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ISSN 1977-0936 |
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Journal officiel de l'Union européenne |
C 140 |
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Édition de langue française |
Communications et informations |
66e année |
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Sommaire |
page |
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I Résolutions, recommandations et avis |
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AVIS |
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Comité économique et social européen |
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575e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022 |
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2023/C 140/01 |
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2023/C 140/02 |
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2023/C 140/03 |
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2023/C 140/04 |
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III Actes préparatoires |
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Comité économique et social européen |
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575e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022 |
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2023/C 140/05 |
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2023/C 140/06 |
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2023/C 140/07 |
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2023/C 140/08 |
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2023/C 140/09 |
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2023/C 140/10 |
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2023/C 140/11 |
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2023/C 140/12 |
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2023/C 140/13 |
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2023/C 140/14 |
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2023/C 140/15 |
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FR |
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I Résolutions, recommandations et avis
AVIS
Comité économique et social européen
575e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/1 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Recyclage durable, utilisation des matières premières secondaires et transition juste dans l’industrie européenne des métaux ferreux et non ferreux»
(avis d’initiative)
(2023/C 140/01)
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Rapporteur: |
Anastasis YIAPANIS |
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Corapporteur: |
Michal PINTÉR |
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Décision de l’assemblée plénière |
20.1.2022 |
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Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles |
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Adoption en section |
9.12.2022 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
183/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) note que l’absence de matières premières secondaires de qualité et des prix non compétitifs empêchent une utilisation accrue des matières premières secondaires et demande que des politiques et des possibilités de financement appropriées soient mises en place pour construire de toutes nouvelles installations de recyclage et moderniser les installations existantes en termes de technologie. Le Comité estime qu’il convient d’introduire des avantages fiscaux et des incitations fiscales tout au long de la chaîne de valeur du recyclage et en faveur de nouveaux modèles économiques circulaires, en mettant particulièrement l’accent sur le rôle important que jouent les PME et les jeunes pousses dans le parcours de transition. |
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1.2. |
Le CESE plaide en faveur de politiques supplémentaires qui soutiennent et financent la recherche et le développement dans le processus de remplacement des matières premières critiques, de réduction de la consommation de ressources, d’amélioration de l’efficacité des produits et d’extension de la surveillance, de la gestion des risques et de la gouvernance dans l’Union dans le domaine des matières premières critiques. |
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1.3. |
Le Comité se félicite du lancement, en février 2021, de l’Alliance mondiale pour une économie circulaire et une utilisation efficace des ressources (1) (GACERE) et croit qu’il y a lieu d’élargir la participation à cette organisation. |
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1.4. |
Le CESE estime que l’ensemble des États membres devraient mettre en place davantage de politiques et d’investissements publics ciblés afin de favoriser le développement durable et la transition juste. |
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1.5. |
Le Comité souligne que l’on a de plus en plus besoin de travailleurs spécialisés dans le recyclage, la conception et la fabrication de produits dont la durée de vie est prolongée, la gestion des déchets et le tri avancé. Le CESE estime que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile industrielle ont un rôle extrêmement important à jouer dans la mise en œuvre et le suivi du mécanisme pour une transition juste (MTJ) et plaide en faveur d’un dialogue plus intense et d’une coopération plus étroite entre les pouvoirs publics européens et nationaux et les acteurs industriels. |
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1.6. |
De l’avis du CESE, les critères pertinents de la directive-cadre relative aux déchets pour atteindre les objectifs ambitieux du pacte vert pour l’Europe et du plan d’action en faveur de l’économie circulaire devraient être définis et, par la suite, harmonisés au sein de l’Union. |
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1.7. |
Les exportations de déchets ne devraient être autorisées que lorsque les normes environnementales et sociales sont pleinement respectées dans le pays de destination et que des procédures d’audit fiables et efficaces sont prévues et associent les partenaires sociaux et les ONG concernées. Le Comité demande que les questions relatives à la classification fassent l’objet d’un suivi rigoureux et que des procédures de sauvegarde appropriées et efficaces soient mises en place pour suspendre les exportations en cas de non-respect des conditions requises. En outre, le Comité invite le Parlement et le Conseil à appliquer les mêmes critères stricts en ce qui concerne les engagements environnementaux relatifs aux déchets, que ceux-ci soient exportés vers des pays membres ou des pays non membres de l’OCDE. |
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1.8. |
Le Comité prend acte du problème des exportations illégales de ferraille en provenance d’Europe et des réimportations suspectes de marchandises fabriquées en dehors de l’Union et demande des contrôles plus stricts aux frontières. |
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1.9. |
Le CESE considère que des procédures plus rapides pour les volumes de déchets transférés au sein de l’Union permettront d’améliorer la circularité des matériaux ferreux et non ferreux, de les rendre plus compétitifs et de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). |
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1.10. |
Étant donné que la conception de la recyclabilité des produits est essentielle pour accroître la circularité et la disponibilité de matières premières secondaires de qualité, le Comité demande que l’utilisation de matières premières recyclables et de sous-produits soit reconnue dans le cadre du règlement sur l’écoconception des produits durables. L’allongement de la durée de vie des produits deviendra de plus en plus important pour la compétitivité de l’industrie européenne. |
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1.11. |
Le CESE estime que l’introduction d’exigences minimales en matière sociale et de durabilité environnementale dans le règlement sur les produits de construction, associée à l’étiquetage et à des incitations commerciales, créerait des conditions de concurrence équitables pour les produits durables. |
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1.12. |
La participation d’experts de l’industrie et d’autres parties prenantes concernées est essentielle pour veiller à ce que les principes de circularité soient en place à tous les niveaux de la conception des produits, et le Comité estime que les investissements en matière de recherche et de développement et les partenariats public-privé doivent être renforcés et bénéficier d’un soutien financier. |
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1.13. |
Selon le CESE, les marchés publics écologiques jouent un rôle essentiel dans l’accélération des modèles d’économie circulaire et la promotion de la durabilité; il est convaincu qu’une normalisation européenne harmonisée des produits de construction fournira un cadre cohérent et réduira la fragmentation entre les États membres. |
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1.14. |
Le Comité loue l’intention de la Commission européenne de promouvoir un certain nombre de propositions législatives visant à améliorer la réparabilité et la recyclabilité des produits, à prolonger leur cycle de vie, à introduire un étiquetage énergétique et à fournir des services de réparation aux consommateurs. |
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1.15. |
Le Comité estime que la recyclabilité des matériaux d’emballage devrait être envisagée dans le cadre des régimes de responsabilité élargie des producteurs assortie d’une modulation écologique des redevances. |
2. Observations liminaires
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2.1. |
Dans sa communication intitulée «Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020: construire un marché unique plus solide pour soutenir la reprise en Europe» (2), la Commission européenne a souligné que les secteurs à forte intensité énergétique sont indispensables à l’économie européenne et qu’ils doivent bénéficier d’un soutien afin que soient créés de nouveaux marchés pour les produits neutres pour le climat issus de l’économie circulaire, tels que l’acier. Elle a également affirmé que la transition de l’Union vers la neutralité climatique pourrait transformer la dépendance actuelle à l’égard des combustibles fossiles en une dépendance à l’égard des matières premières provenant de l’étranger. |
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2.2. |
La pandémie de COVID-19 a clairement révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement européennes et la dépendance à l’égard des pays étrangers pour les matières premières stratégiques. Des pénuries persistent et l’Union semble incapable de rendre les chaînes de valeur plus résilientes et mieux préparées à d’éventuels chocs futurs dans le cadre de la double transition. |
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2.3. |
Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande de matières premières minérales sera multipliée par six d’ici à 2050. Étant donné que les matières premières primaires sont limitées et souvent indisponibles dans l’Union, il convient de mettre l’accent sur l’amélioration des capacités et des infrastructures de recyclage et sur la création d’un véritable marché des matières premières secondaires. |
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2.4. |
Tout en visant à atteindre les objectifs fixés dans le pacte vert pour l’Europe, l’Union, les États membres et les acteurs industriels doivent veiller à ce que la compétitivité de l’industrie, ses chaînes de valeur, ses salariés ni la société dans son ensemble ne soient menacés. Par conséquent, la chaîne de recyclage européenne, depuis les déchets jusqu’aux nouveaux produits finis, doit être mise à jour et axée sur un recyclage efficace et durable, notamment en promouvant la méthode de symbiose industrielle. |
3. Circularité, réutilisation et recyclage, disponibilité des matières premières secondaires
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3.1. |
L’Union s’efforce de transformer son économie pour la rendre plus durable et plus circulaire, ce qui pourrait lui permettre de créer 700 000 emplois supplémentaires (3). Bien que les résultats obtenus atteignent leur limite pour certains matériaux tels que le fer, le zinc ou le platine, pour les terres rares, le gallium ou l’iridium, la contribution des matières premières secondaires est plutôt marginale. On estime que chaque tonne d’acier recyclé permet d’éviter que 1,5 tonne d’émissions de CO2 ne soit relâchée dans l’atmosphère. Le CESE note que c’est l’absence de matières premières secondaires de qualité, un manque général de disponibilité et des prix non compétitifs qui empêchent une utilisation accrue des matières premières secondaires. |
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3.2. |
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a accru la pression sur l’approvisionnement de l’industrie de l’Union en matières premières et il ne suffira pas de soutenir le recyclage pour répondre aux futures demandes de matières premières. Le CESE préconise dès lors que des mesures supplémentaires soient prises de toute urgence afin de soutenir et de financer la recherche et le développement en vue de remplacer les matières premières critiques, de réduire la consommation de ressources, d’améliorer l’efficacité des produits, etc. Le CESE se félicite de l’approche globale de la proposition de la Commission européenne relative à la législation sur les matières premières critiques et tient pour nécessaire d’améliorer le suivi, la gestion des risques et la gouvernance de l’Union dans ce même domaine. En outre, le Comité estime que les actions extérieures de l’Union en matière de matières premières critiques devraient être renforcées au moyen de partenariats stratégiques ciblés avec les pays tiers, de négociations et d’accords commerciaux bilatéraux/régionaux, d’accords sectoriels, de la coopération au développement et d’initiatives multilatérales. |
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3.3. |
L’Union, chef de file de la lutte contre le changement climatique, devrait être en mesure de traiter les déchets produits sur son territoire plutôt que de les exporter. Cependant, les exportations de déchets de métaux ferreux (débris de fer et d’acier) ont augmenté de 113 % en 2021 par rapport aux niveaux de 2015, atteignant 19,5 millions de tonnes et représentant plus de la moitié (59 %) de l’ensemble des exportations de déchets provenant de l’Union. Le Comité souligne le problème des exportations illégales de ferraille en provenance d’Europe et des réimportations suspectes de marchandises fabriquées en dehors de l’Union. |
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3.4. |
Dans le contexte de la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, le CESE souligne que, comparé au processus d’extraction des matières premières, le recyclage permet de réduire de manière significative l’énergie utilisée et les émissions de gaz à effet de serre. Le Comité souhaiterait que soient adoptées des politiques prévoyant la construction de nouvelles installations de recyclage et la modernisation technologique des installations existantes, y compris dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Le CESE estime qu’il convient d’introduire des incitations fiscales en faveur de nouveaux modèles économiques circulaires tout au long des chaînes de valeur, en mettant particulièrement l’accent sur le rôle important que jouent les PME et les jeunes pousses dans le parcours de transition. |
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3.5. |
Le Comité salue le lancement, en février 2021, de l’Alliance mondiale pour une économie circulaire et une utilisation efficace des ressources rassemblant les gouvernements qui travailleront ensemble pour améliorer la circularité et garantir une transition juste. Le CESE estime qu’il faut élargir la participation à cette instance, étant donné que des efforts accrus au niveau mondial sont nécessaires pour assurer une gestion durable des ressources naturelles. |
4. Une transition juste
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4.1. |
Au cours du processus visant à rendre nos économies écologiques et numériques, un certain nombre de régions et de secteurs font également face à des difficultés socio-économiques spécifiques; l’industrie métallurgique connaît aussi des problèmes en matière d’emploi et de compétences. Les travailleurs et les entreprises de l’Union doivent être davantage soutenus pour répondre aux exigences des nouveaux modèles d’entreprise et être mieux préparés aux défis et aux opportunités à venir. En outre, la transition circulaire doit éviter toute distorsion des conditions de travail. Le Comité estime que l’ensemble des États membres devraient mettre en place davantage de politiques et d’investissements publics ciblés pour favoriser le développement durable et la transition juste. |
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4.2. |
Le CESE a soutenu l’adoption du MTJ dans le cadre du plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe, et juge qu’il s’agit d’un instrument essentiel pour veiller à ne laisser personne sur le bord du chemin au cours de la transition vers une économie neutre pour le climat. L’adoption du Fonds pour une transition juste (premier pilier du MTJ) marque un progrès majeur. |
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4.3. |
Le CESE estime que les partenaires sociaux ainsi que les organisations de la société civile et les organisations industrielles ont un rôle extrêmement important à jouer dans la mise en œuvre et le suivi du MTJ, ainsi que dans la sensibilisation des pouvoirs publics aux besoins particuliers des citoyens comme des entreprises. Le Comité souhaiterait que soient renforcés le dialogue et la coopération entre les autorités publiques européennes et nationales, et les acteurs et les ONG concernées du secteur industriel. |
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4.4. |
À tous les niveaux, les partenaires sociaux ont un rôle crucial à jouer dans la négociation de stratégies de transition juste au sein des comités d’entreprise ou d’autres instances de dialogue social compétentes. Ils sont les mieux placés pour recenser les créations et les suppressions d’emplois, analyser et anticiper les besoins futurs en matière de formation et de perfectionnement professionnel de la main-d’œuvre. À l’heure actuelle, les besoins les plus aigus concernent les travailleurs spécialisés dans le recyclage, la conception et la fabrication de produits dont la durée de vie est prolongée, la gestion des déchets et le tri avancé. |
5. Déchets, directive-cadre relative aux déchets et règlement sur les transferts de déchets
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5.1. |
Les déchets présentent une valeur importante lorsqu’il s’agit de valoriser les matières premières secondaires, en contribuant à l’économie circulaire de l’Union et au pacte vert pour l’Europe, en réduisant la dépendance à l’égard de matières premières importées et en économisant les ressources naturelles, tout en réduisant la consommation d’énergie nécessaire à l’extraction et à la transformation des matières premières primaires en Europe et en réduisant les émissions de CO2 dans les industries des métaux ferreux et non ferreux. |
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5.2. |
La révision prochaine de la directive-cadre de l’Union relative aux déchets dans le but d’accroître la protection de l’environnement et de la santé publique contre les effets de la gestion des déchets, de réduire le volume des déchets, d’accroître le réemploi et d’améliorer la collecte séparée afin d’encourager la préparation en vue du réemploi et d’un recyclage de qualité est importante tant pour les ménages que pour l’industrie. |
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5.3. |
De l’avis du CESE, les critères pertinents de la directive-cadre relative aux déchets pour atteindre les objectifs ambitieux du pacte vert pour l’Europe et du plan d’action en faveur de l’économie circulaire devraient être définis et, par la suite, harmonisés au sein de l’Union. Selon le Comité, il est nécessaire d’assurer la cohérence avec d’autres actes législatifs, notamment avec le règlement sur l’écoconception pour des produits durables et les législations nationales, afin d’éviter les ambiguïtés, les doubles emplois et les chevauchements. |
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5.4. |
C’est en augmentant les volumes de déchets transférés au sein de l’Union et en accélérant les procédures que l’on pourra étendre le recyclage des matériaux ferreux et non ferreux dans l’Union, ce qui les rendra plus compétitifs et contribuera à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. En outre, la Commission européenne a estimé qu’entre 9 000 et 23 000 nouveaux emplois seront créés dans les secteurs du recyclage et du réemploi. |
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5.5. |
Le CESE a déjà conclu que «les exportations de déchets recyclables de qualité […] nuisent à la durabilité de l’Union et sapent sa compétitivité à l’échelle internationale, étant donné que ces précieuses ressources profitent à des concurrents extérieurs» (4). Afin de tirer pleinement parti de l’augmentation des volumes de déchets internes, le Comité demande que des possibilités de financement soient offertes au secteur de la recherche et du développement afin de permettre l’émergence de technologies de pointe en matière de réemploi et de recyclage et de se doter d’installations de traitement des déchets et de recyclage modernes. |
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5.6. |
Les exportations de déchets en provenance de l’Union ne devraient être autorisées que lorsque les normes environnementales et sociales sont équivalentes à celles de l’Union et sont pleinement respectées dans le pays de destination. Il convient d’éviter les fuites de déchets ferreux en rendant les contrôles aux frontières de l’Union plus stricts, tandis que les déchets exportés devraient être soumis à des règles de transparence plus contraignantes et que les informations se rapportant à leur gestion et au respect des normes devraient être rendues publiques. Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission concernant la réalisation d’audits par des tiers pour les installations de gestion des déchets situées en dehors de l’Union et au niveau national, et a déjà indiqué que «les partenaires sociaux et les ONG concernées devraient être associés aux procédures d’audit» (5). |
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5.7. |
Le Comité estime qu’un contrôle particulièrement strict des questions de classification devrait être mis en place dans le cas où les exportateurs de déchets tentent de requalifier leurs exportations actuelles de déchets en exportations dont le statut de déchets a pris fin. Un tel risque pourrait entièrement compromettre l’ensemble de la réforme proposée par la Commission en matière d’exportation de déchets. |
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5.8. |
Il convient de donner la priorité à un suivi ex ante ou à une vérification ex post efficace des conditions de traitement local des déchets et aux réglementations locales dans ce domaine, et de les mettre en œuvre. Le CESE demande la mise en place de procédures de sauvegarde appropriées et efficaces pour suspendre les exportations si les conditions requises ne sont pas respectées. |
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5.9. |
Le Comité préconise que la période de transition pour l’application du règlement sur les transferts de déchets révisé soit ramenée à deux ans. Le délai de 30 jours proposé pour que les autorités de transit compétentes puissent formuler des objections valables à l’encontre d’un transfert prévu de déchets destinés à être valorisés devrait être limité à dix jours afin de garantir le bon fonctionnement des procédures et d’éviter tout retard inutile. En outre, le CESE demande que ces autorités soient soumises à des restrictions claires pour les empêcher de s’opposer plus d’une fois à un même transfert. |
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5.10. |
Afin de garantir l’intégrité environnementale, le Comité invite le Parlement et le Conseil à appliquer les mêmes critères stricts en ce qui concerne les engagements environnementaux relatifs aux déchets, que ceux-ci soient exportés vers des pays membres ou des pays non membres de l’OCDE. |
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5.11. |
Les lacunes dont souffrent les procédures d’application du règlement sur les transferts de déchets ont entraîné une augmentation des transferts de déchets illicites par des organisations criminelles qui représentent, selon les estimations, 30 % de l’ensemble des transferts de déchets en Europe (6). Le CESE soutient la mise en œuvre de procédures d’inspection et d’enquête; il appelle à une coopération pleine et entière entre les États membres et l’Union, en accord avec la nouvelle stratégie de l’Union visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025) (7). |
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5.12. |
Les acteurs industriels et les ONG jouent un rôle important dans la lutte contre les transferts illicites de déchets. Les données non confidentielles devraient être mises à la disposition de l’ensemble des parties intéressées, car une transparence accrue contribuera à réduire les transferts illicites de déchets. |
6. Écoconception
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6.1. |
Le CESE estime qu’il est nécessaire de renforcer la législation sur l’écoconception des produits durables pour atteindre les objectifs ambitieux de l’Union fixés dans le pacte vert pour l’Europe et le plan d’action pour une économie circulaire. Le règlement sur l’écoconception pour des produits durables offre aux producteurs de l’Union l’occasion de distinguer leurs produits de ceux qui obtiennent de moins bons résultats en utilisant une méthode d’évaluation commune. La participation d’experts de l’industrie et d’autres parties prenantes concernées de la chaîne de valeur est essentielle pour veiller à ce que la circularité s’applique à tous les niveaux de la conception des produits, afin d’inclure la prévention des déchets et des exigences minimales en matière de contenu recyclé. |
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6.2. |
Le CESE demande que les aspects sociaux soient inclus dans la définition de la durabilité, et pas seulement dans les exigences environnementales, comme c’est le cas actuellement. Les aspects sociaux devraient être conformes aux normes internationales du travail, telles que le respect du dialogue social et de la négociation collective. |
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6.3. |
L’utilisation de matières premières secondaires et de sous-produits devrait être reconnue dans le cadre du règlement sur l’écoconception pour des produits durables, car ils peuvent contribuer de manière significative à atteindre les objectifs de la politique de l’Union en matière de changement climatique. De même, la conception pour la recyclabilité des produits et de leurs composantes est essentielle pour accroître la circularité et la disponibilité de matières premières secondaires de haute qualité. |
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6.4. |
Le passeport numérique des produits est un outil important pour fournir des informations pertinentes sur la durabilité des produits aux clients et protéger les droits de propriété intellectuelle des producteurs, en prévenant l’utilisation abusive des données et en évitant l’écoblanchiment. Une base de données solide, fiable et complète est primordiale pour fournir de telles informations tant sur le marché traditionnel que sur le marché en ligne. |
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6.5. |
En outre, l’allongement de la durée de vie des produits deviendra de plus en plus important pour la compétitivité de l’industrie européenne, d’autant plus que l’Union dépend souvent de pays tiers. Le CESE estime que les investissements en matière de recherche et de développement et les partenariats public-privé doivent être renforcés et bénéficier d’un soutien financier. |
7. Règlement sur les produits de construction (RPC)
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7.1. |
Parallèlement à la proposition relative au règlement sur l’écoconception pour des produits durables, la révision du règlement sur les produits de construction offre l’occasion d’aligner la durabilité des produits sur le même niveau d’ambition dans différents secteurs du marché dans le domaine de la construction. Bien que la proposition de RPC reconnaisse l’importance de l’utilisation de matériaux recyclés, le recours à des sous-produits peut également contribuer à réduire la dépendance à l’égard des ressources naturelles primaires et doit donc être pris en compte dans les critères de performance des produits. |
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7.2. |
Le CESE estime que l’introduction d’exigences minimales en matière sociale et de durabilité environnementale, associée à l’étiquetage et à des incitations commerciales, créerait des conditions de concurrence équitables pour les produits durables et garantirait qu’ils soient dûment reconnus. |
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7.3. |
Les critères en matière de marchés publics écologiques devraient utiliser les seuils de performance établis dans le cadre du RPC. Le Comité estime que les marchés publics écologiques jouent un rôle essentiel dans l’accélération des modèles d’économie circulaire, dans la promotion de la durabilité et dans la création d’un marché de l’Union pour des produits durables. Le CESE est convaincu qu’une normalisation européenne harmonisée des produits de construction fournira un cadre cohérent pour les États membres, tout en améliorant la transparence en matière de durabilité, de réparabilité, de sécurité, etc. |
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7.4. |
Le Comité souligne que les méthodes d’évaluation actuellement utilisées dans le secteur de la construction ne sont pas pleinement harmonisées et peuvent aboutir à des résultats différents à travers l’Union, et donc à un manque de comparabilité. Parmi les conditions préalables figure l’amélioration de la cohérence et de la comparabilité des évaluations de la performance environnementale des produits de construction. Le CESE estime que l’évolution de la méthodologie de l’empreinte environnementale (8) est positive, ce qui peut contribuer à la réalisation de ces objectifs. |
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7.5. |
Le Comité salue l’intention de la Commission européenne de promouvoir un certain nombre de propositions législatives visant à améliorer la réparabilité des produits, à prolonger leur cycle de vie, à introduire un étiquetage énergétique et à fournir des services de réparation aux consommateurs. |
8. Directive relative aux emballages et aux déchets d’emballages
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8.1. |
Il importe de veiller à ce que tous les matériaux d’emballage mis sur le marché soient recyclables ou réutilisables. La conception des emballages en vue de la recyclabilité devrait tenir compte non seulement du taux de recyclage, mais aussi de la capacité des matériaux à être recyclés sans perdre leurs propriétés intrinsèques et du degré de substitution des matériaux primaires. Cela contribuera à garantir un recyclage de qualité élevée en fin de vie. La recyclabilité des matériaux d’emballage devrait être envisagée dans le cadre des régimes de responsabilité élargie des producteurs assortie d’une modulation écologique des redevances. |
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8.2. |
Si le contenu recyclé a un rôle à jouer pour stimuler la demande de matières recyclées, dans le cas des emballages en acier, il existe déjà un marché des matériaux secondaires qui fonctionne bien, le taux de recyclage des emballages en acier dépassant déjà 84 %. Par conséquent, l’obligation d’accroître le taux de recyclage peut effectivement augmenter les émissions de gaz à effet de serre si les déchets doivent être transportés sur de grandes distances et détournés d’autres flux. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Alliance mondiale pour une économie circulaire et une utilisation efficace des ressources.
(2) EUR-Lex: Communication COM(2021) 350 final sur la «Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020».
(3) EUR-Lex: Un nouveau plan d’action pour une économie circulaire — Pour une Europe plus propre et plus compétitive.
(4) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux transferts de déchets et modifiant les règlements (UE) no 1257/2013 et (UE) 2020/1056 [COM(2021) 709 final — 2021/0367 (COD)] (JO C 275 du 18.7.2022, p. 95).
(5) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux transferts de déchets et modifiant les règlements (UE) no 1257/2013 et (UE) 2020/1056 [COM(2021) 709 final — 2021/0367 (COD)] (JO C 275 du 18.7.2022, p. 95).
(6) Questions et réponses sur les nouvelles règles de l’UE sur les transferts de déchets.
(7) Stratégie de l’UE visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025).
(8) Recommandation (UE) 2021/2279 de la Commission du 15 décembre 2021 relative à l’utilisation de méthodes d’empreinte environnementale pour mesurer et indiquer la performance environnementale des produits et des organisations sur l’ensemble du cycle de vie (JO L 471 du 30.12.2021, p. 1).
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/8 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Remédier aux pénuries structurelles et renforcer l’autonomie stratégique dans l’écosystème des semi-conducteurs»
(avis d’initiative)
(2023/C 140/02)
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Rapporteur: |
Anastasis YIAPANIS |
|
Corapporteur: |
Guido NELISSEN |
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Décision de l’assemblée plénière |
20.1.2022 |
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Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
|
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) |
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Adoption en section |
9.12.2022 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
179/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) préconise une transparence accrue ainsi qu’un suivi et une gestion plus stratégiques tout au long des chaînes d’approvisionnement des puces électroniques, une meilleure prévision de leur disponibilité et des partenariats plus étroits, en coordination avec les pouvoirs publics à l’échelon européen. |
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1.2. |
Le Comité estime que la stratégie européenne sur les semi-conducteurs devrait soutenir toutes les étapes de leur chaîne de valeur, en accordant une attention particulière à la conception et à la fabrication de puces ainsi qu’à la production finale. La mise en œuvre du règlement sur les semi-conducteurs doit être soigneusement évaluée et suivie au moyen d’indicateurs clairs (ICP) établis en collaboration avec les acteurs du secteur et le conseil européen des semi-conducteurs. |
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1.3. |
Le CESE est particulièrement préoccupé par la dépendance actuelle de l’Union européenne (UE) à l’égard de la fabrication finale, spécialement en ce qui concerne la Chine. La coopération internationale entre les gouvernements, les pôles existant dans le domaine des semi-conducteurs et les institutions de recherche et de développement est essentielle pour remédier aux pénuries actuelles, garantir des conditions de concurrence équitables et répondre aux besoins de la société dans son ensemble. |
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1.4. |
Le Comité accueille favorablement les 43 milliards d’EUR annoncés dans le règlement européen sur les semi-conducteurs ainsi que la future création du fonds «Semi-conducteurs», et plaide en faveur de la pleine exploitation des plans européens pour la reprise et la résilience. |
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1.5. |
Toutefois, le Comité constate que la Commission européenne n’a pas suffisamment insisté sur l’importance des matières premières, la circularité des processus de production et la dépendance actuelle à l’égard des pays tiers, et demande que la garantie d’accès aux matières premières essentielles utilisées dans la production des semi-conducteurs bénéficie d’une attention accrue. |
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1.6. |
Le CESE appelle de ses vœux un réexamen minutieux des accords de libre-échange et des partenariats internationaux existants, l’objectif étant clairement de parvenir à une autonomie stratégique ouverte et d’accroître la résilience de l’Europe. |
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1.7. |
Les investissements devraient être orientés vers les domaines où la dépendance de l’Europe à l’égard des fournisseurs de technologies étrangers est très élevée. Tout en évitant les subventions excessives, il s’avère nécessaire d’assurer un soutien public au niveau de l’UE et des États membres en faveur d’investissements dans des technologies transformatrices, des plateformes virtuelles de conception, des capacités de conception de puces de pointe et des installations pionnières, en mettant l’accent sur les puces avancées, pour réduire les risques et améliorer les délais de retour sur investissement. |
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1.8. |
Le Comité souhaite une répartition économiquement efficace mais équilibrée des fonds de l’UE entre les États membres et les régions, ainsi qu’entre les grandes entreprises, les jeunes pousses et les PME. Le CESE plaide également en faveur d’un plan d’action solide pour attirer les investissements étrangers des grandes entreprises internationales de semi-conducteurs. |
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1.9. |
Le Comité est d’avis que toute politique en matière de compétences devrait prendre en compte l’incidence de l’accélération de l’innovation sur le rythme des créations et des destructions d’emplois, tout en associant les partenaires sociaux de l’écosystème des semi-conducteurs, le monde universitaire et les centres de recherche concernés. Des efforts considérables sont nécessaires pour assurer le perfectionnement et la reconversion de la main-d’œuvre, et les programmes d’apprentissage tout au long de la vie et d’enseignement et de formation professionnels doivent aider les travailleurs du marché européen de l’emploi, en particulier dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques, à acquérir des compétences spécifiques essentielles. |
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1.10. |
Le CESE souligne que bon nombre des innovations conçues par les organismes de recherche et de technologie de l’UE sont reprises dans d’autres régions du monde et estime qu’il convient de rapprocher les secteurs de consommation finale de la base de recherche européenne sur les semi-conducteurs. |
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1.11. |
Le Comité demande un soutien accru en faveur des pôles dans le domaine des technologies numériques et une meilleure exploitation du potentiel d’innovation des PME de haute technologie. En outre, le CESE préconise une législation cohérente en ce qui concerne les incitations fiscales qui stimulent les investissements dans la recherche-développement, tout particulièrement celle portant sur la conception des puces. |
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1.12. |
Le Comité plaide pour un renforcement de l’innovation et de la protection contre les cyberattaques et une meilleure préparation à de nouvelles menaces inédites pour la cybersécurité. |
2. Enjeux pour la stratégie européenne sur les semi-conducteurs
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2.1. |
La révolution numérique et la recherche continue de technologies transformatrices ont entraîné une augmentation significative de la demande de semi-conducteurs. La pandémie de COVID-19 et la période de reprise qui a suivi se caractérisent par des pénuries généralisées de la chaîne d’approvisionnement qui, associées à l’augmentation des prix de l’énergie et aux goulets d’étranglement dans l’approvisionnement en matières premières essentielles, entravent la relance économique et freinent la production industrielle dans l’UE. |
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2.2. |
Le secteur européen de la microélectronique (455 000 emplois directs) occupe une position de premier plan au niveau mondial dans le domaine des processeurs pour systèmes embarqués, des capteurs, des puces à radiofréquence, du matériel électronique de puissance, des plaquettes de silicium, des produits chimiques et des équipements avancés de production de puces. L’UE dispose également d’une solide base de recherche grâce à ses centres de recherche et à ses initiatives ambitieuses en matière de recherche et de développement. |
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2.3. |
La demande de semi-conducteurs dans l’industrie automobile devrait augmenter de 300 % d’ici à 2030, tandis que les besoins en puces du secteur industriel électronique devraient doubler sur la même période, alimentés par certaines grandes tendances telles que les technologies de production haut de gamme de l’Industrie 4.0. Le secteur des communications représente 15 % de la demande européenne de puces, les composants de puces critiques destinés aux équipements de communication pour la 5G étant principalement conçus et produits en dehors de l’UE. Les secteurs des soins de santé, de l’énergie, de l’aérospatial, de la défense et du jeu, entre autres, évoluent tous sur le plan technologique et connaissent une augmentation de la demande de semi-conducteurs avancés et matures pour leurs processus de production et leurs produits. Les semi-conducteurs sont également essentiels au développement d’applications industrielles émergentes de l’intelligence artificielle et de l’internet des objets, un marché qui connaît une croissance annuelle de 50 %. La mise en place d’une stratégie dans le domaine des semi-conducteurs sur ces solides marchés finaux existants et émergents créera un cercle vertueux en rendant les principales industries manufacturières européennes plus compétitives, tout en renforçant les capacités de fabrication de semi-conducteurs au sein de l’Union. |
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2.4. |
Par ailleurs, l’industrie européenne est moins bien représentée sur plusieurs marchés finaux importants pour les semi-conducteurs, tels que l’informatique en nuage et le stockage de données, l’informatique individuelle, les communications sans fil (smartphones) et les appareils grand public (jeux). En outre, avec seulement 50 usines de fabrication de semi-conducteurs sur le sol européen, la base de fabrication est plutôt faible. L’UE n’est pas en mesure de produire des puces de taille inférieure à 22 nm et elle occupe une position défavorable en matière de conception et d’outils d’automatisation de la conception. En conséquence, l’UE affichait un déficit commercial de 19,5 milliards d’EUR pour les semi-conducteurs en 2021 (51 milliards d’EUR d’importations contre 31,5 milliards d’EUR d’exportations) (1). |
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2.5. |
Dans la mesure où la demande et l’utilisation de puces électroniques ne feront qu’augmenter à l’avenir, le CESE plaide en faveur de programmes ambitieux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur et fondés sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et les technologies de pointe. |
3. Compétitivité et autonomie stratégique
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3.1. |
Les nombreux risques pesant sur le secteur des semi-conducteurs (pénuries structurelles, risques liés à la chaîne d’approvisionnement, monopole dans certains maillons clés de la chaîne de valeur, risques géopolitiques) et leur incidence sur un large éventail de domaines ont fait prendre conscience de la nécessité de renforcer la souveraineté technologique de l’Europe à cet égard. |
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3.2. |
Les ruptures d’approvisionnement en semi-conducteurs ont des effets très négatifs sur l’économie et la société européennes. En raison de la complexité de la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs, il est difficile de déceler et d’évaluer les risques liés aux perturbations et de prendre les mesures d’atténuation adéquates. Le CESE est d’avis qu’il est possible de renforcer la chaîne de valeur des semi-conducteurs en augmentant sa transparence et sa visibilité, en assurant un suivi et une gestion plus stratégiques de la chaîne d’approvisionnement, en améliorant les prévisions en matière de disponibilité des puces et en établissant des partenariats plus étroits à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement, en coordination avec les pouvoirs publics à l’échelon européen. |
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3.3. |
Pour répondre aux préoccupations relatives à l’approvisionnement à long terme et pour faire face à la concurrence mondiale en ce qui concerne la conception et la production de composants de semi-conducteurs de plus en plus complexes, le CESE est d’avis que la stratégie européenne sur les semi-conducteurs devrait soutenir toutes les étapes de la chaîne de valeur des semi-conducteurs, y compris la recherche sur les semi-conducteurs, la conception, la fabrication de puces électroniques, l’assemblage, les essais et le conditionnement. |
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3.4. |
Le CESE estime notamment que l’UE doit investir dans des domaines, tels que la conception et l’automatisation de la conception électronique, les capacités de fabrication et le conditionnement avancé, où la dépendance européenne à l’égard des fournisseurs étrangers de technologies est très élevée. |
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3.5. |
Étant donné que les semi-conducteurs sont clairement devenus un domaine technologique stratégique et que l’UE ne dispose pas de capacités de fabrication pour les puces matures et avancées, elle doit soutenir les investissements dans la production de puces électroniques, car ils sont essentiels pour rendre la production plus résiliente dans des secteurs clés. En effet, dans les secteurs industriels européens, la demande déjà élevée de puces matures, avec une technologie de 12 à 40 nm, continue d’augmenter. Dans le même temps, la demande de puces avancées, avec des nœuds de moins de 10 nm, devrait augmenter beaucoup plus rapidement en raison de la transition vers l’informatique de périphérie, l’informatique quantique, l’internet des objets, la conduite automatisée et l’intelligence artificielle. Ces technologies entraînent des changements drastiques dans de nombreux secteurs industriels, tels que l’ingénierie, l’industrie automobile, l’électronique, la santé, la défense et les énergies renouvelables. Ces secteurs pourraient de toute évidence permettre de créer un marché européen en vue de soutenir la production européenne de nœuds avancés à plus long terme. |
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3.6. |
Toutefois, afin de donner la priorité aux investissements, le Comité estime qu’avant tout, ceux-ci devraient être orientés vers les capacités de conception pour les puces de pointe, sachant que l’Europe ne dispose pas de telles capacités pour les semi-conducteurs logiques avancés. |
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3.7. |
Il convient également d’accorder une attention particulière à la fabrication finale (y compris l’assemblage, les essais et le conditionnement), qui nécessite davantage de main-d’œuvre et qui pourrait être concentrée de manière stratégique en Europe du Sud-Est, où les coûts du travail sont plus compétitifs. Le CESE s’inquiète des différents risques auxquels l’UE est exposée en raison de sa dépendance actuelle à l’égard de la fabrication finale, spécialement en ce qui concerne la Chine. |
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3.8. |
Il est primordial de garantir l’accès aux matières premières essentielles utilisées dans la production de semi-conducteurs, telles que des produits chimiques de grande pureté (germanium, bore, indium), des gaz spéciaux (néon, hélium, argon) et des substituts du silicium (par exemple, le carbure de silicium pour une meilleure gestion de l’énergie). En raison de leur complexité croissante, la demande de ces matériaux n’augmentera qu’à mesure que la demande de puces s’amplifie. |
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3.9. |
Le Comité constate que la Commission européenne n’a pas suffisamment insisté sur l’importance des matières premières, la circularité des processus de production et la dépendance actuelle à l’égard des pays tiers. Le CESE a souligné qu’il conviendrait que «la Commission et l’industrie examinent de concert avec les États membres les pistes envisageables pour diversifier les sources d’approvisionnement et, plus particulièrement, pour mieux recycler les matières premières critiques, dans la logique d’une économie circulaire industrialisée en matière de microélectronique» (2). |
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3.10. |
Le Comité est d’avis que la mise en œuvre du règlement sur les semi-conducteurs doit faire l’objet d’une évaluation et d’un suivi minutieux et demande que des indicateurs clés de performance clairs permettent d’évaluer les progrès accomplis. Ces indicateurs doivent être établis en collaboration avec les acteurs du secteur et le conseil européen des semi-conducteurs. |
4. Participation des parties prenantes de l’UE, coopération internationale et partenariats stratégiques
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4.1. |
Le Comité considère que l’alliance industrielle pour les processeurs et les technologies des semi-conducteurs, lancée par la Commission en juillet 2021, a un rôle très important à jouer pour recenser les lacunes existantes dans le processus de production et adopter les technologies dans l’UE. Cette alliance devrait aborder en détail le renforcement de la résilience de l’UE et la garantie de la sécurité des chaînes d’approvisionnement, en associant les partenaires sociaux de l’écosystème des semi-conducteurs, le monde universitaire et les centres de recherche concernés. |
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4.2. |
Le CESE estime que la coopération internationale entre les gouvernements, les pôles existant dans le domaine des semi-conducteurs et les institutions de recherche et de développement est essentielle pour remédier aux pénuries actuelles et garantir une confiance mutuelle en vue de parvenir à des conditions de concurrence équitables. Par ailleurs, le renforcement de l’écosystème européen des semi-conducteurs conduira à des dépendances mutuelles entre les chaînes de valeur mondiales, qui, à leur tour, influenceront les négociations internationales et augmenteront la résilience générale de l’ensemble du secteur. Néanmoins, le CESE a déjà exprimé une position claire selon laquelle «[il] s’impose d’éviter une course aux subventions et d’allouer les fonds de manière efficace sans créer de surcapacités ni de distorsions du marché» (3). |
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4.3. |
Le CESE appelle de ses vœux un réexamen minutieux des accords de libre-échange et des partenariats industriels internationaux existants, l’objectif étant clairement de parvenir à une autonomie stratégique ouverte et d’accroître la résilience de l’Europe dans un contexte géopolitique toujours plus complexe. Les discussions devraient être intensifiées au sein du conseil européen des semi-conducteurs, qui devrait accroître le nombre de ses membres en invitant les acteurs du secteur et les partenaires sociaux représentatifs de l’UE, ainsi que les centres de recherche les plus importants. |
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4.4. |
Les débats dans les enceintes européennes doivent également se concentrer sur la mise en œuvre de la proposition d’accélérer les procédures d’autorisation pour de nouvelles installations, ce qui pourrait constituer une incitation majeure à la négociation d’investissements étrangers substantiels (4) et créerait une demande immédiate. Plus important encore, la réduction de la charge administrative et la mise en œuvre de mécanismes réglementaires dans l’ensemble des États membres réduiront la fragmentation et garantiront la prévisibilité des futurs investissements. |
5. Financement
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5.1. |
Le CESE accueille favorablement les 43 milliards d’EUR annoncés dans le règlement européen sur les semi-conducteurs et la future création du fonds «Semi-conducteurs», mais demande des précisions sur la manière dont ces fonds publics et privés seront levés et alloués. De plus, le Comité souligne qu’il convient d’exploiter pleinement les plans européens pour la reprise et la résilience, qui visent à consacrer 20 % de leur budget à la transformation numérique des États membres. |
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5.2. |
Le CESE estime nécessaire d’assurer un soutien public au niveau de l’UE et des États membres en faveur d’investissements dans des technologies de pointe, des plateformes virtuelles de conception et des installations pionnières, en mettant l’accent sur les puces avancées, afin de réduire les risques et d’améliorer les délais de retour sur investissement pour les installations qui doivent être construites ex nihilo. |
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5.3. |
Étant donné que le conseil européen des semi-conducteurs proposé sera composé de représentants des États membres, le CESE craint que ces pays en viennent à se battre les uns contre les autres pour obtenir une plus grande part des fonds. Par conséquent, le Comité souhaite une répartition économiquement efficace mais équilibrée des fonds de l’UE entre les États membres et les régions, ainsi qu’entre les grandes entreprises, les jeunes pousses et les PME, afin que personne ne soit laissé pour compte. En outre, en ce qui concerne l’entreprise commune «Semi-conducteurs», le CESE a déjà indiqué qu’il convenait de définir des critères spécifiques et que, «[sur] ce point, un rôle pourrait être joué par d’autres facteurs d’évaluation, relevant de la politique sociale, qu’il s’agisse, entre autres exemples, de l’attitude de l’entreprise concernée vis-à-vis du dialogue social et des négociations collectives et de la priorité donnée à la coopération avec des fournisseurs établis dans l’Union européenne, mais aussi du nombre d’emplois additionnels, à caractère durable, qui résultent des investissements concernés, ou encore de la qualité des conditions de travail» (5). |
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5.4. |
Le fonds «Semi-conducteurs» proposé augmentera la disponibilité des prêts et du financement par le capital-risque et facilitera la poursuite de la croissance des petites entreprises innovantes dans le domaine des semi-conducteurs. Cependant, il est nécessaire de disposer d’un marché européen du capital-risque à part entière pour aider ces entreprises à franchir la «vallée de la mort» qui mène de la démonstration à l’introduction sur le marché. Le CESE appelle de ses vœux des orientations pratiques, en particulier pour les jeunes pousses et les PME, sur la manière d’accéder à ces fonds. |
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5.5. |
Enfin, le Comité souhaite que soit élaboré un plan d’action solide pour attirer également les investissements étrangers, notamment de la part d’entreprises internationales de premier plan dans le domaine des semi-conducteurs, afin d’attirer à la fois des capitaux et des savoir-faire sur le sol européen. |
6. Compétences
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6.1. |
Les compétences numériques sont devenues un atout immatériel essentiel de la révolution industrielle numérique et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée constitue désormais un élément important pour les décisions en matière d’investissement, tandis que le manque de compétences ralentit gravement le déploiement des capacités numériques. L’éducation au numérique et la sensibilisation du grand public aux conséquences sociétales des applications numériques, comme les avantages et les risques liés à la concentration du pouvoir ou au respect de la vie privée, sont des outils essentiels pour permettre aux consommateurs et à la société civile de contribuer de manière responsable aux évolutions futures de l’écosystème des semi-conducteurs et pour attirer la jeune génération. Le CESE demande également qu’une attention particulière soit accordée à la nécessité de protéger la santé des travailleurs du secteur de la fabrication de puces qui sont exposés à des substances dangereuses. |
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6.2. |
À l’heure actuelle, les vacances de postes d’ingénieurs, de spécialistes en conception et de techniciens augmentent à un rythme alarmant. Le CESE se félicite de la création récente du partenariat pour les compétences dans l’écosystème numérique. Dans le cadre de la stratégie européenne en matière de compétences, en plus d’atteindre les objectifs visés par celle-ci ainsi que par le socle européen des droits sociaux (assurer la participation d’au moins 60 % des adultes à des actions de formation), ce partenariat devrait contribuer à réaliser ceux du programme pour la décennie numérique (doter 80 % des citoyens de compétences numériques de base, réduire les déséquilibres entre les hommes et les femmes et avoir 20 millions de spécialistes des technologies de l’information et de la communication d’ici à 2030). |
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6.3. |
Toute politique en matière de compétences devrait prendre en compte l’incidence de l’accélération de l’innovation sur le rythme des créations et des destructions d’emplois, y compris la transformation du marché du travail causée par les évolutions technologiques dans le domaine de l’intelligence artificielle. Les emplois peu ou moyennement qualifiés risquent tout particulièrement de disparaître, en étant remplacés par des outils numériques et l’automatisation, tandis que la demande de compétences numériques avancées ne fera que croître. Le CESE estime que pour s’attaquer à ces problèmes, il faudra déployer des efforts considérables en faveur du perfectionnement et de la reconversion de la main-d’œuvre, surtout pour les travailleurs touchés par l’obsolescence des compétences technologiques. En outre, les programmes d’apprentissage tout au long de la vie et d’enseignement et de formation professionnels doivent aider les travailleurs du marché européen de l’emploi à se spécialiser en acquérant des compétences spécifiques essentielles. Par conséquent, il sera essentiel que les étudiants puissent accéder à des équipements de conception et de fabrication de pointe ainsi qu’à une expérience de formation concrète. |
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6.4. |
Le Comité estime également que l’UE a besoin d’un cadre législatif cohérent pour attirer une main-d’œuvre étrangère spécialisée dans les semi-conducteurs. Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission intitulée «Attirer des compétences et des talents dans l’UE» (6) et estime qu’elle doit être complétée par des programmes de perfectionnement et de reconversion professionnels, y compris pour les travailleurs du domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques. |
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6.5. |
D’autre part, le CESE craint que le manque de compétences dans le monde entier ne conduise à une guerre des talents, qui se traduira par une fuite des cerveaux au sein de l’UE ou au niveau international. Le CESE attend donc avec intérêt la prochaine communication intitulée «Fuite des cerveaux — atténuer les problèmes liés au déclin de la population». |
7. Recherche, développement et innovation
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7.1. |
Le CESE souligne que, malheureusement, nombre des innovations qu’ils conçoivent sont reprises dans d’autres régions du monde et n’ont pas permis de renforcer la base manufacturière de l’UE. Par conséquent, le CESE estime que ces organismes européens doivent rassembler l’ensemble de la base industrielle et le savoir-faire existant en matière de semi-conducteurs, moderniser et construire des lignes pilotes de semi-conducteurs et explorer et exploiter les perspectives d’avenir dans des domaines clés tels que l’informatique de périphérie, l’intelligence artificielle et la cybersécurité. À cet égard, il s’avérera essentiel de rapprocher les secteurs de consommation finale de la base de recherche européenne. |
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7.2. |
Le Comité demande des feuilles de route à long terme en ce qui concerne l’innovation afin de soutenir la transition numérique, étant donné qu’elles permettent une approche proactive pour orienter les investissements en matière de recherche et de développement en faveur d’objectifs stratégiques à plus long terme et pour combler les lacunes de l’écosystème des semi-conducteurs. Par ailleurs, le Comité préconise que le potentiel d’innovation des PME de haute technologie soit mieux exploité, ces entreprises étant souvent très spécialisées, agiles et actives sur des marchés de niche de grande valeur. |
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7.3. |
Le CESE souligne qu’il convient de mieux protéger la précieuse propriété intellectuelle des entreprises intégrée dans les puces électroniques et se félicite des règles claires annoncées dans le règlement sur les semi-conducteurs. Les futures activités du conseil européen des semi-conducteurs doivent comprendre des consultations en temps utile avec les acteurs du secteur sur la protection efficace des droits de propriété intellectuelle de l’UE. |
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7.4. |
Le Comité est d’avis que des investissements spéciaux devraient être consacrés à la recherche et au développement dans le domaine de la conception de puces, car cette branche représente la part la plus importante de la valeur ajoutée et peut également renforcer les arguments économiques en faveur de capacités de fabrication plus avancées. Dans ce contexte, il convient également de tenir compte de la bioéconomie, en plein essor, et de ses nombreuses applications futures. La Commission devrait analyser les possibilités d’adopter une législation cohérente en ce qui concerne les incitations fiscales qui stimulent les investissements en faveur de la recherche et du développement, en particulier en ce qui concerne les futurs consortiums comprenant de grandes entreprises, des PME, des jeunes pousses et des entreprises dérivées d’organismes de recherche. |
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7.5. |
La cybersécurité est devenue un sujet majeur pour de nombreux secteurs industriels tels que l’automobile, l’ingénierie, les communications, les soins de santé, l’aérospatial et la défense. Le CESE plaide pour le renforcement de l’innovation et de la protection contre les cyberattaques et souligne la nécessité d’une meilleure préparation à de nouvelles menaces inédites pour la cybersécurité. Le Comité soutient la proposition de législation européenne sur la cyberrésilience, qui introduira de nouvelles exigences en matière de cybersécurité et permettra aux producteurs et aux consommateurs de mieux comprendre les cybermenaces. Il demande également que le rôle de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité soit encore renforcé. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Document de travail des services de la Commission européenne — Règlement européen sur les semi-conducteurs (en anglais).
(2) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème des semi-conducteurs (règlement sur les semi-conducteurs) [COM(2022) 46 final — 2022/0032 (COD)] (JO C 365 du 23.9.2022, p. 34).
(3) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Action européenne sur les semi-conducteurs» [COM(2022) 45 final] (JO C 365 du 23.9.2022, p. 23).
(4) Comme dans le cadre des négociations en cours avec Intel (États-Unis), Samsung (Corée du Sud) et TSMC (Taïwan).
(5) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème des semi-conducteurs (règlement sur les semi-conducteurs) [COM(2022) 46 final — 2022/0032 (COD)] (JO C 365 du 23.9.2022, p. 34).
(6) COM(2022) 657 final — Communication de la Commission intitulée «Attirer des compétences et des talents dans l’UE».
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/14 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «COVID-19: le rôle de la société civile dans la reconstruction et la résilience de la région euro-méditerranéenne»
(avis d’initiative)
(2023/C 140/03)
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Rapporteur: |
Angelo PAGLIARA |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Section «Relations extérieures» |
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Adoption en section |
20.12.2022 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
183/0/5 |
1. Introduction
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1.1. |
La crise pandémique a frappé de plein fouet la région euro-méditerranéenne, exacerbant les problèmes existants et ajoutant de nouveaux défis aux précédents. Les conséquences socio-économiques qui en résultent sont susceptibles d’accroître les inégalités, en particulier dans les pays dont les systèmes économiques et productifs sont faibles. |
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1.2. |
Le comité de suivi Euromed du CESE a décidé de se pencher plus particulièrement sur le rôle de la société civile dans la reconstruction et la résilience de la région euro-méditerranéenne. |
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1.3. |
Les organisations de la société civile de la région euro-méditerranéenne et les conseils économiques et sociaux de différents pays ont été associés à l’élaboration du présent rapport. Une coopération étroite et spéciale a été mise en place avec le Conseil économique, social et environnemental marocain, qui a coorganisé le sommet Euromed 2021. |
|
1.4. |
Le rapport d’information apporte dès lors une importante valeur ajoutée en associant la société civile des deux rives de la Méditerranée. |
|
1.5. |
Le présent rapport s’inscrit en complément de ceux qui ont été élaborés sur «L’éducation et la formation professionnelle dans la région euro-méditerranéenne» ainsi que sur les thèmes «Numérisation et PME dans la région méditerranéenne» et «Développement durable dans la région méditerranéenne» (1). |
2. Conclusions
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2.1. |
Partout dans le monde, la société civile a réagi immédiatement à la pandémie en agissant en première ligne et en apportant aide et assistance à la population. Dans la région euro-méditerranéenne également, la société civile a joué un rôle crucial dans l’atténuation des effets négatifs de la COVID-19. |
|
2.2. |
Les organisations de la société civile y ont soutenu l’action des gouvernements en fournissant des services essentiels et une assistance sanitaire, distribué des équipements de protection individuelle et contribué à la diffusion d’informations essentielles, en particulier dans les régions reculées. Leur action a également été d’une importance capitale pour atténuer les effets de la pandémie sur les couches les plus vulnérables de la population telles que les femmes, les jeunes, les immigrés et les personnes handicapées. |
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2.3. |
L’action militante de la société civile a permis de renforcer la solidarité dans la région euro-méditerranéenne; de nombreuses organisations de la société civile des pays du voisinage méridional se sont engagées dans la création de groupes de solidarité civique, expérimentant des méthodologies innovantes et intensifiant leurs activités d’information et de coordination en ligne. |
|
2.4. |
Le CESE est convaincu qu’une reprise économique et sociale juste et équitable n’est possible qu’avec la participation des partenaires sociaux, des organisations de la société civile et du secteur privé, en particulier des PME. La relance de la région méditerranéenne et l’élaboration de modèles socio-économiques durables et résilients devront s’inspirer de principes tels que le respect de l’état de droit, la protection des valeurs démocratiques, des droits sociaux et des droits de l’homme, la mise en œuvre des conventions fondamentales de l’OIT et l’engagement commun en faveur de la réalisation des objectifs de développement durable et de neutralité climatique. |
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2.5. |
Le CESE se félicite de l’adoption du nouveau programme pour la Méditerranée et souligne la nécessité que toutes les mesures de soutien à la relance soient guidées par le développement et l’amélioration de la qualité de vie des populations de la région. |
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2.6. |
Aujourd’hui, la Méditerranée concentre un certain nombre d’enjeux sociaux, politiques, environnementaux, géopolitiques et migratoires qui sont des défis majeurs non seulement pour l’Europe, mais aussi pour le monde dans son ensemble. Le CESE estime que seul un multilatéralisme renouvelé et efficace soutenu par l’Union européenne permettra de relever les défis multidimensionnels croissants qui se posent dans la région. |
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2.7. |
Les effets du changement climatique ont également des répercussions sur la région méditerranéenne et se traduisent par la désertification, la rareté de l’eau et la hausse des températures. La crise actuelle a mis en lumière la nécessité de renforcer la résilience commune et d’ouvrir de nouveaux chantiers en matière de coopération dans le domaine de l’environnement et de la numérisation. Le CESE juge utile, compte tenu notamment de la prise de conscience croissante de la société civile et par le biais d’une plus grande participation des partenaires sociaux, d’étendre et de renforcer des initiatives telles que WestMED afin de contribuer à la réalisation des objectifs climatiques et environnementaux au moyen de modèles d’économie bleue visant à créer des emplois et à protéger l’écosystème et la diversité. |
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2.8. |
Dix ans après les Printemps arabes, l’Union européenne a renouvelé sa stratégie de coopération avec son voisinage méditerranéen. Dans ce contexte, le CESE considère le nouveau programme pour la Méditerranée comme un instrument essentiel pour la relance économique et sociale de la région à la suite de la crise de la COVID-19. L’engagement renouvelé de partenariat doit être étroitement lié non seulement aux défis économiques et sociaux, mais aussi aux défis environnementaux, démographiques et migratoires, dans le plein respect des progrès et des valeurs fondatrices de l’Union. La situation des établissements de santé s’est révélée fragile dans de nombreuses zones de la région, et la crise pandémique est un test important qui pourrait également affecter la stabilité politique. |
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2.9. |
Il convient, dans les programmes de relance et de reconstruction de la région méditerranéenne, d’accorder une importance particulière à la reprise rapide du secteur du tourisme et spécialement des petites et moyennes entreprises, qui représentent plus de la moitié des emplois dans l’Union européenne. Un impact prolongé de la crise, compte tenu également du chômage structurel, en particulier chez les jeunes et les femmes, aurait de graves conséquences sociales. |
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2.10. |
Il importe tout particulièrement de développer le capital humain de la main-d’œuvre afin de garantir le développement durable des partenaires de l’Union situés dans le bassin méditerranéen. Il y a lieu de promouvoir la formation du personnel, notamment dans le secteur du tourisme. Le CESE note par ailleurs que le problème de la «fuite des cerveaux» depuis les pays partenaires méridionaux vers ceux dont l’industrie est fortement développée constitue un obstacle majeur, qui s’oppose en particulier à la transformation numérique des économies des premiers. Aussi les États membres de l’Union européenne devraient-ils octroyer plus facilement des permis de travail à court et à moyen terme au sein de celle-ci, à des travailleurs indépendants comme à des salariés, notamment dans le secteur informatique. En outre, la Commission devrait soutenir la mise en œuvre de projets numériques dans les pays partenaires afin que les techniciens informatiques, en particulier, puissent bénéficier de perspectives d’emploi intéressantes dans leur pays d’origine. |
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2.11. |
Afin de renforcer son dialogue avec les pays du voisinage méridional, l’Union utilisera les instruments et programmes de coopération existants. Le Comité économique et social européen recommande une participation aussi large que possible des organisations de la société civile au moyen d’un dialogue social et civil inclusif à tous les niveaux, qui tienne compte des spécificités et des rôles des différents acteurs concernés et qui souligne leur contribution à la conception et à la mise en œuvre des politiques et des mesures nécessaires pour gérer l’impact des changements et des crises actuels, en commençant par les effets du changement climatique. |
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2.12. |
Selon les estimations, de nombreux pays du voisinage méridional connaîtront une baisse de leur PIB par habitant et devront relever des défis considérables pour faire face aux risques sociaux, économiques et de pauvreté, lesquels vont croissant. C’est la raison pour laquelle des plans de reconstruction économique et financière, comportant des mesures qui permettent également de résoudre les problèmes à l’origine de l’augmentation de la précarité sociale, sont nécessaires. |
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2.13. |
La relance économique de nombreux pays du voisinage méditerranéen est étroitement liée à l’efficacité d’une campagne de vaccination appropriée; aussi le CESE recommande-t-il le renforcement du mécanisme COVAX et, de la part des institutions européennes, un soutien maximal en matière logistique et d’approvisionnement, y compris par le biais d’accords bilatéraux. Le Comité fait valoir qu’il est particulièrement important d’aider les pays partenaires du sud de la Méditerranée à mettre en place, sur leur territoire, des installations autonomes de production de vaccins et de produits médicaux. Dans ce contexte, il plaide une fois de plus en faveur d’un débat sérieux concernant la levée des brevets sur les vaccins et les produits médicaux en vue de lutter contre les pandémies. |
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2.14. |
Le CESE estime que, dans le contexte de la relance de l’après-COVID, la participation active de la société civile contribuera à la réalisation d’objectifs tels que l’amélioration de la qualité de vie des citoyens et l’élaboration d’un nouveau modèle de développement durable. Il invite dès lors les institutions européennes à renforcer encore, dans le cadre du partenariat avec les pays du voisinage méridional, tous les instruments permettant d’associer les organisations de la société civile. |
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2.15. |
Les organisations de la société civile sont montées en première ligne pour soutenir la réponse sanitaire et sociale à la pandémie, et leur action militante a contribué à atténuer les conséquences sociales et sanitaires pour la population. Toutefois, comme le CESE l’a déjà souligné, leur capacité à répondre aux besoins de la société est conditionnée par le fait que les ressources sont souvent limitées et sujettes à des fluctuations. Le CESE est convaincu de la nécessité de renforcer les mécanismes de soutien aux organisations de la société civile afin de mieux protéger les groupes les plus vulnérables particulièrement touchés par la pandémie tels que les jeunes, les femmes, les migrants et les personnes handicapées. |
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2.16. |
Le CESE appelle les institutions européennes à poursuivre leur action en faveur de la paix, des démocraties et du respect des droits de l’homme dans les zones de conflit du voisinage méditerranéen. La situation des populations dans les zones de conflit s’est encore aggravée à la suite de la pandémie et des efforts considérables sont nécessaires pour garantir un plan de paix complet. |
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2.17. |
Compte tenu de la sortie assurément difficile de la crise pandémique, les négociations commerciales en cours entre l’Union européenne et le Maroc et la Tunisie, ainsi que les négociations à venir avec la Jordanie, gagnent en importance. L’Union devrait davantage tenir compte des asymétries existantes et répondre comme il se doit aux attentes de ses partenaires commerciaux du Sud. Le CESE appelle à une meilleure participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux aux processus de négociation et à un ancrage formel dans les traités afin de leur permettre de contribuer positivement aux relations commerciales entre les pays partenaires, s’agissant en particulier, pour les futurs accords commerciaux, de garantir la mise en œuvre des chapitres obligatoires sur le développement durable. |
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2.18. |
Le CESE suggère en outre de confier aux organisations de la société civile (OSC) et aux partenaires sociaux, au titre de leur participation revêtant une structure formelle, la responsabilité non seulement des chapitres sur le développement durable, mais bien du champ d’application intégral des accords de commerce et d’investissement. |
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2.19. |
Le CESE défend une nouvelle fois le point de vue selon lequel l’Union européenne devrait consacrer une partie des fonds de l’initiative «Aide pour le commerce» au soutien de la participation et du renforcement des capacités des OSC, et permettre ainsi à ces dernières de consentir des efforts en matière de commerce et d’investissement durables. |
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2.20. |
Par le passé, le CESE a déjà plaidé en faveur d’un renforcement des compétences numériques de part et d’autre de la Méditerranée. À la suite de l’adoption de la nouvelle stratégie pour la Méditerranée et dans la perspective de la reconstruction de l’après-pandémie, le CESE rappelle la nécessité de renforcer les investissements dans les infrastructures numériques et de soutenir la transformation numérique des PME en tant que moteurs du développement social et de l’emploi, notamment en encourageant la participation des partenaires sociaux et en reconnaissant le potentiel des négociations collectives et du dialogue social aux différents niveaux. |
3. Observations générales
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3.1. |
La crise pandémique a exacerbé les situations critiques dans les pays du voisinage méditerranéen; 25 ans après la déclaration de Barcelone et 10 ans après les Printemps arabes, les défis de la Méditerranée demeurent considérables. L’Union européenne et ses partenaires de la région méditerranéenne ont récemment décidé de relancer et de renforcer la coopération grâce à l’ambitieux «Nouveau programme pour la Méditerranée». |
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3.2. |
Celui-ci repose sur la conviction que ce n’est qu’en travaillant ensemble et dans un esprit de partenariat que les défis stratégiques de demain pourront être relevés avec succès dans l’intérêt mutuel. Le programme comprend un plan d’investissement économique spécifique destiné à soutenir la relance socio-économique du voisinage méditerranéen pour la période 2021-2027. L’objectif commun, comme l’a déclaré le haut représentant Josep Borrell, est de construire un voisinage méridional pacifique, sûr, plus démocratique, plus respectueux de l’environnement, prospère et inclusif. |
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3.3. |
Selon une étude récente publiée par le dialogue méditerranéen pour les droits et l’égalité, intitulée «Bridging the Sea» (Construire un pont sur la mer) (2), près de 63 % des organisations de la société civile actives dans les pays du voisinage méridional s’occupent de questions telles que la consolidation de la démocratie et des droits, tandis que plus de 53 % traitent, entre autres, de la lutte contre les inégalités socio-économiques. Elles sont de plus en plus sensibles et attentives aux questions écologiques et environnementales. Ces chiffres confirment l’existence d’une base solide et la nécessité de renforcer le soutien à la société civile afin de mieux relever les défis à venir. |
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3.4. |
La société civile des pays du voisinage méridional a renforcé sa présence au cours des deux dernières décennies. Son intervention a permis d’atténuer les conséquences sociales et sanitaires pour la population, tout en soulignant la nécessité d’agir pour renforcer la capacité et les compétences de la société civile en vue d’une efficacité accrue. |
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3.5. |
La région méditerranéenne, comme le reste du monde, a subi un grave choc économique et social en raison de la pandémie de COVID-19. Les répercussions sur le plan social et sanitaire ont été aggravées par le manque d’infrastructures sanitaires publiques adéquates, en particulier dans les pays les plus fragiles. La crise pandémique s’est ajoutée aux crises qui existaient déjà dans plusieurs pays en raison d’un certain nombre de facteurs tels que des situations économiques et sociales déjà précaires, des taux de chômage élevés et les conséquences des conflits dans certaines régions comme la Libye et la Syrie. |
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3.6. |
Les gouvernements de la région méditerranéenne ont réagi immédiatement — bien que de manières très diverses — afin d’endiguer la propagation de la pandémie en mettant en place des mesures de soutien aux travailleurs et aux entreprises, y compris en coopération avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile, même si leur participation a souvent été insuffisante, voire inexistante dans certains cas. Pour contenir les effets de la pandémie, presque tous les États de la région méditerranéenne ont adopté des mesures de confinement, comme au Maroc, en Égypte, en Jordanie et au Liban, ainsi que des couvre-feux et des restrictions en matière de déplacements. |
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3.7. |
Dans le sillage de la crise pandémique, de nombreux gouvernements de la région ont mis en place des politiques de grande ampleur pour faire face à la crise économique et soutenir certains secteurs spécifiques en encourageant la production et en instaurant des avantages fiscaux et économiques et des mesures visant à attirer les investissements. |
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3.8. |
La pandémie a eu des répercussions négatives sur les économies de l’ensemble des pays de la région méditerranéenne, non seulement en raison de facteurs tels que la baisse de la demande intérieure et extérieure et l’effondrement de la consommation, mais aussi du fait de la détérioration de la situation financière et de la dette publique. Depuis le déclenchement de la crise pandémique, les gouvernements de la région ont alloué des ressources supplémentaires au système de santé et à l’économie pour soutenir certains secteurs. En conséquence, le déficit public de presque tous les pays de la région méditerranéenne augmentera considérablement. |
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3.9. |
Le secteur des transports a été durement touché par les mesures restrictives qui ont entravé et réduit la mobilité internationale, ce qui explique que le tourisme ait été l’un des secteurs les plus frappés par la crise pandémique. Selon les estimations de l’OCDE, le secteur s’est contracté de 45 à 70 % et le tourisme international a diminué de 60 à 80 % (3). Le tourisme est l’un des principaux secteurs économiques des pays méditerranéens et, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), l’Égypte et le Maroc figureront parmi les pays les plus touchés au monde (4). |
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3.10. |
Les microentreprises, les petites et moyennes entreprises et les travailleurs indépendants constituent l’une des composantes importantes de l’économie des pays de la rive sud. Elles ont connu une baisse considérable de leur chiffre d’affaires et la plupart ont été contraintes de réduire leurs effectifs. À cet égard, des mesures structurelles seront nécessaires pour aider les PME à sortir de la crise, à se développer et à innover en relevant le double défi de la numérisation et de la décarbonation. |
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3.11. |
La crise pandémique, dans la région méditerranéenne, a touché tous les groupes sociaux, mais plus particulièrement les jeunes, en raison de la détérioration du marché du travail et de la fermeture des écoles et des universités; les femmes, qui, dans certaines régions comme les pays du voisinage méridional, sont surtout employées dans l’économie informelle, dans l’agriculture et dans le secteur du tourisme, gravement affecté par les mesures de confinement; les groupes vulnérables tels que les travailleurs informels et les réfugiés, qui n’ont souvent pas bénéficié de mesures de protection sociale, et les personnes handicapées en raison de services souvent médiocres. |
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3.12. |
Dans certaines régions du voisinage méridional, des facteurs tels que la pénurie d’eau et le manque d’accès aux services d’assainissement ont exacerbé les effets de la pandémie, en particulier dans les couches les plus isolées sur le plan social, dans les zones de conflit et dans les camps de réfugiés. |
4. Défis et perspectives
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4.1. |
Comme l’a souligné le secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (5), la crise sanitaire actuelle met en péril les progrès socio-économiques qui ont été réalisés ces dernières années dans la région. Toutefois, cette crise est l’occasion de renforcer l’intégration et de rendre les économies plus résilientes. |
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4.2. |
Le rôle de la société civile dans la région euro-méditerranéenne est d’une importance capitale pour construire une société plus juste et plus inclusive après la pandémie; de même, comme cela a été souligné lors du sommet social de Porto (6), la participation active des partenaires sociaux et des organisations de la société civile est essentielle pour que personne ne soit laissé de côté et pour la mise en œuvre effective du socle européen des droits sociaux. |
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4.3. |
La COVID-19 et les mesures connexes mettent en péril la pérennité de la société civile. Les gouvernements et de nombreux donateurs ont suspendu les subventions, gelé les financements et réorienté les fonds vers les opérations de secours liées à la COVID-19. Il en résulte une menace pour la viabilité déjà fragile des OSC, pour leur capacité à continuer de servir la population et pour les emplois de nombre de leurs collaborateurs, même s’il existe de grandes attentes de la part des OSC. Le CESE souligne que les subventions organisationnelles en faveur de la durabilité et le financement d’un soutien de base sont essentiels pour permettre aux OSC de s’adapter à des situations qui évoluent rapidement et de poursuivre leurs opérations en période de crise. |
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4.4. |
Le CESE a souligné que la Méditerranée est l’une des régions les plus vulnérables du monde aux effets du changement climatique. La COVID-19 a eu une incidence négative sur la situation sociale et sur le développement, ce qui rend urgente l’adoption de stratégies en matière de développement durable et d’économie verte. |
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4.5. |
L’adoption de plans de relance dans la région méditerranéenne offre l’occasion d’assurer le développement économique, social et environnemental de la région. Il est essentiel de lier les possibilités de développement au respect de principes tels que la solidarité, la lutte contre les inégalités, la protection et le respect de l’état de droit. La participation active de la société civile est essentielle à la réalisation de tous les objectifs. |
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4.6. |
Dans les pays du voisinage méridional, les futurs plans de reconstruction de l’après-COVID, parallèlement à la croissance économique, devront figurer en tête des priorités dans le cadre des actions visant à limiter les problèmes environnementaux liés au changement climatique, à la rareté de l’eau, à la désertification et à la pollution. Les mesures de protection et de préservation de l’environnement, en diversifiant l’économie et en créant des emplois de qualité, pourraient avoir un impact positif sur la région méditerranéenne. Dans ce contexte, le CESE attire l’attention sur le potentiel considérable que recèlent les énergies renouvelables, en particulier les énergies solaire et éolienne, dans les pays partenaires méridionaux, et il invite l’Union et ses États membres à promouvoir des investissements communs plus durables dans ce domaine. |
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4.7. |
Le CESE a déjà fait valoir la nécessité de promouvoir une transition juste dans la région méditerranéenne afin de créer des effets bénéfiques en matière de santé, d’éducation et d’égalité entre les hommes et les femmes. Si l’on veut garantir une reprise véritablement fondée sur les principes de transition et de numérisation, il s’impose de promouvoir le développement d’attitudes entrepreneuriales spécifiques et de compétences numériques et d’y sensibiliser l’opinion publique. Le Comité se joint à l’appel lancé par les pays partenaires méridionaux, invitant l’Union et ses États membres à s’engager plus résolument dans le domaine de la coopération en matière de recherche et de développement en Méditerranée. |
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4.8. |
La relance des économies des pays du voisinage méridional, dans lesquels l’emploi et l’économie informels occupent une part importante, est aussi étroitement liée au développement d’un modèle efficace de formation et d’enseignement professionnels. Le CESE rappelle la nécessité de renforcer les compétences professionnelles, en particulier celles des jeunes et des femmes, afin qu’elles puissent être utilisées dans des contextes nationaux et transnationaux, dans le cadre d’une approche de formation continue en fonction de l’évolution du marché du travail. Les OSC jouent également un rôle important dans le renforcement des compétences grâce à l’éducation non formelle, à l’organisation d’ateliers et de formations et à la promotion de l’économie sociale. Le Comité rappelle également la nécessité, déjà soulignée par le dialogue régional de l’UpM avec les partenaires sociaux, entre autres, d’associer ces derniers à la démarche, afin de remédier à l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Il s’inscrit également dans le droit fil de récents avis du CESE sur ce sujet, en particulier: avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une facilité pour la reprise et la résilience» [COM(2020) 408 final — 2020/0104 (COD)] et la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un instrument d’appui technique» [COM(2020) 409 final — 2020/0103 (COD)] (JO C 364 du 28.10.2020, p. 132); ECO/515 règlement relatif à l’initiative d’investissement en réaction au coronavirus (non encore publié au Journal officiel); et avis du Comité économique et social européen sur «Une urgence au lendemain de la COVID-19: la conception d’une nouvelle matrice multilatérale» (avis d’initiative) (JO C 364 du 28.10.2020, p. 53).
(2) https://meddialogue.eu/wp-content/uploads/2021/02/Publication-Bridging-the-sea.pdf
(3) https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=134_134884-bnynpm0tjl&title=LES-ACTIONS-ENGAGEES-DANS-LE-DOMAINE-DU-TOURISME-FACE-AU-CORONAVIRUS-COVID-19
(4) https://unctad.org/system/files/official-document/ditcinf2020d3_en.pdf
(5) Les ministres des affaires étrangères de l’UpM définissent des domaines prioritaires pour renforcer la coopération et l’intégration régionale euro-méditerranéenne — Union pour la Méditerranée — UpM (ufmsecretariat.org).
(6) https://www.2021portugal.eu/fr/sommet-social-de-porto/porto-social-commitment/
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/20 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Boussole stratégique de l’UE»
(avis d’initiative)
(2023/C 140/04)
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Rapporteur: |
Christian MOOS |
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Corapporteur: |
Peter CLEVER |
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Décision de l’assemblée plénière |
14.7.2022 |
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Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Section «Relations extérieures» |
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Adoption en section |
20.12.2022 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
163/1/5 |
1. Synthèse et recommandations
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1.1. |
La boussole stratégique représente une avancée majeure. Il s’agit d’un catalogue de mesures et de projets concrets très importants qui renforcent la sécurité européenne. Le Comité économique et social européen (CESE) estime que la boussole stratégique doit être élargie de manière à former une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, et que la société civile doit être associée à ce processus. |
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1.2. |
Le CESE souligne que la sécurité va bien au-delà de la défense et qu’une stratégie globale de l’Union européenne (UE) en la matière devrait également insister plus fortement sur les aspects liés à sa dimension civile et préventive, afin de renforcer et de compléter les mesures de défense concrètes. |
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1.3. |
Le CESE insiste sur l’importance préventive de la justice sociale, des perspectives économiques et de la durabilité environnementale. La paix sociale et la stabilité économique constituent d’importants préalables permettant d’éviter le recours à la violence. Pour l’harmonie du corps social et un monde pacifique, il est primordial de limiter le réchauffement de la planète et d’en maîtriser les conséquences. |
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1.4. |
La boussole stratégique ne tient pas suffisamment compte du rôle que la société civile européenne peut et doit jouer afin de parvenir à une plus grande résilience face aux attaques hybrides et au travail de sape systématique ciblant la cohésion et la solidarité au sein des États membres de l’UE et entre eux que mènent des puissances inamicales. |
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1.5. |
Une politique de sécurité à caractère civil et préventif va de pair avec la capacité à se défendre militairement, laquelle doit être considérée comme une condition indispensable à la sécurité, et, grâce à son effet dissuasif, comme un facteur de prévention. |
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1.6. |
Le CESE est d’avis que la boussole stratégique brosse un tableau exagérément positif de la politique européenne de sécurité et de défense. |
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1.7. |
Pour l’UE, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) n’est pas qu’un simple partenaire stratégique: il est le garant fondamental de sa sécurité. Les Européens doivent apporter davantage de valeur ajoutée à l’OTAN, grâce à des mesures qui renforceront leur propre capacité d’action. Ni l’UE ni l’OTAN, n’ont encore épuisé dans sa totalité le potentiel que recèle leur coopération. Renforcer le pilier européen de la sécurité et de la défense revient à renforcer l’OTAN. |
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1.8. |
En définitive, l’UE doit assumer une plus grande responsabilité et créer une Union européenne de la défense en tant que pilier européen de l’OTAN, en s’assurant qu’elle respecte pleinement et soit compatible avec la neutralité de certains de ses États membres. |
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1.9. |
L’UE devrait mieux comprendre l’importance cruciale du partenariat transatlantique pour l’OTAN, et donc pour la sécurité européenne. |
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1.10. |
Un trop grand nombre d’États membres ont, depuis de longues années, négligé leurs engagements et leurs capacités en matière de défense, de sorte que leurs forces armées manquent cruellement de moyens et de préparation, et ne sont pas suffisamment interopérables. |
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1.11. |
Les États membres de l’UE doivent mieux coordonner le développement des capacités nationales et l’établissement des plans de défense, et passer beaucoup plus de marchés groupés. Il faut s’efforcer d’améliorer l’efficacité des capacités de défense européennes en veillant à une meilleure coordination des politiques industrielles nationales. |
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1.12. |
L’Europe doit renforcer sa capacité d’agir en optant pour la prise de décision à la majorité dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité. |
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1.13. |
Le rôle que la société civile européenne est susceptible de jouer en matière de solidarité, de coopération et de résilience doit être défini, en tant que complément important de la boussole stratégique. |
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1.14. |
Le CESE propose de mettre en place des espaces de dialogue publics pour mener des débats stratégiques aux niveaux européen et national. |
2. Observations générales
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2.1. |
Le présent avis d’initiative examine l’impact de la boussole stratégique et s’efforce d’évaluer politiquement les visées et potentialités qu’elle comporte pour l’Europe sous l’angle de la société civile. Le CESE salue les initiatives que prend l’Union européenne pour renforcer la sécurité et la défense européennes. |
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2.2. |
En ce qui concerne les questions de sécurité, la société civile ne se contente pas d’observer passivement et son point de vue doit être entendu. En cas de conflit, les institutions civiles sont durement touchées et les civils subissent les conséquences dévastatrices de la guerre. |
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2.3. |
Du point de vue de la société civile, la boussole stratégique a adopté une approche réductrice du concept de sécurité, en mettant particulièrement l’accent sur la défense. Le CESE souligne que ce concept de sécurité va bien au-delà de la seule défense, et qu’une stratégie de l’Union européenne en la matière se devrait, bien plus fortement que ne le fait la boussole stratégique, d’insister sur des aspects liés à sa dimension civile et préventive. |
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2.4. |
L’UE est l’antithèse de la violence et de la guerre. Elle se doit de mieux utiliser ses ressources politiques, matérielles et culturelles pour contribuer au règlement pacifique des conflits et prévenir l’escalade militaire, car c’est dans ce domaine que pourrait résider la source de son importante valeur ajoutée potentielle, ainsi que de son rayonnement dans le monde à ce jour. Elle doit militer plus efficacement pour le retour à des accords multilatéraux en matière de contrôle des armements, le respect du traité sur la non-prolifération des armes atomiques et le désarmement nucléaire obligatoire. |
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2.5. |
Un ordre multilatéral fondé sur des règles est essentiel pour assurer la défense des droits de l’homme universels. Avec l’ensemble des partenaires partageant les mêmes valeurs à travers le monde, l’UE doit mettre tout en œuvre pour consolider et, le cas échéant, rétablir et renouveler l’ordre multilatéral fondé sur des règles. La politique de la force brute et la «loi du plus fort» sont incompatibles avec la démocratie et l’état de droit. La sécurité sans liberté n’aurait aucun sens. Dans le même temps, la sécurité constitue également une condition préalable essentielle à la liberté. |
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2.6. |
Une politique de sécurité à caractère civil et préventif n’entre nullement en contradiction avec la capacité à se défendre militairement, laquelle constitue bien plutôt un préalable indispensable à la sécurité, et doit également être considérée comme un facteur de prévention, grâce à son effet dissuasif. |
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2.7. |
Les investissements politiques et financiers dans la sécurité et la défense doivent reposer sur une évaluation solide et sérieuse des forces et des faiblesses a) systémiques et b) matérielles de l’Union européenne et de sa capacité à i) assurer sa propre sécurité, ii) contribuer à la stabilité de son voisinage, iii) sécuriser les routes commerciales mondiales et l’accès aux biens et matériaux critiques et, dernier élément et non des moindres, iv) être, par l’intermédiaire de ses États membres, un partenaire fiable et véritablement engagé au sein des alliances qui sont essentielles pour la sécurité, celle de l’Europe, mais pas seulement. |
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2.8. |
La sécurité et la liberté ne peuvent être assurées par les seules capacités militaires. Elles requièrent une approche sociale, économique et environnementale globale, ainsi que des renseignements et une capacité de prospective de meilleure qualité. Il convient de privilégier une politique de prévention et la résolution des conflits, en utilisant des moyens diplomatiques et civils. Le recours à la puissance militaire doit rester la solution de dernier recours. Pour ce faire, il faut cependant disposer aussi de capacités armées qui soient crédibles et faire preuve d’une volonté incontestable de les utiliser si cela est inévitable. L’UE se doit de défendre ses intérêts avec plus de détermination. |
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2.9. |
Le maintien d’une paix juste est l’objectif ultime du système de sécurité mondial, et le multilatéralisme est le meilleur instrument pour y parvenir. Toutefois, il est de plus en plus mis à rude épreuve, et le CESE fait écho aux recommandations formulées dans le rapport mondial sur la paix 2022 en appelant à prendre des mesures afin de renforcer l’architecture mondiale pour la paix (1). |
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2.10. |
La mise en œuvre de mesures visant à renforcer les capacités de défense et la sécurité exige une plus grande cohérence interinstitutionnelle, une approche non cloisonnée et, surtout, un engagement fort de la part des États membres. |
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2.11. |
Face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, à la réapparition de la guerre en Europe et au retour d’une politique de puissance pure et dure, il s’impose de disposer d’un potentiel de dissuasion opérant. Bien que l’UE n’ait jamais été conçue pour mener une politique de grande puissance, elle devra désormais s’adapter à la concurrence systémique croissante entre les grandes puissances, alors que la Russie et la Chine remettent en question le système mondial et la sécurité internationale. La Russie viole ouvertement la charte des Nations unies tandis que la Chine porte atteinte aux droits de l’homme universels, comme le montrent clairement les événements au Xinjiang et à Hong Kong. |
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2.12. |
Les États-Unis, le Canada ainsi que d’autres démocraties dans le monde sont des partenaires importants lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre ces valeurs auxquelles tous les États des Nations unies ont souscrit officiellement et en pleine liberté, à savoir les droits de l’homme universels, des droits auxquels il est impossible de déroger en quelque lieu ou moment que ce soit. |
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2.13. |
L’UE devrait mieux comprendre l’importance cruciale du partenariat transatlantique, c’est-à-dire les relations entre l’UE et les États-Unis, pour l’OTAN, et donc pour la sécurité européenne. Même si c’est vers l’Asie et la région du Pacifique que les États-Unis ont de plus en plus tourné leurs regards ces dernières années, l’agression perpétrée par la Russie montre qu’en Europe aussi, il reste nécessaire d’assurer et, au besoin, de défendre l’ordre mondial. |
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2.14. |
L’OTAN n’est pas seulement un partenaire stratégique pour l’UE; elle assure la défense militaire de l’Europe et le pilier européen de la défense devrait être développé en pleine complémentarité avec le Pacte atlantique. Ce constat est corroboré, à tous points de vue, par l’agression que la Russie a lancé contre l’Ukraine et l’architecture sécuritaire mondiale. En accroissant sa coopération interne dans le domaine de la défense, l’Europe peut aussi renforcer l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et augmenter sa capacité d’action en faveur d’une contribution plus substantielle à sa propre sécurité comme à la stabilité régionale. |
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2.15. |
Bien que l’UE en tant qu’entité politique et l’OTAN en tant qu’alliance ne soient pas du tout identiques, le chevauchement entre les deux ensembles, tant sur le plan des valeurs que des objectifs, s’accroît de manière significative. Une fois que la Finlande et la Suède auront rejoint l’OTAN, 23 pays seront membres des deux organisations. Les Européens peuvent et doivent apporter une plus grande valeur ajoutée à l’Alliance en adoptant des mesures qui renforceront dans le même temps leur propre capacité à agir de manière stratégique. En définitive, l’UE doit assumer une plus grande responsabilité en ce qui concerne sa sécurité et créer une Union européenne de la défense en tant que pilier européen de l’OTAN, en respectant pleinement la neutralité de certains de ses États membres. |
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2.16. |
Un trop grand nombre d’États membres ont, depuis de trop longues années, négligé leurs capacités de défense. Dans ce domaine, les dépenses de bien des pays de l’UE ont été par trop limitées, mais aussi et surtout, elles se sont avérées inefficaces, de sorte que leurs forces armées souffrent d’un cruel manque de moyens, ne sont pas préparées, et demeurent insuffisamment interopérables. Lorsque ces États font aussi partie de l’OTAN, c’est également à leurs obligations envers l’alliance qu’ils font défaut. |
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2.17. |
Les capacités de l’Europe en matière de défense ne dépendent pas exclusivement du montant des ressources budgétaires qui leur sont allouées, mais elles sont également fonction de l’utilisation efficace qui en est faite. Actuellement, la coexistence de différents systèmes d’armement dans l’UE produit des doubles emplois, entraîne des coûts élevés et débouche sur un manque d’efficacité. Les États membres de l’UE doivent mieux coordonner le développement des capacités nationales et l’établissement des plans de défense, et passer beaucoup plus de marchés groupés. Il convient de veiller à la cohérence des politiques de passation de marchés adoptées au niveau de l’UE et à l’échelon national afin de réaliser les économies d’échelle nécessaires pour réduire les coûts et d’être en mesure de générer une activité suffisante pour garantir l’existence de start-ups émergentes (2). Les pratiques actuelles sur le marché européen de la défense sont le reflet du coût élevé de la non-Europe. |
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2.18. |
Malgré la coopération structurée permanente (CSP), l’examen annuel coordonné en matière de défense (EACD) et le Fonds européen de la défense (FED), l’UE n’a réalisé que trop peu de progrès dans la mise en place de structures communes efficaces qui lui permettraient d’assurer sa propre sécurité. Un élément tout aussi significatif est donné par la déclaration de Versailles, de mars 2022, qui, se fondant sur la décision des chefs d’État ou de gouvernement de décembre 2021, pose que l’Union européenne «assumera une plus grande responsabilité en ce qui concerne sa propre sécurité et en matière de défense, suivra une ligne d’action stratégique et renforcera sa capacité à agir de manière autonome». |
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2.19. |
La capacité d’action de l’Union dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité se trouverait confortée si elle s’écartait progressivement de la prise de décisions à l’unanimité (qui permet à chaque État membre de bloquer tous les autres) au sein du Conseil dans le domaine de la politique étrangère. À titre de solution intermédiaire, une phase de test temporaire de vote à la majorité qualifiée ou surqualifiée (seuils de majorité qualifiée plus élevés) pourrait être envisagée. Toutefois, ce n’est pas en premier lieu le cadre institutionnel qui empêche les États membres d’agir de concert et de manière cohérente. Ce serait plutôt les États membres qui contournent le cadre institutionnel existant, n’exploitent pas son potentiel et se refusent à s’y laisser intégrer. |
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2.20. |
En tant que garant de la sécurité, l’Europe peut avoir besoin d’un nouveau discours et de mesures concrètes, soutenues par la société civile et l’engagement civique, afin de renforcer l’identité et la solidarité européennes sans tomber dans le travers d’un remplacement des nationalismes par un chauvinisme européen. La participation du public devrait être ouverte, transparente et inclusive. |
3. Éléments positifs de la boussole stratégique
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3.1. |
L’objectif assigné à la boussole stratégique, qui consiste, d’une part, à parvenir à créer davantage de sécurité, en renforçant les capacités («agir»), en assurant une meilleure préparation («se préparer»), en procédant à des investissements ciblés («investir») et en accentuant la coopération («travailler en partenariat»), ou encore, d’autre part, à renforcer les partenariats et alliances, procède d’un choix judicieux. |
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3.2. |
La boussole stratégique porte la promesse de la détermination de l’Europe à défendre les principes de la charte des Nations unies, à rétablir la paix et à garantir la liberté en Europe. |
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3.3. |
Sur le plan de la sécurité, la boussole stratégique décrit la Chine comme un «rival systémique», et les violations massives des droits de l’homme universels qui s’y commettent, ses menaces constantes à l’encontre de Taïwan et le soutien qu’elle apporte à l’agresseur russe corroborent ce diagnostic. La boussole stratégique souligne que la Chine et la Russie remettent en question l’ordre international. Ces pays renforcent leurs arsenaux nucléaires et développent de nouveaux systèmes d’armement. |
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3.4. |
La boussole stratégique souligne la dangereuse érosion de l’architecture de contrôle des armements et l’incidence négative de ce «vide normatif» sur la sécurité de l’UE. |
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3.5. |
L’UE a des intérêts légitimes dans toutes les régions du monde. La boussole stratégique ne les couvre pas systématiquement tous, mais indique à juste titre que, comme on le voit spécifiquement dans les Balkans occidentaux, l’inaction européenne encourage d’autres puissances à occuper l’espace vacant. |
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3.6. |
La boussole stratégique affirme que l’UE doit agir avec beaucoup plus d’empressement et de détermination et que les États membres doivent pouvoir compter sur l’assistance mutuelle. Aussi insiste-t-elle sur l’importance que revêt l’article 42, paragraphe 7, du traité sur l’Union européenne. Il conviendrait que l’Union explicite de quelle manière ce principe de droit primaire s’articule avec l’obligation d’assistance prévue à l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. |
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3.7. |
Le renforcement de l’état de préparation et de l’interopérabilité a été défini comme une priorité, et la boussole stratégique indique que ces éléments doivent être conformes aux normes de l’OTAN. Elle positionne l’UE en tant que catalyseur d’une meilleure défense européenne en annonçant qu’elle comblera les lacunes en matière de capacités critiques, renforcera la résilience des sociétés européennes et contribuera à la stabilité dans le voisinage européen. Une première étape consiste à créer une capacité de déploiement rapide, qui doit compter 5 000 hommes et être pleinement opérationnelle d’ici à 2025. Le CESE rappelle à cet égard qu’il est grand temps d’agir, l’Union européenne ayant déjà annoncé, voici plus de deux décennies, des objectifs plus ambitieux, qui n’ont toujours pas trouvé, à ce jour, de traduction concrète. |
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3.8. |
Bien que la boussole stratégique ne fasse pas référence à l’introduction du vote à la majorité qualifiée en matière de politique étrangère, elle plaide en faveur de l’abstention constructive afin de permettre aux États membres qui le souhaitent d’aller de l’avant. Dans ce domaine, il serait possible d’exploiter plus intensément l’article 44 du traité sur l’Union européenne, afin que, par délégation du Conseil, les États membres qui le souhaitent et qui disposent des capacités nécessaires à cet effet puissent coopérer dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). |
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3.9. |
La boussole stratégique vise à combiner de manière adéquate les missions et opérations d’ordre civil et militaire dans le cadre de cette politique de sécurité et de défense commune. Elle souligne l’importance des missions civiles de la PSDC dans le contexte des réponses non militaires. Elle entend renforcer la coopération entre la PSDC et les acteurs du secteur de la justice et des affaires intérieures de l’UE. |
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3.10. |
Le CESE se félicite que la boussole stratégique adopte une approche centrée sur l’action; elle énumère des propositions et des actions spécifiques et fixe des dates cibles et des jalons pour mesurer les progrès réalisés, que le Conseil de l’UE et le Conseil européen devront réexaminer régulièrement. |
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3.11. |
La boussole stratégique met également l’accent sur des mesures importantes destinées à prendre en compte la notion «d’égalité des sexes, de paix et de sécurité», ainsi que d’efficacité climatique dans toutes les actions civiles et militaires relevant de la politique de sécurité et de défense commune. Pour 2023, en particulier, l’Union européenne renforcera son réseau de conseillers en matière de droits de l’homme universels et d’égalité de genre dans le cadre de ses missions et opérations susmentionnées, tandis que la mise en œuvre de sa feuille de route sur le changement climatique et la défense placera le secteur militaire sur la voie de la neutralité en matière de climat. |
4. Observations critiques concernant la boussole stratégique
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4.1. |
La boussole stratégique constitue un document très ambitieux, définissant plus de 80 actions concrètes à développer à l’échéance de 2025. Pour ce faire, elle exigera des États membres une volonté politique forte, sans quoi elle ne fera guère que souligner une fois encore le manque de compétence de l’Union européenne en matière de politique étrangère et de défense. |
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4.2. |
La boussole stratégique se caractérise par une acception étroite de la notion de sécurité. Or, ladite sécurité ne se réduit pas à la défense. Pour éviter que ne surviennent des conflits militaires, un facteur décisif consiste à renforcer la prévention et l’analyse prospective. Pour l’essentiel, la boussole stratégique définit un catalogue de mesures et de projets concrets. Le CESE se félicite de cette intention. Cependant, elle ne tient pas assez compte des espaces géographiques concrets ni ne s’attache suffisamment à cerner les zones où elle entend s’engager, y compris en dehors de son territoire, par exemple dans son voisinage immédiat, au nom de ses valeurs et de ses objectifs. Elle doit être élargie pour former une stratégie globale incluant la participation de la société civile. |
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4.3. |
La boussole stratégique brosse un tableau plutôt positif de la cohérence qu’affiche l’Union dans ses politiques de sécurité et de défense, ainsi que de leurs capacités potentielles, par exemple lorsqu’elle affirme que, lorsqu’il s’agit de prévenir les conflits ou de les gérer, sa force réside dans sa capacité à s’appuyer sur des moyens tant militaires que civils. Elle ne produit toutefois aucun exemple concret de situations où une telle intervention aurait été couronnée de succès. Or, une analyse éloignée des réalités ne peut en aucune façon fournir une base solide pour une stratégie de sécurité. L’autoévaluation de l’UE en tant que perpétuel chef de file en matière de solutions multilatérales et l’autosatisfaction dont elle fait preuve explicitement dans la boussole stratégique, s’agissant notamment d’assumer ses responsabilités en matière de sécurité mondiale, ne permettent pas de dresser un inventaire fidèle. |
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4.4. |
L’UE peut avoir investi des ressources politiques et financières considérables dans le multilatéralisme, il n’en reste pas moins qu’en tout cas jusqu’à l’offensive russe, les États membres n’ont poursuivi des objectifs coordonnés de politique étrangère européenne que lorsque cela favorisait directement leurs propres intérêts nationaux. Plusieurs exemples illustrent cette absence fondamentale de vision stratégique, notamment, pour n’en citer que quelques-uns, le processus d’élargissement aux Balkans occidentaux, les réactions des Européens à la guerre en Libye, les dépendances en matière d’approvisionnement énergétique, de matières premières et autre, la représentation européenne au sein des Nations unies et les niveaux variables des investissements dans les capacités militaires nationales en pourcentage de PIB. |
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4.5. |
La boussole stratégique reconnaît l’importance de l’OTAN pour la sécurité européenne, mais cela ne suffit pas. Elle parle d’un partenariat stratégique avec l’OTAN, de complémentarité et d’autonomie décisionnelle. Toutefois, seuls quelques États membres restent neutres, c’est-à-dire en dehors de l’OTAN, et l’alliance n’est pas juste un partenaire stratégique pour l’Europe. L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord est, et restera dans un avenir prévisible, le seul garant sérieux de la sécurité européenne. Toutefois, l’Union peut aider les Européens à mieux organiser leur contribution à la sécurité européenne en mettant en commun leurs capacités de défense et en abandonnant les politiques nationales non coordonnées au profit d’une approche européenne commune. Si la boussole stratégique propose toute une série d’approches louables, ni l’Union ni l’OTAN n’ont encore épuisé dans sa totalité le potentiel que recèle leur coopération. |
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4.6. |
La notion d’autonomie stratégique européenne doit être clairement définie lorsqu’elle est appliquée aux questions de sécurité et de défense, ce qui est le cas avec la boussole stratégique. L’autonomie stratégique ne consiste pas pour l’UE à agir seule, mais bien à devenir un meilleur partenaire, capable d’agir en cas de besoin, y compris dans l’éventualité où aucune aide ne serait disponible. Ainsi que le CESE l’a déjà souligné dans l’avis qu’il a publié récemment sur les relations transatlantiques, ladite autonomie stratégique ne peut se résumer à la volonté de se tenir à distance égale des puissances mondiales. Les États-Unis sont et restent le principal allié et partenaire de l’Europe. L’UE devrait néanmoins s’engager sur la voie de la réduction des dépendances stratégiques, y compris dans les secteurs de la sécurité et de la défense, comme l’a souligné le CESE dans son avis sur la «Feuille de route sur les technologies de sécurité et de défense» (3). |
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4.7. |
Les dépendances unilatérales européennes doivent être réduites, et pas seulement dans le domaine de la défense. Ce point revêt une importance capitale pour la sécurité européenne. Toutefois, le CESE estime que les interdépendances, en particulier entre les partenaires partageant les mêmes valeurs, sont non seulement bénéfiques, mais constituent aussi une condition sine qua non d’un ordre multilatéral fondé sur des règles. |
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4.8. |
En ce qui concerne les capacités militaires futures de l’UE, les forces d’intervention rapide, comme annoncées dans la boussole stratégique, correspondent aux concepts de forces de taille réduite rapidement déployables dans le cadre de missions coordonnées au niveau international. Toutefois, ces efforts ne peuvent être considérés indépendamment d’une contribution valable de l’Europe à sa propre sécurité dans le cadre de l’OTAN. Les efforts que déploie l’UE doivent soutenir l’efficacité du pilier européen de l’OTAN. À l’heure actuelle, on voit mal comment les États membres de l’UE et de l’OTAN pourraient fournir des ressources suffisantes à la fois à la force de réaction de l’OTAN et à la force de réaction rapide de l’UE si ces ressources devaient être mobilisées simultanément. En outre, les mesures proposées concernant les troupes susceptibles d’être déployées rapidement se situent pour une part en retrait de décisions qui avaient déjà été arrêtées voici plusieurs décennies, en 1999, à Helsinki. |
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4.9. |
La boussole stratégique ne tient pas compte du rôle que la société civile européenne peut et doit jouer afin de parvenir à une plus grande résilience face au travail de sape systématique ciblant la cohésion et la solidarité au sein des États membres de l’UE et entre eux que mènent des puissances inamicales. |
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4.10. |
Renforcer l’Union européenne en tant que garant d’une sécurité démocratique et fondée sur l’état de droit nécessite non seulement des institutions européennes (plus) fortes et davantage de vision de la part des États membres, mais aussi de vastes alliances sociétales transfrontières, ce qui est inconcevable sans une société civile organisée paneuropéenne forte et dynamique et sans partenaires sociaux européens pleinement engagés. |
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4.11. |
Les attaques hostiles ne consistent pas uniquement en actions militaires, mais elles prennent également la forme, entre autres, de campagnes de désinformation, de cyberattaques ou d’opérations de chantage économique. La boussole stratégique mentionne la mise au point d’une boîte à outils hybride pour une réponse coordonnée aux menaces hybrides et la boîte à outils relative aux activités de manipulation de l’information et d’ingérence menées depuis l’étranger, ainsi que le renforcement de la boîte à outils cyberdiplomatique. Toutefois, elle doit se pencher davantage sur cet aspect crucial. Pour se défendre face à de telles menées et opérations d’influence, l’UE a, de toute urgence, besoin d’une approche interinstitutionnelle, à laquelle la société civile représentative devrait impérativement être associée, de manière à jeter les bases d’une solidarité, d’une coopération et d’une résilience efficaces parmi ses citoyens, en particulier au niveau local, où l’impact de telles agressions se fait ressentir le plus directement. |
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4.12. |
Les éventuelles attaques militaires au sens classique du terme ne représentent pas la seule menace qui pèse sur la sécurité de l’Europe: il convient aussi de prendre en compte parmi les actes de guerre de type hybride qui sont susceptibles de provoquer d’énormes dégâts, les cyberattaques et le sabotage s’exerçant à l’encontre des entreprises privées, des institutions publiques et des infrastructures critiques. La boussole stratégique ne fait pas suffisamment droit à cet aspect de la question, en particulier s’agissant de prendre des mesures de protection et contremesures opérantes. |
5. Réétalonnage de la boussole
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5.1. |
Le CESE convient pleinement que l’UE doit composer avec des puissances révisionnistes de plus en plus agressives dont les actes constituent une violation de la charte des Nations unies. Un ordre multilatéral fondé sur des règles ne pourra être rétabli que si les démocraties libérales restent attachées à leurs principes, les consolident par des moyens diplomatiques, civils et militaires, et ne cèdent pas face aux pièges, pressions et menaces des puissances autoritaires. |
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5.2. |
La politique européenne doit servir l’objectif de prévention des conflits armés tout en tenant compte du fait que le monde est beaucoup moins pacifique que l’on a pu le croire après la fin de la guerre froide. Par conséquent, la société européenne a besoin de pouvoir s’appuyer sur un consensus politique pour développer efficacement ses capacités de défense contre tout agresseur potentiel, en particulier ses capacités de protection civile. Il est essentiel d’intensifier le débat public et d’associer activement les acteurs de la société civile. |
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5.3. |
Le partenariat transatlantique nécessite un investissement politique largement accru. Bien qu’il dépasse le cadre de l’OTAN, il demeure bien entendu un des piliers de l’alliance. Les Européens doivent redoubler d’efforts pour maintenir et approfondir les relations entre l’UE et les États-Unis. Un partenariat stable avec ces derniers, tant sur le plan des relations commerciales que sur celui de la sécurité, est de la plus haute importance. |
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5.4. |
Édifier un monde exempt d’armes nucléaires est un objectif européen. Jusqu’à ce qu’il soit atteint, la garantie de sécurité nucléaire que les États-Unis fournissent à l’Europe, la dissuasion assurée par l’OTAN dans ce domaine et la force de dissuasion française restent indispensables à la sécurité européenne. |
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5.5. |
Les partenaires européens doivent de toute urgence faire du renforcement de l’efficacité de leurs dépenses militaires une priorité. Cet objectif peut être atteint, entre autres, en assurant une interopérabilité beaucoup plus grande de leurs systèmes militaires conventionnels nationaux. Les États membres doivent surmonter les difficultés et les malentendus actuels quant à l’acquisition des capacités de défense à court terme dont ils ont besoin de toute urgence et s’entendre sur une approche commune pour renforcer leurs systèmes de défense dans une perspective à moyen et à long terme grâce à des passations de marché groupées et à des projets de collaboration conjoints. Les alliés et les partenaires proches ne devraient pas être exclus des projets européens communs, mais leur accès au marché européen de la défense doit être strictement fondé sur la réciprocité. |
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5.6. |
La part du PIB consacrée aux dépenses militaires est un élément important dans la mesure où elle a été convenue entre les alliés occidentaux — pacta sunt servanda! En ce qui concerne les capacités effectives, il est plus important de les définir de manière détaillée et de les atteindre en temps utile. Que le pourcentage du PIB à y consacrer se situe à 2 %, ou éventuellement plus, il s’agit d’une question d’une portée accessoire. Ce qui importe, c’est qu’un agresseur potentiel estime le coût d’une attaque trop élevé. L’UE doit s’appuyer sur ses outils et ses institutions, tels que la CSP, l’EACD, le FED et la facilité européenne pour la paix, afin d’accroître l’efficacité des dépenses de défense de ses États membres. |
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5.7. |
Les marchés publics de la défense et le tissu des industries européennes dans ce secteur revêtent une importance cruciale pour la sécurité européenne. Ils ne sont pas soumis aux seules règles du marché. Toutefois, la sécurité européenne ne doit pas être mise en péril par des compromis coûteux et inefficaces. Les projets communs devraient être définis en tenant compte de la capacité à suivre d’industries compétitives et innovantes et non en fonction des quotas nationaux dans le cadre des projets de coopération. |
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5.8. |
Si la boussole couvre de nombreux aspects importants de la sécurité, elle n’aborde pas suffisamment la question du renseignement. L’UE devrait la mettre à jour en y incluant une analyse claire des capacités européennes de renseignement et des propositions concrètes quant à la manière de les améliorer. |
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5.9. |
Les forces de défense nationales doivent être rationalisées, c’est-à-dire disposer de structures de commandement communes efficaces qui, à terme, jetteront les bases de forces européennes communes. Il convient de donner corps à l’état-major de l’Union européenne et à l’Agence européenne de défense. |
6. Contributions de la société civile à la sécurité et la défense européennes
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6.1. |
La boussole stratégique représente une avancée majeure. Il conviendrait de lui donner une extension en la dotant d’une stratégie de politique étrangère européenne qui serait gouvernée par une acception plus vaste de la notion de sécurité, laquelle devrait également être en cohérence avec les objectifs de développement durable des Nations unies et prévoir une participation de la société civile. |
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6.2. |
Pour éviter que ne surviennent des conflits militaires, un facteur décisif consiste à renforcer le renseignement, la prévention et l’analyse prospective. De nombreux États membres de l’UE doivent investir davantage dans leurs capacités de défense, et la plupart d’entre eux ont commencé à le faire. Cela doit prendre la forme d’un engagement à long terme et être soutenu par la société civile. Le pilier européen de l’OTAN doit garantir la dissuasion militaire, mais l’UE doit renforcer sa capacité, y compris par ses propres moyens militaires, à apporter des contributions préventives concrètes à la paix et à la stabilité dans la région. |
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6.3. |
Comme le suggère la boussole, il convient que l’Union aide les États membres à améliorer leur coopération afin de réduire la fragmentation inefficace et la duplication coûteuse de leurs capacités de défense. Toutefois, tant qu’elle ne dispose pas d’une véritable compétence en matière de défense, elle devrait continuer à investir ses ressources limitées au premier chef dans des politiques et mécanismes civils afin de permettre la prévention des conflits. C’est là que la société civile peut réellement changer les choses grâce à ses réseaux sociaux et économiques ou encore à son fort potentiel de diplomatie publique et culturelle. |
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6.4. |
Une société civile libre et dynamique peut jouer un rôle de stabilisateur automatique en temps de crise affectant la sécurité européenne. Elle l’a prouvé, par exemple, lors de l’agression russe, lorsque des millions de citoyens européens dans de nombreux États membres ont accueilli et aidé des réfugiés ukrainiens, en faisant preuve d’une volonté exceptionnelle d’offrir leur aide, notamment dans les États membres voisins de l’Ukraine. Une approche globale de la sécurité suppose également une préparation européenne aux situations d’urgence et un soutien continu aux organisations de la société civile. |
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6.5. |
Le CESE insiste sur l’importance que la justice sociale, les perspectives économiques et la durabilité environnementale revêtent à l’égard de la sécurité. La paix au sein de la société constitue un important préalable pour le non-recours à la violence. Pour l’harmonie du corps social et un monde pacifique, il est primordial de limiter le réchauffement de la planète et d’en maîtriser les conséquences. |
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6.6. |
Le CESE propose de créer des forums publics pour débattre des questions stratégiques, afin que la société civile puisse contribuer au développement d’une Europe qui assure une protection et soit plus résiliente face aux attaques qui y sapent l’esprit de résistance et fragilisent la stabilité politique, que ce soit au sein de chacun des États membres ou de l’un à l’autre. «Dans la lutte pour la prééminence des puissances mondiales, ce ne sont pas la puissance militaire ou la puissance économique qui font la différence de manière déterminante, mais bien les qualités fondamentales d’une société» (4). |
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6.7. |
Le CESE, sa section spécialisée «Relations extérieures» (REX) et, pour ce qui concerne plus particulièrement l’industrie de la défense, sa commission consultative des mutations industrielles (CCMI) (5) peuvent jouer un rôle essentiel de plaque tournante pour le dialogue mené entre le politique et la société sur la sécurité en Europe et dans le monde. Le CESE continuera de demander des mises à jour régulières de la boussole stratégique et d’évaluer de manière approfondie les nouvelles initiatives connexes telles que le paquet «Défense». |
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6.8. |
L’agression russe et la rivalité systémique avec la Chine soulignent que l’UE n’a pas de temps à perdre pour s’adapter aux réalités géopolitiques. Dans les démocraties libérales, cet objectif ne peut être atteint qu’en étroite coopération avec la société civile et avec son soutien politique. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Common Security — For our shared future, Stockholm, 2022.
(2) «Feuille de route sur les technologies de sécurité et de défense» [COM(2022) 61 final], paragraphe 4.9.
(3) Avis du Comité économique et social européen sur la feuille de route sur les technologies de sécurité et de défense [COM(2022) 61 final] (JO C 443 du 22.11.2022, p. 112).
(4) Mazarr, M. J., «What Makes a Power Great. The Real Drivers of Rise and Fall», Foreign Affairs, juillet/août 2022, p. 52.
(5) https://www.eesc.europa.eu/fr/sections-other-bodies/sections-commission/consultative-commission-industrial-change-ccmi
III Actes préparatoires
Comité économique et social européen
575e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/28 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’adaptation des règles en matière de responsabilité civile extracontractuelle au domaine de l’intelligence artificielle (directive sur la responsabilité en matière d’IA)
[COM(2022) 496 final — 2022/0303 (COD)]
(2023/C 140/05)
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Rapporteur général: |
Wautier ROBYNS DE SCHNEIDAUER |
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Consultation |
Parlement européen, 6.10.2022 |
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Conseil de l’Union européenne, 14.10.2022 |
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Base juridique |
Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Marché unique, production et consommation |
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Décision du bureau |
20.9.2023 |
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Date de l’adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
154/1/0 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
C’est depuis ses travaux pionniers de 2017 que le Comité économique et social européen (CESE) développe son point de vue sur l’intelligence artificielle (IA), insistant sur le fait qu’il est nécessaire que la supervision humaine des applications d’IA comporte également des responsabilités et permette de nourrir une confiance dans ces technologies. Dans son avis de 2019 notamment, il a appelé à des règles claires qui incluent, en cas d’utilisation abusive (ou vraisemblablement abusive), la responsabilité des personnes physiques ou morales (1). |
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1.2. |
Le CESE accueille favorablement et soutient la proposition de la Commission visant à améliorer les droits des victimes ayant subi tout dommage — au titre du droit national — en raison d’une telle utilisation abusive de l’IA en prévoyant des droits spécifiques qui viennent s’ajouter à ce qui est prévu par la législation nationale existante en matière de responsabilité civile délictuelle ou de responsabilité civile stricto sensu, par les dispositions de la directive sur la responsabilité du fait des produits et par le droit pénal. |
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1.3. |
Le CESE reconnaît qu’une harmonisation minimale sert au mieux cet objectif, mais craint le risque d’interprétations divergentes par les parties prenantes intervenant dans la chaîne de développement et d’approvisionnement et par les tribunaux. Il insiste donc sur la nécessité de définitions juridiques claires et d’un renforcement de l’expertise de ceux qui devront appliquer cette nouvelle législation dans l’ensemble de l’Union européenne (UE) et disposer pour ce faire des capacités numériques appropriées. L’objectif ultime de la Commission devrait être de faire en sorte de développer un système de responsabilité dont l’application serait aussi uniforme que possible dans l’ensemble de l’UE. |
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1.4. |
Le CESE reconnaît l’interaction qui doit prévaloir entre, d’une part, les règles de prévention et de sécurité et, d’autre part, les possibilités de recours, en plus du rôle de surveillance des autorités publiques, afin de garantir le respect des normes européennes et nationales en matière de développement responsable de l’IA. Il demande la mise en place d’un réseau d’organismes de règlement extrajudiciaire des litiges afin de permettre aux victimes d’exercer plus facilement leurs droits et de recueillir davantage de données sur les effets de la directive. |
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1.5. |
Le CESE apprécie l’équilibre que la directive établit entre les droits des victimes et les intérêts des développeurs d’IA. Cela permet de tirer parti des avantages de la transition numérique et pourrait servir de norme pour les pays tiers qui envisageraient de suivre cette voie. |
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1.6. |
Le CESE appelle la Commission à suivre de près l’évolution des garanties financières et des assurances couvrant la responsabilité en matière d’IA, en tenant dûment compte de leur disponibilité et de leur portée, étant donné que le nouveau cadre devrait offrir une sécurité juridique aux opérateurs comme aux assureurs. Les preuves d’incidents sont essentielles pour déterminer s’il est nécessaire de prendre des mesures à cet égard: il est donc impératif que ces incidents soient documentés et signalés. |
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1.7. |
Le CESE invite la Commission à inclure les droits accordés aux victimes de dommages causés par l’IA dans sa stratégie de communication, afin de renforcer la confiance dans la transition numérique. |
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1.8. |
Compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques, le CESE souscrit à l’intention de réexaminer cette législation dès que les éléments le justifieraient. Il est d’avis que le délai de cinq années après l’entrée en vigueur de la directive est trop long et prône un réexamen après trois ans. Le CESE est disposé à être partie prenante à ce réexamen et à évaluer l’expérience des organisations de la société civile de l’UE, plus particulièrement en ce qui concerne le retour d’information des utilisateurs finaux s’agissant de la charge de la preuve et les définitions potentiellement divergentes des dommages admissibles dans les législations nationales. |
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1.9. |
Étant donné que l’utilisation de l’IA peut conduire à des choix politiques sensibles qui ne devraient pas être laissés aux seuls acteurs de la chaîne d’approvisionnement de l’IA, le CESE demande également à être associé et consulté dans la définition de normes éthiques. |
2. Contenu essentiel de la proposition
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2.1. |
La proposition de directive sur la responsabilité non contractuelle en ce qui concerne l’intelligence artificielle («directive sur la responsabilité en matière d’IA») s’appuie sur le livre blanc de la Commission de 2020 sur l’IA, sur son rapport concomitant sur la sécurité et la responsabilité dans le domaine de l’IA et sur la proposition de législation de 2021 sur l’IA, qui met l’accent sur la prévention et la sécurité. Elle est liée à la révision de la directive de 1985 sur la responsabilité du fait des produits («directive révisée sur la responsabilité du fait des produits»), qui a été présentée à la même date que la directive sur la responsabilité en matière d’IA examinée dans le présent avis. Les deux propositions permettent aux demandeurs d’intenter des actions contre certaines parties, avec quelques différences dans le champ d’application des deux instruments. |
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2.2. |
L’objectif de la directive sur la responsabilité en matière d’IA est d’établir des règles uniformes concernant certains aspects de la responsabilité non contractuelle pour les dommages causés par l’utilisation de systèmes d’IA. Ce faisant, elle vise à améliorer le fonctionnement du marché unique, instaurer une protection plus large des victimes (qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises) et renforcer la confiance dans l’IA grâce à des règles harmonisées. Cela couvre, par exemple, les atteintes à la vie privée, les pertes de données ou les dommages causés par des problèmes de sécurité. Les nouvelles règles faciliteront, par exemple, l’obtention d’une indemnisation si une personne a été victime de discrimination dans le cadre d’un processus de recrutement impliquant la technologie de l’IA, même si plusieurs obstacles (juridiques) subsistent. Afin d’éliminer toute insécurité juridique qui subsisterait, le CESE recommande que soit établie une définition juridique de ce que constitue une décision prise par des machines recourant à l’IA. |
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2.3. |
Au moyen de cette directive, la Commission propose pour la première fois une harmonisation ciblée des règles nationales relatives à la responsabilité en matière d’IA, afin de faciliter l’indemnisation des victimes de dommages liés à l’IA. Conformément aux objectifs du livre blanc sur l’IA et à la proposition de législation sur l’IA présentée par la Commission en 2021, qui définit les principes de l’état de droit au moyen d’un cadre pour la fiabilité et la confiance dans l’IA, les nouvelles règles garantiront que les victimes bénéficient d’une protection équitable lorsqu’elles sont lésées par des produits ou services d’IA, de la même manière que pour un préjudice causé dans d’autres circonstances. |
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2.4. |
Tout en veillant à ne pas entraver ni désamorcer le progrès technologique en Europe, la directive introduit un cadre juridique harmonisé qui tient compte de la complexité des systèmes d’IA depuis le laboratoire jusqu’au marché et simplifie le processus juridique pour les victimes de dommages causés par les systèmes d’IA grâce à deux innovations juridiques majeures qui répondent aux besoins existants:
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Grâce à ces deux mesures, la directive proposée aide les victimes à obtenir réparation, individuellement ou collectivement (le cas échéant), sans supprimer la notion de causalité.
3. Garantir une évolution technologique centrée sur l’humain
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3.1. |
Le CESE est conscient des avantages et des risques potentiels que comporte l’IA. Son utilisation ne devrait pas se limiter à une simple amélioration de la productivité s’opérant grâce à une substitution des tâches humaines et une réduction des coûts. Cette évolution appelle une attention particulière aux risques liés à son impact sur la santé en raison de la modification des conditions de travail et des droits, tels que le respect de la vie privée, de même qu’elle plaide pour un réexamen de l’équilibre entre la machine et l’homme sur le lieu de travail, étant donné que le contrôle humain doit être privilégié, en tenant dûment compte de la possible persistance de préjugés et de biais humains dans le fonctionnement des machines. Comme l’a reconnu le groupe d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle dans ses lignes directrices en matière d’éthique, la responsabilité de la conception initiale et la responsabilité finale d’éventuelles défaillances de l’IA devraient incomber à des acteurs humains. De nombreuses autres évolutions sont moins bien documentées aujourd’hui, par exemple s’agissant de l’impact environnemental des nanotechnologies. Le CESE estime que tant les opérateurs d’IA que d’autres parties prenantes, par exemple les consultants en gestion des risques et les assureurs, ainsi que les pouvoirs publics et les représentants des travailleurs, devraient contrôler l’impact potentiel de l’IA par des analyses des risques, des exercices d’audit et le recours à l’ingénierie de sécurité au moyen d’essais dans un environnement similaire au monde réel. Comme il l’a exprimé dans un précédent avis (2), le CESE serait favorable à des procédures de certification garantissant la sécurité et l’adéquation avec les intérêts humains. |
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3.2. |
Le CESE est conscient de l’exposition des applications d’IA aux défaillances et aux actes de cybermalveillance et renvoie à ses avis récents consacrés à la législation sur la résilience opérationnelle numérique (DORA) (3) et aux propositions de directive sur la cybersécurité et la résilience des entités critiques (4). Ces risques et menaces justifient de toute évidence les prescriptions existantes en matière de prévention et de surveillance ainsi que les évolutions futures dans la mesure où de nouvelles vulnérabilités pourraient apparaître. |
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3.3. |
Le CESE soutient l’intention de suivre le rythme rapide des évolutions futures et de réexaminer les effets de la directive à mesure que des éléments le justifient, menant à une mise à jour dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité. Il estime que l’horizon quinquennal fixé dans la proposition est trop lointain et suggère d’agir plus tôt, au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur de la directive. Il insiste sur la participation de la société civile à cette évaluation, étant donné que le CESE reflète de manière unique les points de vue des citoyens, des consommateurs, des travailleurs et des entreprises de petite ou de grande taille, en accordant toute l’attention requise aux droits humains fondamentaux, y compris les droits des travailleurs, ainsi qu’aux perspectives et aux obstacles économiques. |
4. Préserver les valeurs fondamentales de l’UE
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4.1. |
Le CESE soutient l’approche adoptée par la Commission dans la législation sur l’IA, en ce qu’elle distingue, d’une part, les utilisations interdites de l’IA — par exemple la «notation sociale» des citoyens par des gouvernements intrusifs, les applications à haut risque utilisées par des entreprises, dont celles qui pourraient servir au recrutement et à la notation du mérite, ou encore le pilotage d’infrastructures critiques et de dispositifs techniques utilisés dans les soins de santé — et, d’autre part, toute une série d’activités moins risquées. Le CESE plaide en faveur d’une définition univoque des activités à haut risque. Le CESE réitère sa demande d’ajouter les dommages potentiels à l’environnement parmi les facteurs à inclure dans la catégorie à haut risque. Le CESE fait observer qu’une indemnisation devrait être accordée aux victimes indépendamment de la classification des applications d’IA entre catégories «à risque» ou «moins risquées». |
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4.2. |
Comme il l’a indiqué dans son avis de 2020 sur le livre blanc sur l’IA, le CESE insiste sur son engagement à préserver le respect des droits fondamentaux et la gestion par l’homme au stade de la décision finale en tant que pierres angulaires d’un développement responsable de l’IA dans l’Union européenne. Les choix et décisions opérés par les machines peuvent en effet être dépourvus d’une compréhension humaine de leurs conséquences involontaires, en particulier lorsqu’ils touchent des personnes vulnérables telles que les enfants ou les personnes âgées. |
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4.3. |
Le CESE souligne l’importance de la confiance du public dans l’évolution de l’IA en ce qui concerne la protection de la vie privée, l’équité de traitement et les voies de recours, le cas échéant. La proposition de directive vise à garantir une indemnisation au moins égale pour les dommages causés en tout ou en partie par l’utilisation de systèmes d’IA par rapport aux dommages subis dans des situations où les systèmes d’IA n’interviennent pas. Il est important que la Commission, les États membres et les utilisateurs des systèmes d’IA unissent leurs efforts pour transmettre ce message à un large public. |
5. Faciliter l’indemnisation des victimes de dommages causés par l’IA
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5.1. |
La directive sur la responsabilité en matière d’IA prévoit une protection accrue des citoyens, des travailleurs et des acteurs économiques contre les dommages tels que reconnus par l’ordre juridique national de ces victimes, en étendant cette protection au-delà des seuls dommages corporels et des pertes matérielles, comme le prévoit le cadre de la directive sur la responsabilité du fait des produits. Cette extension permet la réparation des dommages purement économiques causés, par exemple, par une discrimination injuste, un refus d’accès aux soins ou à l’éducation, un profilage erroné par la police ou une perte de données. Le CESE insiste sur la nécessité de fournir une compréhension claire des dommages admissibles — afin d’éviter des interprétations divergentes dans les jurisprudences nationales — et de former dans cette optique les praticiens, dont les juges, avec les moyens appropriés. Le CESE attire l’attention sur la possibilité pour les juridictions nationales de demander à la Cour de justice de rendre des décisions préjudiciables sur les points où les interprétations peuvent diverger. |
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5.2. |
Le CESE estime que les citoyens, les consommateurs, les travailleurs ou les entreprises ne jouissent pas partout en Europe d’une égalité d’accès aux voies de recours et à l’indemnisation. La bonne volonté à l’égard des demandeurs, les règles de procédure, les frais liés à un recours juridictionnel et la mesure dans laquelle les demandeurs sont prémunis contre des frais de justice dans les affaires de responsabilité civile diffèrent considérablement d’un État membre à l’autre et d’une catégorie sociale à l’autre. Par conséquent, et comme il l’a déjà exprimé comme principe dans son avis d’ordre plus général sur le règlement relatif à l’IA (5), le CESE plaide en faveur de la mise en place de mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges facilement accessibles, gratuits et obligatoires en matière de responsabilité civile dans les applications d’IA au niveau national, accompagnés d’une coordination à l’échelle de l’UE, comme c’est le cas dans le domaine des services financiers (FIN-NET), et ce en coopération avec les organes représentatifs de la société civile concernés. De tels services contribueraient à l’évaluation des effets de la directive en assurant un suivi des règlements extrajudiciaires portés à leur connaissance. |
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5.3. |
Le CESE se félicite des efforts déployés pour donner aux victimes des moyens accrus de demander une indemnisation équitable lorsqu’elles subissent des dommages causés par des applications d’IA, indemnisation qui pourrait sinon être inatteignable, ou compliquée et coûteuse, en raison de l’opacité et de la complexité des applications d’IA. De nombreux citoyens et consommateurs sont méfiants à l’égard des «robots» et des algorithmes. Le CESE recommande de prendre des mesures pour renforcer la confiance des citoyens, notamment au moyen de tutoriels sur les médias sociaux les plus répandus, dans le cadre de la stratégie de communication de la Commission. |
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5.4. |
Les victimes de dommages causés par des systèmes d’IA pourront invoquer la présomption vis-à-vis des opérateurs qui ne respecteraient pas les exigences de l’UE ou des États membres. Le fait que les opérateurs devront consigner leur respect de ces règles constitue un moyen de défense contre les comportements négligents. |
6. Intégrer de nouveaux principes juridiques dans le marché unique
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6.1. |
La directive sur la responsabilité en matière d’IA intervient à un moment où la responsabilité pour les défaillances de l’IA figure au programme législatif dans plusieurs États membres. Le CESE comprend l’approche de la proposition en ce qui concerne la protection, à ce stade, des principes juridiques nationaux, et est favorable à ce qu’il soit recouru à l’instrument de la directive afin, d’une part, d’éviter des incohérences excessives à l’échelle de l’Union en ce qui concerne les principes de responsabilité, et d’autre part de permettre aux États membres d’affiner les règles en matière de protection de manière à atteindre un niveau qu’ils jugent nécessaire et proportionné dans l’intérêt général. Il attire l’attention des décideurs politiques sur les inconvénients d’environnements juridiques fragmentés, qui entravent la réalisation d’un véritable marché unique numérique, maintiennent des différences entre les citoyens et les entreprises européens et pourraient contrecarrer l’innovation technologique européenne. Il estime que le risque d’interprétation erronée du principe de l’intérêt général ne doit pas être sous-estimé, étant donné que les procédures de contestation sont lourdes et que leur issue ne fait pas autorité au-delà de la question qui est en jeu lors de chaque procédure devant la Cour de justice. |
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6.2. |
Le CESE est conscient de la mesure dans laquelle les régimes juridiques nationaux applicables aux actions en responsabilité civile diffèrent encore d’un État membre à l’autre. Il a, au fil des ans, accordé une grande attention aux efforts déployés pour surmonter ces différences, par exemple au moyen d’un régime alternatif aux normes nationales («28e régime»). Il comprend dès lors également le choix de l’instrument juridique proposé à ce stade par la Commission, mais attire l’attention sur le fait que plusieurs notions sont susceptibles de donner lieu à des interprétations divergentes des ordres juridiques nationaux différents. Le CESE insiste sur le fait que le but ultime de la Commission devrait être de mettre en place un régime de responsabilité dont l’application soit aussi uniforme que possible dans l’ensemble de l’UE. |
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6.3. |
Le CESE souligne le droit de la partie défenderesse, notamment des (petits) détaillants, d’intenter une action en justice à l’égard de leurs fournisseurs ou de parties prenantes concernées situées en amont de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que le devoir de ces derniers d’assumer la responsabilité des conséquences de leur comportement négligent ou présumé fautif. Les fournisseurs devraient, dans de tels cas, être légalement tenus de verser une indemnisation aux défendeurs. |
7. Soutenir la compétitivité des développements européens en matière d’IA
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7.1. |
Le CESE considère que la sécurité juridique constitue une incitation économique à la recherche et au développement européens par les centres scientifiques, les pouvoirs publics et les entreprises, et qu’elle contribue à des innovations pionnières dans un environnement mondial. La proposition de directive sur la responsabilité en matière d’IA fournit en temps utile les orientations nécessaires pour donner aux innovateurs davantage de confiance quant aux risques juridiques, en particulier lorsqu’ils opèrent par-delà les frontières, étant donné que les différents ordres juridiques possèdent leurs propres régimes de responsabilité. Cela sera d’une grande valeur pour les jeunes pousses et les PME qui n’ont pas le même accès aux conseils juridiques que les grandes entreprises. Le nouveau cadre pourrait également aider les développeurs à lancer de nouvelles applications d’IA en ayant une meilleure compréhension de leurs implications juridiques, contribuant ainsi à la stratégie de l’UE sur les transitions numérique et écologique. |
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7.2. |
À ce stade, la proposition de directive sur la responsabilité en matière d’IA ne prévoit pas d’assurance obligatoire pour les applications d’IA. Étant donné que celles-ci sont encore en plein développement, en particulier lorsqu’il s’agit de systèmes complexes, il serait difficile vu l’absence d’expérience passée de mettre en place des méthodes de tarification qui, selon toute raison, seraient suffisamment fiables pour être représentatives des dommages et des demandes d’indemnisation à venir. Cela est particulièrement vrai compte tenu du fait que la survenance de dommages et les demandes d’indemnisation pourraient être interconnectées, entraînant la répétition des défaillances et, partant, une augmentation de la gravité des incidents et l’accumulation des pertes, alors que la capacité des entreprises d’assurance et de réassurance est actuellement limitée. Le CESE comprend donc le choix posé par la Commission de ne pas se pencher davantage sur la nécessité ou non d’instituer à ce stade une assurance obligatoire ou de prévoir d’autres garanties financières, pour quelles activités et dans quelle mesure, mais invite la Commission à surveiller de près la disponibilité et la portée des assurances. Un système de suivi fournissant des informations sur les incidents impliquant des systèmes d’IA est nécessaire pour déterminer si des mesures supplémentaires doivent être prises, par exemple pour ce qui est de la responsabilité objective ou de l’assurance obligatoire. |
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7.3. |
Le CESE relève que plusieurs risques sont soumis à une assurance obligatoire ou à d’autres garanties financières en vertu du droit national ou de celui de l’UE. C’est plus particulièrement le cas pour le secteur des véhicules à moteur, où le développement de véhicules autonomes est en cours. Dans de tels cas, lorsque l’assurance obligatoire s’étend non seulement au comportement du conducteur ou des passagers, mais aussi au dysfonctionnement de l’équipement, plus particulièrement en mode pilote automatique, une indemnisation étant, dans la plupart des cas (6), garantie aux victimes en vertu de la législation et des contrats en vigueur. Les compagnies d’assurance peuvent, le cas échéant, demander le remboursement de leurs dépenses aux fabricants. Cela devrait réduire les coûts pour les automobilistes et déplacer le centre de gravité économique des lignes d’assurance concernées d’un marché assurant la jonction entre entreprises et consommateurs pour passer à un modèle interentreprises. Le CESE estime dès lors qu’il n’est pas nécessaire de prendre d’autres mesures législatives notables dans les domaines où l’assurance obligatoire existe déjà ou dans lesquels son introduction est prévue au niveau de l’UE. En tout état de cause, le CESE suivra de près les choix éthiques présidant à des questions telles que la prévention des collisions et les scénarios de gestion des accidents. |
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7.4. |
Le CESE estime que les contraintes en matière de conformité et de gestion des risques inscrites dans la directive sur la responsabilité en matière d’IA, ainsi que la présomption qui fait peser la charge de la réfutation sur les fournisseurs, les personnes agissant pour le compte de ces derniers et les utilisateurs des systèmes d’IA, constituent des mesures proportionnées ciblant les niveaux adéquats de risque de dommages causés par les applications d’IA. |
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7.5. |
En ce qui concerne l’accès aux éléments de preuve, le CESE approuve les mesures prises pour protéger les secrets d’affaires, qui constituent un aspect important de la compétitivité des innovateurs européens, ainsi que les informations confidentielles, dans la mesure où elles sont invoquées de manière légitime et en tenant dûment compte des droits établis, tels que les privilèges légalement reconnus aux lanceurs d’alerte dans les environnements professionnels, par exemple. |
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7.6. |
Le CESE estime que l’adoption d’une présomption modérée plutôt que d’une responsabilité stricte facilite l’évolution de la technologie de l’IA dans l’Union européenne et pourrait confirmer le rôle de l’UE en tant qu’autorité normative à l’échelle mondiale, étant donné que d’autres pays seraient susceptibles d’aligner leur législation sur ce régime. Cet aspect devrait aussi être inclus dans le futur réexamen, lequel devrait également permettre de procéder à une clarification des concepts qui pourrait s’avérer nécessaire à la suite de cette première expérience. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer la confiance dans l’intelligence artificielle axée sur le facteur humain [COM(2019) 168 final] (JO C 47 du 11.2.2020, p. 64).
(2) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer la confiance dans l’intelligence artificielle axée sur le facteur humain [COM(2019) 168 final] (JO C 47 du 11.2.2020, p. 64).
(3) Avis du Comité économique et social européen sur la: «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier et modifiant les règlements (CE) no 1060/2009, (UE) no 648/2012, (UE) no 600/2014 et (UE) no 909/2014» [COM(2020) 595 final — 2020/0266 (COD)]; «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2006/43/CE, 2009/65/CE, 2009/138/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/65/UE, (UE) 2015/2366 et (UE) 2016/2341» [COM(2020) 596 final — 2020/0268 (COD)] (JO C 155 du 30.4.2021, p. 38).
(4) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, abrogeant la directive (UE) 2016/1148 [COM(2020) 823 final — 2020/0359 (COD)] et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la résilience des entités critiques [COM(2020) 829 final — 2020/0365 (COD)] (JO C 286 du 16.7.2021, p. 170).
(5) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle (législation sur l’intelligence artificielle) et modifiant certains actes législatifs de l’Union [COM(2021) 206 final — 2021/106 (COD)] (JO C 517 du 22.12.2021, p. 61).
(6) Le conducteur est habilité à introduire une réclamation au titre de la législation sur la responsabilité du fait des produits.
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/34 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité du fait des produits défectueux
[COM(2022) 495 final — 2022/0302 (COD)]
(2023/C 140/06)
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Rapporteure générale: |
Émilie PROUZET |
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Consultation |
Parlement européen, 17.10.2022 Conseil, 28.10.2022 |
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Base juridique |
Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Marché unique, production et consommation |
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Décision du bureau |
20.9.2022 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
156/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît la pertinence du régime de responsabilité civile présenté dans la proposition de la Commission qui offre à tout citoyen les moyens d’obtenir compensation pour un dommage qu’il aurait subi du fait du défaut d’un produit. Ce régime est d’autant plus pertinent face à l’accroissement du traitement judiciaire des conséquences de risques émergents. |
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1.2. |
Un régime de responsabilité sans faute a par essence pour objectif de rétablir un équilibre entre les droits du fabricant et ceux de la potentielle victime. Le CESE appelle les colégislateurs et les autorités nationales à maintenir l’équilibre obtenu dans cette proposition lors de son adoption et de sa transposition. |
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1.3. |
Le CESE appuie ainsi la nécessité de garantir la sécurité juridique à tous: au plaignant en lui donnant accès à un cadre juridique simplifié pour obtenir compensation et au fabricant qui peut continuer à innover en ayant conscience de ses responsabilités et en budgétisant ses risques. |
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1.4. |
Le CESE reconnaît que la révision de la directive en cause répond à nombre de demandes consuméristes, que ce soit dans l’identification du responsable, l’accès à l’information et à la compensation ou l’élargissement de la couverture aux dommages numériques et psychologiques. |
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1.5. |
Le CESE reconnaît la nécessité d’adapter ce régime aux enjeux du numérique et soutient les mesures préconisées dans la proposition à l’examen pour y faire face. Le Comité appuie ainsi la décision de la Commission européenne d’inclure l’intelligence artificielle (IA) dans cette proposition par un régime de responsabilité sans faute et par un régime de responsabilité pour faute dans la proposition de directive parallèle. Il souligne en outre la nécessité de rester technologiquement neutre dans l’encadrement des responsabilités du produit. |
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1.6. |
Le CESE demande que la proposition soit alignée avec l’acquis communautaire en ce qui concerne les définitions et la hiérarchie des responsabilités, mais aussi qu’elle soit simplifiée de manière cohérente par rapport aux législations en cours d’adoption. |
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1.7. |
Le CESE appelle en outre à plus de cohérence dans la rédaction d’une même obligation, présentée différemment dans les différents textes juridiques. Le CESE préconise que les mesures, plutôt que d’être dupliquées, soient simplifiées, notamment par référence à des obligations déjà existantes ou par leur extension. |
2. Contexte
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2.1. |
La proposition de révision de la directive sur la responsabilité du fait des produits et celle sur les règles de responsabilité en matière d’IA ont pour but de mettre à jour le régime européen de responsabilité sans faute, datant de 1985. L’objectif de ces deux propositions est d’adapter ce cadre aux transitions vers le numérique et en matière de durabilité. Les nouvelles règles visent ainsi à donner aux producteurs la sécurité juridique nécessaire pour innover et au plaignant la couverture de nouveaux dommages et défauts, l’assurance de trouver un responsable en Europe et dès lors d’obtenir compensation devant un juge. |
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2.2. |
Dans la pratique, la directive impose aux États membres d’établir un régime spécifique de responsabilité civile. Dans ce cadre, toute personne physique peut obtenir compensation en cas de perte matérielle liée à un dommage consécutif au défaut d’un produit. A priori, la grande majorité des réclamations au titre de la directive sur la responsabilité du fait des produits (PLD) concernent des dommages corporels et, dans certains cas, des dommages matériels graves. Les demandes de très faible importance sont généralement traitées par un arrangement à l’amiable. Les dispositions de la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux s’appliquent donc dans le cadre d’un accord à l’amiable, d’une procédure de règlement extrajudiciaire des litiges ou de règlement en ligne des litiges (alternative dispute resolution/online dispute resolution) ou d’une procédure juridique (1). Afin de mieux évaluer les affaires traitées, le CESE demande à la Commission d’obtenir plus d’informations et de statistiques sur les cas traités par règlement extrajudiciaire des litiges ou par règlement en ligne des litiges. |
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2.3. |
Les actions en responsabilité du fait des produits défectueux font partie des actions dont le nombre augmente le plus rapidement dans l’Union. En se fondant sur les jugements des tribunaux basés sur ce type de procédure ainsi que sur les récents débats sur les risques émergents, on peut recenser les produits et dommages visés aujourd’hui: l’amiante, les vaccins, les pesticides, le bisphénol A, les opioïdes (2) mais aussi les ondes électromagnétiques pour les personnes électrosensibles ou encore la crainte de développer un cancer en raison d’une exposition à une substance dangereuse (3). La multiplication des risques émergents depuis plusieurs années rend pareil régime indispensable. Conscient des futurs enjeux auquel ce régime pourrait être appliqué, le CESE appelle l’ensemble des parties prenantes dans cette législation à tenir compte de ce contexte. |
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2.4. |
Une autre préoccupation majeure réside dans le fait que ce nouveau texte doit réussir à maintenir un cadre juridique qui offre une sécurité juridique à tous les acteurs (demandeurs et défendeurs). Il y a lieu de s’assurer que les fondements de notre acquis communautaire ne soient pas remis en cause (définition, droit civil, etc.). |
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2.5. |
Nous devons également veiller à ce que le processus offre un équilibre entre nos objectifs européens de soutien à l’innovation industrielle et technologique et la protection des consommateurs et leur doit à la réparation équitable des dommages causés. Comme la Commission l’a rappelé (4), le cadre proposé ne doit pas entraver la mise en œuvre de la stratégie industrielle de l’Union récemment adoptée. En parallèle, l’Union doit également offrir aux consommateurs et, plus largement, aux citoyens européens le niveau le plus élevé de protection. |
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2.6. |
Enfin, la directive à l’examen vise à harmoniser les législations des États membres. Cette harmonisation est d’autant plus importante que les situations couvertes par ce régime de responsabilité ne s’arrêtent généralement pas aux frontières entre les États membres. Une harmonisation maximale est donc une nécessité qui, pour être optimale, doit concerner des mesures claires et bien définies. |
3. Observations générales sur la nécessité d’assurer la cohérence entre la proposition et l’acquis communautaire
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3.1. |
Un champ d’application très large à mettre en œuvre de manière cohérente au niveau national. Le projet de directive bénéficie à toute personne physique qui a subi un dommage du fait du défaut d’un produit et qui veut obtenir compensation auprès du fabricant du produit. Il n’est donc pas question ici de consommateur ou d’utilisateur final, de B to B ou de B to C. Toutefois, la directive, dans sa version initiale, a pourtant été utilisée par certains États dans le cas de conflits employé/employeur ou professionnel/professionnel, ce qui relève d’autres régimes que celui de la responsabilité sans faute. Le CESE attire l’attention des autorités sur la mise en œuvre et la bonne transposition de ce régime. |
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3.2. |
Certaines définitions doivent être clarifiées pour la cohérence du système. À l’article 4, les définitions de composant, fabricant et produit doivent être liées car elles sont toutes mentionnées à l’article 7 définissant la responsabilité de l’opérateur. À l’article 4.10, la définition de la mise en service devrait faire référence à la première utilisation par l’utilisateur final, comme dans le Guide bleu et d’autres législations d’harmonisation. La date de première utilisation est importante car elle détermine les délais de prescription. Enfin, à l’article 6, la notion d’utilisation du produit doit être alignée sur la législation européenne. En effet, l’utilisation incorrecte du produit ne peut pas être invoquée pour évaluer et prouver sa défectuosité. Elle ne peut être invoquée pour évaluer la conformité et la sécurité des produits visés par la législation européenne d’harmonisation, par exemple en matière de jouets. Comme le rappelle le Guide bleu, la législation européenne d’harmonisation s’applique lorsque les produits mis à disposition ou mis en service sur le marché sont utilisés conformément à leur destination. En tout état de cause, le fabricant ne peut être tenu pour responsable d’un dommage consécutif à la mauvaise utilisation d’un produit. |
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3.3. |
La hiérarchie des responsabilités entre les opérateurs économiques doit être proportionnelle à leur rôle dans la chaîne. Le CESE se félicite du fait que la proposition inclue les différents acteurs responsables de la conformité et de la sécurité, tels qu’ils sont définis dans le règlement (UE) 2019/1020 (5) et la proposition de règlement sur les services numériques (6). La proposition aligne ainsi la responsabilité de la conformité et de la sécurité du produit sur le régime de responsabilité pour les produits défectueux. Mais le paragraphe 2 de l’article 7 ne respecte pas la hiérarchie des rôles et des responsabilités établies dans le cadre européen pour les produits harmonisés (7). Par souci de cohérence, ce paragraphe devrait être révisé pour exprimer clairement la hiérarchie des opérateurs par défaut et non leur responsabilité conjointe. |
4. Évaluation des mesures visant à répondre aux demandes des victimes potentielles
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4.1. |
La recherche de l’opérateur responsable en vue d’une indemnisation est désormais garantie par de nombreuses mesures. Premièrement, le fabricant du produit et le fabricant du composant qui a causé la défectuosité du produit peuvent être responsables conjointement. Le CESE apprécie le fait que cette double responsabilité fasse partie des recommandations du BEUC (8). Deuxièmement, la hiérarchie de responsabilité entre opérateurs économiques, acteurs de la chaîne d’approvisionnement du produit défectueux, s’applique. Si le premier responsable est absent, celui qui se trouve en aval dans la chaîne d’approvisionnement porte sa responsabilité. Faute de fabricant dans l’Union, l’importateur ou, à défaut, le représentant autorisé/mandataire pourra être tenu pour responsable. De même, la responsabilité du distributeur et de la place de marché dépend de leur capacité à fournir des informations sur leurs fournisseurs/négociants. |
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4.2. |
Le CESE reconnaît que ces deux mesures permettent de déterminer plus facilement le responsable sur le marché européen et donc de donner accès à la compensation. |
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4.3. |
En outre, les obligations du distributeur sont en lien avec celles décrites dans la directive révisée sur la sécurité générale des produits (9) et les législations révisées sur les produits harmonisés (règles de traçabilité). |
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4.4. |
Il en va de même pour les places de marchés. La législation sur les services numériques instaure l’obligation de «connaître ses commerçants», ce qui implique notamment de disposer des coordonnées du fabricant et de la personne responsable dans l’Union. En outre, l’article 5, paragraphe 3, de la même directive, à savoir la proposition initiale de législation sur les services numériques, définit également les conditions de la perte de l’exemption de responsabilité pour les plateformes en cas de défaut d’information sur le vendeur. Une obligation comparable figure dans la directive omnibus: si les informations requises par la directive (UE) 2019/2161 (10) sur la protection des consommateurs ne sont pas fournies, la plateforme assume la responsabilité de la protection des consommateurs qui incombe normalement au vendeur. Si les obligations sont comparables, elles ne sont toutefois pas reprises à l’identique dans cette proposition. Le CESE appelle donc à plus de cohérence dans la rédaction d’une même obligation. |
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4.5. |
Être indemnisé pour les pertes consécutives à la défectuosité de services numériques est désormais également possible avec ce nouveau régime. Tout d’abord, en proposant un projet parallèle sur la responsabilité en matière d’IA, la Commission européenne y apporte une réponse spécifique. En parallèle, dans sa proposition, elle répond aux utilisateurs quant au défaut d’un «composant numérique» par de nombreuses mesures:
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4.6. |
Le CESE appuie les mesures destinées à encadrer le numérique dans la proposition à l’examen. Il appelle toutefois les colégislateurs à tenir compte de législations parallèles récemment adoptées ou en cours de négociation, notamment le RGPD (11), la proposition relative à la responsabilité en matière d’IA, la loi sur l’IA, la loi sur les données, le règlement relatif à la sécurité générale des produits, la directive SRI 2 (12) et la loi sur la cyberrésilience. Il y a lieu d’assurer la cohérence et d’éviter la duplication des mesures juridiques. |
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4.7. |
La proposition répond aux difficultés rencontrées pour obtenir ou comprendre les informations techniques de plusieurs façons. Le cadre juridique en question s’applique lorsqu’un produit a causé un dommage matériel à une personne ou à ses biens. Souvent, ces produits sont scientifiquement ou technologiquement complexes. En 1985, la Commission européenne a répondu à la complexité des produits concernés en introduisant la responsabilité sans faute en droit civil. Dans ce contexte, le plaignant doit prouver le défaut du produit, le dommage et le lien de causalité entre les deux afin d’obtenir une juste réparation de son préjudice. La faute du producteur n’a pas à être prouvée. Dès le préambule, l’Union européenne a reconnu que la responsabilité sans faute était nécessaire pour faire face à la technicité croissante de notre époque. Cette entorse au droit civil constituait déjà une simplification majeure pour le plaignant. Cependant, lors du processus de révision législative en cours, les organisations de consommateurs ont préconisé d’aller plus loin et de renverser la charge de la preuve ou de bannir l’exemption pour connaissances scientifiques. La Commission n’a pas retenu ces deux dernières mesures, mais a introduit de nouvelles propositions pour répondre aux demandes des consommateurs. |
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4.8. |
La proposition à l’examen comprend donc de nouvelles mesures sur la divulgation des preuves et la présomption du défaut ou du lien de causalité. En ce qui concerne le premier point, il s’agit avant tout de créer ce droit au niveau européen. Aujourd’hui, la plupart des États membres ont des règles similaires. Le deuxième point est, quant à lui, une codification de la jurisprudence, considérée comme favorable au plaignant et que nous étudions au paragraphe 5. |
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4.9. |
La proposition de la Commission répond également aux situations où les dommages surviennent des années ou des décennies après l’achat du produit ou sa mise sur le marché. Elle y apporte deux réponses différentes. Pour le numérique (lié aux services), il n’existe pas d’exemption liée à la probabilité que le défaut n’existait pas au moment de la mise sur le marché ou de la mise en service. En outre, il semble assez complexe d’argumenter l’exemption liée à l’état de la technique. Enfin, pour les substances dangereuses causant une latence d’un dommage corporel, le délai de prescription est porté à 15 ans. |
5. Évaluation des mesures répondant à la demande des entreprises
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5.1. |
La notion de modification substantielle est essentielle dans ce régime et mérite d’être définie et clarifiée. La modification substantielle d’un produit implique la responsabilité de son auteur et la reconduite du délai de prescription. Dès lors, le CESE demande que cette notion soit clarifiée sur la base du Guide bleu (13). |
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5.2. |
Évaluation des cas où une partie du triptyque (défaut/dommage/lien de causalité) ne doit pas être prouvée. L’article 9 stipule que les États membres veillent à ce que le plaignant ait la charge de la preuve du défaut, du dommage et de leur lien de causalité. Il est donc nécessaire de prouver le préjudice matériel lié à un dommage matériel ou immatériel à la personne ou aux biens personnels ou à la perte/corruption de données ET le défaut du produit ou de l’un de ses composants (article/service) ET le lien entre eux, sauf dans deux cas. Il convient de noter que la charge de la preuve est établie dans le cadre d’une procédure juridique déjà engagée. La plainte a donc été jugée suffisamment recevable et le dommage suffisamment important pour que le particulier souhaite engager une action en justice, laquelle est a priori financièrement coûteuse pour le plaignant. |
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5.2.1. |
Premièrement, l’article 9 relatif à la charge de la preuve précise, au paragraphe 3, les cas où le lien de causalité entre le dommage et le défaut est présumé, c’est-à-dire lorsque le défaut du produit est établi et que le dommage est d’une nature généralement propre à ce défaut. Dans ce cas, une fois le défaut prouvé, seule la perte matérielle associée au dommage doit être établie. La preuve d’un lien de causalité est permise par des présomptions. Cette disposition est également semblable à une reconnaissance du potentiel de défaillance. Dans ce contexte, un fabricant qui a repéré une défaillance dans un produit devra rappeler ou retirer du marché tous les produits du même lot. Une telle gestion conduirait à un important gaspillage. |
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5.2.2. |
Deuxièmement, l’article 9, paragraphe 4, précise les cas où la preuve du défaut et du lien de causalité est fondée sur des probabilités. Cela peut se produire dans les cas où la Cour décide que le demandeur éprouve des difficultés excessives en raison de la complexité technologique ou scientifique de la preuve des éléments. En conséquence, le plaignant doit prouver que le produit a contribué au dommage ET la probabilité du défaut ou du lien entre le défaut et le dommage. Dans ce cas, ni le défaut ni le lien de causalité ne doivent être prouvés scientifiquement. |
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5.2.3. |
Pour évaluer cette disposition, il faut se référer à la jurisprudence qui la sous-tend. Ainsi, dans l’affaire Sanofi Pasteur (14), les tribunaux considèrent qu’en l’absence de tout consensus scientifique, la preuve du défaut d’un vaccin et du lien de causalité entre le défaut et la maladie peut être apportée par des éléments sérieux, précis et concordants. La procédure est grandement simplifiée pour le plaignant qui doit pour finir apporter un ensemble d’éléments factuels et non scientifiques. Le CESE reconnaît que pour certains cas complexes, la notion de «probabilité de défaut» doit être appréciée par un juge sans que cela ne conduise à une présomption automatique de causalité. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Voir les estimations établies dans le cadre de l’étude d’impact de la Commission européenne.
(2) Cette substance fait l’objet de débats, notamment en Suède. Il faut savoir qu’en France, au cours des dix années qui ont précédé la pandémie de COVID-19, la consommation d’opioïdes a augmenté de plus de 150 %.
(3) La France reconnaît l’indemnisation en cas de préjudice d’anxiété, en vertu de l’inquiétude d’une personne quant à l’apparition future d’une maladie. L’Espagne et l’Italie semblent vouloir lui emboîter le pas. Cette reconnaissance a été établie en 2019 pour les cas d’exposition à l’amiante et étendue à toute substance ou produit dangereux peu après. En conséquence, l’amiante a été interdit en 1997 et, vingt ans plus tard, il existe toujours un risque d’indemnisation important pour nos entreprises.
(4) En janvier 2020, dans le cadre d’une audition qu’elle a organisée sur la révision de la directive sur la responsabilité du fait des produits, la Commission européenne a rappelé que ce sujet est de la plus haute importance afin de renforcer la capacité industrielle de l’Union à être souveraine sur le plan technologique et d’offrir un avantage concurrentiel aux producteurs pour innover et rivaliser avec la Chine et les États-Unis.
(5) Règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) no 765/2008 et (UE) no 305/2011 (JO L 169 du 25.6.2019, p. 1).
(6) COM(2020) 825 final — 2020/0361 (COD).
(7) i) Un fabricant établi dans l’Union; ii) un importateur (par définition établi dans l’Union) lorsque le fabricant n’est pas établi dans l’Union; iii) un mandataire (par définition établi dans l’Union) disposant d’un mandat écrit du fabricant pour effectuer des tâches au nom de ce dernier; ou iv) un prestataire de services d’exécution des commandes établi dans l’Union lorsqu’il n’y a pas de fabricant, d’importateur ou de mandataire établi dans l’Union.
(8) Bureau européen des unions de consommateurs — www.beuc.eu
(9) Directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits (JO L 11 du 15.1.2002, p. 4).
(10) Directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs (JO L 328 du 18.12.2019, p. 7).
(11) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).
(12) Directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, modifiant le règlement (UE) no 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2) (JO L 333 du 27.12.2022, p. 80).
(13) Un produit ayant fait l’objet de modifications ou de transformations importantes après sa mise en service doit être considéré comme un nouveau produit si: i) sa performance, sa destination ou son type d’origine sont modifiés, sans que cela soit prévu dans l’évaluation initiale des risques; ii) la nature du danger a changé ou le niveau de risque a augmenté par rapport à la législation d’harmonisation de l’Union concernée; iii) le produit est mis à disposition (ou mis en service si la législation applicable inclut également la mise en service dans son champ d’application). Il convient alors de procéder à une évaluation au cas par cas et, plus particulièrement, en fonction de l’objet de la législation et du type de produits couverts par la législation concernée.
(14) Arrêt de la Cour de justice du 21 juin 2017, N. W e.a./Sanofi Pasteur MSD SNC e.a., C-621/15, ECLI:EU:C:2017:484.
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/39 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Stratégie européenne en matière de soins»
[COM(2022) 440 final]
(2023/C 140/07)
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Rapporteure: |
Kinga JOÓ |
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Corapporteure: |
Zoe TZOTZE-LANARA |
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Consultation |
Commission européenne, 27.10.2022 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
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Adoption en section |
11.1.2023 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
169/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement les propositions relatives à la stratégie européenne en matière de soins, qui recommandent de prendre des mesures au niveau national et de l’Union européenne (UE) afin de renforcer l’infrastructure de soins en Europe sur la base d’une approche englobant l’ensemble de la société, et se félicite que cette stratégie préconise, dans les propositions de recommandations du Conseil qui l’accompagnent, des services de meilleure qualité tout au long de la vie. |
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1.2. |
Le CESE réitère sa proposition de lancer une garantie européenne en matière de soins qui assurerait à toute personne vivant dans l’UE de pouvoir accéder à des services de santé et de soins abordables et de qualité tout au long de sa vie. Cet instrument contribuerait à une mise en œuvre efficace des mesures visant à répondre aux déficits en matière de soins et à promouvoir des conditions de travail décentes pour les aidants, y compris les aidants informels. |
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1.3. |
Le CESE met en avant l’importance de soutenir les familles dans le rôle fondamental qui leur est dévolu. Cette démarche implique d’investir au-delà du cadre des politiques sociales et dans le tissu social. Pourvu qu’elles soient suffisamment soutenues, les familles, dans toute leur diversité, agissent comme un filet de sécurité et constituent des éléments essentiels d’un système de soins durable fondé sur la solidarité. On ne saurait trop insister sur l’importance de la priorité accordée au caractère abordable des soins et à leur continuité face aux chocs subis. |
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1.4. |
En procédant auprès d’eux à la collecte et à la diffusion de certains éléments essentiels ressortissant aux bonnes pratiques et en portant à leur connaissance de nouvelles formes de services de soins, le CESE joue un rôle primordial dans la sensibilisation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile aux outils et aux infrastructures disponibles. Il préconise l’allocation d’enveloppes budgétaires spécifiques pour recenser les besoins des bénéficiaires et des prestataires de soins ainsi que des proches aidants. |
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1.5. |
La question de l’égalité entre les hommes et les femmes doit rester au centre de la mise en œuvre de la stratégie, y compris au moyen d’actions visant à combattre les stéréotypes sexistes préjudiciables qui mettent à mal les secteurs des soins formels et informels. Le CESE affirme une fois encore que des efforts doivent être consentis pour encourager un plus grand nombre d’hommes à rejoindre le personnel soignant et faire en sorte que les responsabilités au sein des foyers soient mieux réparties. |
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1.6. |
Le CESE souligne la nécessité d’aborder ces questions en prenant en compte toutes les étapes de la vie et, ce faisant, de promouvoir un vieillissement actif et en bonne santé, tout en menant un travail de prévention et de protection contre la discrimination fondée sur l’âge et sur d’autres facteurs, la maltraitance des personnes âgées, les mauvais traitements et les stéréotypes. Il préconise l’élaboration d’une stratégie européenne en faveur des personnes âgées. |
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1.7. |
Le CESE en appelle à la mobilisation de toutes les ressources pour répondre à une demande de soins qui est croissante et diverse: des financements suffisants doivent être alloués aux infrastructures de soins et aux prestataires de soins à la personne de manière à favoriser la croissance et l’emploi. C’est tout l’éventail des acteurs dispensant des soins qu’il faut mobiliser, moyennant de solides cadres d’assurance de la qualité. Les États membres doivent encourager la création d’emplois de qualité, faire en sorte que les emplois dans le domaine de l’aide sociale soient attrayants, correctement rémunérés et valorisés, et offrir de bonnes perspectives de carrière aux travailleurs concernés. |
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1.8. |
Le CESE recommande d’améliorer la fourniture de données sur la fréquentation des établissements chargés de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance afin d’en assurer la comparabilité et de disposer d’informations plus complètes pour concevoir et mettre en œuvre des réformes. |
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1.9. |
Le CESE demande aux institutions de l’UE de formaliser la coopération en créant un groupe d’experts de haut niveau sur les soins de longue durée qui rassemblerait, à parité d’hommes et de femmes, l’ensemble des acteurs et les organisations qui les représentent, afin de cocréer les services de soins de demain (1). Il est également recommandé de prévoir une participation constructive des bénéficiaires et des prestataires de soins, ainsi que des organisations qui les représentent, à l’intégralité du cycle d’élaboration des politiques. |
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1.10. |
Le CESE souligne qu’il y a lieu de prendre en compte la mobilité des professionnels de la santé et la migration de main-d’œuvre en provenance de pays tiers, et dans le même temps de mettre en place des outils permettant de rapprocher l’offre de la demande et de reconnaître les qualifications des travailleurs; il fait observer par ailleurs que la stratégie ne tient pas suffisamment compte des nombreux travailleurs sans papiers qui fournissent déjà des soins en Europe. |
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1.11. |
Le CESE préconise un examen à mi-parcours des recommandations sur la base du suivi des objectifs de Barcelone et des objectifs généraux à long terme pour réformer le secteur des soins, dans le prolongement du cycle de financement de l’UE. |
2. Objectifs et portée de l’avis
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2.1. |
Le CESE accueille favorablement les propositions relatives à la stratégie européenne en matière de soins (ci-après la «stratégie»), qui recommandent de prendre des mesures au niveau national et de l’UE afin de renforcer l’infrastructure de soins en Europe de manière à soutenir à la fois les bénéficiaires des soins (de la naissance à la vieillesse) et les prestataires de soins (formels et informels). Il salue l’approche analytique adoptée par la Commission pour recenser les faiblesses, les goulets d’étranglement et les difficultés qui entravent la prestation de soins de qualité intégrés. |
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2.2. |
Cette stratégie s’inscrit dans la droite ligne du plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, publié par la Commission en 2021, et fournit aux États membres des lignes directrices utiles pour garantir des soins accessibles, adéquats et de qualité de manière à répondre aux demandes toujours plus nombreuses et diverses en la matière, accompagnées d’objectifs ambitieux en matière d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) et d’outils de bonne gouvernance pour le suivi des actions entreprises dans le domaine des soins de longue durée. La stratégie s’appuie sur des cadres existants de l’UE (2), ce qui lui confère un caractère transversal par lequel elle contribuera à remédier aux déficits en matière de soins et protégera les droits des prestataires et des bénéficiaires de soins. |
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2.3. |
De nombreux avis et études existants peuvent offrir des orientations en ce qui concerne la mise en œuvre, des informations et des données relatives à divers aspects du domaine des soins, notamment les questions de genre (3) (4), le coût des soins informels (5) (6), les systèmes de soins de longue durée en Europe (7), la main-d’œuvre et les conditions de travail (8) (9). |
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2.4. |
Le Parlement européen a mis en exergue l’importance de l’accessibilité et de la disponibilité de services publics de soins, ainsi que la nécessité d’offrir à tous les intéressés la possibilité de choisir réellement les services de soins qui leur conviennent ainsi qu’à leurs familles [soins à domicile, services de proximité, soins axés sur le patient, soins personnalisés ou autres (10)]. |
3. Observations générales
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3.1. |
Le CESE se félicite du fait que la stratégie reconnaisse que les soins relèvent de la responsabilité de la société dans son ensemble, et pas seulement de celle des familles. Il salue les deux propositions de recommandations du Conseil qui préconisent des services de meilleure qualité tout au long de la vie et plaide en faveur d’un changement de paradigme sociétal en ce qui concerne la manière dont les soins sont fournis dans l’Union et la valeur qui leur est accordée, de manière à combler le fossé entre les différences culturelles et nationales. |
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3.2. |
La stratégie entend réorienter le débat européen sur les soins vers un modèle de soins durable et fondé sur les droits de l’homme qui favorise l’égalité entre les hommes et les femmes dans les soins formels et informels et garantisse la dignité humaine, l’autonomie des personnes concernées et leur inclusion dans la société. La résilience et l’adéquation des systèmes de soins dans l’UE ont été mises à l’épreuve lors de la pandémie de COVID-19, qui a amplifié des problèmes structurels tels que le sous-financement et le manque d’effectifs. |
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3.3. |
Pour être efficace, la stratégie doit reposer sur une approche transformatrice et ambitieuse qui soit centrée sur les droits et besoins fondamentaux des bénéficiaires et des prestataires de soins, et qui prévoie notamment leur participation pleine et effective aux consultations et aux décisions. |
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3.4. |
Le CESE indique que les mesures de prévention, d’adaptation et de rééducation devraient faire partie intégrante de la mise en œuvre de la stratégie. Les actions entreprises devraient être toujours plus axées sur l’intervention précoce, le vieillissement actif et en bonne santé, les mesures préventives et le soutien en faveur de l’autonomie visant à réduire autant que possible la nécessité d’avoir recours aux soins de longue durée et à favoriser une meilleure inclusion dans la société et une citoyenneté active, notamment grâce à l’élaboration d’une stratégie européenne complète en faveur des personnes âgées. |
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3.5. |
Tout en rappelant la situation d’austérité engendrée par les récentes crises économiques et financières, le CESE insiste sur la nécessité de veiller en priorité au caractère abordable et à la continuité des services de soins en réponse aux perturbations actuelles dues à la guerre en Ukraine, à la crise énergétique et maintenant à celle du coût de la vie. |
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3.6. |
Il convient également de saluer l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans l’ensemble de la stratégie. Les femmes sont surreprésentées dans le secteur des soins, tant formels qu’informels. Dans l’Union, 29 % des femmes affirment que la principale raison de leur inactivité sur le marché du travail ou de leur travail à temps partiel réside dans les responsabilités familiales, pour seulement 6 % des hommes (11). Selon les estimations, cette répartition déséquilibrée des responsabilités familiales coûte 242 milliards d’EUR par an (12). Les recommandations offrent aux États membres des lignes directrices utiles pour lutter contre les stéréotypes de genre et les écarts entre hommes et femmes sur le plan des rémunérations, des pensions et des responsabilités familiales. |
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3.7. |
Le CESE souligne l’importance des soins apportés dans le cadre familial et des soins informels comme éléments de systèmes de soins durables, et demande qu’un inventaire des besoins et des réalités de ce type de soins soit rapidement réalisé. Il convient de reconnaître les aidants familiaux et informels dans leur rôle de partenaires s’agissant d’assurer la continuité des soins, mais aussi de leur fournir un soutien global reposant notamment sur des offres de formations assorties de systèmes de validation des compétences, ainsi que de veiller à ce qu’ils soient intégrés dans le marché du travail et la vie sociale au moyen d’une combinaison de ressources, de services et d’aménagements de leur temps de travail (en lien avec la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée), tout en garantissant leur accès aux droits sociaux, aux services de répit et aux services de santé mentale (13). |
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3.8. |
Le CESE se félicite de l’accent placé sur une meilleure protection des droits des prestataires de soins. Il demande aux États membres de combler les lacunes dans l’exécution du droit du travail de l’UE, de ratifier la convention no 189 de l’OIT, qui établit des normes en faveur de conditions de travail décentes pour les travailleurs domestiques, et de prendre des mesures pour réglementer la situation des prestataires de services à la personne logés à domicile (14), y compris les travailleurs migrants et mobiles. Le Comité fait toutefois observer que la stratégie ne tient pas suffisamment compte des nombreux travailleurs sans papiers qui fournissent déjà des soins en Europe et qu’elle devrait tenir compte de l’ensemble des prestataires de soins vivant dans l’Union européenne, indépendamment de leur statut au regard de la législation relative à l’immigration ou au séjour. |
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3.9. |
Le CESE se félicite de la volonté d’améliorer les conditions de travail dans le secteur des soins en offrant des possibilités de perfectionnement et de reconversion professionnels, ainsi que de validation des compétences, en augmentant les rémunérations, en promouvant les droits sociaux et du travail, en prenant en considération les risques sanitaires physiques et psychosociaux, ainsi qu’en éliminant les risques de violence et de harcèlement sur le lieu de travail. Il demande aux États membres de ratifier la convention no 190 de l’Organisation internationale du travail concernant la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Les partenaires sociaux et les gouvernements doivent collaborer pour mettre un terme aux formes de travail précaires dans le domaine des soins et mettre en place de solides cadres de négociation réglementaire, financière et collective. La pénurie de personnel qualifié dans presque tous les États membres met en péril les normes en matière de santé et de soins, en particulier dans le contexte de l’évolution démographique, de la mobilité des travailleurs et du vieillissement. |
4. Observations particulières
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4.1. |
Le CESE attire une fois de plus l’attention sur la nécessité d’élaborer le plus rapidement possible une garantie européenne spécifique en matière de soins (15), qui constitue un élément essentiel pour une mise en œuvre efficace de la stratégie qui soit fondée sur une combinaison de politiques, de pratiques et d’outils de financement pour veiller à ce que les mesures adoptées dans le cadre de la stratégie soient pleinement intégrées dans les cadres juridiques, stratégiques, de financement et de services nationaux. L’établissement de normes, de même que le contrôle de celles-ci, constitue un facteur crucial pour s’assurer que des améliorations soient introduites dans le secteur (16). |
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4.2. |
La stratégie européenne en matière de soins devrait être complétée par un plan de mise en œuvre européen structuré et des mécanismes de financement. Dans de nombreux États membres, les investissements publics dans le secteur des soins sont insuffisants. Il convient de mobiliser les Fonds structurels et d’investissement de l’UE (FSE+, FEDER), ainsi que la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) et l’instrument d’appui technique pour soutenir les États membres dans des domaines spécifiques liés aux soins (de la conception des politiques à la mise en œuvre des services et au suivi des incidences), notamment au moyen de marchés publics socialement responsables. |
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4.3. |
Il sera essentiel de mener une évaluation des progrès et des incidences de la stratégie pour les bénéficiaires et les prestataires de soins. Des lignes directrices techniques spécifiques pour la mise en place de cadres de suivi et d’évaluation pourraient aider les autorités nationales en leur fournissant des orientations précises sur l’élaboration de modèles pour des services de soins durables, de mesures d’impact et d’indicateurs. La Commission européenne devrait inclure dans son suivi des rapports sur les politiques ainsi que sur les financements, et demander un examen à mi-parcours des recommandations. Le semestre européen devrait mieux cibler ses recommandations par pays afin d’aider les États membres à accorder la priorité au financement adéquat des soins et à le considérer comme un investissement productif et durable plutôt que comme une charge économique. |
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4.4. |
À la suite de l’adoption des deux recommandations du Conseil, des mesures et des lignes directrices devraient être rapidement intégrées dans les politiques et les cadres juridiques nationaux. Le CESE souligne qu’il importe que les coordinateurs nationaux en matière de soins de longue durée assurent la cohérence et veillent à l’intégration des questions liées aux soins dans d’autres domaines, ministères et niveaux de gouvernance, en allant au-delà des politiques sociales et de santé (logement, transport, énergie, économie, etc.). |
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4.5. |
La sélection des risques en vue d’écarter ceux qui sont indésirables, la marchandisation et la maximisation des profits au détriment des soins et de la santé risquent d’exacerber les inégalités en matière d’accès aux soins. Des mesures de contrôle proportionnées sont nécessaires pour prévenir les pratiques délétères et introduire des garanties solides qui assurent des services de qualité et une utilisation appropriée des fonds. Les soins de longue durée et l’EAJE doivent pouvoir s’appuyer, au niveau des États membres, sur de solides systèmes de protection sociale et des services publics de qualité fondés sur la solidarité, des investissements à vocation sociale et des acteurs de l’économie sociale, comme les mutuelles, afin de proposer différents types de systèmes de financement et de partage des coûts pour les soins fournis, par des soignants dûment formés, dans un cadre de proximité et à domicile (17). Pour financer ces dispositions, il convient d’envisager des alternatives aux cotisations sociales (18). Il faut également examiner la possibilité d’intégrer un soutien volontaire de la part d’organisations à but non lucratif, qui bénéficierait à la fois aux systèmes de soins et de santé, mais cette mesure ne doit pas avoir pour objectif la réduction des coûts. |
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4.6. |
En ce qui concerne les compétences nationales et la subsidiarité, la Commission européenne devrait veiller au caractère inclusif des services de soins de qualité mis au point par les États membres. La stratégie à l’examen doit garantir un accès total et égal aux services de soins pour toutes les personnes qui en ont besoin, notamment en mettant en place des cadres de qualité robustes et contraignants. Une attention particulière devrait être consacrée aux groupes généralement exclus, tels que les Roms et les migrants, ainsi qu’aux effets des discriminations croisées et structurelles. Cet objectif nécessite aussi que les infrastructures de soins soient accessibles dans les zones reculées et à faible densité de population. |
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4.7. |
Investir dans les infrastructures numériques peut aider à planifier et à fournir les soins de manière efficace, afin de permettre aux différents prestataires de soins de santé et d’aide sociale de stocker, échanger et communiquer des informations, ce qui rend possible un suivi efficace de la qualité et de l’égalité d’accès. De multiples solutions telles que, entre autres, les technologies d’assistance, les mesures de prévention, la robotique ou la télésanté peuvent, à condition d’être pleinement inclusives et accessibles, favoriser la portée, la continuité, la coordination et la qualité des services de soins. |
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4.8. |
La proposition de recommandation sur les soins de longue durée indique que les systèmes doivent également répondre aux besoins de soutien des personnes handicapées, tout en faisant clairement référence à la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. La Commission devrait veiller à ce que les fonds de l’UE mobilisés au titre de la stratégie respectent l’objectif de désinstitutionnalisation et favorisent l’inclusion par la mise en place de services de proximité assurés par une main-d’œuvre bien formée (19). Le CESE insiste à nouveau sur la nécessité de soutenir les enfants handicapés et les parents handicapés (20), et se félicite de l’attention particulière qui leur est portée dans la recommandation relative à l’EAJE. |
5. Mise en œuvre de la recommandation relative à l’EAJE
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5.1. |
Le CESE est favorable à la révision des objectifs de Barcelone afin d’améliorer la disponibilité de services de garde d’enfants de qualité, accessibles, abordables et inclusifs. Les États membres qui ont atteint ou dépassé les objectifs de Barcelone devraient se concentrer davantage sur la fourniture de normes de qualité et la mise au point de diverses formes d’EAJE en fonction des différentes tranches d’âge. Les objectifs d’amélioration de la disponibilité des services d’EAJE doivent s’accompagner de cadres d’assurance de la qualité et de conditions de travail décentes. Les États membres devraient œuvrer à la création d’indicateurs permettant d’évaluer l’accès aux modèles de soins en fonction des préférences et des différences nationales tout en respectant les objectifs, la qualité et les autres normes que prévoient les objectifs de Barcelone révisés. |
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5.2. |
Le CESE se félicite du fait que la proposition recommande de veiller à ce que tous les enfants aient un droit légal de bénéficier de services de qualité. Il se réjouit également des liens que la stratégie établit avec la garantie européenne pour l’enfance, dont elle reprend l’approche multigénérationnelle, qui est indispensable pour le bien-être familial et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. L’accès gratuit aux services d’EAJE pour les familles dans le besoin doit être complété par un ensemble de mesures comprenant des repas gratuits, des produits d’hygiène gratuits (des couches, par exemple) et une aide au développement physique et mental (motricité fine, orthophonie, etc.). |
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5.3. |
Le CESE se félicite des références faites aux cadres de l’UE en matière d’égalité et aux enfants en situation de vulnérabilité, et est favorable à la création de systèmes inclusifs respectueux de toutes les formes de foyer familial. Les mesures à prévoir devraient inclure des actions de sensibilisation ainsi que des formations destinées au personnel sur les droits des utilisateurs des services, l’inclusion et les préjugés. Le CESE se déclare particulièrement favorable aux propositions relatives à la mise en place d’un ratio adéquat entre le nombre d’enfants et de professionnels encadrants, à la formation professionnelle continue du personnel et à l’inclusion dans les indicateurs d’exigences en matière de fréquentation, un critère particulièrement important pour les enfants handicapés, qui n’ont souvent qu’un accès partiel aux services d’EAJE. |
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5.4. |
Les modèles de bonnes pratiques en matière d’EAJE doivent être placés au cœur des mesures prises pour mettre en pratique la recommandation du Conseil et soutenus par des politiques et des cadres de financement infranationaux, grâce à des budgets spécifiques alloués au recensement des besoins des bénéficiaires et des prestataires de soins et à l’expérimentation de nouvelles formes de services de soins. Les droits des enfants doivent demeurer une considération centrale. Dans leurs premières années, les enfants ont besoin d’un environnement sain et propice à leur épanouissement, que les soins et la garde soient assurés par la famille ou des professionnels; c’est pourquoi il importe d’offrir différents modèles de soins ou de garde (centres de jour, crèches sur le lieu de travail, services de garde d’enfant ou d’assistance maternelle, groupes de jeux, structures d’accueil extrascolaire), compte tenu des besoins en matière de développement d’enfants de différents âges. |
6. Mise en œuvre de la recommandation relative aux soins de longue durée
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6.1. |
Le CESE plaide en faveur de solides plans de mise en œuvre portant sur tout l’éventail des soins de longue durée. La Commission européenne devrait formaliser la coopération en créant un groupe d’experts de haut niveau sur les soins de longue durée, qui rassemblerait les partenaires sociaux, les organisations de la société civile, les coordinateurs nationaux, les bénéficiaires de soins de longue durée, en particulier des personnes âgées ou handicapées, et d’autres experts et praticiens concernés. En vue d’éclairer les travaux du groupe, une plateforme publique en ligne pourrait être créée afin de centraliser des données et des résultats de recherches ainsi que de favoriser le partage de bonnes pratiques. |
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6.2. |
Le CESE a adopté plusieurs avis consacrés à la fourniture de soins de longue durée dans l’Union (21) et souligné ainsi la nécessité d’investir dans une prise en charge de qualité, durable et accessible à tous. Le CESE souligne qu’il y a lieu de maximiser la complémentarité et les synergies entre tous les prestataires de services de soins et de santé, dans le secteur privé comme public, à but lucratif ou non, afin de parvenir à assurer une couverture pour toute la population, en tenant compte des bonnes pratiques dans les États membres. |
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6.3. |
Le CESE se félicite que la proposition relative aux soins de longue durée reconnaisse l’importance des acteurs de l’économie sociale en tant que prestataires de services. Le CESE encourage la Commission à étudier plus avant les moyens de créer des canaux de communication structurés entre les acteurs de l’économie sociale et les institutions européennes dans le cadre de la politique en matière de soins de longue durée. |
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6.4. |
Le CESE fait valoir que les différentes initiatives prises dans le cadre de la transition écologique et numérique sont essentielles pour exploiter pleinement le potentiel des technologies en vue de créer, repenser et rénover le parc immobilier de manière plus inclusive et plus durable. |
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6.5. |
Les modèles de bonnes pratiques en matière de soins de longue durée peuvent inclure un soutien à domicile plus structuré et plus efficace ainsi que de nouvelles solutions de logement telles que des habitations protégées, supervisées ou insérées dans la vie locale, des résidences de cohabitation ou d’autres dispositifs, en fonction des besoins et des préférences des bénéficiaires des soins et conformément aux cadres de qualité légalement approuvés. D’autres types de modèles de soins devraient également être envisagés afin de couvrir, de manière intégrée, tout l’éventail des soins, tels que le soutien à la santé mentale, les centres familiaux, les groupes de soutien parental ou encore l’aide au logement de courte durée. Ce faisant, il importe de faciliter la transition d’un modèle à l’autre en fonction des variations dans l’intensité et la nature des services requis, sans compromettre la continuité des soins. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La cocréation de services d’intérêt général comme contribution à une démocratie plus participative au sein de l’UE» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 76).
(2) La stratégie européenne en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030, la garantie pour l’enfance, la stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant, la directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes et d’autres initiatives pertinentes élaborées dans le cadre du socle européen des droits sociaux.
(3) Gender inequalities in care and pay in the EU («Inégalités entre les hommes et les femmes en matière de soins et de rémunération dans l’UE»), https://eige.europa.eu/publications/gender-inequalities-care-and-pay-eu [en anglais].
(4) Gender Equality Index («Indice d’égalité de genre»), https://eige.europa.eu/gender-equality-index/2022 [en anglais].
(5) What if care work were recognised as a driver of sustainable growth? («Et si les activités de soins étaient reconnues comme un moteur de croissance durable?»): https://epthinktank.eu/2022/09/07/what-if-care-work-were-recognised-as-a-driver-of-sustainable-growth/ [en anglais].
(6) Study on exploring the incidence and costs of informal long-term care («Étude sur l’incidence et les coûts des soins informels de longue durée»), https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=en&pubId=8423&furtherPubs=no [en anglais].
(7) 2021 Long-term care report («Rapport 2021 sur les soins de longue durée»), https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=en&pubId=8396 [en anglais].
(8) Long-term care workforce: Employment and working conditions («Main-d’œuvre du secteur des soins de longue durée: conditions d’emploi et de travail»), https://www.eurofound.europa.eu/nb/publications/customised-report/2020/long-term-care-workforce-employment-and-working-conditions [en anglais].
(9) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Stratégie relative au personnel et aux soins de santé pour l’avenir de l’Europe» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 37).
(10) Proposition de résolution du Parlement européen du 22.6.2022: rapport vers une action européenne commune en matière de soins.
(11) EIGE, ibidem.
(12) Service de recherche du Parlement européen, ibidem.
(13) Charte européenne de l’aidant familial, https://coface-eu.org/wp-content/uploads/2022/05/COFACE-disability_FR_final.pdf
(14) Avis du Comité économique et social européen sur «Les droits des prestataires de services à la personne logés à domicile» (avis d’initiative) (JO C 487 du 28.12.2016, p. 7).
(15) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Stratégie relative au personnel et aux soins de santé pour l’avenir de l’Europe» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 37).
(16) OCDE, Improving healthcare quality in Europe — Characteristics, effectiveness and implementation of different strategies («Améliorer la qualité des soins de santé en Europe — Caractéristiques, efficacité et mise en œuvre de différentes stratégies»), 2019.
(17) Avis du Comité économique et social européen sur «L’impact de l’investissement social sur l’emploi et les budgets publics» (avis d’initiative) (JO C 226 du 16.7.2014, p. 21).
(18) Event report: European Care systems: Solidarity and sustainability — friends or foes? («Rapport d’événement — Les systèmes de santé européens: solidarité et durabilité, amis ou ennemis?») https://www.aim-mutual.org/mediaroom/event-report-european-care-systems-solidarity-and-sustainability-friends-or-foes/ [en anglais].
(19) Groupe européen d’experts sur la transition des soins en institution vers les soins de proximité, EU Guidance on independent living and inclusion in the community («Lignes directrices de l’UE en matière d’autonomie et d’inclusion dans la société», en anglais) et EU funds Checklist to promote independent living and deinstitutionalisation («Fonds de l’UE: critères à remplir pour promouvoir l’autonomie et la désinstitutionnalisation», en anglais).
(20) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle des membres de la famille qui s’occupent de personnes handicapées et de personnes âgées: l’explosion du phénomène pendant la pandémie» (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 75).
(21) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Initiative visant à promouvoir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants qui travaillent» [COM(2017) 252 final] et sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil» [COM(2017) 253 final — 2017/0085 (COD)] (JO C 129 du 11.4.2018, p. 44); avis du Comité économique et social européen sur «Les droits des prestataires de services à la personne logés à domicile» (avis d’initiative) (JO C 487 du 28.12.2016, p. 7); avis du Comité économique et social européen sur le thème «Garantir l’accès aux soins de longue durée et un financement durable du système de soins de longue durée aux personnes âgées» (JO C 204 du 9.8.2008, p. 103; brochure sur la mutation économique, technologique et sociale des services avancés de santé à la personne âgée; avis du Comité économique et social européen sur la «Mutation économique, technologique et sociale des services avancés de santé à la personne âgée» (avis d’initiative) (JO C 240 du 16.7.2019, p. 10); avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un nouveau modèle de soins et d’accompagnement pour les personnes âgées: tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19» (avis d’initiative) (JO C 194 du 12.5.2022, p. 19).
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/46 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la restauration de la nature
[COM(2022) 304 final — 2022/0195 (COD)]
(2023/C 140/08)
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Rapporteur: |
Arnold PUECH d’ALISSAC |
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Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 11.7.2022 Parlement européen, 14.7.2022 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en section |
10.1.2023 |
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Adoption en session plénière |
25.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
201/4/11 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE partage l’analyse de la Commission et du Parlement européen quant à l’absence d’efficacité des approches et des actions déployées jusqu’à présent en faveur de la biodiversité, et il se félicite de l’objectif général de la proposition de règlement visant à intensifier les efforts en matière de restauration de la nature afin d’enrayer la perte de biodiversité et de mettre la biodiversité de l’Europe sur la voie du rétablissement. Les États membres seront ainsi soumis à des obligations juridiquement contraignantes. Le CESE observe que l’approche adoptée concorde avec les décisions de la COP 15 de Montréal. |
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1.2. |
Le CESE n’en formule pas moins une série de remarques et d’inquiétudes quant à la formulation des objectifs et à la méthodologie définie par la Commission, dont le défaut le plus grave est de ne tenir pratiquement aucun compte des répercussions économiques que produiront pour les utilisateurs des terres concernées, qui sont avant tout des particuliers, les mesures qu’il est absolument nécessaire de prendre. Dans son avis sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, le Comité a déjà souligné que «la protection de la biodiversité ne doit pas être supportée économiquement par les agriculteurs et les propriétaires forestiers. La fourniture de ces “valeurs et biens publics” devrait plutôt constituer pour eux une source de revenus potentielle intéressante». À son estime, «cette question doit faire l’objet d’une attention particulière dans le nouveau plan de relance économique au moyen d’investissements permettant, en fournissant du personnel et des ressources, de sauvegarder les objectifs de la stratégie» (1). Cette recommandation n’a été suivie ni par la Commission, ni par les États membres. Des avis plus anciens du Comité critiquaient d’ores et déjà le grave sous-financement des mesures ressortissant à Natura 2000. Le CESE est convaincu que la nouvelle approche adoptée par la Commission est elle aussi vouée à l’échec si elle ne bénéficie pas des ressources financières suffisantes, lesquelles sont absolument indispensables pour compenser, tout en rétribuant aussi leurs prestations en faveur de la biodiversité, les pertes économiques auxquelles les utilisateurs des terres seront exposés lorsqu’ils adopteront des modes d’exploitation plus extensifs afin d’afficher un meilleur bilan en ce qui concerne cette même biodiversité. Le CESE plaide dès lors pour la création d’un fonds européen consacré à la biodiversité et pour l’exploration de nouvelles pistes afin que les différentes politiques de l’UE (PAC, énergie, logement, transports, etc.) contribuent à la réalisation des objectifs contraignants fixés dans le règlement à l’examen. |
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1.3. |
Concernant les aspects financiers, le CESE demande de procéder à une évaluation préalable de la superficie exacte de terres agricoles, de forêts et de cours d’eau couverte par les propositions du règlement. De plus, le CESE attire l’attention de la Commission sur le besoin financier engendré par la nécessité d’indemniser tout particulièrement les agriculteurs et les propriétaires forestiers qui risquent de subir une perte totale de leurs surfaces de production. |
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1.4. |
Si la restauration de la nature est nécessaire dans les zones protégées en raison de la détérioration de leur état, toutes les zones restaurées ne peuvent ni ne doivent devenir des zones protégées. Bien que le CESE «juge essentiel que certaines parties des zones protégées deviennent des zones strictement protégées, faisant l’objet d’une gestion par non-intervention» (2), il est plus important encore d’assurer sur l’ensemble du territoire des utilisations des terres qui soient respectueuses de la biodiversité. La plupart des zones doivent obligatoirement viser une réhabilitation de leurs écosystèmes, sans exclure l’exercice de certaines activités économiques adéquates. En effet, la riche biodiversité qu’il y a lieu aujourd’hui de protéger résulte notamment de l’agriculture et de la sylviculture extensives. Il convient dès lors d’apporter un soutien additionnel à ces formes extensives d’utilisation des terres et des forêts qui, de nos jours, sont de plus en plus souvent abandonnées parce qu’elles sont moins viables d’un point de vue économique (3). En conséquence, le concept de «réhabilitation» pourrait bien constituer un terme scientifique et politique sans doute mieux adapté, s’agissant d’assurer un équilibre entre vivre et produire. Le CESE recommande dès lors de délaisser le terme de «restauration» au profit de celui de «réhabilitation» (4), d’autant que la nature ne constitue pas une réalité statique, qu’il serait possible, à l’instar d’une maison ou d’une automobile abîmées, de «restaurer» dans son état originel. En effet, de nombreuses études démontrent que les mesures de renaturation, portant par exemple sur des tourbières, présentent souvent des coûts importants sans vraiment pouvoir assurer une réelle restauration intégrale de l’«état originel» des surfaces concernées. Ce constat est porteur d’une réflexion sémantique: l’objectif du règlement ne devrait pas être la remise à l’état naturel des milieux mais bien de remettre en état les services écosystémiques des milieux et, partant, de soutenir une utilisation durable et multifonctionnelle de ceux-ci. L’Homme ayant modifié les profils de la nature au fil des années, il est scientifiquement impossible de revenir à une «restauration de la nature». Le changement climatique en progression est aussi un facteur pouvant expliquer pourquoi il n’est plus possible de rétablir totalement les conditions antérieures de certains écosystèmes. À l’inverse, assurer la durabilité des milieux en favorisant la viabilité des services écosystémiques est un objectif réaliste. Le CESE souhaiterait que soit élaboré un cadre d’action approprié, et c’est précisément sur ce point que le document de la Commission déçoit. |
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1.5. |
Un calendrier fixé et des seuils rigides ne sont pas totalement adaptés au sujet insaisissable qu’est la nature. Imposer des délais stricts aux États membres n’est pertinent que s’agissant des conditions administratives et de planification à mettre en place. Il convient néanmoins d’adopter une approche souple pour prendre en compte les besoins précis, conditions, possibilités, niveaux de production et de revenus et situations de départ de chaque zone naturelle. La proposition de règlement à l’examen n’est pas suffisamment explicite quant à la hiérarchisation et la répartition des mesures de restauration qui devraient être prises par les États membres et, partant, met en péril l’obtention de résultats de grande qualité à un bon rapport coût-efficacité. Le principe de prise de décision au niveau des États membres est clairement justifié puisqu’il garantit notamment le respect des droits des propriétaires fonciers ainsi que des principes de subsidiarité et de proportionnalité. |
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1.6. |
Le document de la Commission s’avère décevant pour ce qui est de l’étude d’impact globale, laquelle devrait porter plus particulièrement sur les enjeux économiques, sociaux et alimentaires. Le CESE réclame dès lors une analyse d’impact supplémentaire. |
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1.7. |
Le CESE recommande que des zones adjacentes au départ non productives mais qui présentent également tout leur intérêt pour la biodiversité entrent en ligne de compte des 10 % de couverture. Le CESE souligne que le texte pose des objectifs particulièrement ambitieux pour les agriculteurs et rappelle qu’il est important de tenir compte de l’ensemble des milieux naturels favorables aux espèces. Toutefois, il est important d’engager l’ensemble de la société dans l’amélioration de nos écosystèmes. À ce titre, le CESE rappelle le principe de proportionnalité des mesures (répartition équitable des coûts et charges mais aussi des avantages) entre les différents acteurs. |
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1.8. |
Le CESE soutient l’objectif défini car il concerne une ambition stratégique pour l’avenir de l’UE, et recommande de renforcer les objectifs en encourageant, notamment grâce à la présence d’activités agricoles extensives, la restauration de tous les milieux aquatiques, y compris la remise en eau des tourbières, et en garantissant dans le même temps la viabilité sociale et économique de l’agriculture et de la sylviculture. |
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1.9. |
Le CESE a bien conscience que l’Europe a besoin d’une politique totalement neuve dans le domaine de l’eau. Celle qui est menée depuis des siècles, visant à ce que l’eau soit évacuée le plus vite possible des terrains, a produit toutes sortes d’effets négatifs pour la biodiversité mais il s’avère maintenant, notamment dans la foulée du changement climatique, qu’elle aboutit en plus à des conséquences néfastes pour l’économie forestière et l’agriculture, sous la forme de sécheresses et d’incendies, et pour la population, qui subit des inondations. Le CESE souligne par conséquent que l’eau doit revenir à la nature ou y être maintenue, tout en n’omettant pas que l’action humaine reste bénéfique dans de nombreuses situations, notamment grâce à l’entretien des cours d’eau. |
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1.10. |
Le CESE recommande de limiter l’artificialisation du territoire au détriment des espaces naturels. Il encourage également la création d’espaces verts dans les villes et la désimperméabilisation des villes pour réussir à atténuer les effets du changement climatique d’ici 2030. |
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1.11. |
Le CESE soutient la mise en place d’un mécanisme de sauvegarde dans le cadre de la politique commune de la pêche en ce qui concerne les objectifs de restauration des milieux marins. Il encourage également la création de soutiens financiers européens afin de stimuler la recherche de solutions innovantes et l’amélioration des connaissances relatives à ces écosystèmes. |
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1.12. |
Le CESE souligne que les perspectives économiques et sociales doivent être pleinement reconnues dans le contexte de la restauration de la nature. La reconnaissance et la garantie de la durabilité économique et sociale sont une condition préalable à l’acceptabilité de la législation proposée et au succès de sa mise en œuvre, étant donné que les résultats dépendront largement de la motivation, du soutien et de la participation future des propriétaires fonciers et d’autres acteurs sur le terrain. Il est de la plus haute importance de respecter les droits des propriétaires fonciers en communiquant ouvertement, en encourageant une participation active et en garantissant une compensation financière complète de toutes les pertes économiques éventuelles. À cet égard, le CESE souligne le potentiel que recèlent les approches fondées sur l’action volontaire et les incitations économiques. |
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1.13. |
Le CESE recommande la mise en place d’un soutien de l’UE à l’émergence et au déploiement de filières forestières en amont et en aval de l’arbre, permettant une valorisation économique de l’agroforesterie. |
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1.14. |
Le CESE met en garde contre le risque de répercussions négatives sur le renouvellement des générations dans le secteur agricole et recommande à nouveau (5) de renforcer l’attractivité des villages et milieux ruraux en garantissant les possibilités de maintenir des moyens de subsistance économiquement viables sur la base d’une utilisation durable des ressources naturelles. |
2. Introduction
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2.1. |
Dans un contexte global de constats scientifiques alertant sur les conséquences du réchauffement climatique pour l’avenir de nos sociétés, la Commission européenne a marqué son engagement en élaborant une stratégie en faveur de la biodiversité assortie d’objectifs ambitieux pour tous les États membres à l’horizon 2030 et 2050. La Commission a adopté, le 22 juin 2022, un projet de règlement relatif à la restauration de la nature. Alors que la préservation et la restauration de la nature au sein de l’UE étaient jusque-là surtout encadrées par les directives «Habitats» et «Oiseaux», et par les objectifs d’Aichi, la Commission a fait le choix d’un nouveau cadre contraignant de manière à s’assurer que les mesures de restauration soient effectivement mises en œuvre par les États membres. |
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2.2. |
Au sein de l’UE, les travaux de l’Agence européenne pour l’environnement ont confirmé qu’aujourd’hui 81 % des habitats protégés sont en mauvais état. Seuls 9 % d’entre eux ont connu une amélioration. En outre, 84 % des tourbières, essentielles pour capturer et stocker le carbone ainsi que pour filtrer l’eau, se trouvent dans un mauvais état de conservation et, au cours de la dernière décennie, 71 % des poissons d’eau douce et 60 % des amphibiens ont vu leurs populations décroître. Or, plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature et des services qu’elle fournit et plus de 75 % des types de cultures alimentaires mondiales dépendent de la pollinisation animale (6). |
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2.3. |
Par ailleurs, la proposition de législation européenne intervient dans le cadre de la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, qui est dirigée par le PNUE et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Il s’agit d’un vaste mouvement mondial visant à accélérer les projets de restauration et à s’assurer que le monde soit sur la voie d’un avenir durable. La restauration des écosystèmes dégradés est essentielle pour atteindre les objectifs de développement durable, principalement ceux qui concernent le changement climatique, l’éradication de la pauvreté et la sécurité alimentaire. |
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2.4. |
Initialement construite autour d’une stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 proposant des objectifs volontaires, l’approche de la Commission s’est vite renforcée au moyen de propositions de textes contraignants pour les États membres. Au même titre que la communauté internationale, la Commission a été forcée de réagir rapidement face aux constats de déclin de la biodiversité et aux conséquences, qui ont été notamment mises en avant dans les récentes publications du GIEC. Ainsi, en pleines négociations internationales dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, la Commission a fait le choix de jouer un rôle moteur afin de mettre l’Europe sur la voie d’une remise en état de tous ses écosystèmes d’ici à 2050. |
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2.5. |
Ainsi, la proposition vise à imposer aux États membres des objectifs juridiquement contraignants. L’objectif global est de contribuer à rétablir sur le long terme, de manière continue et durable, la biodiversité et la résilience de la nature dans l’ensemble des zones terrestres et marines de l’UE en restaurant les écosystèmes. Il s’agira ainsi pour les États membres de mettre en place, sans délai, des mesures de restauration par zone efficaces, qui devront couvrir, d’ici à 2030, au moins 20 % des zones terrestres et marines de l’Union et, d’ici à 2050, l’ensemble des écosystèmes ayant besoin d’être restaurés. |
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2.6. |
Ces dispositions reprennent et sont liées aux objectifs définis dans les directives «Habitats» et «Oiseaux», la directive-cadre sur l’eau, la directive-cadre «Stratégie pour le milieu marin», le règlement relatif aux espèces exotiques envahissantes, la PAC, l’initiative européenne sur les pollinisateurs, ou encore, la nouvelle stratégie de l’UE pour les forêts à l’horizon 2030. |
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2.7. |
Ce texte destiné à être intégré directement dans les politiques nationales des États membres innove en abordant tant les enjeux climatiques que ceux liés à la biodiversité. En effet, si les politiques ont longtemps été alertés sur les enjeux du réchauffement climatique, ce n’est que récemment que les scientifiques ont mis en avant le lien direct entre l’évolution du climat et les conséquences majeures sur la biodiversité. D’une manière assez inédite, la Commission encourage une prise en compte des enjeux dans leur globalité et dépasse les politiques en silos menées jusqu’à présent. |
3. Analyse du projet de règlement
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3.1. |
Le projet suscite un certain nombre de profonds questionnements et de vives inquiétudes tant par le choix des objectifs à atteindre dans un délai restreint que par celui des définitions et des indicateurs. À titre d’exemple, certaines mesures relèvent de notions issues du droit de la nature. Pour une meilleure compréhension, le projet de règlement devrait donc y faire référence. En outre, pour certains passages, il y a lieu de clarifier dans quelle mesure le principe de subsidiarité vis-à-vis des États membres est respecté. En ce qui concerne l’article 10 en particulier, qui contient des indicateurs relatifs à la restauration des écosystèmes forestiers, il convient de noter que c’est principalement aux États membres qu’incombe la responsabilité en matière de gestion forestière (7). |
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3.2. |
Formuler un avis sur un projet de règlement visant à restaurer l’état des écosystèmes des États membres sans connaitre précisément les défis et les efforts qui attendent les États membres présente des limites. En effet, le projet de texte prévoit l’élaboration et la mise en œuvre de «plans nationaux de restauration» qui seront établis sur la base des dernières analyses scientifiques nationales. |
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3.3. |
Les termes choisis dans le projet de règlement sont de la plus grande importance en ce qu’ils harmonisent et déterminent pour les États membres le fondement des objectifs à atteindre. Si les définitions telles que «bon état», «zone de référence favorable» et «qualité et quantité suffisantes de l’habitat d’une espèce» devraient relever d’un langage scientifique faisant consensus, leur réelle mise en œuvre présente des limites. En effet, derrière ces définitions scientifiques apparaissent des considérations politiques. Comment sélectionner une «zone de référence favorable»? Qui déterminera la «qualité et quantité suffisante de l’habitat d’une espèce»? L’absence de seuil de référence antérieur limite la clarté des objectifs et l’expression d’un avis éclairé sur le texte. Le CESE souligne que pour réaliser la quantification visée à l’article 11 du projet de règlement, il est pertinent de prendre en compte tout à la fois les pertes de biodiversité intervenues au cours d’un laps de temps révolu, qui, de manière arbitraire, est de 70 années dans la proposition de la Commission, et les modifications que les conditions environnementales subiront probablement dans le futur. Il faut écarter le risque que des divergences entre les pays dans la mise en œuvre des mesures proposées se traduisent, à terme, par une distorsion de la concurrence entre les agriculteurs au sein de l’UE. Par ailleurs, la proposition prévoit une amélioration continue des écosystèmes dont le succès doit être vérifié tous les trois ans à compter de 2030. Mais qu’en est-il des écosystèmes dont la réhabilitation nécessitera peut-être davantage de temps, voire éventuellement moins? Il est permis de douter que l’on puisse mesurer des améliorations significatives sur ces courtes périodes de référence. Les États membres seront-ils alors condamnés tandis que la nature nécessite simplement plus de temps pour évoluer? |
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3.4. |
Le CESE estime que les zones situées au sein du réseau existant de zones protégées, en particulier les sites Natura 2000, doivent être prioritaires dans le cadre de la restauration afin de libérer tout leur potentiel. Cela permettra de soutenir au mieux l’objectif consistant à assurer le bon état des habitats énumérés à l’annexe I de la directive «Habitats». Le fait que les mesures de restauration ciblent les zones protégées garantit non seulement les avantages durables de ces mesures, mais contribue également à éviter d’éventuels conflits d’intérêts liés à l’utilisation des terres. Par conséquent, le CESE estime que l’exigence très large et stricte de non-détérioration des habitats situés également en dehors du réseau des zones protégées est déséquilibrée et disproportionnée. |
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3.5. |
Le mécanisme de responsabilisation des États membres dans l’application des mesures de restauration et la réalisation des objectifs comporte peu de précisions concernant le suivi de la mise en œuvre des objectifs. Cette absence de précision suscite des inquiétudes quant à l’équité des mesures entre les États membres, les différents secteurs et les différents groupes de personnes. En effet, si le choix d’opter pour un règlement présente de réels avantages quant à l’harmonisation des efforts entre les États membres et au maintien de conditions de concurrence équitables, il ne laisse pas à ces derniers suffisamment de marge de manœuvre pour prendre des décisions en matière de restauration en fonction des besoins et des circonstances qui leur sont propres. Bien qu’un mécanisme de suivi et d’établissement de rapports doive accompagner les objectifs, il importe de réduire au minimum toute charge administrative supplémentaire. Il convient de recourir autant que possible aux mécanismes nationaux et européens existants d’évaluation continue et d’établissement de rapports sur les progrès accomplis. |
4. Enjeux pour les milieux agricoles et sylvicoles de l’UE
4.1. Les objectifs généraux de restauration des écosystèmes agricoles
Le CESE constate que la plupart des objectifs de restauration concernent des terres agricoles privées. La mise en œuvre réussie des objectifs ne pourra donc se faire qu’avec la pleine acceptation des agriculteurs. Si des contraintes réglementaires supplémentaires liées à l’exploitation pourraient être nécessaires afin d’accroître la biodiversité sur les terres agricoles, elles risquent néanmoins d’alourdir encore la charge pesant sur des activités agricoles déjà fortement réglementées. Le CESE souligne (8) que la protection de la biodiversité ne doit pas être supportée économiquement par les agriculteurs et les propriétaires forestiers. La fourniture de ces «valeurs et biens publics» devrait plutôt constituer pour eux une intéressante source potentielle de revenus. La réussite des objectifs de restauration passera immanquablement par un accompagnement solide et durable des hommes et des femmes qui travaillent pour nourrir l’Europe. La proposition de la Commission est précisément insatisfaisante sur ce point, en ce qu’elle fait l’impasse sur cette dimension économique essentielle, comme cette même institution l’avait déjà fait dans ses stratégies et programmes d’action antérieurs en matière de biodiversité. De ce fait, le règlement à l’examen pourrait bien être lui aussi condamné d’avance à échouer.
4.2. L’objectif de réhumidification des tourbières drainées prévu à l’article 9 du règlement
Cet objectif aura des impacts économiques non négligeables sur les activités professionnelles, lesquels concernent plus particulièrement certaines régions dans certains États membres. Pour ces régions, l’objectif proposé pourrait être trop ambitieux du point de vue de l’équilibre entre les différents objectifs. Le CESE souligne que poursuivre de différentes façons l’utilisation productive des tourbières restaurées et remises en eau exige la viabilité économique. De plus, au regard du calendrier prévu pour la réalisation de cet objectif, il a été établi en 2012, dans une étude réalisée par des chercheurs sur plus de 620 sites de restauration écologique entreprise en zones humides que, même après cent ans, ces opérations n’ont permis, en moyenne, de récupérer qu’entre 65 et 70 % de la biodiversité autochtone et des diverses fonctions hydrologiques et écologiques (filtration de l’eau, stockage du carbone) par rapport à un écosystème de référence approprié non dégradé. Cela pose question quant au délai de restauration prévu par le calendrier de la Commission et à l’objectif écologique. Toutefois, alors que les tourbières ne représentent que 3 % de la surface terrestre, elles captent un tiers du dioxyde de carbone piégé dans les sols. Elles représentent donc un secteur hautement stratégique pour la lutte contre le changement climatique.
4.3. L’objectif de restauration de la connectivité naturelle des cours d’eau prévu à l’article 7
Le changement défavorable de notre climat et les problèmes de gestion de l’eau créent un environnement de plus en plus dégradé. L’eau ne présente pas seulement un intérêt et une valeur sur le plan naturel, mais elle constitue aussi un enjeu de durabilité et donc de sécurité. Il s’agit quelquefois de drainer l’eau excédentaire, d’autres fois de la retenir et d’aider les cycles naturels. Le CESE convient que, afin de rétablir la connexion naturelle des rivières et les fonctions naturelles des plaines inondables associées, les barrières empêchant la connexion longitudinale et latérale des eaux de surface peuvent être transformées, sous réserve d’une supervision technique stricte. Toutefois, le CESE attire l’attention sur le risque d’inondation qui peut être une conséquence de la suppression d’infrastructures hydrauliques. La restauration de la diversité biologique nécessite de l’eau, de sorte que les interventions stratégiques peuvent fournir une opportunité de gérer l’eau et de la diriger vers les zones qui en ont besoin. Il est nécessaire de préserver l’eau dans les paysages et d’éviter que celle-ci s’écoule trop vite. L’été 2022 a été pour l’Europe un exemple frappant des risques de sécheresse auxquels nous sommes confrontés. Le CESE recommande un dialogue à ce sujet avec la participation des organisations de la société civile. Le CESE recommande également l’incitation des États membres à la mise en œuvre de projets en matière d’infrastructures vertes qui peuvent contribuer à conjuguer amélioration de la protection contre les inondations, préservation des zones aquatiques sensibles et importantes pour la biodiversité à l’échelle européenne et développement économique et touristique. À ce titre, le CESE rappelle le cas de fleuves comme le Danube ou l’Elbe où des inondations ont causé d’importants dégâts (9).
4.4. L’objectif d’inversion du déclin des pollinisateurs
Le CESE ne peut que soutenir cette mesure qui représente un enjeu majeur pour la sécurité alimentaire. Toutefois, le Comité remarque que le projet de règlement ne prévoit aucune mesure concernant les ressources alimentaires disponibles pour les pollinisateurs. La viabilité à long terme de ces espèces ne pourra être assurée sans la mise en place d’infrastructures mellifères suffisantes pour garantir une alimentation durable aux pollinisateurs. Des lieux de nidification et un environnement non toxique sont également essentiels.
4.5. Les objectifs agricoles visés à l’article 9 du règlement
Le CESE exprime son inquiétude concernant l’objectif de couverture de 10 % de la superficie agricole utilisée (SAU) de l’Union avec des éléments paysagers à haute diversité. Il est particulièrement problématique que, d’après l’annexe IV, ces surfaces ne puissent être utilisées à des fins de production agricole (y compris pour le pâturage ou la production fourragère). Il ne faut pas oublier qu’en de nombreux endroits, c’est avant tout la culture (en particulier les pâturages alpins, les prairies de fauche ou les prairies à litière, par exemple) qui permet une grande diversité biologique. Exclure d’emblée l’exploitation de telles surfaces représente dès lors une condition excessive qui devrait être supprimée. Par ailleurs, ce début d’année 2022 nous a particulièrement rappelé l’importance de la souveraineté alimentaire pour faire face aux aléas multiples à venir. Or, couvrir 10 % de la SAU assurerait, certes, une amélioration de la biodiversité essentielle à la productivité agricole, mais entraînerait également une perte non négligeable de rendements. Il conviendrait alors de ne pas concentrer l’objectif de 10 % uniquement sur les parcelles agricoles mais de le diluer également aux alentours de celles-ci. À titre d’exemple, les bordures de routes et les bords de chemins ruraux présentent un intérêt majeur pour la biodiversité. Ces surfaces pourraient accueillir des bandes fleuries favorables aux pollinisateurs et aux auxiliaires de culture. En outre, ces éléments paysagers ne trouveront pleinement leur efficacité que s’ils sont organisés en réseau. Ainsi, des études démontrent l’intérêt d’installer plusieurs bandes fleuries en réseau, plutôt qu’un grand îlot de fleurs. Enfin, le CESE rappelle également qu’il convient d’accorder une attention égale à tous les milieux naturels, afin que toutes les espèces vivantes dans des environnements différents puissent en bénéficier. À titre d’exemple, le vanneau huppé ou l’alouette des champs n’ont pratiquement rien à gagner d’une haie ou d’une bordure. La politique de préservation doit donc s’appliquer à l’ensemble de la surface ou de l’utilisation des surfaces, au-delà des surfaces agricoles et sylvicoles, en tenant compte des différents besoins de nos sociétés.
4.6. Les objectifs forestiers visés à l’article 10 du règlement
La restauration des milieux forestiers dégradés en Europe est un enjeu majeur pour l’adaptation de nos sociétés au changement climatique et la contribution des activités économiques à la réalisation des objectifs de diversité biologique. Déjà portés au niveau international, les objectifs généraux du projet de règlement s’inscrivent dans une démarche globale à l’échelle de la planète. Le CESE salue la volonté politique de la Commission d’amener les États membres à restaurer leurs milieux forestiers (10). Toutefois, le Comité souligne qu’en raison des conditions hétérogènes existant dans les forêts de toute l’Europe, les mesures de restauration peuvent être adaptées aux conditions locales tant que la concurrence entre les propriétaires forestiers européens n’est pas faussée. Le CESE rappelle également l’importance d’intégrer cette restauration dans le contexte paysager des zones géographiques concernées et de tenir compte des catastrophes climatiques que connait l’Europe actuellement (incendies, mégafeux…). L’utilisation des terres dans un paysage est interconnectée et doit donc répondre à des exigences à la fois environnementales et socio-économiques. À titre d’exemple, les mesures de reboisement au détriment de terres agricoles peuvent engendrer des pertes économiques pour les communautés locales et ne pas s’avérer durables, alors que l’intégration d’arbres indigènes (11) dans une approche d’agroforesterie pourrait être plus appropriée et générer un soutien local. Ainsi, il est important d’orienter les États membres vers des approches conciliant préservation des ressources naturelles et développement économique. La réalisation de l’objectif forestier ne pourra se faire sans un soutien durable à l’émergence et au déploiement de filières en amont et en aval de l’arbre, permettant une valorisation économique de l’agroforesterie.
5. Enjeux pour les milieux urbains de l’UE
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5.1. |
L’enjeu de réintroduction de la nature dans les villes est un objectif essentiel que le CESE soutient. L’importance du verdissement de nos villes européennes pour le bien-être de nos concitoyens comme pour la viabilité de notre biodiversité ne fait aucun doute. Les températures caniculaires qu’a connues l’Europe en juillet 2022 rappellent le rôle essentiel des arbres pour réduire la température dans les villes. En effet, les arbres permettent une diminution allant jusqu’à 12 oC de la température de surface. |
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5.2. |
En outre, les villes européennes couvrent aujourd’hui des surfaces considérables qui entravent le déplacement des espèces et portent atteinte à leur habitat. Il est primordial d’orienter les États membres vers des mesures de limitation de l’artificialisation des espaces naturels. Ces mesures ne doivent pas s’appuyer sur des programmes proposant des échanges de terres. |
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5.3. |
Enfin, l’objectif de restauration de la biodiversité devrait être renforcé dans les villes grâce à la mise en place d’infrastructures vertes en tant que partie intégrante du développement de zones d’habitat. Les parcs, allées, ou encore les toits et murs végétaux améliorent à moindre coût le climat urbain. À ce titre, le CESE rappelle les recommandations faites dans le cadre de l’avis NAT/607 (12). |
6. Enjeux pour les milieux marins de l’UE
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6.1. |
Les objectifs de restauration des milieux marins sont essentiels pour la préservation de la biodiversité, compte tenu du nombre d’espèces et d’écosystèmes qu’ils abritent et de leur importance stratégique face au changement climatique. Le CESE soutient les objectifs proposés pour restaurer ces milieux dans lesquels il est avéré que les activités humaines ont entraîné un déséquilibre des écosystèmes. Au-delà de la protection des espèces et de la restauration des habitats, il convient également d’adopter des mesures de pêche responsable et de réduction de la pollution. Le CESE soutient la mise en place d’un mécanisme de sauvegarde dans le cadre de la politique commune de la pêche en ce qui concerne la gestion des impacts négatifs sur les milieux. En effet, la réalisation des objectifs pour les milieux marins nécessite que les États membres s’entendent pour gérer ensemble les ressources halieutiques. Or, au regard de l’importance de l’action en faveur de ces milieux, la Commission devrait avoir la capacité d’intervenir pour assurer la réalisation des objectifs de protection et de restauration. |
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6.2. |
En outre, le CESE souligne le rôle essentiel des milieux marins dans la lutte contre le changement climatique. Préserver la capacité de captation de carbone des océans est stratégique pour notre avenir. De ce fait, des soutiens financiers à l’innovation et à la recherche doivent être prévus par l’UE afin d’encourager la recherche de solutions innovantes et l’amélioration des connaissances de ces écosystèmes. À titre d’exemple, des travaux ont démontré l’importance des petits fonds côtiers qui constituent des habitats essentiels pour de nombreuses espèces de poissons, qui y grandissent avant de rejoindre leurs zones de vie adulte. Or, ces zones sont souvent dégradées par les aménagements des zones côtières (ports, digues, etc.) et nécessitent donc la recherche de solutions nouvelles. Ainsi, des expérimentations visant à fixer des récifs et des herbiers artificiels ont été immergées dans la rade de Toulon et du Vieux Port de La Seyne-sur-Mer. L’enjeu écologique global de cette action est de redynamiser les fonctions écologiques du milieu côtier. |
7. Enjeux financiers de la restauration de la nature
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7.1. |
Le CESE souligne la volonté politique remarquable dont la Commission fait preuve avec ce règlement ambitieux et novateur pour l’UE. Toutefois, il rappelle que la volonté politique atteint ses limites lorsqu’elle n’est pas soutenue par une ambition financière à la hauteur des engagements. À ce titre, les travaux de la Commission visant à préciser davantage les coûts potentiels de la restauration des écosystèmes donnent une première vision de l’engagement dont les États membres devront faire preuve, mais suscitent toutefois des questions. En effet, ces travaux nous indiquent un rapport coût/bénéfice de 1 à 8 pour la préservation de la biodiversité mais ne nous informent pas quant à l’impact économique, social et culturel de la réalisation des objectifs. Quel sera l’impact économique et social des mesures de restauration mises en place sur les terres? Le CESE demande qu’il soit procédé à une évaluation préalable de la superficie exacte de terres agricoles, de forêts et de cours d’eau qui sera couverte par les propositions du règlement. Le CESE rappelle également les remarques présentées dans l’avis NAT/786 (13) où des besoins financiers à la hauteur des enjeux avaient été revendiqués. À titre d’exemple, le réseau Natura 2000, qui offre en Europe une opportunité unique d’améliorer la qualité de milieux naturels remarquables, ne met à disposition que 20 % des fonds promis et nécessaires pour les mesures. Le CESE porte une attention particulière aux engagements financiers annoncés par la Commission. Il rappelle l’importance d’accorder des fonds à la hauteur des attentes, sans quoi une réglementation supplémentaire n’apportera aucun résultat. |
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7.2. |
Le CESE alerte sur le risque de non-renouvellement des générations dans le secteur agricole. La mise en place d’objectifs inconciliables avec la réalité de la vie d’une exploitation entraînera des difficultés financières majeures pour ce secteur qui peine déjà à renouveler ses professionnels. L’impact financier subi par ces exploitations doit faire l’objet d’une attention particulière de la part de la Commission afin d’assurer une viabilité sur le long terme, tout en accompagnant l’évolution de pratiques qui tiennent compte des enjeux climatiques. |
Bruxelles, le 25 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 — Ramener la nature dans nos vies» [COM(2020) 380 final] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 259).
(2) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 — Ramener la nature dans nos vies» [COM(2020) 380 final] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 259).
(3) Rapport d’information du CESE sur «Les avantages de l’élevage extensif et des engrais organiques dans le contexte du pacte vert pour l’Europe».
(4) Réhabiliter signifie se concentrer sur le rétablissement de certaines fonctions écologiques.
(5) Rapports d’information du CESE consacrés à l’«Évaluation de l’impact de la PAC sur le renouvellement des générations» et à l’«Évaluation de l’impact de la PAC sur le développement territorial des zones rurales».
(6) IP/22/3746.
(7) Avis du Comité économique et social européen sur la «Justice climatique» (avis d’initiative) (JO C 81 du 2.3.2018, p. 22) et avis du Comité économique et social européen sur le «Document de réflexion “Vers une Europe durable à l’horizon 2030”» [COM(2019) 22 final] (JO C 14 du 15.1.2020, p. 95).
(8) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 — Ramener la nature dans nos vies» [COM(2020) 380 final] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 259).
(9) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Infrastructure verte — Renforcer le capital naturel de l’Europe» COM(2013) 249 final (JO C 67 du 6.3.2014, p. 153).
(10) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un Fonds social pour le climat [COM(2021) 568 final — 2021/0206 (COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 158).
(11) Arbre qui vit dans une région colonisée par sa propre espèce, sans aide humaine.
(12) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Infrastructure verte — Renforcer le capital naturel de l’Europe» COM(2013) 249 final (JO C 67 du 6.3.2014, p. 153).
(13) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 — Ramener la nature dans nos vies» [COM(2020) 380 final] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 259).
ANNEXE
Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:
Paragraphe 3.4
Amendement 11
Modifier comme suit:
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Avis de section |
Amendement |
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Le CESE estime que les zones situées au sein du réseau existant de zones protégées, en particulier les sites Natura 2000, doivent être prioritaires dans le cadre de la restauration afin de libérer tout leur potentiel. Cela permettra de soutenir au mieux l’objectif consistant à assurer le bon état des habitats énumérés à l’annexe I de la directive «Habitats». Le fait que les mesures de restauration ciblent les zones protégées garantit non seulement les avantages durables de ces mesures, mais contribue également à éviter d’éventuels conflits d’intérêts liés à l’utilisation des terres. Par conséquent, le CESE estime que l’exigence très large et stricte de non-détérioration des habitats situés également en dehors du réseau des zones protégées est déséquilibrée et disproportionnée. |
Le CESE estime que les zones situées au sein du réseau existant de zones protégées, en particulier les sites Natura 2000, doivent être prioritaires dans le cadre de la restauration afin de libérer tout leur potentiel. Cela permettra de soutenir au mieux l’objectif consistant à assurer le bon état des habitats énumérés à l’annexe I de la directive «Habitats». Une attention particulière portée aux sites Natura 2000 est susceptible de garantir la mise en œuvre de la directive «Habitats», dont l’adoption remonte à 1992, et peut contribuer par ailleurs à éviter d’éventuels conflits d’intérêts liés à l’utilisation des terres. |
Résultat du vote:
|
Pour |
91 |
|
Contre |
108 |
|
Abstentions |
18 |
Paragraphe 4.2
Amendement 12
Modifier comme suit:
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Avis de section |
Amendement |
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L’objectif de réhumidification des tourbières drainées prévu à l’article 9 du règlement Cet objectif aura des impacts économiques non négligeables sur les activités professionnelles, lesquels concernent plus particulièrement certaines régions dans certains États membres. Pour ces régions, l’objectif proposé pourrait être trop ambitieux du point de vue de l’équilibre entre les différents objectifs. Le CESE souligne que poursuivre de différentes façons l’utilisation productive des tourbières restaurées et remises en eau exige la viabilité économique . De plus, au regard du calendrier prévu pour la réalisation de cet objectif, il a été établi en 2012, dans une étude réalisée par des chercheurs sur plus de 620 sites de restauration écologique entreprise en zones humides que, même après cent ans, ces opérations n’ont permis, en moyenne, de récupérer qu’entre 65 et 70 % de la biodiversité autochtone et des diverses fonctions hydrologiques et écologiques (filtration de l’eau, stockage du carbone) par rapport à un écosystème de référence approprié non dégradé. Cela pose question quant au délai de restauration prévu par le calendrier de la Commission et à l’objectif écologique. Toutefois, alors que les tourbières ne représentent que 3 % de la surface terrestre, elles captent un tiers du dioxyde de carbone piégé dans les sols. Elles représentent donc un secteur hautement stratégique pour la lutte contre le changement climatique. |
L’objectif de réhumidification des tourbières drainées prévu à l’article 9 du règlement Cet objectif aura des impacts économiques non négligeables sur les activités professionnelles, lesquels concernent plus particulièrement certaines régions dans certains États membres. Pour ces régions, l’objectif proposé pourrait produire des répercussions particulières du point de vue de l’équilibre entre les différents objectifs. Le CESE a conscience de l’importance toute particulière que les zones de tourbières revêtent pour la biodiversité et la préservation du climat, et il estime que les propositions de la Commission, à savoir que, d’ici 2050, 70 % des tourbières drainées fassent l’objet de mesures de réhabilitation, avec remise en eau pour 50 % des terrains concernés[3], constituent un compromis entre les intérêts de l’économie et ceux de l’écologie . De plus, au regard du calendrier prévu pour la réalisation de cet objectif, il a été établi en 2012, dans une étude réalisée par des chercheurs sur plus de 620 sites de restauration écologique entreprise en zones humides que, même après cent ans, ces opérations n’ont permis, en moyenne, de récupérer qu’entre 65 et 70 % de la biodiversité autochtone et des diverses fonctions hydrologiques et écologiques (filtration de l’eau, stockage du carbone) par rapport à un écosystème de référence approprié non dégradé. Cela pose question quant au délai de restauration prévu par le calendrier de la Commission et à l’objectif écologique. Toutefois, alors que les tourbières ne représentent que 3 % de la surface terrestre, elles captent un tiers du dioxyde de carbone piégé dans les sols. Elles représentent donc un secteur hautement stratégique pour la lutte contre le changement climatique. |
Résultat du vote:
|
Pour |
99 |
|
Contre |
104 |
|
Abstentions |
18 |
|
21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/55 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative à l’étiquetage des aliments biologiques pour animaux familiers
[COM(2022) 659 final — 2022/0390 (COD)]
(2023/C 140/09)
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Rapporteur: |
Arnaud SCHWARTZ |
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Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 8.12.2022 |
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Base juridique |
Article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en section |
10.1.2023 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
187/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement sur l’étiquetage des aliments biologiques pour animaux familiers et appelle à son adoption rapide afin d’assurer la continuité avec les exigences en vigueur avant l’entrée en application du nouveau règlement relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques (1). |
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1.2. |
Le CESE considère que le secteur des aliments pour animaux familiers a un rôle à jouer dans la contribution aux objectifs du pacte vert pour l’Europe et que ces nouvelles mesures d’étiquetage permettront de développer et de valoriser la filière, tant par les ventes de produits auprès des consommateurs attentifs à l’origine biologique de leurs achats que par la possibilité de créer une valeur ajoutée pour les sous-produits biologiques. Le secteur pourra ainsi contribuer, même si c’est de façon modérée, à atteindre l’objectif de 25 % des terres agricoles de l’Union européenne (UE) consacrées à l’agriculture biologique d’ici à 2030, tel qu’inscrit dans les stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité» et dans le plan d’action européen pour le développement de la production biologique. |
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1.3. |
Le CESE encourage la Commission et les institutions européennes à communiquer sur cette nouvelle réglementation et ses objectifs afin de renforcer encore la demande et la confiance des consommateurs dans les produits biologiques. |
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1.4. |
Vu que les aliments pour animaux familiers sont destinés à la vente aux consommateurs, le CESE recommande d’associer et de consulter le secteur dans les travaux législatifs relatifs à la durabilité des produits alimentaires, tels que ceux concernant l’étiquetage des produits alimentaires durables, la performance environnementale des produits et les emballages durables (2). |
2. Contexte
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2.1. |
L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, du nouveau règlement de l’UE sur la production biologique et l’étiquetage des produits biologiques (3) a introduit des exigences strictes pour l’étiquetage des denrées alimentaires, des aliments pour animaux et des aliments pour animaux familiers biologiques. Alors qu’auparavant les aliments pour animaux familiers, notamment pour les chats et les chiens, pouvaient être étiquetés en tant que produits biologiques lorsque tous les ingrédients agricoles n’étaient pas biologiques, sur base de règles nationales ou de normes privées, depuis le 1er janvier 2022 ce type d’étiquetage n’est plus possible. |
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2.2. |
Le 28 novembre 2022, la Commission européenne a dès lors publié une proposition de règlement sur l’étiquetage des aliments biologiques pour animaux familiers (4), dans le but d’établir des règles d’étiquetage spécifiques pour les aliments pour animaux familiers. L’objectif est de permettre aux aliments pour animaux familiers, en particulier pour les chats et les chiens, de porter le logo de production biologique de l’Union européenne s’ils répondent à des critères stricts définis par le législateur européen. |
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2.3. |
Les règles d’étiquetage proposées pour les aliments biologiques pour animaux familiers reflètent les règles d’étiquetage applicables aux denrées alimentaires: afin d’être étiquetés en tant que produits biologiques et de porter le logo de production biologique de l’Union européenne, au moins 95 %, en poids, des ingrédients agricoles devront être biologiques (si moins de 95 % des ingrédients agricoles sont biologiques, la référence à la production biologique ne pourra être utilisée que dans la liste des ingrédients en lien avec des ingrédients biologiques, en indiquant le pourcentage total d’ingrédients biologiques par rapport à la quantité totale d’ingrédients agricoles). |
3. Observations générales
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3.1. |
Le CESE rappelle son soutien au plan d’action pour le développement de la production biologique dans l’UE (5), reconnaissant le rôle qu’assume l’agriculture biologique pour réaliser les objectifs du pacte vert pour l’Europe, et en particulier les mesures consistant à renforcer encore la demande et la confiance des consommateurs dans les produits biologiques. |
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3.2. |
Dans ce contexte, le CESE reconnaît la nécessité d’adopter cette proposition de règlement au plus vite afin de permettre l’utilisation du logo de production biologique de l’Union européenne pour les aliments pour animaux familiers qui ne seraient pas composés à 100 % (mais au moins à 95 %, en poids) d’ingrédients issus de la production biologique, ce qui correspond à une réalité de terrain pour certains produits. Le CESE appelle néanmoins à prévoir dans le futur une implémentation concomitante de ce type d’acte réglementaire avec l’entrée en vigueur du texte de base afin d’éviter les vides juridiques défavorables tant aux producteurs qu’aux consommateurs-acheteurs. |
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3.3. |
Le CESE soutient les règles d’étiquetage proposées pour les aliments biologiques pour animaux familiers, considérant le niveau élevé de produits biologiques qui est requis (95 % en poids) et la similitude avec les règles en application pour les denrées alimentaires biologiques, ce qui favorise une utilisation uniforme du logo de l’Union européenne et une compréhension plus aisée pour les consommateurs auxquels ces deux types de produits sont destinés. |
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3.4. |
Le CESE rappelle que, malgré la faible part de produits biologiques dans ce secteur, le secteur des aliments pour animaux familiers est en pleine expansion [3,1 % de croissance annuelle, avec 46 % des ménages européens qui possèdent au moins un animal de compagnie (6)]. Selon le secteur lui-même, la tendance à l’«humanisation» des animaux de compagnie amène de nombreux propriétaires d’animaux de compagnie à rechercher des aliments qui reflètent leurs propres goûts, conduisant à l’achat de produits haut de gamme, y compris biologiques (7). Le CESE accueille donc favorablement ces nouvelles mesures d’étiquetage qui pourront stimuler ce marché des aliments biologiques pour animaux familiers, tant par les ventes auprès des consommateurs attentifs à l’origine biologique de leurs achats que par la possibilité de créer une valeur ajoutée pour les sous-produits biologiques. |
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3.5. |
Le CESE estime donc que ces nouvelles mesures d’étiquetage pourront contribuer, même si c’est de façon modérée, à atteindre l’objectif de 25 % des terres agricoles de l’UE consacrées à l’agriculture biologique d’ici à 2030, tel qu’inscrit dans les stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité» et dans le plan d’action européen pour le développement de la production biologique, issus du pacte vert pour l’Europe. |
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3.6. |
Le CESE accueille favorablement l’application des mesures relatives à l’information obligatoire sur la provenance des denrées alimentaires, s’agissant des matières premières utilisées dans la composition de l’aliment pour animaux familiers, avec les indications «Agriculture UE», «Agriculture non UE», «Agriculture UE/non UE», ou encore «Agriculture + nom d’un pays» ou «Agriculture + nom d’un pays et d’une région». |
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3.7. |
Le CESE encourage la Commission et les institutions européennes à communiquer sur cette nouvelle réglementation et ses objectifs afin de renforcer encore la demande et la confiance des consommateurs dans les produits biologiques. |
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3.8. |
Le CESE considère enfin que ces mesures d’étiquetage doivent permettre d’engager, voire d’élargir, le dialogue avec les producteurs d’aliments pour animaux familiers afin d’assurer l’adhésion du secteur aux principes de systèmes alimentaires durables et de développer leur contribution aux objectifs du pacte vert pour l’Europe. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil (JO L 150 du 14.6.2018, p. 1).
(2) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables afin de donner aux consommateurs les moyens de faire des choix alimentaires durables» (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 97).
(3) Règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil (JO L 150 du 14.6.2018, p. 1).
(4) Proposition de règlement relative à l’étiquetage des aliments biologiques pour animaux familiers [COM(2022) 659 final].
(5) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions concernant un plan d’action pour le développement de la production biologique [COM(2021) 141 final] (JO C 517 du 22.12.2021, p. 114).
(6) Source: FEDIAF (Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers) — https://europeanpetfood.org/about/statistics/
(7) Source: FEDIAF (Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers) — https://europeanpetfood.org/pet-food-facts/pet-food-trends/
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/58 |
Avis du Comité économique et social européen sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro
[COM(2022) 782 final]
(2023/C 140/10)
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Rapporteur: |
Petru Sorin DANDEA |
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Consultation |
Commission européenne, 19.12.2022 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
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Adoption en section |
21.12.2022 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
169/0/3 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) approuve les recommandations proposées par la Commission et formule un certain nombre de propositions supplémentaires. |
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1.2. |
Le CESE rappelle les conclusions de son avis précédent (1), adopté à une large majorité lors de la session plénière d’octobre 2022. |
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1.3. |
Le CESE recommande que les deux fourchettes de consommation soient définies de manière à protéger tous les ménages confrontés à des problèmes majeurs pour payer leurs factures énergétiques. Il estime que cette politique des deux niveaux de tarification devrait couvrir à la fois les personnes se trouvant au-dessous du seuil de pauvreté et celles de la classe moyenne inférieure qui, en raison de leurs faibles revenus, ne seront pas en mesure de payer leurs factures d’énergie aux prix du marché. |
|
1.4. |
Le CESE soutient la proposition de la Commission visant à ce que les États membres utilisent l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’État et leur recommande de recourir à tous les moyens possibles pour aider les entreprises en général, et plus particulièrement les petites et moyennes entreprises. |
|
1.5. |
Le CESE préconise une utilisation prudente de la politique monétaire, étant donné que, dès lors que l’inflation est causée par des facteurs exogènes, la politique monétaire peut dans ce contexte complexe avoir un effet cyclique. |
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1.6. |
Le CESE soutient la proposition de la Commission visant à ce que les pays de la zone euro coordonnent leur politique budgétaire avec la politique monétaire de la Banque centrale européenne. Cela est important pour que la politique monétaire parvienne à faire baisser l’inflation. |
|
1.7. |
Le CESE estime que l’achèvement de l’union des marchés des capitaux et de l’union bancaire constituera une étape importante dans l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et il recommande aux États membres de déployer des efforts pour accélérer le processus. |
|
1.8. |
Le CESE recommande aux États membres de mettre rapidement en œuvre au niveau national la directive relative aux salaires minimaux. Cette démarche serait à même d’améliorer le niveau du salaire minimum et de créer un filet de sécurité pour les bas salaires, en préservant leur pouvoir d’achat au cours de cette période d’inflation élevée. |
|
1.9. |
La Commission recommande aux États membres de saisir l’occasion offerte par le dialogue social pour associer les partenaires sociaux à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques nécessaires pour atténuer les effets de la crise. Le CESE soutient fermement la proposition de la Commission. |
2. Contexte général
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2.1. |
La reprise de la croissance économique amorcée au niveau de la zone euro et dans toute l’Union européenne en 2021 a été soudainement interrompue par la guerre déclenchée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine. La forte dépendance de la zone euro à l’égard des importations de combustibles fossiles en provenance de la Fédération de Russie, dans le contexte des sanctions imposées par l’Union européenne, a créé de l’incertitude, ce qui a eu des effets majeurs sur les chaînes d’approvisionnement. Ces facteurs ont été à l’origine de la crise énergétique et, par la suite, de l’inflation élevée à laquelle sont confrontées la zone euro et l’Union européenne. |
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2.2. |
Bien que l’inflation ait légèrement fléchi, passant de 10,6 % en octobre à 10,0 % en novembre, il est possible qu’avec l’arrivée de la saison froide, elle accélère de nouveau à cause des problèmes d’approvisionnement en combustibles et de la crise énergétique qui en résultera. |
|
2.3. |
La Banque centrale européenne a eu recours à la politique monétaire pour ramener l’inflation à des paramètres viables (retour à son niveau-cible de 2 % à moyen terme), mais ses efforts pourraient s’avérer insuffisants compte tenu des facteurs exogènes qui ont conduit à la crise, mais aussi de la difficulté d’articuler la politique monétaire avec les politiques budgétaires, fragmentées, des États membres. |
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2.4. |
Cette crise multiple s’est superposée à la crise climatique à laquelle l’Union européenne est confrontée. On observe également une baisse significative de la vitesse de convergence, voire une fragmentation et une divergence non seulement au niveau de certains secteurs, mais aussi entre les économies des États membres de la zone euro. |
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2.5. |
La crise énergétique a entraîné une perte de compétitivité pour de nombreux secteurs et entreprises qui opèrent sur le marché unique. |
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2.6. |
La facilité pour la reprise et la résilience, ainsi que la politique de cohésion, ont contribué de manière significative à aider les États membres de la zone euro à maintenir le niveau d’investissement nécessaire pour atteindre les objectifs du pacte vert, mais des efforts supplémentaires sont indispensables pour garantir une transition plus rapide vers la neutralité carbone et réduire considérablement la dépendance énergétique. |
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2.7. |
C’est dans ce contexte particulièrement difficile et complexe que la Commission européenne a présenté, le 22 novembre dernier, sa proposition de «Recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro» (2) pour 2023. |
3. Observations générales et particulières
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3.1. |
Le CESE approuve les recommandations proposées par la Commission, mais estime nécessaire d’ajouter les propositions suivantes: |
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3.2. |
Le CESE rappelle les conclusions de l’avis ECO/590 (3), adopté à une large majorité lors de la session plénière d’octobre 2022. |
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3.3. |
Dans le contexte de la crise énergétique, l’hiver 2022-2023 est appelé à poser des problèmes majeurs aux ménages et aux entreprises de l’Union européenne. La Commission européenne propose une politique de protection pour les plus vulnérables, consistant en une tarification à deux niveaux. Cela signifie que jusqu’à un certain niveau de consommation d’énergie, le consommateur vulnérable paiera un prix inférieur au prix du marché. Cette politique à deux niveaux proposée par la Commission pour protéger les ménages vulnérables dans le contexte de la crise énergétique devrait être utilisée par les États membres de manière inclusive. Le CESE recommande que les deux fourchettes de consommation soient définies de manière à protéger tous les ménages confrontés à des problèmes majeurs pour payer leurs factures énergétiques.
Il estime que cette politique des deux niveaux de tarification devrait couvrir à la fois les personnes se trouvant au-dessous du seuil de pauvreté et celles de la classe moyenne inférieure qui, en raison de leurs faibles revenus, ne seront pas en mesure de payer leurs factures d’énergie aux prix du marché. |
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3.4. |
Pour ce qui est des entreprises, la Commission estime que les États membres devraient leur apporter un soutien afin d’éviter la paralysie de leur activité, y compris en recourant à l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’État. Le CESE soutient la proposition de la Commission et recommande aux États membres d’utiliser tous les moyens possibles pour aider les entreprises en général, et plus particulièrement les petites et moyennes entreprises. |
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3.5. |
L’inflation causée par les prix du gaz naturel et la crise de l’énergie a atteint en octobre 2022 son niveau le plus élevé depuis l’introduction de l’euro, à savoir 10,6 %. La Banque centrale européenne a agi en temps utile, en ayant recours à la politique monétaire pour contenir la croissance de l’inflation et permettre son retour à un niveau inférieur à 2 % (niveau-cible à moyen terme). Le CESE recommande une utilisation prudente de la politique monétaire, étant donné que, dès lors que l’inflation est causée par des facteurs exogènes, la politique monétaire peut dans ce contexte complexe avoir un effet cyclique. |
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3.6. |
Si les salaires ont légèrement augmenté dans la zone euro en 2022, cette augmentation est nettement inférieure à l’inflation. Le CESE partage l’avis de la Commission européenne quand elle recommande aux États membres d’agir — dans le respect de leurs pratiques nationales et de leur modèle de négociation collective — en faveur de la préservation du pouvoir d’achat des salaires, en particulier celui des salariés vulnérables faiblement rémunérés. Le CESE recommande aux États membres de mettre rapidement en œuvre au niveau national la directive relative aux salaires minimaux. Cette démarche serait à même d’améliorer le niveau du salaire minimum et de créer un filet de sécurité pour les bas salaires, en préservant leur pouvoir d’achat. |
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3.7. |
Le CESE soutient la proposition de la Commission visant à ce que les pays de la zone euro coordonnent leur politique budgétaire avec la politique monétaire de la Banque centrale européenne. Cela est important pour que la politique monétaire parvienne à faire baisser l’inflation. Le Comité estime que les États membres et la Commission devraient intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre le «pilier 1» proposé par le cadre inclusif de l’OCDE. Cela permettrait de dégager d’importantes recettes pour les États membres qui, après les efforts déployés pendant la pandémie de COVID-19, sont confrontés à une dette publique élevée et, partant, disposent de moins de marge de manœuvre pour mener leurs politiques budgétaires en temps de crise. |
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3.8. |
Le CESE soutient la proposition de la Commission de poursuivre les efforts visant à achever l’union des marchés des capitaux et l’union bancaire. Il estime que l’achèvement de ces deux chantiers politiques constituera une étape importante dans l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. |
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3.9. |
Dans le contexte de cette crise multiple, les États membres doivent agir pour en réduire les effets négatifs sur les ménages et les entreprises. La Commission recommande aux États membres de saisir l’occasion offerte par le dialogue social pour associer les partenaires sociaux à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques nécessaires pour atténuer les effets de la crise. Le CESE soutient fermement la proposition de la Commission. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Considérations supplémentaires sur une recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro» [COM(2021) 742 final] (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 43).
(2) Recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro [COM(2022) 782 final].
(3) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Considérations supplémentaires sur une recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro» [COM(2021) 742 final] (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 43).
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/61 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Fixer le cap vers une planète bleue durable — Communication conjointe relative au programme de l’UE de gouvernance internationale des océans»
[JOIN(2022) 28 final]
(2023/C 140/11)
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Rapporteur: |
Stefano PALMIERI |
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Consultation |
Commission européenne, 25.11.2022 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Décision de l’assemblée plénière |
15.6.2022 |
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Compétence |
Section «Relations extérieures» |
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Adoption en section |
20.12.2022 |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
|
Session plénière no |
575 |
|
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
184/0/1 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
La gouvernance des océans ne devrait pas être considérée comme une simple «affaire maritime». Le milieu marin constitue un système complexe sur le plan des secteurs concernés, des législations applicables, des parties prenantes impliquées à différents échelons (local, régional et mondial) et des dimensions qu’il recouvre. Il entretient des liens étroits avec les activités, politiques et actions menées concernant la terre ferme, d’où la nécessité que les décisions en la matière s’appuient sur les connaissances disponibles, s’inscrivent dans une démarche transdisciplinaire intégrée et fassent appel à la diplomatie scientifique. Le CESE accueille favorablement la proposition de constituer un groupe d’experts intergouvernemental sur la durabilité des océans. |
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1.2. |
Le CESE se félicite de la désignation de zones marines protégées (ZMP), soutient la réalisation de la neutralité carbone et est favorable à la démolition durable des navires. |
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1.3. |
Il y a lieu d’assurer la cohérence entre les différentes politiques et les différents accords au moment d’arrêter des décisions et de mener des interventions, en procédant à une évaluation transparente de leur faisabilité eu égard à leurs incidences. Le CESE soutient le rôle de l’Union en tant qu’acteur législatif et dans ses démarches visant à renforcer les réseaux et les partenariats au niveau mondial tout en s’intéressant au rôle de la recherche et de l’innovation. |
|
1.4. |
Le CESE préconise de décourager financièrement le recours aux pavillons de complaisance (par exemple en créant un fonds spécifique constitué de cautionnements pour la démolition de navires) et propose d’étendre le mécanisme d’ajustement carbone au large éventail de polluants qui ont une incidence sur l’écosystème marin. |
|
1.5. |
Le CESE se félicite de la «tolérance zéro» appliquée à l’égard de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) et des prises accessoires, et encourage l’Union à soutenir les opérateurs honnêtes dans l’instauration d’une conservation et d’une gestion durables de la pêche. Il invite la Commission à soutenir la pêche artisanale et industrielle durable et à faible impact ainsi que l’aquaculture et l’algoculture «à impact nul» de façon à garantir la durabilité environnementale, sociale et économique des régions. |
|
1.6. |
L’exploitation minière des grands fonds marins doit encore faire l’objet d’études scientifiques rigoureuses pour que l’on puisse estimer ses incidences à long terme sur l’environnement. Le CESE se félicite que la Commission fasse sien le principe de précaution et demande un moratoire sur l’octroi des autorisations d’exploitation minière par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Il préconise d’instituer des groupes scientifiques indépendants à l’échelon international, dont les connaissances viendront étayer la prise de décisions et l’adoption de mesures. |
|
1.7. |
Les effets des munitions non explosées, des polluants émergents et des catastrophes naturelles peuvent transformer l’utilisation de l’espace maritime et les scénarios économiques et géopolitiques qui en découlent. Le CESE se félicite des efforts déployés par la Commission pour relever ces défis. |
|
1.8. |
La sécurité et la sûreté en mer revêtent une importance fondamentale. Un renouvellement générationnel des compétences et des technologies est nécessaire et doit aller de pair avec des conditions de vie et de travail décentes. Le CESE invite également les États membres de l’Union à ratifier la convention no 188/2007 (1) de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à en assurer la transposition en bonne et due forme dans leur droit national (2). Il accueille favorablement la directive (UE) 2017/159 du Conseil (3) et demande que le champ d’application de la procédure soit élargi afin d’améliorer les conditions de vie et de travail et de protéger la santé et la sécurité des travailleurs du secteur de la pêche maritime. |
|
1.9. |
Le CESE rappelle que les régions ultrapériphériques (4) doivent, compte tenu de leurs caractéristiques géographiques, jouer un rôle clé dans le cadre de gouvernance des océans, ce que prévoit le document COM(2022) 198 final (5) mais qu’ignore complètement le document JOIN(2022) 28 final. |
|
1.10. |
Pour assurer une gouvernance internationale renouvelée et renforcée des océans, telle que promue par l’Union, le CESE plaide en faveur d’une participation concrète et transparente de diverses parties prenantes à la mise en place d’un soutien des politiques qui soit fondé sur les connaissances ainsi qu’aux activités de communication et de sensibilisation, et ce à toutes les étapes de ce processus, depuis la consultation et la coconception des plans jusqu’à leur mise en œuvre et leur évaluation finale. De nouvelles formes de structure organisationnelle pourraient être adoptées pour faire face à la complexité des enjeux. |
|
1.11. |
Le CESE plaide en faveur d’une large diffusion des connaissances sur le droit de la mer auprès de tous les citoyens de l’Union. Une législation internationale est nécessaire pour réglementer un éventail de domaines de compétence (frontières côtières, zones économiques, protection des ressources marines, définition de ce qui constitue un «port sûr», etc.), notamment pour clarifier les obligations internationales en matière de sauvetage et d’assistance en mer en codifiant les notions de danger et les méthodes de recherche et de sauvetage (6). Le CESE demande que cette règle soit correctement appliquée, en affirmant le principe fondamental selon lequel les êtres humains qui se trouvent dans une situation dangereuse en mer doivent être sauvés et acheminés vers un port sûr, sans la moindre ambiguïté et en l’absence de toute condition. |
|
1.12. |
Compte tenu de l’importance géopolitique et environnementale que revêt l’Arctique, le CESE se félicite de l’engagement pris par l’Union de mettre pleinement en œuvre l’accord visant à prévenir la pêche non réglementée en haute mer dans l’océan Arctique central, des efforts visant à désigner des ZMP dans l’Arctique et de l’interdiction du forage pour l’extraction d’hydrocarbures (7). |
|
1.13. |
Le CESE constate un manque d’ambition dans les investissements prévus destinés à relever les défis qui se posent en matière de gouvernance des océans et réclame donc la mise en place d’un Fonds pour les océans permettant d’apporter une réponse appropriée aux enjeux du secteur maritime. |
2. Observations générales sur le cadre de référence
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2.1. |
L’un des principaux défis à relever lorsqu’on aborde les questions marines et maritimes est la cohérence entre les actions entreprises à différents niveaux (mondial, national, régional et local) et entre les secteurs. Une multiplicité de prétentions concurrentes peut compromettre les interventions et réduire considérablement leur impact. |
|
2.2. |
La prise de décisions dans le domaine de la gouvernance des océans doit pouvoir s’appuyer sur les connaissances. L’impact de l’homme sur le milieu marin ne se limite pas aux activités en mer (exploitation minière, pêche, transport), mais englobe également les activités menées sur la terre ferme qui génèrent une pollution à plus grande échelle (déchets, pesticides, antibiotiques, phosphates, plastiques, explosifs, etc.). Il est donc essentiel d’intégrer les océans non seulement dans l’objectif de développement durable (ODD) no 14, mais aussi dans ceux qui portent sur la production industrielle et les comportements collectifs. Un écosystème marin sain et productif nécessite une approche plus intégrée, couvrant également des aspects qui vont au-delà des questions marines et maritimes. |
|
2.3. |
Ces dernières années, face à l’émergence de problématiques complexes dans de nombreux contextes, de nouveaux modes de gouvernance ont été mis au point, alimentés principalement par la science des marchés et des réseaux. Les systèmes complexes sont difficiles à contrôler et leur dynamique à long terme est difficile à anticiper. Les océans constituent un système complexe dans lequel l’énorme disparité en matière de réglementation entre zones côtières et de haute mer, ainsi que les différends au niveau des gouvernements nationaux et du secteur privé, laissent à penser qu’il pourrait être nécessaire de recourir à une diplomatie scientifique renouvelée pour relever les défis qui se posent. Le CESE reconnaît la nécessité de mettre au point des outils de gestion et des interfaces stratégiques adaptés aux besoins en tant qu’initiatives visant à intégrer les différentes dimensions qui sont interconnectées. |
|
2.4. |
Le CESE soutient le rôle de l’Union en tant qu’acteur législatif et dans ses démarches visant à renforcer les réseaux et les partenariats au niveau mondial tout en s’intéressant au rôle de la recherche et de l’innovation, en proposant des solutions et des lignes directrices et en soutenant des initiatives spécifiques. |
3. Évaluation de la communication de la Commission
Le présent avis s’intéressera aux quatre thématiques abordées dans la proposition: 1) Renforcement du cadre de la gouvernance internationale des océans; 2) Vers la durabilité des océans d’ici à 2030; 3) Garantir la sûreté et la sécurité en mer; 4) Développer les connaissances relatives aux océans.
3.1. Renforcement du cadre de la gouvernance internationale des océans
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3.1.1. |
Le CESE se félicite de l’engagement pris par la Commission de soutenir les normes internationales les plus élevées en matière de transparence, de bonne gouvernance et d’inclusion des parties prenantes au sein des organisations internationales, telles que l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). |
|
3.1.2. |
Le CESE réaffirme le rôle que peut jouer l’Union dans le domaine législatif, y compris au moyen de la diplomatie scientifique et du renforcement des réseaux et des partenariats au niveau mondial. Il insiste notamment sur la nécessité de mettre en place un système permettant un suivi ainsi que l’adoption de mesures appropriées. Il accueille favorablement, au même titre que les «autres mesures de conservation efficaces par zone» (AMCEZ), la désignation de zones marines protégées, et l’objectif qu’elles couvrent 30 % de l’espace marin d’ici à 2030, dans tous les cas où leur importance pour le fonctionnement du système océanique est reconnue et où l’adoption de mesures se fonde sur une analyse de l’efficacité et de l’efficience offertes par chaque zone spécifique, à la lumière des coûts, des responsabilités, des calendriers et du suivi qui lui sont afférents. |
|
3.1.3. |
Le CESE note qu’en dépit de certaines avancées technologiques réalisées ces dernières années, il apparaît que les incidences à long terme de l’exploitation minière des grands fonds marins sont encore visibles, et que les écosystèmes ne sont pas encore pleinement rétablis, dans les zones ayant été excavées il y a plusieurs décennies (8). Il se félicite de l’adoption du principe de précaution et demande un moratoire sur l’octroi des autorisations d’exploitation minière par l’AIFM. Il invite cette dernière à instituer un groupe scientifique international indépendant afin de transposer les analyses fondées sur les connaissances en décisions stratégiques structurées. Il propose également de promouvoir les investissements dans la recherche et le développement afin de trouver des solutions de substitution aux matériaux extraits des fonds marins. |
|
3.1.4. |
La petite pêche côtière et l’aquaculture à petite échelle sont des activités essentielles à la survie de nombreuses communautés côtières et à la préservation de leur patrimoine culturel. Le secteur de la pêche en général, et plus particulièrement la pêche traditionnelle et artisanale, est celui qui a le plus souffert de la crise économique, d’où la nécessité de déployer une stratégie spécifique pour l’aider à retrouver une position solide sur le marché (9). Le CESE appelle de ses vœux des interventions appropriées pour renforcer ces activités, diversifier les sources de revenus des communautés locales (en développant par exemple le tourisme littoral et les activités aquatiques récréatives), favoriser les reconversions professionnelles, soutenir les régions en déclin et promouvoir la durabilité environnementale (10). |
|
3.1.5. |
Le CESE se félicite de la «tolérance zéro» appliquée à l’égard de la pêche INN et encourage l’Union à soutenir les opérateurs honnêtes dans l’instauration d’une conservation et d’une gestion durables de la pêche. Il réaffirme le rôle de l’Union lorsqu’il s’agit d’entretenir des dialogues sur la pêche avec les pays tiers afin de promouvoir le respect des obligations internationales. Dans ce contexte, il reconnaît que les accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) constituent une contribution bienvenue à la mise en place d’un cadre solide pour les relations avec un certain nombre de pays tiers partenaires. |
|
3.1.6. |
L’Arctique est confronté à des bouleversements qui pourraient mettre en péril l’environnement et perturber l’équilibre géopolitique. Le CESE se félicite de l’engagement pris par l’Union de mettre pleinement en œuvre l’accord visant à prévenir la pêche non réglementée en haute mer dans l’océan Arctique central, des efforts visant à désigner des ZMP dans l’Arctique et de l’interdiction du forage pour l’extraction d’hydrocarbures (11). |
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3.1.7. |
Le CESE reconnaît les difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit de faire appliquer des mesures dans les zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale; il insiste sur la nécessité de garantir la cohérence entre les différents partenariats et accords et soutient les efforts déployés par l’Union dans le cadre des négociations en cours en vue d’un traité sur la haute mer. |
3.2. Vers la durabilité des océans d’ici à 2030
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3.2.1. |
Le CESE salue les engagements pris et les efforts déployés en vue de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050. L’Union joue un rôle important, au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI), dans un processus législatif et opérationnel mondial visant à décarboner le secteur maritime et de la pêche. |
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3.2.2. |
Le CESE reconnaît que la lutte contre la pollution marine constitue un défi. L’interconnexion des différentes sources, y compris les sources terrestres, conjuguée à la diversité des parties prenantes et à la question des frontières législatives, rend le cadre particulièrement complexe. Le Comité insiste sur la nécessité de s’attaquer à la diversité des polluants et de promouvoir des interventions efficaces. Il juge indispensable de veiller à la cohérence des démarches et de prendre en considération des dimensions autres que la gouvernance des océans (telles que celles abordées dans la stratégie zéro pollution, la stratégie en faveur de la biodiversité et la stratégie «De la ferme à la table» (12)) ayant une forte incidence sur la pollution marine (13). |
|
3.2.3. |
Les munitions non explosées comprennent à la fois des armes explosives conventionnelles et des armes chimiques déversées en mer. Les menaces indéniables que fait peser leur présence en mer n’ont guère reçu d’attention par le passé. Le problème appelle une stratégie urgente, étant donné que différents secteurs économiques sont de plus en plus demandeurs d’espaces marins et que la plupart des munitions subissent un phénomène de corrosion et connaissent des fuites de produits toxiques, cancérigènes, mutagènes et tératogènes. Des mesures de détection, de suivi et d’atténuation doivent être prises, avec le soutien de l’Europe sur le plan aussi bien des connaissances que des technologies (14). |
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3.2.4. |
Le CESE se félicite des efforts déployés par la Commission pour réduire les incidences environnementales des munitions immergées et note que les risques ne se limitent pas aux engins non explosés issus des deux guerres mondiales mais concernent également d’autres conflits (par exemple dans les Balkans ou en Ukraine), et qu’ils n’ont pas trait uniquement à l’éventuelle toxicité des substances déversées, mais aussi à la détonation accidentelle ou automatique de matériel militaire. |
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3.2.5. |
Le CESE reconnaît les incidences environnementales des engins de pêche sur l’écosystème et note que nombre des solutions proposées affichent un coût qui n’est pas durable ou ont des effets négligeables à l’échelle mondiale. Il préconise l’introduction de nouvelles technologies et de nouveaux matériaux pour réduire l’ampleur du défi, assortie de mesures de compensation et de campagnes sur mesure pour sensibiliser les pêcheurs aux possibilités qui leur sont offertes (15). |
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3.2.6. |
La surexploitation des stocks halieutiques et les prises accessoires sont reconnues comme de véritables problèmes au niveau mondial. Le secteur de la pêche ayant une incidence considérable sur de nombreuses espèces, il existe des craintes légitimes que la viabilité de certaines d’entre elles s’en trouve menacée, mettant ainsi en péril l’équilibre de tout l’écosystème marin. D’un autre côté, les activités des pêcheurs locaux forment un pan important de la culture des territoires ainsi que d’une économie durable qui offre aux citoyens une alimentation saine en s’inscrivant dans un processus durable sur le plan environnemental, social et économique. Il est possible de réduire la pression anthropique sur les stocks halieutiques en promouvant l’aquaculture à impact nul (y compris l’algoculture). |
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3.2.6.1. |
Sur la base de ces éléments, le CESE appelle de ses vœux:
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3.2.7. |
Le transport maritime représente plus de 90 % des marchandises échangées dans le monde et constitue l’épine dorsale de l’économie mondiale. Les navires océaniques peuvent avoir un impact en tant que source importante de pollution, y compris en fin de vie. Les propriétaires de navires des pays à revenu élevé masquent souvent la véritable identité de leurs vaisseaux en les immatriculant dans des paradis fiscaux, notamment pour contourner les règles environnementales. Les efforts déployés dans ce contexte au niveau international et régional n’ont pas permis de lutter contre ces comportements (16). Les pays qui délivrent des pavillons de complaisance sont toujours utilisés comme dernier État de pavillon, y compris par les pays de l’Union, pour échapper aux règles et économiser de l’argent. Le CESE propose de considérer la démolition des navires comme une source significative de pollution marine et invite l’Union à a) prendre des mesures en faveur d’une réglementation contraignante plus stricte; b) surveiller les activités en la matière afin de prévenir tout contournement des règles visant à se soustraire aux obligations environnementales, et c) décourager financièrement le recours aux pavillons de complaisance, par exemple en instituant un fonds spécifique constitué de cautionnements pour toute la durée de vie du navire, de façon à assurer le respect des normes édictées par l’Union en matière de protection de l’environnement et de sécurité, y compris au-delà de la juridiction de l’Union. |
3.3. Garantir la sûreté et la sécurité en mer
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3.3.1. |
Le CESE félicite l’Union pour sa volonté de renforcer son rôle de prestataire de services de sûreté maritime à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Il l’invite à recenser les zones d’intérêt maritimes potentielles compte tenu des évolutions géopolitiques récentes et à se concentrer sur les priorités émergentes. |
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3.3.2. |
Le CESE se félicite des efforts déployés par l’Union pour promouvoir et mettre en œuvre toute forme d’intervention visant à renforcer la sécurité en mer. Il invite l’Union à élargir l’éventail des secteurs menant des activités en mer considérés comme susceptibles de mettre en danger l’environnement et la santé humaine, pour couvrir notamment le tourisme, la démolition et la construction de navires, l’énergie et l’aquaculture. Il préconise également de mettre l’accent sur la modernisation des technologies (en développant par exemple la propulsion propre), des espaces de travail et des conditions de travail dans les divers secteurs logistiques qui encadrent les activités marines et maritimes (chantiers navals, ports, bateaux, etc.). |
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3.3.3. |
Le CESE recommande d’assurer la cohérence réglementaire entre les mesures liées à la conservation des écosystèmes marins et les règles régissant la sécurité et les conditions de travail en mer, au moyen d’analyses d’impact couvrant: i) l’emploi, ii) les rémunérations, iii) les technologies, iv) des conditions de vie et de travail décentes, et v) la formation des travailleurs. Il invite également à coordonner plus efficacement les différents services des administrations publiques à tous les niveaux, aux fins d’une gestion intégrée de l’espace marin (17). |
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3.3.4. |
Le CESE invite les États membres à ratifier la convention no 188 de l’OIT, en déployant les moyens nécessaires à sa transposition en bonne et due forme en droit national et à son application. Il accueille favorablement la directive (UE) 2017/159 du Conseil (18) et demande que l’on s’attelle à élargir son champ d’application afin de couvrir également les effets cumulatifs des incidences à long terme sur la santé humaine. Il insiste en outre sur la nécessité d’une législation véritablement ambitieuse de l’Union en matière de durabilité des entreprises et de travail forcé (19). |
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3.3.5. |
Le CESE estime essentiel de définir des principes généraux ainsi que des orientations pratiques destinées à fournir des services équitables pour le travail dans ces secteurs, comportant notamment: a) des orientations satisfaisantes et adaptées concernant les armateurs de navires de pêche et les services (transfrontières) se rapportant au marché du travail; b) des contrats types pour les services (transfrontières) se rapportant au marché du travail; c) des orientations suffisantes et adéquates concernant les pêcheurs en recherche d’emploi à bord de bateaux de pêche (étrangers), et d) des mécanismes de dépôt de plaintes (20). |
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3.3.6. |
En lien avec la connaissance de la mer et des océans et avec la sécurité en mer, il y a lieu d’évoquer la nécessité de diffuser largement les connaissances sur le droit de la mer et sur son application effective. Une législation internationale est nécessaire pour réglementer un éventail de domaines de compétence (frontières côtières, zones économiques, protection des ressources marines, définition de ce qui constitue un «port sûr», etc.), notamment pour clarifier les obligations internationales en matière de sauvetage et d’assistance en mer en codifiant les notions de danger et les méthodes de recherche et de sauvetage. |
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3.3.7. |
Les catastrophes naturelles (inondations, tsunamis, événements extrêmes) peuvent avoir des répercussions sur le milieu marin et entraîner des risques indirects pour les activités humaines et la santé. Le CESE insiste sur la nécessité de traiter les catastrophes naturelles comme des sources possibles de risques pour l’environnement et pour les activités en mer en général. |
3.4. Développer les connaissances relatives aux océans
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3.4.1. |
Le CESE reconnaît la complexité du système océanique, qui repose sur des variables environnementales interconnectées et sur une diversité de parties prenantes, de législations, de cultures et de capacités locales. Il préconise d’associer de manière efficace et transparente différentes disciplines et expertises (sciences des données, de la complexité et des réseaux, psychologie, sociologie, économie) au service d’un soutien des politiques qui soit fondé sur les connaissances (comme proposé pour le groupe d’experts intergouvernemental sur la durabilité des océans). |
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3.4.2. |
Les connaissances et les pratiques font ressortir de nouveaux modes de gouvernance permettant de répondre à des questions complexes grâce à des structures auto-organisées, dans le cadre desquelles une organisation décentralisée a été développée avec succès. Le CESE invite à élargir les bonnes pratiques et les modèles fructueux à tous les secteurs de l’économie bleue, y compris ceux qui génèrent de l’emploi et de la croissance (à l’instar notamment du tourisme ou de la plongée), ainsi qu’au secteur public. L’attribution de fonds en faveur d’une économie bleue durable devrait garantir des avantages économiques et sociaux pour les générations actuelles et futures, rétablir et préserver la diversité, la productivité, la résilience et la valeur intrinsèque des écosystèmes marins, et promouvoir les technologies propres, les sources d’énergie renouvelables et le recyclage (21). |
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3.4.3. |
La société civile et les parties prenantes locales devraient être associées à toutes les étapes du processus, de la consultation et l’élaboration conjointe des plans jusqu’à la mise en œuvre et à l’évaluation finale. La connaissance des océans est essentielle à une transformation sociétale sur la voie d’une durabilité intégrée du système. Les structures et processus organisationnels devraient donner la priorité à la dimension sociale et à l’appui scientifique au service d’une durabilité intégrée, en renforçant et en finançant les mesures destinées à promouvoir et soutenir le dialogue social, à accroître la sécurité, à améliorer les conditions de travail, à créer des emplois de qualité, à développer les compétences des travailleurs et à assurer le «renouvellement des générations» (22). |
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3.4.4. |
Le CESE se félicite de la pratique de l’Union consistant à partager les données marines et les observations océaniques. Il reconnaît la pertinence des services de surveillance du milieu marin et leur incidence sur l’économie, ainsi que les coûts des infrastructures marines, qui exigent des investissements publics considérables de la part des États. Le Comité constate que la modélisation de l’écosystème marin dans toute sa complexité ne permet pas encore d’appréhender pleinement cet écosystème et ses interactions avec les activités humaines. Il invite l’Union à promouvoir le libre accès aux données et leur réutilisation, tout en finançant les approches innovantes permettant de réduire le coût des observations et en fournissant une évaluation efficace du bon état écologique (23). |
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3.4.5. |
Le CESE insiste sur la nécessité d’adopter une méthodologie scientifique pour aborder la diplomatie scientifique et les négociations. Il demande la mise en place de cours de formation pour les utilisateurs finaux et le personnel d’encadrement, y compris au niveau local, afin de parvenir à une durabilité effective et de rendre les actions réalisables. |
4. Points critiques
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4.1. |
Le concept de gouvernance est associé à une grande variété de phénomènes, allant des processus décisionnels aux instruments politiques. L’ampleur de cette notion peut avoir contribué à sa grande popularité, et très probablement à l’utilisation abusive qui en est faite. Les océans ne connaissent pas les frontières politiques et leur destin est intimement lié à l’utilisation des terres. Les défis ne peuvent être relevés individuellement par les différents pays et nécessitent une approche transnationale, fondée sur un partage réaliste et efficace des efforts et des responsabilités et sur l’adoption de systèmes conçus conjointement, de plans d’action communs et d’interventions qui relient les démarches entreprises à l’échelon local à des cadres régionaux globaux. Il n’est pas possible d’adopter un mode de gouvernance unique pour fournir des structures organisationnelles à différentes dimensions. Dans ce contexte, le CESE note qu’une prise de décisions fondée sur les connaissances, le recours à la diplomatie scientifique et la cohérence de la législation entre les différents pays et secteurs sont essentiels pour faire face à la complexité des enjeux liés au milieu marin. |
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4.2. |
Le fait que l’économie est continuellement demandeuse d’espace marin accroît la complexité du système océanique en tant que réseau de variables environnementales interconnectées. La diversité des parties prenantes, des législations, des cultures et des capacités locales doit absolument être intégrée à la conception et à la mise en œuvre des mesures prises pour leur conférer un caractère durable sur le plan environnemental, économique et social. Le CESE préconise d’adopter en toute transparence une méthodologie scientifique associant différentes disciplines (sciences des données, de la complexité et des réseaux, psychologie, sociologie, économie, etc.) pour constituer une base de connaissances au service de la gouvernance des océans. |
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4.3. |
Une question d’importance capitale pour l’avenir de nombreux secteurs menant des activités en mer est celle du «renouvellement des générations». Certains aspects qui semblent éloignés de la gouvernance contribuent indirectement à une gestion efficace des activités en mer. De nombreuses initiatives visant à faciliter la modernisation des technologies, la formation professionnelle et l’amélioration des conditions de travail sont certes utiles, mais elles nécessitent également des mesures d’accompagnement ainsi qu’un retour sur investissement acceptable (24). |
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4.4. |
Les activités durables restent le principal objectif d’une gouvernance des océans fructueuse, et tous les secteurs devraient être mis en capacité de parvenir à un tel résultat. Le CESE demande le financement des mesures visant à améliorer la sécurité et les conditions de travail, par exemple dans les domaines de la formation, des services de conseil, de la promotion du capital humain, du dialogue social, de la santé et de la sécurité. Il invite instamment les colégislateurs à donner la priorité à la dimension sociale dans l’adoption des structures et processus organisationnels (c’est-à-dire la gouvernance) en renforçant et en finançant les mesures visant à promouvoir et à soutenir le dialogue social, la sécurité, les conditions de travail et les compétences. |
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4.5. |
Le CESE constate un manque d’ambition dans les investissements prévus destinés à relever les défis qui se posent en matière de gouvernance des océans. La lutte contre les sources de pollution, les interventions d’atténuation et la gestion des activités en mer dans tous les secteurs nécessitent des efforts financiers appropriés, des actions structurelles et un engagement de la société civile. Le Comité se félicite des efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à encourager les meilleures performances et l’innovation (25). Ces démarches peuvent étayer tout à la fois l’ambition de décarboner le secteur du transport maritime et celle de mettre en place un Fonds pour les océans permettant de répondre aux enjeux du secteur maritime. Le Comité demande également que le mécanisme d’ajustement carbone soit étendu aux aspects environnementaux et sociaux. |
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4.6. |
En raison de leurs caractéristiques géographiques, les régions ultrapériphériques peuvent jouer un rôle fondamental lorsqu’il s’agit de tirer parti de toutes les possibilités qui se présentent dans le domaine des océans, des mers et des ressources marines, ces possibilités devant être exploitées de façon prioritaire compte tenu du potentiel considérable qu’elles revêtent pour ce qui est de stimuler les économies, créer des emplois de qualité et garantir le bien-être des citoyens (26). Pour toutes ces raisons, le CESE estime qu’il y a lieu de renforcer le rôle spécifique que peuvent jouer les régions ultrapériphériques dans la mise en œuvre de la gouvernance des océans, notamment dans le cadre: a) de la mission «Restaurer notre océan et notre milieu aquatique d’ici à 2030»; b) de la collecte et du suivi des données relatives à la pêche; c) de la lutte contre la pêche illicite et non sélective et du soutien à la pêche durable, et d) de l’échange de connaissances en matière de planification de l’espace maritime (27). |
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4.7. |
La connaissance des océans a contribué à faire connaître les enjeux relatifs au milieu marin et peut jouer un rôle dans la promotion de solutions. Les matières plastiques ont fait l’objet d’une attention considérable de la part des médias et du monde politique, mais elles ne constituent que l’un des nombreux défis à relever pour les mers et les océans. Les liens qu’entretiennent les enjeux relatifs au milieu marin avec l’utilisation des sols et le comportement des consommateurs sont souvent négligés. Le CESE appelle de ses vœux une communication plus complète et plus transparente sur les océans, qui fasse également le lien entre la législation et les interventions déployées tant en mer qu’à terre. Il est à espérer que cela ouvrira la voie à la transformation de la production industrielle et à la création de nouvelles technologies et de nouveaux emplois qui soient davantage axés sur la durabilité environnementale. |
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4.8. |
La récente guerre en Ukraine a modifié la situation politique et attiré l’attention sur des situations d’urgence imprévues (qu’il s’agisse de l’approvisionnement énergétique ou de l’inflation). Les défis imprévus (tels que la sécurité des gazoducs Nord Stream et les munitions immergées en mer Noire, ou encore l’importance stratégique de l’Arctique d’un point de vue géopolitique) exigent de redoubler d’efforts pour adopter conjointement des mesures appropriées. Même si la guerre a également eu une incidence sur le nombre de migrants empruntant la route des Balkans occidentaux, la pression reste élevée aux points de traversée sur les routes de la Méditerranée, mettant à rude épreuve les capacités d’accueil de certains pays de l’Union et exposant les populations à des risques d’incidents. Le CESE invite l’Union à redoubler d’efforts pour financer les initiatives visant à soutenir la sécurité en mer, dans un contexte de dégradation probable de la situation provoquée par des pressions climatiques et économiques. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Convention no 188/2007 de l’OIT sur le travail dans la pêche.
(2) À l’heure actuelle, 167 États n’ont pas ratifié la convention no 188, parmi lesquels 19 États membres de l’Union, dont des pays côtiers d’importance tels que l’Allemagne, Chypre, l’Espagne, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, Malte et la Suède.
(3) Directive (UE) 2017/159 du Conseil du 19 décembre 2016 portant mise en œuvre de l’accord relatif à la mise en œuvre de la convention sur le travail dans la pêche, 2007, de l’Organisation internationale du travail, conclu le 21 mai 2012 entre la Confédération générale des coopératives agricoles de l’Union européenne (Cogeca), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) et l’Association des organisations nationales d’entreprises de pêche de l’Union européenne (Europêche) (JO L 25 du 31.1.2017, p. 12).
(4) Les régions ultrapériphériques (RUP) sont des îles, des archipels et un territoire terrestre (Guyane française). Au nombre de neuf, elles sont situées dans l’océan Atlantique occidental, le bassin des Caraïbes, la forêt amazonienne et l’océan Indien. Il s’agit de la Guyane française, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin, La Réunion et Mayotte (France), des Açores et de Madère (Portugal) et des îles Canaries (Espagne).
(5) COM(2022) 198 final, «Donner la priorité aux citoyens, assurer une croissance durable et inclusive, libérer le potentiel des régions ultrapériphériques de l’Union».
(6) Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes, adoptée à Hambourg le 29 avril 1979; convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, et convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer du 25 mai 1980.
(7) Communication conjointe de la Commission européenne et du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) intitulée «Un engagement renforcé de l’UE en faveur d’une région arctique pacifique, durable et prospère», JOIN(2021) 27 final.
(8) Voir https://www.jpi-oceans.eu/en/ecological-aspects-deep-sea-mining
(9) Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension sociale de la pêche» (avis exploratoire) (JO C 14 du 15.1.2020, p. 67).
(10) https://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/publications/communication-commission-towards-strong-and-sustainable-eu-algae-sector_fr
(11) Communication conjointe intitulée «Un engagement renforcé de l’UE en faveur d’une région arctique pacifique, durable et prospère», JOIN(2021) 27 final.
(12) Directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions (JO L 255 du 30.9.2005, p. 11) et directive (UE) 2019/883 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, modifiant la directive 2010/65/UE et abrogeant la directive 2000/59/CE (JO L 151 du 7.6.2019, p. 116)..
(13) Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (2011) et principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (2011).
(14) Voir https://www.jpi-oceans.eu/en/munition-sea
(15) Voir les directives volontaires de la FAO sur le marquage des engins de pêche et les travaux réalisés dans le cadre des organisations régionales de gestion des pêches et des conventions maritimes régionales.
(16) Voir Wan et al., Marine Policy, 2021.
(17) Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension sociale de la pêche» (avis exploratoire) (JO C 14 du 15.1.2020, p. 67).
(18) Directive (UE) 2017/159 du Conseil du 19 décembre 2016 portant mise en œuvre de l’accord relatif à la mise en œuvre de la convention sur le travail dans la pêche, 2007, de l’Organisation internationale du travail, conclu le 21 mai 2012 entre la Confédération générale des coopératives agricoles de l’Union européenne (Cogeca), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) et l’Association des organisations nationales d’entreprises de pêche de l’Union européenne (Europêche) (JO L 25 du 31.1.2017, p. 12).
(19) Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension sociale de la pêche» (avis exploratoire) (JO C 14 du 15.1.2020, p. 67); proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 [COM(2022) 71 final]; proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union [COM(2022) 453 final].
(20) Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension sociale de la pêche» (avis exploratoire) (JO C 14 du 15.1.2020, p. 67).
(21) Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et abrogeant le règlement (UE) no 508/2014 du Parlement européen et du Conseil» [COM(2018) 390 final — 2018/0210 (COD)] (JO C 110 du 22.3.2019, p. 104).
(22) Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et abrogeant le règlement (UE) no 508/2014 du Parlement européen et du Conseil» [COM(2018) 390 final — 2018/0210 (COD)] (JO C 110 du 22.3.2019, p. 104).
(23) https://jpi-oceans.eu/en/science-good-environmental-status
(24) Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension sociale de la pêche» (avis exploratoire) (JO C 14 du 15.1.2020, p. 67).
(25) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et le règlement (UE) 2015/757 [COM(2021) 551 final — 2021/0211 (COD)] et sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne la quantité de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union jusqu’en 2030 [COM(2021) 571 final — 2021/0202 (COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 175); avis du Comité européen des régions — Rendre le SEQE et le MACF utiles pour les villes et les régions de l’UE (JO C 301 du 5.8.2022, p. 116); «Révision du système d’échange de quotas d’émission de l’UE», adopté par le Parlement européen le 22 juin 2022.
(26) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les atouts des régions ultrapériphériques (RUP) pour l’UE» (avis exploratoire) (JO C 194 du 12.5.2022, p. 44).
(27) COM(2022) 198 final.
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/69 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «La force des partenariats commerciaux: ensemble pour une croissance économique verte et juste»
[COM(2022) 409 final]
(2023/C 140/12)
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Rapporteure: |
Tanja BUZEK |
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Consultation |
Commission européenne, 26.7.2022 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Décision de l’assemblée plénière |
13.7.2022 |
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Compétence |
Section «Relations extérieures» |
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Adoption en section |
20.12.2022 |
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Date de l’adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
158/3/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la communication qui constitue un pas important dans la bonne direction. Il est plus important que jamais de disposer d’un système commercial ouvert et fondé sur des règles, tout en exploitant le potentiel du commerce pour faire progresser le développement durable. |
|
1.2. |
Le CESE estime qu’il est essentiel que la politique commerciale recueille la légitimité politique, le soutien et l’appui nécessaires pour mener à bien la conclusion des accords commerciaux négociés. Une économie saine en phase de reprise requiert un dialogue avec les partenaires commerciaux à l’échelle mondiale et la durabilité fait partie du processus. |
|
1.3. |
Le Comité soutient le réexamen complet qui définit un nouveau critère de référence en matière de commerce et de développement durable (CDD) et se félicite que la Commission ait suivi un certain nombre de ses recommandations dans les points d’action, notamment en ce qui concerne le renforcement du rôle de la société civile et des groupes consultatifs internes (GCI). |
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1.4. |
Le CESE voit de nouvelles possibilités de renforcer les GCI, tant au niveau de l’accord que lors de sa mise en œuvre. Il déplore cependant qu’aucune mesure ne soit prise pour associer plus étroitement la société civile au processus de négociation. |
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1.5. |
Le Comité souligne la nécessité de clarifier et de détailler davantage les dispositions ayant trait au commerce et au développement durable afin de mieux définir les feuilles de route et d’aider les deux partenaires commerciaux à mieux comprendre ce que l’on attend d’eux. Il regrette que la transition juste ne devienne pas un concept global. |
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1.6. |
Le CESE se félicite de la nouvelle orientation politique qui inclut une approche davantage axée sur les résultats, une transparence accrue et un rôle renforcé de la société civile ainsi qu’un soutien ciblé, et augmente le niveau d’engagement en incluant la possibilité de sanctions commerciales en dernier ressort. |
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1.7. |
Le Comité considère ces éléments comme faisant «partie intégrante du paquet» contenu dans tous les accords, qu’il convient de mettre en œuvre au moyen d’une approche ciblée et spécifique à chaque pays, assortie d’objectifs adaptés. Il attend que la Commission les applique dans le cadre des différents systèmes commerciaux et des divers accords commerciaux, y compris, dans la mesure du possible, les accords existants. |
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1.8. |
Le CESE se félicite de l’objectif consistant à intégrer la durabilité dans les futurs accords commerciaux et met l’accent sur les considérations de durabilité environnementale et sociale dans les marchés publics. Il reconnaît qu’il est essentiel d’harmoniser l’approche avec d’autres instruments autonomes en vue d’un effet cohérent et d’un renforcement mutuel. |
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1.9. |
Le CESE invite la Commission à intensifier la sensibilisation multilatérale et à coordonner, dans la mesure du possible, les progrès et la mise en œuvre de la stratégie en matière de commerce et de développement durable avec les partenaires. |
2. Contexte de l’avis
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2.1. |
L’Union européenne a intégré des dispositions relatives au commerce et au développement durable dans ses accords commerciaux, à commencer par l’accord de partenariat économique UE-Cariforum et l’accord de libre-échange (ALE) UE-Corée. Depuis lors, tous les accords commerciaux de «nouvelle génération» ont inclus des chapitres consacrés au commerce et au développement durable et ont progressivement élargi leur champ d’application. |
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2.2. |
Ces accords profitent grandement d’un mécanisme de suivi par la société civile. Les GCI dans l’Union et dans les pays partenaires, rassemblant l’expertise des organisations de défense de l’environnement, du travail et des entreprises, conseillent les parties sur la mise en œuvre des chapitres sur le commerce et le développement durable. Depuis l’accord avec le Royaume-Uni, leur champ d’application a été étendu à l’ensemble de l’accord. Le CESE, qui assure le secrétariat de tous les GCI de l’Union, a renforcé son soutien tant sur le plan organisationnel que politique, y compris en lançant et en organisant une réunion annuelle de tous les GCI. La Commission européenne a également reconnu le rôle du CESE dans son rapport annuel 2022 sur la mise en œuvre et l’exécution des accords commerciaux de l’Union. |
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2.3. |
En juin 2022, à la suite d’une consultation publique ouverte, la Commission a défini sa nouvelle stratégie relative au commerce et au développement durable dans la communication intitulée «La force des partenariats commerciaux: ensemble pour une croissance économique verte et juste». Cet examen donne la priorité à une coopération plus proactive avec les partenaires, à une approche ciblée et par pays du commerce et du développement durable, à l’intégration de la durabilité au-delà des chapitres sur le commerce et le développement durable, à un suivi accru de la mise en œuvre des engagements en matière de commerce et de développement durable, au renforcement du rôle de la société civile et à l’amélioration de l’application des chapitres sur le commerce et le développement durable en incluant la possibilité de sanctions commerciales. Tout en réaffirmant les mêmes engagements contraignants dans tous ses chapitres relatifs au commerce et au développement durable, la Commission préconise de mieux adapter la mise en œuvre de ses objectifs dans ce domaine aux défis, aux besoins et aux capacités de chacun d’entre eux. |
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2.4. |
Le Parlement européen (PE) et le Conseil ont tous deux exprimé leur soutien à la nouvelle approche et précisé leurs attentes (1). La résolution du PE tient explicitement compte de l’avis du CESE sur une «nouvelle génération de chapitres sur le commerce et le développement durable — réexamen du plan d’action en 15 points» (2). |
3. Définition d’un nouvel indice de référence en matière de commerce et de développement durable
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3.1. |
Une approche intégrée du commerce et du développement durable est la nouvelle norme, déjà visible dans un certain nombre d’accords commerciaux internationaux, y compris au-delà du propre réseau commercial de l’Union. Le CESE est favorable à une politique commerciale équilibrée et transparente qui soutienne une concurrence loyale entre les opérateurs du commerce international, en veillant à ce que les mêmes règles et normes environnementales, sociales et de travail s’appliquent à tous et que le cadre commercial soit mutuellement bénéfique. |
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3.2. |
Le Comité demande depuis longtemps que la durabilité devienne l’un des moteurs de la politique commerciale, au vu du rôle crucial que le commerce doit jouer dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Il se félicite de l’approche globale adoptée par la Commission, qui l’accompagne d’une consultation publique, fournit une analyse comparative des dispositions relatives au commerce et au développement durable et des bonnes pratiques dans certains accords de libre-échange (ALE) conclus par des pays tiers et participe tout au long du processus à des réunions bilatérales et à des réunions plus larges de la société civile. Cet exercice approfondi met en évidence la volonté de ne pas reproduire les mêmes erreurs. |
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3.3. |
Le CESE soutient l’ambition de la Commission d’intégrer la durabilité dans les futurs accords commerciaux et de rechercher des engagements plus larges de la part des pays partenaires en ce qui concerne les chapitres sur le commerce et le développement durable. Cela doit aller de pair avec le soutien des partenaires commerciaux pour atteindre les objectifs en matière de commerce et de développement durable au moyen d’une assistance technique, d’un renforcement des capacités, d’incitations, d’une assistance financière et de l’élaboration d’instruments d’action au sens large. |
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3.4. |
La communication met l’accent sur six priorités politiques et points d’action clés. Le CESE estime que tous les éléments introduits en tant que «partie intégrante du paquet» dans tous les accords doivent être utilisés de manière adéquate et mis en œuvre dans le cadre d’une approche ciblée et spécifique à chaque pays, avec comme principe directeur des objectifs sur mesure. |
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3.5. |
Le Comité se félicite que la Commission ait suivi un certain nombre de ses recommandations, notamment sur la possibilité de sanctions commerciales en dernier ressort, sur des feuilles de route détaillées et assorties d’échéances liées au suivi de la société civile et sur un suivi horizontal collectif entre les services de l’Union et les acteurs institutionnels et internationaux. Le CESE se félicite avant tout du renforcement du rôle de la société civile et en particulier des GCI, qui est repris dans plusieurs points d’action. |
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3.6. |
Le Comité s’attend à ce que le nouveau critère de référence en matière de commerce et de développement durable soit pris en compte dans tous les futurs accords commerciaux de l’Union, y compris ceux en cours de négociation. Il devrait également servir de base à la modernisation de tous les ALE en vigueur, en particulier des accords de première génération dépourvus de chapitre sur le commerce et le développement durable, en activant dès que possible les clauses de réexamen. Ces nouveaux principes devraient également être pris en compte autant que se peut dans les ALE conclus, dont le processus de ratification n’a pas encore pleinement abouti. Lorsque le délai ne permet pas la réouverture des ALE conclus, des dispositions permettant au comité «Commerce» d’adopter des décisions visant à modifier le chapitre sur le commerce et le développement durable pourraient être incluses, comme cela a été fait dans le chapitre relatif à cette thématique au sein de l’accord avec la Nouvelle-Zélande. |
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3.7. |
Le CESE s’attend à ce que cela soit en particulier le cas de l’accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union et le Canada et de l’examen précoce du commerce et du développement durable auquel les deux parties ont souscrit dans le cadre de l’instrument interprétatif commun. Le Comité, tout comme les GCI de l’Union et du Canada, exhortent depuis longtemps les parties à respecter cet engagement en faveur d’une application plus efficace des chapitres sur le commerce et le développement durable, en dehors de toute modernisation plus large de l’accord après un certain temps. Le CESE se félicite que la nouvelle approche ait déjà été intégrée dans le cas de la Nouvelle-Zélande, y compris l’intention de tenir compte de l’ajout du droit à un environnement de travail sûr et salubre parmi les principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du travail (OIT). Le Comité prend également acte avec satisfaction des récentes propositions de l’Union dans le cadre des négociations en cours avec l’Inde. |
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3.8. |
Le CESE salue l’objectif visé d’intégration générale de la durabilité, en particulier les considérations de durabilité dans les marchés publics. Ces dernières devraient mettre l’accent à la fois sur les aspects environnementaux et sociaux. Le Comité se félicite de la priorité accordée à l’accès au marché pour les biens et services environnementaux ainsi que pour les matières premières et les biens énergétiques qui sont essentiels au fonctionnement d’une économie neutre en carbone. Il déplore toutefois le peu d’attention accordée à la dimension plus large du commerce durable sur le plan environnemental et à l’incidence sur les droits du travail et les droits humains. De même, il regrette que la transition juste ne devienne pas un concept global, sachant que l’accord de Paris lui-même repose sur les impératifs d’une transition juste de la main-d’œuvre et de la création d’emplois décents et de qualité. Les récentes conclusions conjointes du forum de la société civile UE-Corée (3) ont reconnu que le groupe de travail pour une transition maritime juste des partenaires sociaux de l’industrie maritime internationale constituait une bonne pratique. |
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3.9. |
Les accords commerciaux de l’Union sont de plus en plus souvent complétés par des mesures autonomes de l’Union dans le domaine de la durabilité environnementale, économique et sociale, la dernière en date étant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et les propositions relatives au devoir de diligence, à la déforestation et à l’interdiction des produits issus du travail forcé. Le CESE se félicite de cet alignement des politiques intérieure et commerciale visant à apporter de réels changements sur le terrain et convient de la nécessité pour l’Union de faire preuve d’ambition lorsqu’elle conçoit des instruments autonomes supplémentaires en faveur de la durabilité. Il souligne qu’il importe d’examiner ensemble tous les instruments en vue d’une approche cohérente de la politique commerciale dans l’intérêt des entreprises, des travailleurs et de la société civile. Toutefois, ces mesures autonomes ne devraient pas brider l’ambition de conclure, de mettre en œuvre et d’appliquer les chapitres sur le commerce et le développement durable; elles devraient au contraire avoir un effet de renforcement mutuel. |
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3.10. |
L’Union inclut également des dispositions en matière de durabilité dans les préférences unilatérales par l’intermédiaire de son système de préférences généralisé (SPG). Le CESE se félicite de la récente proposition de la Commission relative à un nouveau règlement de l’UE et encourage les colégislateurs à intégrer la communication sur le commerce et le développement durable dans le nouveau règlement. Le Comité estime que le système de préférences généralisées doit être plus transparent et bénéficier de feuilles de route accessibles au public, fondées sur une analyse des lacunes. En outre, il convient d’accroître la participation de la société civile et d’actualiser l’annexe en ajoutant la convention sur la sécurité et la santé des travailleurs aux conventions fondamentales de l’OIT. |
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3.11. |
Pour la première fois, la durabilité a été inscrite dans les règlements de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) lors de la 12e conférence ministérielle, avec des disciplines relatives aux subventions à la pêche préjudiciables dans le monde entier axées sur la durabilité environnementale. Le CESE plaide depuis longtemps en faveur d’une coopération plus étroite entre l’OMC et l’OIT afin de promouvoir le travail décent et les normes du travail au moyen d’instruments commerciaux. Le Comité recommande de continuer à promouvoir la nouvelle stratégie en matière de commerce et de développement durable au sein de l’OMC et de créer des alliances en vue d’une coopération approfondie conformément à ses objectifs. Comme première étape sur cette voie et au-delà des engagements bilatéraux, l’Union devrait convoquer une conférence plurilatérale sur le commerce et le développement durable avec les partenaires des ALE et les pays partageant les mêmes valeurs afin d’échanger les expériences en matière de mise en œuvre et d’application des dispositions relatives au commerce et au développement durable dans les accords commerciaux et de réfléchir ensemble à une nouvelle génération de dispositions. |
4. Du projet à l’action: mettre en œuvre la nouvelle approche en matière de commerce et de développement durable et combler les lacunes
Vers un dialogue avec les pays partenaires axé sur les résultats et les priorités
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4.1. |
Le CESE se félicite de l’approche sur mesure des chapitres relatifs au commerce et au développement durable, qui inclut une analyse précoce des lacunes afin de définir les priorités par pays et les feuilles de route pour la mise en œuvre. Cet exercice devrait inclure la coopération avec les organes compétents, y compris les institutions de l’Union, les organisations internationales telles que l’OIT et les Nations unies, mais aussi la société civile et les GCI. |
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4.2. |
De telles feuilles de route sur mesure ont déjà été établies, à l’instar du pacte sur la durabilité UE-Bangladesh, et incluses dans l’accord de partenariat et de coopération UE-Viêt Nam. Dans ces deux cas, l’OIT a été associée de manière précoce au processus, ce qui a démontré l’avantage incomparable que représente la participation d’un acteur institutionnel travaillant avec les deux parties commerciales et fournissant des renseignements sur le terrain. Dans le cas du Viêt Nam, cela s’est traduit par des retombées positives des appels des GCI en faveur d’une feuille de route identique pour la mise en œuvre des engagements environnementaux. |
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4.3. |
Le CESE réaffirme qu’il importe de renforcer les feuilles de route en tant que leviers pour les efforts préalables à la mise en œuvre. Ces feuilles de route doivent être spécifiques, concrètes, publiques, assorties d’échéances et convenues d’un commun accord avec le partenaire commercial, afin de servir d’outil pour renforcer le suivi, la mise en œuvre et l’exécution éventuelle des engagements en matière de commerce et de développement durable. |
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4.4. |
Le Comité espère qu’une publication accrue, y compris des feuilles de route et de leur mise en œuvre, constituera le fondement d’une participation constructive et plus large de la société civile. |
Mettre davantage l’accent sur la mise en œuvre et l’exécution
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4.5. |
Le CESE estime que le renforcement de la mise en œuvre et de l’exécution des chapitres sur le commerce et le développement durable constitue une avancée souhaitable, qui répond aux attentes des entreprises et des autres partenaires commerciaux en matière de conditions de concurrence équitables, ainsi qu’à l’aspiration des entreprises, des syndicats, de la société civile et des consommateurs à accroître la durabilité par le commerce. |
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4.6. |
Toutefois, la mise en œuvre et l’exécution ne seront fonctionnelles que si ces chapitres relatifs au commerce et au développement durable s’avèrent suffisamment précis. Si les feuilles de route peuvent être utiles, il est tout aussi important de renforcer la clarté des obligations au niveau de l’accord. L’expression «efforts continus et soutenus» s’est déjà révélée trop vague dans la première procédure d’infraction relative au commerce et au développement durable avec la Corée. La clarification et la précision des engagements profitent également aux parties en ce qu’elles leur permettent de comprendre ce qui est attendu d’elles et de les aider tout au long du processus de mise en œuvre. |
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4.7. |
Dans le contexte de la réforme en cours du code des douanes de l’Union (CDU), le CESE note, d’une manière générale, que les règles commerciales sont principalement mises en œuvre par les autorités douanières nationales. L’absence de mise en œuvre uniforme, de ressources et de renforcement des capacités risque de fausser la concurrence et de compromettre l’application effective des règles. |
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4.8. |
Le CESE se félicite de la création de la fonction de responsable européen du respect des règles du commerce et de la refonte du point d’entrée unique, qui constituent des étapes importantes pour renforcer la mise en œuvre des engagements en matière de commerce et de développement durable et traiter les plaintes. Par conséquent, il salue l’engagement pris par la Commission d’accorder la même importance aux violations présumées des dispositions relatives au commerce et au développement durable. Parallèlement à l’introduction susmentionnée de feuilles de route assorties de critères de référence, le point d’entrée unique peut devenir un outil essentiel pour accroître le respect des engagements pris au titre du chapitre sur le commerce et le développement durable. |
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4.9. |
Le Comité se félicite également de la révision des lignes directrices opérationnelles pour le point d’entrée unique, mais demande des éclaircissements supplémentaires. Il reste difficile de savoir quelles sont les normes en matière de preuve, dans quelle mesure le point d’entrée unique collectera des éléments de preuve sur les allégations et quel type de recours les plaignants peuvent attendre. À ce jour, une seule plainte relative à des infractions au commerce et au développement durable a été déposée par l’intermédiaire du point d’entrée unique, et le CESE observe le retard pris dans son évaluation préliminaire. Cela souligne l’importance d’ancrer le point d’entrée unique dans les futurs chapitres sur le commerce et le développement durable, et le fait que des lignes directrices actualisées pourraient aider les futurs plaignants. |
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4.10. |
Le Comité note que les sanctions se limitent aux violations graves des engagements fondamentaux en matière de commerce et de développement durable, à savoir les principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT ainsi que l’accord de Paris. Toutefois, il est nécessaire de clarifier l’approche de la Commission pour déterminer ce qui constitue une violation grave et définir les sanctions; le Comité suggère que la Commission examine si ces aspects peuvent être liés aux feuilles de route. |
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4.11. |
Le CESE invite une nouvelle fois la Commission à étudier avec les partenaires commerciaux des instruments innovants d’intervention rapide en cas de violation concrète commise par une entreprise, à l’instar de ceux qui sont actuellement mis en œuvre avec succès dans le cadre de l’accord de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC). |
5. Possibilités de renforcer davantage les GCI
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5.1. |
Les GCI jouent un rôle crucial dans le bon fonctionnement des chapitres sur le commerce et le développement durable et contribuent à une dynamique positive dans la coopération et le dialogue entre les partenaires commerciaux. Les membres du GCI représentent des organisations qui ont établi des contacts avec leurs homologues de la société civile dans les pays partenaires. Ils peuvent ainsi apporter leur contribution grâce à une expérience précieuse sur le terrain que ne possèdent ni les responsables politiques ni les fonctionnaires. Les GCI représentent également une ressource inexploitée en matière de savoir-faire sur les questions transversales liées au commerce et au développement durable; il convient de mettre pleinement à profit cet atout. |
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5.2. |
Le CESE a été le plus fervent défenseur d’un renforcement du rôle des GCI et a fait écho à des propositions concrètes de la société civile (4). Il soutient donc la participation plus ambitieuse des GCI à toutes les étapes du cycle de vie des accords commerciaux. Cela commence par la nécessité d’accorder une attention accrue à la création de GCI, en particulier dans les pays partenaires où l’espace civique est restreint, et où la coopération entre le gouvernement et la société civile n’est pas garantie. |
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5.3. |
Les partenaires commerciaux peuvent adopter des approches différentes en ce qui concerne la participation de leur société civile. Toutefois, le CESE réaffirme que les ODD, et en particulier l’objectif 17, adoptés par tous les États membres des Nations unies et s’appliquant donc aux partenaires commerciaux de l’Union, reconnaissent le rôle primordial joué par les organisations de la société civile dans la réalisation du partenariat mondial pour le développement durable. Cette attente doit être clairement transposée dans l’esprit et le cadre institutionnel des accords. |
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5.4. |
Le Comité estime qu’il est essentiel de mener des négociations mieux informées sur les dispositions du cadre des GCI. Faute d’une clarté suffisante dans l’accord, les GCI pourraient se heurter à des difficultés pendant les années à venir. Le rôle des GCI devrait être décrit plus précisément et les parties devraient être tenues de rendre des comptes aux organes désignés pour les GCI qui sont adaptés à leur finalité, en particulier lorsqu’ils renvoient le rôle aux organismes existants. Tirant les enseignements de la création de GCI, comme dans l’ALE UE-Japon, les structures doivent clairement soutenir et faciliter un cadre de coopération entre les GCI ainsi que leur interaction avec le comité «Commerce et développement durable». Ce qui n’est pas explicitement prévu dans l’accord sera plus difficile à réaliser dans la pratique. Les enseignements tirés de l’ALE UE-Corée montrent que la participation universitaire, en particulier dans les GCI des pays partenaires, reste difficile en termes de représentativité et d’esprit de véritable participation de la société civile. |
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5.5. |
Le CESE estime en outre que le rôle de suivi assigné aux GCI concernant la mise en œuvre concrète devrait se concentrer sur toutes les questions ayant une incidence sur la durabilité dans les ALE. Ce rôle doit, par nature, inclure la surveillance des feuilles de route pour la mise en œuvre et l’amélioration de l’accès effectif aux comités mixtes. L’intégration des GCI dans la définition des priorités par pays et dans les programmes de travail sur le commerce et le développement durable contribuera à la mise en œuvre opérationnelle des tâches. En retour, le CESE partage l’espoir que les organisations de la société civile apportent en temps utile des contributions dûment étayées et fondées sur des données probantes, qui sont essentielles pour déterminer les questions relatives au commerce et au développement durable, établir des priorités et agir dans ce domaine. |
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5.6. |
Un véritable échange entre les membres du GCI de l’Union et des pays partenaires doit se développer grâce à des échanges et des contacts continus. Davantage de réunions des GCI de l’Union et entre les GCI de l’Union et des pays partenaires sont indispensables; il convient en outre d’envisager de travailler au moyen de sous-groupes thématiques spécifiques ou d’ateliers ciblés. Des rencontres intersessions avec les deux gouvernements des partenaires commerciaux au-delà des forums annuels de la société civile apporteraient une contribution positive supplémentaire. La succession des réunions conjointes devrait permettre aux GCI d’informer le Forum de la société civile et le comité «Commerce et le développement durable» des parties et d’y contribuer utilement grâce à des déclarations conjointes et des présentations par les présidents et vice-présidents des GCI de leurs points de vue au sein dudit comité, comme tel est déjà le cas dans le cadre de l’AECG et de l’accord avec la Corée. |
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5.7. |
Le Comité estime que des ressources financières et une assistance technique suffisantes devraient être allouées aux GCI et aux secrétariats des GCI du CESE qui les soutiennent afin de leur permettre de s’acquitter correctement de leurs tâches et de répondre aux attentes. De même, les services de la Commission devront mobiliser des ressources suffisantes pour mettre en œuvre l’approche renforcée en matière de commerce et de développement durable. Il convient d’évaluer attentivement les expériences préliminaires consistant à couvrir l’intégralité d’un accord commercial au-delà du commerce et du développement durable, comme dans l’accord de commerce et de coopération (ACC) conclu avec le Royaume-Uni. L’élargissement du nombre de membres du GCI à l’ensemble d’un accord pourrait avoir des conséquences involontaires sur le savoir-faire requis du GCI en matière de commerce et de développement durable. |
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5.8. |
Le CESE se félicite à la fois de l’alignement plus étroit du groupe d’experts sur le commerce et le développement durable sur les États membres et de l’ambition du Parlement européen de renforcer la coopération entre les GCI, notamment en organisant un débat annuel avec leurs représentants. Le Comité estime également que des échanges réguliers et étroits entre les groupes de suivi du Parlement européen, ses rapporteurs permanents et les GCI respectifs constituent un élément essentiel du suivi collectif. |
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5.9. |
Toutefois, le CESE constate une lacune importante dans le cycle de vie des accords, à savoir la nécessité d’une participation accrue de la société civile au processus de négociation. Il a présenté des propositions en vue d’une nouvelle méthode de négociation (5), établissant une nouvelle feuille de route pour garantir la participation effective des organisations de la société civile et des partenaires sociaux tout au long des négociations. La proposition vise à préserver la transparence du processus de négociation de l’accord, tout en garantissant sa confidentialité. |
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5.10. |
Dans ce contexte, le CESE regrette que sa demande réitérée en faveur du rétablissement du groupe d’experts sur les ALE n’ait pas été prise en compte dans la communication et invite instamment la Commission à adopter cette mesure. La création de ce groupe a été considérée comme une étape cruciale dans la stratégie de la Commission visant à améliorer le dialogue avec la société civile en matière de politique commerciale et à accroître la transparence; elle s’inscrivait également dans la continuité logique du groupe consultatif sur le PTCI. Ce groupe a permis à ses membres nommés, issus d’entreprises, de syndicats et d’organisations de la société civile européens, de guider les négociateurs sur tous les accords commerciaux de l’Union et de contribuer aux propositions principales de l’Union, comme celle relative à la réforme de l’OMC, en sa qualité de groupe et de forum permanent où s’échangent des points de vue importants et fondés au sujet de la politique commerciale de l’Union, en faisant le lien entre les défis et les opportunités des accords commerciaux pour les différents groupes d’intérêt qu’il représentait et à un degré que les réunions ad hoc du dialogue avec la société civile ne pouvaient pas atteindre. En s’attachant davantage à la mise en œuvre et à l’application du programme commercial de l’Union, un groupe d’experts renouvelé pourrait également fournir des orientations et des conseils précieux en tant qu’organe permanent. |
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Résolution du Parlement européen du 6 octobre 2022 sur le résultat du réexamen par la Commission du plan d’action en 15 points sur le commerce et le développement durable [2022/2692 (RSP)] et conclusions du Conseil sur le réexamen des chapitres portant sur le commerce et le développement durable, 17 octobre 2022.
(2) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Une approche “nouvelle génération” pour le commerce et le développement durable — Réexamen du plan d’action en 15 points» (avis d’initiative) (JO C 105 du 4.3.2022, p. 40).
(3) Conclusions conjointes du GCI de la Corée et du GCI de l’UE, septembre 2022.
(4) Document officieux des GCI de l’UE, octobre 2021.
(5) Avis du Comité économique et social européen sur un nouveau cadre pour les accords de libre-échange, de partenariat économique et d’investissement garantissant une réelle participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux et assurant la sensibilisation du public (avis d’initiative) (JO C 290 du 29.7.2022, p. 11).
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/75 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union»
[COM(2022) 453 final]
(2023/C 140/13)
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Rapporteur général: |
Thomas WAGNSONNER |
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Consultation |
Parlement européen, 6.10.2022 Conseil, 12.10.2022 |
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Base juridique |
Article 114 et article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Décision de l’assemblée plénière |
14.12.2022 |
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Compétence |
Section «Relations extérieures» |
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Adoption en session plénière |
25.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
196/1/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE se félicite de la proposition par la Commission européenne d’un règlement relatif à l’interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union [COM(2022) 453 final] (1), dès lors que, comme indiqué dans le point 1.4.j) du plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020-2024 (2), la promotion des droits économiques, sociaux, culturels et du travail et, partant, l’élimination de toutes les formes de travail forcé et d’exploitation, sont essentielles. |
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1.2. |
Le CESE constate que la proposition actuelle ne tient pas compte du point de vue des travailleurs exploités, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union européenne. Afin d’améliorer la situation des victimes du travail forcé, la proposition devrait envisager qu’elles bénéficient d’une réparation appropriée. Le CESE rappelle qu’il est crucial que tous les États membres de l’Union européenne ratifient le protocole de 2014 de l’OIT relatif à la convention sur le travail forcé de 1930 (3). |
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1.3. |
Le CESE approuve la définition du travail forcé figurant à l’article 2, point a), de la proposition de règlement, basée sur celle de l’OIT, qui fait référence à «tout travail ou service»: les marchandises transportées au moyen du travail forcé devraient donc être prises en compte dans la proposition de la Commission. |
|
1.4. |
Le CESE reconnaît que la Commission européenne mentionne explicitement le travail forcé des enfants dans la proposition de règlement. Afin d’accélérer le processus d’abolition du travail des enfants, le champ d’application de ce règlement pourrait inclure la convention (no 138) de l’OIT sur l’âge minimum de 1973 (4), la recommandation no 146 de l’OIT (5), la convention (no 182) de l’OIT de 1999 sur les pires formes de travail des enfants (6) et la recommandation no 190 de l’OIT (7). Le CESE fait valoir qu’il serait nécessaire que l’Union prenne une initiative législative correspondante pour lutter contre toutes les autres formes de travail des enfants. |
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1.5. |
Le CESE se félicite de la prise en compte de tous les opérateurs économiques. Il estime que les enquêtes menées par les autorités nationales compétentes devraient être priorisées en fonction de la taille et des ressources financières desdits opérateurs économiques. Il convient de donner la priorité aux entreprises présentant un risque élevé de recours au travail forcé, ainsi qu’aux grands opérateurs économiques. |
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1.6. |
Le CESE note qu’aucune analyse d’impact n’a été réalisée avant la présentation de la proposition, même si de telles analyses ont été réalisées sur d’autres initiatives, par exemple celle sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. La proposition de règlement met l’accent sur l’interdiction, la suspension et la retenue, au niveau des douanes ou des ports, des produits importés et exportés, ce qui donnera lieu à de nouvelles procédures. L’évaluation devrait être équilibrée et tenir compte des avantages et des coûts de la lutte contre le travail forcé. |
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1.7. |
La société civile organisée a un rôle central à jouer dans la lutte contre toutes les formes de travail forcé ou obligatoire. Les partenaires sociaux sont stratégiquement bien placés pour assurer un engagement et une action durable au niveau institutionnel. L’ancrage institutionnel des partenaires sociaux et des ONG dans cette législation revêt une importance capitale. |
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1.8. |
Étant donné que la proposition actuelle est liée à la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, il reste nécessaire de clarifier la manière dont les deux actes législatifs s’articuleront dans la pratique. La Commission européenne devrait suivre une approche qui évite les incohérences. |
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1.9. |
Le CESE se félicite de la proposition de publier des lignes directrices, comme indiqué à l’article 23 de la proposition de règlement, pour aider les entreprises à repérer les risques de travail forcé dans leurs opérations et leurs chaînes de valeur, les prévenir, les atténuer et y mettre fin. Cet aspect est particulièrement important pour les petites et moyennes entreprises (PME). Il importe tout spécialement que les lignes directrices soient publiées dès l’entrée en vigueur du règlement. |
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1.10. |
La Commission doit jouer un rôle actif et moteur au sein du réseau de l’Union contre les produits issus du travail forcé proposé à l’article 24, afin de soutenir et de coordonner les autorités nationales dans l’application du règlement. Le CESE souligne qu’un financement suffisant est essentiel pour créer une infrastructure adéquate et efficace aux niveaux européen et national afin de lutter contre le travail forcé. |
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1.11. |
Le CESE fait observer que la base de données proposée à l’article 11 sera l’un des principaux instruments de l’interdiction. Il y a lieu d’élaborer une structure détaillée pour cette base de données. Le CESE insiste sur la nécessité de disposer d’indicateurs de risques précis et transparents, fondés, sans s’y limiter, sur l’origine et les composants d’un produit, ainsi que sur d’autres informations pertinentes. Pour garantir une application efficace, il est nécessaire de disposer d’informations détaillées sur le produit, le fabricant, l’importateur, l’origine et les composants, ainsi que sur les ressources et les minéraux utilisés dans le produit et ses composants. Cette base de données devra être tenue à jour et de nouvelles informations devront y être ajoutées, en partie à la suite des procédures d’enquête. |
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1.12. |
Le CESE souligne l’importance de la transparence et du libre accès à l’information pour les entreprises, les autorités compétentes, la société civile organisée et le grand public. Il propose d’introduire un système d’évaluation comparative dans la base de données. L’élément central de ce système d’évaluation comparative serait un système de notation des régions et des secteurs jusqu’aux groupes de produits, produits et entreprises présentant un risque élevé ou faible, fondée, entre autres, sur les informations rassemblées dans la base de données par des experts. Le CESE note qu’il importe de permettre à la société civile organisée, y compris les partenaires sociaux, de fournir des informations pertinentes. |
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1.13. |
Le CESE estime que les autorités compétentes devraient avoir le droit de retenir des marchandises à la frontière de l’Union dès qu’elles constatent une «suspicion étayée», conformément à l’article 2, point n), de la proposition de règlement. Le CESE propose que les opérateurs économiques aient des obligations différentes selon qu’ils sont classés comme présentant un risque élevé ou faible. Les autorités nationales compétentes devraient concentrer leurs enquêtes préliminaires sur les produits liés à des régions, entreprises et/ou secteurs à haut risque. En tout état de cause, les secrets d’affaires doivent être garantis, par exemple au moyen de clauses de confidentialité appropriées. |
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1.14. |
Au cours de la phase préliminaire des enquêtes, l’opérateur économique doit fournir une déclaration de devoir de vigilance si le produit est lié à des régions, des entreprises et/ou des secteurs à haut risque. Le non-respect des exigences en matière de diligence raisonnée qui seront exposées en détail dans les «lignes directrices» (article 23) ainsi que la non-transmission des déclarations en matière de devoir de vigilance doivent être considérés comme relevant de la suspicion étayée et conduire à la rétention du produit et à l’ouverture directe d’une enquête. |
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1.15. |
Le CESE demande à la Commission européenne d’étudier la possibilité de créer une «agence publique de notation de l’UE» pour la durabilité environnementale et sociale, ainsi que pour les droits de l’homme dans le contexte commercial. Cette agence devrait élaborer des normes européennes pour les systèmes de diligence raisonnée, parmi d’autres tâches telles que celle d’apporter un soutien technique aux autorités nationales compétentes. Ces normes, pour l’essentiel, pourraient contribuer à créer des conditions de concurrence équitables, ce qui est particulièrement dans l’intérêt des entreprises européennes. |
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1.16. |
Le CESE note qu’il est nécessaire de disposer à la fois de formulations claires et compréhensibles pour garantir la sécurité juridique et de lignes directrices simples afin de maintenir une charge administrative gérable pour les opérateurs économiques, en particulier les PME. Il y a lieu que les autorités nationales compétentes fournissent un soutien technique aux entreprises, en particulier aux PME, lorsque celles-ci conçoivent leurs systèmes de diligence raisonnée. |
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1.17. |
Le CESE insiste sur la nécessité de prévoir des sanctions minimales uniformes à l’échelle de l’Union pour les infractions au règlement. Cela permettra d’éviter un nivellement par le bas de la part des États membres et de garantir des conditions de concurrence équitables. |
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1.18. |
La Commission européenne devrait intensifier ses efforts pour créer des structures internationales destinées à résoudre le problème du travail forcé. Le CESE réclame à nouveau que l’Union soutienne un traité contraignant des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme et que soit envisagée la possibilité de l’élaboration par l’OIT d’une convention sur le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement. La coopération et l’échange d’informations avec les pays tiers et les organisations internationales sont importantes pour garantir une bonne mise en œuvre. |
2. Contexte
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2.1. |
L’OIT estime, dans sa récente publication sur l’esclavage moderne, que chaque jour, environ 27,6 millions de personnes sont en situation de travail forcé. Aucune région du monde n’est épargnée par ce phénomène, pas même l’Europe. |
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2.2. |
La convention de l’OIT de 1930 sur le travail forcé (no 29) (8) définit le travail forcé comme «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré». Le protocole relatif à ladite convention sur le travail forcé (article 1er, paragraphe 3) repose sur trois aspects:
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L’OIT classe sa convention no 29, le protocole de 2014 à ladite convention (9) et sa convention no 105 sur l’abolition du travail forcé (10) au nombre de ses conventions fondamentales.
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2.3. |
Le CESE rappelle que plusieurs accords internationaux et européens fondamentaux interdisent le travail forcé, comme l’article 5, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (11) et l’article 4 de la déclaration universelle des droits de l’homme (12). L’article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (13) dispose que «[n]ul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire». Pour atteindre les cibles fixées par les objectifs de développement durable des Nations unies (14) (en particulier l’ODD 8), il est nécessaire de disposer d’instruments efficaces de lutte contre le travail forcé. La Charte sociale européenne (15) fournit un cadre pour des conditions de travail socialement justes et des droits sociaux équitables. Le CESE souligne l’importance cruciale de faire respecter les droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs, indépendamment de l’éventualité d’un conflit avec les quatre libertés du marché intérieur (libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes). |
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2.4. |
Le CESE a traité la question de manière directe dans son avis REX/395 intitulé «Combattre le travail forcé en Europe et dans le monde: quel rôle pour l’UE — Contribution du CESE à la conférence 2014 de l’OIT» (16) et l’a abordée dans un certain nombre d’autres avis, notamment les dossiers SOC/727 (17), INT/911 (18), INT/973 (19), REX/532 (20) et REX/518 (21). |
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2.5. |
Le nombre de travailleurs forcés a augmenté de 2,7 millions entre 2016 et 2021. Les crises récentes, en particulier la pandémie de COVID-19, la crise climatique et les multiples conflits armés, dont plus récemment l’agression russe contre Ukraine, ont perturbé la perception des revenus et, partant, une aggravation de la pauvreté, qui alimente la problématique du travail forcé. |
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2.6. |
Le CESE se félicite de la proposition par la Commission européenne d’un règlement relatif à l’interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union [COM(2022) 453 final]. Dans le cadre de l’engagement pris par l’Union de promouvoir le travail décent dans le monde, la lutte contre le travail forcé doit être une priorité de son programme en matière de droits de l’homme. |
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2.7. |
Comme indiqué dans le point 1.4.j) du plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020-2024, la promotion des droits économiques, sociaux, culturels et du travail et, partant, l’élimination de toutes les formes de travail forcé et d’exploitation, sont essentielles pour garantir en particulier que l’Union joue un rôle moteur au niveau mondial en matière de droits de l’homme et de démocratie. Ce règlement fait partie, avec la communication de la Commission sur le travail décent dans le monde (22), d’une série d’instruments indispensables pour atteindre cet objectif et soutenir la compétitivité des producteurs européens au sein du marché unique et ailleurs. |
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2.8. |
Le CESE souligne qu’il importe de créer un cadre réglementaire harmonisé de l’Union dans ce domaine. Parallèlement à la proposition de directive de la Commission sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (23), qui porte sur le comportement des entreprises et les processus de diligence raisonnée pour les entreprises relevant de son champ d’application, le règlement à l’examen devrait constituer un instrument réglementaire approprié pour assurer une cohérence entre la législation de l’Union [par exemple, le règlement (UE) 2019/1020 (24)] et celle des États membres. Il devrait également compléter les efforts visant à promouvoir l’éradication du travail forcé et la mise en œuvre de normes internationales sur la conduite responsable des entreprises, tels que les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (25) et les principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour les entreprises multinationales (26). En outre, la déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale (déclaration sur les EMN) (27) et le manuel de l’OIT à l’intention des employeurs et des entreprises sur la lutte contre le travail forcé (28) peuvent être utilisés pour aider les entreprises et les gouvernements à éradiquer le travail forcé. |
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2.9. |
La société civile organisée a un rôle central à jouer dans la lutte contre toutes les formes de travail forcé ou obligatoire. Les partenaires sociaux, en particulier, sont stratégiquement bien placés pour assurer un engagement et une action durable au niveau institutionnel. Par conséquent, l’ancrage institutionnel, dans cette législation, des partenaires sociaux et des ONG dans le futur processus de mise en œuvre à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement revêt une importance capitale. |
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2.10. |
La pratique consistant à maximiser les profits au mépris du respect des droits de l’homme est l’une des principales causes du travail forcé. Le CESE note que les causes profondes du travail forcé doivent être abordées plus largement. Néanmoins, le règlement proposé peut constituer une étape supplémentaire importante, s’agissant de poser, au niveau international, les fondations qui permettront des conditions de concurrence équitables. |
3. Observations générales
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3.1. |
Le CESE souligne qu’il importe de prendre des mesures efficaces pour prévenir et éliminer le recours au travail forcé tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, fournir aux victimes une protection et un accès à des voies de recours appropriées et efficaces, par exemple en matière d’indemnisation, et de prévoir des sanctions précises à l’encontre des auteurs d’infractions de travail forcé ou obligatoire. Le CESE rappelle que la ratification du protocole de 2014 de l’OIT relatif à la convention no 29 (P029) (29) par tous les États membres de l’Union constitue la première étape pour garantir la mise en œuvre effective de ces mesures. L’Union doit appliquer les recommandations énoncées dans le P029 dans ses travaux politiques et législatifs et encourager le processus de ratification internationale en utilisant tous les instruments disponibles (par exemple, accords commerciaux, coopération au développement, dialogue sur les droits de l’homme). En outre, la promotion à l’échelle mondiale de la ratification et de la mise en œuvre effective de la convention (no 98) de l’OIT de 1949 sur le droit d’organisation et de négociation collective (30) est un élément clé de la lutte contre les causes du travail forcé. |
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3.2. |
La mise en œuvre des procédures de devoir de vigilance des entreprises constitue une étape importante pour l’application de la responsabilité des entreprises dans le processus de production tout au long de la chaîne d’approvisionnement; en conséquence, elle se concentre sur le processus de production. Tant l’application efficace que le maintien d’une charge administrative gérable, en particulier pour les PME, nécessitent des obligations clairement définies et réalistes, compatibles et cohérentes avec les actes réglementaires qui ont déjà été présentés par la Commission, en particulier l’initiative sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Le CESE se félicite que l’interdiction des importations, qui complète le cadre réglementaire existant et prévu, se concentre sur la ligne de produits. |
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3.3. |
Néanmoins, cet accent mis sur la ligne de produits ne tient pas compte du fait que le travail forcé correspond souvent à un modèle systémique dans l’ensemble de l’organisation d’un producteur, d’un fabricant ou d’un importateur. Le CESE souligne que si le recensement des produits concernés est un point de départ important, il convient de ne pas aborder le travail forcé de manière cloisonnée. Le règlement doit explicitement viser à inclure tous les produits d’un opérateur économique, étant donné que le travail forcé ne sera pas limité à une seule ligne de produits au sein d’une installation. |
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3.4. |
Le CESE note qu’aucune analyse d’impact n’a été réalisée avant la présentation de la proposition, même si de telles analyses ont été réalisées sur d’autres initiatives, par exemple celle sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. La proposition de règlement met l’accent sur l’interdiction, la suspension et la retenue, au niveau des douanes ou des ports, des produits importés et exportés, ce qui donnera lieu à de nouvelles procédures. Néanmoins, l’évaluation devrait être équilibrée et tenir compte des avantages et des coûts de la lutte contre le travail forcé. |
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3.5. |
Toutefois, étant donné que la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité est en cours d’élaboration et que la proposition de règlement prévoit également des éléments clairs en matière de devoir de vigilance dans les chaînes d’approvisionnement, il reste nécessaire de clarifier la manière dont les deux actes législatifs s’articuleront dans la pratique. Par conséquent, la Commission européenne devrait suivre une approche qui évite les incohérences. |
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3.6. |
Le CESE note que la proposition présente de graves limites en ce qui concerne la lutte contre le travail forcé systémique. Pour remédier correctement à ce problème, il conviendrait de mettre en place une procédure claire pour intégrer les régions et les secteurs considérés comme présentant un risque élevé de travail forcé, ce qui pourrait considérablement renforcer le pouvoir de ce règlement de lutter contre l’omniprésence du travail forcé imposé par l’État, en particulier dans les chaînes d’approvisionnement de l’Union, et contraindre les entreprises à le supprimer. |
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3.7. |
Le CESE fait observer que la base de données proposée, décrite à l’article 11, sera l’un des principaux instruments de l’interdiction. Néanmoins, une structure détaillée de cette base de données doit être élaborée. Le CESE insiste sur la nécessité de disposer d’indicateurs de risques clairement définis, précis, transparents et exacts, fondés, sans s’y limiter, sur l’origine et les composants d’un produit, ainsi que sur d’autres informations pertinentes. Cette base de données devra être tenue à jour et de nouvelles informations devront y être ajoutées, en partie à la suite des procédures d’enquête. |
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3.8. |
Le CESE souligne l’importance de la transparence et du libre accès à l’information pour les entreprises, les autorités compétentes, la société civile organisée et le grand public. Par conséquent, il propose d’introduire un système d’évaluation comparative dans la base de données, similaire à celui proposé dans la proposition de règlement de la Commission européenne relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union ainsi qu’à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts [COM(2021) 706 final]. L’élément central de ce système d’évaluation comparative serait un système de notation des régions et des secteurs jusqu’aux groupes de produits, produits et entreprises présentant un risque élevé ou faible, fondée, entre autres, sur les informations rassemblées dans la base de données par des experts. Par ailleurs, le CESE note qu’il importe de permettre à la société civile organisée, y compris les partenaires sociaux, de fournir des informations pertinentes. Il convient de veiller tout particulièrement à permettre aux organisations de la société civile des pays tiers de fournir facilement des informations pertinentes sur le travail forcé. Une coopération étroite avec les représentations permanentes et les délégations de l’Union, ainsi qu’avec les bureaux des Nations unies (y compris les bureaux de l’OIT), l’Observatoire du travail forcé de l’OIT récemment créé et sa base de données et d’autres organisations de la société civile actives dans la lutte contre le travail forcé, telles que Delta 8.7, est essentielle pour recueillir des informations pertinentes. |
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3.9. |
Un élément clé de la proposition de règlement est que les autorités nationales compétentes, agissant de leur propre initiative ou en réponse à des informations qu’elles ont reçues, doivent ouvrir une enquête lorsqu’il existe des motifs de soupçonner que ces marchandises ont été fabriquées dans le cadre d’un travail forcé. Le CESE estime que les autorités nationales compétentes devraient avoir le droit de retenir les marchandises à la frontière de l’Union dès qu’elles constatent une «suspicion étayée», conformément à l’article 2, point n). Les autorités douanières américaines recourent déjà à une approche similaire sous la forme d’«ordres de mainlevée» (Withhold Release Orders). Le CESE propose que les opérateurs économiques aient des obligations différentes selon qu’ils sont classés comme présentant un risque élevé ou faible. |
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3.10. |
Dans le cas d’un risque élevé, un système de diligence raisonnée doit être obligatoire, comprenant la collecte d’informations et l’évaluation et l’atténuation des risques, à l’instar du système établi dans la proposition de règlement relatif aux produits «zéro déforestation», mais en l’adaptant à la proposition relative au travail forcé. Par conséquent, il est nécessaire de disposer d’informations détaillées sur le produit, le fabricant, l’importateur, l’origine et les composants, ainsi que sur les ressources et les minéraux utilisés dans le produit et ses composants, dans le cadre de la cartographie de la chaîne d’approvisionnement et de sa divulgation, ce qui constitue une exigence essentielle pour déterminer où le travail forcé a lieu dans la chaîne de valeur. Compte tenu de la situation des PME, il convient de simplifier dans leur cas le devoir de vigilance, en le limitant à la collecte d’informations pertinentes. Par ailleurs, les autorités nationales compétentes devraient concentrer leurs enquêtes préliminaires sur les produits liés à des régions, entreprises et/ou des secteurs à haut risque. En tout état de cause, les secrets d’affaires doivent être garantis, par exemple au moyen de clauses de confidentialité appropriées. |
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3.11. |
Au cours de la phase préliminaire des enquêtes, l’opérateur économique doit fournir une déclaration de devoir de vigilance si le produit est lié à des régions, des entreprises et/ou des secteurs à haut risque. Le non-respect des exigences en matière de diligence raisonnée qui seront exposées en détail dans les «lignes directrices» (article 23) ainsi que la non-transmission des déclarations en matière de devoir de vigilance doivent être considérés comme relevant de la suspicion étayée et conduire à la rétention du produit et à l’ouverture directe d’une enquête. En ce qui concerne les produits liés aux régions, aux entreprises et/ou aux secteurs à faible risque, les opérateurs économiques sont libérés de l’obligation de vigilance obligatoire et la procédure doit être mise en œuvre conformément à la proposition de la Commission européenne. Néanmoins, pour éviter un désengagement irresponsable, le CESE souligne que le devoir de vigilance ne devrait pas être utilisé comme un bouclier contre l’ouverture d’enquêtes. |
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3.12. |
Le CESE souligne qu’une application correcte ne peut avoir lieu que si les États membres de l’Union consacrent suffisamment de fonds et de ressources à leurs autorités nationales compétentes. La Commission a déjà reconnu que l’application effective de la législation est considérablement compromise lorsque les autorités douanières nationales manquent de ressources. En outre, les autorités nationales compétentes devraient disposer de suffisamment de temps pour mener des enquêtes approfondies et minutieuses. |
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3.13. |
Comme l’indique la récente publication de l’OIT sur l’esclavage moderne, l’appartenance sociodémographique des victimes du travail forcé est variée. Les groupes sociaux vulnérables tels que les travailleurs migrants, en particulier, sont exposés à un risque plus élevé de travail forcé. Par conséquent, le CESE demande qu’une attention particulière soit accordée aux travailleurs migrants, aux apatrides et aux enfants. Il convient d’insister particulièrement sur l’égalité entre les hommes et les femmes. |
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3.14. |
Selon l’OIT, ce sont 160 millions d’enfants dans le monde qui sont contraints de travailler. L’abolition effective du travail des enfants fait partie de la déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail. L’engagement de l’Union dans la lutte contre le travail des enfants est inscrit dans son approche de tolérance zéro à l’égard du travail des enfants, fondée sur l’article 32 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant (31) et le point 1.4.c) du plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020-2024. Le CESE reconnaît que la Commission européenne mentionne explicitement le travail forcé des enfants à l’article 2, point a), de la proposition de règlement. Néanmoins, afin d’accélérer le processus d’abolition du travail des enfants, le champ d’application de ce règlement devrait inclure la convention (no 138) de l’OIT sur l’âge minimum de 1973, la recommandation no 146 de l’OIT, la convention (no 182) de l’OIT de 1999 sur les pires formes de travail des enfants et la recommandation no 190 de l’OIT. De plus, le CESE fait valoir qu’il serait nécessaire que l’Union prenne une initiative législative correspondante pour lutter contre toutes les autres formes de travail des enfants. |
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3.15. |
Le CESE constate que la proposition actuelle ne tient pas compte du point de vue des travailleurs exploités, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union européenne. Afin d’améliorer la situation des victimes du travail forcé, la proposition devrait envisager qu’elles bénéficient d’une réparation appropriée. Les représentants des travailleurs, les syndicats locaux, la Confédération syndicale internationale (CSI) et les travailleurs eux-mêmes, ainsi que les organisations de la société civile, devraient participer aux processus d’enquête et de prise de décision afin de veiller à ce que les points de vue et les intérêts des travailleurs concernés soient pris en compte à chaque étape. |
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3.16. |
La Commission européenne devrait intensifier ses efforts pour créer des structures internationales destinées à résoudre le problème du travail forcé et harmoniser les actions et les mesures visant à garantir la sécurité juridique au niveau international. De plus, le CESE réclame le soutien de l’Union en faveur d’un traité contraignant des Nations unies sur l’entreprise et les droits de l’homme et demande que soit envisagée la possibilité d’établir une convention de l’OIT sur le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement, comme il l’a déjà indiqué dans son avis SOC/727 (32). La coopération et l’échange d’informations avec les pays tiers et les organisations internationales sont importantes pour garantir la bonne mise en œuvre des objectifs du règlement. |
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3.17. |
Le CESE souligne qu’une législation forte et ambitieuse est essentielle pour lutter contre le travail forcé dans l’Union et dans tous ses pays partenaires. Par conséquent, il est nécessaire d’aligner la proposition actuelle sur les définitions et les critères existant en particulier aux États-Unis, au Canada et dans d’autres marchés développés parvenus à maturité (par exemple, la loi américaine sur la prévention du travail forcé des Ouïgours, la loi américaine sur les tarifs douaniers, et celle sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, qui est en cours de discussion) afin d’éviter les incohérences et de s’attaquer efficacement au problème du travail forcé au niveau mondial. Néanmoins, il est important de disposer d’un système institutionnel européen efficace de vérification des cas de travail forcé dans le monde entier, que les entreprises soient tenues de respecter. La proposition devrait viser à mettre en place des structures internationales communes pour lutter contre le travail forcé en vue d’une plus grande harmonisation, d’une plus grande clarté juridique et d’une plus grande sécurité au niveau international, notamment pour éviter que les entreprises de l’Union ne se trouvent en conflit avec la législation étrangère. |
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3.18. |
Étant donné que le travail forcé est un problème mondial et que les chaînes de valeur mondiales sont étroitement liées, il convient de promouvoir la coopération internationale contre le travail forcé. Le CESE souligne qu’un échange d’informations et une coopération étroite avec les autorités des pays tiers et les organisations internationales, en particulier l’OIT et l’ONU, sont essentiels pour garantir la bonne mise en œuvre de l’interdiction. |
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3.19. |
Les représentations permanentes et les délégations de l’Union dans les pays tiers devraient jouer un rôle clé dans la communication auprès des victimes du travail forcé et des organisations de la société civile. Il est également souhaitable qu’elles jouent un rôle central de coopération avec les Nations unies et l’OIT en ce qui concerne la collecte et la fourniture de données précieuses pour les évaluations des risques (par exemple, lors de la mise en place ou du soutien d’enquêtes nationales sur le travail forcé) et agir en tant que partenaires de coopération dans les enquêtes en cours. Elles devraient également être le premier point de contact pour les plaintes. |
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3.20. |
Le processus de mondialisation a renforcé la position des entreprises opérant au niveau mondial et affaibli le pouvoir des institutions publiques, en particulier dans les pays du Sud. Le CESE souligne qu’il importe d’intégrer la lutte contre le travail forcé dans la politique de l’Union en matière de commerce et de coopération au développement. En ce qui concerne les pays les moins avancés, le soutien actif des autorités locales de l’emploi devrait être une priorité. Le CESE souligne que cette législation devrait traiter tous les pays sur un pied d’égalité et met en garde contre le risque de placer les pays moins avancés dans une situation de désavantage disproportionné. |
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3.21. |
Le CESE se félicite du champ d’application de la proposition, qui inclut tous les opérateurs économiques, quelle que soit leur taille. Néanmoins, les enquêtes menées par les autorités devraient être priorisées en fonction de la taille et des ressources financières desdits opérateurs économiques. Par conséquent, il convient de donner la priorité aux entreprises présentant un risque élevé de recours au travail forcé, ainsi qu’aux grands opérateurs économiques. Le CESE souligne que, eu égard à leur nature spécifique, les marchés numériques doivent faire l’objet d’un traitement à part dans le cadre de l’application de cette législation. |
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3.22. |
Le CESE souhaite profiter de l’occasion offerte par la publication de cet acte législatif pour demander à la Commission européenne d’étudier la possibilité de créer une «agence publique de notation de l’UE» pour la durabilité environnementale et sociale, ainsi que pour les droits de l’homme dans le contexte commercial, comme il l’a déjà indiqué dans son avis REX/518 (paragraphe 3.11). Cette agence devrait élaborer des normes européennes pour les systèmes de diligence raisonnée. Ces normes, pour l’essentiel, pourraient contribuer à créer des conditions de concurrence équitables, ce qui est particulièrement dans l’intérêt des entreprises européennes. De plus, cette agence devrait élaborer des normes de qualité devant être obligatoirement suivies par les entreprises qui effectuent des audits et dans le cadre des procédures d’accréditation de ces cabinets d’audit dans l’Union, ainsi qu’un système de suivi visant à contrôler régulièrement ces sociétés. |
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3.23. |
Le CESE demande que soient désignées ou mises en place, dans les États membres, des autorités nationales compétentes chargées de procéder à l’accréditation des entreprises réalisant des audits dans le domaine de la durabilité environnementale et sociale, ainsi que des droits de l’homme dans le contexte commercial. L’agence publique de notation évoquée devra aider les autorités nationales compétentes en fournissant une assistance technique et une formation pour la mise en œuvre des systèmes nationaux d’aide aux entreprises en matière de responsabilité et de diligence raisonnée. Le CESE note qu’en ce qui concerne la mise en œuvre de ce règlement, il est nécessaire de disposer à la fois de formulations claires et compréhensibles pour garantir la sécurité juridique et de lignes directrices simples afin de maintenir une charge administrative gérable pour les opérateurs économiques, en particulier les PME, dans leur pratique quotidienne. Par conséquent, il y a lieu que les autorités nationales compétentes fournissent un soutien technique aux entreprises, en particulier aux PME, lorsque celles-ci conçoivent leurs systèmes de diligence raisonnée (conformément aux principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, aux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et à la déclaration de l’OIT sur les EMN). |
4. Observations particulières
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4.1. |
Le CESE souscrit à la définition du travail forcé donnée à l’article 2, point a), de la proposition, basée sur celle de l’OIT, qui fait référence à «tout travail ou service». Les marchandises transportées au moyen du travail forcé devraient donc être prises en compte dans la proposition, à la fois par souci de conformité avec la définition et compte tenu du fait que les services de transport constituent un élément essentiel de la chaîne d’approvisionnement des marchandises. |
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4.2. |
La Commission doit jouer un rôle fort, actif et moteur au sein du réseau de l’Union contre les produits issus du travail forcé proposé à l’article 24, afin de soutenir et de coordonner les autorités nationales dans l’application du règlement. Le CESE invite la Commission à prévoir pour ce réseau une structure clairement définie et un financement suffisant pour soutenir les États membres de l’Union, dès lors qu’ils sont appelés à recueillir des informations et à utiliser le réseau pour maintenir un flux cohérent d’informations. Le réseau devrait coordonner certaines actions, telles que la réalisation d’enquêtes internationales et le soutien à l’application des interdictions d’importation. En outre, la Commission devrait envisager la possibilité d’effectuer elle-même des enquêtes, comme elle le fait déjà lors de la surveillance et de l’enquête sur les pratiques anticoncurrentielles. Le CESE invite la Commission à associer la société civile organisée, en particulier les partenaires sociaux, à toutes les actions du réseau. |
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4.3. |
Le CESE se félicite de la proposition de la Commission européenne de publier des lignes directrices, comme indiqué à l’article 23 de la proposition, pour aider les entreprises à repérer les risques de travail forcé dans leurs opérations et leurs chaînes de valeur, les prévenir, les atténuer et y mettre fin. En outre, la Commission ou d’autres autorités publiques devraient formuler des recommandations sur la manière de mettre en place des mécanismes de devoir de vigilance pour les PME et, partant, de soutenir tout particulièrement celles-ci. Le CESE invite la Commission à associer la société civile organisée au processus d’élaboration et à publier ces lignes directrices (articles 11 et 23) de manière à les rendre accessibles facilement et dans les meilleurs délais, en tout état de cause largement en amont de l’entrée en vigueur du règlement. Cette démarche permettra aux autorités nationales compétentes, aux douanes et aux entités commerciales de se préparer à la mise en œuvre de l’acte juridique et aux éventuelles difficultés connexes. |
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4.4. |
Le CESE rappelle que les autorités nationales compétentes ont besoin du consentement des opérateurs économiques pour procéder à des enquêtes, comme le prévoit l’article 5, paragraphe 6. Cette disposition affaiblit le processus d’enquête et crée une lacune dans le règlement proposé. |
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4.5. |
Le CESE insiste sur la nécessité de prévoir des sanctions minimales uniformes à l’échelle de l’Union pour les infractions au règlement. Cela permettra d’éviter un nivellement par le bas de la part des États membres et de garantir des conditions de concurrence équitables. En outre, il serait utile d’imposer à la Commission une obligation de rendre compte régulièrement (par exemple tous les deux ans) de l’application du règlement dans les différents États membres. |
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4.6. |
Le CESE se dit préoccupé par le fait que la mise en œuvre du règlement soit appelée à relever de la responsabilité des autorités douanières nationales (article 12). Cela pourrait créer des inefficacités dans la mise en œuvre, étant donné qu’il peut y avoir des cas de différenciation entre les différents bureaux de douane nationaux, ce qui pourrait entraîner des incohérences au sein de l’Union. Par conséquent, il convient de mettre l’accent sur la mise en œuvre adéquate dans les différents pays et de la garantir sur le plan institutionnel. Il est nécessaire de fournir aux autorités nationales chargées de faire appliquer la législation des orientations claires et des ressources leur permettant d’assurer un suivi et une application effectifs du règlement proposé. Un soutien technique devrait être accordé au monde des entreprises afin de l’aider à s’adapter à la législation. À cette fin, nous estimons que l’Union a besoin d’un cadre conceptuel pour une évaluation commune des risques, ainsi que de lignes directrices claires, afin d’éviter les doubles emplois au niveau de l’administration et de rationaliser les procédures dans la mesure du possible. |
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4.7. |
En ce qui concerne les délais pour la procédure d’enquête, le CESE estime que le délai nécessaire aux entreprises pour présenter des éléments de preuve devrait être plus long que les 15 jours indiqués pour la phase préliminaire de la procédure et compter 15 jours supplémentaires au cours de la deuxième phase de l’enquête. De plus, il conviendrait aussi d’allonger le délai de 30 jours laissé aux entreprises pour retirer les produits qui enfreignent le règlement. Par surcroît, il est nécessaire de clarifier davantage la manière dont le processus de retrait se déroulera dans la pratique, y compris en ce qui concerne la destruction des produits, le cas échéant. |
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4.8. |
Comme indiqué dans l’avis INT/973 du CESE sur le thème «Gouvernance d’entreprise durable» (33), les syndicats et les représentants des travailleurs sont bien placés pour savoir où des fautes risquent d’être commises. Le CESE insiste donc sur l’importance d’associer les représentants des travailleurs et les syndicats locaux, ainsi que la CSI, à la mise en place d’un processus de vigilance (cartographie des risques), ainsi qu’à son suivi (mise en application) et au signalement des infractions (mécanismes d’alerte). Le CESE demande que les syndicats et les représentants des travailleurs de l’Union et des pays tiers soient explicitement mentionnés à l’article 26, paragraphe 1. |
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4.9. |
Le CESE souligne que la société civile organisée devrait être consultée lors de l’élaboration des actes délégués visés à l’article 27 de la proposition de règlement. |
Bruxelles, le 25 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) COM(2022) 453 final.
(2) Plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020-2024.
(3) OIT — P029 — Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930.
(4) OIT — C138 — Convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973.
(5) OIT — R146 — Recommandation (no 146) sur l’âge minimum, 1973.
(6) OIT — C182 — Convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.
(7) OIT — R190 — Recommandation sur les pires formes de travail des enfants, 1999 (no 190).
(8) OIT — C029 — Convention (no 29) sur le travail forcé, 1930.
(9) OIT — P029 — Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930.
(10) OIT — C105 — Convention sur l’abolition du travail forcé, 1957 (no 105).
(11) Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
(12) Déclaration universelle des droits de l’homme.
(13) Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
(14) Objectifs de développement durable des Nations unies.
(15) Charte sociale européenne.
(16) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Combattre le travail forcé en Europe et dans le monde: quel rôle pour l’UE — Contribution du CESE à la conférence 2014 de l’OIT» (avis d’initiative) (JO C 311 du 12.9.2014, p. 31).
(17) Avis du Comité économique et social européen sur le travail décent dans le monde [COM(2022) 66 final] (JO C 486 du 21.12.2022, p. 149).
(18) Avis du Comité économique et social européen sur l’«Obligation de diligence» (avis exploratoire) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 136).
(19) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937» [COM(2022) 71 final] (JO C 443 du 22.11.2022, p. 81).
(20) Avis du Comité économique et social européen sur «Des chaînes d’approvisionnement durables et un travail décent dans le commerce international» (avis exploratoire) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 197).
(21) Avis du Comité économique et social européen sur «Un traité contraignant des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme» (avis d’initiative) (JO C 97 du 24.3.2020, p. 9).
(22) COM(2022) 66 final.
(23) COM(2022) 71 final.
(24) Règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) no 765/2008 et (UE) no 305/2011 (JO L 169 du 25.6.2019, p. 1).
(25) Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.
(26) Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.
(27) Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale.
(28) Manuel de l’OIT à l’intention des employeurs et des entreprises sur la lutte contre le travail forcé.
(29) Ratification du P029 de l’OIT.
(30) OIT C098 — Convention no 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective (1949).
(31) Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO C 326 du 26.10.2012, p. 391), stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant.
(32) Avis du Comité économique et social européen sur le travail décent dans le monde [COM(2022) 66 final] (JO C 486 du 21.12.2022, p. 149).
(33) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937» [COM(2022) 71 final] (JO C 443 du 22.11.2022, p. 81).
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/84 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2017/745 et (UE) 2017/746 en ce qui concerne les dispositions transitoires relatives à certains dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro
[COM(2023) 10 final — 2023/0005 (COD)]
(2023/C 140/14)
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Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 23.1.2023 Parlement européen, 26.1.2023 |
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Base juridique |
Article 114 et article 168, paragraphe 4, point c), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
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Date de l’adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
190/0/2 |
Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé.
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
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21.4.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 140/85 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux redevances et aux droits dus à l’Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) no 297/95 du Conseil et le règlement (UE) no 658/2014 du Parlement européen et du Conseil
[COM(2022) 721 final — 2022/0417 (COD)]
(2023/C 140/15)
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Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 22.12.2022 Parlement européen, 15.12.2022 |
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Base juridique |
Article 114 et article 168, paragraphe 4, points c) et b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
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Adoption en session plénière |
24.1.2023 |
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Session plénière no |
575 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
195/0/1 |
Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé.
Bruxelles, le 24 janvier 2023.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG