ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 100

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Édition de langue française

Communications et informations

66e année
16 mars 2023


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

574e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022

2023/C 100/01

Résolution du Comité économique et social européen sur le thème Les acquis pérennes de l’Année européenne de la jeunesse: intégrer les questions liées à la jeunesse et autonomiser les jeunes

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

574e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022

2023/C 100/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Investissements fondés sur le sexe dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience (avis d’initiative)

8

2023/C 100/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L’investissement réalisé dans une optique de genre comme moyen d’améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne (avis d’initiative)

16

2023/C 100/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Communiquer sur les droits fondamentaux et l’état de droit (avis d’initiative)

24

2023/C 100/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Une stratégie industrielle pour le secteur des technologies maritimes (avis d’initiative)

31

2023/C 100/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Donner aux jeunes les moyens de réaliser le développement durable grâce à l’éducation (avis d’initiative)

38

2023/C 100/07

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Initiative citoyenne européenne — Sauvons les abeilles et les agriculteurs (avis d’initiative)

45

2023/C 100/08

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La crise des prix des denrées alimentaires: rôle de la spéculation et propositions concrètes d’action à la suite de la guerre en Ukraine (avis d’initiative)

51

2023/C 100/09

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La situation socio-économique en Amérique latine à la suite de la crise de la COVID-19 — Le rôle de la société civile dans le processus de relance (avis d’initiative)

61

2023/C 100/10

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Transition numérique dans la région euro-méditerranéenne (avis d’initiative)

68

2023/C 100/11

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Un contrôle de la compétitivité pour bâtir une économie de l’UE plus forte et plus résiliente (avis exploratoire)

76


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

574e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022

2023/C 100/12

Avis du Comité économique et social européen sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2021 [COM(2022) 337 final]

83

2023/C 100/13

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un nouveau programme européen d’innovation [COM(2022) 332 final]

89

2023/C 100/14

Avis du Comité économique et social européen sur a) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un instrument du marché unique pour les situations d’urgence et abrogeant le règlement (CE) no 2679/98 du Conseil [COM(2022) 459 final — 2022/0278 (COD)], b) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2016/424, (UE) 2016/425, (UE) 2016/426, (UE) 2019/1009 et (UE) no 305/2011 en ce qui concerne des procédures d’urgence pour l’évaluation de la conformité, l’adoption de spécifications communes et la surveillance du marché en situation d’urgence pour le marché unique [COM(2022) 461 final — 2022/0279 (COD)] et c) la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2000/14/CE, 2006/42/CE, 2010/35/UE, 2013/29/UE, 2014/28/UE, 2014/29/UE, 2014/30/UE, 2014/31/UE, 2014/32/UE, 2014/33/UE, 2014/34/UE, 2014/35/UE, 2014/53/UE et 2014/68/UE en ce qui concerne des procédures d’urgence pour l’évaluation de la conformité, l’adoption de spécifications communes et la surveillance du marché en situation d’urgence pour le marché unique [COM(2022) 462 final — 2022/0280 (COD)]

95

2023/C 100/15

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des exigences horizontales en matière de cybersécurité pour les produits comportant des éléments numériques et modifiant le règlement (UE) 2019/1020 [COM(2022) 454 final — 2022/0272 (COD)]

101

2023/C 100/16

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs [COM(2022) 245 final]

105

2023/C 100/17

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur (législation européenne sur la liberté des médias) et modifiant la directive 2010/13/UE [COM(2022) 457 final — 2022/0277(COD)]

111

2023/C 100/18

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers un avenir sans amiante: une approche européenne pour faire face aux risques sanitaires de l’amiante [COM(2022) 488 final] et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/148/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail [COM(2022) 489 final — 2022/0298 (COD)]

118

2023/C 100/19

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’Année européenne des compétences 2023 [COM(2022) 526 final — 2022/0326 (COD)]

123

2023/C 100/20

Avis du Comité économique et social européen sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre [JOIN(2022) 24 final]

132

2023/C 100/21

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115 [COM(2022) 305 final — 2022/0196 (COD)]

137

2023/C 100/22

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 389/2012 en ce qui concerne l’échange des informations contenues dans les registres électroniques relatifs aux opérateurs économiques qui déplacent des produits soumis à accise entre les États membres à des fins commerciales [COM(2022) 539 final — 2022/0331 (CNS)]

145

2023/C 100/23

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone couverte par l’accord relatif aux pêches dans le sud de l’océan Indien (APSOI) [COM(2022) 563 final — 2022/0348 (COD)]

146


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

574e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022

16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/1


Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «Les acquis pérennes de l’Année européenne de la jeunesse: intégrer les questions liées à la jeunesse et autonomiser les jeunes»

(2023/C 100/01)

proposée par Laurenţiu PLOSCEANU, président de la section SOC, à la demande du groupe de coordination pour l’Année européenne de la jeunesse [Katrīna LEITĀNE (présidente), Neža REPANŠEK, Michael McLOUGHLIN, Nicoletta MERLO, Mateusz Maciej SZYMAŃSKI, Florian MARIN, Pierre BOLLON, Dolores SAMMUT BONNICI et Davor MAJETIĆ]

Base juridique

Article 50 du règlement intérieur

 

Résolution

Adoption en session plénière

15.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

150/0/1

Malgré les incertitudes que font peser la guerre en Ukraine, la pandémie de COVID-19 et la crise climatique, les jeunes restent le moteur du projet européen et contribuent à sa pérennité grâce à leur créativité, leur énergie et leur enthousiasme. Les décisions prises aujourd’hui façonnent le monde de demain. Il est donc crucial de s’assurer que les jeunes aient voix au chapitre lorsque sont prises des décisions qui ont des conséquences sur leur avenir, sachant que même des actions politiques indirectes peuvent produire une incidence considérable et revêtir une importance qui ne l’est pas moins pour les jeunes et les prochaines générations.

En décembre 2021, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a proclamé 2022 Année européenne de la jeunesse, affirmant que «l’Europe a besoin de toute sa jeunesse» et que «notre Union doit avoir une âme et une vision qui leur parlent» (1). En outre, comme l’a déclaré la commissaire Mariya Gabriel, «l’Année européenne de la jeunesse devrait entraîner un changement de paradigme dans notre manière d’associer les jeunes au processus d’élaboration des politiques et de prise de décision» (2).

Dans son avis sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse pour la période 2019-2027 (3), le Comité économique et social européen (CESE) préconise que cette stratégie se concentre sur l’approche intersectorielle, en adoptant une vision globale des jeunes et de leurs besoins ainsi que de leurs droits. Il affirme également être «convaincu de la nécessité de promouvoir une participation des jeunes aux processus de prise de décision qui aille au-delà de manifestations ponctuelles. En outre, dans le cadre de l’approfondissement du dialogue de l’Union européenne en faveur de la jeunesse, il convient d’accroître le rôle des organisations bénévoles de jeunes ainsi que des conseils nationaux de la jeunesse et de recourir à des canaux supplémentaires. Les institutions de l’Union européenne devraient jouer un rôle de chef de file à cet égard, le CESE jouant un rôle de premier plan parmi les institutions qui renforcent la participation des jeunes à l’échelle de l’UE».

Le CESE œuvre, depuis plusieurs années déjà, à mieux intégrer, de manière structurée et significative, la voix des jeunes dans ses travaux et dans le processus décisionnel de l’Union européenne, lorsqu’il traite de différents domaines tels que: le climat et le développement durable (4), par la création des tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité, mais aussi grâce à l’inclusion d’un(e) délégué(e) de la jeunesse dans la délégation officielle de l’UE aux réunions de la COP de la CCNUCC par le truchement de la délégation du CESE; la mise en évidence du rôle de l’éducation pour le développement durable (5); les réflexions sur la situation de l’emploi et du marché du travail et les dispositions y afférentes (6); son avis relatif à l’inclusion des questions liées à la jeunesse dans l’élaboration des plans nationaux de relance (7), dans lequel le CESE recommande une participation accrue des organisations représentant la jeunesse à la mise en œuvre et au suivi des plans ainsi qu’aux processus décisionnels; son avis sur la politique de la jeunesse dans les Balkans occidentaux (8), dans lequel le Comité invite l’Union à soutenir davantage les pays de cette région dans leurs efforts visant à accroître la participation des jeunes; l’intégration du point de vue de la jeunesse dans tous les domaines d’action au niveau de l’Union, en mettant en place l’évaluation d’impact de l’Union du point de vue des jeunes (9), laquelle prévoit également des recommandations et des propositions concrètes, ainsi qu’en intensifiant la participation des jeunes et des organisations qui les représentent aux travaux du CESE.

Par ailleurs, le CESE s’était déclaré favorable (10) à la proposition de faire de 2022 l’Année européenne de la jeunesse, et affirmé être disposé à jouer un rôle moteur dans l’organisation de cette dernière en s’appuyant sur des initiatives qu’il a menées avec succès, telles que «Votre Europe, votre avis!», les tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité et la participation d’un(e) délégué(e) de la jeunesse à la délégation du CESE aux manifestations de la COP. Le CESE est particulièrement bien placé pour faciliter le dialogue avec les réseaux de jeunes. Il a donc créé un groupe de coordination pour l’Année européenne de la jeunesse afin d’assurer la représentation et la visibilité de cette initiative au sein du Comité et de coordonner les initiatives en cours ayant un lien avec la jeunesse. Le groupe de coordination pour l’Année européenne de la jeunesse a reçu pour mandat de renforcer la coopération avec les jeunes et les organisations qui les représentent au cours de cette Année et par la suite, ainsi que de travailler avec les autres institutions de l’Union et les organisations de la société civile afin qu’elles veillent, dans leur fonctionnement quotidien, à une meilleure intégration transversale des jeunes.

Le présent projet de résolution élaboré par le groupe de coordination invite les institutions de l’Union et les gouvernements nationaux à consolider à long terme les acquis de l’Année européenne de la jeunesse en encourageant une participation structurée et significative des jeunes à l’élaboration des politiques et à la prise de décision à tous les niveaux et en promouvant des mécanismes participatifs destinés aux jeunes et aux organisations qui les représentent. En outre, le CESE réaffirme sa volonté de renforcer la participation des jeunes à ses travaux et de promouvoir l’intégration des questions liées à la jeunesse à tous les niveaux, pour une Europe plus unie et plus forte.

«Nous ne pouvons pas toujours préparer l’avenir de notre jeunesse, mais nous pouvons préparer nos jeunes pour l’avenir.»  — Franklin D. Roosevelt

1.   Les acquis pérennes de l’Année européenne de la jeunesse au CESE

1.1.

Le CESE est d’avis que l’ensemble des parties prenantes doivent donner suite aux délibérations de l’Année européenne de la jeunesse et faire preuve ce faisant d’ouverture d’esprit. Il est indispensable que cette Année européenne donne lieu à des acquis concrets et de continuer à en assurer le suivi au cours de l’Année européenne des compétences et au-delà. En outre, la stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse et la conférence sur l’avenir de l’Europe ont également posé d’importants jalons sur la voie d’un engagement plus structuré et significatif de la jeunesse dans la construction de l’avenir de l’Europe.

1.2.

Le CESE estime que les organisations de la société civile, et en particulier les organisations de jeunesse, jouent un rôle déterminant pour définir des instruments participatifs novateurs, afin d’intégrer les points de vue des jeunes dans l’élaboration des politiques à tous les niveaux et dans tous les domaines de l’action politique, et il met aussi en relief le rôle que jouent ces mêmes organisations pour affirmer la citoyenneté active, préserver les droits humains fondamentaux et les valeurs démocratiques auprès des jeunes.

1.3.

Le CESE déplore l’amoindrissement constant de l’espace civique pour les organisations de la jeunesse (11) et affirme l’importance que cet espace revêt pour la démocratie. Il plaide en faveur de mesures visant à renforcer la position des organisations de jeunesse et à leur fournir des ressources durables qui accroîtront leur capacité à représenter et à défendre leurs droits et leurs intérêts.

1.4.

Le CESE met en relief les initiatives qu’il a menées avec succès ces dernières années en vue de faire participer les jeunes de manière plus structurée et significative dans le cadre de ses avis (12) et il affirme son engagement à concevoir de nouvelles initiatives afin de favoriser la participation de la jeunesse et d’en faire valoir les points de vue dans l’élaboration des politiques.

1.5.

Le CESE estime qu’il est essentiel de faire participer activement les jeunes à l’élaboration des politiques et à la prise de décision pour construire l’avenir de l’Europe et forger un grand dessein dans lequel les jeunes puissent se reconnaître. Aussi encourage-t-il les institutions de l’Union européenne à mettre en œuvre l’évaluation d’impact de l’Union du point de vue des jeunes afin de s’assurer que l’ensemble des actions politiques qu’elles mènent soient examinées à travers ce prisme.

1.6.

Dans le prolongement des propositions qu’il a présentées dans son avis sur l’évaluation d’impact de l’Union du point de vue des jeunes, le CESE demande d’intégrer les jeunes dans l’élaboration des politiques à tous les niveaux et de concevoir pour toutes les institutions de l’Union une approche commune visant à faire participer les jeunes de manière structurée et significative. Cette approche devrait reposer sur les principes suivants:

cocréer, dès leur stade initial, les initiatives/projets/événements liés à la jeunesse avec les organisations de jeunesse concernées et veiller à ce que celles-ci aient voix au chapitre à chaque étape du processus,

partager la gestion de ces initiatives/projets/événements avec les organisations de jeunesse tout en conférant à celles-ci un rôle de premier plan et en veillant à leurs priorités et à leurs besoins,

renforcer les capacités des organisations de jeunesse, en les dotant des ressources financières nécessaires et des outils adéquats pour participer,

mettre en place des procédures de suivi structurées et constructives, qui dépassent largement le cadre de réunions ad hoc et de simples appels à consultations.

1.7.

Le CESE s’engage à mettre sur pied en son sein un groupe permanent afin de disposer de mécanismes de coordination transparents et transversaux pour intégrer les points de vue de la jeunesse dans ses travaux, ainsi que d’étudier plus avant et d’envisager les voies possibles pour appliquer l’évaluation d’impact de l’Union du point de vue des jeunes dans les travaux du CESE pour concevoir une approche cohérente qui lui soit propre en matière de participation des jeunes.

1.7.1.

En outre, le CESE demande de créer auprès de toutes les institutions de l’Union une structure qui représente et/ou associe les organisations de jeunesse et/ou, le cas échéant, une plateforme des parties prenantes qui lui ressortirait, à la manière de la plateforme européenne des acteurs de l’économie circulaire (PAEEC). Par ailleurs, étant donné que le dialogue de l’Union européenne en faveur de la jeunesse constitue le processus participatif le plus substantiel de l’Europe pour associer les décideurs et les jeunes en vue de débattre des problèmes et de formuler ensemble des solutions, il serait possible de prendre d’autres mesures pour renforcer ce mécanisme participatif, par exemple en instaurant une structure de cogestion (13) qui pourrait également être placée sous la houlette du CESE.

1.8.

Le CESE demande instamment d’associer davantage les jeunes aux processus décisionnels, depuis l’élaboration des propositions et initiatives législatives jusqu’à leur mise en œuvre, à leur suivi et aux suites qui leur sont données. Cette approche prévaut depuis 2021 au sein de la délégation de l’Union européenne aux réunions de la COP à la CCNUCC, qui compte au moins un(e) délégué(e) de la jeunesse. Le CESE recommande vivement que d’autres délégations de l’Union européenne adoptent une approche similaire et tiennent compte de la perspective intergénérationnelle.

1.9.

Afin de renforcer le rôle du CESE lui-même pour combler le fossé entre les décideurs politiques, les organisations de jeunesse et les jeunes, tant à l’échelon national qu’européen, il est recommandé tout d’abord de mettre en place un mécanisme participatif transparent, structuré et significatif destiné aux jeunes afin de coordonner efficacement les travaux législatifs, tel que par exemple un panel de jeunes, et dans un second temps, de nouer des contacts avec les jeunes et leurs organisations pour les associer à ses travaux. De surcroît, il convient de mettre en œuvre une coordination et des échanges de bonnes pratiques en matière de participation de la jeunesse à tous les niveaux et dans tous les États membres, ainsi que des activités de sensibilisation plus ciblées. En particulier, il s’agit de renforcer les relations avec les organisations nationales de jeunesse et de faire connaître les projets locaux touchant à la jeunesse au sein du CESE et auprès de ses membres.

1.10.

En outre, compte tenu de l’actualité géopolitique troublée, il est essentiel de s’assurer de l’engagement de la jeunesse en faveur de la durabilité, de la sécurité et de la consolidation de la paix. Le CESE se félicite de l’adoption récente du plan d’action pour la jeunesse dans le cadre de l’action extérieure de l’Union européenne et il entend lui-même adopter en 2023 un avis d’initiative sur ce thème. De surcroît, le CESE invite l’Union européenne à continuer d’aider les Balkans occidentaux à améliorer la participation des jeunes, en tenant compte de la corrélation positive entre la mobilité dans le domaine de l’éducation ou de la formation et l’engagement civique et politique des jeunes. Le même principe doit prévaloir dans les relations avec l’Ukraine et la Géorgie. Le CESE insiste pour renforcer la coopération en matière de politiques de la jeunesse avec les pays candidats.

1.11.

Le CESE s’efforcera de tenir systématiquement compte de la voix des jeunes dans ses avis, y compris les avis d’initiative et les avis exploratoires qu’il adopte à la demande des présidences tournantes du Conseil ou d’autres institutions européennes. Grâce aux excellentes relations qu’il entretient avec celles-ci, le CESE fera tout son possible pour les convaincre de tenir compte dans leurs demandes des aspects liés aux jeunes.

2.   La priorité essentielle pour les prochaines années: construire ensemble un avenir meilleur — plus écologique, plus inclusif et plus numérique

2.1.

Le CESE fait valoir qu’il importe d’accroître le niveau de connaissance et d’information des jeunes sur les institutions européennes, les mécanismes de leur fonctionnement, leurs domaines d’action, des illustrations concrètes de leurs activités quotidiennes et les possibilités qu’elles offrent pour le développement personnel et professionnel des jeunes. Il convient d’accroître le nombre de programmes européens de formation et d’échanges d’expériences, tels qu’Erasmus+, Discover EU et d’autres, que ce soit à l’échelon local ou en dehors des frontières de l’Union, tout comme celui des programmes faisant l’objet d’une supervision conjointe avec d’autres institutions éducatives situées dans le même pays ou dans d’autres. Le CESE favorisera les initiatives «Going local» (investir l’échelon local) axées sur la jeunesse et encouragera ses membres à en organiser.

2.2.

Le CESE fait valoir la nécessité de créer et de garantir un cadre permettant à tous les jeunes de participer au processus décisionnel aux niveaux européen et national en bâtissant des institutions plus ouvertes et mieux disposées à œuvrer avec les jeunes. Il importe tout particulièrement de permettre aux jeunes défavorisés, vulnérables et marginalisés de participer aux processus décisionnels. Favoriser la participation des jeunes aux élections politiques devrait constituer une priorité. En outre, la participation des jeunes favorise la créativité et l’innovation, et il convient d’écouter les jeunes et d’encourager leur encouragement civique et civil dès leur plus jeune âge.

2.3.

Le CESE recommande de mettre en œuvre des programmes pour donner une deuxième chance et d’autres pour alphabétiser les jeunes en décrochage scolaire, ainsi que des mesures visant à réduire ce phénomène en assurant des programmes d’orientation, de soutien et de protection sociale destinés aux jeunes des zones rurales et à ceux issus de familles pauvres, de manière à faciliter leur accès aux services éducatifs.

2.4.

Il est indispensable de parvenir à une éducation et à un apprentissage tout au long de la vie qui soient de qualité et inclusifs pour faire en sorte que chacun dispose des connaissances, des aptitudes, des compétences et de l’attitude nécessaires pour que l’Europe puisse établir une société plus juste, plus cohésive, plus durable, plus numérique et plus résiliente. Les jeunes doivent disposer des compétences qui leur permettent de participer pleinement à la société et de réussir leurs transitions sur le marché du travail (14); à cet égard, il convient de centrer l’effort sur les personnes les plus vulnérables. Les travailleurs qualifiés sont un atout important pour asseoir la compétitivité européenne, comme le reconnaît également la proposition de la Commission européenne relative à l’Année européenne des compétences 2023 (15), en sus d’assurer de bonnes conditions de travail, la prévisibilité des carrières et l’accès aux possibilités. Il convient d’encourager la participation dans le cadre des institutions d’enseignement. Mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux du point de vue de la jeunesse devrait constituer une priorité. Il s’impose tout autant de progresser dans les réformes éducatives, en remédiant à l’inadéquation des compétences et en mettant l’accent sur l’apprentissage tout au long de la vie, la reconversion et le perfectionnement professionnels (16).

2.5.

Le CESE demande de faciliter l’accès des jeunes des zones rurales au système éducatif grâce à la mise en place des infrastructures matérielles et numériques nécessaires à un processus éducatif de qualité, en particulier dans le domaine du développement durable et de la protection de l’environnement.

2.6.

En collaboration avec les organisations de la société civile, le CESE invite les États membres à fournir un accès ciblé à des écoles spécialement conçues pour les personnes atteintes de maladies rares ou celles qui ne peuvent pas fréquenter l’école pour des raisons médicales, ainsi qu’à garantir en priorité l’égalité d’accès aux services éducatifs pour les personnes handicapées de manière à ne laisser personne de côté.

2.7.

L’éducation constitue un levier essentiel pour tous les autres objectifs de développement durable (ODD). Le CESE soutient donc les travaux de la Commission européenne en vue d’obtenir un enseignement qui favorise la transition écologique et le développement durable, et il invite les États membres à le mettre en œuvre et à transformer en conséquence leur secteur de l’éducation (17).

2.8.

Le CESE propose de mettre au point des sessions d’information et de conseil ou des parcours éducatifs visant à expliquer les éléments fondamentaux intrinsèquement liés au marché du travail, en l’occurrence des notions telles que celles d’employeur, de contrat de travail, etc., en collaboration avec les partenaires sociaux et la société civile. Il convient d’allouer des ressources suffisantes pour ce faire, notamment à l’intention des jeunes vulnérables et de ceux occupant des formes d’emploi atypiques. Il convient également d’adresser ces mêmes informations aux jeunes migrants dès qu’ils entrent dans un pays qu’ils ne connaissent pas, afin de les intégrer plus rapidement dans leur nouvelle société, ses systèmes éducatifs et de travail et sa culture. Plus généralement, les jeunes devraient bénéficier de davantage de moyens pour se familiariser avec des sujets tels que l’éducation financière et, surtout, de disposer d’une connaissance approfondie de leurs droits de citoyens et de travailleurs. Tout cela importe pour aider les jeunes à se préparer à leur future vie d’adultes.

2.9.

Le CESE a déjà fait valoir que l’entrepreneuriat peut jouer un rôle déterminant pour améliorer la compétitivité, l’innovation et le bien-être, ainsi que pour développer une économie sociale et verte, à plus forte raison dans le contexte de la relance après la pandémie. Il serait possible de bâtir des parcours professionnels, en particulier chez les jeunes, en favorisant l’éducation entrepreneuriale pour renforcer leurs compétences dans ce domaine (18).

2.10.

Le CESE encourage la recherche de solutions appropriées au niveau national pour garantir un contrôle des loyers afin de faciliter la mobilité à des fins éducatives ou professionnelles, ainsi que la mise en œuvre d’un programme de construction de logements sociaux destinés aux jeunes, en particulier dans les grandes villes et les centres de développement économique.

2.11.

Le CESE demande d’améliorer l’accès des jeunes, et notamment ceux des zones rurales, à des services de santé de qualité, en augmentant le nombre d’unités hospitalières ou de sites mobiles qui fournissent des services médicaux de base et en menant des campagnes de sensibilisation dans les établissements d’enseignement sur des thèmes tels que la prévention des blessures, les troubles alimentaires, la santé mentale, l’éducation à la santé générale et la santé génésique, qui sont autant de sujets importants. Il convient de développer des programmes de recherche spécifiques pour aider les jeunes à lutter contre les maladies telles que le cancer, sachant que les traitements conçus pour les adultes ne leur conviennent souvent pas.

2.12.

Grâce à la coopération avec les organisations de la société civile, le CESE demande de déployer des efforts accrus et continus en faveur d’actions menées dans les écoles et avec la participation des jeunes et de la société civile, pour promouvoir l’éducation routière et prévenir les maladies sexuellement transmissibles, le harcèlement et les discours de haine, la consommation de tabac, d’alcool et de drogue.

2.13.

Le CESE propose de faire en sorte que tous les jeunes puissent accéder aux systèmes officiels de représentation dans le cadre de leurs relations avec les acteurs concernés du marché du travail et dans celui de la liberté d’association et du droit des travailleurs et des employeurs de constituer et de rejoindre les organisations de leur choix, en particulier pour les jeunes dépourvus d’emploi ou qui occupent un emploi précaire.

2.14.

Le CESE demande de renforcer les capacités des partenaires sociaux et des organisations de la société civile afin de représenter les jeunes et de faciliter le processus de passage de l’école à la vie active, et recommande de faire participer les organisations de jeunesse aux institutions du dialogue social, à la négociation collective et aux organisations tripartites qui jouent un rôle sur le marché du travail.

2.15.

Le CESE demande de moderniser et de renforcer les institutions actives sur le marché du travail afin qu’elles adaptent aux spécificités des jeunes les services qu’elles offrent, pour les rendre aisément accessibles, dynamiques, conviviaux et moins bureaucratiques.

2.16.

Le CESE demande de garantir un traitement équitable dans la cadre de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, mais aussi à l’endroit des jeunes vis-à-vis des autres catégories d’âge, en l’occurrence en matière de salaires, de conditions de travail, de possibilités de formation et de perspectives de progresser professionnellement. Le travail des stagiaires, en particulier des jeunes, ne saurait être synonyme d’exploitation ni constituer un instrument pour contourner la relation de travail. Les stages qui ne font l’objet d’aucune rémunération ni compensation peuvent peser de manière très négative sur l’expérience qu’ont les jeunes du marché du travail (19) et il s’impose de les proscrire (20). Il convient de renforcer encore la représentation de la jeunesse.

2.17.

Le CESE tient pour nécessaire de soutenir l’économie sociale, étant donné que ce secteur apporte une aide active aux jeunes relégués aux marges de la société et aux autres personnes vulnérables, grâce notamment à des mesures visant à accroître l’estime de soi, la communication, etc.

2.18.

Le CESE estime que le contexte créé par la pandémie, du fait de possibilités restreintes d’accéder aux services de santé, appelle un surcroît d’efforts pour aider les jeunes à détecter les signes de problèmes concernant la santé mentale et le bien-être et pour favoriser des informations correctes sur le plus grand nombre possible de canaux afin de discerner les informations valables des fausses promesses d’aide ou de soutien, y compris en recourant à des outils de santé pour ce faire.

2.19.

Le CESE demande de réformer les systèmes de protection sociale et la législation du travail afin de les adapter aux nouvelles réalités et aux nouvelles formes de travail, et de veiller à ce qu’il soit possible de tenir compte de changements ultérieurs dans le monde du travail et de réglementer ceux-ci plus rapidement à l’avenir, en veillant à respecter pleinement les modèles nationaux de relations industrielles et l’autonomie des partenaires sociaux.

2.20.

Le CESE propose de reconnecter les systèmes de retraite et de protection sociale avec les réalités économiques et sociales des jeunes et d’en conforter le caractère équitable, inclusif et adapté à la réalité du marché du travail, en assurant la protection des jeunes qui pratiquent de nouvelles formes de travail et de ceux qui ne travaillent pas. Des emplois de qualité pour tous les jeunes doivent constituer une priorité.

2.21.

Le CESE souligne que la période de pandémie de COVID-19 a montré toute l’importance des questions de santé et de sécurité, y compris les risques psychosociaux, qui viennent s’ajouter aux enjeux de stabilité et de prévisibilité de l’emploi. Il est nécessaire d’engager un dialogue avec les jeunes sur la manière de prévenir les problèmes dans ce domaine à l’avenir. Il importe de disposer de différentes formes d’emploi fondées sur des normes de stabilité et de qualité pour faciliter la participation des jeunes au marché du travail. En outre, des mesures s’imposent pour renforcer la surveillance des conditions d’emploi des jeunes, y compris renforcer les inspections du travail.

2.22.

Le CESE demande de protéger les droits des jeunes et de leur garantir une protection sociale par la voie de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, de la protection du droit à la vie privée et de la préservation de l’espace de négociation collective. Il convient d’encourager la recherche de moyens de favoriser une souplesse adéquate des horaires de travail pour permettre de mener à bien des études.

2.23.

Le CESE demande de mieux tenir compte des synergies à l’œuvre entre les différents instruments destinés à la jeunesse tels que la garantie pour la jeunesse et la garantie pour l’enfance. Les jeunes devraient bénéficier d’une réelle garantie qui leur offre des perspectives de carrière prévisibles. Les financements publics destinés à soutenir les jeunes sur le marché du travail ne sauraient contribuer à leur précarité et il convient de continuer de faire une priorité de la participation des partenaires sociaux et de la société civile à l’aide aux jeunes sur le marché du travail.

2.23.1.

Le CESE entend s’assurer de l’organisation de soins alternatifs appropriés et de qualité pour tous les enfants et les jeunes privés de soins parentaux adéquats, ainsi que du maintien de l’intégrité des fratries, sachant que dans de telles circonstances, ces liens sont d’autant plus cruciaux, et sous réserve qu’il ne soit pas contraire à leur intérêt supérieur. Plus généralement, il importe d’éviter que les mécanismes de soutien cessent brutalement d’agir lorsque les jeunes atteignent l’âge de 18 ans.

2.24.

Le CESE fait valoir la nécessité de surmonter de manière appropriée les défis économiques, sociaux et environnementaux que produit le modèle économique actuel, en particulier pour les jeunes. Pour ce faire, il convient de garder à l’esprit que les efforts visant à rendre nos sociétés plus vertes, plus équitables, inclusives, durables et davantage axées sur le bien-être devraient s’attacher dès le départ aux intérêts des jeunes car c’est sur ces derniers que repose fondamentalement l’avenir. La jeunesse devrait compter parmi les thèmes et objectifs transversaux des investissements menés dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens.

2.25.

Le CESE tient pour indispensable de faire en sorte que les jeunes aient la possibilité de fonder une famille. Pour la stabilité et l’avenir de l’Europe, il est essentiel d’intensifier les efforts qui visent à encourager les jeunes à fonder une famille et à avoir des enfants. Il est donc essentiel de garantir l’accès au logement, aux services de garde d’enfants et à un soutien social flexible en créant un programme européen spécifique pour ce faire.

2.26.

Le CESE demande instamment que les jeunes générations disposent d’un espace public véritablement démocratique et pluraliste qui leur permet d’exprimer leurs opinions sans crainte d’être exclus ou de faire face à la haine. Dans le même temps, il importe au plus haut point de développer les connaissances et la sensibilisation face aux manipulations de l’information et à la désinformation.

Bruxelles, le 15 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/speech_21_4701

(2)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_21_5226

(3)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mobiliser, connecter et autonomiser les jeunes: une nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse» [COM(2018) 269 final] (JO C 62 du 15.2.2019, p. 142).

(4)  Avis du Comité économique et social européen sur «Vers une participation structurée des jeunes au processus décisionnel de l’Union européenne concernant le climat et la durabilité» (avis d’initiative) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 44).

(5)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Donner aux jeunes les moyens de réaliser le développement durable grâce à l’éducation» (avis d’initiative) (JO C 100 du 16.3.2023, p. 38).

(6)  Rapport d’information du CESE sur «L’égalité de traitement des jeunes sur le marché du travail» (en cours d’élaboration).

(7)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment garantir un travail décent aux jeunes et veiller à l’inclusion des jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) grâce à l’élaboration de plans nationaux de relance adéquats» (avis d’initiative) (JO C 152 du 6.4.2022, p. 27).

(8)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Politique de la jeunesse dans les Balkans occidentaux, dans le cadre du programme d’innovation pour les Balkans occidentaux» (avis d’initiative) (JO C 443 du 22.11.2022, p. 44).

(9)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Évaluation d’impact de l’UE du point de vue des jeunes» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 46).

(10)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à une Année européenne de la jeunesse 2022 [COM(2021) 634 final — 2021/0328(COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 122).

(11)  Forum européen de la jeunesse, Safeguarding Civic Space for Young People in Europe («Sauvegarder l’espace civique pour les jeunes en Europe»).

(12)  On peut citer à titre d’exemple: avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mobiliser, connecter et autonomiser les jeunes: une nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse» [COM(2018) 269 final] (JO C 62 du 15.2.2019, p. 142); avis du Comité économique et social européen sur «Vers une participation structurée des jeunes au processus décisionnel de l’Union européenne concernant le climat et la durabilité» (avis d’initiative) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 44); avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à une Année européenne de la jeunesse 2022 [COM(2021) 634 final — 2021/0328(COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 122); avis du Comité économique et social européen sur le thème «Évaluation d’impact de l’UE du point de vue des jeunes» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 46).

(13)  Système de cogestion du Conseil de l’Europe.

(14)  Voir par exemple l’avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment promouvoir, sur la base de l’éducation et de la formation, du point de vue de l’apprentissage tout au long de la vie, les compétences dont l’Europe a besoin pour établir une société plus juste, plus solidaire, plus durable, plus numérique et plus résiliente» (avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise) (JO C 286 du 16.7.2021, p. 27), paragraphes 1.2 et 2.3.

(15)  Commission européenne, La Commission lance les travaux sur l’Année européenne des compétences.

(16)  Avis du Comité économique et social européen sur «L’égalité de traitement des jeunes sur le marché du travail» (en cours d’élaboration).

(17)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Donner aux jeunes les moyens de réaliser le développement durable grâce à l’éducation» (avis d’initiative) (JO C 100 du 16.3.2023, p. 38).

(18)  Résolution du Comité économique et social européen: Contribution au programme de travail de la Commission européenne pour 2023 (JO C 443 du 22.11.2022, p. 1), paragraphe 4.14.

(19)  Rapport d’information du CESE sur «L’égalité de traitement des jeunes sur le marché du travail» (en cours d’élaboration).

(20)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment garantir un travail décent aux jeunes et veiller à l’inclusion des jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) grâce à l’élaboration de plans nationaux de relance adéquats» (avis d’initiative) (JO C 152 du 6.4.2022, p. 27), paragraphe 1.9.


AVIS

Comité économique et social européen

574e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022

16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/8


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Investissements fondés sur le sexe dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/02)

Rapporteure:

Cinzia DEL RIO

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

8.11.2022

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

163/5/14

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) réaffirme que seule une convergence économique et sociale accrue et améliorée au sein de l’Union européenne peut contribuer à garantir la pleine égalité de genre et la promotion de l’égalité des chances, en mettant l’accent sur des actions et des stratégies conformes au socle européen des droits sociaux.

1.2.

Le CESE souligne que la plupart des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) ont été élaborés par les États membres sans évaluation ex ante de l’impact des différents investissements s’agissant d’éliminer les inégalités entre les hommes et les femmes et de faciliter l’accès et le maintien des femmes sur le marché du travail. Seul un petit nombre d’États ont adopté une approche stratégique au moyen de mesures et de réformes spécifiques et transversales relevant des six axes d’investissement prévus par les PNRR. La méthodologie adoptée par la Commission européenne repose, en effet, sur une analyse d’impact des résultats des interventions mises en œuvre. Dans cette optique, le CESE recommande que la Commission européenne adopte, en cours d’évaluation, des indicateurs spécifiques comparables pour mesurer les améliorations en matière d’égalité salariale, d’accès au marché du travail, de conciliation du temps de travail et de tâches de prise en charge, ainsi que de promotion de l’autoentrepreneuriat des femmes.

1.3.

Parmi les mesures figurant dans les PNRR figurent des actions directes et indirectes, produisant des effets différents à court, moyen ou long terme, qui visent à encourager l’entrée et le maintien des femmes dans le monde du travail. Ces actions s’inscrivent toutefois dans un cadre morcelé et inégal d’un pays à l’autre. Le CESE estime qu’il est prioritaire, lors de la mise en œuvre des PNRR, de renforcer les mesures tant directes qu’indirectes, pour lesquelles des canaux d’investissement sûrs et durables devront être trouvés grâce à une programmation des ressources s’inscrivant également à moyen et à long terme. Cela nécessitera des canaux d’investissement clairs et durables, assortis d’une planification des ressources également à moyen et à long terme.

1.4.

Parmi les actions directes visant à favoriser l’emploi des femmes, le CESE considère que les incitations à la création d’emplois stables et de qualité à leur intention devraient être privilégiées par rapport à d’autres dispositifs incitatifs à caractère occasionnel et qu’elles devraient être exclues de la carte des aides d’État.

1.5.

Le CESE plaide pour que le mécanisme de la clause de récompense pour les entreprises promouvant l’emploi des femmes soit renforcé, par son extension à tous les projets de marchés publics et une réglementation des appels d’offres publics qui indique explicitement aux acteurs chargés de la mise en œuvre les objectifs qui sont poursuivis s’agissant de l’égalité entre les hommes et les femmes.

1.6.

Le CESE accueille favorablement les mesures d’accompagnement et de soutien à l’autoentrepreneuriat prévues dans certains PNRR et souhaite que cet appui couvre également des actions de formation en matière de finance et de gestion et d’accès aux instruments financiers.

1.7.

Comme indiqué dans la communication de la Commission européenne sur l’égalité entre les hommes et les femmes, le CESE estime qu’il est important, dans le cadre de la mise en œuvre des PNRR, d’agir sur le plan fiscal en allégeant la taxation de la deuxième source de revenus familiaux des ménages à bas revenus et des revenus des familles monoparentales défavorisées.

1.8.

Parmi les actions indirectes prévues dans les PNRR figurent les investissements dans les services de garde d’enfants et de prise en charge. Le CESE estime qu’il est prioritaire d’investir des ressources dans les services qui permettent de concilier des plages de travail et de prise en charge de longue durée, ainsi que de mettre en œuvre des services complémentaires et de les rendre accessibles aux ménages à faibles revenus.

1.9.

Le CESE juge qu’il n’est plus possible de reporter les investissements spécifiques visant à encourager les femmes à fréquenter les instituts techniques et scientifiques et à suivre les cours universitaires techniques et scientifiques concernant les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STIM), car ces investissements sont susceptibles, dans une vision à moyen et à long terme, de favoriser l’emploi féminin, y compris dans les secteurs aujourd’hui à prédominance masculine.

1.10.

Le CESE recommande de programmer les PNRR de manière coordonnée et complémentaire avec tous les autres fonds et programmes de l’Union en se fondant sur les ressources et programmes en faveur de la cohésion et des zones rurales. L’évaluation, assortie de recommandations par pays, à laquelle la Commission européenne procède dans le cadre du semestre européen devrait tenir compte de ces objectifs du point de vue de l’égalité entre les hommes et les femmes, grâce à de nouveaux indicateurs transparents et accessibles, comparables d’un pays à l’autre et déclinés par sexe.

1.11.

Le CESE recommande que l’intégration de la dimension de genre dans l’établissement des budgets à tous les niveaux de l’administration publique devienne une obligation au titre du semestre européen.

1.12.

Les données disponibles montrent que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile n’ont été associés aux PNRR que de façon très limitée et occasionnelle dans la plupart des pays. Le CESE recommande la pleine association de ces intervenants à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de ces plans, au niveau tant européen que national et local.

2.   Introduction

2.1.

Le présent avis entend mettre en évidence les réformes et les investissements ayant un impact sur la promotion de l’égalité de genre qui ont été prévus par les États membres dans leurs PNRR, sur la base des informations disponibles qui sont mises à jour, notamment, par la Commission européenne, le Parlement européen et la présidence de l’Union européenne. Il convient de noter que l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) réalise actuellement, pour la présidence suédoise du Conseil de l’Union en 2023 (1), une étude sur l’égalité entre les hommes et les femmes et l’intégration de la dimension de genre dans la relance après la COVID-19, qui porte précisément sur les mesures prévues dans les PNRR, en appliquant une approche sexospécifique à toutes les étapes qui les composent, de la programmation à la mise en œuvre et à l’évaluation, et examine dans quelle mesure les États membres ont considéré la parité comme un levier de relance.

2.2.

Le 21 juillet 2020, le Conseil européen a adopté, dans ses conclusions, le plan Next Generation EU, ainsi que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP 2021-2027). Le cadre financier pluriannuel et Next Generation EU mentionnent parmi leurs objectifs la promotion de l’égalité des chances, le but étant que les activités et les actions des programmes et instruments concernés intègrent la perspective de genre et puissent effectivement contribuer à la réalisation de l’égalité, conformément à la stratégie européenne.

2.3.

Le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil (2) établit la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), qui vise à soutenir la reprise après la pandémie, à promouvoir la cohésion et à investir dans les transitions écologique et numérique. Le règlement prévoit expressément que les PNRR sont tenus de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Le CESE partage les observations du règlement quant à l’importance que revêtent les actions visant à lutter contre les inégalités de genre, étant donné qu’elles concourent à la réalisation des objectifs du socle européen des droits sociaux.

2.4.

Dans sa communication du 17 septembre 2020 sur la stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable, la Commission européenne a exposé les lignes directrices de la facilité pour la reprise et la résilience, en invitant les États membres à accorder une attention particulière aux groupes défavorisés, aux femmes et aux jeunes qui entrent sur le marché du travail, afin de leur offrir des possibilités d’emploi de qualité.

2.5.

Le règlement délégué de l’Union du 28 septembre 2021 définit les indicateurs communs et les éléments détaillés du tableau de bord de la reprise et de la résilience. Les indicateurs ainsi fixés sont au nombre de 14; seuls quatre présentent une déclinaison sexospécifique (3). Par exemple, les indicateurs 6 et 9, relatifs aux entreprises dirigées par des femmes et bénéficiant d’un soutien, ne sont pas déclinés sur la base du genre.

2.6.

La guerre provoquée par l’agression russe en Ukraine a entraîné un ralentissement d’activité considérable, les perspectives de croissance étant dominées par l’incertitude liée à l’approvisionnement en énergie et à la flambée des coûts, qui sont des facteurs conditionnant la répartition des dépenses et des investissements dans les budgets nationaux. Cette incertitude conjoncturelle aura également une incidence sur la mise en œuvre des PNRR.

2.7.

Le monde du travail et la société dans son ensemble tentent de sortir de la crise en tablant sur une reprise économique et sociale à long terme, sur laquelle se fondent les PNRR et qui ne peut se concevoir sans l’adoption d’un cadre axé sur l’égalité entre les femmes et les hommes visant à affronter et surmonter les inégalités et les écarts de genre que la crise de la COVID-19 a malheureusement creusés dans certains secteurs de production, au sein de la population et dans certaines régions (4).

3.   Contexte, préparation du financement et ressources allouées dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience

3.1.

En juillet dernier, la Commission européenne a présenté au Parlement européen et au Conseil un rapport d’examen sur la mise en œuvre du dispositif, qui aborde également les inégalités entre les femmes et les hommes (5). Ce rapport présente l’état d’avancement des PNRR nationaux sur la base des contributions reçues des États membres. Il expose les priorités des 25 PNRR analysés sur la base des 6 piliers de la FRR (6).

3.2.

La plupart des mesures proposées par les États membres poursuivent des objectifs transversaux et qui ne sont pas nécessairement orientés de manière spécifique sur l’égalité entre les femmes et les hommes; à l’heure actuelle, sur 129 mesures proposées, seules 13 ont été lancées, en donnant lieu à des investissements. Tous les États membres n’ont pas prévu de réformes et de ressources explicitement axées sur les défis qui sont liés au genre ou dont les femmes sont désignées comme bénéficiaires. De même, les mesures innovantes sont modestes dans des secteurs qui se distinguent par un faible taux d’emploi féminin (7). Une grande partie des efforts porte sur les services de garde d’enfants, de prise en charge et d’éducation. Le rapport de la Commission européenne montre que seuls quelques pays ont prévu dans leur PNRR une approche stratégique se traduisant par des mesures et réformes qui ont l’égalité de genre en ligne de mire.

3.3.

D’autres États membres ont privilégié certains axes, comme les mesures qui, soit visent la cohésion sociale et territoriale, en mettant l’accent sur l’égalité des chances, laquelle, souvent, inclut aussi l’objectif d’égalité de genre, soit ciblent les groupes vulnérables, qui comprennent fréquemment les femmes et les jeunes, soit ont pour objectif d’accompagner les transitions écologique et numérique, en insistant sur la formation, les femmes accusant dans certains pays un retard s’agissant des possibilités d’accéder aux programmes pour se former et se reconvertir. Il convient de relever que dans leur PNRR, la plupart des pays membres n’ont pas rangé la violence fondée sur le genre parmi les défis à relever dans le cadre des mesures en faveur de l’égalité de genre.

3.4.

Les PNRR ont été établis sur la base d’une évaluation ex ante de la situation économique et sociale au niveau national, généralement assortie de priorités en matière de dépenses qui avaient été arrêtées précédemment sans qu’il ait été tenu compte de la dimension de genre, que ce soit sous l’angle des crédits dégagés ou sous celui de l’examen des contenus que présentaient les projets d’investissement soumis. La proposition initiale de règlement de la Commission européenne sur la facilité pour la reprise et la résilience ne prévoyait aucune référence à un objectif d’égalité entre les hommes et les femmes, ni ne mentionnait les femmes comme cibles spécifiques parmi ses bénéficiaires. C’est par la suite seulement, sur la base des pressions exercées par les partenaires économiques et sociaux et les organisations de la société civile, que le règlement publié en février 2021 a prévu l’insertion d’une dimension de genre dans les PNRR. Telle est également la raison pour laquelle la dimension de genre et l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire ne figurent pas dans tous les PNRR, mais uniquement dans ceux qui avaient initialement prévu une spécification des dépenses et des investissements axée sur le genre.

3.5.

La facilité pour la reprise et la résilience prévoit que les États membres indiquent comment leurs PNRR s’attaquent aux inégalités entre les hommes et les femmes, mais l’analyse d’impact qui sera effectuée ne prendra en considération que les résultats atteints par les mesures adoptées. Il importe donc qu’au stade de l’évaluation, la Commission européenne mesure l’efficacité des actions et des investissements envisagés, en associant les partenaires économiques et sociaux et les organisations de la société civile à cet exercice et en ayant recours à des indicateurs spécifiques comparables. Les données collectées jusqu’à présent ne reflètent pas la situation réelle au niveau national. Il est donc difficile de dire aujourd’hui quel est l’impact de certaines mesures prises pour lutter contre les discriminations fondées sur le sexe, en particulier s’agissant de celles de type transversal, présentes dans les six piliers.

3.6.

Les ressources allouées aux PNRR ne permettent pas aujourd’hui d’avoir une image claire des investissements soutenus non seulement par la facilité pour la reprise et la résilience mais aussi par des ressources nationales publiques et privées complémentaires, visant exclusivement à l’égalité de genre dans les différents domaines du monde du travail et de la société. Il ne sera possible de quantifier l’ampleur des ressources allouées qu’au stade de la mise en œuvre.

3.7.

Toutefois, selon le rapport de la Commission européenne concernant les mesures spécifiques prévues dans les PNRR en matière d’égalité entre les sexes, les initiatives y afférentes représentent un pourcentage très variable du total, allant de 11 % dans le cas de la Suède à moins de 1 % dans celui de la Croatie, plusieurs pays présentant un taux inférieur à 2 %, mais il y aurait lieu de tenir compte également de l’impact des actions indirectes reprises dans ces plans, ainsi que de celles, directes et indirectes, qu’il est prévu de mener, avec des ressources de l’Union, dans le cadre de Next Generation EU et qui viennent compléter lesdits PNRR, à l’exemple de REACT-EU et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

3.8.

D’après le rapport de la Commission européenne et les premières informations recueillies par l’EIGE, le tableau qui se dessine est disparate et inégal d’un pays à l’autre. Tous les États membres ne disposent pas de données ventilées par sexe, bien que la Commission européenne en ait fait la demande, afin de pouvoir donner un compte rendu régulier et ponctuel des dépenses liées à l’égalité de genre dans les PNRR sur la base de certains éléments communs.

3.9.

Dès lors qu’ils n’ont pas tous fourni des analyses sexospécifiques approfondies en préalable à l’élaboration des PNRR, nous ne disposons pas d’une évaluation de l’impact que les mesures ont produit pour des emplois supplémentaires et de qualité et sur l’emploi qualifié. L’égalité entre les femmes et les hommes a été considérée comme un principe transversal générique par 14 pays (8); seule l’Espagne a prévu que l’intégration des questions d’égalité entre les sexes serait un critère applicable à l’ensemble du PNRR. L’Italie a mis en place des mesures spécifiques en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes et calculé l’incidence des mesures sur l’augmentation de l’emploi, même si des préoccupations subsistent quant à leur efficacité réelle et à la qualité des interventions (9). Dans d’autres pays, des mesures indirectes ont été instituées pour favoriser l’égalité de genre, telles que les investissements dans la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, les investissements dans les services de soins, la promotion des formations STIM, l’amélioration des conditions de travail et la formation, soit autant d’initiatives qui auront un impact à moyen et long terme, sans qu’il soit cependant possible de le quantifier aujourd’hui. Parallèlement à ces investissements, certains États membres ont prévu des mesures directes telles que des incitations à l’embauche et des aides à l’entrepreneuriat féminin.

3.10.

Une attention particulière a été accordée par certains pays à l’intégration de mesures de conditionnalité pour le recrutement de femmes et de jeunes dans les marchés publics passés avec les ressources tirées de leur PNRR (10). Il serait souhaitable qu’une réglementation des appels d’offres publics indique explicitement aux acteurs chargés de leur mise en œuvre les objectifs qui sont poursuivis s’agissant de l’égalité entre les hommes et les femmes.

3.11.

Parmi les PNRR qui innovent dans ce domaine figurent notamment ceux de l’Espagne, de l’Italie et de la France. Le plan espagnol a pris un engagement significatif en prévoyant que toutes les procédures administratives publiques doivent comporter une perspective de genre. L’italien a introduit des lignes directrices sur l’égalité des chances dans les marchés qu’il finance, prévoyant l’application de mesures de préférence et de clauses types dans les appels d’offres, avec une différenciation selon le secteur, le type et la nature du projet, les soumissionnaires étant tenus de réserver aux jeunes de moins de 36 ans et aux femmes 30 % des embauches servant à la réalisation du marché, de même que d’avoir obtenu une certification attestant leur respect de l’égalité de genre. Le dispositif français, quant à lui, a prévu l’introduction de nouveaux indicateurs pour les entreprises, qui y mesurent l’égalité professionnelle et les progrès obtenus au moyen d’un plan d’action, tandis que ceux de l’Irlande et de la Croatie accordent des bonifications financières aux sociétés qui adoptent des critères concernant la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes (11).

3.12.

Le rapport de la Commission européenne de juillet 2022 souligne que, lors de l’élaboration des PNRR, les consultations avec les partenaires économiques et sociaux et les organisations de la société civile ont été des plus modestes et sporadiques. Les acteurs sociaux et les autres organisations de la société civile expriment de vives préoccupations quant à leur participation à la phase de mise en œuvre et de suivi des actions. En particulier, les experts qui se penchent sur l’égalité de genre constatent (12) qu’en l’absence de données qui soient fiables, comparables, ciblées et ventilées par genre, mais, aussi et surtout, qui présentent une bonne qualité et couvrent les différents domaines et secteurs, il sera difficile d’évaluer l’impact des mesures. Le CESE recommande vivement que les institutions tant européennes que nationales et régionales associent davantage les partenaires sociaux et les organisations de la société civile actives dans la promotion de l’égalité des chances à la mise en œuvre, à l’évaluation et au suivi des PNRR.

4.   Évaluations du contexte des PNRR

4.1.

Le CESE souligne à quel point il importe de mettre en œuvre le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, qui a fait de l’égalité entre les sexes l’un des 17 objectifs de développement durable, ainsi que les visées que la communication de la Commission européenne du 5 mars 2020 intitulée «Une Union de l’égalité: stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025» (13) énonce en ce qui concerne la participation égale des femmes et des hommes aux différents secteurs économiques et l’écart de rémunération qui existe entre eux.

4.2.

La stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes comprend des politiques et des actions visant à lutter contre toutes les formes de discrimination et d’inégalité, y compris à l’égard de la communauté LGBTIQ (14), et doit servir de point de référence pour la mise en œuvre des PNRR. Le CESE souligne qu’il importe de mettre en œuvre des actions clés, avec le concours de tous les acteurs concernés, afin de garantir une égalité en matière de participation et de chances sur le marché du travail, de réduire le fossé salarial entre les sexes à travail égal et les difficultés d’accès des femmes aux postes d’encadrement supérieur, ainsi que de parvenir à un équilibre entre les hommes et les femmes dans le processus décisionnel et politique. De même, le CESE plaide en faveur d’une adoption et d’une mise en œuvre rapides de la directive sur la transparence salariale (15), qui définit des instruments et des actions au niveau national pour remédier à ce fossé et le combler, et appelle à une surveillance étroite de ses causes et des responsabilités en la matière.

4.3.

Il y a lieu d’aborder l’objectif d’une meilleure participation des femmes au marché du travail d’une manière structurelle et globale, en tenant compte des variables de nature économique, éducative, géographique, sociale et culturelle, y compris dans les zones reculées et rurales. À cet égard, il convient d’adopter une approche intégrée qui exploite méthodiquement l’apport de toutes les institutions européennes, nationales et régionales, grâce à des mécanismes de dialogue social avec tous les acteurs concernés et à tous les niveaux.

4.4.

Afin d’accroître la participation des femmes au marché du travail, le CESE note qu’il est urgent que tous les États membres mettent en œuvre au plus tôt la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil (16), concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, qui instaure des règles en matière de congés familiaux et des formules souples de travail pour les travailleurs et promeut un partage équitable des responsabilités familiales entre les parents, en aidant à supprimer les obstacles qui entravent le libre choix des ménages en matière de maternité et de parentalité.

4.5.

Les recommandations par pays de 2019 et 2020 qui ont été adoptées au titre du semestre européen à propos des mesures à prendre pour réduire les inégalités entre les sexes ont incité certains États membres à intégrer une dimension de genre dans leur PNRR (17), mais ces efforts s’inscrivent dans un cadre d’action qui est malheureusement compartimenté entre les différents pays.

4.6.

Du fait de la pandémie et de son impact sur la situation des femmes, les recommandations par pays y afférentes ont été émises de manière sporadique et ponctuelle. En 2022, seuls trois pays, l’Autriche, l’Allemagne et la Pologne, ont reçu des recommandations par pays concernant la participation féminine au marché du travail et le fonctionnement des services de garde d’enfants, tandis que celles adressées à 22 autres ont évoqué les groupes défavorisés (18), aboutissant à des mesures indirectes, difficiles à quantifier, en faveur de l’emploi ou de la situation des femmes. Le CESE note qu’eu égard aux données concernant l’incidence de la crise de la COVID-19 sur la situation économique et sociale des femmes, il eût été souhaitable d’émettre des recommandations par pays spécifiques en matière d’égalité de genre, afin de promouvoir d’entrée de jeu une programmation cohérente dans les PNRR, notamment au moyen d’investissements ciblés.

4.7.

Dans plusieurs rapports, l’EIGE souligne la répartition inégale des charges au sein des familles, notamment en ce qui concerne les services de garde d’enfants et de prise en charge de longue durée de personnes âgées et personnes handicapées (19). Ces responsabilités sont l’une des principales raisons du faible taux de participation des femmes au marché du travail (20). Avec le confinement et la fermeture des écoles, la situation s’est détériorée. Dans ce contexte, il convient de noter que de nombreux PNRR, reconnaissant le lien qui existe entre les services de prise en charge non rémunérés et les mesures de conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, ont mis en place des mesures spécifiques privilégiant le renforcement des services à l’enfance (21).

4.8.

Il convient que ces services deviennent également accessibles pour les ménages les moins aisés, grâce à une révision de leurs critères de tarification qui facilite leur utilisation par tous. Il conviendrait de veiller particulièrement à promouvoir l’horaire plein dans l’ensemble des écoles, toutes catégories et tous niveaux confondus, au moyen d’activités scolaires et extrascolaires, à mettre en œuvre des services complémentaires dans les écoles maternelles, tels que l’accueil avant et après les classes, et à renforcer l’offre publique de centres estivaux pour les filles et les garçons. Il s’agit de mesures indirectes pour lesquelles il y a lieu de dégager des canaux d’investissement sûrs et durables mais qui, malheureusement, ne bénéficient pas, dans les PNRR, d’une programmation des ressources à moyen et long terme.

4.9.

Le CESE plaide pour que des actions de formation intégrant la perspective de genre soient dispensées aux travailleurs des centres pour l’emploi, afin de créer et de répandre une culture exempte de stéréotypes sexistes. Dans ce même contexte, il importe de promouvoir des partenariats entre les entreprises et les travailleurs dans le domaine de l’emploi et de la formation afin de favoriser l’insertion des femmes dans les secteurs où l’emploi masculin est prédominant.

4.10.

Le CESE approuve l’idée de privilégier les incitations aux entreprises qui embauchent des femmes habilitées à bénéficier de politiques actives, en leur offrant des contrats de travail stables et de bonnes conditions de travail. Sont également importantes les mesures d’incitation et de soutien à l’autoentrepreneuriat, prenant notamment la forme d’un soutien ciblé à la formation en matière de finance, de gestion et d’accès aux instruments financiers (22).

5.   Observations spécifiques

5.1.

La crise a durement touché les femmes, lesquelles se retrouvent souvent dans des situations qui les amènent à accepter des emplois même s’ils sont déqualifiants. En outre, le travail à temps partiel involontaire est un mode d’activité de plus en plus répandu parmi les travailleuses. Afin d’inverser la tendance et d’accroître la participation des femmes au marché du travail et de favoriser un emploi de qualité et qualifié, il est prioritaire de renforcer les mesures directes et indirectes prévues à cet effet dans les PNRR.

5.2.

Pour réduire les écarts entre les hommes et les femmes, le CESE recommande de réaliser de programmer les PNRR d’une manière coordonnée et complémentaire avec tous les autres fonds et programmes européens, en se fondant sur les ressources et programmes en matière en faveur de la cohésion.

5.3.

Les différences et les inégalités entre les hommes et les femmes font que les politiques publiques ne sont pas neutres du point de vue du genre, et il est donc important que toutes les institutions, tant européennes que nationales et locales, intègrent la dimension de genre dans leur processus budgétaire à titre de dispositif complémentaire aux politiques fiscales. À cette fin, le CESE recommande que l’intégration de la dimension de genre dans l’établissement des budgets soit une obligation prévue dans le cadre du semestre européen (23).

5.4.

Le CESE met en garde contre le risque que la facilité pour la reprise et la résilience, telle qu’elle est conçue, puisse accroître les inégalités dans certains secteurs de production, notamment dans le cas de l’écologie et du numérique. Bien que l’égalité entre les hommes et les femmes soit une priorité transversale, le danger existe qu’en l’absence d’initiatives spécifiques et mesurables visant à promouvoir l’emploi des femmes, y compris pour les postes hautement qualifiés dans les domaines où elles sont fort présentes, leur retard sur les hommes en matière professionnelle ne se creuse encore et qu’elles risquent d’être cantonnées de manière encore plus marquée dans des activités moins lucratives.

5.5.

Les PNRR devraient prévoir des indicateurs comparables pour mesurer les améliorations en matière d’égalité salariale, d’accès au marché du travail par secteur, de conciliation des plages d’activité professionnelle et de tâches de prise en charge, de facilités de crédit et de mesures d’encouragement en faveur de l’autoentrepreneuriat et de l’autoemploi des femmes.

5.6.

Les incitations à embaucher des femmes à durée indéterminée devraient être privilégiées par rapport à d’autres mesures incitatives et être exclues de la liste des aides d’État.

5.7.

Améliorer la conciliation entre les plages de travail et celles consacrées à des tâches de prise en charge constitue l’un des principaux objectifs à poursuivre pour libérer pleinement le potentiel des femmes dans le monde du travail et renforcer la productivité des entreprises. À cette fin, le CESE juge qu’il est prioritaire d’investir des ressources dans les services de conciliation du travail et des tâches de prise en charge, et ce, non seulement en fournissant des services complémentaires dans les écoles maternelles et en promouvant une gratuité progressive des services éducatifs de 0 à 3 ans pour les ménages à faibles revenus, mais aussi en renforçant les investissements dans la mise en œuvre de services d’assistance et de prise en charge de longue durée.

5.8.

Pour réaliser les objectifs concernant les services qui aident à concilier les plages d’activité professionnelle et celles consacrées à des tâches de prise en charge, il est nécessaire de pouvoir s’appuyer sur le recrutement de personnes dotées des compétences spécifiques en la matière et sur la formation continue qui s’impose pour tous les professionnels assurant ces prestations.

5.9.

Le CESE souligne qu’il importe d’étendre à tous les marchés publics un critère qui avantage l’embauche des femmes, afin de soutenir les entreprises qui s’engagent à créer des emplois stables, à renforcer l’inclusion sociale et à réduire les écarts entre les hommes et les femmes en matière d’emploi.

5.10.

L’écart entre les hommes et les femmes dans les matières scientifiques est très prégnant et se creuse dès les premiers cycles d’enseignement. Malheureusement, seuls quelques PNRR ont prévu des mesures visant à accroître la participation des femmes aux instituts techniques et scientifiques et aux cours universitaires à caractère technico-scientifique, concernant les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STIM). Il est donc nécessaire de réaliser des investissements spécifiques dans des programmes de formation visant à encourager les filles à s’engager dans le monde scientifique, ainsi que dans la recherche et le développement, tout comme d’investir et d’élaborer de nouvelles formes de soutien en faveur de projets ciblés qui assurent une participation accrue des femmes à des activités novatrices. Ces interventions auront une incidence positive à moyen et à long terme et doivent donc être programmées selon une approche stratégique.

5.11.

Le CESE considère qu’il s’impose aussi d’agir sur le plan fiscal, comme le relève également la Commission européenne (24), ainsi que sur la base du droit national, en réduisant l’imposition de la deuxième source de revenus des ménages, laquelle correspond souvent à celle des femmes dans les familles à faibles revenus. Il est également important d’alléger la charge fiscale pesant sur les rentrées des familles monoparentales les plus démunies.

5.12.

En plus des mesures prévues dans les PNRR et à titre de mesures stratégiques d’accompagnement, le CESE propose de rendre obligatoire une certification de l’égalité entre les sexes, l’objectif étant de réduire l’écart qui les sépare et d’améliorer les conditions de travail des femmes, de lutter contre la violence fondée sur le genre (25), de diffuser, par la négociation avec les partenaires sociaux, le travail intelligent et d’instaurer un travail à temps partiel volontaire rémunéré selon la pratique et la réglementation nationales, pour les femmes qui reprennent leur activité professionnelle après un congé de maternité.

5.13.

Le CESE se félicite de l’approche de travail que la Commission européenne a adoptée dans son rapport, en prévoyant d’effectuer un suivi des actions des PNRR de chaque pays du point de vue de l’égalité entre les hommes et les femmes. Il importera que ses missions dans les différents États membres accordent une attention particulière aux mesures mises en place en matière d’égalité de genre, en assurant la gestion de données transparentes et accessibles.

5.14.

Le CESE recommande que les partenaires économiques et sociaux et la société civile soient pleinement associés à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des PNRR, y compris par la création de «postes de pilotage» qui, au niveau européen et national, s’attacheront à promouvoir une programmation coordonnée des initiatives en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), étude sur le thème Gender equality and gender mainstreaming in the COVID-19 recovery (L’égalité entre les hommes et les femmes et l’intégration de la dimension de genre dans la relance face à la COVID-19, publication prévue en 2023).

(2)  Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (JO L 57 du 18.2.2021, p. 17).

(3)  Ces indicateurs spécifiques sont les suivants: a) chercheurs travaillant dans des installations de recherche bénéficiant d’un soutien; b) nombre de participants suivant un enseignement ou une formation; c) nombre de personnes occupant un emploi ou engagées dans la recherche d’un emploi; d) nombre de jeunes âgés de 15 à 29 ans bénéficiant d’un soutien.

(4)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), note de recherche sur le thème Gender equality and the socio-economic impact of the COVID-19 pandemic (L’égalité entre les femmes et les hommes et les conséquences socio-économiques de la pandémie de COVID-19).

(5)  COM(2022) 383 final.

(6)  Les Pays-Bas ont présenté leur PNRR en retard par rapport à d’autres pays et celui de la Hongrie est suspendu à l’heure qu’il est, pour des questions afférentes au respect de l’état de droit.

(7)  Voir note 1 et l’article intitulé PNRR Italia, Gender Gap e politiche per l’innovazione e la digitalizzazione nel PNRR: quali misure? (Le PNRR de l’Italie, l’écart hommes-femmes et les politiques en faveur de l’innovation et de la numérisation dans le PNRR: quelles mesures?), Marusca de Castris, Université de Rome III, et Barbara Martini, Université de Rome Tor Vergata, septembre 2022.

(8)  Voir note 1.

(9)  Voir note 6.

(10)  La passation de marché intégrant la dimension de genre constitue une stratégie innovante que la Commission européenne a mise en place pour favoriser les investissements en faveur de l’égalité, en instaurant des exigences ou des paramètres de préférence spécifiques tenant compte de la dimension de genre pour la participation aux marchés publics, ainsi que des critères d’attribution incluant des paramètres sociaux. Les marchés publics intégrant la dimension de genre visent à accroître l’égalité entre les sexes sur le marché du travail, à améliorer la présence des femmes à des postes de haut niveau et à réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes.

L’EIGE a publié en 2022, sous le titre Gender-responsive public procurement: the key to fair and efficient public spending in the EU (Les marchés publics attentifs à la dimension de genre, facteur clé pour des dépenses publiques équitables et efficaces dans l’Union européenne), un rapport dans lequel il montre, grâce à des études de cas et des recommandations, comment les marchés publics peuvent donner des orientations et un soutien en matière d’égalité de genre, en améliorant l’efficacité et la qualité de la dépense publique.

(11)  Données issues d’analyses de l’EIGE, voir note 1.

(12)  Voir la note d’information du Parlement européen Gender equality in the Recovery and Resilience Facility (L’égalité entre les hommes et les femmes dans la facilité pour la reprise et la résilience), d’avril 2022, qui fait écho à des préoccupations énoncées dans différentes études réalisées à l’échelon national par des centres de recherche ou des universités.

(13)  Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au CESE et au Comité des régions du 5 mars 2020 [COM(2020) 152 final].

(14)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Union de l’égalité: stratégie en faveur de l’égalité de traitement à l’égard des personnes LGBTIQ pour la période 2020-2025» [COM(2020) 698 final] (JO C 286 du 16.7.2021, p. 128).

(15)  La proposition de directive sur la transparence salariale est en cours de négociation en trilogue.

(16)  Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil (JO L 188 du 12.7.2019, p. 79).

(17)  Rapport du Parlement européen — Country Specific Recommendations and Recovery and Resilience Plans — Thematic overview on gender-related issues (Analyse détaillée — Recommandations par pays et plans pour relance et la résilience — Aperçu thématique des questions liées au genre), octobre 2021.

(18)  Voir note 14.

(19)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle des membres de la famille qui s’occupent de personnes handicapées et de personnes âgées: l’explosion du phénomène pendant la pandémie» (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 75), qui formule des recommandations importantes sur les mesures à prendre.

(20)  Rapport de l’EIGE intitulé Gender mainstreaming — gender stakeholder consultation (Intégration de la dimension de genre — Consultation des parties prenantes en matière de genre), publié en 2019.

(21)  Voir note 1.

(22)  Le PNRR espagnol consacre 36 millions d’euros à l’aide aux femmes entrepreneures de jeunes entreprises innovantes, tandis que celui de l’Italie mobilise 400 millions d’euros pour soutenir la participation féminine à des activités entrepreneuriales.

Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’investissement réalisé dans une optique de genre comme moyen d’améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne» (JO C 100 du 16.3.2023, p. 16), qui présente des propositions visant à encourager les investissements dans l’entrepreneuriat féminin.

(23)  Document de discussion de la Commission européenne, Gender Budgeting Practices: Concepts and Evidence (Pratiques de budgétisation attentive au genre: concepts et réalités), juin 2022.

(24)  Voir note 10.

(25)  Les États membres ont été invités à ratifier la convention no 190 de l’Organisation internationale du travail sur la violence et le harcèlement au travail, laquelle ne l’a été jusqu’à présent que par deux pays européens.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/16


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’investissement réalisé dans une optique de genre comme moyen d’améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/03)

Rapporteure:

Ody NEISINGH

Corapporteure:

Maria NIKOLOPOULOU

Consultation

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

23.11.2022

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

172/6/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est fermement convaincu qu’avec la collaboration des hommes et des femmes, et en créant un terrain fertile pour l’entrepreneuriat féminin et des instruments financiers et législatifs appropriés, tels que l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire, il est possible d’instaurer un écosystème financier inclusif dans l’Union et ses États membres tout en progressant plus rapidement vers l’égalité entre les hommes et les femmes.

1.2.

L’intégration de la dimension de genre requiert des données, des analyses d’impact et des indicateurs communs. Les données et les indicateurs provenant des États membres et utilisés par les institutions au niveau de l’Union doivent être harmonisés afin de contribuer à combler l’écart entre les hommes et les femmes. Le CESE souligne que l’Union européenne devrait collecter des données ventilées par sexe dans le contexte européen des investissements et les intégrer dans l’indice annuel d’égalité de genre.

1.3.

Afin d’accélérer la croissance future de l’entrepreneuriat féminin, il convient de se pencher sur le rôle des investisseurs providentiels et des investissements d’amorçage, ainsi que sur le «cercle de rétrocession» (circle of giving back).

1.4.

Le CESE a la ferme conviction que l’amélioration de la position des femmes en ce qui concerne l’octroi des fonds entraînera un effet de retombée positif qui produira de meilleurs résultats financiers et sociaux.

1.5.

Pour créer un terrain propice à l’entrepreneuriat féminin, le CESE juge important d’offrir aux femmes davantage de possibilités de mise en réseau et de formation, ainsi que des programmes de tutorat. En outre, le Comité souligne l’importance de l’éducation pour lutter contre les stéréotypes sexistes, y compris les idées stéréotypées des entrepreneurs masculins, et de construire une culture entrepreneuriale qui prépare les femmes à voir grand.

1.6.

Le CESE invite les États membres à accorder aux entrepreneuses l’accès aux prestations de maternité et à des possibilités de congé parental, conformément aux principes énoncés dans la recommandation du Conseil relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale.

1.7.

Le CESE souligne que les États membres devraient commencer à susciter l’intérêt des filles pour les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) à un stade précoce, à soutenir les entrepreneuses et promouvoir les modèles féminins dans ces secteurs ou encore à investir dans des programmes visant à faire en sorte que les filles qui sont élèves au niveau secondaire s’intéressent aux STIM.

1.8.

Le CESE recommande d’intégrer les questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans le plan d’action pour l’économie sociale en prévoyant des actions ciblées en faveur des femmes et en conservant une perspective de genre en tant que critère lors de l’allocation des fonds européens et nationaux, ainsi que dans les marchés publics, afin de promouvoir et de retenir les talents féminins sur le marché du travail.

1.9.

Le CESE suggère que la diversité des équipes, avec une attention particulière accordée à la présence des femmes, soit un critère pour bénéficier d’un financement public. Il est important de fixer des normes spécifiques pour éviter le pinkwashing (1).

1.10.

Le CESE recommande qu’à moyen terme, toutes les institutions européennes et l’ensemble des États membres utilisent des outils de budgétisation tenant compte de la dimension hommes-femmes à tous les niveaux du processus budgétaire. La participation de la société civile et le dialogue social revêtent également une importance capitale pour détecter les domaines qui doivent être traités par la voie budgétaire.

1.11.

Les préjugés inconscients qui persistent dans le secteur financier imposent de mettre en place des campagnes de sensibilisation et des formations à l’intention des investisseurs et des jurys. Par ailleurs, le CESE estime que tous les jurys des institutions financières européennes devraient parvenir dès que possible à un équilibre hommes-femmes, afin de prévenir les phénomènes d’homophilie à savoir les préjugés faisant que nous sommes attirés par des personnes qui nous ressemblent, et recevoir également une formation sur les préjugés inconscients.

1.12.

Le CESE suggère que la Commission européenne publie une évaluation de l’impact selon le genre du budget annuel de l’Union, présentée sous la forme d’un document d’annexe, et qu’elle crée un groupe de travail chargé de participer aux négociations en vue de l’harmonisation et de l’inclusion des objectifs européens en matière d’intégration des questions de genre dans le prochain CFP (2028-2034) et dans le réexamen à mi-parcours du CFP actuel (2021-2027) (2).

1.13.

Le CESE demande de veiller à ce que les organisations de femmes aient un meilleur accès aux fonds de l’Union en simplifiant les procédures et en octroyant des subventions pour leur activité principale.

1.14.

Enfin, le CESE appelle de ses vœux une vision ambitieuse de la part de la Commission et des institutions européennes en ce qui concerne l’intégration de la dimension de genre dans le processus budgétaire et l’investissement réalisé dans une optique de genre, notamment la définition d’objectifs concrets en matière d’octroi de financements aux femmes et d’indicateurs clés de performance pratiques, l’adoption d’une législation, la mise en place de critères actualisés et l’élaboration de programmes (renforcés) en faveur de l’amélioration de l’entrepreneuriat féminin et de l’accès des femmes au financement (par exemple, des subventions spécifiques pour les femmes, des financements spécifiques en commandite pour les fonds détenus et codétenus par des femmes, des garanties de prêts ou des microfinancements, des plateformes de co-investissement, des obligations axées sur l’égalité hommes-femmes ou des microcrédits).

2.   Observations générales

2.1.

L’intégration de la dimension de genre est un objectif central de l’Union européenne, conformément à l’article 2 du traité sur l’Union européenne et à l’article 8 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Malgré ces obligations juridiques visant à garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, les progrès en matière d’intégration effective de la dimension de genre, notamment en ce qui concerne les finances et les budgets, ont été lents.

2.2.

Le présent avis entend mettre l’accent sur les défis et les possibilités liés à l’entrepreneuriat, aux investissements publics et privés et à la budgétisation en lien avec l’égalité entre les femmes et les hommes, et appelle les institutions européennes et les États membres à adopter une vision ambitieuse en ce qui concerne l’investissement réalisé dans une optique de genre et l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire. La priorisation de ces questions aura une incidence positive sur la réalisation des objectifs de développement durable en matière d’égalité entre les hommes et les femmes (ODD 5) et de réduction des inégalités (ODD 10). Il importe également de reconnaître que, pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, tant les femmes que les hommes doivent collaborer à sa promotion.

2.3.

Selon la Commission, les femmes représentent environ 52 % de la population totale en Europe, mais seulement 34,4 % des travailleurs indépendants et 30 % des jeunes entrepreneurs (3).

2.4.

Les équipes entièrement constituées par des hommes reçoivent près de 92 % de l’ensemble du capital-risque investi en Europe. En ce qui concerne les financements, à un stade précoce, seuls 1 % de ceux-ci sont alloués à des entreprises dirigées par des femmes, et ce niveau de financement ne dépasse jamais 30 % aux stades ultérieurs, même si l’on constate que les équipes de femmes créatrices d’entreprises et les équipes mixtes sont plus performantes que leurs homologues masculins (4) (5) (6) (7).

2.5.

En mars 2017, l’OCDE a observé que les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de déclarer avoir accès aux financements nécessaires pour créer une entreprise dans tous les pays, à l’exception des États-Unis, du Mexique, de la Grèce et de l’Indonésie. Cette disparité entre les sexes peut être liée au fait que les femmes ont des niveaux d’expérience plus faibles ou sont actives dans des secteurs hautement compétitifs et à faible croissance, ainsi qu’à une évaluation du risque de crédit entachée de préjugés sexistes ou à des stéréotypes du même type dans les évaluations des investissements. Les femmes sont aussi souvent entravées par un accès moindre aux services financiers de base (par exemple, les comptes de chèque et les comptes d’épargne) (8). En outre, les femmes exerçant une activité indépendante sont plus susceptibles que leurs homologues masculins d’être des emprunteurs découragés.

2.6.

Selon la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025 de la Commission, seuls un décideur sur dix dans les sociétés de capital-investissement et de capital-risque est une femme, même si certains fonds privés identifiés comme ayant un fonctionnement soucieux de l’égalité des sexes comptent 72 % de femmes partenaires. Des conclusions d’études indiquent qu’en moyenne, 85 % des partenaires commandités des sociétés de capital-risque sont des hommes et seulement 15 % sont des femmes. Lorsque les femmes sont partenaires, elles ont tendance à l’être dans des fonds de moindre importance.

2.7.

La pandémie de COVID-19 a creusé les disparités entre les hommes et les femmes et les inégalités économiques. Sur le plan social et économique, il existe une différence nette entre la manière dont le coronavirus a affecté les hommes et les femmes. La pandémie de COVID-19 a également eu une incidence sur l’accès des femmes au financement. Si les chiffres européens font défaut, les chiffres américains indiquent que les États-Unis ont même connu un creusement de l’écart existant entre les sexes en matière de financement du capital-risque pour les jeunes pousses dirigées par des femmes (9).

2.8.

À l’échelle mondiale, la prise de conscience à l’égard de l’investissement réalisé dans une optique de genre continue de gagner du terrain. L’écosystème européen d’investissement pour les cheffes d’entreprises et créatrices d’entreprises reste cependant fragmenté, et il n’est pas axé sur l’égalité entre les hommes et les femmes d’une manière systémique et stratégique (10). Les fonds spécifiques pour l’égalité entre les hommes et les femmes sont rares et ces initiatives ne parviennent pas à attirer davantage de femmes entrepreneurs. Dans l’Union européenne, environ 50 % du financement provient de l’argent du contribuable. Un effort collectif au niveau de l’Union visant à créer un écosystème de financement plus nuancé selon le genre et plus égalitaire, et à introduire un accompagnement tout au long du processus de création d’une entreprise peuvent déboucher sur un consensus et aussi aider à surmonter les obstacles au changement.

2.9.

Lorsque nous parlons de l’investissement réalisé dans une optique de genre, il convient d’être conscient de toutes les intersections avec d’autres inégalités qui influencent encore davantage l’accès au financement, telles que celles que connaissent les femmes handicapées, les femmes ayant un statut socio-économique faible, les jeunes femmes, les femmes issues de l’immigration, ou encore l’intersection avec l’orientation sexuelle, la race, etc.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE a la ferme conviction que l’amélioration de la position des femmes dans le cadre de l’octroi des fonds entraînera un effet de retombée positif qui produira de meilleurs résultats financiers et sociaux. Lorsque des investisseuses en capital-risque prennent des décisions, elles sont deux fois plus susceptibles d’investir dans des équipes entrepreneuriales féminines, ce qui permet d’augmenter le taux d’emploi des femmes. Les jeunes entreprises fondées par des femmes recrutent 2,5 fois plus de femmes pour leur personnel. Les entreprises qui comptent une femme fondatrice et une femme dirigeante recrutent six fois plus de femmes (11).

3.2.

La collecte de données est primordiale pour évaluer la situation actuelle et concevoir des stratégies pour aller de l’avant. En dépit des efforts à cet égard — la Commission, le Conseil, l’OCDE, Eurostat et l’EIGE collectent des données sur plusieurs aspects liés au genre —, les données devraient être harmonisées pour pouvoir contribuer à combler l’écart entre les hommes et les femmes. Il y a lieu de rendre obligatoire la collecte de données pertinentes pour les États membres. Les méthodes et les indicateurs employés devraient être regroupés afin d’offrir un panorama global et de pouvoir s’appuyer sur des données complémentaires (préjugés sociaux, ethniques, intersectionnels, etc.) pour permettre le suivi et l’évaluation des progrès accomplis et des politiques. En outre, il convient de réaliser des études analytiques plus régulières et de meilleure qualité. Le CESE souligne que l’Union européenne devrait collecter des données ventilées par sexe dans le contexte européen des investissements et les intégrer dans l’indice annuel d’égalité de genre.

3.3.

Il est tout aussi important de se pencher sur le montant des émissions (le montant investi) et sur le rôle des investisseurs providentiels et des investissements d’amorçage. Un autre aspect qui mérite d’être examiné est le «cercle de rétrocession» (circle of giving back), à savoir lorsque des femmes ayant bénéficié d’investissements pour leur entreprise sont parvenues à la faire croître et à développer leurs propres capitaux d’investissement, et deviennent elles-mêmes des investisseurs providentiels. Le «cercle de rétrocession» pourrait être un facteur accélérateur positif de la croissance future de l’entrepreneuriat féminin et être renforcé grâce à des campagnes de promotion ciblées, visant à améliorer la compréhension globale des possibilités et des contributions que peuvent apporter les investisseurs providentiels, combinées à des informations relatives à la manière de créer son entreprise. Les États membres pourraient également étudier la possibilité de mettre en place des allégements fiscaux à l’appui de cette démarche.

3.4.

Le CESE estime que l’intégration de la dimension de genre dans l’Union deviendra une réalité si l’on promeut activement l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines de l’élaboration des politiques et de la prise de décisions, en ce compris les politiques sociales et de cohésion et la politique de concurrence de l’Union, et dans les dépenses budgétaires européennes. Les conditions préalables nécessaires et un suivi efficace au cours de la mise en œuvre, de manière à ajuster, le cas échéant, les mesures politiques, font toujours défaut. Sachant que les effets de la pandémie de COVID-19 ne sont pas neutres du point de vue du genre, le CESE invite une nouvelle fois les décideurs politiques à tous les niveaux à respecter le principe de l’intégration de la dimension de genre et à inclure celle-ci dans toutes les décisions, y compris celles qui concernent la budgétisation, les investissements et les financements, ou encore les marchés publics. Cela inclut également le cycle budgétaire du CFP 2021-2027 et les plans pour la reprise et la résilience, et il convient de mettre en place des évaluations de l’impact selon le sexe, des indicateurs contraignants appropriés, ainsi que des systèmes de suivi et d’évaluation (12).

3.5.

Un récent rapport de la Cour des comptes européenne indique que la Commission n’a accordé que peu d’attention à l’analyse des disparités liées au sexe dans le cadre de son examen des politiques et des programmes. Elle a fait un usage limité des données ventilées par sexe et des indicateurs liés au genre, et elle a publié peu d’informations concernant l’impact global du budget de l’Union sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Toutefois, dans les domaines où des exigences légales détaillées ont été établies, l’intégration de la dimension de genre dans les programmes a été facilitée.

4.   Actions concrètes

4.1.   Créer un terrain favorable à l’entrepreneuriat féminin

4.1.1.

Pour créer un terrain propice à l’entrepreneuriat féminin, le CESE juge important de proposer aux femmes davantage de possibilités de mise en réseau et de formation, ainsi que des programmes de tutorat. Il est essentiel que les femmes développent un «réseau de vieilles amies» parallèlement au «réseau de vieux amis» qui existe déjà, car les réseaux de femmes ont tendance à être moins étendus et moins diversifiés. Les modèles féminins et les tutrices jouent aussi un rôle important: une étude réalisée en Italie indique que 70 % des filles appréhendent leur avenir différemment après avoir rencontré un modèle féminin.

4.1.2.

Les idées stéréotypées sur l’entrepreneuriat sont implantées dès l’école primaire. Le Comité souligne l’importance de l’éducation pour lutter contre les stéréotypes sexistes, y compris les idées stéréotypées des entrepreneurs masculins, et pour construire une culture entrepreneuriale qui prépare les femmes à voir grand. En Europe, des connotations sociales négatives associées aux entrepreneuses et aux cadres féminins existent toujours. En outre, les écoles jouent un rôle essentiel dans le renforcement des capacités financières et entrepreneuriales, et ces compétences devraient figurer dans les programmes scolaires dès l’enseignement primaire et être renforcées et développées dans l’ensemble du système scolaire. Mettre en place des foires consacrées à l’entrepreneuriat et d’autres programmes dans le cadre desquels les femmes pourraient avoir accès à des capitaux d’amorçage, et qui stimuleraient, par exemple, l’intérêt des filles pour les études scientifiques, constituerait un bon moyen d’encourager, à un stade précoce, l’entrepreneuriat féminin.

4.1.3.

Le «syndrome de l’imposteur», un mécanisme psychique qui fait douter les personnes de leurs capacités et crée chez elles le sentiment de ne pas être à la hauteur de l’activité qu’elles exercent, s’observe à grande échelle chez les entrepreneuses. Renforcer les capacités et l’estime de soi des femmes tout au long de leur parcours éducatif permettra d’atténuer ce phénomène et d’ouvrir davantage de perspectives de développement pour les femmes (13).

4.1.4.

Dans une large mesure, la pauvreté en temps dont pâtissent actuellement les femmes en raison de responsabilités familiales non rémunérées constitue un obstacle à l’esprit d’entreprise. Les changements culturels, tels que le partage des responsabilités entre les partenaires en ce qui concerne la gestion du ménage et la prise en charge des enfants et d’autres personnes, combinés à des mesures systémiques telles que des soins abordables ou gratuits pour les enfants et les personnes âgées, sont essentiels. Le CESE invite les États membres à accorder aux entrepreneuses l’accès aux prestations de maternité et au dispositif de congé parental, conformément aux principes énoncés dans la recommandation du Conseil relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale (14) (15).

4.1.5.

Les programmes de formation à l’entrepreneuriat ciblant les femmes ont tendance à se concentrer sur les marchés et les secteurs où elles sont déjà bien représentées. Dans certains secteurs, tels que les hautes technologies ou le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), les cheffes d’entreprise font cruellement défaut. Le CESE souligne que les États membres devraient commencer à susciter l’intérêt des filles pour ces filières à un stade précoce, à soutenir les entrepreneuses et les modèles féminins dans ces secteurs et à investir dans des programmes visant à faire en sorte que les filles qui sont élèves dans le secondaire s’intéressent aux STIM.

4.1.6.

Le déséquilibre actuel entre les hommes et les femmes sur le marché du travail constitue également un obstacle aux activités futures des femmes. Celles-ci ont moins de possibilités d’acquérir la formation managériale et entrepreneuriale adéquate et l’épargne dont elles ont besoin pour démarrer leur entreprise. Les jeunes femmes sont dès lors confrontées à davantage d’obstacles pour créer une entreprise. En outre, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes ou l’absence de rémunération équitable peut limiter leurs ressources financières. De nombreuses possibilités de financement nécessitant un investissement initial privé de la part de l’entrepreneur, le CESE estime que la réduction de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et la correction du déséquilibre entre les sexes sur le marché du travail auront un effet positif sur l’entrepreneuriat féminin.

4.1.7.

Les femmes sont plus enclines à créer leur entreprise dans des domaines ayant une dimension durable et sociale visant à avoir un impact positif mesurable sur la société et à lancer une start-up sociale (16) (17). Les entreprises opérant dans le cadre de l’économie sociale placent les besoins économiques et sociaux des populations et de leurs travailleurs, ainsi que la durabilité environnementale, au cœur de leur projet. Elles investissent dans le bien-être et mettent les valeurs au centre de leurs activités. Par conséquent, augmenter le financement des projets d’économie sociale et intensifier la promotion de la création d’écosystèmes d’entreprises sociales devraient avoir une incidence positive sur l’émancipation et le développement économiques des femmes. De même, la promotion de l’entrepreneuriat féminin stimulera la croissance des entreprises sociales. Le plan d’action de la Commission pour l’économie sociale constate que «la prévalence des entrepreneuses est plus élevée dans l’entrepreneuriat social que dans l’entrepreneuriat traditionnel». Toutefois, le document ne prévoit aucune action ciblée visant à stimuler l’entrepreneuriat féminin, y compris l’entrepreneuriat social. Le CESE recommande d’intégrer les questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans ce plan d’action (18) en prévoyant des mesures ciblées en faveur des femmes.

4.2.   Induire un changement dans le secteur financier et de l’investissement

4.2.1.

L’Union devrait jouer un rôle de premier plan dans la création d’un environnement propice à un écosystème tenant compte des sexospécificités. Quatre pays de l’Union représentaient la plus grande part du financement de série C bénéficiant aux entreprises dirigées par des femmes entre 2006 et 2018 en Europe: la Suède, l’Allemagne, l’Espagne et la France. Le succès de la démarche dans les pays les plus performants dans ce domaine s’explique notamment par le soutien d’un écosystème solide et des activités ciblées visant à promouvoir l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes (19). Le CESE recommande de mettre en place un réseau européen d’investisseurs soucieux de l’égalité entre les genres, qui permettra de partager les bonnes pratiques et de promouvoir les possibilités qui existent déjà en matière de financement de l’entrepreneuriat féminin. Le Investing in Women Code (code pour l’investissement en faveur des femmes) de la British Business Bank, dans le cadre duquel des entreprises de services financiers s’engagent à améliorer l’accès des entrepreneuses aux outils, aux ressources et au financement, pourrait être une source d’inspiration en vue d’une participation du secteur privé (20).

4.2.2.

Environ un décideur sur dix dans les sociétés de capital-investissement et de capital-risque est une femme. Il est nécessaire d’attirer les talents féminins et d’améliorer l’évolution de carrière des femmes au sein du secteur financier et de l’investissement si l’on veut transformer la culture masculine prédominant actuellement, qui rend peu attrayant pour les femmes d’entamer une carrière dans ce secteur ou d’y rester, en une culture inclusive. Cette culture devrait également permettre de mesurer le retour sur investissement, non seulement au moyen de rapports économiques, mais aussi en fonction des rendements sociaux et des retours en matière de durabilité des investissements réalisés. Pour cette raison, le CESE souhaite que la diversité en ce qui concerne la gestion et les équipes de créateurs d’entreprises devienne l’un des principaux critères pour bénéficier de financements publics, y compris de fonds de pension publics, ce qui permettra de promouvoir le recrutement et le maintien de talents féminins dans le secteur de la finance et de l’investissement. Le Comité suggère également que les États membres échangent les bonnes pratiques sur les méthodes de promotion, non seulement de la diversité des équipes, mais aussi des équipes dirigées par des femmes dans le secteur financier. Un label d’excellence ou une norme pour les acteurs du secteur de l’investissement devraient être mis au point. Une telle norme pourrait servir de critère dans le cadre des demandes de financements publics (21) et, contrairement à un engagement ponctuel, faire l’objet d’un audit et d’un réexamen annuel de manière à éviter le pinkwashing.

4.2.3.

Le CESE recommande que les institutions du secteur financier privé aient accès à l’assistance technique et aux formations en matière d’investissement réalisé dans une optique de genre fournies par l’Union européenne ou les États membres.

4.2.4.

Il existe un postulat général selon lequel les femmes ont tendance à être plus frileuses face au risque et plus prudentes que les hommes, et affichent un comportement concurrentiel moins agressif que leurs homologues masculins. Le CESE suggère de tenir compte de cette prédilection pour le risque moindre dans les instruments financiers et de concevoir des produits spécifiques pour certains projets à faible risque qui nécessitent moins de garanties et présentent des taux d’intérêt moins élevés pour obtenir un prêt ou couvrent un pourcentage plus élevé du capital initial lors de l’octroi d’une subvention.

Des préjugés, le plus souvent inconscients, persistent dans le secteur financier. On observe, par exemple, une préférence pour les présentations données par les hommes. Les préjugés penchent également en faveur de ces derniers lorsque les contenus rédigés par les femmes sont axés sur l’impact social, tandis que les hommes se concentrent davantage sur l’aspect financier et les chiffres. Des campagnes de sensibilisation et des formations sur les préjugés inconscients à l’intention des investisseurs et des jurys peuvent être extrêmement importantes pour sensibiliser à ces préjugés. Il est également essentiel d’attirer l’attention du secteur sur l’importance de privilégier des modèles d’entreprise solides et résilients, qui présentent une croissance lente mais robuste, plutôt que des modèles axés sur une croissance des recettes et une valorisation rapides et à court terme.

4.3.   Favoriser la budgétisation sensible au genre et l’investissement réalisé dans une optique de genre grâce au financement public

4.3.1.

Les budgets reflètent les priorités politiques et constituent l’instrument de politique économique le plus important pour transformer les sociétés. Les politiques publiques jouent un rôle de premier plan pour montrer la voie et mettre en place un environnement favorable aux investisseurs et, partant, créer des emplois décents. Il est reconnu de longue date que l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire, le financement ciblé en faveur de l’autonomisation des femmes, l’affectation des budgets, de même que la réglementation des procédures et processus des marchés publics qui tiennent compte des considérations de genre en tant que moyen de mettre en œuvre l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire, sont autant d’outils utiles pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes.

4.3.2.

La budgétisation sensible au genre est un processus au cours duquel les budgets publics sont examinés afin de déterminer s’ils contribuent à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes, et sont éventuellement remaniés pour s’assurer que ce soit le cas. L’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire nécessite une double approche qui comprend les deux volets suivants: l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les budgets et programmes, et un financement ciblé spécifique pour s’attaquer aux causes profondes de la disparité entre les sexes. La dimension de genre devrait être intégrée dans toutes les phases du cycle budgétaire, depuis les propositions budgétaires (ex ante), tout au long du processus des dépense proprement dit (ex nunc), jusqu’à l’évaluation et au contrôle des fonds effectivement dépensés (ex post). L’intégration de la dimension de genre dans l’ensemble du cycle budgétaire (planification, mise en œuvre, suivi et évaluation) requiert des données, des analyses d’impact et des indicateurs communs. Même s’il peut s’avérer difficile pour les États membres de collecter des données ventilées par sexe, il s’agit de la seule manière d’aller de l’avant et de mettre en place des politiques appropriées d’intégration de la dimension de genre.

4.3.3.

Le CESE recommande qu’à moyen terme, toutes les autorités européennes et l’ensemble des États membres utilisent des outils de budgétisation tenant compte de la dimension hommes-femmes à tous les niveaux du processus budgétaire. La participation de la société civile et le dialogue social revêtent également une importance capitale pour détecter les domaines qui doivent être traités par la voie budgétaire. Une analyse des disparités liées au sexe est une condition préalable à la budgétisation sensible au genre et à l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans les politiques (financières), notamment dans le cadre financier pluriannuel (CFP), le paquet «Next Generation EU» et les Fonds structurels et d’investissement européens. Il convient d’accorder une attention particulière à la politique de cohésion, qui est l’un des outils indispensables pour corriger les déséquilibres entre les pays et les régions. Le CESE recommande de collecter des données spécifiques à l’égalité entre les hommes et les femmes dans le cadre de la politique de cohésion, sur la base d’indicateurs explicitement élaborés à cette fin.

4.3.4.

Si le CESE se félicite du lancement par la Commission d’un programme de formation interne sur l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire, il fait observer que celui-ci ne se déploie encore qu’à petite échelle. Le Comité souhaite que toutes les personnes travaillant sur les budgets de la Commission et au sein des institutions financières européennes reçoivent une formation adéquate sur l’investissement réalisé dans une optique de genre, l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes et la budgétisation sensible au genre. Prévoir une telle formation au niveau national revêt également une importance cruciale pour la mise en œuvre des objectifs en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

4.3.5.

Le CESE estime qu’il est important de créer des fonds et des instruments financiers spécifiques pour soutenir l’entrepreneuriat féminin, notamment des fonds de capital-risque et de capital-investissement dirigés (ou codirigés) ou détenus par des femmes, ainsi que d’explorer des solutions de financement innovantes pour remédier aux défaillances du marché (par exemple, des subventions spécifiques pour les femmes, des financements spécifiques en commandite pour les fonds détenus et codétenus par des femmes, des garanties de prêts ou des microfinancements, des plateformes de co-investissement, des obligations axées sur l’égalité hommes-femmes ou des microcrédits).

4.3.6.

En outre, le CESE est d’avis qu’une mise à jour des critères des fonds d’investissement s’impose pour réduire l’écart entre les hommes et les femmes. Par exemple, si des fonds européens tels qu’InvestEU et le Fonds européen d’investissement considèrent l’«expérience» comme un critère important dans le financement des jeunes entreprises, mais pas la «diversité», ce qui revient à ne pas accorder aux femmes un accès égal au marché des capitaux. Le CESE suggère que la mise en place d’un plan en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui comprenne la stratégie du fonds en matière d’investissement réalisé dans une optique de genre et son engagement en faveur de l’égalité de genre, soit une condition prise en compte lors de l’évaluation des fonds de fonds, fonds de capital-risque et fonds de capital-investissement lorsqu’ils sollicitent un financement public.

4.3.7.

Les principes de la budgétisation sensible au genre et de l’investissement réalisé dans une optique de genre devraient également être utilisés en dehors des frontières européennes, dans le cadre des instruments de financement de l’action extérieure, en ce compris les politiques de coopération au développement.

4.3.8.

La Commission devrait procéder à une évaluation de l’impact selon le genre du budget annuel de l’Union et présenter celle-ci sous la forme d’un document annexe. Cette annexe au budget servira de document de suivi de l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans le but de remodeler les budgets à l’avenir et la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres (FEMM) du Parlement européen pourrait adopter un avis à cet égard. Le CESE recommande également de publier les informations et les recherches en consultation avec les experts en matière de budgétisation sensible au genre et les organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes bien avant la décision parlementaire sur le budget annuel, afin de promouvoir de vastes débats sur les politiques budgétaires et macroéconomiques.

4.3.9.

Le CESE estime que tous les jurys des institutions financières européennes devraient parvenir dès que possible à un équilibre hommes-femmes, afin d’éviter l’homophilie et les préjugés faisant que nous sommes attirés par des personnes qui nous ressemblent, et recevoir également une formation sur les préjugés inconscients. Le Conseil européen de l’innovation, par exemple, s’est fixé pour objectif d’augmenter le nombre de jeunes entreprises dirigées par des femmes dans le cadre de son programme d’accélérateur de start-ups en portant à 50 % le nombre de femmes membres du jury et en invitant davantage de femmes à présenter leur entreprise. Cela a permis de faire passer le pourcentage de jeunes pousses dirigées par des femmes de 8 % à 29 %.

4.3.10.

Le Comité suggère également de nommer un(e) directeur (directrice) ou un(e) haut(e) représentant(e) des entreprises gérées par des femmes au sein de la Commission et des ministères nationaux chargés des entreprises, et de doter ce responsable d’un rôle transversal en vue de sensibiliser aux avantages économiques que l’on obtient en encourageant davantage de femmes à créer et développer des entreprises, y compris des entreprises sociales, et de promouvoir ces avantages.

4.3.11.

L’Union et les États membres devraient soutenir le rôle des agences publiques de développement local ou régional sur le marché de l’investissement et leur implication dans l’impact social. Par exemple, aux Pays-Bas, ces agences de développement régional investissent dans les jeunes pousses et accordent une grande valeur à l’impact social.

4.3.12.

La société civile et les organisations à but non lucratif qui œuvrent à l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes sont généralement sous-financées en Europe. Le CESE demande de veiller à ce que les organisations de femmes aient un meilleur accès aux fonds de l’Union en simplifiant les procédures et en octroyant des subventions pour leur activité principale. Les procédures d’octroi des Fonds structurels devraient être davantage alignées sur les fonds directs afin d’éviter toute bureaucratie.

4.3.13.

Enfin, le CESE appelle de ses vœux une vision ambitieuse de la part de la Commission et des institutions européennes en ce qui concerne l’intégration de la dimension de genre dans le processus budgétaire et l’investissement réalisé dans une optique de genre, notamment la définition d’objectifs concrets en matière d’octroi de financements aux femmes et d’indicateurs clés de performance pratiques, l’adoption d’une législation, et la mise en place de critères actualisés et de programmes (renforcés) en faveur de l’amélioration de l’entrepreneuriat féminin et de l’accès des femmes au financement. Le Comité recommande la création d’un groupe de travail sur la budgétisation sensible au genre au sein de la Commission, afin d’intégrer les questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans le CFP actuel et dans d’autres instruments financiers. Afin de préparer une intégration plus solide des questions d’égalité entre les sexes à l’avenir, le CESE suggère de créer dès que possible un groupe de travail interinstitutionnel en vue de participer aux négociations et d’aligner et d’inclure les objectifs de l’Union en matière d’intégration de la dimension de genre dans le prochain CFP.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Par pinkwashing, on entend le fait de prétendre être très actif en matière d’égalité entre les femmes et les hommes tout en étant, en réalité, à la traîne dans ce domaine (démarche équivalente au greenwashing, ou écoblanchiment, en matière de durabilité).

(2)  D’Alfonso, A. (2021). Cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 (europa.eu) (Note d’information de l’EPRS; PE 637.979), Service de recherche du Parlement européen. La Commission européenne a proposé un réexamen obligatoire à mi-parcours du fonctionnement du CFP, qui devrait être réalisé d’ici décembre 2023, p. 8.

(3)  https://www.eib.org/attachments/thematic/why_are_women_entrepreneurs_missing_out_on_funding_en.pdf

(4)  Eurostat et Commission européenne. «The State of European Tech 2020» (Rapport 2020 sur l’état des technologies européennes); Atomico (2020).

(5)  «Why are women entrepreneurs missing out on funding? Reflections and considerations — Executive summary» (eib.org) (Pourquoi les femmes entrepreneurs manquent-elles de financement? Réflexions et considérations — Document de synthèse).

(6)  «Des financements pour les entrepreneuses: comment dynamiser la croissance», 2020.

(7)  https://europeanwomeninvc.idcinteractive.net/8/

(8)  «COSME Programme Call for Proposals Encouraging community building around the issue of women entrepreneurship — Management and running of the WEgate platform» (Programme COSME, Appel à propositions, Encourager la création d’une communauté autour de la question de l’entrepreneuriat féminin — Gestion et fonctionnement de la plateforme WEgate).

(9)  «Women-Led Startups Received Just 2,3 % of VC Funding in 2020» (hbr.org) (Les jeunes pousses dirigées par des femmes n’ont reçu que 2,3 % du financement en capital-risque en 2020).

(10)  ONU Femmes (2021), «Investment with a gender lens in Europe» (L’investissement réalisé en Europe dans une optique de genre).

(11)  https://www.kauffmanfellows.org/journal_posts/women-vcs-invest-in-up-to-2x-more-female-founders

(12)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Investissements fondés sur le sexe dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience» (JO C 100 du 16.3.2023, p. 8).

(13)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Égalité entre les hommes et les femmes» (avis exploratoire à la demande de la présidence tchèque) (JO C 443 du 22.11.2022, p. 63).

(14)  Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil (JO L 188 du 12.7.2019, p. 79).

(15)  Recommandation du Conseil relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale, adoptée le 8 novembre 2019.

(16)  The Value of Investing in Female Founders (Forbes, 2019) (La valeur de l’investissement dans les femmes créatrices d’entreprises).

(17)  Selon S&P Global, qui a interrogé des investisseurs dans 11 pays.

(18)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Construire une économie au service des personnes: plan d’action pour l’économie sociale» [COM(2021) 778 final].

(19)  «Funding Women Entrepreneurs Through MFF 2021-2027» (Financer les femmes entrepreneurs grâce au CFP 2021-2027), Audition du Parlement européen Femmes & Investissement, 19 avril 2021.

(20)  https://www.british-business-bank.co.uk/investing-in-women-code/

(21)  La norme en faveur de la diversité dans le capital-risque (Diversity VC Standard) actuellement utilisée dans l’Union européenne et aux États-Unis constitue un bon exemple à cet égard: www.diversity.vc


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/24


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Communiquer sur les droits fondamentaux et l’état de droit»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/04)

Rapporteur:

Cristian PÎRVULESCU

Corapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

23.11.2022

Date de l’adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

199/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’Union européenne est fondée sur des valeurs communes, consacrées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne: il s’agit des valeurs de dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit, de droits de l’homme, de pluralisme, de non-discrimination, de tolérance, de justice, de solidarité et d’égalité entre les hommes et les femmes L’état de droit et les droits de l’homme font partie de l’identité européenne.

1.2.

Par ailleurs, la charte des droits fondamentaux, texte fondamental de nature contraignante, dispose que l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité, et qu’elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’État de droit (1). Renforcer l’application de la charte est à la fois une obligation et une approche riche de sens pour protéger nos concitoyens et les sensibiliser à l’importance de l’état de droit et de la protection des droits fondamentaux. Tout en approuvant toutes les actions menées dans ces domaines, le Comité insiste sur la nécessité pour toutes les institutions de l’Union de communiquer activement et directement avec le public au sens large. L’état de droit et les droits fondamentaux sont d’une importance cruciale, et ils doivent s’imposer comme une composante de la culture civique et démocratique partagée sur le continent.

1.3.

La Commission de Venise du Conseil de l’Europe fournit une description claire des principes clés couverts par l’état de droit: légalité; sécurité juridique; prévention de l’abus de pouvoir; égalité devant la loi et non-discrimination; accès à la justice (2). Ce sont là des critères précis pour évaluer la conformité de toute action de l’État avec les principes de l’état de droit, et qui ont été approuvés par la Cour de justice (3).

1.4.

Le CESE invite instamment toutes les institutions européenne à faire preuve d’une tolérance zéro à l’égard des violations de l’état de droit dans les États membres. L’Union a l’obligation juridique de respecter l’état de droit et la protection des droits fondamentaux, indépendamment des intentions des différents acteurs politiques qui peuvent aller à l’encontre de cet objectif.

1.5.

Le CESE attire l’attention sur l’arrêt de la Cour selon lequel le budget est l’un des instruments qui donnent un effet concret à l’obligation de tous les États membres de respecter les valeurs fondamentales de l’Union, notamment l’état de droit et le respect des droits de l’homme (4).

1.6.

Le rapport annuel de la Commission sur l’état de droit est un instrument précieux qui peut prévenir un recul de la démocratie, de l’état de droit et de la protection des droits fondamentaux. Pour atteindre ses objectifs, il doit toutefois être réformé. Il conviendrait en effet de l’adapter de manière à inclure toutes les valeurs de l’article 2 du traité UE, les actions juridiques et/ou financières lorsque les recommandations par pays ne sont pas pleinement prises en compte, ainsi qu’un cinquième pilier consacré au suivi des évolutions nationales en matière d’espace civique (5).

1.7.

Le CESE a déjà affirmé qu’il considère que la société civile joue un rôle clef pour préserver la démocratie en Europe, et qu’elle n’aura la capacité de défendre la démocratie et la liberté et de préserver l’Europe de l’autoritarisme que si elle présente force et diversité (6). Par ailleurs, il n’y a pas d’état de droit sans démocratie et droits fondamentaux, et inversement: les trois concepts sont intrinsèquement liés (7). Par conséquent, le CESE invite instamment toutes les parties concernées à cesser de parler de «démocratie illibérale», même lorsqu’il s’agit de critiquer ce concept. Sans principes libéraux, il n’y a pas de démocratie.

1.8.

Il y aurait lieu d’associer davantage de parties prenantes aux actions visant à faire de l’état de droit une réalité plus tangible: les partenaires sociaux, les organisations professionnelles telles que les barreaux, et les organisations de terrain qui travaillent avec des personnes et des populations vulnérables plus exposées au risque de préjudice, de désavantage et de discrimination.

1.9.

L’état de droit et les droits de l’homme peuvent être perçus par certains comme des concepts excessivement abstraits, lointains, jargonnants et associés à un juridisme abusif. Communiquer efficacement sur l’état de droit nécessite de mettre l’accent sur des valeurs communes et des concepts auxquels chacun peut s’identifier d’équité et de justice. Il peut aussi être utile d’humaniser le récit produit en montrant le visage individuel et la personne réelle qu’il y a derrière des éléments de dossier ou des statistiques.

1.10.

Le CESE invite les États membres à intégrer l’état de droit et les droits fondamentaux dans les établissements scolaires et l’enseignement supérieur. L’éducation civique devrait être obligatoire, commencer le plus tôt possible et être enseignée pendant un nombre d’années suffisamment significatif. De plus, des ressources européennes et nationales doivent être mises à disposition pour une formation adéquate des enseignants chargés de l’éducation civique.

1.11.

Le cadre en matière de droits de l’homme repose sur le principe de responsabilité et nécessite par conséquent des mesures visant à déterminer qui sera tenu responsable des résultats obtenus et à définir les changements politiques souhaitables. Il importe aussi de dresser l’inventaire des questions d’intérêt général pour la société tout entière, telles que l’accès à l’énergie, aux transports, à l’égalité régionale, au travail, au logement, aux soins de santé et à divers autres services publics, aux niveaux local, régional et national.

1.12.

La protection des droits de l’homme et l’état de droit se trouvent confortés par un État-providence fort, quelles que soient les formes de celui-ci au sein de l’Europe. Cette interconnexion est reconnue par le socle européen des droits sociaux, qui apparaît comme un outil politique essentiel pour construire une Union plus inclusive.

1.13.

Les mouvements de terrain et celles et ceux ont subi l’expérience de la pauvreté doivent être au cœur d’une approche démocratique des droits de l’homme. Il n’y a pas de meilleur moyen de défendre les droits de l’homme, en particulier les droits sociaux, que de donner droit de cité aux opinions de celles et ceux qui sont les plus touchés par les inégalités, la pauvreté et l’exclusion sociale dans les espaces publics et les débats politiques.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE rappelle la position qu’il a exprimée dans son avis SOC/598 (2018): «L’état de droit se caractérise par son interdépendance et son indissociabilité des garanties qui protègent la démocratie pluraliste et le respect des droits fondamentaux. Il garantit que les gouvernements se conforment aux normes des droits fondamentaux et la démocratie pluraliste garantit que les gouvernements mènent des politiques qui font progresser le bien-être de leurs peuples. En soi, préserver l’état de droit ne garantit pas que la législation respecte les droits fondamentaux ni qu’elle soit élaborée conformément à une procédure inclusive et légitime qui se fonde sur un débat public et la participation de citoyens bien informées, pluralistes et équilibrées. Afin d’éviter une simple “administration par le droit”, il est nécessaire de veiller au respect des droits fondamentaux et des normes de la démocratie pluraliste en sus de celui de l’état de droit» (8).

2.2.

Dans ses rapports sur l’état de droit 2021 et 2022, la Commission a fait observer que la préservation de la confiance des citoyens dans les institutions publiques et l’état de droit requiert, entre autres, l’existence d’un système judiciaire indépendant, doté d’un contrôle juridictionnel effectif propre à garantir le respect du droit de l’Union; un engagement public fort pour lutter contre la corruption et la responsabilité démocratique; le pluralisme et la liberté des médias, y compris la transparence sur la propriété des médias; des mécanismes constitutionnels et institutionnels transparents pour garantir l’équilibre des pouvoirs, avec la participation active de la société civile; et le renforcement de la coopération internationale en faveur du développement durable, des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit (9). Dans son rapport de 2022, la Commission souligne aussi les menaces non négligeables que fait peser l’agression de la Russie contre l’Ukraine sur les valeurs de l’Union et sur l’ordre fondé sur des règles — il s’agit d’une attaque qui viole gravement le droit international et les principes de la charte des Nations unies et qui, tout en mettant à mal la sécurité et la stabilité européennes et mondiales, porte atteinte à la démocratie et à l’état de droit (10).

2.3.

Aucune norme démocratique et représentative ne peut être invoquée pour légitimer des violations de l’état de droit et des droits fondamentaux. Les institutions européennes, et la Commission en particulier, doivent mobiliser tous les instruments à leur disposition pour rétablir l’intégrité des principes de l’Union.

2.4.

Par leur action de surveillance de la situation sur le terrain, les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme ont un rôle essentiel à jouer, en particulier lorsque l’état de droit se dégrade et que les droits de l’homme sont menacés (11). Les gouvernements autoritaires menacent les organisations de la société civile non seulement en réduisant et en déplaçant les espaces disponibles pour leurs activités, mais aussi par des menaces ou des persécutions personnelles, des restrictions financières ou une protection insuffisante contre les attaques physiques ou verbales (12).

2.5.

Comme indiqué précédemment, la capacité globale des organisations de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme à travailler dans le cadre de la charte des droits fondamentaux devrait être considérablement renforcée au moyen d’un ensemble de mesures comprenant des formations et des transferts de connaissances, un soutien organisationnel et financier et une protection contre les attaques et les campagnes délétères (13). À cette fin, le CESE encourage la Commission à proposer une stratégie européenne globale à destination de la société civile pour orienter la collaboration, les actions de renforcement des capacités ou encore une communication efficace sur l’état de droit et les droits fondamentaux.

2.6.

Le CESE estime que le travail des organisations de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme est essentiel pour aider les groupes vulnérables à faire face à de graves problèmes de sécurité, de bien-être et de dignité. Chacun est susceptible de se trouver un jour dans une situation de vulnérabilité. Dans de nombreux cas, les origines de la vulnérabilité se superposent et entraînent une marginalisation et une discrimination structurelles.

2.7.

L’état de droit et la protection des droits fondamentaux devraient être garantis pour ce qui concerne la démocratie, en particulier la promotion d’élections libres et équitables et d’une participation démocratique forte (14). Ceux qui occupent une position leur permettant de contester l’état de droit s’en prennent aussi à l’opposition politique et aux médias de masse indépendants. Le plan d’action pour la démocratie européenne est un pas nécessaire dans cette direction.

2.8.

Les partenaires sociaux ont un rôle important à jouer dans la communication sur l’état de droit et les droits fondamentaux. Tous les lieux de travail sont touchés par la détérioration du climat politique et juridique dans un pays. Les entreprises, les PME et les entreprises sociales ne peuvent fonctionner efficacement si les systèmes de protection de l’état de droit et des droits fondamentaux ne sont pas en place. Les partenaires sociaux devraient s’engager à agir pour améliorer leur intégrité et leur efficacité. La possibilité de former un syndicat ou d’adhérer à l’organisation syndicale de son choix relève de la liberté de chaque travailleur, et les syndicats doivent pouvoir fonctionner librement (15). Les travailleurs et les employeurs ont le droit de négocier et de conclure des conventions collectives et, en cas de conflit d’intérêts, de mener des actions collectives pour défendre leurs intérêts, y compris la grève (16).

2.9.

L’Agence des droits fondamentaux dispose d’une capacité non négligeable pour recueillir des informations pertinentes. Elle a déjà constitué une vaste base de connaissances que tous les acteurs intéressés peuvent utiliser. Son expertise est solide, et elle devrait servir de base au renforcement de sa dimension de communication. Davantage de ressources devraient être allouées à l’Agence pour que celle-ci s’engage dans la communication publique à destination de tous les États membres. Une coopération accrue est nécessaire avec des institutions spécialisées telles que le Conseil de l’Europe et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE (BIDDH).

2.10.

L’Union européenne est aussi un acteur mondial dont la responsabilité de respecter l’état de droit et les droits fondamentaux est au cœur de son identité et de son rôle internationaux. Tous les programmes, politiques, actions et instruments extérieurs devraient refléter leur rôle central pour l’Union ainsi que leur importance pour un monde démocratique et pacifique.

3.   Observations particulières

3.1.   Discours et cadrage positifs

3.1.1.

L’éducation civique sur les principes de la démocratie, les droits fondamentaux et l’état de droit doit être renforcé à tous les niveaux. La Commission devrait également continuer à promouvoir la sensibilisation du public par un programme de communication ambitieux (17).

3.1.2.

Le mythe fondateur de l’Union européenne ne suffit plus à lui seul pour exercer un pouvoir d’attraction auprès des populations européennes. L’Union devrait proposer des discours laissant entrevoir un avenir désirable et réactiver les principes clés qui ont joué un rôle majeur dans le projet européen (18), comme ceux d’état de droit et de droits de l’homme. Cela est particulièrement important dans le contexte de l’agression militaire russe contre l’Ukraine.

3.1.3.

Le cadre en matière de droits de l’homme repose sur le principe de responsabilité et nécessite par conséquent des mesures visant à déterminer qui sera tenu responsable des résultats obtenus et quel changement politique semble souhaitable. Il importe aussi de dresser l’inventaire des questions d’intérêt général pour la société tout entière, avec des problématiques telles que l’accès aux transports, à l’énergie, au travail, au logement, aux soins de santé et à divers autres services publics, aux niveaux local, régional et national. Il faut aller au-delà de la critique d’une situation où les normes en matière de droits de l’homme ne sont pas respectées et décrire l’avenir que l’état de droit et les droits de l’homme peuvent contribuer à édifier en suscitant dans l’esprit de nos concitoyens des associations positives (19).

3.1.4.

Il n’y a pas d’état de droit sans démocratie et droits fondamentaux, et inversement; les trois concepts sont intrinsèquement liés (20). Par conséquent, le CESE invite instamment toutes les parties concernées à cesser de parler de «démocratie illibérale», même lorsqu’il s’agit de critiquer ce concept. Sans principes libéraux, il n’y a pas de démocratie. La démocratie illibérale n’est ni une alternative ni même une forme diluée de démocratie. La démocratie illibérale n’est pas une démocratie.

3.2.   Politiques nécessaires et domaines d’action pertinents

3.2.1.

Comme l’a déjà observé le CESE, une corrélation existe entre, d’une part, l’absence réelle ou perçue par les citoyens de bénéfices tirés de la prospérité économique et, d’autre part, les attitudes négatives à l’égard des institutions publiques et des principes fondamentaux (21).

3.2.2.

Afin de défendre les droits de l’homme et l’état de droit, il est nécessaire de prendre des mesures pour définir des politiques susceptibles d’améliorer la vie quotidienne de la population.

3.2.3.

La protection des droits de l’homme et l’état de droit se trouvent confortés par un État-providence fort, quelles que soient les formes de celui-ci au sein de l’Europe. Cette interconnexion est reconnue par le socle européen des droits sociaux, qui apparaît comme un outil politique essentiel pour construire une Union plus inclusive (22). Les travailleurs doivent avoir droit à des salaires équitables qui leur assurent un niveau de vie décent (6e principe du socle), et quiconque ne disposant pas de ressources suffisantes doit pouvoir disposer d’un revenu minimum adéquat lui permettant de vivre dans la dignité à tous les stades de la vie, ainsi que d’accéder de façon effective à des biens et services de soutien (14e principe) (23).

3.2.4.

La pandémie de COVID-19 rappelle l’importance d’un système de soins de santé public universel, accessible et équitable. Le CESE rappelle la position qu’il a exprimée dans son avis SOC/691 (2022): «L’UE et ses États membres devraient engager une réflexion sociétale approfondie sur les origines de la crise et les raisons pour lesquelles la plupart des systèmes de santé européens ont été précipités au bord de l’effondrement en raison de la pandémie. Des années de politiques d’austérité ont conduit à une tendance générale au désinvestissement dans le secteur de la santé et dans d’autres services sociaux essentiels (aide aux personnes dépendantes et vulnérables, maisons de soins, etc.), créant une bombe à retardement qui a explosé face à un défi sanitaire majeur» (24).

3.2.5.

La pandémie n’est pas la seule crise qui affecte les droits fondamentaux. La guerre en Ukraine met en danger des millions de personnes en Ukraine et dans le monde. Le changement climatique et les défis qui y sont liés ou encore les catastrophes telles que les incendies de forêt touchent directement les populations du continent. De nombreux européens sont confrontés à une hausse des prix de l’énergie. Les instruments d’action de l’Europe devraient être mis à jour et adaptés en conséquence.

3.2.6.

Les politiques publiques, en particulier celles de réforme économique, devraient être systématiquement fondées sur des évaluations ex ante et ex post des incidences sur les droits de l’homme (25) afin de faciliter des débats nationaux éclairés et inclusifs sur l’arbitrage et l’ajustement des choix politiques (26).

3.2.7.

Il convient d’accorder davantage la priorité au chapitre III (Égalité) et au chapitre IV (Solidarité) de la charte des droits fondamentaux en tant qu’éléments essentiels des pouvoirs démocratiques et fondés sur des valeurs de l’Union (27). Tous les droits de l’homme consacrés dans la charte sont indivisibles, interdépendants et tout aussi importants. Comme l’a souligné la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire qui a fait date, il n’existe pas de division indiscutable entre les droits socio-économiques et les droits civils et politiques (28).

3.2.8.

Il serait souhaitable de renforcer la coopération entre les institutions européennes et les États membres pour garantir que tous les citoyens et résidents jouissent de tous les droits reconnus par la convention européenne des droits de l’homme, la charte sociale européenne (sous ses multiples formes) et les conventions pertinentes des Nations unies relatives aux droits de l’homme. Le CESE invite la Commission et les États membres à tenir dûment compte du socle européen des droits sociaux et de la charte sociale européenne lors de la conception, de l’interprétation et de la mise en œuvre du droit de l’Union.

3.2.9.

Le CESE invite tous les États membres à signer et à ratifier la charte sociale européenne de 1996 (révisée) et à accepter la procédure de réclamations collectives du comité européen des droits sociaux.

3.2.10.

Le CESE soutient l’initiative établissant un nouvel outil qui permettrait de prendre des mesures correctives d’ordre économique à l’égard des États membres qui commettent des violations graves et persistantes des valeurs visées à l’article 2 du TUE (29). «[…] la Commission doit y allouer des ressources humaines et financières adéquates et assurer un suivi rigoureux lorsque des éléments font suspecter une infraction. Ce faisant, elle doit appliquer des critères strictement objectifs et enquêter sur les infractions de la même manière dans tous les États membres» (30).

3.3.   Arguments démocratiques en faveur des droits de l’homme et importance de l’expérience vécue

3.3.1.

Selon une vaste enquête menée par l’Agence des droits fondamentaux, près de neuf personnes sur dix au sein de l’Union estiment que les droits de l’homme sont importants pour créer une société plus juste (31). Les européens considèrent que les droits de l’homme peuvent jouer un rôle significatif dans leur vie.

3.3.2.

Pour que les droits de l’homme soient une réalité dans toute l’Europe, il est nécessaire de mettre en évidence la manière dont ceux-ci, par exemple les droits sociaux tels que le travail, la sécurité sociale, le logement, l’éducation et la santé, peuvent avoir une influence réelle pour chacun d’entre nous dans notre vie quotidienne, aux endroits qui priment à nos yeux et dans notre cadre de vie quotidien (32).

3.3.3.

Les mouvements de terrain et celles et ceux ont subi l’expérience de la pauvreté doivent être au cœur d’une approche démocratique des droits de l’homme. Il n’y a pas de meilleur moyen de défendre les droits de l’homme, en particulier les droits sociaux, que de donner droit de cité aux opinions des personnes les plus touchées par les inégalités, la pauvreté et l’exclusion sociale dans les espaces publics et les débats politiques. Il peut aussi être utile d’humaniser le récit produit et de montrer le visage individuel et la personne réelle qu’il y a derrière des éléments de dossier ou des statistiques. Prendre les droits sociaux au sérieux exige non seulement des politiques différentes, mais aussi des processus plus inclusifs pour les élaborer (33).

3.3.4.

La société européenne ne peut se permettre un choix binaire spécieux entre droits et démocratie. Pour faire respecter les droits de l’homme, il faut rendre ceux-ci populaires en construisant et en préservant un mouvement visant à les défendre aux niveaux local, national et mondial.

3.3.5.

Les groupes de la société civile doivent se positionner aux avant-postes de ce processus, et les pouvoirs publics de l’Union et des États membres doivent asseoir le socle démocratique des droits de l’homme en agissant de manière transparente et en respectant le rôle de la société civile s’agissant de veiller à ce qu’elle exige d’eux le respect desdits droits. Il convient de renforcer les institutions nationales de défense des droits de l’homme, qui devraient informer les citoyens des voies de recours dont ils disposent.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO C 326 du 26.10.2012, p. 391), préambule.

(2)  Commission de Venise du Conseil de l’Europe, Liste des critères de l’état de droit, adoptée lors de sa 106e session plénière, 2016.

(3)  Arrêt du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C-157/21, EU:C:2022:98, arrêt de la CJUE, point 325.

(4)  Pologne/Parlement et Conseil, C-157/21, points 130 et 131, arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C-156/21, EU:C:2022:97, arrêt de la CJUE, points 116 et 117.

(5)  Laurent Pech et Petra Bard, Rule of Law Report and the EU Monitoring and Enforcement of Article 2 TEU Values (rapport sur l’état de droit et le suivi et l’application par l’Union des valeurs de l’article 2 du traité UE), rapport à la demande de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et à la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, février 2022, p. 12 et 13.

(6)  Avis du Comité économique et social européen sur «Une démocratie résiliente grâce à une société civile forte et diverse» (avis d’initiative) (JO C 228 du 5.7.2019, p. 24).

(7)  Avis du Comité économique et social européen sur le «Mécanisme européen de contrôle du respect de l’État de droit et des droits fondamentaux» (avis d’initiative) (JO C 34 du 2.2.2017, p. 8).

(8)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre» [COM(2018) 324 final — 2018/0136 (COD)] (JO C 62 du 15.2.2019, p. 173).

(9)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Rapport 2021 sur l’état de droit: La situation de l’état de droit dans l’Union européenne» [COM(2021) 700 final].

(10)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Rapport 2022 sur l’état de droit: La situation de l’état de droit dans l’Union européenne» [COM(2022) 500 final].

(11)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil — Poursuivre le renforcement de l’état de droit au sein de l’Union — État des lieux et prochaines étapes envisageables» [COM(2019) 163 final] (JO C 282 du 20.8.2019, p. 39).

(12)  Avis du Comité économique et social européen sur le «Le populisme et les droits fondamentaux — zones périurbaines et rurales» (avis d’initiative) (JO C 97 du 24.3.2020, p. 53), point 1.6.

(13)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Stratégie visant à renforcer l’application de la charte des droits fondamentaux dans l’Union européenne» [COM(2020) 711 final] (JO C 341 du 24.8.2021, p. 50).

(14)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au plan d’action pour la démocratie européenne [COM(2020) 790 final] (JO C 341 du 24.8.2021, p. 56).

(15)  Article 8, paragraphe 1 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

(16)  Article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

(17)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au plan d’action pour la démocratie européenne [COM(2020) 790 final] (JO C 341 du 24.8.2021, p. 56).

(18)  Avis du Comité économique et social européen sur le «Le populisme et les droits fondamentaux — zones périurbaines et rurales» (avis d’initiative) (JO C 97 du 24.3.2020, p. 53).

(19)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), 10 clés pour bien communiquer sur les droits de l’homme, 2018; Réseau européen des institutions nationales des droits de l’homme, Tips for Effective Messaging about Economic & Social Rights (Conseils pour une communication efficace sur les droits économiques et sociaux — en anglais), 2019.

(20)  Avis du Comité économique et social européen sur le «Mécanisme européen de contrôle du respect de l’État de droit et des droits fondamentaux» (avis d’initiative) (JO C 34 du 2.2.2017, p. 8).

(21)  Avis du Comité économique et social européen sur le «Le populisme et les droits fondamentaux — zones périurbaines et rurales» (avis d’initiative) (JO C 97 du 24.3.2020, p. 53).

(22)  Commission européenne, «Les 20 principes clés du socle européen des droits sociaux».

(23)  Avis du Comité économique et social européen sur «Pour une directive-cadre européenne relative à un revenu minimum» [avis d’initiative] (JO C 190 du 5.6.2019, p. 1).

(24)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’impact de la COVID-19 sur les droits fondamentaux et l’état de droit dans l’UE et l’avenir de la démocratie» (avis d’initiative) (JO C 275 du 18.7.2022, p. 11).

(25)  Rapport d’expert indépendant des Nations unies sur les effets de la dette extérieure et des autres obligations financières internationales connexes des États sur la pleine jouissance de tous les droits fondamentaux, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, «Guiding Principles for human rights impact assessments for economic reform policies» (Principes directeurs pour l’évaluation de l’impact des politiques de réforme économique sur les droits de l’homme), doc. A/HRC/40/57 des Nations unies, 19 décembre 2018.

(26)  Avis du Comité économique et social européen sur le «Le populisme et les droits fondamentaux — zones périurbaines et rurales» (avis d’initiative) (JO C 97 du 24.3.2020, p. 53).

(27)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Stratégie visant à renforcer l’application de la charte des droits fondamentaux dans l’Union européenne» [COM(2020) 711 final] (JO C 341 du 24.8.2021, p. 50).

(28)  Affaire Airey c. Irlande, requête no 6289/73 (1979), arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 9 octobre 1979, paragraphe 26.

(29)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’impact de la COVID-19 sur les droits fondamentaux et l’état de droit dans l’UE et l’avenir de la démocratie» (avis d’initiative) (JO C 275 du 18.7.2022, p. 11).

(30)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «État de droit et fonds pour la relance» (avis d’initiative) (JO C 194 du 12.5.2022, p. 27).

(31)  Agence des droits fondamentaux, «Many Europeans believe human rights can build a fairer society but challenges remain» (De nombreux Européens estiment que les droits de l’homme peuvent construire une société plus juste, mais des défis subsistent), communiqué de presse du 24 juin 2020.

(32)  Casla, Koldo et Barker, Lyle, Human Rights Local, Human Rights Local, Human Rights Centre blog — Université d’Essex, 17 janvier 2022.

(33)  Casla, Koldo, Nothing about us, without us, is really for us, Global Policy, 14 octobre 2019.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/31


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Une stratégie industrielle pour le secteur des technologies maritimes»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/05)

Rapporteur:

Anastasis YIAPANIS

Corapporteur:

Christophe TYTGAT

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles

Adoption en section

11.11.2022

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/2/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) rédige le présent avis d’initiative pour reconnaître l’absence d’actions politiques sectorielles visant à répondre aux défis et aux besoins du secteur des technologies maritimes, et formule des propositions concrètes sur les actions immédiates en vue de renforcer la résilience maritime et l’autonomie stratégique de l’Europe dans le domaine maritime tout en renouant avec la compétitivité mondiale.

1.2.

Le Comité se déclare préoccupé par l’avenir du secteur des technologies maritimes en Europe qui est confronté à une concurrence déloyale, notamment en provenance d’Asie.

1.3.

Le CESE demande que les technologies maritimes soient considérées, dans les meilleurs délais, comme un secteur stratégique de l’Union européenne dont les activités sont des «infrastructures critiques», et préconise une stratégie en faveur de l’industrie maritime ainsi que des ressources suffisantes pour les services de la Commission européenne. Une stratégie maritime européenne pérenne se doit de tenir compte de la propriété des ports européens et d’autres infrastructures critiques connexes et de la reconsidérer.

1.4.

Le Comité plaide en faveur de mesures urgentes pour stimuler la demande intérieure de navires écologiques et de haute technologie, grâce notamment à un programme européen de renouvellement des flottes et de modernisation des navires existants conformément aux objectifs du pacte vert pour l’Europe; il préconise des investissements immédiats dans les infrastructures et les carburants alternatifs.

1.5.

Le CESE demande que des clauses spécifiques dans les accords bilatéraux et de libre-échange garantissent le libre accès au marché pour les entreprises maritimes de l’Union, interdisent les obstacles au commerce, exigent la réciprocité et garantissent le devoir de diligence. Si les négociations internationales échouent, l’Union doit envisager des mesures unilatérales pour faire pression sur ses concurrents internationaux.

1.6.

Afin de garantir un développement économique et social durable, de préserver la défense et l’autonomie maritime stratégique européenne et de sécuriser les emplois et les capacités critiques, le Comité estime qu’il faut prévoir des mesures d’incitation, tant pour la relocalisation des installations de production dans l’Union, avec des technologies européennes, que pour le maintien des chaînes d’approvisionnement et de la production de sous-composants dans l’Union.

1.7.

Le CESE invite instamment la Commission et les États membres à mettre en œuvre des programmes de reconversion, de perfectionnement et de formation professionnels à grande échelle, en procédant à leur évaluation et à la certification des compétences acquises et en s’assurant de la pleine participation des partenaires sociaux et de l’université, et demande un soutien financier en faveur du pacte européen pour les compétences (1) et des campagnes spécifiques visant à rendre le secteur attrayant, y compris pour les femmes et les jeunes.

1.8.

Le Comité appelle à agir davantage afin de garantir une transition juste pour tous les travailleurs et les PME, dans l’optique de créer et de consolider des comités d’entreprise européens et de satisfaire aux normes sociales internationales les plus élevées, dans le plein respect de la législation de l’Union et des règles de l’Organisation internationale du travail (OIT). Le CESE estime que le comité de dialogue social sectoriel (CDSS) européen dans le domaine de la construction navale a un rôle essentiel à jouer à cet égard et pour renforcer le secteur des technologies maritimes.

1.9.

L’accès aux prêts bancaires et au financement public est très difficile pour les entreprises du secteur des technologies maritimes, en particulier les PME. Le CESE plaide en faveur de règles de taxinomie européenne qui soutiennent les investissements durables dans le secteur maritime, promeuvent son caractère inclusif et garantissent la sécurité juridique des investissements technologiques.

1.10.

Le Comité demande que les ressources financières collectées au titre des infractions au règlement FuelEU Maritime (2) et celles provenant du système d’échange de quotas d’émission de l’Union (3) soient aussi utilisées pour contribuer au financement du secteur du transport par voie d’eau (4) et de sa chaîne d’approvisionnement, et en particulier du secteur des technologies maritimes. Le CESE préconise la création d’un fonds de garantie de l’Union qui facilite l’accès au financement pour les investissements à haut risque dans le domaine maritime.

1.11.

Le CESE estime que les entreprises étrangères qui pratiquent le dumping social et déstabilisent les conditions de concurrence équitables au niveau mondial ne devraient pas accéder au marché intérieur ni aux instruments de financement de l’Union. Le retour sur investissement de ces instruments devrait profiter aux entreprises européennes.

1.12.

Pour parvenir à une décarbonation complète du secteur des technologies maritimes, il convient d’opérer une conversion complète aux carburants et aux technologies alternatifs. Le CESE se félicite de l’adoption du partenariat coprogrammé sur le transport par voie d’eau à émissions nulles.

1.13.

Le Comité estime qu’un «groupe d’experts maritimes» et une «alliance industrielle européenne pour le secteur des technologies maritimes» pourraient contribuer à améliorer et à rétablir la compétitivité mondiale du secteur des technologies maritimes.

1.14.

Enfin, le CESE se dit prêt à s’impliquer davantage pour aider le secteur des technologies maritimes à surmonter les difficultés auxquelles il est confronté, et invite la Commission et les États membres à mettre en œuvre de toute urgence une stratégie industrielle maritime. Le CESE craint que faute d’une boîte à outils ciblée, l’Union perde ses capacités, son savoir-faire et ses emplois maritimes et devienne pleinement dépendante de l’Asie pour ses navires et plateformes, tant civils que militaires, ainsi que pour les équipements maritimes et en mer. L’incapacité à concevoir et à mettre rapidement en œuvre une stratégie industrielle maritime spécifique constituerait une grave erreur politique.

2.   Introduction

2.1.

Le CESE élabore le présent avis d’initiative dans le prolongement de l’avis CCMI/152 sur «La stratégie LeaderSHIP 2020: une vision du secteur des technologies maritimes pour une industrie maritime innovante, durable et compétitive en 2020» (5), qu’il avait adopté en 2018. L’objectif est d’attirer l’attention sur les graves problèmes que rencontre le secteur des technologies maritimes de l’Union (6) ainsi que sur le manque d’actions spécifiques de politique sectorielle de la part des pouvoirs publics européens et nationaux pour aider le secteur à répondre aux défis et aux besoins auxquels il fait face. Le CESE formule des propositions concrètes d’action afin de garantir la compétitivité et de créer de la croissance et des opportunités commerciales pour le secteur des technologies maritimes. Il demande instamment aux institutions européennes, aux États membres, aux partenaires sociaux et aux autres parties prenantes de dresser conjointement et dès que possible la liste des mesures idoines qu’il convient d’adopter pour sauver et protéger ce secteur qui est stratégique si l’on veut garantir à l’Union la défense et la protection de ses côtes, l’autonomie maritime, l’accès au commerce, l’économie bleue et la suprématie maritime à l’échelle mondiale.

2.2.

Le CESE reprend à dessein la structure de la communication de la Commission concernant la stratégie LeaderSHIP (7), afin de souligner le peu de progrès réalisés dans les quatre axes proposés et d’alerter sur la nécessité d’intervenir sans délai et de manière ciblée dans le secteur des technologies maritimes, et ce d’autant plus en raison des répercussions de la pandémie et de la guerre en Ukraine.

3.   Un meilleur accès au marché et des conditions de concurrence loyales

3.1.

La demande de denrées alimentaires, de marchandises et d’énergie devrait augmenter, ce qui nécessitera une augmentation des infrastructures de transport par voie d’eau (maritime et fluviale), des capacités, des navires, des technologies et de la gestion logistique. La demande dans le domaine du tourisme et des activités de loisirs sur les voies navigables et les côtes croît également.

3.2.

La pandémie de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont mis en évidence les risques stratégiques, pour l’Union, d’une dépendance excessive à l’égard d’autres pays, tout en provoquant des pénuries, des blocages des chaînes d’approvisionnement ainsi qu’une hausse des prix des matières premières et de l’énergie, qui aggravent la pression exercée sur les entreprises des technologies maritimes. La guerre en Ukraine a également rappelé à l’Union l’importance de disposer de capacités militaires maritimes critiques, y compris de navires commerciaux et militaires et de technologies de défense, de sécurité et de protection des frontières et des côtes.

3.3.

Les producteurs européens sont confrontés à une rude concurrence au niveau mondial de la part des entreprises originaires d’Asie, en particulier de Chine et de Corée du Sud, qui gagnent de plus en plus de marchés grâce à un soutien étatique fort, y compris au moyen de régimes d’aides d’État complexes, tout en appliquant des normes sociales et environnementales moins strictes. Cela leur a permis de gagner des marchés traditionnels de l’Union et d’attirer des commandes de la part d’entreprises européennes à des prix préjudiciables. L’inflation actuellement à la hausse et les prix élevés de l’énergie exercent une pression supplémentaire sur les producteurs européens. Le CESE se déclare préoccupé par l’avenir du secteur des technologies maritimes, et il estime qu’il faut agir sans délai pour renforcer la résilience maritime de l’Europe, restaurer sa compétitivité sur le plan international, protéger la solide position qu’elle occupe dans le secteur complexe de la construction navale et de la navigation de plaisance et préserver son autonomie stratégique dans le domaine maritime.

3.4.

Une stratégie maritime européenne pérenne se doit de tenir compte de la propriété des ports européens et d’autres infrastructures critiques connexes, dont nombre ont été acquis, en tout ou en partie, par des entreprises chinoises contrôlées de manière totale ou partielle par l’État chinois. Pour garantir l’autonomie stratégique de l’Europe, il est capital de reconsidérer les structures de propriété et de restaurer autant que possible une propriété européenne.

3.5.

Le Comité plaide en faveur d’une stratégie sectorielle pour le secteur des technologies maritimes afin de stimuler sa compétitivité mondiale et de lui permettre de tirer parti des possibilités commerciales offertes par la double transition écologique et numérique. Il convient de concevoir au plus vite des dispositifs en matière de commerce, d’accès aux financements, de formation de la main-d’œuvre ainsi que des programmes de recherche-développement propres à l’Union, si celle-ci souhaite rester compétitive sur un marché mondial fortement subventionné et déséquilibré, où ses principaux concurrents ne respectent pas les règles de l’OMC. En outre, le CESE demande que les technologies maritimes soient considérées comme un secteur stratégique de l’Union, comme c’est le cas aux États-Unis, en Chine, au Japon ou en Corée du Sud, et que suffisamment de ressources humaines et financières soient consacrées à ce secteur par les services de la Commission.

3.6.

Le secteur européen des technologies maritimes est une pierre angulaire de la défense et de la surveillance de l’Union, du transport de marchandises, d’énergie et de passagers, ainsi que de la réalisation des objectifs politiques européens en ce qui concerne le pacte vert pour l’Europe et l’économie bleue. Le Comité plaide en faveur de mesures urgentes qui stimulent la demande intérieure de navires verts et de haute technologie, y compris un programme de l’Union pour le renouvellement des flottes (par exemple, des flottes de pêche nationales, des flottes de transport maritime à courte distance et de cabotage et des bateaux de plaisance) et la modernisation des navires existants conformément aux objectifs du pacte vert.

3.7.

Le CESE relève que la compétitivité du secteur est directement influencée par le pacte vert pour l’Europe, car il s’agit d’un changement de paradigme pour l’ensemble du secteur du transport par voie d’eau. Sa mise en œuvre se traduira par une adoption plus rapide des carburants et des technologies alternatifs. Toutefois, le Comité souligne que le caractère limité des infrastructures et de la disponibilité des carburants alternatifs font obstacle à un changement plus rapide, et demande dès lors que des investissements immédiats y soient consacrés, par exemple en créant un Fonds européen pour les affaires maritimes. Les caractéristiques particulières de chaque type de navire devraient être prises en considération, avec des feuilles de route spécifiques pour les systèmes de propulsion, les carburants et les technologies à émissions nulles.

3.8.

Le CESE s’inquiète des barrières commerciales imposées par l’Asie aux entreprises européennes; il demande que les accords bilatéraux et de libre-échange et les partenariats économiques existants et futurs soient révisés au moyen de clauses qui garantissent un libre accès au marché pour les entreprises maritimes de l’Union, interdisent les barrières commerciales, exigent la réciprocité et garantissent le devoir de diligence.

3.9.

Le Comité estime que les discussions et les accords internationaux constituent le meilleur moyen de lutter contre le protectionnisme commercial, et demande à la Commission d’intensifier ses efforts internationaux pour parvenir à des règles mondiales. La Commission doit en outre prendre des mesures unilatérales — aussi longtemps que nécessaire — afin d’exercer une pression sur ses concurrents internationaux. Le CESE estime que la lutte contre les subventions étrangères et les prix préjudiciables constitue une priorité absolue.

3.10.

L’industrie des technologies maritimes est une pierre angulaire de l’économie bleue européenne car elle construit et met à niveau des navires, des structures et des technologies, par exemple pour le développement d’une flotte de pêche écologique, des énergies renouvelables en mer, de l’aquaculture et de l’exploitation minière en haute mer. Pour atteindre les objectifs du pacte vert pour l’Europe, l’Union devra augmenter considérablement sa capacité industrielle dans le domaine des énergies marines en mer et des autres carburants alternatifs. À défaut, elle devra compter sur des capacités étrangères pour développer ce marché stratégique et atteindre les objectifs du pacte vert pour l’Europe. Afin d’éviter ce risque, le CESE invite la Commission à classer immédiatement le secteur stratégique des technologies maritimes ainsi que ses activités parmi les «infrastructures critiques».

3.11.

Le Comité est fermement convaincu que l’Union ne pourra pas jouer le rôle de moteur économique si elle ne dispose pas de solides installations de production sur son territoire, étant donné qu’il s’agit de la seule possibilité de garantir un développement économique et social durable, de protéger la défense et l’autonomie maritime stratégique de l’Union, de préserver la sécurité de ses citoyens et de garantir leurs emplois. Le CESE plaide également en faveur d’un programme et d’incitations spécifiques pour les producteurs qui souhaitent réinstaller structures de production dans l’Union (relocalisation).

4.   Emploi et compétences

4.1.

Le secteur des technologies maritimes représente près de 1 million d’emplois dans les régions maritimes à travers l’Europe (8).

4.2.

La concrétisation des transitions verte et numérique, ainsi que l’adoption de technologies de pointe nécessitent une spécialisation adéquate de la main-d’œuvre. À cette fin, le CESE invite instamment la Commission et les États membres à élaborer et à mettre en œuvre sans délai des programmes à grande échelle de reconversion, de perfectionnement ainsi que d’enseignement et de formation professionnels, en procédant à l’évaluation de ces programmes et à la certification des compétences acquises et en y associant pleinement les partenaires sociaux et l’université. De plus, le Comité demande que le pacte européen des compétences bénéficie d’un soutien financier concret, et que soient élaborées des campagnes spécifiques pour renforcer l’attractivité du secteur, y compris auprès des femmes et des jeunes, ainsi que des personnes handicapées ou possédant des capacités différentes. Le CESE souligne par ailleurs que le secteur des technologies maritimes a besoin, en plus d’un certain nombre de professionnels spécialisés (tels que des soudeurs, des électriciens, des tuyauteurs), de travailleurs possédant des compétences renforcées dans les domaines de la robotique, de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité, de la détection, de l’automatisation et de l’impression 3D, ou encore d’ingénieurs hautement qualifiés.

4.3.

Les entreprises européennes se conforment aux normes sociales internationales les plus élevées, dans le plein respect de la législation de l’Union et des règles de l’Organisation internationale du travail (OIT). Le CESE reconnaît le travail accompli par les entreprises européennes pour montrer la voie à suivre et tirer vers le haut les normes internationales du travail, ainsi que l’importance que de bonnes conditions de travail, une rémunération décente et une protection sociale revêtent pour la main-d’œuvre du secteur, et appelle à redoubler d’efforts pour créer et consolider des comités d’entreprise européens. En outre, le Comité réaffirme la nécessité, pour les travailleurs détachés dans un autre État membre, de bénéficier d’un ensemble de droits fondamentaux en vigueur dans l’État membre d’accueil conformément à la directive concernant le détachement des travailleurs.

4.4.

Comme souligné dans la stratégie LeaderSHIP 2020 (2013), le secteur des technologies maritimes rencontre des difficultés pour garantir le transfert de savoir-faire d’une génération à l’autre. Le CESE s’avoue très déçu par le fait qu’aucune mesure spécifique (de l’Union) n’ait été prise à ce jour, et appelle de ses vœux une feuille de route claire pour garantir une transition juste, rendre le secteur des technologies maritimes plus attractif et créer des infrastructures d’éducation et de formation adéquates proposant de nouvelles filières et compétences adaptées aux tendances et aux modèles d’entreprise actuels, ainsi qu’à la transition écologique et numérique. Le cadre pour une transition juste doit être fondé sur le dialogue social et prévoir des ressources suffisantes pour attirer une nouvelle main-d’œuvre ou encore soutenir les transitions entre emplois ainsi que la reconversion et le perfectionnement des travailleurs, y compris une formation en matière de santé et de sécurité sur les nouvelles technologies et les nouveaux processus. Tous les programmes devront être soumis à une évaluation et une certification, afin de garantir que les formations dispensées sont homogènes quant à leur structure et leurs normes.

4.5.

Le CESE estime que le comité de dialogue social sectoriel (CDSS) a un rôle essentiel à jouer dans le renforcement du secteur des technologies maritimes. Un dialogue social de qualité (reposant, par exemple, sur des actions conjointes ambitieuses), des accords et une collaboration entre les partenaires sociaux, y compris par l’intermédiaire du CDSS, sont essentiels et devraient être respectés.

5.   Accès aux financements

5.1.

Le CESE considère qu’il est primordial de maintenir des installations de production en Europe et de les rendre compétitives, et exhorte l’Union et les États membres à se donner comme priorité de financer l’industrie. Le secteur des technologies maritimes est confronté à des obstacles accrus pour obtenir des prêts bancaires et un financement public et son accès à d’autres sources de financement est extrêmement limité, surtout dans le cas des PME. Le CESE plaide également en faveur de règles de taxinomie européenne qui soutiennent les investissements durables dans le secteur maritime, qui ne laissent personne de côté et qui évitent toute forme de discrimination entre les acteurs de ce secteur. Les critères de performance environnementale doivent également être alignés sur la législation européenne et garantir la sécurité juridique des investissements technologiques.

5.2.

Le Comité estime que l’Union devrait encourager financièrement les armateurs européens à construire des navires en Europe, tout en maintenant autant que possible sur son territoire les chaînes d’approvisionnement et la production de sous-composants. Des fonds spécifiques et des appels à propositions devraient être pris en compte étant donné que les possibilités maritimes sont à peine mentionnées ou abordées dans les accords de partenariat ou les plans nationaux pour la reprise et la résilience.

5.3.

Le Comité demande que les recettes collectées au titre des infractions au règlement FuelEU Maritime et celles provenant du système d’échange de quotas d’émission de l’Union soient également utilisées en tant que sources de financement spécifiques et complémentaires pour soutenir le secteur maritime, et en particulier les activités de recherche-développement et d’innovation (RDI). Le CESE est prêt à participer à la conception de nouvelles politiques et de nouveaux régimes de financement de l’Union, et demande que les institutions européennes l’associent à toutes les discussions à venir sur la question.

5.4.

Étant donné que les instruments financiers existants ne sont ni suffisants ni adaptés aux secteurs à forte intensité de capital, le CESE invite une nouvelle fois la Commission «à mettre en place un instrument de financement qui contribuera à accroître les investissements dans le secteur de capital-risque qu’est l’industrie des chantiers navals» (9), et rappelle qu’il «convient également d’étudier la création d’un programme de financement qui permette aux entreprises européennes de recyclage de démanteler des catégories de navires de plus fort tonnage». Le CESE préconise de mettre en place un fonds de garantie de l’Union qui facilite l’accès aux financements pour les investissements à haut risque dans le domaine maritime. Le démantèlement et le recyclage des navires en fin de vie, y compris des bateaux de plaisance et de pêche, devraient également être rendus possibles grâce au financement de l’Union.

5.5.

Enfin, il est inacceptable que les entreprises de pays tiers qui ne respectent pas les normes de l’Union aient toujours accès à ses fonds (tels que les financements de la BEI) ainsi qu’au marché intérieur. Par conséquent, l’Union devrait appliquer strictement le principe de réciprocité et de diligence raisonnable en ce qui concerne le respect de ses propres normes et veiller à ce que les entreprises étrangères qui pratiquent le dumping social et perturbent les conditions de concurrence équitables au niveau mondial ne puissent pas accéder au marché intérieur ni aux instruments de financement de l’Union. La Commission devrait appliquer le règlement relatif aux subventions étrangères aux chantiers navals et fabricants d’équipements maritimes bénéficiant de subventions étrangères et envisager de réviser le règlement (UE) 2016/1035 du Parlement européen et du Conseil (10) relatif aux pratiques préjudiciables en matière de prix dans la construction navale.

6.   Recherche, développement et innovation (RDI)

6.1.

Si l’Union veut atteindre les objectifs du pacte vert pour l’Europe et mettre en œuvre sa stratégie industrielle, il lui faut adopter une approche sectorielle assortie d’actions spécifiques de politique sectorielle. Le CESE souligne que la route est longue de la théorie à la pratique, et se dit extrêmement déçu par le manque d’action visant à soutenir les progrès industriels de l’Union. Le Comité, les partenaires sociaux et les producteurs locaux ont attendu en vain qu’une impulsion soit donnée au secteur pour qu’il se tourne vers des navires, des carburants alternatifs et des technologies écologiques et se conforme aux objectifs fixés par le paquet «Ajustement à l’objectif 55» (11).

6.2.

Pour garder une longueur d’avance sur la concurrence, il est vital que les entreprises adoptent de nouvelles technologies de rupture (telles que les capteurs intelligents, tant pour les navires que dans les ports, ou l’analyse de données, l’internet des objets, l’informatique en nuage ou l’intelligence artificielle). Ces avancées permettront de mieux coordonner les services de transport maritime et les chaînes d’approvisionnement, d’accroître la sécurité et l’efficacité énergétique et d’améliorer la conception. Toutefois, le CESE souligne que les producteurs locaux investissent déjà en moyenne une part significative, quelque 9 %, de leur chiffre d’affaires annuel en recherche, développement et innovation (RDI), et demande que ces pionniers bénéficient de politiques publiques spécifiques et d’un soutien financier accru.

6.3.

Le CESE demande aussi de redoubler d’efforts aux niveaux national, européen et international pour accroître les capacités en matière de cybersécurité, étant donné que les risques dans ce domaine augmenteront au fil des avancées technologiques et de l’introduction de processus et de navires automatisés.

6.4.

Pour parvenir à une décarbonation complète du secteur des technologies maritimes, il convient d’opérer une conversion complète aux carburants et aux technologies alternatifs. Bien que, tous modes de transport confondus, le secteur maritime soit le plus économe en énergie, le CESE souligne que des améliorations pourraient encore être apportées en matière de recyclage, d’écologisation des investissements, de simplification des chaînes logistiques portuaires et d’infrastructures à émissions nulles et résilientes face au changement climatique, qu’elles soient destinées aux ports ou aux voies navigables. Le CESE plaide en faveur d’un soutien à la recherche et à l’innovation dans le secteur des technologies maritimes, car elles sont essentielles au développement de technologies de pointe et de concepts alternatifs potentiels pour le transport maritime, ainsi qu’à la compétitivité de ce secteur. À cet égard, il y a lieu de tendre vers une coopération d’envergure avec l’industrie de la défense.

6.5.

L’avenir du secteur des technologies maritimes passe par la collecte et la gestion de données, puisque l’analyse de données représente une occasion majeure d’améliorer la logistique, l’exploitation des navires et l’observation spatiale de vastes zones maritimes, ainsi que les performances environnementales des navires.

6.6.

La protection du savoir-faire et de la propriété intellectuelle est essentielle pour le secteur des technologies maritimes. Les connaissances qu’apporte la RDI financée par l’Union doivent rendre les entreprises européennes plus compétitives et profiter à la société. Les technologies maritimes vertes et intelligentes développées dans le cadre de projets de l’Union devraient donc être considérées comme cruciales pour la compétitivité et l’autonomie stratégique de l’Union et il devrait être possible de restreindre temporairement l’accès des entreprises de pays tiers à ces résultats, conformément aux dispositions juridiques d’Horizon Europe. Les secteurs des transports par voie d’eau qui ne sont pas encore inclus dans le champ d’application des partenariats existants, tels que les bateaux de plaisance et les yachts, devraient également bénéficier d’un financement de la RDI au titre du programme Horizon Europe.

6.7.

Enfin, le CESE souligne que les investissements dans la recherche-développement et l’innovation sont à même d’assurer à l’Union une place prépondérante sur les marchés internationaux; il se félicite donc de l’adoption du partenariat coprogrammé sur le transport par voie d’eau à émissions nulles.

7.   Considérations finales

7.1.

Le Comité estime qu’un «groupe d’experts maritimes» et une «alliance industrielle européenne pour le secteur des technologies maritimes» pourraient contribuer à améliorer et à rétablir la compétitivité mondiale du secteur des technologies maritimes, comme c’est le cas pour d’autres modes de transport.

7.2.

Si aucune mesure n’est prise au niveau sectoriel, le présent avis du CESE pourrait fort bien constituer l’un des derniers appels à soutenir, dans les plus brefs délais, le secteur des technologies maritimes afin de protéger le marché, les capacités industrielles et l’emploi en Europe et de reconquérir les marchés perdus. Le CESE a fait son possible pour attirer l’attention sur les actions politiques nécessaires et il est prêt à poursuivre son travail pour rendre le secteur plus compétitif. Si l’Union ne prend pas de mesures urgentes et ne met pas rapidement en œuvre une stratégie industrielle maritime spécifique, elle court le risque de devenir pleinement dépendante de l’Asie pour ses navires et plateformes, tant civils que militaires, ainsi que pour les équipements maritimes et les installations en mer. Voilà qui serait non seulement une véritable honte, mais aussi une grave erreur politique.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  «Un pacte pour les compétences».

(2)  Proposition FuelEU Maritime (proposition de règlement relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime).

(3)  Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275 du 25.10.2003, p. 32).

(4)  L’expression «secteur du transport par voie d’eau» doit être interprétée au sens large comme incluant les technologies maritimes, le transport maritime, la navigation intérieure, la navigation de plaisance ainsi que leurs chaînes d’approvisionnement.

(5)  Avis du Comité économique et social européen sur la stratégie LeaderSHIP 2020: une vision du secteur des technologies maritimes pour une industrie maritime innovante, durable et compétitive en 2020 (avis d’initiative) (JO C 262 du 25.7.2018, p. 8).

(6)  Le secteur des technologies maritimes comprend les chantiers navals et l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des producteurs et fournisseurs de systèmes, d’équipements et de technologies maritimes. Il n’inclut pas les prestataires de services maritimes (tels que les compagnies maritimes, les autorités portuaires ni les prestataires de services portuaires).

(7)  «LeaderSHIP 2020 — The Sea: new opportunities for the Future» (LeaderSHIP 2020 — La mer: de nouvelles perspectives d’avenir).

(8)  A Future European Maritime Technology Industrial Policy (Une future politique industrielle européenne en matière de technologies maritimes).

(9)  Avis du Comité économique et social européen sur la stratégie LeaderSHIP 2020: une vision du secteur des technologies maritimes pour une industrie maritime innovante, durable et compétitive en 2020 (avis d’initiative) (JO C 262 du 25.7.2018, p. 8).

(10)  Règlement (UE) 2016/1035 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les pratiques préjudiciables en matière de prix dans la construction navale (JO L 176 du 30.6.2016, p. 1).

(11)  «Ajustement à l’objectif 55»: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/38


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Donner aux jeunes les moyens de réaliser le développement durable grâce à l’éducation»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/06)

Rapporteure:

Tatjana BABRAUSKIENĖ

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

24.11.2022

Adoption en session plénière

15.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

126/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) invite les États membres à réaffirmer l’engagement qu’ils ont pris lors de la COP 26 (1) à faire de l’action pour le climat et du développement durable une composante essentielle du programme éducatif. Il est indispensable de reconnaître la nécessité de réinventer l’avenir avec les jeunes et de concevoir un nouveau contrat social qui transforme l’éducation de manière positive.

1.2.

Pour réaliser un changement de paradigme, le CESE plaide pour une approche transversale globale, garantissant la coopération entre les différentes parties prenantes, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile. Les organisations de jeunesse et l’éducation non formelle ont un rôle crucial à jouer dans la sensibilisation et le soutien à la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).

1.3.

Le CESE encourage la Commission européenne à continuer à se concentrer sur les besoins des jeunes dans le cadre de l’Année européenne des compétences 2023, en établissant un lien entre celle-ci et le développement durable et les défis auxquels les jeunes sont confrontés dans un monde en mutation.

1.4.

Le CESE se félicite du rôle de coordination joué par la Commission dans la promotion des projets, de la formation, des échanges de bonnes pratiques et de la communication entre enseignants afin de favoriser la mise en œuvre des ODD dans le domaine de l’éducation. Toutefois, l’éducation tant théorique que pratique aux approches et stratégies de développement durable devrait être conçue aux niveaux local, national et régional et reposer sur des recherches cohérentes et des plans d’action clairs; elle devrait notamment prévoir un suivi, permettant une amélioration continue et l’échange d’expériences.

1.5.

Le CESE souligne le rôle essentiel du dialogue social et civique dans l’intégration des ODD à tous les niveaux d’éducation, dans l’éducation formelle et non formelle et dans la formation des enseignants, afin de veiller à ce que ces domaines mettent en place des cadres de compétences explicites permettant de définir des objectifs d’apprentissage concrets et d’appliquer des méthodes d’évaluation.

1.6.

Le CESE affirme que chacun a besoin des connaissances nécessaires pour lutter contre le changement climatique, en particulier en ce qui concerne tous les aspects de la consommation et de la production durables, de manière à faire des choix alimentaires responsables et à réduire le gaspillage alimentaire, ainsi que l’utilisation de l’énergie durable. L’éducation des enfants devrait être soutenue par l’apprentissage tout au long de la vie pour les parents et l’éducation des citoyens. En outre, il convient de promouvoir la sensibilisation de tous, notamment en soutenant les organisations dirigées par les jeunes dans ce domaine.

1.7.

Le CESE demande que les investissements de l’Union soient mieux liés à l’éducation au développement durable dans le cadre de l’utilisation de fonds européens, tels que la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), Erasmus+, Horizon, le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen plus (FSE+).

1.8.

Le CESE invite tous les États membres à fournir des investissements publics durables et de qualité afin de veiller à ce que les objectifs de développement durable soient intégrés dans les programmes d’éducation nationaux, non seulement en théorie, mais aussi dans la pratique en élaborant des programmes de formation complets qui s’attachent à inculquer les compétences liées à la pensée critique et à former à une prise de décision éclairée.

1.9.

Le CESE demande aux États membres de prévoir un soutien efficace pour les enseignants afin de rendre la profession plus attrayante. Alors que l’Europe connaît une énorme pénurie d’enseignants, l’éducation à la durabilité a besoin d’un personnel éducatif apprécié, qui perçoit des salaires décents et dispose de bonnes conditions de travail. Pour transformer le système éducatif, il est essentiel d’assurer une formation initiale et continue de qualité des enseignants, de garantir l’équité et l’inclusion de ce domaine particulier dans les systèmes d’éducation et de formation, et de promouvoir une organisation innovante des écoles.

1.10.

Le CESE demande que la jeunesse soit placée au cœur du processus d’éducation et d’apprentissage. Cet objectif peut être atteint en réduisant la bureaucratie liée à la profession d’enseignant, en mettant l’accent sur la pédagogie innovante et sur une étroite coopération avec les étudiants. À cet égard, il est important de préparer tous les enseignants à une utilisation efficace des nouvelles technologies et à de nouveaux contextes d’apprentissage, que ce soit dans les programmes scolaires ou dans leur propre vie. Il serait utile d’évaluer la faisabilité de la mise en place d’une plateforme ou d’un tableau de bord en ligne spécifique pour l’échange de bonnes pratiques.

1.11.

Le CESE invite la Commission européenne à œuvrer à la mise en place d’un indicateur européen de réduction de la pauvreté et du décrochage scolaire, dans l’esprit de l’éducation au développement durable, afin de lutter contre les inégalités. Cet indicateur européen pourrait être établi parallèlement à un indicateur mondial.

2.   Historique et contexte

2.1.   L’impératif du développement durable

2.1.1.

Les responsables politiques, les décideurs et les parties prenantes à tous les niveaux doivent reconnaître que la transformation à grande échelle d’une économie linéaire fondée sur les combustibles fossiles et mobilisant des ressources importantes en une économie circulaire respectueuse du climat est indispensable, mais entraîne de nombreux bouleversements pour la vie et les projets d’avenir des citoyens, en particulier ceux des jeunes et des générations futures.

2.1.2.

La guerre que mène la Russie contre l’Ukraine a également mis en évidence la dépendance intenable dans laquelle l’Europe se trouve vis-à-vis des énergies fossiles et a replacé la transition écologique dans un contexte géopolitique neuf. Pour réduire notre dépendance, il est plus que jamais impératif d’accélérer la décarbonation. Compte tenu des défis actuels et futurs, le programme à l’horizon 2030, ses 17 objectifs de développement durable (ODD) et l’engagement de ne laisser personne ni aucune région de côté offrent une voie unique vers une économie du bien-être pour reconstruire en mieux et bâtir un monde plus équitable, juste, inclusif, durable et résilient.

2.1.3.

Dans un proche futur, l’Union européenne devrait montrer l’exemple en ouvrant un chemin durable sur le plan économique vers une transition verte et socialement juste. Pour atteindre cet objectif, le CESE invite les États membres et les institutions de l’Union à donner aux jeunes les moyens d’agir et à les associer à la prise de décision, en adaptant l’éducation et l’emploi et en mobilisant encore davantage de jeunes. Selon le «Programme d’action mondial pour la jeunesse à l’horizon 2000 et au-delà» (2), que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté en 1995: «Dans tous les pays, les jeunes constituent à la fois un capital humain d’une importance primordiale pour le développement et un facteur déterminant du changement social, du développement économique et du progrès technique». Le CESE souligne que les jeunes sont les responsables de demain. Leur accès à l’innovation progressive doit être soutenu et il convient de les associer pleinement à l’élaboration des politiques afin de renforcer le développement durable.

2.1.4.

L’objectif du présent avis d’initiative est d’analyser dans quelle mesure et de quelle manière les ODD sont intégrés dans les programmes éducatifs des États membres et d’examiner si l’approche adoptée par ces derniers peut être considérée comme une éducation transformatrice visant à promouvoir le développement durable (3). En outre, l’avis formule des recommandations pour apporter à la Commission et aux pays de l’Union un soutien concernant la manière de développer des perspectives et de surmonter les difficultés, s’agissant de poursuivre le déploiement de politiques en faveur de la jeunesse en veillant à ce que l’éducation au développement durable soit intégrée suffisamment tôt dans le parcours éducatif.

2.2.

L’environnement politique

2.2.1.

En 2015, les Nations unies ont adopté les objectifs de développement durable (ODD), conçus dans le but de fournir au monde un canevas ambitieux pour une action collective face à la dégradation de l’environnement et aux problématiques du développement socio-économique. Les 17 objectifs de développement durable, auxquels sont associées 169 cibles à atteindre pour 2030, font de l’éducation le cœur même de leur mise en œuvre. L’éducation est un droit de l’Homme et l’éducation (y compris celle à la durabilité) devrait être accessible à tous. Toutefois, selon le rapport de l’Unesco sur la mise en œuvre des ODD, l’éducation publique n’est pas gratuite pour tous et elle n’est souvent pas inclusive. Mettre en œuvre de l’ODD 4.7 s’est donc révélé être une mission difficile. En outre, «de nombreux pays ne sont toujours pas pleinement déterminés à faire de l’action pour le climat une composante essentielle des programmes scolaires» (4).

2.2.2.

L’objectif de développement durable 4.7 prescrit que les signataires devront, «d’ici à 2030, faire en sorte que tous les élèves acquièrent les connaissances et compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable, notamment par l’éducation en faveur du développement et de modes de vie durables, des droits de l’homme, de l’égalité des sexes, de la promotion d’une culture de paix et de non-violence, de la citoyenneté mondiale et de l’appréciation de la diversité culturelle et de la contribution de la culture au développement durable». L’avis du CESE sur ce thème, intitulé «Vers une stratégie de l’Union européenne visant à renforcer les aptitudes et les compétences vertes pour tous» (5) est conforme à cette recommandation.

2.2.3.

Ces dernières années, les politiques de l’Union européenne ont été de plus en plus axées sur la durabilité environnementale. Lancé en 2019, le pacte vert pour l’Europe (6) constitue le projet développé par la Commission européenne pour que l’économie de l’Union devienne durable, traduisant ainsi son ambition d’en faire, d’ici à 2050, le premier continent qui atteigne la neutralité climatique.

2.2.4.

Dans le cadre du plan qu’elle a développé pour que l’éducation et la formation contribuent à la transition verte, la Commission a suggéré une série d’initiatives: la première consiste à lancer la coalition «Éducation pour le climat» (7), la deuxième est constituée par les conclusions du Conseil récemment adoptées intitulées «Favoriser l’engagement des jeunes en tant qu’acteurs du changement en faveur de la protection de l’environnement» (8) et par une recommandation du Conseil visant à encourager l’apprentissage au service de la transition écologique et du développement durable (9), tandis que la troisième porte sur l’élaboration d’un cadre européen de compétences en matière de changement climatique et de développement durable (10).

2.2.5.

Les 4 et 5 avril 2022, le Conseil «Éducation, jeunesse, culture et sport» a souligné le rôle important du sport dans l’éducation en faveur d’un développement durable et a recommandé de «trouver les moyens de promouvoir l’éducation au développement durable et l’émergence d’un sens de la responsabilité civique et environnementale parmi les clubs sportifs, les fédérations et les autres parties prenantes dans le domaine du sport» (11).

2.2.6.

L’Année européenne de la jeunesse 2022 a également pour objectif de promouvoir les nouvelles opportunités et possibilités offertes par les transitions écologique et numérique. Ces transitions devraient être inclusives et veiller à intégrer des jeunes moins favorisés et des groupes vulnérables de jeunes. Le CESE invite la Commission européenne à se concentrer également sur les besoins des jeunes dans le cadre de l’Année européenne des compétences 2023, en établissant un lien entre celle-ci et le développement durable et les défis auxquels les jeunes sont confrontés dans un monde en mutation.

2.2.7.

Il importe de mieux lier les investissements de l’Union à l’éducation au développement durable dans le cadre de l’utilisation de fonds européens, tels que la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), Erasmus+, Horizon, le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen plus (FSE+). La lutte contre l’érosion de la biodiversité, la pollution et le changement climatique constitue, aux côtés de l’inclusion et de la diversité, de la transformation numérique et de la participation à la vie démocratique, l’une des quatre priorités horizontales du nouveau programme Erasmus+, couvrant la période 2021-2027. Le CESE salue le fait que la mobilité en ligne sera également encouragée dans le cadre du programme Erasmus de manière à réduire l’empreinte carbone.

3.   Jeunesse, éducation et développement durable

3.1.

L’importance du développement des compétences dans le domaine de l’atténuation du changement climatique et de l’adaptation à celui-ci, ainsi que pour l’économie circulaire, doit être prise en compte dans la reconversion et le perfectionnement professionnels des jeunes, des jeunes diplômés et des jeunes travailleurs. Les partenaires sociaux (organisations patronales et syndicats de travailleurs) et les organisations de la société civile ont un rôle clé à jouer dans la définition des normes et des profils d’emplois professionnels, ainsi que dans l’intégration des aspects liés à la durabilité dans les apprentissages et la formation des travailleurs. Les partenaires sociaux et la société civile aident les jeunes à s’adapter dans le cadre de la transition de l’école au monde du travail d’une manière qui intègre le développement durable. Le rôle du dialogue social et civique est essentiel et doit être renforcé.

3.2.

Les jeunes ont besoin de l’inclusion numérique et sociale, d’une éducation et d’une formation de qualité, d’un emploi stable, de bonnes conditions de travail, d’un logement abordable et d’un soutien dans la lutte quotidienne contre le changement climatique. Davantage de recherches et de données sont nécessaires concernant l’impact du changement climatique sur les pays, les régions et le niveau local; elles permettront d’établir un lien entre celui-ci et les prévisions en matière de compétences et d’emplois. Alors que l’Europe et d’autres continents sont confrontés à une crise alimentaire majeure, les jeunes doivent être au fait de tous les aspects de la consommation et de la production durables, de la réduction du gaspillage alimentaire et des choix alimentaires responsables.

3.3.

Il convient de lutter contre les inégalités en introduisant un indicateur mondial et européen de suivi de la réduction de la pauvreté et du décrochage scolaire, dans l’esprit de l’éducation au développement durable. Le dépeuplement des zones rurales lié au manque de perspectives en matière d’emploi et à des possibilités d’éducation insuffisantes a une incidence négative sur les jeunes familles. Le décrochage scolaire étant un problème dans les zones urbaines et rurales, les politiques du marché du travail et en faveur d’une croissance économique équitable doivent être efficaces pour réduire le nombre des NEET (12).

3.4.

La mise en œuvre effective du cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (13) et le renforcement du cadre européen de qualité pour les stages sont essentiels pour l’éducation au développement durable.

3.5.

Le CESE estime qu’au vu de l’ampleur, de la complexité et de l’urgence de ces questions, il est nécessaire que l’Union européenne et ses États membres accentuent leurs efforts et en améliorent la coordination, notamment en progressant dans le domaine de l’éducation à la durabilité, qui représente aujourd’hui un enjeu critique. Cela inclut également l’éducation à l’utilisation de l’énergie durable. Il importe que les politiques de l’Union et des États membres en matière d’éducation fassent l’objet d’un suivi et d’une cartographie systématiques, et que les pays et les organisations échangent les bonnes pratiques. Le cœur de cette éducation est formé par les valeurs humanistes qui sont axées sur l’acquisition du savoir et l’élaboration de solutions concrètes d’un caractère équilibré, vu les conséquences qu’elles produisent pour l’environnement et la société.

3.6.

Les enseignants et les parents jouent un rôle primordial dans l’éducation à un environnement durable. Les enseignants et les formateurs doivent bénéficier d’une formation professionnelle initiale et continue de qualité sur la durabilité. L’avis du CESE intitulé «Vers une stratégie de l’Union européenne visant à renforcer les aptitudes et les compétences vertes pour tous» (14) a mis en évidence un point essentiel, à savoir que chacun a besoin des connaissances nécessaires pour lutter contre le changement climatique. L’apprentissage tout au long de la vie pour les parents et l’éducation des citoyens revêtent une importance cruciale et devraient être renforcés par une sensibilisation de l’ensemble de la population, y compris en soutenant les organisations de jeunesse dans ce domaine.

3.7.

Le CESE demande aux États membres d’apporter un soutien efficace aux enseignants afin de rendre la profession plus attrayante. Alors que l’Europe connaît une énorme pénurie d’enseignants, l’éducation à la durabilité a besoin d’un personnel éducatif apprécié, qui perçoit des salaires décents et dispose de bonnes conditions de travail. Pour transformer le système éducatif, il est essentiel d’assurer une formation initiale et continue de qualité des enseignants, de garantir l’équité et l’inclusion de ce domaine particulier dans les systèmes d’éducation et de formation, et de promouvoir une organisation innovante des écoles, créant ainsi une culture de la paix et de la sécurité. Pour donner aux jeunes les moyens d’agir en faveur du développement durable grâce à l’éducation, il faut des professionnels compétents, dotés d’outils variés et puissants. Les enseignants qualifiés sauront comment utiliser au mieux, dans le cadre de leur travail quotidien, la déclaration de Paris (15) et la déclaration d’Osnabrück sur l’EFP (16) en promouvant la citoyenneté et les valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination dans l’éducation.

3.8.

Les jeunes européens représentent un capital humain d’une valeur inestimable; de par leur imagination créative, leur enthousiasme et leur énergie, ils offrent un vivier d’idées novatrices et, s’agissant de piloter le développement durable dans les États membres de l’Union européenne, aujourd’hui comme dans un avenir proche, ce sont eux qui assument un rôle de protagonistes. Les États membres de l’Union européenne disposent là d’un vaste gisement inexploité à mettre au service de leur action. Les organisations de jeunesse et l’éducation non formelle ont un rôle important à jouer dans le soutien à l’éducation et à l’apprentissage durables.

3.9.

Le CESE demande que la jeunesse soit placée au cœur du processus d’éducation et d’apprentissage. Cet objectif peut être atteint en réduisant la bureaucratie liée à la profession d’enseignant, en mettant l’accent sur la pédagogie innovante et sur une relation étroite avec les étudiants, et en préparant l’ensemble des enseignants à une utilisation des nouvelles technologies, à de nouveaux contextes d’apprentissage, que ce soit dans les programmes scolaires ou dans leur propre vie. Une éducation transformatrice nécessite des enseignants, des compétences et des citoyens porteurs de transformation. Les enseignants et les formateurs ont besoin de suffisamment de temps, d’espace et de ressources pour pouvoir mettre en œuvre l’approche pratique et transversale de l’éducation à la durabilité environnementale (EDE), sur la base d’un travail d’équipe efficace entre les parties prenantes. Il s’agit d’un sujet transversal qui concerne toutes les disciplines de l’éducation et de la formation professionnelle dans le cadre d’une approche pédagogique interdisciplinaire.

3.10.

Il est gratifiant de constater qu’ils contribuent d’ores et déjà au développement durable dans leur pays et aux objectifs internationaux en matière de climat dans une optique de «bienveillance pour l’environnement» et qu’en outre, ils s’engagent activement dans les réseaux internationaux de mouvements de jeunesse qui se donnent pour objectif de protéger la nature et de lutter contre le changement climatique. En complément de cette démarche, nous nous devons d’adapter l’ensemble des filières éducatives, afin de ménager un espace à une éducation transformatrice, grâce à laquelle plus de jeunes seront en mesure de canaliser leurs efforts vers la réalisation de ce changement à valeur de la mutation dont nous avons besoin. Selon le rapport récemment publié par le GIEC, l’apprentissage transformateur est capital, car il contribue à susciter, tout à la fois, une prise de conscience partagée et des actions collectives (17).

4.   Le développement durable doit être vu comme un processus d’apprentissage continu et global

4.1.

Encore importe-t-il de reconnaître que ni l’État ni la société ne peuvent se développer durablement sans un apprentissage continu et sans acquisition et assimilation d’expériences nouvelles. Sur ce point, il y a lieu de considérer que le développement durable constitue un processus continu, par l’intermédiaire duquel la société doit apprendre à mener une existence qui présente une plus grande durabilité, sous l’angle environnemental, économique et social. En ouvrant à la population un accès à l’information et en la rendant plus consciente des enjeux mais aussi, et ce point revêt une portée encore plus importante, en développant sa capacité à innover et à mettre en œuvre des solutions, l’éducation à la durabilité joue un rôle capital dès lors que nous entendons réorienter notre manière de vivre et de travailler. Pour former les jeunes à appréhender avec lucidité les enjeux les plus complexes du développement durable auxquels nos communautés et nos pays sont confrontés, il s’impose d’élaborer de vastes programmes de formation qui s’attachent à inculquer les compétences liées à la pensée critique et à former à une prise de décision éclairée.

4.2.

Les études et les recherches menées pour la Commission européenne en vue de la préparation de la proposition de recommandation du Conseil sur l’apprentissage au service de la durabilité environnementale indiquent que seuls 13 États membres disposent d’une définition claire de l’éducation au développement durable (EDD) ou de l’éducation à la durabilité environnementale (EDE). Il est regrettable que certains États membres ne mettent pas en œuvre le concept d’«éducation au développement durable» et l’ODD 4.7, alors qu’ils sont reconnus comme faisant partie intégrante de l’objectif de développement durable no 4 (ODD 4) relatif à une éducation de qualité et comme des catalyseurs essentiels de tous les autres objectifs de développement durable (ODD). Si la question spécifique du financement n’était pas abordée dans les rapports par pays analysés, l’Italie, qui a commencé à prendre des engagements en faveur de l’EDD, a toutefois clairement indiqué que le manque de financement était l’une des principales raisons pour lesquelles la mise en œuvre de l’EDD est au point mort. Lorsque les gouvernements sont contraints de procéder à des coupes en raison de crises économiques, énergétiques et de coût de la vie, l’éducation, comme d’autres domaines ayant une dimension sociale, figure toujours dans l’équation. Le manque d’investissements est à l’origine de différentes formes de privatisation et d’asymétries dans les systèmes, ce qui érode l’équité et la liberté pédagogique et académique.

4.3.

La question de savoir si nous avons besoin d’une stratégie centralisée et «descendante» (top-down) pour réussir la mise en œuvre de l’EDD ou s’il existe d’autres facteurs qui déterminent son succès donne également matière à réflexion. Si le Danemark et les Pays-Bas n’ont pas mis en place de stratégie nationale en faveur de l’EDD, leurs écoles travaillent activement sur ce sujet. La Finlande dispose d’une stratégie nationale, mais craint que le niveau de l’éducation dans ce domaine ne varie fortement d’une école à l’autre. L’Italie a déjà inclus l’EDD dans les programmes scolaires nationaux, mais elle est confrontée à des difficultés dans sa mise en œuvre au niveau régional. La France a élaboré une stratégie nationale, gérée par les autorités locales chargées de l’enseignement et mise en œuvre dans toutes les écoles dans le cadre des programmes nationaux et de projets pédagogiques. Cela permet à tous les niveaux d’être associés, ce qui garantit le succès de la stratégie.

4.4.

L’une des questions cruciales est la priorité donnée à l’éducation au développement durable. L’OCDE, en collaboration avec la Commission européenne, a récemment publié une étude (18) recensant les compétences des jeunes en matière de durabilité environnementale dans l’ensemble des pays de l’Union et de l’OCDE. Cette nouvelle approche en matière d’études et d’évaluations pourrait envoyer un signal positif pour mieux classer l’EDD dans l’ordre des priorités des États membres. Il pourrait être utile d’étudier plus avant la relation entre les mesures prises par les Nations unies pour promouvoir l’éducation au développement durable et celles adoptées par l’OCDE pour contribuer à l’élaboration de la politique en matière d’éducation par le biais du programme PISA, afin de déterminer s’il existe des asymétries quant à la manière dont ces deux ensembles de mesures façonnent les systèmes éducatifs.

4.5.

L’un des obstacles potentiels est la mise en œuvre de l’éducation au développement durable dans les pays dotés d’un système fédéral. Les rapports nationaux ont mis en évidence que le degré de coordination entre le ministère fédéral compétent et les autorités régionales diffère d’un État membre à l’autre: l’Allemagne connaît des difficultés à cet égard, tandis que l’Autriche dispose d’un réseau qui réglemente la coordination. La manière dont le gouvernement fédéral autrichien est associé aux initiatives ascendantes est un exemple que d’autres pays pourraient suivre.

4.6.

Pour nos sociétés actuelles et futures, il est primordial de réévaluer, repenser et redéfinir l’éducation sous l’angle de l’éducation et de l’apprentissage durables, de l’enseignement préscolaire à l’université et au-delà, de façon à ce qu’elle intègre à terme les principes, savoirs, compétences, convictions et valeurs qui sont associés à la durabilité dans chacun des trois domaines concernés: l’écologie, la société et l’économie. Un tel processus devrait revêtir un caractère mondial et interdisciplinaire, comporter des initiatives venues du terrain et toucher l’ensemble de l’opinion publique, ainsi que bénéficier de l’appui des pouvoirs publics concernés. Pour la mettre en œuvre dans chaque pays, il s’impose toutefois de tenir compte des caractéristiques locales et des spécificités culturelles.

4.7.

Il conviendrait que l’éducation au développement durable vulgarise les connaissances relatives à l’environnement et à sa situation, et qu’elle mette en avant les pistes dont nous disposons pour procéder à une adaptation de nos économies qui incite à donner la priorité au bien-être des personnes et à la planète, en favorisant l’équité entre les générations et la préservation du milieu naturel. Une économie remaniée en ce sens devrait attacher plus d’importance aux méthodes de gestion respectueuses de l’environnement, ouvrir des perspectives qui promeuvent un respect scrupuleux des valeurs en rapport avec la nature et la culture, et adopter une démarche axée sur elles et fondée sur une éthique écologique de responsabilité qui privilégie la préservation du milieu naturel au profit des générations présentes et futures, et une utilisation durable des ressources naturelles.

4.8.

Une éducation transformatrice pour le développement durable devrait:

reposer sur les principes et les valeurs qui le sous-tendent,

couvrir chacun de ses trois champs d’application, à savoir l’environnement, la société et l’économie,

stimuler un apprentissage tout au long de la vie et embrassant tous les aspects de la vie propice à ce que les sociétés soient durables, respectueuses, responsables, qu’elles adoptent une démarche volontariste et fassent preuve d’esprit critique,

s’engager en faveur d’un enseignement de qualité, bénéficiant d’un soutien actif et s’inscrivant dans des approches globales,

favoriser une formation accessible, fondée sur les droits, qui se montre respectueuse, ait le souci de l’inclusivité et prise la diversité,

penser au niveau mondial tout en étant attentive aux problématiques locales et aux spécificités culturelles,

couvrir le champ éducatif formel, non formel et informel,

prendre en considération le caractère évolutif que revêt la notion de développement durable.

4.9.

Il n’existe pas de modèles d’éducation transformatrice à la durabilité qui seraient universels, de sorte que c’est à chaque pays qu’il appartiendra, en associant de manière effective les partenaires sociaux, la société civile organisée et les autres parties prenantes concernées, en ce compris les organisations de jeunesse, de définir ses priorités et interventions spécifiques dans le domaine du développement durable en rapport avec l’enseignement. La direction collaborative des écoles et l’éducation à la citoyenneté jouent un rôle essentiel pour préparer les écoles à améliorer l’éducation durable. Pour déterminer les objectifs, grandes lignes d’intervention et mécanismes en la matière, il conviendra de tenir compte des conditions locales, d’ordre environnemental, social et économique, et des particularités culturelles.

4.10.

L’élaboration d’un dispositif éducatif concernant le développement durable implique d’opérer la transition de l’enseignement classique à un modèle axé sur la durabilité, qui devrait s’appuyer sur un vaste réservoir de connaissances interdisciplinaires, lui-même soutenu par une approche intégrée du développement de la société, de l’économie et de l’environnement. Un enseignement de ce type suppose d’agir au niveau de l’éducation tant formelle, dispensée dans les écoles, les universités et les institutions de formation de pointe, que non formelle, par la création de centres de formation, l’organisation de séminaires ou de tables rondes, et l’utilisation des médias ou d’autres canaux, ou encore informelle, grâce à l’apprentissage entre pairs dans le cadre de grandes rencontres, aux échanges de jeunes ou aux projets qu’ils mènent eux-mêmes, pour ne citer que ces quelques moyens. Les programmes d’éducation et de formation intégrant l’éducation à la durabilité environnementale doivent être accessibles et inclusifs. Les gouvernements doivent prendre en considération, à un stade précoce, la réalité des jeunes issus de milieux défavorisés et veiller à trouver des moyens d’inclure ces groupes.

Bruxelles, le 15 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Conclusions des coprésidents lors du sommet des ministres de l’éducation et de l’environnement dans le cadre de la COP 26 «Learn for our Planet. Act for the climate» (Apprendre pour notre planète: agir pour le climat).

(2)  Nations unies, Programme d’action mondial pour la jeunesse.

(3)  Différents termes sont utilisés: l’avis fait référence à «l’éducation transformatrice visant à promouvoir le développement durable». Toutefois, les termes d’«éducation au développement durable» (EDD) et d’«éducation à la durabilité environnementale» (EDE) sont utilisés indifféremment dans le contexte actuel. Voir également le glossaire en annexe.

(4)  Rapport mondial de suivi sur l’éducation de l’Unesco, 2021/2: «non-state actors in education: who chooses? who loses?» (Les acteurs non étatiques dans l’éducation: qui choisit? qui est perdant?).

(5)  Avis du Comité économique et social européen sur «Vers une stratégie de l’Union européenne visant à renforcer les aptitudes et les compétences vertes pour tous» (avis d’initiative) (JO C 56 du 16.2.2021, p. 1).

(6)  Pacte vert pour l’Europe.

(7)  Commission européenne — «Éducation pour le climat».

(8)  Conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil — Favoriser l’engagement des jeunes en tant qu’acteurs du changement en faveur de la protection de l’environnement (JO C 159 du 12.4.2022, p. 9).

(9)  Recommandation du Conseil du 16 juin 2022 sur l’apprentissage au service de la transition écologique et du développement durable (JO C 243 du 27.6.2022, p. 1).

(10)  Bianchi, G., Pisiotis, U., et Cabrera Giraldez, M., GreenComp — The European sustainability competence framework («GreenComp — Le cadre européen de compétences en matière de durabilité»), Punie, Y., et Bacigalupo, M. (éd.), EUR 30955 EN, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2022, ISBN 978-92-76-46485-3, doi:10.2760/13286, JRC128040.

(11)  Conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres sur «Le sport et l’activité physique, leviers prometteurs de transformation des comportements en faveur d’un développement durable» (JO C 170 du 25.4.2022, p. 1).

(12)  NEET est un acronyme de «Not in Education, Employment, or Training» et fait référence à une personne ne travaillant pas, ne suivant pas d’études ou de formation.

(13)  Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (JO C 153 du 2.5.2018, p. 1).

(14)  Avis du Comité économique et social européen sur «Vers une stratégie de l’Union européenne visant à renforcer les aptitudes et les compétences vertes pour tous» (avis d’initiative) (JO C 56 du 16.2.2021, p. 1).

(15)  Déclaration sur la promotion de la citoyenneté et des valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination au moyen de l’éducation Eurydice.

(16)  Déclaration d’Osnabrück sur l’enseignement et la formation professionnels en tant que moteur de la reprise et de transitions justes vers des économies numériques et vertes — osnabrueck_declaration_eu2020.pdf

(17)  Sixième rapport d’évaluation du GIEC, rapport du groupe de travail III, «Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change» (Changement climatique 2022: atténuation du changement climatique), p. 2871.

(18)  Borgonovi, F., et al. (2022), «Young people’s environmental sustainability competence: Emotional, cognitive, behavioural, and attitudinal dimensions in EU and OECD countries» (Les compétences des jeunes en matière de durabilité environnementale: les dimensions émotionnelle, cognitive et comportementale dans les pays de l’UE et de l’OCDE), Documents de travail de l’OCDE sur les questions sociales, l’emploi et les migrations, no 274, Éditions OCDE, Paris. Borgonovi, F., et al. (2022), «The environmental sustainability competence toolbox: From leaving a better planet for our children to leaving better children for our planet» (Boîte à outils pour les compétences en matière de durabilité environnementale: de comment laisser une meilleure planète à nos enfants à comment laisser de meilleurs enfants à notre planète), Documents de travail de l’OCDE sur les questions sociales, l’emploi et les migrations, no 275, Éditions OCDE, Paris. Ces documents d’information ont été préparés en vue de la prochaine publication des Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2023.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/45


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Initiative citoyenne européenne — Sauvons les abeilles et les agriculteurs»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/07)

Rapporteur:

Arnold PUECH D’ALISSAC

Décision de l’assemblée plénière

19.5.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

24.11.2022

Adoption en session plénière

15.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

168/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le succès de cette initiative citoyenne européenne (ICE) montre une attente très forte des citoyens européens vis-à-vis de la Commission européenne (CE). Le Comité économique et social européen (CESE) tient tout d’abord à féliciter l’organisateur et à saluer l’engagement des citoyens pour ce succès, étant donné la difficulté à collecter toutes les signatures nécessaires. Il invite donc la CE à apporter des réponses précises et concrètes aux demandes formulées par cette ICE.

1.2.

Le CESE déplore que la principale proposition de l’ICE, qui consiste à renoncer progressivement aux pesticides de synthèse jusqu’à leur interdiction complète en 2035, ne soit pas mise en lumière dans le titre retenu: «Sauvons les abeilles et les agriculteurs». Il souligne par ailleurs que de nombreux actes juridiques sont en cours d’élaboration ou ont déjà été adoptés par la CE en faveur des abeilles, des pollinisateurs, de la biodiversité, de l’utilisation durable des pesticides et de l’accompagnement des agriculteurs dans la transition agroécologique, mais reconnaît néanmoins que ces mesures n’ont pas permis d’atteindre pleinement leurs objectifs. C’est pourquoi il appelle la CE à prendre des mesures complémentaires pour atteindre concrètement et avec plus d’efficacité les objectifs ambitieux qu’elle se fixe. Il recommande par exemple que soient soutenus plus fortement l’agriculture de précision, l’agriculture numérique, le biocontrôle, la robotique, mais aussi l’agroécologie.

1.3.

Le CESE insiste sur la nécessité de prendre en compte l’ensemble des trois piliers de la durabilité (environnemental, social et économique), sans omettre l’économique qui est souvent mis de côté, dans un contexte essentiel de durabilité des systèmes et de souveraineté alimentaire.

1.4.

Le CESE invite également la CE à réaliser des études d’impact avant de prendre toute décision, pour évaluer notamment les coûts de l’initiative sur la production agricole et sur l’économie, à mettre en parallèle du coût économique que représente la perte de la biodiversité pour les agriculteurs.

2.   Contexte

2.1.   Une ICE pour une agriculture plus respectueuse des abeilles, des hommes et de l’environnement

2.1.1.

Le dispositif de l’ICE offre la possibilité aux citoyens européens de participer activement aux processus démocratiques de l’Union européenne (UE), en demandant à la CE de proposer de nouvelles législations. Dès lors qu’une initiative reçoit le soutien d’au moins 1 million de citoyens de l’UE et atteint les seuils nécessaires dans au moins un quart des États membres (EM) (1), la CE doit répondre à l’ICE.

2.1.2.

L’ICE «Sauvons les abeilles et les agriculteurs! Vers une agriculture respectueuse des abeilles pour un environnement sain» ayant atteint ces seuils, elle demande par conséquent à la CE de proposer des actes juridiques visant à supprimer progressivement les pesticides de synthèse d’ici à 2035, à rétablir la biodiversité et à aider les agriculteurs pendant cette phase de transition.

2.2.   Un contexte de déclin des pollinisateurs et d’érosion de la biodiversité en Europe

2.2.1.

Les demandes formulées par cette ICE se placent dans un contexte où l’Europe fait face à un déclin des abeilles. En effet, d’après la liste rouge européenne des abeilles, une espèce sur trois d’abeilles et de papillons est en déclin et une sur dix est menacée d’extinction (2).

2.2.2.

Or, 84 % des cultures européennes bénéficient au moins partiellement d’une pollinisation animale (3) et 78 % des plantes sauvages de l’UE dépendent des insectes pollinisateurs (4). Leur protection est donc un enjeu crucial pour la production agricole, dans le contexte actuel essentiel de sécurité et de souveraineté alimentaires. De plus, les abeilles sont essentielles à la production de miel, alors que l’Union européenne n’est autosuffisante en miel qu’à 60 %. Pour répondre à la demande, elle doit compter sur les importations (dont 28 % proviennent de Chine), dont la qualité est inférieure à celle du miel européen.

2.2.3.

D’après le rapport d’évaluation sur les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) (5), les principaux facteurs de déclin des pollinisateurs sont les changements d’usage des terres, les pratiques agricoles intensives et l’utilisation des pesticides, la pollution environnementale, les espèces exotiques envahissantes, les agents pathogènes et le changement climatique.

2.2.4.

Une ressource alimentaire (nectar et pollen) diversifiée et disponible en quantité suffisante tout au long de l’année est également un facteur clé pour le bon développement des abeilles et pour garantir une production de miel plus régulière pour les apiculteurs (6).

2.2.5.

Le déclin des abeilles s’inscrit dans un contexte plus global d’érosion de la biodiversité. En effet, le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, établi en 2019 par l’IPBES (7), a dressé le bilan d’une érosion sans précédent de la biodiversité.

2.2.6.

À la suite de ces rapports de l’IPBES, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) ont publié, en mai 2022, une expertise scientifique collective (ESCo) sur les impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques (8). L’ESCo met en avant l’aspect multifactoriel du déclin de la biodiversité, ainsi que la difficulté d’établir la part relative des produits phytopharmaceutiques (PPP) dans ce déclin à cause de l’interdépendance des différents facteurs. Les connaissances scientifiques ont en revanche permis à l’ESCo d’établir un lien de causalité clair entre l’utilisation de PPP et le déclin de certaines populations: c’est le cas des insectes pollinisateurs.

2.3.   De nombreux actes juridiques sont en cours d’élaboration ou ont déjà été adoptés par la CE en faveur des abeilles, de l’utilisation durable des pesticides, de la restauration de la biodiversité et de l’accompagnement des agriculteurs dans la transition agroécologique

2.3.1.

Concernant la protection des abeilles et des pollinisateurs: l’UE a lancé en 2018 l’initiative européenne sur les pollinisateurs, qui a pour objectif de lutter contre le déclin des pollinisateurs sauvages dans l’UE. Celle-ci comprend dix actions réparties en trois thèmes prioritaires:

améliorer les connaissances sur le déclin des pollinisateurs, ses causes et ses conséquences,

lutter contre les causes du déclin des pollinisateurs,

sensibiliser, engager la société dans son ensemble et promouvoir la collaboration.

Néanmoins, la Cour des comptes européenne a constaté dans son rapport spécial 15/2020 sur la protection des pollinisateurs sauvages dans l’UE (9) que «cette démarche n’avait guère produit d’effets pour ce qui est d’enrayer le déclin et qu’une meilleure gestion de l’initiative était nécessaire pour que celle-ci puisse atteindre ses objectifs». La CE a par ailleurs elle-même reconnu dans son rapport sur la mise en œuvre de l’initiative (10) que si des progrès significatifs ont été accomplis dans la mise en œuvre des actions de l’initiative, des efforts sont encore nécessaires pour lutter contre les différentes causes du déclin.

2.3.2.

Concernant la réduction des impacts et des risques des produits phytosanitaires: la CE a lancé la révision de sa directive sur l’utilisation durable des pesticides, afin de répondre à la problématique majeure de son efficacité limitée lorsqu’il s’agit de réduire leur utilisation et les risques pour la santé humaine et l’environnement, en présentant en juin 2022 un nouveau projet de règlement (11). Parmi les principales mesures, on peut citer:

des objectifs juridiquement contraignants au niveau de l’UE pour réduire de 50 % l’utilisation et le risque des pesticides chimiques ainsi que l’utilisation des pesticides les plus dangereux d’ici 2030,

de nouvelles mesures pour garantir la mise en œuvre par les agriculteurs de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures,

l’interdiction, hors dérogation encadrée, de tous les pesticides dans les zones sensibles.

2.3.3.

La mise sur le marché dans l’UE des PPP est strictement réglementée. Le cadre juridique relatif à la mise sur le marché de PPP dans l’UE est établi par le règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil (12). Conformément à celui-ci, des évaluations des risques sont menées avant l’approbation d’une substance active au niveau européen, afin d’éviter des effets néfastes potentiels sur la santé ou sur l’environnement. De plus, les lignes directrices concernant l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles [document d’orientation sur les abeilles ou «Bee Guidance Document» (13)] sont en cours de révision pour prendre en compte les dernières avancées scientifiques dans ce domaine.

2.3.4.

Concernant la restauration de la biodiversité dans les zones agricoles: l’UE peut s’appuyer, même s’il ne concerne pas que des zones agricoles, sur le réseau Natura 2000 et sur les directives «Oiseaux» (14) et «Habitats» (15), qui forment le socle de la législation européenne en matière de conservation de la nature. La CE a également mis en place la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 (16). Celle-ci contient notamment des actions et engagements visant à la restauration de la biodiversité dans les zones agricoles, déclinés dans le projet de règlement sur la restauration de la nature (17), présenté par la CE le 22 juin 2022. En particulier, l’article 8 du projet consacrerait l’objectif contraignant pour les EM de renverser le déclin des populations de pollinisateurs d’ici 2030, et l’article 9 consacrerait des engagements de restauration des écosystèmes agricoles, comme couvrir au moins 10 % des espaces agricoles de l’UE avec des éléments aux «caractéristiques paysagères à haute diversité» d’ici 2030.

2.3.5.

Concernant l’accompagnement des agriculteurs dans la transition: la nouvelle PAC 2023-2027 est un outil clé pour atteindre les objectifs ambitieux du pacte vert pour l’Europe et accompagner les agriculteurs. Un rapport spécial de la Cour des comptes avait montré en 2020 que la contribution de la PAC actuelle n’avait pas permis d’enrayer le déclin de la biodiversité dans les terres agricoles (18). La Cour des comptes avait conclu que «le suivi, par la CE, des dépenses liées à la biodiversité est peu fiable, que l’impact des paiements directs dans le cadre de la PAC est limité ou inconnu, et enfin, que la CE et les EM ont favorisé des mesures de développement rural ayant un impact assez faible». La nouvelle PAC prévoit de nouvelles mesures pour améliorer son impact environnemental, comme une conditionnalité améliorée.

2.3.6.

Des textes et travaux européens dans d’autres secteurs que l’agriculture peuvent aussi avoir un effet indirect en faveur des pollinisateurs, comme le paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55», en référence à l’objectif de l’UE de réduire ses émissions de carbone de 55 % d’ici 2030 (les abeilles étant affectées également par le changement climatique), le plan d’action «zéro pollution» destiné à supprimer la pollution dans l’air, l’eau et les sols, la directive sur les énergies renouvelables, ou encore la nouvelle stratégie européenne pour les forêts, avec l’ambition de la CE de planter trois milliards d’arbres à travers l’Europe d’ici 2030.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE souligne l’importance des ICE en tant qu’outil de participation directe des citoyens européens. En effet, l’ICE est l’outil de démocratie participative le plus puissant existant au niveau européen. Le CESE, en tant que pont entre les organisations de la société civile et les institutions européennes, a renforcé au fil des années la place donnée aux ICE et augmenté leur visibilité dans le travail quotidien des institutions européennes. Il se félicite que cet avis soit le premier à être adopté sur une ICE, avant la réponse de la CE, et invite cette dernière à répondre de manière précise aux demandes formulées.

3.2.

Le CESE déplore que la principale proposition de l’ICE, qui consiste à renoncer progressivement aux pesticides de synthèse jusqu’à leur interdiction complète en 2035, ne soit pas mise en lumière dans le titre retenu: «Sauvons les abeilles et les agriculteurs». Il souligne que de nombreux actes juridiques sont en cours d’élaboration ou ont déjà été adoptés par la CE pour tenter de répondre à ces demandes, mais reconnaît que ces mesures n’ont pas permis d’atteindre pleinement leurs objectifs. C’est pourquoi il appelle la CE à prendre des mesures complémentaires pour atteindre concrètement et plus rapidement ses objectifs. Le CESE insiste néanmoins sur la nécessité de prendre en compte l’ensemble des trois piliers de la durabilité (environnemental, social et économique), dans un contexte essentiel de durabilité des systèmes et de souveraineté alimentaire, et de réaliser des études d’impact avant de prendre toute décision, pour évaluer notamment les coûts de l’initiative sur la production agricole et sur l’économie.

4.   Observations particulières

4.1.

Concernant la demande de l’ICE de «réduire progressivement de 80 % l’utilisation de pesticides de synthèse dans l’agriculture de l’UE d’ici à 2030, en commençant par supprimer les produits les plus dangereux, de manière à ne plus recourir à des pesticides de synthèse à l’horizon 2035»:

4.1.1.

Le CESE met en garde contre la proposition de fixer des objectifs idéalistes ou inatteignables dans un délai trop contraint. Il souligne que la CE propose déjà de réduire de 50 % l’utilisation et le risque des pesticides chimiques ainsi que l’utilisation des pesticides les plus dangereux d’ici 2030. De manière plus globale, il s’oppose à la fixation d’objectifs de réduction des pesticides sans lien avec la disponibilité de solutions alternatives efficaces et accessibles pour les agriculteurs.

4.1.2.

Le CESE souligne que l’encadrement réglementaire des PPP en Europe est parmi les plus exigeants au monde en termes d’objectifs, puisqu’il fixe comme principe l’absence d’effets inacceptables sur l’environnement.

4.1.3.

Pour le CESE, le déclin des abeilles domestiques et des pollinisateurs sauvages ayant des causes multifactorielles, la sortie des pesticides ne devrait pas être perçue comme le levier unique ou principal pour assurer leur sauvetage. Il est essentiel de lutter contre l’ensemble des facteurs de déclin. Par exemple, pour l’abeille domestique, la lutte contre le varroa et le frelon asiatique sont des préoccupations majeures pour les apiculteurs professionnels, qui espèrent de nouvelles solutions de traitement pour mieux protéger leurs abeilles.

4.1.4.

Le CESE fait le constat de l’importance des abeilles domestiques, des pollinisateurs sauvages et des autres insectes pour l’agriculture (pollinisation des cultures, régulation naturelle des ravageurs, etc.). Il donne en exemple les partenariats gagnants-gagnants entre agriculteurs et apiculteurs, de type «Adopte une ruche» (19), lancés par les agriculteurs. En effet, les agriculteurs qui adoptent des ruches veillent particulièrement à la protection des abeilles lors de la réalisation de traitements phytosanitaires destinés à protéger leurs cultures. Il faudrait également développer les dispositifs de type «ApiAlert» (20), permettant de compter la mortalité des ruches et d’objectiver les causes réelles de leur mortalité.

4.2.

Concernant la demande de l’ICE de «restaurer les écosystèmes naturels dans les zones agricoles pour que l’agriculture devienne un moyen de rétablir la biodiversité»:

4.2.1.

Le CESE souligne que l’activité humaine, comme certaines pratiques agricoles, fait partie des causes du déclin des pollinisateurs et de la biodiversité, mais que l’agriculture peut également être une solution. Il souhaite par exemple que soient davantage soutenus des projets comme la replantation de haies ou le développement de ressources mellifères par les agriculteurs, afin de consacrer ces derniers en tant qu’acteurs de la sauvegarde des abeilles et de la biodiversité. Par ailleurs, il sera essentiel de mieux rémunérer les agriculteurs pour les services écosystémiques qu’ils rendent, afin de les soutenir dans la réalisation de ce type de projets.

4.2.2.

Le CESE constate la forte ambition de la CE pour que l’agriculture devienne un moyen de rétablir la biodiversité, avec les objectifs et mesures des stratégies «Biodiversité» et «De la ferme à la table» et le projet de règlement sur la restauration de la nature, et il s’inquiète pour le respect de la souveraineté alimentaire de l’Union européenne.

4.2.3.

Le CESE considère qu’il faudrait également valoriser les démarches volontaires d’initiatives agricoles en faveur des pollinisateurs ou de la biodiversité qui essaiment dans toute l’Europe. Par exemple, en France, la FNSEA a publié un recueil des initiatives agricoles favorables aux pollinisateurs (21). Visant la multiplication des bonnes pratiques «Api-Agri», celui-ci recense des initiatives volontaires en France en faveur des pollinisateurs, en compilant des exemples inspirants, positifs et pragmatiques. Sur le même principe, une campagne de communication intitulée «10 actions favorables aux abeilles dans votre ferme» (22) a été lancée en 2018 au Danemark. Elle fait la promotion de différentes initiatives volontaires que les agriculteurs peuvent prendre au niveau de leur ferme, comme planter des haies, implanter des bandes fleuries, ou encore limiter la dérive lors de l’application de produits phytopharmaceutiques, en pulvérisant dans les conditions climatiques appropriées (ex: vent faible) ou en utilisant des systèmes de réduction de la dérive.

4.2.4.

Le CESE considère que pour restaurer les écosystèmes naturels dans les zones agricoles, la CE devra s’appuyer sur un ensemble de leviers: la maintenance et la restauration d’infrastructures agroécologiques, la diversification des cultures pour favoriser la mise en place d’une mosaïque de cultures dans le paysage, le développement de l’agroforesterie, de l’agriculture biologique et des produits sous signes d’identification de qualité et d’origine (SIQO), le maintien des prairies permanentes, la réduction de l’utilisation et des impacts des pesticides, etc.

4.3.

Concernant la demande de l’ICE de «réformer l’agriculture en accordant la priorité à une agriculture diversifiée et durable à petite échelle, en favorisant une augmentation rapide des pratiques agroécologiques et biologiques et en permettant une formation des agriculteurs et une recherche indépendantes en matière d’agriculture sans pesticides»:

4.3.1.

Le CESE signale l’existence d’un rapport de 300 experts de 23 EM, qui ont analysé les impacts potentiels de la future PAC sur la protection et la restauration de la biodiversité (23). Les scientifiques formulent des propositions concrètes pour améliorer l’impact de la PAC sur la biodiversité et accompagner les agriculteurs dans cette transition. Le CESE recommande à la CE et aux EM de s’en inspirer dans le cadre de la réforme de la PAC, qui est un outil puissant de réforme de l’agriculture.

4.3.2.

Néanmoins, le CESE considère que la transition agroécologique et l’amélioration de la biodiversité ne pourront pas se faire uniquement depuis Bruxelles via la PAC, et souligne également l’importance de l’échelon local. En effet, pour s’adapter aux spécificités des territoires, des solutions locales doivent aussi être développées, auprès des agriculteurs et des propriétaires fonciers.

4.3.3.

De plus, le CESE tient à souligner son attachement à la recherche d’alternatives efficaces, afin de ne laisser aucun agriculteur sans solution. C’est pourquoi il souhaiterait encourager davantage l’agriculture de précision, l’agriculture numérique, le biocontrôle, la robotique, mais aussi l’agroécologie, avec un volet financier conséquent pour le développement de la recherche, la concrétisation des innovations et leur adoption par les filières et les agriculteurs.

4.3.4.

Le CESE reconnaît l’importance de l’apiculture comme secteur économique dans de nombreux EM, qui contribue notamment au développement rural et au maintien des populations dans les territoires. Face au déficit de production de miel en Europe, le soutien à l’apiculture et à la valorisation économique du miel et des autres produits de la ruche (pollen, cire, gelée royale, etc.) devrait être renforcé pour maintenir une apiculture professionnelle et respectueuse de l’environnement, capable de répondre aux besoins de consommation de miel de l’Europe. Le CESE souligne par ailleurs l’importance pour les apiculteurs de se rassembler au sein des organisations professionnelles pour mieux se structurer et défendre plus efficacement les intérêts de l’apiculture européenne. En particulier, il souhaite que la CE saisisse l’opportunité de la révision à venir de la directive relative au miel pour renforcer l’étiquetage du miel et la traçabilité, afin de lutter plus efficacement contre les fraudes et les importations des pays tiers ne respectant pas nos normes, qui affaiblissent la production européenne de miel.

4.3.5.

Enfin, pour que la transition agroécologique soit acceptable pour les agriculteurs européens, le CESE recommande à la CE de concrétiser rapidement la mise en œuvre de la réciprocité des normes, afin de limiter les distorsions de concurrence pour les agriculteurs européens.

Bruxelles, le 15 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) 2019/788 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relatif à l’initiative citoyenne européenne (JO L 130 du 17.5.2019, p. 55).

(2)  Nieto et al., 2014. European Red List of Bees.

(3)  Williams, 1994. The dependence of crop production within the European Union on pollination by honeybees.

(4)  Ollerton et al., 2011. How many flowering plants are pollinated by animals?

(5)  IPBES, 2016. Rapport d’évaluation sur les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire.

(6)  ITSAP, 2015. Ressources alimentaires pour les abeilles.

(7)  IPBES, 2019. Le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques.

(8)  INRAE et Ifremer, 2022. Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques.

(9)  Cour des comptes européenne. Rapport spécial 15/2020.

(10)  COM(2021) 261 final.

(11)  COM(2022) 305 final.

(12)  Règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO L 309 du 24.11.2009, p. 1).

(13)  EFSA, 2022. Revised guidance on the risk assessment of plant protection products on bees (Apis mellifera, Bombus spp. and solitary bees).

(14)  Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 20 du 26.1.2010, p. 7).

(15)  Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206 du 22.7.1992, p. 7).

(16)  COM(2020) 380 final.

(17)  COM(2022) 304 final.

(18)  Cour des comptes européenne. Rapport spécial 13/2020.

(19)  Le Betteravier. Quand 14 agriculteurs de l’Aisne deviennent apiculteurs.

(20)  20 Minutes. Toulouse: Pour suivre la mortalité des abeilles, BeeGuard met au point un compteur vidéo sur ses ruches connectées.

(21)  FNSEA, 2022. Recueil des initiatives agricoles favorables aux pollinisateurs.

(22)  Danish Agriculture & Food Council, 2018. 10 bee-friendly recommendations for your farm.

(23)  Pe’er et al., 2022. How can the European Common Agricultural Policy help halt biodiversity loss? Recommendations by over 300 experts.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/51


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La crise des prix des denrées alimentaires: rôle de la spéculation et propositions concrètes d’action à la suite de la guerre en Ukraine»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/08)

Rapporteur:

Peter SCHMIDT

Décision de l’assemblée plénière

14.7.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Agriculture, développement rural et environnement

Adoption en section

24.11.2022

Adoption en session plénière

15.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/7/5

1.   Conclusions et recommandations

Le CESE:

1.1.

attire l’attention sur la crise mondiale des prix alimentaires, qui a été exacerbée par la guerre en Ukraine, laquelle a entraîné une perturbation des approvisionnements de produits alimentaires d’importance vitale comme le blé et l’huile de tournesol; souligne que cette crise n’est pas seulement due au conflit, mais aussi à des problèmes structurels et systémiques qui créent des pénuries alimentaires et menacent les moyens de subsistance des populations à l’échelle planétaire. Les denrées alimentaires ne devraient pas être traitées comme un actif financier, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un simple produit de base au même titre que beaucoup d’autres;

1.2.

tout en reconnaissant que la question des prix des denrées alimentaires et de la spéculation est hautement complexe alors que la causalité doit être examinée plus avant, estime que la structure actuelle du marché des produits de base n’est pas à la hauteur de l’«économie durable dont nous avons besoin». Elle ne permettra pas d’atteindre les objectifs liés au développement durable, à l’ambition climatique et à la transition juste inscrits dans le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et le pacte vert pour l’Europe, et joue en fait activement en leur défaveur. Elle compromet les efforts visant à résoudre la pénurie alimentaire, à favoriser des revenus équitables pour les agriculteurs et les travailleurs et des prix justes pour les consommateurs, et à protéger les petites et moyennes entreprises de transformation des produits alimentaires et le secteur du commerce de détail face aux risques d’une inflation en hausse. Il convient donc de la modifier par voie de réglementation afin de contribuer au bien-être de la population et au développement sociétal, en vue de la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). Compte tenu du fait que l’Union européenne est déjà le marché le plus réglementé, il est évident que, pour être efficace, une telle réglementation devrait être étendue au niveau mondial;

1.3.

insiste sur la nécessité de traiter la question de la concentration dans la chaîne alimentaire et de la propriété financière; souligne que le commerce physique mondial de céréales est très concentré. Quatre entreprises — Archer-Daniels-Midland, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus — contrôlent les échanges céréaliers mondiaux dans des proportions qui, selon les estimations, atteignent de 70 à 90 %. Ces maisons de négoce exercent un oligopole non seulement sur le commerce mondial des céréales, mais aussi sur les informations relatives aux fondamentaux du marché, et sont également hautement financiarisées;

1.4.

note que les fonds indiciels cotés et les fonds indiciels mutualisés, y compris ceux qui sont spécifiquement liés à l’alimentation et à l’agriculture, ouvrent de nouvelles filières d’investissements et de bénéfices financiers largement utilisées, tandis que les simples particuliers participent de plus en plus à ces instruments de placement par l’intermédiaire de leurs fonds de pension et comptes d’épargne retraite individuels. La montée en puissance de ces fonds d’investissement de participation au capital a pour effet de remodeler les systèmes agroalimentaires d’une manière qui donne la priorité aux besoins des actionnaires au détriment d’autres objectifs sociaux et environnementaux;

1.5.

constate que les prix élevés et en hausse rapide ainsi que le secret qui entoure les actifs de stock créent de l’incertitude et alimentent la peur et la panique. Ces dernières entraînent, en particulier en période de forte incertitude telle que celle que nous traversons aujourd’hui dans le contexte de la guerre en Ukraine, une volatilité et des niveaux de prix qui sont excessifs dès lors que les opérateurs spéculatifs, qui se rallient au mouvement de l’envolée des prix, dominent le marché;

1.6.

invite les États membres et les institutions de l’Union à renforcer la transparence du marché, notamment en:

exigeant des acteurs participant à la spéculation la publication de déclarations ESG et d’informations non financières. Le rôle de l’évaluation ESG doit être examiné s’agissant de la spéculation sur les denrées alimentaires,

s’assurant que chaque acteur à l’échelle mondiale fournisse des informations au système d’information sur les marchés agricoles (AMIS), y compris les pays et les acteurs privés,

examinant plus en détail les transactions de gré à gré;

1.7.

attire l’attention sur le fait que les marchés dérivés sur produits de base fournissent des services essentiels aux producteurs et aux utilisateurs de produits alimentaires de base, s’agissant notamment de la gestion des risques et de la fixation des prix, et que le fonctionnement de ces marchés est compromis par des activités spéculatives; invite instamment les États membres et les institutions de l’Union à prendre les mesures nécessaires pour enrayer la spéculation excessive sur les produits de base, notamment en:

1.7.1.

réglementant le marché à terme:

réintroduire un marché réglementé pour les instruments dérivés basés sur des denrées alimentaires, comme cela a été le cas pendant plusieurs décennies jusqu’à la fin du siècle dernier, afin de préserver la fonction des contrats à terme en matière de couverture. Les contrats à terme sont importants du point de vue des agriculteurs pour gérer les risques. Ils leur permettent de fixer le prix des intrants et des produits agricoles pour une période donnée dans l’avenir,

introduire des restrictions strictes aux mouvements de prix et des limites de position quotidiennes dès que les activités de négoce sur les marchés à terme de produits de base présentent des anomalies (directive sur les marchés d’instruments financiers — MiFID II). Les limites de position devraient être recalibrées afin de refléter l’intérêt réel d’une partie à la transaction par rapport à la nécessité d’une couverture de l’exposition réelle au risque,

limiter l’accès aux instruments dérivés/à la couverture aux «investisseurs et opérateurs du marché qualifiés et avertis qui sont réellement préoccupés par les produits de base agricoles sous-jacents»,

introduire des obligations contractuelles à court/moyen/long terme afin d’accroître la stabilité,

mettre en place des mesures d’incitation visant à encourager un renoncement des banques et des sociétés de fonds de gestion à toute spéculation financière sur les produits alimentaires de base en introduisant des exigences de fonds propres accrues afin de réduire les effets de levier;

1.7.2.

réglementant les indices (indices de produits de base et indices alimentaires):

réglementer et interdire les fonds indiciels sur les matières premières et la reproduction au moyen d’opérations d’échange et de produits indiciels cotés, car ils maximisent le lien entre les marchés de l’énergie et ceux des denrées alimentaires; les limites de position ne fonctionnent pas pour les opérateurs boursiers de produits de base/opérateurs de contrats d’échange, car leur action est synchronisée,

mettre un terme à l’accès des acteurs impliqués dans la spéculation sur les denrées alimentaires aux fonds de placement publics/fonds mutualisés (1), et s’assurer qu’aucun acteur public ne négocie des instruments dérivés basés sur des denrées alimentaires à des fins spéculatives qui ne servent pas l’intérêt public,

interdire les opérations sur des produits de base d’origine agricole (par exemple les fonds, les fonds indiciels cotés) dans les portefeuilles d’acteurs institutionnels (par exemple, les fonds de pension, les compagnies d’assurances),

compte tenu de la nécessité de réglementer ce marché, formuler de nouvelles recommandations concrètes dans les futurs avis du CESE;

1.7.3.

s’attaquant au problème de la financiarisation du secteur alimentaire, une activité extrêmement lucrative qui se fait au détriment des populations:

introduire une taxation mondiale des bénéfices exceptionnels avant dividendes réalisés par les sociétés commerciales et financières, et une taxe sur la spéculation alimentaire (2) afin d’endiguer les transactions à haute fréquence,

briser les oligopoles à tous les niveaux de la chaîne et des intérêts financiers du secteur du commerce international de denrées alimentaires.

2.   Contexte — La crise des prix des denrées alimentaires à la suite de la guerre en Ukraine

2.1.

Malgré l’espoir que le monde sortirait plus rapidement de la crise et que la sécurité alimentaire commencerait à se rétablir après la pandémie en 2021, la faim dans le monde s’est encore accrue au cours de cette année. Conjuguées à la portée et à la durée limitées des mesures de protection sociale, les disparités dans l’impact de la pandémie comme dans la reprise ont provoqué un creusement des inégalités qui a entraîné, en 2021, de nouveaux reculs pour la réalisation de l’objectif de développement durable «faim “zéro” à l’horizon 2030» qui ont plus particulièrement touché les femmes et les enfants. Selon les estimations, entre 702 et 828 millions de personnes à travers le monde, soit de 8,9 à 10,5 % de la population mondiale, ont été confrontées à la faim en 2021, c’est-à-dire, au total, 150 millions de plus par rapport à 2019, avant la pandémie de COVID-19 (3).

2.2.

La guerre en cours en Ukraine, dans laquelle sont impliqués deux des plus grands producteurs mondiaux de céréales de base, d’oléagineux et d’engrais, et d’autres chocs externes perturbent les chaînes d’approvisionnement internationales et font grimper les prix céréaliers et ceux des fertilisants et de l’énergie. Ce conflit survient alors que les chaînes d’approvisionnement se remettent encore de la pandémie de COVID-19 et sont déjà malmenées par des phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents, en particulier dans les pays à faible revenu, et il pourrait avoir de graves répercussions sur la sécurité alimentaire et la nutrition à l’échelle mondiale. Ce n’est pas une pénurie en tant que telle que l’on observe, mais, à cause du conflit, plutôt une pénurie temporaire et une perturbation grave de la chaîne d’approvisionnement alimentaire ainsi que des problèmes de distribution (4) , notamment là où se trouvent les stocks, et cela a eu une incidence négative sur la production (récolte et plantation/semis) en Ukraine.

2.3.

Au cours de l’année 2022, l’indice des prix alimentaires de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a enregistré un record, avec une hausse de 34 % par rapport à l’année précédente. Il est important de noter que cet indice avait déjà atteint en janvier de cette année des niveaux aussi élevés que les pics observés en 2008. Dans ce contexte, il était inévitable qu’un choc d’offre touchant deux des principaux pays exportateurs mondiaux de céréales déstabilise les marchés mondiaux à un certain niveau. Toutefois, la portée et l’ampleur de l’instabilité actuelle des prix ne peuvent s’expliquer que partiellement par les fondamentaux du marché. L’une des failles cachées du système alimentaire, qui a transformé la crise ukrainienne en crise de sécurité alimentaire d’échelle mondiale, réside dans la nature opaque et dysfonctionnelle des marchés des céréaliers (5).

2.4.

Dans sa résolution intitulée «Ukraine — de l’aide à la reconstruction — propositions de la société civile européenne», le CESE attire l’attention sur la crise mondiale des prix des denrées alimentaires, qui a été exacerbée par la guerre en Ukraine, et invite les États membres et les institutions de l’Union européenne à prendre les mesures nécessaires pour enrayer la spéculation sur les produits de base et renforcer la transparence du marché. Le Parlement européen a également demandé, dans deux résolutions adoptées récemment, que des mesures soient prises pour prévenir la spéculation excessive (6).

2.5.

La structure actuelle du marché des produits de base n’est pas à la hauteur de l’«économie durable dont nous avons besoin» (7) et ne permettra pas d’atteindre les objectifs liés au développement durable, à l’ambition climatique et à la transition juste inscrits dans le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et le pacte vert pour l’Europe. Elle ne contribue pas plus à favoriser des revenus équitables pour les agriculteurs (8) et les travailleurs et des prix justes pour les consommateurs qu’à protéger les transformateurs de produits alimentaires, en particulier quand il s’agit de petites et moyennes entreprises, et le secteur du commerce de détail face aux risques d’une inflation en hausse.

3.   Rôle et implications de la spéculation sur les produits de base: les marchés et les mécanismes

3.1.

La spéculation est un investissement qui, réalisé dans l’espoir d’un gain futur, comporte un risque de perte. La spéculation sur les produits de base peut prendre trois formes: i) l’achat ou la vente fermes d’un produit de base physique, ii) l’achat ou la vente d’un contrat spécifiant les modalités de l’acquisition ou la livraison futures d’un produit de base, et iii) l’achat ou la vente de titres de capital ou de créance d’une société qui produit ou négocie des produits de base. Les contrats sur produits de base standardisés sont appelés «contrats à terme» ou «instruments dérivés sur produits de base» et sont négociés sur des «marchés dérivés sur produits de base», qui sont des marchés financiers réglementés. La spéculation sur les produits de base peut donc se dérouler sur les marchés tant physiques que financiers de ces produits, et indirectement sur les marchés boursiers et obligataires.

3.2.

Depuis le début des années 2000, les marchés dérivés sur produits de base ont enregistré un afflux important de liquidités en provenance d’investisseurs «non traditionnels» à la suite de modifications apportées aux cadres réglementaires régissant ces marchés. Cette arrivée de nouveaux opérateurs constitue le phénomène que l’on a qualifié de «financiarisation» des marchés des produits de base (9). Si l’augmentation de la liquidité a contribué à donner de la profondeur aux marchés dérivés sur produits de base, de sorte qu’ils sont devenus moins vulnérables aux manipulations directes, elle a également introduit une demande spéculative déconnectée des conditions du marché physique des produits de base, ce qui nuit à la capacité de ces marchés à remplir des fonctions clés.

3.3.

Sous leur forme initiale, les marchés réglementés des instruments dérivés sur produits de base servent deux finalités principales: i) la gestion des risques pour les producteurs et les utilisateurs de produits de base et ii) la fixation des prix. La gestion des risques est assurée par l’opération de couverture à terme, à savoir la prise de positions compensées sur le marché physique et celui des instruments dérivés, qui permet de fixer le prix des produits de base au moment du placement de la couverture. La couverture requiert une corrélation étroite entre les marchés des contrats à terme sur produits de base et le marché physique. Pour garantir celle-ci, la tendance est d’étalonner les transactions physiques sur le prix dérivé. Si cette pratique assure l’efficacité de la couverture, elle a aussi pour effet que les positions spéculatives prises sur les marchés des instruments dérivés se diffusent directement sur le marché physique.

3.4.

Les contrats à terme sont négociés pour des mois d’échéance différents. Pour chaque contrat à terme, il y a un acheteur et un vendeur désignés. Les offres des acheteurs et des vendeurs sont appariées par la chambre de compensation de la bourse. Le prix apparié n’est pas payé entièrement. En lieu et place, les deux opérateurs commerciaux versent un dépôt de garantie sur un compte sur marge enregistré auprès de la chambre de compensation. Les gains et pertes sont prélevés directement sur le dépôt de garantie. Le commerce à terme de produits de base se caractérise dès lors par un fort effet de levier.

3.5.

Lorsque la date d’échéance d’un contrat à terme approche, les opérateurs ont deux options: soit i) conserver le contrat et en forcer l’exécution (s’il s’agit du vendeur) ou prendre livraison (s’il s’agit de l’acheteur), soit ii) opter pour une position compensée afin de déboucler le contrat avant la date d’échéance. La grande majorité des contrats à terme sur produits de base sont réglés par l’adoption de positions compensées. Par conséquent, la négociation de contrats à terme sur produits de base n’exige pas de l’intervenant qu’il détienne les marchandises physiques qu’il vend ou qu’il possède la capacité de stockage nécessaire pour stocker les produits de base qu’il achète.

3.6.

Seuls les courtiers peuvent négocier sur les bourses de produits de base agréées. Ils négocient pour le compte de leurs clients et pour leur profit personnel. Il existe un grand marché secondaire où les instruments dérivés sur produits de base sont revendus et reconditionnés hors bourse. Des contrats à terme sont également négociés en dehors des bourses réglementées, dans le cadre de ce que l’on appelle des «opérations de gré à gré» (OTC), quand les contrats sont conclus sans l’intervention d’une chambre de compensation. Cela rend les instruments dérivés sur produits de base facilement accessibles aux investisseurs de détail, principalement sous la forme de fonds indiciels cotés pour des produits de base ou des indices de produits de base spécifiques (10).

3.7.

En raison de la déréglementation des marchés des instruments dérivés sur produits de base et du fait que les transactions y sont très aisées, ces marchés sont très liquides et la négociation des instruments dérivés sur produits de base dépasse largement les échanges de produits de base physiques. La liquidité est une exigence essentielle pour la fixation des prix. Celle-ci est entendue comme la capacité du marché à refléter, correctement et en temps utile, des informations sur les conditions de l’offre et de la demande physiques. La fixation des prix n’a lieu que si, et seulement si, tous les opérateurs adoptent une position de manière indépendante et uniquement sur la base de leurs connaissances relatives aux conditions de l’offre et de la demande physiques; ces conditions sont ce que l’on désigne par le terme «fondamentaux du marché». La fixation des prix est compromise par les opérateurs qui prennent des positions déconnectées des fondamentaux du marché.

3.8.

Tous les opérateurs n’adoptent pas des positions fondées sur les fondamentaux du marché (11). La littérature scientifique distingue les opérateurs actifs et passifs. Les opérateurs actifs sont subdivisés en opérateurs informés et non informés. Les opérateurs actifs et informés sont des sociétés de négoce de produits de base, qui négocient des contrats à terme sur produits de base à des fins de couverture et de spéculation dans le cadre de leurs activités de base, et des gestionnaires de portefeuilles spécialisés (par exemple des fonds spéculatifs) qui poursuivent des stratégies de négociation fondées sur des informations sur le marché.

3.9.

Les opérateurs actifs et non informés (opérateurs dits de la rétroaction positive — positive feedback traders) sont des gestionnaires de portefeuille qui poursuivent des stratégies de négociation principalement fondées sur l’analyse des tendances statistiques et peu, voire pas du tout, sur la connaissance du marché. Les opérateurs passifs et non informés (opérateurs boursiers) sont des investisseurs institutionnels, tels que les fonds de pension, ou des investisseurs de détail qui investissent dans des fonds indiciels cotés, en quête d’une exposition à un large éventail de prix des matières premières (notamment des produits de base agricoles mais aussi de l’énergie, des minerais et des métaux) à des fins de diversification de portefeuille. Pour s’y exposer, ils répliquent des indices de produits de base à l’instar des indices boursiers.

3.10.

La réplication d’indices implique la prise exclusive de positions d’achat qui sont reconduites à la date d’échéance du contrat à terme. Les opérateurs boursiers sont donc unilatéraux dans les positions qu’ils adoptent. Leur action est également synchronisée à travers différents groupes de produits de base, ce qui se traduit par une forte demande pour une large gamme de ces produits, laquelle entraîne une covariation des prix des différents groupes de produits de base sans lien avec les fondamentaux du marché (12).

3.11.

Ces signaux de prix spéculatifs peuvent être aggravés par les opérateurs de la rétroaction positive, qui évaluent le soutien du marché aux orientations de prix. En pariant sur telle ou telle orientation de prix, ces derniers contribuent à la renforcer, par une boucle autoréalisatrice, entraînant la création de bulles spéculatives et une forte volatilité des prix. Les bulles spéculatives peuvent persister, en particulier si les informations sur les fondamentaux du marché sont limitées, c’est-à-dire en période d’incertitude élevée, et si les opérateurs non informés et passifs dominent le marché.

3.12.

La collecte d’informations sur le marché est coûteuse et relativement plus onéreuse que l’analyse statistique ou l’examen rapide des gros titres, en particulier lorsque les opérateurs investissent simultanément sur plusieurs marchés. Les opérateurs informés sont dès lors relativement peu nombreux et il s’agit généralement de grandes sociétés de négoce qui recueillent des informations sur le marché dans le cadre de leurs activités sur les marchés de produits de base physiques. Cela rend les marchés d’instruments dérivés sur produits de base plus exposés à des bulles spéculatives persistantes, en particulier en période d’incertitude et de panique des marchés.

3.13.

Le commerce physique des céréales est très concentré à l’échelle planétaire. Quatre entreprises — Archer-Daniels-Midland, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus, les fameux ABCD — contrôlent les échanges céréaliers mondiaux dans des proportions qui, selon les estimations, atteignent de 70 à 90 %, et réalisent des bénéfices excessifs (13) [Archer-Daniels-Midland a enregistré les gains les plus élevés de ses près de 120 ans d’existence et une augmentation de 38 % de son bénéfice d’exploitation en glissement annuel (14)]. Ces maisons de négoce exercent un oligopole non seulement sur le commerce mondial des céréales, mais aussi sur les informations relatives aux fondamentaux du marché, notamment concernant les positions de stockage. Les positions de stockage sont détenues à des fins de transaction, de précaution ou de spéculation. Les informations sur les niveaux de stockage sont jalousement gardées à l’abri de la concurrence. En tant qu’opérateurs, ces sociétés de négoce ont une orientation axée sur l’avenir, en ce qu’elles cherchent à acheter bon marché et à vendre à prix élevé.

3.14.

Les ABCD sont également hautement financiarisés. Archer-Daniels-Midland et Bunge sont des sociétés cotées en bourse et soumises aux pressions des actionnaires, qui favorisent les gains à court terme par rapport aux investissements à long terme. Parmi leurs actionnaires figurent des fonds spéculatifs (par exemple, Black Rock), des banques d’investissement et, dans une large mesure, également des investisseurs institutionnels tels que des fonds de pension. Cargill et Louis Dreyfus sont des entreprises privées qui, outre le commerce de céréales, comptent également parmi leurs filiales des fonds spéculatifs, des banques, des sociétés de transport, de fret, de stockage, et des entreprises immobilières et d’infrastructure.

3.15.

Les grands négociants en produits de base physiques sont actifs tant sur les marchés des instruments dérivés que sur les marchés physiques et disposent de leur propre service de courtage pour accéder directement aux marchés des instruments dérivés sur produits de base. Ils exercent également un pouvoir considérable sur leurs fournisseurs et leurs clients. Ils sont ainsi en mesure de retarder les paiements pour augmenter leurs réserves de liquidités ou de différer les livraisons de matières premières s’ils s’attendent à ce que les prix évoluent à leur avantage. Contrairement aux producteurs et aux consommateurs, les grands opérateurs des marchés physiques trouvent leur profit dans la volatilité du marché, étant donné que les variations de prix importantes et rapides créent des possibilités de vendre des capacités de stockage et des positions financières en réalisant d’importants bénéfices dans un laps de temps restreint.

3.16.

Les prix élevés et en hausse, ainsi que le secret qui entoure les actifs de stock alimentent la peur et la panique. Ces dernières entraînent, en particulier en période de forte incertitude telle que celle que nous traversons aujourd’hui dans le contexte de la guerre en Ukraine, une volatilité et des niveaux de prix qui sont excessifs dès lors que les opérateurs spéculatifs, qui se rallient au mouvement de l’envolée des prix, dominent le marché (15). Les opérateurs des marchés physiques n’ont guère intérêt à intervenir à court et à moyen terme, étant donné que des prix élevés augmentent la valeur de leurs positions spéculatives et de celles qu’ils prennent pour leurs transactions en matière de stockage, qu’ils vendent avec un énorme profit. En 2021, les opérateurs ABCD ont tous enregistré des bénéfices qui constituent des records, ou des quasi-records.

3.17.

Des prix exceptionnellement élevés font craindre des pénuries d’approvisionnement ou que celui-ci devienne inabordable, et accentuent la demande en faveur de la constitution de stocks à titre préventif. L’accumulation de réserves de produits alimentaires, que ce soit par la constitution de stocks d’importations ou l’instauration d’interdictions d’exportation, crée des pénuries artificielles sur le marché physique, accentuant encore la hausse des prix. Les hausses spéculatives des prix sont ainsi validées à posteriori par les fondamentaux du marché, dans le cadre d’une boucle autoréalisatrice. Lors de la crise alimentaire de 2008, l’Inde a réagi aux prix élevés des céréales en interdisant les exportations de riz, de sorte que le cours de cette céréale a fortement augmenté. Par crainte de pénuries, la Chine stocke actuellement de grandes quantités de maïs, de riz et de blé (16). Si les gouvernements qui optent pour l’accumulation de réserves de produits alimentaires agissent de manière spéculative, cette accumulation est motivée par la peur et le souci d’assurer le droit à l’alimentation de leurs citoyens plutôt que par le profit. C’est ce qui distingue clairement ces activités des activités spéculatives des opérateurs financiers et physiques. L’accumulation de réserves par les gouvernements et les consommateurs est une réaction aux prix élevés des denrées alimentaires, et non une cause de la hausse des prix, et ne contribue pas à la sécurité alimentaire et à l’autonomie stratégique, que ce soit au sein de l’Union ou dans les pays en développement.

4.   Le rôle des agences de notation ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) et des sociétés commerciales

4.1.

Actuellement, les écolabels nationaux, tels que UZ49 en Autriche ou FNG en Allemagne, ne tiennent pas explicitement compte de la spéculation sur les denrées alimentaires dans leur processus d’évaluation. Les instruments dérivés qui ne sont pas utilisés uniquement à des fins de couverture sont généralement exclus. Les écolabels considèrent que les circuits d’approvisionnement dans l’industrie alimentaire sont trop complexes pour pouvoir fournir un ensemble de règles facilement applicables. Tel est notamment le cas, entre autres exemples, en ce qui concerne l’utilisation d’engrais, qui peut être évaluée différemment en fonction de son empreinte carbone, le manque de données pour appréhender les problèmes d’accaparement des terres ou encore le défaut de transparence concernant les activités de négociation spéculatives dans les rapports annuels. Du fait de la complexité des chaînes d’approvisionnement, il n’est pas possible d’établir des critères d’exclusion purs et durs mais seulement des critères dits «controversés», de moindre portée, qui sont davantage exposés au risque de larges divergences d’interprétation selon les agences de notation. Les écolabels nationaux ne prévoient pas, dans leur processus d’évaluation, de critères explicitement mis en œuvre en rapport avec les produits de base d’origine agricole. Les critères controversés, axés principalement sur la gouvernance, jouent un rôle mineur dans le processus global de notation, en raison des interprétations divergentes auxquelles ils peuvent se prêter. Ils portent surtout sur l’éthique des affaires, dans le cadre de laquelle entrent en jeu des éléments tels que le négoce spéculatif, le manque de transparence et l’accaparement de terres notamment. Un des écolabels examine, par exemple, la «qualité ESG» d’un fonds lorsque des instruments dérivés sur matières premières sont utilisés, mais le processus et ses résultats possibles restent obscurs et ne sont pas documentés publiquement.

4.2.

Un élément clé de la notation ESG consiste à évaluer la gouvernance des entreprises du secteur alimentaire, du point de vue de leur propriété, de leur contrôle, de leur conseil d’administration ou de leur comptabilité, par exemple, ainsi que leur comportement, s’agissant de l’éthique des affaires et de la transparence fiscale. Des ratios tels que le pourcentage d’opérations sur des produits de base d’origine agricole qui sont réalisées à des fins spéculatives par le département de la trésorerie ou encore la transparence des informations sur les niveaux des stocks dans les installations de stockage font toutefois défaut et sont rarement couverts par les critères de gouvernance.

4.3.

Dans leur évaluation, les agences de notation estiment que le marché alimentaire est plus vulnérable que d’autres secteurs. L’industrie alimentaire présente un risque climatique supérieur à la moyenne par rapport aux autres industries ESG, étant donné que le secteur agroalimentaire à la fois contribue et est vulnérable aux problèmes liés au climat (tels que l’augmentation de la température, les sécheresses, les inondations, etc.). Bien que la note ESG moyenne des entreprises du secteur alimentaire ait augmenté au cours des cinq dernières années, la catégorie des produits d’alimentation est dominée par une proportion élevée d’entreprises disposant d’un actionnariat de contrôle, avec une forte prévalence de propriété familiale. Les entreprises présentant cette structure comportent des risques au niveau de leur gouvernance, du fait de l’architecture complexe de leur propriété, où les droits de vote sont inégaux, avec des contrats de gestion ou transactions entre la société et le propriétaire majoritaire, ou l’existence de plusieurs entités détenues par le même actionnaire majoritaire. Si la priorité est accordée à l’enrichissement personnel du propriétaire dominant au détriment de la garantie de bénéfices durables, les investisseurs minoritaires peuvent être exposés au risque de décisions qui favorisent fortement les groupes familiaux. La propriété contrôlée domine dans l’industrie de la production alimentaire: 58,4 % des sociétés qui composent l’indice MSCI ACWI sont contrôlées, à hauteur de 30 % ou plus des droits de vote, par un actionnaire unique ou un groupe d’actionnaires.

4.4.

La majorité des entreprises de l’industrie alimentaire, en l’occurrence 60 %, sont classées au dessus du niveau «investissable» (investment grade) de la notation ESG, soit la note BBB. Près de deux composantes sur dix ont une note ESG élevée ou très élevée. Cette évolution entraîne, de la part des gestionnaires d’actifs, de fort afflux dans le capital de l’industrie alimentaire. Les prix des denrées alimentaires ont atteint leur niveau le plus élevé en dix ans et ce mouvement haussier pourrait persister. Toutefois, les investisseurs sont de plus en plus réticents à l’égard des industries qui enfreignent les principes ESG, comme le secteur de l’huile de palme. La demande de constitution de portefeuilles fondés sur les produits de base qui respectent les critères ESG va aller croissant. De septembre 2008 à septembre 2011, l’indice FAO a augmenté de 12 %, soit un pourcentage supérieur à l’inflation. L’incidence de la flambée des prix des denrées alimentaires sur les stocks a présenté différentes caractéristiques. Tout d’abord, son impact a été généralisé. Le mouvement haussier des prix des denrées alimentaires a eu un effet positif sur les producteurs et les transformateurs de denrées alimentaires, ainsi que sur les entreprises du secteur des biens de consommation à circulation rapide. Désormais, les notes ESG constitueront un facteur déterminant dans les décisions d’allocation d’actifs. La sous-performance des actions du secteur de l’huile de palme dans le contexte du mouvement haussier des prix de cette denrée en 2021 illustre l’impact de ces nouvelles considérations sur les cours des actions. Toutefois, comme indiqué aux paragraphes 4.1 à 4.4, ces notations ESG ne couvrent pas la question de la spéculation alimentaire. Lorsque, dans le cadre de l’examen de l’éthique commerciale et de la gouvernance des entreprises, l’on prend en compte, par exemple, les opérations hautement spéculatives ou une constitution de stocks de matières premières physiques qui est excessive, entraînant une augmentation forcée des niveaux de prix, il convient d’adapter en conséquence la note ESG globale. À cet égard, la note ESG moyenne de l’industrie alimentaire ainsi que pour les sociétés de fonds d’investissement est peut-être trop élevée. Cette question doit être examinée plus en détail.

4.5.

Les niveaux de concentration dans le secteur agroalimentaire, qui sont élevés et s’accroissent rapidement, renforcent le modèle industriel dans le domaine alimentaire et agricole, exacerbant ses retombées sociales et environnementales et y aggravant les inégalités de pouvoir (17). Les géants de la gestion d’actifs, à savoir BlackRock, Vanguard, State Street, Fidelity et Capital Group, détiennent collectivement des parts significatives d’entreprises qui prédominent dans différents maillons des chaînes d’approvisionnement agroalimentaire. Ensemble, ces cinq sociétés de gestion d’actifs détiennent environ 10 à 30 % des actions des plus grandes entreprises du secteur agroalimentaire. Les firmes dans lesquelles les grandes sociétés de gestion d’actifs détiennent le plus de parts sont celles qui ont une position dominante dans les segments de marché fortement concentrés, notamment les intrants agricoles, le négoce des matières premières et les produits alimentaires transformés et emballés (18). Par leur combinaison, ces stratégies entrepreneuriales peuvent produire des effets plus étendus, qu’il s’agisse d’introduire une plus grande inégalité dans le système alimentaire, d’affaiblir l’innovation dans le secteur ou de renforcer le pouvoir de marché et le pouvoir politique des principales entreprises du secteur. Il y a lieu de mener des recherches supplémentaires afin de constituer une base solide qui permette de définir les orientations politiques à suivre pour progresser en matière d’investissements de participation au capital dans le secteur agroalimentaire.

4.6.

S’agissant des investissements de participation au capital dans le secteur agroalimentaire, plusieurs aspects de la financiarisation occupent une place prépondérante. Les fonds indiciels cotés et les fonds indiciels mutualisés, y compris ceux qui sont spécifiquement liés à l’alimentation et à l’agriculture, ouvrent de nouvelles filières d’investissements et de bénéfices financiers, tandis que les simples particuliers participent de plus en plus à ces instruments de placement par l’intermédiaire de leurs fonds de pension et comptes d’épargne retraite individuels (19). La montée en puissance de ces fonds d’investissement de participation au capital a pour effet de remodeler les systèmes agroalimentaires d’une manière qui donne la priorité aux besoins des actionnaires au détriment d’autres objectifs sociaux et environnementaux. Le fonds indiciel coté Vaneck Vectors Agribusiness, par exemple, est le plus grand fond indiciel agricole. Au cours des dix dernières années, il a eu un rendement annuel moyen de 8,32 %, tandis que sa valeur nette d’inventaire a augmenté de 32 % entre 2020 et 2021.

5.   Le cadre réglementaire actuel: défis et obstacles

5.1.

La directive MiFID II (2014/65/UE) a imposé des obligations étendues d’information et de déclaration afin de limiter les transactions spéculatives excessives et de promouvoir la transparence. Elle a proposé des limites de position par plateforme de négociation non seulement pour les transactions portant sur les valeurs mobilières, mais aussi pour couvrir celles de type équivalent qui sont effectuées de gré à gré. Les entreprises sont également tenues de fournir aux plateformes et aux autorités de régulation des rapports quotidiens sur les positions.

5.2.

Ces mesures, en particulier les restrictions de position, sont utiles mais présentent également une efficacité limitée s’agissant de réguler la spéculation excessive sur les marchés financiers. Elles sont étroitement liées à la question du rôle que cette activité spéculative joue dans la formation des prix. Les critiques formulées par la société civile et les chercheurs à l’encontre des limites de position ne portent pas exclusivement sur leur éventuel faible taux d’exécution mais concernent aussi des questions réglementaires telles que i) la fréquence des contrôles, ii) la prise en compte des fonds indiciels pour déterminer les limites de position et iii) les règles d’exemption des régulateurs. Il s’impose que les régulateurs se demandent à partir de quel moment les limites de position déploient leurs effets et pourquoi le fort afflux de capitaux qui a eu lieu ces deux dernières années dans le secteur des produits de base d’origine agricole n’a pas déclenché d’alarmes. Il est également essentiel d’accroître la transparence au niveau des régulateurs.

5.3.

Toutes les transactions doivent être déclarées aux autorités nationales dès qu’elles ont lieu: l’obligation de déclaration des transactions en temps réel (ou dans un délai aussi proche que possible du temps réel) devrait être instaurée pour tous les instruments dérivés sur produits de base, y compris les contrats de gré à gré, sur toutes les grandes places boursières. Le plus grand nombre possible de transactions devraient être effectuées sur des plateformes transparentes et tous les contrats de gré à gré devraient être enregistrés. Les différents types de contreparties devraient être soumises à des exigences de divulgation appropriées: il conviendrait que les acteurs du marché et les positions soient classés par type d’entité, par exemple, une banque ou un négociant physique, ainsi que d’activité, comme la spéculation ou la couverture, et soient soumis à des exigences en matière de publicité et des contraintes réglementaires connexes qui soient appropriées.

5.4.

La Commodity Futures Trading Commission américaine (CFTC), par exemple, ne publie que des données hebdomadaires sur les positions de négociation, alors que des données quotidiennes existent.

5.5.

Il y a lieu de fixer des limites à la marge de fluctuation que les prix peuvent connaître, à la hausse ou à la baisse, au cours d’une journée, et la bourse devrait avoir le droit de fermer le marché en cas de dépassement des limites. Des limites de prix intrajournalières assorties d’échéances devraient être mises en place, fixées initialement à des niveaux prudents mais appropriés, qui pourraient être progressivement resserrés après contrôle visant à détecter toute conséquence préjudiciable, telle qu’une faible liquidité.

5.6.

En outre, les limites de position devraient être recalibrées afin de réduire l’impact sur les prix d’un seul acteur. Les limites de position ex ante devraient être agrégées sur l’ensemble des marchés financiers. Il y a lieu également de limiter le nombre de fois où un contrat peut être transféré en une seule journée.

5.7.

Il convient que les opérations de gré à gré soient réglementées et que les transactions soient enregistrées auprès d’une chambre de compensation afin de permettre un contrôle. Les bourses agréées devraient également avoir le droit de faire cesser les opérations si l’ordre du marché ne peut être garanti. Aucun opérateur ne devrait pouvoir tenir la bourse pour responsable des pertes subies du fait des arrêts de négociation relevant de la compétence réglementaire des bourses.

5.8.

Des limites de position agrégées devraient être introduites pour tous les types de contrats dérivés et s’appliquer à toutes les contreparties: toute dérogation à ces limites de position ne devrait être consentie que pour les entreprises qui négocient directement des produits de base physiques et utilisent les marchés des matières premières pour couvrir les risques intrinsèques à leurs activités commerciales.

5.9.

Il conviendrait d’instaurer un régime fiscal particulier afin de limiter le recours à la spéculation passive, aux fonds indiciels cotés et aux transactions à haute fréquence sur les marchés des instruments dérivés agricoles. Une taxe sur les transactions financières pourrait également permettre de lutter contre la spéculation excessive tout en levant des fonds en faveur du développement et du financement de l’action climatique. Toutefois, il peut s’avérer trop difficile de taxer des opérations qui surgissent à quelques millisecondes d’intervalle. Avec l’automatisation des échanges, la durée moyenne d’une transaction est de huit secondes. Il serait plus approprié de taxer la bourse en tant qu’entité, sur la base de critères définis, plutôt que de se concentrer sur chaque entrée et sortie de position.

5.10.

Du fait de la crise ukrainienne, les prix du blé divergent sur certains marchés locaux et l’écart entre les prix au comptant et les contrats à terme de référence sur la bourse de Chicago s’effondre, les acheteurs de blé tergiversant face aux prix les plus élevés observés depuis 2008. Cette situation pourrait marginaliser des agriculteurs qui sont déjà confrontés à la plus forte poussée d’inflation des coûts agricoles que l’on ait constatée depuis des années. Ce scénario, que nous observons sur les marchés au comptant en raison de la guerre, entrave actuellement la capacité des agriculteurs à commercialiser leur ancienne récolte de blé, voire la nouvelle. Certains cultivateurs affirment que leurs productions ont été retirées des élévateurs à grains. Les contrats à terme sur le blé frisent l’absurde. On observe une divergence très nette entre ces contrats et le marché au comptant.

5.11.

Pour remettre en perspective la discussion relative à une réglementation plus poussée, il convient de noter que l’Union dispose déjà des marchés financiers les plus réglementés. Il est évident que, pour être efficace, une telle réglementation devrait être étendue au niveau mondial.

5.12.

En conclusion, il apparaît que la spéculation sur les marchés financiers ne constitue pas le seul facteur contribuant à la dynamique des prix sur les marchés à terme des produits de base et donc à la hausse des prix des denrées alimentaires. Il s’agit toutefois d’un facteur important. Il est nécessaire de procéder à une analyse plus approfondie concernant les instruments réglementaires, leur fonctionnement et leur éventuelle adaptation en période de crise.

6.   La voie à suivre: actions proposées par la société civile

6.1.

Le CESE invite les États membres et les institutions de l’Union à renforcer la transparence du marché, notamment en exigeant des acteurs participant à la spéculation la publication de déclarations ESG et d’informations non financières. Le rôle de l’évaluation ESG doit être examiné sous l’angle de la spéculation sur les denrées alimentaires. Il conviendrait notamment que les méthodes appliquées par les agences de notation fassent l’objet d’un réexamen quant à la manière dont elles évaluent l’industrie alimentaire et les acteurs du secteur alimentaire en général. Actuellement, on observe dans les notations ESG une corrélation à moins de 50 %. Il en résulte des évaluations erronées qui ont une incidence significative sur les afflux de fonds agricoles.

6.2.

Il convient de s’assurer que chaque acteur à l’échelle mondiale fournisse des informations au système d’information sur les marchés agricoles (AMIS), y compris les pays et les acteurs privés, éventuellement par l’intermédiaire de la FAO. Plus l’étendue des réserves alimentaires est connue, mieux c’est. Disposer d’informations sur le stockage/les flux de réserves à l’échelle mondiale est essentiel. Les transactions de gré à gré devraient également faire l’objet d’un examen plus approfondi. Tous les produits négociés de gré à gré doivent être compensés et enregistrés par l’intermédiaire d’une chambre de compensation. Les données relatives aux positions ventilées par client doivent être mises à la disposition des autorités de régulation.

6.3.

Le CESE souligne que les marchés dérivés sur produits de base fournissent des services essentiels aux producteurs et aux utilisateurs de produits alimentaires de base, s’agissant notamment de la gestion des risques et de la fixation des prix, et que le fonctionnement de ces marchés est compromis par des activités spéculatives. Il demande dès lors instamment aux États membres et aux institutions de l’Union de prendre les mesures nécessaires pour enrayer la spéculation excessive sur les produits de base, notamment en:

6.3.1.

réglementant le marché à terme pour les instruments dérivés basés sur des denrées alimentaires, comme cela a été le cas pendant plusieurs décennies jusqu’à la fin du siècle dernier, afin de préserver la fonction des contrats à terme en matière de couverture. Parmi les autres mesures recommandées figurent:

l’introduction de restrictions strictes aux mouvements de prix et de limites de position quotidiennes dès que les activités de négoce sur les marchés à terme de produits de base présentent des anomalies (MiFID II). Les limites de position devraient être recalibrées afin de refléter l’intérêt réel d’une partie à la transaction par rapport à la nécessité d’une couverture de l’exposition réelle au risque. Une plus grande transparence et une mise en œuvre plus efficace des limitations de position seraient utiles,

la limitation de l’accès aux instruments dérivés/à la couverture aux investisseurs et opérateurs du marché qualifiés et avertis qui sont réellement préoccupés par les produits de base agricoles sous-jacents,

l’introduction d’obligations contractuelles à court/moyen/long terme afin d’accroître la stabilité,

la mise en place de mesures d’incitation visant à encourager un renoncement des banques et des sociétés de fonds de gestion à toute spéculation financière sur les produits alimentaires de base en introduisant des exigences de fonds propres accrues afin de réduire les effets de levier. Plusieurs exemples de grandes institutions financières (telles que Deutsche Bank, ERSTE Bank, Raiffeisen Austria, etc.) interdisant la spéculation alimentaire au moyen d’instruments dérivés montrent qu’il est possible pour ces acteurs d’adapter leur gouvernance en ce sens,

une réglementation renforcée en cas d’anomalies. Les bourses devraient introduire des règles qui limitent l’effet déstabilisateur des transactions à haute fréquence (20),

le renforcement des mécanismes de contrôle et de sanction des positions abusives sur le marché et de leur souplesse afin de pouvoir apporter une réponse en temps utile;

6.3.2.

réglementant les indices (indices de produits de base et indices alimentaires), notamment en réglementant et en interdisant les fonds indiciels sur les matières premières et la reproduction au moyen d’opérations d’échange et de produits indiciels cotés, car ils maximisent le lien entre les marchés de l’énergie et ceux des denrées alimentaires. Les limites de position ne fonctionnent pas pour les opérateurs boursiers de produits de base/opérateurs de contrats d’échange, car leur action est synchronisée. Il convient également de mettre un terme à l’accès des acteurs impliqués dans la spéculation sur les denrées alimentaires aux fonds de placement publics et de s’assurer qu’aucun acteur public ne négocie des instruments dérivés basés sur des denrées alimentaires à des fins spéculatives qui ne servent pas l’intérêt public. Il y a également lieu d’interdire les opérations sur des produits de base d’origine agricole (par exemple les fonds, les fonds indiciels cotés) dans les portefeuilles d’acteurs institutionnels (par exemple, les fonds de pension, les compagnies d’assurances). Compte tenu de la nécessité de réglementer ce marché, de nouvelles recommandations concrètes devraient être formulées dans les futurs avis du CESE;

6.3.3.

s’attaquant au problème de la financiarisation du secteur alimentaire, une activité extrêmement lucrative qui se fait au détriment des populations, par exemple en instaurant une taxation des bénéfices exceptionnels avant dividendes réalisés par les sociétés et une taxe sur la spéculation alimentaire (21) afin d’endiguer les transactions à haute fréquence, et en brisant les oligopoles à tous les niveaux de la chaîne et des intérêts financiers.

Bruxelles, le 15 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

(2)  Une taxe sur les transactions financières exclusivement fondée sur la spéculation sur les denrées alimentaires — avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE» [COM(2011) 594 final] (JO C 181 du 21.6.2012, p. 55).

(3)  FAO, FIDA, Unicef, PAM et OMS (2022), «The State of Food Security and Nutrition in the World 2022. Repurposing food and agricultural policies to make healthy diets more affordable» (L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2022. Repositionner les politiques alimentaires et agricoles de manière à rendre l’alimentation saine plus abordable), Rome, FAO.

(4)  Statistiques de la FAO.

(5)  IPES Food.

(6)  Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2022 sur la question de la sécurité alimentaire dans les pays en développement [2021/2208(INI)] (JO C 47 du 7.2.2023, p. 149) et résolution du Parlement européen du 24 mars 2022 sur la nécessité d’un plan d’action urgent de l’Union européenne visant à assurer la sécurité alimentaire à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union compte tenu de l’invasion de l’Ukraine par la Russie [2022/2593(RSP)] (JO C 361 du 20.9.2022, p. 2).

(7)  Avis du Comité économique et social européen sur «L’économie durable dont nous avons besoin» (avis d’initiative) (JO C 106 du 31.3.2020, p. 1).

(8)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire» [COM(2018) 173 final] (JO C 440 du 6.12.2018, p. 165).

(9)  Cnuced (2009), «La financiarisation des marchés des produits de base», chapitre II du Rapport sur le commerce et le développement 2009, Cnuced, Genève; Cnuced (2011), «Formation des prix sur les marchés des produits de base financiarisés: le rôle de l’information».

(10)  Heidorn, van Huellen, Loayza-Desfontaines, Riedler, Schmaltz et Schröder (2014), «Flankierende Ansätze zur Verbesserung der Markttransparenz und Bekämpfung von Marktmissbrauch im Rohstoffterminhandel» (Approches complémentaires pour améliorer la transparence du marché et lutter contre les abus de marché dans les opérations à terme sur les matières premières), ministère allemand des Finances, Berlin, Mannheim.

(11)  van Huellen (2020), «Approaches to Price Formation in financialised Commodity Markets» (Approches de la formation des prix sur les marchés de produits de base financiarisés), Journal of Economic Surveys, vol. 34, no 1, p. 219-237. DOI: 10.1111/joes.12342.

(12)  van Huellen (2018), «How financial investment distorts food prices: evidence from U.S. grain markets» (Comment l’investissement financier entraîne une distorsion des prix des denrées alimentaires: éléments probants issus des marchés américains des céréales), Agricultural Economics, vol. 49, no 2, p. 171-181. DOI: 10.1111/agec.12406.

(13)  Murphy, Burch et Clapp (2012), «Cereal Secrets: The World’s Largest Grain Traders and Global Agriculture» (Les secrets du marché des céréales: les champions du négoce céréalier dans le monde et l’agriculture mondiale), rapport de recherche Oxfam.

(14)  Données issues du rapport financier pour l’exercice fiscal de décembre 2020 à décembre 2021.

(15)  IFPRI.

(16)  Article de Bloomberg.

(17)  Rapport d’IPES Food.

(18)  Clapp, J. (2019), «The rise of financial investment and common ownership in global agrifood firms» (L’augmentation de l’investissement financier et de la propriété commune dans les entreprises agroalimentaires mondiales), Review of International Political Economy.

(19)  https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09692290.2019.1597755

(20)  https://www.welthungerhilfe.de/welternaehrung/rubriken/wirtschaft-menschenrechte/befeuert-finanzspekulation-die-globale-ernaehrungskrise

(21)  Une taxe sur les transactions financières portant exclusivement sur la spéculation sur les denrées alimentaires — avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE» [COM(2011) 594 final] (JO C 181 du 21.6.2012, p. 55).


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/61


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La situation socio-économique en Amérique latine à la suite de la crise de la COVID-19 — Le rôle de la société civile dans le processus de relance»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/09)

Rapporteur:

Josep PUXEU ROCAMORA

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

16.11.2022

Adoption en session plénière

15.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

159/2/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Il convient de concentrer les efforts sur l’amélioration du dialogue entre les deux régions et le renforcement de leur coopération, dans une perspective d’horizontalité et de dialogue à plusieurs niveaux.

1.2.

La relation birégionale doit se renforcer autour de valeurs et d’objectifs communs. Toutefois, elle se doit également d’être attrayante sur le plan des ressources, du transfert de technologies et des résultats, ainsi que dans sa dimension sociale.

1.3.

S’agissant des compétences géopolitiques de l’Union européenne et de l’Amérique latine, la mise en place d’une autonomie stratégique permet de renforcer la coopération birégionale, de s’engager en faveur du multilatéralisme et de consolider la présence et l’importance des deux régions sur la scène internationale pour ce qui est des questions stratégiques.

1.4.

L’une des principales caractéristiques de la vulnérabilité en Amérique latine est la faible qualité des emplois. La reprise devrait viser prioritairement à promouvoir la création d’un nombre accru d’emplois formels et décents, à améliorer la formation professionnelle et les politiques sectorielles, et à promouvoir un salaire minimum ainsi que la négociation collective, dans le cadre du dialogue social.

1.5.

L’Europe et l’Amérique latine s’engagent en faveur de la démocratie, de l’état de droit et de la durabilité environnementale, ce qui suppose d’assurer que la société civile dispose de la protection et des garanties pour pouvoir jouer un rôle prépondérant en matière de développement et de remédiation aux crises, et pour que soit favorisé le dialogue nécessaire à la mise en place d’un nouveau contrat social.

1.6.

Il est indispensable de maintenir le principe de «ne laisser personne de côté», en repensant le concept de vulnérabilité, non seulement sur le plan des revenus, mais aussi sur celui de son impact sur différents groupes de population, comme les femmes, les personnes handicapées, les personnes âgées et les enfants. Les sociétés civiles librement et démocratiquement organisées sont le meilleur instrument pour faire en sorte que cette affirmation cesse d’être un vœu pieux et devienne réalité.

1.7.

Les tensions sociales qui prévalent en Amérique latine et les menaces qui, dans le monde entier, pèsent sur la démocratie mettent en évidence la nécessité de repenser le développement au moyen de politiques plus nombreuses et de meilleure qualité, avec davantage d’inclusion et de pluralisme et en appréhendant les causes profondes du mécontentement pour les transformer en sources de bien-être social. L’Europe et l’Amérique latine peuvent être des partenaires dans le cadre d’une alliance pour la démocratie, la durabilité, la justice sociale et le multilatéralisme (1).

1.8.

L’Europe et l’Amérique latine devraient être des partenaires dans le cadre d’une alliance pour la défense de la démocratie et pour des économies et des sociétés plus équitables et plus égalitaires, propre à renforcer le multilatéralisme et à assumer pleinement la protection de l’environnement. Une telle alliance requiert la pleine reconnaissance et la pleine participation de ses sociétés civiles organisées respectives, à savoir, entre autres, des organisations de défense des droits de l’homme, des organisations syndicales et professionnelles et des associations environnementales.

2.   Observations générales

2.1.

Depuis la fin du cycle d’expansion des matières premières, l’Amérique latine fait face à un ralentissement économique graduel. Avant la crise du coronavirus, sa croissance moyenne n’était que de 0,3 %. En effet, la période 2014-2020 a été marquée par la croissance économique la plus faible en sept décennies, tandis que la dette publique a atteint des niveaux record.

2.2.

La crise sanitaire causée par le coronavirus a eu de graves conséquences dans la région, qui a dépassé la moyenne mondiale pour le nombre de cas et de décès. Cette situation a pesé lourdement sur les systèmes de santé, qui se trouvaient déjà en difficulté pour traiter les maladies endémiques, et même pour faire face aux soins de santé primaires (2). La crise de la COVID-19 n’a fait que mettre en évidence les effets négatifs des politiques mises en œuvre pendant des décennies (entre autres, coupes budgétaires dans le domaine de la santé, réduction des effectifs, désinvestissement dans les infrastructures), qui se sont avérées inefficaces pour affronter la somme des problèmes posés par le virus.

2.3.

Face à la crise pandémique, la plupart des pays ont agi avec anticipation, en imposant des restrictions à la mobilité et en élaborant des dispositifs d’aide et de transfert pour les secteurs vulnérables. Par surcroît, ils ont mis en œuvre des politiques budgétaires et monétaires contracycliques sans précédent (3). Malgré cela, les pertes ont été importantes, tant sur le plan des vies humaines que sur celui de l’économie et de l’inclusion sociale, en raison des faiblesses structurelles et de la limite des moyens budgétaires alloués aux mesures de riposte.

2.4.

L’inflation moyenne dans la région est en hausse: elle a atteint 9,8 % en 2021 et devrait être portée à 11,2 % en 2022, aggravée par l’effet de la guerre (4). Cet état de fait creuse les écarts qui limitent le développement.

2.5.

L’Amérique latine confrontée aux «pièges du développement» (5)

2.5.1.

Surmonter le piège de la productivité suppose de disposer de structures économiques diversifiées et de produits et services plus sophistiqués. Le retour à une production fondée sur le secteur primaire ne garantit pas une intégration appropriée dans les chaînes de valeur mondiales et produit peu d’incitations à investir. De plus, la pandémie a particulièrement touché les micro, petites et moyennes entreprises (MPME), qui éprouvent plus de difficultés à adopter les nouvelles technologies, tandis que le secteur agricole se trouve affaibli par la guerre en Ukraine.

2.5.2.

Surmonter le piège de la vulnérabilité sociale suppose d’améliorer les institutions du travail et de la protection sociale dans les domaines où il est nécessaire de créer davantage d’emplois formels qui soient de meilleure qualité et inclusifs afin de briser le cercle vicieux de la vulnérabilité, de la volatilité des revenus et de la faible protection sociale.

2.5.3.

Pour résoudre le piège institutionnel, de meilleures institutions et politiques d’inclusion sont nécessaires afin de rétablir la confiance, d’améliorer la qualité des services publics, de répondre aux aspirations d’une vaste classe moyenne, et de disposer d’une solidité suffisante pour résister aux poussées populistes et autoritaires.

2.5.4.

Le piège de la vulnérabilité environnementale repose sur un biais productif qui privilégie des secteurs à forte intensité de ressources naturelles, et en sortir implique de supporter les coûts élevés liés à l’ajustement du modèle fondé sur une forte intensité de carbone et l’exploitation de ressources non renouvelables.

2.6.

Les problèmes structurels et les pièges de développement (6) ont une incidence sur la reprise de l’économie et de l’emploi. Le PIB de la région s’est contracté de 6,8 % en 2020 (7). En 2021, sa croissance moyenne était de 6,1 %, et sa perspective de croissance pour 2022 n’est que de 2,1 %, ce qui est jugé insuffisant pour compenser l’aggravation des problèmes structurels. La situation s’aggrave encore actuellement du fait de la crise provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine, avec l’augmentation du prix des combustibles fossiles, des intrants agricoles et des denrées alimentaires, même si certains pays ont renforcé leur offre de biens primaires destinés à l’exportation.

3.   Conséquences sociales et économiques de la pandémie et de la guerre

3.1.

Sur les 22 millions d’emplois perdus en 2020, 4,5 millions restent encore à récupérer, principalement les emplois les moins qualifiés, ceux des femmes et des jeunes et les emplois informels. De 2019 à 2020, le taux de participation des femmes à l’emploi est passé de 51,4 % à 46,9 %. La perte d’emplois dans le secteur domestique (20,9 %) a touché entre 11 et 13 millions de femmes en 2019 (8).

3.2.

Pour ce qui est de la réduction de la pauvreté, la région a perdu plus d’une décennie, et elle pourrait bien être à l’aube d’une nouvelle décennie perdue (9). En 2021, le taux de pauvreté s’élevait à 32,1 % et celui d’extrême pauvreté à 13,8 %. Le nombre de personnes pauvres s’élève à 201 millions et le nombre de celles en situation d’extrême pauvreté est passé de 81 à 86 millions.

3.3.

La double crise sanitaire et inflationniste met en évidence la vulnérabilité de la population à revenus moyens, caractérisée par de faibles cotisations à la protection sociale contributive et une faible couverture sociale non contributive (10). Bien qu’elle ait diminué, l’économie informelle génère encore 140 millions d’emplois et concerne particulièrement les travailleurs agricoles, les femmes et les jeunes. Cela signifie une vulnérabilité accrue, une réduction de la mobilité sociale et une capacité de recouvrement de l’impôt moindre de la part de l’État, soit moins de protection sociale.

3.4.

La pandémie a durement touché les enfants et les jeunes en raison de la limite portée à la protection offerte par l’éducation en présentiel: 114 millions d’enfants se sont trouvés privés d’école et, dans certains pays, cette situation a perduré jusqu’à deux ans. Le fossé en matière de connectivité, de compétences numériques et de compétences familiales, nécessaires pour faire face à la numérisation forcée, a créé un décalage entre les étudiants de familles à revenu élevé et ceux de familles à faibles revenus, équivalant à deux ans d’études (11). En outre, les tâches familiales se sont accrues pour les femmes. Les personnes handicapées, au nombre d’environ 85 millions, ont également été touchées. Le manque d’informations disponibles et la discrimination en matière de soins de santé aggravent l’inclusion sociale, déjà fragile, qui est également menacée par l’inflation.

3.5.

Compte tenu des limites de l’offre, concentrée dans la partie septentrionale du monde, les pays d’Amérique latine ont accédé aux vaccins dans le cadre de négociations bilatérales et ont reçu 93 millions de doses au titre du programme COVAX; l’Union a exporté plus de 130 millions de doses de vaccin dans la région, et ses États membres ont fait don de 10 millions de doses supplémentaires (12). Malgré ces difficultés, la région a atteint une moyenne de 63,3 % de la population vaccinée à deux doses. Mais si ce taux de vaccination atteint 89 % dans certains pays, il est d’à peine 1 % dans d’autres (13).

4.   Aggravation des troubles sociaux

4.1.

Les mobilisations sociales qui ont agité plusieurs pays en 2019 n’ont pas été entièrement résolues. Certaines tensions se sont aggravées et sont appelées à s’exacerber encore davantage en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires. Cette colère citoyenne est liée à la mauvaise qualité des politiques publiques, à la corruption, à la vulnérabilité des classes moyennes, à l’exclusion sociale et à l’insécurité. Les aspirations sociales suscitées au cours de la première décennie du XXIe siècle n’ont pas été satisfaites, ce qui a creusé le fossé entre les citoyens et les institutions. Les résultats du cycle électoral de la région pour la période 2020-2022 tendent à montrer une volonté de changement, ce qui pose de grands défis aux présidents élus.

4.2.

La région est l’une des plus inégalitaires du monde. Entre 2019 et 2020, alors que les catégories de population à revenu élevé et moyen-élevé se sont contractées de 1 %, les catégories à revenu moyen-intermédiaire et moyen-faible ont diminué de 3,5 %. Dans le même temps, les secteurs à faibles revenus (c’est-à-dire dont le revenu est inférieur à 1,8 fois le seuil de pauvreté) ont augmenté de 4,7 %, et la population en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté a augmenté de 3,3 % (14).

4.3.

Un autre facteur de mécontentement est l’insécurité à laquelle sont confrontés les citoyens d’Amérique latine, en particulier dans les villes. La violence pourrait très bien être liée à la criminalité organisée, aux trafics illicites et à l’incapacité des États à les combattre (15). Mais ce n’est pas seulement une question d’ordre criminel: il existe également une violence sociale, liée aux taux de pauvreté extrême, qui nécessite des politiques publiques en faveur de la création d’emplois décents et des changements visant une éducation de qualité pour tous; il y a aussi une violence politique, qui consiste à encourager la disqualification des adversaires pour tenter de garder le pouvoir. La violence très inquiétante qui s’exerce à l’encontre des syndicalistes, des journalistes, des défenseurs de l’environnement, des militants des droits de l’homme et des entrepreneurs a également progressé pendant la pandémie et les cycles de protestations qui l’ont accompagnée.

4.4.

Dans le sillage de la dernière réunion d’EuroLat, au cours de laquelle il a été souligné qu’il serait nécessaire d’assurer une meilleure protection des professionnels de la justice, il serait utile de procéder à l’évaluation du projet de Cour pénale latino-américaine et caribéenne pour la lutte contre la criminalité transnationale organisée (COPLA).

4.5.

Un autre défi structurel est la vulnérabilité au changement climatique: la région est l’une des plus touchées, avec un impact économique pouvant atteindre 85,852 milliards d’EUR par an. Cet impact doit être pris en compte dans ses dimensions sociales, y compris l’insécurité alimentaire et les catastrophes de plus en plus récurrentes.

4.6.

L’insécurité, la pauvreté et la présence de régimes autoritaires ont provoqué un flux important de personnes déplacées sur le continent. La vulnérabilité associée à ces processus de migration et d’asile a entraîné une crise humanitaire qui n’a pas fait l’objet d’une réponse suffisante et exige une approche régionale.

4.7.

Les démocraties se trouvent dans une situation de vulnérabilité. Les élites, les partis politiques et les parlements sont confrontés à une crise de légitimité et de confiance qui, conjuguée à la perception de la corruption et à des niveaux élevés de fragmentation et de polarisation, a rendu insuffisants les mécanismes de prise de décisions collectives et de négociation (16). La situation mondiale actuelle, marquée par l’instabilité, met encore davantage l’accent sur la menace de l’autoritarisme et sur la nécessité de renforcer les démocraties.

5.   Vers un nouveau pacte social

5.1.

Malgré leur mécontentement et leur peu de confiance envers le système, les citoyens sont prêts, dans la rue comme dans les urnes, à envisager des changements politiques. Dans ces processus de mobilisation, le rôle joué par les jeunes et les femmes revêt une haute importance: leur engagement dans l’espace politique constitue un atout précieux. Il est indispensable de promouvoir un modèle de dialogue social institutionnalisé, comme celui qui existe déjà en Europe, et de consolider la coopération existante avec le Comité économique et social européen et l’Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires.

5.2.

Les citoyens doivent être au cœur des transformations, ce qui suppose de renforcer les mécanismes de délibération et de participation, en garantissant leur accessibilité et leur protection. Il est nécessaire de rétablir la confiance grâce à l’élaboration de politiques ouvertes et inclusives, de susciter des stratégies de communication claires et de disposer de systèmes de compensation au niveau social. Il s’impose également de renforcer la responsabilisation, ainsi que l’évaluation des politiques et de leurs incidences.

5.3.

Un nouveau contrat social peut être conclu: par le biais d’accords transversaux entre groupes socio-économiques, entre territoires et entre générations; en promouvant des stratégies productives résilientes et durables qui créent des emplois de qualité et favorisent la transition verte et numérique. De même, il est primordial de développer des systèmes de protection sociale étendus et efficaces ainsi qu’un modèle plus durable de financement du développement. Ce faisant, il conviendrait de garantir que les droits soient respectés et que les emplois soient décents, assortis d’un salaire minimum vital et de négociations collectives, que la protection sociale soit universelle et que le dialogue social soit à même d’assurer des mesures de transition juste pour le climat et la technologie.

5.4.

Un tel pacte social nécessite une politique de dépenses publiques stable et viable sur le plan budgétaire. À court terme, il importe de développer les actions de coopération internationale, d’augmenter les liquidités et de les canaliser vers les pays à revenu intermédiaire, et d’alléger la dette des pays à revenu faible et intermédiaire. Cela s’ajoute au renforcement des recettes publiques par l’amélioration de l’efficacité de la perception des impôts. À moyen terme, il convient de renforcer l’imposition progressive et son efficacité, afin de couvrir les dépenses permanentes liées à une politique sociale active. Un consensus international sera également nécessaire pour mettre en place la restructuration de la dette publique. À long terme, il y a lieu d’accroître la part de la fiscalité, la perception numérique des impôts et la fiscalité verte. Une coopération internationale est également nécessaire pour réduire la fraude et l’évasion fiscales (17).

5.5.

Dans ce contexte, il est crucial de développer l’économie sociale de marché dans la région, compte tenu de son rôle important dans le développement d’un système de production et d’emploi inclusif et résilient; il est nécessaire, à cette fin, de créer des marchés et des canaux de distribution justes (18). Il importe de reconnaître et de renforcer le rôle des groupes consultatifs internes dans le suivi des accords de libre-échange (19).

6.   Alliance avec l’Union européenne

6.1.

La politique de coopération au développement de l’Union reconnaît la nécessité d’appliquer de nouvelles modalités allant au-delà des paradigmes nord-sud et de l’aide publique au développement (APD), en adoptant de nouvelles formes de partenariat multi-acteurs et à plusieurs niveaux (20). L’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI) répond à la nécessité d’améliorer la flexibilité de la répartition géographique et thématique des fonds, et de relever les défis mondiaux et la feuille de route autour des ODD. Ainsi, la stratégie «Global Gateway» vise à relier le monde de manière intelligente, propre et sûre dans les secteurs du numérique, de l’énergie et des transports, ainsi qu’à renforcer les systèmes de santé, d’éducation et de recherche. Ces changements visent à doter l’Union des ressources et des outils nécessaires pour concilier ses valeurs et ses intérêts dans un environnement international plus complexe, plus contesté et plus interconnecté.

6.2.

Pour articuler les stratégies a été lancée l’initiative «Équipe Europe» (Team Europe), qui vise à conjuguer les efforts des institutions européennes, des États membres et de leurs agences de mise en œuvre, aux côtés des institutions financières de développement.

6.3.

Dans le cadre de sa coopération, l’Union européenne s’est employée à dépasser le système de classification fondé uniquement sur le revenu par habitant et souscrit au concept de «développement en transition», mieux adapté aux besoins de la région. Toutefois, il lui reste à relever le défi de l’amélioration du dialogue et de la capacité à communiquer sur la solidité de ses relations et leurs avantages.

6.4.

Dans la conjoncture actuelle, qui présente de nombreux défis extrêmement graves au niveau mondial, national et régional, il est important de souligner que l’Europe et l’Amérique latine pourraient être des partenaires idéaux dans le cadre d’une alliance pour la défense de la démocratie et pour des économies et des sociétés plus équitables et plus égalitaires, propre à renforcer le multilatéralisme et à assumer pleinement la protection de l’environnement. Il convient aussi de souligner qu’une telle alliance ne serait pas viable sans la pleine reconnaissance et la pleine participation de ses sociétés civiles organisées respectives, à savoir, entre autres, des organisations de défense des droits de l’homme, des organisations syndicales et professionnelles et des associations environnementales.

7.   Soutenir la reprise avec l’aide de la société civile

7.1.

En 2020, des changements sont apparus quant à la structure de l’origine des investissements directs étrangers (IDE). Jusqu’en 2019, les entreprises européennes ont été les principaux investisseurs dans la région: elles représentaient 55 % des IDE. En 2020, ce pourcentage a chuté de 49 %, et les investissements intrarégionaux de 35 %, contre une baisse de 4 % des investissements provenant des États-Unis (21) et une hausse des investissements chinois.

7.2.

La stratégie européenne de sortie de crise repose sur l’amélioration de son modèle économique au moyen du pacte vert pour l’Europe et des fonds Next Generation EU. Ces aspects sont essentiels pour la stratégie birégionale, et la mise en place d’instruments pour favoriser la quadruple transition énergétique, numérique, écologique et sociale aura de larges avantages pour les deux régions.

7.3.

Il est indispensable de renforcer les relations commerciales avec l’Europe grâce aux accords déjà signés ou à ceux avec le Mercosur, le Chili et le Mexique. Ces accords consolident non seulement les échanges commerciaux, mais ont également un impact sur la qualité de l’emploi et sa fonction sociale, le transfert de technologies et la transition vers la durabilité. Il s’agit de promouvoir un partenariat commercial qui se distingue de celui avec d’autres partenaires, par sa qualité et sa durabilité à long terme, mais aussi par sa rentabilité, par opposition à d’autres modèles de relations internationales prédateurs et irresponsables. Toutefois, les accords commerciaux doivent mettre l’accent sur les personnes et leurs droits fondamentaux, le travail décent et la solidarité avec les plus vulnérables, le respect de l’environnement et la défense de la démocratie, et être en mesure de faire respecter efficacement les droits. Les principaux aspects sont les suivants:

7.4.

Attirer des investissements propres à soutenir la réalisation des ODD, en s’appuyant sur un cadre réglementaire multilatéral qui contribuera à les atteindre, en mettant l’accent sur la qualité de vie des personnes, leurs droits, l’emploi décent, l’inclusion, la durabilité et la défense de la démocratie. Pour atteindre des objectifs communs, il est également souhaitable d’accroître la coopération, dans le cadre de projets et d’une mise en œuvre positive de la boussole stratégique européenne.

7.4.1.

La numérisation en tant qu’opportunité pour le développement. L’Amérique latine se trouve à un niveau de développement intermédiaire pour le passage au numérique, mais son taux de croissance en la matière est le plus faible parmi les pays émergents. En matière numérique, il y a une convergence entre l’Alliance numérique UE-ALC, liée à la pose du câble transatlantique à fibres optiques (EllaLink), et la stratégie de connectivité de l’Union européenne «Global Gateway». Un soutien résolu aux processus de numérisation doit conforter leur dimension sociale et appuyer le renforcement des entreprises.

7.4.2.

Promouvoir l’économie formelle et éviter le travail informel (22). Les accords multipartites contiennent des clauses spécifiques qui exigent le respect des accords de l’OIT ainsi que la garantie des droits, la prévention du travail des enfants et le renforcement de l’inspection du travail. Ces clauses ont un effet positif sur le renforcement des capacités dans les pays andins avec lesquels des accords ont été signés (23).

7.4.3.

Soutenir directement l’éducation à tous ses niveaux, en veillant à l’amélioration de sa qualité et de sa couverture, et soutenir le renforcement des réseaux en matière d’enseignement et de science avec l’Europe. Le programme Erasmus Mundus est un atout qui peut être davantage exploité pour relier les universités.

7.4.4.

Depuis 2021, l’Union s’est engagée dans un processus de révision de sa politique commerciale et de renforcement de son approche en matière de commerce et de développement durable. Elle a affirmé que son objectif est une politique commerciale ouverte, durable et ferme, qui doit aller de pair avec l’intégration du développement durable. Cette démarche, tout en promouvant la compétitivité entre les secteurs productifs et les acteurs économiques (qu’ils soient de grande, moyenne ou petite dimension), doit aller de pair avec la promotion de valeurs et de principes tels que la démocratie et l’ensemble des droits — humains, culturels, de genre, environnementaux, syndicaux et du travail. La société civile organisée respective des deux régions devrait participer activement au renforcement de leurs relations au moyen de réunions thématiques virtuelles et/ou en présentiel, avec un calendrier plus ambitieux et une feuille de route pour sa mise en œuvre.

7.4.5.

L’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 et à jouer un rôle de premier plan dans les efforts déployés à l’échelle mondiale pour protéger la planète et promouvoir la relance écologique (24). Promouvoir ces objectifs dans le cadre de la politique commerciale européenne vers une coopération plus ambitieuse en matière d’environnement (25) est particulièrement important dans le cadre des relations commerciales avec l’Amérique latine et en vue de renforcer une société civile confrontée à de nombreuses menaces, tant en raison de la vulnérabilité au changement climatique que de sa confrontation avec des acteurs violents. Il est essentiel de protéger les personnes concernées ainsi que les défenseurs des droits de l’homme, les syndicalistes et les journalistes, et d’exhorter les gouvernements latino-américains à s’engager à garantir leur intégrité.

7.4.6.

L’initiative «Équipe Europe» soutient les efforts de lutte contre la déforestation de l’Amazonie, et la nouvelle phase du programme EUROCLIMA+ consacrera 140 millions d’EUR à l’appui des engagements pris au titre de l’accord de Paris. Toutefois, l’Amérique latine n’a affecté que 15 % des investissements budgétaires à la reprise économique après la pandémie, dont moins de 6,9 % sont axés sur la reprise verte. Il est indispensable d’aider la région à générer une fiscalité, des dépenses publiques et des investissements privés qui soient verts. Il est également souhaitable de renforcer une alliance pour une gestion responsable des matières premières stratégiques et pour assurer un transfert technologique durable à partir de l’expérience et des connaissances européennes.

7.4.7.

Pour asseoir le partenariat de l’Union européenne avec l’Amérique latine, il est fondamental de finaliser l’accord avec le Mercosur, un marché commun de 780 millions de consommateurs, qui pourrait susciter une augmentation de 1,5 % du PIB au Brésil ou de jusqu’à 10 % dans le cas du Paraguay. Les aspects liés à la protection de l’environnement doivent constituer une avancée qui ouvre la voie aux partenariats birégionaux de nouvelle génération. Des progrès doivent être réalisés dans la recherche de systèmes viables visant à inclure les certificats de protection de l’environnement pour certaines productions, ainsi que les clauses miroirs. Si l’Union met en œuvre cette dimension avec succès, elle renforcera sa vision du développement global et son potentiel stratégique.

Bruxelles, le 15 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur «Des chaînes d’approvisionnement durables et un travail décent dans le commerce international» (avis exploratoire) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 197); avis du Comité économique et social européen sur un nouveau cadre pour les accords de libre-échange, de partenariat économique et d’investissement garantissant une réelle participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux et assurant la sensibilisation du public (avis d’initiative) (JO C 290 du 29.7.2022, p. 11).

(2)  Unesco (2021), COVID-19 y vacunación en América Latina y el Caribe: desafíos, necesidades y oportunidades (Vaccination contre la COVID-19 en Amérique latine et aux Caraïbes: défis, besoins et opportunités).

(3)  OCDE (2021), Perspectives économiques de l’Amérique latine 2020 (en espagnol et en anglais).

(4)  Données du Fonds monétaire international (FMI).

(5)  OCDE (2022), Perspectives économiques de l’Amérique latine 2021 (en espagnol et en anglais).

(6)  Ibidem.

(7)  Cepalc (2021), Étude économique sur l’Amérique latine et les Caraïbes (en espagnol).

(8)  OIT (2022), Panorama du marché du travail; Cepalc (2021), Panorama social de l’Amérique latine.

(9)  Cepalc (2021), op. cit.

(10)  Nieto Parra (2020), Desarrollo en transición en América Latina en tiempos de la COVID-19 (Développement en transition en Amérique latine en période de COVID-19), Fondation Carolina.

(11)  Unesco (2021), L’éducation en Amérique latine et dans les Caraïbes face à la COVID-19 (en espagnol et en anglais).

(12)  2.12.2021, Réunion des dirigeants de l’Union, d’Amérique latine et des Caraïbes: Unir nos forces pour une reprise post-COVID durable — Communiqué de presse du président Michel et de la présidente von der Leyen.

(13)  Our World in Data.

(14)  Cepalc (2021), op. cit.

(15)  ONUDC (2019), Étude mondiale sur l’homicide (en espagnol).

(16)  IDEA International (2021), L’état de la démocratie dans les Amériques en 2021 (en espagnol).

(17)  Cepalc (2021), Panorama fiscal de l’Amérique latine 2021 (en espagnol).

(18)  Commission européenne (2021), Plan d’action européen pour l’économie sociale.

(19)  Avis du Comité économique et social européen sur «Des chaînes d’approvisionnement durables et un travail décent dans le commerce international» (avis exploratoire) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 197); avis du Comité économique et social européen sur un nouveau cadre pour les accords de libre-échange, de partenariat économique et d’investissement garantissant une réelle participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux et assurant la sensibilisation du public (avis d’initiative) (JO C 290 du 29.7.2022, p. 11).

(20)  Sanahuja, J. A., Ruiz Sandoval, E. (2019), La Unión Europea y la Agenda 2030 en América Latina: políticas de cooperación en una región de «desarrollo en transición» (L’Union européenne et le programme à l’horizon 2030 en Amérique latine: politiques de coopération dans une région de «développement en transition»), Fondation Carolina; Nouveau consensus européen pour le développement (CED) (2017); Cadre financier pluriannuel 2021-2027 (2018).

(21)  Cepalc (2021), Rapport 2021 sur les investissements étrangers directs en Amérique latine (en espagnol).

(22)  Voir: Consensus européen pour le développement (2006); communication de la Commission européenne sur la promotion d’un travail décent pour tous (2006); Commission européenne (2011), Programme pour le changement; Nouveau consensus européen pour le développement (2017); Commission européenne (2020), document de travail des services de la Commission: Promote decent work worldwide: responsible global value chains for a fair, sustainable and resilient recovery from the COVID-19 crisis; Nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI) de l’Union européenne (2020).

(23)  Fairlie Reinoso, A. (2022), Nuevos retos para el Acuerdo Comercial Multipartes de la Unión Europea con Perú, Colombia y Ecuador (Nouveaux défis pour l’accord commercial multipartite de l’Union européenne avec le Pérou, la Colombie et l’Équateur), Fondation Carolina-EULAC.

(24)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Le pacte vert pour l’Europe» [COM(2019) 640].

(25)  Giles Carnero, R. (2021), La oportunidad de una cláusula ambiental de elementos esenciales en acuerdos comerciales de la Unión Europea con Estados terceros: a propósito del Acuerdo Unión Europea-Mercosur (La possibilité d’une clause environnementale sur des éléments essentiels dans les accords commerciaux de l’Union européenne avec des États tiers, à propos de l’accord UE-Mercosur), Fondation Carolina, document de travail no 44.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/68


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Transition numérique dans la région euro-méditerranéenne»

(avis d’initiative)

(2023/C 100/10)

Rapporteure:

Dolores SAMMUT BONNICI

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

16.11.2022

Date de l’adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

181/0/3

1.   Conclusions

1.1.

La transition numérique révolutionne tous les aspects de la vie, ce qui apporte des gains importants en efficacité et permet aux utilisateurs de mener des vies plus épanouissantes. Elle est considérée comme un pilier de la résilience de l’après-COVID-19 et s’est accélérée de manière exponentielle depuis le début de la pandémie, particulièrement grâce aux actions de l’Union dans le domaine numérique qui se sont révélées efficaces dans le cadre de la stratégie de lutte contre la COVID-19.

1.2.

Les avantages de la numérisation sont bien connus dans des secteurs spécifiques tels que l’éducation en ligne, la santé en ligne, l’administration en ligne, l’agro-industrie, la justice en ligne et les services bancaires en ligne. De nombreux gouvernements de la région méditerranéenne promeuvent ces secteurs, mais l’effort n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire et risque d’approfondir encore la fracture numérique entre les pays. Il est donc essentiel de fournir des infrastructures pour soutenir ces technologies.

1.3.

La fracture numérique en matière d’accès et d’utilisation existe non seulement entre les différents pays méditerranéens, mais également au sein des pays de la région; elle concerne plus particulièrement les zones rurales et les zones reculées, les travailleurs informels, les femmes et les personnes âgées. Il est donc essentiel de déployer des efforts pour combler ce fossé à la fois au niveau régional et national afin de ne pas exacerber les inégalités existantes.

1.4.

La connectivité numérique devient un droit pour chaque être humain. La feuille de route du secrétaire général de l’ONU pour la coopération numérique a déjà établi une série d’objectifs pour 2030. En revanche, le «droit à la déconnexion» est une question controversée et une réalité dans un certain nombre de pays européens.

1.5.

Les compétences numériques sont fondamentales et devraient donc être intégrées dans les programmes de formation destinés aux jeunes de la région, vu les niveaux de chômage très élevés de ces derniers. Une politique efficace du marché du travail dans la région aura pour objectif de faire des jeunes non seulement des utilisateurs de technologies, mais aussi des producteurs de technologies. Tant l’emploi que l’entrepreneuriat dans ce domaine constituent des parcours professionnels très prometteurs.

1.6.

Un cadre juridique solide s’impose pour protéger les utilisateurs des risques numériques tels que les attaques contre la cybersécurité et pour garantir que les mécanismes de protection des données respectent les droits de l’homme en matière de respect de la vie privée numérique. L’indice de cybersécurité fourni par l’Union internationale des télécommunications (UIT) mesure l’engagement des pays en matière de cybersécurité au niveau mondial. L’indice montre, d’une manière générale, des niveaux de sécurité plus élevés dans la région du nord de la Méditerranée, et que l’Égypte est le plus performant des pays du sud de la Méditerranée.

1.7.

Il convient également de garantir un marché numérique équitable et compétitif par rapport aux géants du numérique. Il existe un écart important au sein du cadre juridique numérique des pays du nord et du sud de la Méditerranée. Il peut être intéressant de souligner l’inexistence d’une autorité indépendante chargée de promouvoir la transition numérique dans la région du sud de la Méditerranée.

1.8.

Le CESE insiste explicitement sur la mise en œuvre des conventions des Nations unies sur les droits de l’homme et des conventions fondamentales de l’OIT qui doit être ambitieuse dans tous les États de la région méditerranéenne de sorte que la transition numérique puisse véritablement contribuer à un développement écologique, économique et social prospère.

2.   Introduction

2.1.

La transition numérique a des répercussions sur tous les aspects de notre vie, qu’il s’agisse de la consommation, de l’emploi ou de la production. En réaction à la pandémie mondiale de COVID-19, cette transition a connu une accélération sans précédent ces dernières années. La numérisation est considérée comme l’un des principaux piliers de la reprise sur les deux rives de la Méditerranée, les citoyens adoptent en effet les outils numériques plus rapidement que jamais. Le télétravail et le travail à distance deviennent une réalité, et le commerce électronique et l’économie des plateformes progressent à un rythme jamais atteint, compensant les fermetures d’entreprises dues à la pandémie. Cependant, cette transition rapide est susceptible de créer une nouvelle source d’inégalités de plus en plus profondes, car les groupes de population les plus vulnérables qui sont confrontés à l’exclusion numérique sont ceux qui sont les plus durement touchés par la pandémie.

2.2.

Les principaux objectifs du présent document sont les suivants:

évaluer l’état actuel de la transition numérique dans la région euro-méditerranéenne, les programmes et les progrès réalisés,

mettre en évidence les avantages potentiels de la numérisation et, en particulier, les nouvelles possibilités pour les PME, grâce au commerce électronique, à l’éducation en ligne, à l’administration en ligne, à la santé en ligne et à la banque numérique,

recenser les obstacles à la numérisation, notamment les principales difficultés liées aux infrastructures et à l’accès numériques, à la fracture numérique tant au sein d’un pays (rural/urbain, femmes/hommes, jeunes/personnes âgées) qu’entre les pays (nord/sud), au manque de compétences numériques essentielles et à l’habileté numérique. Par conséquent, la transition numérique peut conduire à une augmentation des inégalités dans un pays, ainsi qu’à des divergences dans les schémas de développement entre les pays de la région,

mettre en évidence les risques associés à la numérisation, allant des risques liés à la cybersécurité, à la souveraineté numérique, à la protection des données et au piratage numérique, à ceux liés à la liberté civile.

3.   Informations contextuelles

3.1.

Nous traversons actuellement une période de numérisation rapide et nous pouvons trouver des outils numériques dans tous les aspects de notre vie, notamment dans la santé, le travail, l’administration, l’éducation et la gestion d’entreprise. Les compétences numériques sont essentielles dans le nouveau monde du travail pour garantir des perspectives d’emploi et elles sont valorisées par des revenus plus élevés. L’économie numérique se compose de secteurs fondamentaux des technologies de l’information et de la communication (TIC), comme la fabrication de matériel informatique, le conseil en matière de technologies de l’information et de logiciels, les services d’information et les télécommunications, de l’économie numérique au sens strict comprenant les services numériques et l’économie des plateformes, et de l’économie numérique au sens large qui tient compte des entreprises électroniques, du commerce électronique, de l’industrie 4.0, de l’agriculture de précision et de l’économie algorithmique, l’économie du partage et l’économie à la demande étant au premier plan de l’économie numérique (1).

3.2.

La numérisation était en hausse avant même la pandémie de COVID-19, en témoignent les grandes tendances récentes dans les technologies numériques dans les domaines des chaînes de blocs, de l’analyse des données, de l’intelligence artificielle, de l’impression 3D, de l’internet des objets, de l’automatisation et de la robotique, de l’informatique en nuage (2), ainsi que des systèmes de suivi et de surveillance à distance.

3.3.

Ce phénomène d’adoption rapide d’outils et de technologies numériques a été appelé la «quatrième révolution industrielle», elle recèle un potentiel exceptionnel d’augmentation des revenus et de la qualité de vie à l’échelle mondiale.

3.4.

Cependant, comme plus de 30 % de la population mondiale utilise des plateformes de médias sociaux, la numérisation peut être considérée comme une arme à double tranchant de nature à renforcer la cohésion sociale et rassembler différents milieux culturels, ou servir d’outil pour diffuser des idées ou des idéologies extrêmes et des fausses informations.

3.5.

Le nombre de personnes qui utilisent l’internet n’a fait qu’augmenter au cours des dernières décennies et dans la région, atteignant en 2020 jusqu’à 93,2 % de la population en Espagne, 90,8 % à Chypre, 90,1 % en Israël, 86,9 % à Malte, 86,6 % en Slovénie, 84,1 % au Maroc, 77,7 % en Turquie, 77,6 % au Monténégro et 71,9 % en Égypte. Le chiffre le plus bas de la région est celui de l’Algérie, il correspondait à 49 % de la population en 2018 (dernières données disponibles, base de données mondiale d’indicateurs en matière de télécommunications/de TIC de l’UIT). Ces chiffres ne font que mettre en évidence les disparités régionales en matière d’accès au numérique. Il convient de noter qu’au niveau national, les zones rurales et isolées présentent des niveaux de connectivité beaucoup plus faibles.

3.6.

Les États membres méditerranéens de l’Union ont approuvé la transition numérique et renforcé leurs politiques relatives à la dématérialisation, notamment par le marché unique numérique (3) et le programme pour une Europe numérique (4). La décennie numérique de l’Europe a été publiée par la Commission européenne en mars 2021, elle définit des objectifs numériques pour 2030 et une vision de la transformation numérique de l’Europe (5). L’un des instruments de la décennie numérique est le «Digital for Development (D4D) Hub» (6), lancé en décembre 2020, dans le but d’harmoniser et de coordonner les initiatives numériques entre les États membres (7). En outre, la numérisation est un pilier essentiel du nouveau programme pour la Méditerranée, proposé par la Commission européenne en février 2021. En particulier, «[l]e nouveau programme a pour but de générer une relance à la fois verte, numérique, résiliente et juste, guidée par le programme de développement durable à l’horizon 2030, l’accord de Paris et le pacte vert pour l’Europe» (8).

3.7.

La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions sur le comportement au travail et a poussé les personnes à travailler à distance. Si le télétravail présente un certain nombre d’inconvénients, ses avantages incluent la réduction du temps de trajet, la limitation des émissions polluantes, les effets positifs sur l’environnement, et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, en particulier pour les parents (9). La capacité de télétravail varie sur les deux rives de la Méditerranée. De nombreux travailleurs du sud ont une capacité de télétravail moindre, car ils n’ont pas accès aux outils nécessaires ou exercent tout simplement des emplois qui ne peuvent pas être effectués à distance. Mme Al Azzawi (2021) a élaboré un indice de «capacité de télétravail» pour les pays arabes, elle a constaté une variation importante de cet indice dans la région. Elle confirme que les travailleurs les plus vulnérables n’ont pas la capacité de travailler à distance et ont donc été les plus durement touchés par la pandémie (10). L’expérience de l’Europe en matière d’adoption généralisée du télétravail montre qu’il importe de mettre en place un cadre juridique pour le «droit à la déconnexion» afin de respecter les limites entre vie personnelle et vie professionnelle (11).

3.8.

La numérisation a entraîné la montée en puissance de l’économie des plateformes et des petits boulots. Même si l’économie des plateformes offre de nombreuses possibilités, elle a également suscité des inquiétudes croissantes quant aux conditions de travail et, en particulier, à la couverture sociale limitée, à la fragmentation des horaires de travail et aux faibles niveaux de revenus, ainsi qu’à la lutte pour garantir les droits collectifs (12). À cet égard, la Déclaration du centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail (2019) appelle de ses vœux des politiques et des mesures permettant de relever les défis et de saisir les opportunités qui découlent de la transformation numérique du travail, notamment le travail via des plateformes.

3.9.

La transition numérique qui progresse rapidement, en particulier dans la vie économique et professionnelle, a naturellement des effets importants sur toutes les structures socioculturelles. Ainsi, au cours du Printemps arabe, on a pu observer que les outils de communication numérique étaient principalement utilisés pour organiser avec succès la résistance civile et la coopération entre les militants. Toutefois, d’autres évolutions ont montré que dans les pays où aucune structure démocratique durable n’a été mise en place, la suppression des libertés fondamentales (y compris le droit à la liberté d’expression dans les médias numériques) ainsi que des droits des travailleurs (notamment le droit à la liberté d’association, qui devient encore plus important dans l’économie des plateformes et des petits boulots) s’est encore aggravée. Par exemple, des organisations indépendantes de la société civile comme des syndicats, des ONG de défense des droits de l’homme ou des organisations patronales et leurs militants, subissent une répression simplement parce qu’elles exercent des libertés fondamentales ou expriment des opinions divergentes. En outre, les sites web d’actualités nationales et internationales et d’organisations indépendantes de la société civile sont bloqués de manière répétée. Dans certains États de la région méditerranéenne, les conventions des Nations unies relatives aux droits de l’homme et les conventions de l’OIT sont souvent mises en œuvre uniquement de manière formelle, mais pas appropriée.

3.10.

La numérisation est essentielle pour le développement des PME (13). Les avantages s’étendent d’une réduction des coûts, des économies de temps et de ressources et d’une plus grande efficacité, à une meilleure intégration de la chaîne d’approvisionnement et à une meilleure différenciation des produits (14). Les «Perspectives de l’OCDE sur les PME et l’entrepreneuriat 2019» (15) offrent une image plus détaillée de ces avantages. À titre d’exemple, l’on peut citer l’analyse des mégadonnées qui, combinée à des capteurs, des applications, l’informatique en nuage et l’impression 3D, permet une plus grande personnalisation.

3.11.

Bien que la numérisation présente pour elles de nombreux avantages, les PME sont confrontées à un certain nombre d’obstacles, l’un des plus importants étant le manque d’accès au financement (16). Le deuxième obstacle majeur est le manque d’accès aux compétences numériques, à l’éducation et à la formation, alors qu’adopter les modèles commerciaux et les technologies numériques requiert précisément des investissements financiers et des compétences numériques au sein de l’entreprise. L’Association euro-méditerranéenne des économistes (EMEA) a élaboré un indice de préparation numérique pour les PME sur la base d’une enquête ciblant les PME du sud de la Méditerranée. L’indice montre que le niveau de préparation à la transformation numérique dépend de la capacité des infrastructures, des progrès en matière de télécommunications et de technologies réalisés au niveau national, mais aussi de la capacité des entreprises au niveau microéconomique; les grandes entreprises sont mieux préparées à la numérisation et les jeunes entreprises sont plus susceptibles de la poursuivre (17).

3.12.

L’inconvénient de la numérisation est la perte d’emplois due à l’automatisation dans certains secteurs économiques. La société civile peut jouer un rôle important en aidant les travailleurs à mettre leurs compétences à niveau, dans le but de faire de la transition numérique une transition juste et conforme au plan d’action de l’Union visant à «ne laisser personne de côté».

3.13.

Afin de promouvoir la numérisation et de concevoir les politiques les plus efficaces, il est primordial de mesurer et de suivre la transition numérique à l’aide d’indicateurs solides et mesurables. Depuis 2014, la Commission européenne a élaboré l’indice relatif à l’économie et à la société numériques (DESI) (18), qui montre des progrès dans les domaines de la numérisation dans les États membres, mais aussi une fracture numérique persistante (19). Cet indice peut servir de base à un cadre de suivi de référence pour les pays méditerranéens non membres de l’Union.

4.   Observations générales

4.1.

L’incidence profonde de la transition numérique se fait sentir dans l’ensemble de la société et de l’économie. Bien que la région du sud de la Méditerranée soit confrontée à des difficultés en matière d’accessibilité universelle et de renforcement des compétences numériques des citoyens, la région ne fait pas exception quant à l’accélération de la transition numérique et à la mise à profit de celle-ci dans de nombreux domaines.

4.2.

Le commerce électronique s’est intensifié en raison des mesures de distanciation sociale. Les achats en ligne sont largement utilisés, avec une augmentation du commerce électronique entre entreprises et consommateurs (B2C) et entre entreprises (B2B). Le directeur général du plus grand opérateur de commerce électronique d’Afrique, Jumia, a annoncé une multiplication par quatre des ventes de produits de consommation courante, en particulier en Tunisie et au Maroc, où les confinements ont entraîné une augmentation de 100 % des ventes (20).

4.3.

L’enseignement en ligne a connu un développement rapide à mesure que la COVID-19 a entraîné la fermeture des écoles. Les gouvernements ont même mis en place des plateformes d’apprentissage en ligne, telles que la plateforme «Darsak» en Jordanie. Certains pays ont crée un système hybride, par exemple en Égypte (21). Les plateformes en ligne deviennent très à la mode, même pour des projets spécifiques visant à établir des liens avec les associations professionnelles locales, les municipalités et les acteurs clés (22). Certains financements de l’Union devraient être spécifiquement consacrés à l’éducation et à la formation dans le domaine de la mise à niveau des compétences numériques et aux jeunes pour qu’ils déploient des compétences numériques, poursuivent des études dans le domaine des technologies de l’information et de l’intelligence artificielle en vue d’un travail sûr à l’avenir.

4.4.

L’administration en ligne devrait réduire les formalités administratives et la charge des procédures administratives, ce qui permettrait de fournir des services publics de manière efficace et aisée. En outre, elle peut être un outil de démocratisation et de renforcement de la participation active des citoyens. L’amélioration de l’administration en ligne est une priorité pour les États membres de l’Union et constitue l’un des piliers de l’indice DESI. La région du sud de la Méditerranée progresse également dans cette direction. Le Maroc a réalisé des progrès significatifs grâce à son initiative nationale d’administration en ligne (23). En 2019, l’Égypte a lancé un système de paiement électronique pour la perception de l’impôt et le paiement des factures, entre autres. En janvier 2020, le ministère jordanien de l’économie numérique a fait migrer son infrastructure des technologies de l’information et de la communication (TIC) vers l’informatique en nuage afin d’étendre les services aux citoyens (24).

4.5.

La santé en ligne est un moyen efficace par rapport à son coût pour obtenir et fournir le soutien nécessaire. Les solutions de santé en ligne ont joué un rôle clé dans la lutte contre la COVID-19. Ces solutions utilisent des applications de médecine à distance et de santé mobile. Au cours des deux dernières années, l’analyse des mégadonnées aux fins de la surveillance épidémiologique s’est révélée utile pour lutter contre la pandémie. Par exemple, en Tunisie, Tobba.tn, une plateforme numérique de consultation en ligne, a été lancée par un groupe de médecins (25).

4.6.

La banque numérique est un outil efficace pour faire de l’inclusion financière une réalité, la banque mobile ayant déjà prouvé son rôle dans le passé. Les solutions de technologie financière peuvent stimuler la transformation numérique et renforcer l’inclusion financière. Ces services prennent la relève et leur objectif est d’éliminer complètement l’utilisation des transactions par chèques et en espèces, ce qui pourrait entraîner l’exclusion des personnes âgées qui ne disposent peut-être pas des compétences numériques nécessaires.

4.7.

La justice en ligne facilite l’accès aux services juridiques et réduit le coût des audiences, des actes de procédure, etc., ainsi que le temps nécessaire pour y accéder.

4.8.

Compte tenu de l’incidence actuelle du réchauffement climatique, de la diminution de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et de la hausse des prix des denrées alimentaires, l’industrie agricole peut devenir plus compétitive et plus efficace en appliquant l’agriculture de précision et en utilisant les mégadonnées et la technologie de la chaîne de blocs. Cela peut conduire à une efficacité élevée dans la gestion de l’eau et des nutriments du sol et dans la lutte contre les maladies, grâce à une surveillance avancée de la température et à une diminution des besoins en main-d’œuvre (26), et ainsi devenir ainsi un outil d’atténuation des problèmes climatiques.

4.9.

Les schémas d’utilisation de l’internet varient d’un pays méditerranéen à l’autre. Dans les pays du sud de la Méditerranée, l’utilisation de l’internet au moyen de téléphones portables et de médias sociaux est dominante. Toutefois, contrairement aux pays du nord de la Méditerranée, les achats en ligne ne sont pas très courants. Cela pourrait s’expliquer, dans une certaine mesure, par l’exclusion financière et une faible proportion de détention de comptes bancaires dans le sud (27).

5.   Obstacles à la numérisation

5.1.

L’un des principaux obstacles à la numérisation est la fracture numérique, qui se manifeste non seulement entre pays, en particulier entre ceux de la Méditerranée [il existe des variations importantes dans l’édition 2021 de l’indice d’exploitation des technologies de communication — Network Readiness Index-NRI (28)]. Au niveau national, les différents groupes de population ne bénéficient pas du même niveau d’accès aux outils technologiques. La fracture est présente entre les hommes et les femmes, les zones rurales et urbaines, les jeunes et les personnes âgées. Du point de vue des entreprises, il existe une fracture numérique fondée sur la taille et le secteur d’activité, les petites entreprises, contrairement aux plus grandes, étant confrontées à des coûts exorbitants non seulement pour les matériaux, mais aussi et surtout en raison de la nécessité de renforcer les compétences des travailleurs. D’autres facteurs socio-économiques, tels que les niveaux de revenu et d’éducation, peuvent constituer une source d’exclusion numérique.

5.2.

La plupart des pays du voisinage méridional présentent d’importantes lacunes dans la couverture de l’internet mobile. Ce problème se pose en particulier dans des pays étendus géographiquement tels que l’Algérie et la Libye et, dans une moindre mesure, l’Égypte. Des investissements dans des infrastructures numériques et la mise en place de connexions internet à haut débit stables sont essentiels dans les zones rurales, où la numérisation peut constituer un levier potentiel pour une croissance inclusive (29).

5.3.

L’analphabétisme numérique, plus présent chez les personnes ayant un faible niveau d’éducation, est souvent mis en avant comme un autre obstacle à la numérisation. Il est dès lors nécessaire de réformer les programmes d’éducation et de formation professionnelle de sorte à y inclure les compétences numériques essentielles pour le futur marché du travail. La numérisation est également considérée comme faisant partie des besoins de renforcement des compétences des salariés.

5.4.

Le genre est un autre facteur influençant l’habileté numérique, les hommes ayant généralement un meilleur accès aux outils numériques et, partant, une meilleure connaissance des compétences numériques. En Tunisie, 72,5 % des hommes utilisent l’internet, contre 61,1 % des femmes. Certains pays ont déjà corrigé cet écart. En Slovénie, par exemple, il est inférieur à 2 points de pourcentage, 87,2 % des hommes et 86 % des femmes utilisant l’internet. La Turquie, en revanche, affiche un écart plus important entre les hommes et les femmes en matière d’accès à l’internet, qui s’élève à 11,2 points de pourcentage (indicateurs mondiaux en matière de télécommunications/de TIC de l’UIT). Les États membres de l’Union se sont engagés à combler le fossé entre les hommes et les femmes en matière de compétences numériques d’ici à 2030 en élaborant des politiques visant à encourager les filles à suivre des matières liées aux TIC et en assurant le suivi des progrès réalisés grâce au tableau de bord des femmes dans le numérique (WiD).

6.   Risques liés à la numérisation

6.1.

Les préoccupations croissantes concernant la perte progressive de contrôle des pouvoirs publics, des entreprises et des citoyens sur leurs données mettent en lumière la question de la «souveraineté numérique». Cet aspect touche également la capacité d’innovation des États et leur aptitude à concevoir la législation dans un environnement numérique (30). Ces préoccupations sont fondées puisque l’Europe et la région méditerranéenne sont à la traîne en matière d’investissement dans l’intelligence artificielle alors que la présence des géants étrangers des médias sociaux gagne en influence.

6.2.

Certains pays méditerranéens sont réticents à s’engager dans une transition numérique rapide. Le manque de volonté politique est dû à la crainte de perdre le contrôle de la population, qui entraîne elle-même un filtrage et une censure. Dans le même temps, les outils numériques peuvent permettre aux organisations de la société civile d’être entendues et de promouvoir la démocratie. Le Quartet du dialogue national tunisien, lauréat du prix Nobel de la paix 2015, illustre le rôle important que les organisations de la société civile peuvent jouer dans la transition pacifique d’une société.

6.3.

Étant donné que la numérisation ouvre la voie au développement social et économique, une autorité indépendante devrait mettre en place un cadre réglementaire adéquat en matière numérique, consacrant les principes des droits numériques, tels que la neutralité de l’internet.

6.4.

La numérisation rapide accroît le risque de menaces contre la cybersécurité. Le rôle des autorités est essentiel dans la mise en place d’un cadre législatif bien conçu pour protéger les utilisateurs. À l’heure actuelle, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie et l’Égypte ont tous adopté des lois sur la cybersécurité. Toutefois, ces lois ne comportent pas d’éléments relatifs à la protection des données (31). Il est essentiel de protéger les données personnelles sensibles des personnes, telles que les données relatives à la santé, etc.

6.5.

La protection des données devient l’un des domaines les plus cruciaux de la transition numérique. La question de la propriété et de la préservation de l’énorme quantité de données figure en bonne place parmi les priorités des responsables politiques. Cela répond à l’afflux d’analyses de mégadonnées et à l’acquisition d’un pouvoir et d’une influence sans précédent sur les plateformes de médias sociaux. Certains avancent que le cadre réglementaire dans le voisinage méridional est encore sous-développé et que la législation relative aux technologies émergentes n’est pas adoptée suffisamment rapidement (32). Quelques pays expriment même un manque de volonté politique en la matière. La question est encore plus aiguë dans le cas des données sensibles, par exemple en ce qui concerne les applications et les plateformes dans le domaine de la santé. Il existe notamment un scepticisme dans les pays du sud où la législation relative au RGPD et à une protection similaire de la vie privée pourrait encore ne pas être en place. En Europe, la législation sur les services numériques et la législation sur les marchés numériques visent à créer un espace numérique plus sûr pour les utilisateurs tout en favorisant l’innovation et la compétitivité.

6.6.

Le piratage numérique est une autre difficulté à laquelle la numérisation est confrontée. Les créations numérisées soumises à des droits de propriété intellectuelle sont extrêmement faciles à copier et à distribuer à grande échelle et à moindre frais. Les entreprises créatives souffriront davantage de ce phénomène et, en l’absence d’une législation efficace, les modèles économiques des artistes et des travailleurs créatifs ne seront plus tenables.

6.7.

La numérisation peut conduire à une répression civile. Dans certains pays, les droits numériques sont attaqués par les autorités, la numérisation étant considérée comme un moyen de surveillance. Par exemple, en raison de la pandémie, des applications de localisation ont été utilisées pour surveiller la propagation du virus, ce qui suscite des inquiétudes quant aux droits de l’homme (33). Le traçage possible de chaque activité numérique constitue une menace grave pour la démocratie et peut être utilisé comme moyen d’oppression. Le rapport 2021 relatif à la liberté sur internet classe la France en première position, avec une note de 78 sur 100, l’Italie obtient 76, la Tunisie 63, le Maroc 53, le Liban 51, la Jordanie 47, la Turquie 34 et l’Égypte 26 (34).

6.8.

La fracture numérique persistante peut entraîner des inégalités et des divergences plus importantes au sein de la région méditerranéenne. Certains pays ne disposent pas de l’infrastructure numérique (couverture ou accès au haut débit fixe), ou certaines zones reculées et rurales sont simplement laissées sans couverture ou sans réseaux 4G/5G. Une autre source de cette fracture est le manque de compétences numériques au sein de la population et l’analphabétisme numérique. Les faibles niveaux d’habileté numérique sont plus courants dans les pays du sud, en particulier chez les femmes et les personnes âgées (35).

6.9.

La formation de géants technologiques fait obstacle à une concurrence loyale sur les marchés numériques. L’évasion fiscale rend les marchés inéquitables pour les PME émergentes locales, qui ont très peu de chances de survivre. Elle contribue également à la fuite des cerveaux numériques. Un autre risque associé aux géants de la technologie est leur capacité à absorber les acteurs émergents, ce qui crée des monopoles et empêche la création de pôles numériques en Europe et dans la région méditerranéenne. Ce phénomène peut s’expliquer par l’absence de cadre réglementaire et même par des failles sur le plan fiscal pour les entreprises multinationales qui nuisent à la concurrence loyale.

6.10.

L’absence de mise en œuvre sérieuse des conventions des Nations unies sur les droits de l’homme et des conventions de l’OIT dans certains États de la région méditerranéenne fait obstacle à l’établissement d’organisations indépendantes de la société civile (y compris d’ONG, de syndicats et d’associations d’employeurs indépendants) et met donc en péril la transition numérique durable. Le CESE insiste donc explicitement sur la mise en œuvre des conventions des Nations unies sur les droits de l’homme et des conventions de l’OIT qui doit être ambitieuse dans tous les États de la région méditerranéenne de sorte que la transition numérique puisse véritablement contribuer à un développement écologique, économique et social prospère.

6.11.

Par ailleurs, la guerre en Ukraine représente une menace majeure pour les pays de la région et pourrait être associée à des risques plus élevés d’attaques contre la cybersécurité.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Bukht, R., et Heeks, R., «Defining, conceptualising and measuring the digital economy» (Définir, conceptualiser et mesurer l’économie numérique), Development Informatics Working Paper, no 68, 2017.

(2)  «Rapport sur l’économie numérique 2019», Cnuced.

(3)  Le marché unique numérique vise à améliorer l’accès, la qualité et la sécurité de la connectivité au sein des États membres. https://ec.europa.eu/eurostat/cache/infographs/ict/bloc-4.html

(4)  La décennie numérique de l’Europe se compose de quatre piliers principaux qui couvrent les compétences, les infrastructures, les pouvoirs publics et les entreprises: https://ec.europa.eu/info/funding-tenders/find-funding/eu-funding-programmes/digital-europe-programme_fr

(5)  https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/europes-digital-decade-digital-targets-2030_fr

(6)  Le «Digital for Development (D4D) Hub».

(7)  Langendorf, M., «Applying Europe’s Digital Agenda in Mediterranean Partner Countries: Opportunities and Pitfalls» (Appliquer la stratégie numérique de l’Europe dans les pays partenaires méditerranéens: opportunités et écueils), IEMed Mediterranean Yearbook, 2021.

(8)  «Un partenariat renouvelé avec le voisinage méridional», Commission européenne, 2021.

(9)  Le travail à domicile: De l’invisibilité au travail décent, OIT, 2021.

(10)  Al Azzawi, S., «Lives Versus Livelihoods: Who Can Work from Home in MENA?» (Vies et moyens d’existence: qui a la possibilité de travailler à la maison dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord — MENA?), ERF Working Paper, no 1471, 2021.

(11)  Note d’information de l’EPRS sur Le droit à la déconnexion, PE 642.847 — juillet 2020 (en anglais).

(12)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «De meilleures conditions de travail pour une Europe sociale plus forte: tirer pleinement parti de la numérisation pour l’avenir du travail» [COM(2021) 761 final] et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme [COM(2021) 762 final] (JO C 290 du 29.7.2022, p. 95).

(13)  Rapport d’information du CESE sur «La numérisation et les PME dans la région euro-méditerranéenne».

(14)  Kergroach, S., «Giving momentum to SME digitalization» (Donner une impulsion à la numérisation des PME), Journal of the International Council for Small Business, vol. 1, no 1, 2020, p. 28.

(15)  Perspectives de l’OCDE sur les PME et l’entrepreneuriat 2019.

(16)  Rapport d’information du CESE intitulé «Accès au financement pour les PME et entreprises de capitalisation moyenne au cours de la période 2014-2020: opportunités et défis».

(17)  Ayadi, R., et Forouheshfar, Y., «MSMEs digitalization in the Mediterranean: A new digital preparedness index» (La numérisation des MPME en Méditerranée: un nouvel indice de préparation numérique), Document de travail du réseau EMANES, 2022, sera publié prochainement.

(18)  https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/desi

(19)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_5481

(20)  Sidło, K., «Digital Transformation in the Southern Neighbourhood» (La transformation numérique dans le voisinage méridional), Enquête EuroMeSCo-Euromed, 2021.

(21)  El Kadi, T.H., «Uneven Disruption: COVID-19 and the digital divide in the Euro-Mediterranean Region» (Une perturbation inégale: la COVID-19 et la fracture numérique dans la région euro-méditerranéenne), IEMed Mediterranean Yearbook, 2020.

(22)  Par exemple, dans le cadre de ce projet, il est proposé que le propriétaire de la plateforme soit l’Union, des municipalités, des universités, des entreprises ou les ministères de l’éducation en Turquie, au Maroc, en Égypte et en Algérie: Akpınar, P., van Heukelingen, N., Babüroğlu, O.N., et Durukan, F.R., «A new formula for collaboration: Turkey, the EU & North Africa» (une nouvelle forme de collaboration: la Turquie, l’Union et l’Afrique du Nord), 2022.

(23)  Revue du gouvernement numérique du Maroc, OCDE, 2018.

(24)  El Kadi, T.H., «Uneven Disruption: Covid-19 and the digital divide in the Euro-Mediterranean Region» (Une perturbation inégale: la Covid-19 et la fracture numérique dans la région euro-méditerranéenne), IEMed Mediterranean Yearbook, 2020.

(25)  El Kadi, T.H., «Uneven Disruption: Covid-19 and the digital divide in the Euro-Mediterranean Region» (Une perturbation inégale: la Covid-19 et la fracture numérique dans la région euro-méditerranéenne), IEMed Mediterranean Yearbook, 2020.

(26)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La transition énergétique et numérique dans les zones rurales» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 59).

(27)  El Kadi, T.H., «Uneven Disruption: Covid-19 and the digital divide in the Euro-Mediterranean Region» (Une perturbation inégale: la Covid-19 et la fracture numérique dans la région euro-méditerranéenne), IEMed Mediterranean Yearbook, 2020.

(28)  https://networkreadinessindex.org/nri-2021-edition-press-release/

(29)  Smart Cities and Inclusive Growth (Villes intelligentes et croissance inclusive), OCDE, 2020.

(30)  Note d’information de l’EPRS sur Une souveraineté numérique pour l’Europe (PE 651.992 — juillet 2020).

(31)  Langendorf, M., «Applying Europe’s Digital Agenda in Mediterranean Partner Countries: Opportunities and Pitfalls» (Appliquer la stratégie numérique de l’Europe dans les pays partenaires méditerranéens: opportunités et écueils), IEMed Mediterranean Yearbook, 2021

(32)  Sidło, K., «Digital Transformation in the Southern Neighbourhood» (La transformation numérique dans le voisinage méridional), Enquête EuroMeSCo-Euromed, 2021.

(33)  Langendorf, M., «Applying Europe’s Digital Agenda in Mediterranean Partner Countries: Opportunities and Pitfalls» (Appliquer la stratégie numérique de l’Europe dans les pays partenaires méditerranéens: opportunités et écueils), IEMed Mediterranean Yearbook, 2021.

(34)  https://freedomhouse.org/policy-recommendations/internet-freedom

(35)  Sidło, K., «Digital Transformation in the Southern Neighbourhood» (La transformation numérique dans le voisinage méridional), Enquête EuroMeSCo-Euromed, 2021.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/76


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Un contrôle de la compétitivité pour bâtir une économie de l’UE plus forte et plus résiliente»

(avis exploratoire)

(2023/C 100/11)

Rapporteur:

Christian ARDHE

Corapporteur:

Giuseppe GUERINI

Consultation

Présidence du Conseil de l’Union européenne, 30.6.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Marché unique, production et consommation

Adoption en section

10.11.2022

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

54/1/2

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

150/4/11

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère que la demande de la présidence tchèque d’élaborer un avis exploratoire sur le contrôle de la compétitivité présente une grande actualité. Compte tenu des défis actuels et de ceux qui pourraient émerger à l’avenir, le CESE estime qu’il est d’une importance vitale de rendre l’économie de l’Union européenne plus compétitive. Conscient que le marché unique et l’économie sociale de marché de l’Union en constituent les atouts maîtres pour obtenir la croissance économique et le bien-être social, le CESE demande que le contrôle de la compétitivité favorise l’esprit d’entreprise, la création d’emplois et l’amélioration des conditions de travail, ainsi qu’une croissance économique durable et la cohésion sociale.

1.2.

Le CESE est d’avis que le contrôle de la compétitivité permet de veiller à ce que les aspects liés à la compétitivité soient dûment inclus dans la prise de décision. Cela nécessite une connaissance adéquate des incidences des initiatives sur la compétitivité et un état d’esprit axé sur la compétitivité lors de la prise de décision.

1.3.

Le CESE souligne que le contrôle de la compétitivité devrait faire partie essentielle d’un processus décisionnel de l’Union équilibré et être appliqué dans le cadre de tout processus d’élaboration de ses politiques et de sa législation. Il devrait s’appliquer aux initiatives législatives, au droit dérivé, aux mesures budgétaires, aux stratégies et aux programmes, ainsi qu’aux accords internationaux. Par ailleurs, il devrait être intégré au processus du semestre européen, étant donné que les politiques des États membres sont cruciales à cet égard.

1.4.

Étant donné qu’une solide analyse d’impact constitue la base factuelle d’un contrôle de la compétitivité, il est essentiel de veiller à ce que l’analyse d’impact sur la compétitivité soit obligatoire, efficace et pleinement appliquée, à chaque étape du processus décisionnel. Le CESE se félicite des lignes directrices et de la boîte à outils existantes pour une meilleure réglementation, mais fait valoir que, comme relevé par le comité d’examen de la réglementation, des améliorations sont manifestement nécessaires, en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre des outils.

1.5.

Le CESE estime que le contrôle de la compétitivité devrait prendre en compte l’incidence sur les entreprises, l’emploi, les conditions de travail à différents niveaux, y compris les coûts de mise en conformité et d’autres effets directs, les effets multiplicateurs sur les chaînes de valeur et les incidences macroéconomiques qu’ils entraînent. À cet égard, il convient de prêter attention à la position concurrentielle des entreprises dans toute leur diversité, qu’il s’agisse de leur secteur d’activité, de leur taille et de leur modèle commercial, y compris les entreprises de l’économie sociale.

1.6.

Le CESE estime qu’il importe de traiter à la fois des incidences positives et négatives sur la compétitivité, dans le but non seulement d’éviter les pertes de compétitivité, mais aussi de l’améliorer en lui accordant une attention particulière dans le cadre du développement de produits et services de l’Union qui soient compétitifs sur le marché mondial. Le contrôle de la compétitivité doit tenir compte de la grande diversité des entreprises qui sont susceptibles d’être touchées de différentes manières.

1.7.

Alors que le contrôle de la compétitivité s’applique principalement à des initiatives ayant des objectifs essentiels autres que l’amélioration de la compétitivité, le CESE invite la Commission à élaborer également un programme spécifique d’action en faveur de la compétitivité, avec pour principal objectif, à long terme, de renforcer la compétitivité de l’Union.

1.8.

Un programme de compétitivité devrait s’appuyer sur l’économie sociale de marché de l’Union et se concentrer sur des questions fondamentales telles que le marché unique et le commerce extérieur, les investissements et l’accès au financement, les systèmes fiscaux, la recherche et l’innovation, les compétences et les marchés du travail, ainsi que les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) et la double transition, en tenant compte du cadre pour une finance durable qui prévoit une compétitivité cohérente avec les objectifs sociaux et environnementaux. Dans la mesure où la compétitivité est également liée aux aspects sociaux et environnementaux et qu’elle concerne tout le monde, les représentants des partenaires sociaux et d’autres acteurs de la société civile doivent être étroitement associés à l’élaboration du programme dans ce domaine, sachant que le dialogue social y joue le rôle essentiel que lui assigne le socle européen des droits sociaux.

2.   Contexte

2.1.

Le présent avis répond à la demande de la présidence tchèque d’élaborer un avis exploratoire du CESE dans le domaine de la compétitivité de l’Union européenne et des aspects réglementaires de la législation de l’Union relative à ses entreprises. Il est consacré au thème «Un contrôle de la compétitivité pour bâtir une économie de l’UE plus forte et plus résiliente». La présidence souligne la nécessité de réduire la dépendance stratégique de l’Union et de garantir une plus grande résilience, ainsi que d’asseoir l’ouverture au monde extérieur et la compétitivité des entreprises de l’Union.

2.2.

Dans la perspective de la prochaine présidence du Conseil de l’Union, qui sera exercée par la Suède, le gouvernement de cet État a également fait de la compétitivité l’un des éléments de sa ligne politique.

2.3.

Le CESE a déjà recommandé la mise en place d’un contrôle de la compétitivité dans son avis sur le thème «Ajustement à l’objectif 55» (1), dans lequel il a déclaré que, «[p]our réaliser la transition vers une société neutre pour le climat, nous devons nous engager dans un modèle susceptible d’aboutir à une économie prospère. Si nous voulons que l’Union européenne soit pionnière et inspire le reste du monde, nous devons nous efforcer de créer le plus performant des modèles, qui soit également juste et durable d’un point de vue économique, social et environnemental». Le CESE a également relevé dans cet avis que «toutes les propositions législatives présentées dans le cadre du paquet “Ajustement à l’objectif 55” devraient faire l’objet d’un contrôle de compétitivité conformément aux principes des ODD, afin que l’ensemble des implications qu’elles comportent pour les entreprises soient bien comprises». Le Comité avait précédemment suggéré un test de compétitivité dans son avis sur l’union des marchés des capitaux (2).

2.4.

Le rapport de la conférence sur l’avenir de l’Europe a également fait valoir que les nouvelles initiatives stratégiques de l’Union devraient faire l’objet d’un «contrôle de la compétitivité» afin d’analyser leur incidence sur les entreprises et leur environnement commercial (coût de l’activité économique, capacité d’innovation, compétitivité internationale, conditions de concurrence équitables, etc.) et que ce contrôle devrait être conforme à l’accord de Paris et aux objectifs de développement durable, y compris l’égalité entre les hommes et les femmes, et ne pas porter atteinte à la protection des droits de l’homme, des droits sociaux et des droits des travailleurs, ni aux normes en matière de protection de l’environnement et des consommateurs.

2.5.

Récemment, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré dans l’un de ses discours (3) que l’Union entend instaurer un contrôle systématique de la compétitivité dans sa réglementation.

3.   Motifs et nécessité d’un contrôle de la compétitivité

3.1.

La compétitivité en tant qu’objectif explicite figure parmi les priorités de l’Union européenne sous diverses formes, depuis la stratégie de Lisbonne de 2000, suivie de la stratégie Europe 2020, de la stratégie industrielle et d’une série de rapports relatifs à la compétitivité européenne et au marché unique. Toutefois, au fil des ans, la concurrence internationale s’est intensifiée et, compte tenu des défis actuels et de ceux qui pourraient émerger à l’avenir, il est crucial d’instaurer une nouvelle dynamique pour rendre l’Union plus compétitive. Pour répondre à la pandémie de COVID-19, l’Union européenne a mis sur pied NextGenerationEU, un programme colossal d’investissement dont l’on escompte qu’il renforce la position de l’économie de l’Union dans la concurrence mondiale en s’appuyant sur des entreprises plus écologiques et plus numériques, elles-mêmes épaulées par des services publics plus efficaces, des infrastructures renforcées et un marché du travail dynamique.

3.2.

La part de l’Europe dans l’économie mondiale diminue depuis un certain temps. Selon les estimations, en 2050, l’Union représentera moins de 10 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et 85 % de la croissance prévue du PIB mondial proviendront de pays tiers au cours des deux prochaines années. Les mauvaises perspectives de croissance de l’Europe exacerbent son déclin économique relatif. Par conséquent, la voix de l’Europe est moins entendue dans le monde et le rôle de l’Union européenne sur la scène mondiale se trouve amoindri, de même que son influence en matière de coopération internationale (4).

3.3.

Les perspectives à court terme sont, dans une large mesure, liées à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui continue d’avoir une incidence négative sur l’économie de l’Union, ainsi qu’au fait que cette dernière se remet encore des diverses conséquences de la pandémie de COVID-19. La guerre a exercé des pressions à la hausse supplémentaires sur les prix de l’énergie et des produits alimentaires de base, qui contribuent aux pressions inflationnistes mondiales et érodent le pouvoir d’achat des ménages (5). En réaction à ces taux d’inflation élevés, la Banque centrale européenne a relevé les taux d’intérêt en euros, à la manière de ce qu’a fait la banque de la Réserve fédérale aux États-Unis d’Amérique. En outre, l’affaiblissement de la croissance mondiale diminue la demande extérieure. L’Union européenne et ses États membres ont pour leur part réagi en multipliant leurs aides aux entreprises au moyen de plusieurs programmes afin qu’elles préservent leur compétitivité alors que les perspectives économiques sont marquées par le pessimisme et une forte instabilité.

3.4.

Outre la situation sans précédent causée par la pandémie et la guerre, l’Europe est confrontée à une transformation structurelle historique, sous l’effet du cours des événements géopolitiques, de l’évolution démographique, de la numérisation et de la transition vers une économie circulaire et neutre pour le climat. Ces bouleversements ont pour effet de remodeler les marchés et d’accélérer la concurrence en ce qui concerne les facteurs de production. En fin de compte, la réussite de la transformation dépend du bon fonctionnement de l’économie dans son ensemble. Ce n’est qu’en jouant un rôle de pionnier mondial en matière d’innovation et de durabilité que l’Europe sera en mesure de rivaliser efficacement à l’échelle mondiale, en assurant la prospérité nécessaire.

3.5.

Il convient de relever la différence entre la compétitivité sur le marché intérieur et celle sur le marché mondial. La première englobe une concurrence à égalité de conditions, l’harmonisation des règles et la suppression des barrières (6). La seconde implique des conditions favorables et de meilleurs produits et services, qui soient plus accessibles, dans le cadre de la concurrence avec des rivaux implantés en dehors de l’Union européenne. Le bon fonctionnement du marché intérieur participe également d’une amélioration des conditions aux fins de la compétitivité mondiale.

3.6.

Il importe de trouver l’équilibre entre les différents objectifs politiques. Il convient cependant de se concentrer davantage sur la création de situations profitables à tous, étant donné que des entreprises compétitives apportent des avantages à l’économie et à la société dans son ensemble et qu’une économie saine et une société stable renforcent la résilience et contribuent à un environnement des affaires concurrentiel.

3.7.

En outre, il va de soi que l’Union doit renforcer sa position et son influence sur la scène internationale au cours des transitions numérique et écologique. Une position plus solide en ce qui concerne le développement et l’adoption des technologies numériques ne vise pas seulement à asseoir la compétitivité économique de l’Union européenne, mais aussi sa sécurité et son rôle géopolitique. Il s’agit aussi d’une condition sine qua non pour que l’Union devienne une référence sur le plan international, notamment s’agissant de la fiabilité de l’intelligence artificielle.

3.8.

La nécessité d’exercer une plus grande influence au niveau mondial vaut également dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Pour ce faire, il faut pouvoir s’appuyer à la fois sur une influence diplomatique considérable et sur une forte compétitivité sur le plan du rapport coût-efficacité, de l’innovation, des compétences et de l’offre de produits, de technologies et de solutions à faible intensité de carbone sur les marchés mondiaux. À cet égard, une évolution positive réside dans le fait que nombre d’entreprises de l’Union européenne ciblent dès à présent leurs investissements sur des objectifs environnementaux et sociaux, comme en témoigne l’usage de produits environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui se répand rapidement sur les marchés financiers dans le monde et en Europe. L’Union elle-même élabore actuellement un cadre exhaustif pour la finance durable, qui entend procurer un surcroît de transparence, ménager davantage de place aux produits ESG et se conformer à la conception d’ensemble de la durabilité.

3.9.

Une économie florissante et des entreprises compétitives s’avèrent essentielles pour créer de la prospérité et du bien-être en Europe, ainsi que des solutions durables aux problèmes climatiques et environnementaux. Par conséquent, il est crucial de fournir aux entreprises de l’Union un environnement favorable à l’innovation, aux investissements et aux échanges commerciaux. Étant donné que de nombreux aspects de l’environnement des entreprises sont déterminés par le cadre politique, réglementaire et fiscal, les décideurs politiques doivent veiller à ce que ce dernier favorise la compétitivité des entreprises et soit donc bénéfique à l’économie et à la société dans leur ensemble.

4.   Éléments d’un contrôle de compétitivité

4.1.

Étant donné qu’il n’existe pas de définition unique ou universelle de la compétitivité, le contenu d’un contrôle de la compétitivité dépend de la portée et de la perspective à adopter. La demande de la présidence tchèque fait explicitement référence à la compétitivité des entreprises de l’Union, dans le but de construire une économie européenne plus forte et plus résiliente.

4.2.

La compétitivité des entreprises peut être décrite comme leur capacité à réussir sur le marché de manière rentable, en créant de la valeur pour elles-mêmes et pour la société dans son ensemble. Ce critère dépend quant à lui de la disponibilité des facteurs de production (main-d’œuvre qualifiée, énergie, matières premières, capitaux, données) et des coûts de production globaux, de la demande et des marchés des produits, ainsi que de la capacité des entreprises à innover et à se saisir des possibilités qui s’offrent, tout en confortant le modèle d’économie sociale de marché de l’Union européenne.

4.3.

L’économie sociale de marché unique de l’Union européenne, associée à une bonne gouvernance macroéconomique, à la recherche et à l’innovation, au dialogue social, à la participation de la société civile, ainsi qu’à une éducation complète, à une main d’œuvre enthousiaste occupant des emplois stables, à des systèmes de santé et de protection sociale, à un secteur prospère de l’économie sociale et à des investisseurs durables, constituent des atouts essentiels sur lesquels s’appuyer pour améliorer la compétitivité. Compte tenu des défis actuels et de ceux qui pourraient émerger à l’avenir, le CESE demande que le contrôle de la compétitivité favorise l’esprit d’entreprise, la création d’emplois et l’amélioration des conditions de travail, ainsi qu’une croissance économique durable et la cohésion sociale.

4.4.

Le CESE est d’avis que le contrôle de la compétitivité permet de veiller à ce que les aspects liés à la compétitivité soient dûment inclus dans la prise de décision. Cela nécessite de comprendre l’effet des initiatives sur la compétitivité et d’adopter un état d’esprit axé sur la compétitivité lors de la prise de décision. Le contrôle de la compétitivité comporte donc deux niveaux:

le niveau de l’analyse d’impact (niveau «technique»), qui consiste à évaluer les différentes manières dont les initiatives politiques et réglementaires influencent la compétitivité,

le niveau décisionnel (niveau politique), qui consiste à accorder l’attention requise à la compétitivité et à lui donner le poids nécessaire lors de l’élaboration de nouvelles initiatives, en s’appuyant sur le modèle d’économie sociale de marché de l’Union.

4.5.

Le CESE considère qu’il importe de veiller à ce que le contrôle de la compétitivité soit aussi complet que possible en tenant compte des incidences sur les entreprises et les chaînes d’approvisionnement, l’emploi et les conditions de travail, ainsi que de leurs conséquences macroéconomiques. Toutes les nouvelles initiatives devraient faire l’objet d’un contrôle rigoureux de la compétitivité en tant que mesure de contrôle afin de garantir que les propositions favorisent une compétitivité accrue, davantage d’emploi et une croissance durable.

5.   L’analyse d’impact, la base du contrôle de la compétitivité

5.1.

Le contrôle de la compétitivité doit reposer sur des informations précises concernant les incidences des initiatives politiques et réglementaires à différents niveaux, y compris les coûts de mise en conformité, la facilité d’accès aux marchés et d’autres effets directs sur les entreprises. Les effets multiplicateurs dans les chaînes de valeur, tels que les incidences sur la disponibilité de l’énergie et des matières premières, revêtent une importance particulière. Le contrôle de la compétitivité devrait également aborder les incidences sur l’emploi, l’investissement, l’innovation, la productivité, les questions liées aux litiges, le fonctionnement du marché unique, le commerce extérieur et l’ensemble du modèle social européen et la croissance durable.

5.2.

Les lignes directrices et la boîte à outils existantes pour une meilleure réglementation, établies dans le cadre du programme «Mieux légiférer» de la Commission européenne, exigent déjà que les initiatives susceptibles d’avoir des incidences économiques, sociales ou environnementales importantes soient accompagnées d’analyses d’impact. Le rapport d’analyse d’impact doit comprendre une description des effets environnementaux, sociaux et économiques, y compris les conséquences sur les petites et moyennes entreprises et sur la compétitivité. Le CESE demande qu’il soit fait rapport de manière exhaustive des incidences sur la compétitivité des entreprises dans toute leur diversité, qu’il s’agisse de leur secteur d’activité, de leur taille et de leur modèle commercial, y compris les entreprises de l’économie sociale.

5.3.

Le CESE se félicite du contenu de la boîte à outils existante et fait observer que, dans un document de travail de l’OCDE, l’outil de compétitivité de la Commission européenne a été désigné comme le document existant le plus complet pour évaluer les incidences réglementaires sur la compétitivité (7). Toutefois, il est évident que des améliorations s’imposent, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre et l’application des outils.

5.4.

Selon le comité d’examen de la réglementation, l’analyse d’impact est souvent trop peu développée, certaines incidences importantes ne faisant pas l’objet d’une évaluation suffisamment détaillée. Comme il l’a souligné dans son rapport annuel de 2021 (8), ce comité a fréquemment demandé une analyse plus approfondie des effets sur les consommateurs, la compétitivité, l’innovation, les États membres et les PME. De même, il a souvent réclamé une quantification plus poussée, notamment en ce qui concerne les coûts administratifs et les économies. Dans son rapport annuel de 2020 (9), il mentionnait le plus souvent un manque d’analyse de la compétitivité (souvent liée à une analyse insuffisante des coûts), des incidences sur les PME et des incidences sociétales.

5.5.

Le CESE insiste donc sur la nécessité d’axer davantage les analyses d’impact sur la compétitivité afin de garantir leur juste équilibre. Il juge également important que les différents volets de la boîte à outils liés à la compétitivité, y compris ceux qui concernent la compétitivité sectorielle, les PME, l’innovation, la concurrence, le marché intérieur, le commerce et l’investissement, soient considérés de manière intégrée.

5.6.

Le contrôle de la compétitivité doit tenir compte de la grande diversité des entreprises qui sont susceptibles d’être touchées de manières totalement différentes. Par conséquent, le CESE demande une évaluation appropriée des incidences sur les différents secteurs d’activité et écosystèmes, sur les entreprises de différentes tailles (y compris les micro, petites et moyennes entreprises), sur les entreprises opérant sur différents maillons des chaînes de valeur et sur des marchés et des espaces géographiques différents, ainsi que sur les entreprises fondées sur des modèles différents, notamment les entreprises de grande taille, les coopératives et les entreprises de l’économie sociale.

5.7.

Le CESE préconise également d’accorder une attention particulière à la compétitivité des entreprises de l’Union européenne sur le plan international, qui revêt une importance particulière du point de vue de l’autonomie stratégique ouverte de l’Union et des possibilités d’exportation.

5.8.

Le CESE fait valoir que l’évaluation des incidences sur la compétitivité ne devrait pas se limiter aux incidences d’une initiative prise isolément, mais devrait également prendre en compte la charge cumulée, en particulier les coûts de mise en conformité, de la législation ou d’autres mesures affectant les mêmes acteurs. En outre, l’évaluation devrait porter à la fois sur les incidences à court et à long terme, y compris dans différents scénarios prospectifs. Pour trouver la meilleure option stratégique, il est également nécessaire d’évaluer l’incidence sur la compétitivité des autres options et de les décrire de manière exhaustive. Il importe également que l’analyse d’impact sur la compétitivité se concentre davantage sur les données quantitatives et les exploite pour obtenir plus de précisions.

5.9.

Le CESE demande une évaluation en profondeur et des données probantes concernant les incidences tant positives que négatives sur la compétitivité. Il convient non seulement de veiller à éviter des pertes de compétitivité, mais aussi de tendre vers l’objectif plus ambitieux d’améliorer la compétitivité d’ensemble de l’économie sociale de marché européenne afin de favoriser une croissance solide, durable et inclusive.

5.10.

Le CESE estime également qu’il importe d’adopter une vision globale de la compétitivité quant à la durabilité. La durabilité environnementale participe de la compétitivité des entreprises, non seulement en tant que facteur de coût, mais aussi parce que plusieurs acteurs du marché, dont les clients, les investisseurs et les bailleurs de fonds, attendent de bonnes performances environnementales. Il en va de même pour la durabilité sociale, y compris le respect des droits de l’homme, de l’égalité entre les hommes et les femmes, et des droits des travailleurs. Dans ce contexte, il y a lieu de concilier plusieurs aspects, notamment les progrès technologiques, les coûts et l’acceptation par la société.

5.11.

Étant donné que l’évaluation des incidences sur la compétitivité constitue la base factuelle d’un contrôle de la compétitivité, le CESE tient pour essentiel de veiller à ce que l’analyse d’impact sur la compétitivité soit obligatoire, efficace et pleinement mise en œuvre et appliquée. Elle devrait être mise à jour au long de la procédure d’élaboration de la législation lorsque celle-ci fait l’objet de modifications substantielles. Dans le même temps, le CESE souligne que mener à bien les évaluations nécessite les ressources et les compétences adéquates. Il recommande aussi de mener des analyses comparatives régulières portant sur les pratiques des pays concurrents.

5.12.

Le contrôle de la compétitivité devrait également tirer pleinement parti d’autres outils existants, tels que les bilans de qualité, le programme REFIT et la plateforme «Prêts pour l’avenir». Ces outils sont particulièrement importants pour évaluer les effets cumulés de diverses initiatives.

6.   Contrôle de la compétitivité dans le cadre de la prise de décision

6.1.

Le CESE estime que le contrôle de la compétitivité devrait constituer une partie essentielle d’un processus décisionnel équilibré et être appliqué dans le cadre de tout processus d’élaboration des politiques et de la législation de l’Union européenne, y compris ses stratégies et programmes, ses dispositions budgétaires et fiscales, son droit dérivé et ses accords internationaux. Le processus du semestre européen devrait lui aussi faire l’objet de ce contrôle, étant donné que les politiques des États membres sont cruciales à cet égard.

6.2.

Alors que le contrôle de la compétitivité s’applique principalement à des initiatives ayant des objectifs essentiels autres que l’amélioration de la compétitivité, le CESE invite la Commission à élaborer également un programme spécifique d’action en faveur de la compétitivité, avec pour objectif, à long terme, de renforcer la compétitivité de l’Union.

6.3.

Le programme d’action en faveur de la compétitivité devrait se concentrer sur la perspective à long terme et accorder une attention particulière à des questions fondamentales telles que le développement du marché unique, la réduction des entraves au marché, le renforcement de l’investissement et de l’accès aux finances et au financement, y compris l’investissement suivant une optique de genre, la facilitation du commerce et de la coopération extérieurs, la promotion de l’innovation, des talents de haut niveau et de l’excellence en matière de recherche, le renforcement des compétences par l’éducation, la formation professionnelle et l’apprentissage tout au long de la vie, les mesures visant à rendre les marchés du travail plus inclusifs et à améliorer les conditions de travail, l’accélération des procédures d’octroi de permis, la réduction de la charge administrative et des coûts de mise en conformité et les mesures visant à rendre les systèmes fiscaux plus encourageants. Il devrait également favoriser les modèles d’entreprises qui allient compétitivité et objectifs sociaux et environnementaux, comme c’est le cas par exemple des entreprises et organisations qui se dotent de critères ESG pour leurs investissements.

6.4.

Le renforcement des micro, petites et moyennes entreprises et l’avancement de la transition numérique et écologique devraient également constituer des éléments essentiels du programme en faveur de la compétitivité. En outre, il convient d’accorder suffisamment d’attention aux capacités des États membres, aux différences et à la nécessaire coopération entre eux, ainsi qu’au caractère exécutoire des initiatives et à un suivi régulier de la mise en œuvre et des résultats du programme d’action. Le CESE met également en relief le rôle essentiel du dialogue social tel que le prévoit le socle européen des droits sociaux.

6.5.

En ce qui concerne les mesures à court terme, le CESE se félicite de l’adaptation rapide de la politique de concurrence de l’Union au contexte de la pandémie de COVID-19 et de la guerre en Ukraine, ainsi que de leurs implications sur le plan économique (10). La flexibilité dans l’application des règles en matière d’aides d’État, même si elle revêt un caractère exceptionnel et temporaire, a été essentielle pour permettre la survie des entreprises de l’Union au long de ces périodes très difficiles, préservant ainsi la compétitivité obtenue par les entreprises européennes grâce à l’innovation et à la productivité.

6.6.

Une concurrence saine et loyale, tant au sein de l’Union qu’à l’égard des concurrents étrangers, est également de la plus haute importance. Le Comité salue les travaux en cours visant à rendre plus efficaces les règles relatives aux aides d’État en faveur des services sociaux et de santé d’intérêt économique général (SIEG), afin d’améliorer la qualité et l’accessibilité de ces services pour les citoyens au niveau local (11).

6.7.

De manière générale, le CESE est également favorable à l’initiative de la Commission relative à l’élaboration d’un «règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur», dans la mesure où elle vise à éviter toute distorsion importante du fonctionnement du marché unique et à garantir ainsi des conditions de concurrence équitables par rapport aux concurrents des pays tiers (12).

6.8.

Le programme d’action en faveur de la compétitivité constituerait l’étape suivante pour répondre à l’objectif fondamental fixé par la présidence tchèque dans sa demande, à savoir bâtir une économie de l’Union plus forte et plus résiliente. Ce programme contribuerait de la sorte au bien-être des citoyens de l’Union ainsi qu’à la concrétisation d’une économie circulaire et neutre pour le climat. Dans la mesure où la compétitivité concerne tout le monde, les représentants des partenaires sociaux et d’autres acteurs de la société civile doivent être étroitement associés à l’élaboration du programme dans ce domaine.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Ajustement à l’objectif 55»: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique [COM(2021) 550 final] (JO C 275 du 18.7.2022, p. 101).

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action [COM(2020) 590 final] (JO C 155 du 30.4.2021, p. 20).

(3)  Discours de la présidente von der Leyen lors de la session plénière du Parlement européen sur la préparation de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 octobre 2022.

(4)  Achtung Europa, European Centre for International Political Economy (ECIPE, Centre européen de l’économie politique internationale), 2021.

(5)  Prévisions économiques de l’été 2022 (disponibles pour l’heure uniquement en anglais).

(6)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le coût de la non-Europe — Les avantages du marché unique» (avis exploratoire) (JO C 443 du 22.11.2022, p. 51).

(7)  How do laws and regulations affect competitiveness [L’incidence des lois et des réglementations sur la compétitivité], OCDE, 2021.

(8)  Comité d’examen de la réglementation, rapport annuel 2021 (en anglais).

(9)  Comité d’examen de la réglementation, rapport annuel 2020 (en anglais).

(10)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis» [COM(2021) 713 final] (JO C 323 du 26.8.2022, p. 34).

(11)  Avis du Comité économique et social européen sur les règles en matière d’aides d’État applicables aux services d’intérêt économique général (SIEG) dans le domaine des services sociaux et de santé dans un scénario d’après-pandémie — Réflexions et propositions sur l’évaluation de la Commission visant à modifier le paquet législatif de 2012 (avis d’initiative) (JO C 323 du 26.8.2022, p. 8).

(12)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur [COM(2021) 223 final — 2021/0114 (COD)] (JO C 105 du 4.3.2022, p. 87).


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

574e session plénière du Comité économique et social européen, 14.12.2022-15.12.2022

16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/83


Avis du Comité économique et social européen sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Rapport sur la politique de concurrence 2021»

[COM(2022) 337 final]

(2023/C 100/12)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Consultation

Commission européenne, 27.10.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

10.11.2022

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

51/0/3

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

206/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) préconise de poursuivre le dialogue avec la Commission en ce qui concerne les mesures supplémentaires nécessaires pour améliorer le fonctionnement du marché unique.

1.2.

Le CESE demande instamment à la DG Concurrence d’effectuer un suivi constant des régimes approuvés par la Commission elle-même et lancés par les États membres en réaction à la COVID-19 et à la guerre en Ukraine, afin d’éviter que des fonds ne soient détournés vers des entreprises qui ne sont pas économiquement viables.

1.3.

Le CESE invite dès lors la Commission à utiliser dans toute sa mesure la souplesse dont peuvent être assorties les règles en matière d’aides d’État afin de permettre aux États membres de mettre en œuvre des régimes qui fournissent des aides efficaces aux entreprises touchées par la guerre en Ukraine.

1.4.

Le CESE accueille favorablement les nouvelles lignes directrices de la Commission sur les règles en matière d’aides d’État dans les domaines du climat, de la protection de l’environnement et de l’énergie et estime qu’elles constituent un pas dans la bonne direction.

1.5.

Le CESE soutient les enquêtes portant sur les pratiques non concurrentielles de géants de la technologie, conformément à la position qu’il a adoptée en ce qui concerne la législation sur les marchés numériques.

1.6.

Le CESE plaide en faveur d’une coopération plus étroite entre les autorités nationales au sein du réseau européen de la concurrence, afin que les entreprises qui se livrent à des pratiques commerciales transfrontières restreignant la concurrence et nuisant aux clients respectent davantage le droit de la concurrence de l’Union européenne.

1.7.

Le CESE plaide pour une égalité des conditions de concurrence dans l’ensemble du secteur de l’aviation, mais lance toutefois une mise en garde contre l’évolution d’un marché de l’aviation susceptible, à terme, d’être dominé par un petit nombre de compagnies aériennes.

1.8.

Le CESE soutient la proposition de règlement de la Commission sur les subventions étrangères qui sont octroyées à des entreprises de pays tiers opérant dans l’Union et qui ont des effets de distorsion sur le marché, mais invite la Commission à se pencher également sur les subventions qui faussent le marché et d’autres pratiques anticoncurrentielles, tant dans les entreprises publiques que dans les entreprises privées en dehors de l’Union.

1.9.

Le CESE met en garde contre d’éventuels accords anticoncurrentiels ou abus de position dominante dans le secteur de la grande distribution, qui ont une incidence à la fois sur les consommateurs et sur les producteurs, en raison de prix de vente plus élevés et de prix d’approvisionnement plus bas.

1.10.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission relative au nouvel instrument du marché unique pour les situations d’urgence, qui complète d’autres mesures législatives européennes en matière de gestion des crises.

1.11.

Le CESE demande que de nouvelles mesures soient prises pour renforcer la concurrence et le marché unique alors que les économies continuent de rencontrer des difficultés en raison des prix élevés de l’énergie, des contraintes liées à l’offre et de l’incertitude économique.

1.12.

Le CESE est fermement convaincu que le programme de l’UE pour une économie verte et numérique fondée sur les bases d’une économie sociale de marché ne doit pas être modifié en raison de la guerre en Ukraine.

1.13.

Enfin, le CESE recommande l’application des aides d’État, comme le permet la législation de l’Union, pour contrer les conséquences socio-économiques de cette guerre, en accordant une attention particulière à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la perspective de genre plus large, en particulier dans le cas des réfugiés dans les États membres voisins de l’Ukraine.

2.   Contexte

2.1.

Le rapport sur la politique de concurrence 2021 présente les principales évolutions politiques et initiatives législatives de l’année dernière, ainsi que certaines mesures de mise en œuvre de la législation. En 2021, la Commission a procédé au réexamen des principaux règlements, lignes directrices et communications en matière de concurrence, comme indiqué dans sa communication intitulée «Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis» (1), qui définit le rôle de la politique de concurrence pour accompagner l’Europe sur la voie de la reprise, réussir les transitions écologique et numérique et garantir un marché unique résilient.

2.2.

La Commission a également adopté une proposition de nouveau règlement visant à remédier aux distorsions causées par les subventions étrangères accordées par des pays tiers aux entreprises actives dans le marché unique (2), dans le prolongement des propositions de 2020 relatives à la législation sur les marchés numériques et à la législation sur les services numériques, qui visent toutes deux à relever un large éventail de défis numériques (3). La législation sur les marchés numériques, en particulier, prévoit des obligations applicables aux plateformes agissant en tant que contrôleurs d’accès pour les entreprises et les consommateurs dans le marché unique.

2.3.

Les règles et orientations en matière de pratiques anticoncurrentielles et de concentrations ont été mises à jour en vue de remédier à certains problèmes. Cette actualisation comprend notamment un réexamen des règles relatives aux accords de fourniture verticaux et aux accords de coopération horizontale, visant en particulier à faciliter la coopération entre les entreprises de manière à accroître l’efficacité économique. En outre, la Commission a publié les résultats de son évaluation de la communication sur la définition du marché, qui fournit des orientations sur la manière dont la concurrence est appliquée sur les marchés de produits et les marchés géographiques.

2.4.

La Commission a également mis à jour les règles et orientations en matière d’aides d’État afin de les adapter à l’évolution de la situation et de soutenir les transitions écologique et numérique. Face à l’incertitude économique, la nécessité de renforcer la résilience du marché unique s’avère particulièrement pertinente. À cet effet, la Commission suit l’évolution du marché. L’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État s’est révélé particulièrement opportun et adéquat pour apporter un soutien aux entreprises dans l’ensemble de l’Union. En raison des changements induits par l’agression russe en Ukraine, la Commission doit procéder à un nouvel ajustement de ses politiques. Dans le même temps, elle a introduit un soutien à l’investissement jusqu’à la fin de l’année 2022, ainsi qu’un soutien à la solvabilité jusqu’au 31 décembre 2023, permettant aux États membres de mobiliser des fonds privés et de les mettre à la disposition des PME.

2.5.

La révision des lignes directrices concernant les aides d’État au climat, à la protection de l’environnement et à la décarbonation des activités économiques s’est également révélée importante. Il était en effet nécessaire d’élargir le champ d’application de ces lignes directrices à de nouvelles activités économiques telles que la mobilité propre et la décarbonation de l’industrie. Les lignes directrices révisées soutiennent donc le pacte vert pour l’Europe.

2.6.

La Commission a, par ailleurs, révisé le règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux et les lignes directrices sur les restrictions verticales. L’objectif est de mettre à jour certaines anciennes règles qui n’ont pas été jugées adaptées aux objectifs poursuivis, compte tenu d’évolutions du marché telles que la croissance des ventes en ligne.

2.7.

Le champ d’application du règlement général d’exemption par catégorie a également été élargi afin de faciliter les programmes financés par l’Union. En substance, cet élargissement contribue à rationaliser les règles en matière d’aides d’État applicables aux financements nationaux et en lien avec des programmes spécifiques de l’Union.

2.8.

De plus, des lignes directrices révisées concernant les aides d’État à finalité régionale ont été adoptées afin de permettre aux États membres d’aider les régions moins favorisées ainsi que les régions confrontées à des défis structurels.

2.9.

Le fait que la Commission ait adapté l’application actuelle et future de la législation en ce qui concerne les défis posés par la transformation numérique marque une évolution importante. L’efficacité avec laquelle la Commission est capable de réagir aux pratiques anticoncurrentielles de la part d’Apple, d’Amazon ou de Facebook a été jugée déterminante.

2.10.

Dans le même ordre d’idées, la Commission a réorganisé le traitement des projets importants d’intérêt européen commun. La création d’un groupe de travail chargé de soutenir la mise en œuvre de la législation sur les marchés numériques a également été pertinente.

2.11.

Afin d’améliorer le fonctionnement du marché unique, un budget de 4,2 milliards d’euros a été prévu en faveur du programme pour le marché unique, qui vise à mettre en œuvre la politique de concurrence de l’Union.

2.12.

La mise en œuvre efficace des règles de concurrence et les réformes réglementaires européennes revêtent une importance cruciale pour la transformation numérique de l’économie de l’Union et pour une plus grande résilience du marché unique en ces temps très difficiles.

2.13.

À cet égard, la pertinence des enquêtes portant sur les pratiques anticoncurrentielles et les pratiques abusives de grandes entreprises multinationales s’avère primordiale. Le contrôle des concentrations par la Commission garantit également que les opérations de consolidation se déroulent d’une manière qui préserve la concurrence et remédie aux positions dominantes sur les marchés. Les décisions en matière de concentrations ont atteint le nombre impressionnant de 396 dans différents secteurs.

2.14.

Il convient également de mentionner l’orientation donnée aux infrastructures à haut débit qui répondent aux besoins en matière de vitesse numérique très élevée, tels que définis dans la société européenne du gigabit pour 2025 et dans la stratégie numérique, ainsi que dans les objectifs mentionnés de la boussole numérique pour 2030. Les aides d’État soutiennent les infrastructures à haut débit dans l’ensemble de l’Union dans les situations où rien n’incite les opérateurs privés à assurer une couverture haut débit adéquate.

2.15.

Les activités de la Commission ont en outre contribué à la réalisation des objectifs environnementaux, notamment en ce qui concerne la décarbonation des économies et le passage progressif mais régulier des carburants fossiles à des carburants de substitution dans le secteur des transports. Il est essentiel d’éviter les distorsions de la concurrence pour soutenir le pacte vert pour l’Europe et, à cet égard également, la Commission a approuvé plusieurs mesures d’aide d’État visant à faciliter la transition écologique de l’Union.

2.16.

La mise en œuvre des règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles et le contrôle des concentrations dans l’industrie automobile, qui contribuent à la transition écologique, ont également été jugés pertinents. Par ces actions, la Commission a infligé des amendes s’élevant à des centaines de millions d’euros.

2.17.

Il est extrêmement important que le rôle de la Commission dans la promotion de la politique de concurrence soit lié à la manière dont la concurrence fonctionne pour les consommateurs dans l’ensemble de l’Union. Comme le souligne à juste titre le rapport, l’économie sociale de marché est l’un des piliers de l’Union, dont le développement est conditionné par la mise en œuvre des règles de concurrence et la protection de la concurrence à tout moment.

2.18.

La même logique s’applique aux services financiers, dans le secteur desquels la Commission s’est attaquée à d’éventuelles ententes en infligeant de sévères amendes à plusieurs établissements financiers.

2.19.

La Commission a apporté une réponse tout aussi importante aux conséquences économiques et sociales de la COVID-19 en faisant usage de la souplesse offerte par les règles en matière d’aides d’État au moyen de l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État. Elle a ainsi permis aux États membres de prévoir des régimes pour les entreprises, tels que des garanties de prêts. La Commission a autorisé un certain nombre de régimes s’élevant à des milliards d’euros au titre de l’encadrement temporaire dans plusieurs secteurs touchés par les restrictions liées à la COVID-19, y compris le secteur de l’aviation, afin de répondre à leurs besoins de liquidités et de capitaux.

2.20.

La Commission a joué un rôle important en fournissant des orientations et une aide destinées à faciliter les plans pour la reprise et la résilience soumis par les États membres. Cette mesure était nécessaire pour garantir la compatibilité des plans avec les règles en matière d’aides d’État.

2.20.1.

En 2021, la Commission a continué de veiller à l’application cohérente des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En outre, la Commission a supervisé et aidé les États membres dans leurs efforts pour transposer la directive REC+ (4) en droit national. Cette directive habilite les autorités de concurrence de tous les États membres de l’Union à mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché unique.

2.21.

Enfin, la Commission a continué de participer activement aux activités du comité de la concurrence de l’OCDE, du réseau international de la concurrence et de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE prend acte du travail constructif accompli par la Commission pour continuer de renforcer le marché unique en mettant en œuvre les règles de concurrence et en protégeant la concurrence dans l’ensemble de l’Union.

3.2.

Le CESE note également l’efficacité avec laquelle la Commission a réagi pour atténuer les effets des restrictions liées à la COVID-19 en adoptant un cadre temporaire pour les mesures d’aides d’État afin de permettre aux États membres d’apporter le soutien nécessaire aux entreprises, tout en préservant l’intégrité du marché unique.

3.3.

La Commission a en outre fait preuve du même niveau d’efficacité en réaction à la crise qui a éclaté à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le CESE est d’avis que l’adoption rapide de l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’État s’est avérée tout aussi essentielle que les mesures prises dans le cadre des restrictions liées à la COVID-19. Le CESE invite donc instamment la Commission à utiliser dans toute sa mesure la souplesse permise par les règles en matière d’aides d’État lorsque les États membres subissent des chocs économiques.

3.4.

Le CESE souligne également les travaux menés par la Commission dans le cadre de son réexamen des principaux règlements, lignes directrices et communications afin de veiller à ce qu’ils restent adaptés aux objectifs poursuivis, en particulier dans le cadre de la révision du règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux et des lignes directrices sur les restrictions verticales.

3.5.

Le CESE estime que l’adoption d’un règlement élargissant le champ d’application du règlement général d’exemption par catégorie et la publication des lignes directrices concernant les aides d’État au climat, à la protection de l’environnement et à l’énergie constituent des mesures importantes pour soutenir les principaux objectifs stratégiques de l’Union. Il juge en outre pertinente l’adoption d’une communication révisée sur les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC).

3.6.

Le CESE prend note des efforts entrepris pour favoriser l’adoption de la législation sur les marchés numériques. Le CESE considère que cet acte législatif constitue un jalon important dans la mise en œuvre des règles de concurrence et la protection des consommateurs en ce qui concerne l’utilisation des services numériques.

3.7.

Le CESE observe également que la proposition de règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur est en cours d’adoption. Dans plusieurs de ses avis, le CESE a plaidé contre l’octroi de subventions étrangères à des entreprises actives au sein de l’Union ayant des effets de distorsion sur le marché; le règlement proposé conférerait à la Commission de nouveaux pouvoirs pour enquêter sur ces subventions étrangères et prendre, si nécessaire, des mesures de réparation. Le CESE estime que cette situation est compatible avec le principe de concurrence loyale à égalité de conditions.

3.8.

Le CESE note les mesures prises en matière de pratiques anticoncurrentielles et de contrôle des concentrations. Ces dispositions sont nécessaires pour préserver l’intégrité du marché unique et protéger les citoyens européens, en particulier contre les décisions des géants de la technologie.

3.9.

L’approbation par la Commission de plusieurs mesures d’aide d’État en faveur de la transition écologique de l’Union, y compris des mesures visant à soutenir les énergies renouvelables et la mobilité propre, ouvre la voie à de nouvelles actions positives à l’avenir.

4.   Recommandations particulières

4.1.

Le CESE préconise de poursuivre le dialogue avec la Commission en ce qui concerne les mesures supplémentaires nécessaires pour améliorer le fonctionnement du marché unique. À cet égard, le CESE attire l’attention sur son récent avis recensant certaines lacunes du marché unique de l’Union.

4.2.

Si le CESE a salué la rapidité avec laquelle la Commission a réagi aux restrictions liées à la COVID-19 et, plus récemment, aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine, il appelle de ses vœux un suivi constant des régimes approuvés par la Commission elle-même et lancés par les États membres en réaction à la COVID-19 et à la guerre en Ukraine, afin d’éviter que des fonds ne soient détournés vers des entreprises qui ne sont pas économiquement viables. Le niveau de soutien nécessaire ainsi que les pressions auxquelles sont confrontés les gouvernements dans l’ensemble de l’Union pour fournir des aides d’État sont extraordinaires et peuvent donner lieu à de telles situations.

4.3.

Le CESE invite dès lors la Commission à utiliser dans toute sa mesure la souplesse dont peuvent être assorties les règles en matière d’aides d’État afin de permettre aux États membres de mettre en œuvre des régimes qui fournissent des aides efficaces aux entreprises et aux populations touchées par la guerre en Ukraine. Dans le même temps, le CESE insiste sur la nécessité d’autoriser ces aides en veillant à réduire au minimum les distorsions de la concurrence.

4.4.

Le CESE met en exergue les efforts déployés pour soutenir le programme environnemental de l’Union au moyen de la politique de concurrence. Ces efforts sont essentiels et les nouvelles lignes directrices de la Commission sur les règles en matière d’aides d’État dans les domaines du climat, de la protection de l’environnement et de l’énergie constituent un pas dans la bonne direction. Étant donné que ces trois secteurs sont interdépendants, le CESE estime que les nouvelles lignes directrices constituent une base solide pour soutenir efficacement le pacte vert pour l’Europe.

4.5.

Le CESE attire l’attention sur les enquêtes menées par la Commission à propos des pratiques non concurrentielles de plusieurs géants de la technologie et les soutient pleinement, étant donné qu’elles sont conformes à la position adoptée par le Comité concernant la législation sur les marchés numériques, en particulier son importance pour permettre la concurrence dans le domaine des services numériques et pour protéger les citoyens de l’Union contre les pratiques abusives des géants de la technologie. Cela prouve que la Commission dispose désormais d’une plus grande influence s’agissant de son objectif d’évolution vers un marché numérique plus réglementé.

4.6.

Le CESE plaide en faveur d’une coopération plus étroite entre les autorités nationales au sein du réseau européen de la concurrence, afin que les entreprises qui se livrent à des pratiques commerciales transfrontières restreignant la concurrence et nuisant aux clients respectent davantage le droit de la concurrence de l’Union. Le CESE estime qu’il est essentiel de coordonner les enquêtes.

4.7.

Le CESE a noté l’importance des décisions de la Commission dans le domaine de l’aviation, en particulier pendant la pandémie, et plaide pour une égalité des conditions de concurrence dans l’ensemble du secteur. Il met toutefois en garde contre l’évolution d’un secteur et d’un marché de l’aviation susceptibles, à terme, d’être dominés par un petit nombre de compagnies aériennes.

4.8.

Le CESE soutient pleinement la proposition de règlement de la Commission relatif aux subventions étrangères qui sont octroyées aux entreprises de pays tiers opérant au sein de l’Union et qui ont des effets de distorsion du marché. Ce règlement entraîne des effets de distorsion évidents sur la concurrence, et les entreprises étrangères peuvent aussi bénéficier d’avantages fiscaux, ce qui fausse également la concurrence. Le CESE demande également à la Commission de prendre des mesures appropriées pour mettre un terme aux subventions qui faussent le marché et aux autres pratiques anticoncurrentielles dans les entreprises (publiques ou privées) en dehors de l’Union. Ces mesures contribueraient également à la réalisation des objectifs de la stratégie industrielle européenne.

4.9.

Le CESE relève que la Commission et les autorités nationales de concurrence surveillent la situation des chaînes d’approvisionnement alimentaire en Europe. Le CESE lance un avertissement contre d’éventuels accords anticoncurrentiels ou abus de position dominante, qui, en faisant augmenter les prix, ont une incidence sur les consommateurs. Le CESE met également en garde contre le rôle prédominant que joue le secteur de la grande distribution sur le marché de l’alimentation, au détriment des consommateurs comme des producteurs, en raison de prix de vente plus élevés et de prix d’approvisionnement plus bas. Le CESE est conscient qu’il incombe aux États membres de veiller à la mise en œuvre de la directive sur les pratiques commerciales déloyales afin de remédier aux situations qui entraînent des déséquilibres dans les relations commerciales individuelles (5). Le CESE demande donc instamment à la Commission de surveiller en permanence l’efficacité des analyses de marché et des mesures prises par les autorités nationales.

4.10.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission relative au nouvel instrument du marché unique pour les situations d’urgence, qui complète d’autres mesures législatives européennes en matière de gestion des crises, telles que le mécanisme de protection civile de l’Union, ainsi que les règles de l’Union pour des secteurs, des chaînes d’approvisionnement et des produits spécifiques tels que la santé, les semi-conducteurs et la sécurité alimentaire, qui prévoient déjà des mesures ciblées de réaction aux crises. Le CESE est d’avis que cet instrument offre un cadre de gestion de crise équilibré permettant de détecter les différentes menaces qui pèsent sur le marché unique et de garantir son bon fonctionnement en instaurant une architecture de la gouvernance de crise, en proposant de nouvelles mesures pour compenser les incidences négatives sur le marché unique et en autorisant des mesures de dernier recours en cas d’urgence.

4.11.

Le CESE demande que de nouvelles mesures soient prises pour renforcer la concurrence et le marché unique alors que les économies continuent de rencontrer des difficultés en raison des prix élevés de l’énergie, des contraintes liées à l’offre et de l’incertitude économique.

4.12.

Le CESE est fermement convaincu que le programme de l’UE pour une économie verte et numérique fondée sur les bases d’une économie sociale de marché ne doit pas être modifié en raison de la crise qui sévit en Ukraine. L’Union devrait garder pour objectif de soutenir des marchés offrant des prix compétitifs et équitables à ses citoyens, par des actions de la Commission et des autorités nationales dans l’ensemble de ses États membres. À cet égard, il convient de mentionner la récente proposition de la Commission relative à la passation conjointe de marchés pour le gaz naturel en tant que solution temporaire mais efficace pour stabiliser les prix de l’énergie.

4.13.

Le dernier point concerne l’application des aides d’État, comme le permettent les règles de l’Union, pour soutenir des mesures visant à contrer les conséquences socio-économiques de la guerre en Ukraine, y compris la crise des réfugiés touchant les États membres limitrophes de l’Ukraine, et la nécessité d’accorder une attention particulière à l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’à la perspective de genre plus large.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis, COM(2021) 713 final.

(2)  COM(2021) 223 final.

(3)  COM(2020) 842 final.

(4)  Directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (JO L 11 du 14.1.2019, p. 3).

(5)  La directive a été modifiée par la directive (UE) 2019/2161 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs (JO L 328 du 18.12.2019, p. 7).


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/89


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Un nouveau programme européen d’innovation»

[COM(2022) 332 final]

(2023/C 100/13)

Rapporteur:

Maurizio MENSI

Corapporteur:

Christophe LEFÈVRE

Consultation

Commission européenne, 27.10.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

10.11.2022

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

177/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le programme européen d’innovation présenté par la Commission et approuve en particulier son double objectif, à savoir, stimuler la compétitivité de l’Europe tout en garantissant le bien-être de ses citoyens.

1.2.

Le CESE se félicite également de la priorité accordée par la Commission à la nécessité de combler le déficit européen actuel en matière de scale-up (entreprises en expansion) et de deep tech (entreprises à fort contenu technologique) par rapport aux pays tiers où les entreprises technologiques en phase de croissance sont plus courantes. Le CESE suggère à la Commission de mettre davantage l’accent sur le rôle que jouent les entreprises, les PME et les start-up en particulier, ainsi que les réseaux d’innovation qu’elles animent, dans la réalisation de la transition écologique et numérique.

1.3.

Le CESE apprécie la structure de la proposition, qui s’articule autour de cinq domaines phares. Il convient en outre de prévoir des outils de contrôle et de suivi des résultats obtenus.

1.4.

Le CESE approuve la proposition de création d’un groupe consultatif pour l’élaboration d’une réglementation favorable à l’innovation dans les services publics et propose qu’un représentant du Comité y soit associé en tant que membre à part entière.

1.5.

Le CESE souligne l’importance de financer des infrastructures d’expérimentation et d’essai afin d’aider les start-up et de combler le fossé entre les laboratoires et les applications commerciales. À cet égard, l’introduction du nouveau concept d’«infrastructures d’essai et d’expérimentation» dans le projet de révision du règlement général d’exemption par catégorie en matière d’aides d’État (RGEC) est la bienvenue.

1.6.

Le CESE se félicite aussi de l’initiative liée aux marchés publics. Dans ce contexte, il suggère de garantir la participation d’au moins une start-up aux appels d’offres innovants.

1.7.

Le CESE souligne l’importance d’un régime de propriété intellectuelle solide applicable aux inventions des start-up pour promouvoir le développement continu de la recherche.

1.8.

Le CESE invite instamment la Commission à encourager la dimension interrégionale des investissements, avec la participation conjointe de régions présentant des capacités d’innovation plus ou moins développées.

1.9.

Le CESE fait observer que l’enseignement supérieur et les laboratoires d’innovation devraient également bénéficier d’un soutien public. À cet égard, il suggère à la Commission de faire appel à un certain nombre de centres de recherche et d’universités pilotes afin de poursuivre des objectifs novateurs.

1.10.

Le CESE se félicite en outre du soutien apporté par la Commission aux États membres dans la réalisation de projets d’intérêt européen commun transfrontières. Il propose dès lors que soient financés à la fois les activités de recherche et le développement professionnel des chercheurs, et que les résultats de la recherche, qui bénéficient d’un soutien public, soient mis à la disposition des innovateurs, éventuellement par l’intermédiaire d’Innospace, à des fins de développement ultérieur.

1.11.

Le CESE se réjouit de la publication d’un document d’orientation pour aider les autorités intéressées à choisir le programme d’action de l’Union le plus approprié, et insiste sur l’importance d’appliquer ces programmes de manière horizontale.

1.12.

Le CESE salue l’idée d’envisager un traitement fiscal plus favorable aux options sur titres, ainsi qu’un régime fiscal pour les talents mobiles au niveau international. Il invite la Commission à coordonner les initiatives nationales visant à cultiver les talents.

1.13.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission d’élaborer des bases de données plus solides et plus comparables et une taxinomie commune des données susceptibles d’éclairer les politiques à tous les niveaux, ainsi que de diffuser les meilleures pratiques de manière structurée dans le cadre du forum du Conseil européen de l’innovation.

1.14.

Le CESE accueille en outre favorablement l’intention de la Commission de partager les meilleures pratiques et de publier des orientations à l’intention des gouvernements sur la manière de les utiliser afin de remédier à la fragmentation réglementaire entre les États membres.

2.   Contexte général

2.1.

Le nouveau programme européen d’innovation vise à placer l’Europe à l’avant-garde de la nouvelle vague de l’innovation et des start-up à fort contenu technologique (deep tech), au moyen des actions suivantes:

améliorer l’accès au financement pour les start-up et les entreprises en expansion (scale-up) européennes,

améliorer les conditions permettant aux innovateurs d’expérimenter de nouvelles idées au moyen de «bacs à sable» réglementaires,

contribuer à la création de «vallées régionales de l’innovation», y compris dans les régions en retard de développement,

attirer et retenir les talents en Europe,

améliorer le cadre d’action grâce à une terminologie, des indicateurs et des ensembles de données plus clairs, ainsi qu’au soutien des États membres.

2.2.

Le nouveau programme européen d’innovation définit 25 actions spécifiques dans le cadre de cinq domaines phares:

Financer les scale-up pour mobiliser les investissements des investisseurs institutionnels et privés.

Rendre possible l’innovation au moyen d’espaces d’expérimentation et de marchés publics pour faciliter l’innovation.

Accélérer et renforcer l’innovation dans les écosystèmes européens dans l’ensemble de l’Union en s’attaquant aux disparités entre les différents pays et régions pour soutenir la création et l’interconnexion de vallées régionales de l’innovation et aider les États membres à consacrer au moins 10 milliards d’EUR à l’innovation au niveau régional en lien avec les priorités de l’Union.

Inciter, attirer et retenir les talents deep tech pour garantir le développement et le flux de talents deep tech essentiels au sein de l’Union et à destination de celle-ci.

Améliorer les outils d’élaboration des politiques pour concevoir et utiliser des ensembles de données solides et comparables et des définitions partagées (start-up, scale-up) susceptibles d’éclairer les politiques à tous les niveaux dans l’ensemble de l’Union.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement le programme européen d’innovation élaboré par la Commission et, en particulier, son double objectif, qui consiste d’une part à favoriser la compétitivité de l’Europe et, d’autre part, à promouvoir le bien-être des citoyens européens.

3.2.

À cet égard, le CESE se félicite que le plan de la Commission ait pour objectif général de combler le fossé persistant en matière d’innovation entre les États membres et au sein des régions européennes, qui pourrait entraver la cohésion sociale et économique.

3.3.

Le CESE est d’avis que le dividende numérique devrait être accessible à tous les citoyens européens, quel que soit leur lieu de résidence. La révolution numérique devrait combler les lacunes persistantes apparues au cours de la révolution industrielle et qui se sont encore creusées pour certains États membres qui ont adhéré à l’Union après la chute du rideau de fer.

3.4.

L’enjeu est d’autant plus crucial aujourd’hui, car nous avons besoin que l’ensemble des États membres et des régions de l’Union affirment leur indépendance vis-à-vis de pays tiers qui, comme le montrent la guerre en Ukraine, l’actuelle crise énergétique et la pénurie de puces électroniques, ne sont pas toujours fiables et, en tout état de cause, font peu de cas des valeurs fondamentales européennes.

3.5.

Le CESE se félicite également de la priorité accordée par la Commission à la nécessité de combler le déficit en matière de scale-up et de deep tech par rapport aux pays tiers où les entreprises technologiques en phase de croissance sont plus courantes. Il suggère par conséquent à la Commission de mettre davantage l’accent sur le rôle que jouent les entreprises, les PME et les start-up, ainsi que les réseaux d’innovation qu’elles animent, dans la réalisation de la transition écologique et numérique, en stimulant leur compétitivité (1). Il importe aussi de promouvoir des initiatives visant à transformer également les entreprises traditionnelles en entreprises innovantes.

3.6.

De l’avis du CESE, une numérisation plus profonde et plus homogène pourrait amorcer un cercle vertueux en améliorant le bien-être des citoyens, en réalisant des objectifs de durabilité, en renforçant la cohésion économique et sociale dans l’Union, et en réduisant la dépendance économique et industrielle vis-à-vis de pays tiers qui ne partagent pas les mêmes valeurs.

3.7.

Pour toutes les raisons qui précèdent, le CESE salue et soutient pleinement l’initiative de la Commission sur le fond.

3.8.

Le CESE se félicite par ailleurs de la structure de l’initiative, qui s’articule autour de cinq domaines phares. Il convient de prévoir des outils de contrôle et de suivi continus des résultats obtenus afin de mettre en place, le cas échéant, les mesures de correction et d’amélioration nécessaires.

3.9.

Le CESE approuve la proposition de création d’un groupe consultatif pour l’élaboration d’une réglementation favorable à l’innovation dans les services publics et suggère qu’un représentant du Comité y soit associé en tant que membre à part entière.

4.   Domaine phare concernant le financement des entreprises en expansion (scale-up) à fort contenu technologique

4.1.

Le CESE se félicite vivement de toutes les mesures proposées qui visent à réduire le coût de la levée de nouveaux fonds propres dans l’ensemble de l’Union. Il s’agit notamment d’autoriser l’utilisation des droits de propriété intellectuelle comme sûreté, et d’avancer une nouvelle proposition législative sur la cotation en Bourse qui simplifiera et assouplira les exigences d’admission à la cote et les exigences récurrentes en matière de cotation applicables à certains types de sociétés, en vue de réduire les coûts supportés par les émetteurs et d’accroître la sécurité juridique en leur faveur, tout en préservant la protection des investisseurs et l’intégrité du marché.

4.2.

Le CESE souligne la nécessité que l’Europe se dote d’un régime de propriété intellectuelle fondé sur un équilibre adéquat entre la science ouverte et la propriété intellectuelle. À cet égard, de nombreuses start-up sont titulaires (ou utilisatrices) de normes essentielles (ce qu’on appelle les «brevets essentiels à une norme» — BEN). Il convient d’éviter l’imposition d’une obligation légale, du moins pour les PME, de procéder à des vérifications du caractère essentiel du BEN pour lequel elles ont l’intention d’octroyer des licences. Une telle obligation pourrait nuire à l’innovation car elle est susceptible de prolonger les négociations en créant des litiges à un stade où les perspectives de recettes des licences sont encore nébuleuses.

4.3.

Le CESE se réjouit de l’accent mis sur les femmes et de la collecte de données sur les femmes et les groupes moins représentés afin d’élaborer des politiques adaptées pour combler les écarts entre les hommes et les femmes et d’autres disparités, qui concernent aussi les start-up. Il est primordial de promouvoir l’emploi des femmes dans le secteur de l’innovation pour garantir la compétitivité européenne, tandis que l’établissement d’un indice relatif au genre et aux groupes moins représentés constitue un outil d’information utile pour faire face à cette problématique.

4.4.

Le CESE attire l’attention sur l’importance que les PME et les entreprises de taille intermédiaire bien établies innovent elles aussi pour réaliser les transitions écologique et numérique; il convient dès lors d’inclure dans le programme des mesures visant à les aider dans ce projet et à promouvoir leur compétitivité. Plus généralement, il importe de créer un écosystème qui permette également aux entreprises traditionnelles de se transformer en entreprises innovantes.

4.5.

Étant donné que, comme le souligne la Commission, les produits bancaires constituent la principale source de financement des entreprises, le CESE souligne l’importance des garanties publiques, et invite la Commission à évaluer la possibilité de reproduire dans ce domaine ce qui était déjà prévu par les cadres temporaires pour la COVID-19 ou la guerre en Ukraine. À cet égard, il est concevable que les garanties publiques attirent des investisseurs à long terme et plus réticents au risque, tels que les fonds de pension et les fonds souverains, dont le financement est sous-utilisé en Europe.

4.6.

Le CESE demande instamment à la Commission, dans le cadre de la mise en œuvre des actions relevant de ce domaine phare, de donner la priorité aux laboratoires de recherche transfrontières et aux start-up issues de différentes universités. Une collaboration étendue entre les universités peut en effet encourager l’innovation grâce à des applications pratiques dans le cadre d’une approche ascendante qui semble plus appropriée pour stimuler la créativité.

4.7.

Le CESE invite également la Commission à concentrer l’aide européenne sur des secteurs particuliers (par exemple, les puces, les énergies renouvelables, etc.) afin de promouvoir la recherche appliquée là où elle est réellement nécessaire pour atteindre les objectifs stratégiques de l’Union.

4.8.

Outre la réduction du coût des fonds propres et l’harmonisation des systèmes fiscaux, le CESE invite la Commission à évaluer la mise en place d’un financement des scale-up spécifiquement européen destiné à aider certaines start-up stratégiques dans leur croissance. Cela permettrait aussi de réduire l’attrait des acquisitions prédatrices ou des relocalisations à l’étranger, étant donné que les fondateurs pourraient favoriser le développement de leurs entreprises sans les vendre ou les déplacer.

4.9.

Le CESE invite instamment la Commission à évaluer la création d’un marché numérique européen pour les start-up afin qu’elles puissent dialoguer avec des investisseurs potentiels partout dans l’Union. Un tel marché pourrait surmonter la difficulté que les start-up, en particulier dans les petits États membres, pourraient avoir pour trouver des investisseurs au niveau local et accéder en temps utile à des volumes significatifs de liquidités.

4.10.

Le CESE souligne l’importance des infrastructures technologiques pour permettre aux start-up deep tech de développer leurs technologies. En conséquence, l’accès à de telles infrastructures devrait être davantage encouragé et facilité. Des obligations d’accès libre et non discriminatoire pourraient être prévues pour les infrastructures et les données financées par des fonds publics.

5.   Domaine phare «Rendre possible l’innovation deep tech au moyen d’espaces d’expérimentation et de marchés publics»

5.1.

Le CESE se félicite de la publication d’un document d’orientation sur les bacs à sable réglementaires, les bancs d’essai et les laboratoires vivants qui sont autant d’outils permettant d’attirer l’expérimentation au sein de l’Union, ainsi que de la diffusion des bonnes pratiques parmi les États membres afin de promouvoir l’harmonisation.

5.2.

Le CESE se réjouit également de l’introduction d’une nouvelle disposition, dans le cadre relatif aux aides d’État en faveur de la RDI, qui permettra aux États membres de financer davantage d’infrastructures d’essai et d’expérimentation. Dans ce contexte, le CESE suggère de fixer un plafond pour les financements publics nationaux admissibles afin de ne pas pénaliser les États membres plus petits ou plus pauvres ou, à défaut, d’assurer aux États membres qui ne peuvent pas rivaliser dans la course aux aides d’État des financements européens ciblés et complémentaires. Le Comité suggère également de publier des lignes directrices européennes propres à harmoniser les interprétations nationales dans les cas où celles-ci peuvent diverger.

5.3.

Le CESE souligne l’importance de financer des infrastructures d’expérimentation et d’essai afin d’aider les start-up à développer leurs technologies et de combler le fossé entre les laboratoires et les applications commerciales. À cet égard, l’introduction du nouveau concept d’«infrastructures d’essai et d’expérimentation» dans le projet de révision du règlement général d’exemption par catégorie en matière d’aides d’État (RGEC) est la bienvenue. Il convient en particulier de faire la distinction entre les infrastructures d’essai et d’expérimentation et ce que l’on appelle communément les «infrastructures technologiques». L’élément distinctif entre ces deux notions pourrait être l’usage économique prédominant. Il convient en outre d’aligner les seuils de notification à 20 millions d’EUR pour ces deux types d’infrastructure, et de prévoir un régime favorable pour les entreprises qui contribuent à au moins 5 % des coûts d’investissement dans les infrastructures d’essai et d’expérimentation.

5.4.

Le CESE se félicite aussi de l’initiative liée aux marchés publics. Dans ce contexte, il suggère d’envisager la mise en place d’un mécanisme garantissant la participation d’au moins une start-up aux marchés les plus innovants.

5.5.

Le CESE souligne l’importance d’un régime de propriété intellectuelle solide applicable aux inventions des start-up pour promouvoir le développement continu de la recherche. Une fois que l’exclusivité est revendiquée par des partenaires commerciaux pour les résultats scientifiques à un stade précoce (ce qui nécessite une exclusivité pour soutenir et collaborer avec des laboratoires scientifiques), il existe un risque que ces résultats de recherche ne soient pas davantage développés par les laboratoires scientifiques sachant qu’ils n’ont plus d’intérêt économique.

6.   Domaine phare concernant l’accélération et le renforcement de l’innovation dans les écosystèmes européens d’innovation dans l’ensemble de l’Union et la réduction de la fracture de l’innovation

6.1.

Le CESE invite la Commission à encourager la dimension interrégionale des investissements, et se réjouit en particulier de la priorité accordée à un nombre limité de projets d’innovation interrégionaux liés aux grandes priorités européennes (telles que la durabilité), avec la participation conjointe de régions présentant des capacités d’innovation différentes.

6.2.

Le CESE souligne que l’innovation s’appuie sur l’ensemble de la chaîne de recherche et de développement, qui va de la recherche motivée par la curiosité aux activités de recherche et développement appliquées, en passant par le domaine de l’éducation et de la formation, et qui dépend des capacités et des ressources nécessaires à l’adoption de l’innovation par les systèmes politiques, culturels et socio-économiques. À cet égard, le CESE souligne que, pour avoir une innovation structurelle et favoriser le développement de nouvelles idées appliquées, le soutien public devrait aussi bénéficier à l’enseignement supérieur, y compris professionnel (essentiel à l’accélération de l’innovation) et aux laboratoires d’innovation, et pas seulement aux projets qui ont déjà atteint la phase de commercialisation. La Commission pourrait faire appel à un certain nombre d’universités pilotes pour poursuivre cet objectif.

6.3.

Le CESE se félicite aussi que la Commission aide les États membres dans la réalisation de projets importants d’intérêt européen commun transfrontières, en soulignant l’importance de soutenir également la phase de recherche, car l’innovation est un processus local qui devrait être appuyé dès le début dans un scénario ascendant, conformément au rapport sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe (propositions 12 et 35). En conséquence, tant les travaux de recherche que le développement professionnel des chercheurs devraient être financés. Les résultats de la recherche, qui bénéficient d’un soutien public, devraient être mis à la disposition des innovateurs, éventuellement par l’intermédiaire d’Innospace, à des fins de développement ultérieur.

6.4.

Le CESE se félicite de la publication d’un document d’orientation pour aider les autorités intéressées à choisir le programme d’action de l’Union le plus approprié. Le CESE souligne également l’importance de ne pas concevoir les programmes d’action comme des «silos fermés», mais de tenir compte de leur complémentarité et, dans la mesure du possible, de les appliquer de manière horizontale.

7.   Domaine phare concernant l’incitation, l’attraction et la rétention des talents deep tech

7.1.

Le CESE se réjouit de cette initiative visant à accroître les possibilités offertes par le secteur et à mettre en correspondance talents et entreprises dans toute l’Europe.

7.2.

Le CESE salue tout particulièrement l’idée d’évaluer la possibilité d’un traitement fiscal plus favorable aux options sur titres dans l’Union.

7.3.

Afin de ne pas entraver la libre circulation des talents, le CESE invite instamment la Commission à se pencher sur la situation fiscale des personnes talentueuses qui partent à l’étranger.

7.4.

Le CESE invite la Commission à coordonner les initiatives nationales visant à cultiver les talents.

8.   Domaine phare concernant l’amélioration des outils d’élaboration des politiques

8.1.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission d’élaborer des bases de données plus solides et plus comparables et une taxinomie commune des données, ainsi que de diffuser les meilleures pratiques de manière structurée dans le cadre du forum du Conseil européen de l’innovation.

8.2.

Le CESE se réjouit en outre de l’intention de la Commission de partager les bonnes pratiques afin de recueillir de bons exemples de bacs à sable réglementaires et de cadres juridiques flexibles dans toute l’Union et de publier des lignes directrices à l’intention des gouvernements sur la manière de les utiliser. Le CESE encourage la Commission à utiliser ces outils pour surmonter la fragmentation réglementaire et les différences entre les États membres.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Pôles d’innovation numérique et PME» (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 82).


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/95


Avis du Comité économique et social européen sur

a) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un instrument du marché unique pour les situations d’urgence et abrogeant le règlement (CE) no 2679/98 du Conseil

[COM(2022) 459 final — 2022/0278 (COD)]

b) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2016/424, (UE) 2016/425, (UE) 2016/426, (UE) 2019/1009 et (UE) no 305/2011 en ce qui concerne des procédures d’urgence pour l’évaluation de la conformité, l’adoption de spécifications communes et la surveillance du marché en situation d’urgence pour le marché unique

[COM(2022) 461 final — 2022/0279 (COD)]

et c) la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2000/14/CE, 2006/42/CE, 2010/35/UE, 2013/29/UE, 2014/28/UE, 2014/29/UE, 2014/30/UE, 2014/31/UE, 2014/32/UE, 2014/33/UE, 2014/34/UE, 2014/35/UE, 2014/53/UE et 2014/68/UE en ce qui concerne des procédures d’urgence pour l’évaluation de la conformité, l’adoption de spécifications communes et la surveillance du marché en situation d’urgence pour le marché unique

[COM(2022) 462 final — 2022/0280 (COD)]

(2023/C 100/14)

Rapporteur:

Andrej ZORKO

Corapporteure:

Janica YLIKARJULA

Consultation

a)

Parlement européen, 9.11.2022

a)

Conseil de l’Union européenne, 11.11.2022

b)

Parlement européen, 21.11.2022

b)

Conseil de l’Union européenne, 24.11.2022

c)

Parlement européen, 21.11.2022

c)

Conseil de l’Union européenne, 30.11.2022

Base juridique

a)

Articles 114, 21, 45 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

b)

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

c)

Articles 91, 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

10.11.2022

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient l’objectif de la Commission qui vise à créer un instrument du marché unique pour les situations d’urgence (IUMU) en vue d’affronter les futures crises susceptibles d’entraver le fonctionnement du marché unique et de ses entreprises, ainsi que le bien-être des citoyens de l’Union européenne. Le Comité est favorable aux mesures visant à garantir la libre circulation des biens, des services et des personnes et à prévenir les restrictions au sein de l’Union, y compris en période de crise. L’IUMU doit être axé en priorité sur le partage d’informations, la coopération, la communication et la solidarité entre les États membres. S’il est essentiel de parvenir à une meilleure coopération administrative et de mettre en place des mesures de transparence plus efficaces à l’intention des États membres, le CESE déplore qu’aucune conséquence n’ait été prévue dans le cas où l’un d’entre eux ne respecterait pas les exigences.

1.2.

Les réponses aux crises doivent être rapides, temporaires, correctement ciblées et coordonnées au niveau de l’Union afin d’assurer une approche commune. Elles doivent tenir compte des effets d’une crise sur les entreprises et le bien-être des citoyens de l’Union européenne et créer les conditions pour une société et une économie plus résilientes à l’avenir. Il convient de veiller en priorité à la libre circulation des biens, des services et des personnes en période de crise et à l’atténuation des effets de la crise sur le bien-être des personnes, plutôt que d’intervenir dans la production et la fourniture de biens et de services et dans leurs chaînes d’approvisionnement.

1.3.

L’atténuation des crises nécessite un cadre juridique clair pour éviter les interprétations divergentes, les mesures fragmentées et les litiges inutiles. Le CESE estime que les définitions des termes «crise», «domaine d’importance stratégique», «biens et services d’importance stratégique» et «biens et services utiles en temps de crise» sont trop vagues pour écarter ces préoccupations et recommande à la Commission de les préciser davantage.

1.4.

Les mesures d’urgence ne devraient pas porter atteinte aux droits fondamentaux des citoyens européens; de même, l’exercice de ces droits, y compris le droit de grève, dans quelque secteur que ce soit, ne peut justifier une réponse de crise. La Commission devrait indiquer clairement qu’une grève ou toute autre action industrielle entreprise en vertu de la législation nationale ne peut constituer une crise aux termes de l’IUMU. De même, toutes les mesures d’atténuation des crises doivent respecter les principes de nécessité et de proportionnalité en ce qui concerne les entreprises, ce qui n’est pas le cas dans la proposition à l’examen. Il s’impose en outre de ne pas nuire à l’autonomie des partenaires sociaux. Les mesures risquent de créer d’autres obstacles, restrictions et charges inutiles qu’il convient d’éviter, en particulier en temps de crise. Le marché unique devrait rester accessible et être flanqué de garanties contre le dumping social et fiscal.

1.5.

Le CESE fait valoir que toute situation d’urgence nécessite une réaction rapide et efficace. Il recommande dès lors à la Commission de réexaminer la proposition en vue d’une approche suffisamment rapide et efficace pour faire face à une crise. Le Comité craint que l’approche progressive proposée ne soit trop alourdie par les contraintes administratives pour être performante.

1.6.

Le CESE recommande la mise en place d’une coopération étroite entre le groupe consultatif sur l’instrument IUMU et les instruments existants de prospective stratégique de l’Union, afin de pouvoir prédire les futures situations de crises en se basant sur la surveillance continue de l’actualité mondiale et régionale et l’analyse des risques qui en découlent. Les représentants de la société civile devraient être associés de près à ce processus et avoir la possibilité de concourir aux activités de prospective de l’Union par leurs contributions et les résultats de leurs travaux.

1.7.

Le CESE propose que des représentants des partenaires sociaux et une organisation de la société civile concernée soient inclus parmi les observateurs du groupe consultatif sur l’instrument IUMU. Il demande également une clarification du rôle du groupe consultatif proposé, en particulier en ce qui concerne d’autres organes de nature similaire.

1.8.

Il conviendrait de réexaminer la délégation de pouvoirs à la Commission en vertu de la proposition afin de trouver un équilibre entre une réaction efficace aux crises et l’inclusion des États membres dans le processus décisionnel.

1.9.

Le risque existe que les pouvoirs interventionnistes attribués par la proposition à la Commission, tels que la hiérarchisation des commandes et la clause de dérogation contractuelle pouvant cibler des entreprises spécifiques, puissent s’avérer préjudiciables au fonctionnement du marché unique. Par leur existence même, ces pouvoirs introduisent un élément d’imprévisibilité. C’est pourquoi le CESE recommande à la Commission de réexaminer soigneusement la proposition, notamment en prenant en compte la question de savoir quelles entreprises seraient ciblées et qui assumerait les coûts d’une éventuelle réorganisation des chaînes de production.

1.10.

Il est essentiel de limiter la collecte de données auprès des entreprises par la Commission ou les États membres en respectant les principes d’extrême nécessité et de proportionnalité. Certaines des propositions formulées sont susceptibles de nuire à l’égalité des conditions de concurrence, par exemple celle visant à dresser des listes des «opérateurs économiques les plus pertinents» avant d’annoncer une situation d’urgence. Le CESE s’inquiète des signaux qu’une telle liste peut envoyer sur le marché et de l’incidence globale que cela pourrait avoir sur la concurrence.

1.11.

Une communication rapide, facile à comprendre et ouverte des informations à l’attention des citoyens, des entreprises et des autres acteurs est essentielle à la gestion des crises du marché unique. Une interface d’information en ligne spécifique devrait être immédiatement opérationnelle en cas de crise.

2.   Motif d’élaboration de l’avis

2.1.

Le bon fonctionnement du marché unique est l’un des plus grands atouts de l’Union européenne; il est vital pour son économie et pour «améliorer le bien-être grâce à la convergence sociale et économique […] et […] éviter que l’aggravation des déséquilibres sociaux ne finisse par engendrer de sérieux obstacles à l’intégration européenne» (1).

2.2.

Les crises récentes, telles que la pandémie de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont démontré un certain degré de vulnérabilité au sein du marché unique et de ses chaînes d’approvisionnement en cas de perturbations imprévues. Le confinement imposé pendant la pandémie a mis un terme à l’activité de nombreuses entreprises, les frontières ont été fermées, les chaînes d’approvisionnement ont été interrompues, la demande a été perturbée et les travailleurs et les prestataires de services n’ont pas été en mesure de circuler à travers l’Europe. Ces bouleversements ont rappelé à chacun que la libre circulation des personnes est étroitement liée à la libre circulation des biens et des services. Les MPME et les ménages à faibles revenus sont souvent particulièrement touchés par les crises.

2.3.

Un manque de transparence en ce qui concerne les mesures prises par différents États membres pour lutter contre les crises a provoqué de l’incertitude quant à la justification et à la proportionnalité de ces mesures. Cette situation a affaibli la confiance mutuelle et la solidarité, de même qu’elle a fait apparaître des obstacles au fonctionnement du marché unique. D’autre part, ces crises ont mis en lumière l’importance de la coopération, de l’ouverture et du dialogue entre les États membres et l’utilité de la diversification des chaînes de valeur. Il s’est révélé essentiel, pour éviter toute perturbation des canaux de déplacement et des chaînes d’approvisionnement indispensables, d’adopter une réponse coordonnée visant à maintenir ouvertes les frontières intérieures de l’Union grâce à des points de passage frontaliers via des voies réservées.

2.4.

L’instrument IUMU vient en complément d’autres mesures législatives ou propositions de l’Union européenne en matière de gestion des crises, lesquelles concernent, par exemple, la santé, les semi-conducteurs, la sécurité alimentaire et le mécanisme de protection civile de l’Union.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite des efforts déployés par la Commission pour mettre en place l’instrument IUMU afin de lutter contre les effets négatifs des crises existantes et potentielles sur le marché unique, ses citoyens et ses entreprises, et se réjouit de la confirmation que l’instrument IUMU s’appliquera sans préjudice des instruments de gestion de crise existants, qui seront traités en tant que lex specialis.

3.2.

Le CESE fait observer que l’instrument IUMU devrait garantir une meilleure coordination entre les mesures prises par les différents États membres, renforcer la solidarité, préserver l’efficacité des quatre libertés et tirer parti du marché unique pour faire face aux crises urgentes et imprévues. Il souligne que le bon fonctionnement du marché unique constitue un outil efficace et un atout pour la préparation et la réaction aux crises.

3.3.

Une crise qui peut nuire au fonctionnement du marché unique peut, par conséquent, entraver les entreprises, mais aussi avoir une incidence considérable sur la vie des citoyens dans l’ensemble de l’Union. Toute mesure proposée pour lutter contre une crise devrait donc tenir compte des deux perspectives ainsi que de la voie à suivre pour mener à bien la double transition numérique et écologique de manière équitable, afin de mieux préparer le marché unique aux futurs chocs et crises. Il n’est de perspectives d’avenir pour le marché unique que reposant sur le mariage d’une base économique solide et d’une dimension sociale forte (2).

3.4.

Le CESE souligne que les réactions aux crises doivent être rapides, temporaires, proportionnées et bien ciblées, tout en ouvrant la voie à une société et à une économie plus résilientes à l’avenir. Elles doivent aussi être coordonnées au niveau de l’Union afin d’éviter des mesures nationales divergentes qui pourraient entraver le fonctionnement du marché unique.

3.5.

Il ne fait aucun doute que l’Union européenne sera confrontée à d’autres crises qui lui poseront de nouveaux défis. Les mesures d’atténuation des crises devraient être transparentes, facilement disponibles — dans un cadre limité et selon des critères stricts — et devraient pouvoir être appliquées rapidement, ce qui nécessite un cadre juridique clair au niveau de l’Union. L’instrument devrait protéger les entreprises et les résidents de l’Union, de même que les libertés du marché unique en cas de crise grave et généralisée; il devrait aussi permettre de contrôler les mesures nationales et européennes de lutte contre la crise afin de garantir qu’elles respectent les principes fondamentaux de nécessité, de proportionnalité et de non-discrimination, et garantir aux entreprises et aux particuliers une coopération administrative en temps réel et un accès à l’information.

3.6.

Le CESE craint qu’une procédure de réaction progressive en cas de crise, telle que définie dans le cadre de l’instrument IUMU, ne prenne trop de temps et ne ralentisse le processus décisionnel plutôt que de garantir une réaction rapide à la crise.

3.7.

Il est impossible de prévoir la portée et la nature d’une crise future. Dans le même temps, pour que la réaction soit la plus efficace et la moins invasive possible, elle doit être déclenchée aux premiers stades de la crise. Le CESE insiste sur l’importance de la prospective stratégique dans l’Union européenne et rappelle qu’il est résolument favorable à l’inclusion d’une méthodologie de prospective dans le processus d’élaboration des politiques de l’Union. Les instruments proposés dans le cadre du dispositif IUMU devraient être complétés par une coopération étroite entre le groupe consultatif de ce dernier et les mécanismes existants de prospective stratégique de l’Union, afin de pouvoir prédire les crises futures en se basant sur l’examen des événements aux niveaux mondial et régional susceptibles de perturber considérablement le fonctionnement du marché unique, de telle manière qu’il ne pourrait plus être considéré comme un fonctionnement normal. Le groupe consultatif ne doit pas seulement être chargé d’évaluer les incidents signalés à la Commission par les États membres, mais doit travailler en continu avec les acteurs de l’Union responsables de la prospective stratégique afin de surveiller les incidents qui surviennent à l’échelle mondiale et régionale et d’en analyser les risques. La prospective stratégique étant un processus participatif, le CESE escompte que jouent des synergies et que se développe la participation structurelle de toutes les institutions de l’Union, y compris le CESE (3).

3.8.

La proposition vise à couvrir toutes les crises importantes touchant le marché unique et ses chaînes d’approvisionnement, à quelques exceptions près, pour lesquelles l’Union a élaboré ou élabore actuellement ses propres mesures. Le large champ d’application pose d’importantes difficultés. Le CESE souligne que l’instrument IUMU nécessite une définition plus claire de la notion de crise, qui ne doit pas faire l’objet d’interprétations divergentes. En outre, les définitions des termes «domaine d’importance stratégique», «biens et services d’importance stratégique» et «biens et services utiles en temps de crise» sont très vagues. Le CESE estime qu’elles devraient être sans équivoque, afin de garantir la proportionnalité et le ciblage adéquat des mesures d’urgence. L’absence de définitions claires et précises risque de donner lieu à une insécurité juridique et à des litiges au sein du marché unique.

3.9.

Les définitions et les réactions aux crises dans le cadre de l’instrument IUMU doivent toutes être proportionnées et ne pas entraîner de charges administratives inutiles. En particulier, il ne peut être fait appel à l’instrument qu’en cas de crise urgente et temporaire au sein du marché unique, y compris les crises régionales qui affectent les quatre libertés. En conséquence, il y a lieu de limiter l’utilisation de l’instrument dans le temps et d’empêcher qu’elle devienne permanente. La proposition confère à la Commission des pouvoirs délégués en ce qui concerne les protocoles de crise; il conviendrait de les réexaminer soigneusement et de trouver un équilibre entre une réaction efficace aux crises et un engagement total des États membres en faveur de mesures communes.

3.10.

Il est essentiel de pouvoir reconnaître qu’une situation nécessite une réaction propre à une crise et de cibler correctement les problèmes découlant des situations d’urgence. Aucune mesure d’urgence ne devrait porter atteinte aux droits fondamentaux des citoyens européens, en particulier les droits consacrés par les conventions et accords internationaux. Même en temps de crise, l’Union européenne doit rester déterminée à défendre les droits humains fondamentaux. De même, toutes les mesures d’atténuation des crises doivent respecter les principes de base de nécessité et de proportionnalité en ce qui concerne les entreprises, ce qui n’est pas le cas dans la proposition à l’examen.

3.11.

La reconnaissance et la réglementation des biens utiles en temps de crise peuvent elles-mêmes créer des incertitudes au sein du marché unique qui limitent son fonctionnement, étant donné qu’il est impossible de savoir quels seront les biens utiles lors d’une crise future. Le CESE comprend la volonté de déléguer certains pouvoirs à la Commission dans le cadre de la proposition à l’examen, mais exprime dans le même temps son inquiétude quant aux pouvoirs interventionnistes qu’elle lui confère, notamment la divulgation d’informations commercialement sensibles et la hiérarchisation des commandes, y compris la clause de dérogation contractuelle. La production et la fourniture de biens et de services et leurs chaînes d’approvisionnement concernent principalement les acteurs du marché et font partie des mesures habituelles de planification et de préparation aux situations d’urgence mises en place par les entreprises et les gouvernements.

3.12.

Le CESE a la conviction qu’il y a lieu de s’abstenir d’introduire des obstacles et des restrictions au sein de l’Union en temps de crise. Pour éviter cet écueil, l’instrument devrait garantir davantage d’échange d’informations, de coordination et de solidarité entre les États membres lors de l’adoption de mesures liées à la crise, tout en respectant les compétences nationales. Le CESE soutient pleinement l’établissement d’une liste des restrictions des libertés du marché unique à interdire. Il déplore toutefois qu’aucune conséquence ne soit prévue en cas de non-respect des exigences par les États membres.

3.13.

Les moyens de production et de fourniture de biens spécifiques qui pourraient être essentiels pour lutter contre une crise donnée sont répartis de manière inégale dans l’ensemble du marché unique. En fonction de la nature de la crise concernée, les effets sur les entreprises et les particuliers de l’Union pourraient avoir des degrés de gravité différents, même en cas de crise étendue à toute l’Union. La solidarité entre les États membres est indispensable pour faire face à de telles situations. La boîte à outils de réaction aux crises devrait donc avoir pour objectif de décourager le protectionnisme, qui fragmenterait le marché unique et entraverait la circulation de biens et de services essentiels vers les entreprises et les résidents de l’Union.

3.14.

Le CESE recommande à la Commission d’évaluer les enseignements tirés des récentes crises afin de les utiliser comme schéma directeur pour les prochaines mesures. Pendant la pandémie, l’introduction de «voies réservées» a permis de réduire de nombreux goulets d’étranglement coûteux liés au flux intraeuropéen de marchandises en particulier, mais aussi de services. En outre, l’adoption relativement rapide par l’Union européenne du certificat COVID numérique commun a aidé à rétablir la mobilité au sein du marché unique pour les prestataires de services transfrontières, les travailleurs transfrontaliers et les voyageurs d’affaires. L’assistance technique fournie par l’Union a également contribué à garantir une mise en œuvre plus uniforme des mesures.

3.15.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel il convient de coordonner les mesures prises au niveau de l’Union et celles des États membres. Dans la mesure du possible, une approche commune doit être appliquée dans tous les États membres. Une approche fragmentée occasionnerait des obstacles supplémentaires sur le marché unique, ce qui nuirait à l’innovation, à l’investissement et à la création d’emplois, ainsi qu’à la cohésion sociale et à la qualité de vie. Même en temps de crise, il est important de veiller à ce que le marché unique reste accessible à tous en mettant en place des garanties efficaces contre le dumping social et fiscal (4).

3.16.

Les entreprises et les particuliers devraient également être incités à adapter autant que possible leur mode de fonctionnement à la réalité de l’après-crise, à savoir la hausse des coûts de l’énergie et les effets du changement climatique. Toute mesure d’urgence devrait être conforme aux objectifs climatiques de l’Union et à la voie vers la neutralité climatique et, lorsqu’elle est appliquée, devrait permettre de les atteindre et de rendre le marché unique plus résilient. Une réponse d’urgence doit également tenir compte du fait qu’une crise risque toujours d’entraîner des différences entre les pays de l’Union sur les plans du développement économique, des garanties sociales et des niveaux de prospérité (5), et doit être conçue de manière à éviter de tels effets.

3.17.

Une communication rapide, facile à comprendre et ouverte des informations à l’attention des citoyens, des entreprises et des autres acteurs est essentielle à la gestion des crises du marché unique. Le CESE préconise, pour aider les acteurs sur le terrain, la mise à disposition d’une interface commune d’information en ligne spécifique qui soit immédiatement opérationnelle en cas de crise et mise à jour régulièrement, et qui propose des informations fiables sur la crise et les mesures prises. L’instrument devrait garantir la transparence à l’égard des citoyens et des entreprises quant aux mesures prises dans l’ensemble des États membres pour soutenir le maintien de leur libre circulation. Toute mesure d’urgence devrait faire l’objet d’une communication claire afin d’éviter toute confusion et tout obstacle supplémentaire au fonctionnement du marché unique. Le CESE estime que les partenaires sociaux et la société civile pourraient jouer un rôle important à cet égard.

3.18.

Une coopération étroite avec les parties prenantes est également nécessaire à la mise en œuvre de l’instrument, étant donné que, dans la pratique, ce sont les acteurs de la société civile qui appliquent les mesures. Ils connaissent également le mieux les mesures et les procédures qui se révèlent efficaces. Il y a lieu de renforcer l’infrastructure de gouvernance du marché unique en y incluant de manière proactive des organisations représentant les citoyens, les consommateurs et les entreprises (6). Le CESE invite la Commission à associer les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et les experts aux processus d’évaluation et de suivi des risques, ainsi qu’à l’élaboration et à la coordination des mesures de crise.

4.   Observations particulières

4.1.

Les mesures devraient s’appuyer autant que possible sur les instruments existants en ce qui concerne les notifications et les normes, entre autres. Elles devraient viser à clarifier et faciliter l’utilisation rapide et efficace de ces instruments afin de préserver le fonctionnement du marché unique lorsqu’une crise éclate.

4.2.

L’instrument IUMU devrait envisager une évaluation accélérée de la conformité, la coordination des marchés publics et la surveillance du marché pour les biens et les services qui sont essentiels dans la crise concernée. Toutefois, il devrait également tenir compte du fait que les directives existantes de l’Union européenne offrent déjà plusieurs options qui permettent de passer des marchés publics très rapidement en cas d’urgence.

4.3.

Les mesures d’urgence ne devraient pas pouvoir porter atteinte aux droits fondamentaux des citoyens de l’Union; de même, l’exercice de ces droits, y compris le droit de grève, dans quelque secteur que ce soit, ne peut constituer une circonstance justifiant une réponse de crise dans le cadre de l’instrument IUMU. Le CESE est convaincu que la réglementation juridique des grèves relève de la compétence des États membres et que si une grève ou toute autre action collective est entreprise en vertu de la législation nationale, elle ne peut constituer une crise au sens de l’instrument IUMU.

4.4.

Il est essentiel de limiter la collecte de données auprès des entreprises par la Commission ou les États membres en respectant les principes d’extrême nécessité et de proportionnalité. Le CESE s’oppose à l’adoption de l’obligation pour les entreprises de divulguer des informations commercialement sensibles, de la hiérarchisation des commandes et de la clause de dérogation contractuelle, car ces mesures sont contre-productives dans le cadre d’une démarche proactive visant à trouver des solutions pour faire face aux crises. Certaines des propositions formulées sont susceptibles de nuire à l’égalité des conditions de concurrence, par exemple celle visant à dresser des listes des «opérateurs économiques les plus pertinents» avant d’annoncer une situation d’urgence. Le CESE s’inquiète des signaux qu’une telle liste peut envoyer sur le marché et de l’incidence globale que cela pourrait avoir sur la concurrence.

4.5.

Le CESE estime que le groupe consultatif, tel que défini à l’article 3 de la proposition, devrait tirer pleinement parti des connaissances et de l’expérience des partenaires sociaux et d’une organisation de la société civile compétente, lesquels sont les plus au fait des réalités quotidiennes sur le terrain au sein du marché unique. S’il importe que tous les décideurs politiques, autorités et agences compétents au niveau de l’Union et des États membres soient inclus dans le groupe consultatif, le CESE estime que les partenaires sociaux sont inextricablement liés au marché unique et devraient être intégrés par défaut au groupe consultatif en tant qu’observateurs, de même qu’une organisation de la société civile compétente, telle qu’une organisation de défense des consommateurs, pour formuler des conseils relatifs aux mesures concrètes prises dans le cadre de l’instrument IUMU, ainsi que pour les mettre en œuvre et assurer leur suivi.

4.6.

Conformément à l’article 13 de la proposition, le CESE estime qu’il est nécessaire d’instaurer une solidarité entre les États membres, par exemple lors de la constitution de réserves stratégiques. Il soutient dès lors la recommandation de la Commission visant à ce que les États membres répartissent les réserves stratégiques de manière ciblée, dans la mesure du possible.

4.7.

Le CESE invite la Commission à réexaminer la possibilité, proposée à l’article 17, de restreindre la libre circulation des travailleurs en ce qui concerne les travailleurs transfrontaliers, étant donné que la limitation de leur libre circulation peut avoir des effets négatifs sur le marché unique, comme cela a déjà été souligné.

4.8.

Le CESE estime que la proposition à l’examen ne définit pas clairement l’interaction entre le groupe consultatif qu’elle préconise de créer et les groupes de gestion de crise déjà en place, tels que la task-force sur le respect de l’application des règles du marché unique, l’outil d’information sur le marché unique et les plateformes relatives aux crises alimentaires. La Commission devrait éviter tout double emploi dans les compétences des différents organes de gestion de crise, car cela créerait des formalités administratives inutiles et ralentirait la réaction aux crises.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe» [COM(2020) 102 final] (JO C 364 du 28.10.2020, p. 108).

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur «Un marché unique pour tous» (avis exploratoire) (JO C 311 du 18.9.2020, p. 19).

(3)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Rapport de prospective stratégique 2021 — La capacité et la liberté d’action de l’Union européenne [COM(2021) 750 final] (JO C 290 du 29.7.2022, p. 35).

(4)  Voir note infrapaginale 2.

(5)  Avis du Comité économique et social européen sur a) la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique» [COM(2020) 94 final] et b) la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Recenser et identifier les obstacles au marché unique» [COM(2020) 93 final] (JO C 364 du 28.10.2020, p. 116).

(6)  Voir note infrapaginale 2.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/101


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des exigences horizontales en matière de cybersécurité pour les produits comportant des éléments numériques et modifiant le règlement (UE) 2019/1020

[COM(2022) 454 final — 2022/0272 (COD)]

(2023/C 100/15)

Rapporteur:

Maurizio MENSI

Corapporteur:

Marinel Dănuț MUREȘAN

Consultation

Parlement européen, 9.11.2022

Conseil de l’Union européenne, 28.10.2022

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Marché unique, production et consommation

Adoption en section

10.11.2022

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

177/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la proposition de la Commission relative à une législation sur la cyberrésilience (Cyber Resilience Act — CRA), visant à établir des normes de cybersécurité plus élevées afin de créer un système fiable pour les opérateurs économiques et de garantir aux citoyens de l’Union européenne une utilisation sûre des produits sur le marché. Il s’agit en effet d’une initiative qui, faisant partie de la stratégie européenne pour les données, accroît la sécurité des données, y compris des données à caractère personnel, et les droits fondamentaux, soit autant d’exigences essentielles pour notre société numérique.

1.2.

Le CESE estime qu’il est essentiel de renforcer la réponse collective aux cyberattaques et de consolider le processus d’harmonisation en matière de cybersécurité au niveau national en ce qui concerne les règles et les outils opérationnels, afin d’éviter que des approches nationales différenciées ne créent des incertitudes et des obstacles juridiques.

1.3.

Le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission, qui non seulement contribuera à réduire les coûts considérables que les cyberattaques font peser sur les entreprises, mais permettra aux citoyens et consommateurs de bénéficier d’une meilleure protection de leurs droits fondamentaux tels que la vie privée. En particulier, la Commission montre qu’elle tient compte des besoins spécifiques des PME s’agissant des prestations fournies par les autorités de certification; le CESE relève toutefois qu’il y a lieu d’éclaircir les critères d’application.

1.4.

Le CESE juge important de souligner que, s’il est appréciable que la législation sur la cyberrésilience couvre pratiquement tous les produits numériques, sa mise en œuvre concrète pourrait soulever des problèmes, compte tenu de l’importante et complexe activité de vérification et de contrôle qu’elle suppose. Un renforcement des outils de suivi et de vérification est par conséquent nécessaire.

1.5.

Le CESE souligne la nécessité de clarifier avec précision le champ d’application matériel de la législation envisagée, notamment en ce qui concerne les produits comportant des éléments numériques et les logiciels.

1.6.

Le CESE note que les producteurs seront tenus de signaler, d’une part, les vulnérabilités des produits et, d’autre part, les éventuels incidents de sécurité, en informant l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA). En conséquence, il importe que cette agence soit dotée des ressources nécessaires pour accomplir promptement et efficacement les tâches importantes et délicates qui lui seront confiées.

1.7.

Le CESE suggère à la Commission, pour éviter toute incertitude d’interprétation, d’élaborer des lignes directrices spécifiques qui orientent les producteurs et les consommateurs quant aux règles et procédures concrètement applicables, étant donné qu’il apparaît que plusieurs produits relevant du champ d’application de la proposition sont également soumis à d’autres dispositions réglementaires en matière de cybersécurité. À cet égard, il importerait également que les PME et les MPME, en particulier, aient accès à un soutien spécialisé qualifié, capable de fournir des services professionnels spécifiques.

1.8.

Le CESE relève que l’on ne voit pas avec toute la clarté voulue quelle sera la relation entre les autorités de certification au sens de la législation sur la cyberrésilience et d’autres organismes habilités à certifier la cybersécurité en vertu d’autres dispositions normatives. Un problème identique de coordination opérationnelle risque de se poser entre les autorités de surveillance prévues dans la proposition à l’examen et celles déjà actives en vertu d’autres réglementations applicables aux mêmes produits.

1.9.

Le CESE relève que la proposition prévoit un volume considérable d’activités et de responsabilités à la charge des autorités de certification, lesquelles doivent avoir la garantie de pouvoir fonctionner correctement, afin d’éviter notamment que la législation sur la cyberrésilience ne se traduise par une augmentation de la charge bureaucratique, pénalisant ainsi les producteurs qui devront être soumis à un certain nombre d’obligations de certification supplémentaires pour pouvoir continuer à opérer sur le marché.

2.   Analyse de la proposition

2.1.

Par sa proposition de législation sur la cyberrésilience, la Commission entend rationaliser et redéfinir de manière globale et horizontale la législation actuelle en matière de cybersécurité tout en veillant à ce qu’elle soit mise à jour à la lumière de l’innovation technologique.

2.2.

Cet instrument législatif poursuit essentiellement quatre objectifs: veiller à ce que les fabricants améliorent la sécurité des produits comportant des éléments numériques, et ce au cours de la phase de conception et de développement et tout au long de leur cycle de vie, garantir un cadre cohérent de règles en matière de cybersécurité, en facilitant le respect des règles par les fabricants de matériels et de logiciels, améliorer la transparence des dispositifs de sécurité des produits comportant des éléments numériques et, enfin, permettre aux entreprises et aux consommateurs d’utiliser ces produits en toute sécurité. En substance, la proposition introduit un marquage CE en matière de cybersécurité, en prescrivant qu’il soit apposé sur tous les produits couverts par la législation.

2.3.

Il s’agit d’une intervention horizontale, par laquelle la Commission entend réglementer de manière organique l’ensemble du domaine, étant donné qu’elle concerne pratiquement tous les produits comportant des composants numériques. Ne sont exclus de son champ d’application que ceux qui sont de nature médicale ou concernent l’aviation civile, les véhicules et les produits conçus à des fins militaires. La proposition ne couvre pas non plus les services de logiciels à la demande (informatique en nuage), sauf s’ils servent à la fabrication de produits comportant des éléments numériques.

2.4.

La définition des «produits comportant des éléments numériques» est très large et couvre tout produit logiciel ou matériel, ainsi que tout logiciel ou matériel non incorporé dans un produit mais commercialisé séparément.

2.5.

La législation introduit des exigences obligatoires en matière de cybersécurité tout au long du cycle de vie des produits comportant des éléments numériques, mais elle ne remplace pas celles qui existent déjà. Au contraire, les certificats des produits qui ont déjà été certifiés conformes à des normes de l’Union préexistantes resteront valides au sens du nouveau règlement.

2.6.

Le principe général de base qui préside à la législation est que seuls peuvent être commercialisés en Europe des produits «sûrs», à savoir ceux dont le producteur se comporte de telle sorte qu’ils le restent tout au long de leur cycle de vie.

2.7.

Un produit est considéré comme «sûr» si, entre autres, il est conçu et réalisé de manière à offrir un niveau de sécurité adapté aux cyberrisques liés à son utilisation, ne comporte pas de vulnérabilités connues au moment où il est vendu, présente une configuration sécurisée par défaut, est protégé contre les connexions illicites, assure la protection des données qu’il recueille et ne collecte que celles qui servent à son fonctionnement.

2.8.

Un fabricant est considéré comme apte à commercialiser ses produits s’il fait connaître la liste de leurs différents composants logiciels, fournit rapidement des solutions gratuites en cas de nouvelles vulnérabilités, rend publiques et explique en détail celles qu’il a détectées et résolues, et vérifie régulièrement la «solidité» des produits qu’il commercialise. Ces activités, ainsi que les autres qui sont imposées par la législation sur la cyberrésilience, doivent être menées à bien tout au long de la vie d’un produit, ou au moins pendant cinq ans après sa mise sur le marché. Le fabricant est tenu d’éliminer les vulnérabilités au moyen de mises à jour logicielles régulières.

2.9.

Selon un principe général appliqué dans différents secteurs, ces obligations incombent également aux importateurs et aux distributeurs.

2.10.

La législation sur la cyberrésilience prévoit une macro-catégorie de produits et logiciels dits «normaux» pour lesquels il est possible de s’appuyer sur une auto-évaluation du fabricant, comme il en va déjà pour d’autres types de certification portant le marquage CE. Selon la Commission, 90 % des produits sur le marché relèvent de cette catégorie.

2.11.

Les produits concernés peuvent être mis sur le marché après auto-évaluation de leur cybersécurité par le fabricant, lequel fournit une documentation appropriée telle qu’établie par les lignes directrices de la réglementation. Le même fabricant est tenu de répéter l’évaluation en cas de modification du produit.

2.12.

Les produits qui font partie des 10 % restants sont répartis en deux autres catégories, la classe I pour les produits les moins dangereux et la classe II pour les plus dangereux, dont la mise sur le marché nécessite une attention accrue. Il s’agit de «produits critiques comportant des éléments numériques», dont la défaillance peut provoquer d’autres atteintes dangereuses et plus étendues en matière de sécurité.

2.13.

Pour les produits relevant de ces deux classes, les autocertifications de base ne sont admissibles que si le fabricant démontre qu’il a respecté des normes de marché spécifiques et des spécifications de sécurité ou des certifications de cybersécurité déjà prévues par l’Union européenne. Dans le cas contraire, il peut obtenir la certification du produit par un organisme de certification accrédité dont l’attestation est obligatoire pour les produits de classe II.

2.14.

Le système de classification des produits en catégories de risque figure également dans la proposition de règlement sur l’intelligence artificielle (IA). Afin d’éviter tout doute quant aux dispositions applicables, la législation sur la cyberrésilience prend en considération les produits comportant des éléments numériques qui sont simultanément classés comme des «systèmes d’IA à haut risque» au sens de la proposition relative à l’intelligence artificielle. Ces produits devront généralement respecter la procédure d’évaluation de la conformité établie par le règlement sur l’intelligence artificielle, à l’exception des «produits numériques critiques», pour lesquels les règles d’évaluation de la conformité avec la législation sur la cyberrésilience s’appliqueront en sus des exigences essentielles que ladite législation impose.

2.15.

Afin de garantir le respect de la législation sur la cyberrésilience, il est prévu une activité de surveillance, que chaque État membre devra confier à une autorité nationale. Conformément à la législation relative à la sécurité d’autres produits, si une autorité nationale constate que les caractéristiques de cybersécurité d’un produit font défaut, sa commercialisation peut être suspendue dans l’État concerné. L’ENISA est compétente pour évaluer en détail un produit signalé, et les évaluations auxquelles elle procède en cas d’insécurité constatée d’un produit peuvent conduire à la suspension de sa commercialisation dans l’Union européenne.

2.16.

Le régime sanctionnatoire de la législation sur la cyberrésilience s’appuie sur une série de sanctions, qui sont liées à la gravité de l’infraction et, en cas de violation des exigences essentielles en matière de cybersécurité des produits, peuvent atteindre 15 millions d’euros ou 2,5 % du chiffre d’affaires de l’exercice précédent.

3.   Observations

3.1.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission, qui vise à inclure une pièce maîtresse dans le cadre normatif plus large en matière de cybersécurité, en articulation avec la directive sur la sécurité des réseaux (SRI) (1) et d’une manière qui la complète, en sus de la législation sur la cybersécurité (2). En effet, des normes élevées en matière de cybersécurité jouent un rôle essentiel pour mettre en place un système solide de cybersécurité de l’Union européenne pour tous les opérateurs économiques, qui serve à garantir à ses citoyens de pouvoir utiliser en toute sécurité chaque produit mis sur le marché et à renforcer leur confiance dans le monde numérique.

3.2.

Le règlement aborde donc deux questions, à savoir que de nombreux produits présentent un faible niveau de sécurité informatique et, surtout, que nombre de producteurs ne fournissent pas de mises à jour pour remédier aux vulnérabilités de leur production. Alors que les fabricants de produits comportant des éléments numériques subissent parfois des atteintes à leur réputation lorsque leur sécurité est défaillante, le coût des vulnérabilités est principalement supporté par les utilisateurs professionnels et les consommateurs. De ce fait, ils ne sont guère incités à investir dans la conception et le développement de produits sûrs et à fournir des mises à jour de sécurité. Bien souvent, qui plus est, les entreprises et les consommateurs ne disposent pas d’informations suffisantes et précises lorsqu’il s’agit de choisir des produits sûrs et ne savent pas comment s’assurer que ceux qu’ils achètent sont configurés de manière sûre. Les nouvelles règles traitent de ces deux aspects en abordant la question des mises à jour et de la fourniture d’informations actualisées aux clients. Le CESE estime qu’à cet égard, le règlement proposé, à condition d’être correctement appliqué, est susceptible de devenir à l’échelle internationale une référence et un modèle en matière de cybersécurité.

3.3.

Le CESE accueille favorablement la proposition visant à introduire des exigences en matière de cybersécurité pour les produits comportant des éléments numériques. Il importera toutefois d’éviter tout chevauchement avec d’autres dispositions législatives en vigueur, telles que la nouvelle directive sur la sécurité des réseaux (SRI 2) (3) et le règlement sur l’intelligence artificielle.

3.4.

Le CESE juge important de souligner que, s’il est appréciable que la législation sur la cyberrésilience couvre pratiquement tous les produits numériques, sa mise en œuvre concrète pourrait soulever des problèmes, compte tenu de l’importante activité de vérification et de contrôle qu’elle suppose.

3.5.

Le champ d’application matériel de la législation sur la cyberrésilience est large et couvre tous les produits comportant des éléments numériques. Selon la définition proposée, sont ainsi concernés tous les produits logiciels et matériels ainsi que les opérations de traitement de données connexes. Le CESE suggère à la Commission de préciser si tous les logiciels relèvent du champ d’application de la proposition de règlement.

3.6.

Les producteurs seront tenus de signaler, d’une part, les vulnérabilités activement exploitées et, d’autre part, les incidents de sécurité. Ils auront à informer l’ENISA de toute vulnérabilité activement exploitée qui est contenue dans le produit et, de manière distincte, de tout incident ayant un impact sur sa sécurité, en tout état de cause dans un délai de 24 heures après en avoir eu connaissance. À cet égard, le CESE relève que l’ENISA doit être dotée des ressources numéraires adéquates et de la préparation professionnelle qui la mettront en mesure d’accomplir efficacement les tâches importantes et sensibles qui lui seront confiées en vertu du règlement.

3.7.

Qu’un certain nombre de produits entrant dans le champ d’application de la proposition soient également soumis à d’autres dispositions législatives en matière de cybersécurité pourrait créer des incertitudes quant à la législation applicable. Bien que la législation sur la cyberrésilience prévoie une cohérence avec le cadre réglementaire actuel de l’Union européenne relatif aux produits et avec d’autres propositions en cours dans le cadre de sa stratégie numérique, des chevauchements existent entre les règles, par exemple entre celles prévues pour les produits d’intelligence artificielle à haut risque, d’une part, et le règlement sur le traitement des données à caractère personnel, d’autre part. À cet égard, le CESE suggère à la Commission d’élaborer des lignes directrices spécifiques afin de guider les producteurs et les consommateurs quant à son application correcte.

3.8.

Le CESE relève que l’on ne voit pas avec toute la clarté voulue quelle sera la relation entre les autorités de certification au sens de la législation sur la cyberrésilience et d’éventuels autres organismes habilités à certifier la cybersécurité en vertu d’autres réglementations également applicables.

3.9.

En matière d’activités et de responsabilités, une lourde charge pèse sur les autorités de certification, dont il y a lieu de garantir le bon fonctionnement, afin d’éviter que la législation sur la cyberrésilience n’accroisse le poids des formalités administratives dont doivent déjà s’acquitter les producteurs pour pouvoir opérer sur le marché. À cet égard, il importerait également que les PME et les MPME, en particulier, aient accès à un soutien spécialisé qualifié, capable de fournir des services professionnels spécifiques.

3.10.

La législation sur la cyberrésilience prévoit que les autorités de certification, dans le cadre des prestations qu’elles fournissent, tiennent compte des besoins spécifiques des PME; le CESE estime toutefois qu’il y a lieu d’éclaircir les critères d’application.

3.11.

Un problème de coordination risque en outre de se poser entre les autorités de surveillance prévues par le règlement à l’examen et celles déjà actives en vertu d’une autre réglementation applicable aux mêmes produits. Le CESE suggère dès lors à la Commission d’inviter les États membres à être vigilants et, le cas échéant, à prendre des mesures pour remédier à une telle éventualité.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive (UE) 2016/1148 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union (JO L 194 du 19.7.2016, p. 1).

(2)  Règlement (UE) 2019/881 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relatif à l’ENISA (Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité) et à la certification de cybersécurité des technologies de l’information et des communications, et abrogeant le règlement (UE) no 526/2013 (règlement sur la cybersécurité) (JO L 151 du 7.6.2019, p. 15).

(3)  Directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, modifiant le règlement (UE) no 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2) (JO L 333 du 27.12.2022, p. 80).


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/105


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs

[COM(2022) 245 final]

(2023/C 100/16)

Rapporteur:

Ionuț SIBIAN

Consultation

Commission européenne, 27.10.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

23.11.2022

Date de l’adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La proposition de directive répond de manière adéquate à la nécessité d’élargir le champ d’application des mécanismes de confiscation, renforce les compétences des autorités nationales et met en place des mécanismes de coopération transfrontière pour améliorer le taux de recouvrement des avoirs.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) recommande à la Commission européenne, lorsqu’elle étend le champ d’application des mécanismes de confiscation à une nouvelle série de crimes, de préciser et de garantir que le trafic de migrants et le commerce illicite du tabac entrent dans le champ d’application de la directive proposée.

1.3.

Le CESE invite la Commission européenne à examiner comment la directive peut s’appliquer aux violations des mesures restrictives de l’Union et il juge que ce domaine doit faire l’objet d’une législation distincte. La directive proposée devrait permettre aux bureaux de recouvrement des avoirs de renforcer leur capacité de fonctionnement sans leur conférer de compétences supplémentaires.

1.4.

Il convient de garantir que le public puisse accéder à l’information, sans préjudice des procédures de recouvrement d’avoirs en cours. Le CESE suggère que la proposition de directive indique explicitement que les autorités nationales et la Commission européenne sont tenues de publier régulièrement des statistiques complètes quant aux mesures prises au titre de la directive et de garantir l’accès du public à l’information.

1.5.

Le CESE invite la Commission européenne à veiller à ce que les États membres adoptent des stratégies nationales de recouvrement des avoirs tenant pleinement compte des impératifs de transparence et d’accessibilité.

1.6.

Le CESE encourage vivement la Commission européenne à prendre toutes les précautions nécessaires au cours du processus de transposition, afin de prévenir tout abus lorsque des mesures de confiscation non fondées sur une condamnation sont prises dans les procédures de recouvrement d’avoirs.

1.7.

Le nouveau mécanisme garantissant la confiscation des avoirs qui ne sont pas directement liés à une infraction énumérée dans la directive, mais qui sont soupçonnés de constituer une propriété illicite ou de provenir d’activités criminelles, doit être assorti de normes plus strictes concernant les droits et garanties procéduraux des personnes mises en cause.

1.8.

Le CESE demande instamment à la Commission de réexaminer la disposition en matière de réutilisation sociale prévue par la proposition de directive, et d’encourager les États membres à concevoir des mécanismes qui associent les organisations de la société civile de manière prioritaire à la gestion et à l’aliénation des avoirs confisqués. La Commission devrait fixer des objectifs de réutilisation sociale des avoirs confisqués, en prévoyant un pourcentage minimal. L’intérêt public ne saurait être réduit aux actions relevant des compétences d’entités publiques.

1.9.

Le CESE estime qu’il est très important que la Commission définisse plus précisément le droit des victimes à une indemnisation et accorde la priorité aux victimes dans le classement des créanciers.

1.10.

Le CESE soutient la Commission en ce que la proposition de directive exige que chaque État membre se dote d’au moins un bureau de recouvrement des avoirs, qui doit disposer des ressources nécessaires pour remplir sa mission de manière efficiente et efficace. La Commission européenne devrait exiger des comptes rendus réguliers sur les ressources allouées dans chaque État membre, de manière à garantir des normes minimales pour le fonctionnement des bureaux de recouvrement des avoirs dans l’ensemble de l’Union.

1.11.

Le CESE prend acte de l’objectif qui consiste à accroître le recours au mécanisme des ventes anticipées en introduisant une définition de référence et en précisant les conditions dans lesquelles il devrait être utilisé. Dans le même temps, le Comité estime que le critère d’«expertise difficile à trouver» gagnerait à être remplacé par celui d’«expertise excessivement difficile à trouver». La vente doit rester une solution de dernier recours en matière de réutilisation sociale, les fonds confisqués pouvant être affectés à l’indemnisation des victimes.

1.12.

Le CESE encourage la Commission européenne à étendre le mandat des bureaux de recouvrement et de gestion des avoirs en introduisant dans la proposition de directive des dispositions adéquates concernant les accords de partage des avoirs.

1.13.

Le CESE estime qu’il convient d’inclure des outils plus concrets pour aider les fonctionnaires des pays tiers et d’encourager activement les États membres à développer la coopération avec ces pays pour optimiser les mécanismes de recouvrement des avoirs prévus dans la proposition de directive. Il en va de même pour ce qui est de mettre en œuvre les outils et instruments juridiques nécessaires pour garantir que les victimes d’infractions pénales aient pleinement droit à une indemnisation dans les pays tiers.

1.14.

Le CESE recommande à la Commission de publier des lignes directrices comparant la législation à remplacer et la nouvelle directive à approuver, afin d’encourager l’adoption de mesures qui faciliteront la transposition à venir de la proposition de directive dans les juridictions nationales et de permettre aux autorités nationales de l’aligner rapidement sur leur propre législation.

1.15.

Le CESE recommande à la Commission européenne de tirer parti des instruments de collecte de données comparatives instaurés par la proposition de directive, afin de mettre en place des mécanismes de suivi transparents avec la participation de la société civile et de mener un processus d’évaluation de l’impact de la proposition de directive au plus tard trois ans après son adoption.

2.   Informations contextuelles

2.1.

Le recouvrement des avoirs est essentiel pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, c’est-à-dire les activités liées à la criminalité organisée. La criminalité organisée repose sur l’obtention de profits qui peuvent ensuite être blanchis et introduits dans l’économie légale, ce qui fait davantage de victimes, fausse les règles du marché et perpétue la capacité de saper les marchés financiers et de provoquer des pertes pour les particuliers et les entreprises. Les cadres juridiques en matière de recouvrement des avoirs et les instruments de coopération transfrontière doivent faire l’objet d’un réexamen et d’une mise en application plus poussés, puisque seulement quelque 2 % des avoirs d’origine criminelle sont gelés et 1 % confisqué (1) au sein de l’Union.

2.2.

La première stratégie de l’Union spécifiquement consacrée à la lutte contre la criminalité organisée (2) a été adoptée en avril 2021 et s’attaque à la menace que la criminalité organisée fait peser sur les citoyens européens, les institutions publiques et l’économie dans son ensemble. L’un des piliers de cette stratégie consiste à éliminer les profits générés par la criminalité organisée et à prévenir leur infiltration dans l’économie et les entreprises légales (selon l’approche «Suivez l’argent» — Follow the money), tandis que la Commission a été invitée à prendre des mesures à la suite de la révision de la directive relative à la confiscation (3) et de la décision du Conseil sur les bureaux de recouvrement des avoirs (4).

2.3.

Le CESE a pleinement conscience et s’inquiète de longue date de la progression de la criminalité organisée et de ses coûts considérables sur les plans économique, politique et social. Le CESE a œuvré dans le droit fil de sa mission et émis des avis (5) sur des sujets liés à la lutte contre la criminalité organisée, qui ont aidé les législateurs européens à donner aux citoyens du pouvoir et de l’importance par l’intermédiaire de la société civile organisée. Le recouvrement des avoirs s’inscrit dans le cadre plus large de l’écosystème législatif de l’Union qui vise à contribuer à la justice réparatrice dont les sociétés ont besoin pour réduire le préjudice causé par les infractions pénales.

2.4.

Il ressort de l’évaluation (6) du cadre juridique actuel en matière de recouvrement des avoirs que, malgré une amélioration générale de la part des États membres, les résultats généraux en matière de confiscation des avoirs ne sont pas satisfaisants et que les nombres de confiscations dans l’Union demeurent très bas. La capacité de dépister et d’identifier des avoirs est un facteur essentiel pour améliorer le taux de réussite ainsi que pour geler et confisquer davantage d’avoirs illégaux. La révision de la législation devrait élargir le champ d’application du recouvrement d’avoirs illégaux et augmenter le nombre d’instruments correspondants, tout en renforçant les capacités des bureaux de recouvrement nationaux (7).

2.5.

Les options stratégiques pour la révision du cadre relatif au recouvrement d’avoirs ont fait l’objet d’une consultation publique en 2021. Une analyse d’impact initiale (8) a été publiée pour avis en mars 2021, suivie d’une consultation publique menée entre le 21 juin et le 27 septembre 2021 afin de recueillir les points de vue du grand public et des parties prenantes. Quatre options stratégiques ont été analysées et présentées dans le rapport d’analyse d’impact (9):

L’option 1 consiste en des mesures non législatives visant à soutenir l’échange d’expériences, de connaissances et de bonnes pratiques entre les autorités compétentes.

Dans l’option 2, les mesures consisteraient principalement en des modifications ciblées de la décision du Conseil relative aux bureaux de recouvrement des avoirs et de la directive relative à la confiscation, afin de préciser le champ d’application des exigences générales existantes et de renforcer leur efficacité. Ces mesures comprendraient l’obligation pour les États membres d’adopter une stratégie nationale en matière de recouvrement des avoirs et de veiller à ce que les autorités compétentes disposent des compétences et des ressources nécessaires. En outre, l’option 2 entraînerait des mesures visant à améliorer la coopération transfrontière entre les bureaux de recouvrement des avoirs, dont l’accès aux bases de données et l’extension des pouvoirs de gel d’avoirs.

L’option 3 contiendrait, en plus des mesures envisagées dans l’option 2, des exigences plus détaillées applicables aux États membres pour toutes les phases du processus de recouvrement, et le champ d’application de la directive relative à la confiscation serait étendu à un plus large éventail d’infractions.

Dans l’option 4, les mesures se fonderaient sur celles de l’option 3, mais le champ d’application des dispositions serait élargi à toutes les infractions et comporterait des exigences plus étendues en ce qui concerne l’ouverture d’enquêtes. En outre, des conditions plus concrètes concernant les décisions de gel urgentes et l’échange d’informations entre les bureaux de recouvrement des avoirs seraient définies.

2.5.1.

L’analyse d’impact a conclu que l’option 3 était la plus appropriée car elle offre le meilleur équilibre entre efficacité, efficience et proportionnalité, d’une part, et les diverses incidences économiques, sociales et environnementales attendues, d’autre part.

2.6.

Le 25 mai 2022, la Commission a proposé une nouvelle directive relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs, qui remplacerait la directive relative à la confiscation, la décision du Conseil relative aux bureaux de recouvrement des avoirs et la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil (10) en vigueur. L’objectif est d’établir des normes communes pour le dépistage, l’identification, le gel, la gestion et la confiscation des avoirs dans un instrument unique qui garantirait une approche plus cohérente et plus stratégique pour tous les acteurs du système de recouvrement d’avoirs.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

L’approche générale de la proposition de directive est conforme à ses objectifs, à savoir, tout d’abord, renforcer les capacités des autorités concernées à identifier, geler et gérer les avoirs illicites; ensuite, renforcer et étendre les capacités de confiscation d’avoirs illicites; et, enfin, améliorer la coopération entre toutes les autorités concernées par le recouvrement d’avoirs.

3.2.

La directive proposée est susceptible d’accroître l’efficience et l’efficacité des mécanismes de recouvrement d’avoirs en imposant un ensemble de règles minimales en matière de dépistage et d’identification, de gel, de confiscation et de gestion des biens en matière pénale, et de faciliter la mise en œuvre des mesures restrictives de l’Union lorsque cela est nécessaire. Toutefois, la proposition de directive devrait s’accompagner d’une législation et de mesures supplémentaires concernant les violations des mesures restrictives de l’Union, tandis que la Commission devrait évaluer soigneusement s’il est possible d’empêcher que les bureaux de recouvrement des avoirs ne voient s’affaiblir leur capacité à remplir leur mission principale.

3.3.

Le CESE estime que la proposition de disposition qui impose à chaque État membre d’adopter une stratégie nationale de recouvrement des avoirs permettra d’établir une approche plus stratégique dans ce domaine, favorisera une coopération accrue entre les autorités compétentes et fournira une vue d’ensemble claire des résultats du recouvrement des avoirs.

3.4.

L’élargissement du champ d’application des mécanismes de confiscation permettra aux autorités judiciaires nationales d’appliquer la confiscation élargie à un ensemble d’infractions plus large que ne l’autorise la directive relative à la confiscation actuellement en vigueur. Le CESE se félicite que la proposition de directive présente un champ d’application plus large, qui comble une lacune de la directive relative à la confiscation en ce qui concerne une importante liste d’infractions pénales, dans la mesure où celles-ci sont commises dans le cadre d’une organisation criminelle, à savoir notamment la criminalité environnementale, le trafic d’organes, le trafic de biens culturels, l’enlèvement, la séquestration ou la prise d’otages, ainsi que le trafic de véhicules volés. Dans le même temps, la proposition de directive ne mentionne pas explicitement le trafic de migrants et le commerce illicite du tabac malgré les recettes importantes que ces marchés criminels génèrent chaque année [estimées respectivement à 289,4 millions d’euros et à 8 309,3 millions d’euros (11)].

3.5.

Donner aux autorités compétentes un accès immédiat et direct aux informations d’autres autorités nationales, telles que les bureaux des contributions ou les registres immobiliers nationaux, renforcera la capacité des bureaux de recouvrement des avoirs à agir et à réagir efficacement et en temps utile. Dans le même temps, il convient de garantir que le public puisse accéder à l’information, sans préjudice des procédures en cours au niveau tant national qu’européen.

3.6.

La proposition de directive étend la liste des situations pouvant donner lieu à des mesures de confiscation non fondée sur une condamnation découlant d’une procédure pénale, pour y inclure d’autres cas dans lesquels une condamnation pénale n’est pas possible en raison de circonstances objectives qui relèvent d’une immunité, d’une amnistie ou de l’expiration d’un délai de prescription. Le CESE reconnaît les efforts déployés par la Commission pour limiter ces cas de figure, étant donné qu’ils peuvent être utilisés de manière abusive ou à des fins de harcèlement ou de persécution.

3.7.

La proposition de directive comprend un nouveau mécanisme de confiscation garantissant la confiscation des avoirs qui ne sont pas directement liés à une infraction énumérée dans la directive, mais qui sont soupçonnés de constituer une propriété illicite ou de provenir d’activités criminelles. Malgré la procédure judiciaire obligatoire précédant la décision de confiscation et la charge de la preuve incombant au ministère public pour lier les avoirs en question à une activité criminelle, davantage de garanties sont nécessaires pour exclure tout risque d’abus au cours de la procédure. Les juridictions nationales adoptent différentes approches qui vont de la confiscation en droit civil jusqu’aux procédures pénales. La proposition de directive devrait inclure des normes relatives aux droits et garanties procéduraux des défendeurs et veiller à ce que les juges et les procureurs aient accès à une formation appropriée.

3.8.

Sachant que la disposition relative à la réutilisation sociale prévue par la directive sur la confiscation n’a qu’une incidence limitée, il faudrait encourager davantage les États membres à inclure des mesures adéquates pour garantir l’efficacité de cette disposition. Le CESE appelle la Commission européenne à se montrer plus ambitieuse dans ses efforts pour concrétiser la réutilisation sociale des avoirs confisqués, et à imposer aux États membres un pourcentage minimal en la matière. Il est d’une importance capitale pour la cohésion sociale que les collectivités touchées reçoivent directement des dommages-intérêts en réparation et qu’elles en tirent profit. En outre, elles doivent être mieux accompagnées pour les aider à renforcer leur résilience face à la criminalité organisée, tandis que la société civile doit être associée à la gestion et à l’aliénation des avoirs confisqués.

3.9.

Comme indiqué également dans la directive relative à la confiscation, le droit à l’indemnisation des victimes n’est pas affecté par les mesures de confiscation. Toutefois, la proposition de directive ne garantit toujours pas que l’indemnisation des victimes ait la priorité dans l’ordre de classement des créanciers. Dans le même temps, les citoyens de pays tiers ne sont pas suffisamment protégés par la directive proposée ni par d’autres actes législatifs de l’Union, car ces textes se concentrent sur les citoyens européens.

3.10.

Le rapport d’analyse d’impact met en évidence les lacunes suivantes: un manque de précision quant au rôle des bureaux de recouvrement des avoirs, ainsi qu’une insuffisance des ressources humaines, financières et techniques allouées au dépistage des avoirs. La proposition de directive apporte une réponse à ces constats et exige que chaque État membre mette en place au moins un bureau de recouvrement des avoirs. Il convient de saluer l’obligation explicite de fournir des ressources suffisantes pour garantir l’efficience et l’efficacité de ces bureaux. Toutefois, elle devrait s’accompagner de la nécessité pour chaque État membre de faire régulièrement rapport à la Commission sur les ressources allouées, afin que celle-ci puisse évaluer s’il existe une fragmentation ou un déséquilibre entre les différents bureaux de recouvrement des avoirs.

3.11.

Les coûts liés à la gestion des avoirs gelés et/ou confisqués peuvent être importants, voire supérieurs à la valeur des biens concernés. La proposition de directive prévoit l’obligation pour les autorités compétentes d’évaluer les coûts avant d’émettre une décision de gel. Le CESE accueille favorablement cette mesure, qui constitue un instrument efficace et utile destiné à réduire les coûts nécessaires et à maximiser la valeur ultérieure de l’avoir.

3.12.

Le mécanisme de ventes anticipées, qui pourrait contribuer à une gestion plus efficace des avoirs gelés, peut être appliqué dans des cas limités qui sont désormais énumérés dans la proposition de directive. Bien que ce dispositif soit disponible dans la plupart des États membres, il est utilisé à une échelle réduite et de façon très variable. La proposition de directive est susceptible d’améliorer le recours à ce mécanisme en introduisant une définition unique et en précisant les conditions dans lesquelles il devrait être utilisé.

3.13.

L’absence de statistiques complètes et comparables a été considérée comme une lacune majeure dans l’amélioration de l’efficacité du système de recouvrement des avoirs. À cet égard, la proposition de directive impose à chaque État membre d’établir un registre du recouvrement des avoirs qui, tout au long du processus de recouvrement, recueillera des informations encodées auprès des autorités compétentes.

3.14.

Le CESE estime que réunir au sein d’une même directive toutes les dispositions juridiques pertinentes en matière de recouvrement des avoirs est conforme au programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT) de la Commission et aidera les autorités compétentes et les parties prenantes à mieux comprendre les règles et à améliorer la mise en œuvre et l’efficacité des mesures destinées à augmenter le taux de recouvrement des avoirs illicites dans les juridictions nationales.

3.15.

Les bureaux de gestion des avoirs seront des organismes spécialisés mis en place ou désignés dans chaque État membre pour assurer la gestion efficace des biens gelés et confisqués et pour coopérer avec les autres autorités compétentes chargées du dépistage, de l’identification, du gel, de la confiscation et de la gestion de ces biens, soit au niveau national, soit dans les affaires transfrontières. La directive proposée définit plus précisément les rôles et les tâches des bureaux et apporte davantage de clarté aux États membres dans la définition de leur infrastructure de recouvrement des avoirs.

3.16.

L’aliénation ou la restitution d’avoirs dans le cadre de procédures transfrontières devrait faire l’objet d’accords de partage des avoirs, conclus par les États membres concernés. Il peut exister de grandes variations entre les systèmes nationaux pour ce qui est des autorités compétentes et des procédures à suivre pour conclure de tels accords. La proposition de directive ne comporte pas de dispositions spécifiques sur ce point. Aussi devrait-elle conférer explicitement aux bureaux de recouvrement et de gestion des avoirs les compétences utiles en la matière.

3.17.

La coopération avec les pays tiers revêt une importance particulière, car la criminalité organisée existe aussi au-delà des frontières européennes et présente des risques importants pour la sécurité intérieure de l’Union. La criminalité organisée est aujourd’hui mieux interconnectée, plus internationale et plus numérique, et il importe de veiller à ce que les autorités des pays tiers soient en mesure de coopérer avec leurs homologues des États membres. Divers instruments d’assistance et de soutien devraient être envisagés pour renforcer la mise en œuvre de la directive proposée.

3.18.

Les instruments de consultation utilisés par la Commission avant la proposition de directive étaient inclusifs et adaptés, pour ce qui est de la durée et des méthodes, à la diversité des parties prenantes — en particulier les autorités compétentes, les professionnels, les organisations professionnelles, les organisations de la société civile et le grand public. Le CESE reconnaît les efforts déployés par la Commission pour mettre à disposition des données et des informations fiables sur la situation et les progrès des États membres et de l’Union dans son ensemble dans le domaine du recouvrement des avoirs illicites. Des efforts similaires devraient être entrepris au cours de la phase de transposition de la directive dans la législation nationale et pendant la phase d’évaluation de sa mise en œuvre.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Europol, Does crime still pay? Criminal Asset Recovery in the EU (Le crime paie-t-il encore? Le recouvrement des avoirs d’origine criminelle dans l’UE) — Enquête statistique 2010-2014, 2016.

(2)  Communication de la Commission relative à la stratégie de l’UE visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025) [COM(2021) 170 final du 14.4.2021].

(3)  Directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne (JO L 127 du 29.4.2014, p. 39).

(4)  Décision 2007/845/JAI du Conseil du 6 décembre 2007 relative à la coopération entre les bureaux de recouvrement des avoirs des États membres en matière de dépistage et d’identification des produits du crime ou des autres biens en rapport avec le crime (JO L 332 du 18.12.2007, p. 103).

(5)  Les avis du CESE sur la question incluent notamment l’avis sur le paquet «Union de la sécurité» (JO C 323 du 26.8.2022, p. 69), la série d’avis sur la législation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, dont le plus récent concerne le train de mesures législatives de 2021 sur la lutte contre le blanchiment de capitaux (JO C 152 du 6.4.2022, p. 89), l’avis sur la stratégie visant à lutter contre la criminalité organisée pour la période 2021-2025 (JO C 517 du 22.12.2021, p. 91), l’avis sur le renforcement du mandat d’Europol (JO C 341 du 24.8.2021, p. 66), l’avis relatif aux contrôles d’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union (JO C 246 du 28.7.2017, p. 22), l’avis sur le programme européen en matière de sécurité (JO C 177 du 18.5.2016, p. 51) et l’avis sur le thème «Faire de l’Europe ouverte et sûre une réalité» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 96).

(6)  Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil, «Recouvrement et confiscation d’avoirs: Garantir que le crime ne paie pas» [COM(2020) 217 final].

(7)  Conformément aux «Conclusions du Conseil sur le renforcement des enquêtes financières en vue de lutter contre la grande criminalité organisée», document du Conseil no 8927/20, du 17 juin 2020.

(8)  Donnez votre avis: Lutte contre la criminalité organisée — Renforcement du mandat des bureaux de recouvrement des avoirs de l’UE.

(9)  Commission européenne, Rapport d’analyse d’impact accompagnant le document intitulé «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs», 2022.

(10)  Décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime (JO L 68 du 15.3.2005, p. 49).

(11)  Commission européenne, direction générale de la migration et des affaires intérieures, Mapping the risk of serious and organised crime infiltrating legitimate businesses: final report, Disley, E., Hulme, S., Blondes, E., Office des publications, 2021.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/111


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur (législation européenne sur la liberté des médias) et modifiant la directive 2010/13/UE

[COM(2022) 457 final — 2022/0277(COD)]

(2023/C 100/17)

Rapporteur:

Christian MOOS

Corapporteur:

Tomasz Andrzej WRÓBLEWSKI

Consultation

Parlement européen, 17.10.2022

Conseil de l’Union européenne, 28.10.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

23.11.2022

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

155/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La liberté et le pluralisme des médias revêtent une importance fondamentale pour l’état de droit et la démocratie libérale. Le Comité économique et social européen (CESE) déplore les évolutions inquiétantes à cet égard à l’œuvre au sein de l’Union. Aussi se félicite-t-il des initiatives de la Commission européenne en faveur de la liberté des médias.

1.2.

Le CESE se demande si l’approche liée à l’achèvement du marché intérieur des médias peut suffire pour protéger la liberté et le pluralisme des médias. Préserver ou rétablir l’une et l’autre devrait constituer l’objectif principal, sans compter qu’il existe un lien entre bien-être économique et liberté des médias.

1.3.

Le CESE se félicite que la Commission européenne ait conscience que la concentration du marché des médias, qui engendre des situations de monopole, peut constituer une menace importante pour la liberté et la pluralité des médias. Toutefois, cette concentration peut s’avérer judicieuse et ne doit pas forcément produire de telles conséquences négatives.

1.4.

Se contenter de recommandations et d’une approche non contraignante ne suffit pas. La liberté et l’indépendance des médias doivent constituer un critère obligatoire dans le cadre des rapports et du mécanisme pour l’état de droit.

1.5.

Le CESE accueille favorablement les propositions destinées à renforcer et à défendre l’indépendance éditoriale, tout en insistant sur la nécessité de préserver celle des journalistes et des éditeurs.

1.6.

Les médias publics n’ont de sens que s’ils sont impartiaux et parfaitement indépendants de toute influence politique. Qu’ils disposent de ressources financières suffisantes et stables constitue un garde-fou essentiel à cet égard, pour autant qu’un système efficace de contrôles garantisse l’efficacité de cette dépense.

1.7.

Le CESE estime qu’il importe de disposer d’exigences contraignantes en matière de transparence de la propriété des médias. Pour les petits médias, les obligations ainsi posées ne doivent pas entraîner une charge administrative excessive.

1.8.

Le CESE s’inquiète du manque d’indépendance de certains organismes nationaux de régulation et demande un cadre qui permette d’asseoir leur indépendance.

1.9.

Le CESE se félicite de l’institution d’un comité européen pour les services de médias, tout en insistant sur sa pleine indépendance, car l’Union devrait servir de modèle pour les bonnes pratiques lorsqu’il s’agit d’assurer l’indépendance complète des organismes nationaux de régulation. Il ne serait pas judicieux que des organismes nationaux de régulation qui en sont dépourvus y participent.

1.10.

Le CESE souligne l’importance que revêt la transparence dans tous les processus liés à la modération des contenus sur les très grandes plateformes en ligne.

1.11.

Le Comité recommande de définir des normes européennes minimales conformément aux dispositions en vigueur de la législation de l’Union en matière de contrôle des concentrations. Il invite les législateurs à adopter des règles contraignantes en respectant dûment la liberté d’entreprise et en évitant d’imposer des coûts et des démarches bureaucratiques inutiles.

1.12.

Lorsque les organismes nationaux de régulation s’abstiennent d’évaluer suffisamment la concentration du marché des médias, la Commission européenne devrait intervenir et agir conformément aux dispositions en vigueur de la législation de l’Union en matière de contrôle des concentrations.

1.13.

Le CESE salue le caractère contraignant des dispositions relatives à la transparence en matière d’allocation des dépenses pour la publicité d’État.

1.14.

Le CESE se félicite de la surveillance annuelle et demande que les parties prenantes concernées et la société civile soient consultées à cet égard. Il propose d’en élargir le champ d’application de manière à traiter également de tout autre aspect pertinent pour protéger la liberté et la pluralité des médias.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE réitère la position qu’il a exprimée récemment quant à l’importance que revêtent la liberté et le pluralisme des médias pour la démocratie libérale et l’état de droit, auxquels tous les États membres sont tenus de se conformer en vertu des traités de l’Union qu’ils ont ratifiés, comme le CESE l’a indiqué dans son avis d’initiative détaillé sur le thème «Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe» (1), dans son avis relatif au «Plan d’action pour la démocratie européenne» (2) et dans celui consacré aux procédures judiciaires stratégiques altérant le débat public (3).

2.2.

Dans son discours sur l’état de l’Union de 2021 (4), la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a affirmé à juste titre que l’information est un bien public. Sans un accès libre à des informations fiables et indépendantes, les citoyens de l’Union ne peuvent exercer leur droit de participer à la vie démocratique de l’Union, garanti par l’article 10 du traité sur l’Union européenne (TUE).

2.3.

Globalement, le continent européen reste doté de médias libres et diversifiés, mais l’Union a connu dernièrement des évolutions alarmantes. Pour ce qui est des garde-fous réglementaires à même de protéger efficacement la liberté des médias, la protection des journalistes demeure une préoccupation majeure, notamment à cause du manque d’instruments destinés à lutter contre les poursuites stratégiques altérant le débat public. Les conclusions de l’instrument de surveillance du pluralisme des médias pour 2022 (5) montrent aussi que la pluralité des marchés fait face au niveau de risque le plus élevé dans tous les domaines couverts par l’étude. Alors que l’indépendance politique n’a pas progressé ces dernières années, l’instrument de surveillance souligne que les améliorations dans ce domaine sont largement entravées par l’absence de mécanismes efficaces pour protéger l’autonomie éditoriale dans la plupart des pays.

2.4.

Outre les menaces internes pesant sur la liberté des médias, l’Union est confrontée à des ingérences extérieures qui cherchent à manipuler les débats publics en Europe. Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, protéger la liberté et le pluralisme des médias contribue grandement à la résilience de l’Union face aux menaces extérieures.

2.5.

Néanmoins, certaines évolutions positives montrent aussi que la législation de l’Union peut faire la différence. L’instrument de surveillance du pluralisme des médias 2022 a relevé, dans quatre pays, une évolution positive concernant l’indicateur «Protection du droit à l’information» et attribue cette amélioration à la transposition de la directive (UE) 2019/1937 (6) sur la protection des lanceurs d’alerte.

2.6.

Dès lors, le CESE salue sur le principe l’initiative de la Commission relative à une législation européenne sur la liberté des médias (7) et sa recommandation concernant des garde-fous internes destinés à protéger l’indépendance éditoriale et la transparence de la propriété dans le secteur des médias (8), en ce qu’elles constituent la prochaine grande étape pour protéger la liberté et le pluralisme des médias, et donc la démocratie libérale au sein de l’Union.

2.7.

Le CESE souligne combien il importe que la législation européenne sur la liberté des médias prenne la forme d’un règlement ayant un effet direct, mais il se demande si l’approche non contraignante de la recommandation peut s’avérer efficace pour atteindre ses objectifs. De simples recommandations ne sauraient suffire à garantir la liberté et le pluralisme des médias dans les États membres. La liberté et l’indépendance des médias doivent être des critères contraignants lorsqu’il s’agit d’établir le rapport sur l’état de droit et de déclencher le mécanisme prévu pour les États membres où des gouvernements bafouent ces deux principes.

2.8.

La base juridique du règlement est l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui permet le rapprochement des législations nationales ayant pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Étant donné que les difficultés et lacunes sous-jacentes sont de nature hautement politique et ont trait au fonctionnement des systèmes démocratiques reposant sur l’état de droit, le CESE se demande si l’approche liée à l’achèvement du marché intérieur des médias peut suffire pour protéger la liberté et le pluralisme des médias.

2.9.

La proposition de règlement poursuit cinq objectifs distincts: a) harmoniser les règles et procédures nationales pour surmonter les obstacles qui entravent les activités et les investissements des entreprises de médias sur le marché intérieur; b) supprimer les verrous qui empêchent les éditeurs étrangers d’investir sur les marchés domestiques locaux; c) renforcer la liberté éditoriale de tous les médias, sans pour autant restreindre les droits des éditeurs privés; d) garantir l’indépendance des médias publics par la mise en place de mécanismes permanents échappant à toute influence politique; et e) réglementer l’allocation des ressources économiques, c’est-à-dire de la publicité d’État. Le CESE émet des réserves quant à la hiérarchie des objectifs énumérés, estimant que l’objectif principal devrait être de préserver ou rétablir la liberté et le pluralisme des médias, plutôt que de se concentrer sur des questions économiques, à moins que celles-ci ne soient clairement liées à la liberté des médias.

2.10.

Il ressort clairement de la proposition de règlement que la Commission souhaite se concentrer sur les «distorsions» du marché intérieur et ouvrir le marché des médias à une concurrence transfrontière accrue, notamment pour les services de médias audiovisuels et le partage de vidéos. Le champ d’application réel du règlement est donc beaucoup plus restreint que son titre ne le laisse à penser. Le CESE est d’avis que cette approche ne suffira pas à défendre efficacement et, le cas échéant, à rétablir la liberté et la pluralité des médias, qui sont menacées dans presque tous les États membres, voire pratiquement abolies dans certains cas graves, avec toutes les conséquences dévastatrices qui en découlent pour le travail et la sécurité des journalistes, ainsi que pour l’intégrité du débat public et de l’information. L’ouverture du marché impose de garantir les mêmes normes de protection de la liberté d’expression, de manière que l’accès élargi au marché ne débouche pas sur une monopolisation du marché par des acteurs étrangers, en particulier dans les pays les plus pauvres.

2.11.

Le CESE accueille favorablement les propositions destinées à renforcer et à défendre l’indépendance éditoriale, tout en insistant sur la nécessité de préserver l’indépendance des journalistes et des éditeurs, c’est-à-dire leur droit de formuler une ligne éditoriale de publication. Le Comité observe une influence politique et économique croissante dans plusieurs pays de l’Union, tant dans les médias publics que dans les médias privés très proches du pouvoir. Cette situation est incompatible avec la mission des médias en tant que quatrième pouvoir. La proposition de règlement ne précise pas comment concilier l’indépendance éditoriale avec les droits et intérêts légitimes des éditeurs et des propriétaires de médias privés.

2.12.

Le CESE soutient les mesures visant à renforcer la résilience face à la manipulation de l’information et à l’ingérence étrangères, pour autant que ces dispositifs ne portent pas atteinte à la liberté d’expression au sein de l’Union européenne.

2.13.

La législation européenne sur la liberté des médias met en évidence la nécessité de financer le secteur des médias, comme le suggérait le CESE dans son avis sur le thème «Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe» (9). Néanmoins, les outils mis en place restent insuffisants pour garantir un journalisme de qualité et la diversité des médias dans les États membres. Dans le même temps, le Comité estime que les conditions les plus propices à la liberté des médias résident dans un cadre réglementaire qui leur permette de se financer grâce à ce qu’ils proposent sur le marché. Les médias publics n’ont de sens que s’ils sont impartiaux et parfaitement indépendants de toute influence politique, faute de quoi le financement public peut conduire à toutes sortes d’abus et de manipulations de la part des gouvernements. Tout projet de financement des médias devrait reposer sur des règles particulièrement transparentes et sur des garanties d’indépendance politique pour les journalistes.

2.14.

Le CESE soutient le rapport final de la conférence sur l’avenir de l’Europe (10) et son vigoureux plaidoyer quant à la nécessité de promouvoir l’indépendance et le pluralisme des médias (propositions 27.1 et 37.4), que la Commission cite sans suivre la hiérarchisation inhérente à ces propositions.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE est favorable au droit accordé aux destinataires et fournisseurs de services de médias, en vertu de l’article 3, «de recevoir des contenus d’information et d’actualité divers, produits dans le respect de la liberté éditoriale des fournisseurs de services de médias, dans l’intérêt du discours public».

3.2.

Le CESE s’interroge sur le champ d’application restreint de l’article 4, paragraphe 2, point c), qui se limite au déploiement de logiciels espions et vise uniquement les «produit[s] comportant des éléments numériques»; il propose d’interdire le déploiement de tout dispositif ou technologie pouvant être utilisé à des fins de surveillance.

3.3.

Le CESE souligne l’importance de prévoir des mesures destinées à garantir l’indépendance des fournisseurs de médias de service public et à leur assurer des ressources financières suffisantes et stables (article 5), mais il convient de mettre en place un système efficace de contrôles pour veiller à ce que les ressources soient dépensées efficacement. Le Comité considère qu’un organisme indépendant serait le plus à même de définir le montant adéquat du financement requis pour que les fournisseurs de médias de service public puissent remplir leur mission, pour autant que la nomination dudit organisme ne découle pas de considérations politiques. La tendance actuelle qui consiste à politiser la question du financement des fournisseurs de services publics de médias constitue une menace considérable pour la liberté des médias.

3.4.

Le CESE estime que les obligations des fournisseurs de services de médias, telles qu’elles sont définies à l’article 6, paragraphe 1, ne suffisent pas à garantir la transparence de la propriété des médias. L’opacité en la matière joue un rôle important dans le non-respect de la liberté éditoriale et dans l’absence de journalisme de qualité (selon les normes journalistiques). Les fournisseurs de services de médias ainsi que les plateformes en ligne doivent, en toute transparence, communiquer les informations concernant leur propriété aux utilisateurs des médias. La protection des données et de la vie privée ne doit pas faire obstacle à la transparence en matière de propriété des médias. Pour les petits médias, les obligations ainsi posées ne doivent pas entraîner une charge administrative excessive.

3.5.

Le CESE recommande de compléter les exigences contraignantes en matière de transparence prévues au considérant 20 de la proposition de la Commission par les obligations qui sont énoncées aux paragraphes 4.1 à 4.6 de l’annexe à la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux États membres sur le pluralisme des médias et la transparence de leur propriété (11).

3.6.

Le CESE estime que l’approche non contraignante de la proposition de la Commission risque de produire une mosaïque réglementaire qui nuirait à l’intégrité du marché commun et aux objectifs de la directive.

3.7.

Le CESE estime que la mention, à l’article 7, des exigences énoncées à l’article 30 de la directive 2010/13/UE (12) est trop vague pour garantir l’indépendance des autorités ou organismes de régulation nationaux. Il recommande dès lors de définir un cadre garantissant l’indépendance des organismes nationaux de régulation et de prévoir des instruments pour pallier tout manque d’indépendance de leur part.

3.8.

Le CESE juge inacceptable qu’un représentant d’une autorité nationale ou d’un organe national, qui ne jouit pas d’une indépendance totale, participe au processus décisionnel du comité européen pour les services de médias que la proposition entend instituer. Le règlement doit définir des critères clairs pour ce qui est d’évaluer l’indépendance des autorités ou organismes nationaux.

3.9.

Le CESE estime que le comité européen pour les services de médias proposé n’est pas indépendant de la Commission européenne, et invite le législateur européen à en garantir la pleine indépendance. En effet, ce comité ne peut exercer aucune mission de surveillance ou de régulation s’il ne jouit pas d’une indépendance totale vis-à-vis de la Commission européenne.

3.10.

Le CESE recommande de reformuler l’article 10, paragraphe 5, comme suit: «La Commission désigne un(e) représentant(e) au comité. Le (la) représentant(e) de la Commission peut participer aux réunions du comité, sans disposer du droit de vote.»

3.11.

Le CESE préconise de reformuler l’article 10, paragraphe 6, comme suit: «Le comité peut inviter d’autres experts et observateurs à assister à ses réunions.»

3.12.

S’agissant de l’article 11, le CESE rejette la décision de la Commission de privilégier la sous-option A, qui prévoit d’établir un comité européen pour les services de médias avec le soutien d’un secrétariat de la Commission. Seule la sous-option B est à même de garantir l’indépendance dudit comité, en proposant qu’il soit assisté par un office de l’Union indépendant.

3.13.

Le CESE se félicite que soit prévu un dialogue structuré avec toutes les parties prenantes, et explicitement avec la société civile, comme le précise l’article 12, point l). Le CESE, qui représente les principaux segments de la société civile, dont les partenaires sociaux, peut contribuer par son expertise à ce dialogue structuré.

3.14.

Le CESE apprécie les dispositions relatives à la coopération structurée, y compris l’assistance mutuelle, entre les autorités et organismes de régulation nationaux. Toutefois, il recommande d’élargir le champ d’application de l’article 13, paragraphe 2, au-delà des risques concernant le fonctionnement du marché intérieur des services de médias, la sécurité publique et la défense, pour inclure également d’autres risques qui menacent la liberté et la diversité des médias, ainsi que ceux qui pèsent sur l’indépendance politique des autorités et organismes de régulation.

3.15.

Le CESE salue les efforts prévus à l’article 17 qui visent à mieux protéger les contenus des fournisseurs de services de médias sur les très grandes plateformes en ligne, et souligne l’importance que revêt la transparence dans tous les processus liés à la modération des contenus sur ces très grandes plateformes, à condition que le fonctionnement de ces dernières ne soit pas perturbé par les obligations visées dans cet article. Le Comité est favorable au dialogue structuré prévu à l’article 18 et souligne l’importance d’associer la société civile lorsqu’il s’agit d’évaluer l’application de l’article 17.

3.16.

Le CESE se félicite du droit des utilisateurs à personnaliser les paramètres par défaut des médias audiovisuels, comme le prévoit l’article 19. Pour que ce droit soit mis en pratique, la convivialité des appareils et/ou des interfaces utilisateur revêt une importance cruciale. Il convient toutefois de ne pas porter atteinte à la capacité opérationnelle des fabricants et des développeurs, ni de limiter leur développement futur. Ces dispositifs doivent être conçus de manière conviviale et utiliser un langage simple.

3.17.

Le CESE propose par ailleurs d’accorder au comité européen pour les services de médias (au titre de l’article 20, paragraphe 4) le droit de rédiger un avis d’initiative lorsqu’une mesure législative, réglementaire ou administrative nationale est susceptible d’avoir une incidence sur le fonctionnement du marché intérieur des services de médias.

3.18.

Le CESE se dit une nouvelle fois préoccupé par le fait qu’une approche s’appuyant exclusivement sur le marché n’est pas suffisante pour garantir la pluralité et la liberté des médias en Europe. S’il reconnaît que la dimension des entreprises peut contribuer à la viabilité économique des fournisseurs de services de médias sur le marché correspondant, le Comité se félicite que la Commission européenne ait conscience que la concentration du marché des médias peut constituer une menace importante pour la liberté et la pluralité des médias.

3.19.

Le CESE accueille favorablement les mesures proposées à l’article 21 en vue d’accroître la transparence en matière de concentration sur le marché des médias, en ce qu’elles constituent une première avancée pour maîtriser les menaces que de telles concentrations font peser sur la liberté et le pluralisme des médias. La concentration du marché ne porte pas nécessairement atteinte à la liberté et à la diversité des médias dans la mesure où, par exemple, elle aide les petits médias à survivre, mais il est impératif d’intervenir contre les concentrations qui conduisent à des monopoles de l’information. L’Union doit notamment lutter contre la captation de médias par des magnats et oligarques du secteur des médias, qui entretiennent souvent des relations étroites avec des responsables politiques nationaux de premier plan, voire avec des gouvernements de pays tiers.

3.20.

Le CESE rappelle que les marchés des médias restent très morcelés et demande que la concentration du marché soit évaluée non seulement par rapport au marché national des services de médias, mais aussi par rapport aux marchés fragmentés au niveau infranational ou régional. En effet, dans les zones ne comptant qu’un seul média régional, la concentration du marché constitue une grave menace pour la liberté et le pluralisme des médias.

3.21.

Le CESE estime que les lignes directrices émises par la Commission «sur les éléments à prendre en compte lors de l’application des critères permettant […] d’évaluer les effets […] des concentrations sur le marché des médias» sont insuffisantes pour garantir que les évaluations puissent être comparées dans l’ensemble de l’Union. Pour ces évaluations, le Comité recommande de définir des normes européennes minimales, auxquelles tous les États membres devront se conformer. Ces derniers sont invités à fournir des évaluations plus détaillées et plus approfondies, allant au-delà des prescriptions minimales de l’Union.

3.22.

Les exigences non contraignantes en matière de transparence restent néanmoins insuffisantes face à la menace que la concentration du marché représente aujourd’hui pour la liberté et le pluralisme des médias. Dès lors, le CESE invite les législateurs européens à adopter des règles contraignantes concernant la concentration des médias, tout en respectant la liberté de décision entrepreneuriale. En revanche, ces dispositions ne peuvent pas soumettre les médias ou les institutions médiatiques à une charge administrative accrue et à des procédures coûteuses.

3.23.

Le CESE recommande également d’accorder au comité européen pour les services de médias (au titre de l’article 22) le droit d’élaborer un avis d’initiative «[e]n l’absence d’une évaluation ou d’une consultation conformément à l’article 21». Il est insuffisant de déléguer aux États membres la tâche d’évaluer la concentration du marché, étant donné que certains gouvernements la soutiennent activement pour réduire au silence les voix critiques et les médias d’opposition.

3.24.

Le CESE rappelle que les distorsions observées sur le marché intérieur des services de médias compromettent également la liberté et la pluralité des médias, lorsque ces distorsions sont limitées à des parties spécifiques du marché commun, au niveau national, régional, voire local. Dans tous ces cas, le comité européen pour les services de médias doit avoir le droit de lancer une évaluation de la concentration des médias si les autorités ou organismes de régulation nationaux ne le font pas.

3.25.

Le CESE préconise de confier au comité européen pour les services de médias la tâche de réaliser des évaluations concernant d’autres menaces qui pèsent sur la liberté et le pluralisme des médias lorsque les autorités ou organismes de régulation nationaux ne s’en chargent pas.

3.26.

Le CESE salue le caractère contraignant des dispositions de l’article 24 relatives à la transparence en matière d’allocation des dépenses pour la publicité d’État. Cependant, il considère qu’en exempter les entités territoriales de plus d’un million d’habitants revient à créer une échappatoire pour déroger à l’obligation de transparence. Conscient que la charge administrative liée aux obligations de déclaration doit être proportionnée, le Comité propose de définir un seuil minimal pour les dépenses réalisées par une administration nationale, régionale ou locale. Ainsi, les exigences de transparence ne seraient pas applicables si le total des dépenses annuelles qu’une entité consacre à la publicité d’État reste inférieur à ce seuil.

3.27.

Le CESE se félicite de la surveillance annuelle prévue à l’article 25 et demande que la société civile et les parties prenantes concernées soient consultées au cours de cet exercice de surveillance. Il est toutefois insuffisant d’en limiter l’objet au fonctionnement du marché intérieur des services de médias. Le Comité propose ainsi d’en élargir le champ d’application de manière à couvrir également tout autre aspect pertinent pour protéger la liberté et la pluralité des médias. Il recommande de confier au comité européen pour les services de médias la tâche d’élaborer une série d’indicateurs pour cet exercice de surveillance.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe» (avis d’initiative) (JO C 517 du 22.12.2021, p. 9).

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au plan d’action pour la démocratie européenne [COM(2020) 790 final] (JO C 341 du 24.8.2021, p. 56).

(3)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives («poursuites stratégiques altérant le débat public») [COM(2022) 177 final — 2022/0117 (COD)] (JO C 75 du 28.2.2023, p. 143).

(4)  Commission européenne, 2021, Discours sur l’état de l’Union de la présidente von der Leyen, Strasbourg, 15 septembre 2021.

(5)  Institut universitaire européen, Centre pour le pluralisme et la liberté des médias, «Application of the Media Pluralism Monitor in the European Union, Albania, Montenegro, the Republic of North Macedonia, Serbia and Turkey in the year 2021» (Mise en application de l’instrument de surveillance du pluralisme des médias en 2021 dans l’Union européenne, en Albanie, au Monténégro, en République de Macédoine du Nord, en Serbie et en Turquie; en anglais), San Domenico di Fiesole, 2022.

(6)  Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).

(7)  COM(2022) 457 final.

(8)  Recommandation (UE) 2022/1634 de la Commission du 16 septembre 2022 concernant des garde-fous internes destinés à protéger l’indépendance éditoriale et la transparence de la propriété dans le secteur des médias (JO L 245 du 22.9.2022, p. 56).

(9)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe» (avis d’initiative) (JO C 517 du 22.12.2021, p. 9).

(10)  Conférence sur l’avenir de l’Europe, «Rapport sur les résultats finaux», mai 2022.

(11)  Recommandation CM/Rec(2018)1[1] du Comité des Ministres aux États membres sur le pluralisme des médias et la transparence de leur propriété, 7 mars 2018, https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680790e36

(12)  Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive Services de médias audiovisuels) (JO L 95 du 15.4.2010, p. 1).


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/118


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Vers un avenir sans amiante: une approche européenne pour faire face aux risques sanitaires de l’amiante»

[COM(2022) 488 final]

et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/148/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail

[COM(2022) 489 final — 2022/0298 (COD)]

(2023/C 100/18)

Rapporteure:

Ellen NYGREN

Consultation

Parlement européen, 6.10.2022

Conseil de l’Union européenne, 7.10.2022

Base juridique

Article 153, paragraphe 2, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

23.11.2022

Adoption en session plénière

15.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

155/9/49

1.   Résumé et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) salue l’ambition de la Commission de faire baisser l’incidence du cancer et les efforts spécifiques qui sont déployés pour réduire au minimum les occurrences d’exposition à l’amiante pendant le travail.

1.2.

La science a établi qu’il n’existe pas de niveau d’exposition dont on puisse considérer qu’il exclue à coup sûr le risque de cancer. En conséquence, le CESE préconise, à l’instar du Parlement européen, que la valeur limite pour l’exposition à l’amiante prévue par la directive concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail soit, à terme, fixée à un niveau plus bas que la Commission ne le propose pour l’heure, et que pour atteindre ce but, il soit procédé à l’élaboration d’une feuille de route qui comportera des mesures complémentaires aux propositions actuelles et devra prévoir un soutien financier aux entreprises et aux régions qui en ont besoin pour atteindre les objectifs fixés.

1.3.

Le CESE recommande de lancer, à l’intention du grand public, une vaste campagne d’information sur l’amiante et ses risques mortels. En outre, il y a lieu de dispenser à tous les travailleurs qui sont susceptibles d’être exposés à l’amiante une formation qui sera assurée soit dans leur langue maternelle, soit dans une autre qu’ils maîtrisent.

1.4.

Le CESE prône que tous les travailleurs dont on soupçonne qu’ils risquent d’être exposés à l’amiante soient soumis à des contrôles et qu’un registre ou un passeport fournissant des informations sur cette exposition les accompagne lorsqu’ils changent d’emploi, de manière à assurer un suivi de leur santé.

1.5.

Afin de lutter efficacement contre les risques inhérents à l’amiante, il est nécessaire de mener une coopération internationale en matière réglementaire. Le CESE met particulièrement l’accent sur la convention no 162 de l’Organisation internationale du travail et la convention de Rotterdam. Dans le contexte de leur négociation et de leur application, l’Union européenne et ses États membres devraient jouer un rôle actif et primordial pour encourager des évolutions plus favorables dans tous les pays du monde et dans les chaînes d’échanges internationales. Il convient que les accords de libre-échange que l’Union européenne conclut avec des pays tiers ou d’autres régions du globe contiennent une disposition exigeant d’intensifier les efforts visant à interdire l’utilisation de l’amiante et à en réduire les effets nocifs dans tous les États à travers le monde. Le CESE exhorte l’Union européenne et ses États membres à œuvrer énergiquement pour que l’utilisation de l’amiante soit interdite internationalement et qu’une protection soit assurée aux travailleurs qui doivent manipuler ce matériau qui est déjà en place, par exemple dans des chantiers de rénovation et de démolition ou dans le cadre de la gestion de déchets.

2.   Contexte et observations générales

2.1.   L’interdiction de l’amiante dans l’Union européenne

2.1.1.

L’amiante est une substance dangereuse, qui provoque le cancer. Ce fait est connu depuis des décennies, et voici également plus de 40 ans que l’Union européenne a pris des mesures pour limiter, puis prohiber, toute utilisation de ce matériau. En 1999, elle a interdit tous les types de fibres d’amiante. L’interdiction a pris pleinement effet en 2005 et s’applique tant aux marchandises produites dans l’Union européenne qu’à celles qui y sont importées. La directive 2009/148/CE du Parlement européen et du Conseil (1) a codifié les règles qui existaient jusqu’alors concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail.

2.1.2.

Le secteur de la construction ayant utilisé l’amiante sur une période relativement longue, il existe encore aujourd’hui un grand nombre de bâtiments qui contiennent ce matériau. Selon le type de travaux dont ils font l’objet, les substances dangereuses se trouvent activées lorsqu’ils sont rénovés ou démolis. L’amiante est également présent dans d’autres secteurs, comme les industries minières et extractives, la gestion des déchets ou l’entretien des véhicules. En dépit de l’interdiction d’utiliser de l’amiante neuf qui est désormais en vigueur, bon nombre de travaux continuent à exposer les travailleurs à ce matériau. Abstraction faite des travailleurs repris dans les statistiques officielles, celles de l’Union européenne et des États membres comportent aussi un angle mort, formé par les ressortissants de pays tiers qui n’y figurent pas toujours. De l’avis de la Commission, la directive de 2009 sur la protection des travailleurs contre l’exposition à l’amiante reste largement pertinente, mais elle propose de l’actualiser en fonction des avancées les plus récentes des connaissances scientifiques.

2.1.3.

Le CESE a adopté deux avis sur des thèmes connexes à la question de l’amiante, «Éradiquer l’amiante de l’Union européenne» (CCMI/130) (2) et «Travail avec l’amiante dans la rénovation énergétique» (CCMI/166) (3). Il estime que l’éradication complète de tout l’amiante encore présent et de tous les produits contenant de l’amiante «doit être un objectif prioritaire de l’Union européenne» et il «encourage l’Union européenne à collaborer avec les partenaires sociaux et autres parties prenantes aux niveaux européen, national et régional afin d’élaborer et de partager des plans d’action pour la gestion et l’élimination de l’amiante». Dans les circonstances actuelles, il reste toutefois ardu d’atteindre rapidement cet objectif du «zéro amiante». Dans certains pays ou régions de l’Union européenne, les décideurs ont dès lors opté pour une stratégie de «sécurisation en matière d’amiante».

2.1.4.

Dans sa proposition actuelle, la Commission préconise que la valeur limite technique pour l’amiante dans l’air ambiant soit ramenée de 0,1 fibre/cm3 à un maximum de 0,01 fibre/cm3, mesuré par rapport à une moyenne pondérée dans le temps sur 8 heures (TWA).

2.2.   Les ambitions de l’Union européenne en matière de lutte contre le cancer

2.2.1.

Le plan européen de lutte contre le cancer qui a été présenté en 2021 constitue une initiative visant à combattre cette maladie suivant de multiples approches. La prévention primaire de ses occurrences constitue un important volet de ce plan, que le CESE a salué dans son avis SOC/677 (4). Suivant cette logique, on se doit de considérer qu’il serait efficace d’arrêter des mesures pour lutter contre l’exposition à l’amiante, qui constitue un sujet déjà bien connu, étant donné qu’un tel effort réduit le risque d’apparition de cas supplémentaires de cancer et que les recherches existantes ont d’ores et déjà montré que ladite exposition compte parmi les principales causes de cette maladie en rapport avec le milieu de travail. Les facteurs de risque du mésothéliome pouvant provenir de différentes sources, comme les nanofibres autres que les fibres d’amiante, le CESE propose que les personnes travaillant dans un milieu exposé à l’amiante reçoivent un document qui explique les tenants et aboutissants de cette exposition.

2.2.2.

Dans ce contexte, il s’impose de souligner que même sans être un travailleur, tout un chacun peut se trouver exposé à l’amiante, par exemple s’il se trouve à proximité d’un chantier de rénovation ou de démolition d’un bâtiment. Cette exposition peut également toucher des particuliers qui, procédant à la rénovation de leur logement, n’ont pas connaissance ou conscience des risques qu’ils encourent ce faisant. En outre, il peut arriver que de l’amiante soit libéré dans les installations de ventilation et que des personnes y soient ainsi exposées sans s’en rendre compte. Le CESE préconise par conséquent d’informer l’opinion publique par tous les canaux possibles, dont les médias, qui ont une haute responsabilité à assumer en la matière.

2.3.   Observations générales

2.3.1.

Le CESE soutient l’ambition de la Commission de combattre le cancer par des approches diversifiées. Limiter les risques d’exposition à l’amiante représente une avancée concrète pour faire baisser le nombre de cas de cancer. Nous disposons d’un vaste savoir scientifique concernant les dangers de l’amiante et le lien direct qui existe entre l’exposition à ce matériau et le cancer. Sur la base des connaissances les plus récentes dégagées par la science dans ce domaine, telles que recueillies par la Commission, il est maintenant proposé d’actualiser en conséquence l’encadrement juridique en la matière.

2.3.2.

Chaque cas de cancer se traduit par un coût pour la collectivité et des souffrances et pertes pour les individus. Il est possible d’éviter un nombre important d’occurrences de cette maladie en limitant l’exposition à l’amiante pendant le travail. En conséquence, le CESE invite l’ensemble des acteurs concernés à déployer tous les efforts possibles pour lutter contre cette exposition. Cet impératif s’applique en particulier aux actions qui visent à protéger les travailleurs ainsi exposés dans le cadre de leur travail mais aussi aux initiatives de diffusion générale des connaissances en la matière, menées afin que le grand public ait davantage conscience des risques liés à l’amiante.

3.   Observations particulières

3.1.

La mesure la plus ambitieuse que l’Union européenne puisse prendre lors de la révision de la directive consiste à abaisser la valeur limite technique concernant la quantité tolérée de fibres d’amiante dans l’air ambiant. Le CESE salue l’initiative de la Commission et estime qu’elle constitue une bonne base pour progresser, à terme, vers une tolérance zéro en matière d’exposition à l’amiante pendant le travail.

3.1.1.

La Commission propose de modifier l’article 8 de manière à réduire la valeur limite actuellement fixée à 0,1 fibre par cm3, mesurée par rapport à une moyenne pondérée sur 8 heures (TWA). La directive dispose en outre que l’exposition des travailleurs sur le lieu de travail à la poussière provenant de l’amiante ou de matériaux en contenant sera réduite au minimum et, en tout état de cause, au niveau le plus bas techniquement possible en dessous de la valeur limite fixée à l’article 8. À cet égard, le CESE rappelle que les partenaires sociaux peuvent aller au-delà de la nouvelle valeur limite qui sera applicable aux termes de la directive et prendre des mesures appropriées pour diminuer encore la présence de fibres d’amiante sur les lieux de travail.

3.1.2.

Selon la Commission internationale de la santé au travail (CIST), il n’existe pas de niveau d’exposition dont on puisse considérer qu’il exclue à coup sûr le risque de cancer. Lors de l’audition organisée le 31 octobre 2022 au CESE, le professeur Jukka Takala a indiqué que dans l’Union européenne, quelque 90 370 personnes meurent chaque année des suites d’un cancer lié à l’amiante, et que ce chiffre témoigne de la nécessité d’abaisser la valeur limite d’exposition. Aussi le CESE estime-t-il que l’Union européenne devrait aller plus loin que le plafond proposé par la Commission et, à terme, fixer cette valeur limite technique à 0,001 fibre par cm3, après un délai de transition raisonnable. Pour réaliser cet objectif, il conviendrait d’élaborer une feuille de route, assortie de propositions de mesures, y compris financières, visant à soutenir les entreprises et les régions qui ont besoin de telles dispositions pour atteindre les buts ainsi fixés.

3.2.

Avant de lancer un chantier de rénovation ou de démolition, un entrepreneur se doit d’y inventorier les matériaux censés pouvoir contenir de l’amiante. Pour ce faire, il est nécessaire qu’il ait accès aux sources d’information en lien avec le propriétaire du bien immobilier concerné ou provenant d’autres canaux, ou encore d’une inspection réalisée sur le bâtiment. Le CESE préconise de créer des registres pour collecter les données afférentes des immeubles, en commençant par ceux qui sont soumis à une rénovation, pour passer ensuite progressivement à tous les autres. Les États membres devraient donner à ces informations une structure fixée d’un commun accord au sein de l’Union européenne, de manière à ce qu’il soit possible d’obtenir des données comparables pour déterminer quels sont les sites censés contenir de l’amiante, avec mention du pays, de la localité et de l’affectation de l’immeuble ou la partie d’immeuble, indiquer en quelles quantités il s’y trouve, en fournissant une estimation concernant les formes d’amiante et leur quantité par mètre carré, etc. L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) pourrait être invitée à contribuer à l’élaboration d’un cadre réglementaire harmonisé pour ce registre des immeubles.

3.3.

La formation des travailleurs qui courent un risque d’exposition à l’amiante constitue un enjeu important. Le CESE souligne qu’il est de la plus haute importance qu’elle leur soit dispensée dans leur langue maternelle ou dans une autre qu’ils maîtrisent, y compris lorsqu’ils sont originaires d’un pays autre que celui où ils travaillent et n’ont dès lors qu’une connaissance déficiente de l’idiome de leur pays d’accueil. Cet impératif vaut pour les citoyens de l’Union comme pour les travailleurs de pays tiers.

3.4.

Le CESE recommande par ailleurs qu’une information sur l’amiante et ses risques soit diffusée plus largement auprès du grand public, afin de sensibiliser davantage à cette question tant les travailleurs que les commanditaires de travaux qui peuvent donner lieu à un contact avec ce matériau, ainsi que les particuliers et les pouvoirs publics qui ne disposent pas de connaissances approfondies en la matière. Le CESE incite la Commission à élaborer une campagne d’information sur l’amiante et les dangers mortels qu’il représente, en coopération avec les États membres, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile qui sont intéressées par le sujet. Le Comité pourrait jouer un rôle de plate-forme pour accueillir une conférence internationale de sensibilisation concernant ce matériau, ses effets délétères et les moyens de s’en prémunir.

3.5.

Les services de santé au travail ont pour mission de soumettre à des examens d’aptitude au travail, tant à l’embauche, qu’à intervalles réguliers pendant l’activité et au départ, les travailleurs qui sont exposés à l’amiante, ainsi que de transmettre les certificats afférents à l’employeur. Lorsque l’exposition prend fin, ils portent à la connaissance de l’employeur et du travailleur les résultats de l’examen final et fournissent un document spécifique, sous la forme d’un registre ou d’un passeport qui fournissent des informations sur l’exposition de l’intéressé à l’amiante et l’accompagnent tout au long de sa vie, de manière à pouvoir suivre son état de santé et établir, le cas échéant, qu’il est atteint d’une maladie professionnelle ou subit d’éventuels effets tardifs d’avoir ainsi été exposé à cette matière. Ces éléments doivent être communiqués à l’employeur comme au salarié, y compris s’il est sans papiers ou migrant, auquel ils sont remis afin qu’il les produise lors de tout examen médical ultérieur, de manière à bénéficier tout au long de son existence d’un suivi concernant de possibles conséquences de ladite exposition qui se manifesteraient avec retard. Le CESE invite l’Union européenne et les États membres à faciliter l’accès à des services de soins de santé qui sont dotés de compétences spécialisées dans le domaine.

3.6.

Les assurances contre les maladies professionnelles doivent couvrir celles qui résultent d’une exposition à l’amiante. Le CESE recommande que l’Union européenne et les États membres s’emploient à ce que dans les cas de cancers apparus après suspicion d’exposition à l’amiante, il soit présumé, au moment de décider de l’octroi du droit à une indemnisation au titre de l’assurance contre les maladies professionnelles, que la corrélation entre cette exposition et la maladie existe bel et bien, étant donné que l’on dispose de preuves scientifiques aussi fournies que solides concernant ce lien. Un fonds international de solidarité devrait être constitué pour garantir le droit à une indemnisation.

3.7.

Il est préconisé que les États membres coopèrent, par le truchement de leurs inspecteurs du travail, pour vérifier qu’une formation appropriée est dispensée aux travailleurs risquant d’être exposés à l’amiante dans les secteurs de la construction, des industries minières et extractives, du transport, de la construction routière et du percement de tunnels, ainsi que de la gestion des déchets. Cette collaboration est susceptible de garantir que les registres réglementaires concernant les bâtiments qui recèlent de l’amiante soient dûment tenus et rendus accessibles, au niveau national comme à celui de l’Union européenne. Le CESE rappelle que les inspecteurs du travail doivent être en nombre suffisant, en l’occurrence dans le domaine de la sécurité et de l’hygiène, pour s’acquitter de ces missions.

3.8.

Afin de lutter efficacement contre les risques inhérents à l’amiante, il est nécessaire de mener une coopération internationale en matière réglementaire. Sur ce point, le CESE fait observer que la convention no 162 de l’Organisation internationale du travail et celle de Rotterdam, sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international, fournissent des exemples de réglementations existantes dans le cadre desquelles l’Union européenne et ses États membres peuvent et doivent jouer un rôle actif et de premier plan afin d’encourager de meilleures évolutions pour les questions concernant l’amiante, dans tous les pays du monde comme dans les chaînes d’échanges internationaux. Il convient que les accords de libre-échange que l’Union européenne conclut avec des pays tiers ou d’autres régions du globe contiennent une disposition exigeant d’intensifier les efforts visant à interdire l’utilisation de l’amiante et à en réduire les effets nocifs dans tous les États à travers le monde. Le CESE exhorte l’Union européenne et ses États membres à œuvrer énergiquement pour que l’utilisation de l’amiante soit interdite internationalement et qu’une protection soit assurée aux travailleurs qui doivent manipuler ce matériau qui est déjà en place, par exemple dans des chantiers de rénovation et de démolition ou dans le cadre de la gestion de déchets.

Bruxelles, le 15 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2009/148/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail (JO L 330 du 16.12.2009, p. 28).

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Éradiquer l’amiante de l’Union européenne» (JO C 251 du 31.7.2015, p. 13).

(3)  Avis du Comité économique et social européen sur le «Travail avec l’amiante dans la rénovation énergétique» (avis d’initiative) (JO C 240 du 16.7.2019, p. 15).

(4)  Avis du Comité européen des régions — «Plan européen pour vaincre le cancer» (JO C 97 du 28.2.2022, p. 17).


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

Amendement 1

Paragraphe 3.1.2

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Selon la Commission internationale de la santé au travail (CIST), il n’existe pas de niveau d’exposition dont on puisse considérer qu’il exclue à coup sûr le risque de cancer. Lors de l’audition organisée le 31 octobre 2022 au CESE, le professeur Jukka Takala a indiqué que dans l’Union européenne, quelque 90 370  personnes meurent chaque année des suites d’un cancer lié à l’amiante, et que ce chiffre témoigne de la nécessité d’abaisser la valeur limite d’exposition. Aussi le CESE estime-t-il que l’Union européenne devrait aller plus loin que le plafond proposé par la Commission et, à terme, fixer cette valeur limite technique à 0,001  fibre par cm3, après un délai de transition raisonnable. Pour réaliser cet objectif, il conviendrait d’élaborer une feuille de route, assortie de propositions de mesures, y compris financières, visant à soutenir les entreprises et les régions qui ont besoin de telles dispositions pour atteindre les buts ainsi fixés.

Selon la Commission internationale de la santé au travail (CIST), il n’existe pas de niveau d’exposition dont on puisse considérer qu’il exclue à coup sûr le risque de cancer. Lors de l’audition organisée le 31 octobre 2022 au CESE, le professeur Jukka Takala a indiqué que dans l’Union européenne, quelque 90 370  personnes meurent chaque année des suites d’un cancer lié à l’amiante, et que ce chiffre témoigne de la nécessité d’abaisser la valeur limite d’exposition. Par conséquent, le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission et estime qu’il conviendrait de réduire encore la valeur limite technique après un délai de transition raisonnable. Pour réaliser cet objectif, il conviendrait d’élaborer une feuille de route, assortie de propositions de mesures, y compris financières, visant à soutenir les entreprises et les régions qui ont besoin de telles dispositions pour atteindre les buts ainsi fixés.

Résultat du vote:

Pour:

68

Contre:

106

Abstentions:

16


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/123


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’Année européenne des compétences 2023

[COM(2022) 526 final — 2022/0326 (COD)]

(2023/C 100/19)

Rapporteure:

Tatjana BABRAUSKIENĖ

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 21.10.2022

Parlement européen, 20.10.2022

Base juridique

Articles 149 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en session plénière

15.12.2022

Session plénière no

547

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

155/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite que 2023 ait été déclarée Année européenne des compétences. L’objectif de cette année thématique est de fournir des trajectoires vers des solutions efficaces et des avantages sur le plan éducatif aux jeunes et aux adultes, qu’ils soient chômeurs ou actifs, indépendamment de leur situation contractuelle, de leur niveau de qualification ou de leur genre, conformément à l’objectif de doter «la main-d’œuvre des compétences adéquates», mentionné par la présidente von der Leyen, afin d’accroître la compétitivité de l’économie européenne, en particulier celle des PME. Le CESE est enthousiaste à la perspective de s’engager dans une démarche positive pour cette année thématique afin de produire des résultats concrets. Il est donc prêt à contribuer, en tant que facilitateur, à des activités de mise en réseau et des débats.

1.2.

Compte tenu de l’inégalité d’accès aux possibilités d’éducation dans certaines régions de l’Union européenne, le niveau d’instruction reste trop souvent inchangé de génération en génération, l’Année européenne des compétences 2023 devrait être l’occasion de lancer de nouveaux débats et activités afin de prévenir les discriminations dans tous les domaines de l’éducation et d’aider les personnes à acquérir des compétences qui leur garantiront de progresser dans leurs parcours professionnels et d’avoir une bonne qualité de vie. Il convient par conséquent de veiller tout particulièrement à ce que les catégories de personnes défavorisées sur le plan socio-économique aient accès à des formations inclusives et de qualité en matière de reconversion et de perfectionnement professionnels. La recommandation du Conseil relative à des parcours de renforcement des compétences visant à aider les adultes peu qualifiés à se perfectionner et à s’intégrer sur le marché du travail doit être pleinement respectée et mise en œuvre en tant qu’objectif important de l’Année européenne des compétences.

1.3.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de prévoir des mécanismes de financement efficaces qui mobilisent les ressources européennes et nationales et supposent une répartition adéquate des coûts entre les pouvoirs publics et les entités privées ainsi que d’autres instances: des particuliers et d’autres parties prenantes concernées (partenaires sociaux, prestataires de services de formation et ONG). Pour instaurer une culture de l’apprentissage tout au long de la vie, il est en outre essentiel de donner aux travailleurs les moyens d’entreprendre une formation.

1.4.

Le CESE s’attend à ce que l’Année européenne des compétences soulève la question de la responsabilité de préserver les ressources nécessaires au perfectionnement et à la reconversion professionnels, ce qui est important pour atténuer le risque d’exclusion sociale, y compris en orientant les financements avec une attention particulière. Cela comprend la question de la responsabilité partagée des partenaires sociaux à la fois au niveau sectoriel et des entreprises s’agissant d’investir dans une éducation et une formation de la main-d’œuvre active qui seraient tournées vers l’avenir. Ce point inclut également l’engagement des employeurs à prendre les dispositions nécessaires pour aider tout travailleur qu’ils auraient licencié à bénéficier des régimes d’aide. Pour ce faire, le CESE invite et encourage les partenaires sociaux à prendre des mesures efficaces pour participer au dialogue social afin que tous les travailleurs accèdent sur un pied d’égalité à une formation inclusive et de qualité, conformément au socle européen des droits sociaux. En outre, les mécanismes de consultation entre les établissements d’enseignement, les autorités, les entreprises et les syndicats devraient être renforcés, car ils peuvent contribuer à élaborer des stratégies réalistes et efficaces en ce qui concerne le passage du système éducatif au monde du travail.

1.5.

À cet égard, le CESE propose de mettre enfin en œuvre l’idée d’une garantie de compétences pour offrir à tous le droit d’accéder à une formation inclusive et de qualité, et d’encourager la participation aux négociations collectives et au renforcement des capacités afin de définir les dispositions et les conditions d’un congé de formation rémunéré qui permettrait aux citoyens de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions au sein de celle-ci et sur les marchés du travail. Dans cette optique, la formation devrait inclure l’acquisition de compétences clés et de compétences de base ainsi que le développement de compétences professionnelles, quel que soit le niveau de qualification des participants.

1.6.

La Commission demande que les États membres désignent un coordinateur national pour l’Année européenne des compétences dont le rôle serait d’assurer la coordination des activités pertinentes à l’échelon national. Le CESE propose que les points de coordination nationaux travaillent de manière transparente et inclusive, et qu’ils disposent des compétences adéquates et des ressources financières appropriées, fournies par des sources européennes et nationales. Lors de leur sélection, toutes les parties prenantes dans le domaine de l’éducation et de la formation, notamment les prestataires d’enseignement et de formation, les services de l’emploi publics et privés, les partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile concernées, devraient avoir voix au chapitre afin de veiller à ce qu’elles y participent et jouent un rôle de premier plan tant dans la planification et la mise en œuvre des activités tout au long de l’année que dans leur évaluation. Le même principe de coordination devrait également s’appliquer au niveau de l’Union.

1.7.

Le CESE réitère les recommandations qu’il a formulées dans de précédents avis à propos d’anciennes proclamations d’années européennes thématiques et rappelle que ces initiatives devraient aller au-delà des simples effets d’annonce et contribuer à la mise en œuvre de projets clairs et à un engagement réel.

1.8.

Rappelant ses avis antérieurs relatifs à ces années thématiques, dans lesquels il préconise notamment un financement européen approprié et un dialogue significatif avec la société civile dans le cadre du développement de ces années et des mesures spécifiques pour garantir un lien entre les différentes années thématiques et la pérennité des résultats, le CESE rappelle que pour garantir le succès du concept d’«Années européennes», il est essentiel de les annoncer en temps utile afin de permettre une préparation adéquate et de susciter une appropriation solide (1).

2.   La proposition législative

2.1.

À la suite de l’annonce de sa présidente, Ursula von der Leyen, dans son discours sur l’état de l’Union de 2022, la Commission a adopté la proposition de faire de 2023 l’Année européenne des compétences.

2.2.

Dans le cadre de cette année thématique et en coopération avec le Parlement européen, les États membres, les partenaires sociaux, les services de l’emploi publics et privés, les chambres de commerce et d’industrie, les prestataires d’enseignement et de formation, les travailleurs et les entreprises, la Commission propose de donner un nouvel élan à l’apprentissage tout au long de la vie:

en promouvant des investissements accrus, plus efficaces et plus inclusifs, dans la formation et le renforcement des compétences afin d’exploiter pleinement le potentiel de la main-d’œuvre en Europe et d’aider les personnes à passer d’un emploi à l’autre,

en veillant à ce que les compétences soient adaptées aux besoins du marché du travail, en coopération également avec les partenaires sociaux et les entreprises,

en mettant en adéquation les aspirations et les compétences des citoyens avec les possibilités offertes sur le marché du travail, en particulier en ce qui concerne la transition écologique et numérique et la reprise économique,

en accordant une attention particulière aux efforts visant à faire entrer un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail, en particulier les femmes et les jeunes, notamment les jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation,

en attirant des personnes de pays tiers possédant les compétences dont l’Union a besoin, y compris en renforçant les possibilités d’apprentissage et la mobilité et en facilitant la reconnaissance des qualifications.

2.3.

Pour atteindre ces objectifs:

la Commission encouragera les possibilités de perfectionnement et de reconversion professionnels, par exemple en donnant un coup de projecteur sur les initiatives pertinentes de l’Union, y compris sur les possibilités de financement de l’Union, afin de soutenir leur utilisation, leur mise en œuvre et leur efficacité sur le terrain,

des manifestations et des campagnes de sensibilisation seront également organisées dans toute l’Union afin de soutenir l’apprentissage mutuel des partenaires en matière de perfectionnement et de reconversion professionnels,

l’Année thématique proposée vise en outre à contribuer à la mise au point d’outils de veille stratégique sur les compétences et à promouvoir des outils et des instruments visant à accroître la transparence et à faciliter la reconnaissance des qualifications, y compris celles délivrées en dehors de l’Union.

2.4.

Afin d’assurer la coordination des activités pertinentes au niveau national, la Commission invite les États membres à désigner un coordinateur national pour l’Année européenne des compétences.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE convient qu’une population composée de citoyens engagés et dotée d’une main-d’œuvre compétente et qualifiée représente l’un des principaux atouts du modèle social et économique européen, et que le soutien à la formation des personnes de tous âges doit servir de levier pour stimuler une participation à la société ainsi qu’une croissance durable et de long terme, étant donné qu’elle contribue à accroître la capacité à innover, la productivité et la compétitivité. Il est également essentiel d’assister les personnes dans le contexte d’une transition juste, car le passage à un mode de vie, de production et de consommation plus durable est devenu une nécessité pour lutter contre le changement climatique et ses répercussions négatives à l’échelle mondiale, tout en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte. Dans le même temps, le CESE reconnaît que le développement personnel global de chaque apprenant est essentiel pour que ce dernier s’adapte aux transitions et aux défis à venir, compte tenu de l’évolution rapide des sociétés actuelles.

3.2.

La pénurie de main-d’œuvre qualifiée, due aux défis démographiques et aux changements structurels, ainsi qu’à la numérisation et à la décarbonation, est l’un des facteurs déterminants ayant une incidence sur l’économie européenne. Outre l’acquisition de nouvelles compétences, il convient de veiller à ce que les travailleurs qualifiés puissent accomplir certaines tâches et professions qualifiées dans des circonstances changeantes (2), et que leur formation débouche sur des possibilités d’emploi décentes et des garanties pour prévenir les emplois précaires.

3.3.

Par ailleurs, l’enjeu des besoins de compétences et leur anticipation sont d’une importance capitale pour parvenir à réaliser les grands objectifs de l’Union fixés par le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, qui prévoit qu’au moins 60 % des adultes participent chaque année à des activités de formation et que le taux d’emploi atteigne au moins 78 % d’ici à 2030.

3.4.

Le CESE se félicite que la Commission européenne ait mis l’accent sur les compétences, en faisant de 2023 l’Année européenne des compétences, à la suite de l’Année de la jeunesse en 2022.

3.5.

Cela confirme le point de vue que le Comité a exprimé dans de nombreux avis et selon lequel une instruction de base de qualité et une formation de haut niveau et efficace, un apprentissage tout au long de la vie, ainsi qu’un perfectionnement et une reconversion professionnels seront autant d’outils nécessaires pour s’adapter avec succès aux changements sociétaux, encourager la citoyenneté active, ainsi que pour saisir les opportunités d’emploi de demain et pour favoriser l’apprentissage de l’entrepreneuriat (3).

3.6.

L’apprentissage tout au long de la vie et le développement des compétences sont la clé du progrès social et économique de nos sociétés. Toutefois, de l’avis du CESE, il ne s’agit pas seulement de transmettre des connaissances qui peuvent être «monnayées sur le marché», mais aussi de diffuser des aptitudes et des compétences qui permettent aux citoyens de participer activement à la vie sociale. Des études montrent que la réflexion critique, la communication, le travail en équipe, la créativité, la prise d’initiative et de nombreuses autres compétences transversales sont de plus en plus nécessaires sur le marché du travail et dans la société. En outre, la liberté, la tolérance, l’esprit critique, les valeurs européennes et la citoyenneté démocratique constituent des atouts essentiels pour l’avenir de l’Europe afin de lutter contre l’intolérance croissante et les mouvements radicaux émergents. Par conséquent, nous demandons que, lors des actions menées dans le cadre de l’Année européenne des compétences 2023, les compétences sociales et transversales comptent parmi les «bonnes compétences» que les citoyens, y compris les travailleurs et les futurs travailleurs, doivent acquérir (4). Cela est directement conforme à la mise en œuvre de la recommandation du Conseil relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, tout en étant cohérent avec le cadre européen des compétences clés personnelles, sociales et d’apprentissage (LifeComp) et avec le cadre européen des compétences en matière de durabilité (GreenComp).

3.7.

Selon le CESE, l’éducation commence dès le plus jeune âge et nous accompagne tout au long de notre vie. Conformément à la résolution du Conseil sur un nouvel agenda européen dans le domaine de l’éducation et de la formation des adultes (2021-2030), le CESE souligne que l’éducation des adultes doit aller au-delà du simple développement de compétences nécessaires à un emploi. Il est tout aussi important de sensibiliser davantage le grand public à l’importance et aux avantages de la participation à l’apprentissage tout au long de la vie d’une manière globale (5).

3.8.

Pour le CESE, il est donc clair que toutes les activités menées dans le cadre de l’Année européenne des compétences 2023 doivent viser les meilleurs progrès possibles dans tous les domaines de l’éducation et de la formation, s’agissant de l’enseignement élémentaire, de la formation et du perfectionnement professionnels, ou de l’apprentissage tout au long de la vie formel, non formel et informel. Il s’agit donc avant tout d’assurer l’égalité des chances pour tous, sans discrimination, à tous les niveaux d’éducation. Les revenus ou le degré d’éducation de ses parents ne doivent plus influencer de manière significative le parcours scolaire d’une personne.

3.9.

Étant donné que certaines parties de l’Union présentent une inégalité d’accès aux possibilités d’éducation et que le niveau d’instruction reste trop souvent inchangé de génération en génération, il devrait être impératif, partout, d’offrir des perspectives en matière éducative ainsi que de promouvoir les compétences et les capacités dans toute la mesure du possible.

3.10.

L’apprentissage tout au long de la vie pour tous doit devenir une réalité en Europe, et tous les européens devraient avoir accès à des apprentissages et des formations inclusifs et de qualité. L’égalité d’accès au perfectionnement et à la reconversion professionnels implique que des possibilités supplémentaires de perfectionnement professionnel doivent être offertes à toutes les personnes, sans distinction fondée sur le genre, l’origine ou l’âge (6). Le caractère inclusif de la stratégie en matière de compétences doit en outre se rapporter, à plus forte raison, à tous les travailleurs, indépendamment de leur situation d’emploi, de la taille des entreprises et du type de contrat de travail, y compris les adultes peu qualifiés et les personnes issues de l’immigration. Les groupes vulnérables devraient, quant à eux, bénéficier d’une attention et de politiques particulières, compte tenu des difficultés plus nombreuses auxquelles ils sont confrontés.

3.11.

Bien qu’il soutienne l’Année européenne des compétences 2023 et le fait de favoriser le renforcement de la formation professionnelle et de l’apprentissage tout au long de la vie, le CESE constate avec inquiétude que le programme et les priorités de l’année thématique semblent surchargés. Ils contiennent en effet un très grand nombre d’engagements et de références à l’ensemble des initiatives, lignes budgétaires et domaines d’action décrits dans la stratégie européenne en matière de compétences. De ce fait, les actions menées dans le cadre de cette année risquent de prendre davantage la forme d’annonces politiques médiatisées que d’évolutions systématiques sur le long terme.

3.12.

Pour éviter qu’une longue liste de domaines d’action et de responsabilités partagées occulte l’importance clairement accordée aux résultats, il serait essentiel de faire preuve de clarté et d’accorder une attention particulière à la proposition, en se concentrant sur un certain nombre de priorités stratégiques. Le CESE réitère la demande qu’il a formulée dans de précédents avis à propos d’anciennes proclamations d’années européennes thématiques et rappelle que ces initiatives devraient aller au-delà des simples effets d’annonce et contribuer à des projets et un engagement clairs (7).

3.13.

Les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ont également un rôle important à jouer dans la gouvernance du système d’éducation et de formation, y compris l’anticipation des besoins de compétences et la mise à disposition de celles-ci. Pour parvenir à fournir des solutions efficaces pour tous, il serait essentiel de veiller à la participation effective, aux niveaux européen et national, des partenaires sociaux et des organisations de la société civile concernées, ainsi que d’assurer des actions efficaces visant à consolider la bonne gouvernance de tous les domaines relatifs à l’enseignement et la formation professionnels et à la politique d’éducation et de formation des adultes, y compris les politiques actives du marché du travail et la gestion des fonds européens et nationaux en faveur des compétences.

3.14.

Il importe de prendre en considération le renforcement du dialogue au sein des groupes et réseaux de parties prenantes existants, y compris au moyen des plateformes en ligne déjà établies, en particulier en encourageant le processus de dialogue stratégique tout au long de 2023 et en mettant en place des forums des parties prenantes en lien avec les manifestations phares de cette même année, mais aussi au moyen de nouveaux processus analogues au dialogue civil, afin de garantir que les parties prenantes du secteur de l’éducation et de la formation puissent participer de manière significative à l’élaboration des politiques et à la prise de décision, compte tenu de leur expertise sur le terrain, de leur capacité à exprimer les besoins des apprenants et de leur lien étroit avec les différents pouvoirs publics nationaux et régionaux chargés de la mise en œuvre des recommandations dans leur domaine.

3.15.

Le CESE s’attend à ce que l’Année européenne des compétences soulève, à cet égard, la question de la responsabilité partagée des partenaires sociaux à la fois au niveau sectoriel et des entreprises s’agissant d’investir dans une éducation et une formation de la main-d’œuvre active qui seraient tournées vers l’avenir. Ce point inclut également l’engagement des employeurs à prendre les dispositions nécessaires pour aider tout travailleur qu’ils auraient licencié à bénéficier des régimes d’aide. Pour ce faire, le CESE invite les partenaires sociaux à prendre des mesures efficaces pour participer au dialogue social afin que tous les travailleurs accèdent sur un pied d’égalité à une formation inclusive et de qualité, conformément au socle européen des droits sociaux.

3.16.

Les enseignants et les formateurs occupent une place de premier plan dans le développement des compétences des apprenants en fonction des besoins du marché du travail. Ils dispensent aux apprenants des enseignements et des formations afin qu’ils acquièrent non seulement des compétences professionnelles, mais aussi des compétences transversales, telles que des compétences de base et socio-émotionnelles. Ils aident des étudiants d’horizons divers à passer de l’école au monde du travail, y compris des adultes qui doivent mettre à jour et améliorer leurs compétences, ou encore en acquérir de nouvelles. Face aux défis sans précédent qu’ont entraînés la pandémie et la guerre en Ukraine, leur engagement et leur créativité ont été essentiels pour continuer d’assurer des activités d’enseignement et d’apprentissage dans les écoles et sur les lieux de travail.

3.17.

De nombreux pays européens connaissent d’importantes pénuries d’enseignants de l’enseignement et la formation professionnels (EFP), en raison notamment de facteurs liés à l’attrait limité de la profession, notamment les conditions d’emploi, les salaires et le manque d’incitations financières et d’accompagnement dans leur carrière. Le fait d’attirer des professionnels du secteur vers le métier d’enseignant devrait constituer l’une des principales stratégies visant à assurer des effectifs adéquats d’enseignants de l’EFP dotés de compétences et de connaissances pertinentes. Cette situation suppose d’offrir des conditions de travail bonnes et attrayantes, des salaires décents, des parcours de carrière flexibles et des mécanismes garantissant que ces travailleurs disposent des compétences appropriées, y compris des compétences pédagogiques.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE se félicite de l’approche consistant à débattre des besoins en matière de formation sous l’angle d’une transition écologique et numérique du marché du travail qui soit socialement équitable et juste. Toutefois, il demande que soit envoyé un message clair, selon lequel la responsabilité du perfectionnement et de la reconversion professionnels devrait toujours être définie de manière équitable comme une responsabilité partagée.

4.2.   Responsabilité partagée

4.2.1.

Pour mener à bien les transitions en cours, il convient d’aider les individus à se préparer aux changements afin d’en assurer le succès. Il est nécessaire de prévoir des mécanismes de financement mobilisant les ressources européennes et nationales et prévoyant un partage adéquat des coûts et des contributions non financières (par exemple le temps consacré à la formation) entre les pouvoirs publics, les employeurs, les personnes et les autres parties prenantes concernées (partenaires sociaux, prestataires de services de formation et ONG, par exemple). Dans de nombreux avis antérieurs (8), le CESE a souligné la nécessité cruciale d’engagements forts de la part des entreprises et des pouvoirs publics, en particulier pour garantir des ressources suffisantes, y compris un financement adéquat de l’éducation et de la formation.

4.2.2.

Le CESE propose que l’Année européenne des compétences mette en avant la responsabilité sociale dans le domaine du perfectionnement et de la reconversion professionnels complets et, dans ce contexte, l’idée d’une garantie de compétences pour offrir à tous le droit d’accéder à une formation inclusive et de qualité, y compris la participation aux négociations collectives et au renforcement des capacités afin de définir les dispositions et les conditions relatives à un congé de formation rémunéré qui permettrait aux citoyens de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions au sein de celle-ci et sur le marché du travail.

4.2.3.

Cela comprend également la responsabilité partagée des partenaires sociaux à la fois au niveau sectoriel et des entreprises s’agissant d’investir dans une éducation et une formation de la main-d’œuvre active qui seraient tournées vers l’avenir. La négociation collective à tous les niveaux, conformément à la législation et aux pratiques nationales, et les mécanismes de participation des travailleurs au niveau de l’entreprise représentent des outils pertinents pour faire face à l’évolution des besoins en matière de compétences et de formation, ainsi que pour aider à anticiper ces changements et accroître l’innovation. Il serait utile, au cours de l’Année européenne des compétences, que les partenaires sociaux commencent à élaborer un cadre européen de qualité pour la formation des salariés.

4.3.   Augmenter les investissements dans l’éducation et la formation

4.3.1.

Le CESE a déjà insisté sur la nécessité d’une offensive de qualification en vue d’étayer la numérisation croissante de nos marchés du travail, d’encourager les investissements tant au niveau des entreprises que dans le secteur public et de promouvoir les investissements publics et privés dans la formation et l’enseignement professionnels. Il faut accroître les investissements publics dans le domaine de l’éducation et de la formation tout au long de la vie, en particulier des adultes, dans chaque État membre (9).

4.3.2.

Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à prendre des mesures efficaces en vue de la mise en œuvre des premier et quatrième principes du socle européen des droits sociaux, à savoir garantir un apprentissage tout au long de la vie de qualité et inclusif en tant que droit pour tous les citoyens en Europe sur le lieu de travail et au-dehors, et à soutenir la mise en œuvre de ces principes au moyen de financements publics durables convenus avec les partenaires sociaux et la société civile.

4.3.3.

Étant donné qu’il revient aux États membres d’assumer la responsabilité principale des investissements durables en vue de garantir les formations non seulement offertes aux chômeurs et aux personnes peu qualifiées, mais aussi destinées à acquérir des compétences de base certifiées, des aptitudes professionnelles et des compétences clés conduisant à des qualifications, l’Année européenne des compétences devrait souligner la nécessité d’investissements publics adéquats et suffisants dans tous les domaines de l’éducation et de la formation.

4.3.4.

À cet égard, le CESE demande que les investissements durables dans la participation des adultes à l’apprentissage tout au long de la vie et à la formation des salariés soient mis en avant en tant que priorités dans le cadre du processus du semestre européen et qu’ils bénéficient d’un soutien accru des fonds de l’Union, en particulier des Fonds structurels et d’investissement européens, en faveur du perfectionnement et de la reconversion professionnels.

4.4.   Droit d’accès aux possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, quels qu’en soient le niveau et le type (formel, informel et non formel)

4.4.1.

Le CESE demande que le premier principe du socle européen des droits sociaux soit pleinement mis en œuvre afin de garantir que l’accès à une formation inclusive et de qualité et à l’apprentissage tout au long de la vie soit un droit pour l’ensemble des apprenants de l’EFP, des travailleurs et des salariés, afin de leur permettre de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions sur le marché du travail. Ce droit doit également aider les chômeurs et les adultes peu qualifiés à acquérir les compétences requises sur le marché du travail. Nous invitons la Commission européenne à examiner comment concrétiser ce droit et introduire un mécanisme de surveillance plus robuste, qui demande aux États membres de mettre sur pied des programmes d’action nationaux et de présenter des rapports nationaux réguliers sur la manière dont ce droit est garanti.

4.4.2.

À cet égard, le CESE demande à la Commission, aux États membres et aux partenaires sociaux d’utiliser l’Année européenne des compétences pour prendre des mesures efficaces afin de participer à des actions conjointes visant à promouvoir la formation par le travail et pour encourager les investissements dans des offres d’apprentissage de qualité, la participation des adultes à l’apprentissage tout au long de la vie et la formation des salariés, en garantissant à tous les travailleurs le droit d’accéder sur un pied d’égalité à une formation inclusive et de qualité. Le cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité célébrera son 5e anniversaire en 2023, et il doit être évalué et renforcé. Il serait grand temps de demander aux apprentis, jeunes ou adultes, dans quelle mesure les conditions de qualité du cadre sont remplies dans la pratique sur le lieu de travail.

4.5.   Participation des parties prenantes

4.5.1.

Le CESE se félicite de l’engagement explicite de la Commission à renforcer la pertinence des compétences en coopérant étroitement avec les partenaires sociaux, les services de l’emploi publics et privés, les entreprises et les prestataires d’enseignement et de formation. Le CESE estime, dans ce contexte, qu’il est également essentiel:

d’encourager la participation active des travailleurs aux programmes d’apprentissage tout au long de la vie et aux dispositifs de formation sur le lieu de travail comme condition fondamentale de la croissance et de la compétitivité des entreprises, de l’employabilité des travailleurs et de la garantie d’emplois de qualité (10),

d’améliorer la participation de tous à la formation tout au long de la vie et d’établir, en collaboration avec les prestataires d’enseignement et de formation et les décideurs, le contenu de l’apprentissage, de manière que chaque apprenant ainsi que la collectivité et la société dans son ensemble en retirent des bénéfices,

de soutenir la négociation collective et le dialogue social, conformément aux mécanismes nationaux de concertation sociale, afin de pouvoir anticiper et adapter les compétences aux évolutions technologiques et numériques, ainsi que développer la formation en cours d’emploi, mais aussi d’encourager le dialogue civil pour avoir une vue globale des besoins de chaque apprenant.

4.6.   Accroître l’efficacité des services de l’emploi

4.6.1.

Dans la perspective d’une transition juste et de politiques actives du marché du travail, il est nécessaire de disposer de services de l’emploi qui soient eux-mêmes efficaces, capables non seulement de gérer la demande et l’offre d’emplois, mais aussi de proposer des services d’orientation et de conseil aux demandeurs d’emploi. Le CESE invite les États membres à investir davantage de ressources dans le renforcement de l’efficacité, de l’efficience mais aussi des capacités des services de l’emploi et de leur personnel, ainsi que dans la conception d’instruments destinés à soutenir ceux qui ne sont pas encore sur le marché du travail.

4.7.   Comptes de formation individuels et microcertifications

4.7.1.

Le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission relative aux comptes de formation individuels, car les prestataires de services d’apprentissage ont besoin d’un soutien financier pour fournir des formations aux apprenants. La pression quant à l’acquisition de qualifications ne cesse d’augmenter et le compte de formation individuel ne devrait pas avoir pour but de remplacer les structures de financement existantes, mais bien de les compléter, en particulier lorsque ce compte n’existe pas encore.

4.7.2.

Le compte de formation individuel est un élément essentiel du financement de la formation continue. Il doit être différencié en fonction du groupe cible et, en tout état de cause, faire l’objet d’une évaluation continue et, le cas échéant, d’une adaptation. Il convient avant tout que les personnes en âge de travailler disposent d’un accès direct à leur compte de formation individuel et qu’elles puissent choisir elles-mêmes la formation complémentaire à laquelle elles le consacrent.

4.7.3.

Dans le cadre de la proposition relative à une «approche européenne des microcertifications pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité», les microcertifications devraient mieux gérer les problèmes de formation et de reconversion des personnes. Elles permettraient aux citoyens d’acquérir plus facilement toutes les compétences nécessaires pour faire face aux actuels bouleversements sociétaux et transitions sur le marché du travail. Dans le même temps, l’approche a également pour but d’inviter les prestataires à rendre leurs offres plus transparentes et plus souples au moyen de microcertifications.

4.7.4.

Le CESE est d’avis qu’il peut s’avérer pratique et réalisable d’utiliser les microcertifications pour reconnaître le statut des apprenants informels, mais il importe dans le même temps qu’elles ne visent pas à affaiblir ou à remplacer l’enseignement formel initial, l’enseignement supérieur, l’enseignement et la formation professionnels ou les compétences traditionnelles.

4.8.   Attirer des ressortissants de pays tiers

4.8.1.

Le fait de viser à attirer des ressortissants de pays tiers possédant les compétences nécessaires à l’Union devrait être contrebalancé par une atténuation de la fuite des cerveaux. Le CESE plaide en faveur d’une augmentation des voies régulières de migration de la main-d’œuvre, mais la première priorité des politiques en matière de compétences devrait être de garantir le développement des compétences des travailleurs européens, ainsi que des migrants sans emploi et sans papiers déjà présents et travaillant dans l’Union.

4.8.2.

Il convient en outre d’envisager avec précaution la création d’un réservoir européen de talents, ouvert uniquement aux réfugiés ukrainiens. Le CESE encourage la Commission à élaborer des actions qui garantissent que chaque réfugié, tout comme chaque demandeur d’asile, ait la même possibilité que les autres citoyens de valider ses aptitudes et ses compétences, et de bénéficier des dispositifs de l’apprentissage, ainsi que du perfectionnement ou de la reconversion, pour s’insérer sur le marché du travail, conformément à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

4.8.3.

De plus, il s’impose, en tout état de cause, d’étudier ou d’encourager, indépendamment de leur recrutement, le fait de reconnaître plus simplement, plus rapidement et plus aisément les qualifications des ressortissants de pays tiers. Toutefois, il semble clair que, dans le cas des professions réglementées, seule l’application à ces derniers des règles de la directive «qualification» de l’Union permet d’accélérer ou de faciliter la reconnaissance de leurs qualifications.

4.9.   Coordination de l’Année européenne

4.9.1.

La Commission demande que les États membres désignent un coordinateur national pour l’Année européenne des compétences dont le rôle serait d’assurer la coordination des activités pertinentes à l’échelon national. Étant donné que la désignation des coordinateurs nationaux et que l’organisation des réunions connexes sont au cœur des articles sur la coordination au niveau national et au niveau de l’Union, ce point semble très minimaliste.

4.9.2.

Le CESE demande que ces points de coordination nationaux disposent des compétences nécessaires ainsi que des ressources financières adéquates, fournies par des sources et des mécanismes européens et nationaux, pour associer efficacement les représentants d’un vaste réseau de parties prenantes dans le domaine de l’éducation, de la formation et des compétences aux niveaux national et européen. Ces parties prenantes, notamment les partenaires sociaux, les services de l’emploi publics et privés, les prestataires d’enseignement et de formation et d’autres organisations de la société civile concernées, devraient participer à la coordination et jouer un rôle de premier plan à la fois dans la planification et dans la mise en œuvre des activités tout au long de l’année ainsi que dans leur évaluation. Il convient de cibler principalement les résultats durables qui peuvent être atteints au cours de l’année. En ce qui concerne les montants des financements, l’Année européenne pour le développement peut être considérée comme un exemple de bonne pratique.

4.10.   Inadéquation des compétences

4.10.1.

Si certains secteurs font face à un manque de travailleurs qualifiés, l’inadéquation est souvent davantage liée aux mauvaises conditions de travail (bas salaires, contrats précaires, manque de respect, temps de travail incompatible avec l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ou encore manque de formation et d’évolution de carrière des salariés) et à l’absence d’outils d’anticipation en tant que système d’alerte précoce pour prévoir les changements sur le marché du travail. Si l’Année européenne des compétences ne se penche pas sur cet aspect, la charge sera clairement inégale pour les travailleurs et la société en tant que telle, et la responsabilité partagée des entreprises ne sera pas mise en avant.

4.10.2.

De ce point de vue, les stratégies dans le domaine des compétences ne peuvent être dissociées de la création d’emplois de qualité et de stratégies en la matière. En effet, les programmes de formation, de reconversion ou de perfectionnement professionnels ne se révéleront pas utiles si les personnes auxquelles ils sont destinés vivent dans une zone économiquement désertée qui n’offre pas d’autres possibilités d’emploi. Des emplois de qualité, des salaires équitables et des conditions de travail décentes constituent la condition préalable à une croissance, une productivité et une innovation durables et de long terme, et le développement des compétences et l’apprentissage tout au long de la vie représentent l’un des outils permettant d’atteindre ces objectifs. À cet égard, il est essentiel d’assurer un dialogue social efficace avec les syndicats, de respecter et d’appliquer les droits des travailleurs, ainsi que d’informer et de consulter ces derniers sur la formation des salariés et l’apprentissage au niveau de l’entreprise.

Bruxelles, le 15 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à une Année européenne de la jeunesse 2022 [COM(2021) 634 final — 2021/0328(COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 122).

(2)  Étude de l’observatoire du marché du travail (OMT): Le travail de demain: assurer l’apprentissage et la formation des salariés tout au long de la vie | Comité économique et social européen (europa.eu).

(3)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Éducation et formation des adultes» (avis exploratoire à la demande de la présidence slovène) (JO C 374 du 16.9.2021, p. 16); avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment promouvoir, sur la base de l’éducation et de la formation, du point de vue de l’apprentissage tout au long de la vie, les compétences dont l’Europe a besoin pour établir une société plus juste, plus solidaire, plus durable, plus numérique et plus résiliente» (avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise) (JO C 286 du 16.7.2021, p. 27); avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience» [COM(2020) 274 final] et la proposition de recommandation du Conseil en matière d’enseignement et de formation professionnels (EFP) en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience [COM(2020) 275 final] (JO C 10 du 11.1.2021, p. 40); avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil sur une approche européenne des microcertifications pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité [COM(2021) 770 final] et sur la proposition de recommandation du Conseil relative aux comptes de formation individuels [COM(2021) 773 final] (JO C 323 du 26.8.2022, p. 62); avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie européenne en faveur des universités [COM(2022) 16 final] et sur la proposition de recommandation du Conseil visant à jeter des ponts pour une coopération européenne efficace dans le domaine de l’enseignement supérieur [COM(2022) 17 final] (JO C 290 du 29.7.2022, p. 109).

(4)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience» [COM(2020) 274 final] et la proposition de recommandation du Conseil en matière d’enseignement et de formation professionnels (EFP) en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience [COM(2020) 275 final] (JO C 10 du 11.1.2021, p. 40).

(5)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Éducation et formation des adultes» (avis exploratoire à la demande de la présidence slovène) (JO C 374 du 16.9.2021, p. 16).

(6)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Éducation et formation des adultes» (avis exploratoire à la demande de la présidence slovène) (JO C 374 du 16.9.2021, p. 16).

(7)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à une Année européenne de la jeunesse 2022 [COM(2021) 634 final — 2021/0328(COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 122).

(8)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil sur une approche européenne des microcertifications pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité [COM(2021) 770 final] et sur la proposition de recommandation du Conseil relative aux comptes de formation individuels [COM(2021) 773 final] (JO C 323 du 26.8.2022, p. 62); avis du Comité économique et social européen sur le thème «Éducation et formation des adultes» (avis exploratoire à la demande de la présidence slovène) (JO C 374 du 16.9.2021, p. 16); avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment promouvoir, sur la base de l’éducation et de la formation, du point de vue de l’apprentissage tout au long de la vie, les compétences dont l’Europe a besoin pour établir une société plus juste, plus solidaire, plus durable, plus numérique et plus résiliente» (avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise) (JO C 286 du 16.7.2021, p. 27).

(9)  Avis du Comité économique et social européen sur «Le financement durable de l’apprentissage tout au long de la vie et du développement des compétences dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre qualifiée» (avis exploratoire à la demande de la présidence croate) (JO C 232 du 14.7.2020, p. 8).

(10)  Avis du Comité économique et social européen sur «L’avenir du travail — L’acquisition des connaissances et compétences nécessaires pour répondre aux besoins des futurs emplois» (avis exploratoire à la demande de la présidence bulgare) (JO C 237 du 6.7.2018, p. 8).


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/132


Avis du Comité économique et social européen sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre

[JOIN(2022) 24 final]

(2023/C 100/20)

Rapporteur:

Panagiotis GKOFAS

Corapporteur:

Jan PIE

Consultation

Commission européenne, 28.6.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles

Adoption en section

11.11.2022

Date de l’adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

202/6/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) appuie les initiatives que propose la communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre. Le texte représente une avancée importante pour stimuler, entre les États membres, cette coopération dans le domaine de la défense qui est indispensable pour réduire les doubles emplois, fort coûteux, en matière de capacités militaires et éviter que le marché européen de ce secteur ne soit morcelé. Le CESE souligne ci-après les points saillants de son avis.

1.1.1.

Une stratégie de l’Union européenne sur les industries de la défense devrait trouver sa source dans une politique européenne vigoureuse en matière de défense et de sécurité.

1.1.2.

La faiblesse des volumes d’investissement et le manque de coordination entre les États membres dans le domaine de la recherche et du développement ont pour effet de provoquer des lacunes en matière de capacités et morcellent la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE).

1.1.3.

Le CESE soutient les mesures concrètes que propose la Commission européenne, en l’occurrence l’instrument de renforcement l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes (EDIRPA) et le programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP), et il appelle à assurer au niveau de l’Union une coordination plus poussée entre les États membres en ce qui concerne les politiques de défense et les marchés publics.

1.1.4.

Il conviendrait de réexaminer les budgets nationaux de défense, afin de prévoir chaque année la part qu’ils allouent au renforcement des investissements européens communs dans ce domaine. Ils contribueront ainsi à évaluer la base financière destinée à des actions concrètes qui, menées de manière coordonnée par l’Union européenne, visent à conforter ses capacités de défense.

1.1.5.

L’accent devrait être mis tout particulièrement sur les déclinaisons contemporaines de la guerre, comme les cyberattaques, les conflits numériques et la propagande à base de fausses informations.

1.1.6.

Le Parlement européen doit élaborer un mécanisme pour suivre la mise en œuvre de la politique européenne de défense, en ce qui concerne les contrats, les marchés publics et les investissements, et se doter des outils techniques et institutionnels appropriés pour ce faire.

1.1.7.

La Commission est invitée à présenter rapidement une proposition ambitieuse, qui aille au-delà d’une éventuelle exemption de TVA et reprenne des mesures énergétiques destinées à aider l’industrie à s’adapter aux nouveaux défis stratégiques.

1.2.

Le CESE partage l’évaluation contenue dans la communication conjointe concernant les déficits dont souffre l’Union européenne en matière d’investissements de défense. Ce sous-investissement a affaibli sa sécurité, fragilisé l’OTAN et miné la position qu’elle occupe vis-à-vis d’autres puissances mondiales. Par ailleurs, elle continue à présenter en son sein de fortes disparités pour ce qui est d’investir dans ce domaine. Cette évolution est en contradiction avec le principe de la solidarité entre les États membres et favorise les forces politiques centrifuges qui dévoient les efforts consentis pour développer en Europe une culture de sécurité et une politique de défense communes.

1.3.

Le CESE se félicite que plusieurs États membres aient annoncé leur intention d’augmenter leurs budgets de défense, et il les exhorte à tenir leur engagement d’investir non seulement davantage mais mieux, en répondant à la nécessité d’approfondir la solidarité entre les citoyens européens et leur culture de préparation à faire face aux situations d’urgence. Il est de la plus haute importance de coordonner les efforts nationaux de défense au niveau européen, afin qu’ils ne portent pas préjudice à des initiatives récentes de l’Union, ni n’entravent des projets européens de développement, qu’ils soient en cours ou simplement envisagés. Cette coordination renforcée à l’échelle européenne devrait également être considérée comme un moyen de consolider les capacités globales de l’OTAN. Le CESE exprime son soutien à l’idée de renforcer le cadre européen de coopération en matière de défense, en particulier grâce aux acquisitions conjointes. À cet égard, il est totalement favorable à la création immédiate de la task-force pour les acquisitions conjointes dans le domaine de la défense, en ce qu’elle constitue un moyen pour coordonner au niveau de l’Union les réactions des États membres face à des besoins urgents de très court terme, dont, en particulier, la reconstitution des arsenaux.

1.4.

Le CESE appelle à réaliser un examen technique plus poussé quant aux moyens de réaliser une interface européenne qui optimise le rendement que les dépenses nationales de défense produisent au niveau de l’Union.

1.5.

Le CESE accueille favorablement la proposition de créer un instrument de court terme, destiné à encourager les acquisitions conjointes et doté d’un budget de 500 millions d’euros sur deux ans (2022-2024). En s’appuyant sur les travaux de la task-force pour les acquisitions conjointes, ce dispositif pourrait contribuer à structurer et coordonner la demande actuelle concernant des produits de défense qui revêtent une nécessité urgente et empêcher l’éviction de parties prenantes.

1.6.

Le CESE se félicite également de l’annonce d’un programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP), visant des projets de défense développés de manière conjointe, et il incite la Commission à présenter rapidement une proposition ambitieuse, qui aille au-delà d’une éventuelle exemption de TVA et reprenne des mesures énergétiques destinées à aider l’industrie à s’adapter aux nouveaux défis stratégiques. L’Union européenne se doit de développer des initiatives d’investissement qui assureront l’essor de la coopération dans ce secteur, grâce à de jeunes pousses et de petites et moyennes entreprises, au titre de la loi de l’Union sur les petites entreprises (SBA), et d’utiliser tout le potentiel des forces de travail hautement qualifiées qui œuvrent dans le secteur de la défense, tout en veillant à assurer une montée en gamme des compétences et à en développer de nouvelles, grâce à des programmes spécifiques de recherche et développement et des projets européens qui ouvrent la voie à des possibilités de coopération entre les industries nationales.

1.7.

Le CESE se réjouit de l’annonce faite par la Commission qu’elle présenterait une initiative sur les matières premières critiques, qui comportera des mesures législatives et aura pour visée de renforcer la résilience de l’Union et la sécurité de ses approvisionnements en ce qui concerne ces matériaux. Il est d’avis que cette initiative doit tenir compte de l’importance stratégique que revêt le secteur de la défense.

1.8.

Si elle était intégrée, une politique de défense commune offrirait à l’Union européenne la possibilité d’agir sur un mode plus autonome dans le domaine de l’innovation industrielle, d’accroître les transferts technologiques mutuels entre le militaire et le civil, et de mener une politique plus efficace et indépendante dans le domaine de la défense, ainsi que de l’énergie.

1.9.

Le CESE s’accorde à considérer que pour affronter les nouvelles formes de guerre hybrides, il importe de constituer un pôle solide de cybersécurité, lequel devrait constituer l’une des principales visées des investissements de demain en matière de cybersécurité, eu égard au rôle que ce dispositif peut jouer pour faire face à ces nouveaux types de conflits.

1.10.

Le CESE estime que la communication conjointe ne fournit pas d’orientations stratégiques suffisantes pour assurer que la base industrielle et technologique de défense européenne continue à se développer. Afin de réagir aux nouveaux enjeux de sécurité qui menacent le cadre européen de sécurité, il est nécessaire de disposer, dans le domaine des industries de défense, d’une stratégie européenne globale, qui agencera toutes les mesures de politique industrielle de telle manière qu’elles renforcent les performances de cette base industrielle et technologique de défense européenne, en conformité avec ses missions premières. À cet égard, la communication conjointe ne constitue qu’un premier pas dans la bonne direction.

1.11.

Le CESE recommande de créer un comité scientifique ou une agence qui, sous le contrôle politique du Parlement européen, assure en continu un suivi et une évaluation des investissements de défense sous leurs principaux aspects et fournisse des orientations pour une répartition efficace des ressources financières et militaires. Tous les États membres devraient pouvoir disposer des résultats de ces investigations.

1.12.

Le CESE a la conviction que l’industrie européenne de la défense est susceptible d’encourager les synergies et la coopération entre toute une série de secteurs économiques, d’acteurs et de parties prenantes. Il conviendrait d’accorder une attention particulière aux petites et moyennes entreprises, dans l’esprit de la loi sur les petites entreprises.

2.   Le contexte

2.1.

En réaction à l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine, les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne réunis à Versailles en mars 2022 ont affirmé leur détermination à renforcer les capacités européennes de défense. Ils se sont engagés à 1) augmenter les dépenses de défense, 2) intensifier la coopération au moyen de projets conjoints, 3) remédier aux insuffisances et atteindre les objectifs en matière de capacités, 4) stimuler l’innovation, notamment au moyen de synergies entre le civil et le militaire et, enfin, 5) renforcer et développer l’industrie européenne de la défense, y compris les petites et moyennes entreprises.

2.2.

Ces mêmes chefs d’État ou de gouvernement ont également invité la Commission, agissant en coordination avec l’Agence européenne de défense, à «présenter une analyse des déficits d’investissement dans la défense d’ici la mi-mai et à proposer toute initiative supplémentaire nécessaire pour renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne».

2.3.

Pour répondre à la mission qui leur a ainsi été confiée, la Commission européenne, ainsi que le haut représentant ou le chef de l’Agence européenne de défense ont soumis au Conseil européen un ensemble d’actions et de recommandations visant à garantir que les augmentations annoncées concernant les dépenses de défense des États membres ne provoquent pas un morcellement de l’industrie européenne de défense et à assurer qu’elles aboutissent à renforcer la base industrielle et technologique de défense de l’Union européenne. Ces préconisations comprennent en particulier des dispositions destinées à encourager les acquisitions conjointes, améliorer la programmation en matière de défense et développer les capacités de fabrication. Elles comportent également une référence spécifique à l’amélioration des possibilités de financement pour le secteur.

2.4.

Les recommandations de la communication conjointe sont fondées sur une évaluation des déficits actuels en matière d’investissements et de capacités. Bien que les dépenses européennes dans ce domaine aient augmenté en 2020, seuls 11 % desdits investissements ont été effectués sur un mode collaboratif, représentant donc un pourcentage bien inférieur à l’objectif de 35 % sur lequel les États membres s’était accordés dans le cadre de l’Agence européenne de la défense (AED) et qui avait été fixé au titre de la coopération structurée permanente (CSP), tandis que les 89 % restants étaient engagés sur une base nationale. Il convient de noter que les États membres de l’Union sont confrontés à des risques qui diffèrent de l’un à l’autre et qu’il en va de même de leurs capacités à répondre à des crises, militaires ou autres, qui nécessitent de disposer de ressources de défense diversifiées.

2.5.

En outre, les engagements combinés des États membres dans la recherche et la technologie (R & T) en matière de défense, d’un montant de 2,5 milliards d’euros, ne représentent que 1,2 % de leurs dépenses totales dans ce domaine de la défense, soit une performance qui se situe nettement en deçà du seuil de 2 % convenu dans le cadre de l’Agence européenne de défense et coulé sous la forme d’un engagement plus contraignant au titre de la coopération structurée permanente.

2.6.

Qui plus est, le secteur européen de la défense continue à souffrir de facteurs qui entravent son efficacité, comme la faiblesse des économies d’échelle, le morcellement de son marché et de sa production ou la coexistence de versions doubles, voire multiples, de systèmes de défense du même type, pour ne citer que ces quelques exemples. L’absence de coopération entre les États membres affaiblit les capacités industrielles et technologiques dont l’Union a besoin pour préserver ses capacités de défense et répondre à ses besoins, actuels et futurs, dans le domaine de la sécurité.

3.   Observations générales

3.1.

Les investissements dans le secteur de la défense devraient jouer un rôle préventif et constituer un facteur de dissuasion et de stabilité, s’attachant à augmenter la sécurité et à réduire les risques de confrontation plutôt que d’enclencher une nouvelle course aux armements et d’accroître la probabilité de déclencher de nouveaux conflits, qu’ils soient régionaux ou locaux.

3.2.

En matière de prévention et de résolution des conflits, l’idéal serait que la diplomatie prime en tout état de cause, le recours à la force armée devant rester un moyen de dissuasion ultime, à n’activer qu’en dernier recours Pour défendre les valeurs européennes de démocratie, de paix et de stabilité, il conviendrait, avant d’entamer une quelconque action armée, d’ouvrir des perspectives de développement et d’assurer la prospérité économique. Le CESE soutient tous les efforts qui sont déployés à l’échelle internationale pour parvenir à résoudre de manière pacifique, juste et concrète, dans le cadre des conditions fixées par la charte des Nations unies et la résolution du Conseil de l’Europe, tous les conflits, différends ou actions illégales qui prennent la forme d’invasions, d’occupations, de menaces contre la souveraineté nationale ou d’intimidations, par exemple dans le cas de l’Ukraine, de Chypre, des Balkans occidentaux ou d’autres régions.

3.3.

Le CESE a la conviction qu’une coordination étroite est nécessaire entre l’Union européenne et l’OTAN. Les deux organisations disposent chacune d’outils et d’atouts propres, qu’il convient d’utiliser de manière complémentaire au service de l’objectif commun de garantir la sécurité de l’Europe.

3.4.

Le CESE déplore que sous l’effet du grave sous-investissement dont le secteur de la défense a souffert des années durant, l’Union européenne accuse un retard dans son industrie comme dans ses capacités. En outre, il reconnaît qu’à l’heure actuelle, sa base industrielle et technologique de défense est formatée pour des opérations de temps de paix, qui ne requièrent que de faibles cadences de production, et il appelle à prendre des mesures pour qu’elle puisse répondre à la brusque augmentation de la demande qui résulte de la guerre en Ukraine.

3.5.

Le CESE adhère aux appels que la communication conjointe lance aux États membres pour qu’ils acquièrent sur un mode collaboratif les équipements et le matériel de défense dont ils ont besoin. Ces achats groupés de biens qu’ils doivent acquérir d’urgence présenteraient l’avantage d’accroître le rendement des dépenses engagées, de renforcer l’interopérabilité des matériels et d’éviter que les plus exposés d’entre eux ne soient dans l’impossibilité d’obtenir les dispositifs qui leur sont nécessaires, parce que l’industrie de défense, incapable de répondre à un tel afflux de commandes à échéances brèves, se trouvera confrontée à des demandes qui entrent en conflit.

3.6.

Le CESE soutient également la proposition de stimuler, grâce à un instrument spécifique de court terme, les acquisitions conjointes effectuées par l’intermédiaire du budget de l’Union. Le soutien financier qu’elle apportera grâce à cet instrument devrait encourager les États membres à s’engager dans des procédures d’acquisitions conjointes dans le domaine de la défense et s’avérer bénéfique pour la base industrielle et technologique de défense européenne, tout en garantissant la capacité d’action des forces armées européennes, leur sécurité d’approvisionnement et une interopérabilité accrue.

3.7.

Par ailleurs, le CESE attend avec intérêt la proposition relative à un «programme européen d’investissement dans le domaine de la défense» (EDIP), tout en se demandant s’il sera suffisant pour encourager, par l’exonération de TVA telle que proposée, à réaliser des acquisitions conjointes en rapport avec des projets élaborés de concert. L’action qui s’impose consiste à mettre la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) en mesure de soutenir les forces armées européennes, y compris en cas de conflits longs et de grande ampleur. Pour ce faire, il serait nécessaire de mobiliser de manière systématique divers outils de politique industrielle, pour renforcer les chaînes d’approvisionnement, favoriser les compétences ou créer des stocks stratégiques, entre autres actions. Le programme européen d’investissement dans le domaine de la défense devrait donc adopter une démarche intégrée, afin de soutenir la transformation qu’il est absolument nécessaire d’imprimer à la base industrielle et technologique de défense européenne.

3.8.

Par ailleurs, la communication conjointe trahit un manque d’ambition à l’égard d’autres initiatives, comme le Fonds européen de la défense. Le CESE préconise de tirer parti de la souplesse que ménage l’actuel cadre financier pluriannuel (CFP) pour accroître le budget du Fonds européen de la défense dans des proportions significatives et le porter à un niveau qui soit à la hauteur des augmentations annoncées dans les dépenses de défense des dépenses des États membres. Une telle démarche est nécessaire pour garantir que le fonds puisse produire son effet de levier et soit à même de stimuler la coopération. Il est censé jouer un rôle crucial pour surmonter la compartimentation des systèmes européens de défense et réduire le retard d’investissement dans ce domaine. De l’avis du CESE, il serait susceptible d’assumer cette mission le cas échéant pour autant que les États membres améliorent sensiblement leur coopération. Il conviendrait de le soumettre à des évaluations régulières et de le renforcer, si, de ce fait, il contribue efficacement à accroître la cohésion et l’efficacité de la dépense européenne en matière de défense. La valeur ajoutée européenne constitue un critère de la plus haute importance pour justifier l’existence de cet instrument. En outre, le Comité suggère de s’employer en priorité à lui donner un caractère plus stratégique, en sélectionnant un nombre limité de projets phares, qui bénéficieront d’une dotation adéquate, de le rendre plus réactif, que ce soit par l’augmentation des ressources de la ligne budgétaire destinée aux petites et moyennes entreprises et aux technologies de rupture, par une réaction plus prompte aux idées novatrices ou par l’instauration de procédures accélérées pour les projets urgents, par exemple, et, enfin, d’augmenter son efficacité, entre autres en optimisant, pour les actions qu’il finance, les transferts en matière de défense, en harmonisant les encadrements régissant la propriété intellectuelle, ou en définissant des solutions durables pour le traitement des données classifiées.

3.9.

Par ailleurs, le CESE a la conviction que pour réduire ses dépendances stratégiques vis-à-vis de régimes autoritaires, il est maintenant absolument nécessaire que l’Europe dispose d’une politique intégrée et stratégique dans le domaine des matières premières, dont celles à caractère stratégique. Cette action devrait, de l’avis du Comité, reposer sur trois piliers: 1) un accès libre et ouvert à ces matières à l’échelle mondiale, 2) le renforcement de leur exploitation et de leur traitement, ainsi que des incitations fiscales et des initiatives de stockage les concernant, au niveau européen et national, et, enfin, 3) leur recyclage et l’amélioration de l’encadrement régissant une économie circulaire.

3.10.

Le CESE est d’avis que la vocation première de la base industrielle et technologique de défense européenne consiste à aider les forces armées européennes à remplir leur mission. Il juge que pour ce faire, il convient que cette base soit en mesure de remplir quatre missions essentielles: 1) fournir en tout temps et toutes circonstances les équipements de défense et les services connexes qui sont nécessaires, 2) améliorer les technologies de défense essentielles et en développer de nouvelles versions, plus poussées, ainsi que les générations suivantes, 3) répondre aux tendances technologiques d’émergence récente et aux percées en la matière émanant de concurrents et adversaires potentiels et, pour terminer, 4) faire pièce à ces adversaires en développant des concepts novateurs, des technologies de rupture et des applications totalement neuves. La Commission et les États membres devraient, en se fondant sur la communication conjointe, élaborer une stratégie industrielle de défense à caractère global, visant à renforcer les performances de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) au regard de ses missions essentielles.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE s’accorde lui aussi à considérer qu’il importe de construire un pôle solide de cybersécurité, capable d’affronter les nouvelles formes de guerre hybrides, comme les cyberattaques et les actes de malfaisance numériques qui ont émaillé de récents conflits internationaux, de type militaire ou non. Il convient en conséquence de mettre tout particulièrement l’accent sur les investissements touchant à la cybersécurité, s’agissant d’un domaine qui s’est rapidement développé ces dix dernières années et semble induire des bouleversements accélérés dans les questions et enjeux politiques, à l’échelle du monde comme de chaque pays.

4.2.

Le CESE souligne que l’Union européenne doit développer des initiatives d’investissement qui assureront l’essor de la coopération dans ce secteur, grâce à de jeunes pousses et de petites et moyennes entreprises, et utiliser tout le potentiel des forces de travail hautement qualifiées qui œuvrent dans la défense, tout en veillant à assurer une montée en gamme des compétences et à en créer de nouvelles, au moyen de programmes européens collaboratifs.

4.3.

Le CESE réitère sa proposition de créer un guichet unique en ligne pour les petites et moyennes entreprises et les jeunes pousses, sous la forme d’un «point de ralliement des petites et moyennes entreprises de l’Union européenne» accessible à distance, offrant la possibilité d’encoder des données selon des modalités prédéfinies et de recevoir en retour des informations sur mesure concernant les programmes de l’Union qui se prêtent le mieux à dispenser un soutien dans la situation concernée.

4.4.

S’agissant des mesures visant à soutenir les technologies critiques et les capacités industrielles, il reste primordial de réduire les dépendances critiques du secteur de la défense sur tous les maillons de sa chaîne de valeur. Cet impératif couvre un champ d’application qui, de l’accès aux matières premières revêtant une nature critique, s’étend jusqu’à l’approvisionnement en composants et sous-systèmes qui le sont également, en couvrant aussi la stabilité financière et économique de la chaîne d’approvisionnement industrielle et la disponibilité, en volume suffisant, des compétences qui sont nécessaires pour répondre aux besoins présent et futurs en matière de capacités et de technologies. Le CESE entend aussi mettre l’accent sur les points de vue et les recommandations qu’il a déjà formulés dans son avis relatif à la «Feuille de route sur les technologies critiques pour la sécurité et la défense» (CCMI/189).

4.5.

Dans l’élaboration d’un nouveau modèle pour les investissements dans le domaine de la défense en Europe, il conviendrait également de tenir compte de critères sociaux et environnementaux, en faisant droit à la nécessité d’insérer efficacement des outils fiables et transposables dans le pacte et les objectifs de développement durable (ODD), de manière à répondre aux priorités et dangers principaux concernant l’Europe, qu’ils touchent à l’économie circulaire, à la protection civile, aux catastrophes naturelles, à la gestion des situations d’urgence ou aux actions terroristes en mer. La gestion de crise et les phénomènes en rapport avec la crise climatique nécessitent de mener sur-le-champ des actions complémentaires et de disposer d’outils modernes. À cet égard, il serait opportun de discuter d’un dispositif de coopération distinct avec la direction générale ECHO.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/137


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115

[COM(2022) 305 final — 2022/0196 (COD)]

(2023/C 100/21)

Rapporteur:

José Manuel ROCHE RAMO

Corapporteur:

Arnold PUECH D’ALISSAC

Consultation

Parlement européen, 14.7.2022

Conseil, 6.7.2022

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

22.2.2022

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

24.11.2022

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/01/04

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La «proposition de règlement concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable» instaure un ensemble d’innovations et de mesures qui sont destinées à remédier à certaines des faiblesses relevées dans la mise en œuvre et l’exécution de la «directive sur l’utilisation des pesticides compatible avec le développement durable» (1).

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime non seulement que cette révision est nécessaire mais relève avec satisfaction que bon nombre des lacunes détectées dans la directive en vigueur et des initiatives envisagées dans cette nouvelle proposition avaient déjà été évoquées dans les observations et recommandations qu’il avait émises dans le cadre de son rapport d’information (2). Parmi les impératifs auxquels le règlement à l’examen s’efforce de faire droit figurent, pour n’en citer que quelques-uns, la nécessité d’une harmonisation plus poussée dans la mise en œuvre des plans d’action nationaux, la prise en compte de l’hétérogénéité que les situations sur le terrain présentent d’un État membre à l’autre, la formation appropriée à donner aux utilisateurs, ou encore l’enjeu que constitue la promotion des nouvelles technologies, comme l’agriculture de précision.

1.3.

Dans la ligne des objectifs fixés par la stratégie «De la ferme à la table» et de celle en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, la proposition de règlement sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable s’efforce d’améliorer la durabilité environnementale, économique et sociale des systèmes alimentaires. À cet égard, le CESE apprécie que lesdits objectifs aient été repris dans le texte à l’examen, et il reconnaît par ailleurs les avancées qu’il apporte pour améliorer tant la santé du citoyen et du consommateur que le bon état de l’environnement.

1.4.

S’agissant de réduire, d’ici à 2030, l’utilisation des pesticides et les risques qui y sont liés, la nouvelle stratégie européenne instaure des objectifs quantitatifs. Ils sont assurément ambitieux, de sorte qu’il est nécessaire de définir des périodes de transition raisonnables, qui devront tenir compte (3) de l’historique des réductions d’utilisation de ces produits, ainsi que du contexte géographique, agronomique et socio-économique propre à chaque État membre, et qui donneront aux agriculteurs la possibilité de commencer à recourir à de nouveaux produits de substitution. Si l’on considère que les dispositifs actuels à faible risque ont besoin, en moyenne, de dix années avant d’arriver sur le marché, il apparaît que les législateurs doivent se montrer particulièrement attentifs au calendrier fixé pour atteindre les objectifs susmentionnés, en adoptant sur ce point toute la souplesse voulue afin de respecter l’injonction de «ne laisser personne de côté». En outre, la proposition de la Commission européenne prévoit, pour les zones dites «sensibles», de larges restrictions dans l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Le CESE fait observer que sur le territoire de l’Union européenne, de vastes aires de production agricole répondent à la définition des «zones sensibles» et entrent dans le champ d’application des dispositions afférentes. De telles exigences étant lourdes de conséquences, il conviendrait de ne les instaurer que sur la base d’une solide analyse de leurs impacts, sur le plan scientifique et agronomique.

1.5.

En ce qui concerne les «indicateurs de risque harmonisés», il est indispensable de pouvoir tabler sur des lignes directrices claires et des indicateurs qui doivent être adéquats. Du fait des lacunes qui affectent les données actuelles, notamment en ce qui concerne l’utilisation des pesticides chimiques, il conviendra de faire preuve de la plus grande prudence à propos de la méthode utilisée. Cette circonspection est tout particulièrement de mise pour ce qui est d’utiliser les ventes effectuées dans le commerce comme point de référence pour la définition de l’indicateur de risque harmonisé 1 (IRH1). De même, il convient d’accorder une attention spécifique au laps de temps qui sert à son calcul. Sur ce point, il serait possible d’améliorer les estimations concernant la commercialisation des pesticides, par exemple en faisant intervenir une distinction entre les autorisations professionnelles et celles pour «la maison et le jardin», c’est-à-dire celles accordées à des fins agricoles et non agricoles, respectivement.

1.6.

De la pandémie à l’invasion de l’Ukraine et à la guerre qui s’y déroule, en passant par une forte intensification des retombées du changement climatique, prenant notamment la forme de sécheresses, d’incendies, d’inondations, d’apparitions de nouveaux ennemis des cultures ou de vagues de chaleur, les crises les plus récentes ont produit des effets délétères, en raison desquels l’Union européenne a dû placer la production d’aliments et la sécurité alimentaire au tout premier rang des priorités de ses interventions stratégiques.

1.7.

Elle n’en doit pas moins continuer à exécuter la feuille de route qu’elle s’est assignée pour atteindre ses engagements en rapport avec le climat et la durabilité. Tout en ayant conscience que l’Europe doit continuer à mettre en œuvre les actions prévues dans le cadre du programme des Nations unies à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable, il conviendra aussi de prendre en considération les répercussions et les retombées que le contexte actuel produit pour les systèmes agroalimentaires. Sur ce point, il y a lieu d’envisager, dans le scénario actuel de crise, d’appliquer éventuellement certaines dérogations, qui seront toujours bien circonscrites et limitées dans le temps (4).

1.8.

Il conviendrait de considérer que cette crise fournit aussi l’occasion de traiter les causes structurelles de l’instabilité mondiale et de repenser la dynamique des chaînes d’approvisionnement, en apportant des améliorations durables qui soient bénéfiques pour les personnes comme pour la planète dans son ensemble. Il est urgent, en particulier, de lancer un débat et une réflexion approfondie sur le système agroalimentaire que l’Union européenne doit envisager pour les prochaines décennies.

1.9.

En parallèle, l’Union européenne a le devoir et la responsabilité de faire de la production de denrées et de la sécurité alimentaire un objectif stratégique de premier ordre. À cet égard, les buts poursuivis par le pacte vert comme par la stratégie «De la ferme à la table», dans lesquels s’inscrit la proposition à l’examen, doivent toujours s’appuyer sur des preuves scientifiques et s’accompagner des analyses d’impact afférentes concernant les buts poursuivis, de manière à garantir à ce que ces visées s’articulent correctement, dans le respect du principe de proportionnalité.

1.10.

Sur ce point, plusieurs études (5) ont d’ores et déjà mis en garde contre les répercussions dommageables que pourrait produire, à l’échelle mondiale, une augmentation brutale des prix des denrées alimentaires résultant d’une diminution des récoltes et d’une baisse des rendements. Si sa production agricole enregistrait un recul, l’Union européenne pourrait se trouver dans une position de dépendance accrue vis-à-vis des importations d’aliments en provenance de pays tiers, qui aurait également des conséquences néfastes d’un point de vue environnemental, social et économique.

1.11.

En conséquence, il convient que la proposition ait pour objectif ultime de favoriser des démarches de substitution, sous la forme d’une «boîte à outils», en ce qu’elle s’assignera pour priorité de progresser dans la mise en œuvre et le respect des impératifs régissant la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, laquelle doit rester le socle même du texte, et entreprendra d’intensifier et de soutenir le recours à ces dispositifs de remplacement destinés à garder lesdits ennemis sous contrôle, comme les produits phytosanitaires à faible risque ou à base biologique. À l’heure actuelle, ces solutions ne peuvent toutefois remplacer le recours aux pesticides chimiques. Les États membres se doivent d’encourager à utiliser cette panoplie aussi rapidement que possible, en veillant pour leur part à mettre à disposition des régimes adéquats de mesures incitatives.

1.12.

La boîte à outils susmentionnée doit être axée sur l’utilisation des diverses méthodes et moyens qui ont pour base la science et l’innovation: le recours à des variétés plus résistantes, les semences certifiées, l’agriculture de conservation, la production intégrée, les nouvelles techniques d’édition génomique, l’agriculture biologique, la rotation des cultures, les technologies numériques, ou encore l’appui à la pratique de cultures mineures posent autant de jalons sur la voie d’une transition réussie vers un modèle où l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sera plus réduite.

1.13.

Pour y parvenir, il est capital de pouvoir compter sur des dispositifs phytosanitaires durables, qui s’appuient sur une base scientifique et soient efficaces, sûrs et abordables, de façon à disposer des moyens de fournir aux agriculteurs les instruments voulus pour préserver leur compétitivité. Dans cette logique, la Commission doit exiger une réciprocité en matière réglementaire, de manière que s’agissant des productions importées de pays tiers qui ont été traitées avec des produits non autorisés sur le marché de l’Union, les normes qu’ils appliquent soient au minimum équivalentes à celles qui sont en vigueur sur son territoire.

1.14.

Dans le même temps, il est essentiel d’éviter une augmentation disproportionnée de la charge administrative des agriculteurs, qui affecterait avec plus de force encore les exploitations de petite ou moyenne taille, lesquelles, pour des raisons d’économie d’échelle, sont moins à même de faire face à de telles obligations.

1.15.

Par ailleurs, les organismes de gestion qui sont chargés de la diffusion des données statistiques doivent faire montre d’une grande prudence dans la manière dont elles les administrent, s’agissant notamment de respecter pleinement le droit des personnes au respect de leur vie privée, ainsi que ceux touchant à la propriété des données, lesquelles, dans bien des cas, portent sur des informations à caractère confidentiel.

1.16.

Le CESE se félicite de constater que la proposition opte pour un modèle de conseil impartial, professionnel et indépendant, grâce auquel les agriculteurs pourront continuer à recourir à des pratiques durables sur leurs terres. Le rôle que les organisations agricoles et les coopératives peuvent jouer dans ce domaine s’avérera essentiel pour que les exploitants puissent retirer un maximum d’avantages de cette démarche, que ce soit au niveau de la production ou, éventuellement, sous la forme d’une commercialisation commune, par exemple dans le cas des exploitations coopératives.

1.17.

Le CESE se réjouit également de constater qu’une disposition spécifique a été prévue pour que les frais encourus par les agriculteurs soient compensés grâce à une aide financière. Il estime toutefois qu’il reste nécessaire de préciser plus en détail certains aspects concernant l’insertion de ce concours financier au sein de la politique agricole commune, en apportant notamment des clarifications touchant à son calendrier et à sa mise à exécution, étant donné que la nouvelle version de cette politique et les plans stratégiques afférents de chaque État membre devront avoir été approuvés pour le 1er janvier 2023 et entrer en vigueur à cette date.

2.   Contexte

2.1.

Dans le cadre de la révision de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, la Commission européenne a procédé, le 22 juin 2022, à la publication de sa «proposition de règlement concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable», qui, initialement prévue pour le 23 mars 2022, avait été repoussée à une date ultérieure en raison des conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine. La proposition de règlement a été présentée dans le contexte du paquet sur la protection de la nature, en même temps que le règlement sur la restauration de la nature, ce train de mesures représentant une avancée décisive dans la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe, de la stratégie «De la ferme à la table» et de celle en faveur de la biodiversité.

2.2.

Dans le droit fil de la stratégie «De la ferme à la table», les principaux objectifs de la proposition de la Commission sont les suivants:

réduire de 50 %, d’ici 2030, par rapport à la moyenne des années 2015, 2016 et 2017, l’utilisation globale des pesticides les plus dangereux, et les risques y associés (objectif de réduction 1), ainsi que celle des pesticides en général (objectif de réduction 2),

renforcer l’application et l’exécution de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures,

accroître l’utilisation de solutions de substitution moins dangereuses et non chimiques aux pesticides chimiques pour la lutte contre les ennemis des cultures,

améliorer la disponibilité des données de surveillance relatives à l’application et l’utilisation des pesticides et aux risques y associés, ainsi qu’à la santé et à l’environnement,

réaliser des progrès dans la mise en œuvre, l’application et l’exécution des dispositions juridiques dans l’ensemble des États membres, pour augmenter l’efficacité et l’efficience des politiques,

promouvoir l’adoption de nouvelles technologies, telles que l’agriculture de précision, afin de réduire l’utilisation globale et le risque des pesticides.

2.3.

Les États membres pourront réduire leur objectif national relatif à l’utilisation des produits chimiques phytopharmaceutiques et des risques associés grâce à un système de pondération qui tiendra compte du chiffre relatif, d’une part, à l’intensité d’utilisation et, d’autre part, à l’utilisation et au risque. Cet objectif de réduction pour 2030 ne pourra en aucun cas être inférieur à 35 % ni excéder 70 %.

2.4.

Pour atteindre ces résultats, la proposition soumise par la Commission fixe des objectifs de réduction juridiquement contraignants au niveau de l’Union. Les nouvelles règles prévoient également que les États membres doivent adopter des objectifs contraignants afin de contribuer à la réalisation de celui que l’Union s’est assigné globalement. Le règlement dispose que les États membres bénéficieront d’une certaine latitude, afin de pouvoir tenir compte de leur situation nationale. Il conviendra en particulier de prendre en considération, au niveau de chacun d’entre eux, les progrès historiques accomplis et l’intensité d’utilisation des pesticides.

2.5.

La Commission mesurera chaque année l’utilisation des pesticides chimiques et les risques qui en découlent, en utilisant une méthodologie fondée sur les données relatives aux ventes de produits phytopharmaceutiques qui lui auront été communiquées par les États membres. La base de référence pour le calcul des réductions de 50 % sera celle des ventes des années 2015, 2016 et 2017.

2.6.

Toutes les substances actives mises sur le marché sous la forme de produits phytopharmaceutiques seront classées dans l’un des quatre groupes qui ont été déterminés et chacune d’entre elles sera affectée d’une pondération, plus élevée pour les groupes les plus dangereux.

2.7.

En résumé, les principales innovations instaurées par la révision se présentent comme suit:

un règlement, directement contraignant et applicable de manière uniforme dans tous les États membres,

des objectifs juridiquement contraignants visant à réduire de 50 %, à l’horizon 2030, l’utilisation des pesticides chimiques et des risques y associés, ainsi que celle des pesticides plus dangereux,

des plans d’action nationaux (PAN) rationalisés et des rapports annuels à l’appui des objectifs juridiquement contraignants,

une lutte contre les ennemis des cultures qui soit respectueuse de l’environnement, en ce qu’elle veillera à ce que tous les agriculteurs pratiquent celle de type intégré, dans laquelle les pesticides chimiques ne sont utilisés qu’en dernier recours,

un nouveau registre destiné à faciliter l’inspection du matériel d’application des pesticides,

un engagement à réviser les indicateurs de risques harmonisés à la lumière des statistiques sur les intrants et les produits agricoles,

des mesures d’incitation encourageant les agriculteurs à réduire l’utilisation des pesticides dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC), à savoir des financements exceptionnels, octroyés sur une période de cinq ans, pour les aider à se conformer aux exigences,

pour ce qui est de former les intervenants, de nouvelles dispositions sur les périodes de validité des certificats et preuves de formation nécessaires à certaines activités,

l’interdiction de toute utilisation de pesticides dans les zones sensibles et à moins de trois mètres de leurs limites,

des critères plus stricts pour les dérogations concernant la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques.

2.8.

Il est prévu de déployer un ensemble de mesures clés qui aideront les agriculteurs et les autres utilisateurs à passer à des systèmes de production alimentaire qui soient plus durables, prenant notamment la forme i) d’un élargissement de l’éventail des solutions de type biologique et à faible risque qui sont disponibles sur le marché, ii) de mesures incitant les exploitants à réduire l’utilisation des pesticides dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, iii) d’actions en matière de recherche et de développement au titre d’«Horizon 2030» et, enfin, iv) du plan d’action pour le développement de la production biologique.

3.   Observations générales

3.1.

De la pandémie à l’invasion de l’Ukraine et à la guerre qui s’y déroule, en passant par une forte intensification des retombées du changement climatique, prenant notamment la forme de sécheresses, d’incendies, d’inondations, d’apparitions de nouveaux ennemis des cultures ou de vagues de chaleur, le contexte actuel de crise pèse très lourdement sur les systèmes agroalimentaires européens et mondiaux. L’Union européenne ne peut néanmoins pas poser que toutes ces embûches représenteraient un obstacle tel qu’elles la forceraient à prendre ses distances avec son engagement résolu de continuer à déployer des actions en faveur d’une transition juste, telle que prévue par le programme des Nations unies à l’horizon 2030 (6).

3.2.

Dans nombre de ses avis, le CESE a appelé de ses vœux une politique alimentaire globale de l’Union qui devrait présenter les traits suivants: i) une durabilité économique, environnementale et socioculturelle, ii) une intégration entre les différents secteurs, domaines d’action et niveaux de gouvernance, iii) des processus décisionnels ouverts et, enfin, iv) une combinaison de mesures contraignantes, comme des règlements et des taxes, et de dispositions à caractère incitatif, concernant des majorations de prix et l’accès au crédit, aux ressources et aux assurances, qui aura pour but d’accélérer la transition vers des systèmes alimentaires durables (7).

3.3.

Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de renforcer l’harmonisation et la cohérence entre les différentes politiques et législations de l’Union, qu’il s’agisse, entre autres, du pacte vert pour l’Europe, de la stratégie «De la ferme à la table» et de celle en faveur de la biodiversité, du plan d’action «zéro pollution», ou encore de l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques.

3.4.

En outre, plutôt que d’être réduit ou maintenu à son niveau actuel, le budget de la politique agricole commune devrait être augmenté et soutenir la transition. Il conviendrait que l’approbation des plans stratégiques relevant de cette politique soit également subordonnée à l’adoption par les États membres de plans globaux destinés à remodeler l’environnement alimentaire, qui combineraient les incitations à produire des denrées alimentaires saines et durables avec la création de nouveaux marchés pour ces produits (8).

3.5.

À cet égard, le Comité se félicite qu’il ait été décidé de donner la priorité, dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, au financement des pratiques volontaires visant à respecter l’impératif d’une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, mais que ce faisant, on ait absolument évité que l’orientation ainsi donnée à cette aide ne pénalise, dans quelque cas que soit, l’utilisation d’autres pratiques substitutives tout aussi légales et autorisées par la législation européenne ou ne porte préjudice aux revenus qui en sont tirés. D’une manière générale, les financements au titre de dispositifs tels que les plans écologiques et les initiatives de développement rural n’ont été accessibles qu’à des initiatives allant au-delà des exigences légales. Le nouveau cadre donnera à tous les États membres, pendant cinq ans, la possibilité d’assurer un financement pour le respect de toutes les obligations incombant aux agriculteurs du fait de l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques.

3.6.

Dans le même ordre d’idées, le Comité apprécie les efforts déployés afin d’accroître l’efficacité des plans d’action nationaux (PAN) pour l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques. Alors que ces plans pouvaient être assez disparates et que leurs objectifs, ayant pour base le volontariat, risquaient de couvrir différents centres d’intérêt, ils présentent à présent un contenu plus rationalisé, comportant notamment une liste détaillée d’initiatives, assortie de l’indication des liens qu’elles entretiennent avec les objectifs de la stratégie «De la ferme à la table». Tous les États membres seront invités à recenser les mesures, tant financières que d’autre nature, visant à promouvoir la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et les solutions de substitution non chimiques. Dans leurs rapports annuels sur les progrès réalisés et l’exécution, ils devront exposer les tendances relevées pour ce qui concerne tous les objectifs, en harmonisant leurs données quantitatives sur le respect de l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques. La Commission réalisera tous les deux ans une analyse desdits rapports annuels sur les progrès et l’exécution.

3.7.

Il importe cependant que ce nouveau modèle de gouvernance «ne laisse personne de côté», cet impératif impliquant de veiller à ce que tous les États membres soient en mesure de parvenir à mettre en œuvre de manière optimale l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, en dépit de l’hétérogénéité de leurs situations de départ.

3.8.

Pour atteindre cet objectif, la société civile organisée, dont en particulier les organisations disposant d’une expertise dans le domaine des pesticides, devrait être étroitement associée à la conception du nouveau règlement, à son suivi et à son évaluation future. Il est nécessaire d’améliorer la qualité des contenus informatifs destinés aux citoyens en général et, tout particulièrement, aux consommateurs, à propos de la fonction des pesticides, ainsi que la formation et l’information de leurs utilisateurs (9).

3.9.

Le juste prix des denrées alimentaires, reflétant le coût réel de leur production pour l’environnement et la société, constitue un facteur essentiel pour parvenir à des systèmes alimentaires qui soient durables sur le long terme. Même pendant la crise actuelle, il est capital que l’Union européenne garantisse une véritable réciprocité des normes dans les accords commerciaux préférentiels (10).

4.   Observations particulières

4.1.

Il est essentiel, pour l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, d’améliorer l’accessibilité, la disponibilité et le rapport coût-efficacité des solutions de substitution et des nouvelles technologies. La lutte intégrée contre les ennemis des cultures, tout comme d’autres pratiques, propres à la production intégrée, destinées à contenir des ravageurs en utilisant de faibles volumes de produits pesticides, ainsi que l’agriculture biologique, a constitué l’un des éléments clés de la directive, et elle est également au cœur du nouveau règlement (11).

4.2.

La proposition de règlement pose en principe général que les utilisateurs professionnels, agriculteurs compris, optent pour des mesures non chimiques avant de recourir à l’application de produits phytopharmaceutiques chimiques. Cet éventail d’interventions comprend notamment la rotation culturale, la surveillance des ennemis des cultures, la lutte intégrée contre eux et la mise en œuvre de méthodes non chimiques de contrôle de ces organismes, ainsi que l’usage de pesticides de substitution, à faible risque (12).

4.3.

Cette démarche n’induit pas que l’utilisation de pesticides soit impossible, ou qu’elle ne s’avère pas nécessaire dans des circonstances données. Au contraire, dans la production alimentaire à vocation commerciale, la seule possibilité de lutter efficacement contre les ennemis des cultures consiste en certains cas à utiliser des pesticides à titre de recours ultime, conformément au principe clé de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. On se doit, par exemple, de mentionner l’importance que revêt leur application dans le cadre d’utilisations mineures.

4.4.

Le changement climatique accélérant la propagation de certains ennemis des cultures, il est nécessaire de disposer de pesticides auxquels recourir une fois que tous les autres moyens de lutte ont été épuisés. Pareille nécessité apparaît de manière encore plus éclatante si l’on considère que toutes les estimations indiquent qu’au cours des trente prochaines années, la population mondiale s’accroîtra de plus de deux milliards de bouches à nourrir. Il s’impose que ce scénario soit dûment pris en considération si nous voulons garantir un système de production alimentaire stable, qui soit à même d’approvisionner une population mondiale en augmentation continue.

4.5.

D’autre part, les épisodes de sécheresses, d’inondations, de vagues de chaleur et de variations brutales de température qui se sont succédé à une fréquence de plus en plus élevée au cours de ces dernières années fragilisent la capacité de production alimentaire et réduisent les volumes récoltés par les agriculteurs. Dans le contexte actuel de crise, dû tout d’abord à la pandémie, puis à l’invasion de l’Ukraine, ainsi qu’aux effets susmentionnés du changement climatique, il s’avère par conséquent nécessaire d’assurer que les rendements des productions agricoles se maintiennent à un niveau stable, afin d’approvisionner le monde en produits qui soient de haute qualité et, d’un point de vue quantitatif, parviennent à préserver la sécurité alimentaire.

4.6.

Le règlement souligne par ailleurs le rôle clé que jouent les conseillers indépendants, fournissant des conseils professionnels qui sont conformes aux normes spécifiques applicables aux cultures et à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. À cet égard, il est essentiel de renforcer et de promouvoir le rôle de conseil assumé par les organisations professionnelles agricoles et les coopératives, lesquelles dispensent un soutien direct, de par leur nature d’acteurs de proximité, présents sur le terrain. En Espagne, par exemple, il est obligatoire, pour la grande majorité des cultures, de solliciter l’avis d’un conseiller, de sorte qu’à la faveur de cette prescription, le nombre de ces professionnels disposant d’une certification officielle dépasse aujourd’hui les vingt mille.

4.7.

Dans l’évaluation qu’il a réalisée antérieurement à propos de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, le CESE a souligné qu’il importait d’améliorer le système de contrôle et d’assurer la conformité entre ce texte et les plans d’action nationaux. Pour répondre aux impératifs de l’utilisation durable des pesticides, les utilisateurs professionnels devront enregistrer les raisons de toute intervention, qu’elle soit chimique, biologique ou physique ou ait trait à la culture.

4.8.

Sur ce point, il convient que la proposition de règlement accorde une importance particulière à la notion de zones protégées ou sensibles. L’utilisation de produits phytopharmaceutiques ne sera plus possible dans certaines zones protégées ou sensibles, comme les espaces verts urbains, dont les parcs ou les jardins publics, les terrains de jeu, de loisirs ou de sport, les sentiers à usage public, les périmètres protégés au titre de Natura 2000 et toute aire écologiquement sensible qui est susceptible de bénéficier d’une protection pour les pollinisateurs menacés, sauf si certaines conditions sont réunies et qu’en outre, le professionnel qui applique les produits fournit des justifications détaillées concernant ceux qui seront utilisés, ainsi que leurs méthodes, dates et durées d’application. À cette fin, il est essentiel que les autorités compétentes chargées de l’agrément disposent d’un effectif suffisant de personnel qualifié pour éviter tout retard qui, dès lors qu’il pourrait aboutir à une mise en œuvre tardive du traitement, empêcherait de prendre en temps utile des mesures pour lutter contre l’apparition d’ennemis des cultures.

4.9.

D’autre part, il y a lieu de tenir compte des conditions géographiques et climatiques spécifiques des États membres, afin de garantir que des restrictions excessives ne soient pas imposées à l’emploi de produits phytopharmaceutiques sur des surfaces agricoles dans des zones écologiquement sensibles qui, à défaut, seraient incapables de faire face à l’apparition de nouveaux ennemis des cultures. En Espagne, par exemple, le réseau Natura, couvrant 27 % du territoire, comprend des milliers d’hectares de cultures agricoles et de terres d’élevage. Une stratégie judicieuse pourrait consister à procéder à un zonage dans les différentes aires concernées, en y délimitant certaines zones constituant des réserves intégrales, distinctes de leurs autres portions. En définitive, la décision de limiter l’utilisation de ces produits dans les zones sensibles devrait être déterminée sur la base de données scientifiques et agronomiques solides, étayant la classification de zone protégée qui est accordée à telle ou telle aire.

4.10.

Le seuil à atteindre avant de pouvoir recourir à une intervention chimique sera précisé dans les «règles propres aux cultures», et il reviendra aux autorités compétentes des États membres d’établir un registre électronique de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, en veillant à ce que les utilisateurs professionnels y introduisent leurs enregistrements.

4.11.

En outre, considérant que le manque de connaissances sur l’utilisation optimale des pesticides constitue l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (13), le CESE se félicite que la Commission ait tenu compte de bon nombre de ses recommandations en matière de formation et de renforcement des capacités.

4.12.

Un nouveau registre électronique central sera créé aux fins de la certification en matière de formation. Il contiendra des informations détaillées sur la durée de validité des certificats de formation, soit cinq ans pour un conseiller et dix pour un distributeur ou un utilisateur professionnel. Une preuve de formation devra être produite avant qu’un utilisateur ne puisse acheter ou utiliser des produits phytopharmaceutiques autorisés pour le matériel d’application à usage professionnel, ou qu’un conseiller ne soit autorisé à fournir des conseils. Les distributeurs, quant à eux, devront disposer d’un personnel qualifié en nombre suffisant.

4.13.

Il convient de garantir le respect de la vie privée lors de l’utilisation des données agricoles par l’administration et, surtout, d’agir pour que le recours aux capacités numériques et à la large bande soit bien plus accessible pour les agriculteurs, afin de leur éviter un surcroît de charges et d’efforts, car dans bien des cas, ils ne disposent pas des moyens techniques et humains nécessaires pour se conformer à l’enregistrement électronique.

4.14.

Pour la mise en œuvre du règlement, il serait bénéfique de mieux sensibiliser le public et, en particulier, les consommateurs, au rôle et à l’utilisation des pesticides dans le respect de la législation nationale et européenne: un élément essentiel consisterait à lancer des campagnes de sensibilisation et de vulgarisation afin de mieux informer tant l’ensemble des citoyens que les décideurs politiques, en leur dispensant, par exemple, des informations sur les paramètres qui déterminent la formation des prix des denrées alimentaires, ainsi que sur des questions étroitement liées à l’étiquetage des produits et à leur certification (14).

4.15.

De même, il convient de maintenir des conditions d’égalité en matière de commerce international. Dans un souci de cohérence entre ses différentes politiques, il est impératif que l’Union reste extrêmement vigilante pour ce qui est d’interdire les importations de denrées alimentaires traitées avec des produits qui ne sont pas autorisés sur son territoire.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (JO L 309 du 24.11.2009, p. 71).

(2)  Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».

(3)  Eurostat, Pesticides sales in the EU («Ventes de pesticides dans l’Union européenne»).

(4)  Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 1).

(5)  FAO, Crise alimentaire généralisée imminente: la faim menace de déstabiliser des dizaines de pays, la FAO et le PAM lancent l’alerte.

(6)  Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 1).

(7)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» [COM(2020) 381] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).

(8)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» [COM(2020) 381] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).

(9)  Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».

(10)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» [COM(2020) 381] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).

(11)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La production intégrée dans l’Union européenne» (avis d’initiative) (JO C 214 du 8.7.2014, p. 8).

(12)  Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».

(13)  Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».

(14)  Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/145


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 389/2012 en ce qui concerne l’échange des informations contenues dans les registres électroniques relatifs aux opérateurs économiques qui déplacent des produits soumis à accise entre les États membres à des fins commerciales

[COM(2022) 539 final — 2022/0331 (CNS)]

(2023/C 100/22)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 27.10.2022

Base juridique

Articles 113 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/0/3

Ayant estimé que le contenu de la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 389/2012 en ce qui concerne l’échange des informations contenues dans les registres électroniques relatifs aux opérateurs économiques qui déplacent des produits soumis à accise entre les États membres à des fins commerciales (1) est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 574e session plénière des 14 et 15 décembre 2022 (séance du 14 décembre), a décidé, par 209 voix pour, aucune voix contre et 3 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2022) 539 final.


16.3.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/146


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone couverte par l’accord relatif aux pêches dans le sud de l’océan Indien (APSOI)

[COM(2022) 563 final — 2022/0348 (COD)]

(2023/C 100/23)

Consultation

Parlement européen, 9.11.2022

 

Conseil, 10.11.2022

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

14.12.2022

Session plénière no

574

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

202/0/3

Approuvant totalement le contenu de la proposition et estimant qu’elle n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 14 décembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG