il souligne que l’accessibilité concerne également l’accès à des services de conseil.

1.8.

Le CESE juge très important de respecter la diversité des cadres juridiques et des pratiques en matière de non-discrimination en vigueur à l’échelon national, notamment au regard du fait que de nombreux États membres ont accordé aux organismes pour l’égalité de traitement des pouvoirs dépassant les exigences minimales des directives sur l’égalité existantes, et de prendre en compte les différences dans la manière dont les partenaires sociaux et les organisations de la société civile sont associés au processus. Les propositions devraient respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, tout en posant des garde-fous contre l’abaissement des normes existantes relatives à la protection des victimes de discrimination. Le CESE insiste en outre sur le fait qu’elles doivent conférer aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile un rôle de premier plan dans la mise en œuvre des cadres nationaux en matière de non-discrimination, et favoriser les pratiques existantes qui consistent en l’apport d’un soutien aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile de la part des organismes pour l’égalité de traitement.

1.9.

Le CESE reconnaît que l’exercice de pouvoirs d’enquête dans le contexte de procédures intentées au nom des victimes de discrimination ou en vue de les soutenir doit être sans préjudice des pouvoirs et de l’indépendance des enquêtes menées par les juridictions, tribunaux et autres organismes publics de contrôle tels que les services d’inspection du travail.

1.10.

Le CESE demande de fournir aux plaignants une protection adéquate, de garantir à la victime une indemnisation proportionnée pour l’infraction qu’elle a subie et de prévoir des sanctions pour les auteurs des faits, dans l’optique de privilégier une approche centrée sur l’individu à l’égard des victimes de violence ou de discrimination. Les sanctions, «qui peuvent comprendre le versement d’indemnité à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives», et être définies au niveau national conformément aux cadres juridiques et aux pratiques en vigueur à cet échelon (1).

1.11.

Le CESE suggère de promouvoir des campagnes d’information sur les droits de l’Union et le respect de la diversité, qui seraient conçues et financées par la Commission européenne et menées au niveau local par des organismes nationaux de promotion de l’égalité, conjointement avec les organisations de la société civile et les partenaires sociaux, et adaptées aux besoins locaux. Il convient d’accorder une attention particulière aux groupes les plus vulnérables et de planifier des campagnes ciblant spécialement les enfants et les jeunes à l’école, dès leur plus jeune âge.

1.12.

Le CESE préconise la collecte et l’analyse régulières de données ventilées afin de surveiller les inégalités et les discriminations, y compris les discriminations multiples, et insiste sur l’importance d’effectuer des recherches systématiques sur les inégalités et les discriminations, y compris en coopération avec la société civile organisée et les partenaires sociaux pour les questions liées au lieu de travail.

2.   Contexte de l’avis

2.1.

Les organismes pour l’égalité de traitement sont des institutions publiques nationales mises en place dans toute l’Europe dans le but de promouvoir l’égalité pour tous et de combattre les discriminations. Ce sont des organismes indépendants qui protègent et aident les victimes de discrimination, suivent les questions qui y sont liées et rendent compte des problèmes recensés dans ce domaine. Ils jouent un rôle fondamental dans l’architecture de l’UE en matière de lutte contre la discrimination (2).

2.2.

Les organismes pour l’égalité de traitement ont été institués pour la première fois par la directive 2000/43/CE (3) relative à l’égalité raciale. Ils se sont vu confier les mêmes missions, dans leur domaine respectif, par trois directives sur l’égalité adoptées ultérieurement: la directive 2004/113/CE (4) sur l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans le domaine des biens et services, la directive 2006/54/CE (5) sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi, et la directive 2010/41/UE (6) sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante.

2.3.

Ces directives ne font que définir certaines compétences minimales des organismes pour l’égalité de traitement, sans évoquer ni leur structure ni leur fonctionnement, aussi n’excluent-elles pas l’existence de différences, même significatives, entre les États membres. La Commission européenne a adopté en 2018 une recommandation relative aux normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement (7), qui visait à remédier aux problèmes découlant des dispositions générales et incomplètes relatives aux organismes pour l’égalité de traitement figurant dans les directives de l’UE. Cette recommandation n’a toutefois pas permis, elle non plus, de gommer ces écarts (8).

2.4.

Le 7 décembre 2022, la Commission européenne a adopté deux propositions (9) visant à renforcer les organismes pour l’égalité de traitement, notamment leur indépendance, leurs ressources et leurs pouvoirs, afin qu’ils puissent lutter plus efficacement contre la discrimination dans le cadre de toutes les directives européennes déjà adoptées dans le domaine de l’égalité de traitement.

3.   Observations générales

3.1.

L’égalité, une des valeurs fondamentales de l’Union européenne, compte aussi parmi les priorités du CESE. Dans de précédents avis (10), le CESE a reconnu les efforts consentis par l’UE dans les domaines que sont l’égalité entre les femmes et les hommes, la défense contre les discriminations fondées sur l’origine ethnique, la race, l’âge, la religion, l’opinion ou les convictions, la protection des droits des personnes LGBTQIA+ et les droits des personnes handicapées, ainsi que ses travaux en matière d’intégration des Roms et de défense des droits des migrants. Il a également fait valoir la nécessité de politiques fortes, de moyens concrets et d’une mobilisation dans la durée, ainsi que d’un soutien accru et significatif aux organismes nationaux de promotion de l’égalité et de défense des droits de l’homme, tout particulièrement en ce qui concerne l’amélioration de leur indépendance, leur efficacité et l’augmentation de leurs dotations en personnel et financière (11).

3.2.

Le CESE accueille favorablement cette initiative visant à donner aux organismes pour l’égalité de traitement les moyens de défendre les droits des victimes de discrimination, en laquelle il voit une contribution indispensable aux plus vastes efforts engagés par la Commission européenne sur la voie d’une Union de l’égalité, qui s’attache à promouvoir l’égalité de traitement et la non-discrimination en tant que principe général du droit de l’UE.

3.3.

Le CESE salue en particulier l’accent explicitement placé, dans les deux propositions, sur la promotion et la prévention, lequel témoigne de la reconnaissance en temps opportun de la nécessité de mettre en place des politiques, des actions et des normes minimales qui visent à lutter contre la discrimination structurelle et les stéréotypes, encore trop souvent présents dans notre société, en promouvant une plus grande uniformité entre les États membres tout en respectant les structures et approches qui sont déjà fonctionnelles au niveau national.

3.4.

Le CESE souligne qu’il importe de trouver, dans les propositions de directive, un juste équilibre entre la définition de normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement et la subsidiarité, et de veiller à ce que leur objectif global, à savoir renforcer les organismes pour l’égalité de traitement, affermir leur indépendance et accroître leur efficacité, reste prioritaire.

3.5.

Le CESE partage l’avis de la Commission européenne selon lequel, pour créer les conditions permettant à chacun de vivre, de s’épanouir et de prendre des initiatives indépendamment des différences, il est nécessaire de doter les organismes pour l’égalité de traitement existants de moyens suffisants pour qu’ils puissent réaliser pleinement leur potentiel et bénéficier d’une meilleure préparation afin de prévenir les discriminations et d’aider les personnes qui en sont victimes.

3.6.

Le CESE estime qu’il est primordial de promouvoir les organismes pour l’égalité de traitement afin de garantir les droits fondamentaux de tous les citoyens de l’Union européenne. En valorisant de manière active ces organismes, l’UE fait en sorte que tous les citoyens européens victimes de discrimination puissent bénéficier d’une aide, et elle garantit leur droit à être soutenus et représentés.

3.7.

Le CESE renvoie au paragraphe 2.10 de son avis intitulé «Renforcer l’égalité au sein de l’Union européenne» (12), libellé comme suit: «Le CESE estime que la promotion de l’égalité et la protection des droits fondamentaux doivent être intégrées dans une vision sociale plus large, qui multiplie et renforce les outils par lesquels les États membres et les institutions européennes matérialisent le soutien aux individus et aux acteurs publics et privés.»

3.8.

Dans ce domaine, il est besoin d’une action au niveau de l’Union qui soit conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité et cohérente avec les autres politiques européennes. La Commission européenne a affirmé que l’initiative à l’examen révise la législation existante afin d’en accroître l’efficacité, en établissant des normes minimales et en y associant les partenaires sociaux et la société civile.

4.   Observations particulières

4.1.    Élargir les compétences des organismes pour l’égalité de traitement

4.1.1.

Étant donné que l’adoption de la directive dite horizontale se trouve dans une impasse qui perdure, et suivant une approche centrée sur les victimes selon laquelle un retard de justice équivaut à un déni de justice, le CESE considère comme une occasion manquée le fait de ne pas tenir dûment compte des formes de discrimination intersectionnelles et multiples. Certaines formes de discrimination ne peuvent être traitées en examinant un à un les motifs discriminatoires, mais nécessitent véritablement une approche intersectionnelle.

4.1.2.

Si plusieurs directives existantes imposent aux États membres de créer des organismes nationaux de promotion de l’égalité, les règles actuellement en vigueur dans l’Union prévoient une marge d’appréciation importante quant à leur mise en place et leur fonctionnement, et les différences entre ces organismes sont considérables en matière de pouvoirs, d’indépendance, de ressources, d’accessibilité et d’efficacité. La nouvelle initiative à l’examen, qui introduit des normes minimales applicables aux organismes pour l’égalité de traitement, a vocation à contribuer aux efforts déployés par la Commission européenne pour avancer vers une Union de l’égalité et renforce l’efficacité du droit de l’Union en matière de non-discrimination.

4.1.3.

La proposition de la Commission européenne d’étendre le mandat des organismes pour l’égalité de traitement de sorte à couvrir la directive 79/7/CEE du Conseil, afin que les organismes pour l’égalité de traitement soient en mesure d’assurer une protection contre la discrimination fondée sur le genre dans le domaine de la sécurité sociale nationale, doit être sans préjudice du rôle et des pouvoirs des partenaires sociaux et devrait servir à renforcer et à soutenir leur travail.

4.1.4.

Le CESE reconnaît le caractère central de l’initiative et soutient l’introduction de l’exigence légale qui est proposée, selon laquelle les organismes pour l’égalité de traitement doivent être libres de toute influence extérieure et disposer de ressources humaines, professionnelles, techniques et financières suffisantes et durables.

4.1.5.

Le CESE approuve les solides garanties proposées pour préserver l’indépendance — cruciale — des organismes pour l’égalité de traitement afin qu’ils soient en mesure d’apporter un soutien adéquat aux citoyens.

4.1.6.

Le CESE souligne combien il est important de prévoir des garanties pour que les ressources humaines, techniques et financières affectées aux organismes pour l’égalité de traitement soient disponibles et adéquates. Les ressources représentent une condition préalable à l’indépendance des organismes pour l’égalité de traitement comme à leur capacité à protéger efficacement les victimes et à prévenir la discrimination.

4.1.7.

L’une des sections de la proposition de la Commission européenne prévoit l’obligation pour les institutions publiques de consulter les organismes pour l’égalité de traitement en temps utile et de tenir compte de leurs recommandations. Le CESE préconise que les États membres soient tenus de rendre compte des mesures qu’ils ont prises en fonction des recommandations formulées par les organismes pour l’égalité de traitement, de même que des résultats ainsi obtenus.

4.1.8.

Selon les termes de la proposition, la Commission européenne établit des indicateurs communs pour mesurer les données collectées au niveau national et garantir leur comparabilité, et elle publie tous les cinq ans un rapport sur les organismes pour l’égalité de traitement dans l’ensemble de l’Union. Le CESE serait favorable à un délai plus court pour cet exercice et suggère dès lors à la Commission de réduire la périodicité du rapport à trois ans.

4.1.9.

On n’insistera jamais assez sur l’importance du suivi, qui constitue le seul moyen de garantir que les organismes pour l’égalité de traitement puissent être réellement efficaces et capables d’apporter le soutien requis aux personnes victimes de discrimination. Le CESE estime qu’instituer un mécanisme de surveillance au sein de la Commission européenne permet de garantir qu’une grande attention soit portée au suivi.

4.1.10.

Le CESE est en outre convaincu que la Commission européenne doit œuvrer activement en faveur de l’accès généralisé de toutes les victimes aux ressources et à l’assistance fournies par les organismes pour l’égalité de traitement. Il est possible d’y parvenir grâce à une surveillance efficace, à une promotion adéquate des organismes pour l’égalité de traitement actifs au niveau local et à un dialogue avec les États membres. Associer les organisations de la société civile et les partenaires sociaux à ce dialogue peut apporter une importante valeur ajoutée et renforcer l’efficacité de la surveillance.

4.1.11.

Le CESE continue de plaider pour que la coopération s’intensifie avec les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme qui travaillent en première ligne, en particulier au sein de communautés marginalisées et vulnérables, et pour qu’un soutien accru leur soit apporté, comme il l’a souligné dans un précédent document (13).

4.1.12.

Le CESE rappelle que «[l]a combinaison des facteurs de race, d’origine ethnique, de classe sociale, d’âge, d’orientation sexuelle, de nationalité, de religion, de genre, de handicap, ou encore du statut de réfugié ou de migrant, pour ne citer qu’eux, a un effet multiplicateur qui intensifie la discrimination» (14) et estime qu’il importe de maintenir des programmes d’échange de connaissances et de promotion de l’apprentissage à tous les niveaux, y compris en adoptant une approche intersectionnelle à l’égard des actions entreprises.

4.1.13.

Le CESE se félicite que les directives contiennent des dispositions applicables aux organismes à mandats multiples afin de garantir que la fonction de protection de l’égalité bénéficie des ressources et de la visibilité nécessaires. Il conviendra néanmoins de définir et d’interpréter plus précisément la notion d’«exercice autonome du mandat ayant trait à l’égalité», en veillant par ailleurs à ce qu’elle n’implique pas une séparation hermétique entre les différents mandats dans les cas où ils peuvent se renforcer et se compléter mutuellement. La mise en place d’un «garde-fou» structurel dans les organismes pour l’égalité de traitement comprenant différents services spécialisés pourrait s’avérer contre-productive s’agissant de consolider ces mêmes organismes.

4.2.    Accès effectif des victimes de discrimination à la justice

4.2.1.

Une partie des propositions a pour but de garantir le renforcement des organismes pour l’égalité de traitement dans la gestion des affaires de discrimination, ainsi que la gratuité et l’accessibilité des services qu’ils fournissent, de manière égale pour toutes les victimes.

4.2.2.

Le CESE estime que l’assistance fournie par les organismes pour l’égalité de traitement est primordiale pour éviter que la seule solution à disposition des personnes victimes de discrimination soit le recours juridictionnel et le recours au droit à titre individuel, mais que ces compétences doivent s’exercer sans préjudice des pouvoirs en matière de représentation collective et de contentieux des partenaires sociaux et leur être complémentaires. Le CESE salue en outre la clarification apportée quant au fait que l’accessibilité pour tous requiert aussi de prêter une attention particulière aux exigences d’accessibilité des personnes handicapées, et il souligne que l’accessibilité concerne également l’accès à des services de conseil, par exemple pour les personnes qui vivent dans des zones reculées ou qui rencontrent des difficultés à accéder aux ressources en ligne. L’assistance offerte par les organismes pour l’égalité de traitement représente une condition préalable pour corriger les dimensions structurelles, intersectionnelles et systémiques des inégalités.

4.2.3.

Le CESE souligne qu’il est important que les organismes pour l’égalité de traitement soient en capacité aussi bien de traiter les plaintes des victimes que de soulever des questions de portée plus générale, de leur propre initiative ou après un dialogue avec les organisations de la société civile compétentes ou les partenaires sociaux. Les victimes peuvent éprouver des difficultés à se manifester car elles ont peur des conséquences, notamment la perte de leurs moyens de subsistance. La méconnaissance de leurs droits et des moyens de les faire respecter pourrait également constituer un obstacle.

4.2.4.

Il est très important de prendre en considération la diversité considérable qui prévaut dans les États membres pour ce qui est du nombre, de la structure et du mode de fonctionnement des organismes pour l’égalité de traitement, et de respecter les cadres juridiques et les pratiques en vigueur à l’échelon national, en veillant à ne pas abaisser les normes existantes relatives à la protection contre la discrimination, notamment en affaiblissant les pouvoirs dont jouissent actuellement les organismes pour l’égalité de traitement en vertu de différentes législations nationales. En outre, la manière dont les partenaires sociaux et les organisations de la société civile sont associés au processus diffère elle aussi, ce dont il faut tenir compte (15).

4.2.5.

Le CESE estime que le droit dont disposent les organismes pour l’égalité de traitement de prendre part à des procédures judiciaires — qui existe déjà dans un certain nombre d’États membres — est primordial pour garantir une meilleure protection des principes d’égalité de traitement, notamment dans les situations où les victimes n’ont pas accès à la justice car elles font face à des obstacles, qu’ils soient d’ordre procédural ou financier, et où elles ne peuvent entrer en contact avec les partenaires sociaux. Le CESE souligne en outre que, conformément aux directives sur l’égalité en vigueur, le pouvoir d’agir en justice conféré aux organismes pour l’égalité de traitement devrait être sans préjudice des compétences pertinentes et de la qualité pour agir des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, et leur être complémentaire, conformément aux critères fixés par leur législation nationale (16). À cet égard, il est absolument essentiel que les organismes pour l’égalité de traitement coopèrent, au niveau national, avec les juridictions, les tribunaux administratifs spécialisés tels que les tribunaux du travail, ainsi qu’avec les partenaires sociaux.

4.2.6.

Le CESE reconnaît que, pour que les obligations en matière de charge de la preuve au titre des directives sur l’égalité de traitement en vigueur soient respectées, il est fondamental que toutes les parties ayant un intérêt légitime à intenter des procédures au nom des victimes de discrimination ou en vue de les soutenir, telles que les partenaires sociaux, les organismes pour l’égalité de traitement et les organisations de la société civile, puissent avoir accès aux preuves. L’exercice de pouvoirs d’enquête dans ce contexte doit être sans préjudice des pouvoirs et de l’indépendance des enquêtes menées par les juridictions, tribunaux et autres organismes publics de contrôle comme les services d’inspection du travail.

4.2.7.

Le CESE estime que ces deux propositions devraient davantage privilégier une approche centrée sur l’individu à l’égard des victimes de violence ou de discrimination. À cet égard, il importe de fournir aux plaignants une protection adéquate, pour éviter qu’ils ne gardent le silence par crainte de représailles. Il convient aussi de garantir à la victime une indemnisation proportionnée et adéquate pour l’infraction qu’elle a subie et de prévoir des sanctions pour les auteurs des faits. Les sanctions, «qui peuvent comprendre le versement d’indemnité à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives», conformément à l’article 17 de la directive 2000/78/CE (17).

4.3.    Sensibilisation

4.3.1.

Le CESE se félicite de l’accent placé sur la sensibilisation et fait valoir qu’il importe que les États membres et les organismes pour l’égalité de traitement intensifient leurs efforts en la matière, notamment en épaulant la société civile organisée afin de prévenir la discrimination et de créer des conditions d’égalité. Il suggère que la Commission européenne développe et finance des campagnes d’information sur les droits de l’Union et le respect des diversités, qui soient menées par des organismes nationaux de promotion de l’égalité, conjointement avec les organisations de la société civile et les partenaires sociaux, et adaptées aux besoins locaux. Il convient d’accorder une attention particulière aux groupes les plus vulnérables et de planifier des campagnes s’adressant spécialement aux enfants et aux jeunes à l’école, dès leur plus jeune âge.

4.3.2.

Le CESE demande instamment que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile soient associés à la préparation, à l’exécution et à la diffusion de ces campagnes d’information. Les connaissances que possèdent les organisations compétentes permettront d’accroître la portée et l’efficacité des campagnes et de faire entendre la voix des groupes les plus vulnérables.

4.4.    Collecte de données

4.4.1.

Les organismes pour l’égalité de traitement jouent un rôle important s’agissant de collecter des données, qui va bien au-delà de la collecte de données sur leurs propres travaux. Les directives reconnaissent cette réalité et confèrent aux organismes pour l’égalité de traitement, entre autres, le pouvoir d’accéder aux statistiques collectées par des entités publiques et privées, notamment les autorités publiques, les syndicats, les entreprises et les organisations de la société civile. Il y a lieu que ces informations statistiques ne contiennent pas de données à caractère personnel et que leur mode de collecte limite autant que possible la charge administrative ou financière supplémentaire pesant sur les entités concernées. Les organismes pour l’égalité de traitement seront aussi tenus d’établir des rapports annuels d’activité ainsi que des rapports réguliers sur la situation en matière d’égalité de traitement et de discrimination à l’échelle nationale. Si ces pouvoirs importants et très étendus peuvent être utilisés à très bon escient, ils nécessitent par ailleurs de nombreuses ressources. Le CESE souligne dès lors l’importance de doter les organismes pour l’égalité de traitement de ressources supplémentaires suffisantes afin qu’ils puissent les exercer pleinement.

4.4.2.

Pour faire en sorte que les inégalités et les discriminations existantes fassent l’objet d’une attention constante, le CESE préconise la collecte et l’analyse régulières de données ventilées afin de surveiller les discriminations fondées sur le sexe, l’origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle.

4.4.3.

Le CESE insiste sur l’importance d’effectuer des recherches périodiques sur les inégalités et les discriminations, de même que sur la nécessité d’une coopération étroite entre la Commission européenne, les États membres, les organismes de défense des droits de l’homme, les organisations de la société civile et — pour les questions liées au lieu de travail — les partenaires sociaux, s’agissant du suivi et de l’évaluation ainsi que de l’élaboration du programme d’action.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (article 17 «Sanctions») (JO L 303 du 2.12.2000, p. 16).

(2)  Réseau européen des organismes de promotion de l’égalité (Equinet).

(3)  Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180 du 19.7.2000, p. 22).

(4)  Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO L 373 du 21.12.2004, p. 37).

(5)  JO L 204 du 26.7.2006, p. 23.

(6)  JO L 180 du 15.7.2010, p. 1.

(7)  Recommandation (UE) 2018/951 de la Commission du 22 juin 2018 relative aux normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement (JO L 167 du 4.7.2018, p. 28).

(8)  Recommandation (UE) 2018/951 de la Commission du 22 juin 2018 relative aux normes applicables aux organismes pour l’égalité de traitement (JO L 167 du 4.7.2018, p. 28).

(9)  COM(2022) 688 final et COM(2022) 689 final.

(10)  Voir les avis intitulés: «La situation des femmes handicapées» (SOC/579) (JO C 367 du 10.10.2018, p. 20); «La situation des femmes roms» (SOC/585) (JO C 110 du 22.3.2019, p. 20); «Façonner la stratégie 2020-2030 de l’Union européenne en faveur des droits des personnes handicapées» (SOC/616) (JO C 97 du 24.3.2020, p. 41); «La gestion de la diversité dans les États membres de l’Union européenne» (SOC/642) (JO C 10 du 11.1.2021, p. 7); «La stratégie en faveur de l’égalité de traitement à l’égard des personnes LGBTIQ pour la période 2020-2025» (SOC/667) (JO C 286 du 16.7.2021, p. 128); «Le plan d’action en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-2027» (SOC/668) (JO C 286 du 16.7.2021, p. 134); «La stratégie en faveur des droits des personnes handicapées» (SOC/680) (JO C 374 du 16.9.2021, p. 50); ainsi que le nouveau cadre stratégique de l’UE pour l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms après 2020.

(11)  Voir l’avis du CESE intitulé «Réexamen de la gouvernance économique 2020» (JO C 75 du 28.2.2023, p. 56).

(12)  Voir l’avis du CESE intitulé «Réexamen de la gouvernance économique 2020» (JO C 75 du 28.2.2023, p. 56).

(13)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 50.

(14)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 20.

(15)  Les questions relatives à la qualité pour agir en justice de toutes les parties ayant un intérêt légitime à engager des procédures en matière de non-discrimination au titre des directives de l’UE sur l’égalité, telles que les syndicats, les associations d’employeurs, les organismes pour l’égalité de traitement et les organisations de la société civile, sont régies par les directives européennes en vigueur sur l’égalité et, plus précisément, par l’article 9, paragraphe 2, de la directive-cadre sur l’emploi (directive 2000/78/CE) et l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2006/54/CE sur l’égalité entre les hommes et les femmes (refonte).

(16)  Le considérant 34 de la proposition de directive faisant l’objet du document COM(2022) 688 final et le considérant 35 de celle faisant l’objet du document COM(2022) 689 final énoncent que les dispositions proposées concernant la qualité pour agir en justice sont sans préjudice du rôle, des pouvoirs et des tâches des partenaires sociaux et de la société civile s’agissant de participer à des procédures visant à faire respecter les obligations découlant de la législation anti-discrimination.

(17)  JO L 303 du 2.12.2000, p. 16.


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/78


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Révision du plan d’action de l’UE contre le trafic des espèces sauvages»

[COM(2022) 581 final]

(2023/C 184/14)

Rapporteure:

Ozlem YILDIRIM

Corapporteur:

Cillian LOHAN

Consultation

Commission européenne, 25.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

9.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

152/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le plan d’action révisé de l’UE contre le trafic des espèces sauvages prévoit de nombreuses dispositions judicieuses, propres à en assurer le succès. Ses quatre priorités et leurs objectifs sont bien conçus et marquent une amélioration par rapport à sa version antérieure. Le CESE s’inquiète toutefois des ressources qui seront allouées pour mettre en œuvre ce plan à l’échelon national et de leur caractère suffisant ou non, car un déficit en la matière pourrait faire échouer ce plan comme il a fait échouer le précédent.

1.2.

Le CESE se félicite que la Commission européenne se soit engagée à fournir suffisamment de ressources financières et humaines afin d’enrayer le trafic d’espèces sauvages en intégrant leur commerce dans le champ d’application des fonds de l’UE consacrés à: 1) la sécurité et la criminalité organisée; 2) l’environnement; et 3) la coopération/les partenariats internationaux. Ce trafic devrait notamment figurer parmi les priorités des instruments suivants: EMPACT; le Fonds pour la sécurité intérieure (FSI); le programme LIFE; le programme Interreg; et l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI).

1.3.

Il importe toutefois de convenir d’un pourcentage de ces fonds qui serait exclusivement consacré à enrayer le trafic d’espèces sauvages afin de contribuer à responsabiliser les acteurs du plan d’action. Les États membres devraient s’engager à fournir des financements suffisants pour étoffer en leur sein le personnel spécialisé afin de lutter contre le trafic d’espèces sauvages. Dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action à l’échelon national, les fonds alloués devraient faire l’objet d’une reddition de comptes, d’un suivi et d’une évaluation. Au nombre des ressources, il convient également de compter l’équipement ainsi que le personnel. En outre, ce dernier devrait bénéficier de conditions de travail de qualité et jouir de droits de négociation collective complets et d’une structure de carrière lui permettant de progresser. Ce sont là des éléments essentiels pour attirer les meilleurs et maintenir un niveau élevé de motivation. Il convient d’accorder une attention particulière aux questions touchant à la santé, au bien-être et à la sécurité des personnes.

1.4.

Il convient d’intégrer la lutte contre le trafic d’espèces sauvages dans tous les domaines d’action à l’échelon de l’Union européenne et de ses États membres. Il y a lieu de prévoir un niveau homogène et minimal de formation de l’ensemble des acteurs engagés dans la prévention de ce trafic, ainsi que de renforcer de manière adaptée les capacités en fonction des compétences requises dans les différents domaines où l’on intègre la lutte contre celui-ci. Il convient de prodiguer une formation à des unités ou à du personnel spécialisés parmi les procureurs, les juges, les douaniers, les autorités nationales CITES et les forces de police. Ceux-ci devraient être en mesure de détecter les infractions liées aux espèces sauvages et d’en appréhender, poursuivre et juger les auteurs.

1.5.

Il convient également de mettre en place dans tous les États membres des structures homogènes, dont le CESE recommande qu’elles prennent la forme de comités interservices et d’unités ou de personnel spécialisés entraînés à lutter contre le trafic d’espèces sauvages. Ces comités interservices se composeraient notamment de représentants des unités spécialisées dans la lutte contre le trafic d’espèces sauvages. Au sein des États membres, ils seraient d’une grande utilité pour délibérer et organiser des enquêtes avec d’autres instances chargées de la lutte contre d’autres activités illégales, telles que la criminalité financière et la cybercriminalité. Ces dernières sont généralement associées au trafic d’espèces sauvages, car la criminalité organisée peut se servir, et ne s’en prive pas, des structures dont elle dispose aux fins d’autres types d’activités criminelles, telles que le trafic de drogue et le blanchiment de capitaux, pour le trafic de produits issus d’espèces sauvages. Il convient d’établir des canaux destinés à assurer la communication et la coopération avec les partenaires sociaux et la société civile.

1.6.

Prévoir, au moyen d’une directive ambitieuse sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, des obligations de diligence pour les entreprises qui commercent au sein de l’Union pourrait en premier lieu inciter celles-ci à faire le commerce d’espèces sauvages exploitées de manière durable, tout en les dissuadant de s’engager dans des activités illégales et en aidant les services répressifs à démasquer les criminels.

1.7.

Le CESE estime qu’il importe d’agir auprès des secteurs d’activité économique impliqués dans le commerce des espèces sauvages afin de réduire la demande de tels produits dans l’Union européenne et de tarir leur importation illégale. Le plan à l’examen prévoit des sessions thématiques avec le groupe chargé de l’application de la réglementation de l’Union concernant le commerce des espèces sauvages, destinées aux représentants des secteurs d’activité concernés, afin d’aborder des questions spécifiques (par exemple, la médecine traditionnelle, les animaux de compagnie exotiques, l’industrie du luxe, le tourisme de chasse, le bois, les industries de la pêche et du commerce des produits de la pêche, les transports, les entreprises de messagerie et le commerce en ligne). Toutefois, des campagnes coordonnées d’information destinées au grand public, notamment dans le but de réduire la demande, devraient constituer un élément clé de la stratégie. S’agissant précisément de réduire la demande, les organisations de la société civile pourraient également jouer un rôle consistant à sensibiliser et à mener des campagnes ciblées dans ce but auprès des communautés qui consomment des produits illégaux d’espèces sauvages au sein de l’Union européenne.

1.8.

Le CESE demande à la Commission d’associer les services répressifs nationaux et supranationaux aux actions visant à rendre plus visibles la prévention et la répression du trafic d’espèces menacées dans le contexte de leur communication sur la criminalité organisée, aussi bien dans le cadre de leurs instruments permanents de communication qu’au moyen de campagnes ciblées temporaires.

1.9.

En dernier lieu, il importe au plus haut point que la Commission établisse un mécanisme clair et ambitieux de contrôle et d’évaluation afin d’assurer le suivi du plan d’action et d’en mesurer les progrès et les succès, en tenant compte de l’action extérieure de l’Union européenne pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages (conformément à la priorité 4).

2.   Informations contextuelles

2.1.

Le trafic d’espèces sauvages s’est hissé au rang des activités criminelles organisées les plus lucratives au monde, puisque selon les estimations de la Commission européenne, il brasse jusqu’à 20 milliards d’EUR par an (1) à l’échelle mondiale. Partout dans le monde, il a connu une croissance exponentielle ces dernières années car il est considéré comme une activité qui présente une rentabilité élevée au prix de faibles risques.

2.2.

L’Union européenne a beau disposer d’un cadre juridique complet pour protéger les espèces sauvages, elle n’en constitue pas moins un marché final et une plaque tournante d’envergure pour leur commerce illicite. Ce dernier aspect est mis en évidence de manière détaillée dans les rapports annuels sur les saisies importantes établis à la demande de la Commission européenne depuis 2011.

2.3.

Prenant acte du constat que l’Union européenne représente un marché considérable pour les produits tirés d’espèces sauvages, la Commission européenne a déployé des efforts sans précédent pour sensibiliser les entreprises, les consommateurs et le grand public aux formes que prend le trafic d’espèces sauvages en Europe et à l’ampleur du phénomène. Elle a ainsi adopté en février 2016 le plan d’action de l’Union européenne contre le trafic d’espèces sauvages (2), qui fixe un cadre d’action global pour lutter contre ce phénomène au sein de l’Union et pour asseoir le rôle de cette dernière dans la lutte mondiale contre ces activités illicites. Bien qu’il ait réussi à placer ce phénomène au rang des problèmes prioritaires, le plan d’action n’a produit que peu d’effets pour ce qui est de réduire la demande. Le réseau TRAFFIC (3) de surveillance du commerce des espèces sauvages de l’Union a publié un rapport (4) compilant les données de toutes les saisies relevant de la convention sur le commerce des espèces menacées d’extinction (CITES) effectuées en 2018, qui montre l’absence d’évolution de la demande d’espèces sauvages dans l’Union par rapport à 2011, année de collecte des premières données.

2.4.

Le plus récent rapport de TRAFFIC sur les saisies réalisées en 2020 (5) montre l’incidence de la pandémie de COVID-19 sur le trafic d’espèces sauvages. Cette dernière a entraîné une réduction des échanges commerciaux du fait des perturbations qu’ont connues les transports aériens, les opérations commerciales et d’autres interfaces pour le transport ou la vente de biens, contribuant ainsi probablement à la réduction du nombre de saisies signalées. Si l’on a observé une réduction significative des saisies dans l’Union européenne en 2020, celle-ci n’indique pas nécessairement que la demande ait évolué ou que la dynamique du commerce illégal d’espèces sauvages se soit modifiée.

2.5.

L’Union européenne ne constitue pas seulement un marché d’importation: son territoire est aussi une source d’approvisionnement pour certaines espèces menacées, telles que l’anguille européenne (Anguilla anguilla). Entre 2016 et 2017, il a été procédé à l’arrestation de 48 personnes et à la saisie de 4 000 kg de jeunes anguilles vivantes, d’une valeur de quelque 4 millions d’EUR. En outre, les entrées illégales d’espèces sauvages en Europe ne sont pas toutes destinées aux marchés européens, puisque l’Union joue souvent le rôle de plaque tournante. Les services chargés de la répression saisissent souvent des pangolins, des hippocampes, de l’ivoire et des ailerons de requin provenant d’Afrique et destinés à l’Asie.

3.   Observations générales

3.1.

L’Union doit demeurer vigilante et redoubler d’efforts pour endiguer puis réduire le trafic d’espèces sauvages. Non seulement ce commerce lucratif constitue un risque pour la santé humaine du fait de la possibilité de transmission de zoonoses, mais il compromet aussi directement les actions politiques menées par l’Union pour favoriser le développement durable dans le monde, et notamment les objectifs de développement durable touchant à la protection de la diversité biologique et des écosystèmes de notre planète (6), ainsi que ses efforts en vue de conforter la bonne gouvernance et de remédier aux inégalités.

3.2.

À l’heure actuelle, le trafic d’espèces sauvages n’amène pas seulement de nombreuses espèces, dont certaines sont emblématiques, au bord de l’extinction mais entrave également le développement économique durable (7). Pour résumer, il s’impose pour l’Union de mettre dûment en œuvre son plan d’action contre le trafic d’espèces sauvages afin de se conformer aux accords internationaux dont elle est partie en matière d’environnement, en particulier la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et la convention sur la diversité biologique (CDB). Le CESE encourage toutefois la Commission européenne à dépasser le cadre de ces accords internationaux afin d’améliorer la protection des espèces sauvages dans l’Union et d’enrayer le trafic d’espèces sauvages, un double objectif dont les effets bénéfiques se feraient sentir non seulement dans l’Union mais aussi dans le monde entier. Le trafic d’espèces sauvages est l’un des principaux facteurs de la perte de diversité biologique, qui, en sus d’entraîner l’extinction de nombreuses espèces, contribue au changement climatique en encourageant l’abattage illégal des arbres, lesquels sont indispensables pour stocker le carbone.

3.3.

Il importe tout autant de mettre un terme à la criminalité transnationale organisée et à ses funestes conséquences. Dans leur rapport conjoint, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et Interpol estiment que la criminalité environnementale a crû de 26 % (8). Cette criminalité englobe le trafic d’espèces sauvages et constitue une menace pour la paix, la sécurité et l’état de droit, et elle s’associe souvent à d’autres formes graves de criminalité telles que la corruption, la cybercriminalité et la criminalité financière. Par exemple, dans certaines régions d’Afrique, le trafic d’espèces sauvages menace la sécurité nationale. Il convient ici de faire également état des meurtres et assassinats perpétrés dans ce contexte, car les personnes chargées de protéger les espèces menacées sont confrontées à des périls bien réels pour leur vie et elles paient un lourd tribut à leur engagement. Ainsi, selon le décompte de la Thin Green Line Foundation, 595 décès de gardes tués par des braconniers ont été signalés entre 2009 et 2016. À ceux-ci s’ajoutent les centaines d’autres gardes anonymes tués dans les pays en développement sans que cela n’ait donné lieu à un signalement. «En 2017, l’on a signalé le décès de plus de 100 gardes et 2018 ne fait que confirmer cette tendance, puisque l’on compte près de deux décès par semaine» (9).

3.4.

Le CESE se félicite de la révision du plan d’action de l’UE contre le trafic d’espèces sauvages, ainsi que de la décision de la Commission de placer la lutte contre ce phénomène au cœur de son action. Il partage l’appréciation que porte la Commission européenne sur le précédent plan d’action de l’UE contre le trafic d’espèces sauvages, selon laquelle le manque de personnel spécialisé, de ressources et de formation dans de nombreux États membres et pays tiers reste un problème majeur. Il importe fortement aussi d’améliorer la coopération: 1) au sein des États membres; 2) entre les États membres de l’UE; 3) entre l’Union européenne et les pays tiers; et 4) avec les parties prenantes et la société civile. En outre, il convient d’en faire davantage pour assurer la traçabilité numérique et la coopération informatique entre les services compétents.

3.5.

Le CESE se félicite du lien qu’établit la Commission entre la révision de la directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et son plan d’action de l’UE contre le trafic d’espèces sauvages. Il craint toutefois que ladite directive n’échoue à prévoir des sanctions efficaces et dissuasives en matière de trafic d’espèces sauvages. Dans la position que le Conseil a adoptée sur ce dossier le 9 décembre 2022, il a sensiblement réduit les peines qu’encourent les personnes physiques, tout en réfrénant l’ambition d’harmoniser les sanctions à l’encontre des personnes morales. Leurs niveaux, tels que les propose le Conseil, sont trop faibles pour être dissuasifs et efficaces. Les limites maximales pour les amendes ne devraient pas être inférieures à 15 % de l’ensemble du chiffre d’affaires mondial de la personne morale impliquée, soit bien plus que les 5 % ou les 3 % que le Conseil a adoptés. Le CESE estime essentiel à la réussite du plan d’action de l’Union contre le trafic d’espèces sauvages que la directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal soit suffisamment ambitieuse.

4.   Observations particulières

4.1.

Le plan d’action à l’examen devrait mentionner explicitement les lanceurs d’alerte et d’autres défenseurs des droits de l’homme en rapport avec l’environnement parmi les acteurs pertinents pour le développer et le mettre en œuvre à l’échelon tant européen que national, au regard du rôle essentiel qu’ils jouent pour faire connaître et prévenir les infractions à la législation environnementale. Il convient également de les protéger contre les intimidations et les procédures judiciaires menées à cette fin lorsqu’ils signalent un trafic d’espèces sauvages ou concourent aux investigations, comme le prévoit actuellement la directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.

4.2.

Le CESE estime qu’il importe d’agir auprès des secteurs d’activité économique impliqués dans le commerce des espèces sauvages afin d’une part de réduire la demande de tels produits dans l’Union européenne et d’autre part de tarir le négoce illégal et de faire ainsi en sorte que l’ensemble de ce commerce soit légal et durable. Le plan à l’examen prévoit des sessions thématiques avec le groupe chargé de l’application de la réglementation de l’Union concernant le commerce des espèces sauvages, destinées aux représentants des secteurs d’activité concernés, afin d’aborder des questions spécifiques (par exemple, la médecine traditionnelle, les animaux de compagnie exotiques, l’industrie du luxe, le tourisme de chasse, le bois, les industries de la pêche et du commerce des produits de la pêche, les transports, les entreprises de messagerie et le commerce en ligne). Toutefois, ce plan et sa mise en œuvre devraient mieux reconnaître et prendre en compte le rôle que peuvent jouer les organisations de la société civile afin d’appuyer les efforts déployés pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages, s’agissant par exemple de sensibiliser et de mener des campagnes pour modifier les comportements. Les informations que fournit l’Union européenne à ses citoyens sur les règles, les risques et les conséquences du commerce et de l’usage de produits issus d’espèces sauvages demeurent relativement confidentielles, alors que les informations sur les pratiques et l’utilisation de la médecine traditionnelle, dont certains remèdes font appel à des ingrédients et dérivés issus de la faune et de la flore sauvages, sont largement diffusées dans toute l’Union. De telles pratiques font courir des risques à leurs utilisateurs, sachant que certains remèdes ne présentent pas de vertus prouvées scientifiquement, et elles ont des conséquences fatales pour les espèces sauvages capturées et commercialisées, dont elles accélèrent l’extinction. Davantage d’efforts de prévention sur cette question précise permettraient à l’Union européenne de réduire, potentiellement jusqu’à 30 %, les quantités de produits faisant l’objet d’un trafic, puisque ce chiffre correspond à la part des produits de la faune et de la flore sauvages saisis qui sont destinés à un usage médicinal dans l’Union européenne (10). Dans cet esprit, il serait également possible d’associer le CESE et les services de répression à la conception de campagnes visant à sensibiliser le grand public à ce problème.

4.3.

Lorsqu’il s’agit d’attribuer des responsabilités claires pour la mise en œuvre des actions au niveau national et d’assurer la coordination entre les acteurs concernés, le CESE préconise une approche homogène dans tous les États membres. Lorsque le plan prévoit de laisser le choix entre différentes options afin d’assurer la coordination [par exemple: 1) en créant des comités interservices ou des protocoles d’accord; 2) en adoptant des plans d’action nationaux; ou 3) en désignant un point focal national], il suscitera de l’incertitude puisque les États membres choisiront différentes options. Développer les comités interservices à l’échelon national et désigner pour chacun d’eux un point focal aidera à mettre en pratique le plan d’action.

4.4.

Il est essentiel que les comités interservices et le personnel ou les unités spécialisés bénéficient d’une formation homogène dans l’ensemble des 27 États membres. Cette démarche faciliterait la coopération au sein des États membres et entre eux, car leur personnel agirait, enquêterait et mènerait des poursuites de la même manière. Que chaque comité interservices dispose d’un point focal permettrait également d’améliorer la coopération et la coordination entre les États membres et avec les pays tiers. La présence d’un point focal améliorerait la coopération, car il permettrait aux comités interservices et au personnel spécialisé des États membres de se contacter plus aisément et plus rapidement, tout particulièrement en cas de situation urgente du fait d’un trafic transfrontière. Les points focaux pourraient accroître l’agilité de cette coopération entre États membres, sans qu’il faille être tributaire d’organismes internationaux tels qu’Europol pour des affaires plus localisées qui concernent deux pays. Toutefois, ces groupes pourraient se retrouver en danger et devenir les cibles de la criminalité organisée. Afin de protéger l’identité de leur personnel, il convient de circonscrire l’accès aux informations détaillées touchant aux points focaux aux cercles des services répressifs et de l’autorité judiciaire.

4.5.

Pour ce qui est de la mise en œuvre du plan d’action de l’Union européenne contre le trafic d’espèces sauvages, des États membres ont signalé qu’ils peinaient à en concrétiser les mesures faute de ressources et de personnel. Aussi importe-t-il d’insister une fois encore pour que les États membres s’engagent à consacrer suffisamment de ressources afin de mettre en œuvre à leur échelon le nouveau plan d’action de l’Union. Par ailleurs, de telles ressources importent pour assurer des conditions de travail décentes au personnel.

4.6.

Le texte devrait prévoir expressément que les États membres s’engagent à fournir des financements suffisants pour étoffer en leur sein le personnel spécialisé afin de lutter contre le trafic d’espèces sauvages. Dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action à l’échelon national, les fonds alloués devraient faire l’objet d’une reddition de comptes, d’un suivi et d’une évaluation. Ces ressources ne devraient pas seulement être consacrées au personnel mais aussi aux équipements. En outre, le personnel devrait bénéficier de conditions de travail de qualité et jouir de droits de négociation collective complets et d’une structure de carrière lui permettant de progresser. Ce sont là des éléments essentiels pour attirer les meilleurs et maintenir un niveau élevé de motivation. Il convient d’accorder une attention particulière aux questions touchant à la santé, au bien-être et à la sécurité des personnes. Il convient de prodiguer une formation homogène à tous les acteurs qui participent à la prévention du trafic d’espèces sauvages, ainsi que de mettre en place des structures homogènes dans tous les États membres, dont le CESE recommande qu’elles prennent la forme de comités interservices et d’unités spécialisées ou de personnel entraîné pour lutter contre ce trafic.

4.7.

Le plan d’action à l’examen met en lumière le rôle de divers organismes et initiatives internationaux tels que la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT), qui constitue un instrument phare pour la coopération opérationnelle interdisciplinaire et interservices afin de lutter à l’échelon de l’Union contre la criminalité organisée. Cette plateforme EMPACT pourrait constituer un instrument essentiel pour mettre en œuvre le plan d’action de l’UE contre le trafic des espèces sauvages. Par exemple, elle pourrait organiser de manière homogène dans tous les États membres des formations à l’intention des comités interservices et du personnel spécialisé.

4.8.

Le plan d’action de l’UE contre le trafic d’espèces sauvages devrait prévoir de prévenir les activités illégales de chasse, notamment celles visant à collectionner des trophées. Ainsi, dans le massif des Carpates, les ours sont chassés illégalement tandis que les braconniers ne subissent que de faibles sanctions qui ne sont pas suffisamment dissuasives.

4.9.

Le CESE approuve la proposition conférant à l’EMPACT la mission de coordonner régulièrement des opérations conjointes impliquant une coopération transfrontière avec les États membres de l’UE, la Commission européenne (OLAF) et les agences compétentes de l’UE telles qu’Eurojust, Frontex, Europol et l’Agence européenne de contrôle des pêches. Une fois encore, il est essentiel d’assurer l’allocation de ressources adéquates à l’échelon national afin d’assurer une coopération efficace.

4.10.

Pour ce qui est des politiques et des instruments commerciaux visant à soutenir la lutte contre le trafic d’espèces sauvages, le CESE approuve la proposition d’inclure des engagements ambitieux en la matière dans les futurs accords de libre-échange. Toutefois, cette mesure ne suffira pas à enrayer ce trafic. Les efforts que déploie l’Union européenne pour accroître les possibilités de commerce et d’investissement internationaux s’avéreront vains et contre-productifs si elle ne remédie pas d’urgence aux lacunes que présente l’application de la législation. Les passeports numériques pour les produits pourraient également servir le même objectif. Ils pourraient améliorer la traçabilité et la transparence pour ce qui est des risques présents dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, contribuer au déploiement de mécanismes de contrôle et de mesures d’exécution conjoints à l’échelon international, et garantir que les citoyens et les consommateurs disposent du même niveau d’information sur les produits qu’ils achètent, quelle que soit leur origine.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://ec.europa.eu/environment/cites/infographics_en.htm

(2)  https://ec.europa.eu/environment/cites/trafficking_en.htm

(3)  https://www.traffic.org/

(4)  https://www.traffic.org/site/assets/files/12745/eu-seizures-report-2020-final-web.pdf

(5)  https://www.traffic.org/site/assets/files/17391/2020_eu_seizures_report_final.pdf

(6)  https://sustainabledevelopment.un.org/topics/biodiversityandecosystems

(7)  Extrait des conclusions d’analyses de la Commission: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52016SC0038

(8)  UNEP-INTERPOL Report: Value of Environmental Crime up 26 %.

(9)  https://globalconservation.org/news/over-one-thousand-park-rangers-die-10-years-protecting-our-parks/

(10)  Le Conseil arrête son mandat de négociation sur la directive relative à la criminalité environnementale (Consilium — europa.eu).


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/83


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de certification de l’Union relatif aux absorptions de carbone

[COM(2022) 672 final — 2022/0394 (COD)]

(2023/C 184/15)

Rapporteur: Stoyan TCHOUKANOV

Consultation

Parlement européen, 1.2.2023

Conseil européen, 6.2.2023

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

9.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

159/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission établissant un cadre de certification de l’Union relatif aux absorptions de carbone, qui reconnaît la nécessité d’intensifier ces dernières et de promouvoir les pratiques régénératives, sans sacrifier l’objectif principal portant sur les réductions essentielles des émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique. Il remarque toutefois que trop de points cruciaux doivent encore être approfondis au moyen d’actes délégués.

1.2.

Le CESE reconnaît que différents systèmes de validation et de récompense existent actuellement au sein de l’Union en matière d’absorption de carbone et qu’un cadre commun de certification peut apporter clarté et fiabilité en imposant des règles générales au niveau européen pour déterminer comment les effets bénéfiques des absorptions de carbone sur le climat sont mesurés, validés et vérifiés. Le caractère volontaire du cadre implique un effet d’incitation susceptible de fournir de nouveaux canaux de revenus aux personnes intéressées par des activités d’absorption du carbone. Le CESE demande davantage de clarté quant au calendrier prévu pour la mise en œuvre intégrale, compte tenu de l’ensemble des organismes et des unités de certification qui devront être créés.

1.3.

Le CESE remarque que le recours à l’absorption de carbone dans la politique climatique de l’Union pourrait susciter des questions légitimes concernant notamment le potentiel de retard dans les réductions d’émissions ou la limitation de celles-ci pour cause de promesses de futures absorptions de carbone, la menace d’allégations frauduleuses ou encore l’écoblanchiment basé sur les achats de crédits carbone. Afin d’éviter l’écoblanchiment, le CESE demande que la durée prévue de stockage du carbone et les risques d’inversion se reflètent clairement dans l’utilisation des différents certificats d’absorption de carbone (qui couvrent le stockage permanent, le stockage agricole de carbone et le stockage de carbone dans des produits de longue durée).

1.4.

Le CESE accueille favorablement l’objectif de la Commission, qui veut offrir de la transparence et de la clarté au public, aux fournisseurs de solutions d’absorption de carbone et aux acheteurs au sujet de la valeur des activités certifiées d’absorption de carbone. Toutefois, il demande que davantage de garanties soient mises en place en ce qui concerne la valeur et l’utilisation des certificats. Il invite la Commission à fournir des orientations définissant les allégations appropriées qui peuvent être formulées sur la base des différents types d’absorption certifiée de carbone, et appelle à conserver la distinction entre les certificats résultant du stockage permanent de carbone, du stockage agricole de carbone et du stockage de carbone dans des produits.

1.5.

Le CESE demande que les futures méthodologies élaborées au sein de ce cadre définissent clairement les aspects de responsabilité et préservent la transparence. Le risque d’inversion doit être surveillé et atténué en permanence. La responsabilité ainsi que le transfert de responsabilité pour le carbone absorbé et stocké doivent être clairement définis, pour tout le spectre des activités d’absorption de carbone.

1.6.

Le CESE invite la Commission à veiller à ce que les méthodologies soient basées sur des données scientifiques et orientées par la communauté scientifique. Il souligne que le système de certification est bien trop complexe et fastidieux pour favoriser une adoption massive de ces pratiques; ces procédures semblent être très chronophages et techniques, et pourraient décourager les opérateurs d’entreprendre les activités concernées, puisqu’il s’agit souvent de petites entreprises disposant de marges réduites, même dans le meilleur des cas.

1.7.

Le CESE remarque qu’une large gamme de mesures relatives aux absorptions de carbone est nécessaire pour effectuer la surveillance, la déclaration et la vérification. Elles impliquent notamment le recours à la télédétection et à l’imagerie satellite. En ce qui concerne les mesures requises, le CESE souligne qu’il est essentiel de limiter autant que possible les coûts de surveillance, de déclaration et de vérification liés à l’absorption de carbone, dans le but de garantir une large accessibilité du cadre de certification.

1.8.

Le CESE souligne que les risques et les effets secondaires potentiels de la proposition pour les principaux acteurs (agriculteurs, industries de la foresterie, de la construction et du bois), et notamment ceux de nature environnementale ou socio-économique, doivent être soigneusement évalués et traités avant d’intégrer le cadre de certification dans d’autres politiques, telles que la politique agricole commune.

1.9.

Le CESE est d’avis que la politique agricole commune (PAC) actuelle ne devrait pas être utilisée pour financer le stockage agricole ou les absorptions de carbone (1). Alors que la PAC pourrait avoir un rôle limité à jouer dans les absorptions de carbone, il s’agit d’un instrument conçu pour produire de la nourriture, des aliments pour animaux et de la biomasse, ce qui constitue l’objectif principal du secteur agricole et forestier. Les absorptions de carbone sont un sous-produit dans ce contexte spécifique, ce qui signifie que des sources de financement supplémentaires devraient être mises à disposition.

1.10.

Le CESE estime que la Commission entretient une grande ambiguïté autour de la question du financement, ce qui découragera fortement les potentiels participants. Il souligne dès lors qu’un certain degré de certitude est nécessaire pour ce qui est des questions financières. Au vu des possibilités d’absorption de carbone à l’avenir, le Comité conseille d’élaborer une feuille de route visant la mise en place d’un instrument financier commun pour ces mesures.

2.   Observations générales

La nécessité d’intensifier l’absorption du dioxyde de carbone pour atteindre les objectifs de neutralité climatique

2.1.

Conformément à l’accord de Paris, l’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050, pour ensuite parvenir à des émissions nettes négatives. Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il ne suffira pas de se concentrer uniquement sur la réduction des émissions pour atteindre cet objectif: «Le déploiement de mesures d’absorption du dioxyde de carbone visant à contrebalancer des émissions résiduelles difficiles à réduire est inévitable si l’on veut atteindre la neutralité carbone ou la neutralité climatique» (2).

2.2.

Alors que l’absorption du carbone ne remplace pas les réductions drastiques requises des émissions de gaz à effet de serre, elle devra s’ajouter à ces efforts de diminution afin d’atteindre la neutralité climatique et de parvenir à des émissions nettes négatives. Par conséquent, il conviendra d’intensifier considérablement l’absorption du carbone à l’échelle mondiale, de sorte à contrôler les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et à limiter le réchauffement climatique. Pour atteindre ses objectifs climatiques, l’Union escompte qu’elle devra réduire ses émissions de 85 à 95 % par rapport à celles de 1990 et recourir à des mesures d’absorption du carbone pour combler l’écart restant. Plusieurs centaines de millions de tonnes (Mt) de CO2 devront donc être éliminées de l’atmosphère chaque année.

2.3.

Pour ce faire, l’Union européenne a mis à ce jour plusieurs initiatives en place:

la loi sur le climat, qui définit la volonté de l’Union d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050;

le règlement relatif à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF), dont la dernière proposition de modification prévoit de fixer un objectif d’absorption nette du dioxyde de carbone par les sols, les forêts et les produits ligneux à 310 Mt d’équivalent CO2 d’ici à 2030; et

la communication intitulée «Des cycles du carbone durables», qui établit une feuille de route visant à stocker le carbone dans les sols agricoles de sorte à contribuer à l’objectif proposé pour le secteur UTCATF pour 2030, ainsi que des solutions industrielles permettant d’éliminer au moins 5 Mt de CO2 en 2030. La Commission y a également annoncé qu’elle projette d’élaborer une proposition de cadre réglementaire pour la certification des absorptions de carbone.

La gestion des projets d’absorption du carbone

2.4.

Avec sa proposition établissant un cadre volontaire de certification européen pour l’absorption du carbone, la Commission européenne vise à augmenter l’absorption durable et qualitative du carbone en encourageant le financement, en luttant contre l’écoblanchiment, en instaurant la confiance et en harmonisant les conditions sur le marché.

2.5.

La Commission distingue trois grandes catégories de méthodes d’absorption du carbone:

le stockage permanent, qui comprend des méthodes telles que la bioénergie avec captage et stockage du carbone («bioenergy with carbon capture and storage» ou BECCS) et le captage et stockage direct du carbone atmosphérique («direct air carbon capture and storage» ou DACCS). Les méthodes relevant de cette catégorie devraient permettre d’absorber au moins 5 Mt de CO2 d’ici à 2030, et jusqu’à 200 Mt de CO2 d’ici à 2050;

le stockage agricole de carbone, qui regroupe des méthodes telles que le boisement et le reboisement, l’amélioration de la gestion des forêts, l’agroforesterie, la séquestration du carbone dans les sols et la restauration des tourbières. Avec les produits de stockage du carbone, cette méthode contribue à atteindre l’objectif proposé pour le secteur UTCATF, qui vise une absorption nette de 310 Mt d’équivalent CO2 chaque année à l’horizon 2030 et l’établissement d’une économie «respectueuse du climat» d’ici à 2050;

les produits de stockage du carbone, qui englobent des méthodes telles que le recours à des matériaux de construction ligneux, ainsi que le captage et l’utilisation du carbone («carbon capture and utilisation» ou CCU) à long terme. Avec le stockage agricole de carbone, ils permettront d’atteindre les objectifs susmentionnés, proposés pour le secteur UTCATF, et d’avoir une incidence positive sur le climat.

2.6.

La Commission a défini certains critères de base pour s’assurer que seules des absorptions du carbone de haute qualité soient certifiées conformément au règlement:

les activités d’absorption du carbone doivent être mesurées avec précision et offrir des avantages clairs pour le climat (quantification);

les activités d’absorption du carbone doivent aller plus loin que les pratiques du marché et les exigences légales (additionnalité);

les certificats doivent refléter clairement la durée du stockage du carbone, et faire la distinction entre le stockage permanent et le stockage temporaire (à long terme);

enfin, les activités d’absorption du carbone doivent être bénéfiques pour la réalisation d’autres objectifs environnementaux, par exemple pour la biodiversité, ou au moins ne pas nuire à l’environnement (durabilité).

2.7.

Pour définir plus clairement les règles applicables à chaque méthode d’absorption du carbone et rendre les critères de qualité opérationnels, la Commission élaborera, avec l’aide d’un groupe d’experts, des méthodes de certification sur mesure qu’elle définira dans des actes délégués. Dans un premier temps, l’Union développera des méthodologies et reconnaîtra des systèmes de certification. Des opérateurs pourront ensuite rejoindre les systèmes de certification reconnus par l’Union, alors que des tierces parties vérifieront les activités éligibles à la certification. Les absorptions du carbone certifiées seront consignées dans des registres interopérables.

2.8.

Plusieurs synergies existent entre les initiatives actuelles et à venir dans le domaine de l’absorption du carbone. Les absorptions du carbone effectuées dans le cadre de la proposition de règlement pourraient:

bénéficier d’un soutien public par le biais de la politique agricole commune, d’aides d’État ou du Fonds pour l’innovation;

faire partie des informations publiées par les entreprises, ce point devant être défini plus précisément dans l’initiative sur l’obligation d’étayer les allégations environnementales ou dans la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises;

utiliser les synergies avec d’autres labels et certifications, comme la certification de l’agriculture biologique et de la biomasse durable;

être intégrées aux contrats régissant la chaîne d’approvisionnement, établissant ainsi des synergies et des chaînes de valeur industrielles avec des systèmes alimentaires durables;

contribuer à l’intégrité des marchés volontaires du carbone.

3.   Observations particulières

Une certification solide, en tant que fondement indispensable pour augmenter rapidement les capacités d’absorption du carbone en Europe

3.1.

Établir des règles générales à l’échelle de l’Union pour déterminer comment les avantages de l’absorption du carbone pour le climat seront mesurés, approuvés et vérifiés peut offrir un soutien crucial au développement de fortes capacités d’absorption du carbone en Europe, lequel s’effectuera grâce à une grande variété de méthodes innovantes de piégeage et de stockage de CO2 non fossile à l’intention des agriculteurs, des sylviculteurs, des industries et des autres acteurs.

3.2.

La certification est une étape nécessaire et significative du processus d’intégration des absorptions du carbone dans les politiques climatiques de l’Union. Celui-ci comprend par exemple la mise en place de mesures incitant les gestionnaires de terres à stocker du carbone dans leurs sols (par exemple dans le cadre de la PAC), l’encouragement à acheter des matériaux de construction qui stockent du carbone non fossile (par exemple grâce aux codes du bâtiment) ou la communication d’informations sur les objectifs climatiques (par exemple en vertu de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises).

3.3.

Le CESE soutient donc pleinement le cadre de certification pour les absorptions de carbone, tant en principe que comme étape vers une certification solide.

La nécessité de suivre le carbone absorbé, de manière à garantir des avantages aussi bien pour le climat que pour l’économie et la société

3.4.

Alors qu’il faut absolument déployer les absorptions de carbone à grande échelle, il est tout aussi important de surveiller les efforts engagés en ce sens. Le CESE remarque que le recours à l’absorption du carbone dans la politique climatique de l’Union pourrait susciter des questions légitimes concernant notamment le potentiel de dissuasion en matière d’atténuation, la menace d’allégations écologiques frauduleuses ou encore l’écoblanchiment basé sur les achats de crédits carbone.

3.5.

Le CESE estime donc que l’Union doit se doter d’un cadre de certification efficace et solide, afin de s’assurer que seule l’absorption de carbone fiable de haute qualité soit certifiée. Cela lui permettra de reconnaître et de récompenser l’absorption du carbone sans entraver la décarbonation.

3.6.

La mise en place d’un seuil de qualité pour toutes les absorptions de carbone certifiées par l’Union est cruciale pour convaincre les acteurs clés que ces absorptions apportent un réel avantage climatique. Par la suite, il faudra également fournir un signal suffisamment fort indiquant que les absorptions de carbone certifiées peuvent sans problème être intégrées à des politiques plus larges de l’Union qui sont liées au climat.

3.7.

Dans ce contexte, les activités d’absorption du carbone doivent répondre au principe d’additionnalité, c’est-à-dire montrer que l’absorption n’aurait pas eu lieu en l’absence d’intervention. Il s’agit là d’une exigence stricte si les certificats doivent être utilisés pour des demandes de compensation, mais elle peut être assouplie si ce n’est pas le cas (par exemple lorsque les agriculteurs reçoivent des paiements publics directs visant à promouvoir le passage à des pratiques régénératives). C’est la raison pour laquelle les activités d’absorption du carbone devraient générer des avantages connexes sur le plan de la durabilité, plutôt que de se contenter d’avoir une incidence «neutre», comme la Commission l’envisage actuellement.

3.8.

Le CESE souligne également que le risque d’inversion (libération de CO2 stocké) doit être surveillé et atténué en permanence. La responsabilité ainsi que le transfert de responsabilité pour le carbone absorbé et stocké doivent être clairement définis et spécifiques à chaque type d’absorption du carbone.

La préservation d’une distinction entre le stockage permanent de carbone, le stockage agricole de carbone et le stockage de carbone dans des produits

3.9.

La façon dont le CO2 est extrait de l’atmosphère, ainsi que le lieu et la durée de stockage du carbone varient considérablement d’une méthode d’absorption à l’autre.

3.10.

En général, le carbone stocké dans les réservoirs terrestres et la biomasse vivante (méthodes d’absorption en cycle court) est plus vulnérable et présente des durées de conservation plus brèves que celui qui est stocké dans des réservoirs géologiques (méthode d’absorption en cycle long).

3.11.

Les méthodes d’absorption et de stockage du carbone doivent donc être comptabilisées, gérées et certifiées différemment, en fonction de la nature du stockage du carbone. L’Union fait déjà la distinction entre le pilier UTCATF et les émissions du secteur industriel. La communication intitulée «Des cycles du carbone durables» introduit une distinction entre plusieurs types de carbone (fossile, biogénique et atmosphérique), qu’elle propose de cataloguer, de suivre et de comptabiliser séparément au sein de l’Union, au plus tard d’ici à 2028.

3.12.

Il convient en outre de souligner que les trois catégories de méthodes d’absorption du carbone (stockage permanent, stockage agricole et stockage dans les produits) jouent des rôles différents dans notre processus de neutralité carbone, et que leur incidence sur le climat, les coûts qu’elles engendrent, les défis liés à leur déploiement, leur niveau de maturité et leur perception par le public varient également. Elles doivent donc être soutenues et gérées différemment, de sorte à pouvoir instaurer des politiques et un soutien financier sur mesure, répondant aux besoins de chacune des méthodes d’absorption de dioxyde de carbone.

3.13.

Au regard de ce qui précède, le CESE souscrit à l’objectif de la Commission, qui veut offrir de la transparence et de la clarté au public, aux fournisseurs de solutions d’absorption du carbone et aux acheteurs au sujet de la valeur des activités certifiées d’absorption du carbone.

3.14.

Le CESE invite instamment la Commission à aller plus loin et à fournir également des orientations définissant les allégations appropriées qui peuvent être formulées sur la base des différents types d’absorption certifiée de carbone (c’est-à-dire le stockage permanent de carbone, le stockage agricole de carbone et le stockage de carbone dans des produits). Cela sera crucial pour promouvoir l’ensemble des cas possibles de certification des absorptions de carbone, tout en garantissant l’intégrité des avantages climatiques invoqués et en prévenant l’écoblanchiment.

La garantie de la transparence et de la contribution scientifique lors du développement des méthodologies

3.15.

Comme la Commission va s’engager dans un processus distinct, soutenu par un groupe d’experts, en vue de développer des méthodologies pour les activités d’absorption de carbone et d’apporter des précisions supplémentaires sur les certificats dans des actes délégués, le CESE demande que la société civile soit associée à cette démarche et consultée dans ce cadre.

3.16.

Le CESE invite la Commission à veiller à ce que les méthodologies développées à l’avenir soient basées sur des données scientifiques et orientées par la communauté scientifique.

3.17.

Le CESE remarque qu’une large gamme de mesures relatives aux absorptions de carbone est nécessaire pour effectuer la surveillance, la déclaration et la vérification. Elles impliquent notamment le recours à la télédétection et à l’imagerie satellite. En ce qui concerne les mesures requises, le CESE souligne qu’il est essentiel de limiter autant que possible les coûts de surveillance, de déclaration et de vérification liés à l’absorption de carbone, dans le but de garantir une large accessibilité du cadre de certification.

3.18.

L’Union devrait envisager de prévoir un financement spécifique pour la recherche, le développement d’une méthodologie et le déploiement de la phase pilote. Le soutien au renforcement des capacités et à la couverture des coûts administratifs sera essentiel afin de démocratiser l’accès au cadre de certification pour les petits acteurs.

3.19.

Le CESE souligne enfin que les risques et les effets secondaires potentiels de la proposition pour les principaux acteurs (agriculteurs, industries de la foresterie, de la construction et du bois), et notamment ceux de nature environnementale ou socio-économique, doivent être soigneusement évalués et traités avant d’intégrer le cadre de certification dans d’autres politiques, telles que la politique agricole commune.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 323 du 26.8.2022, p. 95.

(2)  GIEC, groupe de travail III, «Résumé à l’intention des décideurs», 2022 (en anglais).


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/88


Avis du Comité économique et social européen sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — État de l’union de l’énergie 2022 [conformément au règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat]

[COM(2022) 547 final]

(2023/C 184/16)

Rapporteurs: Marcin NOWACKI, Angelo PAGLIARA, Lutz RIBBE

Consultation

Commission européenne, 25.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

7.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/4/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dans son rapport sur l’état de l’union de l’énergie 2022, la Commission européenne livre une réflexion plutôt optimiste sur les mesures adoptées et les objectifs définis au cours des derniers mois.

1.2.

À la lecture du rapport, il apparaît clairement que nombre d’objectifs jugés trop ambitieux avant la guerre contre l’Ukraine sont désormais présentés comme des réponses réalistes à la crise énergétique. On peut se demander ce qui, avant le 24 février 2022, empêchait l’Union dans son ensemble d’aborder plus franchement les enjeux de la protection du climat, de la sécurité d’approvisionnement, de l’autonomie énergétique et de la résilience du système énergétique européen.

1.3.

S’il est intéressant de découvrir les différents faits et chiffres présentés dans la communication, il n’en reste pas moins que l’union de l’énergie représente bien plus que des objectifs définis sur une base mathématique ou statistique concernant le déploiement des énergies renouvelables, les économies d’énergie ou la réduction des émissions. Le CESE souligne que l’union de l’énergie constitue avant tout un projet politique, assorti des objectifs politiques précis suivants, qualifiés de «visions» (1):

1)

une union de l’énergie fondée sur la confiance et la solidarité entre des États membres parlant d’une seule voix sur la scène internationale;

2)

un système énergétique intégré dans lequel l’énergie circule librement à travers les frontières, qui soit fondé sur la concurrence, une réglementation efficace et le meilleur usage possible des ressources;

3)

une économie soutenable, à faibles émissions de carbone, respectueuse du climat et inscrite dans la durée;

4)

des entreprises européennes solides, novatrices et compétitives qui conçoivent les produits et technologies nécessaires à une bonne efficacité énergétique et à de faibles émissions de carbone afin de réduire les factures, prendre une part active au marché et protéger les consommateurs les plus vulnérables;

5)

développer les compétences de la main-d’œuvre européenne pour qu’elle soit en mesure de mettre en place et de gérer l’économie de l’énergie en Europe;

6)

gagner la confiance des investisseurs par des signaux-prix traduisant des besoins et objectifs stratégiques à long terme, ce qui suppose, entre autres, de supprimer progressivement les subventions en faveur des énergies fossiles;

7)

placer les citoyens au cœur de l’union de l’énergie, au sein de laquelle ils s’approprient la transition du système énergétique, profitent des nouvelles technologies pour réduire leurs factures énergétiques et participent activement au marché, et où les consommateurs vulnérables bénéficient d’une protection.

Le rapport fournit une description des mesures prises jusqu’à présent ou planifiées en vue de la mise en œuvre de ces visions. Le CESE regrette néanmoins que le compte rendu présenté dans le rapport ne porte pas sur les visions, mais plutôt sur les cinq dimensions qui se renforcent mutuellement et qui sont étroitement liées, visant à accroître la sécurité énergétique, la durabilité et la compétitivité. Ce double ensemble composé d’une part d’objectifs ou de visions, et d’autre part de dimensions, rend extrêmement difficile le suivi de la mise en œuvre des visions, notamment parce que dans plusieurs de ces dimensions apparaissent, par exemple, les questions des citoyens au centre de l’union de l’énergie ou la nécessité de perfectionnement et de reconversion de la main-d’œuvre. Le CESE regrette qu’il soit donc très difficile de suivre les progrès accomplis dans la mise en œuvre des objectifs de la stratégie pour l’union de l’énergie.

1.4.

La communication évoque, à juste titre, le plan REPowerEU, auquel le CESE a apporté son appui, et qui vient revitaliser et renforcer les instruments mis en place par le pacte vert et le paquet «Ajustement à l’objectif 55», en mettant l’accent sur la diversification, les économies, la sécurité d’approvisionnement et l’accélération du développement des sources d’énergie renouvelables. Cependant, l’Union européenne subit une pression intense du fait de la crise climatique et énergétique qui sévit actuellement, ainsi que des incertitudes en rapport avec la sécurité, la stabilité et la prédictibilité des approvisionnements. Ces tensions auraient été moins aiguës si l’on avait entrepris de mener plus tôt une action mieux ciblée et que, par exemple, ses objectifs spécifiques, comme ceux de l’union européenne de l’énergie, avaient été abordés avec plus de soin.

1.5.

Selon le rapport sur l’état de l’union de l’énergie 2022, on estime que 300 milliards d’euros de fonds publics doivent être investis, d’ici à 2030, dans les différents axes d’intervention visant à parvenir à une indépendance totale vis-à-vis des combustibles fossiles russes, ce qui pèsera lourdement sur le budget total de l’Union. En outre, il faudra aussi mobiliser des investissements privés, notamment de la part des citoyens européens. Le CESE estime que ces fonds doivent être dépensés de manière à favoriser la réalisation des objectifs de l’union de l’énergie déjà évoqués. Par ailleurs, ces dépenses ne devraient pas se traduire par une réduction des ressources consacrées à la transition juste, à la recherche et à l’innovation, ou aux entreprises et consommateurs touchés par la hausse des prix de l’énergie.

1.6.

La flambée inédite des prix de l’énergie, déclenchée par l’invasion russe en Ukraine, entraîne des conséquences considérables sur le plan social et économique, ainsi que sur les tissus industriels et productifs nationaux. Le CESE souligne l’absence d’une coordination européenne claire dans le contexte de la crise énergétique et demande, pour y faire face, que soit créé un instrument inspiré du modèle SURE, en vue de soutenir les travailleurs et les entreprises en difficulté.

1.7.

Les événements récents ont accru le risque de cyberattaques et d’actes de sabotage visant des infrastructures critiques telles que le réseau énergétique et les centrales électriques. Le CESE recommande donc d’élaborer et d’adopter une stratégie globale conçue pour protéger l’Union contre ce type de menaces.

1.8.

Pour les États membres, le premier objectif stratégique à moyen terme doit rester celui de l’autonomie énergétique, compte tenu notamment de l’évolution de la guerre en Ukraine ainsi que de l’éventualité de voir la situation internationale se compliquer encore davantage. Nous entendons par «autonomie stratégique en matière d’énergie» un concept politique qui contribuera à façonner le futur marché européen de l’énergie, où les décisions prises par l’Union de manière autonome garantiront son indépendance énergétique vis-à-vis de fournisseurs peu fiables. Le CESE regrette que ce point ne soit pas dûment examiné dans le rapport et qu’il reste dans l’ombre, l’accent étant mis uniquement sur l’indépendance vis-à-vis des importations d’énergie en provenance de Russie.

1.9.

Pour concrétiser les objectifs d’autonomie stratégique de l’Union, le CESE invite le Conseil et la Commission à mettre au point des instruments appropriés, y compris par la création d’un Fonds européen pour la souveraineté, de manière à stimuler les investissements dans les infrastructures énergétiques et les technologies d’énergie propre au niveau national. Dans le même temps, il est essentiel d’encourager les États membres à utiliser de manière optimale et efficace les fonds qui leur sont alloués pour développer les énergies propres. Cette stratégie doit aussi comporter des lignes directrices concernant les moyens de pousser les entreprises, les institutions communautaires, les citoyens et les communautés énergétiques à investir davantage. Les instruments et ressources aujourd’hui disponibles semblent insuffisants pour faire face aux grands défis à relever. Le CESE invite la Commission à veiller tout particulièrement à l’incidence environnementale des nouvelles ressources et des nouveaux modes d’approvisionnement, ainsi qu’aux dépendances qui pourraient apparaître à l’égard de pays tiers.

1.10.

Lorsqu’il s’agit de développer l’autonomie énergétique, le CESE propose de suivre une approche émanant de la base, étant donné qu’une telle démarche facilite la réalisation des objectifs mentionnés au paragraphe 1.3.

1.11.

À ce jour, le pacte vert n’est pas assorti de politiques sociales analogues qui feraient de cette transition une transition juste. Sachant que l’emploi et les systèmes industriels seront gravement touchés par les processus de transition, le CESE regrette que le rapport ne tienne pas dûment compte de l’importance à accorder aux politiques globales en matière d’emploi, de compétences et d’affaires sociales. Les investissements dans l’éducation, la reconversion et le perfectionnement professionnels doivent être envisagés comme une responsabilité socio-économique.

2.   Observations générales

2.1.

Pour répondre au choc d’offre provoqué par l’agression russe contre l’Ukraine, la solution idéale et la plus conforme aux objectifs stratégiques de l’union de l’énergie résiderait dans un système énergétique reposant intégralement sur des énergies renouvelables nationales. Nous avons conscience que les avis divergent quant à la possibilité d’atteindre cet objectif. Toutefois, dans le scénario attendu, un tel système énergétique aurait pour avantage essentiel de garantir une autonomie absolue et une grande résilience. Une fois refinancées les dépenses en capital consacrées aux financements en matière d’installations d’énergie renouvelable, de technologies intelligentes, de transports propres et d’efficacité énergétique, ce système permettrait au consommateur final de bénéficier de l’énergie la plus abordable, tout en renforçant les économies locales et régionales et en créant davantage d’emplois que l’ancien système. Tous ces avantages sont clairement décrits dans les considérants correspondants du train de mesures sur l’énergie propre. Si les énergies renouvelables offrent théoriquement la possibilité d’assurer une autonomie énergétique sur le plan opérationnel, il faut cependant veiller à ce que l’ensemble de l’écosystème, y compris le matériau qui compose les installations utilisant des énergies renouvelables, permette de produire l’énergie localement. Néanmoins, le rapport sur l’état de l’union de l’énergie montre que le système énergétique européen est encore loin de répondre à cet objectif.

2.2.

Cette situation appelle donc à établir une distinction: si l’Union ne peut atteindre une autonomie absolue, il lui faudra acquérir une autonomie stratégique, ce qui suppose de déterminer dans quelle mesure les importations d’énergie resteront inévitables à l’avenir et ce que cela implique pour la vulnérabilité et la résilience du système énergétique européen. Cependant, le rapport sur l’état de l’union de l’énergie n’apporte aucun élément de réponse en la matière, pas plus que les autres documents stratégiques de la Commission.

2.3.

Pour répondre à la question posée au paragraphe 2.2, il convient de calculer la part des énergies renouvelables (crédit de capacité) dans la réponse à la demande, pour les secteurs de l’électricité, du chauffage et des transports, en incluant les dispositifs de stockage de l’électricité et de gestion de la demande ainsi que les autres solutions introduisant une certaine flexibilité. Le crédit de capacité d’une centrale électrique désigne la fraction de sa capacité installée qui peut être exploitée à un moment donné. Les énergies renouvelables étant des énergies décentralisées, il apparaît tout à fait logique de commencer cette évaluation à l’endroit où elles sont produites. Selon cette approche, le crédit de capacité devrait tout d’abord être évalué au niveau local (par exemple, à l’échelle des quartiers) pour refléter la contribution que peuvent apporter les prosommateurs, les communautés d’énergie renouvelable et les autres producteurs. C’est au niveau local qu’il faut mettre en œuvre l’un des objectifs ou visions de l’union de l’énergie, à savoir «placer les citoyens au cœur de l’union de l’énergie». L’étape suivante serait d’évaluer le crédit de capacité au niveau régional, où les déficits (crédit de capacité inférieur à 100 %) et les excédents (crédit de capacité supérieur à 100 %) pourraient être équilibrés dans la mesure du possible. Viendraient ensuite les niveaux interrégional, national et, pour finir, européen. Sachant que les énergies renouvelables entraînent des coûts systémiques considérables liés aux infrastructures énergétiques, l’objectif principal est de consommer localement l’énergie produite à partir de sources renouvelables; autrement, ce sont les producteurs d’énergie qui en assument les frais.

2.4.

L’approche ascendante décrite au paragraphe 2.3 correspond le mieux à la nature des énergies renouvelables et des solutions de flexibilité en ce qui concerne les producteurs de toutes tailles, y compris les grandes centrales de production d’énergie ainsi que les petits producteurs, y compris les «prosommateurs».

2.5.

Pour l’union de l’énergie, l’approche décrite au paragraphe 2.3 présente trois avantages fondamentaux.

2.5.1.

Premièrement, en ce qui concerne la planification des investissements, il convient d’anticiper le volume des importations d’énergie nécessaires en Europe, aujourd’hui et à l’avenir. Il s’agit du seul moyen d’éviter les investissements voués à l’échec et les effets de verrouillage. Très concrètement, il est impossible d’évaluer correctement le volume de la demande de GNL aux horizons 2025, 2030 et 2035 sans procéder à une telle analyse. Toute décision d’achat, surtout lorsqu’il est question de contrats à long terme, risque de se révéler mauvaise si les crédits de capacité ne sont pas évalués aux niveaux local, régional, interrégional et européen. Ce point revêt d’autant plus d’importance que des contrats à long terme s’imposent pour sécuriser dès maintenant l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL). La réussite de l’union de l’énergie dépend de cette analyse, qui pourtant fait défaut.

2.5.2.

Il y aurait un deuxième avantage à quantifier, aux niveaux local, régional, interrégional et européen, les crédits de capacité des énergies renouvelables en incluant les options de flexibilité: une telle analyse aiderait à établir un système de planification prospective des infrastructures énergétiques couvrant le réseau électrique, celui de gaz à faible teneur en carbone et les systèmes de chauffage urbain. À cet égard, il est fondamental de souligner que les infrastructures gazières européennes doivent être adaptées à l’utilisation de l’hydrogène. Toutefois, il n’existe actuellement aucun critère fiable pour juger de cette adaptation et le CESE invite donc la Commission à commencer à élaborer des normes de ce type en vue de présenter une proposition dans les meilleurs délais.

2.5.3.

Un troisième avantage, étroitement lié à celui mentionné au paragraphe 1.10, concerne la nécessité de repenser la stabilité du système. Le système de réseaux de transport et de distribution qui sera mis en place à l’échelle de l’Union et dans les États membres de l’UE devrait consister en une matrice de connexions normalisées, interconnectées et couvrant à la fois les lignes à haute tension gérées de manière centralisée et les coopératives énergétiques basées sur des lignes commerciales à moyenne et basse tension. Au niveau local, il est essentiel d’accélérer le déploiement de l’énergie décentralisée et d’en faciliter le développement grâce à des mécanismes juridiques et organisationnels permettant d’exploiter des lignes «directes», de mettre en commun les câblages («cable pooling») et de coopérer avec les producteurs d’énergies renouvelables selon des principes communs et précis en matière d’AAE (accord d’achat d’électricité).

2.6.

À l’heure actuelle, les gestionnaires nationaux de réseaux de transport ne portent pas assez d’intérêt au développement des réseaux locaux, qui pourraient apporter davantage de souplesse dans le secteur de l’électricité mais qui risquent, selon eux, de déstabiliser le système électrique. Les gestionnaires de réseaux de distribution ne sont pas non plus encouragés à investir dans les réseaux locaux, car le cadre réglementaire et politique actuel ne propose pas d’orientations claires. La réglementation en matière de redevance d’accès au réseau se contente d’encourager le transport et la distribution d’électricité, sans prévoir d’incitations en faveur de concepts intelligents de gestion de l’électricité. Le CESE est convaincu que l’essor des coopératives énergétiques et du modèle de production d’énergie par des prosommateurs permet de renforcer la sécurité énergétique au niveau local et de réduire la charge pesant sur le réseau électrique. Consommer localement les énergies renouvelables volatiles réduit la pression sur le réseau, ce qui explique que la préférence devrait aller à cette consommation locale dès lors que cela s’avère efficace du point de vue des ressources et des coûts. Les prosommateurs et les communautés énergétiques (avec la participation des distributeurs d’énergie, des collectivités locales, des entrepreneurs et des citoyens) peuvent maintenir un équilibre entre les ressources disponibles et la demande d’électricité au sein des ménages, entreprises et bâtiments publics concernés, tout particulièrement grâce au développement des technologies dans le domaine du numérique et du stockage de l’énergie. Le CESE attire l’attention sur le risque que les distributeurs d’électricité se trouvent en situation de conflit d’intérêts en la matière et demande aux autorités de surveillance compétentes d’envisager des mesures pour éviter les effets négatifs de l’intégration verticale.

2.7.

Face aux mauvaises pratiques décrites au paragraphe 2.6, il importe d’autant plus de suivre l’approche décrite au paragraphe 2.3 pour bénéficier des trois avantages exposés aux paragraphes 2.5.1, 2.5.2 et 2.5.3. Le CESE invite dès lors la Commission à élaborer une proposition sur la manière dont cette approche peut être intégrée dans sa politique concernant l’union de l’énergie. Pour concrétiser la perspective stratégique d’une indépendance énergétique, indépendamment des interventions d’urgence qui se sont imposées pendant l’année écoulée, il y aura lieu de contrôler et de faire progresser en permanence les aspects suivants:

équilibre des ressources existantes (pétrole, gaz, sources renouvelables et nucléaires, etc.),

équilibre des ressources potentielles (exploration, extraction de ressources conventionnelles, développement de technologies innovantes, etc.),

planification et définition de priorités pour assurer un développement optimal des différentes sources d’énergie en Europe; système de financement du programme d’indépendance énergétique.

Cela suppose également d’évaluer quelles sont les installations existantes encore en service qui doivent être maintenues, et quelles sont les centrales anciennes, notamment conventionnelles, qui devraient faire l’objet d’un remplacement, dans le cadre d’un processus harmonieux et cohérent. Il convient aussi d’analyser les avantages et les coûts associés aux technologies de réformage du méthane à la vapeur et à celles de captage et de stockage du carbone, ainsi que de captage et d’utilisation du CO2.

2.8.

À cet égard, le CESE rappelle combien il est essentiel d’autoriser plus rapidement les projets dans le domaine des énergies renouvelables. Il s’agit là d’une mesure importante, dont le processus de mise en œuvre est relativement aisé. La quantité de formalités administratives ralentit manifestement certains projets, en particulier ceux qui impliquent de grandes capacités de production. Nous percevons et apprécions les efforts de la Commission dans ce domaine, mais il est temps de procéder à de réels changements.

2.9.

Tout en s’acquittant de la tâche énoncée au paragraphe 2.5.3, la Commission devrait aussi tenir compte de la relation stratégique entre la stratégie énergétique européenne et la nécessité d’un système industriel européen solide, durable et innovant, ce lien n’ayant pas été pris en compte jusqu’à présent dans les rapports sur l’état de l’union de l’énergie. Dans son avis sur l’«État de l’union de l’énergie 2021» (TEN 767), le CESE recommandait que la gouvernance et la gestion de l’union de l’énergie tiennent davantage compte des synergies avec la nouvelle stratégie industrielle de l’UE. Le CESE invite la Commission européenne à prendre en considération, dès le prochain rapport, l’importance de ce lien stratégique et à assurer une meilleure coordination avec le rapport de prospective stratégique.

2.10.

De même, le rôle central et actif des citoyens, qui devraient être placés au centre des politiques, n’est pas suffisamment pris en considération dans le document ni dans ses annexes. Le CESE est fermement convaincu que les citoyens devraient figurer au cœur de l’union de l’énergie, en les intégrant dans le marché et en faisant d’eux de vrais «prosommateurs». Il convient d’élargir le concept de prosommation pour y inclure le partage d’énergie, l’autoconsommation virtuelle et d’autres formes de prosommation utilisant le réseau public. À cette fin, le Comité invite les décideurs politiques à encourager et promouvoir toutes les mesures requises pour permettre aux citoyens de devenir des prosommateurs d’énergie.

2.11.

Les États membres sont tenus de présenter leurs plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC) d’ici juin 2023. Dans cette perspective, il faut leur adresser un message clair assorti d’une feuille de route qui leur permette de planifier de manière appropriée leur trajectoire vers la transition énergétique, comme le décrit le paragraphe 2.3 et en tenant compte des recommandations formulées aux paragraphes 2.7, 2.8 et 2.9.

2.12.

Les actions prévues pour mettre en place une nouvelle organisation du marché doivent être envisagées à la lumière des aspects susmentionnés. Le CESE convient qu’il faut intervenir pour optimiser et améliorer l’organisation du marché de l’électricité de l’UE, compte tenu également des perspectives d’évolution du paysage énergétique décrites au paragraphe 2.3, des nouvelles technologies émergentes, de la situation géopolitique et des enseignements tirés de la crise actuelle. Le CESE note avec satisfaction que la Commission a l’intention de réexaminer le cadre REMIT pour atténuer les risques d’abus de marché, et l’invite à mettre en place toutes les mesures nécessaires pour préserver le fonctionnement du marché et éviter les effets de distorsion des prix et la spéculation. Le marché européen de l’énergie ne devrait pas fonctionner comme les marchés financiers. Notre marché intérieur de l’énergie doit refléter une image réaliste du système énergétique en Europe. Le CESE attire l’attention sur le récent rapport de la Cour des comptes européenne, qui souligne que l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) ne dispose pas de ressources adéquates pour surveiller le marché afin de prévenir les abus, et invite la Commission à veiller à ce que l’ACER puisse s’acquitter de ses missions à cet égard.

2.13.

Le CESE est préoccupé par la réduction des subventions en faveur des énergies renouvelables observée en 2021, alors que celles destinées aux combustibles fossiles restent stables. Dans le sillage de la crise, des mesures décisives s’imposent pour mettre un terme à la concurrence qui oppose les énergies renouvelables et les énergies fossiles en matière de subventions. Or, la Commission ne fournit aucune indication en ce sens dans son rapport.

2.14.

Le CESE fait observer que le rapport sur l’état de l’union de l’énergie 2022 n’accorde pas toute l’attention voulue à la question des coûts et des effets liés au pilier de la stratégie européenne qui vise à réduire la demande d’énergie. Le CESE recommande donc à la Commission d’étudier plus avant l’incidence que cette réduction pourrait avoir sur les différents contextes régionaux et de présenter les outils requis pour en atténuer les répercussions.

2.15.

Les politiques climatiques auront de lourdes conséquences sur les travailleurs et les entreprises, et exigeront un effort massif en matière de formation, de reconversion et de perfectionnement professionnels. Cette transition doit être mise à profit pour créer des emplois de qualité et de bonnes conditions de travail dans l’ensemble des secteurs et des régions. La transition juste n’est pas assez prise en compte dans le rapport. Le CESE invite instamment la Commission à consolider le mécanisme en faveur d’une transition juste, en accordant une attention particulière à ses retombées sur les travailleurs, les emplois et le système industriel. Dans le même ordre d’idées, les partenaires sociaux devraient être associés de manière constante et structurelle à l’élaboration des politiques relatives à la durabilité, à la sécurité et à la solidarité. Le caractère «juste» de la transition ne se réduit pas à une question de financement: il couvre aussi l’objectif de défendre les droits des travailleurs, d’instaurer un travail décent, de créer des emplois de qualité et de garantir la sécurité sociale, ainsi que de préserver et d’améliorer la compétitivité des entreprises européennes, et suppose de prendre des mesures spécifiques à tous les niveaux, notamment à celui des régions.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Voir COM(2015) 80 final, «Cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique».


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/93


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Transition numérique du système énergétique — Plan d’action de l’UE

[COM(2022) 552 final]

(2023/C 184/17)

Rapporteur:

Thomas KATTNIG

Corapporteur:

Zsolt KÜKEDI

Consultation

Commission européenne, 25.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

7.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

198/1/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient les objectifs du plan d’action et accueille favorablement la plupart des mesures qui y sont proposées. Plus particulièrement, le Comité a déjà clairement mis en évidence le lien entre la transition énergétique et la transformation numérique, en soulignant les avantages qu’apporte la numérisation sur le plan des économies d’énergie, de la réduction de l’intensité énergétique et d’une meilleure gestion des infrastructures énergétiques. Toutefois, si l’optimisme qui se dégage du plan d’action est source d’inspiration, la Commission a tendance à ignorer que la réalité physique est très différente des cas d’utilisation de la transition numérique qui y sont mentionnés.

1.2.

Si tant l’approche stratégique que les mesures spécifiques du plan d’action vont dans la bonne direction, la Commission ne parvient toutefois pas à l’intégrer dans la politique énergétique générale. Une approche cloisonnée axée uniquement sur la transition numérique et ignorant le cadre général ne permettra pas de générer les avantages qui sont correctement expliqués dans le plan d’action. La numérisation du système énergétique doit contribuer à mettre en place des solutions coopératives dans le cadre desquelles des mesures incitatives sont prévues pour amener les utilisateurs à participer au système énergétique numérisé; par exemple, le recours aux compteurs intelligents et l’utilisation de la recharge bidirectionnelle pour les véhicules électriques, qui favorisent la stabilité du système électrique. Les transactions entre pairs, l’autoconsommation virtuelle et le partage d’énergie sont autant de pratiques qui nécessitent des outils numériques. Cependant, elles souffrent d’un manque d’attractivité, que ce soit en raison d’obstacles administratifs ou de l’absence de mesures d’incitation efficaces.

1.3.

Le CESE confirme qu’il est absolument nécessaire de rendre le système énergétique plus intelligent et plus flexible, mais celui-ci est actuellement mis à rude épreuve par des déficits causés notamment par la rigidité du réseau de transport et de distribution due au sous-investissement dans les infrastructures énergétiques. Si certains fournisseurs d’énergie ont réalisé des bénéfices considérables, ils n’ont pas investi suffisamment dans les réseaux intelligents pour réaliser les objectifs de la transition énergétique. L’expansion et la transformation du réseau accusent du retard, notamment car le cadre réglementaire n’est pas propice aux investissements dans la numérisation et la flexibilisation, et les réseaux existants sont devenus inadaptés au transport et à la distribution d’énergie volatile. Pour éviter les pannes de réseau dans le cadre du système énergétique numérisé, nous devons d’urgence commencer la transformation de notre système énergétique en développant et en élargissant le réseau (réseaux de transport et de distribution).

1.4.

Le CESE invite la Commission européenne à intégrer les idées qui sous-tendent la volonté de «promouvoir les investissements dans les infrastructures électriques numériques» dans un amendement de l’article 58 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (1), de manière à garantir un cadre réglementaire qui encourage efficacement les investissements dans la numérisation des réseaux électriques. En parallèle, il convient de développer des marchés de la flexibilité pour accroître l’attractivité de la consommation, de la production et de la prosommation flexibles reposant sur les technologies numériques.

1.5.

Plus de six ans après la présentation du train de mesures sur l’énergie propre, tant les communautés énergétiques que l’autoconsommation collective jouent toujours un rôle mineur dans les systèmes énergétiques européens. Jusqu’à présent, la Commission a ignoré l’existence d’obstacles à ces formes de production et de consommation d’énergie. Il y a lieu de mettre en place des mesures incitatives pour, à terme, convaincre les Européens de numériser toutes leurs activités liées à l’énergie et les encourager dans cette démarche. Dans de nombreux cas, il faut également établir un droit juridique et administratif clair. Le CESE invite la Commission et les États membres à élaborer des initiatives en ce sens, sous la forme notamment d’un soutien direct permettant aux communautés énergétiques et aux prosommateurs collectifs de développer pleinement leur potentiel, ces formes de production et de consommation devant devenir une composante cruciale du système, notamment pour ce qui est de la sécurité d’approvisionnement. Dans le cas contraire, les outils numériques ne seront d’aucune utilité.

1.6.

Le CESE rappelle qu’en adoptant une approche adéquate, une structure d’approvisionnement en énergie neutre pour le climat, décentralisée et numérisée peut avoir des effets positifs considérables sur l’emploi et l’économie, notamment les économies régionales (2). Dans la crise actuelle, l’Union européenne a besoin d’une approche générale de la politique énergétique qui combine des questions spécifiques liées à l’énergie et au climat avec les objectifs de la politique de cohésion sociale et régionale.

1.7.

Toutefois, le CESE note qu’une politique de changement ne peut être couronnée de succès que si elle tient compte des différentes dynamiques sociales à l’œuvre dans le processus de transition et les aborde dans le cadre de ses stratégies et mesures. Nous devrions renforcer le rôle des consommateurs actifs dans la transition numérique ainsi que les encourager et les autoriser à utiliser le plus de solutions intelligentes possible, car elles peuvent améliorer l’efficacité et les performances du marché intérieur de l’énergie. Ce faisant, il convient de tenir compte des gestionnaires de réseau de distribution afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement. Les outils doivent être simples d’utilisation et une attention particulière doit être accordée aux groupes vulnérables et aux personnes handicapées. Une politique en faveur d’une transition juste et d’une gestion politique active du changement est donc indispensable. Si la dimension sociale est négligée dans la mise en œuvre, la transformation risque d’échouer en raison de la résistance de l’opinion publique.

1.8.

En ce qui concerne la conception future des systèmes et des infrastructures énergétiques, le CESE a souligné à plusieurs reprises que tous les consommateurs doivent être activement associés au développement de systèmes énergétiques intelligents et que des mesures incitatives doivent être mises en place afin que la société civile puisse participer à la transition énergétique. Il est absolument essentiel de «connecter les innovateurs locaux et régionaux», comme l’indique la Commission au point 7.3. Une action collective telle que la coopération entre les villes et les communautés intelligentes peut créer les solutions les plus intéressantes et abordables dont une région pourrait avoir besoin.

1.9.

Les politiques numériques et énergétiques de l’UE guident déjà le processus de numérisation de l’énergie, étant donné que des questions telles que l’interopérabilité des données, la sécurité de l’approvisionnement et la cybersécurité, la vie privée et la protection des consommateurs ne peuvent être laissées à la seule discrétion du marché et que leur mise en œuvre adéquate revêt une importance cruciale. À cet égard, le CESE souligne la nécessité de prévenir par tous les moyens les violations de la vie privée et l’utilisation abusive des données. Cela suppose non seulement des précautions techniques, mais aussi que des autorités publiques soumises à un contrôle politique et démocratique assument la responsabilité et assurent le suivi de cet espace de données. Dans le même temps, la protection des données relatives aux infrastructures critiques doit faire l’objet d’une attention toute particulière.

1.10.

Dans sa communication, la Commission affirme qu’il est essentiel de veiller à ce que la transition numérique ne porte pas atteinte au cadre de protection des consommateurs déjà en place sur le marché intérieur de l’électricité. Le CESE en prend acte et ajoute que les droits des consommateurs sur le marché de l’énergie doivent être adaptés et améliorés. Les consommateurs ne doivent pas être désavantagés ni surtaxés. Ils devraient pouvoir tirer parti d’outils numériques qui, s’ils sont correctement conçus, peuvent contribuer à renforcer leur protection.

1.11.

Pour toutes les initiatives, il est important que les consommateurs disposent d’un compteur intelligent à domicile. Ce n’est toujours pas le cas dans de nombreux États membres; il est dès lors urgent d’intensifier les efforts afin de déployer plus largement ces dispositifs indispensables à la mise en œuvre de la plupart des solutions numériques dans le secteur de l’énergie, s’agissant tout particulièrement de l’approvisionnement en électricité et, dans une moindre mesure, de celui en gaz. Les États membres qui n’ont pas encore totalement déployé les compteurs intelligents doivent accélérer ce processus et revoir à la hausse leurs objectifs nationaux à cet égard. Les données recueillies à l’échelle internationale montrent que le déploiement de compteurs intelligents est le plus efficace lorsque ce sont les gestionnaires de réseau qui en sont responsables. Les compteurs intelligents devraient être considérés comme une partie intégrante du réseau électrique.

1.12.

Le risque existe que les nouveaux services fondés sur les données et les solutions technologiques innovantes ne soient pas mis en œuvre assez rapidement si l’on ne dispose pas de travailleurs qualifiés et de professionnels formés en nombre suffisant pour aider à leur déploiement. Les mesures nécessaires en matière de politique du marché du travail et de l’éducation nécessitent des ressources financières suffisantes ainsi que l’élaboration d’un plan d’action pour garantir une approche coordonnée. Le CESE estime qu’une coopération étroite avec les partenaires sociaux est indispensable à cet égard.

1.13.

La cybersécurité est une exigence essentielle pour garantir la fiabilité d’un système énergétique de plus en plus numérisé. Les développements des dernières décennies et en particulier les événements récents mettent en évidence le danger que constituent les cyberattaques et les actes de sabotage contre des infrastructures critiques. Toutefois, des problèmes pouvant survenir non seulement à la suite de cyberattaques ou d’actions de sabotage, mais aussi en raison de défaillances de matériel ou de logiciels, la Commission doit accorder, dans le cadre de la transition numérique, une attention particulière à la conception du matériel et des logiciels informatiques afin d’en garantir la solidité. Des pannes ou des défaillances d’infrastructures critiques peuvent provoquer des pénuries d’approvisionnement aux effets dévastateurs et mettre en danger la sécurité publique. Une production et une utilisation plus décentralisées de l’énergie, connectées à l’internet augmentent la «surface d’attaque» et les risques liés au cyberespace. Le système énergétique numérisé (tant sur le plan du matériel que des logiciels) doit être fiable et garantir une disponibilité continue.

1.14.

Le CESE estime qu’une attention et un soutien d’un niveau que l’on aurait été en droit d’attendre n’ont pas été portés à une stratégie combinée en faveur de la transition énergétique et de la numérisation en milieu rural. Il appelle à la mise en œuvre rapide de la vision à long terme de la Commission pour les zones rurales de l’Union européenne et à la mobilisation des parties prenantes dans le cadre du pacte rural de l’Union européenne.

2.   Contexte

2.1.

La Commission a publié une communication visant à accélérer la transformation numérique de notre système énergétique. Le plan d’action de l’UE sur la «Transition numérique du système énergétique» vise à atteindre les objectifs fixés dans le rapport de prospective stratégique sur les transitions écologique et numérique, les technologies numériques contribuant à la création d’une société neutre pour le climat et efficace dans l’utilisation des ressources, tout en veillant à ce que chacun puisse bénéficier de cette transition.

2.2.

Dans ce plan d’action de l’UE, la Commission propose un ensemble de mesures dans cinq domaines: promouvoir la connectivité, l’interopérabilité et l’échange fluide de données relatives à l’énergie en créant un espace européen commun des données; favoriser et coordonner les investissements dans le réseau électrique; fournir de meilleurs services fondés sur les innovations numériques de manière à ce que les citoyens s’engagent dans la transition énergétique; garantir la cybersécurité dans les systèmes énergétiques; et faire en sorte que les besoins énergétiques croissants du secteur des TIC soient satisfaits en conformité avec les objectifs du pacte vert pour l’Europe. La Commission estime que la transition numérique peut améliorer l’accessibilité financière, la durabilité et la résilience du système énergétique de l’UE.

2.3.

Des solutions intelligentes sont conçues pour permettre aux consommateurs de mieux maîtriser leur consommation et leurs factures énergétiques et, partant, de mieux gérer l’utilisation de l’énergie, même si de nombreux consommateurs finaux n’ont pas besoin d’une solution intelligente pour apprécier ce potentiel. Des services énergétiques innovants devraient réduire la consommation d’énergie et celle-ci devrait être utilisée lorsqu’elle est bon marché. Les compteurs intelligents fournissent des informations importantes pour réduire les coûts de consommation d’énergie en permettant, par exemple, la recharge intelligente des véhicules électriques, l’utilisation de pompes à chaleur intelligentes et une meilleure exploitation des panneaux photovoltaïques. Ils aident aussi les clients à contrôler les données figurant sur leurs factures et leur permettent de mettre fin aux erreurs de facturation et aux factures de régularisation, qui comptent actuellement parmi les principales préoccupations des consommateurs. Le plan d’action prévoit de soutenir les outils numériques qui servent les intérêts des consommateurs et sont parfois développés en collaboration avec eux, d’améliorer les compétences numériques, de financer des solutions numériques intelligentes grâce aux programmes susceptibles de contribuer à la réalisation de l’objectif de transition numérique du système énergétique, d’aider les régulateurs nationaux à définir des indicateurs communs pour les réseaux intelligents et à en assurer le suivi, de créer un espace européen commun des données relatives à l’énergie et de garantir l’étroite participation de tous les acteurs concernés, en particulier les gestionnaires de réseau et les fournisseurs d’énergie.

2.4.

Selon la Commission, les TIC présentent un grand potentiel d’écologisation. Les solutions numériques devraient contribuer à équilibrer l’offre, le stockage et la demande d’énergie, et rendre le système énergétique plus flexible, en facilitant l’intégration de sources d’énergie renouvelables décentralisées. Il y a lieu de développer des marchés de la flexibilité pour rendre attrayants les investissements dans les options de flexibilité, qu’ils soient réalisés par des producteurs, des consommateurs ou des prosommateurs tirant parti des outils numériques.

2.5.

Dans le même temps, le plan d’action souligne la nécessité de freiner l’augmentation de la consommation d’énergie dans le secteur des TIC. Il prévoit également la création d’un jumeau numérique du réseau électrique européen, le soutien aux communautés énergétiques au moyen d’outils numériques, le développement d’étiquettes liées à l’énergie pour les ordinateurs, les centres de données et les chaînes de blocs, et l’élaboration d’un code de conduite de l’UE pour la durabilité des réseaux de télécommunications.

2.6.

Dans un système énergétique de plus en plus numérisé où la production, la transmission et la distribution d’énergie sont décentralisées et où les foyers sont équipés de dispositifs plus connectés numériquement, le risque d’espionnage, de cybercriminalité et de défaillance matérielle liés à la consommation d’énergie augmente. La Commission propose dès lors des mesures de cybersécurité bien coordonnées pour renforcer la résilience globale du système.

2.7.

Le plan d’action souligne que cela exigera des actions à moyen et à long terme, ainsi qu’un cadre de gouvernance. La Commission explique que cette stratégie fera intervenir un grand nombre de parties prenantes, d’entreprises et de partenaires internationaux et note qu’il convient d’utiliser judicieusement les fonds publics limités et d’attirer davantage d’investissements privés.

3.   Observations générales

3.1.

Dans son plan d’action, la Commission aborde à juste titre l’énorme potentiel des technologies numériques pour accroître la flexibilité du système électrique. Le CESE soutient ces objectifs et accueille favorablement la plupart des mesures proposées dans le plan d’action. Plus particulièrement, le Comité a déjà clairement mis en évidence le lien entre la transition énergétique et la transformation numérique, en soulignant les avantages qu’apporte la numérisation sur le plan des économies d’énergie, de la réduction de l’intensité énergétique et d’une meilleure gestion des infrastructures énergétiques. Toutefois, si l’optimisme qui se dégage du plan d’action est source d’inspiration, la Commission a tendance à ignorer que la réalité physique est très différente des cas d’utilisation de la transition numérique qui y sont mentionnés.

3.2.

Le CESE est d’avis que les principaux défis auxquels est confronté le secteur de l’énergie sont les suivants: diversifier les sources d’énergie de l’UE, réduire la dépendance à l’égard des importations d’énergie, garantir un marché intérieur intégré de l’énergie, améliorer l’efficacité énergétique, développer rapidement le réseau énergétique, garantir la sécurité d’approvisionnement, décarboner l’économie, réduire les émissions, passer à une économie à faible intensité de carbone grâce à des technologies énergétiques propres et à faibles émissions de carbone, accroître et développer massivement les énergies renouvelables pour atteindre les objectifs climatiques, promouvoir la recherche et l’éducation dans ce domaine, assurer une transition juste et soutenir la dimension sociale de l’énergie, en réduisant notamment la précarité énergétique. La transition numérique du système énergétique constitue la base de toute démarche en ce sens et peut contribuer à relever tous ces grands défis.

3.3.

Si tant l’approche stratégique que les mesures spécifiques du plan d’action de la Commission vont dans la bonne direction, ce plan apparaît toutefois déconnecté de la politique énergétique générale. Une approche cloisonnée axée uniquement sur la transition numérique et ignorant le cadre général ne permettra pas de générer les avantages qui sont correctement expliqués dans le plan d’action.

3.4.

La proposition de la Commission brosse un tableau idéal fondé sur un système énergétique bien développé (du point de vue, par exemple, des réseaux de transport et de distribution) et en échafaude la transition numérique. Cependant, en Europe, les réseaux de transport et de distribution doivent d’abord être développés avant de pouvoir déployer une technologie numérique complexe. Nous sommes en train de numériser en vain si nos réseaux de transport d’énergie ne sont pas capables de transporter l’énergie gérée intelligemment. En outre, une quantité considérable d’énergie est gaspillée dans les réseaux de transport et de distribution. Aujourd’hui encore, l’électricité verte qui ne peut être utilisée ou transportée et dont la production doit être interrompue a un coût, qui était supérieur à 2 milliards d’euros avant la crise de l’énergie et a dépassé les 12 milliards d’euros pendant cette crise dans les grands pays comme l’Allemagne. Ces pertes économiques se multiplieront si nous ne développons pas rapidement nos réseaux électriques et des capacités de stockage compatibles avec le système, et si nous ne trouvons pas parallèlement de meilleures manières d’utiliser l’électricité directement sur place. La transition numérique dans ce domaine peut jouer un rôle s’agissant de recenser ces pertes et d’utiliser les données ainsi générées dans le cadre du développement du réseau.

3.5.

Il est vrai que des investissements considérables dans les infrastructures énergétiques sont nécessaires pour rendre les réseaux intelligents et que de nombreux États membres n’encouragent pas ces investissements, étant donné que leur réglementation favorise clairement les dépenses en capital (CapEx) par rapport aux dépenses opérationnelles (OpEx) que constituent la plupart des investissements dans la numérisation. La coordination et le suivi de ces investissements et des progrès qui en découlent ne suffiront pas. Le CESE invite la Commission européenne à intégrer les idées qui sous-tendent la volonté de «promouvoir les investissements dans les infrastructures électriques numériques» dans un amendement de l’article 58 de la directive (UE) 2019/944 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, de manière à garantir un cadre réglementaire qui encourage efficacement les investissements dans la numérisation des réseaux électriques.

3.6.

La Commission européenne souligne à juste titre que les outils numériques jouent un rôle important dans le développement des systèmes collectifs d’autoconsommation et des communautés énergétiques. Tant les orientations que la plateforme d’expérimentation prévue peuvent être utiles, mais ce ne sont pas les aspects les plus importants. Plus de cinq ans après la présentation du train de mesures sur l’énergie propre, tant les communautés énergétiques que l’autoconsommation collective jouent toujours un rôle mineur dans les systèmes énergétiques européens. Dans de nombreux cas, cela s’explique principalement par des obstacles bureaucratiques importants et un manque d’information chez les consommateurs et les producteurs. Jusqu’à présent, la Commission a ignoré l’existence de ces obstacles. Il y a lieu de mettre en place des mesures incitatives pour, à terme, convaincre les Européens de numériser toutes leurs activités liées à l’énergie et les encourager dans cette démarche. Le système énergétique numérisé dans son ensemble doit être particulièrement attractif pour les parties qui y opèrent: non seulement les mesures financières doivent inciter à sa création, mais l’ensemble de l’environnement doit aussi encourager ces parties à mettre en place un système énergétique contrôlé, géré et sûr. Le CESE invite la Commission et les États membres à élaborer des initiatives en ce sens, sous la forme notamment d’un soutien direct permettant aux communautés énergétiques et aux prosommateurs collectifs de développer pleinement leur potentiel, tout en tenant compte des gestionnaires de réseau de distribution afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement. Dans le cas contraire, les outils numériques ne seront d’aucune utilité.

3.7.

La recharge bidirectionnelle des véhicules électriques est un autre exemple très prometteur qui montre que des consommateurs plus actifs peuvent contribuer directement à la stabilité du système grâce à la technologie numérique et notamment aux TIC, tant sur le réseau qu’en qualité de consommateurs. Toutefois, il n’existe pratiquement pas de dossiers économiques relatifs à la recharge bidirectionnelle des véhicules électriques dans l’ensemble de l’Europe, puisque le marché n’a pas été conçu pour fournir des incitations fondées sur le marché à l’alimentation électrique entrante ou sortante flexible. Dans le cadre de ses efforts visant à réorganiser le marché, la Commission devrait s’attacher plus particulièrement à concevoir un marché qui rende attrayantes les applications décrites au point 4.2 du plan d’action et contribue à les généraliser, sachant qu’à l’avenir, les gestionnaires de réseau pourront aussi utiliser la recharge bidirectionnelle comme facteur de contrôle de la charge, ce dont devrait tenir compte la législation pour garantir la sécurité de l’approvisionnement.

3.8.

Le CESE rappelle qu’en adoptant une approche adéquate, une structure d’approvisionnement en énergie neutre pour le climat, décentralisée et numérisée peut avoir des effets positifs considérables sur l’emploi et l’économie, notamment les économies régionales (3). Dans la crise actuelle, l’Union européenne a besoin d’une approche générale de la politique énergétique qui combine des questions spécifiques liées à l’énergie et au climat avec les objectifs de la politique de cohésion sociale et régionale.

3.9.

Le CESE souligne que la conception par des experts techniques des conditions-cadres économiques et la promotion financière des nouvelles technologies, en particulier la numérisation du système énergétique, jouent un rôle important dans la transition énergétique. Dans le même temps, le CESE note qu’une politique de changement ne peut être couronnée de succès que si elle tient compte des différentes dynamiques sociales à l’œuvre dans le processus de transition et les aborde dans le cadre de ses stratégies et mesures. Nous devrions renforcer le rôle des consommateurs dans la transition numérique et les encourager à utiliser le plus de solutions intelligentes possible, car elles peuvent contribuer à améliorer l’efficacité et les performances du marché intérieur de l’énergie, et associer étroitement à la démarche toutes les parties de la chaîne de valeur de l’énergie afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement. Une politique en faveur d’une transition juste et d’une gestion politique active du changement est donc indispensable. Si la dimension sociale est négligée dans la mise en œuvre, la transformation risque d’échouer en raison de la résistance de l’opinion publique.

3.10.

La transformation du système énergétique peut générer des profits inattendus pour les fournisseurs de services et il est possible qu’ils demandent des prix plus élevés pour leurs nouvelles solutions. Toutefois, des services, des applications et des systèmes de gestion de l’énergie innovants peuvent aussi libérer l’énorme potentiel inexploité des utilisateurs d’énergie, ce qui soulagera les consommateurs qui pâtissent du niveau élevé des prix de l’énergie. La numérisation peut contribuer à permettre de comparer les prix sur le marché, à rendre équitables les prix des options de flexibilité comme le transfert de charge et à établir à un stade précoce du processus de marché que les consommateurs d’énergie, notamment les ménages vulnérables, pourraient payer moins pour le service fourni. Par exemple, les solutions intelligentes de comptabilité énergétique peuvent offrir aux personnes socialement défavorisées la possibilité d’utiliser autant d’énergie qu’elles peuvent se permettre financièrement tout en évitant d’aller au-delà et de s’endetter.

3.11.

Le CESE invite également la Commission à prendre en compte la réalité du marché des compteurs intelligents et à intervenir si nécessaire. L’installation envisagée de compteurs intelligents pourrait entraîner des coûts élevés pour les locataires. Dans la pratique, il n’y a guère de concurrence entre les différents fournisseurs de compteurs. Des enquêtes sectorielles menées en Allemagne et en Autriche ont fait état d’un puissant faisceau d’indices démontrant l’existence d’un oligopole non concurrentiel dans le secteur des compteurs divisionnaires (4). Pour garantir la concurrence, il convient de veiller à ce que les dispositifs d’enregistrement de la consommation puissent aussi être utilisés par des fournisseurs tiers. Dans le cas contraire, changer de société de facturation entraînerait à chaque fois des coûts de remplacement des dispositifs d’enregistrement de la consommation existants.

3.12.

À cet égard, le CESE réitère sa position selon laquelle il convient d’éviter à tout prix de créer une société à deux vitesses en matière énergétique. On ne peut accepter un schéma où les ménages aisés et bien équipés d’un point de vue technologique seraient les seuls gagnants de la transition énergétique, dont les coûts devraient être supportés par tous les autres. En conséquence, le Comité est favorable aux mesures d’incitation et aux outils de mise en œuvre de la directive relative à l’efficacité énergétique qui visent à aider les clients et les ménages vulnérables, et il fait observer que des objectifs ambitieux en matière de chauffage et de refroidissement urbains pourraient aggraver les conditions dans lesquelles le logement social doit évoluer.

3.13.

En ce qui concerne la conception future des systèmes et des infrastructures énergétiques, le CESE a souligné à plusieurs reprises que tous les consommateurs (ménages, entreprises et communautés énergétiques) doivent être activement associés au développement de systèmes énergétiques intelligents et que des mesures incitatives doivent être mises en place afin que la société civile puisse participer à la transition énergétique, mais aussi contribuer à son financement. Il est absolument essentiel de «connecter les innovateurs locaux et régionaux», comme l’indique la Commission au point 7.3. Une action collective telle que la coopération entre les villes et les communautés intelligentes peut créer les solutions les plus intéressantes et abordables dont une région pourrait avoir besoin.

3.14.

Le plan d’action prévoit la création d’un espace européen commun des données relatives à l’énergie et la mise en place d’une bonne gouvernance afin de garantir des échanges et une utilisation coordonnés des données énergétiques à l’échelle de l’UE. Les politiques numériques et énergétiques de l’Union guident déjà le processus de numérisation de l’énergie, étant donné que des questions telles que l’interopérabilité des données, la sécurité de l’approvisionnement et la cybersécurité, la vie privée et la protection des consommateurs ne peuvent être laissées à la seule discrétion du marché et que leur mise en œuvre adéquate revêt une importance cruciale. À cet égard, le CESE souligne la nécessité de prévenir par tous les moyens les violations de la vie privée et l’utilisation abusive des données. Cela suppose non seulement des précautions techniques, mais aussi que des autorités publiques soumises à un contrôle politique et démocratique assument la responsabilité et assurent le suivi de cet espace de données. Il convient de promouvoir la propriété publique des données, puisque celles-ci représentent un facteur économique important dans une société en réseau et numérisée. Par ailleurs, il importe d’empêcher tout monopole privé des GAFA (5) en matière de données. Dans le même temps, la protection des données relatives aux infrastructures critiques doit faire l’objet d’une attention toute particulière.

3.15.

L’espace de données proposé est une approche prometteuse, mais nécessite que des règles claires régissent l’accès aux données anonymisées de tous les acteurs du marché qui souhaitent utiliser les données afin, par exemple, de mieux planifier les échanges et le partage de l’énergie. Il importe de développer plus avant sans délai la «gouvernance solide» mentionnée dans le plan d’action en définissant des droits fondamentaux pour tous les acteurs du marché, y compris les consommateurs, les prosommateurs, les négociants en énergie, etc.

3.16.

En ce qui concerne la coordination stratégique à l’échelon européen, le plan d’action prévoit la création d’un groupe d’experts sur l’énergie intelligente (anciennement «groupe de travail sur les réseaux intelligents»). Son objectif est de contribuer à la mise en place du cadre européen pour le partage de données relatives à l’énergie, de renforcer la coordination des échanges de données pour le secteur de l’énergie au niveau de l’UE, de définir les principes directeurs et d’assurer la cohérence entre les différentes priorités et initiatives en matière de partage des données, et d’aider la Commission à développer et à déployer un espace européen commun des données dans le domaine de l’énergie. Le CESE souligne que des orientations et des objectifs clairs doivent être élaborés dans ce contexte et qu’il est essentiel d’y associer les partenaires sociaux et la société civile organisée.

3.17.

L’idée d’aider les gestionnaires de réseau de transport et les gestionnaires de réseau de distribution de l’UE à créer un jumeau numérique du réseau électrique est une approche intéressante et peut contribuer à améliorer la modélisation du réseau. Toutefois, il convient d’établir avec précision quel sera le rôle de ce jumeau numérique dans la planification de l’expansion du réseau, dans les efforts visant à le rendre intelligent, dans l’intégration des options de flexibilité, notamment les centrales électriques virtuelles, la prosommation d’énergie et le partage de l’énergie, et dans l’optimisation de la résilience. À cet égard, il apparaît également nécessaire d’amender la directive (UE) 2019/944.

3.18.

Dans sa communication, la Commission affirme qu’il est essentiel de veiller à ce que la transition numérique ne porte pas atteinte au cadre de protection des consommateurs déjà en place sur le marché intérieur de l’électricité. Le CESE en prend acte et ajoute que les droits des consommateurs sur le marché de l’énergie doivent être adaptés et améliorés. Les consommateurs ne doivent pas être désavantagés ni surtaxés. Il convient d’accorder une attention particulière aux groupes vulnérables, aux personnes handicapées et à celles possédant peu de compétences numériques. Des dispositions de protection adéquates sont nécessaires à cet égard, car il apparaît déjà que de nombreux consommateurs perdent la trace de leurs informations et factures numériques.

3.19.

La communication précise que la possibilité pour les États membres de fixer des prix réglementés, notamment pour les clients vulnérables et les personnes en situation de précarité énergétique, ne devrait pas être affectée de manière négative par la numérisation. Les outils numériques permettent également aux pouvoirs publics de mieux cartographier, surveiller et combattre la précarité énergétique, tandis que le secteur de l’énergie peut optimiser encore ses opérations, en mettant l’accent sur la sécurité d’approvisionnement, et donner la priorité à l’utilisation des énergies renouvelables.

3.20.

Le CESE se félicite de l’annonce de la Commission qui prévoit de veiller à ce que les principaux projets de R&I collaborent à la définition de stratégies visant à associer les consommateurs à la conception et à l’utilisation d’outils numériques accessibles et abordables d’ici la mi-2023. Il rappelle une fois de plus qu’il reste nécessaire d’investir massivement dans la recherche et l’innovation.

Dans ce contexte, les investissements publics dans des systèmes énergétiques intelligents et renouvelables revêtent une importance capitale pour assurer une sécurité d’approvisionnement, lutter contre la précarité énergétique, garantir des tarifs abordables et créer des emplois. Le CESE recommande une nouvelle fois, comme dans son avis ECO/569, d’appliquer la règle d’or aux investissements publics. Pour toutes les initiatives, il est important que les consommateurs disposent d’un compteur intelligent à domicile. Ce n’est toujours pas le cas dans de nombreux États membres, il est dès lors urgent d’intensifier les efforts afin de déployer plus largement ces dispositifs indispensables à la mise en œuvre de la plupart des solutions numériques dans le secteur de l’énergie. Les États membres qui n’ont pas encore totalement déployé les compteurs intelligents doivent accélérer ce processus et revoir à la hausse leurs objectifs nationaux à cet égard.

3.21.

Le risque existe que les nouveaux services fondés sur les données et les solutions technologiques innovantes ne soient pas mis en œuvre assez rapidement si l’on ne dispose pas de travailleurs qualifiés et de professionnels formés en nombre suffisant pour aider à leur déploiement (6). Le CESE estime que pour atteindre les objectifs fixés, des mesures appropriées doivent être prises immédiatement, en étroite coopération avec les partenaires sociaux.

3.22.

Toutefois, des ressources et des programmes financiers suffisants sont également nécessaires pour former les chômeurs de longue durée, notamment les femmes et les jeunes, au moyen de programmes spécifiques, et pour créer des conditions-cadres attrayantes pour eux, par exemple, des garanties d’embauche, une initiative de formation et de qualification et un large éventail de possibilités de reconversion et de perfectionnement. Les mesures nécessaires en matière de politique du marché du travail et de l’éducation nécessitent des ressources financières suffisantes ainsi que l’élaboration d’un plan d’action pour garantir une approche coordonnée.

3.23.

Le CESE plaide pour que les prestataires de formation et les entreprises coopèrent étroitement pour concevoir des formations qui fournissent les aptitudes et compétences requises par la transformation numérique et durable de l’économie, notamment grâce à l’éducation permanente et à la reconversion des travailleurs et des entrepreneurs. L’Année européenne des compétences 2023 sera mise à profit pour renforcer et mettre effectivement en œuvre ces mesures.

3.24.

La cybersécurité est une exigence essentielle pour garantir la fiabilité d’un système énergétique de plus en plus numérisé. Les développements des dernières décennies et en particulier les événements récents mettent en évidence le danger que constituent les cyberattaques et les actes de sabotage contre des infrastructures critiques. Toutefois, des problèmes pouvant survenir non seulement à la suite de cyberattaques ou d’actions de sabotage, mais aussi en raison de défaillances de matériel ou de logiciels, la Commission doit accorder, dans le cadre de la transition numérique, une attention particulière à la conception du matériel et des logiciels informatiques afin d’en garantir la solidité. Des pannes ou des défaillances d’infrastructures critiques peuvent provoquer des pénuries d’approvisionnement aux effets dévastateurs et mettre en danger la sécurité publique. Une production et une utilisation plus décentralisées de l’énergie, connectées à l’internet augmentent la «surface d’attaque» et les risques liés au cyberespace.

3.25.

L’ensemble de la chaîne de valeur du système énergétique, de la production à la distribution en passant par le transport, jusqu’au consommateur, sans oublier toutes les interfaces numériques utilisées le long de la chaîne, est susceptible d’être la cible de cyberattaques et d’attaques physiques. Il est dans l’intérêt de tous en Europe de mieux protéger ces infrastructures critiques. L’Union européenne doit être mieux préparée à d’éventuelles attaques de ce type. Par conséquent, le CESE demande de procéder sur-le-champ à une évaluation critique des mesures prises à ce jour et d’élaborer une stratégie globale de protection de l’Union contre les menaces telles que les catastrophes naturelles, les attaques physiques et les cyberattaques. Dans ce contexte, il attire l’attention sur ses autres avis en la matière (7) et recommande que tous les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques de l’UE soient conformes à la politique de sécurité de l’Union.

3.26.

Le secteur des TIC représente environ 7 % de la consommation mondiale d’électricité. Il est donc essentiel, dans le cadre des transitions écologique et numérique, de veiller à ce que les besoins énergétiques croissants du secteur des TIC soient réduits conformément à l’objectif de neutralité climatique. Le CESE convient de l’importance de s’attaquer à la consommation d’énergie et de ressources tout au long de la chaîne de valeur des TIC ainsi qu’aux principales nouvelles sources supplémentaires de consommation d’énergie liée à ce secteur. Des solutions existent déjà en matière de réutilisation des pertes de chaleur des centres de données pour chauffer les logements et les entreprises. Aussi importe-t-il que, dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) et d’autres actes législatifs portant sur l’énergie, en lien avec le paquet «Ajustement à l’objectif 55», la chaleur fatale soit traitée sur un pied d’égalité avec les énergies renouvelables. Toutefois, des solutions concrètes et réalisables pouvant servir de bonnes pratiques sont nécessaires pour obtenir des résultats optimaux.

3.27.

Les normes techniques interopérables, la cybersécurité, la protection des données et d’autres caractéristiques clés d’un système énergétique numérisé doivent être assurées au niveau mondial, dans des enceintes internationales et en coopération avec les pays partenaires. Pour faire progresser la transition écologique et numérique avec les pays partenaires dans le cadre de contacts bilatéraux, le CESE invite la Commission à intégrer des aspects numériques et verts dans les projets, partenariats et accords de coopération liés à l’énergie.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE estime qu’une attention et un soutien d’un niveau que l’on aurait été en droit d’attendre n’ont pas été portés à une stratégie combinée en faveur de la transition énergétique et la numérisation en milieu rural. Il appelle à la mise en œuvre rapide de la vision à long terme de la Commission pour les zones rurales de l’Union européenne et à la mobilisation des parties prenantes dans le cadre du pacte rural de l’Union européenne.

4.2.

Le CESE recommande de garantir l’égalité au travail dans le secteur de l’énergie, en examinant les perspectives ouvertes pour les femmes, tout en évitant que la transition énergétique et la transformation numérique ne deviennent un piège pour leurs parcours et leurs rémunérations, et de développer le dialogue social et les conventions collectives sur ce thème de l’égalité dans les entreprises énergétiques à travers toute l’Europe.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO L 158 du 14.6.2019, p. 125.

(2)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 1.

(3)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 1.

(4)  Il s’est par exemple avéré qu’en Autriche, le plus grand fournisseur de compteurs avait tenté d’empêcher des fournisseurs tiers d’utiliser ses compteurs intelligents en ayant recours à certaines formes de protection du matériel [Autorité fédérale autrichienne de la concurrence (BWB), 2022].

(5)  Les quatre géants de l’internet que sont Google, Apple, Facebook et Amazon.

(6)  Sur la base des résultats de la consultation publique, la Commission a constaté que les lacunes dans le développement des compétences et le manque de travailleurs dûment qualifiés constituaient les principaux obstacles à l’adoption des technologies numériques (rapport de synthèse disponible sur le portail «Donnez votre avis!»).

(7)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 170.


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/101


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/24/CE du Conseil et la directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les valeurs limites pour le plomb, ses composés inorganiques et les diisocyanates

[COM(2023) 71 final — 2023/0033 (COD)]

(2023/C 184/18)

Saisine du Comité par

la Commission européenne, 13.2.2023

le Conseil, 8.3.2023

le Parlement européen, 13.3.2023

Base juridique

Article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

197/0/3

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé, tout en respectant la position des partenaires sociaux présentée dans l’exposé des motifs de la proposition.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/102


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/19/UE relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE)

[COM(2023) 63 final — 2022/0025 (COD)]

(2023/C 184/19)

Consultation

Parlement européen, 13.2.2023

 

Conseil, 21.2.2023

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/0/3

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et s’étant par ailleurs déjà prononcé sur le sujet dans son précédent avis CESE 5002/2014, adopté le 12 novembre 2014 (1), le Comité a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu’il avait soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 91.


25.5.2023   

FR

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C 184/103


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE afin de rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux, et abrogeant la directive 2001/34/CE

[COM(2022) 760 final — 2022/0405 (COD)]

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les structures avec actions à votes multiples dans les entreprises qui demandent l’admission à la négociation de leurs actions sur un marché de croissance des PME

[COM(2022) 761 final — 2022/0406 (COD)]

et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2017/1129, (UE) no 596/2014 et (UE) no 600/2014 afin de rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux

[COM(2022) 762 final — 2022/0411 (COD)]

(2023/C 184/20)

Rapporteur:

Kęstutis KUPŠYS

Consultations

Conseil de l’Union européenne, 6.2.2023 [COM(2022) 760 final et COM(2022) 762 final];

8.2.2023 [COM(2022) 761 final]

Parlement européen, 1.2.2023

Base juridique

Article 50, paragraphe 1, et articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

2.3.2023

Adoption en session plénière

23.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

123/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Il est essentiel d’accroître le financement sur fonds propres des entreprises européennes afin de garantir la relance après la COVID-19 et de bâtir un système économique européen résilient face à la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine. C’est pourquoi le CESE se félicite vivement de la législation sur l’admission à la cote proposée par la Commission.

1.2.

Le Comité estime que l’arrivée d’entreprises familiales sur les marchés des capitaux ouvrirait un potentiel inexploité pour attirer des capitaux favorisant la croissance, et que le régime du droit de vote plural aide les familles à conserver un certain contrôle, faisant de la cotation une option plus attrayante pour ces entreprises. Le CESE convient qu’un cadre détaillé devrait être élaboré à l’échelon national, tout en encourageant une harmonisation de haut niveau à l’échelon européen.

1.3.

Le CESE accueille également favorablement l’initiative de la Commission visant à rationaliser le contenu des prospectus afin de réduire considérablement les coûts et la charge qui incombent aux émetteurs.

1.4.

D’une manière générale, le Comité salue la proposition de donner aux émetteurs le choix de publier un prospectus uniquement en anglais, qui s’est imposé comme la langue véhiculaire des investisseurs internationaux. Toutefois, la publication d’un document complet, et pas seulement d’un résumé, dans les langues nationales donnerait plus de moyens d’action aux investisseurs de détail locaux. Le CESE recommande aux émetteurs de garder à l’esprit que l’utilisation de documents d’émission uniquement en anglais entraverait le développement d’une base nationale d’investissement de détail.

1.5.

Le CESE note que le regroupement de la recherche en investissements avec d’autres services est susceptible d’accroître la visibilité des petites et moyennes entreprises (PME) cotées en bourse. Par conséquent, le Comité se félicite de la proposition de porter le seuil de dissociation à 10 milliards d’EUR. Cependant, d’autres mesures visant à encourager la recherche indépendante pourraient également s’avérer nécessaires.

1.6.

Le CESE apprécie vivement l’approche de la Commission visant à atténuer l’insécurité juridique concernant les exigences en matière de publication d’informations. Toutefois, la proposition de mécanisme de surveillance intermarchés des carnets d’ordres, qui permettrait aux autorités de surveillance d’échanger plus facilement les données des carnets d’ordres, pourrait entraîner des conditions de concurrence inégales, étant donné que les plateformes de négociation bilatérales ne relèveraient pas du champ d’application du régime de déclaration.

2.   Contexte

2.1.

Le 7 décembre 2022, la Commission a publié un ensemble de propositions (1) de mesures visant à poursuivre la mise en place de l’union des marchés des capitaux (UMC) de l’UE. Une partie de ce train de mesures, à savoir une nouvelle législation sur l’admission à la cote, porte sur la réduction de la charge administrative pesant sur les entreprises de toutes tailles, en particulier les PME, afin qu’elles puissent accéder plus facilement à la cote en bourse.

2.2.

La Commission indique que les marchés des capitaux de l’UE restent fragmentés et sous-développés. Des études montrent que le nombre total d’entreprises cotées sur les marchés de croissance des PME en Europe n’a guère augmenté depuis 2014 (2), bien que les sociétés cotées aient bénéficié d’avantages évidents, comme en témoigne l’augmentation de leur valorisation de marché. En général, les sociétés cotées augmentent leurs revenus, créent des emplois et améliorent leurs bilans à un rythme plus rapide que leurs homologues non cotées. Plusieurs études démontrent qu’en Europe, les offres publiques initiales (OPI) des PME se trouvent dans une situation sous-optimale.

2.3.

La législation sur l’admission à la cote simplifie et améliore les règles en la matière, en particulier pour les PME, tout en cherchant à éviter de compromettre la protection des investisseurs et l’intégrité du marché.

2.4.

Elle vise à garantir des réductions significatives des coûts et à contribuer à l’augmentation du nombre d’OPI dans l’UE. La simplification des règles relatives aux prospectus permettrait aux entreprises d’être admises à la cote plus facilement et à moindre coût. Permettre aux entreprises d’utiliser des actions à vote plural lors de leur première cotation sur les marchés de croissance des PME offre aux propriétaires la possibilité de garder le contrôle de la vision qu’ils ont pour leur entreprise.

2.5.

Des règles plus proportionnées en matière d’abus de marché assureraient en outre aux sociétés cotées plus de clarté et de sécurité juridique en ce qui concerne le respect des exigences en matière de publication d’informations clés. La proposition de législation sur l’admission à la cote vise également à fournir davantage de services de recherche en investissements portant sur les entreprises à moyenne capitalisation et sur les PME ainsi qu’à en améliorer la distribution, ce qui devrait ainsi favoriser leur cotation sur les marchés boursiers.

2.6.

Les autres avantages escomptés sont notamment les suivants:

des informations sur les entreprises plus succinctes, plus rapides et plus faciles à comparer et à consulter pour les investisseurs,

des travaux de recherche portant sur les actions assurant une meilleure couverture et contribuant ainsi à la prise de décisions d’investissement,

une surveillance plus efficace grâce à des règles de cotation plus claires et à de meilleurs outils pour enquêter sur les cas d’abus de marché,

des prospectus plus normalisés, plus faciles à examiner par les autorités de surveillance.

2.7.

Conformément aux objectifs poursuivis sur le plan environnemental, social et de la gouvernance (ESG), la législation sur l’admission à la cote viserait à faire en sorte que les entreprises qui émettent des obligations respectant les critères ESG incluent des informations pertinentes en la matière dans les documents de cotation afin de permettre aux investisseurs d’évaluer plus facilement la validité du respect desdits objectifs. Les sociétés émettant des titres de capital pourront se référer aux informations en matière environnementale, sociale et de gouvernance déjà publiées, et donc accessibles au public, dans les documents de cotation.

3.   Observations générales

Arguments en faveur d’un meilleur accès à la cotation sur les marchés publics européens

3.1.

Le CESE maintient qu’il est essentiel d’accroître le financement sur fonds propres des entreprises européennes afin de garantir une relance durable après la COVID-19 et de bâtir un système économique européen résilient face à la guerre que mène actuellement la Russie contre l’Ukraine. À cet effet, l’infrastructure des marchés financiers est essentielle pour débloquer les flux d’investissement nécessaires à la recapitalisation de l’économie.

3.2.

Il importe en outre que les investisseurs de détail disposent de marchés publics fortement développés. Les Européens conservent du numéraire et des dépôts pour une valeur de 11 000 milliards d’EUR sur leurs comptes bancaires (3). La proportion de dépôts dans le total des actifs des ménages européens est trois fois plus élevée que celle de leurs homologues américains. En ne parvenant pas à inciter les investisseurs finaux à diriger leurs fonds vers les marchés européens des capitaux, l’UE ne tire pas pleinement parti des volumes de capitaux disponibles dont ses entreprises pourraient bénéficier. Les gestionnaires d’actifs devraient avoir plus largement confiance dans les perspectives du marché européen des actions, et les investisseurs de détail européens devraient disposer d’un choix élargi en ce qui concerne la constitution de leurs portefeuilles. Pour ce faire, il est nécessaire de veiller à ce qu’une offre diversifiée d’émetteurs de haute qualité soit cotée sur les marchés boursiers européens.

3.3.

Pendant les périodes où les entreprises rencontrent des difficultés financières, où une certaine imprévisibilité économique règne et, en particulier, où les coûts des emprunts augmentent, les fonds propres servent de facteurs de stabilisation et permettent d’amortir les chocs futurs.

3.4.

Le Comité note également que le financement sur fonds propres des ménages européens en faveur des entreprises européennes contribue à garantir l’autonomie stratégique ouverte de l’UE à un niveau très élémentaire: la propriété des actifs et l’exécution du contrôle des entreprises. Le fait de perdre, au profit d’acteurs étrangers, le contrôle d’entreprises européennes essentielles, en particulier dans la sphère d’influence de pays dont les valeurs diffèrent de celles de l’Europe, représente un risque considérable pour la stabilité économique et politique de l’UE. Cela entrave également le développement du système financier européen, axé sur les besoins de l’Union. À titre d’exemple, les transactions financières dans l’UE restent dominées par des banques d’investissement de pays tiers (4).

3.5.

Les entreprises jeunes et innovantes qui se trouvent à l’avant-garde des transitions écologique et numérique devraient être encouragées à chercher à être cotées sur les marchés européens des actions et à obtenir des financements indispensables en émettant des actions négociées en bourse, car il s’agit du moyen le plus durable de les aider à exploiter pleinement leur potentiel créatif et à créer des emplois.

3.6.

Les poussées inflationnistes augmentent l’attrait des investissements en actions, en particulier auprès des investisseurs de détail avertis. Les marchés européens des actions peuvent permettre à ces flux d’investissements d’être dirigés vers des secteurs économiques essentiels où les entreprises génèrent des rendements suffisants. Dans le même temps, le Comité estime qu’il est crucial que l’UE dispose de règles de négociation saines et solides pour exploiter pleinement le potentiel de ses marchés des capitaux. L’enseignement tiré de la crise financière a montré que l’Union doit protéger les marchés avec équité, intégrité, résilience et transparence, tout en garantissant le niveau le plus élevé de protection des investisseurs.

3.7.

Une analyse menée dans 14 États membres de l’UE a montré que jusqu’à 17 000 grandes entreprises sont admissibles à la cote mais ne cherchent pas à franchir le pas (5). Le Comité estime que si l’UE ne parvient pas à encourager de nouvelles cotations sur les marchés boursiers, nos marchés des capitaux risquent de voir les transactions s’effondrer à mesure que les investisseurs diversifient leur portefeuille sur la scène mondiale, si l’offre de titres dans lesquels investir au sein de l’Union n’est pas suffisante.

3.8.

Une nouvelle génération d’Européens entre sur le marché de l’investissement de détail en gardant à l’esprit la durabilité, c’est-à-dire en s’appuyant sur des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Dans le même temps, de nombreux agents économiques se tournent vers des objectifs écologiques, encouragés par les politiques du pacte vert pour l’Europe. Le CESE considère cette combinaison de facteurs comme un puissant moteur qui pourrait libérer tout le potentiel de la taxinomie européenne de la finance durable et du cadre relatif à la publication d’informations non financières par les entreprises. Ces dernières, agissant à la fois volontairement et pour s’aligner sur la future législation de l’UE, devront, dans le cadre de leurs activités, mettre davantage l’accent sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, et la nouvelle génération d’investisseurs exigera le respect de ces critères ainsi que des incidences sociales et environnementales régénératives à la fois tangibles et positives, au même titre qu’un gain financier.

3.9.

Le Comité attire également l’attention sur certaines études montrant que les économies bénéficiant d’un financement de marché réaffectent les investissements vers des secteurs moins polluants et à plus forte intensité technologique (6). En revanche, les expansions à forte intensité de crédit ont tendance à être suivies par des récessions plus profondes et des reprises plus lentes (7).

3.10.

Il conviendrait de fixer l’objectif clair d’atteindre une capitalisation boursière de 100 pour cent du PIB de l’UE, contre environ 64 pour cent actuellement (8). Le CESE estime qu’il n’y a d’autre choix que de soutenir les marchés publics et d’améliorer l’environnement des OPI.

Importance pour les PME et les entreprises familiales

3.11.

De l’avis du CESE, les PME ne jouent toujours pas le rôle qu’elles pourraient jouer sur les marchés des actions. Des efforts devraient être consentis pour apporter aux PME la résilience nécessaire grâce au financement sur fonds propres.

3.12.

Le Comité constate que le sous-investissement en fonds propres est manifeste en Europe depuis plusieurs décennies et que les PME font face à un manque criant de capitaux propres. Les PME ne disposent pas de la visibilité nécessaire pour attirer des capitaux et le fait de les transformer en sociétés cotées offrirait de meilleures perspectives à long terme. Le CESE soutient fermement le point de vue selon lequel les PME cotées doivent trouver une place appropriée dans les portefeuilles des investisseurs (de détail) individuels, des fonds communs de placement et des fonds de pension, ainsi que des compagnies d’assurance.

3.13.

Le bon fonctionnement du marché des OPI est également important en amont des OPI, car il a une incidence sur la planification des stratégies de sortie et, partant, sur la fourniture de capitaux spéculatifs par les entreprises de capital-risque.

3.14.

La recherche portant sur les actions est un outil nécessaire pour accroître la visibilité des PME et devrait donc être encouragée. Des initiatives telles que l’amélioration de la couverture des travaux de recherche ou le point d’accès unique européen contribueraient à rendre les PME plus visibles aux yeux des investisseurs.

3.15.

S’agissant d’encourager les entreprises contrôlées par des familles à envisager d’entrer en bourse, il convient de faire preuve d’une certaine prudence. Par exemple, en Allemagne, 90 % de l’ensemble des entreprises sont contrôlées par des familles et 43 % des sociétés dont les ventes dépassent plus de 50 millions d’EUR sont des entreprises familiales (9). Bien que la propriété familiale présente des avantages, le potentiel de croissance des entreprises familiales peut être, du moins en partie, limité si le financement nécessaire ne peut être obtenu. Le Comité est convaincu que l’arrivée d’entreprises familiales sur les marchés des capitaux ouvrirait un potentiel inexploité (10) et que le régime des actions à vote plural aide les familles à conserver un certain contrôle, faisant de la cotation une option plus attrayante pour ces entreprises.

3.16.

La plupart des centres financiers mondiaux offrent la possibilité de disposer d’actions à vote plural. L’Europe a besoin d’une approche harmonisée pour suivre l’évolution de la situation internationale afin de ne pas perdre les entreprises qui souhaitent se développer.

Transparence et publication d’informations

3.17.

Les exigences en matière de transparence pour les entreprises qui se préparent à entrer en bourse augmenteront par rapport aux entreprises privées. Contrairement à une entreprise privée, une société cotée en bourse collecte de l’argent auprès d’actionnaires extérieurs qui n’ont ni le même niveau d’information ni le même niveau d’influence dans la prise de décision que les propriétaires d’une société privée.

3.18.

Par conséquent, il est justifié et nécessaire d’assurer un seuil nettement plus élevé de protection des investisseurs, par exemple en établissant des obligations de publication d’informations, y compris en ce qui concerne les informations privilégiées, et des normes strictes en matière de déclaration.

3.19.

Le Comité est d’avis que la publication obligatoire est extrêmement importante et indispensable au bon fonctionnement du marché public. Les investisseurs doivent recevoir suffisamment d’informations pertinentes sur les projections qui concernent la valeur des titres. Tout allègement des exigences concernant la nécessaire publication des informations découragerait l’investissement en faveur de l’émetteur, ce qui pourrait dès lors constituer un obstacle majeur à la pleine exploitation des possibilités offertes par les marchés des capitaux.

3.20.

Cependant, il convient d’éviter, tant pour l’émetteur que pour l’investisseur, de communiquer trop d’informations dans les documents d’offre dans le seul but d’éviter les litiges. Il faut trouver un juste équilibre.

4.   Observations particulières et recommandations

4.1.

Compte tenu de ce qui précède, le Comité se félicite vivement de la législation sur l’admission à la cote proposée par la Commission, tout en émettant de légères réserves concernant une série d’aspects.

4.2.

Le CESE estime clairement qu’il est nécessaire de s’attaquer à la fragmentation des réglementations nationales en matière d’actions à vote plural. Le Comité espère que l’harmonisation minimale de ces règles, qui vise à attirer les entreprises familiales sur les marchés des capitaux de l’UE, contribuera à la mise en place d’une véritable union des marchés des capitaux paneuropéenne. Un cadre détaillé devrait être élaboré au niveau national afin d’adapter les mesures à l’écosystème local, tout en encourageant une harmonisation de haut niveau à l’échelon européen.

4.3.

Le CESE note que le capital flottant n’est pas le seul facteur important pour garantir la liquidité. L’exigence imposant de disposer d’au moins 10 % de capital flottant ne devrait s’appliquer qu’au moment de l’admission à la cote. La flexibilité est essentielle, en particulier pour les petits États membres, étant donné que leurs marchés peuvent fonctionner correctement avec un capital flottant plus faible. Il s’agit là d’un élément indispensable pour empêcher les exclusions brutales de la cotation.

4.4.

Le CESE accueille favorablement l’initiative visant à rationaliser le contenu des prospectus, ce qui réduirait considérablement les coûts et la charge qui incombent aux émetteurs. Toutefois, les colégislateurs devraient rechercher un équilibre entre la charge pesant sur les émetteurs et les besoins d’information des investisseurs. Les prospectus de 800 pages doivent appartenir au passé, mais il convient de veiller à ce que les informations soient suffisamment détaillées, en particulier en ce qui concerne les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, compte tenu du principe de la double importance relative. Sur la base des dispositions strictes de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (11), ces informations stimuleraient le financement du pacte vert.

4.5.

À l’heure actuelle, le contenu est désordonné et hétérogène, et il n’est pas toujours disponible en anglais, «la langue usuelle dans la sphère financière internationale», comme indiqué dans la proposition, à l’exception du résumé. En outre, les informations sont fournies dans des formats non lisibles par machine. Un processus d’émission peut nécessiter de multiples documents réglementaires, fragmentés en plusieurs dossiers, par exemple, la note relative aux valeurs mobilières, le résumé du prospectus et le document d’enregistrement.

4.6.

Par conséquent, l’harmonisation et la simplification des prospectus pour les instruments de capitaux propres sont les bienvenues. D’une manière générale, le CESE approuve la proposition de la Commission de donner aux émetteurs le choix de publier un prospectus uniquement en anglais, qui s’est imposé comme la langue véhiculaire des investisseurs internationaux, à l’exception du résumé, qui devrait être fourni dans la langue locale afin de retenir les investisseurs de détail.

4.7.

Toutefois, le Comité estime également que l’utilisation des langues locales est tout aussi importante, car l’anglais n’est pas couramment parlé dans tous les États membres. De l’avis du CESE, la publication d’un document complet, et pas seulement d’un résumé, dans les langues nationales et en anglais permettrait de mobiliser plus activement les investisseurs de détail locaux Les émetteurs et leurs conseillers doivent garder à l’esprit que l’utilisation de documents d’émission uniquement en anglais entraverait le développement d’une base nationale d’investissement de détail et se révélerait contre-productive pour atteindre les objectifs escomptés de la stratégie en matière d’investissement de détail que l’UE annoncera prochainement. À cet égard, le CESE note que des mesures devraient être prises pour encourager les investisseurs de détail locaux à participer aux marchés des capitaux en publiant dûment les documents d’émission et en améliorant leur lisibilité.

4.8.

La recherche sur les titres de capital est essentielle pour mettre en place un écosystème sain pour le financement sur fonds propres des PME. Afin de compléter les canaux de recherche existants, l’autorisation de grouper les travaux de recherche concernant les PME avec d’autres services est susceptible d’accroître la production et la diffusion de rapports de recherche. Le CESE se félicite qu’il ait été proposé de porter le seuil de dissociation à 10 milliards d’EUR. Cela corrigera la baisse de couverture et de visibilité des PME que la directive MiFID II (12) a suscitée. Toutefois, le CESE souligne que la production de recherches sur les titres de capital est fortement concentrée entre les mains de grands établissements financiers. En raison de leur taille, les très grands courtiers sont plus à même que leurs homologues de petite ou moyenne taille de fixer des frais négligeables ou d’utiliser l’exécution de transactions pour subventionner de manière croisée la fourniture de services de recherche (13). En outre, les grands courtiers cherchent principalement à fournir des travaux de recherche sur les grandes entreprises, tandis que les PME n’en bénéficient que dans une mesure insuffisante. Une grande majorité des émetteurs indiquent (14) que la directive MiFID II a réduit la couverture et la visibilité des PME. Le CESE estime qu’il est clairement nécessaire d’introduire de nouvelles mesures pour encourager la recherche indépendante, en tirant les enseignements des meilleures pratiques disponibles en Europe (15).

4.9.

Au cours de la phase qui suit l’OPI, les entreprises cotées devraient être exemplaires sur le plan de la transparence et la protection des intérêts des actionnaires minoritaires devrait constituer une priorité absolue. Si les actionnaires risquent d’être traités de manière inéquitable ou d’être mal protégés lorsque l’entreprise devient publique, leur confiance dans les marchés des capitaux de l’UE ne s’accroîtra pas. Le CESE apprécie vivement l’approche de la Commission visant à atténuer l’insécurité juridique concernant les exigences en matière de publication d’information, en modifiant de manière ciblée le règlement sur les abus de marché.

4.10.

Le Comité estime que le cadre actuel pour les demandes ad hoc en cas de suspicions d’abus de marché semble approprié et suffisant pour parvenir à une surveillance efficace, tout en prenant acte du fait que plusieurs autorités de surveillance estiment qu’il est utile de renforcer l’échange de données des carnets d’ordres au moyen du mécanisme de surveillance intermarchés des carnets d’ordres. Le champ d’application de la proposition relative à ce mécanisme pourrait présenter le risque de créer des conditions de concurrence inégales, étant donné que les plateformes de négociation bilatérales n’y seraient pas incluses.

4.11.

Le CESE encourage vivement l’accélération de la mise en œuvre d’autres initiatives en cours contribuant à améliorer l’attractivité des marchés publics. Le Comité a publié plusieurs avis sur des initiatives législatives passées, en cours et attendues (16). Il convient de continuer à accomplir des progrès rapides vers l’achèvement de l’union des marchés des capitaux malgré les défis géopolitiques. Une union des marchés des capitaux forte est plus que jamais nécessaire compte tenu justement des risques croissants d’instabilité économique et sociale.

Bruxelles, le 23 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Capital markets union: clearing, insolvency and listing package («Union des marchés des capitaux: train de mesures sur la compensation, l’insolvabilité et la cotation», disponible en anglais uniquement).

(2)  Rapport final du groupe d’experts techniques de la Commission sur les PME, «Empowering EU Capital Markets for SMEs: Making listing cool again» («Donner les moyens d’agir aux marchés des capitaux de l’UE pour les PME: rendre son attractivité à la cotation», disponible en anglais uniquement).

(3)  Eurostat — Explication des statistiques (disponible en anglais uniquement).

(4)  Rapport statistique annuel de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) intitulé «EU securities markets» («Marchés des valeurs mobilières de l’UE», disponible en anglais uniquement), 2020, p. 40.

(5)  Rapport d’Oxera intitulé «Primary and secondary equity markets in EU» («Marchés primaires et secondaires des actions dans l’UE», disponible en anglais uniquement), 2020.

(6)  De Haas, R. et Popov, A., «Finance and Carbon Emissions» («Finance et émission de carbone», disponible en anglais uniquement), BCE, Working Paper Series, 2019.

(7)  Jordà, Ò., Schularick, M. et Taylor, A.M., «When Credit Bites Back» («Le retour de manivelle du crédit», disponible en anglais uniquement), Journal of Money, Credit and Banking, vol. 45, no 2 (1er décembre 2013), p. 3-28.

(8)  Base de données de la Federation of European Securities Exchanges (Fédération européenne des bourses de valeurs mobilières, disponible en anglais uniquement), 2022.

(9)  Stiftung Familienurternehmen (Fondation allemande des entreprises familiales).

(10)  JO C 75 du 28.2.2023, p. 28.

(11)  JO C 517 du 22.12.2021, p. 51.

(12)  MiFID = Directive sur les marchés d’instruments financiers.

(13)  Rapport d’Oxera intitulé «Unbundling: what’s the impact on equity research?» («Dissociation: quelles sont les incidences de la recherche sur les titres de capital?», disponible en anglais uniquement), 2019.

(14)  Rapport final de la Commission européenne intitulé «The impact of MiFID II rules on SME and fixed income investment research» («Les incidences des règles de la MiFID II sur les recherches concernant les PME et les investissements à revenu fixe», disponible en anglais uniquement), 2020.

(15)  Voir l’initiative à but non lucratif «Lighthouse» proposée par l’Instituto Español de Analistas (Institut espagnol des analystes).

(16)  JO C 155 du 30.4.2021, p. 20, JO C 290 du 29.7.2022, p. 58, JO C 177 du 18.5.2016, p. 9, JO C 10 du 11.1.2021, p. 30 et JO C 341 du 24.8.2021, p. 41.


25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/109


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Garantir la disponibilité et le caractère abordable des engrais

[COM(2022) 590 final]

(2023/C 184/21)

Rapporteur:

Arnold PUECH D’ALISSAC

Consultation

Commission européenne, 9.12.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

9.3.2023

Adoption en session plénière

23.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

170/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission intitulée «Garantir la disponibilité et le caractère abordable des engrais», étant donné que la crise mondiale des engrais, qui a commencé au début de l’année 2021 et s’est aggravée à la suite de la guerre en Ukraine, est particulièrement aiguë en Europe, où les agriculteurs sont confrontés à la fois à des prix records et à des pénuries d’approvisionnement. La situation actuelle représente un danger pour l’agriculture européenne et la sécurité alimentaire mondiale.

1.2.

Le CESE souligne que des mesures nationales d’urgence sont nécessaires pour limiter l’incidence de la crise des engrais. Outre la possibilité de soutenir directement les producteurs d’azote et les agriculteurs les plus touchés au moyen d’aides d’État (une solution qui se heurte à des contraintes budgétaires, soulève des risques de distorsions de concurrence et devrait être soumise à une conditionnalité), le CESE estime que des mesures correctives, qui auraient plus d’effet pour les agriculteurs et plus d’efficacité pour les contribuables, doivent être mises en place pour améliorer le fonctionnement du marché européen des engrais.

1.3.

Pour traiter à la fois le problème de l’approvisionnement et du prix des engrais en favorisant les importations et la concurrence sur le marché intérieur, le CESE recommande de prendre des mesures qui comprennent la suspension des droits de douane à l’importation sur tous les engrais, la facilitation de la logistique liée à ces produits et des flexibilités réglementaires.

1.4.

Le CESE estime également que des mesures à moyen terme sont nécessaires pour limiter la dépendance de l’Union aux engrais minéraux importés et réduire l’empreinte environnementale de la fertilisation des cultures. Elles doivent viser à limiter l’utilisation d’engrais en augmentant l’efficacité des nutriments des plantes, à remplacer une partie des engrais chimiques par des effluents d’élevage et d’autres déchets recyclés et à améliorer l’autosuffisance de l’Europe en matière de production d’engrais, dans une perspective de transformation agroécologique de l’agriculture.

1.5.

Le CESE se félicite de l’annonce de la création d’un observatoire du marché des engrais, prévue pour 2023, considérant qu’il est essentiel d’augmenter le niveau de transparence sur le marché européen des engrais par la publication régulière de prix représentatifs du marché intérieur ainsi que par l’élaboration de statistiques publiques sur la production et l’utilisation d’engrais.

1.6.

Le CESE préconise également de tenir compte des aspects sociaux liés aux agriculteurs (qui sont fortement touchés par les prix des engrais), aux consommateurs de denrées alimentaires (qui sont confrontés à la hausse des prix de la nourriture) et aux travailleurs industriels lors de l’adoption de nouvelles mesures.

1.7.

À l’échelle internationale, le CESE invite instamment l’Union à intensifier les actions visant à lutter contre l’insécurité alimentaire dans le monde, notamment en matière de promotion de la transparence du marché des engrais, de leur disponibilité et de leur utilisation efficace. Il y a lieu de faciliter le commerce mondial des engrais en gardant les marchés ouverts, en évitant les restrictions à l’exportation et les interdictions d’exporter, en augmentant la production d’engrais en Europe et en ouvrant de nouvelles routes logistiques.

2.   Introduction et contexte

2.1.

Les engrais sont composés de trois nutriments indispensables à la croissance des plantes: l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K).

2.2.

Il s’agit d’intrants essentiels à la majeure partie de la production agricole actuelle. Leur disponibilité et leur caractère abordable jouent donc un rôle clé dans la sécurité alimentaire. Depuis le début de l’année 2021, on assiste à une crise mondiale des engrais minéraux. Si elle est due au départ à la hausse de la demande dans le sillage de la relance après la pandémie de COVID, elle s’est aggravée depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, à la suite de limitations de l’offre en provenance de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine, qui sont trois grands fournisseurs mondiaux d’engrais.

2.3.

La crise des engrais a été particulièrement sévère en Europe, étant donné que i) l’Union européenne est un grand importateur net d’engrais; ii) le marché européen des engrais azotés et phosphatés est protégé par des droits à l’importation qui font grimper les prix intérieurs au-delà des prix mondiaux; iii) les importations européennes d’engrais depuis la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, qui représentaient auparavant 43 % des importations de l’Union, ont considérablement diminué depuis mars 2022 malgré la politique officielle de l’Union qui vise à ne pas interdire les importations de nourriture et d’engrais en provenance de Russie.

2.4.

Sur le marché intérieur, les prix des engrais ont atteint des niveaux records (multiplication par trois pour l’azote minéral en novembre 2022 par rapport à janvier 2022). Conjuguée à une offre insuffisante et à des achats retardés, cette situation a provoqué une baisse significative de l’utilisation d’engrais au sein de l’Union pour la récolte de 2022 (1), ainsi qu’une potentielle pénurie dans plusieurs États membres au printemps 2023, laquelle aurait des conséquences sur la récolte de 2023.

2.5.

Cette évolution intervient dans le contexte du déploiement du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie «De la ferme à la table» (2), telle que publiée par la Commission européenne en mai 2020, qui propose notamment comme objectifs à l’échelle de l’Union de «réduire les pertes de nutriments d’au moins 50 % tout en veillant à éviter toute détérioration de la fertilité des sols» et de «[diminuer le] recours aux engrais d’au moins 20 % d’ici à 2030».

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE souligne que des engrais facilement disponibles et abordables sont cruciaux pour la production agricole et la sécurité alimentaire, tant en Europe que dans le monde. Les pénuries d’engrais et leurs prix excessifs entraînent une baisse du rendement des cultures, mettent en péril la production alimentaire et participent à l’inflation des prix des denrées alimentaires au détriment des citoyens européens et de l’humanité.

3.2.

La crise actuelle sur les marchés des engrais menace tout particulièrement les pays à faibles revenus, fortement exposés à l’insécurité alimentaire. Elle représente également un danger pour l’Europe, où les groupes vulnérables sont déjà confrontés à des problèmes de prix excessifs des aliments, et où elle est susceptible de provoquer une baisse des récoltes, qui aurait un impact sur la sécurité alimentaire mondiale, l’Union européenne étant l’un des principaux producteurs et exportateurs de céréales.

3.3.

Le CESE estime que la pénurie d’engrais au niveau mondial est provoquée non seulement par le prix élevé du gaz naturel, mais aussi par un déséquilibre entre l’offre et la demande et par des limites logistiques. Au sein de l’Union, ces phénomènes sont encore aggravés par le haut niveau de dépendance du continent aux importations d’engrais minéraux, par les droits à l’importation dans l’Union et par la guerre en Ukraine.

Mesures intérieures d’urgence

3.4.

Malgré les prix élevés des engrais, la compétitivité en matière de coûts de plusieurs fabricants européens d’engrais azotés semble avoir été affectée par le prix exorbitant du gaz naturel en Europe, qui a atteint sept fois celui appliqué aux États-Unis, contre trois fois en 2021. Outre l’accès prioritaire au gaz naturel en cas de rationnement, il pourrait être utile d’offrir un soutien spécifique à l’industrie européenne de l’azote, au cas par cas, en cherchant à utiliser au maximum les capacités de production existantes, comme le permet la version amendée de l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’État de l’Union. Une conditionnalité économique et sociale est nécessaire à cet égard afin d’éviter les effets d’aubaine, certains fabricants d’engrais ayant vu leurs bénéfices augmenter à la suite de la crise des engrais.

3.5.

Les utilisateurs d’engrais, notamment les producteurs de grandes cultures, les polyculteurs et les spécialistes en polyculture-élevage, qui représentent 62 % des dépenses d’engrais de l’Union et 69 % de sa consommation d’azote (3), ont été touchés de plein fouet par la crise actuelle. Ils font face à des difficultés de trésorerie pour leurs achats d’engrais avant les récoltes, ainsi qu’à un ciseau des prix, puisqu’il est possible que l’augmentation de ceux des produits agricoles ne compense pas l’effet de la hausse de ceux des engrais et autres intrants agricoles (4). Une aide ciblée aux utilisateurs d’engrais, comme le permet l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’État de l’Union dans sa version modifiée, pourrait ainsi être utile pour faire face à la crise.

3.6.

Toutefois, le financement de ce système au moyen de la réserve agricole de l’Union, qui s’élève à 450 millions d’EUR pour l’exercice 2023, comporte des limites budgétaires considérables et d’importantes priorités concurrentes. Le financement de telles mesures par les plans stratégiques nationaux relevant de la PAC ne constitue pas non plus une option adéquate dans la mesure où ces derniers viennent tout juste d’être approuvés et nécessiteraient une longue période pour être amendés. D’un autre côté, le recours aux aides d’État se heurte à la fois à des contraintes budgétaires nationales et à de sérieux risques de distorsions de concurrence. Ceci est illustré par le fait que, jusqu’à présent, seuls trois États membres ont mis en œuvre des plans d’aide nationaux consacrés aux achats d’engrais par les agriculteurs, pour un budget total de 855 millions d’EUR.

3.7.

Le CESE estime donc que des mesures correctives qui améliorent le fonctionnement du marché des engrais au sein de l’Union seraient plus indiquées et plus efficaces pour les contribuables. De telles mesures temporaires d’urgence devraient cibler à la fois l’approvisionnement en engrais et leurs prix en Europe, en facilitant les importations et la concurrence. Certains fabricants d’engrais profitent d’une énorme augmentation de leurs bénéfices: un message positif et stratégique en faveur de cette industrie est nécessaire si nous désirons que ces moyens soient mis à profit pour investir dans les usines européennes et augmenter notre niveau d’autonomie, ce qui est le prix à payer pour notre indépendance.

3.8.

Faisant suite à la proposition de la Commission européenne du 17 juillet 2022, le règlement (UE) 2022/2465 du Conseil du 12 décembre 2022 (5) prévoit une suspension temporaire des droits à l’importation pour l’urée et l’ammoniac (sauf pour les produits qui proviennent de Russie et de Biélorussie). Le CESE se félicite de cette décision, étant donné qu’outre les partenaires qui bénéficient déjà d’accords de libre-échange avec l’Union (comme les pays d’Afrique du Nord), d’autres sources importantes d’approvisionnement (comme les États-Unis et les pays d’Asie centrale et du golfe Persique) devraient aussi être affectées positivement par une telle suspension. Ce règlement est toutefois entré en vigueur trop tard pour avoir un effet durant la saison 2022-2023, car la plupart des importations d’urée ont été livrées ou commandées à des prix records, et le Conseil a limité l’application de la mesure à une période de six mois au lieu des deux années prévues initialement. Le CESE recommande à la Commission et au Conseil de prolonger la validité du règlement jusqu’à la saison prochaine et de l’étendre à tous les engrais à base d’azote et de phosphore, ce qui améliorerait leur disponibilité grâce à une diversification de l’offre et allégerait les prix intérieurs des engrais.

3.9.

D’autres mesures devraient aussi être mises en œuvre d’urgence pour améliorer le fonctionnement du marché européen des engrais minéraux sur les plans logistique et réglementaire. Il s’agirait notamment i) d’encourager les agriculteurs et les fournisseurs d’engrais à effectuer des achats anticipés et à gérer les risques liés aux prix, ii) de faciliter la logistique d’importation dans les ports pour les navires transportant des engrais et l’acheminement intérieur par camion, iii) d’unifier les interprétations nationales relatives aux fournisseurs d’engrais par rapport aux sanctions envers la Russie, et iv) d’accorder des flexibilités temporaires dans la réglementation européenne, notamment dans le règlement REACH, la législation sur les transports et le règlement sur la mise en marché des fertilisants.

3.10.

À la suite des propositions techniques de son Centre commun de recherche (6), la Commission européenne devrait rapidement proposer des mesures législatives permettant une utilisation sûre du lisier transformé au-delà du seuil fixé par la directive sur les nitrates pour les zones vulnérables aux nitrates (RENURE), permettant un plus haut taux de remplacement des engrais chimiques. Dans l’attente de ce nouveau seuil, le CESE recommande que le seuil actuel maximal de 170 unités d’azote organique/ha/an soit acquis pour tous les agriculteurs de l’UE.

Mesures intérieures à moyen terme

3.11.

Comme il l’indique dans son Rapport de prospective stratégique 2022 (7), le CESE recommande de réduire la dépendance de l’Union aux importations d’aliments pour animaux, d’engrais et d’autres intrants, et propose une définition d’autonomie stratégique ouverte appliquée aux systèmes alimentaires, fondée sur la production d’aliments, la main-d’œuvre et le commerce équitable, et ayant pour visée globale de donner à tous les citoyens de l’Union européenne une garantie de sécurité alimentaire grâce à un approvisionnement en denrées qui soit sain, durable, résistant et équitable.

3.12.

En matière d’engrais, le CESE estime que, s’il faut immédiatement prendre des mesures d’urgence, il importe également de mettre en place des actions à plus long terme afin de limiter la dépendance de l’agriculture européenne aux engrais minéraux importés, tout en réduisant l’empreinte environnementale de la fertilisation des cultures en Europe. Ces mesures doivent viser i) à optimiser l’utilisation globale d’engrais en augmentant l’efficacité des nutriments des plantes, réduisant ainsi les pertes, ii) à remplacer partiellement les engrais chimiques en ayant davantage recours au recyclage des effluents d’élevage et d’autres déchets issus de la chaîne alimentaire, et iii) à améliorer l’autosuffisance de l’Europe en matière de production d’engrais. Le CESE souligne que l’agriculture est en transition et qu’elle continuera à s’améliorer, avec l’agroécologie et l’agriculture de conservation.

3.13.

Il est nécessaire d’augmenter l’efficacité des nutriments des plantes, afin de réduire la consommation d’engrais, mais aussi les pertes de nutriments dans l’eau et l’air. Cela devrait permettre de réduire l’utilisation d’engrais sans affecter le volume de production. Cet objectif peut être réalisé en ayant recours à de meilleures pratiques de fertilisation, c’est-à-dire notamment en utilisant des cultures de couverture, en choisissant correctement les engrais (en favorisant les engrais azotés, tels que ceux à base de nitrates, ainsi que les inhibiteurs de nitrification et d’uréase), en ayant recours à des biostimulants et en pratiquant une agriculture de précision permettant une application optimisée (fractionnement des apports, calcul sur la base d’un bilan, analyse des sols et des plantes, capteurs pour végétaux, outils d’aide à la décision).

3.14.

La sélection végétale est également un élément essentiel en matière d’efficacité des nutriments, puisque des variétés végétales améliorées peuvent absorber moins de nutriments, et surtout d’azote, sans réduire la quantité récoltée. Dans ce cadre, le CESE estime qu’il convient de développer des technologies et des semences innovantes, de sorte à être toujours en mesure de fournir des solutions aux agriculteurs confrontés à des restrictions portant sur des outils existants (8).

3.15.

Depuis 2021-2022, les agriculteurs ont naturellement substitué certaines cultures exigeantes en nutriments comme les céréales, le colza et la betterave sucrière par des plantes qui nécessitent moins de nutriments, comme le tournesol (9) et les légumineuses (10). Cependant, la prudence doit s’imposer dans les politiques publiques, car, compte tenu des rendements respectifs de ces cultures en matière sèche et de leurs contributions en protéines par hectare, cette pratique pourrait perturber les marchés agricoles et menacer la sécurité alimentaire.

3.16.

Le remplacement partiel des engrais minéraux par des engrais organiques à base de fumier et d’autres biodéchets recyclés figure aussi parmi les objectifs à moyen terme de l’Union (11). Cette mesure présente des avantages pour les sols (plus de matière organique) et le climat (moins d’émissions liées à la fabrication d’engrais azotés de synthèse), tout en limitant la dépendance à l’égard des importations. Le potentiel des effluents d’élevage ne doit toutefois pas être surestimé, étant donné qu’ils sont en grande partie déjà recyclés et que les ressources disponibles sont limitées géographiquement (aux régions disposant d’un surplus structurel de fumiers et lisiers) et soumises à d’importants coûts de mobilisation, de traitement et de transport. Généralement, les nutriments provenant des déchets humains ne sont pas épandus sur les sols agricoles, alors que ceux-ci représentent un potentiel de 2 milliards de kilos d’azote (12). La Commission européenne devrait aussi encourager le développement de techniques de récupération de nutriments dans les algues et les boues d’épuration et leur utilisation sûre en agriculture.

3.17.

En ce qui concerne les engrais azotés, la promotion de modes de production alternatifs de l’ammoniac ne nécessitant pas d’énergies fossiles est un objectif à long terme extrêmement pertinent, étant donné que cela réduirait la dépendance de l’Union à l’égard du gaz, mais aussi son empreinte carbone. La production d’hydrogène renouvelable par électrolyse de l’eau (elle-même réalisée grâce à de l’électricité renouvelable) est au stade de pilote industriel, alors que la méthanisation des sous-produits agricoles et des biodéchets peut produire à la fois du biométhane pour la génération d’ammoniac et un digestat utilisable comme biofertilisant. Cependant, malgré le prix de marché actuellement élevé de l’ammoniac d’origine fossile, les solutions de remplacement renouvelables sont loin d’être compétitives; du temps, une maturation technologique et probablement un montant considérable de subventions publiques seront nécessaires pour atteindre le stade industriel.

3.18.

Le CESE se félicite de l’annonce de la création d’un observatoire du marché des engrais, prévue pour 2023, et de l’organisation de consultations des parties prenantes dans le cadre du groupe d’experts du mécanisme européen de préparation et de réaction aux crises de sécurité alimentaire. Le CESE estime également qu’un haut niveau de transparence sur le marché européen des engrais ne peut être garanti que par la publication régulière de prix représentatifs du marché intérieur pour une gamme d’engrais à base d’azote, de phosphore et de potassium, ainsi que par l’élaboration de statistiques publiques sur l’utilisation d’engrais.

Les aspects sociaux

3.19.

Le CESE estime que la communication ne tient pas suffisamment compte des aspects sociaux liés à la disponibilité et au caractère abordable des engrais. En effet, les agriculteurs (en particulier les petits exploitants) doivent payer un prix plus élevé pour les engrais, qui pourrait ne pas être compensé au moment de la récolte, étant donné que l’achat d’engrais et la vente de produits sont découplés. En outre, l’augmentation du prix des engrais est en partie responsable de la hausse des prix des denrées alimentaires, qui touche plus particulièrement les ménages les plus pauvres. Enfin, les conditions de travail des employés de l’industrie européenne des engrais sont également affectées par les pertes de compétitivité, les arrêts de production et le niveau élevé d’incertitude auquel est confronté le secteur au sein de l’Union.

Garantie de la disponibilité et du caractère abordable des engrais dans le monde

3.20.

Le CESE soutient les efforts déployés par la Commission européenne, les états membres, les établissements financiers européens, les pays du G20, les agences des Nations unies et les institutions financières internationales pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans le monde, notamment en matière de promotion des marchés des engrais présentant une transparence et une concurrence saines, de disponibilité des engrais et de leur utilisation efficace.

3.21.

La transparence du marché mondial des engrais revêt une importance toute particulière. Le CESE encourage le système d’information sur les marchés agricoles (AMIS) du G20 à améliorer la représentativité de sa base de données des prix des engrais, qui se limite actuellement à quatre produits et endroits.

3.22.

La FAO et l’OMC ont récemment averti (13) que les pénuries mondiales d’engrais devraient persister en 2023, menaçant la production agricole et la sécurité alimentaire, particulièrement en Afrique. Il y a lieu de faciliter sans attendre le commerce mondial des engrais en gardant les marchés ouverts, en évitant les restrictions à l’exportation et les interdictions d’exporter, en augmentant la production d’engrais, en étendant les itinéraires logistiques et en optimisant l’efficacité des engrais. Le CESE salue les initiatives internationales à cet égard, notamment le Groupe de réponse à la crise mondiale sur l’alimentation, l’énergie et les finances (ONU), l’Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire (G7), l’initiative FARM (UE, G7, Union africaine) et le Global Fertilizer Challenge (défi mondial des engrais, États-Unis, UE).

3.23.

Les prix à l’importation élevés pour les denrées alimentaires et les engrais et les perturbations des chaînes d’approvisionnement s’ajoutent aux besoins urgents de la balance des paiements dans certains pays à faible revenu. L’UE doit intensifier ses efforts à cet égard, tant de façon bilatérale (mécanisme pour la sécurité alimentaire et la résilience) que via des initiatives multilatérales telles que le fonds fiduciaire du FMI pour la réduction de la pauvreté et la croissance et le guichet de financement des ripostes aux chocs alimentaires.

Bruxelles, le 23 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Selon la Commission européenne, «une combinaison de sécheresse et de prix élevés des engrais, entraînant une chute des taux d’application de phosphore et de potassium en particulier, […] a contribué à un recul du rendement» et à une baisse de 8 % de la récolte de céréales de l’Union en 2022 par rapport à 2021. Source: Short-term outlook for agricultural markets (perspective à court terme pour les marchés agricoles, en anglais uniquement), Commission européenne, 5.10.2022.

(2)  COM(2020) 381 final du 20.5.2020.

(3)  Source: RICA, 2017.

(4)  À titre de référence, le prix du nitrate d’ammonium en France était en novembre 2022 203 % supérieur à son niveau de janvier 2021. Par contre, le prix du blé meunier a augmenté de 45 % durant la même période. Source: La Dépêche Le Petit Meunier.

(5)  Règlement (UE) 2022/2465 du Conseil du 12 décembre 2022 (JO L 322 du 16.12.2022, p. 81).

(6)  Technical proposals for the safe use of processed manure above the threshold established for Nitrate Vulnerable Zones by the Nitrates Directive (91/676/EEC) [propositions techniques pour l’utilisation sûre du lisier transformé au-delà du seuil fixé par la directive sur les nitrates (91/676/CEE) pour les zones vulnérables aux nitrates, en anglais uniquement].

(7)  https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/rapport-de-prospective-strategique-2022 (voir JO, p. 45).

(8)  JO C 194 du 12.5.2022, p. 72.

(9)  En 2022, les surfaces ensemencées en tournesol au sein de l’Union ont augmenté de 750 000 ha, alors que les terres consacrées aux céréales ont été réduites de la même superficie.

(10)  JO C 75 du 28.2.2023, p. 88.

(11)  Rapport d’information intitulé «Les avantages de l’élevage extensif et des engrais organiques dans le contexte du pacte vert pour l’Europe».

(12)  Il est estimé qu’une personne excrète plus de 4 kg d’azote par an via ses urines (Viskari et al, 2018 — https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2018.00032/full — en anglais).

(13)  Global fertilizer markets and policies: a joint FAO/WTO mapping exercise (en anglais uniquement), 14 novembre 2022, https://www.wto.org/english/news_e/news22_e/igo_14nov22_e.htm