ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 75

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

66e année
28 février 2023


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

573e session plénière du Comité économique et social européen, 26.10.2022-27.10.2022

2023/C 75/01

Résolution du Comité économique et social européen sur le thème Ensemble pour affronter une menace existentielle: les partenaires sociaux et la société civile défendent la mise en œuvre d’une action ambitieuse dans le domaine du climat

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

573e session plénière du Comité économique et social européen, 26.10.2022-27.10.2022

2023/C 75/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La souveraineté numérique: un pilier essentiel de la numérisation et de la croissance européennes (avis d’initiative)

8

2023/C 75/03

Avis du Comité économique et social européen sur la préparation aux situations d’urgence (avis d’initiative)

13

2023/C 75/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Euro numérique (avis d’initiative)

22

2023/C 75/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Recapitalisation des entreprises de l’Union: une solution innovante pour une reprise durable et inclusive (avis d’initiative)

28

2023/C 75/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Considérations supplémentaires sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Examen annuel de la croissance durable 2022[COM(2021) 740 final] (avis d’initiative)

35

2023/C 75/07

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Considérations supplémentaires sur une recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro[COM(2021) 742 final] (avis d’initiative)

43

2023/C 75/08

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Accroître la mobilité de la main-d’œuvre pour soutenir la reprise économique (avis d’initiative)

50

2023/C 75/09

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Améliorer l’égalité dans l’UE (avis d’initiative)

56

2023/C 75/10

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Garantir une solidarité européenne forte pour les patients atteints de maladies rares (avis d’initiative)

67

2023/C 75/11

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le rôle des membres de la famille qui s’occupent de personnes handicapées et de personnes âgées: l’explosion du phénomène pendant la pandémie (avis d’initiative)

75

2023/C 75/12

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Pôles d’innovation numérique et PME (avis d’initiative)

82

2023/C 75/13

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Vers une stratégie durable en matière de protéines et d’huiles végétales pour l’Union européenne (avis d’initiative)

88

2023/C 75/14

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Vers un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables afin de donner aux consommateurs les moyens de faire des choix alimentaires durables (avis d’initiative)

97

2023/C 75/15

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Une vision stratégique de la transition énergétique au service de l’autonomie stratégique de l’UE (avis d’initiative)

102

2023/C 75/16

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L’importance des transports publics pour la relance verte de l’Europe (avis d’initiative)

115

2023/C 75/17

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La diplomatie culturelle en tant que vecteur des relations extérieures de l’UE — Nouveaux partenariats et rôle des OSC (avis d’initiative)

122

2023/C 75/18

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Cour multilatérale d’arbitrage entre investisseurs et États: bilan et réalisations du processus de la Cnudci à la lumière des recommandations de la société civile (avis d’initiative)

130


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

573e session plénière du Comité économique et social européen, 26.10.2022-27.10.2022

2023/C 75/19

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée [COM(2022) 650 final], sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre [COM(2022) 655 final] et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Attirer des compétences et des talents dans l’UE[COM(2022) 657 final]

136

2023/C 75/20

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives (poursuites stratégiques altérant le débat public) [COM(2022) 177 final — 2022/0117 (COD)]

143

2023/C 75/21

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) no 767/2008, (CE) no 810/2009 et (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil, les règlements (CE) no 1683/95, (CE) no 333/2002, (CE) no 693/2003 et (CE) no 694/2003 du Conseil ainsi que la convention d’application de l’accord de Schengen, en ce qui concerne la numérisation de la procédure de visa [COM(2022) 658 final]

150

2023/C 75/22

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les normes de qualité et de sécurité des substances d’origine humaine destinées à une application humaine et abrogeant les directives 2002/98/CE et 2004/23/CE [COM(2022) 338 — 2022/0216 (COD)]

154

2023/C 75/23

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et abrogeant le règlement (UE) no 305/2011 [COM(2022) 144 final]

159

2023/C 75/24

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Passage à un réseau d’information sur la durabilité des exploitations agricoles (RIDEA)[COM(2022) 296 final — 2022/0192 (COD)]

164

2023/C 75/25

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un plan d’action pour la création de corridors de solidarité UE-Ukraine en vue de faciliter les exportations agricoles et les échanges bilatéraux de l’Ukraine avec l’UE[COM(2022) 217 final]

171

2023/C 75/26

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie de l’UE pour l’énergie solaire[COM(2022) 221 final] et sur la recommandation de la Commission relative à l’accélération des procédures d’octroi de permis pour les projets dans le domaine des énergies renouvelables et à la facilitation des accords d’achat d’électricité [C(2022) 3219 final]

178

2023/C 75/27

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Interventions sur le marché de l’énergie à court terme et améliorations à long terme de l’organisation du marché de l’électricité — ligne de conduite[COM(2022) 236 final]

185

2023/C 75/28

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport, modifiant le règlement (UE) 2021/1153 et le règlement (UE) no 913/2010 et abrogeant le règlement (UE) no 1315/2013 [COM(2022) 384 final/2 — 2021/0420 (COD)]

190

2023/C 75/29

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Dispositions spécifiques pour les programmes de coopération 2014-2020 soutenus par l’instrument européen de voisinage et au titre de l’objectif Coopération territoriale européenne, en raison de perturbations dans la mise en œuvre des programmes[COM (2022) 362 final — 2022/0227(COD)]

195

2023/C 75/30

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 89/629/CEE du Conseil [COM(2022) 465 final — 2022/0282 (COD)]

198

2023/C 75/31

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil établissant des règles relatives à un abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement et à la limitation de la déductibilité des intérêts aux fins de l’impôt sur les sociétés [COM(2022) 216 final — 2022/0154 (CNS)]

199

2023/C 75/32

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) no 1108/70 du Conseil instaurant une comptabilité des dépenses afférentes aux infrastructures de transports par chemin de fer, par route et par voie navigable et le règlement (CE) no 851/2006 de la Commission relatif à la fixation du contenu des différentes positions des schémas de comptabilisation de l’annexe I du règlement (CEE) no 1108/70 du Conseil [COM(2022) 381 final]

204


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

573e session plénière du Comité économique et social européen, 26.10.2022-27.10.2022

28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/1


Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «Ensemble pour affronter une menace existentielle: les partenaires sociaux et la société civile défendent la mise en œuvre d’une action ambitieuse dans le domaine du climat»

(2023/C 75/01)

Rapporteurs:

M. Peter SCHMIDT

Mme Isabel CAÑO AGUILAR

Mme Sandra PARTHIE

M. Josep PUXEU ROCAMORA

Mme Neža REPANŠEK

M. Lutz RIBBE

Base juridique

Article 50 du règlement intérieur

Résolution

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

104/1/0

Du 6 au 18 novembre se tiendra la réunion annuelle de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 27), à Charm el-Cheikh en Égypte.

Conformément à la note du 22 février 2022 adressée à son bureau, le CESE a mis sur pied un groupe ad hoc sur la conférence des parties (COP) à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatique (CCNUCC) afin de préparer sa résolution sur ladite conférence, alignée sur les priorités de la COP à venir et sur les processus de négociation de la CCNUCC, de familiariser davantage l’ensemble de sa propre structure avec le processus de la CCNUCC et de la faire participer aux négociations sur le changement climatique.

Le groupe ad hoc comprend six membres de la section NAT, auxquels s’ajoute, dans une démarche qui fait écho à l’avis d’initiative intitulé «Vers une participation structurée des jeunes au processus décisionnel de l’UE concernant le climat et la durabilité» (1), une représentante de la jeunesse qui participe régulièrement à ses travaux. Ces derniers mois, le groupe ad hoc a rencontré des organisations et institutions concernées, telles que la Commission européenne, le Comité des régions, le bureau des «champions de haut niveau pour l’action climatique» et Climate Action Tracker, ainsi que des représentants des «circonscriptions» de la CCNUCC issues de la société civile — jeunes, entreprises, agriculteurs, syndicats et ONG environnementales — afin d’échanger des informations et de rechercher des synergies. Dans toutes ces conversations, l’urgence climatique a été mise en avant.

Il devient patent qu’en 2022, le changement climatique aura suscité avec une intensité inédite des événements météorologiques extrêmes. Entre les épisodes caniculaires et les incendies observés en Europe et dans certaines régions d’Asie du Sud, les inondations destructrices au Pakistan et au Bangladesh ou encore la sécheresse prolongée en Afrique de l’Est, des milliers de personnes ont perdu la vie et des millions d’autres ont été déplacées ou se trouvent au bord de la famine.

À ce sujet, il est indiqué dans le rapport récemment publié par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (2) que, pour que le réchauffement mondial n’excède pas 1,5 oC, les émissions de gaz à effet de serre doivent atteindre leur pic «au plus tard avant 2025», qu’elles doivent être divisées par deux d’ici à 2030 et qu’il est impératif, si l’on veut y parvenir, de les réduire de façon drastique et immédiate dans tous les secteurs. Or, d’après les projections, les politiques actuellement en place déboucheraient sur un réchauffement de 2,7 oC, tandis que les engagements pris à ce jour par les États dans le cadre des contributions déterminées au niveau national limiteraient le réchauffement à 2,4 o(3).

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est venue prodigieusement complexifier une situation qui était déjà difficile sur le plan économique et social. Il n’est cependant pas possible de mettre l’urgence climatique entre parenthèses. Toute mesure spéciale appelée à être adoptée doit être exceptionnelle et limitée dans le temps, et l’Union européenne doit accélérer la refonte de sa politique dans les domaines de l’énergie et du climat afin d’amortir les chocs à court terme tout en progressant vers l’inévitable décarbonation des sociétés. L’Europe doit être la figure de proue de l’action pour le climat, en comblant le fossé qui sépare les ambitions des mesures qui sont prises.

Dans la résolution qu’ils ont préparée, les membres du groupe ad hoc demandent aux institutions et aux gouvernements de l’Union de rehausser leur ambition pour le climat, conformément aux données de la science et aux informations scientifiques, et insistent tout particulièrement sur le rôle de la société civile organisée s’agissant d’accélérer l’action climatique. On ne pourra renforcer la résilience sociale qu’à condition que la société civile, les acteurs sociaux et les mouvements émanant du terrain aient les moyens d’agir.

Nous sommes la dernière génération à pouvoir enrayer le changement climatique, et le CESE, en tant que porte-parole de la société civile européenne, se doit de jouer un rôle de premier plan dans la promotion de ces transformations pour avancer vers des sociétés neutres en carbone, inclusives et justes sur le plan social.

Recommandations politiques du Comité économique et social européen

Accroître les ambitions en matière de climat pour répondre à l’urgence climatique et renforcer l’action de l’Union européenne dans ce domaine

En tant que porte-parole de la société civile organisée en Europe, en sa qualité d’organe consultatif auprès du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, et en tant que partie intégrante de la sphère de la société civile au niveau mondial, le Comité économique et social européen (CESE):

1.

fait observer que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été adoptée il y a trente ans, avec pour objectif ultime de «stabiliser […] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique» (article 2), et que cet objectif n’a pas été atteint;

2.

relève que l’accord de Paris conclu en 2015 nous a tous fait passer de l’objectif qualitatif défendu par ladite convention, à savoir prévenir la perturbation du climat, à un objectif quantitatif, en «contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 oC par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 oC par rapport aux niveaux préindustriels» (4);

3.

souligne que l’objectif fixé à 1,5 oC ne sera pas suffisant pour éviter les conséquences dramatiques du changement climatique. Les faits mettent en évidence que le changement climatique affecte d’ores et déjà l’ensemble des régions de la planète. Inondations, sécheresses, tempêtes, incendies et vagues de chaleur se multiplient à un rythme exponentiel, entraînant un cortège d’effets sociaux dévastateurs et un impact économique qui se chiffre en milliards chaque année (5);

4.

souligne que nous connaissons actuellement une urgence climatique et que nous ne devrions pas renoncer à l’article 2 de la convention, et ce même si la CCNUCC ne parvient pas, à l’heure actuelle, à concrétiser ses ambitions;

5.

a la ferme conviction que les décisions prises dans le cadre des politiques menées doivent correspondre aux données de la science et aux informations scientifiques, et relève que le GIEC a fixé des points de référence clairs: les émissions doivent atteindre leur pic «au plus tard avant 2025» (6), et le monde doit réduire ses émissions de 45 % par rapport à leur niveau de 2010 d’ici à 2030 afin de conserver une chance que l’élévation des températures n’excède pas 1,5 oC;

6.

reconnaît que l’invasion de l’Ukraine par la Russie est venue empirer une situation déjà difficile, marquée par l’inflation, des prix élevés de l’énergie et de l’alimentation ainsi que de possibles pénuries énergétiques, autant d’éléments qui pèsent lourdement dans le quotidien des citoyens et posent de sévères difficultés sociales et économiques, au moins sur le court terme. Le CESE estime que la situation actuelle rend d’autant plus urgente une action européenne dans le domaine du climat, et que la nouvelle situation géopolitique impose encore davantage à l’Union européenne d’accélérer la transformation de sa politique énergétique et climatique;

7.

est convaincu que le pacte vert pour l’Europe doit être renforcé afin d’atteindre l’objectif d’une décarbonation de l’économie, de réduire encore les dépendances extérieures, de garantir la résilience et de favoriser une transition juste, et que des dérogations exceptionnelles aux objectifs convenus ne sauraient être accordées que pour un laps de temps limité (7); estime aussi que le développement d’une autonomie stratégique ouverte devrait assurer une réduction des dépendances en matière d’énergie, de matières premières critiques et d’alimentation;

8.

exhorte l’Union européenne à assumer un rôle moteur et invite la Commission européenne et les États membres de l’Union à actualiser leur contribution déterminée au niveau national (CDN) à la suite du pacte de Glasgow pour le climat; préconise une répartition équitable à l’échelle mondiale, fondée sur l’équité, les responsabilités historiques et les capacités;

9.

se réjouit des décisions du Parlement européen relatives au SEQE (8) et aux puits de carbone (9), conduisant à un léger relèvement de l’objectif de réduction des émissions de l’Union, ce qui constitue, même si c’est insuffisant, un appel en faveur d’une augmentation des CDN de l’Union;

10.

fait état de son inquiétude quant au fait que de nombreux pays ont annoncé des plans à long terme visant à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 ou 2060 qui ne sont pas adossés à des plans correspondants à court et moyen termes; invite par conséquent la Commission européenne à intensifier les efforts diplomatiques de l’Union pour promouvoir l’adoption par la communauté internationale de cadres stratégiques analogues au pacte vert pour l’Europe, et se tient prêt à appuyer cette initiative en travaillant avec les organisations de la société civile de par le monde, avec comme boussole pour les années décisives qui viennent le programme et les objectifs de développement durable à l’horizon 2030;

11.

demande à l’Union européenne de développer plus avant des approches sectorielles pour des actions taillées sur mesure ou des «clubs climat» qui pourraient être mis en place entre les pays disposant des programmes d’action climatique les plus ambitieux, afin d’inciter les autres nations à agir plus rapidement, la mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) pouvant servir d’outil à cet effet;

12.

considère qu’une action décisive et clairement définie est nécessaire pour rendre l’article 6 de l’accord de Paris opérant et parachever les règles d’application dudit accord, lesquelles établissent à l’intention des États un cadre de coopération internationale volontaire pour réduire les émissions et respecter leurs engagements, tout en évitant certains pièges comme un double comptage ou le risque que des crédits soient accordés pour des réductions d’émissions fictives;

Revoir notre modèle économique actuel pour agir efficacement sur l’atténuation et l’adaptation, et garantir un accès adéquat au financement de l’action climatique

13.

insiste sur la nécessité, afin d’accélérer la transition vers une société neutre pour le climat, de revoir notre modèle économique actuel pour repenser la manière dont nous consommons et produisons ainsi que l’importance que nous attribuons à la sobriété, et invite l’Union européenne à proposer une nouvelle vision de la prospérité pour les individus et pour la planète, qui soit fondée sur les principes de la durabilité environnementale, le droit à une vie décente et la protection des valeurs sociales (10);

14.

suggère un nouveau cadre de gouvernance pour mettre au point ces transformations radicales, et encourage les gouvernements et les pouvoirs publics régionaux à créer des commissions de la transition juste pour permettre aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile, y compris celles qui représentent la jeunesse, de formuler des recommandations et de négocier et élaborer des plans nationaux et régionaux pour une transition juste (11); estime que les initiatives existantes visant à relever les défis sociaux de la mue écologique restent à ce jour parcellaires (12);

15.

considère que la transition rapide vers une économie décarbonée impliquera des défis considérables pour les citoyens, les travailleurs, les entreprises et les régions, en particulier pour ceux qui dépendent le plus des secteurs et industries à forte intensité de carbone (13), et que les CDN devraient prévoir l’élaboration d’une cartographie détaillée et l’analyse des incidences qu’aura la transition sur l’emploi et les compétences dans le pays, les niveaux territoriaux inférieurs et les secteurs, y compris sur les sous-traitants et les chaînes de valeur en aval, et s’accompagner de plans pour l’emploi et de stratégies pour une transition juste au niveau national (14), sur la base des principes de l’OIT pour une transition juste; approuve, par conséquent, la proposition de la conférence sur l’avenir de l’Europe (15) visant à assurer une transition juste qui protège les travailleurs et les emplois grâce à un financement approprié de la transition et de nouveaux travaux de recherche;

16.

souligne qu’il sera nécessaire d’opérer la transformation rapide de systèmes à une échelle inédite pour que le secteur privé, qui a lui aussi un rôle crucial à jouer dans ce processus, assume les responsabilités qui sont les siennes en vue d’atteindre l’objectif de la décarbonation;

17.

reconnaît les efforts multiples et variés que déploient des entreprises et des entrepreneurs partout dans l’Union afin de mettre au point des solutions commerciales d’atténuation et d’adaptation face aux défis liés au changement climatique, et considère que des modèles d’entreprise innovants et responsables devraient lutter contre le changement climatique en donnant la priorité à des objectifs mesurables de durabilité, y compris un usage réduit de l’eau, de l’énergie ou des substances chimiques;

18.

s’inquiète de ce que la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’Union ne s’accompagne d’une hausse des émissions dans les pays tiers afin de satisfaire la consommation européenne, générant des émissions de GES par effet induit (16), et considère que l’approche adoptée par l’Union pour inventorier les GES doit intégrer les émissions de ces gaz associées aux produits importés, qu’il doit devenir une priorité de découpler le progrès socio-économique des incidences négatives sur le climat et la biodiversité, qu’elles émanent de notre territoire ou qu’elles soient importées, et que le MACF est une mesure propice à la réalisation de cet objectif;

19.

note que le recul de la biodiversité et le changement climatique se renforcent mutuellement, ce qui a été souligné par la communauté scientifique, et préconise une approche globale de l’action menée en faveur de l’environnement, qui tienne compte des liens entre ces deux phénomènes; propose à cet effet de revoir la taille des zones protégées pour en augmenter l’étendue et de repenser et accroître les efforts consentis au titre de la stratégie de l’Union en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 afin de préserver les ressources naturelles qui nous restent (17);

20.

s’inquiète de ce que les effets du changement climatique touchent de manière disproportionnée les plus vulnérables et que ce soient les populations les moins responsables des émissions mondiales qui soient confrontées aux conséquences les plus graves, sans toujours avoir les ressources nécessaires pour y parer;

21.

fait observer que l’action menée en matière d’adaptation devient de plus en plus critique car les événements climatiques anormaux se multiplient, et qu’il est essentiel de mieux anticiper les incidences du changement climatique; souligne que l’accord de Paris met en avant l’importance des processus de planification de l’adaptation au niveau national en engageant l’ensemble des pays à rendre compte des progrès accomplis, et en appelle à une inclusivité rationalisée pour éviter de renforcer les inégalités existantes;

22.

préconise une augmentation de l’enveloppe globale des contributions apportées par les pays développés au financement de l’action climatique et demande qu’une «importance égale» soit accordée au financement de l’atténuation et de l’adaptation: sans financement supplémentaire de l’adaptation, sa planification et sa mise en œuvre seront limitées, en particulier dans les pays en développement; préconise des mesures supplémentaires pour garantir le respect de ce principe, sachant que l’atténuation préserve les générations futures d’une aggravation de la crise climatique, tandis que l’adaptation protège les générations actuelles aussi bien que celles à venir contre les événements climatiques extrêmes provoqués par un changement climatique déjà à l’œuvre (18); rappelle que le financement de l’adaptation au changement climatique ne représente pour l’heure que 25 % des financements mondiaux consacrés au climat, et que les engagements antérieurs au titre desquels le financement de l’adaptation devait augmenter de 40 % d’ici à 2025 ne sont pas mis en pratique (19);

23.

se réjouit de la contribution de 100 millions d’EUR de la Commission au Fonds pour l’adaptation tout en invitant instamment les États membres de l’Union à doubler le financement de l’adaptation par rapport aux niveaux de 2019 d’ici à 2025, et demande que des efforts supplémentaires soient consentis pour satisfaire au plan de financement dont l’objectif a été fixé à 100 milliards d’USD; souligne qu’il n’existe actuellement aucune facilité de financement au niveau mondial pour soutenir le rétablissement des populations concernées après les pertes et préjudices qu’elles ont subis, et invite instamment les États membres de l’Union et la Commission à prendre des engagements dans le cadre du mécanisme relatif aux pertes et préjudices afin de réparer les conséquences du changement climatique;

24.

estime que, dans le cadre de l’action pour une justice climatique, les gouvernements et les institutions de l’Union doivent élaborer une politique européenne globale et tournée vers l’avenir dans les domaines de la migration et de l’asile, qui assure la protection des personnes déplacées pour des raisons climatiques, à commencer par la reconnaissance formelle des réfugiés climatiques;

Renforcer une action sectorielle efficace pour atteindre la neutralité climatique

25.

souligne que l’économie circulaire et la bioéconomie sont des facteurs propices à la mise en place d’une nouvelle vision de la prospérité pour les populations et qu’il convient d’en accélérer encore le développement (20), et relève que les stratégies mises en œuvre dans le domaine de l’économie circulaire dans divers secteurs et pays pourraient potentiellement permettre de réduire de 39 % les émissions de GES au niveau mondial (21); s’inquiète de ce que l’Union européenne ne soit circulaire qu’à hauteur de 12 % environ, en dépit du grand processus de mise à niveau de la législation lancé en 2015 dans le cadre du premier plan d’action de l’Union en faveur de l’économie circulaire, et considère que l’on ne pourra enregistrer des progrès supplémentaires qu’à condition d’associer à ces démarches l’ensemble des composantes de la société civile, notamment pour surmonter les obstacles qui subsistent sur les plans politique, culturel, financier ainsi qu’au niveau des infrastructures et de la gouvernance (22);

26.

demande que des stratégies de transition visant à mettre en place des systèmes alimentaires durables soient dûment intégrées dans les CDN et reconnaît que, même si de nombreux pays font mention du potentiel de l’atténuation et de l’adaptation pour l’agriculture dans leurs CDN, ils ne sont que très peu à fixer des objectifs se rapportant à d’autres étages du système alimentaire (23), négligeant ainsi très largement d’exploiter certaines possibilités (24); réitère les recommandations qu’il a formulées pour que soient adoptées des politiques alimentaires globales, comme la stratégie «de la ferme à la table», y compris des mesures dans le domaine du climat, et que soit garantie une mobilisation structurée des parties prenantes tout le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire (25) et à tous les niveaux de pouvoir, en particulier en plaçant les producteurs au centre des stratégies agricoles et en les associant à l’élaboration des politiques;

27.

s’inquiète de la situation de l’Afrique, dont la contribution aux émissions mondiales n’atteint pas 4 % mais qui apparaît pourtant de façon disproportionnée comme l’une des régions les plus vulnérables de la planète; sachant que la COP 27 aura lieu en Afrique, en appelle sans détour à l’allocation prioritaire, par l’Union européenne, de ressources au profit de l’Afrique, qu’elles soient de nature financière, technique ou destinées à renforcer ses capacités, afin d’appuyer l’engagement pris par ce continent dans le cadre de la COP 21 de Paris et eu égard au fait que la plupart des contributions déterminées au niveau national (CDN) africaines incluent des objectifs d’atténuation et d’adaptation qui sont conditionnés à l’octroi d’un soutien international suffisant, les enjeux qui se posent à cet égard étant ceux de la protection d’écosystèmes qu’il est précieux de préserver, comme les forêts et les savanes, et de l’extraction des combustibles fossiles;

28.

réclame l’arrêt immédiat des subventions aux combustibles fossiles, salue la communication «REPowerEU», qui présente des solutions conformes aux objectifs du pacte vert et de l’union européenne de l’énergie (26)(27), et est d’avis que les pouvoirs publics doivent fournir un cadre pour les investissements dans des technologies de rupture dans des domaines tels que l’efficacité énergétique et la production d’énergies renouvelables, grâce à un soutien apporté à la recherche, à l’innovation et au développement, et que la réglementation devrait être conçue de manière à susciter et dynamiser le développement de nouvelles technologies et leur adoption par le marché, avec notamment des mesures axées sur la demande pour créer des marchés pilotes et encourager la consommation de produits sobres en carbone (28);

29.

accueille favorablement les solutions numériques propices à la protection de l’environnement et à une transformation dans le sens de la durabilité des transports, des systèmes énergétiques, des bâtiments, de l’agriculture et d’autres secteurs, mais note tout de même que la numérisation n’a, dans l’ensemble, pas contribué jusqu’à présent à la réduction de la demande en énergie ni des émissions de carbone, et souligne par conséquent que des politiques de soutien sont nécessaires pour éviter les effets de rebond et d’induction (29);

30.

souligne que le changement climatique a aussi de graves répercussions sur les entreprises, en particulier les PME, par exemple l’interruption des chaînes d’approvisionnement ou des dommages causés aux sites de production par des phénomènes météorologiques extrêmes, les forçant à opérer des changement parfois coûteux dans leurs modèles économiques et leurs modes de fonctionnement ainsi qu’à réaliser des investissements pour satisfaire à certaines exigences, réglementaires ou autres, et considère que les acteurs pionniers dans l’adoption de nouveaux modèles économiques durables devraient être soutenus afin de veiller à ce que leur innovation ne se transforme pas en désavantage face à la concurrence;

31.

souligne que le soutien apporté au secteur privé doit respecter les principes d’un accès équitable des PME aux outils de financement et devrait reposer uniquement sur les objectifs climatiques (30), et qu’il sera nécessaire d’engager de vastes chantiers dans toutes les chaînes de valeur, dans le cadre d’une collaboration intersectorielle;

32.

considère que l’harmonisation et la normalisation sont essentielles pour pouvoir décliner des solutions à l’échelle de secteurs entiers, grâce aux technologies, au renforcement des compétences et à la réglementation, dans une démarche que les gouvernements de l’Union devraient soutenir au niveau international, et qu’il sera tout particulièrement important pour les PME qu’elles bénéficient d’instruments d’accompagnement et d’un renforcement de leurs capacités pour satisfaire à de nouvelles exigences et afin d’élargir leur accès aux marchés dans l’Union;

Donner à la société civile les moyens d’accélérer l’action climatique, et plaider pour un nouveau cadre de gouvernance

33.

souligne que l’échelle des actions requises appelle des politiques intégrées, menées à plusieurs niveaux, et des solutions transsectorielles moyennant une véritable mobilisation de la société civile, et propose dès lors un nouveau cadre de gouvernance pour développer ces transformations radicales;

34.

estime que, sur le lieu de travail, ce nouveau cadre de gouvernance devrait sauvegarder le dialogue social en garantissant les droits et la participation des travailleurs et en renforçant les conventions collectives;

35.

est d’avis qu’un dialogue élargi devrait également être renforcé, avec la contribution des régions, des acteurs ruraux et des villes, des partenaires sociaux, des coopératives et de la société civile, afin d’en assurer la crédibilité et de garantir la justice sociale, et pour donner un sens concret à l’engagement de ne laisser personne de côté (31). À titre d’exemple, faciliter les approches axées sur les prosommateurs peut accélérer la transition vers un système énergétique plus propre, faire émerger de nouveaux modèles économiques et aider à protéger les groupes les plus vulnérables dans nos sociétés, en empêchant par exemple qu’ils ne soient privés de chauffage, d’électricité ou des technologies de l’information;

36.

a la ferme conviction que les initiatives émanant de la base et du terrain doivent être véritablement soutenues et encouragées pour accélérer l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci et pour renforcer la résilience sociale, libérant ainsi le potentiel d’une culture de la coopération et des solutions ascendantes; estime qu’il est tout aussi essentiel d’investir davantage dans l’innovation sociale pour généraliser les transformations culturelles et sociétales requises afin d’intégrer la protection du climat dans le quotidien des entreprises, des pouvoirs publics et des ménages;

37.

considère que la question de l’égalité des sexes ne devrait pas être traitée séparément ou isolément, et qu’elle devrait au contraire être considérée comme un élément fondamental afin d’éviter une absence de prise en compte de la dimension de l’égalité entre les hommes et les femmes dans les mesures et les politiques décidées. Le changement climatique n’a pas le même impact sur tous les segments de la population, et les politiques menées en la matière, si elles ne sont pas conçues correctement, peuvent perpétuer ces déséquilibres et ces injustices. Par exemple, la participation inégale des femmes aux processus décisionnels et au marché du travail renforce les inégalités et empêche souvent les femmes de participer et de contribuer pleinement à l’élaboration, à la planification et à la mise en œuvre des politiques en matière de climat (32);

38.

est convaincu qu’une plus forte mobilisation des jeunes dans les processus de prise de décision, depuis l’élaboration des initiatives et propositions législatives jusqu’à leur mise en œuvre, leur contrôle et leur suivi, est le meilleur moyen de prendre en compte la dimension intergénérationnelle des transformations dont il est question (33). C’est pourquoi le CESE a entrepris, depuis 2021, d’inclure un délégué de la jeunesse dans la délégation officielle de l’Union aux réunions de la COP de la CCNUCC et s’est engagé à relayer la parole des jeunes et des organisations représentant la jeunesse au sein de ses travaux; le CESE recommande vivement aux parties et aux autres acteurs concernés d’adopter une approche similaire;

39.

reconnaît le rôle que jouent les peuples indigènes en première ligne du changement climatique, eux qui prennent soin de 80 % de la biodiversité restante sur la planète (34); salue leur mobilisation croissante dans le cadre de la politique climatique et invite instamment les parties à les associer activement à la mise en œuvre de l’action climatique;

40.

s’engage à entreprendre des actions pour mettre en œuvre les recommandations politiques qui précèdent.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 44.

(2)  https://www.ipcc.ch/2022/04/04/ipcc-ar6-wgiii-pressrelease/

(3)  https://climateactiontracker.org/global/temperatures/

(4)  Accord de Paris.

(5)  Sources: «Economic losses from weather and climate-related extremes in Europe reached around half a trillion euros over past 40 years» — Agence européenne pour l’environnement; «New report: World counts the cost of a year of climate breakdown» — Christian Aid (organisation caritative britannique luttant contre la pauvreté dans le monde); «The Costs of Extreme Weather Events Caused by Climate Change» — Centre euro-méditerranéen sur les changements climatiques (CMCC); «Billion-Dollar Weather and Climate Disasters» — Centres nationaux d’information environnementale (NCEI) de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA).

(6)  Rapport 2022 sur l’atténuation du changement climatique (GIEC).

(7)  Résolution du CESE sur «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 1).

(8)  Changement climatique: le PE plaide pour une action plus rapide de l’UE et pour l’indépendance énergétique.

(9)  Le Parlement approuve le relèvement des ambitions de l’UE en matière de puits de carbone d’ici 2030.

(10)  Avis du CESE sur «L’économie durable dont nous avons besoin» (JO C 106 du 31.3.2020, p. 1).

(11)  Avis du CESE sur le thème «“Ajustement à l’objectif 55”: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 101).

(12)  Avis du CESE sur le thème «Le dialogue social dans le cadre de la transition écologique» (JO C 486 du 21.12.2022, p. 95).

(13)  Avis du CESE sur le thème «“Ajustement à l’objectif 55”: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 101).

(14)  Avis du CESE sur le thème «“Ajustement à l’objectif 55”: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 101).

(15)  Conférence sur l’avenir de l’Europe — Recommandations adoptées par un panel de citoyens européens.

(16)  Rapport 2021 sur le développement durable en Europe de SDSN Europe.

(17)  Avis du CESE (NAT/841) en cours d’élaboration sur les «Objectifs de restauration de la nature dans le cadre de la stratégie européenne en faveur de la biodiversité».

(18)  Avis du CESE sur «La nouvelle stratégie de l’Union européenne pour l’adaptation au changement climatique» (JO C 374 du 16.9.2021, p. 84).

(19)  António Guterres: «50 % du financement climatique doit être consacré à l’adaptation au climat».

(20)  Avis du CESE sur le thème «Développer des synergies entre les différentes feuilles de route pour l’économie circulaire» (JO C 14 du 15.1.2020, p. 29).

(21)  Rapport 2021 sur le «déficit de circularité»: «Climate Change Mitigation through the Circular Economy».

(22)  Avis du CESE sur «La nouvelle stratégie de l’Union européenne pour l’adaptation au changement climatique» (JO C 374 du 16.9.2021, p. 84).

(23)  Enhancing NDCs For Food Systems — recommendations for decision-makers — Projet NDC Action.

(24)  Avis du CESE sur le thème «Sécurité alimentaire et systèmes alimentaires durables» (JO C 194 du 12.5.2022, p. 72).

(25)  Avis du CESE sur «Une stratégie alimentaire durable “de la ferme à la table”» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).

(26)  Avis du CESE sur la «Justice climatique», JO C 81 du 2.3.2018, p. 22, et sur «La nouvelle stratégie de l’Union européenne pour l’adaptation au changement climatique», JO C 374 du 16.9.2021, p. 84.

(27)  Avis du CESE sur le thème «REPowerEU: Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable» (JO C 323 du 26.8.2022, p. 123).

(28)  Avis du CESE sur le thème «“Ajustement à l’objectif 55”: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 101).

(29)  Avis du CESE sur le thème «Numérisation et durabilité — état de la question et nécessité d’une action du point de vue de la société civile» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 187).

(30)  Avis du CESE sur le thème «“Ajustement à l’objectif 55”: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 101).

(31)  Avis du CESE sur le thème «“Ajustement à l’objectif 55”: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 101).

(32)  2020 Pocket Guide to Gender Equality under the UNFCCC — WEDO.

(33)  Avis du CESE sur le thème «Vers une participation structurée des jeunes au processus décisionnel de l’UE concernant le climat et la durabilité» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 44).

(34)  «Indigenous peoples defend Earth’s biodiversity — but they’re in danger».


AVIS

Comité économique et social européen

573e session plénière du Comité économique et social européen, 26.10.2022-27.10.2022

28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/8


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La souveraineté numérique: un pilier essentiel de la numérisation et de la croissance européennes»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/02)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

7.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

185/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Malgré les progrès significatifs accomplis pour renforcer la souveraineté numérique de l’UE, la dépendance à l’égard des entreprises technologiques établies en dehors de celle-ci reste importante. Cette situation restreint le rôle de chef de file et l’autonomie stratégique de l’Union dans le monde numérique, et elle limite ainsi son potentiel de croissance économique.

1.2.

Dans un environnement en ligne qui reste dominé par des entreprises technologiques de pays tiers, la question se pose de savoir quel degré de contrôle les citoyens, les entreprises et les gouvernements européens peuvent exercer sur leurs données numériques. Bien que cette question n’apparaisse pas comme une priorité dans le contexte de la crise actuelle, il convient de ne pas minimiser la nécessité de remédier au déséquilibre en matière de souveraineté numérique.

1.3.

Dans ce contexte, le CESE est d’avis que l’UE doit réduire sa dépendance à l’égard des géants technologiques de pays tiers en redoublant d’efforts pour se doter d’une économie numérique sûre, inclusive et fondée sur des valeurs, capable de concurrencer ces géants et mettant l’accent sur une connectivité fiable, la sécurité des données et l’intelligence artificielle (IA).

1.4.

Par conséquent, le CESE demande que les investissements dans le secteur numérique servent largement à garantir l’autonomie stratégique ouverte de l’économie numérique, en ciblant notamment les capacités, l’éducation, la formation professionnelle, les infrastructures et les technologies dans ce domaine. Il plaide également en faveur de conditions de concurrence équitables dans la transformation numérique, dans le cadre desquelles les droits des travailleurs seraient protégés et des entreprises de toutes tailles pourraient coexister et prospérer sans réglementation excessive.

1.5.

Le CESE note que des innovations telles que l’informatique en nuage et l’intelligence artificielle sont devenues des atouts stratégiques importants au sein de l’UE, étant donné qu’elles contribuent de manière positive à la croissance potentielle de l’économie européenne. L’UE perd cependant du terrain dans la course internationale au développement de nouvelles technologies dans le monde numérique et, pour certaines technologies, elle accuse un important retard par rapport aux États-Unis et à la Chine en ce qui concerne les investissements privés.

1.6.

Le CESE demande de redoubler d’efforts pour que des partenariats public-privé soient mis en place en ce qui concerne les technologies numériques et que la recherche européenne à grande échelle en faveur des nouvelles technologies soit soutenue dans le but précis de s’aligner sur les capacités de recherche américaines et chinoises.

1.7.

Le CESE fait valoir que les déséquilibres existants en matière de souveraineté numérique sont en partie dus à des obstacles nationaux qui continuent d’entraver la réalisation d’un véritable marché unique. En l’état actuel des choses, le marché unique est essentiellement constitué d’un ensemble de plusieurs marchés nationaux de plus petite taille, sans l’échelle nécessaire pour que les entreprises établies dans l’UE puissent concurrencer les géants du numérique de ce monde. En outre, il existe différents niveaux de développement, d’infrastructures et de capacités numériques au sein de l’Union.

1.8.

Le CESE invite la Commission à aller de l’avant dans l’adoption de son train de mesures sur les services numériques visant à protéger les citoyens européens contre les excès du monde numérique tout en fournissant un cadre pour un environnement plus éthique et plus centré sur l’humain.

1.9.

Il est tout aussi important de rendre les plateformes, les écosystèmes et les activités en ligne plus ouverts, plus équitables et plus prévisibles, en envisageant des règles couvrant la transparence et la neutralité des algorithmes, ainsi que le partage et l’interopérabilité des données.

1.10.

Le CESE souscrit aux appels lancés à l’UE pour qu’elle mette en place une infrastructure de données et d’informatique en nuage afin de renforcer sa souveraineté numérique et de remédier au déséquilibre considérable du marché de l’informatique en nuage et du stockage de données, qui est presque totalement dominé par des entreprises de pays tiers.

1.11.

Le CESE reconnaît également que l’UE peut devenir un chef de file mondial en matière de collecte et de traitement des données, qui constitue l’épine dorsale de l’économie numérique. Un cadre européen pour la collecte et le partage des données recèle un énorme potentiel dans des secteurs stratégiques tels que la santé, le marché du travail et les transports.

1.12.

Le CESE demande une mise à jour des politiques de concurrence et de protection des consommateurs dans le marché unique. Ces politiques devraient également se concentrer sur les pratiques adoptées par les entreprises technologiques de pays tiers en vue de fausser la concurrence, ainsi que sur l’influence croissante des entreprises numériques chinoises au sein de l’UE. À cet égard, le CESE se félicite des évolutions réglementaires telles que la législation sur les marchés numériques et la proposition de règlement européen sur les semi-conducteurs.

1.13.

Le CESE apprécie le rôle essentiel que jouent les petites et moyennes entreprises (PME) dans la définition de la souveraineté numérique européenne, notamment par leurs interactions avec les grandes entreprises technologiques de l’UE.

1.14.

Enfin, le CESE souligne l’importance de l’éducation à tous les niveaux (professionnel ou universitaire) dans le développement de la souveraineté numérique de l’Union.

2.   Informations contextuelles

2.1.

La souveraineté numérique peut être définie dans les grandes lignes comme l’autonomie dont disposent les gouvernements et les entreprises pour gérer et configurer les données, le matériel et les logiciels qui leur sont propres. Depuis bien trop longtemps, des préoccupations sont exprimées quant à la forte dépendance de l’UE à l’égard d’un petit nombre de grandes entreprises technologiques qui exercent leurs activités en dehors de l’Union.

2.2.

Le fait qu’environ 92 % de l’ensemble des données du monde occidental sont stockées sur des serveurs détenus par les États-Unis atteste cette forte dépendance de l’UE à l’égard d’entreprises technologiques de pays tiers. Il s’agit notamment de données en ligne, de données extraites des médias sociaux et de données gérées par les gouvernements nationaux (1).

2.3.

Il n’est pas surprenant que cette situation ait suscité une crainte grandissante de voir les entreprises et les gouvernements nationaux de l’UE ne pas avoir la pleine maîtrise des données et rester fortement dépendants des grandes entreprises technologiques de pays tiers, ce qui complique la possibilité pour les entreprises technologiques établies dans l’UE de rivaliser avec leurs concurrentes américaines. Une autre inquiétude réside dans le fait que l’UE est en train, lentement mais sûrement, de perdre sa capacité à faire appliquer la législation de manière efficace dans l’environnement numérique.

2.4.

Il est préoccupant de constater que cette forte dépendance à l’égard des entreprises technologiques établies aux États-Unis restreint le rôle de chef de file et l’autonomie stratégique de l’Union dans le monde numérique, ce qui pourrait alors limiter son potentiel de croissance économique. L’influence économique des entreprises technologiques établies en dehors de l’UE ne doit pas être minimisée. Il convient en outre de ne sous-estimer ni leur influence sur les citoyens européens et leurs modes de consommation, ni la manière dont elles façonnent les interactions de ces derniers avec d’autres citoyens de l’Union et de pays tiers.

2.5.

Aujourd’hui, les grandes entreprises technologiques de pays tiers en savent peut-être plus sur nous que les membres de notre famille et nos amis les plus proches, et le manque de protection de la vie privée est préoccupant. En effet, nous ne contrôlons pas nos propres données en ligne, au contraire de ces grandes entreprises, et l’internet reste très peu réglementé. Certaines initiatives, comme le règlement général sur la protection des données (RGPD) (2), ont tenté de définir de nouvelles règles en la matière. Le problème réside dans le fait que les entreprises technologiques devancent l’UE dans le traitement de cette question. Ces grandes entreprises sont souvent actives dans des domaines où elles disposent d’un avantage considérable sur les régulateurs en ce qui concerne les informations. Dans l’ensemble, elles restent libres de suivre les mouvements en ligne des citoyens, ainsi que de recueillir des informations au cours du processus et de les exploiter à des fins lucratives.

2.6.

Dans ce contexte, la présidente de la Commission a inclus la politique numérique parmi les principales priorités de son mandat 2019-2024, en s’engageant en faveur de la souveraineté technologique. Nous sommes toutefois encore loin d’y parvenir et la Commission elle-même a exprimé des inquiétudes quant au fait que les grandes entreprises technologiques non européennes ne respectent pas les règles et les valeurs fondamentales de l’Union. Ces dernières années, l’économie numérique s’est consolidée autour de ces géants technologiques, qui utilisent des cookies pour contrôler les données et conserver un pouvoir de marché oligopolistique. Pour sa part, le Parlement européen s’est déclaré préoccupé par les menaces pour la sécurité liées à la présence technologique croissante de la Chine au sein de l’UE et, en particulier, a demandé que des mesures soient prises au niveau de l’Union pour réduire l’influence grandissante de ce pays sur les infrastructures 5G.

2.7.

Le fait que des pans entiers de l’économie européenne restent largement dépendants de grandes plateformes en ligne établies en dehors de l’UE est source de vive inquiétude. Cette dépendance prive les États membres de leur souveraineté numérique dans des domaines clés tels que le droit d’auteur, la protection des données et la fiscalité. D’autres domaines, comme le commerce électronique et la désinformation en ligne, font également l’objet de préoccupations.

2.8.

Dans un environnement en ligne dominé par des entreprises technologiques de pays tiers, la question se pose de savoir si les citoyens européens peuvent récupérer le contrôle de leurs données numériques et si l’Union peut remédier efficacement et dans un délai raisonnable au déséquilibre en matière de souveraineté numérique. Les sections 3 et 4 fournissent des informations sur ces questions.

3.   Observations générales

3.1.

Dans un premier temps, l’UE doit réduire sa dépendance à l’égard des géants technologiques de pays tiers en redoublant d’efforts pour se doter d’une économie numérique sûre, inclusive et fondée sur des valeurs, capable de concurrencer ces géants et mettant l’accent sur une connectivité fiable, la sécurité des données et l’intelligence artificielle (IA). Le CESE accorde une importance particulière au fait d’ériger cette économie sur des valeurs et met l’accent sur la dimension sociale et éthique ainsi que sur les droits des travailleurs dans une économie numérique.

3.2.

La Commission a réagi aux évolutions de l’économie numérique en élaborant, en 2021, une boussole numérique pour la décennie numérique de l’UE axée sur les infrastructures, les pouvoirs publics, les entreprises et les compétences. Cette boussole a fixé des objectifs aux niveaux européen et national, proposé un solide cadre commun de gouvernance pour suivre les progrès accomplis et remédier aux insuffisances, et présenté d’autres projets multinationaux combinant des investissements de l’UE, des États membres et du secteur privé. Elle a été complétée par la législation sur les marchés numériques, un cadre législatif visant à intensifier la concurrence sur les marchés numériques européens en empêchant les grandes entreprises d’abuser de leur pouvoir de marché et en permettant à de nouveaux acteurs d’y entrer. Présentée plus récemment, la proposition de règlement européen sur les semi-conducteurs vise à accroître la production de micropuces dans l’ensemble de l’UE en réaction à l’augmentation de la demande et à réduire la dépendance à l’égard des fournisseurs de pays tiers. Cela contrerait la position dominante de la Chine, en particulier dans la production de puces semi-conductrices.

3.3.

Alors que l’économie européenne se redresse après la pandémie, et face à la hausse des prix, le CESE demande que la boussole numérique soit mise en œuvre avec succès et que les gouvernements de l’UE incitent les entreprises à investir davantage dans les capacités numériques et les ressources humaines. Ces investissements contribueraient à stimuler l’autonomie stratégique dans le contexte de la transformation numérique de l’économie de l’UE. Il apparaît en outre essentiel que les gouvernements de l’UE investissent en vue d’améliorer les capacités, les infrastructures et les technologies numériques.

3.4.

Le CESE note que des innovations telles que l’informatique en nuage et l’intelligence artificielle sont devenues des atouts stratégiques importants au sein de l’UE, étant donné qu’elles contribuent de manière positive à la croissance potentielle de l’économie européenne. L’Union européenne continue cependant de perdre du terrain dans la course internationale au développement de nouvelles technologies dans le monde numérique. Sur le plan de l’intelligence artificielle, par exemple, l’UE accuse un important retard par rapport aux États-Unis et à la Chine en ce qui concerne les investissements privés. Il en va de même pour les technologies de collecte de données et d’accès aux données ainsi que pour l’informatique quantique, les investissements européens dans les technologies de la chaîne de blocs et l’internet des objets étant aussi à la traîne des investissements similaires dans ces deux pays.

3.5.

Le CESE prend également note des différents instruments financiers mis en place pour réduire l’écart avec les investissements américains et chinois dans les technologies numériques. Ces instruments pourraient de toute évidence soutenir la recherche et l’innovation dans le domaine des technologies numériques, mais, comme indiqué au paragraphe 3.3, des investissements supplémentaires sont nécessaires. Le CESE demande de redoubler d’efforts pour que des partenariats public-privé soient mis en place en ce qui concerne les technologies numériques et que la recherche européenne à grande échelle en faveur des nouvelles technologies soit soutenue dans le but précis de s’aligner sur les capacités de recherche américaines et chinoises.

3.6.

Le CESE estime que la souveraineté numérique ne consiste pas simplement à voir l’UE rattraper son retard ou être en avance sur la trajectoire numérique. Il ne s’agit pas non plus de savoir si la souveraineté numérique souligne la nature protectionniste de l’Union. Cette souveraineté vise à créer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises technologiques établies au sein de l’UE en vue, comme indiqué dans le titre du présent avis d’initiative, de renforcer le potentiel de croissance économique de l’Union et de profiter ainsi à la société européenne dans son ensemble.

3.7.

Il existe des raisons valables pour lesquelles les entreprises technologiques établies dans l’UE pourraient devoir être traitées de manière plus favorable que les entreprises basées dans des pays tiers si elles souhaitent compter parmi les principaux chefs de file mondiaux du numérique. Cependant, le CESE fait valoir que les déséquilibres existants en matière de souveraineté numérique sont en partie dus à des obstacles nationaux qui continuent d’entraver la réalisation d’un véritable marché unique. En l’état actuel des choses, le marché unique est essentiellement constitué d’un ensemble de plusieurs marchés nationaux de plus petite taille, sans l’échelle nécessaire pour que les entreprises établies dans l’UE puissent concurrencer les Microsoft de ce monde. Il existe également différents niveaux de développement et d’infrastructures au sein de l’UE. Il n’est donc pas surprenant que le marché numérique continue d’être dominé par des entreprises de pays tiers.

3.8.

Selon le CESE, régler la question de la souveraineté numérique permettra par ailleurs de répondre aux préoccupations en matière de respect de la vie privée, de données à caractère personnel, de fiscalité, d’acquisition de données et de marchés publics. Même en s’appuyant sur un cadre réglementaire plus solide, les changements ne s’opéreront pas du jour au lendemain. La fiscalité, en particulier, est apparue comme un sujet de controverse, car les entreprises technologiques basées aux États-Unis peuvent tirer des recettes d’interactions avec des clients établis dans l’UE. Ce point soulève donc la question de la présence physique, de laquelle découle généralement l’assujettissement à l’impôt.

3.9.

Enfin, dans un avis antérieur (3), le CESE a déjà insisté sur l’importance de la souveraineté numérique en tant que pilier essentiel du développement économique, social et environnemental de l’Europe et a également souligné que cette souveraineté doit être fondée sur la compétitivité mondiale et sur une coopération solide entre les États membres. Il s’agit d’une condition préalable essentielle pour que l’UE devienne un chef de file mondial sur la scène internationale, y compris en matière de fiabilité des technologies numériques.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE invite les États membres à mettre en œuvre de manière effective le train de mesures sur les services numériques visant à protéger les citoyens européens contre les excès du monde numérique tout en fournissant un cadre pour un environnement plus éthique et plus centré sur l’humain. Il estime que les mesures de ce cadre réglementaire devraient contribuer à une gestion plus efficace du secteur numérique européen. En outre, la protection des travailleurs et le droit de négociation collective devraient faciliter la transition vers la numérisation. Dans le même temps, les entreprises technologiques européennes devraient disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour innover et renforcer leur position par rapport aux entreprises technologiques de pays tiers, les partenariats internationaux étant encouragés dans la mesure du possible.

4.2.

L’établissement de règles relatives aux données européennes contribuera à rendre l’UE plus souveraine en soi, mais il ne suffira pas à permettre aux entreprises technologiques européennes de s’aligner sur l’envergure mondiale de leurs concurrentes basées en dehors de l’Union. Pour atteindre ce résultat, il convient de disposer d’orientations politiques, d’investir dans la recherche et l’innovation, et de remédier aux lacunes actuelles du marché unique.

4.3.

Une approche plus prospective du cadre réglementaire qui façonnera l’économie numérique dans les années à venir est donc nécessaire. Il est tout aussi important de rendre les plateformes, les écosystèmes et les activités en ligne plus ouverts, plus équitables et plus prévisibles, en envisageant des règles couvrant la transparence et la neutralité des algorithmes, ainsi que le partage et l’interopérabilité des données.

4.4.

Afin de renforcer la souveraineté numérique de l’UE, le CESE plaide en faveur d’une plus grande coordination entre les juridictions nationales et, en particulier, les régulateurs dans ce domaine. Il s’impose de repenser les structures de gouvernance existantes en vue à la fois de renforcer les interactions entre les États membres et de faciliter la prise de décisions communes dans le domaine numérique. De l’avis du CESE, ces mesures seront essentielles pour appuyer les efforts visant à parvenir à une certaine forme de souveraineté numérique. Dans le même temps, le CESE met en garde contre une réglementation excessive, qui pourrait nuire aux perspectives de croissance économique.

4.5.

Le CESE souscrit aux appels lancés à l’UE pour qu’elle mette en place une infrastructure de données et d’informatique en nuage afin de renforcer sa souveraineté numérique et de remédier au déséquilibre considérable du marché de l’informatique en nuage et du stockage de données, qui est presque totalement dominé par des entreprises de pays tiers. Cela contribuerait également à réduire les risques pour la sécurité des citoyens européens. À cet égard, le CESE réitère son soutien à l’initiative européenne Gaia-X, qui vise à créer un environnement sûr dans lequel les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics pourront gérer leurs données.

4.6.

Le CESE reconnaît également que l’UE peut devenir un chef de file mondial en matière de collecte et de traitement des données, qui constitue l’épine dorsale de l’économie numérique. Un cadre européen pour la collecte et le partage des données recèle un énorme potentiel dans des secteurs stratégiques tels que la santé, le marché du travail et les transports. Il permettrait aux citoyens et aux entreprises d’accéder à des données à l’échelle de l’UE (conformément aux règles en matière de protection des données et de la vie privée) et renforcerait l’efficacité du marché unique.

4.7.

À ce titre, le CESE demande une mise à jour de la politique de concurrence dans le marché unique et la résolution des déséquilibres existants. Ces politiques devraient également se concentrer sur les pratiques adoptées par les entreprises technologiques de pays tiers en vue de fausser la concurrence, ainsi que sur l’influence croissante des entreprises numériques chinoises au sein de l’UE.

4.8.

Le CESE reconnaît que le fait de parvenir à la souveraineté numérique dépendra i) de la manière dont les entreprises technologiques établies dans l’UE s’adapteront au cadre législatif, ii) des mesures visant à remédier aux lacunes du marché unique, ainsi que iii) de la recherche et de l’innovation basées dans l’Union dans le domaine numérique, et des possibilités d’investissement. Dans le même temps, le CESE ne peut ignorer le rôle que pourraient jouer les PME dans la définition de la souveraineté numérique européenne. Bien que les PME ne disposent pas des ressources financières nécessaires pour façonner directement l’économie numérique, elles peuvent assurément y contribuer par des interactions avec les grandes entreprises technologiques de l’UE.

4.9.

Enfin, le CESE souligne l’importance de l’éducation à tous les niveaux (professionnel ou universitaire) dans le développement de la souveraineté numérique de l’Union: les établissements d’enseignement doivent investir dans la recherche et l’innovation en la matière, et un cadre capable de soutenir la stratégie numérique européenne doit être créé afin de disposer d’un personnel qualifié. Il est également recommandé que les établissements d’enseignement de l’UE adoptent une approche coordonnée.

Bruxelles le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://www.weforum.org/agenda/2021/03/europe-digital-sovereignty/

(2)  Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).

(3)  JO C 365 du 23.9.2022, p. 13.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/13


Avis du Comité économique et social européen sur la préparation aux situations d’urgence

(avis d’initiative)

(2023/C 75/03)

Rapporteur:

Paul RÜBIG

Décision de l’assemblée plénière

24.2.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

7.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

184/8/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) demande à la Commission européenne et aux États membres d’élaborer d’urgence un plan visant à accroître sensiblement l’autonomie/la souveraineté du marché unique de l’UE en ce qui concerne les installations de production d’énergie, la production de denrées alimentaires et d’eau et l’extraction des matières premières indispensables, et à garantir également l’autonomie/la souveraineté européenne pour les technologies respectives nécessaires. Cette autonomie/souveraineté européenne porte sur la R & D, le traitement des matériaux, la conception, la fabrication, l’installation, le lancement et l’entretien des installations dans les domaines concernés au sein du marché unique de l’UE, de manière à éviter que la précarité énergétique et le chômage frappent les citoyens et les consommateurs européens. La préparation la plus efficace aux situations d’urgence repose sur la résilience, qu’elle soit de nature technique ou sociale. L’amélioration continue de la résilience des systèmes énergétiques face aux menaces naturelles, politiques ou autres devrait être intégrée dans toutes les politiques énergétiques.

1.2.

Le CESE recommande à l’UE de définir d’urgence des mesures à court terme pour la construction d’installations de production d’énergie au sein du marché unique européen, de manière à atteindre l’objectif d’autonomie/de souveraineté de l’Union.

1.3.

Le CESE estime qu’il est possible de prévenir des pénuries d’énergie généralisées et durables en Europe en prenant les mesures suivantes:

favoriser l’ouverture technologique (en ce qui concerne la production et les applications de l’énergie),

renforcer et développer le marché unique européen de l’énergie,

renforcer la coopération et la coordination avec les partenaires partageant la même optique, de même que la coopération avec les États voisins et les pays tiers,

poursuivre une politique commerciale ambitieuse et diversifier l’approvisionnement,

lutter contre les inadéquations sur le marché du travail,

améliorer la communication et la sensibilisation,

accélérer l’innovation et la numérisation,

faciliter l’accès au financement,

garantir des investissements suffisants (pour faciliter la transition écologique, etc.),

veiller à ce que les politiques soient réalistes. Par exemple, dans le domaine de l’énergie et du climat, il y a lieu de réévaluer le paquet «Ajustement à l’objectif 55» afin de trouver un équilibre entre la réalisation des objectifs pour 2030 et 2050 et la recherche d’une voie à suivre pour cette transition qui soit économiquement et socialement supportable. Les profits tirés de l’échange de quotas d’émission devraient être utilisés pour financer un plafonnement des prix du gaz fondé sur le modèle de l’index Henry Hub aux États-Unis, ainsi que pour investir dans de nouvelles installations de production énergétique au sein de l’Union.

1.4.

Afin d’éviter d’avoir à revoir les calendriers prévus pour le pacte vert et pour mettre en œuvre des politiques énergétiques réalistes, les options ainsi que les procédures d’évaluation des incidences et des risques du pacte vert pour l’Europe et de la politique énergétique de l’UE devraient non seulement tenir compte de l’incidence des mesures sur le climat, mais aussi de leur impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs de l’UE et de leurs retombées sur la compétitivité de l’économie européenne, préservant ainsi l’emploi dans l’Union.

1.5.

Compte tenu de la gravité de la crise, le CESE est d’avis qu’aucune mesure ne devrait être exclue pour y faire face.

1.6.

Dans le cadre de l’ensemble des mesures à prendre, une partie de la réponse devrait, selon le CESE, consister à mettre en œuvre le plan SET de l’UE (plan stratégique européen pour les technologies énergétiques) et le plan REPowerEU, en particulier en:

améliorant l’efficacité énergétique et en favorisant la circularité,

mettant en œuvre le plan REPowerEU visant à mettre fin à la dépendance de l’UE à l’égard des combustibles fossiles russes,

augmentant les capacités de stockage du gaz et les opérations coordonnées de recharge, en surveillant et optimisant les marchés de l’électricité, en canalisant les investissements vers les systèmes énergétiques et en améliorant la connectivité dans le voisinage immédiat en s’appuyant sur l’ACER (1), l’ORECE, REGRT-G (2), REGRT-E (3) et les communautés de la connaissance et de l’innovation (CCI) InnoEnergy, Raw Materials et Manufacturing de l’Institut européen d’innovation et de technologie, compte tenu des progrès réalisés dans les domaines de l’infrastructure européenne de l’hydrogène et du stockage du CO2 et de l’hydrogène,

créant 1 000 installations de production d’énergie dans l’UE dans le cadre d’une procédure d’autorisation de 14 jours et en lançant immédiatement les investissements, 50 % du soutien financier de l’UE devant provenir des recettes tirées de l’échange de droits d’émission.

1.7.

Le CESE recommande d’encourager les consommateurs à investir dans leurs propres production d’énergie et efficacité énergétique, et de les soutenir dans cette démarche. Cela nécessitera des campagnes d’information et des incitations fiscales.

1.8.

En outre, le CESE estime que l’UE devrait construire de nouvelles infrastructures pour le transport d’énergie et de ressources énergétiques (gazoduc reliant l’Afrique du Nord à l’Espagne) et pour les sources d’énergie renouvelables telles que l’hydrogène, le biométhane et l’ammoniac (Campfire).

1.9.

En réponse à la crise, le CESE préconise une série de mesures à court terme:

garantir d’autres sources, en particulier pour le pétrole, le charbon, le gaz, l’uranium, l’eau, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux,

élaborer des plans et des concepts en vue d’économiser et de rationner l’énergie dans l’ensemble des 27 États membres de l’UE:

le rationnement devrait se dérouler selon des priorités clairement établies, par exemple négocier des plans de rationnement pour les industries à forte intensité énergétique, et de nouveaux accords commerciaux dans le cadre de l’OMC avec de nouvelles priorités pour les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, l’eau et l’assainissement,

la priorité devrait être donnée à l’approvisionnement en électricité et en gaz et aux capacités de stockage de ces énergies des hôpitaux, des acteurs des soins médicaux, des services d’urgence et des acteurs des soins aux personnes âgées et vulnérables,

édicter des règles visant à garantir des niveaux suffisants pour les réserves de pétrole et de gaz,

promouvoir les économies d’énergie et les nouvelles sources d’énergie,

intensifier la R & D européenne dans le domaine de la recherche énergétique, en ce qui concerne plus particulièrement les énergies de substitution, l’énergie de fusion, le stockage de l’énergie, les technologies de l’hydrogène et de l’ammoniac, l’efficacité énergétique des processus industriels à forte intensité énergétique et des appareils à l’usage des consommateurs,

accélérer les procédures d’approbation publique pour les nouveaux projets susceptibles de fournir de l’énergie supplémentaire à court et à moyen terme, tels que les stations de déchargement de l’hydrogène dans les ports de l’UE, les gazoducs et les installations portuaires pour la regazéification du gaz liquéfié (GNL),

demander à toutes les entreprises de l’UE qui produisent ou fournissent les produits et services nécessaires dans les situations d’urgence d’assurer la sécurité de leur alimentation électrique de secours, de mettre à jour leurs plans d’urgence, d’organiser régulièrement des formations permettant de faire face aux situations d’urgence, etc. (par exemple, les entreprises qui participent aux télécommunications et à la radiodiffusion, les services d’urgence, les serveurs informatiques publics et les fournisseurs d’électricité).

1.10.

Au-delà des mesures à court terme, le Comité recommande également une série de mesures à moyen et long terme:

1.10.1.

Le CESE demande à la Commission européenne d’élaborer des plans et de mettre en place les mesures et actions coordonnées suivantes à l’échelle de l’UE:

mettre en œuvre les technologies d’électrolyse/de pyrolyse du méthane et du réformage du méthane à la vapeur afin de produire de l’hydrogène et du carbone solide,

utiliser les réserves diversifiées et durables de méthane comme matières premières pour l’hydrogène (vecteur énergétique) et le carbone, et explorer pleinement leurs avantages en tant qu’amendements pour sols dans l’agriculture afin d’augmenter les rendements et d’améliorer la sécurité alimentaire,

accélérer massivement les marchés publics relatifs aux infrastructures énergétiques critiques, en simplifiant et rationalisant les réglementations de l’UE qui les ralentissent:

la nouvelle directive-cadre de l’UE sur l’eau. La priorité doit être donnée à la garantie d’un approvisionnement énergétique rapide,

la nouvelle réglementation européenne relative aux chaînes d’approvisionnement doit être simplifiée. L’accent devrait être mis sur la garantie d’un approvisionnement durable de l’UE en matières premières et biens critiques, négociée dans le cadre d’accords commerciaux bilatéraux,

renforcer les chaînes de production et les systèmes de transport afin d’être en mesure de neutraliser d’éventuelles perturbations futures dans la disponibilité de matières premières critiques pour les entreprises européennes (industrie et commerce),

réduire la dépendance à l’égard des importations de matériaux critiques et de produits préfabriqués,

mettre l’accent sur la souveraineté et l’autonomie technologiques de l’UE,

développer une infrastructure de réseau électrique transfrontière (380 kV ou plus),

garantir la production de transformateurs pour le changement de tension électrique (haute/basse, CA/CC),

relancer les milliers de projets de production d’énergie (hydroélectricité, géothermie, stockage hydroélectrique, etc.) systématiquement écartés depuis des années parce qu’ils avaient un mauvais rapport de rentabilité (en raison du gaz bon marché en provenance de Russie) ou à cause d’obstacles bureaucratiques,

explorer de nouvelles technologies d’exploitation. Plusieurs régions de l’UE disposent d’importants réservoirs de gaz naturel qui peuvent être exploités grâce aux nouvelles technologies récemment développées par des universités européennes. À la lumière de son objectif de souveraineté et d’autonomie énergétiques, l’UE devrait se pencher sérieusement sur ces nouvelles technologies et encourager les régions à les expérimenter,

envisager à nouveau le recours au gaz/au pétrole local et la production de carburant de synthèse lorsque cela est possible et nécessaire, ou accroître la production existante dans le cadre d’une démarche à court terme.

1.10.2.

Il est essentiel de renforcer la formation professionnelle et les compétences des électriciens et des agriculteurs et de créer des emplois dans le domaine de la gestion de l’eau.

1.10.3.

Le CESE recommande d’augmenter le nombre d’étudiants européens dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), qui stagne actuellement alors que les pays d’Asie ont notablement accru leur nombre d’étudiants en physique, en TIC et en ingénierie. Le CESE préconise de mettre en place des initiatives et des incitations afin d’augmenter le nombre d’ingénieurs, de techniciens et d’emplois de haute technologie supplémentaires en Europe de manière à atteindre ses objectifs en matière de souveraineté/d’autonomie technologiques.

1.10.4.

Dernier point, mais non le moindre, le CESE estime qu’il est essentiel de maintenir le pouvoir d’achat des citoyens et des consommateurs européens à un niveau élevé en mettant l’accent sur la souveraineté/l’autonomie technologique de l’UE et donc en réduisant sa dépendance à l’égard des importations (de technologies et d’énergie) et en augmentant le nombre d’emplois de haute technologie en Europe.

1.11.

Pour résumer les conclusions et les recommandations, la question se pose de savoir si l’ordre des priorités ne s’est pas inversé dans l’esprit des consommateurs pour passer de l’environnement suivi des prix et de la sécurité d’approvisionnement, à la sécurité d’approvisionnement suivie des prix et de l’environnement.

2.   Observations générales

2.1.

Définition du concept de «gestion des situations d’urgence»: ce concept couvre l’organisation et la gestion des ressources et des responsabilités dans le cadre du traitement de tous les aspects humanitaires des situations d’urgence, que sont:

la prévention,

la préparation,

la réaction,

l’atténuation,

le relèvement.

2.2.

Personne ne sait combien de temps durera cette guerre brutale en Ukraine, ni quelle sera l’ampleur des destructions d’infrastructures ou encore combien de millions de réfugiés ukrainiens fuiront vers les États membres de l’UE, un exode qui se traduira par l’arrivée de plusieurs millions de nouveaux consommateurs dans le marché unique.

2.3.

La guerre en Ukraine aura certainement de lourdes conséquences pour l’UE, compte tenu de la forte dépendance de celle-ci aux combustibles fossiles et aux matières premières importés de Russie et d’Ukraine. Il est recommandé d’urgence d’investir dans nos propres installations minières et de production d’électricité afin de parvenir à l’autonomie/la souveraineté, l’un des principaux objectifs de l’UE.

2.4.

En 2021, certains pays européens ont importé 100 % de leur gaz naturel et d’autres environ 70 % de leur pétrole de Russie. Depuis septembre 2022, certains États membres de l’UE (par exemple, la Pologne, la Bulgarie et les trois États baltes) ont cessé d’importer du gaz en provenance de Russie et de nombreux autres pays européens sont parvenus à réduire considérablement leurs importations de gaz naturel russe en augmentant celles en provenance d’autres pays, principalement du gaz naturel liquéfié via des terminaux prévus à cet effet. En conséquence, les prix du gaz se sont envolés et poursuivent leur hausse dans l’Union. Depuis juillet 2022, les prix moyens du gaz y ont été environ huit fois plus élevés qu’aux États-Unis, ce qui nuit à la compétitivité de l’UE.

2.5.

Il en découle une augmentation du risque de pertes d’emplois massives dans l’UE. Selon EUROFER, l’industrie sidérurgique européenne emploie directement 330 000 travailleurs hautement qualifiés et soutient indirectement jusqu’à 2,2 millions de personnes supplémentaires. Les industries de l’aluminium, du ciment, du papier, du verre et le secteur chimique emploient aussi directement et indirectement des centaines de milliers de salariés. Au sein du marché unique, les installations de production d’énergie pourraient créer des centaines de milliers de nouveaux emplois bien rémunérés et, partant, accroître le pouvoir d’achat des consommateurs de l’UE.

2.6.

En ce qui concerne la sécurité alimentaire, les pays européens chercheront systématiquement à devenir moins dépendants de l’approvisionnement en blé en provenance d’Ukraine et de Russie. Il convient de se pencher sur l’opportunité de mettre en place des subventions aux engrais, de réserver des terres pour la production de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux et d’utiliser les déchets agroalimentaires pour produire du biogaz.

3.   Préparation aux catastrophes (4)

3.1.

L’UE n’a pas ménagé ses efforts pour se préparer aux situations d’urgence, mais la guerre en Ukraine lui a montré que ces efforts doivent être poursuivis, voire intensifiés, dans les domaines suivants:

les coupures de courant (pannes généralisées d’électricité) causées par des défaillances techniques, des cyberattaques, etc., susceptibles d’affecter:

les systèmes de communication,

les systèmes d’assainissement, de distribution d’eau et de traitement des eaux usées,

la continuité des activités de l’industrie,

les plans de rationnement de l’électricité et du gaz pour les consommateurs et l’industrie de l’UE. Ce risque s’est considérablement accru depuis le début de la guerre en Ukraine,

les perturbations affectant la disponibilité des matières premières en raison d’une rupture de la chaîne de production ou du système de transport (par exemple, le blocage de 400 grands navires de charge dans le port de Shanghai en avril 2022, en raison du confinement de Shanghai lié à la COVID-19),

les cybermenaces et des incidents informatiques: comment l’UE peut-elle renforcer la résilience des entreprises et assurer la continuité de leurs activités de manière à garantir l’approvisionnement des consommateurs européens,

d’autres types d’attaques: les entreprises doivent être suffisamment équipées pour y résister et s’en relever rapidement.

3.2.

Les situations d’urgence et les catastrophes mettent en exergue l’importance des 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies (5). Il peut s’agir de catastrophes naturelles (6), de catastrophes provoquées par des accidents industriels ou technologiques (machines construites par l’homme, catastrophes liées à des événements de type ABC), d’une guerre ou de catastrophes politiques et civiles (7), d’épidémies ou de famines, ou encore de l’impact en matière de production de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux.

4.   Organisations clés au sein de la Commission européenne

4.1.

L’UE ne manque pas d’organes compétents et spécialisés, en mesure de contribuer à orienter le débat et les préparatifs dans le domaine de la préparation aux situations d’urgence. Il s’agit plus particulièrement des organes suivants:

DG ECHO (Protection civile et opérations d’aide humanitaire européennes) (8),

ERCC (Centre de coordination de la réaction d’urgence) (9),

Réseau européen de connaissances en matière de protection civile (10),

Mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU) (11).

5.   Exemples actuels de potentielles urgences de premier plan pour les États membres de l’UE, qui concernent plus particulièrement le domaine des installations de production d’énergie

5.1.

Rupture de la chaîne d’approvisionnement de la production d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel, uranium). En 2021, les combustibles fossiles représentaient environ 80 % de l’ensemble de l’énergie primaire utilisée dans l’Union et étaient majoritairement importés.

5.2.

Pannes électriques généralisées entraînant des problèmes de communication, causées par des défaillances techniques, la cyberguerre ou des attentats terroristes. La production d’électricité à partir de sources renouvelables est erratique. En effet, le vent ne souffle pas toujours et le soleil ne brille pas invariablement lorsque l’UE a besoin de grandes quantités d’énergie. Par conséquent, toute augmentation des capacités de production d’énergie éolienne et photovoltaïque dans l’Union doit aller de pair avec la construction d’énormes installations de stockage d’énergie.

5.3.

La capacité de garantir l’approvisionnement en matières premières critiques (cuivre, lithium, cobalt, terres rares, etc.) au moyen de nouvelles stratégies du marché unique de l’UE en matière d’extraction minière, de recyclage, etc.

5.4.

La capacité d’assurer un marché unique concurrentiel pour l’approvisionnement en produits semi-finis (par exemple, depuis le début de la guerre, l’industrie automobile européenne a connu une grave pénurie de faisceaux de câbles produits en Ukraine).

5.5.

Les besoins en matériaux requis pour la construction du nombre astronomique d’éoliennes nécessaires pour atteindre les objectifs de décarbonation de la production d’électricité dépassent la production mondiale annuelle de cuivre d’un facteur de 14 (25 millions de tonnes produites contre 350 millions de tonnes nécessaires), celle d’aluminium d’un facteur de 7,2 et celle d’acier spécial indispensable pour les éoliennes d’un facteur de 3,9. Les panneaux solaires sont principalement produits en Chine.

5.6.

Il est urgent d’assurer un approvisionnement massif en combustibles fossiles tant qu’un nombre suffisant d’installations de production d’énergie renouvelable n’est pas construit dans l’UE.

6.   Réaction

6.1.

Compte tenu de l’ampleur de la consommation énergétique européenne, la transition écologique de l’UE prendra environ deux décennies. Le Conseil réuni à Versailles a recommandé d’accélérer la transition, une tâche qui devrait s’avérer très difficile.

6.2.

Le principal goulet d’étranglement entravant une transition plus rapide n’est pas seulement de nature financière mais est aussi et essentiellement lié aux matériaux nécessaires pour les quelque 700 000 grandes éoliennes d’une puissance de 5 MW et les millions d’installations photovoltaïques, d’énergie de fusion, d’énergie hydraulique et de stockage d’énergie qui devront être construites dans l’ensemble de l’UE. Il sera en outre nécessaire de bâtir des installations géothermiques et de stockage d’hydrogène, d’ammoniac et de CO2. Afin de distribuer la quantité considérable d’énergie électrique décentralisée générée, les lignes électriques à haute et moyenne tension devront être massivement étendues.

6.3.

Chacune des 700 000 grandes éoliennes d’une puissance de 5 MW (qui produisent généralement 12,5 GWh d’énergie électrique par an) atteint environ 200 mètres de hauteur, repose sur une fondation d’approximativement 2 000 tonnes de béton armé, et nécessite environ 600 tonnes d’acier spécial, 20 tonnes de cuivre et un approvisionnement en terres rares importées principalement de Chine ou de Russie. La multiplication de ces tonnes de matériaux par approximativement 700 000 donne une idée claire des énormes quantités de béton, d’acier, de cuivre et d’autres matériaux que requiert la construction des éoliennes nécessaires à l’UE et dont la production générerait d’énormes quantités supplémentaires de CO2. Si l’on ajoute notamment les terres rares (pour les générateurs et les batteries électriques), le néodyme, le dysprosium, le problème de pénurie apparaît encore plus aigu et très difficile à résoudre d’ici à 2050.

7.   Atténuation

7.1.

Si l’Allemagne continue à construire des éoliennes au rythme de 2021, la construction des 70 000 installations nécessaires pour atteindre les objectifs du pacte vert prendrait 160 ans.

7.2.

En résumé, de nombreux ingénieurs affirment qu’il sera très difficile de réaliser les objectifs du pacte vert d’ici à 2050, en raison d’une pénurie de matériaux (terres rares, cuivre, acier, etc.) et d’un manque d’ingénieurs et de travailleurs qualifiés (par exemple les électriciens), deux groupes de professionnels indispensables à la réalisation du pacte vert pour l’Europe.

8.   Prévention

8.1.

Nombre d’industries à forte intensité énergétique doivent être converties à l’hydrogène vert ou à l’ammoniac renouvelables produits par l’électricité renouvelable d’ici à 2050, notamment les secteurs sidérurgique et chimique et l’industrie du ciment. De nombreuses personnes ignorent que la transition de toutes ces industries à forte intensité énergétique nécessite environ dix fois plus d’énergie électrique renouvelable que la transition vers l’électromobilité et la décarbonation de l’industrie sidérurgique.

8.2.

La production de fer et d’acier représente un quart de l’ensemble des émissions industrielles mondiales de CO2. Environ 1 870 millions de tonnes d’acier ont été produites dans le monde en 2020; approximativement 57 % de cette production est localisée en Chine et 7 % dans l’UE. Sur ces 1 870 millions de tonnes d’acier produites à l’échelle mondiale, environ 1 300 millions de tonnes (65 %) sont produites par la filière «hauts-fourneaux» intégrée, dans le cadre de laquelle le minerai de fer est réduit avec du coke, ce qui génère des émissions de CO2 très élevées (approximativement 1,4 tonne de CO2 par tonne d’acier).

8.3.

Dans les 27 États membres de l’UE, environ 150 millions de tonnes d’acier sont produites chaque année, dont approximativement 90 millions de tonnes par la filière «hauts-fourneaux». Pour que la production de ces 90 millions de tonnes de fonte brute (réduite dans le haut-fourneau avec du coke) soit convertie en fonte verte produite grâce à l’hydrogène renouvelable, environ 360 TWh par an d’électricité renouvelable seraient nécessaires (d’ici à 2050). Cela représente une quantité considérable d’énergie renouvelable, supérieure à la quantité d’électricité produite à partir de sources renouvelables qui serait nécessaire pour électrifier l’ensemble des voitures particulières de l’UE. Pas moins de 30 000 grandes éoliennes seront nécessaires pour produire cette électricité renouvelable pour l’industrie sidérurgique européenne.

8.4.

En ce qui concerne l’Union européenne, la production d’électricité en 2019 était d’environ 2 904 TWh, dont seulement environ 35 % provenaient de sources renouvelables. Toutefois, approximativement 38 % (1 112 TWh) ont été produits à partir de combustibles fossiles et environ 26 % grâce à l’énergie nucléaire (765 TWh). Seuls 13 % proviennent de l’énergie éolienne, 12 % de centrales hydroélectriques, 4 % de centrales solaires, 4 % de la bioénergie et 2 % de sources géothermiques. La majeure partie de la production d’électricité renouvelable dans l’Union européenne en 2019 (1 005 TWh) provenait de l’énergie éolienne (367 TWh, soit 42 % de l’ensemble des énergies renouvelables). 39 % supplémentaires ont été produits par des centrales hydroélectriques (345 TWh), 12 % par des centrales solaires (125 TWh) et les 6 % restants grâce à la bioénergie (55 TWh).

8.5.

L’expansion des centrales hydroélectriques à accumulation par pompage est nécessaire pour stabiliser le réseau en cas de panne généralisée imminente.

8.6.

L’énergie hydraulique doit devenir prioritaire dans l’agenda en matière de politiques énergétique et climatique. Les centrales hydroélectriques développées de manière durable doivent être reconnues comme des sources d’énergie renouvelables. Les gouvernements devraient inclure les grandes et les petites centrales hydroélectriques dans leurs objectifs de déploiement à long terme, leurs plans énergétiques et leurs mécanismes d’incitation en faveur des énergies renouvelables, au même titre que les énergies renouvelables variables.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie

(2)  https://www.entsog.eu/

(3)  https://www.entsoe.eu/

(4)  https://ec.europa.eu/echo/what/humanitarian-aid/disaster-preparedness_fr

(5)  https://sdgs.un.org/fr/goals

(6)  https://www.conserve-energy-future.com/10-worst-natural-disasters.php

(7)  https://www.samhsa.gov/find-help/disaster-distress-helpline/disaster-types/incidents-mass-violence

(8)  https://ec.europa.eu/echo/index_fr

(9)  https://erccportal.jrc.ec.europa.eu/

(10)  https://civil-protection-knowledge-network.europa.eu/

(11)  https://ec.europa.eu/echo/what/civil-protection/eu-civil-protection-mechanism_fr


ANNEXE

Les textes ci-après, qui figuraient dans l’avis de la section, ont été écartés en faveur d’amendements adoptés par l’assemblée, mais ont recueilli au moins un quart des voix exprimées:

«1.3.

Le CESE estime qu’il est possible de prévenir des pénuries d’énergie généralisées et durables en Europe en prenant les mesures suivantes:

renforcer et développer le marché unique européen de l’énergie,

renforcer la coopération et la coordination avec les partenaires partageant la même optique,

poursuivre une politique commerciale ambitieuse et diversifier l’approvisionnement,

lutter contre les inadéquations sur le marché du travail,

améliorer la communication et la sensibilisation,

accélérer l’innovation et la numérisation,

faciliter l’accès au financement,

garantir des investissements suffisants (pour faciliter la transition écologique, etc.),

veiller à ce que les politiques soient réalistes. Par exemple, dans le domaine de l’énergie et du climat, il y a lieu de réévaluer le paquet “Ajustement à l’objectif 55” afin de trouver un équilibre entre la réalisation des objectifs pour 2030 et 2050 et la recherche d’une voie à suivre pour cette transition qui soit économiquement et socialement supportable.»

Résultat du vote:

Voix pour:

95

Voix contre:

67

Abstentions:

25

«1.6.

Dans le cadre de l’ensemble des mesures à prendre, une partie de la réponse devrait, selon le CESE, consister à mettre en œuvre le plan SET de l’UE (plan stratégique européen pour les technologies énergétiques) et le plan REPowerEU, en particulier en:

améliorant l’efficacité énergétique et en favorisant la circularité,

mettant en œuvre le plan REPowerEU visant à mettre fin à la dépendance de l’UE à l’égard des combustibles fossiles russes,

augmentant les capacités de stockage du gaz et les opérations coordonnées de recharge, en surveillant et optimisant les marchés de l’électricité, en canalisant les investissements vers les systèmes énergétiques et en améliorant la connectivité dans le voisinage immédiat en s’appuyant sur l’ACER (*1), l’ORECE, REGRT-G, REGRT-E et les communautés de la connaissance et de l’innovation (CCI) InnoEnergy, Raw Materials et Manufacturing de l’Institut européen d’innovation et de technologie.

Résultat du vote:

Voix pour:

104

Voix contre:

61

Abstentions:

18

«1.10.1.

Le CESE demande à la Commission européenne d’élaborer des plans et de mettre en place les mesures et actions coordonnées suivantes à l’échelle de l’UE:

accélérer massivement les marchés publics relatifs aux infrastructures énergétiques critiques, en simplifiant et rationalisant les réglementations de l’UE qui les ralentissent:

la nouvelle directive-cadre de l’UE sur l’eau. La priorité doit être donnée à la garantie d’un approvisionnement énergétique rapide,

la nouvelle réglementation européenne relative aux chaînes d’approvisionnement doit être simplifiée. L’accent devrait être mis sur la garantie d’un approvisionnement durable de l’UE en matières premières et biens critiques, négociée dans le cadre d’accords commerciaux bilatéraux,

renforcer les chaînes de production et les systèmes de transport afin d’être en mesure de neutraliser d’éventuelles perturbations futures dans la disponibilité de matières premières critiques pour les entreprises européennes (industrie et commerce),

réduire la dépendance à l’égard des importations de matériaux critiques et de produits préfabriqués,

mettre l’accent sur la souveraineté et l’autonomie technologiques de l’UE,

développer une infrastructure de réseau électrique transfrontière (380 kV ou plus),

garantir la production de transformateurs pour le changement de tension électrique (haute/basse, CA/CC),

relancer les milliers de projets de production d’énergie (hydroélectricité, géothermie, stockage hydroélectrique, etc.) systématiquement écartés depuis des années parce qu’ils avaient un mauvais rapport de rentabilité (en raison du gaz bon marché en provenance de Russie) ou à cause d’obstacles bureaucratiques,

de nouvelles technologies d’exploitation. Plusieurs régions de l’UE disposent d’importants réservoirs de gaz naturel qui peuvent être exploités grâce aux nouvelles technologies récemment développées par des universités européennes. À la lumière de son objectif de souveraineté et d’autonomie énergétiques, l’UE devrait se pencher sérieusement sur ces nouvelles technologies et encourager les régions à les expérimenter.»

Résultat du vote:

Voix pour:

96

Voix contre:

66

Abstentions:

30


(*1)  Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie.»”


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/22


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Euro numérique»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/04)

Rapporteur:

Juraj SIPKO

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

6.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

183/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le progrès rapide des technologies innovantes au sein du secteur financier a conduit les différentes banques centrales dans le monde à créer au fil du temps des monnaies numériques. Tout comme ces autres banques centrales, la Banque centrale européenne (son écosystème) a elle aussi pris en juillet 2021 la décision de lancer la phase d’étude d’un projet d’euro numérique. Le Comité économique et social européen (CESE) apprécie les efforts déployés par la BCE pour poursuivre les travaux en vue d’émettre un euro numérique. À l’heure actuelle, l’on effectue au sein de l’écosystème de la BCE toute une série de démarches expérimentales visant à l’adoption d’un euro numérique, qui s’inscrivent dans le cadre du déroulement d’un calendrier. Jusqu’à présent, aucune décision n’a été prise d’adopter un euro numérique.

1.2.

Le CESE tient pour capital, lors de l’introduction de l’euro numérique, d’en assurer le caractère inclusif sur le plan financier et numérique. À cet égard, il escompte que cette dernière procurera des avantages à tous les résidents de la zone euro. Cela suppose que l’euro numérique permette de réaliser des opérations de paiement avec davantage de célérité et d’efficacité.

1.3.

Le CESE relève que l’introduction d’un euro numérique instaurera une nouvelle forme de la monnaie. Dans ce contexte, il souligne la nécessité, dans le cadre des réflexions sur l’adoption d’un euro numérique, de prendre en compte tous ses aspects positifs et toutes les possibilités qu’il offre mais aussi de recenser simultanément tous les risques qu’il peut receler, principalement à l’égard du secteur financier. C’est pourquoi il y aura lieu dans ce cadre de tenir compte lors de la conception de l’euro numérique du suivi, de la surveillance et de la gestion des risques potentiels.

1.4.

Le CESE tient la stabilité financière pour l’une des questions vitales qui se posent sur la voie de l’introduction d’un euro numérique. Dans le cadre de cette dernière démarche; il importera donc que la BCE adopte toutes les mesures nécessaires en matière de supervision dans la lutte contre les opérations illégales, principalement pour ce qui est du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, tout comme dans la lutte contre les cyberattaques.

1.5.

Au titre des préparatifs en vue d’introduire un euro numérique, le CESE estime qu’il est encore possible d’améliorer l’efficacité et la compétitivité du système de paiement. Dans ce contexte, l’euro numérique est susceptible de réduire les risques tout en favorisant la stabilité financière.

1.6.

Le CESE approuve les mesures de l’écosystème de la BCE visant à émettre un euro numérique. Sachant qu’il s’agit là d’un programme très compliqué, tributaire également dans une très large mesure de l’actuelle évolution rapide des technologies innovantes, il importera de mettre en évidence, au sein de l’écosystème de la BCE, les possibilités qui s’offrent pour choisir la configuration voulue. À cet égard, il importera de permettre les transactions dans la version en ligne mais aussi dans celle hors ligne. Il sera en outre nécessaire qu’aux fins des opérations de paiement transfrontières, les systèmes soient connectés de sorte qu’ils soient compatibles les uns avec les autres.

1.7.

Le CESE suit, et continuera de suivre, très attentivement le programme de l’écosystème de la BCE en vue d’adopter un euro numérique. Aussi importera-t-il, tout au long de la suite du processus décisionnel au niveau de la BCE et de l’Eurosystème, que soient adoptées toutes les mesures concrètes et systémiques visant à sélectionner le modèle le plus adéquat parmi ceux proposés en respectant l’inclusivité financière, la stabilité financière et la protection de la vie privée. À l’heure actuelle, la BCE examine et jauge différentes conceptions.

1.8.

Au regard du caractère complexe, mais avant tout exigeant, de ce programme d’action qui concerne chaque personne qui réside dans les États membres de l’Union européenne, le CESE met en relief la nécessité d’associer la société civile à la suite des préparatifs, des négociations et des débats touchant à l’introduction d’un euro numérique.

2.   Observations générales

2.1.

Le processus technologique évolutif entraîne une numérisation rapide dans l’ensemble des secteurs de l’économie, y compris au sein de la superstructure sociétale. L’on peut observer cette évolution rapide et cette incidence des innovations technologiques également au sein du secteur financier et des institutions qui offrent des services de paiement. Ce processus rapide de numérisation progresse également au sein du secteur public.

2.2.

À l’heure actuelle, les banques centrales du monde entier débattent et délibèrent de l’adoption de monnaies numériques de banque centrale. Pour l’heure, les banques centrales des Bahamas et du Nigeria ont adopté une monnaie numérique en tant que moyen légal de paiement. Par ailleurs, plus de 110 États dans le monde s’attachent à étudier les possibilités d’émettre une monnaie numérique.

2.3.

La République populaire de Chine a été la première des États du G20 à lancer avec succès un projet de monnaie numérique (1), sachant que cette dernière demeure pour l’instant déconnectée des autres banques centrales dans le reste du monde. Aux États-Unis, la Réserve fédérale a publié en janvier 2022 une étude pesant les avantages et les inconvénients de l’émission d’un dollar numérique.

2.4.

Actuellement, 90 % des banques centrales, lesquelles comptent pour 95 % du PIB mondial, sont en train d’étudier l’adoption d’une monnaie numérique (2). Pour ainsi dire plus de la moitié des banques centrales dans le monde conçoivent ou mènent des expérimentations concrètes dans le cadre de l’introduction d’une monnaie numérique de banque centrale. En outre, deux tiers des banques centrales entendent, à court ou à moyen terme, introduire une telle monnaie aux fins des opérations de détail.

2.5.

Il est généralement admis qu’après l’introduction de monnaies numériques de banque centrale, l’on peut escompter une réduction des charges et un surcroît d’efficacité, de célérité et de sécurité dans la réalisation des opérations de paiement.

2.6.

Les démarches ainsi engagées pour introduire des monnaies numériques de banque centrale sont liées à l’évolution dynamique observée sur le marché des cryptomonnaies. Par ailleurs, l’apparition et la propagation rapide de la COVID-19 a encore accéléré ce processus de numérisation.

2.7.

Lorsque les banques centrales prendront la décision d’émettre des monnaies numériques de banque centrale, il importera d’en prendre en compte l’effet sur la stabilité macrofinancière. L’on escompte que les États qui se seront décidés à adopter et éventuellement à mettre en circulation des monnaies numériques pourront profiter d’atouts importants sur le plan non seulement de la célérité, de l’efficacité et du volume des opérations mais aussi d’un fonctionnement ininterrompu du système de paiement et de règlement.

2.8.

L’introduction d’un euro numérique par la Banque centrale européenne devrait viser à préserver le rôle que jouent les monnaies officielles en tant que socles du système de paiement et elle devrait également participer de l’autonomie stratégique et de l’efficacité économique de l’Europe. Par ailleurs, elle devrait contribuer à accroître la justice, la diversité et la résilience du système européen des paiements de détail et garantir simultanément un degré élevé de sécurité et de protection de la vie privée. En ce dernier domaine, l’Eurosystème est en effet résolu à faire valoir des normes élevées. Toutefois, il conviendrait de prévoir de faire figurer dans le cadre réglementaire ce niveau de protection de la vie privée supérieur à celui qu’offrent les solutions de paiement actuelles.

3.   Observations principales

3.1.

Le CESE relève qu’en s’engageant sur la voie de l’introduction d’un euro numérique, la BCE devrait viser à en réduire et à en éliminer les risques potentiels. Pour ce qui est de l’euro numérique en soi, plusieurs modèles sont envisagés dans le cadre des débats actuels, notamment ceux fondés sur la validation par des tiers et la validation entre pairs et dotés d’une fonctionnalité hors ligne ou en ligne (3).

3.2.

Le CESE compte sur la BCE pour qu’elle étudie, dans le cadre de sa stratégie d’adoption d’un euro numérique, tous les types de risque et qu’elle prête attention à l’adoption de mesures visant à éliminer les risques potentiels.

3.3.

Le CESE fait valoir la nécessité que la BCE s’attache également, dans son dessein d’introduire un euro numérique, à préserver la stabilité financière et à s’assurer d’un passage sans heurt à cette monnaie. Aussi importera-t-il de continuer d’analyser de manière approfondie les différents éléments de la proposition relative à l’euro numérique, s’agissant notamment de son incidence future sur la stabilité macrofinancière.

3.4.

Le CESE s’attend à ce qu’il soit nécessaire, au regard du processus évolutif des technologies, de prendre en compte également les autres risques éventuels qui en découlent. C’est pourquoi la BCE devra, au moyen de sa stratégie pour l’introduction d’un euro numérique, relever le double défi d’une part, d’assurer la stabilité financière et de transformer sans heurts la politique monétaire et d’autre part, d’assurer un processus dynamique de développement technologique et d’innovation.

3.5.

Le CESE escompte qu’il sera nécessaire, lors de l’exécution de paiements étrangers, de prendre toutes les mesures contre le financement du terrorisme et toute autre opération illicite (4). À cet égard, le CESE estime qu’il se présente une importante marge de manœuvre pour une coopération internationale et une coordination d’intérêt mutuel entre chacune des différentes banques centrales et les institutions internationales monétaires, financières et économiques (5).

3.6.

Le CESE relève la nécessité de tenir compte, lors de l’évaluation des différentes formes de monnaie, des fonctions que celle-ci remplit, à savoir celles de réserve de valeur, d’unité de compte et de moyen d’échange. En particulier, l’euro numérique devrait servir notamment de moyen de paiement sans devenir un instrument d’investissement financier afin d’éviter des conséquences négatives pour le secteur financier.

3.7.

Le Comité part du principe que pour obtenir un effet maximal dans l’accomplissement de la fonction de moyen de paiement, il importera que l’offre de moyens financiers soit suffisante et ne fasse l’objet d’aucune restriction a priori. Par ailleurs, le CESE attire l’attention sur l’importance que revêtira, dans le cadre des relations mutuelles de paiement et de règlement, l’acceptation de la part des personnes aussi bien physiques que morales. Il conviendra toutefois de disposer d’instruments qui permettent d’éviter l’emploi de l’euro numérique à des fins d’investissement (6).

3.8.

Le CESE escompte que la BCE, lorsqu’elle réfléchit à l’introduction d’un euro numérique, tiendra compte de la nécessité de relever certains défis touchant principalement à la sécurité des paiements, à leur efficacité, à l’inclusivité financière, sans oublier la stabilité financière ni la transmission de la politique monétaire et d’autres considérations semblables. Le dessein de certaines entreprises du secteur privé de créer des monnaies numériques a précipité les projets de monnaie numérique de banque centrale. Il est essentiel que la BCE compte avec une concurrence supplémentaire de la part de ces monnaies numériques du secteur privé (7).

3.9.

Le CESE attire l’attention sur l’importance pour la BCE de décider de la manière d’établir les conditions visant à éviter une éventuelle défaillance du marché. En outre, il sera nécessaire d’établir la manière de procéder dans le cas des banques privées mais aussi des institutions financières qui prestent des services de paiements nationaux ou internationaux. De ce fait, pour la BCE, au fil de ses préparatifs, la décision de choisir parmi les modèles possibles de monnaie numérique de banque centrale revêtira une grande importance.

3.10.

À l’heure actuelle, l’on connaît les modèles suivants: le modèle direct, le modèle indirect et le modèle intermédié et hybride. Le CESE fait en outre valoir que lorsqu’il sera recouru à l’un des modèles possibles pour introduire la monnaie numérique de la BCE, l’une des tâches les plus importantes consistera à établir une coordination mutuelle des banques centrales (8).

3.11.

Le CESE part du principe que les systèmes de paiement transfrontières pour les opérations de détail en euros numériques seront suffisamment rapides, tout en engendrant de moindres charges, et présenteront davantage de transparence et de sécurité, ainsi qu’une accessibilité très supérieure.

3.12.

Le CESE fait valoir que la coordination mutuelle des paiements de détail permettra de réaliser plus aisément les diverses opérations dans le cadre des différents modèles qu’accepteront les différentes banques centrales lors de l’introduction de l’euro numérique. Meilleure sera la coordination entre les prestataires des différents services de paiements, meilleure sera la satisfaction obtenue parmi les utilisateurs et les prestataires de services.

3.13.

Le CESE suppose que l’euro numérique constituera une nouvelle forme de monnaie. Grâce aux innovations technologiques, l’on aboutit à deux formes de monnaie numérique, à savoir a) les actifs numériques de banque centrale et b) les actifs numériques privés. À cet égard, il s’impose de tenir compte non seulement de la concurrence que celles-ci pourraient exercer mais aussi de la place qu’occupera l’euro numérique dans les relations monétaires internationales sachant qu’il est la deuxième des monnaies de réserve.

4.   Recommandations particulières

4.1.

Le CESE fait observer que dans l’hypothèse de l’émission d’un euro numérique, la BCE veillera, en coopération avec les banques commerciales, à continuer de fournir des espèces et à ce que celles-ci puissent continuer d’être utilisées dans les opérations de détail (9).

4.2.

Le CESE fait valoir que la BCE devrait surveiller tous les risques potentiels. L’une des mesures importantes afin d’assurer la stabilité de la monnaie dans la chaîne de blocs prendra la forme d’une monnaie numérique stable (10). À cet égard, il importera de définir la manière dont la BCE traitera cette dernière forme de monnaie numérique, qui peut également être liée à un euro numérique.

4.3.

Le CESE souligne l’importance que revêtiront les espèces pour préserver le caractère inclusif de la monnaie. Certains pans de la société, notamment les personnes âgées et celles défavorisées sur le plan financier, n’ont pas toujours accès aux comptes numériques ni aux cartes de crédit. Pour elles, les espèces sont le seul moyen de paiement. En outre, les espèces constituent une garantie contre une ingérence abusive dans la vie privée des citoyens. L’accroissement de la masse de billets dans l’économie témoigne de la confiance placée dans cette forme de monnaie, à la suite aussi de la crise financière de 2008 et probablement de son fait.

4.4.

Le CESE relève qu’à l’heure actuelle, presque toutes les banques centrales du monde qui se sont dotées d’une stratégie pour adopter une monnaie numérique de banque centrale étudient et testent la forme, le système, la conception et le modèle de leurs futures monnaies numériques.

4.5.

Le CESE est conscient du dilemme que pose à la BCE le processus engagé d’innovation technologique (11), s’agissant de savoir comment poursuivre le processus entamé de numérisation de l’euro, tout en assurant sa coordination avec d’autres monnaies numériques de banque centrale, et par ailleurs comment s’assurer de l’inclusivité financière et de la stabilité macroéconomique et financière.

4.6.

Le CESE n’escompte pas que l’introduction d’un euro numérique intervienne après qu’aient été résolues toutes les questions liées à la révolution technologique évolutive. On peut s’attendre à une réduction significative du volume des moyens de paiement en espèces. En outre, il sera nécessaire de traiter de la question de la souveraineté monétaire, y compris l’appui au processus de numérisation lié aux paiements et aux virements étrangers, et notamment la solution de la question essentielle liée à l’inclusion financière. Il s’agit là de questions en suspens auxquelles la BCE est d’ores et déjà confrontée.

4.7.

Le CESE relève que l’introduction d’un euro numérique ne pourra satisfaire de manière égale tous les États membres, compte tenu des conditions différentes qui prévalent en leur sein. Par conséquent, lors du passage à un euro numérique, il sera nécessaire de tenir compte avant tout de l’ampleur prévue de son utilisation dans chacun des États. L’euro numérique sera mis à disposition de tous les résidents de la zone euro, tout comme ceux-ci obtiennent des espèces quel que soit l’État dont ils ressortissent. Son utilisation peut varier selon les usages et les normes qui prévalent dans chacun des différents pays.

4.8.

Le CESE entend qu’il importera, lors des travaux de définition de chacun des traits caractéristiques retenus pour l’introduction de l’euro numérique, de tenir compte avant tout des conditions de protection de la vie privée, mais aussi du moment de sa mise sur le marché. En outre, il conviendra d’utiliser l’infrastructure actuelle et la nouvelle architecture technique lorsqu’il s’agira d’assurer les opérations de paiement et les procédures d’identification de leurs clients.

4.9.

Le CESE est convaincu que l’euro numérique concret présentera un niveau élevé de protection de la vie privée. Bien qu’un horizon temporel n’ait pas encore été défini précisément, il importe fortement de se préparer très soigneusement dès à présent. En outre, le Comité relève que la BCE tiendra compte, lors de l’émission de l’euro numérique, de toutes les exigences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ce qui ne signifie pas que la BCE effectuera elle-même les contrôles voulus selon le principe de «connaître son client». En fonction de la configuration de l’euro numérique, les entités agissant sous sa surveillance pourraient y procéder.

4.10.

Le CESE part du principe qu’il importera également de peser les questions de souveraineté nationale, tout comme l’incidence sur le système bancaire européen. Bien que le système de paiement européen dans son ensemble ne soit actuellement pas totalement unifié, il dispose du grand atout qu’il est accessible tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales. Jusqu’à présent, après la crise financière mondiale, il s’est avéré relativement efficace, stable et sûr.

4.11.

Le CESE plaide en faveur de l’achèvement de l’union bancaire. En effet, une union bancaire totale et véritable contribuerait à renforcer encore la résilience et l’uniformité du système bancaire européen. Cet aspect est essentiel et bénéfique également du point de vue d’un éventuel euro numérique.

4.12.

Le CESE part du principe que les banques commerciales des pays de la zone euro bénéficient actuellement de conditions favorables pour réaliser leurs opérations de paiement. Dans ce contexte, l’on peut tabler sur la nécessité pour les banques commerciales et les autres institutions du secteur financier, y compris les établissements fournissant des services de paiement, de coopérer étroitement avec la BCE à l’occasion de la création et de l’introduction de l’euro numérique.

4.13.

Lors de l’introduction et de la mise en œuvre des monnaies numériques de banque centrale dans les conditions générales qui prévalent dans les pays de la zone euro, il conviendra de prendre en compte au moins les trois caractéristiques suivantes d’une très grande importance:

i)

la nécessité, lors de l’adoption de l’euro numérique en tant que moyen essentiel de paiement, de pouvoir choisir aussi le recours à des opérations de paiement en espèces;

ii)

la nécessité de pouvoir utiliser l’euro numérique et d’y accéder dans le cadre de la zone euro et en-dehors, le cas échéant;

iii)

la nécessité de prendre en compte la possibilité, dans le contexte du processus engagé de numérisation, d’utiliser l’euro numérique également pour les opérations dans le cadre de nouvelles conditions qui n’existaient pas pour le fonctionnement des paiements en espèces.

4.14.

Le CESE escompte que la BCE préparera et appliquera toute une série de mesures visant à introduire un euro numérique conformément au calendrier adopté. Il souligne en outre, dans le contexte d’un degré élevé d’interconnexion des systèmes de paiement, la nécessité d’une coopération très étroite non seulement au sein des États membres de la zone euro, mais aussi avec les autres banques centrales dans le monde et avec les institutions financières et monétaires compétentes, qui fournissent également l’assistance technique nécessaire.

4.15.

Introduire un euro numérique suppose de préparer toutes les conditions matérielles et systémiques nécessaires pour qu’il fonctionne efficacement. Sachant que cette mesure touche l’ensemble des citoyens des États membres de la zone euro et partant, de l’Union européenne, il sera grandement nécessaire d’associer la société civile, le secteur de la recherche et le monde universitaire à la suite des débats sur l’adoption et l’introduction d’un euro numérique.

Bruxelles, 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Dès 2014, la République populaire de Chine a lancé un projet de yuan numérique. Il a été possible d’utiliser ce dernier à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver organisés en 2022 à Pékin. Pour l’heure, la monnaie numérique qu’est l’e-yuan n’est utilisée que sur le territoire de la République populaire de Chine.

(2)  Pour de plus amples informations, se reporter au site https://news.bitcoin.com/105-countries-are-exploring-central-bank-digital-currencies-cbdc-tracker-shows/

(3)  Pour de plus amples informations, se reporter au site internet https://www.ecb.europa.eu/paym/digital_euro/investigation/governance/shared/files/ecb.degov220504_magdesignfeatures.en.pdf?2e15ee7911b93a720fbdebe09cfa1a79

(4)  Pour de plus amples informations, voir le dernier avis en date du CESE concernant cette question, portant sur le paquet «Lutte contre le blanchiment de capitaux» (JO C 152 du 6.4.2022, p. 89).

(5)  Les institutions qui se sont le plus attelées au processus d’introduction d’une monnaie numérique de banque centrale sont les suivantes: le Fonds monétaire international, la Banque des règlements internationaux, la Banque mondiale, et d’autres institutions monétaires, financières et économiques publiques et privés.

(6)  Pour de plus amples informations, se reporter au site internet https://www.ecb.europa.eu/paym/digital_euro/investigation/governance/shared/files/ecb.degov220711_tools.en.pdf?fb2430528d8f964513dd66ffcd8cbaf7

(7)  Les monnaies numériques privées (cryptomonnaies) peuvent concurrencer les monnaies numériques de banque centrale. Depuis l’éclatement de la crise financière mondiale, l’on a observé un net essor dans le secteur des monnaies numériques privées.

(8)  Dans le cadre de la coordination mutuelle de différents modèles de systèmes de paiements transfrontières, il importe que ceux-ci soient compatibles entre eux.

(9)  Pour de plus amples informations, se reporter à l’avis du CESE sur une stratégie en matière de paiements de détail pour l’UE (JO C 220 du 9.6.2021, p. 72).

(10)  Une monnaie numérique stable est une cryptomonnaie à prix fixe, dont le prix de marché est lié à d’autres actifs. Par rapport à d’autres cryptomonnaies telles que le bitcoin, il est possible de lier la monnaie numérique stable à d’autres actifs tels que certaines réserves ou des monnaies convertibles, notamment le dollar des États-Unis ou l’euro, qu’il est possible d’échanger sur les places de marché.

(11)  Le processus technologique évolutif découle de celui de finance décentralisée, comme par exemple les expérimentations menées par de grandes entreprises technologiques. Diem/Libra et l’introduction de l’e-CNY sont ainsi le résultat d’un processus technologique révolutionnaire.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/28


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Recapitalisation des entreprises de l’Union: une solution innovante pour une reprise durable et inclusive»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/05)

Rapporteur:

Antonio GARCÍA DEL RIEGO

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

6.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

186/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Selon les données récentes, le déficit de fonds propres et de capital hybride est estimé entre 450 et 600 milliards d’EUR. Cette situation met en péril de nombreuses entreprises, sachant que de nouvelles tensions économiques sont en train d’apparaître et que les entreprises de l’Union sont surendettées. Les entreprises européennes dépendent principalement du financement bancaire, et il conviendrait donc d’encourager d’autres sources de financement. Pour ce faire, il est nécessaire d’associer des acteurs tels que les gestionnaires d’actifs, les compagnies d’assurance et les fonds de pension.

1.2.

Dans ce contexte, le CESE recommande d’élaborer un cadre qui renforce les instruments financiers hybrides, de sorte qu’ils soient faciles à mettre en œuvre et propres à renforcer les bilans des entreprises et à leur permettre de maintenir leur niveau d’investissement sans augmenter leur endettement, afin qu’elles restent compétitives et capables de s’adapter à l’avenir en stimulant leurs transformations écologique et numérique.

1.3.

Les prêts fortement subordonnés constituent la meilleure solution possible, pour plusieurs raisons:

i)

ils existent déjà et sont réglementés dans différents pays européens, ce qui en fait un instrument sûr pour les micro, petites et moyennes entreprises (MPME);

ii)

ils constituent une solution souple sur le long terme, facile à mettre en œuvre pour les entreprises de toutes tailles, par rapport à d’autres solutions plus sophistiquées telles que les obligations ou les actions;

iii)

il s’agit d’un produit compatible avec les entreprises familiales — qui représentent 60 % des entreprises de l’Union —, sachant que les familles à la tête de ces entreprises souhaitent généralement conserver le contrôle de celles-ci.

1.4.

Pour être une solution efficace, ces instruments devraient avoir un statut de quasi-fonds propres, de sorte à ne pas être comptabilisés en tant que dette dans les bilans d’entreprise, et de se classer juste avant les fonds propres dans l’ordre des paiements en cascade en cas de liquidation d’une entreprise.

1.5.

Pour que l’instrument ait un impact important et s’adresse aux entreprises de toutes tailles, la meilleure option est de recourir à un régime où il existe une collaboration entre les institutions privées et publiques, y compris les banques, les gestionnaires d’actifs, le secteur public et les investisseurs institutionnels (assureurs et fonds de pension).

1.6.

La présente recommandation entend servir un objectif à long terme en proposant une solution qui peut être mise en œuvre à court terme, et soutiendrait l’union des marchés des capitaux (UMC). Un modèle d’instrument à l’échelle de l’Union pourrait bénéficier de la visibilité, de la liquidité et de l’ampleur du marché unique et susciter un large attrait parmi les investisseurs institutionnels qui recherchent des profils de risque de type dette et hybride, mais en proposant des rendements plus élevés, tout en répondant aux besoins des petites entreprises. Avec une envergure suffisante à l’échelle de l’Union, un cadre efficace pourrait déboucher sur une catégorie d’actifs bien définie propre à encourager l’investissement et l’intégration européenne.

2.   Contexte

2.1.

Les petites et moyennes entreprises sont au cœur de l’économie: dans l’EU-27, elles représentent 99,8 % de l’ensemble des entreprises, près des deux tiers (65 %) de l’emploi et plus de la moitié (53 %) de la valeur ajoutée produite par le secteur des entreprises non financières (1). Dans de nombreuses régions européennes, elles incarnent l’économie réelle et sont le principal facteur de cohésion sociale. Il y avait plus de 22,5 millions de PME en 2020. Les entreprises de taille moyenne sont un peu moins de 200 000, mais elles représentent 17,3 % de la valeur ajoutée et 16 % de l’emploi (2).

2.2.

L’épidémie de COVID-19 a durement frappé l’économie tout au long de l’année 2020 et pendant une partie de l’année 2021, mais la réaction rapide des gouvernements, sous la forme de mesures publiques temporaires, a permis d’éviter une vague massive de faillites liées à la pandémie. Il s’est agi principalement de solutions visant à résoudre les problèmes de liquidité et les difficultés à court terme, et ce dispositif a entraîné un surendettement des entreprises de l’Union.

2.3.

Il se trouve que l’expiration de la plupart des mesures de soutien public déjà accordées coïncide avec une période de nouvelles tensions affectant les économies mondiale et européenne, telles que la crise énergétique, l’inflation, la fin de l’orientation monétaire accommodante de la BCE, l’élargissement des primes de risque, l’augmentation du coût du financement, les problèmes dans les chaînes d’approvisionnement et l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

2.4.

La position de l’Europe en tant que chef de file de la transition écologique nécessitera des investissements importants de la part d’acteurs publics et privés. L’affaiblissement de la position des PME pourrait rendre difficile leur adaptation aux nouvelles normes et les amener à rester à la traîne par rapport aux grandes entreprises ou aux entreprises de taille moyenne d’autres régions du monde.

2.5.

Étant donné qu’une grande partie des entreprises sont surendettées (3) et qu’elles ont dans le même temps besoin de ressources à long terme pour faire face aux défis à venir, de nouvelles solutions sont nécessaires pour renforcer le capital des MPME et des petites entreprises à moyenne capitalisation. Les initiatives existantes au niveau européen, telles que le programme ESCALAR (European Scale-up Action for Risk-Capital) de la BEI, ciblent généralement les entreprises à forte croissance qui sont considérées comme des entreprises en expansion ou les entreprises en phase initiale qui sont financées par des fonds de capital-risque. De nouvelles solutions devraient venir compléter celles actuellement en place et se concentrer sur les MPME et les petites entreprises à moyenne capitalisation existantes et bien établies, qui constituent la majorité des entreprises européennes.

2.6.

Certains pays ont lancé des mesures sélectives pour renforcer la capacité d’investissement des entreprises, tout en évitant le risque de «zombification». En Espagne et en France, ces programmes représentent plus de 30 milliards d’EUR pour 15 000 entreprises (4); ils utilisent comme principal instrument les prêts fortement subordonnés et recourent à la notation de crédit comme critère de sélection pour s’assurer de la viabilité des bénéficiaires.

3.   Observations générales

3.1.

Compte tenu de leur surendettement, les entreprises européennes ont besoin de disposer d’une forme d’instrument de recapitalisation qui leur permette de maintenir ou d’accroître leur effort d’investissement. À ce jour, les marchés publics ont soutenu les sociétés cotées existantes de manière plutôt satisfaisante, mais les marchés privés n’ont pas la profondeur nécessaire pour soutenir les entreprises de moins grande taille. Le déficit de fonds propres et de capital hybride auquel l’Union pourrait être confrontée en raison de la pandémie et de la réduction des mesures de soutien des États est estimé entre 450 et 600 milliards d’EUR (5).

3.2.

Les MPME et les petites entreprises à moyenne capitalisation déclarent en règle générale qu’il leur est plus difficile d’accéder au financement que les grandes entreprises, en particulier pour le financement à long terme:

3.2.1.

Lorsqu’elles demandent un prêt, une proportion plus importante d’entre elles affirment qu’elles sont confrontées à des obstacles (7 % des PME contre 4 % des grandes entreprises), qu’elles ont des taux de réussite inférieurs (72 % contre 85 %) et des taux de rejet plus élevés (6 % contre 2 %), et qu’elles obtiennent des conditions moins favorables, selon l’enquête SAFE (6).

3.2.2.

Les entreprises familiales représentent plus de 60 % de l’ensemble des entreprises européennes [les chiffres atteignant 85 % en Espagne et 75 % en Italie, en France et en Allemagne (7)]. Ces entreprises sont moins susceptibles de rechercher, pour leur financement à long terme, des sources alternatives de capital qui nécessitent de renoncer au contrôle de l’entreprise.

3.3.

En outre, les PME ont tendance à disposer d’un portefeuille d’instruments financiers extérieurs moins diversifié, souvent basé sur des banques et orienté vers des utilisations à court terme.

i)

La dépendance des PME vis-à-vis des banques reste élevée dans la zone euro, 70 % des financements extérieurs dépendant des banques, contre 40 % aux États-Unis (8).

ii)

63 % des grandes entreprises déclarent utiliser des fonds pour des investissements en capital fixe, contre 38 % des PME et seulement 28 % des microentreprises (9).

3.4.

Le présent avis d’initiative recommande donc d’élaborer un cadre commun pour les instruments financiers fortement subordonnés qui soit propre à stimuler la recapitalisation des entreprises de l’Union. Ce cadre devrait garantir que ces instruments disposent d’un statut de quasi-fonds propres, de sorte à ne pas avoir d’incidence sur le ratio d’endettement des entreprises ni sur leur notation.

3.4.1.

Le présent avis invite l’Union à agir collectivement pour développer comme il se doit ce cadre commun, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, en autorisant l’intervention de l’Union lorsque les objectifs d’une action peuvent être mieux réalisés à son niveau compte tenu de l’ampleur de l’action proposée et de ses effets.

3.4.2.

Ce cadre pour les instruments fortement subordonnés devrait:

i)

combler le déficit de financement à long terme susmentionné afin de renforcer les bilans et de soutenir l’investissement;

ii)

fournir aux entreprises familiales un instrument leur permettant de stimuler leurs investissements à long terme sans renoncer au contrôle de leur entreprise, étant donné que les études montrent qu’elles sont disposées à distribuer une part des bénéfices et/ou à émettre des instruments hybrides (10);

iii)

être compatible avec les pratiques des principaux bailleurs de fonds (banques commerciales, gestionnaires d’actifs, secteur public) afin de pouvoir s’adresser à une majorité d’entreprises;

iv)

contribuer à attirer les investisseurs institutionnels, tels que les compagnies d’assurance et les fonds de pension, soumis au règlement sur les produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIP) (11), qui gèrent l’épargne et sont un acteur clé pour canaliser davantage d’actifs vers l’économie réelle.

3.5.

Il existe différents instruments fortement subordonnés qui pourraient être utilisés pour renforcer les bilans des PME et des entreprises à capitalisation moyenne, tels que les obligations, les obligations convertibles, les structures d’actions à double classe et les prêts hybrides (comme les prêts participatifs):

i)

l’émission d’obligations est principalement utilisée par les sociétés à forte capitalisation et pour des émissions importantes. C’est un instrument complexe et coûteux. Par exemple, même si l’utilisation d’obligations d’entreprises a considérablement augmenté ces dernières années, il n’y a que 2 000 émetteurs actifs au total, principalement des grandes entreprises (12);

ii)

les obligations convertibles privées ont pour principal avantage d’être extrêmement flexibles sur le plan de la structure, car il s’agit d’un contrat privé. Toutefois, ce fait implique également un faible niveau de sécurité pour les entreprises plus petites, qui ont généralement moins de connaissances financières, et un coût de transaction élevé. Elles sont principalement utilisées par des fournisseurs de capital-risque sophistiqués;

iii)

les structures d’actions à double classe correspondent à l’émission de deux catégories d’actions, dont l’une est généralement adossée à des droits de vote limités ou nuls, tout en fournissant des capitaux propres. Si certains États membres (comme les pays nordiques, la Pologne, le Portugal et l’Italie) (13) autorisent cet instrument, dans de nombreux autres (comme l’Allemagne, la France et l’Espagne), il n’est pas autorisé, et son déploiement à grande échelle semble plus difficile à réaliser, étant donné qu’il nécessite un degré élevé d’adaptation de la société émettrice d’actions;

iv)

les prêts hybrides sont des instruments de dette fortement subordonnés et orientés vers le long terme (comprenant généralement des périodes de grâce). Il s’agit d’un instrument qui est réglementé au niveau de nombreuses juridictions, ce qui renforce la sécurité des entreprises et rend le processus plus souple, étant donné que le produit n’est pas créé à chaque opération. De plus, il ne pénalise pas les entreprises en termes d’endettement, étant donné qu’il occupe le dernier rang dans l’ordre de remboursement, avant les fonds propres.

 

Déploiement

Faisabilité

Résultats enregistrés

Protection de l’entreprise

Protection des investisseurs

Obligations

Faible

Élevée

Faibles

Moyenne

Élevée

Obligations convertibles

Moyen

Moyenne

Faibles

Faible

Élevée

Actions à double classe

Faible

Moyenne

Moyens

Élevée

Moyenne

Prêts hybrides

Élevé

Élevée

Moyens à élevés

Élevée

Moyenne

Source: Agence de notation de crédit Inbonis Rating.

3.6.

Un instrument de prêt hybride est la meilleure solution, car un tel instrument:

i)

représente une solution à long terme facile à mettre en œuvre et offrant une meilleure protection aux entreprises par rapport aux obligations ou aux actions;

ii)

garantit, pour les MPME, qu’il n’y a pas de dilution ou de perte de contrôle, tout en présentant des avantages sur le plan des coûts, comme la déductibilité fiscale ou des coûts d’émission inférieurs;

iii)

offre, pour les prêteurs, un rendement attrayant, sans qu’il soit nécessaire d’associer les détenteurs aux décisions de l’entreprise;

iv)

existe déjà sous la forme des prêts participatifs, type de prêts hybrides déjà présents et réglementés dans de nombreux pays européens, comme l’Espagne (préstamos participativos), la France, l’Allemagne (Partiarisches Darlehen) ou, plus récemment, le Portugal (empréstimos participativos(14).

3.6.1.

Les prêts hybrides sont l’instrument privilégié pour différentes initiatives publiques et privées visant à aborder le problème de la pénurie de financement en capital dans l’ensemble de l’Union: au moins six programmes répartis dans trois États membres, ainsi que certains programmes du Fonds européen d’investissement, utilisent ce prêt participatif hybride:

i)

la France dispose d’un programme de dette subordonnée soutenu par l’État, nommé France Relance, d’un montant de 12,7 milliards d’EUR et destiné à 10 000 entreprises, principalement des PME, qui utilise des prêts participatifs et des obligations subordonnées. Ce programme est financé par des investisseurs institutionnels et les fonds sont distribués par les banques;

ii)

en Espagne, le Fonds de recapitalisation des entreprises touchées par la COVID-19, doté de 1 milliard d’EUR, destiné aux PME et aux entreprises à capitalisation moyenne qui ont des problèmes de solvabilité mais sont viables, utilise des prêts participatifs;

iii)

toujours en Espagne, il existe un fonds de soutien à l’investissement industriel productif, prévu pour une période de 15 ans, doté de 9 milliards d’EUR (600 millions d’EUR par an), financé par des fonds publics au moyen de dettes régulières, de prêts participatifs et de fonds propres, destiné aux entreprises ayant des projets d’investissement industriel;

iv)

à Valence, la banque de développement régional, l’Instituto Valenciano de Finanzas, a lancé plusieurs programmes de financement qui utilisent un prêt participatif pour soutenir les PME et les entreprises à moyenne capitalisation stratégiques via un projet d’investissement, pour un montant total de 400 millions d’EUR par an;

v)

les Pays-Bas ont lancé un programme de soutien aux prêts subordonnés à destination des PME, d’un montant de 400 millions d’EUR.

3.7.

Pour garantir un déploiement efficace qui profite à toutes les MPME et ait un impact maximal, le meilleur dispositif opérationnel est celui dans lequel il existe plusieurs émetteurs et distributeurs publics et privés, qui peuvent ne pas être les mêmes. Parmi les émetteurs figurent les banques, les gestionnaires d’actifs ainsi que le secteur public, tandis que les investisseurs peuvent être les banques elles-mêmes, le secteur public ou les investisseurs institutionnels (assureurs et fonds de pension). Ce schéma se réfère aux opérations nouvellement initiées, et non à la titrisation de transactions existantes. C’est par exemple ce qui a été fait en France, avec le programme «France Relance» (15).

3.8.

Atténuation des risques potentiellement perçus d’une distribution à grande échelle d’un régime de prêts hybrides dans toute l’Europe:

Risque perçu

Réponse

Surveillance du système bancaire parallèle

L’inclusion d’outils de gestion des risques, tels que la notation de crédit, permettrait de supprimer le risque lié au système bancaire parallèle.

Éviction des banques

Un instrument de prêt hybride rétablirait la solvabilité des entreprises, et les banques seraient donc disposées à continuer à leur prêter.

Compatibilité avec l’initiative DEBRA (initiative sur la franchise pour la réduction des incitations fiscales favorisant l’endettement)

L’initiative proposée vise également à éviter le surendettement des entreprises, de sorte qu’elle est compatible avec l’objectif principal de l’initiative DEBRA.

Rétablir la solvabilité des entreprises non viables

L’introduction de normes de marché telles que la notation de crédit empêcherait les entreprises non viables d’accéder à ces instruments. De nombreux programmes publics utilisant des prêts participatifs ont inclus cette exigence.

4.   Observations particulières

4.1.

Le cadre de prêts hybrides qui est proposé devrait répondre à certaines normes qui le rendent attrayant pour toutes les parties prenantes: entreprises, bailleurs de fonds agissant en tant que distributeurs et investisseurs institutionnels.

4.2.

Il est essentiel que le cadre garantisse une contrepartie de fonds propres pour ce type de prêt hybride, avec les effets suivants:

i)

pour le calcul du ratio dette/fonds propres, il ne s’ajoute pas à l’endettement existant ni n’a d’incidence excessive sur ledit ratio dette/fonds propres. Par exemple, en France, l’article L313-14 du code monétaire et financier établit que «[les prêts participatifs […] sont, au regard de l’appréciation de la situation financière des entreprises qui en bénéficient, assimilés à des fonds propres»;

ii)

aux fins de la réduction de capital. C’est le cas, par exemple, dans la réglementation espagnole, qui prévoit que les prêts participatifs sont inclus dans le calcul des fonds propres aux fins de la réduction du capital et de la liquidation des entreprises, et que le remboursement anticipé ou l’amortissement des prêts participatifs ne peut avoir lieu que s’il est suivi d’une augmentation de capital du même montant (16);

iii)

en cas d’insolvabilité, cet instrument hybride devrait avoir un statut subordonné, à un rang se situant derrière les dettes ordinaires ou les créanciers communs, et devant les actionnaires. Faute de structurer la dette de cette manière, il est probable que la capacité des entreprises à se financer par la dette à partir de sources traditionnelles se verrait compromise. L’un des objectifs du plan d’action pour l’union des marchés des capitaux (UMC) est de parvenir à une plus grande convergence entre les différents régimes d’insolvabilité des États membres.

4.2.1.

Dans certains cas, les prêts hybrides ont une contrepartie de fonds propres en conformité avec les normes internationales d’information financière (IFRS) et Bâle II. Par exemple, lorsqu’un prêt hybride a une échéance perpétuelle, il est assimilable à des fonds propres en vertu des règles IFRS, en raison de son statut fortement subordonné (17). En général, les instruments hybrides peuvent être considérés comme des fonds propres s’ils sont non garantis, subordonnés et intégralement décaissés, s’ils ne sont pas remboursables par anticipation à l’initiative du détenteur, s’ils peuvent être utilisés pour couvrir des pertes et si l’obligation de payer des intérêts peut être reportée (18).

4.2.2.

Le CESE recommande de modifier la directive comptable 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil (19) afin que la procédure comptable soit harmonisée pour les prêts hybrides ou les autres types de dette dont l’échéance est supérieure à huit ans (20), avec une période de grâce d’au moins trois ans et un taux d’intérêt variable, dont une partie est liée à la «réussite» par rapport à des critères définis à discrétion (par exemple, en ce qui concerne la croissance, la rentabilité, etc.). Cette modification facilitera le calcul des prêts hybrides, traités en tant que fonds propres lors du calcul de la valeur nette d’une société à des fins de droit commercial et traités comme du capital propre ou des fonds propres à des fins comptables.

4.3.

Afin d’éviter toute incertitude, l’instrument devrait conserver la contrepartie de la dette à d’autres fins (à savoir fiscales et juridiques); par conséquent, l’émission d’un instrument assimilable à des actions ne devrait pas entraîner la perte du contrôle de vote pour les entreprises.

4.3.1.

Un autre point important pour les entreprises comme pour les investisseurs est que les intérêts périodiques payés sur l’instrument de dette subordonnée ne doivent pas faire l’objet d’un prélèvement ou d’une retenue à la source, de sorte que le syndicat de prise ferme reçoive les revenus d’intérêts sur une base brute.

4.4.

En ce qui concerne les investissements, un instrument de quasi-fonds propres tel que celui qui est proposé pourrait être considéré comme un instrument éligible aux fonds européens d’investissement à long terme (ELTIF), conformément à l’article 10 du règlement ELTIF (21), ce qui lui permettrait de faire immédiatement partie de l’écosystème financier.

4.4.1.

Les ELTIF pourraient ensuite être commercialisés dans l’Union, moyennant la publication d’un prospectus ou d’un document d’informations clés conforme, suivant le cas, aux exigences de la directive «prospectus» (22) ou du règlement sur les produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance. Une telle démarche contribuerait à intégrer les investisseurs de détail dans la dette privée et l’économie réelle, ce qui n’a pas encore pu être réalisé au moyen des initiatives de prêt participatif.

4.4.2.

Idéalement, l’instrument devrait intégrer des normes de marché telles que les notations de crédit des agences enregistrées par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) ou que les évaluations des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance, afin de renforcer la base d’investisseurs.

4.5.

Enfin, cette initiative serait propre à soutenir l’UMC. Une approche à l’échelle de l’Union, soit un modèle d’instrument européen commun, pourrait bénéficier de la visibilité, de la liquidité et de l’ampleur du marché unique et susciter un large attrait parmi les investisseurs institutionnels qui recherchent des profils de risque de type dette et hybride, mais en proposant de meilleurs rendements, tout en répondant aux besoins des petites entreprises. Avec une envergure suffisante à l’échelle de l’Union, un cadre efficace pourrait déboucher sur une catégorie d’actifs bien définie propre à encourager l’investissement et l’intégration européenne.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Rapport annuel 2020/2021 sur les PME européennes, Commission européenne, juillet 2021.

(2)  Rapport annuel 2020/2021 sur les PME européennes, Commission européenne, juillet 2021.

(3)  Le ratio d’endettement a augmenté de 18,8 points de pourcentage entre fin 2019 et début 2021, pour culminer à 164,4 %. Bulletin économique de la BCE, numéro 2/2022.

(4)  Ministère français de l’économie, COFIDES (organisme espagnol de financement du développement), SEPIDES (organisme espagnol de financement des entreprises), Instituto Valenciano de Finanzas (banque de développement de la région de Valence).

(5)  Recapitalising EU businesses post COVID-19 (Recapitaliser les entreprises de l’UE après la COVID-19), Association for Financial Markets in Europe et PwC.

(6)  Enquête sur l’accès au financement des entreprises (SAFE, pour Survey on the access to finance of enterprises), Commission européenne, novembre 2021.

(7)  Fédération European Family Businesses.

(8)  European SMEs Financing Gap (Le déficit de financement des entreprises européennes), Euler Hermes.

(9)  Enquête sur l’accès au financement des entreprises (SAFE, pour Survey on the access to finance of enterprises), Commission européenne, novembre 2021.

(10)  Recapitalising EU businesses post COVID-19 (Recapitaliser les entreprises de l’UE après la COVID-19), Association for Financial Markets in Europe et PwC.

(11)  Règlement (UE) no 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (JO L 352 du 9.12.2014, p. 1).

(12)  The rise of non-bank finance and its implications for monetary policy transmission (L’augmentation du financement non bancaire et ses implications pour la transmission de la politique monétaire), 2021, BCE.

(13)  Étude sur la protection des actionnaires minoritaires, rapport final, Commission européenne

(14)  Cadre juridique des prêts participatifs approuvé par le décret-loi no 11/2022 du 12 janvier 2022.

(15)  Dispositif de garantie aux fonds de prêts participatifs et d’obligations subordonnées, Commission européenne.

(16)  Résolution du 20 décembre 1996 de l’Institut espagnol de comptabilité et d’audit.

(17)  Décision de la Commission SA.60113 (2021/N) — Finlande — Aide COVID-19 en faveur de Finnair.

(18)  Bâle II. 4. Instruments hybrides dette/fonds propres, annexe 1a. Définition du capital. d) Instruments hybrides dette/fonds propres.

(19)  Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil (JO L 182 du 29.6.2013, p. 19).

(20)  Il convient de rappeler que la durée de vie moyenne d’une entreprise avoisine ce nombre et que, dans le cas du capital-investissement, elle est encore plus brève (cinq ans).

(21)  Règlement (UE) 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme (JO L 123 du 19.5.2015, p. 98).

(22)  Règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE (JO L 168 du 30.6.2017, p. 12).


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/35


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Considérations supplémentaires sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Examen annuel de la croissance durable 2022»

[COM(2021) 740 final]

(avis d’initiative)

(2023/C 75/06)

Rapporteure:

Judith VORBACH

Décision de l’assemblée plénière

24.3.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

6.10.2022

Adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

133/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Depuis l’adoption du premier avis sur l’examen annuel 2022 de la croissance durable, la situation a considérablement changé en raison de l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Dans le présent document, les estimations de la croissance du PIB réel de l’Union ont été revues à la baisse et les prévisions d’inflation pour la zone euro ont été révisées à un niveau record, en grande partie à cause des hausses de prix sur le marché du gaz. Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît que tous les objectifs clés d’une politique économique visant à la prospérité sont mis à rude épreuve, tandis que la fragmentation et les tensions géo-économiques ainsi que la COVID-19 demeurent de sérieux facteurs de risque.

1.2.

Le CESE réitère explicitement son appel en faveur d’une approche équilibrée en matière de politique économique, afin de résoudre des problèmes de longue date et de réagir aux crises actuelles. Les objectifs de l’Union énoncés à l’article 3 du TUE constituent la base non seulement de la prospérité passée, présente et future de l’Union, mais aussi de sa stabilité politique, de sa convergence vers le haut, de sa compétitivité et de sa résilience. La crise actuelle ne doit pas mettre en péril l’équité et les objectifs environnementaux. En ce qui concerne la hausse des prix, il est urgent de protéger les entreprises les plus vulnérables et particulièrement exposées, notamment les PME. Il est en outre essentiel de préserver le pouvoir d’achat des ménages à revenus faibles et intermédiaires, qui représentent une part importante de la demande économique. La solidarité avec la population ukrainienne, le renforcement de l’autonomie stratégique de l’Union et la recherche de la paix devraient également être au cœur des préoccupations.

1.3.

La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) est devenue l’outil essentiel pour concrétiser les priorités stratégiques de l’Union dans le cadre du semestre européen (ci-après «le Semestre»). Elle a contribué à stabiliser l’économie pendant la pandémie et elle joue un rôle clé dans la réaction à la crise actuelle. Le CESE demande que les plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) soient mis en œuvre de manière à ce qu’ils aient une incidence tangible sur le bien-être de la population. Étant donné que les recommandations par pays joueront un rôle plus important, le CESE plaide pour un suivi rigoureux et une approche équilibrée. Le CESE appelle de ses vœux une réforme du Semestre qui garantisse une participation de qualité de la société civile organisée. En ce qui concerne les PNRR, le CESE accueille favorablement la recommandation de «[s’appuyer] sur la bonne application du principe de partenariat» et demande que la participation de la société civile organisée soit rendue obligatoire.

1.4.

Le CESE se félicite du relèvement des objectifs en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, souligne que la durabilité environnementale doit occuper une place centrale, et appelle à une réforme du marché européen de l’électricité qu’il est urgent de soutenir rapidement. Des investissements massifs sont nécessaires pour promouvoir la transition écologique et renforcer l’autonomie stratégique, et le CESE invite la Commission à fournir une vision structurée indiquant quels fonds de l’Union devraient être utilisés, et dans quelle mesure les investissements devraient être couverts par les programmes de l’Union, les États membres ou des instruments de financement privés ou mixtes. Le CESE recommande de mettre en place un fonds d’ajustement climatique et, à l’avenir, d’envisager également de renforcer le dispositif NextGenerationEU et/ou InvestEU. Le CESE met en garde contre la réduction des fonds liés aux objectifs sociaux lors de la restructuration des fonds ou de l’élaboration du nouveau cadre financier pluriannuel.

1.5.

L’achèvement du marché unique devrait favoriser la convergence vers le haut entre les États membres. Il convient de s’attaquer aux distorsions et aux entraves et de soutenir les régions pour libérer tout leur potentiel. Des progrès s’avèrent indispensables en vue d’achever l’union des marchés des capitaux et l’union bancaire, de mettre en œuvre de la stratégie en matière de finance durable, ainsi que d’assurer la stabilité des marchés financiers. Le CESE plaide en faveur d’une approche juste et équilibrée en ce qui concerne l’amélioration de l’environnement économique et de la productivité. La formation et la recherche restent des outils essentiels pour stimuler la compétitivité, une double transition juste et l’autonomie stratégique. Le CESE accueille favorablement les propositions mises en avant dans la communication sur «Notre modèle européen de croissance», mais souligne aussi l’importance de renforcer l’autonomie stratégique, de relocaliser la production de produits clés dans l’Union et de ne pas négliger les objectifs sociaux et environnementaux tout au long des chaînes d’approvisionnement.

1.6.

La Commission affirme à juste titre que les aides publiques destinées à stimuler l’investissement privé doivent être bien orientées vers des projets présentant une valeur ajoutée manifeste et aussi que la politique de concurrence devrait jouer un rôle clé. Le CESE souligne l’importance de la transparence et du contrôle pour garantir l’intégrité et atteindre les objectifs visés. Il convient d’éviter les effets d’aubaine en veillant à ne pas subventionner des investissements qui auraient de toute façon été réalisés. En outre, les budgets publics ne devraient pas être surchargés de risques. Enfin, les aides d’État devraient également être conditionnées à la création d’emplois de qualité et au respect des droits des travailleurs, des normes environnementales et des obligations fiscales.

1.7.

Le CESE soutient les recommandations de la Commission visant à permettre le fonctionnement des stabilisateurs automatiques, à renforcer les investissements et à continuer d’appliquer la clause dérogatoire générale tout au long de l’année 2023. Le CESE émet toutefois des réserves en ce qui concerne, d’une part, la limitation de la croissance des dépenses courantes financées à l’échelon national en dessous du niveau de la production potentielle à moyen terme et, d’autre part, l’intention d’évaluer s’il est opportun d’entamer des procédures concernant les déficits excessifs au printemps 2023. Jusqu’à présent, les règles budgétaires de l’Union européenne n’ont presque pas été mises en œuvre et les sanctions n’ont jamais été appliquées. Le CESE demande une nouvelle fois de moderniser le cadre budgétaire en fixant des objectifs réalistes et en intégrant une règle d’or sans mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme, et indique qu’il convient de proposer des lignes directrices pour une période de transition. Il convient de maintenir la valeur de l’euro en état sain, au moyen d’une approche monétaire et budgétaire équilibrée, conforme à une bonne gouvernance macroéconomique. Enfin, le CESE souligne qu’un système de dépenses et de recettes équitable constitue une condition préalable à la viabilité budgétaire.

2.   Observations générales

2.1.

En février 2022, le CESE a adopté un avis sur la stratégie annuelle 2022 pour une croissance durable (1). L’Union européenne sortait alors tout juste de la période de récession la plus profonde de son histoire (2), durant laquelle des mesures de soutien sans précédent avaient été prises pour atténuer le choc et résister à l’instabilité de la situation. L’instrument NextGenerationEU fait entrer l’Union dans une phase nouvelle de politique économique et de solidarité. Dans la mesure où la Commission a confié un rôle crucial au Semestre dans le cadre de la FRR, ce qui conduit à accroître son importance dans la coordination des politiques, le CESE a réitéré son appel en faveur d’une association plus étroite de la société civile organisée. Le CESE s’est félicité du programme de durabilité compétitive et il a souligné que ses quatre dimensions (durabilité environnementale, productivité, équité et stabilité macroéconomique) devraient être placées sur un pied d’égalité afin d’obtenir les effets de renforcement escomptés et de faire aboutir une transition écologique et numérique juste.

2.2.

Comme les années précédentes, le supplément d’avis tient compte du processus du Semestre en cours et contribue au cycle suivant. Ce point s’avère particulièrement important cette année. Depuis l’agression de la Russie contre l’Ukraine, le paysage géopolitique a considérablement changé, les priorités ont été modifiées et les politiques adaptées, comme le montrent les communications intitulées «REPowerEU» (3) et «Notre modèle européen de croissance» (4). Le Semestre — lui-même soumis à un changement systémique — s’est révélé être un cadre crédible pour la coordination des stratégies de l’Union pendant la pandémie. Les conséquences de la crise actuelle sont à nouveau prises en compte de manière globale dans le paquet de printemps. À l’instar de la communication (5), le présent avis s’articule autour des différentes dimensions du programme de durabilité compétitive.

2.3.

La guerre en Ukraine et les sanctions qui en découlent, les mesures de confinement qui sont d’application en Chine ou encore le ralentissement de la croissance aux États-Unis touchent l’économie de l’Union européenne. La hausse rapide des prix de l’énergie et des matières premières alimentaires fait grimper l’inflation, qui érode le pouvoir d’achat et entrave la compétitivité. L’Union est vulnérable en raison de sa situation géographique, de sa forte dépendance à l’égard des combustibles importés et de sa forte intégration au sein des chaînes de valeur mondiales. Dans les prévisions de l’été, les estimations de la croissance du PIB réel ont été ramenées à 2,7 % en 2022, tandis que les prévisions d’inflation ont été révisées à un niveau moyen historiquement élevé de 8,3 % pour la même année (6). La Commission souligne que le caractère et l’ampleur sans précédent des chocs provoqués par la guerre rendent les projections extrêmement incertaines. De nouvelles hausses de prix, conjuguées à des effets de second tour, pourraient renforcer les forces stagflationnistes et entraîner des répercussions politiques. Les tensions géopolitiques et la COVID-19 demeurent de sérieux facteurs de risque (7).

2.4.

La crise récente met à rude épreuve tous les objectifs d’une politique économique axée sur la prospérité (8), à savoir la durabilité environnementale, la croissance durable et inclusive, le plein emploi et la qualité de l’emploi, la répartition équitable, la santé et la qualité de vie, la stabilité financière, la stabilité des prix, l’équilibre des échanges commerciaux dans le cadre d’une structure économique et industrielle équitable et compétitive, et la stabilité des finances publiques. Le CESE réitère explicitement son appel en faveur d’une approche politique équilibrée, qui se concentre sur l’ensemble de ces objectifs afin de résoudre des problèmes de longue date et de réagir de manière adéquate aux crises récentes actuelles, conformément à l’article 3 du TUE. Le respect des visées et des principes de l’Union est à l’origine de la prospérité passée de l’Union, et il constitue également la base de sa stabilité politique actuelle et future, de sa convergence vers le haut, de sa compétitivité et de sa résilience face à de nouvelles crises. La réaction européenne à l’agression russe ne doit pas mettre en péril l’équité et les objectifs environnementaux.

2.5.

Ces hausses des prix sans précédent découlent de raisons multiples, dont des lacunes dans la stratégie européenne. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déclaré à juste titre que l’organisation actuelle du marché de l’électricité ne fonctionne plus et doit être réformée (9). Le CESE invite instamment la Commission et le Conseil à accélérer la réforme du marché de l’énergie de l’Union et, dans ce cadre, à lutter contre les phénomènes préjudiciables de volatilité à court terme et des hausses de prix à long terme. Le CESE plaide fermement en faveur de l’adoption de mesures drastiques, extraordinaires et temporaires. L’effet de l’ordre de préséance, la bourse européenne de l’énergie (European Energy Exchange, EEX), les abus de position sur le marché et les répercussions des transactions spéculatives et de la négociation à haute fréquence constituent certains des points de départ possibles. Les prix de l’électricité devraient être dissociés des prix du gaz et les plafonds tarifaires devraient être pris en compte. Les bénéfices exceptionnels devraient être soumis à des prélèvements, sans toutefois décourager les investissements dans des solutions à faible intensité de carbone.

2.6.

Les priorités de l’Union doivent viser essentiellement la solidarité avec la population ukrainienne, le renforcement de l’autonomie stratégique de l’Union et la recherche de la paix. Ces dispositions sont conformes à l’article 21 du TUE, qui prévoit, entre autres, que l’Union mène des politiques ayant pour visée de «sauvegarder ses valeurs, ses intérêts fondamentaux, sa sécurité, son indépendance et son intégrité», de «consolider et de soutenir la démocratie» et de «préserver la paix, […] prévenir les conflits et […] renforcer la sécurité internationale». À cette fin, le CESE reconnaît également les objectifs inscrits dans la déclaration de Versailles du Conseil, à savoir le renforcement de la souveraineté de l’Union par la réduction de ses dépendances stratégiques, la consolidation de la sécurité d’approvisionnement dans le domaine des matières premières critiques et l’élimination progressive de la dépendance à l’égard des combustibles fossiles en provenance de Russie. Le CESE se félicite des mesures prises pour éliminer progressivement les dépendances à l’égard des combustibles fossiles, et demande que des actions supplémentaires soient menées en ce sens.

2.7.

La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) est devenue l’outil essentiel pour concrétiser les priorités stratégiques de l’Union dans le cadre du Semestre et elle a déjà contribué de manière décisive à stabiliser l’économie pendant la pandémie, à amplifier la double transition et à intensifier la coopération entre la Commission et les États membres. Elle jouera dorénavant un rôle clé dans la mobilisation et l’orientation des ressources destinées à répondre à la crise récente et à mettre en œuvre le plan REPowerEU. Les États membres sont invités à proposer un chapitre REPowerEU spécifique dans leurs PNRR sur la base des nouvelles recommandations par pays. Le CESE souligne qu’il importe de mettre en œuvre de manière efficace et durable les PNRR actualisés, afin qu’ils aient une incidence positive et tangible sur le bien-être de la population. Toutefois, en subordonnant le versement des tranches de subventions de la FRR à la réalisation des objectifs fixés dans ces plans, on confère plus d’importance aux recommandations par pays. Cette modification des procédures doit faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation, et le CESE invite la Commission et le Conseil à garantir une approche équilibrée.

2.8.

En particulier, il est nécessaire d’associer plus étroitement les partenaires sociaux et les organisations de la société civile au processus du Semestre à l’échelon national, afin de veiller à ce que tous les groupes de la société soient correctement représentés, de favoriser des solutions sur mesure pleinement soutenues par la société civile organisée et de parvenir à une large appropriation des PNRR. Le CESE plaide en faveur d’une réforme du Semestre qui assure une participation efficace et de qualité au moyen d’une directive ou d’un règlement. Au cours d’un processus de consultation formel fondé sur des règles et des procédures transparentes, les organisations de la société civile devraient être dûment informées par écrit et disposer d’un délai suffisant pour analyser les propositions et rédiger leurs observations et propositions. La prise en compte ou le rejet de ces propositions devraient être assortis d’une justification figurant dans des documents publics.

2.9.

Dans le contexte des PNRR, le CESE apprécie la recommandation de la Commission visant à «[s’appuyer] sur la bonne application du principe de partenariat dans la programmation et la mise en œuvre de la politique de cohésion», comme il l’a demandé dans son avis sur la stratégie annuelle 2022 pour une croissance durable. La participation de la société civile organisée doit devenir obligatoire. Dans sa première résolution (10) sur la participation de la société civile à la conception des plans, le CESE a conclu que cette participation était largement insuffisante dans une majorité d’États membres et a demandé que des normes minimales soient établies pour une telle consultation. Dans sa deuxième résolution (11), le Comité a invité de nombreux États membres à renforcer la participation des organisations de la société civile et à améliorer la transparence de la mise en œuvre et du suivi, ainsi que la fourniture d’informations au grand public, tout en encourageant la poursuite du dialogue sur les PNRR avec toutes les parties prenantes, ce qui pourrait aussi contribuer à prévenir les abus et les fraudes. La résolution contient en outre des bonnes pratiques, telles que la mise en place d’un organe de suivi incluant la société civile organisée, qui peut servir d’exemple à d’autres États membres. Lors de sa conférence annuelle, le groupe «Semestre européen» du CESE a réitéré son appel à rendre la participation de la société civile obligatoire par la loi (12). La demande d’une participation appropriée de la société civile organisée et des collectivités locales et régionales se reflète également dans le rapport d’initiative conjoint de la commission des budgets et de celle des affaires économiques et monétaires sur la mise en œuvre de la FRR (13), qui fournit la contribution du Parlement européen au rapport d’examen sur la mise en œuvre de la FRR que la Commission a adopté le 29 juillet 2022 (14).

3.   Observations particulières

3.1.   Durabilité énergétique et environnementale

3.1.1.

La Commission indique à juste titre que l’accélération de la décarbonation «réduira notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles tout en contribuant à réaliser nos objectifs climatiques à l’horizon 2030». Le CESE souligne que la durabilité environnementale doit occuper une place centrale, et se félicite du relèvement de l’objectif en matière d’énergies renouvelables à au moins 45 % du bouquet énergétique global de l’Union, ainsi que de l’objectif d’efficacité énergétique visant une réduction de 13 % de la consommation d’énergie d’ici à 2030 dans le cadre du plan REPowerEU. De la même façon, le Comité accueille favorablement les recommandations concernant les investissements dans l’énergie, qui devraient se concentrer, entre autres, sur le soutien aux ménages vulnérables, la promotion de la mobilité durable et de la décarbonation de l’industrie, la recherche et l’innovation, ainsi que le renforcement des infrastructures, y compris dans un contexte transfrontalier.

3.1.2.

Avant la guerre en Ukraine, un écart existait déjà entre les besoins d’investissement et le financement. Pour atteindre, d’ici à 2030, l’objectif intermédiaire d’une baisse des émissions de 55 % par rapport à 1990, les investissements annuels supplémentaires nécessaires ont été estimés à 520 milliards d’euros (15). Par ailleurs, la reconversion et le perfectionnement professionnels, l’adaptation au changement climatique et les technologies clés, telles que les batteries, suscitent d’autres besoins. Par ailleurs, environ 30 % du budget de l’Union européenne pour la période 2021-2027 seront consacrés à la transition écologique. La politique de cohésion devrait engendrer environ 100 milliards d’euros au cours de cette décennie, et 224,1 milliards d’euros devraient provenir de la FRR (16). L’analyse de la Commission a souligné que le plan REPowerEU implique des investissements supplémentaires à hauteur de 210 milliards d’euros d’ici à 2027, qui viendront s’ajouter à ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des propositions du paquet «Ajustement à l’objectif 55». Diverses possibilités sont proposées pour mobiliser des financements et celles-ci reposent en grande partie sur la composante «prêt» de la FRR. Le CESE invite la Commission à fournir une vision structurée indiquant quels fonds de l’Union devraient être utilisés et dans quelle mesure les investissements devraient être couverts par les programmes de l’Union, les États membres, des investissements privés ou des instruments mixtes.

3.1.3.

Compte tenu de l’urgence et de l’intérêt commun d’accélérer la transition énergétique, le CESE recommande vivement aux États membres d’exploiter rapidement et pleinement les possibilités offertes par le dispositif NextGenerationEU, les PNRR et le récent plan REPowerEU. Des mesures supplémentaires seront nécessaires si les mesures existantes s’avèrent insuffisantes pour répondre à une éventuelle augmentation des besoins de financement. Le CESE demande la création d’un fonds d’ajustement climatique (17) pour fournir un soutien immédiat en cas de catastrophe. De plus, même si une règle d’or est mise en œuvre, il se peut que certains États membres n’aient toujours pas la capacité de lever les montants nécessaires sans compromettre leur viabilité budgétaire. Il convient donc d’envisager de renforcer le dispositif NextGenerationEU et/ou InvestEU. Le fait de lier les subventions ou les prêts aux investissements dans la transition énergétique pourrait constituer un tournant. Le CESE plaide en faveur d’une approche juste et équilibrée en ce qui concerne l’amélioration de l’environnement économique et de la productivité. En tout état de cause, le CESE met en garde contre la réduction des fonds liés aux objectifs sociaux et à une transition juste lors de la restructuration des fonds existants ainsi que dans le contexte du nouveau cadre financier pluriannuel.

3.1.4.

La Commission souligne à juste titre que la «transformation de l’économie européenne sera une réussite uniquement si elle est équitable et inclusive et si chaque citoyen peut récolter les fruits de la double transition écologique et numérique» (18). Ces mots ne doivent pas rester des coquilles vides. Le CESE réitère son invitation à cartographier et à analyser les incidences de la transition sur l’emploi et les compétences (19). Il convient par ailleurs de s’en remettre au dialogue social et à une gouvernance d’entreprise saine qui associe les travailleurs, ainsi qu’à la participation des partenaires sociaux et de la société civile organisée à l’élaboration des politiques, et ce, d’autant plus en période d’insécurité et de crise. Enfin, tous les aspects de la durabilité environnementale, y compris la biodiversité et la prévention de la pollution, devraient demeurer des priorités. Le principe consistant à «ne pas causer de préjudice important» devrait également être appliqué dans le cadre des PNRR actualisés.

3.2.   Productivité

3.2.1.

L’achèvement du marché unique devrait favoriser la convergence économique et sociale vers le haut entre les États membres. Le CESE partage l’avis de la Commission en ce qui concerne la lutte contre les obstacles et les distorsions au sein du marché unique. Le fait d’aider les régions à libérer tout leur potentiel contribuera non seulement à l’instauration d’un marché unique plus intégré, mais aussi à accroître la productivité de l’Union et à contribuer à la durabilité énergétique, dans la mesure où la capacité de production d’énergies renouvelables varie considérablement d’une région à l’autre. Des progrès sont nécessaires en vue d’achever l’union des marchés des capitaux et l’union bancaire, ainsi que d’assurer la stabilité des marchés financiers pour renforcer la fiabilité et la qualité des financements et des investissements. En particulier, les emprunts effectués au titre de NextGenerationEU renforcent les marchés des capitaux européens et le rôle international de l’euro. Le CESE attire de surcroît l’attention sur le cadre pour la finance durable, qui vise à orienter les investissements privés vers la durabilité, et souligne également qu’il importe de tenir compte des risques liés au climat.

3.2.2.

Le CESE se félicite de l’approche politique globale qui comprend des investissements et des réformes afin d’améliorer l’environnement des entreprises et de promouvoir la productivité de manière équitable et équilibrée. Les réformes devraient être axées sur l’efficacité de l’administration publique, la modernisation des infrastructures de transport, la qualité des formations et de l’éducation ou encore l’utilisation efficace des ressources. Le CESE partage l’avis de la Commission pour qui il est essentiel de pouvoir compter sur des systèmes judiciaires indépendants, efficaces et de qualité, ainsi que sur des cadres efficaces de lutte contre la corruption. La recherche et l’innovation, ainsi que l’éducation, demeurent des outils cruciaux pour stimuler la productivité, la compétitivité, les transitions écologique et numérique, la convergence vers le haut et l’autonomie stratégique de l’Union. Le CESE accueille favorablement les recommandations de la Commission visant, entre autres, à faciliter les transferts de connaissances, à atteindre l’excellence, à favoriser l’innovation des entreprises et à attirer les talents.

3.2.3.

Le CESE formule les observations suivantes sur la communication intitulée «Notre modèle européen de croissance». La Commission met en avant les mesures visant à réduire les dépendances stratégiques, telles que les partenariats internationaux, les alliances industrielles, les investissements publics et privés et, en particulier, la diversification des chaînes d’approvisionnement. Le CESE souligne qu’il importe que l’Union lance un programme de libre-échange de manière équitable sans négliger les objectifs environnementaux et sociaux tout au long des chaînes d’approvisionnement. Pour ce qui est de l’approvisionnement en matières premières et biens critiques, l’Union ne devrait pas créer de nouvelles dépendances à l’égard de pays qui ne partagent pas ses valeurs, mais s’efforcer de parvenir à une autonomie stratégique. En outre, la production de produits essentiels, tels que les médicaments, devrait être relocalisée dans l’Union pour garantir leur disponibilité en cas d’urgence.

3.2.4.

La numérisation est un moteur de la transition écologique, de la productivité et de la compétitivité. La Commission insiste à juste titre sur quatre domaines d’action, à savoir l’éducation numérique, les aptitudes et les compétences, les infrastructures numériques et de connectivité sûres et durables, ainsi que la transformation numérique des entreprises et la numérisation des services publics et des systèmes éducatifs. Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire d’investir davantage dans les technologies numériques clés, y compris la cybersécurité, l’intelligence artificielle, les espaces de données et les semi-conducteurs. Le CESE plaide en faveur d’une numérisation durable qui repose sur la préservation des droits sociaux, l’amélioration de l’efficacité énergétique, et la réduction de l’utilisation des déchets électroniques et de l’eau.

3.2.5.

La Commission affirme qu’une part importante des investissements destinés à financer la double transition et à renforcer la résilience proviendra du secteur privé, tandis que les investissements publics devraient être ciblés de façon judicieuse et contribuer à attirer les investissements privés et à remédier aux défaillances du marché. En fait, l’Union se donne pour but de mobiliser au moins 1 000 milliards d’euros ces dix prochaines années grâce à son budget et à ses instruments connexes. La Commission affirme à juste titre que les aides publiques doivent être bien orientées vers des projets présentant une valeur ajoutée manifeste et que la politique de concurrence devra jouer un rôle clé. En particulier dans le cadre d’InvestEU ou de programmes similaires, le CESE souligne la nécessité d’assurer la transparence et le suivi afin de garantir l’intégrité et d’atteindre les objectifs visés. Il convient d’éviter les effets d’aubaine en veillant à ne pas subventionner des investissements qui auraient de toute façon été réalisés. Les allocations doivent être transparentes et les risques partagés d’une manière juridiquement contraignante afin que les secteurs publics ne soient pas surchargés. Par rapport au financement public, les coûts ne devraient pas être plus élevés, et les aides d’État devraient être conditionnées à la création d’emplois de qualité et au respect des droits des travailleurs, des normes environnementales et des obligations fiscales.

3.3.   Équité

3.3.1.

Si l’Union est relativement prospère au regard des normes mondiales, les inégalités entre États membres et régions — et aussi en leur sein — constituent un défi de taille. La Commission montre que, grâce à une réaction politique rapide, les inégalités globales de revenus et le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale sont restés relativement stables en 2019 et 2020, tandis que les effets à moyen terme sont encore incertains. Parmi ceux qui se trouvaient déjà dans des conditions difficiles, beaucoup ont été touchés de manière disproportionnée. Les hausses de prix ont frappé le plus durement les ménages à faibles revenus. De plus, les prix des logements ont continué de fortement augmenter, enregistrant la croissance la plus rapide en dix ans dans certains États membres, tandis que les taux d’intérêt commencent à augmenter. Des millions de personnes souffrent de la baisse de leurs revenus disponibles et peinent à joindre les deux bouts. D’énormes incertitudes persistent, les catastrophes liées au climat se multiplient et la double transition entraîne des changements structurels.

3.3.2.

La durabilité sociale est non seulement un objectif en soi, mais aussi une condition préalable à une situation économique et politique stable, ainsi qu’à une productivité et à une compétitivité équitables. La baisse des revenus réels et les perspectives nuancées affectent non seulement le bien-être individuel, mais aussi la demande économique et, par conséquent, les plans d’investissement, la production et la croissance. En outre, alors que le secteur bancaire s’est avéré résilient et que les prêts non performants ont été considérablement réduits, sauf dans le cas de trois États membres, cette résilience pourrait être compromise en cas de nouveau ralentissement économique. Le CESE met en garde contre ces effets de second tour. Concernant la hausse des prix, il est urgent de protéger les plus vulnérables et de préserver le pouvoir d’achat des ménages à revenus faibles et intermédiaires, qui représentent une part importante de la demande.

3.3.3.

Le CESE se félicite vivement des mesures prises pour protéger les groupes les plus vulnérables et atténuer les répercussions sociales des multiples crises au sein de l’Union, comme l’instrument SURE, ainsi que pour soutenir les personnes fuyant l’Ukraine. Le CESE partage également l’avis de la Commission selon lequel il importe de garantir l’accès à une éducation de qualité à tous les niveaux, d’offrir une couverture adéquate grâce à des filets de protection sociale et de proposer des logements sociaux et abordables, ainsi que des systèmes de soins de santé efficaces, résilients et durables. Le CESE attire l’attention sur la nécessité de soutenir également les jeunes touchés par la crise énergétique. En effet, il est essentiel de mettre pleinement en œuvre le socle européen des droits sociaux: son application dans le cycle du semestre européen ainsi que son suivi au moyen du tableau de bord social marquent un pas dans la bonne direction. Enfin, les réformes et les investissements dans le cadre des PNRR, qui contribuent à l’inclusion sociale et à la résilience, sont les bienvenus.

3.3.4.

Les entretiens menés dans le cadre de la résolution du CESE sur la participation de la société civile organisée révèlent que la dimension sociale est relativement peu développée dans certains PNRR. Le CESE recommande d’accorder une attention particulière aux effets distributifs et d’examiner attentivement le socle européen des droits sociaux dans le contexte des PNRR. Le CESE demande par ailleurs qu’une estimation des investissements nécessaires à la mise en œuvre du socle soit fournie. Le CESE souligne qu’il importe de trouver un équilibre entre les libertés économiques, d’un côté, et les droits sociaux et les droits relatifs au marché du travail, de l’autre. Les législations nationales de protection des travailleurs ne devraient jamais être considérées comme des obstacles administratifs au bon fonctionnement du marché (20). Dans le cadre du renforcement du marché unique, les droits sociaux et les droits des travailleurs devraient être respectés de la même manière afin de préserver, en toute équité, les progrès qu’accomplit l’Union sur la voie de la durabilité économique, sociale et environnementale.

3.4.   Stabilité macroéconomique

3.4.1.

La promotion et la mise en œuvre d’un soutien budgétaire national et européen à grande échelle ont contribué de manière décisive à préserver la stabilité économique, sociale et politique, notamment parce que ces mesures ont renforcé la confiance. De plus, alors que la reprise économique est fortement ébranlée depuis le début de la guerre, l’orientation budgétaire expansionniste de 2022 contribuera très probablement à modérer une nouvelle fois les incidences de la crise récente et à préserver la stabilité. Le CESE soutient les recommandations de la Commission visant à permettre le fonctionnement des stabilisateurs automatiques et à renforcer les investissements pour mettre en œuvre la double transition. En particulier, il se félicite que la clause dérogatoire générale continue de s’appliquer tout au long de l’année 2023, puisque la situation économique de l’Union n’est pas revenue à la normale et que les États membres doivent être en mesure de réagir rapidement si nécessaire. Le CESE prend acte que la BCE a relevé les taux d’intérêt pour la première fois en onze ans, et demande instamment que des mesures soient prises pour garantir que les écarts de rendement des obligations européennes se trouvent à un niveau modéré et éviter les turbulences sur les marchés financiers, afin de ne pas mettre en péril les investissements privés dans la transition énergétique et d’éviter une récession. Bien que ces objectifs puissent nécessiter de recourir largement à la panoplie d’outils de la BCE, la politique monétaire seule ne permettra pas de freiner durablement la dynamique actuelle des prix.

3.4.2.

Le CESE accueille favorablement les mesures budgétaires discrétionnaires visant à atténuer, pour les secteurs les plus vulnérables et particulièrement exposés, les effets des prix élevés de l’énergie, qui atteignent, selon les estimations, 0,6 % du PIB de l’Union en 2022. Toutefois, la pénurie d’énergie et les conséquences sur les prix des autres matières premières pourraient aussi se révéler non négligeables à moyen terme, et il en va de même en ce qui concerne les tensions géopolitiques actuelles et les pressions à la baisse qui s’exercent sur l’économie européenne. En outre, les faibles perspectives de croissance et l’intensification des pressions sur les prix mettent la politique économique de l’Union face à de nouveaux dilemmes. Par conséquent, le CESE soutient la recommandation de la Commission selon laquelle l’Union devrait se tenir prête à réagir à l’évolution de la situation économique. Il convient de suivre la situation avec une grande attention, afin de détecter à un stade précoce les nouvelles turbulences nécessitant une impulsion budgétaire stabilisatrice et d’anticiper la nécessité d’étendre les mesures de soutien.

3.4.3.

Le CESE émet des réserves quant à la limitation de la croissance des dépenses courantes financées à l’échelon national en dessous du niveau de la production potentielle à moyen terme dans les États membres fortement endettés. Il précise en outre que tout contrôle des dépenses primaires courantes doit tenir compte des répercussions sociales et met en garde contre les réductions des dépenses sociales, de santé et d’éducation. En revanche, les divergences entre les États membres devraient être traitées dans une optique axée sur la prospérité, par exemple en promouvant la recherche et le développement ou encore en renforçant la formation. Le CESE exprime par ailleurs des doutes quant au projet d’évaluer s’il est opportun d’entamer des procédures concernant les déficits excessifs (PDE) au printemps 2023. Il souligne également que les règles budgétaires de l’Union n’ont presque pas été mises en œuvre (21), et que les sanctions de la deuxième phase de la procédure concernant les déficits excessifs n’ont jamais été appliquées, car en période de difficultés économiques, elles auraient encore aggravé la situation. De plus, le CESE s’interroge sur l’éventuelle application des PDE alors que la clause dérogatoire est toujours en vigueur.

3.4.4.

Le CESE réitère ses observations sur les lacunes du cadre budgétaire actuel et renouvelle son appel en faveur d’une modernisation de ce cadre, notamment par la définition d’objectifs réalistes et opérationnels en matière de déficit et de dette (22), par l’intégration d’une règle d’or en matière d’investissement et par l’instauration d’une plus grande flexibilité et d’une différenciation par pays sans pour autant mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme. Il convient de maintenir la valeur de l’euro en état sain, au moyen d’une approche monétaire et budgétaire équilibrée, conforme à une bonne gouvernance macroéconomique. Le CESE a aussi invité la Commission à présenter des lignes directrices pour une période de transition au cours de laquelle la procédure concernant les déficits excessifs ne devrait pas être déclenchée, avant l’entrée en vigueur du cadre révisé (23). De surcroît, le Parlement européen a souligné, dans sa résolution du 8 juillet 2021, «qu’il est important de disposer d’une trajectoire claire vers un cadre budgétaire révisé, de préférence avant de désactiver la clause dérogatoire générale», et a souligné que «l’application du cadre budgétaire actuel, en particulier les trajectoires d’ajustement, entraînerait une réduction très rapide de la dette, ce qui pourrait compromettre la trajectoire de reprise des économies». Enfin, il convient d’envisager de créer des fonds de l’Union appropriés afin d’éviter les risques pour la stabilité et d’accroître la capacité de préparation et de réaction aux crises.

3.4.5.

Le CESE soutient pleinement la recommandation selon laquelle il convient de poursuivre les actions concertées visant à intensifier la lutte contre la planification fiscale agressive et l’évasion fiscale, ainsi que les retombées qui en découlent entre les États membres, et préconise une action coordonnée. Le CESE se félicite de l’accord de l’OCDE sur la réforme de la fiscalité des entreprises et encourage les États membres à le mettre en œuvre rapidement. L’Union devrait promouvoir cet accord au niveau international, en particulier auprès de ses grands partenaires commerciaux. Il convient d’ajouter que le passage d’une fiscalité pesant sur le travail à un soutien apporté à la double transition constitue une stratégie opportune, pour autant que l’impact distributif soit soigneusement pris en considération. Par exemple, l’impôt foncier entraîne moins de distorsions et permettrait une réorientation de la charge fiscale du travail. Le CESE attire en outre l’attention sur le fait que, dans le cadre d’une politique budgétaire prudente, seules les mesures liées aux dépenses sont abordées, et non les mesures fondées sur les recettes. Dans l’ensemble, un système de recettes équitable constitue une condition préalable à la viabilité budgétaire et au rétablissement de finances publiques saines, en particulier dans les pays lourdement endettés.

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Voir l’avis du CESE sur l’«Examen annuel 2022 de la croissance durable» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 50).

(2)  Voir European Economic Forecast. Spring 2022 (europa.eu) («Prévisions économiques européennes, printemps 2020»), page 1.

(3)  COM(2022) 230 final.

(4)  Communication de la Commission européenne «Vers une économie verte, numérique et résiliente: notre modèle européen de croissance».

(5)  Communication «Semestre européen 2022 — paquet de printemps», Commission européenne (europa.eu).

(6)  Summer 2022 Economic Forecast: Russia’s war worsens the outlook (Prévisions économiques de l’été 2022: la guerre menée par la Russie assombrit les perspectives) (europa.eu).

(7)  Spring 2022 Economic Forecast: Russian invasion tests EU economic resilience (Prévisions économiques du printemps 2022: l’invasion russe met la résilience économique de l’UE à l’épreuve), Commission européenne (europa.eu).

(8)  Voir l’avis du CESE sur l’«Examen annuel 2022 de la croissance durable» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 50).

(9)  Discours de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, pendant le débat qui a eu lieu lors de la session plénière du Parlement européen (8.6.2022) sur les conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil européen des 30 et 31 mai 2022.

(10)  JO C 155 du 30.4.2021, p. 1.

(11)  Voir la résolution du CESE intitulée «Comment améliorer la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience?» (JO C 323 du 26.8.2022, p. 1).

(12)  Conférence annuelle ESG 2022, Comité économique et social européen (europa.eu).

(13)  2021/2251(INI), paragraphe 88.

(14)  COM(2022) 383 final.

(15)  Contre 683 milliards d’euros par an investis au cours de la dernière décennie. Dans un scénario intermédiaire, les investissements annuels supplémentaires nécessaires étaient estimés à 360 milliards d’euros en moyenne jusqu’en 2030. Voir la contribution politique numéro 18/21 de Bruegel de septembre 2021. Des investissements encore plus importants seront nécessaires au-delà de 2030.

(16)  COM(2022) 231 final.

(17)  Voir l’avis du CESE sur le financement d’un fonds d’ajustement climatique à l’aide du Fonds de cohésion et de l’instrument de l’Union européenne pour la relance (JO C 486 du 21.12.2022, p. 23).

(18)  Communication de la Commission européenne intitulée «Vers une économie verte, numérique et résiliente» [COM(2022) 83 final].

(19)  Voir l’avis du CESE sur le thème «“Ajustement à l’objectif 55”: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 101).

(20)  Voir l’avis du CESE sur l’«Examen annuel 2022 de la croissance durable» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 50), paragraphe 3.2.3.

(21)  Selon les prévisions d’octobre 2015 du FMI, neuf États membres ne devaient pas respecter la règle de réduction de la dette de 1/20e au cours des trois années suivantes. La deuxième phase de la procédure concernant les déficits excessifs n’a pas été mise en œuvre (contribution politique de Bruegel, mars 2016).

(22)  Klaus Regling, directeur général du Mécanisme européen de stabilité, propose d’ajuster le ratio d’endettement de 60 % à 100 %, tout en maintenant le déficit annuel à 3 % du PIB.

(23)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227, et JO C 105 de 4.3.2022, p. 11.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/43


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Considérations supplémentaires sur une recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro»

[COM(2021) 742 final]

(avis d’initiative)

(2023/C 75/07)

Rapporteur:

Juraj SIPKO

Décision de l’assemblée plénière

22.3.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

6.10.2022

Adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

170/1/2//

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE note que l’actuel stade de développement économique dans les pays de la zone euro et de l’Union européenne se caractérise par un niveau particulièrement élevé d’incertitude économique, géoéconomique et politique. Cette incertitude résulte de deux chocs systémiques persistants, à savoir la prévalence continuelle de la COVID-19 et l’invasion russe en Ukraine. En outre, il existe un nouveau risque lié à la fragmentation entre les différents secteurs du commerce international, des paiements, des marchés de capitaux et des marchés financiers, y compris l’industrie manufacturière, la recherche et les transports. Les risques systémiques ont engendré une accumulation énorme de la dette publique et une hausse de l’inflation. C’est toutefois la lutte contre le changement climatique qui demeure le principal défi pour les États membres de la zone euro et de l’Union européenne.

1.2.

Le CESE réaffirme que la lutte contre la pandémie persistante de COVID-19 est loin d’être terminée. Il est donc nécessaire de mettre au point toutes les mesures matérielles et systémiques pour lutter contre cette maladie, tout en ayant soin de se préparer à d’éventuelles épidémies et pandémies à venir. Le Comité souligne ce que confirme la pratique depuis plus de deux ans, à savoir que le taux de retour sur investissement le plus élevé concerne le secteur de la santé.

1.3.

Le CESE milite pour mettre fin à l’agression russe et à la guerre en Ukraine ainsi que pour rétablir l’intégrité territoriale de cet État. Cette tâche accomplie, il sera possible de créer les conditions d’une croissance résiliente, inclusive et durable au sein des États membres de la zone euro et de l’Union européenne.

1.4.

Le CESE suit de près l’évolution très défavorable de l’inflation, qui résulte principalement de la hausse des prix des produits de base, des denrées alimentaires et de l’énergie, y compris des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Dans ce contexte, le relèvement des taux d’intérêt n’est pas un outil particulièrement efficace. Une politique monétaire trop stricte peut également accroître les risques de récession et retarder les investissements privés dans la transition énergétique qui sont si urgents. Le Comité recommande donc à la Banque centrale européenne (BCE) de procéder à une évaluation adéquate de la proportionnalité, en analysant attentivement les effets secondaires d’une politique monétaire resserrée et ses conséquences sur les objectifs de stabilité des prix à long terme. Toutefois, il encourage la BCE à réduire l’inflation de base sans compromettre la reprise économique de l’Union européenne. En raison des risques susmentionnés, la BCE devrait procéder avec prudence pour normaliser la politique monétaire.

1.5.

Compte tenu de la flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, le CESE recommande aux praticiens des politiques économiques des différents États membres de créer un filet de protection sociale, qui soit fonctionnel et efficace, à l’intention des groupes de personnes les plus vulnérables, y compris la partie la plus touchée de la classe moyenne, permettant de s’assurer que personne ne soit laissé pour compte.

1.6.

Le CESE constate avec inquiétude que l’accumulation de la dette publique ne cesse de s’aggraver. Il recommande donc que des mesures soient prises en vue d’un assainissement budgétaire à moyen terme. Le Comité estime que l’on peut renflouer les budgets nationaux grâce à une fiscalité équitable, ainsi que par une utilisation efficace des fonds publics.

1.7.

Le CESE souligne que l’activation de la clause dérogatoire générale en raison de la pandémie de COVID-19 était une décision qui allait dans le bon sens. Bien qu’elle soit actuellement prorogée jusqu’en 2023, une nouvelle prolongation de l’application de cette mesure devra être envisagée en cas de risques systémiques persistants. Le Comité attend donc de la Commission européenne qu’elle prépare sans délai des mesures concrètes pour réformer le pacte de stabilité et de croissance.

1.8.

Malgré les progrès accomplis en vue de la mise en place d’une union financière, toutes les mesures matérielles et systémiques visant à achever l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux doivent être adoptées et mises en œuvre. Dans ce contexte, le CESE invite les organisations responsables et les institutions compétentes à déployer des efforts conjoints en vue de la mise en place d’une union financière.

1.9.

Le CESE attire l’attention sur les conséquences négatives du processus de fragmentation. Il souligne l’instabilité du marché de la dette souveraine sur les marchés des pays de la zone euro. Dans ce contexte, le Comité se félicite de l’annonce faite par la Banque centrale européenne le 15 juin 2022 concernant l’élaboration de mesures visant à lutter contre la fragmentation au sein de la zone euro.

1.10.

Le CESE soutient la transformation des économies des États membres de la zone euro. Dans le même temps, il met en évidence le risque existentiel lié au changement climatique. Dans ce contexte, malgré des évolutions géoéconomiques complexes et imprévues, il recommande d’opter pour les sources d’énergie renouvelables et d’utiliser les ressources financières disponibles provenant du plan de relance et d’autres sources financières, y compris le soutien au financement du secteur privé.

1.11.

À l’heure actuelle, les pays de la zone euro tout comme les autres pays de l’Union européenne sont confrontés à des chocs, des risques et des menaces systémiques. Par conséquent, compte tenu de la période critique pour le développement de la civilisation, le CESE invite tous les États et les institutions internationales compétentes à collaborer pour faire face à l’ensemble historique de chocs, risques et menaces systémiques auxquels l’humanité est actuellement confrontée. Retarder l’adoption et la mise en œuvre de mesures peut avoir des conséquences considérables non seulement en termes de pertes matérielles, mais aussi en termes de vies humaines.

2.   Historique et contexte

2.1.

À l’heure actuelle, deux chocs systémiques réels, à savoir la COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, ainsi que la fragmentation géoéconomique qui s’ensuit, ont engendré un degré d’incertitude élevé. En outre, la hausse des prix des matières premières et des denrées alimentaires a entraîné de graves risques socio-économiques tant dans la zone euro que dans l’Union européenne. Pour les États membres de la zone euro et de l’UE, l’un des plus grands défis à relever dans le contexte de la menace existentielle liée au changement climatique est la transition vers une économie verte.

2.2.

L’évolution économique actuelle s’accompagne de chocs extérieurs réels sans précédent dans les pays de la zone euro. Par conséquent, du point de vue des catégories macroéconomiques sous-jacentes, cette évolution ne saurait être considérée comme stable. En outre, certains États membres de la zone euro sont confrontés à des défis structurels de longue date sur la voie de la mise en place d’une économie durable, résiliente et inclusive.

2.3.

Avant que ne se produisent les deux chocs systémiques cités précédemment, presque tous les États membres de la zone euro présentaient un taux d’inflation relativement faible. Le niveau d’inflation était également relativement plus faible avant le début de la crise climatique; certains États membres de la zone euro ont même connu une déflation. La dynamique actuelle de l’inflation nécessite de recourir largement à la panoplie d’instruments de la BCE. À l’heure actuelle, l’évolution du taux d’inflation constitue l’un des risques les plus importants pour une croissance économique durable, résiliente et inclusive dans les pays de la zone euro. On ne saurait réduire, stabiliser ni contenir le taux d’inflation dans la cible prévue, c’est-à-dire à un niveau inférieur à 2 %, sans modifier de manière appropriée les modalités de l’exercice de la politique monétaire par la BCE. Dans ce contexte, le Conseil des gouverneurs a pris les mesures nécessaires pour remplir le mandat de la BCE visant à assurer la stabilité des prix et à préserver la stabilité financière. Dans un avenir proche, il est important que la BCE opère avec prudence une normalisation de la politique monétaire.

2.4.

Depuis la création de l’union monétaire européenne, jamais le taux d’inflation n’a été aussi élevé. Cela résulte de toute une série de facteurs, lesquels ont conduit à son augmentation progressive au fil de l’aggravation de la crise mondiale causée par la pandémie. Le processus de reprise économique en cours dans les pays de la zone euro a encore aggravé cette tendance négative à la suite de la réduction de l’offre. En outre, l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes a de surcroît provoqué la hausse des prix observée. Il est légitime de se demander dans quelle mesure la politique monétaire de la Banque centrale européenne peut, en utilisant tous les instruments disponibles, ralentir l’inflation, l’atténuer et la maintenir progressivement dans les limites des objectifs fixés dans ce domaine sans compromettre la stabilité de la monnaie unique et la reprise économique après la crise de la COVID-19.

2.5.

Il est symptomatique de l’évolution actuelle du taux d’inflation qu’elle n’est de nature ni temporaire ni de court terme, contrairement à ce qui avait été constaté à l’automne 2021; elle représente au contraire une importante source d’incertitude. Au cours du second semestre de l’année dernière, la hausse des prix s’expliquait principalement par les prix de l’énergie, les perturbations des chaînes d’approvisionnement, la hausse extraordinairement brutale des prix des matières premières et l’augmentation des coûts de transport. Les raisons de la dynamique actuelle des prix étant complexes, la politique monétaire ne parviendra pas, à elle seule, à freiner l’inflation. La solution passe par la diversification des importations d’énergie et, partant, la réduction de la dépendance à l’égard des approvisionnements en provenance de Russie. En outre, cette diversification offre aux États membres de la zone euro une chance historique de s’engager sur la voie des réformes structurelles urgentes (par exemple des réformes administratives, judiciaires ou des réformes visant à renforcer l’état de droit) et de réduire leur dépendance à l’égard des importations d’intrants énergétiques traditionnels. En outre, il est nécessaire d’intervenir sur le marché pour maîtriser la volatilité actuelle des prix de l’énergie. À cet égard, le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission relative à une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie.

2.6.

Dans le même temps, il a été prouvé que de nombreuses entreprises ont pu augmenter leurs bénéfices unitaires malgré la hausse des prix de l’énergie. L’analyse de la BCE montre que les bénéfices ont contribué de manière essentielle à l’inflation intérieure globale, étant donné que les entreprises ont répercuté des coûts plus élevés et ont protégé et élargi leurs marges bénéficiaires. Les interventions sur le marché dans le secteur de l’énergie peuvent également freiner le mouvement des prix.

2.7.

À l’heure actuelle, la hausse des prix résulte principalement de la situation de l’offre. Cette tendance nuit à la compétitivité des États de la zone euro. Elle conduit à une augmentation des charges et exerce une pression pour augmenter les salaires et les traitements au moment où se produit une réduction de la croissance économique. Si cette tendance défavorable venait à se poursuivre, elle pourrait conduire à l’éventualité d’une stagflation, bien que pour l’heure, ce phénomène ne se manifeste pas dans les États membres de la zone euro pris comme un tout. Au cours de l’histoire, une telle stagflation a été observée il y a presque 40 ans. Si les chocs systémiques exogènes devaient se poursuivre, l’on ne peut exclure qu’ils puissent conduire à cette stagflation fort peu souhaitable. D’autre part, le CESE attire l’attention sur d’éventuels effets négatifs sur la demande si les personnes à revenu faible ou intermédiaire venaient à être affectées par des pertes salariales réelles.

2.8.

L’année 2021 a été caractérisée par une tendance relativement favorable de la croissance économique dans les États membres de la zone euro, et aucun ralentissement brutal des flux d’investissement ni d’échanges commerciaux n’était attendu du fait d’un niveau élevé d’incertitude économique. Si les réformes structurelles ne sont pas adoptées et mises en œuvre, la crise pandémique mondiale pourrait creuser les disparités dans le rythme de la croissance économique au sein des États de la zone euro. Cette divergence tendancielle peut influer de manière significative sur la trajectoire de convergence et cette tendance négative qui s’est fait jour parmi les États membres de la zone euro est encore susceptible de s’accentuer.

2.9.

À court terme, les perspectives de croissance potentielle des investissements ne sont guère encourageantes. Les instruments adoptés pour la période consécutive à la COVID-19 (la facilité pour la reprise et la résilience) ont d’une certaine manière commencé à s’émousser du fait de l’incertitude supplémentaire en matière d’investissement que suscite la guerre en Ukraine. Aussi importe-t-il que chacune des économies puisse résister à la poursuite de l’interruption des flux de commerce et d’investissement et à l’incertitude persistante de l’économie mondiale, mais avant tout au degré élevé d’incertitude qui prévaut au sein même des États de la zone euro.

2.10.

Le ralentissement de la croissance économique résulte également de la hausse importante des prix de l’énergie pour les ménages. Certains États membres ont pris des mesures contre la hausse des prix sous la forme de subventions, d’adaptation de la TVA, y compris de cotisations sociales supplémentaires ou de tarifs sociaux de l’énergie pour les ménages dont les revenus sont les plus faibles. Dans ce contexte, il devient aussi nécessaire de réévaluer l’efficacité de l’utilisation de l’énergie dans les ménages et de changer les habitudes concernant sa consommation. Les prix accrus de l’énergie évincent progressivement les autres composantes du panier de consommation des ménages, pour lesquelles l’on observe par conséquent une réduction de la demande. En outre, la hausse des prix de l’énergie pour les ménages entraîne une modification de la structure de leur consommation et une baisse sensible de leur consommation de certaines composantes de leur panier de consommation. Toutefois, l’énergie est un bien fondamental et ses usages ne peuvent être réduits que dans une mesure limitée, ce qui signifie que les ménages les plus pauvres seront particulièrement touchés par cette forte hausse des prix.

2.11.

Dans les États membres de la zone euro, la pandémie de COVID-19 a affecté de manière très négative l’évolution des finances publiques. Au titre de la lutte contre la crise de la COVID-19, la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance a été activée en mars 2020. En outre, un encadrement temporaire des aides d’État a été mis en place, permettant d’utiliser dans une large mesure des incitations fiscales pour soutenir le secteur des entreprises, mais aussi pour garantir la stabilité sociale.

2.12.

La réponse budgétaire et la baisse de la production ont entraîné une augmentation significative du ratio de la dette publique, en particulier dans certains États membres fortement endettés. Il est de la plus haute importance de continuer à garantir la viabilité de la dette publique par sa réduction progressive. Étant donné que les prix de l’énergie resteront élevés à moyen terme, les mécanismes de marché et de tarification devront être revus, ainsi que d’autres mesures de soutien budgétaire, afin de soutenir les ménages et les entreprises particulièrement touchés par la hausse des prix de l’énergie.

2.13.

L’augmentation des dépenses afin d’assurer la sécurité et d’autres priorités incontournables peut entraîner un amoindrissement provisoire et transitoire de la position économique des États de la zone euro au sein de l’économie mondiale. Dans ce contexte, les États membres de la zone euro sont confrontés au grand défi de savoir comment, à l’aide de tout l’arsenal disponible d’instruments combinés à des politiques individuelles efficaces, y compris le recours aux outils diplomatiques, garantir leur visée de parvenir à une croissance économique durable et acceptable de la zone euro en comparaison avec leurs autres concurrents dans le monde et à conserver leur position au sein de l’économie mondiale.

2.14.

Ces derniers temps, depuis le mois de mai 2021, l’on a pu observer le recul du taux de change de l’euro vis-à-vis du dollar des États-Unis à la suite de la dégradation de la situation géopolitique. La dépréciation de l’euro, la deuxième monnaie de réserve la plus importante, résulte principalement de la différence entre les politiques monétaires menées par la Banque centrale européenne et le Système fédéral de réserve (FED).

2.15.

Sur la base des analyses développées précédemment, la Commission européenne a présenté en juillet 2022 ses perspectives économiques, lesquelles sont avant tout déterminées par l’évolution des événements en Ukraine. Ces perspectives tablent sur une croissance économique de 2,7 % cette année dans les États membres de l’Union européenne et de 2,6 % dans la zone euro. Selon les prévisions de la Commission, la croissance économique devrait atteindre 1,5 % dans l’UE et 1,4 % dans la zone euro. Cette année, le taux d’inflation moyen devrait atteindre 7,6 % dans l’UE comme dans la zone euro. L’année prochaine, l’inflation devrait revenir à 4,6 % dans l’UE et à 4 % dans la zone euro.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE souligne que l’évolution à court terme, mais aussi à moyen terme, de la situation économique des États membres de la zone euro est influencée, et peut même l’être fortement, par les conséquences de l’invasion russe en Ukraine. Cette évolution négative présente un caractère systémique et n’offre aucun point de comparaison dans l’histoire de l’après-guerre. Il est donc très difficile de la comparer avec d’autres chocs qui ont, au cours de l’histoire, affecté de manière négative l’évolution économique dans les pays de la zone euro. Quoi qu’il en soit, l’on peut affirmer que prévaut un degré très élevé d’incertitude qui complique toute tentative d’élaborer une perspective concernant la suite des événements.

3.2.

Le CESE souligne que l’évolution des principaux indicateurs macroéconomiques et microéconomiques au sein des États de la zone euro n’est guère encourageante. Le niveau d’incertitude est particulièrement élevé. Il convient avant tout de rappeler que toute une série de variables demeurent des inconnues, susceptibles d’influer sur ce degré déjà extraordinairement élevé d’incertitude principalement d’ordre géopolitique et économique.

3.3.

Le CESE considère que l’évolution du taux d’inflation constitue un risque important pour la suite de l’évolution socio-économique au sein des États de la zone euro. Le risque d’inflation actuel est avant tout lié à l’offre et à la perturbation des chaînes de valeur. Le cours des événements en Ukraine, notamment dans le domaine des intrants énergétiques, y compris l’évolution des prix des matières premières, tout comme les mesures instaurées pour freiner la pandémie de COVID-19, ont entraîné un changement de la situation du côté de l’offre.

3.4.

Eu égard à la dynamique actuelle de l’inflation, il y a lieu d’utiliser largement la panoplie d’instruments de la BCE afin de parvenir à la stabilité des prix au moyen d’une politique monétaire accommodante. La BCE devrait procéder avec prudence pour normaliser la politique monétaire. L’on s’attend en outre à ce que la politique monétaire continue à soutenir la politique économique des États membres de la zone euro.

3.5.

Le CESE souligne que le risque d’inflation est d’autant moins maîtrisé dans les États membres que les tentatives de l’éliminer ne revêtent qu’un caractère partiel. Compte tenu de la poursuite de l’évolution très défavorable du taux d’inflation et de ses conséquences pour les ménages et pour le devenir de la compétitivité, le Comité demande à toutes les institutions compétentes et responsables d’adopter et de mettre en œuvre toutes les mesures urgentes visant à une compensation au titre du choc négatif sur les prix. Dans le même temps, les turbulences sur les marchés de la dette souveraine ont été évitées dans la zone euro (1).

3.6.

Le CESE se félicite de la publication du plan REPowerEU. Il estime que celui-ci contribuera à réduire progressivement la dépendance à l’égard des intrants énergétiques provenant de la Fédération de Russie. En outre, il s’offre ici une possibilité d’éliminer les risques les plus importants liés aux coûts qui menacent significativement la stabilité des prix dans les États de la zone euro.

3.7.

Pour ce qui est du plan REPowerEU, le CESE escompte également deux avantages importants: i) ce plan pourrait favoriser une croissance marquée des investissements dans des branches et des secteurs donnés et donner ainsi corps à la réflexion qui se faisait jour avant que ne débute l’invasion russe en Ukraine. La réflexion fondamentale réside dans l’importance que revêtira cette année du point de vue de la croissance du volume des investissements avant tout dans des domaines donnés d’intérêt public; ii) ce plan devrait simultanément contribuer substantiellement aux changements structurels les plus importants de la génération actuelle et accomplir ainsi les visées essentielles en matière de renforcement de la compétitivité, de durabilité et de résilience des économies des États de la zone euro tout en réalisant les principaux objectifs posés par le pacte vert pour l’Europe.

3.8.

Le CESE suit attentivement la manière dont se déroule la réorientation fondamentale des investissements par rapport aux projets initiaux en la matière. L’on peut s’attendre à une moindre croissance des investissements dans les secteurs liés à la restructuration énergétique et à la réalisation des priorités établies par le pacte vert pour les États de l’Union européenne. L’on peut s’interroger sur les contours des perspectives dans les branches et les secteurs qui n’y sont pas directement liés. Dans ce contexte, il importera d’observer la forme que prendra l’évolution des petites et moyennes entreprises dans les secteurs traditionnels de l’économie qui ne s’appuient pas sur les paramètres de nécessité stratégique ou d’excellence dans le monde, en tirant parti des possibilités qui peuvent se présenter dans chacune de ses différentes régions.

3.9.

Le CESE soutient pleinement l’idée de prêter toute l’attention voulue non seulement aux priorités essentielles vitales à l’heure actuelle, mais aussi à l’accomplissement uniforme des performances en matière d’innovation de chacune des différentes régions, dans les États de la zone euro et dans toute l’Union européenne. Si cet objectif venait à être sous-estimé, il pourrait en résulter un approfondissement des tendances divergentes entre les régions de la zone euro et celles des États membres de l’Union européenne.

3.10.

Le CESE appuie le possible renforcement des tendances à la convergence grâce aux États membres de la zone euro initialement moins développés, lesquels affichent sur un horizon de long terme une dynamique supérieure à la moyenne de l’ensemble de la zone. Dans ce contexte, il convient de relever qu’en raison de la pandémie de COVID-19 et de la guerre actuelle en Ukraine, il pourrait se produire un phénomène de creusement et de divergence entre les États membres de la zone euro, ce qui ne contribue pas à réaliser les postulats fondamentaux posés par le traité de Maastricht.

3.11.

Le CESE accueille favorablement et soutient le débat en cours sur la forme que prendra le nouveau cadre institutionnel pour les finances publiques au sein des États membres de l’Union européenne. Il souligne, dans ce contexte, que la mise à jour de la conception des règles budgétaires du pacte de stabilité et de croissance est principalement déterminée par le défi consistant à aligner la viabilité financière sur les besoins clairement existants en matière d’investissements publics.

3.12.

Le CESE estime qu’il est possible de coordonner et de rendre cohérents les différents types de politiques visant à garantir la viabilité de la dette publique. En outre, il devient nécessaire de soutenir, dans des cas justifiés, des stratégies budgétaires compatibles avec l’approche à moyen terme de la correction budgétaire favorisant la reprise et la résilience. Le Comité escompte que l’on parviendra à des solutions réalistes et réalisables dans la pratique, qui aboutiront à l’adoption d’une base commune pour les finances publiques que l’on mettra immédiatement en œuvre.

3.13.

Étant donné que les budgets publics sont sous pression en raison de la crise de la COVID-19, d’autres mesures compensatoires ciblées et efficaces doivent aider les ménages et les entreprises à faire face à la crise énergétique. Le CESE entend à juste titre, tout en les respectant, les motifs actuels qui président à la satisfaction des besoins sécuritaires, humanitaires et sociaux, ainsi que leurs retombées sur les budgets des différents États de la zone euro. Dans ce contexte, le Comité se félicite de la décision de la Commission de proroger l’activation de la clause dérogatoire du pacte de stabilité et de croissance et invite la Commission à présenter dès que possible des propositions concrètes de réforme dudit pacte.

3.14.

Le CESE réaffirme qu’il est nécessaire, comme par le passé mais d’autant plus à l’heure actuelle, d’intensifier les efforts visant à renforcer la position de la zone euro dans le contexte international. Actuellement, les économies des États membres de la zone euro sont confrontées à de nouveaux défis liés au risque global en matière de sécurité et aux changements structurels. En outre, les évolutions économique et politique peuvent affecter la position de l’euro dans le système monétaire et de paiement international. Mettre fin à l’agression russe et à la guerre en Ukraine ainsi que rétablir l’intégrité territoriale du pays peut contribuer à la relance de l’économie mondiale mais aussi au renforcement escompté de la position de l’économie de la zone euro au sein de celle-ci.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE est convaincu que, pour assurer à l’heure actuelle une certaine stabilité socio-économique au sein des États membres de la zone euro, compte tenu du degré élevé d’incertitude géopolitique et économique qui prévaut du fait des risques d’un taux élevé et croissant d’inflation et d’un gonflement de la dette publique, il importera de s’attacher à déterminer correctement les priorités pour utiliser les moyens de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Cet instrument, qui offre aux États membres de l’UE la possibilité d’une émission commune d’obligations sur les marchés des capitaux, s’est, jusqu’à présent, avéré très efficace. Le Comité est donc pleinement favorable à son utilisation concrète à l’avenir. Dans ce contexte, le Comité estime qu’il est possible d’utiliser la FRR au-delà de 2026.

4.2.

Le CESE fait valoir que, compte tenu de la poursuite du conflit en Ukraine, une récession indésirable, voire une stagflation pourrait survenir dans certains États donnés de la zone euro. Aussi est-il actuellement plus qu’indispensable de surveiller attentivement cette évolution défavorable et d’adopter à l’avance des mesures pour la contrecarrer.

4.3.

Le CESE constate que l’évolution du chômage et de la situation du marché du travail marque une certaine stabilité. Dans le même temps, il attire l’attention sur les disparités relativement importantes dans l’évolution du taux de chômage dans les différents États membres par rapport à la situation qui prévalait avant 2008. Dans certains États membres de la zone euro, le chômage structurel prédomine et s’accompagne d’une pénurie de main d’œuvre qualifiée. C’est précisément la rareté relative d’une main d’œuvre hautement qualifiée qui prive un certain nombre de branches et de secteurs de possibilités suffisantes d’y accroître la compétitivité. Dans ce contexte, le Comité constate qu’il existe encore suffisamment de possibilités, qui n’ont toujours pas été exploitées, de perfectionnement et de reconversion professionnels au sein de l’Union européenne et dans États membres de la zone euro.

4.4.

Le CESE suit avec une grande inquiétude l’évolution défavorable à l’œuvre en matière d’inégalités et de pauvreté croissante dans les États membres de la zone euro et dans toute l’Union européenne. Les inégalités, entendues au sens le plus large, résultent également dans une forte mesure de la crise financière mondiale. La pandémie de COVID-19 a encore aggravé cette tendance défavorable. À l’heure actuelle, la hausse des prix des énergies et des denrées alimentaires touche plus fortement les groupes les plus vulnérables, ainsi que les ménages à revenu faible et intermédiaire. C’est pourquoi le Comité demande instamment à toutes les institutions compétentes de créer un filet de protection sociale qui soit fonctionnel et efficace et qui permette de s’assurer que personne ne soit laissé pour compte.

4.5.

Le CESE attire derechef l’attention sur le cours possible, et imprévu, d’autres mutations, pandémies et épidémies. L’apparition et la propagation rapide de la pandémie de COVID-19 a révélé combien le secteur de la santé n’était pas préparé à lutter contre une telle situation. C’est pourquoi il est plus que besoin d’une préparation plus rigoureuse, mais principalement d’une politique plus responsable de l’ensemble des organismes et institutions compétents dans ce domaine. Le Comité constate que l’investissement dans le domaine de la santé et de la prévention produit le retour sur investissement le plus élevé, comme l’a montré l’évolution de ces deux dernières années.

4.6.

Le CESE souligne que le soutien à la fourniture de liquidités supplémentaires depuis le début de la pandémie de COVID-19 était une décision pertinente. Cependant, à la suite de la suspension de l’activité de certains des établissements sélectionnés, il sera désormais nécessaire de se concentrer sur la garantie de la solvabilité de certaines entreprises. Des liquidités supplémentaires seront également nécessaires en vue de soutenir l’évolution de la situation après la pandémie. Dans ce contexte, le Comité estime qu’il est primordial de poursuivre la mise en place de l’union des marchés des capitaux et de l’union bancaire.

4.7.

Le CESE fait état du processus de fragmentation de l’économie mondiale. L’invasion des forces armée russes en Ukraine a entraîné une dislocation dans les sphères du commerce mondial, des paiements internationaux, des relations monétaires et financières internationales, du transport international, de la science et de la recherche internationales, des chaînes de valeur mondiales, ainsi que dans d’autres domaines. Ce processus a eu une incidence très néfaste sur l’évolution socio-économique dans les pays de la zone euro.

4.8.

Le CESE constate que le degré actuel élevé d’incertitude, qui s’accompagne de risques importants, est la situation la plus compliquée que l’on ait connue depuis le début du processus d’intégration européenne. En raison du caractère imprévisible de l’évolution socio-économique future, il est plus que nécessaire que les institutions compétentes adoptent et appliquent toute une série de mesures destinées à atténuer et à résorber les chocs exogènes sur l’économie des États membres de la zone euro.

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Le CESE approuve dès lors l’annonce faite par la BCE le 15 juin 2022 de son intention de travailler sur un instrument visant à lutter contre la fragmentation dans la zone euro.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/50


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Accroître la mobilité de la main-d’œuvre pour soutenir la reprise économique»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/08)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

29.9.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

101/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dans plusieurs de ses avis, le CESE a évoqué l’importance de la mobilité de la main-d’œuvre et a constaté qu’au fil des ans, la mobilité de cette dernière au sein de l’Union s’était accrue, quoiqu’à un rythme modéré.

1.2.

Le CESE juge nécessaire de procéder à une analyse plus approfondie des raisons pour lesquelles, outre les restrictions causées par la pandémie, le nombre d’européens mobiles en âge de travailler augmente de manière plus faible que les années précédentes. Le CESE demande également que soit réalisée une étude visant à établir le coût économique de la situation actuelle du marché du travail.

1.3.

Le CESE recommande des mesures nationales plus efficaces prévoyant des mesures politiques nationales actives du marché du travail, telles que les prestations liées à l’emploi pour les européens et pour les travailleurs de pays tiers.

1.4.

Le CESE invite la Commission, dans le cadre des recommandations par pays, à inclure dans le semestre européen des indicateurs visant à surveiller les politiques nationales qui, d’une manière ou d’une autre, restreignent la mobilité des travailleurs dans l’ensemble de l’Union.

1.5.

Le CESE demande aussi à la Commission d’analyser les évolutions négatives liées à la mobilité des travailleurs, tout particulièrement le phénomène de fuite des cerveaux dans certains secteurs et régions. Dans le même temps, souligne que les mesures de lutte contre la fuite des cerveaux doivent aller de pair avec une action en faveur d’une convergence économique et sociale vers le haut.

1.6.

Le CESE recommande également aux États membres de poursuivre le travail d’amélioration de leurs portails respectifs en incluant les conditions de travail minimales requises par la législation nationale, de manière à éviter les abus. Le CESE demande également que des efforts supplémentaires soient déployés pour améliorer les compétences linguistiques.

1.7.

Le CESE invite les États membres à faciliter la mobilité des personnes handicapées.

1.8.

Le CESE considère également, comme cela a été affirmée dans le document SOC/731, que l’égalité entre les hommes et les femmes est un facteur important pour renforcer la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’Union (1).

1.9.

Le CESE invite la Commission à suivre de façon continue la coordination de la sécurité sociale et à veiller à ce que des solutions communes soient apportées à de nouvelles situations telles que le télétravail depuis l’étranger. Le CESE appelle de surcroît à redoubler d’efforts pour créer un numéro de sécurité sociale européen qui permette de surmonter les obstacles à l’accès à la sécurité sociale dans les situations transfrontières.

1.10.

Le CESE note que de bonnes conditions de travail et d’emploi, ainsi que des aspects de qualité de vie tels que la disponibilité de bons établissements scolaires et des installations récréatives, sont nécessaires pour que les entreprises conservent un avantage concurrentiel et attirent des travailleurs qualifiés.

1.11.

Le CESE observe aussi que la pandémie de COVID-19 a fait clairement avancer les possibilités de télétravail. De plus en plus de travailleurs trouvent un intérêt à exercer à distance depuis l’étranger pour une courte période ou à titre temporaire. Le CESE attend avec intérêt les prochaines négociations des partenaires sociaux sur une directive en la matière.

1.12.

Le CESE plaide en faveur d’un réseau européen de points d’information, y compris des services en ligne, mais aussi physiques et téléphoniques, pour aider les travailleurs et les employeurs à traiter les demandes dans des domaines tels que les services bancaires et des assurances.

1.13.

Enfin, le CESE souligne l’importance de l’analyse statistique en cours des flux de mobilité de la main-d’œuvre afin de contribuer à remédier à l’inadéquation des compétences sur les marchés du travail de l’Union, et d’évaluer l’impact d’évolutions telles que la guerre en Ukraine et les mouvements des personnes en âge de travailler entre les États membres et en leur sein.

2.   Observations générales

2.1.

Dans un contexte marqué par une grande incertitude économique, avec une révision à la baisse des prévisions économiques et une hausse probable des taux d’intérêt de la zone euro pour contrer des taux d’inflation élevés, la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’Union européenne pourrait jouer un rôle cardinal dans la reprise économique et les perspectives de croissance européennes. Il est généralement admis que la libre circulation des travailleurs et des services contribue à la croissance économique et à la cohésion dans l’Union et crée des possibilités d’emploi dans le marché unique. L’effet est évident: une mobilité accrue pour pourvoir les postes vacants améliore la répartition des ressources en main-d’œuvre, augmente la production économique et le bien-être, en particulier si les conditions de travail proposées sont équitables. Le marché du travail de l’Union repose également sur le principe de l’égalité de traitement consacré à l’article 45 du TFUE et précisé dans un certain nombre d’actes de droit dérivé. Plus globalement, l’économie européenne devrait tirer profit de la mobilité accrue de la main-d’œuvre. Toutefois, pour tel ou tel État membre, il pourra y avoir tantôt des gains et tantôt des pertes, en fonction des effets à long terme de la direction des flux de mobilité. À court terme, la mobilité de la main-d’œuvre serait bénéfique pour les pays d’origine caractérisés par le chômage structurel. Toutefois, les effets nets pour les pays d’accueil dépendront très largement, et entre autres choses, des conditions de travail qui seront offertes aux travailleurs.

2.2.

Dans plusieurs de ses avis, le CESE a évoqué l’importance de la mobilité de la main-d’œuvre et il a constaté que celle-ci s’était accrue au sein de l’Union au fil des ans, quoiqu’à un rythme modéré, et qu’elle accuse toujours, en pourcentage, un retard par rapport à ce qui s’observe aux États-Unis. Selon une étude effectuée par la direction générale de la politique régionale et urbaine de la Commission, la part de la population américaine qui s’est installée dans un autre État représente environ 2,8 % de la population totale en âge de travailler, tandis que dans l’Union européenne, elle n’est que de 1,2 % (2).

2.3.

Selon les statistiques démographiques d’Eurostat pour 2019, 13 millions d’européens en âge de travailler, la catégorie des 20 à 64 ans, se sont déplacés d’un État membre à un autre. Toutefois, en pourcentage, le nombre d’européens mobiles en âge de travailler a augmenté plus faiblement que les années précédentes, et la pandémie n’a nullement contribué à tirer ces chiffres vers le haut.

2.4.

L’enquête sur les forces de travail de l’Union européenne 2019 indiquait un chiffre de 11,9 millions d’européens mobiles en âge de travailler, dont 9,9 millions de travailleurs mobiles actifs, ces derniers étant définis comme des citoyens de l’Union occupant un emploi dans un autre État membre sans avoir à obtenir de permis de travail. soit 4,2 % de la main-d’œuvre totale de l’Europe, qui comptait alors vingt-huit membres. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a manifestement réduit les possibilités d’emploi pour les travailleurs européens, et les principaux pays de destination sont désormais l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne.

2.5.

La Roumanie et la Pologne sont les pays principaux pourvoyeurs de travailleurs mobiles actifs, les premières branches d’activité économique concernées étant le secteur manufacturier et le commerce de gros et de détail. D’autres secteurs sont relativement importants, il s’agit de la construction et des transports, de l’aide sociale et des services domestiques, du tourisme et de l’agriculture.

2.6.

L’Europe des Vingt-huit comptait 1,5 million de travailleurs transfrontières et, là encore, avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, ce nombre a chuté, les principaux pays d’origine concernés étant la France, l’Allemagne et la Pologne, d’autres flux non négligeables étant observés entre la Slovaquie, la Hongrie et l’Autriche. Le CESE note que la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’Union est motivée par une multiplicité de raisons, qui dépendent de la situation personnelle, y compris les différences de rémunération entre pays d’accueil et pays de résidence du travailleur transfrontalier. La décision de s’installer à l’étranger pour y travailler peut en effet être motivée par une combinaison de plusieurs raisons, dont l’emploi proposé à titre saisonnier dans des secteurs tels que l’agriculture et le tourisme. Plus récemment, la détérioration du pouvoir d’achat qui affecte la population dans l’ensemble de l’Union peut en vérité décourager la mobilité de la main-d’œuvre, en particulier si la hausse des prix a également une incidence sur le coût du logement loué.

2.7.

Au cours des dernières années, la mobilité des travailleurs hautement qualifiés a augmenté, cette catégorie représentant plus d’un tiers du total à l’échelle de l’Union, alors même qu’à l’inverse, la part des travailleurs mobiles peu formés diminuait dans les mêmes proportions. Il convient de noter que la mobilité des travailleurs hautement qualifiés est un moteur non négligeable de l’économie de la connaissance. En Europe, les principaux pays de destination pour les travailleurs mobiles hautement qualifiés sont l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Belgique et l’Autriche. Alors que les travailleurs hautement qualifiés se trouvent le plus souvent dans les secteurs du commerce, de l’enseignement, des sciences ou de l’ingénierie, la surqualification apparaît comme un phénomène assez répandu. On estime que 55 % des travailleurs hautement qualifiés sont des femmes.

2.8.

Selon les projections démographiques d’Eurostat, il faut s’attendre à une augmentation de l’âge moyen des européens. De manière significative, la population en âge de travailler devrait aussi diminuer par rapport à l’ensemble de la population, en particulier la tranche des 20 à 39 ans. En revanche, les groupes les plus âgés vont connaître proportionnellement d’importantes augmentations. Ces évolutions démographiques auront une incidence considérable sur le nombre potentiel de travailleurs mobiles au sein de l’Union européenne dans les années à venir, sachant que ces derniers sont surtout susceptibles de se déplacer au début de leur vie active, et qu’ils le seront de moins en moins au fil du temps. Les éléments chiffrés sont tout à fait probants, les travailleurs âgés de 20 à 29 ans et de 30 à 39 ans enregistrant chaque année les taux de mobilité les plus élevés.

2.9.

Étant donné que les cohortes les plus jeunes baissent également dans les pays d’origine, il devrait en résulter une diminution du nombre de travailleurs mobiles dans l’ensemble de l’Union. Toutefois, ce tarissement attendu des flux de mobilité pourrait être contredit par le vieillissement de la population de l’Union, qui va de pair avec une demande accrue de soins de santé et d’aide sociale spécialisés, nécessitant un nombre croissant de recrutements de travailleurs mobiles.

2.10.

Il ressort clairement de ce qui précède que les flux de mobilité à travers l’Union restent un défi qui limite l’offre et provoque des inadéquations dans la plupart des secteurs, y compris ceux des technologies de l’information ou de l’industrie de haute technologie. La pandémie n’a rien arrangé à cette situation, la mobilité au sein de l’Union ayant été entravée par les confinements et d’autres mesures restrictives, telles que la fermeture des frontières et l’interdiction de voyager. Avant cette crise, les déplacements de la main-d’œuvre de l’est vers l’ouest prévalaient sur les flux du sud vers le nord, une tendance qui devrait se poursuivre avec l’arrivée de réfugiés fuyant l’Ukraine ravagée par la guerre. En tout état de cause, plus tôt la mobilité entre les citoyens de l’Union retournera aux niveaux d’avant la pandémie, mieux ce sera. Le nombre de citoyens mobiles actifs sur le marché du travail a diminué de 4 % entre 2019 et 2020 (3).

2.11.

La reconnaissance mutuelle des diplômes et des qualifications, est essentielle pour pourvoir les postes vacants là où des pénuries de main-d’œuvre persistent et pour faciliter la mobilité. Toutefois, ce système de reconnaissance doit être renforcé pour fonctionner efficacement et soutenir la mobilité de la main-d’œuvre. Le problème se pose principalement dans la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles plutôt qu’au niveau universitaire ou professionnel. Cela étant, il est pertinent de reconnaître qu’il existe une approche différente de la reconnaissance mutuelle entre les qualifications universitaires et professionnelles. Il convient également de garder à l’esprit que, conformément à l’article 166 du TFUE, l’Union respecte pleinement la responsabilité des États membres en ce qui concerne le contenu et l’organisation de la formation professionnelle, tout en soutenant et en complétant l’action des États membres.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE juge nécessaire de procéder à une analyse plus approfondie des raisons pour lesquelles, outre les restrictions causées par la pandémie, le nombre d’européens mobiles en âge de travailler augmente de manière plus faible que les années précédentes. Le CESE demande également la réalisation d’une étude sur «le coût d’un marché du travail européen non unifié» visant à établir le coût économique de l’état actuel du marché du travail, lequel se caractérise par une fragmentation similaire dans les États membres.

3.2.

Le Comité recommande que des mesures de politique nationale plus efficaces prévoyant des incitations à la mobilité soient prises, y compris la mobilité circulaire (en investissant dans les pays d’origine au moyen de programmes d’échange et d’apprentissage mutuel), en mettant l’accent sur les mesures politiques nationales actives du marché du travail, telles que les prestations liées à l’emploi pour les européens et pour les travailleurs de pays tiers. À cet égard, le CESE estime qu’offrir des incitations financières aux demandeurs d’emploi, comme la prise en charge des frais de relocalisation, pour qu’ils acceptent de travailler dans un autre État membre ou dans une autre région favoriserait davantage la mobilité. Par ailleurs, des efforts supplémentaires s’imposent pour améliorer l’information sur les emplois dans d’autres pays de l’Union, ainsi que l’aide à la relocalisation pour soutenir la logistique associée à un déménagement — par exemple, trouver un logement, s’inscrire auprès de l’administration fiscale, trouver une école pour les enfants, éventuellement aider à trouver un emploi pour le conjoint, etc. Le CESE recommande d’utiliser les outils de l’intelligence artificielle qui seraient accessibles sur un site web européen commun centralisant toutes les offres d’emploi dans les États membres pour assurer une meilleure correspondance entre les profils et les exigences de l’emploi. Dans un même ordre d’idées, des incitations plus ciblées devraient être prévues pour encourager les travailleurs au chômage à se rendre dans les États membres où le taux de chômage est faible. Le déficit de main-d’œuvre qualifiée est le problème le plus urgent pour les entreprises européennes, comme l’indique le rapport SAFE publié par la Banque centrale européenne (BCE) le 1er juin 2022.

3.3.

Le CESE regrette que le marché du travail de l’Union reste ainsi fragmenté. La mobilité de la main-d’œuvre est la victime de l’approche fragmentaire adoptée jusqu’à présent. Il convient d’éviter de nouvelles politiques morcelées, en particulier au niveau national. S’il est nécessaire de garantir l’égalité de traitement entre travailleurs locaux et travailleurs mobiles, le CESE invite la Commission, dans le cadre des recommandations par pays, à inclure dans le semestre européen des indicateurs visant à surveiller les politiques nationales qui, d’une manière ou d’une autre, restreignent la mobilité des travailleurs dans l’ensemble de l’Union.

3.4.

L’amélioration de la mobilité des travailleurs et des professionnels européens passe par une meilleure application des dispositions existantes, un accès à l’information et une coopération entre les États membres. Le CESE estime que le rôle de la Commission dans ce domaine est essentiel. Le CESE fait observer que certains États membres peuvent être réticents face à l’idée de réformer plus avant le marché unique car ils craignent que s’ensuivent des pertes d’emplois à court terme, en particulier dans les pays qui accusent déjà un retard ou dans les pays et secteurs à faible productivité. En théorie, la libre circulation des travailleurs aiderait à résoudre ce problème, mais, d’un point de vue national, elle entraînerait, avant de produire ses effets, une perte de ressources et une possible fuite des cerveaux et des compétences. Il pourrait donc être nécessaire pour la Commission d’analyser les évolutions négatives liées à la mobilité des travailleurs, tout particulièrement le phénomène de fuite des cerveaux dans certains secteurs et régions. Dans le même temps, souligne que les mesures de lutte contre la fuite des cerveaux doivent aller de pair avec une action en faveur d’une convergence économique et sociale vers le haut. Le CESE admet qu’un certain nombre de variables pourraient entrer en jeu, notamment les perspectives démographiques et leurs effets sur la taille et la composition de la population en âge de travailler, tant dans les pays d’origine que dans les pays d’accueil.

3.5.

Si les normes en matière d’éducation et de validation doivent être maintenues à tout moment, le CESE invite les États membres à réduire la bureaucratie et à respecter le principe fondamental de l’égalité de traitement. À cet égard, de nouvelles améliorations des mécanismes de reconnaissance mutuelle et des portails sur la mobilité de l’emploi sont jugées nécessaires. Le CESE prend acte des progrès importants qu’ont réalisé le portail dédié à la mobilité de l’emploi EURES, la plateforme en ligne Europass, ainsi que le système de classification européenne des aptitudes, compétences, certifications et professions (ESCO), et invite les États membres à poursuivre le travail d’amélioration de leurs portails respectifs en incluant les conditions de travail minimales requises par la législation nationale. Ce dernier point est jugé particulièrement pertinent pour éviter les abus dans les conditions de travail des travailleurs mobiles dans les régions frontalières ainsi que des travailleurs issus des pays tiers. Le CESE demande également que des actions supplémentaires soient lancées pour améliorer les compétences linguistiques, sachant que le déficit de compétences linguistiques constitue un obstacle majeur à la libre circulation dans l’Union.

3.6.

Le CESE invite les États membres à faciliter la mobilité des personnes handicapées. L’adoption d’une définition européenne commune du statut de personne handicapée, conformément à la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, et la reconnaissance mutuelle du statut de personne handicapée entre les États membres sont pertinentes à cet égard.

3.7.

Le CESE considère, comme cela a été affirmé dans le document SOC/731, que l’égalité entre les hommes et les femmes est un facteur important pour renforcer la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’Union, et que celle-ci devrait s’inscrire dans le cadre d’un engagement plus large en faveur du respect des normes de démocratie et d’égalité pour tous en tant que moyen d’accroître la mobilité de la main-d’œuvre.

3.8.

Le CESE recommande que les États membres d’accueil offrent aux personnes qui viennent travailler chez eux un accès à des formations, telles que des programmes linguistiques au début de leur expérience professionnelle ou encore si cela est nécessaire à un stade ultérieur, des programmes de reconversion pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs et soutenir les transitions numériques et les mesures en faveur d’une économie neutre pour le climat.

3.9.

Le CESE note également qu’Erasmus+ pourrait améliorer la mobilité de la main-d’œuvre dans l’ensemble de l’Union, et attire l’attention sur une étude réalisée en 2011 (4) qui analyse la manière dont les études à l’étranger influent plus tard dans la vie sur la mobilité au sein du marché du travail, en utilisant l’expérience vécue dans le cadre d’Erasmus comme source indépendante de variation des études à l’étranger. L’étude a montré que les études à l’étranger augmentent considérablement la probabilité de travailler ailleurs que dans son pays d’origine après l’obtention d’un diplôme universitaire. Les diplômés ayant étudié ailleurs sont davantage susceptibles de travailler à l’étranger après l’obtention de leur diplôme, à un niveau situé à quelque 15 points de pourcentage au-dessus de la moyenne.

3.10.

Le CESE se félicite de l’amélioration de la coordination de la sécurité sociale dans l’Union, mais constate avec inquiétude que des difficultés subsistent pour les travailleurs mobiles, en particulier les travailleurs transfrontaliers et frontaliers, pour ce qui concerne l’accès aux systèmes de protection sociale. Le CESE invite dès lors la Commission à suivre de façon continue la coordination de la sécurité sociale et à veiller à ce que des solutions communes soient apportées à de nouvelles situations telles que le télétravail depuis l’étranger. On ne saurait trop souligner l’importance d’une action coordonnée au niveau de l’Union. Les États membres doivent garantir en tout temps les droits sociaux des travailleurs mobiles, y compris lors des situations de crise. Tout en reconnaissant les différences qui existent entre les régimes de retraite au sein de l’Union, le CESE préconise une action plus résolue pour mieux coordonner et faire respecter les droits à la retraite des travailleurs mobiles dans l’ensemble de l’Union, éventuellement au moyen de recommandations spécifiques par pays dans le cadre du semestre européen. Le CESE appelle de surcroît à redoubler d’efforts pour créer un numéro de sécurité sociale européen qui permette de surmonter les obstacles à l’accès à la sécurité sociale dans les situations transfrontières.

3.10.1.

Il convient de noter que le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP) (5) est censé être particulièrement attrayant pour les travailleurs indépendants et les travailleurs mobiles qui exercent dans différents pays tout au long de leur vie professionnelle. La possibilité de changer de fournisseur de PEPP par-delà les frontières contribuera indubitablement à la mobilité de la main-d’œuvre, même s’il convient d’observer que l’on ne comprend pas encore très bien jusqu’à quel point cela sera possible, sachant qu’aucun PEPP n’est encore disponible.

3.10.2.

Lors de son introduction, le CESE s’est félicité du concept de PEPP, qu’il considère comme une étape essentielle pour encourager les citoyens européens à prendre les dispositions adéquates pour le décompte de leurs années de retraite et qui représente à ses yeux une pièce maîtresse de l’union des marchés des capitaux (UMC). Toutefois, dans la mesure où l’offre de PEPP doit encore se concrétiser, le CESE estime nécessaire d’agir plus avant dans le cadre du plan d’action pour l’union des marchés des capitaux (6), au titre de l’action 9, en vue de stimuler la participation aux régimes de retraite professionnelle.

3.11.

Le CESE note que la pandémie de COVID-19 a fait clairement avancer les possibilités de télétravail (7). De plus en plus de travailleurs trouvent un intérêt à exercer à distance depuis l’étranger pour une courte période ou à titre temporairement. Le CESE attend avec intérêt les prochaines négociations des partenaires sociaux sur la révision et la mise à jour de l’accord autonome de 2002 sur le télétravail, qui seront proposées pour adoption sous la forme d’un accord juridiquement contraignant mis en œuvre au moyen d’une directive.

3.12.

Le CESE note que de bonnes conditions de travail et d’emploi, ainsi que des aspects de qualité de vie tels que la disponibilité de bons établissements scolaires et des installations répondant à des normes de qualité et de durabilité élevées, sont nécessaires pour que les entreprises conservent un avantage concurrentiel et attirent des travailleurs qualifiés. Le CESE souligne aussi l’importance des investissements en cours dans la formation formelle et informelle et dans l’apprentissage tout au long de la vie, dans le but de soutenir la transition vers une économie numérique et neutre en carbone. Dans un environnement dynamique et en mutation rapide, il est essentiel de s’adapter promptement et efficacement à l’évolution des besoins du marché du travail, tout en reconnaissant l’effet des pénuries de personnel sur la main-d’œuvre existante. L’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation, qui dispose que les deux parties s’engagent à renforcer les compétences ou à se reconvertir pour relever les défis numériques des entreprises, apparaît pertinent à cet égard.

3.13.

Le CESE souligne la nécessité de numériser les procédures de mobilité de la main-d’œuvre et de détachement des travailleurs pour améliorer l’échange d’informations entre les instances nationales et de supprimer les obstacles qui ne sont pas proportionnés. Une telle innovation contribuera aussi à contrôler et à faire respecter correctement les règles. Le CESE approuve la proposition contenue dans la résolution du Parlement européen du 20 mai 2021 intitulée «Incidence de la réglementation de l’Union sur la libre circulation des travailleurs et des services: la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’Union, un instrument pour faire coïncider besoins du marché du travail et compétences» [2020/2007 (INI)] (8), qui recommande la mise en place d’un service d’assistance unique pour les travailleurs et les futurs employeurs sur les règles applicables de l’Union, basé à la fois sur un hébergement physique et numérique au sein de l’Autorité européenne du travail (AET). Conformément à l’article 5 du règlement sur l’AET, cette dernière améliore la disponibilité, la qualité et l’accessibilité des informations relatives à la mobilité de la main-d’œuvre, y compris par l’intermédiaire d’un site web unique pour toute l’Union, faisant office de portail unique d’accès aux informations relatives aux droits, procédures et services au niveau de l’Union et au niveau national, dans toutes les langues officielles de l’Union. En outre, l’AET devrait aider les États membres à mettre à jour leurs sites web nationaux.

3.14.

En parallèle, le CESE invite les États membres à numériser leurs services publics, en particulier les services de sécurité sociale concernés, de manière à faciliter la mobilité des travailleurs européens dans l’ensemble de l’Union, tout en garantissant la portabilité des droits et le respect des obligations en matière de mobilité des travailleurs et des professionnels.

3.15.

Dans le même temps, le CESE plaide en faveur d’un réseau européen de points d’information, y compris des services en ligne, mais aussi physiques et téléphoniques, pour aider les travailleurs et les employeurs à traiter les demandes dans des domaines tels que les services bancaires et des assurances.

3.16.

Le CESE souligne l’importance de l’analyse statistique en cours des flux de mobilité de la main-d’œuvre afin de contribuer à remédier à l’inadéquation des compétences sur les marchés du travail de l’Union, et d’évaluer l’impact d’évolutions telles que la guerre en Ukraine et les mouvements des personnes en âge de travailler entre les États membres et en leur sein. Le CESE reconnaît que l’appariement au niveau européen est beaucoup plus difficile à opérer qu’au niveau national ou régional. Néanmoins, le CESE estime que le rôle des conseillers EURES dans la fourniture d’un soutien bien informé aux travailleurs mobiles est essentiel.

3.17.

La recherche sur la mobilité des travailleurs issus de pays tiers et leurs conditions de travail est également pertinente. Le CESE se déclare préoccupé par l’apparition, dans les États membres, de conditions de travail précaires pour les travailleurs issus de pays tiers, et appelle à une application plus stricte des règles en vigueur. Le CESE note également que la mobilité de la main-d’œuvre des États membres ne suffira pas à combler les pénuries de compétences. La migration de main-d’œuvre en provenance de pays tiers devra également être facilitée et renforcée. À cet égard, le CESE se félicite du récent train de mesures sur la politique migratoire, mais réaffirme son point de vue selon lequel des mesures efficaces doivent être prises pour permettre aux citoyens européens sans emploi d’entrer sur le marché du travail.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 443 du 22.11.2022, p. 63.

(2)  https://epc2010.princeton.edu/papers/100976

(3)  Rapport annuel 2017 sur la mobilité de la main-d’œuvre à l’intérieur de l’UE (2021).

(4)  Parey et Waldinger (2011) «Studying abroad and the effect on international labour market mobility; evidence from the introduction of Erasmus» (Les études à l’étranger et l’effet de la mobilité internationale sur le marché du travail; éléments de preuve tirés de l’introduction d’Erasmus).

(5)  Avis du CESE: le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (JO C 81 du 2.3.2018, p. 139).

(6)  Voir l’avis du CESE: Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action) (JO C 155 du 30.4.2021, p. 20).

(7)  JO C 220 du 9.6.2021, p. 13, JO C 220 du 9.6.2021, p. 106.

(8)  JO C 15 du 12.1.2022, p. 137.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/56


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Améliorer l’égalité dans l’UE»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/09)

Rapporteure:

Ozlem YILDIRIM

Corapporteur:

Cristian PÎRVULESCU

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

29.9.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

140/13/31

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) rappelle le préambule de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui affirme que «l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité». Il souligne également l’importance de l’article 20 de la charte, qui consacre le principe d’égalité en droit de toutes les personnes.

1.2.

Par ailleurs, le CESE rappelle que, si l’application du principe d’égalité interdit les discriminations, il promeut également une application cohérente de la règle de droit.

1.3.

Le CESE encourage vivement le Conseil, le Parlement et la Commission à poursuivre l’élaboration de la protection contre les discriminations en matière d’accès aux biens et services, notamment en adoptant la proposition de directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (1).

1.4.

Le CESE considère qu’il existe une base solide sous la forme de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et que les instruments de protection des droits fondamentaux doivent être développés de manière uniforme dans toute l’Union. Par ailleurs, il est essentiel d’inclure toutes les interactions, tous les environnements et toutes les situations dans lesquels la discrimination peut se produire. La différence de protection juridique produit des hiérarchies inacceptables entre les droits et laisse des catégories entières de personnes sans protection.

1.5.

Le système de protection européen actuel repose essentiellement sur le recours individuel des victimes au recours juridictionnel et au droit. Or, plusieurs études montrent que les signalements et procédures ne permettent pas de répondre à la dimension structurelle, intersectionnelle et systémique des inégalités, et que le recours au droit par les victimes est peu significatif, statistiquement très exceptionnel et uniquement utilisé en dernier recours (2).

1.6.

Le CESE souligne que les inégalités et les discriminations complexes engendrées par les structures sociales ne peuvent se résorber que par une politique cohérente et complexe, des moyens concrets et une mobilisation dans la durée. La sensibilisation, la visibilité et la formation sont des leviers importants qu’il convient d’activer dans toutes les composantes de la société.

1.7.

Le CESE estime que la promotion de l’égalité et la protection des droits fondamentaux doivent être intégrées dans une vision sociale plus large, qui multiplie et renforce les outils par lesquels les États membres et les institutions européennes matérialisent le soutien aux individus et aux acteurs publics et privés.

1.8.

Le CESE estime que l’Union doit promouvoir activement la reconnaissance du principe général d’égalité et d’obligations positives pour le faire respecter. En outre et à cette fin, les institutions doivent commencer à développer la prochaine génération de mesures visant à promouvoir l’égalité en Europe.

1.9.

Si le CESE reconnaît que les évolutions technologiques permettent de faciliter l’accès aux droits de nombreux citoyens, il souligne qu’elles peuvent de fait générer de nouvelles ruptures d’égalité et qu’elles suscitent donc de nouveaux besoins d’intervenir afin d’assurer le suivi et d’appliquer le principe d’égalité de traitement.

1.10.

Pour dépasser la charge individuelle du contentieux, donner au recours une force à la mesure des pratiques qu’il dénonce et faire du cadre juridique une menace effective pour réguler les discriminations, le CESE est favorable à ce que l’Union légifère pour adopter des standards facilitant la mise en œuvre dans les États membres d’actions collectives améliorant l’accès au recours juridictionnel et l’impact de celui-ci pour lutter contre les discriminations et défendre l’égalité de traitement.

1.11.

Le CESE estime que l’Union doit assurer la sécurité, l’égalité de traitement et la protection par les autorités des États membres des acteurs politiques, syndicaux et associatifs comme corollaire de ses valeurs de démocratie, d’état de droit et de non-discrimination fondée sur les opinions politiques.

1.12.

La capacité de tous les acteurs civiques, en particulier ceux impliqués dans la protection des droits de l’homme, à travailler avec les instruments juridiques existants et à collaborer avec les institutions publiques doit également être améliorée.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE rappelle le préambule de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui affirme que «l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité». Il souligne également l’importance de l’article 20 de la charte, qui consacre le principe d’égalité en droit de toutes les personnes.

2.2.

Par ailleurs, le CESE rappelle que si l’application du principe d’égalité interdit les discriminations, il promeut également une application cohérente de la règle de droit.

2.3.

Aujourd’hui, les multiples formes d’inégalité et leur dimension intersectionnelle sont reconnues par l’Union européenne (notamment les inégalités de genre, ethniques, sociales, générationnelles, etc.).

2.4.

Plus de vingt ans après l’adoption du traité d’Amsterdam, tous les indicateurs européens et nationaux révèlent la persistance des discriminations fondées sur l’origine ethnique, la race, le sexe, l’orientation sexuelle, les opinions et croyances, le handicap et l’âge, en matière d’emploi, d’accès aux biens, à l’éducation, ainsi qu’aux services publics et à la protection sociale.

2.5.

Cette persistance des discriminations découle notamment de processus complexes, qui souvent se cumulent, et sont le résultat de processus intégrés ainsi que de systèmes et de normes qui produisent et reproduisent les discriminations directes ou indirectes. Cet enchevêtrement de sources d’inégalités produit des situations qui sont donc systémiques et constituent de réels freins à la promotion de l’égalité (3).

2.6.

Le CESE, à travers ses membres mais aussi par les activités menées directement dans les États membres, constate également une aggravation du climat social général ainsi qu’une propagation croissante des comportements discriminatoires envers les personnes vulnérables. De ce point de vue, il est manifestement nécessaire d’entreprendre une action rapide et concertée au niveau national et européen.

2.7.

Par ailleurs, après presque deux années de crise liée à la COVID, plusieurs agences des Nations unies dont l’Organisation internationale du travail (4) relèvent des signes inquiétants d’aggravation des inégalités sociales et territoriales. La crise de la COVID a exacerbé les inégalités sociales et économiques, et significativement affecté les entreprises européennes en altérant leur capacité à maintenir et créer de l’emploi.

2.8.

Corollairement, les groupes sociaux pauvres ou précaires sont nécessairement plus vulnérables aux discriminations, qui dès lors se cumulent à d’autres facteur de vulnérabilité. Le CESE souligne la nécessité de cibler la spécificité de ces discriminations et de développer une politique forte de lutte contre les discriminations à l’endroit des populations économiquement et socialement défavorisées au sein de l’Union.

2.9.

Le CESE souligne que les inégalités et les discriminations complexes engendrées par les structures sociales ne peuvent se résorber que par une politique forte, des moyens concrets et une mobilisation dans la durée. Un soutien accru et significatif aux organismes nationaux de promotion de l’égalité et de défense des droits de l’homme est nécessaire, tout particulièrement en ce qui concerne l’amélioration de leur indépendance et l’augmentation de leurs dotations en personnel et financière. La sensibilisation, la visibilité et la formation sont des leviers importants qu’il convient d’activer dans toutes les composantes de la société et des politiques publiques.

2.10.

Le CESE estime que la promotion de l’égalité et la protection des droits fondamentaux doivent être intégrées dans une vision sociale plus large, qui multiplie et renforce les outils par lesquels les États membres et les institutions européennes matérialisent le soutien aux individus et aux acteurs publics et privés.

2.11.

Le CESE réaffirme son soutien entier au nouveau plan d’action sur le socle européen des droits sociaux et estime qu’il existe de nombreux éléments de convergence avec la promotion de l’égalité, la protection des droits fondamentaux et la lutte contre la discrimination (5). Une attention plus soutenue à leur mise en œuvre est essentielle pour remplir ses objectifs.

2.12.

Dans la continuité de ses précédents avis (6), le CESE reconnaît les efforts consentis par l’Union en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, de défense contre les discriminations fondées sur l’origine ethnique, la race ou l’âge, la religion, l’opinion ou les croyances, de protection des droits des personnes LGBTQIA+, des droits des personnes en situation de handicap, ainsi qu’en matière d’intégration des personnes roms et de défense des droits des migrants.

2.13.

Comme le Comité l’a déjà indiqué, la charte recèle un potentiel inexploité par les institutions de défense des droits de l’homme ainsi que les organisations de la société civile et les partenaires sociaux. Des améliorations sont nécessaires afin de parfaire son impact au profit de la protection, prévention, promotion, mise en œuvre et application du principe d’égalité (7).

2.14.

Le système de protection européen actuel repose essentiellement sur le recours individuel des victimes au recours juridictionnel et au droit. Or, toutes les études montrent que les signalements et procédures ne permettent pas de répondre à la dimension structurelle, intersectionnelle et systémique des inégalités, et que le recours au droit par les victimes est peu significatif, statistiquement très exceptionnel et uniquement utilisé en dernier recours (8).

2.15.

Aujourd’hui, en matière d’emploi, la lutte contre les discriminations se limite aux situations correspondant aux seuls critères visés à l’article 19 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle).

2.16.

De plus, la protection du droit de l’Union en matière d’accès aux biens et aux services publics se limite aux critères de la race ou de l’origine ethnique et de l’égalité entre les hommes et les femmes. Aucune autre forme de rupture d’égalité n’est traitée comme telle et la protection contre les discriminations est variable d’un critère à l’autre.

2.17.

Aujourd’hui, la protection contre les discriminations est à géométrie variable au sein des États membres. En effet, certains accordent une protection sur les biens et services contre toutes les formes de discrimination visées à l’article 19, tandis que d’autres les protègent au-delà des critères de cet article. De ce fait, la protection contre les discriminations, et donc de l’égalité, varie entre États membres.

2.18.

C’est à l’aune de ces constats qu’il y a lieu de fixer les prochaines étapes à franchir pour dépasser les limites actuelles de la mise en œuvre du dispositif de protection effective de l’égalité au sein de l’Union européenne dans une perspective d’inclusion.

3.   Observations particulières

3.1.   Promouvoir l’affirmation d’un principe général d’égalité au sein des États membres

3.1.1.

La situation actuelle en Europe met en lumière que le principe d’égalité est une aspiration qui reste soumise à des aléas considérables. Par exemple, la Commission affirme elle-même qu’en période de COVID, l’égalité d’accès aux soins de santé a été un défi considérable en Europe (9).

3.1.2.

Aujourd’hui, si certains pays d’Europe traduisent le principe général d’égalité dans leur cadre juridique en sanctuarisant un droit à l’égalité de traitement dans la société civile, dans les relations économiques et avec l’État, d’autres ne répriment que les discriminations expressément interdites par la loi, ne prévoyant aucune obligation positive de mettre en œuvre le principe d’égalité (10).

3.1.3.

Cet écart génère un décalage important entre les citoyens et résidents européens quant à la portée du principe d’égalité, de sa protection par la loi et des exigences imposées pour sa mise en œuvre effective.

3.1.4.

Le CESE incite la Commission à reconnaître les difficultés structurelles empêchant la pleine réalisation du principe d’égalité que révèlent les limites de ce qui a été accompli et l’ampleur des inégalités en Europe aujourd’hui. Les organisations nationales de promotion de l’égalité et de défense des droits de l’homme devraient prendre part activement à ce processus d’évaluation continu.

3.1.5.

Le CESE considère que l’Union doit absolument adopter une politique de promotion du principe d’égalité et de l’égalité des chances ambitieuse, à la mesure des valeurs proclamées dans le traité sur l’Union européenne et la charte des droits fondamentaux, en mobilisant tous ses champs de compétence. En ce sens, le CESE appuie la nouvelle initiative de la Commission européenne, fondée sur les articles 157 et 19 du traité, qui s’intéresse à l’effectivité des organismes nationaux de promotion de l’égalité, et du développement de leur potentiel, de leurs multiples rôles et capacités.

3.1.6.

L’Union doit se doter de moyens concrets pour traduire le principe général d’égalité en principe juridique applicable à l’ensemble des pays membres, qui permette d’accorder une protection au-delà des inégalités de traitement liées aux sept critères de discrimination protégés par l’article 19 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’utilisation des Fonds structurels serait par exemple un des moyens efficaces pour la réalisation effective des mesures anti-discrimination.

3.1.7.

La reconnaissance d’un principe général d’égalité de traitement, la création d’obligations positives ainsi que la reconnaissance de leur dimension systémique constituent des moyens d’améliorer la lutte contre les inégalités économiques et sociales.

3.2.   Lutter contre les inégalités et discriminations générées dans le domaine du numérique

3.2.1.

Si le CESE reconnaît que les évolutions technologiques permettent de faciliter l’accès aux droits de nombreux citoyens, il estime qu’elles génèrent de fait de nouvelles ruptures d’égalité dans l’accès aux droits et aux services ainsi que de nouveaux besoins d’intervenir afin de défendre le principe d’égalité de traitement.

3.2.2.

La transformation numérique des services étatiques et de l’accès aux biens et services (notamment aux services de première nécessité) ont entraîné une profonde évolution de la relation à l’usager en supprimant les barrières physiques mais en créant de nouvelles barrières numériques. Elle empêche l’accès aux droits et services de certains citoyens, notamment des personnes plus précaires ou en situation de faiblesse ou de handicap ainsi que d’une majorité de personnes âgées sur le territoire européen (11).

3.2.3.

Ces dysfonctionnements appellent le développement et la mise en œuvre de nouvelles politiques publiques d’inclusion numérique ainsi que la création pour les opérateurs publics et privés d’obligations positives vis-à-vis des usagers, incluant un accès facile et gratuit.

3.2.4.

Au-delà des difficultés techniques d’accès, et en lien avec les outils issus des algorithmes (12) et des technologies biométriques (13), le CESE constate que nous sommes confrontés à de nouveaux enjeux de violation des droits et de production de discriminations.

3.2.5.

Comme le mettent en lumière les travaux du Conseil de l’Europe (14) et de l’Agence des droits fondamentaux (15), les décisions algorithmiques induisent des outils de décision avec des biais discriminatoires fondés sur la recherche de la reproduction automatisée de résultats. Les instruments juridiques les plus pertinents pour atténuer les risques de discrimination causée par l’IA sont la législation en matière de non-discrimination et la législation en matière de protection des données. Appliqués correctement, ces deux instruments juridiques pourraient contribuer à lutter contre la discrimination illégale.

3.2.6.

Le CESE considère que le contrôle de ces effets requiert l’engagement d’une politique publique forte s’appliquant à l’ensemble du marché intérieur européen ainsi qu’aux acteurs économiques extra-européens, imposant, dans la continuité de la législation sur les services numériques en cours d’adoption, l’introduction de processus de contrôle de la décision automatisée, de vérification des données, d’évaluation, d’études d’impact et de correction dans le développement et la mise en œuvre de ces technologies. L’adoption de la directive relative aux services numériques pourra aussi contribuer à apporter des solutions.

3.3.   Développer la protection de l’égalité de traitement et la lutte contre les discriminations dans le monde professionnel

3.3.1.

Le CESE souligne l’importance déterminante de l’emploi comme enjeu d’intégration et de réalisation de la promesse d’égalité pour tous.

3.3.2.

Malgré l’engagement historique de l’Union européenne pour l’égalité des femmes en matière d’emploi, la situation actuelle nous rappelle que les femmes sont historiquement les premières à subir les conséquences des crises (économiques, sociales, sanitaires ou autres). L’égalité professionnelle entre hommes et femmes reste l’un des grands défis auxquels sont confrontés les pays européens. Avec la crise de la COVID, le taux d’emploi des femmes a chuté dans toutes les catégories d’âge et dans toutes les catégories professionnelles, pour tomber globalement à 61,8 % (16).

3.3.3.

Ces inégalités liés au genre se cumulent aux autres formes d’inégalités. L’enquête réalisée par Eurostat en 2019 montre que 68 % des personnes en situation de handicap risquaient d’être confrontées à la pauvreté ou à l’exclusion sociale, par rapport à 28,4 % dans la population générale (17). 21 % des personnes qui se considéraient comme LGBT se sentaient discriminées au travail, de même que 25 % des personnes d’origine maghrébine, africaine ou rom (18).

3.3.4.

L’Eurobaromètre de 2020 sur les discriminations indique quant à lui que 59 % des européens considèrent que la première cause de discrimination est l’origine ethnique ou la couleur de peau, et les études montrent qu’elle est particulièrement significative en matière d’emploi où son impact est considérable sur l’égalité des chances et l’intégration sociale. Des méthodes efficaces devraient être mises en place pour établir ces discriminations devant les tribunaux, telle que la méthode Clerc, reconnue par les cours suprêmes françaises, qui permet de comparer les évolutions de carrière de personnes embauchées au même niveau (19).

3.3.5.

Aujourd’hui, la politique européenne de lutte contre les discriminations dans l’emploi se limite à un cadre juridique permettant de porter le constat des situations de discrimination devant les tribunaux, imposant à la victime potentielle le poids très lourd de la lutte contre les discriminations par l’engagement d’un ou plusieurs recours contre son employeur, un prestataire de service ou l’État.

3.3.6.

La Commission a reconnu depuis très longtemps que les discriminations sont le produit de phénomènes collectifs. Le contentieux au cas par cas est très lourd à porter par les victimes. Le phénomène du non-recours en matière de discrimination est documenté et massif (20). Les discriminations en matière d’emploi font l’objet de peu de contentieux et les recours pour discriminations dans l’accès aux biens et services sont quasi inexistants. Les mécanismes et processus non juridictionnels de promotion de l’égalité pourraient être renforcés ainsi que le soutien au travail juridique pro bono et au contentieux d’intérêt public.

3.3.7.

Pour dépasser la charge individuelle du contentieux, donner au recours une force à la mesure des pratiques qu’il dénonce et faire du cadre juridique une menace effective pour réguler les discriminations, le CESE est favorable à ce que l’Union légifère pour adopter des outils procéduraux facilitant l’accès aux droits dans les États membres par exemple en ayant recours à des mécanismes d’action collective améliorant l’accès au recours juridictionnel et l’impact de celui-ci pour lutter contre les discriminations et défendre l’égalité de traitement.

3.3.8.

Par ailleurs, si l’Union européenne entend combattre efficacement les discriminations professionnelles, le contentieux judiciaire ne peut être la seule modalité d’intervention face aux discriminations collectives et systémiques.

3.3.9.

L’Union européenne doit élargir sa palette d’intervention contre les discriminations au-delà du recours judiciaire en imposant le déploiement d’outils d’anticipation permettant d’intervenir en amont des inégalités, corriger les pratiques et prévenir les discriminations.

3.3.10.

Le CESE estime que des politiques comparables doivent être déployées en matière de discrimination fondée sur tous les critères visés à l’article 19 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. C’est pourquoi il invite la Commission:

i)

à s’engager, dans le cadre de sa politique d’emploi et de lutte contre les discriminations, à faire appliquer de manière efficace les mesures existantes ou à en adopter de nouvelles pour promouvoir l’égalité en matière d’emploi et assurer la mise en œuvre effective de la législation existante;

ii)

à faire adopter des mesures pour généraliser l’analyse des discriminations au travail et encourager les obligations d’évaluation, de reporting et de suivi des employeurs;

iii)

à aider les entreprises à développer des pratiques antidiscriminatoires et d’inclusion.

3.4.   Élargir et unifier la portée de la protection contre les discriminations au sein de l’Union

3.4.1.

Le CESE encourage vivement l’Union européenne à poursuivre l’élaboration de la protection contre les discriminations en matière d’accès aux biens et services, notamment en adoptant la proposition de directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle.

3.4.2.

Le CESE constate que la protection contre les discriminations dans l’accès aux biens et services telle qu’elle existe actuellement crée une hiérarchie de protection suivant les critères et génère donc une situation de protection inégale des personnes visées par des critères de discrimination.

3.4.3.

Alors que le principe de non-discrimination est un pilier de la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union, tant que l’adoption du projet de directive est suspendue, l’Union européenne ne remplira pas sa mission d’égale jouissance des droits dans l’espace public européen.

3.4.4.

Le CESE demande au Conseil, au Parlement et à la Commission que les moyens soient mis en œuvre pour que ce projet de directive soit adopté dans une version intégrant ses propositions générales sur l’amélioration des modalités d’accès aux droits et aux recours, incluant notamment des mécanismes facilitant l’accès aux droits par l’adoption de procédures d’action collective pour en assurer l’effectivité et la reconnaissance de la compétence des organismes nationaux de lutte contre les discriminations.

3.4.5.

L’Union devrait intensifier davantage ses efforts et sa coopération sur le terrain pour faire en sorte que la dignité et les droits fondamentaux des personnes LGBTQIA+ soient respectés sans exception, qu’elles ne fassent l’objet d’aucune poursuite et que leur participation à la vie publique soit renforcée.

3.5.

Le CESE considère que l’Union doit s’engager activement dans la promotion de la reconnaissance d’un principe général et d’obligations positives d’égalité des chances. Les institutions de l’Union doivent également soutenir les organisations nationales de promotion de l’égalité et de défense des droits de l’homme par l’adoption de standards contraignants, pour qu’elles soient en mesure d’exploiter leur entier potentiel et assurer l’application effective de la législation existante.

3.6.   Renouveler la protection contre les discriminations politiques, syndicales et civiques

3.6.1.

Le CESE constate que ces dernières années, partout en Europe, les militants politiques, syndicaux (ou appartenant à des associations de travailleurs) ainsi que les militants civiques peuvent faire face à des difficultés pour exercer leur liberté d’expression et d’action, par exemple dans l’exercice du droit de manifester, afin d’exprimer leurs revendications ou de négocier.

3.6.2.

Le CESE estime que tant l’Union que les États membres doivent, conformément à leur législation et aux instruments internationaux en vigueur, assurer de manière effective la sécurité, l’égalité de traitement et la protection par leurs autorités des acteurs politiques, partenaires sociaux et associatifs comme corollaire des valeurs européennes de démocratie, d’état de droit et de non-discrimination fondée sur les opinions politiques.

3.6.3.

Tous les États membres ont ratifié les conventions de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (C087) et sur le droit d’organisation et de négociation collective (C098). Il convient également de respecter et de promouvoir la liberté d’association et le droit de s’organiser. Il est important que des discussions se déroulent, à l’échelle nationale et à celle de l’Union européenne, sur les moyens de garantir que les travailleurs puissent avoir accès à une représentation syndicale et exercer leurs droits à s’organiser et agir de manière collective (21). Conformément aux normes internationalement reconnues de l’Organisation internationale du travail, le CESE encourage vivement les États membres et la Commission à veiller à protéger effectivement la liberté d’association, le droit des travailleurs de s’organiser et le droit de négociation collective, dans le respect de leur législation, des mécanismes de concertation sociale et des instruments internationaux en vigueur.

3.7.   Des institutions nationales efficaces pour promouvoir l’égalité, protéger les droits fondamentaux et lutter contre la discrimination

3.7.1.

L’application des réglementations européennes et nationales dans ce domaine présente trop souvent des limites importantes liées aux aspects juridiques, institutionnels, organisationnels et financiers qui caractérisent chaque État membre.

3.7.2.

Le Comité considère qu’il convient de mettre sur pied des plans concrets, y compris un soutien financier, pour améliorer la capacité des institutions nationales.

3.7.3.

Le Comité encourage la Commission à concevoir un programme d’assistance aux institutions nationales ayant des responsabilités dans le domaine des droits de l’homme afin d’améliorer, de renforcer et de rationaliser leurs capacités (création, accréditation et conformité aux normes internationales), en incluant la sensibilisation, la connaissance et en répondant aux besoins spécifiques de tous les groupes.

3.7.4.

La capacité de tous les acteurs sociaux et civiques, en particulier ceux impliqués dans la protection des droits de l’homme, à travailler avec les instruments juridiques existants et à collaborer avec les institutions publiques doit également être améliorée. Un meilleur soutien aux acteurs sociaux et aux organisations de la société civile qui assure l’accès au droit des victimes de discrimination est une nécessité. Le soutien qui leur est apporté peut se matérialiser par des formations, la prise de conscience, des transferts de connaissances et de bonnes pratiques, un soutien financier et organisationnel ainsi qu’une protection contre les attaques et les campagnes de dénigrement.

3.7.5.

Comme il l’a déjà suggéré auparavant, le Comité réitère la nécessité de créer un mécanisme efficace et accessible pour repérer et signaler les agressions physiques et verbales, l’intimidation et le harcèlement, y compris par le biais de processus abusifs, de discours de haine contre les organisations de la société civile, y compris celles qui protègent les droits de l’homme (22). Quand ces attaques sont lancées dans la sphère numérique, elles doivent être rapidement identifiées et les publications correspondantes retirées.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2008) 426.

(2)  Agence des droits fondamentaux, L’égalité dans l’UE vingt ans après la mise en œuvre initiale des directives sur l’inégalité, avril 2021 (rapport intégral non disponible en français).

(3)  Mulder, J., Indirect sex discrimination in employment («La discrimination indirecte fondée sur le sexe dans l’emploi»), réseau européen d’experts juridiques dans le domaine de l’égalité des genres et de la non-discrimination, Commission européenne, 2020.

(4)  Voir notamment la 8e édition du rapport de l’OIT sur l’effet de la crise en cours sur le monde du travail, octobre 2021. Organisation internationale du travail (OIT), COVID-19: Observatoire de l’OIT — 8e édition, 27 octobre 2021.

(5)  Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux [COM(2021) 38] (JO C 374 du 16.9.2021, p. 38).

(6)  Voir notamment les avis sur la situation des femmes handicapées (SOC/579) (JO C 367 du 10.10.2018, p. 20) la situation des femmes roms (SOC/585) (JO C 110 du 22.3.2019, p. 20), la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées (SOC/616) (JO C 97 du 24.3.2020, p. 41), la gestion de la diversité dans les États membres de l’UE (SOC/642) (JO C 10 du 11.1.2021, p. 7), la stratégie en faveur de l’égalité de traitement à l’égard des personnes LGBTIQ pour la période 2020-2025 (SOC/667) (JO C 286 du 16.7.2021, p. 128), le plan d’action en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-2027 (SOC/668) (JO C 286 du 16.7.2021, p. 134), la stratégie sur les droits des personnes handicapées (SOC/680) (JO C 374 du 16.9.2021, p. 50), et la stratégie relative à l’inclusion des Roms pour l’après-2020.

(7)  Avis sur la nouvelle stratégie de mise en œuvre de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (SOC/671) (JO C 341 du 24.8.2021, p. 50).

(8)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, L’égalité dans l’UE vingt ans après la mise en œuvre initiale des directives sur l’égalité, op. cit.

(9)  Commission européenne, Solidarité en matière de santé: réduction des inégalités de santé dans l’Union européenne [COM(2009) 567 final].

(10)  Crowley, N., Making Europe more Equal: A legal Duty?, Equinet, 2016.

(11)  Défenseur des droits, Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics, 2019; Dématérialisation des services publics: trois ans après, où en est-on?, 2022

(12)  Gerards, J., Xenidis, R., Algorithmic discrimination in Europe («La discrimination algorithmique en Europe»), réseau européen d’experts juridiques dans le domaine de l’égalité des genres et de la non-discrimination, Commission européenne, 2020.

(13)  Défenseur des droits, Technologies biométriques: l’impératif respect des droits fondamentaux, 2021.

(14)  Conseil de l’Europe, ECRI Zuiderveen, Frederik (Prof.), Discrimination, intelligence artificielle et décisions algorithmiques, 2018.

(15)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Bien préparer l’avenir: l’intelligence artificielle et les droits fondamentaux, 2021.

(16)  European Institute for Gender Equality (EIGE), Gender equality and the socio-economic impact of the COVID-19 pandemic.

(17)  Eurostat, Income inequalities («Inégalités salariales»), 2019.

(18)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, L’égalité dans l’UE vingt ans après la mise en œuvre initiale des directives sur l’égalité, op. cit.

(19)  Chappe, V.-A., «La preuve par la comparaison: méthode des panels et droit de la non-discrimination», Sociologies pratiques, 2011/2 no 23, p. 45 à 55; décision cadre du Défenseur des droits no 2022-139 du 31 août 2022; Cour de cassation: Cass.soc.10/7/1998 no 90-41231; Cass.soc. 4/7/2000 no 98-43285; Cass.soc. 28/6/2006, no 04-46419.

(20)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, L’égalité dans l’UE vingt ans après la mise en œuvre initiale des directives sur l’égalité, op. cit.

(21)  Voir également les paragraphes 4.5.3 et 4.5.6 de l’avis sur le thème «Des salaires minimums décents dans toute l’Europe» (SOC/632) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 159).

(22)  Avis sur la nouvelle stratégie de mise en œuvre de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (SOC/671) (JO C 341 du 24.8.2021, p. 50).


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 59, paragraphe 3, du règlement intérieur):

AMENDEMENT 1

SOC/724 — Améliorer l’égalité dans l’UE

Paragraphe 3.3.7

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Pour dépasser la charge individuelle du contentieux, donner au recours une force à la mesure des pratiques qu’il dénonce et faire du cadre juridique une menace effective pour réguler les discriminations, le CESE est favorable à ce que l’Union légifère pour adopter des outils procéduraux facilitant l’accès aux droits dans les États membres par exemple en ayant recours à des mécanismes d’action collective améliorant l’accès au recours juridictionnel et l’impact de celui-ci pour lutter contre les discriminations et défendre l’égalité de traitement.

Pour dépasser la charge individuelle du contentieux, donner au recours une force à la mesure des pratiques qu’il dénonce et faire du cadre juridique une menace effective pour réguler les discriminations, le CESE encourage les États membres à envisager l’opportunité de mesures appropriées visant à garantir et étayer l’accès à la justice, et en tant que de besoin à les prendre. Il pourrait s’agir par exemple d’une législation visant à adopter des outils procéduraux facilitant l’accès aux droits dans l’État membre concerné par exemple en ayant recours à des mécanismes d’action collective susceptibles d’améliorer l’accès au recours juridictionnel et l’impact de celui-ci pour lutter contre les discriminations et défendre l’égalité de traitement.

Exposé des motifs

Au sein du groupe d’étude et de la section SOC, il n’y a pas eu d’accord entre les trois groupes sur cette question. Le droit procédural relève traditionnellement de la compétence des États membres. Il devrait donc appartenir aux États membres de décider s’ils souhaitent introduire au niveau national des actions collectives ou des recours collectifs en tant qu’outil permettant de faire respecter le principe d’égalité. De cette manière, chaque système national pourrait aussi être adapté aux réalités du pays concerné. En outre, il faut rappeler que les recours collectifs pourraient être utilisés de façon abusive.

Résultat du vote

Voix pour:

59

Voix contre:

104

Abstentions:

13

AMENDEMENT 2

SOC/724 — Améliorer l’égalité dans l’UE

Paragraphe 3.3.10

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Le CESE estime que des politiques comparables doivent être déployées en matière de discrimination fondée sur tous les critères visés à l’article 19 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. C’est pourquoi il invite la Commission:

à s’engager, dans le cadre de sa politique d’emploi et de lutte contre les discriminations, à faire appliquer de manière efficace les mesures existantes ou à en adopter de nouvelles pour promouvoir l’égalité en matière d’emploi et assurer la mise en œuvre effective de la législation existante,

à faire adopter des mesures pour généraliser l’analyse des discriminations au travail et encourager les obligations d’évaluation, de reporting et de suivi des employeurs,

à aider les entreprises à développer des pratiques antidiscriminatoires et d’inclusion.

Le CESE estime que des politiques comparables doivent être déployées en matière de discrimination fondée sur tous les critères visés à l’article 19 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. C’est pourquoi il invite la Commission:

à s’engager, dans le cadre de sa politique d’emploi et de lutte contre les discriminations, à faire appliquer de manière efficace les mesures existantes ou à en adopter de nouvelles pour promouvoir l’égalité en matière d’emploi et assurer la mise en œuvre effective de la législation existante,

à faire adopter des mesures pour contribuer à une utilisation efficace de l’analyse des discriminations au travail telles que prévues par le droit européen et à fournir des lignes directrices concernant les obligations d’évaluation, de reporting et de suivi des employeurs,

à aider les entreprises à développer des pratiques antidiscriminatoires et d’inclusion.

Exposé des motifs

Ce paragraphe concerne la mise en œuvre des politiques fondées sur les critères énoncés à l’article 19 du TFUE. Les paragraphes 3.4.1 (et 1.3) de l’avis disposent déjà comme suit: «Le CESE encourage vivement l’Union européenne à poursuivre l’élaboration de la protection contre les discriminations en matière d’accès aux biens et services, notamment en adoptant la proposition de directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle.». L’amendement vise à modifier le texte afin d’indiquer quel genre de mesures sont nécessaires pour assurer l’efficacité de la mise en œuvre et de l’application des règles contre la discrimination.

Résultat du vote

Voix pour:

67

Voix contre:

109

Abstentions:

11

AMENDEMENT 3

SOC/724 — Améliorer l’égalité dans l’UE

Paragraphe 3.4.4

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Le CESE demande au Conseil, au Parlement et à la Commission que les moyens soient mis en œuvre pour que ce projet de directive soit adopté dans une version intégrant ses propositions générales sur l’amélioration des modalités d’accès aux droits et aux recours, incluant notamment des mécanismes facilitant l’accès aux droits par l’adoption de procédures d’action collective pour en assurer l’effectivité et la reconnaissance de la compétence des organismes nationaux de lutte contre les discriminations.

Le CESE demande au Conseil, au Parlement et à la Commission que les moyens soient mis en œuvre pour que ce projet de directive soit adopté dans une version intégrant ses propositions générales sur l’amélioration des modalités d’accès aux droits et aux recours, tout en laissant aux États membres la prérogative de décider de possibles mécanismes facilitant l’accès aux droits par l’adoption de procédures d’action collective pour en assurer l’effectivité et la reconnaissance de la compétence des organismes nationaux de lutte contre les discriminations.

Exposé des motifs

Au sein du groupe d’étude et de la section SOC, il n’y a pas eu d’accord entre les trois groupes sur cette question. Le droit procédural relève traditionnellement de la compétence des États membres. Il devrait donc appartenir aux États membres de décider s’ils souhaitent introduire au niveau national des actions collectives ou des recours collectifs en tant qu’outil permettant de faire respecter le principe d’égalité. De cette manière, chaque système national pourrait aussi être adapté aux réalités du pays concerné. En outre, il faut rappeler que les recours collectifs pourraient être utilisés de façon abusive.

Résultat du vote

Voix pour:

60

Voix contre:

114

Abstentions:

11

AMENDEMENT 4

SOC/724 — Améliorer l’égalité dans l’UE

Paragraphe 1.10

Modifier comme suit

Avis de section

Amendement

Pour dépasser la charge individuelle du contentieux, donner au recours une force à la mesure des pratiques qu’il dénonce et faire du cadre juridique une menace effective pour réguler les discriminations , le CESE est favorable à ce que l’Union légifère pour adopter des standards facilitant la mise en œuvre dans les États membres d’actions collectives améliorant l’accès au recours juridictionnel et l’impact de celui-ci pour lutter contre les discriminations et défendre l’égalité de traitement.

Le CESE encourage les États membres à envisager et, le cas échéant, à prendre les mesures appropriées pour dépasser ou alléger la charge individuelle du contentieux, donner au recours une force à la mesure des pratiques qu’il dénonce et faire de leur cadre juridique une menace effective pour réguler les discriminations . Il pourrait notamment s’agir d’une législation visant à adopter des standards facilitant la mise en œuvre dans l’État membre concerné d’actions collectives améliorant l’accès au recours juridictionnel et l’impact de celui-ci pour lutter contre les discriminations et défendre l’égalité de traitement. Afin de faciliter les échanges de bonnes pratiques, la Commission européenne est invitée à fournir des informations concernant les différents cadres législatifs nationaux à cet égard.

Exposé des motifs

Au sein du groupe d’étude et de la section SOC, il n’y a pas eu d’accord entre les trois groupes sur cette question. Le droit procédural relève traditionnellement de la compétence des États membres. Il devrait donc appartenir aux États membres de décider s’ils souhaitent introduire au niveau national des actions collectives ou des recours collectifs en tant qu’outil permettant de faire respecter le principe d’égalité. De cette manière, chaque système national pourrait aussi être adapté aux réalités du pays concerné. En outre, il faut rappeler que les recours collectifs pourraient être utilisés de façon abusive.

Résultat du vote

Voix pour:

65

Voix contre:

113

Abstentions:

8


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/67


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Garantir une solidarité européenne forte pour les patients atteints de maladies rares»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/10)

Rapporteur:

Alain COHEUR

Décision de l’assemblée plénière

24.2.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

29.9.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

171/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) a adopté, en 2009, son avis SOC/330 sur la «Proposition de recommandation du Conseil relative à une action européenne dans le domaine des maladies rares» (1), dans lequel il exprimait son soutien et ses préoccupations et présentait des suggestions en vue d’attirer l’attention sur l’ensemble des besoins des personnes atteintes de maladies rares. Le CESE déplore profondément de devoir réitérer, plus de dix ans après l’adoption de cet avis, son appel en faveur d’une approche européenne globale qui tienne compte de l’ensemble des besoins des personnes atteintes de maladies rares; il réclame des solutions européennes pour atténuer l’impact des maladies rares sur la vie quotidienne, familiale et professionnelle.

1.2.

Le CESE réaffirme avec force son soutien et sa solidarité aux patients atteints de maladies rares, à leurs familles et à la communauté des maladies rares au sens large. L’Union européenne pourrait être le porte-drapeau du droit aux soins de santé pour tous sur l’ensemble de son territoire et faire en sorte que les patients atteints d’une maladie rare ne se sentent pas livrés à eux-mêmes. Il est indispensable, pour accélérer le diagnostic et le traitement des maladies rares, de soutenir la recherche fondamentale et un espace européen des données de santé (EHDS) fondé sur le principe FAIR (faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables). Le CESE recommande que l’expertise du portail Orphanet soit reconnue et pleinement mise en avant pour améliorer l’écosystème européen des données de santé, dans l’intérêt des patients atteints de maladies rares. Rendre le site web Orphanet accessible dans toutes les langues de l’Union européenne apporterait une grande valeur ajoutée aux patients atteints de maladies rares et aux professionnels de santé.

1.3.

Le CESE confirme ses conclusions sur la prévalence des maladies rares dans l’Union, sur les similitudes entre les patients atteints de maladies rares en ce qui concerne les parcours et les difficultés d’accès à la protection sociale, en dépit de l’hétérogénéité ou de la multitude de maladies, et sur la dispersion des patients et de l’expertise.

1.4.

Le CESE approuve le principe du droit d’accès aux soins de santé proposé par le socle européen des droits sociaux, ainsi que la résolution des Nations unies, et se félicite de l’attention accordée aux maladies rares par la conférence sur l’avenir de l’Union européenne et la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, visant à garantir que la situation des patients atteints de maladies rares ne soit pas aggravée par les inégalités en matière de santé. Le Comité souligne l’importance d’une stratégie européenne ambitieuse en matière de soins à l’intention des aidants informels de patients atteints de maladies rares.

1.5.

Le CESE préconise de mettre à profit la dynamique politique et de s’appuyer sur les recommandations des institutions et de la société civile, dans le but d’élaborer un plan d’action européen global sur les maladies rares, assorti d’objectifs SMART réalisables d’ici à 2030, afin de garantir l’égalité de tous les patients atteints de maladies rares dans l’Union en ce qui concerne le diagnostic, le traitement et une perspective globale en matière de soins intégrés. L’objectif doit être que les patients reçoivent le diagnostic de leur maladie rare dans un délai d’un an.

1.6.

Le CESE suggère d’étendre le mandat de l’Autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) ou de l’utiliser comme modèle afin de créer une nouvelle autorité européenne pour les maladies non transmissibles qui favoriserait la coordination et la solidarité en matière de maladies rares, afin de coordonner la mise en œuvre d’un plan d’action européen sur les maladies rares et de garantir une approche européenne des maladies rares non transmissibles. Travailler en synergie avec Orphanet, dont les travaux pourraient être publiés dans toutes les langues officielles de l’Union grâce à un soutien structurel de celle-ci, garantirait tant aux patients qu’aux professionnels l’accès aux informations dont ils ont besoin.

1.7.

Le CESE fait entendre la voix de la société civile des États membres dans le but d’améliorer le dialogue politique avec les citoyens et, à la faveur d’une coopération structurelle et permanente, il apporte son appui aux institutions européennes afin que les politiques qu’elles élaborent reçoivent le soutien de tous. Le CESE recommande au prochain trio de présidences (2023-2024), composé de l’Espagne, de la Belgique et de la Hongrie, de continuer à faire figurer la politique en matière de maladies rares parmi ses préoccupations, compte tenu de l’évaluation réalisée en 2022 par les réseaux européens de référence (RER) et de l’engagement pris par la Commission de réviser sa stratégie sur les maladies rares d’ici le début de 2023 en intégrant les maladies rares dans la politique de santé publique en vue de son prochain mandat. La participation des parties prenantes et des partenaires sociaux est essentielle à l’élaboration d’une stratégie ambitieuse.

1.8.

Le CESE réclame des initiatives telles qu’une résolution visant à donner aux patients les moyens d’agir et à encourager leur participation à la politique et aux recommandations relatives aux maladies rares, conformément à l’article 4 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Il y a lieu de garantir et de soutenir les interventions des associations de patients dans les médias et leur participation à l’élaboration des recommandations politiques, dans la mesure où elles constituent une source d’expériences, représentent les patients et s’expriment en leur nom, et sont à ce titre susceptibles de jouer un rôle capital (2).

1.9.

Le CESE demande que soit reconnus l’importance de diagnostiquer une maladie rare lors du dépistage périnatal ou néonatal, ou aussi rapidement que possible après l’apparition des problèmes de santé ou de développement, les avantages que présentent des soins de santé pluridisciplinaires, et l’intérêt d’une perspective globale par rapport aux besoins et aux parcours des patients, qui pourraient bénéficier d’une prise en charge médicale et sociale intégrée et d’une coordination centralisée des soins, et surtout d’une optimisation de l’accessibilité financière des soins.

1.10.

Le CESE affirme que des services de santé de qualité ne doivent jamais être réservés à ceux qui, pour quelque raison que ce soit, jouissent d’un meilleur accès au service national de santé pertinent, peuvent se permettre de payer les primes d’assurance les plus élevées ou d’assumer eux-mêmes les coûts de traitement, ou organisent les campagnes de collecte les plus rentables. Il y a lieu de ne pas sous-estimer l’importance des systèmes d’assurance maladie solidaires qui protègent les patients atteints de maladies rares. Le CESE apprécierait la tenue d’un débat sur les avantages et les enjeux que présenterait, pour les fonds européens d’assurance maladie mutuels et solidaires, la prise en charge des traitements innovants pour les patients atteints de maladies rares.

1.11.

Le CESE reconnaît combien il importe que les patients atteints de maladies rares en Europe aient accès aux traitements transfrontières à des fins de diagnostic et de soins. Les patients atteints de maladies rares, et en particulier ceux atteints de maladies très rares, bénéficieraient d’un meilleur accès aux soins s’ils avaient la possibilité non seulement de recevoir un traitement à l’étranger, mais aussi d’éviter les déplacements superflus grâce à la télémédecine. Le CESE demande que le fonctionnement des RER soit optimisé et qu’ils soient intégrés dans l’ensemble de l’Union européenne et dans les systèmes de soins de santé des États membres. Il suggère d’étudier la possibilité d’élaborer une convention sur les soins dans les RER.

1.12.

Compte tenu des disparités économiques existant entre les États membres, le CESE recommande et escompte qu’une réflexion soit menée quant à la possibilité de créer un fonds financier spécial de l’Union auquel les États membres contribueraient et dont ils bénéficieraient en fonction de leur capacité financière, afin de garantir l’accès à un traitement pour tous les patients atteints de maladies rares en Europe, en particulier ceux dont les besoins médicaux ne sont pas satisfaits, et d’assurer ainsi une véritable solidarité au sein de l’Union. Le CESE approuve les modèles d’achats groupés et de contributions communes, tels que le calculateur de juste tarification des médicaments (European fair price calculator for medicines), visant à améliorer l’accessibilité des traitements pharmaceutiques pour les États membres et les patients atteints de maladies rares, et demande que cet aspect soit pris en compte lors de la révision de la législation de l’Union sur les médicaments orphelins et à usage pédiatrique (médicaments destinés aux personnes atteintes de maladies rares et aux enfants).

1.13.

Le CESE recommande de mener des études sur la possibilité de recourir à un fonds de solidarité pour les maladies rares, en particulier celles qui ne sont pas couvertes par les RER. Un tel fonds peut constituer un complément utile lorsque l’assurance maladie obligatoire ne couvre pas les coûts de traitement de maladies complexes ou rares ou des soins transfrontières, et le CESE estime qu’une mutualisation au niveau européen est une nécessité. Un fonds européen de solidarité pour les patients atteints de maladies rares devrait:

avoir pour but d’éviter que les patients atteints de maladies rares n’aient à assumer des coûts exorbitants pour bénéficier de soins de santé nécessaires et justifiables sur le plan médical et disponibles dans l’Union, et qu’ils ne soient davantage exposés aux inégalités en matière de santé en raison de la rareté de leur maladie,

incarner la solidarité européenne afin d’améliorer l’accès aux soins de santé disponibles dans l’ensemble de l’Union pour tous les patients atteints d’une maladie rare, mieux faire respecter les droits des patients en matière de soins de santé transfrontières, et optimiser et faciliter l’utilisation des RER,

compléter les dispositions nationales en matière de sécurité sociale et d’assurance maladie grâce à un fonds destiné à couvrir les coûts connexes et inévitables liés aux soins transfrontières au sein de l’Union, et faciliter la coopération européenne visant à relever les défis en matière de santé publique, grâce à un soutien transfrontière structurel.

2.   Observations générales sur les maladies rares

2.1.

Les maladies rares sont rares, mais les patients sont nombreux; une maladie est classée comme rare sur la base de sa prévalence. Dans l’Union européenne, une maladie rare est définie comme une affection souvent chronique, parfois invalidante ou mortelle, et qui ne touche pas plus de 1 personne sur 2 000 (3). En 2019, Orphanet, le portail des maladies rares et des médicaments orphelins, recensait 6 172 maladies rares uniques (4). 71,9 % de ces maladies rares sont d’origine génétique et 69,9 % se manifestent dès la petite enfance. Selon les estimations, 3,5 à 5,9 % de la population souffre d’une maladie rare, ce qui représente environ 36 millions de patients dans l’Union européenne.

2.2.

Le patient n’est souvent pas le seul à subir dans sa vie quotidienne les effets que provoquent la complexité et la nature chronique de nombreuses maladies rares, lesquels s’étendent aussi à de nombreuses autres personnes, notamment les proches, et concernent également les systèmes de santé et de protection sociale. Les familles des patients sont susceptibles d’être exposées à un risque d’isolement et de vulnérabilité aggravée et, compte tenu de la dimension de genre des soins informels (5), une maladie rare peut avoir une incidence significative sur la vie des mères et des femmes en particulier. Il conviendrait donc d’accorder une attention particulière à l’accès des aidants informels à la protection sociale.

2.3.

Bien que plus de 6 172 maladies aient déjà été recensées et puissent être diagnostiquées, il se peut que des définitions, des caractérisations ou des tests diagnostiques fassent toujours défaut pour certaines affections, qui sont appelées «syndromes sans nom» (syndromes without a name — SWAN). L’écart de santé est encore plus marqué pour les patients non diagnostiqués. Leurs besoins non satisfaits sont encore plus importants et les inégalités sont encore plus grandes étant donné qu’un diagnostic est nécessaire pour bénéficier de soins médicaux appropriés ou d’allocations sociales et d’assurance maladie supplémentaires.

2.4.

Il y a lieu de mettre en place, pour remédier aux inégalités persistantes en matière d’accès aux soins de santé, des systèmes de proximité proactifs et ciblés, de sorte que les groupes les plus vulnérables, par exemple les personnes présentant un handicap physique, psychosocial ou sensoriel, puissent recevoir des diagnostics et des soins. Dans des avis antérieurs, le CESE s’est penché sur les soins de santé destinés aux migrants et aux citoyens de l’Union issus de l’immigration; il conviendrait de tirer parti de cette expertise et de ces recommandations dans le cadre d’une approche commune à l’égard des maladies rares (6).

2.5.

Le diagnostic d’une maladie rare, si celle-ci n’est pas détectée lors d’un dépistage périnatal, se fait en moyenne environ quatre ans et demi après l’apparition de problèmes de santé ou de développement. Des recherches ont montré que les périodes d’incertitude diagnostique — qui impliquent souvent des erreurs de diagnostic et/ou des traitements incorrects aux conséquences délétères — fluctuent entre 5 et 7 ans (7). Le chemin vers un diagnostic concluant et correct s’apparente souvent à un parcours du combattant qui implique la consultation de plusieurs professionnels de la santé: des recherches ont démontré que 22 % des patients belges souffrant d’une maladie rare ont dû consulter plus de cinq médecins avant d’être diagnostiqués, et 7 % en ont même consulté plus de dix (8).

2.6.

Il convient de sensibiliser les professionnels de la santé de manière à ce qu’ils puissent mieux détecter les maladies rares potentielles, et de leur donner les moyens d’orienter les patients et d’accélérer le processus de diagnostic; cela nécessite un partage d’informations, une formation adéquate et continue de haute qualité du personnel et une planification des effectifs en temps utile avec la participation des partenaires sociaux.

2.7.

La hiérarchisation des priorités et les investissements structurés dans la recherche médicale fondamentale sur les causes des maladies rares, y compris les causes génétiques, doivent aboutir à des traitements plus efficaces pour les patients atteints de maladies rares, voire, si possible, à leur guérison. Les instruments de financement européens, tels que le programme «L’UE pour la santé 2021-2027 — une vision pour une Union européenne plus saine», ainsi que les règlements comme la proposition relative à l’EHDS, devraient soutenir cette recherche.

2.8.

Les connaissances et l’expertise nécessaires afin de diagnostiquer et gérer les besoins thérapeutiques spécialisés requis pour certaines maladies rares peuvent être indisponibles dans certains États membres et dispersées géographiquement dans l’ensemble de l’Union européenne. Il y a lieu d’améliorer la disponibilité et l’accessibilité des traitements, et de les rendre plus abordables; en effet, les patients signalent l’indisponibilité de traitements à l’endroit où ils vivent (22 %), des listes d’attente entravant l’accès au traitement (14 %), des traitements financièrement inabordables (12 %) et l’absence de soutien financier pour faciliter les déplacements en vue de recevoir un traitement dans un autre pays (12 %) (9).

2.9.

La qualité des soins exige des services de santé dispensés en temps utile, équitables, intégrés et efficients (10). Les dépistages périnatal et néonatal sont des processus essentiels pour le diagnostic précoce. La recommandation sur le dépistage génétique transfrontière des maladies rares dans l’Union européenne, émise par le groupe d’experts de la Commission sur les maladies rares, ainsi que les travaux d’Eurordis sur le dépistage dans toute l’Union, ont jeté les bases d’une recommandation à l’échelle européenne.

2.10.

Le chemin vers le diagnostic, le diagnostic proprement dit et la vie avec une maladie rare peuvent être psychologiquement difficiles pour le patient et/ou sa famille. L’invisibilité d’une maladie, la charge physique qu’elle représente et le manque de connaissances ou l’incompréhension d’autrui par rapport à cette affection peuvent engendrer une vulnérabilité psychologique et sociale. La vie quotidienne peut être gâchée par une mauvaise coordination des soins, mais aussi par des difficultés d’ordre pratique, administratif, éducatif, professionnel et financier (11). Une approche globale des soins couvre tout l’éventail des besoins en matière de santé (soins préventifs et continus, curatifs, de réadaptation et palliatifs), ainsi que les besoins sociaux et quotidiens, et requiert une prise en charge médico-sociale pluridisciplinaire intégrée de qualité.

2.11.

La Journée des maladies rares sensibilise et informe la société dans son ensemble, et améliore la compréhension et l’intégration sociale des patients et de leurs familles. Un écosystème de professionnels de la santé, de fonds mutuels d’assurance maladie, de groupes de contact (numériques) et d’associations de patients est indispensable pour informer les patients atteints de maladies rares et assurer leur bien-être et celui de leur famille.

3.   Observations générales sur la politique européenne en matière de maladies rares

3.1.

L’Union européenne a défini les maladies rares comme une priorité de santé publique voici plus de vingt ans, et a pris des mesures qui ont permis le renforcement de la recherche et du développement, l’adoption par les États membres de plans d’action nationaux sur les maladies rares, la coordination de la coopération transfrontière au sein des RER, et l’application des droits des patients en matière d’accès aux soins transfrontières (12). La Commission a accepté la recommandation no 3 — «Améliorer le soutien destiné à faciliter l’accès aux soins des patients atteints de maladies rares» et a annoncé qu’elle réviserait, le cas échéant, sa stratégie en matière de maladies rares d’ici le début de 2023 (13). Le Parlement européen a adopté une résolution sur la stratégie de santé publique de l’Union européenne après la COVID-19, qui préconise la mise en place d’un plan d’action de l’Union en matière de maladies rares (14). L’Union a également inscrit «le droit d’accéder en temps utile à des soins de santé préventifs et curatifs abordables et de qualité» dans le socle européen des droits sociaux (15).

3.2.

La communication annoncée sur une stratégie européenne en matière d’accueil et de soins devrait prévoir un soutien à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et une reconnaissance adéquate des aidants informels. Une stratégie qui reconnaisse mieux les aidants et leurs droits sur tout le territoire de l’Union, qui offre une plus grande souplesse dans l’exercice des droits des aidants dans les situations transfrontières et qui place la santé mentale (celle des aidants formels et informels) au centre des préoccupations serait profitable aux familles des patients atteints de maladies rares (16).

3.3.

Les États membres de l’Union européenne ont coparrainé la résolution des Nations unies de 2021 intitulée «Relever les défis auxquels font face les personnes atteintes d’une maladie rare et leur famille» (17), qui demande notamment de «renforcer les systèmes de santé […], ce qui permettra de donner aux personnes atteintes d’une maladie rare les moyens de répondre à leurs besoins physiques et mentaux et d’exercer leurs droits humains, notamment leur droit au meilleur état de santé physique et mentale possible, de favoriser l’équité et l’égalité en matière de santé, de mettre fin à la discrimination et à l’ostracisme, de suppléer aux insuffisances dans la couverture et de créer une société plus inclusive».

3.4.

Le Conseil «Emploi, politique sociale, santé et consommateurs» (Santé) s’est penché sur la réponse européenne aux maladies rares et a examiné l’opportunité de renforcer la coopération et la coordination entre les États membres et au niveau de l’Union dans le domaine des maladies rares. La présidence du Conseil considère le renforcement de l’action de l’Union dans ce domaine comme une illustration concrète des apports de l’union de la santé publique pour les citoyens européens. L’espace européen des données de santé est l’un des outils qui devraient contribuer à une action plus efficace de l’Union, en jouant un rôle dans la lutte contre les maladies rares et en garantissant l’accès à des données de santé de qualité dans un cadre sûr. Il doit accélérer l’accès à de nouvelles thérapies plus sûres et personnalisées (18).

3.5.

Le rapport sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe comporte une proposition relative à l’égalité d’accès à la santé pour tous, dont l’objectif est d’instaurer un «droit à la santé» en garantissant à tous les européens l’accès égal et universel à des soins de santé abordables, préventifs, curatifs et de qualité. L’assemblée plénière de la conférence a spécifiquement mentionné et reconnu la communauté des patients atteints de maladies rares, et a plaidé pour les mesures suivantes: permettre une prise de décision plus rapide et plus ferme sur des sujets essentiels et améliorer l’efficacité de la gouvernance européenne en vue du développement de l’union européenne de la santé; veiller à ce que toute personne puisse avoir accès aux traitements existants dans le premier pays de l’Union où ils sont disponibles; à cette fin, faciliter la coopération transfrontière, notamment en ce qui concerne les maladies rares; renforcer la résilience et la qualité de nos systèmes de santé, notamment en poursuivant le développement, la coordination et le financement des réseaux européens de référence, en ce qu’ils constituent la base du développement des réseaux de soins médicaux pour les traitements hautement spécialisés et complexes (19).

3.6.

Le plan européen pour vaincre le cancer — une nouvelle approche européenne de la prévention, du traitement et des soins, présenté en 2021, ainsi que la liste des mesures à mettre en œuvre d’ici 2030 et la participation des parties prenantes, sont autant d’éléments d’une politique européenne de la santé visant à remédier aux inégalités en matière de santé au sein de l’Union (20). Le plan s’appuie également sur les réseaux européens de référence, les précurseurs de l’échange d’expertise en matière de diagnostic et de traitement des maladies rares.

4.   Observations particulières sur les maladies rares et la politique européenne en la matière

4.1.

Évaluant le suivi qui est donné à son avis sur la «Proposition de recommandation du Conseil relative à une action européenne dans le domaine des maladies rares» (21), le CESE constate que, si ses recommandations sont actuellement prises en compte avec des degrés divers de réussite, comme en témoignent par exemple la création des réseaux européens de référence à partir de 2017, l’introduction d’un système de communication et de signalisation, les manuels ou les lignes directrices visant à faciliter le dialogue entre les différentes cultures professionnelles au sein de l’Union ou encore l’inclusion, dans l’espace européen des données de santé, d’un accès obligatoire des patients à leurs données, il y a lieu de prendre des mesures d’urgence afin de rattraper l’énorme retard accumulé par la politique de l’Union en matière de maladies rares.

4.2.

Les réseaux européens de référence sont un élément phare de la coopération européenne concrète entre les systèmes de soins de santé, qui facilite les essais cliniques et l’expertise en matière de diagnostic et de traitement des patients européens atteints de maladies rares. Le potentiel de ces RER n’a pas encore été examiné en détail et n’est pas encore pleinement exploité. Une évaluation devrait être lancée en 2022 (22). Les 24 RER, créés en 2017, comptent 1 466 membres, dont plus de 900 unités de soins établies dans plus de 313 hôpitaux, dans tous les États membres de l’Union. 1,7 million de patients bénéficient de traitements dispensés par des membres de RER, mais seuls 2 100 patients atteints de maladies complexes et très rares ont été intégrés dans le système de gestion des données cliniques des patients (Clinical Patient Management System — CPMS).

4.3.

Les questions qu’il faut traiter pour optimiser le potentiel des RER sont notamment l’absence de remboursements spécifiques pour les prestataires de soins de santé participant aux RER et pour les consultations virtuelles via le CPMS, ainsi que les problèmes d’interopérabilité administrative ou technique. Un autre point à travailler est l’intégration des RER dans les systèmes nationaux de soins de santé par l’intermédiaire des centres de référence affiliés pour les maladies rares, de manière à les faire connaître et à garantir leur accessibilité.

4.4.

Il serait bénéfique, pour la qualité des soins, de centraliser les soins pour les patients atteints de maladies rares tout en maintenant un nombre suffisant de centres d’expertise. Il convient d’établir les critères définissant ce qu’est un centre d’expertise. Les centres d’expertise requièrent un financement spécifique et adéquat. Étant donné que ce sont la société civile et les partenaires sociaux qui produisent les ressources utilisées pour financer les dépenses publiques en matière de santé, ils devraient pouvoir jouer un rôle stratégique dans leur répartition. Les réseaux de soins locaux, régionaux et nationaux doivent être informés de l’existence de centres d’expertise et encouragés à participer aux RER afin de faciliter l’accès aux soins et d’améliorer leur qualité.

4.5.

Il a été démontré que les partenariats et consortiums multipartites transfrontières soutenus par un financement de l’Union, réunissant la société civile et des experts en matière de maladies rares et de politique sanitaire ou sociale, des universités, des partenaires médicaux, des centres de connaissances, des associations de patients, des mutualités à but non lucratif et des patients-experts, enrichissent les écosystèmes pour la recherche et la coopération européennes. Ils ont contribué à l’élaboration de recommandations stratégiques, de projets pilotes et d’études centrés sur le patient afin d’améliorer l’accès des patients européens atteints de maladies rares à un système global et intégré de soins de santé et d’aide sociale de haute qualité (23). Le moment est venu de consolider ces recommandations et bonnes pratiques dans une politique cohérente qui intègre les initiatives nationales, transfrontières et européennes, sans qu’aucun patient atteint d’une maladie rare ne soit laissé pour compte.

4.6.

L’étude participative Rare 2030 intitulée Foresight in Rare Disease Policy a formulé huit recommandations essentielles concernant le traitement, les soins, la recherche, les données et les infrastructures européennes et nationales, assorties d’une feuille de route et d’objectifs SMART donnant le ton de la prochaine décennie s’agissant de la politique relative aux maladies rares: 1) des stratégies et plans européens et nationaux intégrés à long terme; 2) un diagnostic plus précoce, plus rapide et plus précis; 3) un accès à des soins de haute qualité; 4) des soins intégrés et centrés sur le patient; 5) des partenariats avec des patients; 6) une recherche et un développement innovants et axés sur les besoins; 7) l’optimisation des données au bénéfice des patients et de la société; 8) des traitements disponibles, accessibles et abordables (24).

4.7.

La reconnaissance de l’expertise des patients atteints de maladies rares, de leurs proches et des professionnels de la santé était au cœur du projet EMRaDi, qui s’est notamment penché sur l’offre et la demande dans le domaine des maladies rares dans l’Euregio Meuse-Rhin (EMR). Le projet a également analysé la réalité quotidienne et les trajets des patients sur la base de 104 entretiens approfondis portant sur huit maladies rares (25). Ces derniers ont confirmé les hypothèses relatives à la difficulté d’obtenir un diagnostic, à la charge accrue que représente la coordination des soins (les patients consultant entre six et vingt-cinq professionnels de la santé tout au long de leur parcours), à la nécessité de soins pluridisciplinaires dans des centres spécialisés et à la préférence affichée pour ce type de soins, et, par extension, à la nécessité d’une perspective globale plus large sur tout l’éventail des besoins en matière d’information, de soutien psychologique, d’inclusion sociale et de possibilités de développement, des besoins pratiques et administratifs, mais aussi en matière de soins de santé transfrontières. Le projet a formulé des recommandations concernant des soins holistiques, la télémédecine et la solidarité européenne (26).

4.8.

La pandémie de COVID-19 a accéléré la numérisation des soins de santé, le recours aux nouvelles technologies et le déploiement de la télémédecine. La réglementation, le renforcement des capacités et le remboursement de la télémédecine, comprenant la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance et la santé mobile, doivent être le résultat d’une consultation des partenaires sociaux et des acteurs du secteur médical et garantir avant tout la sécurité des patients ainsi que la qualité et la continuité des soins et des traitements. L’utilisation optimale de la télémédecine évite aux patients, y compris ceux atteints de maladies rares, les déplacements superflus, que ce soit à l’intérieur de leur propre pays ou dans le reste de l’Europe.

4.9.

La promotion de la recherche universitaire, de l’économie de la santé et de la qualité des soins pour les maladies rares nécessite des registres de patients fondés sur le principe FAIR. Des initiatives telles que l’entrepôt de données du registre européen, le référentiel central de métadonnées de l’infrastructure européenne des registres de maladies rares (ERDRI.mdr) et l’espace européen des données de santé doivent susciter un débat sur la concision et la normalisation des enregistrements et la finalité des registres.

4.10.

La cartographie de l’offre et de la demande dans le domaine des maladies rares nécessite des analyses quantitatives de la prévalence, de la consommation de soins et des coûts des soins des patients atteints de maladies rares, dans le plus grand respect de la vie privée de ces derniers. Une méthodologie innovante développée par les organismes assureurs belges a permis une première analyse de la prévalence ainsi que des coûts des soins et de la consommation de soins des patients atteints de maladies rares par rapport au coût moyen des soins et à la consommation de soins de leurs affiliés (27).

4.11.

L’analyse a confirmé une consommation de soins plus élevée que la moyenne (fréquence accrue des hospitalisations classiques et de jour, ainsi que des consultations de médecins généralistes et spécialisés), ce qui peut s’expliquer par les besoins en soins plus complexes. Elle confirme également que les coûts à charge du système d’assurance maladie obligatoire sont dix fois supérieurs à la moyenne par affilié, avec une contribution directe annuelle pour l’affilié trois fois supérieure à la moyenne. Les médicaments représentent la majeure partie des dépenses, en moyenne la moitié. Il est probable que les coûts réels sont beaucoup plus élevés puisque l’étude n’a pas pris en compte la situation socio-économique de la famille ou les autres coûts non remboursés tels que les soins psychologiques ou paramédicaux, les assurances complémentaires ou encore les frais directs non remboursés. L’analyse démontre l’importance de systèmes d’assurance maladie solidaires qui soient performants et interviennent pour protéger les patients atteints de maladies rares. Lorsqu’un patient atteint d’une maladie rare refuse de se faire soigner ou n’a pas accès à un traitement pour des raisons financières, il en résulte une incidence sur sa santé et par la suite sur sa qualité de vie, ainsi qu’un risque financier d’augmentation des coûts à long terme.

4.12.

La révision de la législation de l’Union sur les médicaments orphelins et à usage pédiatrique (médicaments destinés aux personnes atteintes de maladies rares et aux enfants) requiert une approche ambitieuse en vue de garantir que les médicaments et traitements orphelins soient abordables pour les systèmes de santé des États membres comme pour les patients. À l’heure actuelle, l’accessibilité financière constitue un obstacle pour de nombreux patients atteints de maladies rares. Différentes formes de coopération européenne et des modèles d’achat groupé de médicaments par plusieurs pays — tels que Beneluxa (28) ou l’achat groupé de vaccins pendant la pandémie de COVID-19 — ont amélioré l’accès aux traitements grâce à une approche européenne commune, transparente, durable et bénéfique. Le débat sur la tarification juste et la transparence des coûts de R&D pour les médicaments est étayé par la proposition de calculateur de juste tarification des médicaments et par le modèle de l’AIM pour calculer la juste tarification des médicaments nouveaux ou existants (sans concurrence générique) et la comparer au prix payé ou en cours de négociation (29).

4.13.

Lorsque aucun remboursement normal n’est possible, diverses dispositions sont prévues dans les différents États membres pour permettre aux patients atteints de maladies rares d’accéder aux médicaments orphelins, notamment des programmes d’usage compassionnel, des dispositions relatives à l’utilisation de médicaments hors indications ainsi que, par exemple, des interventions du Fonds spécial de solidarité (30). Les fonds de solidarité peuvent constituer un complément utile lorsque l’assurance maladie obligatoire ne couvre pas les coûts des traitements de maladies complexes ou rares ou des soins transfrontières, ce qui est certainement le cas lorsqu’il n’existe pas de centres de référence reconnus dans l’Union. Malgré l’incidence budgétaire du traitement des maladies rares, les réflexions sur des conventions européennes relatives aux soins dans les RER ou sur la possibilité pour les patients atteints de maladies rares d’accéder à des soins dans un centre de référence d’un autre État membre n’ont pas abouti.

4.14.

L’HERA a été créée en réaction à la pandémie de COVID-19 et constitue un pilier essentiel de l’union européenne de la santé. Elle vise à prévenir et détecter les urgences sanitaires et à y réagir rapidement, ainsi qu’à anticiper les menaces et les crises sanitaires potentielles, en collectant des renseignements et en renforçant les capacités de réaction nécessaires. Sa mission peut être étendue au-delà des maladies transmissibles et son mandat lui permet de faire face à d’autres menaces sanitaires. La structure de gouvernance actuelle de l’union européenne de la santé ne prévoit pas encore de soutien institutionnalisé en matière de préparation et de réaction aux problèmes liés aux maladies rares auxquels les États membres pourraient être confrontés. L’HERA peut servir de modèle à une nouvelle autorité pour les maladies non transmissibles, qui favoriserait la coordination et la solidarité dans le domaine des maladies rares.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 218 du 11.9.2009, p. 91.

(2)  Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (2006), Convention relative aux droits des personnes handicapées.

(3)  Commission européenne (2019), Maladies rares.

(4)  Orphanet (2021), Orphanet en chiffres: 6 172 maladies, https://www.orpha.net/consor/cgi-bin/index.php; Nguengang Wakap, S., Lambert, D. M., Olry, A., Rodwell, C., Gueydan, C., Lanneau, V., Murphy, D., Le Cam, Y., Rath, A., «Estimating cumulative point prevalence of rare diseases: analysis of the Orphanet database», European Journal of human genetics, 2020 Feb; 28(2):165-173. doi: 10.1038/s41431-019-0508-0. Epub 2019 Sep 16. PMID: 31527858; PMCID: PMC6974615.

(5)  Eurocarers (décembre 2021), The gender dimension of informal care.

(6)  JO C 256 du 27.10.2007, p. 123.

(7)  Eurordis (2013), Rare disease impact report: insights from patients and the medical community. Ce rapport aborde en détail l’incertitude diagnostique concernant les maladies à faible prévalence aux États-Unis et au Royaume-Uni.

(8)  Fondation Roi Baudouin (2014), Zoom — Une nouvelle approche pour les maladies rares.

(9)  Kole, A., Hedley, V., et al. (2021), Recommendations from the Rare 2030 Foresight Study: The future of rare diseases starts today. Available, accessible and affordable treatments — what do people living with a rare disease think?, p. 119.

(10)  Organisation mondiale de la santé (2022), Qualité des soins.

(11)  Loridan, J., Noirhomme, C. (2020), Analyse de terrain des trajets existants des patients atteints de maladies rares dans l’EMR.

(12)  Règlement (CE) no 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins (JO L 18 du 22.1.2000, p. 1); recommandation du Conseil du 8 juin 2009 relative à une action dans le domaine des maladies rares (JO C 151 du 3.7.2009, p. 7); directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (JO L 88 du 4.4.2011, p. 45).

(13)  Cour des comptes européenne (2019), Rapport spécial — Actions de l’UE dans le domaine des soins de santé transfrontaliers: de grandes ambitions, mais une meilleure gestion s’impose.

(14)  Parlement européen (10 juillet 2020), Stratégie de santé publique de l’Union européenne après la COVID-19 — Résolution du Parlement européen du 10 juillet 2020 sur la stratégie de santé publique de l’Union européenne après la COVID-19 [2020/2691(RSP)] (JO C 371 du 15.9.2021, p. 102).

(15)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux [COM(2021) 102 final].

(16)  Association internationale de la mutualité — AIM (2022), AIM’s Views on the EU Care Strategy.

(17)  Nations unies (5 janvier 2022), Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 16 décembre 2021 — Relever les défis auxquels font face les personnes atteintes d’une maladie rare et leur famille, A/RES/76/132.

(18)  Conseil «Emploi, politique sociale, santé et consommateurs» (Santé) (29 mars 2022), Principaux résultats — La réponse européenne aux maladies rares.

(19)  Conférence sur l’avenir de l’Europe, Rapport sur les résultats finaux, mai 2022.

(20)  Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Plan européen pour vaincre le cancer [COM(2021) 44 final].

(21)  JO C 218 du 11.9.2009, p. 91.

(22)  Document de travail des services de la Commission accompagnant le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement de la directive 2011/24/UE relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers [SWD(2022) 200 final], Réseaux européens de référence, p. 29-36 (en anglais).

(23)  INNOVCare (2018), Bridging the gaps between health, social and local services to improve care of people living with rare and complex conditions; EMRaDi (2020), Les maladies rares ne s’arrêtent pas aux frontières; RARE 2030 (2021), Foresight in Rare Disease Policy.

(24)  Kole, A., Hedley, V., et al. (2021), Recommandations de l’étude Rare 2030 Foresight Study: The future of rare diseases starts today.

(25)  EMRaDi (2020), Rapport final du projet EMRaDi.

(26)  Projet EMRaDi (2019), Fiche d’information EMRaDi — Comment rendre l’action de l’UE pour les maladies rares mieux adaptée aux besoins des patients et de leurs proches? Des avancées locales et transfrontalières aux solutions européennes.

(27)  Noirhomme, C. (décembre 2020), «Analyse de la consommation et des dépenses de soins des personnes atteintes de maladies rares», MC informations 282, p. 20-29.

(28)  Initiative Beneluxa en matière de politique pharmaceutique.

(29)  AIM — Calculateur européen de juste tarification des médicaments; L’AIM propose un outil pour calculer des tarifs européens justes et transparents pour des innovations pharmaceutiques accessibles.

(30)  Université de Maastricht (2020), Rapport sur l’analyse des mécanismes juridiques, financiers et de remboursement des maladies rares pour les coûts de traitement des patients atteints d’une maladie rare dans l’EMR, point 3.2 «Médicaments orphelins», p. 48-50.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/75


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle des membres de la famille qui s’occupent de personnes handicapées et de personnes âgées: l’explosion du phénomène pendant la pandémie»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/11)

Rapporteur:

Pietro Vittorio BARBIERI

Décision de l’assemblée plénière

24.2.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

29.9.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

170/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se dit préoccupé par la situation et les conditions de vie des personnes qui prennent en charge, au long cours, des proches qui sont handicapés ou souffrent de maladies chroniques ou dégénératives, dont les troubles cognitifs et les pathologies cancéreuses.

1.2.

Le CESE relève que ces situations ont pris un tour encore plus prégnant durant la pandémie de COVID-19, de sorte que l’on ne peut plus s’abstenir d’envisager, en la matière, des interventions structurelles, au titre des politiques et des services d’ordre social.

1.3.

Concernant le rôle et la situation des personnes qui, au sein d’une famille, prennent en charge sur une longue durée des proches atteints d’un handicap ou de maladies chroniques ou dégénératives, dont les troubles cognitifs et les pathologies cancéreuses, le CESE insiste sur la nécessité d’en dégager une définition commune, qui en décrirait notamment les particularités propres et les différents degrés d’intervention et mettrait en valeur la mission que ces aidants assument, y compris sous l’angle des services rendus à la société, dans l’objectif d’optimiser les politiques sociales et d’adapter au mieux les aides nécessaires.

1.4.

Le CESE fait observer qu’il est nécessaire de mieux cerner le phénomène, en réalisant des études et des investigations plus approfondies, de type sociologique et statistique, qui se pencheront sur les incidences que la prise en charge de proches sur une longue durée produit pour les aidants concernés, qu’ils exercent ou non une activité professionnelle en parallèle.

1.5.

Le CESE considère que la gestion du phénomène de la prise en charge intrafamiliale doit être encadrée par une action menée de manière conjointe entre les politiques publiques, les employeurs, au moyen du dialogue social, et, enfin, les aidants familiaux eux-mêmes et les organisations qui les représentent, en garantissant qu’ils soient associés à l’ensemble de la démarche, du stade de l’élaboration de l’action publique à celui de sa mise en œuvre.

1.6.

Le CESE souligne qu’il importe que les citoyens qui prodiguent des soins de longue durée à leurs proches bénéficient de services de protection sanitaire, qui prévoient de l’aide en matière de soins de santé préventifs et des visites médicales spécialisées régulières, ainsi qu’une formation adéquate sur la manière de prendre soin de leur propre santé.

1.7.

Le CESE conseille d’organiser des enquêtes spécifiques dans les systèmes nationaux de retraite visant à recueillir des éléments permettant de moduler et de configurer le droit à des formules de rémunération qui remplacent le salaire classique en faveur des personnes qui sont contraintes de renoncer à travailler afin de prendre soin pendant une longue période d’un proche atteint de pathologies chroniques et dégénératives, ou d’un handicap.

1.8.

Le CESE, constate que des disparités subsistent entre les hommes et les femmes dans cette prise en charge intrafamiliale et, dans la ligne de son avis sur la «Stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes» (1), appelle à lancer des initiatives visant à lutter contre ces inégalités, y compris en renforçant la mise en œuvre des dispositions que prévoit déjà la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil (2).

1.9.

Le CESE, qui note que la prise de conscience concernant les conditions de vie des intéressés n’atteint encore qu’un degré limité, souhaite la création d’une Journée européenne des personnes assumant la prise en charge de proches sur une longue durée, qui aura vocation à renforcer la sensibilisation à ces situations et à encourager l’adoption de politiques et de mesures de soutien appropriées en la matière.

1.10.

Le CESE tient à mettre en évidence l’enjeu d’offrir des services et des mesures de soutien en matière de logement, des prestations à domicile, mettant particulièrement l’accent sur les besoins en matière de santé et de soins infirmiers, ainsi que des dispositifs d’aide psychologique, tant pour l’aidant et son entourage familial que pour la personne handicapée.

1.11.

Le CESE souligne qu’il importe d’encourager et assurer des services d’urgence pour parer aux imprévus empêchant les aidants de fournir des soins pendant une longue durée ou de manière temporaire, et des services adaptés pour les soulager en limitant les effets d’une surcharge excessive et prolongée. Il convient également de prévoir des facilités et des procédures simplifiées afin de réduire les formalités administratives imposées aux aidants.

1.12.

Le CESE juge primordial de prévoir des services et des aides qui permettent aux personnes handicapées d’être en mesure de se lancer dans des démarches d’autonomie personnelle en dehors de leur famille d’origine, notamment sous la forme de processus menant à cette indépendance individuelle, d’un choix d’autres solutions de logement et de trajectoires de vie autonome, politiques ayant inévitablement des effets positifs également sur la charge que représentent les soins pour l’entourage familial, qui serait autrement contraint de les leur apporter pendant une longue durée.

1.13.

Le CESE prône l’adoption par les États membres de mesures qui préviennent, y compris par des transferts pécuniaires, le risque d’appauvrissement dont les aidants sont susceptibles d’être victimes — en dépit de politiques, de services et de soutiens spécifiques visant à lutter contre ce phénomène — s’ils sont contraints de renoncer totalement ou partiellement à une activité professionnelle rémunérée afin de s’occuper d’un proche pendant une longue durée.

1.14.

Le CESE invite à encourager, dans les politiques des États membres, une offre adéquate, en qualité comme en volume, de personnels qui se consacrent à la prise en charge de longue durée.

1.15.

Le CESE préconise de dispenser un encouragement et un soutien aux intervenants issus des rangs des employeurs qui cultivent, à l’intention des travailleurs assumant des activités de prise en charge permanente de proches, diverses formes de flexibilité du travail et de mesures sociales au sein de l’entreprise qui vont au-delà de celles déjà prévues dans les réglementations nationales.

2.   Description du phénomène

2.1.

Dans ses statistiques sur la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale qui ont été publiées en 2018 (3), Eurostat a relevé que plus de 300 millions de résidents de l’Union appartenaient à la tranche d’âge des 18 à 64 ans et que par ailleurs, un tiers des personnes ressortissant à cette catégorie exerçaient des responsabilités de prise en charge familiale. En chiffres absolus, il en résulte qu’environ 100 millions de personnes s’occupaient alors d’enfants âgés de moins de 15 ans ou de membres de leur famille de plus de 15 ans en état de perte d’autonomie, car malades, âgés ou handicapés. À leur différence, quelque 200 millions d’habitants de l’Union n’avaient aucune responsabilité à assumer en matière de prise en charge. Parmi ceux ressortissant à la première catégorie, une majorité (74 %) veillait sur des enfants âgés de moins de 15 ans vivant dans le même ménage. Les 26 % restants se décomposaient en 3 % prenant en charge des enfants vivant en dehors du ménage, 7 % plusieurs enfants vivant à l’intérieur et à l’extérieur du ménage, 4 % des enfants et des parents en état de perte d’autonomie tout à la fois, et les derniers 12 %, uniquement des parents en état de perte d’autonomie.

2.2.

En 2018, parmi les résidents de l’Union âgés de 18 à 64 ans, un sur trois assumait des responsabilités de prise en charge, soit 34,4 % de cette tranche d’âge, tandis que 65,6 % n’en exerçaient aucune. Les 34,4 % du premier groupe se répartissent en personnes qui, respectivement, s’occupent uniquement d’enfants de moins de 15 ans, à raison de 28,9 % de parents en état de perte d’autonomie âgés de 15 ans et plus, pour 4,1 %; et de personnes ressortissant à l’une et l’autre de ces catégories, pour moins de 2 %.

2.3.

La majorité des personnes prenant en charge des proches en état de perte d’autonomie étaient des femmes, à hauteur de 63 %, contre 37 % d’hommes. Ces aidants appartenaient eux-mêmes majoritairement aux segments plus âgés de la population, 48,5 % d’entre eux ayant entre 55 et 64 ans, et 35 % entre 45 et 54 ans. Seuls 5,5 % d’entre eux se rattachaient à la tranche d’âge des 18 à 44 ans.

2.4.

À l’échelle de l’EU-28, soit l’ensemble des 27 États membres actuels plus le Royaume-Uni avant sa sortie de l’Union, il existait entre les hommes et les femmes un différentiel de 3,3 points de pourcentage, à raison de 2,5 % pour les premiers contre 5,9 % pour les secondes, parmi les personnes déclarant avoir réduit leur temps de travail ou suspendu leur activité pendant plus d’un mois dans leur emploi actuel ou antérieur afin de prendre en charge des proches malades, âgés ou handicapés. L’écart le plus important était observé en Bulgarie, avec 6,8 points de pourcentage, et le plus faible à Chypre, où il n’atteignait que 1,1 point de pourcentage, mais dans tous les cas, les femmes procédaient plus souvent que les hommes à de tels changements dans leur vie professionnelle, selon les données d’Eurostat de 2018.

2.5.

En 2018 et toujours à l’échelle de l’Union européenne à 28 États membres, 29,4 % des salariés interrogés déclaraient qu’il leur était généralement possible de bénéficier d’horaires de travail flexibles, ou adaptés, et d’utiliser des journées entières de congé pour s’occuper de leurs proches. Des différences étaient toutefois observées en la matière entre États membres de l’Union. C’est la Slovénie qui affichait le taux le plus élevé de salariés ayant la possibilité de bénéficier tout à la fois d’horaires flexibles et de congés pour prise en charge (60,4 %), suivie par la Finlande (57,1 %) et le Danemark (55,1 %), tandis que les pourcentages les plus faibles étaient enregistrés en Hongrie (7,5 %), en Pologne (7,3 %) et à Chypre (3,8 %). Par ailleurs, un salarié sur quatre (25,2 %) déclarait n’avoir la possibilité ni d’adopter des horaires flexibles, ni de prendre des journées entières de congé pour s’occuper de proches. Comme pour le premier groupe, à savoir celui des personnes bénéficiant de cette possibilité, les pourcentages variaient d’un État membre à l’autre, dans une fourchette allant de 6,9 % des répondants en Lettonie et 7,7 % en Slovénie à 58,6 % en Pologne et à 58,7 % à Chypre, suivant les données Eurostat de 2018.

2.6.

Pour ce qui est des effets de ces situations sur la santé, Elizabeth Blackburn, Carol Greider et Jack Szostak ont reçu le prix Nobel de médecine en 2009 pour avoir découvert et démontré l’impact biologique que le stress typique des aidants produit sur le long terme: ils ont ainsi établi que les mères d’enfants présentant des besoins spécifiques qui les prennent en charge sur une longue durée présentent un raccourcissement de leurs télomères qui réduit leur espérance de vie d’une durée comprise entre neuf et dix-sept ans. Les travaux scientifiques réalisés à travers le monde corroborent largement ces constats concernant les effets qui résultent de cette pression persistante.

2.7.

Lors de l’audition tenue le 4 juillet 2022 au Comité, la Commission européenne a précisé que la prise en charge informelle revêt une ampleur représentant quelque 33 à 39 milliards d’heures, soit entre 2,4 et 2,7 % du PIB de l’Union. Le cadre financier pluriannuel, c’est-à-dire le montant des investissements de l’Union dans des projets d’avenir innovants, se monte à environ 1,02 % de ce même PIB et équivaut à moins de la moitié du pourcentage concerné.

2.8.

Les parcours biographiques des aidants familiaux, recueillis par des organisations non gouvernementales de personnes handicapées, font état de lourdes contraintes et de fortes restrictions en ce qui concerne leurs possibilités d’entretenir des relations sociales, tout comme de conserver une activité culturelle ou sportive, dès lors que les tâches liées à la prise en charge d’un proche sont souvent imprévisibles et qu’il n’existe pas de solutions de rechange à l’assistance ainsi prodiguée, d’autant que cette situation est très souvent aggravée par l’absence de temps ou d’espaces de répit.

2.9.

Dans la prise en charge au long cours de proches handicapés ou souffrant de maladies chroniques et dégénératives, les études statistiques et les témoignages biographiques font clairement ressortir qu’il existe dans ce domaine une inégalité entre les hommes et les femmes, qui a pour effet que ce sont elles avant tout qui ont à supporter la surcharge de travail. Les conséquences les plus significatives qu’elles ont à supporter consistent à renoncer à une activité professionnelle, voir leur progression de carrière entravée, être contraintes de passer à un régime de travail à temps partiel et, plus généralement, subir un appauvrissement, matériel et immatériel.

2.10.

Au sein de l’Union européenne, 25 % des femmes, contre 3 % des hommes, affirment ne pouvoir accéder au travail rémunéré ou n’avoir que la possibilité de travailler à temps partiel, à leur corps défendant, à cause des tâches de prise en charge qu’elles doivent assumer pour leurs proches, enfants, seniors ou malades (4).

2.11.

Bien souvent, les personnes qui renoncent à travailler ne versent pas les cotisations de sécurité sociale grâce auxquelles elles pourraient bénéficier ultérieurement de prestations de retraite, et elles sont ainsi vouées à entrer dans le circuit de l’assistance ou de l’aide contre la pauvreté.

2.12.

Du fait des pressions et restrictions qui, selon des modalités certes variables d’un pays de l’Union européenne à l’autre, s’exercent sur les services d’aide à la personne et aux familles, la surcharge est encore plus lourde pour les particuliers qui prennent en charge sur une longue durée des proches handicapés ou souffrant de maladies chroniques et dégénératives, y compris le cancer.

2.13.

Étant donné que ces aidants n’effectuent pas leurs tâches dans le cadre d’une relation de travail, ils ne bénéficient pas de mesures bien établies et consolidées de protection de la santé telles qu’elles ont été prévues pour les salariés.

2.14.

Les témoignages biographiques des aidants familiaux montrent qu’il est fréquent que la prise en charge d’un proche qu’ils assurent, entre autres mais non exclusivement, de manière permanente et sur une longue période, est la résultante d’un choix obligé ou forcé qui est dû aux carences des services d’assistance et auquel contribue par ailleurs une volonté de ne pas placer le proche dans un établissement institutionnel; même lorsque les prestations afférentes sont de bon niveau, il reste en tout état de cause une quantité plus ou moins importante de charges d’assistance à assumer.

2.15.

Dès lors que l’absence de solutions de rechange, soutiens et appuis les placent dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur famille d’origine, les personnes handicapées se trouvent fréquemment dans l’impossibilité de s’engager dans des parcours de vie autonome et indépendante.

2.16.

Dans son enquête «Vivre, travailler et COVID-19» (5), la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail a observé, durant la pandémie, une augmentation de l’emploi dans les services de prise en charge à domicile, tant formels qu’informels, et une diminution du recours aux prestations en établissements résidentiels.

2.17.

En ce qui concerne les dépenses de protection sociale des pays de l’Union européenne, la tendance qui domine largement et prend un tour stratégique consiste à les concentrer sur le placement dans des établissements d’hébergement institutionnels, bien que les personnes concernées risquent d’y être isolées, plutôt que de développer des politiques qui les aident à se loger et à vivre de manière autonome, entrant ainsi en contradiction avec les principes et orientations de la stratégie de l’Union en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030, dans laquelle la Commission européenne a invité les États membres à mettre en œuvre de bonnes pratiques en matière de «désinstitutionnalisation» dans le domaine de la santé mentale et à l’égard de toutes les personnes handicapées, y compris les enfants, afin de renforcer la transition qui, des soins dispensés en établissements, s’opère en faveur des services de soutien de proximité.

2.18.

Le phénomène de surmenage des aidants concerne la prise en charge de personnes correspondant à des profils variés, dont les spécificités conditionnent l’intensité, la durée et le type de l’assistance qui leur est fournie, son éventuelle intensification et, par conséquent, la surcharge induite, selon qu’elles souffrent de déficiences psychologiques, de handicaps mentaux graves, de démence sénile ou de maladies chroniques, dégénératives ou cancéreuses, l’aidant familial devant même assumer, dans bien des cas, la composante strictement sanitaire de la prise en charge.

2.19.

L’on constate la persistance, certes avec de grandes disparités, de nombreux stéréotypes associés à l’assistance assurée par les proches, par exemple quand d’aucuns allèguent que les situations concernées résultent d’une fatalité inéluctable ou, à l’inverse, procèdent d’un simple choix, d’ordre affectif et tout à fait délibéré, posé par les aidants familiaux eux-mêmes. Que des personnes handicapées n’aient d’autre option que de dépendre de l’assistance de leurs proches a pour effet que, dans certaines situations spécifiques, elles se heurteront, pour accéder à des filières d’autonomie personnelle ou de vie indépendante, à des difficultés qui compromettront ou réduiront les pistes ou possibilités dont elles disposent pour réaliser un parcours existentiel qui leur soit propre.

2.20.

Même si des différences considérables existent en la matière, en fonction de la qualité des services de soutien, la gestion des urgences, à l’exemple de la maladie de l’aidant, des situations particulièrement critiques, des besoins urgents en matière de logement, ou encore des conflits et de l’anxiété incontrôlée, constitue un facteur particulièrement important, tant dans les cas de figure exceptionnels que sous l’angle du stress ou de l’anxiété dont elles s’accompagnent.

2.21.

Dans des situations où la pression s’intensifie et en l’absence de solutions de remplacement à la prise en charge directe par des proches, la perspective de se retrouver selon tout vraisemblance privé de son aidant, parce qu’il aura perdu son autonomie personnelle, sera atteint de pathologies dégénératives ou affecté par l’âge, ou sera décédé, représente un facteur angoissant aussi profond que fondé, et cette crainte est encore plus forte lorsqu’il n’existe aucune autre possibilité viable d’assistance. Lorsqu’elle incombe exclusivement à la famille, la prise en charge intrafamilale tend, en particulier dans les cas les plus aigus, à maintenir le foyer tout entier dans une espèce de confinement, qui aura forcément des conséquences, parfois même sur un plan pathologique.

2.22.

La législation de l’Union européenne ne comporte aucune reconnaissance uniforme du rôle des personnes qui s’occupent de proches souffrant de maladies chroniques et dégénératives, ou encore handicapés, y compris pour ce qui est de mieux les valoriser dans les relations qu’elles entretiennent avec les services, mais aussi sous l’angle des risques et besoins inhérents à l’activité qu’elles déploient.

2.23.

Même si l’on ne dispose pas d’études pour l’établir et pour en cerner tous les aspects de manière assurée et signaler de bonnes pratiques qui s’y rapportent, il semble bien qu’une corrélation existe entre, d’une part, les situations de forte exposition à l’exclusion, aux risques et aux préjudices et, d’autre part, la qualité et le volume des services qui sont fournis à la famille d’une personne handicapée et à l’intéressé lui-même, ainsi qu’afin de lui assurer une existence en autonomie et des prestations à domicile, notamment en matière de soins de santé et de réadaptation.

2.24.

La directive (UE) 2019/1158 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants a certes proposé une série de mesures visant à compenser les inégalités de genre dans l’assistance dispensée par des proches et à mieux concilier les plages de prise en charge et de travail professionnel, mais, en dehors de l’analyse de l’impact effectif dans les États membres, elle ne prend pas en considération les aidants familiaux qui ne travaillent pas par ailleurs, qui ont cessé leur activité ou qui sont à la retraite.

2.25.

Dans bien des contextes, le soutien aux citoyens qui, pour une longue durée, prennent en charge des proches handicapés ou souffrant de maladies chroniques ou dégénératives est fourni par des organisations à but non lucratif rassemblant ces aidants familiaux eux-mêmes, comme l’a montré l’audition organisée le 16 septembre 2021 par le groupe d’étude thématique du Comité économique et social sur les droits des personnes handicapées.

2.26.

Selon les données de l’enquête 2019 sur les forces de travail dans l’Union européenne (LFS), on recense approximativement 6,3 millions de personnes travaillant dans le secteur de l’assistance à long terme, soit 3,2 % de l’ensemble de la main-d’œuvre de l’Union. De fortes disparités existent entre les États membres, et il est probable que les taux très faibles relevés dans certains pays, en l’occurrence la Grèce, Chypre, la Roumanie, la Pologne, la Bulgarie, l’Estonie, la Lituanie, la Croatie, l’Italie et la Hongrie, où ils atteignent tout au plus 1,8 %, indiquent que l’on se repose dans ces pays sur une prise en charge informelle, de nature intrafamiliale, ainsi que sur le recours à des aidants à domicile, qui sont embauchés par les familles et ne sont pas repris dans le champ de ces statistiques.

2.27.

Une étude publiée en 2020 par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail a montré que dans le secteur de la prise en charge de longue durée et autres services sociaux, les rémunérations sont inférieures de 21 % à la moyenne et a préconisé, pour remédier au problème ainsi mis en évidence, d’encourager la négociation collective dans ce domaine (6).

3.   Mettre en place une politique en faveur des aidants

3.1.

Concernant le rôle et la situation des personnes qui, au sein d’une famille, prennent en charge sur une longue durée des proches atteints d’un handicap ou de maladies chroniques ou dégénératives, y compris les troubles cognitifs et les pathologies cancéreuses, il s’impose d’en dégager une définition commune, qui en décrirait notamment les particularités propres et les différents degrés d’intervention et serait utile pour faire reconnaître tant le statut de ces aidants que les politiques en la matière et les services de prise en charge dans les pays de l’Union.

3.2.

Dans le cadre d’une révision globale des politiques de protection sociale, il apparaît nécessaire et opportun de valoriser et de garantir la participation des citoyens, qu’ils soient les acteurs ou les bénéficiaires de cette prise en charge, à la co-programmation des services qui les concernent et, dans une phase encore plus en amont, à la définition stratégique des politiques afférentes.

3.3.

Afin de cerner les contours de ce phénomène, il apparaît indispensable de réaliser une étude sur la situation et les conditions de vie des personnes qui prennent en charge, au long cours, des proches qui sont handicapés ou souffrent de maladies chroniques ou dégénératives, dont les troubles cognitifs et les pathologies cancéreuses.

3.4.

Si l’on entend disposer d’informations correctes pour élaborer les politiques en la matière, il serait souhaitable qu’Eurostat mette à jour son enquête de 2018 intitulée Reconciliation of work and family life («Conciliation du travail et de la vie familiale») et étudie plus avant les incidences que la prise en charge de proches sur une longue durée produit pour les aidants concernés, qu’ils exercent ou non une activité professionnelle en parallèle.

3.5.

Les citoyens qui prennent en charge des proches sur une longue durée devraient bénéficier en matière de santé d’une protection adéquate, équivalente autant que possible à celle accordée aux travailleurs salariés et aux indépendants, comprenant également des mesures préventives à l’égard des accidents survenant dans le cadre de la prise en charge d’un proche et des maladies résultant d’une telle prise en charge.

3.6.

Il serait souhaitable d’engager des études économiques, juridiques et d’impact approfondies en vue de définir des critères communs, équitables et durables pour la reconnaissance de la pénibilité lorsque des aidants assument simultanément une activité professionnelle classique et la prise en charge de proches sur une longue durée.

3.7.

Il serait opportun d’engager des études économiques, juridiques et d’impact approfondies en vue de prévoir des mesures économiques de soutien aux personnes qui renoncent à travailler afin de prendre soin d’un proche âgé, atteint de maladies chroniques ou dégénératives ou d’un handicap.

3.8.

Dans le droit fil de l’avis sur la «Stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes» (7), il y a lieu de prendre des mesures pour lutter contre l’inégalité entre les hommes et les femmes dans le domaine de la prise en charge de proches sur une longue durée, notamment en renforçant la mise en œuvre des orientations déjà formulées dans la directive (UE) 2019/1158.

3.9.

Le succès et l’efficacité des politiques et services en faveur des personnes qui prennent en charge des membres de leur famille sur une longue période sont en corrélation étroite avec les actions et soutiens déployés à l’intention des personnes handicapées qui ont le désir ou la capacité de se lancer dans des parcours grâce auxquels ils puissent vivre de manière autonome en dehors de leur famille d’origine, même s’ils sont tributaires, pour ce faire, d’une assistance.

3.10.

Il apparaît toutefois que, pour l’instant, la connaissance et la prise de conscience de cette réalité est parcellaire et incomplète et se limite à une poignée d’observateurs et d’acteurs de la vie sociale, de sorte qu’il convient de compenser ce déficit de conscientisation en lançant des initiatives spécifiques, visant à renforcer et encourager des politiques et mesures de soutien appropriées. Le CESE appelle de ses vœux l’instauration d’une Journée européenne des personnes assumant la prise en charge de proches sur une longue durée.

3.11.

Le CESE exhorte l’Union européenne à coopérer étroitement avec les États membres afin que les personnes qui prêtent une assistance de longue durée à des proches, tout comme les membres de leurs foyers, bénéficient de meilleures conditions de vie et que, dans les faits, ce ne soit pas sous la contrainte qu’elles assument cette charge. À cette fin, il convient d’adopter des mesures spécifiques visant:

à reconnaître et valoriser le rôle des intéressés, y compris dans le domaine des services rendus à la collectivité,

à garantir des prestations et des aides au logement afin d’éviter les phénomènes d’isolement, de marginalisation et de surmenage physique et psychologique,

à renforcer les services fournis à domicile, en accordant une attention particulière aux besoins en matière de santé et de soins infirmiers,

à mettre à disposition des services de soutien psychologique à l’aidant intrafamilial et à sa famille,

à prévoir des dispositifs de facilitation et des parcours simplifiés pour l’exécution des démarches de nature bureaucratique,

à assurer des services d’urgence face aux événements inattendus ou à l’impossibilité d’assurer la prise en charge,

à garantir des mécanismes de soulagement qui atténuent les phénomènes de surmenage résultant de la charge physique et psychologique excessive et prolongée qui pèse sur les proches aidants,

à parer, y compris par des transferts pécuniaires, au risque d’appauvrissement qui touche les aidants ayant dû renoncer à une activité rémunérée ou en réduire la durée, ainsi que, plus généralement, leur noyau familial,

à inciter les États membres à mener des politiques qui mettent en place une offre adéquate, en qualité comme en volume, de personnels qui se consacrent à la prise en charge de longue durée,

à favoriser autant que faire se peut, à l’intention des personnes handicapées, des processus qui mènent à une autonomie individuelle, un choix d’autres solutions de logement et des trajectoires de vie autonome,

à réaliser, au bénéfice des personnes qui prennent en charge des membres de leur famille, des interventions qui reposent sur une action menée de manière conjointe entre, d’une part, les politiques publiques, s’agissant par exemple de reconnaître et renforcer le rôle des aidants familiaux, d’assurer la disponibilité et la fiabilité de prestations, de veiller à la santé des prestataires d’assistance ou encore de promouvoir à leur égard des démarches de résistance, de protection sociale et des régimes d’indemnisation, et, d’autre part, les employeurs, par le truchement du dialogue social, et, enfin, les aidants familiaux eux-mêmes et les organisations qui les représentent, en garantissant qu’ils soient associés à l’ensemble de la démarche, du stade de l’élaboration de l’action publique à celui de sa mise en œuvre.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 77.

(2)  Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil (JO L 188 du 12.7.2019, p. 79).

(3)  Reconciliation of work and family life («Conciliation du travail et de la vie familiale»), Eurostat, 2018.

(4)  JO C 194 du 12.5.2022, p. 19, paragraphe 3.8.

(5)  https://www.eurofound.europa.eu/fr/publications/report/2020/living-working-and-covid-19

(6)  Eurofound (2020), Long-term care workforce: Employment and working conditions («La main-d’œuvre du secteur des soins de longue durée: conditions d’emploi et de travail»).

(7)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 77.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/82


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Pôles d’innovation numérique et PME»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/12)

Rapporteur:

Giuseppe GUERINI

Corapporteur:

Nicos EPISTITHIOU

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

13.9.2022

Date de l’adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

136/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est fermement convaincu que l’économie européenne peut tirer parti des transitions numérique et écologique pour devenir plus compétitive, durable, résiliente et autonome.

1.2.

Pour atteindre ces objectifs, l’Union européenne doit améliorer ses capacités de R&D et d’innovation et accroître la diffusion des technologies auprès de la population, des administrations publiques et des entreprises.

1.3.

Le Comité estime que les investissements de l’Union en matière de R&D devraient être portés à 3 % du PIB dans les meilleurs délais. L’Union doit développer des compétences distinctes dans le domaine des technologies numériques de nouvelle génération et veiller à ce qu’elles fassent partie intégrante des modèles économiques des entreprises de l’Union.

1.4.

La double transition ouvre de nombreuses possibilités de renforcer la compétitivité des PME, mais elle peut également constituer une menace. Pour éviter les risques liés à ce contexte, il importe d’accompagner les PME européennes dans ces transitions grâce à une panoplie de politiques et d’instruments.

1.5.

Si certaines PME peuvent faire preuve d’une très grande capacité d’innovation, les PME traditionnelles éprouvent des difficultés à mener la double transition en raison de limites financières et organisationnelles, ainsi que par manque de compétences.

1.6.

Il y a lieu d’améliorer de manière radicale l’accès des PME au financement de l’innovation dans tous les États membres, notamment par le recours au financement sur fonds propres et à des incitations fiscales liées aux technologies et aux compétences numériques.

1.7.

Les pôles d’innovation numérique (PIN) fonctionnent comme des guichets uniques qui fournissent des analyses et des solutions pour aider les entreprises à mener à bien cette double transition. Le CESE estime que les entreprises de l’Union, même celles relevant de l’économie sociale, devraient être plus nombreuses à participer aux activités des PIN et que les résultats de ces activités devraient être mieux diffusés, en particulier auprès des PME.

1.8.

Les PIN peuvent servir de plateformes pour tester des solutions technologiques avant d’investir («test before invest»), échanger de bonnes pratiques et développer des compétences numériques. Ils peuvent également jouer un rôle majeur dans l’exploitation du potentiel des technologies numériques en faveur de la durabilité.

1.9.

Le Comité estime qu’il manque une vision claire sur le développement futur des PIN, en particulier à la lumière des nouveaux pôles européens d’innovation numérique (PEIN). Il est nécessaire d’introduire des indicateurs de performance clés qui mesurent les performances des PIN afin de faire de ces derniers les principaux centres européens pour l’innovation inclusive des PME.

1.10.

Le CESE estime que les PIN devraient faire office d’«échelons intermédiaires», conçus pour entendre les demandes des PME et sélectionner les outils et solutions adéquats pour les guider. Il est primordial de sensibiliser le public au rôle important que peuvent jouer les PIN.

1.11.

Le Comité constate que plusieurs politiques en faveur des PME ne sont pas mises en œuvre au niveau national et qu’il existe de sérieuses lacunes dans la communication au sujet de ces mécanismes destinés aux PME. L’Union et les États membres doivent s’engager conjointement à sensibiliser les acteurs concernés aux initiatives européennes et nationales existantes qui visent à aider les PME, en insistant notamment sur les avantages de l’adhésion au réseau des PIN.

1.12.

Le CESE estime qu’il convient de garantir un financement adéquat des activités des PIN; il peut aussi bien s’agir de programmes de développement des entreprises et de soutien à la recherche et à l’innovation que de financements subventionnés aux entreprises et de participations à des appels d’offres.

1.13.

Le CESE estime que les PIN devraient se consacrer principalement au soutien aux économies régionales et aux systèmes locaux de PME; il recommande en outre que soient établis une cartographie régionale des pôles existants ainsi qu’un plan d’action axé sur le développement régional et l’amélioration des taux d’inclusion et de participation. La coopération entre les grandes entreprises et les PME peut faire progresser l’innovation numérique jusqu’à des niveaux supérieurs, en tirant parti du potentiel encore inexploité de l’innovation fondée sur la chaîne d’approvisionnement.

1.14.

Le CESE constate que la répartition des PIN varie d’une région européenne à l’autre, l’Europe de l’Est et l’Europe du Sud-Est étant en retrait. La réduction des disparités entre les États membres et les régions est d’une importance capitale pour le progrès européen.

1.15.

Les PIN doivent soutenir les PME dans le perfectionnement et la reconversion de leur main-d’œuvre, y compris des entrepreneurs, notamment pour garantir l’employabilité future dans des contextes évoluant rapidement. Il convient de renforcer les systèmes éducatifs avec une attention toute particulière accordée aux sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM), en commençant par les écoles primaires. En outre, l’enseignement secondaire et supérieur technique et professionnel, de même que les universités locales, ont également un rôle important à jouer. Les compétences numériques constituent un facteur essentiel pour parvenir à une numérisation complète et attirer les jeunes talents, y compris dans les secteurs traditionnels.

1.16.

Les syndicats, les organisations de la société civile, les associations d’employeurs et les pouvoirs publics doivent collaborer à la fois pour gérer les missions et les stratégies des PIN et pour élaborer des programmes d’apprentissage tout au long de la vie et de formation professionnelle qui garantissent une employabilité continue sur des lieux de travail et avec des salaires décents, tout en protégeant les droits sociaux des travailleurs et en favorisant la participation active. Le dialogue social est essentiel dans ce processus, tout comme la nécessité de garantir l’égalité entre les hommes et les femmes.

2.   Contexte de la proposition et considérations générales

2.1.

La transformation numérique a des effets extraordinaires sur l’économie, l’environnement et la société dans son ensemble. Elle augmente la productivité des systèmes économiques, améliore les services publics et la qualité de vie des populations tout en faisant émerger de nouvelles évolutions. Les entreprises et les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, commerciales ou sociales, qui se sont engagées sur la voie de la transformation numérique ont amélioré leurs services, leurs produits et leurs processus et sont devenues plus compétitives.

2.2.

Les craintes liées aux conséquences négatives de la numérisation sur l’emploi ont également été replacées dans un contexte moins confus: les activités hautement standardisées dans les secteurs plus exposés à la concurrence présentent effectivement des risques de réaffectation des travailleurs, mais ces risques sont nettement moins élevés dans les secteurs caractérisés par une plus grande valeur ajoutée ainsi que dans l’industrie manufacturière. De manière générale, l’économie européenne peut tirer parti des transitions numérique et écologique pour devenir plus compétitive, durable, résiliente et autonome.

2.3.

La transformation numérique induit des changements fondamentaux et rapides. Par conséquent, les organisations doivent constamment s’adapter au rythme frénétique du changement, notamment en se réinventant. Véritable épine dorsale de l’économie européenne, les PME figurent parmi les organisations qui ont le plus souffert de la transformation numérique.

2.4.

Les PME traditionnelles ont tendance à concentrer leurs ressources, limitées en termes de financement, de capital humain et de structure organisationnelle, sur des activités et des pratiques consolidées. Même les PME qui font preuve d’un grand esprit d’innovation ont tendance à préférer l’innovation progressive (la «moyenne technologie») à l’innovation radicale (la «haute technologie») typique du domaine numérique. Pour leur financement, les PME ont également recours à des prêts bancaires traditionnels, dont l’obtention est parfois entravée par l’absence de garanties ou d’antécédents en matière de crédit. Il serait possible de mettre en place de meilleures possibilités de financement, en particulier en ce qui concerne le financement sur fonds propres, qui reste moins développé dans l’Union européenne qu’aux États-Unis, par exemple, où de nombreux financements sont disponibles même à des seuils où la dette ne peut être remboursée.

2.5.

La pandémie de COVID-19 a accéléré les processus de transformation numérique: des aspects essentiels de l’économie et de la société ont soudainement commencé à se dérouler de manière virtuelle, notamment le travail, le commerce, l’enseignement, la communication ou encore le divertissement. Pour survivre, les PME ont également dû se forger une présence numérique.

2.6.

La pandémie a aussi limité les flux commerciaux et perturbé les chaînes de valeur mondiales, démontrant ainsi la nécessité urgente pour l’Europe d’accéder à un niveau beaucoup plus élevé d’indépendance technologique. C’est dans cette direction qu’évoluent les stratégies de l’Union visant à mettre au point des solutions autonomes et hautement compétitives dans des technologies clés pour l’avenir. Ces changements impliquent des choix politiques qui doivent être accueillis et encouragés. Bien que des progrès aient été accomplis, une grande marge d’amélioration subsiste quant à la transformation numérique des entreprises, des pouvoirs publics et d’autres organisations.

2.7.

Le CESE estime que d’ici à 2050, la compétitivité de l’Union européenne dépendra principalement de sa capacité à produire des solutions innovantes et à les diffuser dans la société et l’économie. À cette fin, et comme le souligne la Commission européenne dans son programme pour une Europe numérique (1), l’Union doit créer un ensemble distinct de compétences dans les technologies numériques de nouvelle génération, telles que l’internet des objets, les mégadonnées, l’intelligence artificielle, la robotique, l’informatique en nuage et les chaînes de blocs, mais aussi veiller à faire de ces technologies génériques un élément permanent des modèles économiques des entreprises européennes, y compris par l’intermédiaire des activités des pôles d’innovation numérique. Dans un souci de clarté, l’appellation «PIN» utilisée dans le présent avis désigne à la fois les PIN et les PEIN.

2.8.

Les considérations relatives à la transition numérique sont également valables pour la transition écologique. Les deux phases de la transition systémique présentent de nombreux points communs et elles créent une double charge pour les PME, tout en apportant aussi, bien entendu, diverses possibilités qui doivent être soigneusement évaluées.

2.9.

La numérisation de l’industrie européenne aura une incidence directe sur la réalisation des objectifs climatiques du pacte vert et sur les objectifs de développement durable (ODD) du programme à l’horizon 2030. Toutefois, les projets numériques avancés requièrent également de grandes quantités d’énergie, et le CESE estime que les PEIN peuvent jouer un rôle majeur dans l’étude de l’incidence de la numérisation sur la transition écologique. La production durable et les modèles d’entreprise circulaires en Europe ne peuvent être réalisés qu’au moyen d’investissements importants dans les technologies émergentes.

2.10.

Ces défis exigent un développement rapide et énergique de la capacité technologique de l’Union. Le CESE fait observer que l’Union reste en retard au plan des investissements dans la recherche et le développement par rapport au PIB (2,32 % en 2020 contre 3,08 % aux États-Unis et 3,2 % au Japon) (2). Ces investissements devraient être portés à 3 % du PIB dans les meilleurs délais pour permettre à l’Union d’affronter la concurrence mondiale dans le monde de la transition numérique.

2.11.

Au niveau européen, les entreprises, et pas uniquement les PME, peinent à adopter les nouvelles technologies. Le CESE a expliqué dans plusieurs avis que, si la transformation numérique offre d’importantes possibilités pour les entreprises dans l’ensemble de l’Union, un grand nombre de ces entreprises sont toujours confrontées à des obstacles et à des incertitudes juridiques, notamment en ce qui concerne les activités transfrontières. Pour de nombreuses PME, ces incertitudes viennent s’ajouter à un accès insuffisant aux financements ou aux ressources d’investissement, ainsi qu’à la pénurie de compétences.

2.12.

C’est pourquoi il importe de mettre au point des outils qui aident les PME à combler ces lacunes et de renforcer les outils existants. Les principaux instruments à cette fin sont les pôles d’innovation numérique. Le CESE estime que les entreprises d’Europe devraient être plus nombreuses à collaborer avec les PIN et que les résultats obtenus devraient être mieux diffusés, en particulier auprès des PME.

3.   Les pôles d’innovation numérique comme infrastructures de soutien aux PME

3.1.

Les pôles d’innovation numérique sont des entités distinctes les unes des autres (sur le plan organisationnel, mais aussi en ce qui concerne la gouvernance et les services fournis) créées dans toute l’Europe pour aider les PME à traverser la transformation numérique. Les pôles d’innovation numérique (PIN) fonctionnent comme des guichets uniques qui fournissent des analyses et des solutions pour aider les entreprises à mener à bien cette double transition.

3.2.

Ils fournissent aux PME des services à valeur ajoutée tels que le perfectionnement et la reconversion de la main-d’œuvre, des conseils sur l’innovation, les technologies, les stratégies, la finance, la transition écologique et l’économie circulaire. Ils offrent aussi souvent des infrastructures et des plateformes technologiques permettant de tester des solutions technologiques avant de réaliser des investissements («test before invest»).

3.3.

Le vaste réseau de PIN en Europe fait actuellement l’objet d’une restructuration majeure. Les PIN européens récemment sélectionnés (appelés «pôles européens d’innovation numérique» ou PEIN) seront financés à 50 % par les fonds du programme pour une Europe numérique et à 50 % par des fonds nationaux et régionaux, et seront chargés de soutenir la numérisation des PME et des pouvoirs publics. À la suite de l’adoption du programme pour une Europe numérique, les premiers PEIN seront opérationnels à partir de septembre 2022. Les PIN actuels continueront de soutenir la transformation numérique des PME et des régions en puisant dans les ressources du programme Horizon Europe et du FEDER. Le CESE estime que les différentes appellations qui coexistent pourraient prêter à confusion parmi les entités qui bénéficient des services.

3.4.

Le CESE estime qu’il n’existe pas de vision claire sur le développement futur des PIN. Par conséquent, il demande que soient mis en place des indicateurs clés de performance clairs permettant de mesurer les performances des PIN au fil du temps et de quantifier les progrès réalisés au niveau européen dans le cadre de la stratégie de numérisation des PME. Les PIN doivent devenir un réseau complet de guichets uniques chargés de répondre aux besoins des PME sur le plan numérique.

3.5.

Les PEIN seront plus uniformes quant à leur taille, leur gouvernance et leurs tâches. Ils jouiront d’une présence géographique assez étendue et développeront des capacités spécifiques et de haut niveau dans les différentes «technologies clés génériques» définies par le programme pour une Europe numérique. Ils contribueront à la transformation numérique des entreprises, en particulier les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), ainsi que des pouvoirs publics.

3.6.

Bien que l’approche fondée sur les technologies clés génériques et les technologies de pointe adoptée par la Commission pour les PEIN soit cohérente avec les objectifs de compétitivité technologique de l’Europe énoncés dans le programme pour une Europe numérique, elle suscite des inquiétudes quant à sa capacité à s’adapter aux parcours d’innovation des PME.

3.7.

Le CESE tient pour essentiel, dans le cadre de la stratégie visant à accroître la capacité numérique des PME, d’accorder une plus grande attention à la nature de la demande émanant de ces types d’entreprises, ainsi qu’aux éventuels problèmes critiques qui pourraient se poser lors de ces processus induisant un changement radical. Pour ce faire, il faut pouvoir accorder une attention accrue aux besoins des PME et collaborer avec diverses parties prenantes, y compris les grandes entreprises, dans le cadre de programmes d’innovation spécifiques.

3.8.

Les PME ne disposent d’aucun rôle organisationnel officiel en matière d’innovation et de R&D, et leur vision de l’innovation est principalement axée sur un niveau moyen de technologie (à savoir l’intégration des technologies établies) et sur l’innovation progressive (graduelle et plus lente que l’innovation numérique radicale), qui se développe également par des moyens informels ou semi-formels d’échange d’expertise et d’expérimentation avec d’autres entreprises, y compris dans le cadre de relations de sous-traitance. Il serait également possible d’introduire des technologies clés dans les PME en établissant des trajectoires de développement stratégique et technologique qui intègrent ces technologies.

3.9.

Pour les PME, les processus d’innovation nécessitent donc une «couche intermédiaire» entre l’offre et la demande. Ce niveau intermédiaire devrait être conçu pour entendre les demandes (même faibles) et sélectionner les outils et solutions les mieux appropriés parmi une offre trop abondante et chaotique de réponses technologiques. Les PIN pourraient remplir cette fonction de «couche intermédiaire». Il est primordial de sensibiliser le public au rôle important que peuvent jouer les PIN.

3.10.

Les résultats engrangés par les PIN à cet égard peuvent déjà être considérés comme positifs. La banque européenne d’investissement a déclaré: «Les données recueillies montrent que les pôles d’innovation numérique jouent un rôle majeur dans le soutien apporté aux PME européennes en vue de la transformation numérique. […] Plus de 70 % des entreprises interrogées qui avaient eu recours à un pôle d’innovation numérique pensent que le soutien qu’elles ont reçu a amélioré leur parcours numérique».

3.11.

Les pôles d’innovation numérique peuvent également contribuer largement à la promotion de la numérisation des entreprises de l’économie sociale, en particulier pour celles opérant dans le secteur de la protection sociale et des soins à domicile, où les technologies numériques peuvent contribuer à améliorer les services en répondant aux besoins des personnes handicapées.

4.   Propositions visant à améliorer les politiques européennes en matière d’innovation numérique pour les PME

4.1.

Le CESE salue l’attention accordée aux PME ainsi que le nombre de politiques et de programmes conçus pour les soutenir. Il constate toutefois que l’approche globale de la Commission n’est pas suffisamment axée sur les processus et les besoins des PME. En outre, ces politiques ne sont pas toutes mises en œuvre au niveau national, et il existe de sérieuses lacunes dans la communication au sujet de ces mécanismes auprès des PME. La sensibilisation aux initiatives européennes et nationales doit devenir une priorité qui doit incomber à la fois aux institutions européennes et aux États membres.

4.2.

Le CESE estime que, pour mettre en œuvre les missions des PIN, un financement adéquat doit être assuré par l’intermédiaire de diverses sources, notamment les programmes de développement des entreprises et de soutien à la recherche et à l’innovation aux niveaux régional, national et européen, mais aussi les financements subventionnés pour les entreprises et la participation aux appels d’offres. Du côté des PME, il faut prévoir la possibilité de bénéficier d’incitations fiscales liées aux investissements dans l’innovation numérique et les compétences connexes.

4.3.

Le CESE estime que les PIN devraient jouer un rôle clé pour un développement harmonieux et équilibré de l’économie et de l’emploi dans l’Union et, en particulier, pour accompagner la double transition numérique et écologique des PME. À cette fin, ils devraient également déployer la fourniture de services dits «non marchands» dans le cadre d’activités de formation et de sensibilisation, et les coûts de ces activités d’intérêt public devraient être couverts par un financement public.

4.4.

Le CESE estime que les PIN devraient avant tout faire office d’intégrateurs de systèmes, faisant correspondre les besoins des PME aux solutions technologiques adéquates. À cette fin, il est essentiel que les PIN développent leur capacité à fonctionner en tant que plateformes locales d’innovation, réunissant les compétences et les ressources des réseaux locaux d’innovation (et éventuellement des réseaux externes) et la demande/les possibilités découlant des systèmes de production locaux, avant de développer des compétences spécifiques dans des technologies clés individuelles spécifiques à d’autres entités de recherche et d’innovation (centres de recherche, universités, grandes entreprises).

4.5.

Compte tenu de la normalisation des processus et des incitations en faveur de la coopération transfrontière et du partage de connaissances, d’expériences et de pratiques, y compris au moyen d’une plateforme numérique partagée, le CESE estime que les PIN devraient se concentrer principalement sur le soutien aux économies régionales et aux réseaux locaux de PME. Le CESE recommande dès lors que soient établis une cartographie régionale des pôles existants, en collaboration avec les organisations d’employeurs de PME, ainsi qu’un plan d’action axé sur le développement régional et l’amélioration des taux d’inclusion et de participation.

4.6.

Le CESE constate que la répartition des PIN varie encore d’une région européenne à l’autre et que les pays d’Europe de l’Est et du Sud-Est ayant enregistré un faible taux de numérisation au cours des dernières années sont à la traîne. Dans un précédent avis, le CESE a affirmé que «combler le fossé numérique […] constituera l’une des premières priorités. […] La pandémie a mis en lumière tant les avantages que les inconvénients de la communication numérique, en particulier pour les personnes vivant dans les zones rurales». La réduction des disparités entre les États membres et les régions est d’une importance capitale pour le progrès européen.

4.7.

Le CESE estime que, pour encourager les PME à mener à bien les transitions numérique et écologique, deux aspects essentiels doivent être contrôlés et traités de façon adéquate: la large diffusion des compétences numériques et la coopération entre les entreprises, à commencer par les chaînes de production et d’approvisionnement.

4.8.

Les compétences numériques sont un facteur essentiel, en particulier pour les PME, étant donné qu’elles constituent le principal obstacle à la numérisation complète, même en présence de fortes incitations financières à l’investissement. Pour les PME, le perfectionnement et la reconversion concernent à la fois la main-d’œuvre employée et les entrepreneurs qui participent directement aux processus de production et aux décisions en matière d’innovation et d’investissement. Lorsque les compétences numériques d’un entrepreneur sont insuffisantes, il ne peut pas tirer parti des possibilités offertes par les technologies numériques, ce qui constitue un sérieux obstacle à la compétitivité de son entreprise et aura une incidence négative sur l’emploi.

4.9.

Les PME ne disposent d’aucun rôle organisationnel officiel en matière d’innovation et de R&D, et leur vision de l’innovation est principalement axée sur un niveau moyen de technologie (à savoir l’intégration des technologies établies) et sur l’innovation progressive (graduelle et plus lente que l’innovation numérique radicale), qui se développe également par des moyens informels ou semi-formels d’échange d’expertise et d’expérimentation avec d’autres entreprises, y compris dans le cadre de relations de sous-traitance. Il serait également possible d’introduire des technologies clés dans les PME en établissant des trajectoires de développement stratégique et technologique qui intègrent ces technologies.

4.10.

Les syndicats, les organisations non gouvernementales, les organisations de la société civile, les associations d’employeurs et les pouvoirs publics, qui sont chargés d’orienter les missions et les stratégies des PIN, doivent collaborer pour élaborer des programmes de perfectionnement, de reconversion, d’apprentissage tout au long de la vie et de formation professionnelle qui garantissent une employabilité continue de la main-d’œuvre, de même que des lieux de travail et des salaires décents, tout en protégeant les droits sociaux des travailleurs. Les travailleurs doivent jouer un rôle de premier plan dans les processus de transformation numérique, et l’égalité entre les hommes et les femmes doit être garantie. À cet effet, le dialogue social est essentiel et doit être favorisé pour déterminer les besoins à court et à moyen terme ainsi que les effets politiques à long terme.

4.11.

La coopération entre les grandes entreprises et les PME, en commençant par les chaînes de production et d’approvisionnement, pourrait faire progresser l’innovation numérique comme jamais auparavant, en surmontant de nombreux obstacles en matière de connaissance, de standardisation et de coûts.

4.12.

Le CESE estime que le futur rôle stratégique des PEIN dépend de deux facteurs: d’une part, leur capacité à traduire les besoins, les contraintes et les possibilités des PME en ce qui concerne la recherche, le développement et l’innovation pour concevoir plus efficacement des politiques qui mettent en avant la pertinence et la qualité des PME; d’autre part, la capacité à améliorer notre écosystème social et entrepreneurial afin de contribuer à le rendre plus résilient et davantage tourné vers l’avenir.

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) 2021/694 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 établissant le programme pour une Europe numérique et abrogeant la décision (UE) 2015/2240 (JO L 166 du 11.5.2021, p. 1).

(2)  Eurostat, Dépenses intérieures brutes de recherche et de développement, 2010-2020 [en anglais].


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/88


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers une stratégie durable en matière de protéines et d’huiles végétales pour l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/13)

Rapporteur:

Lutz RIBBE

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

5.10.2022

Adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

158/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Sur le plan économique, la filière de l’élevage (production de viande, de produits laitiers et d’œufs) représente un important volet de l’agriculture de l’Union, mais depuis quelques années, elle fait de plus en plus l’objet d’un débat de société, notamment du fait de l’incidence environnementale de l’élevage intensif, tant à l’échelle régionale que mondiale, mais aussi parce que le secteur dépend fortement de l’importation d’aliments pour animaux. Ce dernier point soulève des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire humaine et animale dans l’Union. Cette dépendance aux importations est particulièrement marquée (environ 75 %) dans le cas des plantes riches en protéines.

1.2.

En plus d’exploiter indirectement des terres arables hors du territoire européen, le secteur de l’élevage accapare également une grande partie des terres arables au sein de l’Union. La moitié environ des récoltes est consacrée à l’alimentation animale et à l’obtention de produits d’origine animale, alors que moins de 20 % sont directement consommées par l’homme sous forme de denrées végétales.

1.3.

Il est question depuis des années d’élaborer une stratégie européenne en matière de protéines, mais au-delà des déclarations d’intention, la culture des protéagineux n’a que peu progressé en Europe jusqu’à présent. Le Comité économique et social européen (CESE) entend, par le présent avis, apporter des indications sur les autres points à prendre en considération à cet égard.

1.4.

Le CESE relève que le déficit de protéines dans l’Union concerne peu le secteur des denrées alimentaires (d’origine végétale) à proprement parler, mais touche surtout celui des aliments composés pour animaux. Les raisons sont nombreuses de développer la culture des protéines dans l’Union, mais aussi, tout particulièrement, d’intégrer davantage les prairies dans l’alimentation animale. Cependant, malgré le potentiel existant, il ne sera pas possible, sur le plan purement quantitatif, de remplacer complètement les importations massives de protéines par une production européenne sans entraîner de lourdes répercussions sur d’autres secteurs de production agricole.

1.5.

Le CESE souligne en outre que l’expansion des cultures oléagineuses dans l’Union pourrait aussi avoir des retombées positives telles qu’une autosuffisance en matière de carburant pour les tracteurs, une rotation accrue des cultures et un meilleur approvisionnement en tourteaux d’oléagineux, qui constituent un excellent fourrage protéique.

1.6.

En effet, il existe un facteur limitant incontournable, à savoir la superficie agricole disponible. Certes, l’agriculture conventionnelle comme l’agriculture biologique ne cessent d’innover pour accroître leur productivité, mais ces secteurs sont, eux aussi, limités sur le plan quantitatif. Le CESE estime dès lors qu’il est urgent pour l’Union de lancer, à l’échelle européenne, une étude portant sur les possibilités associées aux plantes protéagineuses et oléagineuses susceptibles d’être cultivées sur son territoire, et sur la répartition des surfaces consacrées à ces cultures.

1.7.

Un volet majeur de la stratégie européenne en matière de protéines doit viser à concilier l’élevage dans son ensemble avec les objectifs que l’Union s’est elle-même fixés et avec ceux définis par les Nations unies en matière de sécurité alimentaire, d’autonomie d’approvisionnement et de durabilité, en Europe et dans le monde. L’augmentation de la production de protéines dans l’Union n’offre qu’un élément de réponse. À l’échelle planétaire, il apparaît que les objectifs de développement durable des Nations unies ne sauraient être atteints si la consommation moyenne mondiale de viande et de produits laitiers par habitant devait se rapprocher de celle que connaissent aujourd’hui les économies développées.

1.8.

Conformément à la vision que l’Union nourrit à long terme pour les zones rurales, la stratégie européenne en matière de protéines et d’huiles végétales devrait aussi contribuer au développement durable de ces territoires, en établissant par exemple de nouvelles chaînes de valeur régionales qui soient autosuffisantes.

1.9.

En Allemagne, la «commission sur l’avenir de l’agriculture» (ZKL — Zukunftskommission Landwirtschaft), mise en place par le gouvernement fédéral et réunissant des représentants de tous les groupes sociaux concernés, a formulé des propositions visant à créer un système agricole et alimentaire durable, selon une approche globale qui recouvre également le secteur de l’élevage. Cette commission a ainsi proposé de faire évoluer les modes de production au moyen d’un ensemble d’instruments destinés à encourager financièrement les agriculteurs par l’intermédiaire des marchés et grâce à des primes, afin de permettre au plus grand nombre d’entre eux de s’adapter. Le CESE recommande à la Commission européenne d’examiner plus en détail le modèle de ce processus et d’examiner s’il ne se prêterait pas aussi à l’élaboration d’une stratégie européenne en matière de protéines.

1.10.

Pour répondre également aux objectifs d’une autonomie stratégique en matière d’approvisionnement, une telle stratégie devra comporter les éléments suivants:

encourager la recherche et l’innovation portant sur les protéines végétales dans l’ensemble de la chaîne de valeur et sur une utilisation ciblée et optimisée des sources de protéines végétales,

assurer un développement et une promotion accrue concernant le potentiel de l’Union en matière de protéines,

consolider une production nationale durable de protéines végétales, cultivées dans le respect de normes européennes strictes,

établir des chaînes de valeur et capacités de transformation régionales et les développer,

collaborer en permanence avec les institutions et les organisations agricoles pour promouvoir la culture et l’utilisation de protéines végétales nationales dans le secteur de l’alimentation humaine et animale,

accroître davantage le potentiel des cultures en perfectionnant et en étendant les stratégies de sélection,

renforcer l’éducation, les services de conseil et le transfert de connaissances;

permettre et faciliter la production de protéagineuses sur les surfaces d’intérêt écologique,

veiller à une meilleure concordance entre l’élevage et les potentialités fourragères régionales,

respecter systématiquement les seuils fixés pour la pollution liée à des émissions (nitrates dans les eaux de surface et souterraines; ammoniaque, etc.); internaliser les coûts externes,

promouvoir des pratiques d’élevage particulièrement respectueuses du bien-être animal, grâce à l’information des consommateurs et à l’étiquetage des produits,

définir des normes de production et de qualité concernant les conséquences sanitaires et environnementales liées à l’importation de produits concurrents de la production européenne,

organiser une campagne d’information complémentaire relative aux conséquences sanitaires et environnementales des différents régimes alimentaires.

2.   Introduction et contexte

2.1.

Alors que la politique et les pratiques agricoles de l’Union ont déjà porté leurs fruits en matière d’approvisionnement alimentaire, elles se concentrent désormais davantage sur les enjeux de durabilité et sur la réalisation des objectifs du pacte vert et des objectifs de développement durable, par l’intermédiaire notamment de la stratégie «De la ferme à la table». Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont aussi placé l’objectif d’une autonomie stratégique en matière d’approvisionnement au centre des préoccupations.

2.2.

La filière de l’élevage (production de viande, de produits laitiers et d’œufs) représente un important volet de l’économie de l’Union, mais depuis quelques années, le secteur fait de plus en plus l’objet d’un débat de société, et ce, pour diverses raisons, dont sa forte dépendance vis-à-vis de l’importation d’aliments pour animaux.

2.3.

Dans sa résolution sur une stratégie européenne pour la promotion des cultures protéagineuses (1), le Parlement européen signale que «l’Union européenne souffre d’un déficit important en protéines végétales, en raison des besoins de son secteur de l’élevage» et que «cette situation ne s’est hélas guère améliorée […] malgré l’utilisation de coproduits issus de la production de biocarburants». Par ailleurs, «l’Union européenne ne consacre que 3 % de ses terres arables à la culture de protéagineux et […] elle importe plus de 75 % de son approvisionnement en protéines végétales, principalement du Brésil, de l’Argentine et des États-Unis» (2), alors que «la production européenne totale de matières riches en protéines est passée de 24,2 à 36,3 millions de tonnes (+ 50 %) de 1994 à 2014, mais qu’en même temps, la consommation totale est passée de 39,7 à 57,1 millions de tonnes (+ 44 %)» (3). Des décisions politiques telles que l’accord de Blair House ont joué un rôle déterminant dans l’émergence de ces dépendances.

2.4.

Le tourteau de soja joue un rôle particulier, sinon prépondérant, dans le secteur de l’alimentation animale (4) et constitue «un ingrédient privilégié dans la formulation des aliments composés pour animaux en raison de sa teneur élevée en protéines (plus de 40 %), de sa teneur en acides aminés et de sa disponibilité tout au long de l’année, ce qui restreint la nécessité de reformuler régulièrement ces aliments» (5). La consommation annuelle de soja en Europe est passée de 2,4 millions de tonnes en 1960 à près de 36 millions de tonnes aujourd’hui. Pour être satisfaite, cette demande considérable de soja «requiert l’exploitation de 15 millions d’hectares de terres, dont 13 millions se situent en Amérique du Sud» (6); des chiffres qui dépassent la superficie totale des terres arables en Allemagne (11,7 millions d’hectares) (7). La très grande majorité du soja importé (environ 94 %) est issu de cultures génétiquement modifiées.

2.5.

Les plantes protéagineuses riches en protéines (plus de 15 %) mentionnées dans le document de la Commission (8)«représentent environ un quart de l’offre totale de protéines végétales brutes dans l’UE». Étonnamment, bien que les céréales et les herbages «représentent une part significative de l’offre totale de protéines végétales», la Commission ne les prend pas en considération dans ses réflexions stratégiques sur les protéines végétales, «en raison, respectivement, de leur faible teneur en protéine et de leur faible adéquation avec le marché» (9). Cet argument est inacceptable aux yeux du CESE.

2.6.

Le volume élevé des importations, en particulier de soja, s’explique en premier lieu par les conditions de culture favorables en Amérique du Sud et aux États-Unis, qui permettent d’y produire du soja à bien moindre coût; citons également le rôle de normes environnementales et sociales parfois nettement moins strictes, comme l’illustrent le déboisement des forêts naturelles en Amérique du Sud ou l’expulsion des peuples indigènes, mais aussi des petits exploitants (10). Le CESE se félicite que la Commission ait reconnu le problème et qu’elle s’engage en faveur de «chaînes d’approvisionnement “zéro déforestation”» (11).

Que ce soit dans les dernières propositions de réforme de la politique agricole commune (PAC) ou lors des négociations avec les pays du Mercosur, l’Union n’a adopté aucune initiative qui soit suffisante pour permettre une véritable réduction de la dépendance à l’égard des importations.

2.7.

Dans ce contexte, il convient de mentionner que la politique agricole commune en vigueur est particulièrement favorable aux cultures protéagineuses, par l’intermédiaire des surfaces dites d’intérêt écologique, lesquelles disparaîtront après la réforme. Ainsi, «les plantes fixant l’azote représentent le type de SIE [surfaces d’intérêt écologique] le plus déclaré», avec pas moins de 37 % des SIE utilisées à cet effet. Les plans stratégiques nationaux présentés pour la mise en œuvre de la nouvelle PAC n’ont pas encore été évalués, de sorte que le CESE ne saurait déterminer pour l’instant si ceux-ci amélioreront ou aggraveront la situation. Si les États membres disposent de différentes solutions pour encourager les cultures, notamment par des paiements couplés, les premières analyses laissent craindre a) que tous les États membres n’y aient pas recours et b) que le montant des aides ne soit pas suffisamment attractif.

2.8.

La position du CESE est claire: «améliorer l’autonomie protéique de l’UE […] est souhaitable à tous points de vue. Les importations de fèves de soja en provenance de pays tiers peuvent être une source de déforestation, de dégradation des forêts et de destruction des écosystèmes naturels dans certains pays producteurs. Le développement de la production de légumineuses et de légumes secs riches en protéines dans l’Union limiterait le recours aux importations et aurait donc une incidence positive sur le climat et l’environnement» (12).

2.9.

Nul ne conteste cette approche; au contraire, depuis longtemps, les débats vont bon train au sein de l’Union sur la nécessité d’adopter une stratégie européenne appropriée en matière de protéines. Cependant, jusqu’à présent, l’engagement en faveur du développement des cultures protéiques en Europe ne va guère au-delà de simples déclarations et des instruments cités au paragraphe 2.7. Ainsi, l’Europe est encore loin de disposer d’une stratégie réellement efficace en matière de protéines.

2.10.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, et à plus forte raison depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, il apparaît clairement que la division du travail et les relations commerciales à l’échelle internationale n’ont pas que des effets positifs. Elles peuvent donner lieu à des difficultés qui n’avaient pas été examinées jusqu’à présent, ou pas suffisamment. À cet égard, l’autonomie stratégique en matière d’approvisionnement constitue le nouveau concept clé. Les dépendances peuvent entraîner de graves perturbations économiques et sociales, comme l’illustrent les pénuries de masques, de médicaments, de semi-conducteurs ou d’énergies fossiles telles que le gaz, le pétrole ou le charbon.

2.11.

La guerre en Ukraine et ses conséquences attendues à long terme auront une incidence durable sur le secteur agricole tant européen que mondial et sur l’industrie alimentaire de l’Union, et appellent des changements.

2.12.

Dans sa résolution sur «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (13), le CESE affirme donc aussi «que le conflit aura inévitablement de graves conséquences pour le secteur agroalimentaire de l’Union, ce qui nécessitera une assistance supplémentaire; à cette fin, [il] souligne que l’Union doit renforcer son engagement à mettre en place des systèmes alimentaires durables» et précise qu’«en particulier, l’Union doit améliorer sa sécurité alimentaire en réduisant sa dépendance à l’égard des importations de produits et intrants agricoles essentiels».

2.13.

Dans le même temps, le Comité «fait observer que les effets de la guerre ne devraient pas contrecarrer l’action pour le climat ni la durabilité», et que les objectifs de développement durable inscrits dans le programme des Nations unies à l’horizon 2030 constituent aussi «un programme de paix, de sécurité et de réduction de la pauvreté». Le pacte vert pour l’Europe permettrait de progresser sur la voie de la mise en œuvre du programme des Nations unies à l’horizon 2030 et d’une transition juste.

2.14.

Les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union se sont, eux aussi, saisis de ce dossier. Dans la déclaration de Versailles du 11 mars 2022, ils affirment ainsi que «[n]ous améliorerons notre sécurité alimentaire en réduisant notre dépendance aux importations des principaux produits et intrants agricoles, en particulier en augmentant la production de protéines végétales au sein de l’UE» (14).

3.   Faits et tendances

3.1.

Le CESE estime que pour élaborer une stratégie européenne globale en matière de protéines, il convient d’aborder et de prendre en compte certaines questions systémiques de manière beaucoup plus approfondie. Il s’agit notamment de déterminer la manière dont le système actuel doit être évalué dans une perspective d’autonomie stratégique européenne en matière d’approvisionnement, ainsi que sur le plan de la durabilité tant mondiale que régionale, et de recenser les avantages et les inconvénients qu’il présente pour les agriculteurs, les consommateurs, l’environnement et les cheptels. Il faut aussi tenir compte des tendances qui influent actuellement sur le secteur de l’approvisionnement en protéines.

Aliments, carburants ou fourrage — que cultivons-nous et que faisons-nous des plantes agricoles récoltées?

3.2.

Pour assurer l’importante production de viande qui est la sienne actuellement, l’Europe ne saurait se passer de ses importations massives de protéines. Pourtant, une grande partie des récoltes agricoles sont aujourd’hui déjà consacrées à l’alimentation animale. En Allemagne, par exemple, les fourrages représentent près des deux tiers des récoltes, soit la quasi-totalité des prairies, dont l’homme ne pourrait évidemment pas tirer parti directement, mais aussi 60 % des cultures de maïs et de céréales (15). La deuxième utilisation principale de ces récoltes, en volume, n’est pas la transformation en denrées alimentaires d’origine végétale, mais la production d’énergie technique (maïs pour le biogaz, colza pour le biodiesel, céréales et betterave sucrière pour le bioéthanol). Ce n’est qu’en troisième lieu que les récoltes sont consommées directement sous forme de denrées alimentaires. En Allemagne, ces denrées ne représentent que 11 % de la production végétale totale. Il s’agit essentiellement de céréales panifiables, de pommes de terre, de sucre, d’huile de colza et de légumes de plein champ.

3.3.

En outre, 93 % des protéines végétales importées sont aussi destinées à l’alimentation animale. Ces dernières années, ces importations ont justement fait l’objet de nombreux débats de société, tout comme le volume et l’intensité de la production de viande.

3.4.

Il convient ici de prendre deux constats en considération: premièrement, le déficit de protéines dans l’Union concerne peu le secteur des denrées alimentaires (d’origine végétale) à proprement parler, mais touche surtout celui des aliments composés pour animaux; deuxièmement, il ne sera pas possible de remplacer complètement les importations massives de protéines par une production européenne sans entraîner de lourdes répercussions sur d’autres secteurs de production agricole.

3.5.

En effet, il existe un facteur limitant incontournable, à savoir la superficie agricole disponible. Certes, l’agriculture conventionnelle comme l’agriculture biologique ne cessent d’innover pour accroître leur productivité, mais ces secteurs sont, eux aussi, limités sur le plan quantitatif. À l’issue d’une analyse approfondie, l’Association allemande de l’industrie de transformation des graines oléagineuses (OVID) conclut ainsi qu’il y a lieu de préserver les canaux d’approvisionnement en sources protéiques, car une autosuffisance complète en protéines de production nationale reste irréaliste (16).

3.6.

Ces remarques de fond ne doivent pas être mal interprétées: il existe de nombreuses raisons de promouvoir intensivement une production accrue de protéagineux et d’oléagineux dans l’Union. En effet, ces cultures permettent de fixer l’azote dans le sol, de réduire les besoins en azote minéral et d’améliorer la qualité et la fertilité des sols, tout en contribuant à atténuer le changement climatique (en réduisant, par exemple, le transport, la déforestation et la consommation d’intrants). Élargir la rotation des cultures diminue la prévalence d’organismes nuisibles et favorise la biodiversité. À l’heure actuelle, seule une très faible proportion (environ 3 %) de la superficie agricole est affectée aux protéagineux. Bien que très utile, l’extension de la surface qui leur est consacrée se ferait donc inévitablement au détriment d’autres types de cultures, comme celles à vocation alimentaire ou énergétique, ou pourrait entraîner des situations de concurrence, par exemple avec d’autres mesures de préservation de la nature.

Tendances actuelles

3.7.

Il est dès lors préférable de commencer par décrire et analyser les tendances qui, à l’avenir, pourraient avoir une incidence sur l’élevage et l’alimentation des animaux et, partant, sur la demande en protéines et leur qualité.

3.7.1.

Tout d’abord, on constate que le comportement des consommateurs et les habitudes de consommation évoluent déjà. Les consommateurs sont toujours plus nombreux à réduire leur consommation de viande ou à y renoncer totalement. Par ailleurs, la forte consommation de viande en Europe est aujourd’hui remise en question pour des raisons d’ordre nutritionnel. Dans certains États membres, elle est déjà en recul (17). Cette évolution se reflète clairement dans les statistiques, mais aussi dans les rayons des supermarchés, où les substituts de viande fabriqués à partir de protéagineux sont de plus en plus présents.

3.7.2.

«Manger moins de viande, mais de meilleure qualité»: voilà qui résume bien une autre tendance de consommation. On observe de fait une progression des produits haut de gamme qui mettent davantage l’accent sur le bien-être animal et la production locale, avec des conséquences en matière d’alimentation animale. Ainsi, un nombre croissant de consommateurs s’intéressent à la manière dont les animaux sont élevés et vérifient par exemple s’ils ont été nourris avec des aliments produits localement ou sans OGM, s’ils ont eu accès au pâturage, etc. Au sein de l’Union, on observe déjà une nette différenciation dans ce domaine.

3.7.3.

Si cette évolution était vue autrefois comme une tendance de niche, de profonds changements se profilent à l’horizon: dans plusieurs États membres, beaucoup de grandes chaînes de supermarchés ont déjà progressivement revu à la hausse les exigences en matière de bien-être animal et de respect de l’environnement qu’elles appliquent à leurs produits à base de viande fraîche. D’autres évolutions radicales sont à prévoir: à partir de 2030, certains grands groupes discount limiteront strictement leur offre de viande fraîche aux produits issus d’élevages en plein air ou d’élevages haut de gamme. Cette transition concerne toutes les catégories d’animaux d’élevage, à savoir le bœuf, le porc, le poulet et la dinde.

3.7.4.

La croissance projetée, voire déjà en cours, de la production biologique dans l’Union aura également des conséquences sur l’approvisionnement en fourrages (et les importations de soja). La Commission européenne estime que, jusqu’à présent, l’élevage biologique progressait de 10 % par an. La stratégie «De la ferme à la table», qui ambitionne de porter à 25 % la surface agricole consacrée à l’agriculture biologique, pourrait encore accélérer cette évolution, du moins si les marchés évoluent en conséquence, ce à quoi la PAC entend contribuer. Sachant que 6 % seulement des graines de soja commercialisées dans le monde ne sont pas génétiquement modifiées, les éleveurs doivent privilégier d’autres solutions et/ou produire davantage de fourrage au sein de leur propre exploitation.

3.7.5.

Le secteur du lait est, lui aussi, déjà en pleine mutation: dans beaucoup d’États membres, le commerce de détail alimentaire exige des laiteries que le lait et les produits laitiers soient produits sans utiliser d’OGM dans l’alimentation animale. Ainsi, à titre d’exemple, quelque 70 % de la production laitière allemande est aujourd’hui obtenue sans recourir aux tourteaux de soja pour nourrir les vaches. Le marché commence à se différencier, comme on l’observe par exemple avec le lait de pâturage, le lait de foin ou le lait de montagne. Néanmoins, les produits laitiers restent pour l’avenir un apport protéique incontournable et accessible à tous dans une alimentation équilibrée pour toutes les tranches d’âge de la population.

3.7.6.

À ce propos, il convient aussi de citer le rapport d’information du CESE sur «Les avantages de l’élevage extensif et des engrais organiques dans le contexte du pacte vert pour l’Europe» (18), qui ne se contente pas de reconnaître l’importance particulière de l’élevage extensif (fondé sur les prairies et pâturages permanents) pour la biodiversité et pour d’autres services d’ordre écologique et cultural, mais insiste aussi sur son «rôle essentiel pour fournir des denrées alimentaires durables, saines, sûres et d’excellente qualité, notamment dans un contexte de croissance de la population mondiale». Dans un autre avis, le Comité signale par ailleurs la nécessité d’accorder une plus grande attention au «rôle des pâturages et des trèfles en tant que source importante de protéines pour les ruminants» (19).

3.7.7.

Une tout autre tendance, susceptible d’avoir des répercussions économiques désastreuses sur l’agriculture, l’élevage traditionnel et l’ensemble du système agroalimentaire de cette filière, réside dans la mise au point de ce que l’on appelle des «viandes de synthèse», qui n’ont pourtant plus rien à voir avec de la viande, mais consistent en un produit industriel élaboré dans des bioréacteurs. Cette évolution n’émane ni des consommateurs ni des agriculteurs, mais de grandes multinationales telles que Cargill, Tyson Foods ou Nestlé. Ces groupes étudient et élaborent des procédés visant à produire des tissus de viande artificielle dans des bioréacteurs industriels. Leur argument est le suivant: ce que les agriculteurs n’ont jamais cessé de faire tout au long de leur histoire en pratiquant l’élevage traditionnel (à savoir faire pousser des cellules), eux peuvent le faire dans un bioréacteur qui consomme beaucoup moins de terres; néanmoins, des doutes persistent quant aux économies réalisées sur la consommation d’eau et d’autres ressources, et il subsiste des inconnues concernant la «qualité» et les coûts de production connexes. Le CESE demande que soit lancé un vaste débat de société sur les préoccupations liées à cette possible évolution et sur ses conséquences négatives pour les éleveurs et la chaîne de production de viande, celles-ci risquant de compromettre les économies et les niveaux d’emploi de tous les États membres et partant, l’Union européenne dans son ensemble.

Réactions politiques

3.8.

Cette question fait désormais l’objet de réactions politiques claires, qui, parfois, vont encore plus loin que la stratégie «De la ferme à la table» et s’inscrivent dans un tout autre discours social. Ainsi, en Allemagne, le gouvernement fédéral a mis en place en juillet 2020 une «commission sur l’avenir de l’agriculture» (ZKL — Zukunftskommission Landwirtschaft) composée de 32 personnes issues de groupes sociaux très divers, dont des scientifiques et des membres d’associations représentant l’agriculture traditionnelle. Son objectif était d’élaborer une vision de l’avenir du système agricole et alimentaire qui soit acceptée par de larges pans de la société. Ses recommandations ont été adoptées à l’unanimité et publiées en juin 2021. Elles suivent toutes le même principe: pour améliorer la responsabilité du secteur agricole sur les plans environnemental et éthique, y compris en matière de bien-être animal, le moyen le plus efficace et le plus durable consiste à trouver des approches qui récompensent financièrement les modes de production plus durables et leur confèrent ainsi une rentabilité économique, grâce à l’introduction de nouveaux instruments.

3.9.

En ce qui concerne le secteur de l’élevage, cette commission sur l’avenir de l’agriculture rejoint les recommandations du réseau de compétences pour l’élevage («Kompetenznetzwerk Nutztierhaltung») mis en place par le ministère fédéral allemand de l’agriculture. Dans ses recommandations, publiées en février 2020 (20), ce réseau dessine les contours d’une stratégie de transformation du secteur de l’élevage conçue pour améliorer considérablement le bien-être animal. Celle-ci prévoit notamment un financement par des taxes ou des impôts, en complément d’une hausse des prix du marché et de l’octroi d’une prime liée au respect de certaines normes d’élevage illustrées par un système d’étiquetage obligatoire. De telles mesures sont jugées essentielles pour offrir des perspectives économiques aux agriculteurs concernés. Cette stratégie de transformation entend garantir la survie des exploitations d’élevage tout en réduisant les cheptels.

3.10.

En résumé, les formes actuelles d’élevage en Europe se distinguent fondamentalement sur certains aspects, en ce qui concerne tant la demande de produits importés (principalement de soja) que les répercussions régionales sur l’environnement. D’un côté, les formes d’élevage plus traditionnelles, comme les modèles hors-sol extensifs et écologiques, dépendent généralement de fourrages et intrants régionaux, présentent une incidence raisonnable sur l’environnement et se révèlent même parfois indispensables à la préservation du paysage cultural; tandis que, de l’autre côté, l’élevage intensif, par son volume actuel qui ne cesse de croître, exerce une pression sur l’environnement régional et, bien qu’il accapare déjà une grande partie des terres arables de l’Union, repose en grande partie sur des importations de fourrages, dont la production a des conséquences considérables dans les pays d’origine (en contribuant notamment à la déforestation mondiale, au changement climatique et aux distorsions sociales).

3.11.

Un volet majeur de la stratégie européenne en matière de protéines doit donc viser à concilier l’élevage dans son ensemble avec les objectifs que l’Union s’est elle-même fixés et avec ceux définis par les Nations unies en matière de sécurité alimentaire, d’autonomie d’approvisionnement et de durabilité, en Europe et dans le monde. L’augmentation de la production de protéines dans l’Union offre un élément de réponse, mais, à l’échelle planétaire, il apparaît que les objectifs de développement durable des Nations unies ne sauraient être atteints si la consommation moyenne mondiale de viande et de produits laitiers par habitant devait se rapprocher de celle que connaissent aujourd’hui les économies développées. Il est impératif de réduire les cheptels.

3.12.

De fait, la commission allemande sur l’avenir de l’agriculture a déjà procédé à une telle évaluation du système agricole et alimentaire actuel, dans le cadre d’un processus de débat social qui mériterait d’être examiné de plus près par d’autres États membres de l’Union et par la Commission européenne elle-même. Tout en saluant, d’une part, les avantages incontestables que l’agriculture apporte à la société, la commission critique, d’autre part, les fondements des évolutions observées ces dernières années dans la production et les conséquences qu’elles ont entraînées: «Ce progrès a pour revers des formes de surexploitation de la nature, de l’environnement, des animaux et des cycles biologiques, qui vont jusqu’à porter dangereusement atteinte au climat. Dans le même temps, l’agriculture traverse aussi une crise économique. Divers facteurs, notamment politiques, ont conduit à des modèles d’exploitation qui ne sont pas viables sur les plans environnemental, économique et social. […] Compte tenu des coûts externes associés aux modes de production prépondérants, il est exclu de maintenir le système actuel de gestion de l’agriculture et de l’alimentation, tant pour des considérations liées à l’environnement et au bien-être animal que pour des raisons économiques» (21).

4.   Les besoins: garantir un approvisionnement durable en protéines et consolider le rôle des oléagineux

4.1.

Alors que l’Europe reconnaît de plus en plus l’autonomie d’approvisionnement comme un objectif stratégique, il est tout à fait pertinent d’établir un parallèle avec la politique énergétique en affirmant qu’il faudrait, dans la mesure du possible, réduire la dépendance à l’égard des importations et se concentrer sur les moyens de couvrir les besoins de manière durable, avec des ressources propres.

4.2.

Contrairement au secteur de l’énergie où il est possible de compenser la pénurie de combustibles fossiles à l’aide de nouvelles technologies (éolienne, solaire, biomasse, hydrogène, etc.), dans le cas du secteur alimentaire, il est indispensable d’adapter la production et la consommation mondiales au potentiel offert par un capital naturel au caractère fini (à savoir surtout les sols, mais aussi la biodiversité). Cet ajustement doit aller de pair avec la définition de priorités dans l’utilisation de la production agricole: l’approvisionnement des populations en denrées alimentaires, et surtout en produits végétaux (céréales, fruits, légumes, etc.), doit primer sur tout le reste. Heureusement, dans ce domaine, il n’y a pas lieu de craindre que l’Union ne parvienne pas à subvenir aux besoins de sa population. Face aux préoccupations toujours plus vives quant à la faim dans le monde, il convient néanmoins de garder à l’esprit que le problème ne saurait être résolu en produisant de la viande, bien au contraire, puisque les aliments pour animaux entrent en concurrence avec les denrées alimentaires, au même titre que la biomasse exploitée à des fins énergétiques.

4.3.

Ce conflit en matière d’utilisation des terres se trouve exacerbé par la concurrence, parfois âpre, dont les terres agricoles font l’objet dans presque toutes les régions d’Europe. Ainsi, l’Union estime que, d’ici à 2030, la surface utile pourrait reculer de près de 1 million d’hectares du fait de la perte de terres agricoles au profit de projets d’urbanisation, de constructions, d’infrastructures, etc.

4.4.

Pour autant, par rapport au reste du monde, l’Union se trouve dans une situation confortable. En effet, l’agriculture européenne, fondée sur les principes du modèle agricole européen (22), est clairement en mesure d’offrir suffisamment de denrées végétales de qualité à tous ses citoyens, et peut en outre fournir d’importants volumes d’aliments pour animaux, même si elle ne parvient pas à satisfaire les besoins actuels. Par ailleurs, sachant que l’approvisionnement en céréales venant d’Ukraine et de Russie risque de se tarir dans les régions touchées par la famine, il convient de se demander si l’Union ne devrait pas réduire sa consommation de céréales utilisées dans l’alimentation animale, ou en mélange avec des carburants, afin de contribuer à résoudre le problème croissant de la faim dans le monde et d’accroître l’approvisionnement en protéines.

4.5.

Lorsque l’on réfléchit à une stratégie européenne en matière de protéines, il faut garder à l’esprit que les ruminants (comme d’autres animaux) possèdent un don que les humains n’ont pas, celui de métaboliser l’herbe. Les prairies pourraient même constituer une partie des rations fourragères pour les espèces monogastriques (porcs et volailles). Elles devraient ainsi jouer un rôle de premier plan dans l’approvisionnement durable en protéines, bien que les débats politiques actuels ne leur accordent que trop peu d’attention. En outre, l’Union a décidé l’an dernier d’autoriser à nouveau les farines animales et les farines d’insectes pour nourrir les animaux, ce qui peut aussi contribuer à réduire la part de protéines végétales dans l’alimentation animale.

4.6.

Les organes spécialisés de l’Union allemande pour la promotion des oléagineux et des protéagineux (UFOP — Union zur Förderung von Öl- und Proteinpflanzen) ont récemment mené des études concernant les possibilités offertes par le colza et les légumineuses en matière de cultures et de fourrages, qui laissent à penser qu’il est possible d’en cultiver beaucoup plus tout en élargissant nettement la rotation des cultures. Le colza et les légumineuses pourraient alors occuper quelque 10 % des terres arables, ce qui, dans le cas des légumineuses, par exemple, correspond à plus du double de la surface actuelle (en particulier pour les pois fourragers, les fèves et féveroles, les graines de soja et le lupin doux). Il apparaît donc qu’une augmentation des cultures oléagineuses ne va pas à l’encontre d’une utilisation durable des terres, bien au contraire. Toutefois, elle ne peut se faire qu’au détriment d’autres types de culture.

4.7.

Par ailleurs, ces études montrent aussi qu’il est impossible de satisfaire aux besoins du cheptel actuel de manière autosuffisante et qu’il faudra donc le réduire pour progresser vers l’objectif d’une autonomie stratégique en matière d’approvisionnement.

4.8.

Le CESE estime dès lors qu’il est urgent pour l’Union de lancer, à l’échelle européenne, une étude sur les possibilités associées aux plantes protéagineuses et oléagineuses qui pourraient être cultivées à l’intérieur de ses frontières. Cette évaluation doit tenir compte du caractère durable de l’utilisation des terres (rotation des cultures et fertilité des sols, y compris la biodiversité). Les résultats de cette étude devraient ensuite servir à déterminer la superficie nécessaire pour assurer aux citoyens européens une alimentation saine à base de protéines végétales. Sur cette base, il sera possible de déterminer les surfaces encore disponibles pour l’alimentation animale (ou la production d’énergie) et, partant, les volumes qu’il reste à importer pour assurer un élevage qui réponde à des critères de durabilité et de respect du bien-être animal, sans excéder les limites environnementales de l’Europe et du monde. Il faudra alors que la stratégie européenne en matière de protéines réponde aux questions suivantes: quelles en seront immanquablement les répercussions sur les accords commerciaux existants (par exemple, le Mercosur) et comment protéger les agriculteurs de l’Union qui pratiquent une agriculture durable face aux importations issues de cultures non durables?

4.9.

Le CESE tient à souligner que les huiles obtenues grâce à une culture d’oléagineux couvrant 10 % des terres arables de l’Union pourraient permettre de parvenir à une autosuffisance énergétique pour l’approvisionnement en carburant des tracteurs agricoles, pour autant qu’elles soient réservées à cet usage. Le CESE a déjà fait valoir dans de précédents avis (23) qu’il serait bon de mettre en place un programme spécifique visant à utiliser des huiles végétales non estérifiées (c’est-à-dire pures) dans les machines agricoles, plutôt que de miser sur un mélange avec du diesel. Toutefois, il convient aussi d’envisager de recourir à des carburants de type B100 (composés exclusivement d’huile végétale estérifiée). Les tourteaux d’oléagineux ainsi obtenus (24) constituent un excellent fourrage protéique; il en va de même, par exemple, pour les déchets issus de la production d’alcool.

4.10.

Certains États membres, dont les Pays-Bas, par exemple, s’attellent déjà à diminuer les cheptels, et ce, pour des raisons très variées. De telles mesures peuvent être imposées par voie réglementaire ou mises en œuvre grâce à des instruments fondés sur le marché. Au-delà de la définition de normes claires en matière d’environnement et de bien-être animal, le CESE plaide avant tout pour des solutions fondées sur l’économie de marché, à même de créer les conditions requises pour mettre en place de nouvelles chaînes de valeur régionales autonomes qui, à long terme, ne soient pas tributaires de subventions. Dans le même temps, ces solutions doivent ouvrir des perspectives à toutes les exploitations d’élevage, dans la mesure du possible. Elles doivent aussi permettre à un maximum d’agriculteurs européens d’assurer la durabilité de leur production, avec l’assurance de pouvoir en vivre. Il convient pour cela de les protéger contre la concurrence déloyale et les pratiques commerciales déloyales et, à cette fin, de renforcer leur pouvoir de marché dans le cadre du processus de transformation vers un système alimentaire mondial durable.

4.11.

Toutes ces considérations montrent une fois encore qu’il faut prendre en considération l’ensemble du système agroalimentaire pour élaborer une stratégie durable en matière de protéines et d’huiles végétales pour l’Union européenne, et qu’une stratégie agricole isolée n’est d’aucune utilité.

4.12.

Les mécanismes de marchés doivent être orientés de manière à refléter les coûts sociaux, sociétaux et environnementaux réels. Les défaillances du marché peuvent être compensées par des interventions publiques fondées sur des faits et sur des données scientifiques, dans le but de parvenir au meilleur compromis possible entre les coûts et les avantages pour la société, en tenant compte de tous les intérêts en jeu.

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Résolution du Parlement européen du 17 avril 2018 sur une stratégie européenne pour la promotion des cultures protéagineuses (JO C 390 du 18.11.2019, p. 2).

(2)  Résolution du Parlement européen du 17 avril 2018 (JO C 390 du 18.11.2019, p. 2), considérant E. Remarque du CESE: la dépendance à hauteur de 75 % se réfère aux protéagineuses riches en protéines. De manière incompréhensible, les débats négligent bien souvent l’importance de l’herbe et des céréales comme sources de protéines pour les animaux.

(3)  Résolution du Parlement européen du 17 avril 2018 (JO C 390 du 18.11.2019, p. 2), considérant L.

(4)  Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur le développement des protéines végétales dans l’Union européenne, [COM(2018) 757 final], p. 2.

(5)  COM(2018) 757 final, p. 4.

(6)  Résolution du Parlement européen du 17 avril 2018 (JO C 390 du 18.11.2019, p. 2), considérant L.

(7)  D’après Eurostat, la superficie agricole totale dans l’Union (y compris les pâturages et les prairies) avoisine les 174 millions d’hectares (article en allemand, données antérieures au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne).

(8)  COM(2018) 757 final.

(9)  Résolution du Parlement européen du 17 avril 2018 (JO C 390 du 18.11.2019, p. 2).

(10)  Avis du CESE sur le thème «Réduire au minimum le risque de déforestation et de dégradation des forêts associé aux produits mis sur le marché dans l’Union» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 88).

(11)  Avis du CESE sur le thème «Réduire au minimum le risque de déforestation et de dégradation des forêts associé aux produits mis sur le marché dans l’Union» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 88).

(12)  Avis exploratoire du CESE à la demande de la présidence française du Conseil de l’UE, sur le thème «Sécurité alimentaire et systèmes alimentaires durables» (JO C 194 du 12.5.2022, p. 72), paragraphe 1.3, point ii).

(13)  Résolution du CESE adoptée lors de la session plénière du 24 mars 2022 (JO C 290 du 29.7.2022, p. 1).

(14)  Réunion informelle des chefs d’État ou de gouvernement, Déclaration de Versailles — 10 et 11 mars 2022.

(15)  En 2017, dans l’Union des Vingt-sept, la superficie agricole représentait 178,7 millions d’hectares, dont 105,5 millions d’hectares étaient des terres arables, consacrées pour 63 % d’entre elles (soit 66,8 millions d’hectares) à la production d’aliments pour animaux (https://de.statista.com/statistik/daten/studie/1196852/umfrage/landwirtschaftliche-flaechen-in-der-eu-nach-nutzungsart/).

(16)  OVID — Verband der ölsaatenverarbeitenden Industrie in Deutschland, 2019, «Eiweißstrategie 2.0» (Stratégie 2.0 en matière de protéines), en allemand.

(17)  En Allemagne, la consommation de viande porcine par habitant est passée de 39,8 à 31 kg entre 1995 et 2021 (rapport en allemand).

(18)  Rapport d’information du CESE sur «Les avantages de l’élevage extensif et des engrais organiques dans le contexte du pacte vert pour l’Europe».

(19)  Avis exploratoire du CESE à la demande de la présidence française du Conseil de l’UE, sur le thème «Sécurité alimentaire et systèmes alimentaires durables» (JO C 194 du 12.5.2022, p. 72).

(20)  Recommandations du réseau de compétences allemand pour l’élevage, en allemand.

(21)  Rapport final de la commission allemande sur l’avenir de l’agriculture (ZKL — Zukunftskommission Landwirtschaft), en allemand.

(22)  Avis d’initiative du CESE sur «La réforme de la politique agricole commune en 2013» (JO C 354 du 28.12.2010, p. 35).

(23)  Avis du CESE sur «L’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables» (JO C 77 du 31.3.2009, p. 43).

(24)  En pressant du colza, on obtient 1/3 d’huile et 2/3 de tourteaux.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/97


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables afin de donner aux consommateurs les moyens de faire des choix alimentaires durables»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/14)

Rapporteur:

Andreas THURNER

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

5.10.2022

Adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

147/5/1

1.   Conclusions et recommandations

Le Comité économique et social européen (CESE)

1.1.

salue l’initiative de la Commission européenne qui vise à mettre en place un cadre législatif en faveur de systèmes alimentaires durables comprenant également des règles relatives à l’indication du caractère durable des denrées alimentaires. Il est manifestement nécessaire de disposer de règles ainsi que d’un certain degré de normalisation et d’harmonisation pour garantir à la fois la crédibilité de cet étiquetage et des conditions de concurrence équitables;

1.2.

souligne que la durabilité est une notion qui présente de multiples facettes et qui devrait toujours prendre en compte à parts égales les dimensions économique, environnementale et sociale;

1.3.

attire l’attention sur le fait que les habitudes alimentaires individuelles sont très diverses, dépendent de différents facteurs et sont en outre extrêmement tenaces. Les attentes relatives à un système d’étiquetage de la durabilité devraient donc être évaluées avec réalisme dès le départ; Toutefois, il est de l’intérêt de tous de passer à des modes de consommation plus durables;

1.4.

recommande dès lors de mettre en place, aux fins de l’étiquetage de la durabilité des denrées alimentaires, un cadre transparent, fondé sur des données scientifiques et aussi simple et pragmatique que possible, afin d’aider les opérateurs économiques à évaluer et à améliorer la durabilité des produits, tout en fournissant aux consommateurs des indications utiles qui leur permettent de prendre des décisions d’achat en toute connaissance de cause;

1.5.

propose, par souci de simplicité et de pragmatisme, de se contenter également des aspects partiels d’une durabilité globalement définie et évaluée, comme par exemple le bien-être animal ainsi que des critères sociaux ou environnementaux. Toutefois, le terme «durable» ne devrait pas être utilisé dans ce cas, sachant qu’il conviendrait de réserver son usage dans le cadre d’une approche globale d’évaluation;

1.6.

se prononce tout d’abord en faveur d’une approche volontaire, celle-ci devant toutefois prévoir des conditions contraignantes en cas d’application. Les labels de durabilité ou les informations relatives à l’aspect durable qui s’avèrent ne pas respecter ces conditions devraient être interdits;

1.7.

estime que les systèmes d’étiquetage comportant une échelle d’évaluation (par exemple, sous la forme de feux de signalisation) peuvent aider les consommateurs à faire des choix informés. Un système d’évaluation de ce type peut également favoriser un rôle de pionnier en matière de durabilité et encourager les entreprises à améliorer constamment leurs processus tout au long de la chaîne alimentaire;

1.8.

souligne à cet égard que les algorithmes d’évaluation sont déterminants si l’on veut créer un modèle d’échelle. Ceux-ci doivent être fondés sur des données scientifiques, et être suffisamment transparents pour les consommateurs;

1.9.

estime que les réglementations de l’Union européenne existant déjà en matière de qualité, telles que le mode de production biologique ou les indications géographiques, contiennent déjà des éléments qui contribuent à rendre le système alimentaire plus durable. Il convient de le reconnaître en conséquence. Le CESE recommande en outre de procéder à une vérification des réglementations existantes au regard de la durabilité, et de les compléter, le cas échéant, par des dispositions appropriées dans ce domaine;

1.10.

souligne le rôle crucial que joue l’éducation pour transmettre une compréhension élémentaire des aspects liés à la durabilité des denrées alimentaires. Des campagnes de sensibilisation et des mesures adéquates destinées à soutenir le caractère abordable des produits alimentaires durables peuvent également favoriser la transition vers des systèmes alimentaires plus durables.

2.   Informations contextuelles

2.1.

La stratégie «De la ferme à la table» (1) se trouve au cœur du pacte vert pour l’Europe en ce qu’elle a pour objectif de créer des systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l’environnement. Le plan d’action lié à cette stratégie contient, entre autres, des mesures visant à encourager une consommation alimentaire durable et à faciliter la transition vers des régimes alimentaires sains et durables. Entre-temps, la Commission a déjà entamé les travaux préparatoires d’une loi-cadre horizontale, afin d’accélérer et de faciliter la transition vers la durabilité et de faire en sorte que les aliments mis sur le marché de l’Union européenne soient de plus en plus durables.

2.2.

Le CESE a d’ores et déjà conçu un cadre d’action solide en élaborant une vision stratégique sur la manière de promouvoir une politique alimentaire globale. Les fondements de cette vision figurent dans certains avis, notamment sur les thèmes suivants: «une politique alimentaire globale dans l’UE» (2), des «régimes alimentaires durables et sains» (3), «des chaînes alimentaires courtes et l’agroécologie» (4), «une consommation durable» (5) et «les stratégies et activités des entreprises du secteur alimentaire et les ODD pour une relance durable après la COVID-19» (6).

2.3.

Les entreprises ont la lourde responsabilité d’orienter, d’une part, les consommateurs vers des choix sains et plus respectueux de l’environnement et, d’autre part, d’assurer la transformation durable des systèmes alimentaires en adoptant des pratiques durables en matière de production agricole, de transformation et de conditionnement. Les entreprises devraient participer à l’ensemble du processus d’élaboration du cadre régissant l’étiquetage des denrées alimentaires durables.

2.4.

Aux côtés des entreprises et des acteurs de la production alimentaire, le consommateur joue un rôle déterminant dans la transition vers des systèmes alimentaires plus durables. Chacune de ses décisions d’achat déclenche en principe l’ordre de production suivant. Une demande accrue en produits alimentaires durables tirera donc également l’offre vers davantage de durabilité.

2.5.

Dans ce contexte, l’avis d’initiative proposé se donne pour objectif d’étudier les choix envisageables en matière de cadre d’étiquetage des denrées alimentaires durables, et de présenter des conclusions et des recommandations afin d’appuyer à un stade précoce la Commission dans l’élaboration d’un cadre d’action politique de ce type.

3.   Observations générales

3.1.

La durabilité est une notion qui présente de multiples facettes et qui devrait toujours prendre en compte à parts égales les dimensions économique, environnementale et sociale. Selon la définition de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), un système alimentaire durable est «un système qui assure la sécurité alimentaire et la nutrition pour tous de manière à ne pas compromettre les bases économiques, sociales et environnementales nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire et la nutrition des générations futures» (7). En clair, il n’est pas durable, par définition, de se concentrer uniquement sur l’aspect écologique de la durabilité, comme c’est souvent le cas actuellement, ni de se focaliser de façon unilatérale sur les fondements socio-économiques de la durabilité. L’objectif devrait être que les trois dimensions de la durabilité soient présentes tout au long de la chaîne de valeur.

3.2.

Un cadre pour l’étiquetage ne devrait pas avoir pour but d’attribuer à des denrées alimentaires la qualification de durables ou de non durables. Il devrait plutôt soutenir l’évolution vers un système alimentaire plus durable. Le cadre d’étiquetage vise à aider les opérateurs économiques à évaluer et à améliorer la durabilité de leurs produits (grâce à des méthodes qui encouragent les améliorations, par exemple un système d’évaluation comparative ou un système de référence) et à fournir des conseils utiles aux consommateurs. Ce cadre d’étiquetage devrait être élaboré de manière ouverte et transparente, en collaboration avec les parties prenantes concernées, et il devrait s’appuyer sur une méthodologie claire et fondée sur des données scientifiques. À cette fin, les entreprises devraient avoir accès aux indicateurs, aux méthodes et aux résultats obtenus à partir du système d’étiquetage. Par-dessus tout, celui-ci doit être simple.

3.3.

Il faut des règles claires pour limiter la confusion qui règne actuellement sur le marché, en raison de l’utilisation excessive du terme «durable» (qui est une forme d’«écoblanchiment»). Il devrait être interdit d’afficher un label ou une déclaration de durabilité qui ne repose pas sur un système de certification largement reconnu.

3.4.

L’étiquetage de la durabilité des denrées alimentaires devrait être lié à la totalité du processus de production, tout en étant pour le moment facultatif. Il est cependant essentiel que tout cadre relatif à l’étiquetage de la durabilité alimentaire s’appuie dès le départ sur une définition et/ou une méthodologie claires, fondées à parts égales sur les trois piliers — environnemental, social et économique — de la durabilité. Ce système devrait englober l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire, de la production à la consommation. Par la suite, il conviendrait d’évaluer si une obligation de fournir des informations relatives à la durabilité pourrait également s’avérer nécessaire. Le cadre européen devrait laisser une place adéquate à des systèmes nationaux et régionaux, mais les définitions et les règles d’évaluation devront être harmonisées à l’échelle de l’Union européenne.

3.5.

Il ne faudrait pas, toutefois, surestimer le rôle de l’étiquetage. Il convient d’adopter une compréhension réaliste et pragmatique de ce que l’étiquetage en matière de durabilité peut apporter ou non. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), estime que, pour que l’étiquetage aide les consommateurs à acheter des denrées alimentaires en connaissance de cause et à faire des choix alimentaires plus sains, ceux-ci doivent connaître et reconnaître l’étiquette, comprendre ce qu’elle signifie, être en mesure de l’utiliser correctement, et avoir un intérêt à l’utiliser (8). Il importera de sensibiliser la population aux systèmes d’étiquetage de la qualité et de la durabilité de l’Union européenne. Cette démarche, conjuguée à des mesures en matière de marchés publics et d’éducation, est à même de renforcer la demande en produits alimentaires durables. Les responsables politiques devraient également envisager des mesures adéquates destinées à soutenir le caractère abordable et l’accessibilité des denrées alimentaires durables.

3.6.

L’étiquetage relatif à la durabilité revêt une grande importance dans les cas où le producteur n’est pas en mesure de fournir directement les informations nécessaires. Lorsque le fabricant peut fournir les informations pertinentes directement au consommateur (par exemple, sur un marché agricole local ou dans un magasin agricole), un système d’étiquetage n’est pas nécessaire. Il importe également d’éviter une charge administrative supplémentaire aux petits producteurs.

3.7.

L’éducation joue un rôle crucial dans la compréhension élémentaire des aspects durables en ce qui concerne les produits alimentaires. Il est important d’investir dans des mesures éducatives en faveur d’une alimentation durable dès le plus jeune âge, pour aider les jeunes à apprécier toute la valeur de celle-ci. On peut en outre compter sur le fait que les enfants parviendront à «éduquer» leurs parents à une plus grande durabilité, comme cela a été observé, par exemple, dans le domaine du tri et du recyclage des déchets. Le programme européen en faveur des fruits, des légumes et du lait dans les écoles devrait, par exemple, mettre davantage l’accent sur des aspects importants de la durabilité.

3.8.

Le CESE rappelle qu’il préconise l’élaboration de nouvelles lignes directrices en faveur d’une alimentation durable, qui prendraient en compte les différences culturelles et géographiques entre les États membres, mais aussi en leur sein. Celles-ci permettraient de fournir des orientations aux agriculteurs, aux transformateurs, aux détaillants et aux services de restauration. Le système agroalimentaire bénéficierait d’un nouveau «cadre» régissant la production, la transformation, la distribution et la vente de denrées alimentaires plus saines et plus durables, à un prix plus juste (9).

4.   Observations particulières

4.1.

Les habitudes alimentaires individuelles sont diverses et fortement influencées par l’environnement personnel et culturel. En outre, les habitudes alimentaires sont extrêmement tenaces: lorsque l’on doit modifier son alimentation, cela n’est possible que par étapes et sur une durée longue. Le mode de vie et l’environnement social sont également des facteurs qui déterminent si l’aspect durable joue un rôle dans les comportements des consommateurs. Toutefois, un pourcentage important, et en augmentation constante, de consommateurs déclarent qu’ils sont disposés à modifier leurs habitudes de consommation pour des raisons de durabilité. Il existe un intérêt pour les informations en matière de durabilité, qui permettent de faire des choix éclairés.

4.2.

D’une manière générale, l’étiquetage de la durabilité s’adresse souvent à ceux qui s’intéressent déjà à la question. Des informations en la matière devraient permettre à ce noyau d’initiés de prendre des décisions de consommation durables.

4.3.

La question se pose donc également de savoir si l’on pourrait, et de quelle manière, toucher des publics ne s’intéressant aucunement au sujet. Il est toutefois possible, grâce à l’effet d’exemple des principaux groupes cibles en matière de durabilité, d’obtenir un changement de comportement par imitation. Lorsque des groupes cibles relativement indifférents à la question font des choix alimentaires durables, du moins occasionnels ou dans certains domaines, cela constitue également un progrès. Ce ne sont que quelques uns des éléments visant à appréhender de manière réaliste, dès le départ, les attentes en matière d’étiquetage de la durabilité.

4.4.

Si l’on veut que cet étiquetage relatif à la durabilité des denrées alimentaires fonctionne, il est essentiel que celui-ci soit perçu et accepté par le consommateur, et qu’il véhicule un message compréhensible. L’étiquette elle-même doit être compréhensible, simple et fiable. Parallèlement, des mesures d’accompagnement devraient être mises en place du côté des consommateurs, en vue de promouvoir leur éducation et leur information concernant les régimes alimentaires durables, de renforcer leur confiance et leur acceptation d’un système d’étiquetage et de les motiver pour qu’ils adoptent une consommation plus durable.

4.5.

Les informations relatives à la durabilité devraient reposer sur les principes suivants: fiabilité, transparence, pertinence, accessibilité et clarté (voir les lignes directrices des Nations unies relatives à la fourniture d’informations sur la durabilité des produits) (10). Il convient de veiller à ce que le système de certification tienne dûment compte du contexte structurel pour ne pas pénaliser, par exemple, les petites structures que sont les agriculteurs, les PME, les ventes directes, les marchés hebdomadaires, etc.

4.6.

Les étiquettes comportant une échelle d’évaluation (par exemple, un système de feux de signalisation) pourraient aider les consommateurs à faire des choix informés. Un système d’évaluation de ce type peut également favoriser un rôle de chef de file en matière de durabilité et encourager les entreprises à améliorer constamment leurs processus tout au long de la chaîne alimentaire. Toutefois, afin d’éviter toute confusion, les différents systèmes d’étiquetage devraient présenter un certain degré de cohérence entre eux.

4.7.

L’élaboration d’un cadre d’étiquetage approprié relatif à la durabilité devrait, dans la mesure du possible, adopter une approche globale, dans un objectif «de production et de consommation durables» plutôt que d’une «alimentation durable». Le comportement des consommateurs est un élément essentiel d’un système alimentaire durable dans son ensemble. L’emballage et le transport (origine du produit) ont également leur importance. Dans le même temps, il sera nécessaire de faire preuve d’un certain pragmatisme pour définir des indicateurs de durabilité pertinents (par exemple, quelles informations ou données sont disponibles sous une forme fiable). En tout état de cause, un ensemble harmonisé de règles d’étiquetage en matière de durabilité devrait être mis en place dans les meilleurs délais. Le nombre toujours plus élevé de labels de durabilité différents, au niveau national comme à l’échelle des entreprises, étant source de confusion et de perte de confiance.

4.8.

Les entreprises européennes qui pratiquent le commerce de détail des denrées alimentaires ont déjà eu quelques expériences dans le cadre de projets pilotes d’étiquetage de l’aspect durable des denrées alimentaires. Les résultats provisoires de ces projets montrent notamment que la perception des produits étiquetés a tendance à être plus positive que celle des produits non marqués, avec peu d’influence sur la décision d’achat, que les réactions positives proviennent principalement des groupes cibles composés de jeunes, que l’utilisation d’un système de score est parfois source de confusion avec le système «Nutriscore» et que certains consommateurs souhaitent être informés sur l’emballage du produit plutôt que sur l’étiquette qui affiche son prix. Parmi les points essentiels figurent la crédibilité du système d’évaluation (indépendant et reposant sur une base scientifique), la clarté de l’information (compréhensible), une approche aussi harmonisée que possible dans l’ensemble du secteur et la transparence («clarifier» plutôt que «simplifier», par exemple en utilisant un code barre contenant les informations pertinentes).

4.9.

La prise en compte de la dimension sociale et socio-économique est déterminante, bien que les indicateurs ne soient pas nécessairement évidents à mettre en place. En particulier, dans le domaine social, des dispositions juridiques diverses et variées s’appliquent en fonction des États membres (conditions de travail, salaire minimum), ce qui compliquerait probablement une approche harmonisée à l’échelle de l’Union européenne. En dépit de cela, il est important d’intégrer la dimension socio-économique à l’étiquetage en matière de durabilité.

4.10.

Dans le cadre d’une approche pragmatique, il semble logique de reconnaître les systèmes de certification existants de l’Union, tels que le mode de production biologique, l’indication géographique protégée (IGP), l’appellation d’origine protégée (AOP) ou les spécialités traditionnelles garanties (STG), qui visent à promouvoir la durabilité du système alimentaire. Bien que ces régimes ne couvrent pas totalement le sujet de la durabilité, ils contiennent des éléments qui contribuent à rendre le système alimentaire plus durable. Les réglementations existantes devraient faire l’objet d’un bilan de durabilité et être dans tous les cas complétées par des dispositions appropriées en matière de durabilité.

4.11.

Les produits régionaux ou locaux et les circuits d’approvisionnement courts ont un rôle à jouer pour rendre les systèmes alimentaires plus durables. Les producteurs régionaux produisent souvent à proximité immédiate de la population locale et sont ainsi soumis à un certain «contrôle social», ce qui tend à favoriser des modes de production durables.

4.12.

Le thème de la saisonnalité, en particulier pour les fruits et légumes, a une incidence sur le degré de durabilité. L’information et l’éducation peuvent permettre de sensibiliser le public à une consommation économe des ressources dans cette catégorie de denrées alimentaires rapidement périssables et riches en eau.

4.13.

La récente réforme de la PAC et la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe (stratégie en faveur de la biodiversité, stratégie «De la ferme à la table») dans l’agriculture européenne visent à garantir une production agricole européenne encore plus durable. Ainsi, l’étiquetage de l’origine des matières premières agricoles permet également de tirer des conclusions sur le niveau de durabilité de celles-ci.

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://food.ec.europa.eu/horizontal-topics/farm-fork-strategy_en

(2)  Avis d’initiative du CESE sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18).

(3)  Avis d’initiative du CESE sur la «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).

(4)  Avis d’initiative du CESE «Promouvoir des chaînes alimentaires courtes et alternatives dans l’Union européenne: le rôle de l’agroécologie» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 65).

(5)  Avis d’initiative du CESE sur le thème «Vers une stratégie de l’Union européenne pour une consommation durable» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 51).

(6)  Avis d’initiative du CESE sur le thème «Aligner les stratégies et les activités des entreprises du secteur alimentaire sur les ODD» (JO C 152 du 6.4.2022, p. 63).

(7)  https://www.fao.org/in-action/territorios-inteligentes/componentes/produccion-agricola/contexto-general/en/

(8)  https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/336988/WHO-EURO-2020-1569-41320-56234-eng.pdf?sequence=1&isAllowed=y

(9)  Avis d’initiative du CESE sur la «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).

(10)  https://www.oneplanetnetwork.org/knowledge-centre/resources/guidelines-providing-product-sustainability-information


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/102


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Une vision stratégique de la transition énergétique au service de l’autonomie stratégique de l’UE»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/15)

Rapporteurs:

Thomas KATTNIG

Lutz RIBBE

Tomasz Andrzej WRÓBLEWSKI

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

4.10.2022

Date de l’adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

197/9/12

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

À la fin de l’année 2021, le Comité économique et social européen (CESE) a résolu d’élaborer une vision globale de la transition énergétique. Le 18 janvier 2022, il a décidé que toutes ses sections, ainsi que la CCMI devraient rédiger des avis d’initiative sur différents aspects de la transition énergétique, destinés à être repris dans un avis d’ensemble consacré à «Une vision stratégique de la transition énergétique ouvrant sur le développement durable».

Toutefois, la situation actuelle que connaît l’Ukraine, à la suite de son invasion militaire par la Fédération de Russie a placé la transition énergétique en tête de liste des priorités, étant donné les conséquences sans précédent qu’elle exerce sur l’approvisionnement énergétique de l’Union et sur les prix de l’énergie.

À la lumière de la crise actuelle, et compte tenu de l’objectif de mettre fin à la dépendance de l’Union européenne à l’égard du gaz russe d’ici à 2030, le présent avis du CESE expose une vision globale de la transition énergétique propre à construire et à promouvoir l’autonomie stratégique de l’Union dans le domaine de l’énergie.

Dans l’optique d’élaborer une vision stratégique à long terme, le présent avis cadre procède à la synthèse:

des conclusions et recommandations issues des avis d’initiative sectoriels (1),

des conclusions des avis relatifs à l’initiative et au plan REPowerEU, ainsi qu’aux propositions législatives à venir,

des conclusions et recommandations issues d’avis du CESE antérieurs.

1.2.

Le CESE tient à souligner que si des solutions adéquates ne sont pas dégagées, e les effets économiques et sociaux combinés de la crise énergétique actuelle risquent de mettre le système démocratique sous pression. Le CESE soutient par conséquent la mise en œuvre de mesures immédiates visant à résoudre les problèmes les plus urgents, en particulier pour garantir la sécurité de l’approvisionnement à un coût qui soit «aussi abordable que possible» pour les consommateurs comme pour l’industrie, qui sont touchés par les hausses de prix actuelles, dont l’ampleur est spectaculaire.

1.3.

L’amère réalité du changement climatique se fait de plus en plus tangible en Europe. En outre, la crise énergétique qui sévit actuellement, aggravée par l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie, démontre clairement que, pour être en soi judicieux, ni les objectifs ni les mesures qui ont été proposés dans le cadre de l’«union de européenne de l’énergie» et du pacte vert ne sont pas suffisamment ambitieux, et qu’ils apparaissent encore bien insuffisants pour amener l’Europe à une «autonomie stratégique en matière d’énergie» qui garantisse sécurité, durabilité et compétitivité. Surtout et avant tout, ils sont toujours abordés de manière bien trop pusillanime. Un changement radical de perspective s’impose donc en la matière.

1.4.

Il y a lieu de cerner de façon extrêmement précise le potentiel dont l’Europe dispose en matière d’énergies renouvelables et de diffuser largement cette information, pour favoriser une appréhension commune du niveau qu’elle est susceptible d’atteindre pour ce qui est de s’affranchir des importations énergétiques. En particulier, il est nécessaire de prendre en considération l’électrification du secteur du chauffage et des transports et la nécessité de développer une production nationale d’hydrogène vert.

1.5.

En plus de tirer parti au plus vite de ces possibilités, l’Union se doit aussi d’exploiter encore plus vigoureusement ses gisements d’économies d’énergie, lesquels, dans la conjoncture actuelle, offrent la meilleure piste à suivre pour obtenir des effets immédiats.

1.6.

En parallèle, il sera nécessaire de prendre des dispositions de court terme, voire s’inscrivant dans des échéances moyennes, pour compenser la perte d’approvisionnements énergétiques en provenance de Russie. Si l’une de ces actions consiste à réaliser des importations de gaz naturel liquéfié (GNL), le CESE considère qu’elles ne peuvent aboutir à créer de nouvelles dépendances de l’Union européenne à l’égard de combustibles fossiles. Cette dimension doit être prise en compte de manière volontariste dans le cycle d’investissement. L’objectif global poursuivi ne consiste pas à diversifier nos dépendances, mais bien à atteindre un degré d’«autonomie stratégique» qui soit le plus élevé possible.

1.7.

Pareille transformation ne constitue pas seulement un défi technique majeur mais implique aussi des enjeux structurels. À l’avenir, la production énergétique sera bien plus décentralisée que par le passé. Ce basculement ouvre également des perspectives pour les villes et les régions, ainsi que pour d’autres nouveaux intervenants, qu’il s’agisse, entre autres exemples, des microentreprises et petites et moyennes entreprises, ou encore des prosommateurs, tant particuliers que collectifs. La conviction du CESE est que les responsables politiques n’ont pas encore fourni des indications claires, ni arrêté de mesures, quant aux modalités par lesquelles des acteurs qui étaient jusqu’à présent de purs consommateurs d’énergie pourront se muer en nouveaux acteurs dans ce domaine. Dans bon nombre de ses avis, le Comité a souligné qu’un préalable obligé pour garantir que la transformation s’effectue rapidement consiste à recueillir l’adhésion de la population. La meilleure manière d’obtenir son assentiment est de lui donner des droits et des possibilités pour devenir partie prenante du mouvement. La question ne se limite donc pas à savoir où s’effectue la production d’énergie, ni à déterminer quelles en seront les sources, mais consiste aussi à déterminer qui sera autorisé à en retirer un profit financier. Le CESE renouvelle son appel à prévoir des mesures d’information et de sensibilisation qui couvrent un large champ tout en étant bien ciblées et dont la mise en œuvre, sur un mode coordonné et attentif aux complémentarités, soit assurée par la Commission et les États membres, ainsi que par les fédérations d’entreprises et chambres professionnelles, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes concernées (2).

1.8.

Le CESE réaffirme avoir la conviction, déjà exprimée dans des avis antérieurs, qu’il est non seulement nécessaire que les fonds de cohésion sociale et régionale et les aides à la relance soient mobilisés aux fins de la protection du climat et de la transition énergétique, mais qu’il s’impose aussi que les politiques en matière climatique et énergétique soient conçues de manière à favoriser cette même cohésion de la société et des régions.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE tient à souligner que, si des solutions adéquates ne sont pas dégagées, les effets économiques et sociaux combinés de la crise énergétique actuelle risquent de mettre le système démocratique sous pression. Le CESE soutient par conséquent la mise en œuvre de mesures immédiates visant à résoudre les problèmes les plus urgents, en particulier pour garantir la sécurité de l’approvisionnement à un coût qui soit «aussi abordable que possible» pour les consommateurs comme pour l’industrie, qui sont touchés par les hausses de prix actuelles, dont l’ampleur est spectaculaire.

2.2.

La crise climatique produit d’ores et déjà d’énormes répercussions en Europe et dans le monde entier. Le CESE réaffirme qu’il soutient vigoureusement les objectifs qu’énonce le pacte vert quand il entend assurer l’autonomie stratégique de l’Union en matière d’approvisionnement énergétique, ainsi que la transition vers une économie durable, neutre du point de vue climatique. La nécessité d’accélérer radicalement la transformation que le pacte a enclenchée s’impose encore plus nettement dans le contexte de la «guerre de l’énergie» lancée par la Russie. REPowerEU et les autres initiatives proposées par la Commission font œuvre utile pour que le pacte soit remanié en conséquence, mais elles ne sont pas encore suffisamment ambitieuses.

2.3.

Toute mesure prévue au titre de la transition énergétique doit tenir compte de la dimension sociale. D’une part, il s’agit là d’un impératif indispensable pour ne pas risquer de saper l’adhésion de l’opinion aux changements qui s’imposent et garantir que la transition soit équitable. D’autre part, la mutation ainsi lancée ouvrira également la voie à des évolutions positives dans l’économie régionale, dont des créations d’emplois (3), de sorte que son acceptation s’en trouvera favorisée. Dans sa mission de représentant de la société civile, le CESE a souvent tracé des pistes quant à la manière dont il conviendrait d’associer la population à cette démarche de transformation pour qu’elle soit «juste». Elles ont malheureusement été bien souvent ignorées, de sorte qu’il pourrait s’avérer plus difficile encore de gagner la confiance de l’opinion en la matière.

2.4.

Le CESE a la conviction qu’il est à la fois impératif et possible de préserver la compétitivité de l’économie européenne, notamment celle de son tissu industriel et de ses microentreprises et petites et moyennes entreprises, en tant que moteurs d’innovation durable. Les concepts intelligents d’utilisation de l’énergie, comme les centrales électriques virtuelles, offrent des possibilités de croissance considérables aux entreprises de moindre envergure. Parce que les microentreprises et petites et moyennes entreprises constituent une pièce maîtresse pour parvenir à ce que la structure économique de l’Union soit compétitive, neutre à l’égard du climat et inclusive, il est nécessaire de mettre en place et de pérenniser l’environnement requis pour leur bon fonctionnement, en recourant à des formes bien ciblées de soutien et d’encadrement général. Il s’impose d’agir de la sorte pour conforter et produire une croissance économique et des emplois de grande qualité.

2.5.

Si l’Union européenne joue un rôle pionnier dans la lutte pour la réduction des émissions de CO2, il lui faut aussi rallier d’autres acteurs à l’action en faveur du climat. Il convient qu’elle intensifie ses efforts diplomatiques, s’engage dans de nouvelles formes de coopération et mobilise des instruments tels que les accords de coopération et de commerce pour convaincre les pays tiers d’en faire davantage pour surmonter cette phase critique. Dans le même temps, elle doit se doter d’un discours quant à l’opportunité de rapatrier ses chaînes d’approvisionnement industriel vers son territoire, afin de de réduire sa dépendance à l’égard des fournisseurs chinois, par exemple dans le secteur des modules photovoltaïques et des batteries, tout en garantissant que ces filières d’approvisionnement soit pleinement durables, y compris du point de vue de la politique sociale et du respect des droits de l’homme.

2.6.

Elle subit une pression intense du fait de la crise de l’énergie qui sévit actuellement, notamment en ce qui concerne son prix, ainsi que des incertitudes en rapport avec la sécurité, la stabilité et la prédictibilité des approvisionnements. Ces tensions auraient été moins aiguës si l’on avait entrepris de mener plus tôt une action mieux ciblée et que, par exemple, ses objectifs spécifiques, comme l’union européenne de l’énergie, avait été abordés avec plus de soin. Le CESE salue les mesures que la communication relative à REPowerEU et le plan d’action afférent proposent afin d’assurer la montée en puissance de la production énergétique verte, de diversifier les approvisionnements et de réduire la demande de gaz russe, car les démarches ainsi avancées s’inscrivent dans la logique des objectifs du pacte vert et de l’union européenne de l’énergie. Il estime qu’en l’occurrence, l’enjeu primordial ne doit pas consister à diversifier les dépendances, mais à atteindre au plus vite une «indépendance et autonomie stratégique en matière énergétique». Il tient à souligner que s’agissant des ressources destinées à remplacer le gaz en provenance de Russie, l’Europe doit faire preuve de la plus grande prudence, eu égard à leurs retombées environnementales et aux nouvelles dépendances qu’elles peuvent induire vis-à-vis de pays tiers qui ne partagent pas ses valeurs.

2.7.

La situation qui a prévalu sur les marchés de l’énergie en août 2022 montre clairement qu’aucune source d’énergie n’est toujours fiable à 100 %. Depuis plusieurs mois, par exemple, un nombre non négligeable de centrales nucléaires françaises ne sont pas connectées au réseau pour des raisons liées à leur entretien, à l’impact du changement climatique ou à d’autres problèmes. La production d’électricité à partir de charbon a non seulement eu une incidence significative sur la crise climatique mais en subit aussi les effets de manière directe: le débit du Rhin ayant chuté du fait de la sécheresse, il n’a plus été possible d’approvisionner les centrales au charbon. Pour des raisons similaires, l’hydroélectricité est aussi devenue moins stable, comme le démontre, par exemple, le cas de l’Italie. En outre, le gaz naturel, qu’il soit transporté sous forme gazeuse ou liquide, est non seulement nocif pour le climat mais présente également des risques géopolitiques énormes. En d’autres termes, alors que tous les États membres poursuivent l’objectif d’un bouquet énergétique diversifié et sûr, les énergies éolienne et solaire se profilent comme des sources stratégiques et viables au regard de la future politique énergétique de l’Union européenne. Pour compenser les fluctuations de ces deux sources d’énergie, nous avons surtout et avant besoin d’installations de stockage et, en second lieu, d’hydrogène vert, qui permet d’«emmagasiner» à long terme la production énergétique de l’éolien et du solaire. La question décisive qui se pose pour l’autonomie stratégique de l’Europe est de savoir quelle quantité d’hydrogène vert peut être produite sur son territoire et quelle autre doit être importée. Par ailleurs, à l’heure de la transformation, nous devons avoir en ligne de mire la source qui sera relativement la plus fiable et la plus efficace sur le plan climatique.

2.8.

Les événements des dernières décennies, et surtout ceux qui sont intervenus dans un passé récent, révèlent le risque de cyberattaques et d’actes de sabotage sur des infrastructures critiques telles que le réseau énergétique ou les centrales électriques. Des pannes ou des perturbations peuvent provoquer des pénuries d’approvisionnement aux effets dévastateurs et menacer la sécurité publique. Les infrastructures critiques telles que les réseaux de gaz et d’électricité, les câbles internet en eau profonde, les installations en mer ainsi que les parcs éoliens terrestres et les terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), les centrales au charbon ou les centrales nucléaires, les transports et la circulation, les services de santé, les circuits de la finance et la sécurité pourraient être la cible de cyberattaques ou d’attaques physiques. Il est dans l’intérêt de tous en Europe de mieux protéger ces infrastructures critiques. L’Union européenne doit être mieux préparée à d’éventuelles attaques de ce type. Par conséquent, le CESE demande de procéder sur-le-champ à une évaluation critique des mesures prises jusqu’à ce jour et d’élaborer une stratégie globale de protection de l’Union contre les menaces telles que les catastrophes naturelles, les attaques physiques et les cyberattaques. Dans ce contexte, il recommande que tout investissement étranger dans des secteurs stratégiques de l’Union soit conforme à sa politique de sécurité.

2.9.

Le CESE se félicite qu’un Fonds social pour le climat ait été créé (4). Il a néanmoins la conviction que le soutien financier qu’il fournira ne sera pas suffisant pour faire face de manière responsable aux effets socio-économiques de la tarification du carbone. L’énorme tâche que représente la conception d’un mécanisme de compensation efficace et équitable dans une zone économique hétérogène comprenant 27 États membres appelle des mesures d’accompagnement et des ressources qui soient plus ambitieuses, au niveau européen et national.

2.10.

L’augmentation massive des prix de l’énergie montre clairement que le marché actuel de l’énergie n’est que partiellement viable. Relevant que sa tarification transfrontière en fonction des coûts s’effectue sur les bourses européennes de l’électricité, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a elle-même déclaré que ce système cesserait de fonctionner si le volume d’électricité verte continuait d’augmenter. Nous devons nous poser des questions essentielles concernant notre avenir énergétique, afin de nous assurer un approvisionnement qui soit respectueux de l’environnement, d’un prix abordable et d’une fiabilité éprouvée, ainsi que de garantir le droit à l’énergie. Le CESE estime qu’il y a lieu de remanier l’architecture du marché et sa réglementation, de manière à l’adapter aux nouvelles réalités découlant de la position prédominante que les énergies renouvelables vont prendre dans le futur, tout en créant l’environnement indispensable pour l’industrie, les microentreprises et petites et moyennes entreprises et les intervenants individuels, et en entreprenant d’ouvrir de nouvelles possibilités de participation aux prosommateurs, aux communautés énergétiques citoyennes et à d’autres parties prenantes, et en renforçant la protection adéquate dont doit bénéficier le consommateur. Lors de la refonte du marché, il conviendra de veiller tout particulièrement à éviter les obstacles structurels à cause desquels les petits acteurs éprouvent actuellement des difficultés pour accéder au marché. Cette observation vaut, par exemple, pour l’accès à l’énergie d’équilibrage et, si nécessaire, aux marchés de capacité, qui peuvent être nécessaires pour garantir la sécurité de l’approvisionnement.

2.11.

Pour garantir que les prix de l’énergie soient socialement acceptables et à nouveau compétitifs et ouvrir la voie, en parallèle, à la préservation de la position de tête que l’Union européenne occupe en matière d’utilisation des énergies renouvelables, le CESE demande que soient harmonisées et accélérées les procédures d’autorisation en la matière, qui apparaissent être le principal obstacle pour un déploiement plus rapide de ces sources d’énergie de nature renouvelable. Dans le même temps, il s’impose de réaliser des avancées significatives concernant les conditions régissant les mesures de décentralisation, les coopératives d’énergie et toutes les formes de prosommation.

2.12.

Le CESE soutient fermement la proposition de la Commission sur le stockage du gaz et le règlement sur des mesures coordonnées de réduction de la demande gazière. Il appelle les institutions de l’Union:

à compléter ces initiatives par un instrument d’investissement à court terme destiné à soutenir le déploiement d’infrastructures adaptées à l’utilisation de l’hydrogène, comme les interconnexions et les installations de stockage,

à envisager d’utiliser des installations de stockage de gaz dans des pays tiers voisins de l’Union,

à élaborer des plans pour chaque État membre, afin d’éviter que la répartition des charges ne soit déséquilibrée sur le plan régional.

2.13.

Le CESE fait observer que le développement concomitant d’infrastructures centralisées et décentralisées pose problème et risque de donner lieu à des investissements inopportuns. Pour ne prendre que cet exemple, un réseau national de gazoducs à hydrogène et le développement de circuits de chauffage urbain à basse température peuvent se trouver en position d’antagonisme pour ce qui est de leurs utilisations potentielles. Le CESE demande par conséquent de prendre les décisions fondamentales qui s’imposent en faveur de la sécurité des investissements (5).

3.   La transition énergétique considérée dans une perspective de stratégie transversale au sein de l’Union européenne et dans les contextes internationaux

3.1.

L’agression russe contre l’Ukraine a déclenché une crise géopolitique mondiale dont les retombées se répandent à un rythme exponentiel en ce qui concerne tant les équilibres économiques que la sécurité énergétique mondiale. Cette attaque a remis en cause la politique menée depuis des décennies en matière de défense et de relations extérieures, contraignant l’Union européenne à réévaluer tout à la fois ses projections et ses initiatives, jusqu’alors bien trop timorées, concernant les transformations verte et numérique, ainsi qu’à se pencher sur les répercussions que l’invasion opérée par la Russie et les sanctions qui lui ont été imposées en réaction produiront pour la poursuite de la transition énergétique mondiale.

3.2.

La dépendance de l’Union à l’égard de l’énergie primaire importée de pays tiers s’est muée en une menace directe pour sa sécurité et sa stabilité. En conséquence, la Commission a rapidement proposé, dans le cadre de l’initiative REPowerEU, qu’une série de mesures soient adoptées pour adapter la politique énergétique européenne à la conjoncture géopolitique actuelle. Ainsi, la proposition de règlement sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel verse les installations de stockage gazier parmi les infrastructures énergétiques critiques et instaure tout à la fois une obligation de certification pour les gestionnaires de ces installations et des objectifs de remplissage des réservoirs de gaz, pour aider l’Union européenne à reprendre le contrôle de son marché énergétique. Le CESE se félicite de toutes ces mesures, lesquelles devraient contribuer à ce qu’elle reprenne la main sur ledit marché.

3.3.

Compte tenu des tensions politiques actuelles, le CESE considère par ailleurs que l’Union doit coopérer plus activement que jamais avec un certain nombre d’États qui sont à même d’assurer son approvisionnement énergétique sur le court terme, jusqu’à ce que se matérialise l’expansion massive des énergies renouvelables que projette la Commission. Parmi ces pays figurent les États-Unis et, à des degrés divers, des pays d’Amérique du Sud et d’Afrique, dont les exportations de combustibles fossiles, devenues indispensables pour une brève période, doivent être combinées avec un transfert de connaissances en leur direction et un développement des technologies relatives aux énergies renouvelables sur leur territoire, afin que l’atténuation du changement climatique s’y accélère également.

4.   Créer un environnement propice à la transition énergétique

4.1.   Les investissements publics

4.1.1.

Pour couvrir les besoins croissants en électricité et respecter les objectifs fixés en matière climatique, il est nécessaire de doubler les investissements dans le réseau électrique, pour les porter à 55 milliards d’euros par an, ainsi que d’accroître les fonds consacrés au déploiement de capacités de production d’électricité propre, pour qu’ils atteignent un montant annuel de 75 milliards d’euros (6). Le contexte qui se dessine ainsi confère une grande importance aux investissements que les pouvoirs publics effectuent dans des systèmes énergétiques intelligents et renouvelables et les infrastructures de stockage, en ayant le souci d’assurer une sécurité d’approvisionnement, de lutter contre la précarité énergétique, de garantir des tarifs abordables et de créer des emplois de qualité.

4.1.2.

Le CESE recommande une fois de plus, pour autant que ni la stabilité budgétaire à moyen terme ni la valeur de l’euro ne soient compromises, d’appliquer aux investissements publics la «règle d’or», telle que formulée dans l’avis ECO/569 (7), afin de préserver la productivité et le socle social et écologique qui sont nécessaires pour assurer le bien-être des générations futures.

4.1.3.

Les dispositifs de financement mixtes incluant des investisseurs privés ne peuvent constituer une option qu’à la condition de donner la garantie que les décisions concernant leur octroi s’effectuent dans la transparence et que par rapport aux financements de type public, ils n’imposent pas de coûts injustifiés aux pouvoirs publics. Une transparence totale doit s’appliquer aux coûts supplémentaires justifiés. Il n’en est donc que plus important, dans ces schémas de financement mixte, de définir clairement les droits et les obligations de chaque partie, de démêler les questions touchant à leurs responsabilités et de prévoir un mécanisme efficace et rapide de résolution de leurs conflits, afin de ne pas avoir à supporter des coûts supplémentaires à longue échéance et d’éviter de se retrouver en mauvaise posture en ce qui concerne lesdites responsabilités.

4.1.4.

En ce qui concerne la structuration qu’il conviendra de donner aux systèmes et infrastructures énergétiques de demain, le CESE a souligné à maintes reprises qu’il s’impose que tous les consommateurs, qu’il s’agisse des ménages, des entreprises ou des communautés énergétiques, soient associés activement au développement de systèmes énergétiques intelligents et que des dispositifs incitatifs soient mis en place afin que la société civile puisse prendre part à la transition en matière d’énergie. Il est clair que l’on sous-estime totalement le rôle que les particuliers, les agriculteurs, les villes, les microentreprises et petites et moyennes entreprises ou les communautés énergétiques citoyennes peuvent jouer dans le financement des actions en la matière. Ainsi, le CESE fait observer qu’en Allemagne, plus de 90 % des capacités installées n’ont pas été mises en place par de grands fournisseurs d’énergie. Il nous manque une stratégie grâce à laquelle nous pourrions exploiter le potentiel et les bonnes dispositions qui existent indubitablement dans ce domaine.

4.1.5.

Le droit européen de l’énergie ne considère pas que la préservation du climat prenne place parmi les objectifs de la régulation des réseaux. En conséquence, les autorités nationales de régulation éprouvent également des difficultés à arrêter, en faveur de la transformation, du développement et de la modernisation des réseaux de distribution électrique, des mesures incitatives qui feraient droit aux impératifs de la neutralité climatique. Le droit européen de l’énergie devrait donc explicitement mentionner la neutralité climatique parmi les objectifs de la régulation des réseaux.

4.1.6.

La Commission souligne à juste titre que les investissements publics peuvent et doivent mobiliser des investissements privés. Toutefois, le plan REPowerEU ne couvre pas le refinancement des fonds publics concernés. L’une des pistes possibles pour l’organiser consisterait à supprimer les subventions octroyées aux ressources fossiles; une autre serait de taxer les bénéfices exceptionnels faramineux engendrés par la grave crise pétrolière et gazière dont bénéficient, en particulier, les grandes compagnies pétrolières. Le CESE redoute que ces rentrées extrêmement élevées des sociétés énergétiques, d’une part, et la montée de la précarité énergétique, résultant de l’augmentation en flèche des prix de l’énergie, d’autre part, ne forment un cocktail détonant, porteur du risque d’une dangereuse explosion sociale. Le Comité propose d’écrêter par la voie fiscale les sommes qui ont été gagnées de la sorte et de les transférer à titre de compensation financière à des consommateurs d’énergie comme les ménages dont les finances sont plus fragiles ou aux entreprises à forte intensité énergétique, par exemple, et de les utiliser pour assurer la montée en puissance de la production d’énergies renouvelables et le développement des infrastructures de réseau nécessaires, d’autant qu’il s’agit d’une démarche qui en est déjà au stade de la discussion, voire de la mise en œuvre, dans certains États membres. Le CESE est d’avis que, pour éviter de dissuader les entreprises du secteur de l’énergie d’investir dans des solutions à faible intensité de carbone, l’instauration de telles taxes devrait être considérée comme une question extrêmement sensible. Il invite la Commission à proposer sans tarder davantage des mesures en la matière.

4.1.7.

La politique en matière d’approvisionnement doit s’appuyer sur une infrastructure qui assure des flux adéquats d’électricité et de gaz au sein du marché européen et garantisse la stabilité du réseau. Le CESE a la conviction qu’il convient de veiller tout particulièrement à ranger le développement des réseaux parmi les questions d’intérêt public majeur, de faire de la lutte contre le changement climatique un des objectifs de la régulation et, d’une manière générale, d’assurer une meilleure synchronisation entre la planification des énergies renouvelables et le réseau électrique. Il est absolument nécessaire de disposer en la matière de dispositions concrètes ressortissant au droit européen.

4.2.   Le Fonds d’adaptation au changement climatique

4.2.1.

Le Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE) constitue le mécanisme dont l’Union européenne dispose actuellement pour faire face aux catastrophes naturelles. Toutefois, le budget annuel qui lui est alloué est dérisoire en comparaison du coût énorme que représentent les dommages (8) causés récemment par des catastrophes naturelles, et son montant devrait être augmenté de manière radicale. Les financements que l’Union consacre à la transition vers une énergie verte sont plus fournis, mais ils ne tiennent pas compte de l’urgence des besoins qu’elle doit combler si elle veut assurer son autonomie en énergie respectueuse de l’environnement.

4.2.2.

Le CESE estime nécessaire de doter l’Union d’un nouveau mécanisme de financement qui, lorsque de telles urgences surviennent, soit à même de fournir sur-le-champ un soutien substantiel aux États membres. Il propose dès lors la création d’un nouveau «Fonds d’adaptation au changement climatique», lequel devrait être alimenté par la réaffectation de ressources qui proviendraient de fonds de l’Union existants, notamment le Fonds de cohésion et la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), mais seraient gérées de manière rationalisée et cohérente par le truchement de ce nouveau dispositif.

4.2.3.

S’agissant de moderniser le cadre destiné à financer les interventions, l’on pourrait également envisager d’élargir le champ d’application des programmes actuellement disponibles, de renforcer les moyens dont ils disposent et de s’inspirer du modèle de NextGenerationEU pour instaurer un nouvel instrument de financement. Le CESE observe qu’afin de relever les immenses défis auxquels nous sommes confrontés, il peut s’avérer nécessaire de dégager de nouvelles ressources, qui devront cependant, quelle qu’en soit la nature, être configurées de telle manière qu’elles évitent d’alourdir encore les charges qui pèsent sur les catégories défavorisées. Par ailleurs, elles ne pourront entraver le développement économique.

4.2.4.

Il est essentiel que le fonctionnement du Fonds d’adaptation au changement climatique, davantage axé sur des réponses rapides et urgentes, soit cohérent avec les politiques globales de l’Union en matière de climat, d’environnement et d’énergie, lesquelles, à long terme, la rendront moins tributaire de mécanismes de réaction d’urgence et protégeront tout à la fois l’humanité et le milieu naturel.

4.3.   La promotion des technologies

4.3.1.

Afin d’être menée à bien, la transition écologique de l’industrie manufacturière doit pouvoir s’appuyer sur un éventail de sources d’énergie renouvelables qui soit suffisant, stable et adéquat pour assurer l’électrification et la production d’hydrogène vert. Des technologies de stockage sont en phase de développement et les possibilités qu’offre la numérisation sont exploitées à plein. Les besoins qui restent à couvrir en matière de recherche et développement sont donc considérables.

4.3.2.

Le rendement des investissements effectués dans les sociétés d’électricité a baissé depuis que la libéralisation a été lancée. Dans l’Union européenne, la part que les engagements publics représentent dans la recherche et le développement en matière de technologies de décarbonation est inférieur à celle que l’on relève dans toutes les autres grandes économies, de sorte que sa compétitivité s’en trouve compromise dans ces secteurs technologiques qui joueront demain un rôle essentiel. Le CESE invite la Commission à élaborer un plan stratégique d’investissement et à encourager les États membres à utiliser de manière optimale et efficace les fonds qui leur sont alloués pour le développement des énergies propres. La même observation s’applique aux investissements dans le réseau électrique.

4.3.3.

La décarbonation nécessitera de procéder, au cours des trente années à venir, à une transformation radicale des activités industrielles. De nombreuses technologies à faible intensité de carbone existent déjà, mais leur niveau de maturité technologique (NMT) est faible (9). Dans le domaine technologique, il conviendra d’élaborer des feuilles de route ambitieuses pour développer et déployer à grande échelle ces techniques, et l’Union se doit de promouvoir l’innovation par l’intermédiaire des fonds pour le climat et pour l’innovation.

4.3.4.

Il est incontestable qu’à l’avenir, l’hydrogène vert contribuera à garantir la sécurité du système énergétique européen. Le CESE renvoie aux avis qu’il a élaborés sur la stratégie en matière d’hydrogène (10) et celle relative à l’intégration du système énergétique (11).

4.4.   Le soutien aux microentreprises et petites et moyennes entreprises (12)

4.4.1.

Les microentreprises et petites et moyennes entreprises (MPME), qu’il s’agisse de firmes traditionnelles, d’affaires familiales, de négociants, d’entreprises de l’économie sociale, d’artisans ou de professions libérales, représentent des intervenants essentiels pour parvenir à ce que l’économie européenne soit compétitive, neutre pour le climat, circulaire et inclusive, pour autant que l’on instaure et maintienne les conditions adéquates en leur faveur. En ce qui les concerne, il est bénéfique d’améliorer leurs propres performances environnementales, ainsi que de dispenser leur expertise et communiquer leurs démarches à d’autres entreprises, à la population et au secteur public. Tout en reconnaissant et en soulignant que ces structures présentent une grande diversité et que leurs besoins sont très variés, le CESE préconise qu’une attention particulière soit accordée à celles qui sont les plus petites et dont la vulnérabilité est la plus élevée.

4.4.2.

Le CESE souligne qu’il est urgent d’aider les microentreprises et petites et moyennes entreprises à comprendre et gérer au mieux la transition écologique. Il appelle à prévoir des mesures d’information et de sensibilisation qui couvrent un large champ tout en étant bien ciblées et dont la mise en œuvre, sur un mode coordonné et attentif aux complémentarités, soit assurée par la Commission et les États membres, ainsi que par les fédérations d’entreprises et chambres professionnelles, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes concernées. Inversement, il importe que le rôle que les microentreprises et petites et moyennes entreprises jouent par rapport aux nouvelles technologies et aux démarches novatrices destinées à induire des changements écologiques dans l’industrie de l’Union soit également mis en évidence et entre en ligne de compte parmi les critères régissant l’accès aux programmes de financement.

4.4.3.

Le CESE invite l’Union européenne et les États membres à accélérer les investissements verts des microentreprises et petites et moyennes entreprises en leur garantissant un environnement réglementaire propice, prévisible et stimulant, qui suppose de mettre en place des procédures d’autorisation bien huilées et de leur épargner des charges administratives excessives, ainsi que de leur offrir un accès au financement qui soit rapide, facile, simple et traçable et soit adapté à la diversité des besoins de leurs différentes catégories.

4.4.4.

Pour que les microentreprises et petites et moyennes entreprises progressent dans l’utilisation efficace de leurs ressources, le CESE propose de créer des «pôles de circularité» dans différentes régions. Cette initiative devrait renforcer la coopération entre entreprises de tous les secteurs et aider à élaborer des pratiques et processus neufs, y compris par la démonstration de nouvelles technologies. Dans l’ensemble de l’Union, les procédures de passation de marchés doivent comporter des critères qui soient en rapport avec le climat, aient une portée sociale ou soient liés à d’autres aspects qualitatifs. Une telle démarche stimulerait l’innovation au sein de ces entreprises et les aiderait à remporter des marchés publics. Il conviendrait que les organisations qui les fédèrent, les chambres de commerce, l’université, les partenaires sociaux et les autres acteurs concernés fassent partie intégrante du processus.

4.4.5.

Le CESE plaide pour que les prestataires de services éducatifs et les microentreprises et petites et moyennes entreprises mènent une coopération étroite pour concevoir des formations qui soient en adéquation avec les compétences et aptitudes requises dans le cadre de la transition écologique, y compris en pratiquant le perfectionnement et la reconversion professionnels, pour les salariés comme pour les entrepreneurs. En outre, il préconise d’appuyer les activités d’innovation en faveur des microentreprises et petites et moyennes entreprises en encourageant et en facilitant leur coopération avec d’autres entreprises et leurs organisations, les chambres de commerce, les universités et les organismes de recherche.

5.   La promotion générale d’une transition juste et inclusive

5.1.   Une transition juste

5.1.1.

Une «transition juste» implique de prendre des mesures et de lancer des interventions de politique sociale pour accompagner la transition vers une économie et un système de production qui présentent un caractère durable et soient neutres du point de vue du carbone. Le CESE souligne que la nature «équitable» de la transition ne se réduit pas à une question de financement mais qu’elle couvre aussi l’objectif d’instaurer un travail décent, de créer des emplois de haute valeur et de garantir la sécurité sociale, ainsi que de préserver et d’améliorer la compétitivité des entreprises européennes, et qu’elle exige de prendre des mesures spécifiques à tous les niveaux, notamment à celui des régions.

5.1.2.

Dans les secteurs clés qui seront particulièrement touchés par la modernisation environnementale et la révolution industrielle visant à la neutralité climatique pour l’Europe, il faut s’attendre à un bouleversement de grande ampleur sur le front de l’emploi, face auquel il sera indispensable de lancer des actions de reconversion et d’engager des investissements de formation pour des postes de travail verts de haute qualité. Dans un tel environnement, assurer la transmission des savoirs, en recourant à des moyens modernes et garantir les droits à la formation représente une nécessité aussi impérieuse que de déployer des efforts continus pour que les femmes soient bien accueillies dans les catégories de métiers à caractère technique.

5.1.3.

Les interventions relatives à la transition et ses différentes étapes, telles qu’exposées dans le train de mesures de l’«ajustement à l’objectif 55» peuvent induire d’énormes changements dans l’économie et déboucher sur des perturbations sociales. Le CESE invite par conséquent la Commission, lorsqu’elle évalue les plans nationaux en matière d’énergie et de climat, à insister aussi avec plus de force sur l’adéquation des stratégies pour une transition juste et à examiner en particulier, à cet égard, la réalisation des objectifs suivants:

faciliter les transitions professionnelles,

soutenir les travailleurs qui perdent leur emploi en raison de la décarbonation, chaque poste supprimé devant être, au minimum, remplacé par un autre qui lui soit équivalent,

exploiter, au niveau régional, le potentiel économique dont sont porteuses les énergies renouvelables et les nouvelles formes de participation et de contribution à la production d’électricité,

lutter efficacement contre la pauvreté énergétique.

5.1.4.

Le CESE plaide pour que les prestataires de formation et les entreprises coopèrent étroitement pour concevoir des parcours formatifs qui fournissent les aptitudes et compétences requises par la mutation écologique de l’économie, notamment grâce à la mise à niveau des compétences et à la reconversion des travailleurs et des entrepreneurs.

5.1.5.

Le CESE rappelle sa conviction, déjà exposée dans des avis antérieurs (13), qu’il est non seulement nécessaire que les fonds de cohésion sociale et régionale et les aides à la relance soient mobilisés aux fins de la protection du climat et de la transition énergétique, mais qu’il s’impose aussi que les politiques en matière climatique et énergétique soient conçues de manière à favoriser cette même cohésion de la société et des régions. De telles approches existent déjà, à l’instar des projets de construction de centrales solaires photovoltaïques sur d’anciens sites d’extraction de lignite au Portugal et en Grèce, ou encore de la judicieuse stratégie de soutien financier que la Lituanie déploie en faveur des prosommateurs, mais ces exemples sont loin de représenter une pratique qui serait monnaie courante ou soit entrée dans les habitudes.

5.2.   Faciliter les investissements privés

5.2.1.

Les différents États membres ont besoin de programmes pour le développement ascendant des sources d’énergie renouvelables, lesquels sont indispensables à la transformation énergétique et ont une incidence significative non seulement sur la qualité de l’énergie fournie, mais aussi, avant tout, sur ses prix. Sous l’effet de l’augmentation des tarifs de celle qui provient des réseaux nationaux d’électricité, les entreprises tendent d’ores et déjà à satisfaire de manière autonome leurs besoins en la matière, l’énergie verte étant devenue pour elles une question de survie. Nombre d’entre elles investissent déjà de manière dynamique dans des sources d’énergie et de chaleur de type renouvelable qui leur sont propres; or, en raison de leur moindre prix, elles sont également attrayantes pour des entreprises et communautés d’envergure locale, qui pourraient utiliser l’énergie excédentaire injectée dans le réseau électrique. Malheureusement, beaucoup de régions d’Europe doivent développer leurs structures, qui, actuellement, ne sont pas parées pour absorber de nouvelles installations en grand nombre. Dans bien des cas, par ailleurs, il conviendrait que ces investissements privés ne soient pas axés uniquement sur les besoins d’une seule entreprise, mais qu’ils puissent également bénéficier aux populations locales.

5.2.2.

Le problème que pose le développement du secteur des énergies renouvelables semble être d’induire dans le secteur de la production d’électricité une montée en puissance rapide réalisée sur un laps de temps extrêmement court, qui pose un défi majeur pour les systèmes électriques nationaux des États membres, malgré les investissements importants consentis pour moderniser les réseaux et accroître la capacité des dispositifs de distribution. L’Europe doit à présent développer des communautés énergétiques locales, pour lesquelles les pouvoirs locaux jouent un rôle prédominant en matière d’investissement. Il s’agira de «coopératives énergétiques», constituées avec la participation d’habitants et souvent financées par des fonds d’investissement locaux. Cette manière d’associer l à la transformation énergétique les sociétés à l’échelon du local garantira le soutien à ces initiatives et réduira autant que faire se peut le risque de résistance sociale à l’implantation des installations de production, de distribution ou de transport d’électricité dans les territoires.

5.2.3.

Il conviendrait que ces initiatives soient intégrées dès que possible dans la réglementation européenne et qu’elles bénéficient d’un système de financement public pour les investissements de ce type. Dans ce cas, la commercialisation de lignes à moyenne et basse tension dans le réseau électrique est essentielle pour que l’infrastructure du réseau puisse aussi être construite avec la participation d’investisseurs privés. Le développement du photovoltaïque citoyen montre le potentiel d’investissement considérable émanant de la société et des entrepreneurs. Une législation appropriée dans ce domaine offrirait la possibilité, tout à la fois, de résoudre les problèmes de financement de ces initiatives et ceux de leur connexion avec le réseau électrique.

5.3.   La précarité énergétique

5.3.1.

L’accès équitable à l’énergie et un approvisionnement énergétique sûr à coût abordable doivent constituer des priorités absolues pour l’Union européenne et ses États membres: sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie, la précarité énergétique touche de plus en plus de citoyens et de consommateurs sur tout son territoire. La situation de ses habitants qui s’y trouvaient déjà confrontés se détériore encore, tandis que ceux qui, par le passé, n’éprouvaient pas de difficultés à payer leurs factures en la matière risquent de sombrer dans la pauvreté.

5.3.2.

Vu l’importance de la question, le CESE invite instamment l’Union à promouvoir une approche commune concernant la précarité énergétique. Aujourd’hui, chaque pays de l’Union peut définir la notion de «pauvreté énergétique» selon des critères qui lui sont propres, et cette absence d’approche unifiée pourrait déboucher sur une situation où la Commission sera incapable d’évaluer correctement la situation, tandis que les États membres donneront au phénomène des contenus divergents et y réagiront en ordre dispersé. La définition de ce concept qu’avance la proposition de refonte de la directive relative à l’efficacité énergétique et les indicateurs établis par l’observatoire européen de la précarité énergétique constituent un bon point de départ. Compte tenu de l’urgence du problème, le CESE estime que la Commission et les États membres doivent promouvoir une approche commune qui fournisse une acception concrète et partagée de la précarité énergétique et permette la collecte de données statistiques.

5.3.3.

Le CESE souligne qu’il importe d’investir dans un approvisionnement équitable et efficace en énergie, afin de réduire la précarité énergétique à long terme. À cette fin, il importe de garantir que les investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, ainsi que dans la rénovation complète des bâtiments, soutiennent les groupes dont les revenus sont les plus faibles. Ce n’est qu’en veillant à ce que les ménages financièrement plus fragiles aient les moyens de réaliser les investissements nécessaires que les prosommateurs peuvent acquérir, pour eux-mêmes ou en tant que membres parmi d’autres d’une communauté, une «autonomie stratégique» qui constitue, en définitive, le moyen le plus durable de surmonter la précarité énergétique.

5.3.4.

Dans ce contexte, le CESE réitère qu’il tient pour nécessaire d’éviter à tout prix de créer une société à deux vitesses en matière énergétique. On ne peut accepter un schéma où les ménages aisés et bien équipés d’un point de vue technologique seraient les seuls gagnants de la transition énergétique, dont les coûts devraient être supportés par tous les autres. En conséquence, le CESE est favorable aux mesures d’incitation et aux outils de mise en œuvre que la directive relative à l’efficacité énergétique prévoit afin d’aider les clients et les ménages vulnérables, et il fait observer que des objectifs ambitieux en matière de chauffage et de refroidissement urbains pourraient aggraver les conditions dans lesquelles le logement social doit évoluer. Le Comité salue donc la proposition de créer un Fonds social pour le climat et demande de respecter le principe de la «transition juste», de manière à ce qu’il soit tenu compte de la disparité des situations des États membres.

5.3.5.

Il est également essentiel que la Commission et les États membres continuent de s’attacher à réduire la pauvreté au sens large, car c’est dans ce phénomène plus général que la précarité énergétique plonge ses racines. La crise en la matière fait ressortir la nécessité de réaliser des progrès continus dans l’accès à l’emploi et l’inclusion sociale, afin d’assurer un niveau de vie approprié et de stimuler la croissance économique dans les États membres.

5.4.   Les zones rurales

5.4.1.

Le CESE estime qu’une stratégie combinée en faveur de la transition énergétique et la numérisation en milieu rural n’a pas suscité une attention et un soutien d’un niveau que l’on aurait été en droit d’attendre. Il réclame que la vision à long terme de la Commission pour les zones rurales de l’Union européenne soit mise en œuvre rapidement et que les parties prenantes se mobilisent en sa faveur, dans le cadre du pacte rural de l’Union européenne.

5.4.2.

Le CESE a souligné à de multiples reprises que la transition énergétique, qui suppose de délaisser les grandes installations de production, de type centralisé, pour des structures plus décentralisées, ouvre de réelles perspectives de générer de nouvelles sources de revenus dans les zones rurales et d’y créer des emplois (14). Sur ce point également, le Comité est fortement déçu par les idées que la Commission et les États membres ont avancées jusqu’à présent.

5.4.3.

Il s’impose de reconnaître et d’exploiter le rôle que les communautés énergétiques locales et régionales jouent pour parvenir à une transition énergétique juste qui s’articule avec le développement local, en créant et en renforçant ces communautés, une telle action impliquant notamment que des citoyens, des collectivités locales et des microentreprises et petites et moyennes entreprises fédèrent leurs forces, sur une base volontaire, pour recueillir les fruits des avancées sociales et économiques résultant de cette évolution.

5.4.4.

En conclusion, le CESE estime que le déploiement des technologies numériques dans les zones rurales constitue une initiative indispensable pour soutenir la transition dans le domaine de l’énergie. Le système énergétique en milieu rural doit être décentralisé, et cet impératif induit un énorme besoin de développer les interconnexions, en quantité comme en qualité, et, partant, nécessite de déployer des technologies numériques afin d’articuler l’offre et la demande et de garantir des flux efficaces en la matière.

6.   Observations particulières

6.1.

Le maintien d’une base industrielle solide au sein de l’Union européenne aura pour effet de garantir sa prospérité, d’y assurer des emplois de qualité et de mobiliser sa société pour la lutte contre le changement climatique. L’industrie européenne doit investir en Europe, tant dans la recherche, le développement et l’innovation (RDI) que dans les installations et les équipements, de manière à préserver sa position concurrentielle. Pour ce faire, elle doit pouvoir compter sur un cadre réglementaire approprié.

Au sein de l’économie, l’industrie énergétique couvre un très large champ, et l’une de ses particularités est de constituer un levier essentiel pour d’autres branches d’activité. Considérée sous l’angle du genre, ce industrie présente toutefois un profil très stéréotypé, qui donne aux hommes une position dominante, de sorte que par rapport à eux, les femmes y souffrent d’importants déséquilibres dans leur parcours professionnel, que ce soit dans le secteur public ou privé (15).

Le CESE émet les recommandations suivantes:

renforcer et faire appliquer la législation existante en matière d’égalité, au niveau tant européen que national,

créer des conditions égalitaire pour la formation aux métiers de l’énergie, dans les États membres comme à l’échelle européenne, et fonder un «Collège européen pour les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STIM)»,

garantir l’égalité au travail dans le secteur de l’énergie, en examinant les perspectives ouvertes pour les femmes, tout en évitant que la transition verte et celle du numérique ne deviennent un piège pour leurs parcours et leurs rémunérations, et développer le dialogue social et les conventions collectives sur ce thème de l’égalité dans les entreprises énergétiques à travers toute l’Europe.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 486 du 21.12.2022, p. 67; JO C 486 du 21.12.2022, p. 88; JO C 486 du 21.12.2022, p. 53; JO C 486 du 21.12. 2022, p. 1; JO C 486 du 21.12.2022, p. 59; JO C 486 du 21.12.2022, p. 23; JO C 486 du 21.12.2022, p. 198.

(2)  JO C 486 du 21.12.2022, p. 1.

(3)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 1.

(4)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 158.

(5)  Voir JO C 429 du 11.12.2020, p. 85.

(6)  C’est à cette conclusion qu’est parvenue Eurelectric, la fédération du secteur de l’électricité.

(7)  JO C 275 du 18.7.2022, p. 50.

(8)  En Allemagne, ils ont atteint en 2021 le montant vertigineux de 80 milliards d’euros.

(9)  Les niveaux de maturité technologique (NMT) correspondent aux différents degrés d’une échelle utilisée pour mesurer les progrès d’une technologie ou son degré de maturité.

(10)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 30.

(11)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 22.

(12)  JO C 486 du 21.12.2022, p. 1.

(13)  Voir JO C 47 du 11.2.2020, p. 30, et JO C 62 du 15.2.2019, p. 269.

(14)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 1.

(15)  Objectif de développement durable des Nations unies 5, 7 et 8; Joy Clancy, Université de la Twente, Give women a chance: engendering the energy supply chain («Donner une chance aux femmes: genrer la chaîne d’approvisionnement énergétique»).


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejeté au cours des débats:

Paragraphe 2.6

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Elle subit une pression intense du fait de la crise de l’énergie qui sévit actuellement, notamment en ce qui concerne son prix, ainsi que des incertitudes en rapport avec la sécurité, la stabilité et la prédictibilité des approvisionnements. Ces tensions auraient été moins aiguës si l’on avait entrepris de mener plus tôt une action mieux ciblée et que, par exemple, ses objectifs spécifiques, comme l’union européenne de l’énergie, avait été abordés avec plus de soin. Le CESE salue les mesures que la communication relative à REPowerEU et le plan d’action afférent proposent afin d’assurer la montée en puissance de la production énergétique verte, de diversifier les approvisionnements et de réduire la demande de gaz russe, car les démarches ainsi avancées s’inscrivent dans la logique des objectifs du pacte vert et de l’union européenne de l’énergie. Il estime qu’en l’occurrence, l’enjeu primordial ne doit pas consister à diversifier les dépendances, mais à atteindre au plus vite une «indépendance et autonomie stratégique en matière énergétique». Il tient à souligner que s’agissant des ressources destinées à remplacer le gaz en provenance de Russie, l’Europe doit faire preuve de la plus grande prudence, eu égard à leurs retombées environnementales et aux nouvelles dépendances qu’elles peuvent induire vis-à-vis de pays tiers qui ne partagent pas ses valeurs.

Elle subit une pression intense du fait de la crise de l’énergie qui sévit actuellement, notamment en ce qui concerne son prix, ainsi que des incertitudes en rapport avec la sécurité, la stabilité et la prédictibilité des approvisionnements. Ces tensions auraient été moins aiguës si l’on avait entrepris de mener plus tôt une action mieux ciblée et que, par exemple, ses objectifs spécifiques, comme l’union européenne de l’énergie, avait été abordés avec plus de soin. Le CESE salue les mesures que la communication relative à REPowerEU et le plan d’action afférent proposent afin d’assurer la montée en puissance de la production énergétique verte, de diversifier les approvisionnements et de réduire la demande de gaz russe, car les démarches ainsi avancées s’inscrivent dans la logique des objectifs du pacte vert et de l’union européenne de l’énergie. Il estime qu’en l’occurrence, l’enjeu doit consister au premier chef à diversifier les ressources et à garantir au plus vite une «indépendance et autonomie stratégique ouverte en matière énergétique». Il tient à souligner que s’agissant des ressources destinées à remplacer le gaz en provenance de Russie, l’Europe doit faire preuve de la plus grande prudence, eu égard à leurs retombées environnementales et aux nouvelles dépendances qu’elles peuvent induire vis-à-vis de pays tiers qui ne partagent pas ses valeurs. Dans le même temps, et au vu de la situation actuelle, nous devons maintenir le fonctionnement de toutes nos sources d’énergie, sachant qu’en fait, le danger pour nous aujourd’hui dans l’immédiat n’est pas tant l’impact possible des sources de substitution sur l’environnement, que le manque d’énergie et les coupures de courant. Il ne faut pas perdre les capacités de production d’énergie qui approvisionnent actuellement le marché européen de l’énergie.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

77

Voix contre:

113

Abstentions:

14

Paragraphe 4.3.1

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Afin d’être menée à bien, la transition écologique de l’industrie manufacturière doit pouvoir s’appuyer sur un éventail de sources d’énergie renouvelables qui soit suffisant, stable et adéquat pour assurer l’électrification et la production d’hydrogène vert . Des technologies de stockage sont en phase de développement et les possibilités qu’offre la numérisation sont exploitées à plein. Les besoins qui restent à couvrir en matière de recherche et développement sont donc considérables.

Afin d’être menée à bien, la transition écologique de l’industrie manufacturière doit pouvoir s’appuyer sur un éventail de sources d’énergie renouvelables qui soit suffisant, stable et adéquat pour assurer l’électrification et la production d’hydrogène. Des technologies de stockage sont en phase de développement et les possibilités qu’offre la numérisation sont exploitées à plein. Les besoins qui restent à couvrir en matière de recherche et développement sont donc considérables.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

92

Voix contre:

112

Abstentions:

9

Paragraphe 4.3.4

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Il est incontestable qu’à l’avenir, l’hydrogène vert contribuera à garantir la sécurité du système énergétique européen. Le CESE renvoie aux avis qu’il a élaborés sur la stratégie en matière d’hydrogène (1) et celle relative à l’intégration du système énergétique (2).

Il est incontestable qu’à l’avenir, l’hydrogène contribuera à garantir la sécurité du système énergétique européen. Le CESE renvoie aux avis qu’il a élaborés sur la stratégie en matière d’hydrogène (1) et celle relative à l’intégration du système énergétique (2).

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

92

Voix contre:

112

Abstentions:

9

Paragraphe 1.4

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Il y a lieu de cerner de façon extrêmement précise le potentiel dont l’Europe dispose en matière d’énergies renouvelables et de diffuser largement cette information, pour favoriser une appréhension commune du niveau qu’elle est susceptible d’atteindre pour ce qui est de s’affranchir des importations énergétiques. En particulier, il est nécessaire de prendre en considération l’électrification du secteur du chauffage et des transports et la nécessité de développer une production nationale d’hydrogène vert .

Il y a lieu de cerner de façon extrêmement précise le potentiel dont l’Europe dispose en matière d’énergies renouvelables et de diffuser largement cette information, pour favoriser une appréhension commune du niveau qu’elle est susceptible d’atteindre pour ce qui est de s’affranchir des importations énergétiques. En particulier, il est nécessaire de prendre en considération l’électrification du secteur du chauffage et des transports et la nécessité de développer une production nationale d’hydrogène.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

92

Voix contre:

112

Abstentions:

9

Paragraphe 1.6

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

En parallèle, il sera nécessaire de prendre des dispositions de court terme, voire s’inscrivant dans des échéances moyennes, pour compenser la perte d’approvisionnements énergétiques en provenance de Russie. Si l’une de ces actions consiste à réaliser des importations de gaz naturel liquéfié (GNL), le CESE considère qu’elles ne peuvent aboutir à créer de nouvelles dépendances de l’Union européenne à l’égard de combustibles fossiles. Cette dimension doit être prise en compte de manière volontariste dans le cycle d’investissement. L’objectif global poursuivi ne consiste pas à diversifier nos dépendances , mais bien à atteindre un degré d’«autonomie stratégique» qui soit le plus élevé possible.

En parallèle, il sera nécessaire de prendre des dispositions de court terme, voire s’inscrivant dans des échéances moyennes, pour compenser la perte d’approvisionnements énergétiques en provenance de Russie. Si l’une de ces actions consiste à réaliser des importations de gaz naturel liquéfié (GNL), le CESE considère qu’elles ne peuvent aboutir à créer de nouvelles dépendances de l’Union européenne à l’égard de combustibles fossiles. Cette dimension doit être prise en compte de manière volontariste dans le cycle d’investissement. L’objectif global poursuivi consiste à diversifier nos sources et, dans le même temps, à réduire les fortes dépendances à l’égard d’un importateur afin d’ atteindre un degré d’«autonomie stratégique» ouverte qui soit le plus élevé possible.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

77

Voix contre:

113

Abstentions:

14


(1)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 30.

(2)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 22.

(1)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 30.

(2)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 22.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/115


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’importance des transports publics pour la relance verte de l’Europe»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/16)

Rapporteure:

Kristina KRUPAVIČIENĖ

Corapporteure:

Dovilė JUODKAITĖ

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

4.10.2022

Date de l’adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

173/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît que les transports publics ont un rôle essentiel à jouer dans la relance écologique de l’Europe après la pandémie. La pandémie a joué un rôle de catalyseur, montrant à la fois que les transports publics fournissent un service d’intérêt public et un accès à l’emploi et aux services pour les travailleurs de première ligne et les groupes vulnérables. Le CESE demande que la mobilité soit reconnue comme un droit individuel et un bien public qui doit être accessible à tous, car elle garantit l’accès à la vie économique, sociale et culturelle. Fournir à tous des services de transports publics ayant du personnel en nombre suffisant, accessibles, abordables, sûrs et de qualité doit être un objectif prioritaire de l’Union européenne.

1.2.

Conscient de l’importance des transports publics pour les particuliers, les usagers et les travailleurs, le CESE réitère son appel en faveur d’une approche participative de la planification des transports publics aux niveaux régional, national et européen (1). Celle-ci apparaît comme le seul moyen de garantir que les stratégies et les mesures de relance répondent aux besoins et aux attentes de tous ceux qui font fonctionner ou qui utilisent les transports publics.

1.3.

Le CESE fait observer que le développement d’un service de qualité est essentiel pour la relance des transports publics après la pandémie. De bonnes conditions de travail ainsi qu’un personnel motivé et bien formé sont fondamentaux pour assurer un tel niveau de service. Le CESE préconise que les responsables politiques locaux, régionaux et nationaux développent — et que les responsables politiques de l’Union soutiennent pleinement — des modèles économiques débouchant sur des systèmes de transport plus innovants et attractifs, garantissant à la fois des services de grande qualité et des conditions adéquates ainsi qu’une bonne protection sociale pour les salariés.

1.4.

Les transports publics sont un service à forte intensité de main-d’œuvre, avec des emplois verts qui ne peuvent pas être délocalisés. Les opérateurs de transports publics comptent parmi les principaux employeurs dans les zones urbaines, qui offrent des emplois à un large éventail de travailleurs, et qui contribuent à l’inclusion des travailleurs migrants sur le marché du travail. Pour préserver le caractère social du secteur, le CESE demande aux responsables politiques d’inclure obligatoirement des critères sociaux et de qualité de service dans les contrats de service public de transport, tels que l’application de conventions collectives et de prendre réellement à bras-le-corps la situation du personnel à la suite d’un changement d’opérateur. Le CESE plaide également pour que les responsables politiques veillent à ce que des mécanismes de dialogue social solides soient instaurés qui soient propres à rendre le secteur économiquement et socialement durable. Le CESE demande aussi que les procédures de passation des marchés publics soient pleinement respectées [règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil (2) ou directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil (3)].

1.5.

Le CESE attire l’attention sur le fait que, pour parvenir à une mobilité durable, il faut un engagement politique fort de la part de tous les acteurs et à tous les niveaux. Les institutions européennes doivent jouer un rôle important de direction et d’orientation politiques, en fixant des buts et des objectifs clairs, et en mettant à disposition les fonds nécessaires. Le CESE invite dès lors la Commission à fixer des objectifs mesurables et ambitieux pour permettre le passage de l’utilisation de la voiture privée au transport collectif et à la mobilité active.

1.6.

Des investissements soutenus sont essentiels pour garantir le succès des politiques axées sur des transports publics durables et, partant, sur la relance verte. D’importantes ressources financières ont été mises à la disposition des États membres par l’intermédiaire de la facilité pour la reprise et la résilience, et nombre d’entre eux se sont engagés à investir dans leurs systèmes de transport public. Le CESE prie la Commission d’effectuer un suivi et de faire rapport sur la manière dont ces engagements sont respectés, et ce, tout en veillant à ce que la relance verte aille de pair avec la préservation et l’amélioration de l’emploi, la qualité du service et l’inclusion sociale. Le CESE invite les États membres à mettre en place des mécanismes participatifs de consultation des usagers et des partenaires sociaux sur la manière dont ces fonds, qui sont indispensables à la relance des transports publics, sont utilisés. Le CESE souligne que tous les fonds européens et publics alloués au développement de solutions de transport devraient inclure des critères relatifs à l’inclusion, à l’accessibilité et à la durabilité des transports.

1.7.

Le CESE invite dès lors les responsables politiques à mettre en œuvre les processus de transition numérique pour parvenir à des transports durables et justes pour tous, de manière inclusive et participative.

1.8.

Le CESE invite l’Union européenne et les États membres à contribuer à la transition vers des modes de transport plus écologiques en rendant d’une manière générale ces modes plus attrayants. La sensibilisation à l’impact environnemental des transports et des choix de mobilité personnelle est également importante pour promouvoir la transition vers des transports publics et durables. Le CESE suggère dès lors à la Commission de consacrer l’année 2024 aux transports publics, à leurs usagers et à leurs travailleurs.

2.   Contexte

2.1.

Les transports et la mobilité font partie intégrante de la vie quotidienne des européens et ils permettent la mobilité de chacun d’entre nous, quelles que soient les couches de la société ou les régions d’Europe. Dans le même temps, pour parvenir à la neutralité climatique, le pacte vert pour l’Europe a fixé l’objectif d’une réduction de 90 % des émissions des transports d’ici à 2050. Tous les secteurs des transports doivent contribuer à cette réduction. Le pacte vert affirme que «le transport multimodal a besoin d’une impulsion vigoureuse», car cela permettra d’accroître l’efficacité du système de transport.

2.2.

Dans sa stratégie de mobilité durable et intelligente, la Commission fait de la mobilité interurbaine et urbaine durable un projet phare, soulignant la nécessité de rendre la mobilité équitable et juste pour tous et d’accroître la part modale des transports collectifs, tout en améliorant la multimodalité homogène dans les zones urbaines et suburbaines. La stratégie met également en évidence la demande croissante de solutions nouvelles et innovantes, y compris de services accessibles à la demande et de mobilité collaborative. La stratégie accorde la priorité à la nécessité d’améliorer le cadre de la mobilité urbaine.

Dans son cadre pour la mobilité urbaine (4) (CMU), la Commission souligne que la mobilité urbaine contribue à hauteur de 23 % à la part croissante des transports dans la consommation d’énergie et aux émissions de gaz à effet de serre de l’Union; les villes sont confrontées aux plus grands défis en termes de qualité de l’air, les concentrations de NO2 et de PM10 dépassant les valeurs limites européennes; les niveaux de congestion dans les villes de l’Union stagnent voire se sont aggravés depuis 2013, avec des coûts considérables pour la société et des répercussions négatives sur les déplacements domicile-travail; les zones urbaines représentent 38 % de l’ensemble des décès et blessures graves dans les transports routiers au sein de l’Union; plus de 70 % des européens vivent en ville, et ils attendent des solutions pour une mobilité mieux adaptée et plus sûre, pour les embouteillages, la pollution atmosphérique et sonore; et les 30 % restants vivent dans des villages, des bourgs et des zones périurbaines, et ils dépendent souvent de véhicules individuels pour atteindre les nœuds urbains les plus proches.

Les infrastructures et les services de transports en commun urbains doivent être adaptés afin de garantir une meilleure accessibilité, notamment pour mieux répondre aux besoins d’une population vieillissante dans de nombreuses villes ainsi qu’à ceux des personnes handicapées ou à mobilité réduite.

2.3.

La Commission souligne également l’urgence de faire face au changement climatique et le rôle que joue ce phénomène dans l’inclusion sociale et le bien-être individuel, en particulier pour les groupes défavorisés. La Commission a donc fait de la construction d’un réseau de transport public renforcé l’un des objectifs de son CMU.

2.4.

Ces dernières années, la pandémie a changé la donne pour la croissance économique, ses règles et ses mécanismes de soutien. Elle a dévoilé des écueils et mis en évidence certaines valeurs fondamentales dans le développement du marché unique de l’Union. Cependant, elle a aussi créé des possibilités d’accélérer l’application de politiques telles que le pacte vert, elle a mis en évidence l’importance de placer les populations au cœur du processus de relance, comme le montre le concept de transition juste, et elle a incité la Commission à adopter son très vaste programme d’aide financière, visant à atténuer les conséquences sociales et économiques de la COVID-19, la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), sachant que la transition écologique et la transformation numérique forment deux de ses six piliers.

2.5.

Dans les transports publics, la pandémie a eu des répercussions sur l’emploi, les usagers des transports en commun, les opérateurs et les pouvoirs publics. Dans ses conclusions sur la stratégie de mobilité durable et intelligente, le Conseil des ministres a souligné que les transports publics étaient gravement touchés par la crise de la COVID-19 et que la réponse politique de réaction à la crise devrait viser à rétablir la confiance dans les transports publics et à en améliorer la résilience, en accélérant leur transformation et leur modernisation durables, tout en garantissant leur caractère abordable au vu du rôle essentiel des transports publics dans la cohésion sociale et territoriale.

2.6.

Le CESE insiste sur ce fait de la plus haute importance que, tout au long de la pandémie, les transports publics ont démontré leur valeur en offrant une mobilité absolument indispensable aux travailleurs de première ligne et aux groupes défavorisés. Les travailleurs migrants et les femmes représentent une proportion élevée de ces groupes qui sont notoirement dépendants des transports publics pour accéder à leurs lieux de travail et aux services de base. Les données Eurobaromètre pour 2020 montrent que les femmes utilisent beaucoup plus les transports publics que les hommes. Une étude du Parlement européen sur les femmes et les transports, tout en soulignant l’absence de données ventilées par sexe sur les schémas de mobilité, fournit des informations intéressantes sur ce type de choix (5).

2.7.

Le CESE prend également la mesure de l’augmentation des coûts et de la diminution des ressources auxquelles sont confrontés les prestataires de services de transport et les pouvoirs publics en raison de la pandémie. Bien que les mesures de prévention de la COVID-19 aient entraîné une augmentation des coûts et que la forte baisse du nombre d’usagers ait exposé les entreprises à une réduction conséquente de leurs recettes, les collectivités locales, les pouvoirs publics et les gouvernements ont compris que la garantie de la bonne marche des transports publics relevait de leur obligation de service à l’égard de leur population, et en particulier de celles et ceux qui sont au service des autres.

2.8.

Le présent avis d’initiative vise à formuler des recommandations clés sur la relance et le développement futur de transports publics durables, robustes, inclusifs, accessibles et résilients après la crise de la COVID-19, prêts à servir les générations à venir, compte tenu du vieillissement de la population européenne (6). Il se concentrera sur les questions du financement, de l’attractivité et de son rôle dans la relance écologique de l’Union, axée sur les conditions sociales des travailleurs des transports publics. La pénurie de personnel dans tous les secteurs des transports montre clairement que cette approche est nécessaire.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE reconnaît que les transports publics constituent une part importante de la réponse à la relance écologique de l’Europe après la pandémie. Non seulement ils apportent une réponse aux préoccupations climatiques, mais ils contribuent aussi à la qualité de vie en luttant contre la congestion. «Jusqu’en 2020, les transports publics dans les zones urbaines comptaient près de 60 milliards de voyages de passagers par an en Europe, le nombre étant en augmentation. […] La congestion coûte déjà à l’économie européenne 1 % de son PIB, soit 100 milliards d’euros par an» (7).

3.2.

Le CESE note que la pandémie a modifié le comportement des citoyens et a recentré l’attention du public et des collectivités locales sur la valeur sociétale des transports publics. Toutefois, les transports publics figurent parmi les secteurs les plus durement touchés par une baisse drastique du nombre d’usagers, et auquel il a fallu le plus de temps pour se redresser, et ce, dans un contexte où la population se tournait vers la mobilité active et la voiture privée afin d’éviter les infections. Si l’augmentation de la mobilité active représente une évolution salutaire qui doit être encouragée, la question de l’utilisation accrue des voitures particulières doit être sérieusement examinée par les responsables politiques européens, ainsi que par les autorités nationales, locales et régionales.

3.3.

Le CESE reconnaît qu’en dépit du maintien de la continuité des transports publics pendant la pandémie, l’emploi dans ce secteur a été durement touché. En Europe, avant le premier confinement, ce secteur fournissait des emplois directs à quelque deux millions de personnes (8). Il est important de noter que les transports publics offrent des emplois locaux sûrs, très variés, sollicitant un éventail de profils allant de peu à hautement qualifiés, et recrutant des professionnels issus d’horizons très divers (9). Toutefois, une part considérable de la main d’œuvre a dû être placée sous des régimes de chômage temporaire financés par l’État, et beaucoup d’entre eux ont choisi de ne pas réintégrer leur emploi. C’est particulièrement vrai dans les États membres où les prestations de sécurité sociale et la couverture des négociations collectives sont faibles.

3.4.

Par conséquent, le CESE met en garde contre une grave pénurie de personnel dans tous les secteurs des transports en Europe, y compris les transports publics. La qualité et la sécurité de l’emploi sont devenues des critères essentiels pour les demandeurs d’emploi, et la sécurité sociale et la couverture des négociations collectives sont des garanties essentielles à cet égard.

3.5.

Le CESE se félicite donc des actions déployées par les pouvoirs publics, régionaux et nationaux pour maintenir le niveau nécessaire de service de transport public tout au long de la pandémie dans des circonstances complexes qui nécessitaient un soutien financier et des investissements dans les protocoles de sécurité liés à la COVID-19. Le CESE reconnaît que les autorités compétentes ont dû recourir à des limitations drastiques de la capacité des véhicules (10), introduire des solutions numériques pour réduire les contacts directs entre les usagers et les travailleurs, augmenter les dépenses consacrées aux équipements de santé et d’hygiène et compenser la baisse des recettes due à la réduction soudaine et persistante du nombre d’usagers des transports publics.

3.6.

Dans le même temps, le CESE déplore que les protocoles de sécurité liés à la COVID-19 dans le secteur des transports n’aient pas toujours été adoptés de manière inclusive, en tenant compte de toutes les personnes concernées. Par exemple, dans certains cas, les transports publics sont devenus inaccessibles aux personnes handicapées et aux personnes âgées en raison de la réduction ou de la suspension de l’assistance fournie aux passagers à mobilité réduite (11), ou encore du fait que les solutions numériques ne tenaient pas compte des personnes ayant des compétences moindres dans ce domaine, de celles n’ayant pas les moyens de se procurer des appareils numériques ou des services de communications électroniques, ou encore parce que ces solutions n’avaient pas été élaborées conformément aux politiques de l’Union en matière d’accessibilité et de normes de soutien.

3.7.

Le CESE souligne que des stratégies d’après-pandémie sont désormais nécessaires pour rendre les transports publics attrayants et permettre à un plus grand nombre de personnes d’en faire usage. Comme l’a souligné le CESE dans son avis INT/909: «nous avons désormais la possibilité d’assurer une reprise équitable et de reconstruire rapidement nos économies afin de les rendre plus écologiques, plus équitables et plus résilientes face aux chocs futurs» (12). Il a réaffirmé cette préconisation dans son avis TEN/728: «la transition écologique devra à la fois être socialement juste et préserver la compétitivité des transports européens, y compris par la mise en œuvre intégrale de l’espace européen des transports, dans le cadre de la pleine mise en œuvre du marché unique» (13).

3.8.

À la lumière de ce qui précède, les éléments clés suivants s’imposent pour rendre les transports publics plus attrayants:

la disponibilité, se traduisant par une capacité suffisante des modes de transport public pour faire face à l’augmentation de la demande, en particulier dans les zones rurales périphériques où les possibilités offertes aux populations sont souvent moins nombreuses,

un personnel en nombre suffisant bénéficiant de conditions et d’une formation adéquates, d’emplois stables et de qualité ainsi que d’un éventail complet de droits et de prestations;

la connectivité accrue et efficace avec différents modes de transport, entre les zones urbaines et non urbaines et en leur sein, afin d’assurer à tous les passagers des déplacements intermodaux continus, y compris entre différentes zones géographiques,

le caractère abordable, pour tous les membres de la société. À cette fin, le calcul des coûts des transports publics devrait tenir compte du caractère abordable des prix pour les personnes confrontées à la pauvreté et à l’exclusion socio-économique. Des programmes ciblés visant à soutenir les groupes les plus défavorisés sur le plan socio-économique devraient être étudiés en étroite concertation avec les collectivités concernées,

l’accessibilité, permettant une utilisation continue et indépendante par tous, y compris les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes à mobilité (temporairement) réduite,

la sécurité des usagers et des travailleurs, axée sur les dimensions de genre et intersectionnelles. Des mesures de santé publique inclusives sont tout aussi pertinentes pour des déplacements sûrs, et ces dernières années nous en ont apporté la preuve. Les travailleurs des transports publics ont besoin d’un environnement de travail sûr, d’être préservés de la violence et du harcèlement,

la qualité sur les plans de la commodité, des temps de trajet, de l’assistance garantie par des effectifs suffisants, de solutions numériques accessibles, d’informations sur les options de transport et les horaires.

3.9.

Le CESE souligne qu’au cours des années qui ont précédé la pandémie, le règlement (CE) no 1370/2007 qui traite des obligations de service public a introduit des possibilités d’ouvrir les services de transport public aux opérateurs privés au moyen de contrats de mise en concurrence et de contrats de service public, conclus conformément aux règles générales de l’Union en matière de marchés publics. La pandémie ayant démontré l’importance stratégique que revêtent les transports publics pour la société et la mobilité, et au vu de la pénurie de personnel sans précédent à laquelle les transports publics sont confrontés, le CESE souligne que les contrats de service public doivent offrir une protection sur le plan des conditions sociales et d’emploi, afin de conserver les compétences dans ce secteur.

3.10.

Les transports publics sont un service dont doit bénéficier la société dans son ensemble et dans toute sa diversité. Dans cette optique, il est essentiel de préserver la transparence des procédures de passation de marchés et de garantir la participation des travailleurs et des utilisateurs aux décisions de passation de marchés.

3.11.

Le CESE se félicite du fait que, pour atténuer les conséquences sociales et économiques de la COVID-19, la Commission ait lancé la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil (14) fixe les conditions en vertu desquelles les États membres peuvent accéder aux subventions européennes au titre de la facilité pour la reprise et la résilience. Ils ont dû présenter des plans nationaux et s’engager à consacrer 37 % des subventions européennes aux investissements et aux réformes dans le domaine du climat, et 20 % à la transition numérique. La mobilité propre reste au cœur de ces plans. Le CESE souligne toutefois que la mise en œuvre de ces mesures aura une incidence à la fois sur la société et sur les travailleurs, et qu’elle ne pourra donc nullement se faire à huis clos. Tous les acteurs sociaux devraient être associés à l’élaboration de politiques en faveur de transports publics plus écologiques et plus durables (15). De la même façon, les parties prenantes publiques devraient être en mesure de suivre efficacement la mise en œuvre des politiques publiques et l’utilisation des fonds publics concernés.

3.12.

Il convient de promouvoir une participation inclusive aux solutions de développement des transports publics afin de permettre à toutes les parties prenantes, y compris les pouvoirs publics, les prestataires de services, les usagers des transports publics et les experts en matière d’accessibilité et d’urbanisme, de jouer un rôle (16). Il convient de promouvoir les bonnes pratiques en matière de cocréation de solutions de transport public (17). Une approche de «conception universelle», conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (18), devrait permettre l’utilisation de ces services par la plus grande diversité d’usagers, y compris les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite.

3.13.

La communication de la Commission intitulée «Ajustement à l’objectif 55» indique que «de nombreux citoyens, en particulier les plus jeunes, sont prêts à changer leurs modes de consommation et schémas de mobilité dès lors qu’ils ont accès à des informations pertinentes, afin de limiter leur empreinte carbone et de vivre dans un environnement plus vert et plus sain» (19). Rendre ces modes plus attrayants pour tous contribuera à la transition vers des modes de transport plus écologiques et plus durables. Une sensibilisation à l’impact environnemental des transports et des choix de mobilité personnelle est également importante. Toutefois, à elles seules, les mesures de promotion n’auront pas l’impact nécessaire tant que ces défis d’avoir des transports publics disponibles, abordables, accessibles et sûrs ne seront pas traités de manière appropriée. Beaucoup sont conscients de l’urgence environnementale d’utiliser des transports plus écologiques, mais ils ne pourront pas contribuer significativement à la transition écologique s’ils ne peuvent pas tout bonnement se permettre de payer des transports plus écologiques ou s’ils n’ont pas la possibilité d’y accéder. Il s’agira là pour l’Union européenne d’une immense occasion perdue.

3.14.

Le CESE tient à souligner que la COVID-19 a entraîné une intégration plus rapide des technologies numériques dans les transports publics. Il est plus que probable que ces tendances vont demeurer et qu’elles seront encouragées par le déploiement de la facilité pour la reprise et la résilience de l’Union européenne et des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Si la numérisation peut contribuer à l’efficacité et à la durabilité des transports publics et bénéficier aux usagers des transports, grâce, par exemple, aux planificateurs d’itinéraires numériques ou aux informations en temps réel sur les transports, il convient de veiller à ce que la transition numérique ne se fasse pas au détriment des possibilités d’emploi pour les personnels des transports et des services d’assistance en présentiel pour les usagers, ou encore au prix d’un accroissement de la fracture de mobilité entre les usagers des transports qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas bénéficier de la numérisation en raison de l’inaccessibilité ou du caractère inabordable des services numériques voire de compétences numériques insuffisantes. Le CESE invite dès lors les responsables politiques à mettre en œuvre les processus de transition numérique pour parvenir à des transports durables et justes pour tous, de manière inclusive et participative.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du CESE TEN/766 sur le «Nouveau cadre de mobilité urbaine de l’Union» (JO C 323 du 26.8.2022, p. 107).

(2)  Règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO L 315 du 3.12.2007, p. 1).

(3)  Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1).

(4)  Cadre pour la mobilité urbaine [COM(2021) 811 final].

(5)  «Women and transport» (Les femmes et les transports), Parlement européen, commission FEMM, décembre 2021 https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/701004/IPOL_STU(2021)701004_EN.pdf, p. 34-35: «Des données tangibles devraient être prises en considération dans le contexte des besoins de mobilité des femmes. Comme indiqué dans les sections précédentes, les femmes travaillent plus souvent à temps partiel, s’occupent des enfants et de leurs proches, vivent plus longtemps, sont moins susceptibles d’avoir un permis de conduire et de posséder elles-mêmes une voiture, utilisent les transports publics et marchent plus fréquemment que les hommes. Leur mobilité quotidienne est plus complexe que celle des hommes. Dans le même temps, les femmes exercent souvent un contrôle limité sur les finances des ménages, car elles sont plus souvent les deuxièmes contributeurs de revenus d’un ménage (Borgato et al., 2021; Rastrigina et Verashchagina, 2015). En général, les femmes sont davantage exposées au risque de pauvreté et d’exclusion sociale (EIGE, 2020), sachant qu’elles sont plus susceptibles d’appartenir à des groupes vulnérables et que le caractère abordable est un élément essentiel de leur mobilité.».

(6)  Ageing Europe — statistics on population developments — Eurostat.

(7)  Déclaration conjointe de la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) et de l’Union internationale des transports publics (UITP) à l’occasion de la COP 26: Tackling climate action with public transport is one of the EU’s largest economic opportunities of the 21st century (Lutter contre le changement climatique au moyen des transports publics est l’une des plus grandes perspectives économiques de l’UE au XXIe siècle).

(8)  Relaunching Transport and Tourism in the EU after COVID-19 (Relancer les transports et le tourisme dans l’Union européenne après la COVID-19), mai 2021, étude commandée par la commission TRAN du Parlement européen et réalisée par le département thématique des politiques structurelles et de cohésion, direction générale des politiques internes.

(9)  Déclaration conjointe de la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) et de l’Union internationale des transports publics (UITP) à l’occasion de la COP 26: Tackling climate action with public transport is one of the EU’s largest economic opportunities of the 21st century (Lutter contre le changement climatique au moyen des transports publics est l’une des plus grandes perspectives économiques de l’UE au XXIe siècle).

(10)  En 2020, lors du premier confinement, Milan et Barcelone ont réduit l’occupation des véhicules à 25 % et 50 % respectivement, l’Irlande à 20 % et le Portugal aux deux tiers. Voir «COVID-19 and urban mobility: impacts and perspectives» (COVID-19 et mobilité urbaine: impacts et perspectives), septembre 2020, recherche pour la commission TRAN du Parlement européen, département thématique des Politiques structurelles et de cohésion, direction générale des Politiques internes (PE 652.213).

(11)  Recommandations du FED sur les mesures de sortie pour les services de transport à la lumière de la COVID-19 (en anglais).

(12)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 219.

(13)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 100.

(14)  Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (JO L 57 du 18.2.2021, p. 17).

(15)  La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées dispose que «[d]ans l’élaboration et la mise en œuvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l’application de la présente convention, ainsi que dans l’adoption de toute décision sur des questions relatives aux personnes handicapées, les États parties consultent étroitement et font activement participer ces personnes, y compris les enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent». Article 4, paragraphe 3 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Dans l’avis du CESE «Vers un système de transport compétitif et économe en ressources», on peut lire de surcroît que «[c]omme il l’a déjà indiqué dans son avis de 2012, le CESE souhaite encourager un échange de vues ouvert, continu et transparent sur la mise en œuvre du livre blanc entre la société civile (entreprises, employeurs, salariés, usagers, ONG et universités, etc.), la Commission et d’autres acteurs concernés tels que les autorités nationales à différents niveaux. De cette manière, l’acceptation et la compréhension par la société civile seront améliorées ainsi que les retours d’informations utiles aux décideurs politiques et aux responsables de la mise en œuvre» (JO C 341 du 24.8.2021, p. 100).

(16)  Conformément aux recommandations formulées dans son avis sur les défis sociétaux du verdissement des transports maritimes et fluviaux, «[l]e CESE estime que l’implication de toutes les parties prenantes incluant les partenaires sociaux est nécessaire pour parvenir à des solutions à la fois significatives et viables dans le cadre du verdissement du transport maritime» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 18).

(17)  Voir, par exemple, le projet «TRansport Innovation for disabilities People needs Satisfaction» de l’accord ADPIC.

(18)  Article 2 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH)

(19)  «Ajustement à l’objectif 55» [COM(2021) 550 final].


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/122


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La diplomatie culturelle en tant que vecteur des relations extérieures de l’UE — Nouveaux partenariats et rôle des OSC»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/17)

Rapporteur:

Luca JAHIER

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

14.10.2022

Date de l’adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

178/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La culture rassemble. Elle nous dote d’un capital grâce auquel nous pouvons mettre notre cheminement en lumière, que ce soit dans un contexte européen ou pour nous projeter dans le monde. En ces temps où la guerre a fait son retour sur le continent européen, avec son cortège de destructions terrifiantes et de saccages, touchant les vies humaines et les lieux, nous avons besoin que les relations culturelles servent, bien plus qu’hier encore, d’instrument pour le dialogue, la paix et l’avenir. Aujourd’hui, ce doit être pour nous une authentique priorité que d’en faire un vecteur dynamique et stratégique de la politique extérieure de l’Union européenne, comme toute une série de textes et grandes initiatives l’ont réclamé à maintes reprises depuis maintenant dix-sept ans.

1.2.

En prenant appui sur la communication de la Commission de 2016, sur les nombreuses décisions et orientations émises par le Conseil et sur les recommandations du Parlement européen, nous nous devons à présent d’adopter un plan d’action stratégique pluriannuel en bonne et due forme qui, sous la coordination du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), crée une véritable synergie avec les différentes politiques et structures de la Commission européenne et des États membres et offre une plateforme sur laquelle puissent se nouer des relations opérantes avec des intervenants de plus amples dimensions qui mènent déjà des activités avec succès, qu’il s’agisse des responsables concernés à l’échelle territoriale ou de tout l’éventail des acteurs privés ou institutionnels, étant entendu que ce plan doit être doté des ressources financières voulues.

1.3.

Dans le même temps, il y a lieu de renforcer sur-le-champ les actions de protection, restauration et reconstruction du patrimoine dans les zones de catastrophes naturelles, de crises et de conflits, en passant à la vitesse supérieure dans la formation d’opérateurs locaux et le développement des capacités des institutions et organisations qui ressortissent à la société civile à l’échelle du local. Une action plus substantielle doit être déployée dans le domaine des industries créatives, et il convient de lancer des projets pilotes d’une ampleur significative dans des régions comme les Balkans occidentaux, la Méditerranée et le Proche-Orient.

1.4.

Il importe aussi d’inventorier dans toute leur diversité les actions et initiatives qui existent déjà, au niveau des institutions et organisations européennes, des États nationaux et de la multitude des organisations de la société civile qui sont présentes dans les pays membres de l’Union européenne, tout comme au sein des différents partenariats internationaux, afin de construire une plateforme des relations culturelles internationales de l’Union européenne.

1.5.

Il y a lieu de créer, au sein du Service européen pour l’action extérieure, une structure spécifique d’envergure qui s’appuie sur le titulaire d’une fonction d’«envoyé spécial de l’Union européenne pour les relations culturelles», lequel élaborera une stratégie politique globale, bénéficiant du budget adéquat, et sera capable de constituer un réseau avec les États membres et les différentes organisations concernées, cependant que les délégations de l’Union recevront des outils et des enveloppes budgétaires, plus modestes, pour développer des actions dans chacun des pays où elles sont implantées.

2.   Le cadre général

2.1.

Les institutions européennes ont, de longue date, inscrit à leur ordre du jour la question de la culture, abordée comme instrument de politique extérieure, dans le but de conforter le dialogue entre toutes les diversités en la matière, ainsi que les droits de l’homme et la cohésion sociale et économique, en prenant appui sur le moteur de croissance que constituent les industries créatives et culturelles. Cette diplomatie culturelle dans laquelle l’Union européenne a discerné un instrument d’action en matière de politique extérieure a pour spécificité de ne pas poser de préalable à la coopération dans le domaine de la culture et d’encourager une approche qui transcende la simple promotion des productions culturelles des États membres, afin de privilégier le partage, au niveau de la société civile, d’un espace de coproduction en la matière avec les pays partenaires.

2.2.

Dès 2007, la Commission européenne avait adopté une communication «relative à un agenda européen de la culture à l’ère de la mondialisation» (1), qui visait notamment à donner à la dimension culturelle un rôle plus affirmé dans les relations extérieures de l’Union européenne. Le Parlement a soutenu vigoureusement cette perspective dans une résolution de 2008, suivie d’une autre, en 2011, en prévoyant un budget de 500 000 EUR, l’année suivante, pour mettre en œuvre des actions préparatoires en faveur de la culture dans les relations internationales, qui ont abouti, en 2014, à la réalisation d’une étude cadrant la question (2).

2.3.

Le Conseil européen, quant à lui, a mis l’accent à plusieurs reprises sur le potentiel diplomatique que recèlent les relations culturelles, en particulier dans ses conclusions de 2007, 2008, 2014 et 2015, tout comme en ce qui concerne les plans d’action de la Commission depuis 2014.

2.4.

Les travaux préparatoires de cette décennie ont alimenté la communication conjointe (3) que la Commission et sa haute représentante et vice-présidente pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont publiée en juin 2016, sous l’intitulé «Vers une stratégie de l’UE dans le domaine des relations culturelles internationales». Le texte distinguait trois champs d’action pour le déploiement de cette stratégie:

le développement socio-économique axé sur les politiques culturelles, le rôle des pouvoirs locaux dans les initiatives en la matière et celui des industries de la culture et de la création dans les pays partenaires,

le dialogue interculturel pour la paix et la stabilité,

la protection du patrimoine culturel face aux catastrophes naturelles, aux conflits armés et au trafic d’objets, finançant par ailleurs les activités terroristes.

2.5.

La communication insistait en outre sur la nécessité de favoriser une coordination progressive de l’action des États membres, pour remédier à la situation actuelle de morcellement prononcé, ainsi que de tirer parti du rôle de plaques tournantes que jouent certaines délégations de l’Union européenne dans des pays tiers, de renforcer la coopération avec le réseau des Instituts culturels nationaux de l’Union européenne (EUNIC), pour garantir le rôle prépondérant des États membres dans le domaine de la culture, et, enfin, de recourir aux instruments et lignes de financement qui ont déjà été mis en place dans différents domaines. Le texte créait par ailleurs une plateforme de la diplomatie culturelle (4), qui aide à détecter les programmes et les ressources qu’il convient de prendre en considération, ainsi qu’à coordonner les différentes parties prenantes.

2.6.

En mai 2017, le CESE a pris position sur cette communication (5), qu’il a assurée de son franc soutien, non sans faire valoir cependant qu’il y avait lieu de franchir une nouvelle étape, pour passer d’un document intitulé «Vers une stratégie de l’UE» à l’adoption, puis à la mise en œuvre, d’une stratégie et d’un plan d’action en bonne et due forme, lequel, à son estime, devrait répondre à quatre impératifs structurels: apporter de la clarté dans la gouvernance à l’échelle de l’Union, s’efforcer de coordonner et d’offrir une aide complémentaire au niveau des États membres, préciser les aspects financiers et, enfin, valoriser des réseaux d’acteurs culturels interconnectés, qui soient les représentants d’une société civile pleine de dynamisme en matière culturelle. Le CESE demandait par ailleurs de donner à la dimension culturelle le statut de quatrième pilier de la stratégie de développement durable et de développer les réseaux appropriés pour associer à la démarche les différents acteurs de la société civile organisée et autres organisations qui, à différents niveaux, étaient déjà actifs dans ce domaine.

2.7.

Dans la résolution (6) qu’il a adoptée en juillet 2017, le Parlement européen soulignait pour sa part regretter que la communication fût dépourvue de la structuration plus substantielle nécessaire pour développer une stratégie agissante de diplomatie culturelle de la part de l’Union européenne et dégager les ressources appropriées. En juin 2017, le Comité des régions a pris lui aussi position en la matière, dans un avis (7) au message percutant, où il rappelait en particulier que les villes et l’échelon local de gouvernance peuvent jouer un rôle essentiel pour développer des réseaux de coopération culturelle au niveau du voisinage. Ce thème a trouvé un large écho dans une vaste étude de 2020 (8), qui a esquissé une stratégie à paliers multiples pour les relations culturelles internationales.

2.8.

Dans ses conclusions de mai 2017, le Conseil a récapitulé et relancé les propositions de la Commission, en recommandant notamment de créer un groupe d’«amis de la présidence», qui servirait de plateforme transversale destinée à faciliter la mise en œuvre de la stratégie. Il est revenu à nouveau sur cette thématique de la diplomatie culturelle dans ses importantes conclusions de juin 2019, concernant une approche stratégique et un cadre d’action de l’Union européenne dans le domaine des relations culturelles internationales (9), ainsi que dans celles de septembre 2019, sur la dimension culturelle du développement durable (10), de mai 2020, consacrées à la gestion des risques en matière de patrimoine culturel (11), et, enfin, de juin 2021 (12), en rapport avec une approche de l’Union européenne à l’égard du patrimoine culturel en période de conflit et de crise.

2.9.

Enfin, dans le cadre d’action européen (13) qui a été publié à la suite de l’Année européenne du patrimoine culturel (2018), l’un des cinq piliers essentiels que la Commission a définis pour l’action de l’Union européenne en la matière a pour intitulé «le patrimoine culturel pour des partenariats mondiaux plus vigoureux: renforcer la coopération internationale».

3.   Observations et propositions

3.1.

Le cadre dont on vient d’esquisser un rappel montre toute l’ampleur que présentent les travaux, les orientations, les propositions et les décisions qui se sont accumulés au fil des ans, et il témoigne d’un consensus, solidement établi à présent, reconnaissant que la culture constitue un vecteur pour la construction des identités et de la cohésion, un moteur de développement socio-économique et un facteur essentiel pour nouer des coopérations pacifiques, y compris par des collaborations de personne à personne, concernant tant les organisations de la société civile que les universités, les centres culturels, les musées, les villes et les autres organisations intermédiaires.

S’y ajoute la conviction, de plus en plus répandue, que l’accent mis sur la dimension culturelle peut aider à réaliser le programme de développement durable à l’horizon 2030.

3.2.

De la même manière, la culture fait maintenant partie intégrante des principaux instruments de coopération de l’Union européenne, ainsi que de plusieurs accords bilatéraux qu’elle a conclus avec des pays tiers, tandis que depuis nombre d’années, un large éventail de projets culturels ont été mis en œuvre au titre de l’assistance technique et financière fournie par l’Union.

Ces actions visent à préserver ou restaurer des sites culturels classés, produire et diffuser des œuvres d’art, créer ou rénover des musées, renforcer les capacités des opérateurs de la culture et des artistes au niveau local et favoriser leur liberté de circulation entre les pays, organiser de grandes manifestations culturelles, sensibiliser les populations à la protection du patrimoine culturel ou développer un nouveau modèle de tourisme durable. En outre, la Commission soutient l’émergence et la consolidation des industries culturelles dans les pays partenaires, en particulier pour ce qui concerne le secteur audiovisuel et celui du cinéma, et s’attache à promouvoir l’accès local à la culture.

3.3.

Cette action s’avère toutefois plus morcelée que jamais, elle est dépourvue de visibilité générale et n’est pas sous-tendue par une vision stratégique tangible, si bien qu’elle n’est que rarement à même de déployer son véritable potentiel de vecteur toujours plus substantiel de la politique extérieure de l’Union européenne et d’outil dynamique de partenariat qu’elle pourrait être dans beaucoup de régions du monde et qu’elle constitue un trésor caché qu’il convient de mobiliser pour convertir en une réelle masse critique l’énorme capital des initiatives qui, ou sont mises en œuvre, ou sont susceptibles d’être activées, au niveau des États membres mais aussi à celui du très vaste vivier des acteurs et institutions d’échelon local comme des organisations de la société civile.

3.4.

En outre, il convient de ne pas perdre de vue que pour faire sens, la diplomatie culturelle de l’Union européenne doit être conçue et développée de telle manière qu’elle constitue un instrument de sa politique extérieure et, par conséquent, être dotée d’une indispensable dimension d’influence, dont la traduction, dans son cas, consiste à promouvoir dans le monde entier son modèle spécifique de coexistence pacifique et d’intégration des peuples, respectueux des droits fondamentaux et de liberté d’expression artistique et se conformant aux principes de la démocratie et de l’État de droit.

3.5.

En outre, la culture est un produit du travail, lequel constitue le pilier sur lequel l’Europe est construite. C’est lui qui a permis l’essor de l’industrie, a placé le continent européen au cœur des échanges commerciaux, a façonné l’histoire de ses villes et ouvert la voie à l’émancipation de ses populations, tout en y assurant l’affirmation des droits sociaux et du modèle social européen. La culture du travail doit rester au cœur de l’action européenne.

3.6.

Le patrimoine culturel, dans ses dimensions tant matérielles qu’immatérielles, constitue par essence une question qui est sensible d’un point de vue politique, présente une haute complexité et fait intervenir, à un haut degré, des connotations symboliques et émotionnelles, de sorte qu’il comporte un risque élevé de manipulations politiques, concernant son histoire, son attribution à telle ou telle composante d’une société et son utilisation, en particulier lorsque des minorités sont présentes ou en cas de conflits. En conséquence, il peut tout aussi bien devenir un fauteur de conflit qu’un vecteur de paix, de réconciliation et de développement partagé. Cette caractéristique montre clairement la voie à suivre pour qu’il devienne un puissant facteur auxiliaire de la diplomatie de l’Union européenne, dans la démarche qu’elle mène en faveur de la paix, de la sécurité et du développement durable.

3.7.

Bien qu’axée au premier chef sur la protection du patrimoine lors des conflits et des crises, la décision du Conseil du 21 juin 2021 a relancé l’ambition de faire de la «diplomatie culturelle» un artisan pertinent de la paix et du développement dans le cadre de la politique européenne de sécurité commune et de défense. Elle charge le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et l’ensemble des agences et organismes intéressés de l’Union européenne d’élaborer des actions concrètes en ce sens, notamment en créant un groupe ad hoc qui, porté par le même SEAE, devra chaque année faire rapport au Conseil concernant les progrès réalisés. Le paragraphe 8 de ces mêmes conclusions souligne qu’il importe de renforcer les partenariats nécessaires avec les instances internationales et régionales compétentes, ainsi qu’avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, c’est-à-dire celles de la société civile.

3.8.

Il s’avère donc nécessaire de réitérer avec force les souhaits qui se trouvaient déjà exprimés dans l’avis du CESE de 2017, ainsi que dans la résolution même du Parlement européen, de 2017 également, à savoir que l’Union européenne se doit de se doter d’un plan d’action en bonne et due forme, comme elle l’a déjà fait pour plusieurs autres de ses champs d’action, et de définir une structure opérationnelle de référence qui se caractérise par sa souplesse, ainsi que de prévoir les ressources budgétaires voulues, qu’elles soient spécifiques ou puissent être activées au titre de programmes qui existent déjà.

Ce plan d’action devrait se concentrer tout particulièrement sur les points suivants: renforcer la cohérence entre les politiques et instruments de l’Union européenne en matière d’action extérieure, assurer une complémentarité entre patrimoine matériel et immatériel, faire le lien avec le changement climatique, en tant que facteur de crise, inclure dans sa démarche les acteurs locaux, les femmes et les jeunes et favoriser leur autonomie d’action, stimuler la formation et l’échange de connaissances, créer des réseaux et les articuler avec ceux qui existent déjà, comme Erasmus+, tracer les différentes pistes envisageables pour développer une coopération et un partenariat concrets entre les institutions culturelles et intervenants ressortissant à des organisations de la société civile de l’Union européenne, d’une part, et à leurs pendants dans des pays tiers, d’autre part, ou encore resserrer la coopération avec les différents organismes régionaux et internationaux existants, de façon que la culture devienne un axe pertinent dans ces synergies.

Surtout et avant tout, il s’impose également de développer les interconnexions des relations culturelles avec une série d’autres dimensions, à savoir:

le développement durable,

l’économie circulaire,

la transition numérique,

la paix et la stabilité,

la promotion des droits fondamentaux et de la liberté d’expression,

les minorités, ainsi que la protection et la valorisation des cultures et des langues minoritaires,

la mise en avant de l’égalité entre les hommes et les femmes.

3.9.

En parallèle avec l’élaboration de ce plan, qui doit donner lieu à la participation la plus large, comme le veut à présent l’usage et être mis en avant et promu avec la même insistance que d’autres adoptés récemment, il apparaît toutefois indispensable de lancer immédiatement un ensemble d’actions concrètes, qui donnent enfin une traduction tangible aux multiples recommandations et propositions des autres institutions, telles que rappelées ci-dessus, et ouvrent la voie au déploiement du processus. Nous n’en mentionnerons ci-après que quelques-unes, à titre d’exemples:

3.9.1.

Assurer la protection, la restauration et la reconstruction du patrimoine dans les zones de catastrophes naturelles, de crises et de conflits, en prenant pour point de départ, en en adaptant au besoin le mandat, les missions qui sont déjà menées au titre de la politique de sécurité et de défense commune en Afghanistan, en Ukraine, en Géorgie, au Kosovo, en Libye, dans les territoires palestiniens, en l’occurrence à Ramallah et Rafah, au Niger, au Mali, ou encore dans la Corne de l’Afrique, en Somalie et au Somaliland. À cette fin, il y a lieu d’investir dans le dialogue intracommunautaire et interethnique, ainsi que, le cas échéant, interreligieux, de faire de la reconstruction et de la préservation des patrimoines culturels un instrument pour reconstruire une mémoire partagée et favoriser la réconciliation, mais aussi une piste pour la création d’emplois et d’activités économiques et touristiques à caractère durable, de déployer une action de renforcement des capacités à l’échelle locale, ainsi que de développer les indispensables activités de formation, ou encore d’accroître le recours à la cartographie satellitaire et à l’imagerie numérique pour mener des actions préventives.

3.9.2.

Renforcer la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, qui est notamment utilisé pour financer le terrorisme international et sévit avec beaucoup d’intensité dans les zones de conflit, cette action devant être menée en coordination avec Europol et Interpol et nécessitant de mieux former la police des frontières.

3.9.3.

Développer une action ciblée en direction des industries créatives, concernant en particulier l’art contemporain et les nouvelles technologies et portant une attention spécifique aux nouvelles générations. Ce champ d’intervention, qui a déjà donné lieu à certaines initiatives d’ampleur significative, lancées avec le concours de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), représente sans conteste l’une des pistes les plus prometteuses pour susciter un développement durable, et sa pertinence a déjà été reconnue, en particulier, dans le contexte du nouvel accord de partenariat avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). La création, attendue sous peu, de la future Fondation culturelle ACP, ainsi que la proposition d’organiser ultérieurement un premier sommet des ministres de la culture des pays ACP et de l’Union européenne, tracent un cadre politique des plus intéressants, auquel il convient d’accorder toute l’attention qu’il mérite à titre prioritaire. Dans cette même orientation, on mentionnera également le Forum créatif 2021 de Ljubljana (14), qui a rassemblé les entreprises créatives de tout le pourtour méditerranéen, dans un souci de contribuer à la transition verte, à l’innovation sociale et à la croissance économique.

3.9.4.

Réaliser une cartographie systématique, dans toute leur diversité et leur abondance, des initiatives qui existent déjà, à quelque niveau que ce soit, notamment en créant un site interactif en faveur des échanges de bonnes pratiques et du développement de nouvelles synergies entre les acteurs des différents niveaux et à l’échelle transnationale, avec l’objectif de créer une plateforme des relations culturelles internationales de l’Union européenne, sur le patron d’autres initiatives couronnées de succès qui ont déjà été lancées dans d’autres domaines, comme la plateforme de l’économie circulaire, le festival du nouveau Bauhaus européen, etc. Dans ce domaine, le CESE peut certainement, en coopération avec les grandes organisations culturelles européennes qui sont intéressées par la question, constituer un pôle institutionnel aussi précieux que stable.

3.9.5.

Lancer des projets pilotes dans certaines zones spécifiques, en articulation avec les priorités politiques déjà définies dans chacune de ces régions. On en mentionnera ci-après quelques exemples, dans lesquels une action coordonnée de l’Union européenne peut faire la différence.

3.9.5.1.

Les Balkans occidentaux, notamment dans la perspective de leur intégration à l’Union européenne, forment une zone pour laquelle il serait judicieux de développer fortement la dimension culturelle, par exemple en offrant un soutien à un réseau régional d’organisations de la société civile qui, dans l’ensemble des pays de l’espace balkanique occidental, s’attachent à préserver le patrimoine culturel et naturel, conçu comme un bien commun reçu en héritage. Dans le cadre des pourparlers menés entre Belgrade et Pristina pour normaliser les relations entre la Serbie et le Kosovo, il conviendrait d’accorder à la question du patrimoine culturel et religieux un niveau de priorité nettement plus élevé, eu égard à la très haute pertinence qu’elle revêt pour l’identité des différentes communautés. De même, dans une aire plus étendue couvrant tout le Sud-Est européen, il conviendrait de dispenser une assistance à des projets de coopération régionale auxquels soient associés des historiens et des spécialistes d’histoire de l’art, visant à contribuer à enrayer les tendances à revoir ou réécrire l’histoire qui sont de plus en plus prégnantes et n’hésitent pas, au besoin à altérer l’identité, de nature plurielle, des monuments historiques et des sites patrimoniaux. Pour donner corps à cette démarche, il s’impose également de développer les capacités des organisations de la société civile et des institutions de l’échelon local, par exemple en établissant des programmes de jumelage avec des musées, fondations ou autres structures des pays membres de l’Union européenne, en lançant un programme des «champions du patrimoine de l’Union européenne et des Balkans occidentaux», s’inspirant de la méthodologie du programme des lauréats des prix Ilucidare, pour donner aux spécialistes du patrimoine de l’Union européenne et des Balkans occidentaux l’occasion d’échanger des expériences et bonnes pratiques, ou encore en mobilisant le dispositif du corps européen de solidarité afin d’encourager des jeunes à participer à des «chantiers» de restauration patrimoniale. Par ailleurs, établir un régime de volontariat pour le patrimoine culturel qui couvre le niveau régional et soit ouvert aux ressortissants des États membres de l’Union européenne comme des pays qui n’en font pas partie constituerait un puissant moyen de contribuer grandement à raviver un souffle de solidarité dans cette partie du continent.

3.9.5.2.

Méditerranée et Proche-Orient. La Méditerranée et le Proche-Orient constituent indubitablement une zone d’importance prioritaire, qui se caractérise par la présence de nombreuses situations de conflit toujours en cours et qui ne manque assurément pas de sites et de trésors ressortissant au patrimoine culturel, d’une valeur inestimable et susceptibles de jouer un rôle de poids, s’agissant de stimuler la réconciliation, la paix, la reconstruction, ainsi qu’un développement durable, et d’éviter, en réamorçant le recours aux précieuses énergies inhérentes aux communautés et aux traditions locales, que de nouvelles crises ne surgissent. Il est incontestablement indiqué de reprendre, en le renforçant, le projet que la direction générale Coopération internationale et développement (DEVCO) avait lancé en son temps dans la région de Mossoul afin de restaurer des identités gravement malmenées et un patrimoine menacé de dispersion, en entreprenant de former des opérateurs culturels et des experts professionnels du cru et de développer les activités économiques connexes. Une action analogue devrait également se dérouler en Syrie, pour reconstruire Palmyre . De la même manière, on ne peut, dans le cadre du processus complexe qui se déroule en Libye , faire l’impasse sur l’immense valeur du patrimoine culturel de ce pays. Il a été signalé de longue date que les sites de Sabratha, Leptis Magna, Cyrène, Apollonie ou Ghadamès comptent parmi ceux qui, depuis le début du conflit, sont les plus vulnérables au pillage, car ils abritent des biens d’une immense valeur, susceptibles d’être dispersés de manière catastrophique par les réseaux de trafic clandestin.

Depuis 2015, l’Union pour la Méditerranée promeut un réseau indépendant d’experts de la Méditerranée sur le changement climatique  (15), qui est parvenu à des conclusions pertinentes en la matière, comme le plan d’action de développement urbain pour 2040  (16). Un projet spécifique mené avec l’Union pour la Méditerranée dans le but d’élaborer une stratégie commune de mise en sécurité des différents sites rattachés au patrimoine matériel présenterait une forte valeur politique, ne serait-ce que parce qu’il aurait aussi pour effet de sauvegarder toutes les activités touristiques et économiques afférentes.

La référence majeure en la matière est désormais constituée par la déclaration finale de la conférence des ministres de la culture de la Méditerranée, qui s’est tenue à Naples les 16 et 17 juin 2022 et s’est attachée à développer des stratégies et actions communes pour protéger le patrimoine et favoriser la culture, en tant qu’ils constituent des biens communs de toute la région, ainsi qu’à lancer le «processus de Naples» pour la coopération culturelle dans la zone méditerranéenne (17).

3.9.5.3.

Que la dimension culturelle revête une haute importance sur le continent africain n’a assurément rien d’un fait nouveau. Pourtant, son rôle a souvent été très marginalisé, dans les relations comme dans la réalité concrète des projets et des investissements, alors que les exemples de bonnes pratiques ne manquent pas, que la question monte dans l’ordre des priorités au sein du groupe de la communauté des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et que des potentialités existent à cet égard dans les relations avec l’Union africaine. Il est évident qu’un des centres qui jouent un rôle névralgique à cet égard est le Musée des civilisations noires de Dakar, dont le projet remontait au premier président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor et qui a été inauguré fin 2018, pour devenir le principal pôle d’échanges culturels à l’échelle de tout le continent, en se plaçant dans la perspective de la Renaissance africaine. C’est dans cette même logique qu’il convient sans aucun doute de replacer le cas du Tigré, qui est maintenant devenu une zone de conflit et d’urgence humanitaire aiguë et abrite un immense patrimoine culturel, en ce qu’il constitue le berceau du christianisme copte éthiopien, avec ses monastères et églises d’une haute importance.

En outre, le continent africain est celui qui concentre le plus grand nombre de réfugiés et personnes déplacées dans le monde, de sorte qu’il serait opportun d’investir dans la dimension culturelle de ces groupes de population, afin notamment de les aider à se doter des capacités voulues pour qu’ils puissent préserver leurs traditions et en faire le tremplin à partir duquel ils pourront rebondir et se reconstruire. Une autre thématique est celle de la dimension culturelle dans les relations avec les différentes diasporas, dont les rangs sont fournis et qui offrent à leur tour des leviers de développement.

Enfin, l’industrie de la mode constitue un secteur qui connaît un développement exponentiel sur le continent africain, en particulier au niveau de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises, et peut non seulement y générer de la prospérité économique et créer des emplois mais également construire son identité et le rendre fier de sa créativité. Il s’impose de renforcer résolument les projets spécifiques de formation comme de partenariat qui sont noués entre des acteurs économiques des deux ensembles continentaux.

3.9.5.4.

Une initiative spécifique doit être développée en faveur de l’Ukraine, eu égard aux destructions, d’une énorme ampleur et d’ores et déjà attestées, que le patrimoine culturel a subies dans de nombreuses régions du pays. Les musées européens pourraient organiser des collectes de soutien au patrimoine culturel ukrainien et les États membres se devraient d’encourager les partenariats public-privé afin de financer des projets de restauration. Le projet pilote des «espaces européens de la culture», placé sous l’égide du Parlement européen, pourrait centrer son attention sur l’Ukraine, en ouvrant à Kiev une Maison européenne de la culture, qui prendrait la forme d’une bibliothèque ou d’un autre type d’espace culturel et dont l’organisation serait assurée par le réseau des Instituts culturels nationaux de l’Union européenne (EUNIC), en coopération avec le service européen pour l’action extérieure (SEAE).

3.9.5.5.

Il serait également opportun de lancer des actions par lesquelles l’Ouest diffuse un message positif de paix et de respect à l’adresse des populations russe et biélorusse et de la sphère culturelle russe, afin déconstruire la propagande poutinienne.

3.9.6.

Établir une coordination avec le Conseil de l’Europe qui mène déjà des actions culturelles au niveau du continent européen, comme le programme des «itinéraires culturels», ainsi qu’avec l’Unesco, le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) et le Conseil international des musées (ICOM); renforcer la coopération multilatérale dans la perspective de la Conférence mondiale de l’Unesco sur les politiques culturelles et le développement durable (Mondiacult 2022), qui doit se dérouler à Mexico du 28 au 30 septembre 2022.

3.9.7.

Élaborer des lignes directrices pour une politique de restitution des œuvres d’art volées et le développement des capacités de soutien en faveur des pays et musées qui les conservent, dans une perspective de reconstruction des cultures victimes de pillages et de vols. Ce rapatriement est d’autant plus indispensable dans le cas des antiquités qui revêtent une importance particulière pour l’humanité et dont l’enlèvement du territoire d’un État nuit au monument ou à l’environnement archéologique plus large, en raison, tout à la fois, des principes fondamentaux du droit du patrimoine culturel et de la nécessité de rétablir l’intégrité de l’édifice concerné dans son contexte historique, culturel et naturel. Ce principe a également été acté par la convention de l’Unesco sur les biens culturels, de 1970, qui facilite leur restitution internationale, en luttant contre le pillage archéologique, le commerce illégal d’antiquités et la contrebande des trésors artistiques. Les biens culturels des tombes amérindiennes, les bronzes du Bénin, la statue de maître Zhang Gong ou les sculptures du Parthénon sont quelques exemples de pareilles situations.

3.9.8.

Intensifier le renforcement des capacités de la société civile qui, dans chaque pays, est engagée dans le secteur de la culture et des relations culturelles internationales, en favorisant le développement d’organisations qui soient indépendantes et, surtout, présentes sur le terrain.

3.10.

Pour qu’une telle entreprise puisse prendre son envol, il est indispensable de créer au sein du SEAE une structure spécialisée, d’un poids significatif, qui œuvre en réseau avec les autres directions générales de la Commission européenne ayant à connaître de la question et s’appuie sur le titulaire d’une fonction d’«envoyé spécial de l’Union européenne pour les relations culturelles», lequel s’attachera à développer une orientation politique globale, reconnue et conséquente, ainsi qu’à tisser des réseaux et assurer la gestion d’ensemble du plan d’action susmentionné.

Il conviendrait de doter cette structure d’un budget qui garantisse en particulier qu’elle soit en mesure d’assurer une telle fonction.

Ce dispositif devrait être complété, au sein des différentes délégations de l’Union européenne, par un réseau de points focaux consacrés à la culture, qui s’articulera autour des diverses priorités politiques mais sera toujours fondé sur un socle commun essentiel et bien reconnaissable, celui d’une Europe qui est porteuse de paix. Il serait envisageable d’octroyer à ces délégations des fonds spécifiques qu’elles seraient tenues de consacrer à des actions culturelles de terrain.

3.11.

Enfin, pour la relier à la logique de la transition numérique et durable, il y a lieu d’intégrer dans la dimension culturelle des relations internationales de l’Union européenne une série de principes clairs et nets, d’ordre qualitatif, concernant les investissements culturels relatifs à toute action développée dans les pays partenaires. Dans le cas de ceux effectués au profit du patrimoine matériel, par exemple, ces critères doivent notamment incorporer les principes du «nouveau Bauhaus européen», à savoir la durabilité, l’esthétique et l’inclusion, ainsi que le système Davos de qualité pour la culture du bâti.

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2007) 242 final.

(2)  Engaging the World: Towards Global Cultural Citizenship («Prendre langue avec le monde: vers une citoyenneté culturelle mondiale», europa.eu).

(3)  JOIN(2016) 29 final.

(4)  Plateforme pour les relations culturelles (cultureinexternalrelations.eu).

(5)  Vers une stratégie de l’UE dans le domaine des relations culturelles internationales (JO C 288 du 31.8.2017, p. 120).

(6)  Résolution du Parlement européen du 5 juillet 2017, «Vers une stratégie de l’UE dans le domaine des relations culturelles internationales» [2016/2240(INI)] (JO C 334 du 19.9.2018, p. 112).

(7)  Avis du Comité européen des régions, «Vers une stratégie de l’UE en matière de relations culturelles internationales» (JO C 207 du 30.6.2017, p. 95).

(8)  Towards a multi-level strategy for EU external cultural relations («Vers une stratégie à niveaux multiples pour les relations culturelles externes de l’Union européenne») (disponible à l’Office des publications de l’Union européenne, europa.eu).

(9)  Conclusions du Conseil sur une approche stratégique et un cadre d’action de l’UE dans le domaine des relations culturelles internationales (JO C 192 du 7.6.2019, p. 6).

(10)  Résolution du Conseil sur la dimension culturelle du développement durable (JO C 410 du 6.12.2019, p. 1).

(11)  Conclusions du Conseil sur la gestion des risques en matière de patrimoine culturel (JO C 186 du 5.6.2020, p. 1).

(12)  Conclusions du Conseil sur l’approche de l’UE à l’égard du patrimoine culturel en période de conflit et de crise (21 juin 2021).

(13)  Document de travail des services de la Commission, European Framework of Action for Cultural Heritage («Cadre d’action européen pour le patrimoine culturel») [SWD(2018) 491 final, du 5 décembre 2018], p. 29.

(14)  Future Unlocked! — Cultural and Creative Sectors as Agents of Change («Déverrouiller l’avenir: les secteurs de la culture et de la création, acteurs du changement», creativeforum.si).

(15)  https://www.medecc.org/

(16)  Towards a new UfM Strategic Urban Development Action Plan 2040 («Vers un nouveau plan d’action stratégique de développement urbain pour 2040»), Union pour la Méditerranée (ufmsecretariat.org).

(17)  https://cultura.gov.it/medculture


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/130


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Cour multilatérale d’arbitrage entre investisseurs et États: bilan et réalisations du processus de la Cnudci à la lumière des recommandations de la société civile»

(avis d’initiative)

(2023/C 75/18)

Rapporteur:

Christophe QUAREZ

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

14.9.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

176/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La mise en place d’un système efficace et opérationnel de protection des investissements internationaux, assorti d’un mécanisme de règlement des différends, présente un intérêt pour le Comité économique et social européen (CESE). Cependant, ce dernier s’associe aux critiques envers le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) prévu dans les accords de commerce et d’investissement. Ces critiques, portées par la société civile, concernent essentiellement les questions de légitimité, de cohérence et de transparence de ce système d’arbitrage.

1.2.

Le CESE prend acte du mandat octroyé à la Commission européenne pour négocier, dans le cadre de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (Cnudci), la mise en place éventuelle d’un tribunal multilatéral des investissements (TMI). Il regrette cependant que les négociations en cours portent davantage sur des questions de procédures que sur les problèmes de fond.

1.3.

Les progrès concrets de ce premier processus multilatéral de réforme du RDIE, entamé voici cinq ans, sont limités, sauf en ce qui concerne la rédaction d’un code de conduite pour les arbitres, dont les détails restent encore à définir. Le volet des discussions sur la réforme structurelle du mécanisme de RDIE, dont la création d’un tribunal permanent est censée constituer une pièce centrale, peine à trouver une solution partagée par tous les États membres de la Cnudci.

1.4.

En effet, faute de consensus entre les États membres des organisations internationales concernées, il n’est à ce jour pas envisagé de réviser le droit matériel. Le CESE exhorte donc la Commission européenne à poursuivre la réforme du droit matériel parallèlement à celle des règles de procédure. Parmi les questions de fond, citons les dispositions vagues ou trop étendues en matière de traitement juste et équitable, qui devraient se limiter à la non-discrimination et à l’expropriation directe en tant qu’éléments essentiels de la protection des investissements.

1.5.

En outre, le Comité demande que certaines des questions de nature plus transversale restent sur la table des négociations, notamment l’effet dissuasif du RDIE, l’épuisement des voies de recours locales et l’accès de tiers, tels que les communautés locales touchées par les investissements. Ce processus doit aboutir à des résultats concrets et efficaces, et ne doit pas s’arrêter aux ajustements du mécanisme actuel d’arbitrage du RDIE, salués comme une réussite.

1.6.

Le CESE relève que la réforme des règles de procédure (notamment sur la transparence, les règles de déontologie, l’accès à l’arbitrage ou son coût) permet néanmoins d’ouvrir la voie à un débat sur la réforme des règles matérielles.

1.7.

Le CESE souhaiterait que le modèle de l’amicus curiae (1) inclue dans les tierces parties susceptibles d’intervenir l’ensemble des parties prenantes (résidents locaux, travailleurs, syndicats, groupes de défense de l’environnement ou consommateurs, etc.) et veille à ce que leurs interventions soient dûment prises en considération par les juges.

1.8.

Le CESE se réjouit des travaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) destinés à prendre en compte les enjeux de développement durable dans les accords d’investissement, mais l’invite instamment à compléter ses travaux en prenant en considération les enjeux sociaux, notamment en faisant du devoir de vigilance l’un des critères à remplir par les investisseurs étrangers.

1.9.

Le CESE a toujours fait valoir, entre autres dans l’avis REX/501 sur «Un tribunal multilatéral des investissements» (2), qu’il est essentiel que le TMI n’affecte en rien la capacité de l’Union et de ses États membres à répondre aux obligations qui sont les leurs en vertu des accords internationaux relatifs à l’environnement, aux droits de l’homme et au travail ainsi que de la protection des consommateurs. Des garanties procédurales contre les recours visant une législation nationale d’intérêt général doivent aussi être prévues; le CESE considère que cet objectif serait atteint avec l’insertion d’une clause de hiérarchie (3) et d’une exception d’intérêt public.

1.10.

Le CESE note que, même si le groupe de travail III de la Cnudci se focalise sur les éléments de procédure, cela pourra avoir des effets positifs dans le futur, pour une jurisprudence plus claire et stable, ce qui facilitera aussi une réforme du droit matériel applicable des traités d’investissement.

1.11.

Le CESE souligne qu’en droit international coutumier et en droit international des droits de l’homme, les particuliers doivent d’abord demander réparation devant les juridictions nationales avant de pouvoir engager des procédures internationales contre un État; il regrette qu’en revanche, le droit international des investissements n’exige généralement pas l’épuisement des voies de recours internes. Le CESE relève que ce système s’avère discriminatoire à l’encontre des PME compte tenu de leurs moyens financiers limités. Il encourage dès lors la Commission à défendre, dans le cadre du processus de la Cnudci, la question de l’épuisement des voies de recours locales avant toute saisine internationale. Le RDIE devrait être reconnu comme une voie de recours extraordinaire.

1.12.

Le CESE rappelle à la Commission qu’il a demandé à être davantage associé à ses travaux dans le cadre de la Cnudci.

1.13.

Le CESE réaffirme la nécessité d’assurer la cohérence entre les objectifs de développement durable ambitieux dont l’Union européenne s’est dotée et le cadre de la réforme du modèle de RDIE. Des traités mal conçus peuvent entraver les progrès, tandis que des traités d’investissement bien conçus peuvent aider les sociétés à relever les défis actuels. Nous devons élaborer un nouveau modèle de gouvernance des investissements internationaux qui comble l’écart important entre, d’une part, le système d’investissement, et, d’autre part, les droits de l’homme, les droits des travailleurs et l’environnement.

2.   Introduction

2.1.

Le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) est un dispositif présent dans de nombreux accords de libre-échange et accords internationaux d’investissement, permettant de régler les litiges relatifs à la mise en œuvre des accords de protection des investissements.

2.2.

Il s’agit d’une voie de recours devant un tribunal d’arbitrage privé, engagée par un investisseur étranger issu d’un État contractant contre un État qui ne respecte pas les dispositions du traité en question.

2.3.

L’un des arbitres est nommé par l’entreprise, le deuxième par l’État et le troisième par le secrétaire général de la Cour permanente d’arbitrage.

2.4.

Le CESE s’est déjà penché à plusieurs reprises (4) sur les problèmes posés par le RDIE. Le but du présent avis n’est donc pas d’analyser l’ensemble des failles et défis posés par l’arbitrage, mais d’explorer le processus de réforme et de modernisation de ce mode de règlement des différends qui est en discussion auprès de la Cnudci et dans lequel la Commission européenne joue un rôle central, et de prendre position à cet égard.

3.   Observations générales

3.1.

Le modèle de RDIE a fait l’objet de nombreuses critiques ces dernières années et l’intérêt pour la refonte des traités d’investissement n’a cessé de croître, s’agissant de l’atteinte au droit des États de légiférer et de la remise en cause de la légitimité démocratique, de l’atteinte aux standards réglementaires européens (qu’ils soient sanitaires, phytosanitaires, sociaux ou environnementaux), ou de la neutralité et l’indépendance des arbitres.

3.2.

Les problèmes les plus fréquemment recensés concernent le manque de transparence dans les litiges en matière d’investissement, le manque de cohérence et de prévisibilité des décisions d’arbitrage, le rôle et l’indépendance des arbitres, les doutes sur leur légitimité et l’effet dissuasif des sentences sur les pouvoirs réglementaires de l’État. L’effet dissuasif se réfère notamment au fait que les États peuvent être dissuadés d’adopter une législation, par définition d’intérêt général, par crainte de s’exposer, au détriment de ses citoyens et contribuables, à une responsabilité tirée d’un traité d’investissement et à l’éventualité de devoir payer des sommes élevées aux investisseurs étrangers en cas de litige.

3.3.

Les critiques portent souvent aussi sur les clauses des RDIE qui contiennent des concepts vagues ou trop étendus comme celui de «traitement juste et équitable» et «d’expropriation indirecte», qui peuvent être sources d’insécurité juridique et d’abus potentiel.

3.4.

De même, le principe d’absence d’appel ou de recours en annulation ou révision, sauf convention contraire, porte atteinte au droit d’exercer un recours juridictionnel effectif. Les défauts de ces systèmes de RDIE classiques ont été exploités par des investisseurs ces dernières années, ce qui a conduit à une augmentation sans précédent du nombre de litiges entre investisseurs et États, ainsi qu’à une augmentation notable des sommes réclamées par les investisseurs et au coût élevé des frais de procédure.

3.5.

Dans la mesure où les défis actuels, tels que le changement climatique, qui implique la mise en place d’une transition juste pour les travailleurs vers une économie à bas carbone, la réaction à la COVID-19, la transformation numérique et la réalisation des objectifs de développement durable, dont la notion de travail décent, ne peuvent être relevés que grâce à des investissements internationaux et nationaux, il est donc nécessaire que les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États soient réformés en profondeur.

3.6.

Le CESE réaffirme la nécessité de disposer d’un système de protection des investissements internationaux moderne, efficace et opérationnel, assorti d’un mécanisme de règlement des différends, mais aussi d’assurer la cohérence entre les objectifs de développement durable ambitieux dont l’Union européenne s’est dotée et le cadre de la réforme du modèle de RDIE. Des traités mal conçus peuvent entraver les progrès, tandis que des traités d’investissement bien conçus peuvent aider les sociétés à relever les défis actuels.

4.   Les enjeux du débat dans l’Union européenne

4.1.

Les critiques du modèle de RDIE ont conduit la Commission européenne à le remplacer, en 2015, en créant un organe permanent de règlement des différends en matière d’investissement, spécialement conçu pour répondre aux préoccupations susmentionnées.

4.2.

Il convient de préciser que la Commission, avec la création d’un TMI, ne vise que des questions de procédure liées au règlement des différends mais ne répond pas complètement aux critiques de fond formulées contre le RDIE.

4.3.

Selon l’approche actuelle de la réforme, les questions de fond, concernant par exemple le droit matériel applicable ou les règles d’interprétation, y compris le respect de la cohérence avec d’autres obligations internationales (par exemple, celles liées à l’Organisation internationale du travail et aux conventions des Nations unies), ne peuvent être traitées que dans le cadre des accords d’investissement sous-jacents devant être appliqués au TMI.

4.4.

Le CESE exprime donc sa crainte que même si un nouveau système de règlement des différends était trouvé au niveau multilatéral, il ne résoudrait pas le problème de fond des accords bilatéraux de protection des investissements qui contiennent des dispositions vagues et trop étendues, et potentiellement source d’abus (comme le traitement juste et équitable, y compris l’expropriation indirecte évoquée plus haut). Le CESE préconise dès lors que les dispositions relatives au traitement juste et équitable se limitent exclusivement à la non-discrimination et à l’expropriation directe, et exhorte la Commission européenne à prendre aussi en compte cette problématique du droit matériel applicable plutôt que les seuls éléments de procédure.

4.5.

Les modalités exactes du fonctionnement du TMI (telles que sa composition, son budget, la possibilité d’être assisté par un secrétariat, etc.) dépendront de l’issue des négociations à venir entre les pays qui adhéreront au nouveau système envisagé.

5.   La nécessité d’une approche cohérente avec les objectifs de développement durable et de justice sociale

5.1.

Aujourd’hui, l’opinion publique, mais aussi les experts, perçoivent un fossé important entre la protection des investissements, qui jouit d’une force juridique obligatoire et est appliquée au moyen d’instruments juridiques contraignants, et celle des droits humains, sociaux, environnementaux ou sanitaires, dont les dispositifs internationaux ne sont pas ou peu contraignants, ou s’ils le sont, ne sont pas dotés d’instruments permettant de les appliquer correctement.

5.2.

Le débat sur la réforme du mécanisme de RDIE doit également tenir compte de la nouvelle approche de la Commission européenne concernant la mise en œuvre et l’application des chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange de l’Union, qui révise le plan d’action en 15 points de 2018 (5).

5.3.

Le CESE se réjouit du lancement, par l’OCDE, d’une initiative (6) sur l’avenir des accords d’investissement, qui explore comment ceux de demain pourraient permettre de relever les défis recensés plus haut et examine des pistes de réforme. La nécessité primordiale de faire face à la crise climatique est au cœur de cette initiative. Toutefois, le CESE invite instamment l’OCDE à compléter ses travaux en prenant en considération les enjeux sociaux, notamment en faisant du devoir de vigilance l’un des critères à remplir par les investisseurs étrangers.

5.4.

Dans le cadre de ses travaux, l’OCDE a également posé les jalons essentiels d’une recommandation du Conseil sur les qualités de l’investissement direct étranger (IDE) au service du développement durable (7), adoptée par les ministres en juin 2022. Il s’agit du premier instrument multilatéral destiné à aider les décideurs politiques à optimiser la contribution des investissements internationaux aux ODD. Il est complété par la boîte à outils des politiques relatives aux IDE (8) et les indicateurs des qualités de l’IDE 2022 (9).

5.5.

À l’instar du Parlement européen (10), le CESE considère que la politique de l’Union en matière d’investissements doit certes répondre aux attentes des investisseurs et des États bénéficiaires, mais également aux intérêts économiques plus généraux de l’Union, à ses objectifs de politique extérieure et à ses priorités, notamment en matière de protection de l’environnement, de droits de l’homme et de droits fondamentaux.

5.6.

Le CESE souligne qu’en droit international coutumier et en droit international en matière de droits de l’homme, les particuliers doivent d’abord demander réparation devant les juridictions nationales avant de pouvoir engager des procédures internationales contre un État; il regrette qu’en revanche, le droit international des investissements n’exige généralement pas l’épuisement des voies de recours internes avant toute saisine internationale.

5.7.

Par conséquent, le CESE encourage la Commission à examiner davantage la question de l’épuisement des voies de recours nationales.

6.   Le rôle du groupe de travail III (GT-III) de la Cnudci

6.1.

Sur la base du mandat octroyé par le Conseil, la Commission a engagé des négociations avec les États membres des Nations unies dans le cadre de la Cnudci, au sein du GT-III.

6.2.

Le CESE rappelle à la Commission qu’il a demandé à être davantage associé aux travaux de la Cnudci.

6.3.

En novembre 2017, la Cnudci a confié à son GT-III «un large mandat pour travailler sur l’éventuelle réforme du règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE)». Au cours de la première phase de ses délibérations, le GT-III a relevé un certain nombre de préoccupations.

En ce qui concerne les coûts globaux et la durée du RDIE (11):

Le groupe de travail a pris note d’analyses se fondant sur les informations limitées actuellement disponibles, selon lesquelles 80 à 90 % des coûts en matière de RDIE étaient liés aux frais de représentation juridique et aux honoraires d’experts, et le montant des coûts s’élevait en moyenne à 8 millions de dollars par procédure.

Une attention particulière a été attirée sur le fait que les coûts élevés des procédures de RDIE financées sur fonds publics étaient difficiles à justifier pour des États en développement aux ressources financières limitées.

Il a été souligné que les conséquences en matière de durée et de coût de la procédure découlaient également du fait que le régime du RDIE ne suivait pas la règle du précédent, ce qui entraînait un manque de prévisibilité.

Il a en outre été indiqué que les coûts élevés des procédures, dans certains systèmes, limitaient l’accès des petites et moyennes entreprises au mécanisme de RDIE, ce qui les privait de la protection que leur assuraient les traités d’investissement.

Toutefois, il a également été dit que les surcoûts pouvaient résulter aussi, dans certains systèmes, de pratiques abusives, de l’existence de procédures parallèles, de l’absence de règles de procédure claires et de l’absence d’un mécanisme permettant de rejeter très rapidement les demandes abusives.

En outre, il a été souligné que l’augmentation des coûts était liée à des problèmes systémiques et à la structure du régime de RDIE, ou alors à l’absence de système. Il a été ajouté que ces problèmes étaient responsables du manque de cohérence et de prévisibilité des résultats, ce qui touchait particulièrement les États défendeurs.

En ce qui concerne les préoccupations existantes au sujet des normes de fond, en tenant dûment compte de l’interaction avec les normes de fond sous-jacentes (12):

moyens autres que l’arbitrage de résoudre les différends en matière d’investissement et méthodes de prévention des différends,

épuisement des recours internes,

participation de tiers,

demandes reconventionnelles,

frilosité réglementaire,

calcul des dommages-intérêts.

6.4.

Depuis le début de ses travaux, le GT-III s’est penché sur deux voies principales. La première concerne une éventuelle réforme structurelle, par la création d’une cour permanente et d’un système d’appel, la nomination des juges, l’étendue de l’appel. Un deuxième volet parallèle concerne les éléments de réforme non structurels et progressifs, tels que la création d’un code de conduite des arbitres et des juges pour accroître la transparence et éviter les conflits d’intérêts, une méthodologie pour évaluer les dommages et intérêts, et les moyens de favoriser la médiation entre les parties. En revanche, il n’y a pas eu d’avancées majeures sur la réforme structurelle et les questions transversales. Par exemple, la juridiction du tribunal permanent, sa composition et la procédure de nomination des membres de la juridiction font encore débat au sein des délégations.

6.5.

Pour sa part, la Commission européenne introduit dans le débat des exigences claires en matière de déontologie et d’impartialité, des nominations non renouvelables, l’emploi à temps plein des arbitres et des mécanismes de nomination de juges indépendants. Le CESE soutient cette position car des règles strictes sont nécessaires pour éviter les conflits d’intérêts.

6.6.

Des questions de nature plus transversale soulevées initialement, comme l’effet dissuasif du RDIE, l’épuisement des voies de recours locales et l’accès de tiers tels que les communautés locales concernées par les investissements, ont bénéficié d’une attention moindre, ce qui a suscité la frustration de nombreux groupes d’observateurs représentant la société civile. Dans le droit fil de ses propres recommandations formulées dans l’avis REX/501, le CESE encourage la Commission à veiller à ce que ces questions fondamentales restent sur la table et soient traitées comme il se doit.

6.7.

Le CESE regrette le manque de lisibilité des comptes rendus et du site web du GT-III, qui ne permet pas aux parties intéressées de s’informer correctement sur le déroulement des travaux.

6.8.

Le Comité note que même si les travaux du GT-III se focalisent sur les éléments de procédure, cela pourra avoir des effets positifs dans le futur, comme une jurisprudence plus claire et stable, qui va aussi faciliter une réforme du droit matériel applicable des traités d’investissement. Toutefois, pour qu’un processus multilatéral de réforme du RDIE puisse réellement faire la différence, le CESE estime essentiel qu’une réforme institutionnelle s’écarte de l’arbitrage ad hoc et adopte une approche plus globale de la gouvernance des investissements internationaux, plutôt que de se contenter de remplacer l’arbitrage en matière de RDIE par un tribunal de règlement de différends entre investisseurs et États.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  La procédure de l’amicus curiae (ami de la cour) désigne l’entité ou la personne non partie à un différend qui souhaite soumettre des arguments juridiques au tribunal. L’admission des amicus curiae s’opère sur la base de conditions strictes afin de garantir le respect de l’équilibre des droits entre les parties litigieuses pendant la procédure, mais elle renferme aussi la promesse d’une légitimité qu’apportent les amicus curiae au processus de l’arbitrage d’investissement, https://www.iisd.org/itn/fr/2019/04/23/protecting-social-rights-using-the-amicus-curiae-procedure-in-investment-arbitration-a-smokescreen-against-third-parties-maxime-somda/

(2)  JO C 110 du 22.3.2019, p. 145.

(3)  Lorsque les États qui ont participé aux négociations veulent déterminer le rang de traités successifs portant sur la même matière, les clauses finales contiennent des dispositions réglant les rapports entre le nouveau traité et les traités existants ou à venir portant sur la même matière.

(4)  JO C 110 du 22.3.2019, p. 145, JO C 487 du 28.12.2016, p. 30, et JO C 332 du 8.10.2015, p. 45.

(5)  Le CESE s’est penché sur la question dans son avis intitulé «Une approche “nouvelle génération” pour le commerce et le développement durable — Réexamen du plan d’action en 15 points» (JO C 105 du 4.03.2022, p. 40).

(6)  https://www.oecd.org/investment/investment-policy/investment-treaties.htm

(7)  https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0476

(8)  https://www.oecd-ilibrary.org/finance-and-investment/fdi-qualities-policy-toolkit_7ba74100-en

(9)  https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=1144_1144750-u5ks4jvtnl&title=FDI-Qualities-Indicators-2022

(10)  Résolution du Parlement européen du 23 juin 2022 sur l’avenir de la politique de l’Union en matière d’investissements internationaux [2021/2176(INI)].

(11)  Rapport du groupe de travail III (Réforme du règlement des différends entre investisseurs et États) sur les travaux de sa trente-quatrième session (Vienne, 27 novembre-1er décembre 2017).

(12)  Rapport du groupe de travail III (Réforme du règlement des différends entre investisseurs et États) sur les travaux de sa trente-septième session (New York, 1er-5 avril 2019).


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

573e session plénière du Comité économique et social européen, 26.10.2022-27.10.2022

28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/136


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée

[COM(2022) 650 final]

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre

[COM(2022) 655 final]

et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Attirer des compétences et des talents dans l’UE»

[COM(2022) 657 final]

(2023/C 75/19)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Corapporteure:

Milena ANGELOVA

Consultation

Commission européenne, 26.7.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

29.9.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

179/0/6

1.   Introduction

1.1.

En avril 2022, la Commission européenne a présenté le train de mesures relatives aux compétences et aux talents, conformément au programme de travail du nouveau pacte sur la migration et l’asile adopté en septembre 2020. L’objectif du nouveau paquet est de favoriser une migration ordonnée vers l’Union, en encourageant l’attraction de talents et de compétences d’une manière qui profite à la fois aux pays d’origine et aux pays de destination. Les révisions visent également à soutenir un système plus efficace et cohérent de droits et de possibilités d’emploi pour les ressortissants de pays tiers résidant dans l’Union, tout en contribuant à améliorer l’attrait de l’Union en tant que destination pour les ressortissants de pays tiers qualifiés.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement ce train de mesures qui adopte une approche constructive et cohérente des questions migratoires et répond à la nécessité d’améliorer les instruments de l’Union en matière de migration régulière. Alors que les transitions numérique et écologique s’accélèrent et à un moment où les pénuries de main-d’œuvre et de compétences sont manifestes dans tous les secteurs d’activité économique, le CESE souligne le rôle que peut jouer la migration légale pour aider à pallier ces pénuries dans les domaines incontestablement concernés.

1.3.

Le CESE s’est déjà déclaré préoccupé par le fait que le nouveau pacte sur la migration et l’asile se concentre sur la gestion des frontières et le contrôle des migrations, et estime dès lors que les progrès réalisés dans la gouvernance de l’immigration organisée et régulière sont positifs.

1.4.

Le CESE salue la reconnaissance par la Commission du rôle crucial que jouent déjà les migrants dans l’économie et la société européennes, dans la mesure où ils contribuent à répondre à l’évolution des besoins du marché du travail et, le cas échéant, à remédier aux pénuries de main-d’œuvre et de compétences. Il s’avère par conséquent très important d’induire un changement de perspective et d’adopter un discours positif qui amène les flux migratoires à devenir la norme.

1.5.

Le CESE se félicite dès lors que l’afflux de talents en provenance de pays tiers soit facilité afin de contribuer à répondre à ces besoins croissants, en particulier dans les secteurs qui font face à des pénuries structurelles.

1.6.

Sans en minimiser l’importance, le CESE fait valoir qu’il conviendrait d’étudier la possibilité d’établir un lien entre l’arrivée de travailleurs de pays tiers et les besoins des marchés du travail des États membres, afin d’éviter le sous-emploi et les mauvaises conditions de travail des travailleurs de pays tiers nouvellement arrivés.

1.7.

Le CESE considère qu’il est nécessaire de réaliser des progrès sur de nouveaux canaux pour attirer les talents dans l’Union, mais souligne également que les marchés du travail des États membres présentent d’autres besoins, qui exigent l’élaboration de mesures conçues pour y répondre parallèlement à celles envisagées dans le paquet proposé. En particulier, il importe de redoubler d’efforts pour soutenir l’intégration sur le marché du travail des chômeurs et des personnes inactives au moyen de mesures de soutien ciblées.

1.8.

Le CESE est d’avis que la Commission devrait se montrer plus ambitieuse dans la recherche de canaux de migration professionnelle légale et organisée qui tiennent également compte des personnes ayant besoin d’une protection internationale.

1.9.

Le CESE salue la communication intitulée «Attirer des compétences et des talents dans l’UE», estimant qu’il s’agit d’une avancée dans le domaine de la migration de la main-d’œuvre, qui nécessite des instruments appropriés, réalistes et efficaces dans les nouveaux contextes.

1.10.

Le CESE estime qu’il y a lieu de progresser en ce qui concerne le réservoir de talents (1), en commençant par le projet pilote initial et la version intégrale qui sera lancée l’année prochaine, et souligne que le succès et la portée de ce réservoir dépendront du déploiement de ressources adéquates pour rendre l’outil accessible et opérationnel. Il se félicite également des partenariats destinés à attirer les talents et est d’avis qu’ils doivent être élaborés en coopération avec les pays tiers. Le CESE demande la mise en place de mécanismes d’évaluation adéquats, assurant visibilité et transparence dans la mise en œuvre de ces partenariats, non seulement pour les instruments eux-mêmes, mais aussi pour recenser les pays avec lesquels coopérer: le respect de l’état de droit et des droits de l’homme doit être en permanence inscrit dans les relations extérieures de la politique d’immigration et d’asile de l’Union.

1.11.

Si les femmes représentent une part importante de certains secteurs essentiels, les femmes mobiles et migrantes peuvent être confrontées à des emplois précaires et à l’économie informelle et sont souvent particulièrement vulnérables à la discrimination, à l’exclusion sociale et au manque de possibilités d’emploi et de formation, ainsi qu’à des abus, à la violence et au harcèlement. Le CESE est d’avis qu’il convient de plus largement intégrer la protection des droits des femmes et la perspective de genre.

1.12.

Le CESE accueille favorablement la proposition de révision de la directive sur le séjour de longue durée dans l’Union européenne. Il se félicite qu’elle facilite le processus d’obtention de ce statut par l’accumulation d’années pouvant être prises en compte lors de séjours dans différents États membres, favorise la mobilité au sein de l’Union et vise à étendre l’égalité d’accès à la protection sociale aux ressortissants de l’Union qui sont résidents de longue durée dans un autre État membre.

1.13.

Le CESE salue la révision de la directive «permis unique», y compris l’objectif de faciliter et de simplifier la procédure de demande et de veiller à ce que le permis unique ne soit pas lié à un employeur spécifique, même s’il estime qu’il aurait été possible de tenter d’étendre l’ensemble des droits, conformément au contenu de la première proposition de directive présentée en 2011.

1.14.

Le CESE juge essentiel que la révision mette l’accent sur la nécessité de renforcer l’égalité de traitement des travailleurs ressortissants de pays tiers, notamment en ce qui concerne les conditions de travail, la liberté d’association et d’affiliation, et les prestations de sécurité sociale.

1.15.

Le CESE souligne également qu’il importe d’associer les partenaires sociaux et les autres parties prenantes concernées aux discussions sur l’amélioration de la gouvernance de la migration de la main-d’œuvre à l’échelon européen. À cet effet, nous nous félicitons de la création, telle que proposée, de la plateforme de dialogue au niveau de l’Union.

2.   Observations générales

2.1.

En avril 2022, la Commission européenne a présenté le train de mesures relatives aux compétences et aux talents, conformément au programme de travail du nouveau pacte sur la migration et l’asile adopté en septembre 2020. Ce train de mesures comprend la révision de la directive 2003/109/CE relative aux résidents de longue durée (2), la révision de la directive 2011/98/UE relative au permis unique (3) et la communication intitulée «Attirer des compétences et des talents dans l’UE» (4).

2.2.

L’objectif du nouveau paquet est de favoriser une migration ordonnée vers l’Union, en encourageant l’attraction de talents et de compétences d’une manière qui profite à la fois aux pays d’origine et aux pays de destination. Les révisions visent également à favoriser un système plus efficace et cohérent de droits et de possibilités d’emploi pour les ressortissants de pays tiers résidant dans l’Union, tout en contribuant à améliorer l’attrait de l’Union en tant que destination pour les ressortissants de pays tiers qualifiés.

2.3.

La communication sur l’attraction de talents et de compétences vise à mettre en place les principes régissant la migration légale vers l’Union pour des raisons économiques. Elle reflète la volonté d’améliorer le pilier législatif grâce aux deux propositions de révision, de mettre en place des partenariats destinés à attirer les talents et un réservoir européen de talents, et de faire progresser la politique en matière de migration légale dans les domaines des soins, de la jeunesse et de l’innovation.

2.4.

Le CESE souligne que la proposition ne comporte ni d’analyse ni d’évaluation des raisons pour lesquelles les directives actuelles sur le permis unique ou les autorisations de séjour de longue durée n’ont pas fonctionné correctement. La Commission devrait analyser et partager les causes de ces dysfonctionnements, en déterminant s’il s’agit d’un manque de volonté des États membres ou de formalités administratives excessives, entre autres, afin d’éviter que les mêmes problèmes se reproduisent à l’avenir.

2.5.

La proposition de révision de la directive relative au permis unique offre la possibilité d’élargir l’accès à cet instrument et de faciliter la participation des travailleurs de pays tiers au marché du travail, tout en consolidant les droits qui y sont inhérents et en faisant progresser l’harmonisation de son application entre les États membres.

2.6.

La proposition de révision de la directive européenne relative aux résidents de longue durée vise également à améliorer l’application de la directive dans les différents États membres, tout en facilitant la mobilité au sein de l’Union en simplifiant le processus et en réduisant les délais d’acquisition des permis de séjour de longue durée.

2.7.

De manière générale, le CESE accueille favorablement ce train de mesures qui adopte une approche constructive et cohérente des questions migratoires, répond à la nécessité d’améliorer les instruments de l’Union en matière de migration régulière et met en évidence le rôle que peut jouer la migration légale pour aider à pallier les pénuries de main-d’œuvre, dans les domaines incontestablement concernés, et les pénuries de compétences. Le CESE s’est déjà déclaré préoccupé par le fait que le nouveau pacte sur la migration et l’asile se concentre sur la gestion des frontières et le contrôle des migrations, et se félicite par conséquent des progrès réalisés dans la gouvernance de l’immigration organisée et régulière.

2.8.

Le CESE apprécie le rôle crucial que jouent déjà les migrants dans l’économie et la société européennes, dans la mesure où ils contribuent à répondre aux besoins du marché du travail et à remédier, le cas échéant, aux pénuries de main-d’œuvre et de compétences. Le CESE se félicite dès lors que l’afflux de talents en provenance de pays tiers soit facilité afin de contribuer à répondre à ces besoins croissants, en particulier dans les secteurs qui font face à des pénuries structurelles. Le CESE salue également les initiatives visant à attirer des entreprises innovantes et évolutives qui apportent une valeur ajoutée significative à l’économie et la société européennes. Les projets de recherche internationaux constituent un autre moyen efficace de soutenir, d’attirer et de retenir des talents d’envergure internationale. À cet effet, il est nécessaire d’accélérer et de simplifier l’accès au marché du travail de l’Union pour les professionnels des pays tiers qui sont demandés, afin de rendre l’Europe plus attrayante aux yeux d’autres parties du monde. Le CESE encourage et se félicite également de l’élaboration et de la mise en œuvre d’outils pratiques permettant de mettre plus facilement en relation des talents de pays tiers avec des employeurs potentiels dans les États membres.

2.9.

Il est nécessaire de réfléchir à la possibilité d’établir un lien entre l’afflux de main-d’œuvre étrangère et les besoins des marchés du travail des États membres. Plusieurs pays de l’Union connaissent un chômage structurel dans certains secteurs et métiers qui peut résulter de l’inadéquation des compétences, d’un manque d’attractivité de certains secteurs ou métiers et de préoccupations quant aux conditions de travail. Il importe, dans les pays concernés, d’essayer d’améliorer l’attrait de ces secteurs et métiers pour les travailleurs sur les marchés nationaux (ressortissants de ces pays, travailleurs de l’Union et de pays tiers titulaires d’un permis de travail) afin d’éviter le sous-emploi et les mauvaises conditions de travail des travailleurs de pays tiers nouvellement arrivés. Parallèlement, le réservoir européen de talents peut contribuer à faciliter la mise en relation ciblée des travailleurs de pays tiers avec des emplois dans l’Union dans le but d’éviter le sous-emploi de ces travailleurs.

2.10.

Bien que le CESE considère qu’il est nécessaire de progresser vers l’aménagement de nouveaux canaux pour attirer les talents dans l’Union, il souligne également que les marchés du travail des États membres présentent d’autres besoins, qui exigent l’élaboration de mesures conçues pour y répondre parallèlement à celles envisagées dans le paquet proposé.

2.11.

À cet égard, le CESE espère que des avancées pourront être réalisées (comme prévu dans les rapports de suivi) en ce qui concerne l’amélioration de la directive sur les travailleurs saisonniers et de la directive sur le transfert temporaire intragroupe, prévue pour 2023. Il souligne à ce propos la nécessité, conformément aux résolutions du Parlement européen et à ses propres résolutions, d’œuvrer à la protection des travailleurs saisonniers et, en particulier, de lutter contre l’exploitation par le travail, là où elle est constatée, en renforçant et en augmentant les inspections du travail à cette fin, en conformité avec les travaux de l’Autorité européenne du travail.

2.12.

Compte tenu de l’adoption de la stratégie européenne en matière de compétences (5) le 1er juillet 2020, le CESE estime que les migrants, les réfugiés et les demandeurs de protection internationale devraient être traités sur un pied d’égalité, quel que soit leur niveau de compétences et de qualifications. Par conséquent, tous les travailleurs devraient être en mesure de valider leurs aptitudes et leurs compétences et de participer à des apprentissages, à des reconversions et à des perfectionnements professionnels efficaces et de qualité, afin qu’ils puissent intégrer le marché du travail sur la base de parcours d’apprentissage flexibles répondant à leurs besoins spécifiques et en tenant dûment compte de leurs différentes tranches d’âge.

2.13.

Le CESE est d’avis que la Commission devrait se montrer plus ambitieuse dans la recherche de canaux de migration professionnelle légale et organisée qui tiennent également compte des personnes ayant besoin d’une protection internationale.

2.14.

En ce qui concerne les étudiants de pays tiers qui arrivent dans l’Union afin de poursuivre des études, il convient d’envisager leur bonne intégration sur le marché du travail de l’Union tout en atténuant la fuite des cerveaux. Il serait en effet positif de prévoir des mesures préventives, telles que des clauses de recrutement éthique (6), des mécanismes de retour assisté dans les pays d’origine et la réintégration dans ces pays, ou d’inclure des clauses spécifiques à cet égard dans les accords bilatéraux sur la migration de la main-d’œuvre.

3.   À propos de la communication «Attirer des compétences et des talents dans l’UE»

3.1.

La communication présentée en avril 2022 reprend les recommandations du pacte de 2020 sur la migration et l’asile en matière de migration légale, dans le but de soutenir des initiatives législatives et opérationnelles dans ce domaine.

3.2.

Le CESE accueille favorablement cette communication, qu’il perçoit comme une avancée dans le domaine de la migration de la main-d’œuvre, qui nécessite des instruments appropriés dans les nouveaux contextes. Le CESE estime à ce propos qu’il est opportun d’inclure une série d’actions spécifiques en faveur des réfugiés ukrainiens et regrette par ailleurs que ces actions n’aient pas été mises en œuvre plus tôt pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale en général, en particulier pendant la crise provoquée par la guerre en Syrie en 2015. Le CESE est convaincu que l’action et l’initiative prises en faveur des personnes fuyant l’Ukraine marquent un tournant et devraient constituer la norme pour les réactions futures de l’Union dans des cas similaires.

3.3.

Le CESE considère qu’il est nécessaire de faire progresser les partenariats destinés à attirer les talents, en coopération avec les pays tiers. Il demande toutefois la mise en place de mécanismes d’évaluation adéquats, non seulement pour les instruments eux-mêmes, mais aussi pour recenser les pays avec lesquels coopérer. Le respect de l’état de droit et des droits de l’homme doit être en permanence inscrit dans les relations extérieures de la politique d’immigration et d’asile de l’Union. Le CESE est d’avis qu’il y a lieu de vérifier et d’évaluer les procédures et les résultats des projets pilotes déjà clos et qu’il convient d’en tenir compte et de les utiliser lors du lancement de nouveaux projets.

3.4.

Lors de la présentation de la proposition relative au réservoir européen de talents, il importe que la Commission européenne collabore avec les États membres et les partenaires sociaux en vue de concevoir ce réservoir de manière à réduire au minimum la charge administrative et à éviter toute complexité inutile, afin de le mettre en place le plus rapidement possible. L’objectif du réservoir devrait être de contribuer à répondre aux besoins actuels et futurs en matière de compétences. Il devrait exploiter les possibilités offertes par l’IA et d’autres technologies de pointe, de manière à tirer pleinement parti des compétences et des talents des ressortissants de pays tiers et à compléter le rôle des ressortissants des États membres et la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’Union.

3.5.

Compte tenu des graves pénuries de main-d’œuvre et de compétences ressenties par les employeurs, et qui, dans de nombreux cas, sont de nature structurelle, il s’avérerait pertinent de lancer la version complète du réservoir en commençant par adopter une approche de la mise en correspondance qui serait ciblée et fondée sur les listes de professions en pénurie. Étant donné qu’il importe de veiller à ce que ces listes soient à jour au niveau national, la Commission devrait recenser les possibilités d’apprentissage mutuel et d’examen par les pairs sur ce sujet.

3.6.

En plus d’élaborer le concept de réservoir de talents, il est nécessaire de diffuser, avec la participation des employeurs et des syndicats, davantage d’informations en temps réel sur le marché du travail et les compétences, ce qui permettra le bon fonctionnement du réservoir. Dans le même temps, il importe d’améliorer la capacité de l’Union à collecter et à interpréter des données comparables et crédibles sur la nécessité d’une migration en provenance de pays tiers.

3.7.

Le CESE se félicite de l’introduction d’un outil de mise en correspondance pour faciliter les liens entre l’offre et la demande. Il estime que ces mesures sont nécessaires pour le recrutement de talents, mais rappelle la nécessité réelle d’aborder, en parallèle, d’autres secteurs des marchés du travail des États membres.

3.8.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel le succès de ces initiatives dépend de la coopération et de la participation des acteurs sociaux et économiques, et considère qu’il est essentiel de progresser dans la création de possibilités de dialogue entre ceux-ci au niveau européen. Le CESE est une enceinte privilégiée pour débattre des questions opérationnelles et pratiques liées à la migration de la main-d’œuvre. À cet égard, le CESE devrait participer à la conférence de haut niveau sur la nouvelle plateforme pour la migration de la main-d’œuvre, prévue par la Commission pour la fin de l’année 2022. Le CESE souligne également qu’il importe d’associer les partenaires sociaux et les autres parties prenantes concernées aux discussions sur l’amélioration de la gouvernance de la migration de la main-d’œuvre à l’échelon européen. À cet effet, nous nous félicitons de la création, telle que proposée, de la plateforme de dialogue au niveau de l’Union.

3.9.

Le CESE considère que l’exploration de futures pistes pour la migration professionnelle dans un secteur tel que celui des soins constitue une avancée, même s’il regrette que les progrès sur ces questions soient structurés autour de procédures spécifiques qui fragilisent l’intégrité de la politique européenne commune en matière d’immigration et d’asile, empêchant ainsi de disposer d’une vision globale. En tout état de cause, le CESE convient que des progrès doivent être réalisés dans ces domaines en soulevant des questions telles que celles des normes en matière de recrutement éthique et de protection des droits du travail.

3.10.

Si les femmes représentent une part importante de la plupart des secteurs essentiels, les femmes mobiles et migrantes peuvent être confrontées à des emplois précaires et à l’économie informelle et sont souvent particulièrement vulnérables à la discrimination, à l’exclusion sociale et au manque de possibilités d’emploi et de formation, ainsi qu’à des abus, à la violence et au harcèlement. Le CESE est d’avis qu’il convient de plus largement intégrer la protection des droits des femmes et la perspective de genre.

3.11.

Le CESE salue également la promotion de programmes de mobilité pour les jeunes, mais rappelle à nouveau qu’il est nécessaire de garantir une mobilité et une intégration sur le marché du travail qui protègent les droits du travail des jeunes travailleurs, qui sont parfois confrontés à de mauvaises conditions de travail (emploi temporaire, bas salaires, etc.). Dans le même ordre d’idées, des mesures spécifiques devraient être mises en place pour les travailleurs handicapés afin de faciliter leur bonne intégration.

3.12.

Le CESE se félicite de l’initiative visant à étudier des programmes d’admission pour l’entrepreneuriat innovant de pays tiers. À cet égard, le CESE estime qu’il est positif que ces programmes d’admission soient examinés dans le contexte de l’économie numérique et durable et est d’avis que, s’ils sont correctement structurés, ces programmes peuvent également offrir une grande marge de manœuvre pour faciliter l’entrée de divers autres profils professionnels dans les pays de l’Union.

4.   À propos de la révision de la directive sur le séjour de longue durée dans l’Union

4.1.

Le CESE accueille favorablement cette proposition de directive qui vise à renforcer le statut de résident de longue durée dans l’Union en en améliorant les modalités d’acquisition, notamment dans le cas d’un séjour dans un deuxième État membre. Il se réjouit par ailleurs que la proposition cherche à étendre l’égalité d’accès à la protection sociale aux ressortissants de l’Union qui sont résidents de longue durée dans un autre État membre. Le CESE soutient en outre la tentative visant à garantir l’égalité de traitement et à faciliter l’accès à l’information sur le regroupement familial dans le cadre de cette directive.

4.2.

Le permis de séjour de longue durée dans l’Union constitue l’un des principaux instruments de la politique européenne en matière d’immigration et d’asile. Les procédures d’acquisition du statut de résident de longue durée dans l’Union, adoptées en 2003, ont évolué de manière inégale dans l’ensemble de l’Union, et la révision proposée par la Commission tend à concevoir un système plus cohérent.

4.3.

Les ressortissants de l’Union peuvent demander le statut de résident de longue durée après avoir séjourné pendant cinq ans dans un deuxième État membre, et cette disposition est maintenue dans la proposition de révision de la directive. La proposition a pour but de faciliter la mobilité au sein de l’Union des personnes disposant de ce type de permis de séjour en réduisant à trois ans la durée de séjour obligatoire. Elle prévoit en outre la possibilité de cumuler des périodes de séjour dans différents États membres.

4.4.

Le CESE estime que le fait d’autoriser les demandeurs à cumuler les périodes de séjour accomplies dans différents États membres afin de satisfaire aux exigences en matière de séjour de longue durée dans l’Union marque un progrès, bien qu’il convienne, selon lui, d’améliorer les mécanismes de suivi et de coordination de cette disposition dans les différents États membres.

4.5.

Le CESE se félicite que la proposition inclue différents modèles de séjours, tels que les séjours aux fins d’études, la protection internationale et les séjours temporaires. Les visas de court séjour n’entrent pas en ligne de compte, bien qu’ils puissent être pris en considération au titre de la disposition, si le demandeur peut prouver l’existence d’une relation de travail régulière ou d’une situation similaire.

4.6.

Le CESE salue également le renforcement des droits des résidents de longue durée dans l’Union et des membres de leur famille, y compris le droit de travailler et circuler dans un autre État membre, ou de changer d’emploi et de se rendre dans un autre État membre. Le CESE juge particulièrement intéressant que, dans le cadre du nouvel article proposé, la situation du marché du travail national ne doive pas être prise en compte pour les demandes de séjour de longue durée dans un deuxième État membre (c’est-à-dire lorsque le séjour de longue durée dans l’Union a déjà été obtenu) tant pour le travail salarié que pour le travail indépendant.

4.7.

Le CESE accueille favorablement la simplification de la possibilité de travailler et d’étudier dans les 30 jours suivant l’introduction d’une demande de séjour de longue durée dans un deuxième État membre. Il se félicite en outre que la proposition reconnaisse aux résidents de longue durée dans un deuxième État membre le droit d’exercer une profession réglementée dans les mêmes conditions que les citoyens de l’Union.

4.8.

Le CESE considère qu’il importe que les États membres garantissent les mêmes libertés et les mêmes droits aux résidents de longue durée dans l’Union (et aux membres de leur famille) qu’aux détenteurs d’un titre national de séjour permanent. Par ailleurs, il est positif que les États membres veillent également à ce que les demandeurs d’un permis de séjour de longue durée dans l’Union ne soient pas tenus de payer des droits plus élevés pour le traitement de leur demande que les demandeurs d’un titre de séjour national.

4.9.

Le CESE estime que le droit de vivre en famille est une question fondamentale qui facilite l’intégration sociale; il accueille donc favorablement la suppression des obstacles administratifs et bureaucratiques, en particulier des conditions d’intégration dans le cas des résidents de longue durée. Il salue également l’acquisition automatique du statut de résident de longue durée pour les enfants nés (ou adoptés) dans l’Union dont les parents sont résidents de longue durée.

5.   À propos de la révision de la directive «permis unique»

5.1.

Le CESE se félicite de la révision de la directive «permis unique», qui apporte plusieurs améliorations à la directive actuelle:

la réduction de la durée de la procédure de demande de permis à quatre mois,

la possibilité de lancer la procédure soit à partir du pays d’origine, soit dans l’État membre de destination,

le fait que la directive couvre également les ressortissants étrangers travaillant par l’intermédiaire d’agences de travail temporaire,

la possibilité de changer d’employeur pendant la période de validité du permis, bien que la possibilité de refus de la part du gouvernement soit maintenue,

l’interdiction de retirer le permis unique pendant au moins trois mois après la perte d’emploi de son titulaire, ce qui assure une certaine stabilité et améliore la qualité de l’emploi et des conditions de travail des travailleurs migrants,

l’extension de la directive «permis unique» aux personnes bénéficiant d’une protection temporaire,

la recherche de mesures pour fournir des informations sur les droits attachés au permis unique.

5.2.

Néanmoins, le CESE estime que le fait de ne pas étendre l’ensemble des droits conformément au contenu de la première proposition de directive présentée en 2011 constitue une occasion manquée, notamment pour des questions telles que l’accès aux allocations de chômage. Le CESE souligne toutefois qu’il importe de permettre aux États membres de disposer d’une certaine flexibilité à cet égard, comme le prévoit la directive actuelle. En outre, le CESE regrette que la possibilité d’étendre la directive aux migrants en situation de travail temporaire n’ait pas été étudiée.

5.3.

Le CESE juge essentiel que la révision mette l’accent sur la nécessité de renforcer l’égalité de traitement des travailleurs ressortissants de pays tiers, notamment en ce qui concerne les conseils sur les droits sociaux et les conditions de travail, la liberté d’association et d’affiliation et les prestations de sécurité sociale, afin de faciliter l’intégration professionnelle sur un pied d’égalité.

5.4.

Le CESE soutient l’appel lancé aux États membres de mettre en place des mécanismes appropriés pour l’évaluation des risques, les inspections et les sanctions, ainsi que pour le contrôle des employeurs. Toutefois, il note que, comme les inspections du travail relèvent de la compétence nationale, les messages et les outils de contrôle qui peuvent être élaborés au niveau de l’Union devraient être renforcés conformément au mandat de l’Autorité européenne du travail (7).

5.5.

Le CESE est d’avis qu’il convient de progresser dans le domaine de la protection des travailleurs migrants qui utilisent les mécanismes de plainte de l’inspection du travail. En l’absence de mécanismes visant à empêcher que les plaintes en lien avec le travail ne soient utilisées aux fins du contrôle des migrations, les employeurs risquent de punir ceux qui signalent des conditions de travail abusives, ce qui aurait des répercussions négatives sur leur statut de résident. À cet égard, les mesures visant à lutter contre l’exploitation par le travail doivent être approfondies et mieux appliquées.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Le réservoir de talents consistera en un réservoir européen de candidats issus de pays tiers, qui seront sélectionnés sur la base de niveaux de compétences, de critères et d’exigences en matière de migration spécifiques, après examen de leurs qualifications. Il s’agira de la première plateforme et du premier outil de mise en correspondance à l’échelle de l’UE prévus à cet effet [COM(2022) 657 final].

(2)  COM(2022) 650 final.

(3)  COM(2022) 655 final.

(4)  COM(2022) 657 final.

(5)  https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=89&furtherNews=yes&newsId=9723

(6)  Principes généraux et directives opérationnelles concernant le recrutement équitable et définition des commissions de recrutement et frais connexes.

(7)  https://www.ela.europa.eu/en/what-we-do


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/143


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives («poursuites stratégiques altérant le débat public»)

[COM(2022) 177 final — 2022/0117 (COD)]

(2023/C 75/20)

Rapporteur:

Tomasz Andrzej WRÓBLEWSKI

Corapporteur:

Christian MOOS

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

29.9.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

143/2/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) salue l’initiative de la Commission, qui marque un jalon dans la lutte contre les «procédures-bâillons», dont le nombre ne cesse de croître en Europe depuis 2015 (1). Pour bâtir une société civile bien informée et assurer la transparence de la vie publique, il est capital de faire pièce à ces «procédures judiciaires stratégiques altérant le débat public», définies comme des procédures judiciaires visant le débat public, qui sont totalement ou partiellement infondées et ont pour principal objectif d’empêcher, de restreindre ou de pénaliser le débat public. Dans la mesure où des actions relevant de telles poursuites sont également intentées par des intervenants de pays tiers, les dispositions visant à contrer le phénomène contribuent par ailleurs à défendre la démocratie européenne face à des menaces extérieures.

1.2.

Les poursuites-bâillons se caractérisent souvent par un fort déséquilibre, étant donné que les plaignants disposent, sur le plan pécuniaire ou institutionnel, de moyens plus puissants que la partie adverse, de sorte qu’ils peuvent intenter des actions avec une certaine facilité. Vu ce contexte, il importe de s’assurer que les défenseurs soient dotés des outils adéquats pour se défendre dans ce type de combats qui, aujourd’hui, sont marqués par l’inégalité des forces en présence.

1.3.

Il importe d’observer que les actions assimilables à des poursuites-bâillons constituent un abus de droit et sont inacceptables dans des pays démocratiques qui sont régis par l’état de droit. Les journalistes, en particulier ceux qui travaillent en indépendants, sont les acteurs les plus vulnérables à cette menace, mais le problème peut également affecter toutes les autres parties prenantes du débat public.

1.4.

Il importe également de bien opérer la distinction entre, d’une part, les actions relevant des poursuites-bâillons, et, d’autre part, la protection des droits des personnes et la possibilité qu’elles doivent avoir de défendre leur réputation lorsqu’elles sont diffamées. La notion de poursuites-bâillons concerne des comportements injustifiés qui visent à étouffer le débat public et à réduire ses participants au silence. En conséquence, les demandes reconventionnelles faisant suite à de telles poursuites ne compromettent pas l’exercice du droit d’ester en justice, ni ne protègent les acteurs qui diffusent des informations fausses ou diffamatoires.

1.5.

Le CESE accueille favorablement les mécanismes proposés mais estime qu’il serait opportun, dans la suite des travaux législatifs, d’envisager d’étendre la liste des actions. Entre autres propositions, on pourrait envisager la possibilité de recourir à une décision préjudicielle pour mettre fin aux procédures jugées non conformes, de regrouper, à la demande du défendeur, les différentes procédures dans la juridiction dont il relève, de fixer une durée maximale pour leur déroulement, d’établir une formule accélérée pour leur exécution ou d’interdire que les actions puissent être financées par une personne autre que le plaignant.

1.6.

En complément à l’instauration d’une nouvelle législation, qui peut prendre plusieurs années compte tenu des différentes étapes à franchir pour clore le processus législatif, il serait indiqué de revoir les textes de loi nationaux afin d’y relever des mécanismes susceptibles d’aider dès à présent à combattre les procédures-bâillons. Cerner les raisons pour lesquelles des procédures existantes ne sont pas utilisées de manière effective pourrait aider à améliorer la protection des participants au débat public.

1.7.

Un autre enjeu de taille consiste à assurer un suivi des actions assimilables à des poursuites-bâillons et à garantir l’efficacité des interventions lancées pour les contrer. Il y aurait lieu de s’intéresser aux intervenants qui devraient avoir la responsabilité de mener ces évaluations, en particulier si l’on considère que de telles actions peuvent également être intentées par des instances publiques. De ce fait, il pourrait s’avérer inopportun, pour réaliser les objectifs visés, de déléguer cette tâche aux États membres.

1.8.

Parallèlement, aux fins de garantir que les buts poursuivis par la directive soient atteints avec un maximum d’efficacité, il conviendrait d’en évaluer l’application dans un délai le plus bref possible. De l’avis du CESE, une période plus courte serait plus appropriée que celle de cinq années qui est actuellement proposée.

1.9.

Dès lors que la directive envisagée ne s’applique qu’aux procédures transfrontières, il importe d’œuvrer aussi pour que chaque État membre prenne des initiatives analogues en ce qui concerne ses procédures nationales. Du fait de son champ d’application limité aux actions transfrontières, la protection assurée par le texte à l’examen ne vaudra que pour une certaine catégorie de participants au débat public et son champ d’intervention ne couvrira pas, en particulier, les journalistes, militants et lanceurs d’alerte actifs au niveau local. Pour mener une action généralisée contre les poursuites-bâillons, il s’impose d’adopter une démarche unifiée, couvrant tout à la fois les affaires transfrontières et nationales.

1.10.

Il conviendrait également d’inviter instamment les États membres à procéder à un réexamen de leur législation nationale afin de décriminaliser la diffamation. Toutes les procédures relatives aux droits de la personne devraient relever par nature du droit civil. Le cas échéant, la responsabilité pénale prévue dans ce domaine crée des situations où les participants au débat public craindront davantage d’exprimer leurs opinions ou de dénoncer des méfaits.

1.11.

Le CESE souligne qu’en plus de dispositions réglementaires d’ordre juridique, il est extrêmement important de mettre en œuvre des mesures éducatives et des formations appropriées, tant pour les professionnels du droit, dont, en particulier, les juges et les avocats des parties, que pour les participants au débat public, qu’ils soient journalistes, militants sociaux, défenseurs des droits de l’homme, lanceurs d’alerte ou simples citoyens.

2.   Observations générales

2.1.

La liberté d’expression, et la liberté des médias qui en découle, figurent parmi les valeurs fondamentales que devraient garantir les États démocratiques dans le cadre de l’état de droit.

2.2.

Le droit à la liberté d’expression, tel qu’énoncé à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, comprend la liberté d’opinion et celle de communiquer des informations ou des idées sans ingérence d’autorités publiques ni considération de frontière. L’accent est mis dans le même temps sur le respect de la liberté et du pluralisme des médias. Des garanties similaires figurent dans de nombreux autres textes de loi, tels que la déclaration universelle des droits de l’homme, la convention européenne des droits de l’homme, la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil (2) sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union («directive sur les lanceurs d’alerte») et divers actes juridiques adoptés par les différents États membres, témoignant ainsi du caractère universel et du rôle primordial de cette question.

2.3.

Au cours des dernières décennies, le développement de la technologie a modifié en profondeur la forme du débat public. Jusqu’à récemment, ses principaux supports médiatiques étaient la télévision, la radio et les journaux, alimentés principalement par des journalistes professionnels, ainsi que les lanceurs d’alerte. Aujourd’hui, une part importante de ce rôle a été reprise par les médias en ligne, offrant à chacun la possibilité d’exposer ses opinions et de les diffuser auprès d’une large audience, y compris de manière anonyme.

2.4.

Dans le contexte du développement des médias et des évolutions technologiques, il est essentiel d’instaurer des mécanismes qui garantiront une réelle protection de la liberté d’expression pour tous les acteurs du débat public, à savoir non seulement les journalistes professionnels, mais aussi les militants sociaux et environnementaux (3), les défenseurs des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales, les lanceurs d’alerte (4) au sens large, les citoyens engagés, les syndicats et toutes les autres personnes et organisations qui s’expriment publiquement sur des questions présentant un intérêt pour la société.

2.5.

Il importe d’insister non seulement sur l’importance que revêt la liberté des médias, mais aussi sur la nécessité de garantir le pluralisme dans ce secteur. Le CESE réitère les conclusions qu’il a présentées dans son avis sur le thème «Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe» (5). Un débat ouvert, dénué de toute restriction, constitue le fondement d’une société participative, sans laquelle la démocratie ne peut fonctionner correctement (6). Exclure du débat public une voix, quelle qu’elle soit, peut déboucher, et a déjà débouché par le passé, sur des tensions sociales et des violences. La notion de média ne doit pas être appréhendée de manière restrictive comme un groupe spécialisé d’entités exerçant des activités médiatiques à titre professionnel, mais inclure aussi la participation active de personnes qui partagent des opinions ou font connaître leurs positions, indépendamment du support utilisé: internet, forums, blogs ou podcasts. Cette participation joue un rôle particulièrement important dans les pays où les organes médiatiques publics sont contrôlés par les partis politiques au pouvoir ou ceux dont les médias privés sont entre les mains d’un groupe restreint de propriétaires, qui tentent d’imposer leur suprématie sur les messages diffusés et de limiter la diversité des débats publics.

2.6.

Au sein de l’Union, la contraction des espaces dévolus à la société civile sape la capacité des organisations qui la composent à jouer, dans le fonctionnement et la protection de la démocratie et de l’état de droit, un rôle qui est fondamental. Les poursuites stratégiques altérant le débat public («poursuites-bâillons») constituent l’un des instruments utilisés pour faire taire toute expression critique de la part de la société civile. Le CESE accueille favorablement la résolution du Parlement européen sur les mesures de lutte contre le rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile en Europe (7) et considère que la proposition de directive constitue non seulement l’un des instruments dont l’Union dispose dans ce cadre, mais également un jalon déterminant dans l’éradication de ces pratiques.

2.7.

Élargir les possibilités de publier des déclarations, lancer des alertes et mener un militantisme social plus intense permet non seulement d’étendre le débat public, mais aussi de surmonter des phénomènes qui sont source de préoccupations pour la société en révélant au grand jour les abus de pouvoir commis par des institutions publiques ou privées, y compris lorsqu’ils prennent la forme de la corruption ou du détournement de fonds publics. Le CESE souligne que les médias, dans leur acception la plus large, couvrant les activités exercées à titre professionnel comme en qualité d’amateur par les participants aux débats publics, ont pour mission, en tant que «quatrième pouvoir», non seulement de façonner l’opinion, mais aussi d’exercer un contrôle sur les activités des pouvoirs publics et des acteurs privés. La protection de ce «quatrième pouvoir» est dès lors absolument primordiale pour garantir le respect des normes démocratiques et de l’état de droit.

2.8.

Le recours abusif aux poursuites judiciaires pour étouffer le débat public constitue un phénomène de plus en plus répandu dans les États membres. Des individus, institutions et entreprises influents, qui disposent de vastes moyens financiers et organisationnels, utilisent leurs pouvoirs pour réduire au silence les voix critiques en s’appuyant sur des instruments innovants, comme le recours abusif aux actes législatifs tels que le règlement général sur la protection des données, ou en demandant la divulgation des sources d’information des journalistes, alors que ces voix critiques, parmi lesquelles figurent des journalistes agissant à titre individuel et des acteurs de la société civile endossant le rôle de lanceurs d’alerte, sont souvent dépourvues des ressources pécuniaires ou structurelles qui leur donneraient la possibilité de se défendre contre des procédures injustifiées. Certaines des personnes physiques ou morales qui recourent aux poursuites-bâillons à l’encontre de citoyens ou d’acteurs de la société civile au sein de l’Union proviennent de l’extérieur de ses frontières. En ces temps de montée des tensions géopolitiques, l’Union doit se doter d’un arsenal de mesures destinées à protéger sa démocratie face aux menaces externes, prévoyant notamment des dispositions de lutte contre ce type de poursuites.

2.9.

Les poursuites-bâillons ne relèvent pas du droit d’ester en justice; elles ne visent pas à faire valoir les droits du plaignant, mais bien à intimider et affaiblir les oppositions et à épuiser les ressources du défendeur. Les actions en justice sont souvent intentées de manière infondée et répétitive et ont pour effet concret d’intimider les organisations et individus incriminés, voire les proches de ces derniers, et de les réduire au silence dans le débat public, ainsi que de les décourager de poursuivre leurs activités. S’abstenir de contrecarrer de telles démarches ayant un effet aussi dissuasif pourrait entraîner une monopolisation ou une oligopolisation des médias, qui est incompatible avec les idéaux de l’état de droit démocratique.

2.10.

Compte tenu du rôle clé que jouent les médias, les organisations non gouvernementales et d’autres entités et lanceurs d’alerte qui œuvrent à l’édification de la société civile et agissent dans l’intérêt public, il est de la plus haute importance de leur garantir une protection adéquate en cas d’atteinte ou tentative d’atteinte à la liberté d’expression, notamment dans une situation de déséquilibre manifeste sur le plan des pouvoirs et des ressources, laquelle peut avoir des effets négatifs en poussant le défendeur à s’abstenir désormais de participer au débat public et de dénoncer des abus, faits de corruption ou violations des droits de l’homme, de quelque type que ce soit. Les coûts élevés des poursuites judiciaires, encore accrus par des positionnements stratégiques qui visent à faire traîner les procédures en longueur, représentent un problème majeur pour les acteurs qui sont manifestement en butte à des poursuites-bâillons.

2.11.

Parfois, les actions stratégiques visant à étouffer le débat public se doublent d’autres démarches répréhensibles, telles que l’intimidation, le harcèlement ou les menaces à l’encontre du défendeur. Ces procédés sont également délétères pour la société civile et le bien collectif, et ils devraient susciter une réaction sévère et immédiate, quels que soient les ressources financières ou les privilèges dont leurs auteurs peuvent se prévaloir.

2.12.

Dans le même temps, nous ne pouvons ignorer le problème des fausses informations ou des discours manifestement haineux, qui devraient être soumis à une vérification et, en cas de violation avérée, être retirés de l’espace public. Le CESE demande toutefois que les protocoles existants découlant de l’application de la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil (8) soient mis en œuvre avec rigueur et exactitude, car les actions en la matière ne doivent pas entraîner de restrictions à la liberté d’expression lorsque les informations et les opinions transmises ne constituent pas de fausses informations ou une incitation à la haine (9). En tout état de cause, ces pratiques ne sauraient servir d’excuse pour restreindre le droit à la liberté d’expression.

2.13.

Le CESE accueille favorablement la proposition de directive de la Commission européenne sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives (10), ainsi que la recommandation (UE) 2022/758 de la Commission (11) sur la protection des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives.

2.14.

Le CESE invite le Parlement européen et le Conseil à adopter la directive sans tarder, car il s’impose de déployer d’urgence des mesures destinées à protéger les journalistes, les acteurs de la société civile et les autres personnes participant au débat public.

2.15.

Le CESE se félicite que le gouvernement d’Irlande ait pris la décision de participer à l’adoption et à la mise en œuvre de la directive proposée. Conformément à l’article 3 et à l’article 4 bis, paragraphe 1, du protocole no 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Irlande peut décider, après notification en ce sens, de participer à l’adoption et à l’application de ladite directive.

2.16.

En complément aux recommandations du règlement de la Commission sur les poursuites stratégiques altérant le débat public, le CESE encourage le gouvernement du Royaume de Danemark à adopter une législation nationale qui assure aux personnes participant au débat public le même niveau de protection contre les poursuites stratégiques que celui prévu par la proposition de directive. Conformément aux articles 1er et 2 du protocole no 22 sur la position du Danemark annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Danemark ne participe pas à l’adoption de la directive à l’examen et n’est pas lié par elle, ni soumis à son application.

2.17.

Le CESE considère que les mesures adoptées ne sauraient restreindre indûment le droit d’ester en justice et qu’elles ne doivent être activées que s’il est utilisé de manière abusive ou à mauvais escient.

2.18.

Le CESE est d’avis que les dispositions d’ordre juridique dissuadant d’intenter des procédures judiciaires infondées et abusives devraient être complétées par des mesures à visée formative et par la création d’un réseau d’organisations fournissant un soutien juridique aux personnes et institutions à l’encontre desquelles de telles actions sont lancées. En particulier, les professionnels du droit, qu’il s’agisse des juges ou des avocats de la défense dans les procédures judiciaires, doivent bénéficier d’une formation appropriée pour pouvoir s’acquitter de leur rôle fondamental, car leurs décisions et leurs actions sont essentielles à la réalisation de l’objectif recherché et sont les garantes de la liberté d’expression.

3.   Observations particulières

3.1.

Vu le grave problème que pose l’expansion du phénomène dommageable des procédures stratégiques visant à étouffer le débat public, ou «poursuites-bâillons», l’action menée par la Commission européenne et le Parlement européen pour y faire face s’avère primordiale, car elle est indispensable pour assurer une protection adéquate aux acteurs du débat public lorsque le droit à une procédure judiciaire a été détourné de manière à créer un climat qui réduit au silence les défendeurs et les dissuade de poursuivre leurs activités.

3.2.

La protection contre les poursuites-bâillons devrait être assurée à tous les participants au débat public, que les actions intentées revêtent un caractère national ou transfrontière. Le CESE convient que les procédures engagées dans la juridiction d’un État membre contre une personne résidant dans un autre sont généralement plus complexes et coûteuses pour le défendeur. Toutefois, les actions intentées dans une autre ville et le recours à des tactiques procédurales visant à rendre les procédures dans le même pays plus longues et coûteuses peuvent susciter le même problème. Limiter la portée de la réglementation aux seules affaires ayant une incidence transfrontière peut introduire une différenciation injustifiée dans les droits des personnes et des organisations dont les actions produisent leurs effets à l’échelon local et qui, généralement, ne disposent donc que de ressources financières, humaines et organisationnelles limitées.

3.3.

Pour assurer le bon fonctionnement de la directive, il est nécessaire de définir une base juridique adéquate et sans ambiguïté pour l’action à mener. Il convient de noter que les mécanismes visant à contrer les poursuites-bâillons n’ont pas pour objectif premier de garantir le bon déroulement de la procédure, lequel peut être dûment régi par les dispositions nationales, mais bien de protéger les droits de défendants qui, le cas échéant, sont dépourvus des moyens juridiques et pécuniaires appropriés. Parce qu’ils se trouvent généralement dans une position d’infériorité par rapport aux plaignants, l’enjeu consiste, du point de vue du CESE, à leur ménager l’accès à des mécanismes grâce auxquels ils pourront se défendre face à des demandes non fondées qui sont constitutives d’une utilisation abusive du droit d’ester en justice.

3.4.

Le CESE souligne que l’introduction d’une condition liée au caractère transfrontière impose d’examiner au cas par cas 1) si les deux parties à la procédure sont domiciliées ou établies dans l’autre État membre, 2) si l’acte de participation à un débat public sur une question d’intérêt public est pertinent pour plus d’un État ou 3) si des procédures judiciaires parallèles ou antérieures ont été engagées par le requérant ou des entités associées contre le même défendeur ou des défendeurs associés dans un autre État membre. La seconde condition peut, en particulier, conduire à une appréciation discrétionnaire et à une limitation de la protection accordée au défendeur.

3.5.

Le CESE est lui aussi d’avis que la protection contre les poursuites-bâillons ne devrait pas se limiter aux matières civiles. Il convient d’accorder une attention particulière aux positions prises par les organisations internationales (Comité des droits de l’homme des Nations unies, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Conseil de l’Europe) s’agissant de soustraire la diffamation au champ d’application du droit pénal. Les mesures prises à ce jour n’ont pas produit les résultats escomptés puisque, dans certains États membres, la diffamation demeure une infraction, pouvant donner lieu, tout à la fois, à une amende et à une peine d’emprisonnement. Il est impossible de participer librement au débat public si, ce faisant, l’on est sous la menace de poursuites pénales. Le CESE recommande de prendre des mesures concrètes et efficaces pour faire en sorte que les États membres retirent la diffamation de leur code pénal, en tant qu’elle constitue le vestige d’un passé déplorable, qui met en péril la liberté de parole et d’expression.

3.6.

Qu’elles soient ou non appliquées au bout du compte, les sanctions pénales ont une visée dissuasive. En tant que telles, elles sont encore plus susceptibles de museler le débat public que les procédures civiles. L’abandon d’une protection au titre du régime pénal peut inciter à un basculement délibéré des actions du civil vers le pénal, dès lors que, dans ce dernier cas, le défendeur ne sera plus protégé par des garanties supplémentaires.

3.7.

Le CESE souligne que les poursuites-bâillons peuvent être intentées non seulement par des organismes ou des institutions de droit privé mais aussi par des instances publiques, telles que le ministère public, et qu’il y a donc lieu d’étendre le champ couvert par la directive à tous ces intervenants. Il demande en conséquence que dans de tels cas de figure, la protection des personnes physiques ou morales participant au débat public, ainsi que de leurs sources, soit également assurée. Dans cet ordre d’idées, il convient d’accorder une attention particulière au suivi des actions relevant de poursuites-bâillons. Que cette mission soit confiée aux États membres ne laisse pas de susciter des interrogations qui sont légitimes, dès lors que les pouvoirs publics peuvent également être des plaignants dans de telles procédures. Il conviendrait d’envisager d’associer des organisations indépendantes à l’exercice de ces tâches, ou d’instaurer un processus de suivi au niveau supranational.

3.8.

Il importe de ne pas partir du principe que seuls les journalistes ou les défenseurs des droits de l’homme sont exposés au risque de poursuites-bâillons, même si ces professions doivent être considérées comme particulièrement vulnérables à de telles actions. Le groupe cible devrait être défini sur une base fonctionnelle, à partir des activités menées, plutôt que sur un critère de formation reçue ou de profession exercée. Il sera ainsi possible de protéger non seulement des personnes qui ne prennent pas directement part à des activités médiatiques, mais aussi, par exemple, des citoyens engagés qui dénoncent publiquement des abus ayant cours dans leur communauté locale ou, plus largement, d’autres types de lanceurs d’alerte.

3.9.

Il y a lieu de se féliciter des protections proposées dans le projet de directive, à savoir les garanties procédurales, le rejet rapide des procédures judiciaires manifestement infondées, les recours à l’encontre de celles qui revêtent un caractère abusif et la protection contre les décisions rendues dans un pays tiers. Il convient toutefois d’envisager la possibilité d’instaurer d’autres mesures qui compléteraient et simplifieraient le travail du pouvoir judiciaire, consistant par exemple à faciliter ou à ordonner la jonction de différentes actions intentées contre le même défendeur lorsqu’elles émanent du même plaignant ou de plaignants associés.

3.10.

Le CESE est d’avis qu’il serait également utile d’introduire un certain degré d’automatisme par la voie d’une «décision préjudicielle» établissant que telle ou telle procédure judiciaire est réputée non conforme si elle remplit de toute évidence les critères constitutifs d’une poursuite-bâillon. Cette démarche ouvrirait même la possibilité de ne pas engager de procédure judiciaire dans les cas les plus évidents et aurait pour effet de réduire les coûts, non seulement privés mais également publics, et de limiter le nombre d’affaires amenées à suivre leur cours.

3.11.

Il serait par ailleurs opportun d’envisager certaines pistes supplémentaires, inspirées de mécanismes existants, qu’il s’agisse, entre autres exemples:

à la demande du défendeur, de regrouper les procédures dans la juridiction dont il relève,

de fixer une durée maximale pour le déroulement de la procédure ou d’établir une formule accélérée pour son exécution, sur le modèle de celles appliquées en matière électorale,

d’exclure toute possibilité que des actions soient financées par une personne autre que le plaignant, c’est-à-dire que leur financement soit assuré par une tierce partie.

3.12.

Eu égard au nombre croissant de poursuites-bâillons qui sont intentées, le CESE recommande que, du point de vue chronologique, les nouvelles dispositions que la directive prévoit pour lutter contre ce phénomène soient d’ores et déjà appliquées par les États membres aux affaires qui étaient en cours ou ont été lancées au moment de l’entrée en vigueur de ces règles.

3.13.

Parallèlement, il y a lieu de revoir les législations nationales en rapport avec les mesures actuelles de lutte contre les poursuites-bâillons. Par leur efficacité, les mécanismes en place donnent éventuellement la possibilité d’améliorer les mesures envisagées et de fournir une protection effective aux personnes à risque. Lorsqu’une législation nationale comporte déjà des outils pour traiter, fût-ce partiellement, le problème à l’examen, il conviendrait de cerner les raisons pour lesquelles, le cas échéant, leur mise en œuvre s’avère inadéquate. Une telle analyse serait susceptible, indépendamment de la directive envisagée, d’améliorer la situation des acteurs du débat social qui sont menacés par des actions relevant des poursuites-bâillons et, par ailleurs, elle pourrait constituer un cas d’école intéressant pour l’élaboration et la mise en œuvre de la nouvelle législation.

3.14.

Dès lors que la proposition de directive ne couvre pas les affaires nationales, le CESE accueille favorablement la recommandation (UE) 2022/758 sur la protection des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives et demande instamment aux États membres d’assurer le même niveau de protection que celui prévu dans cette proposition. Toutefois, l’Union ne devrait pas se borner à émettre des recommandations mais exiger des États membres qu’ils harmonisent leurs législations dans ce domaine afin d’assurer un niveau de protection contre les poursuites-bâillons qui soit le même dans chacun d’eux. Cette exigence vaut en particulier pour les définitions juridiques et pour l’étendue de la protection accordée en cas de poursuite-bâillon, afin d’éviter des divergences d’interprétation et des niveaux de protection différents d’un État membre à l’autre.

3.15.

Compte tenu de la dynamique dans laquelle s’inscrit le problème des actions stratégiques visant à étouffer le débat public, le CESE recommande de réexaminer l’application de la directive après un maximum de trois années, au lieu des cinq ans prévus actuellement. En conséquence, c’est dans un délai de deux ans après la transposition de la directive que les États membres seraient tenus de communiquer à la Commission leurs informations en la matière. La Commission devrait présenter son rapport sur le sujet un an après cette date, c’est-à-dire trois ans après la transposition.

3.16.

Le CESE invite la Commission à consulter les journalistes et l’ensemble des parties prenantes, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile au moment de préparer le réexamen susmentionné, afin de compléter les informations fournies par les États membres par des évaluations indépendantes concernant l’application de la directive.

3.17.

Il est essentiel de mettre en œuvre les mesures formatives visées dans la recommandation (UE) 2022/758. Il y a lieu, en particulier, de prévoir une formation appropriée pour les professionnels du droit, et ce, tant pour les juges que pour les avocats de la défense dans les procédures judiciaires, ainsi que des activités éducatives plus larges à destination du grand public des États membres, car tout un chacun est susceptible, en prenant part au débat public, d’être menacé par une poursuite-bâillon. Ces mesures éducatives devraient accorder suffisamment d’attention aux poursuites-bâillons revêtant une dimension transnationale, qui sont couvertes par la proposition de directive. En outre, il y a lieu d’organiser des campagnes générales dans tous les États membres afin de diffuser et de promouvoir les droits et libertés en matière d’expression, en complément et en renforcement de la directive.

3.18.

La fourniture d’une assistance juridique gratuite aux personnes et organisations à risque devrait en outre être une des pièces maîtresses du dispositif de lutte contre les poursuites stratégiques visant à étouffer le débat public. Le CESE est favorable à la création et au développement d’institutions juridiques, opérant dans les universités et par le truchement d’associations de professionnels du droit, ainsi que d’autres entités susceptibles de fournir un tel soutien. Il convient cependant de veiller à ce que les organismes recommandés par les États membres pour mener ces activités soient crédibles, indépendants et professionnels, et à ce que leurs travaux soient dûment vérifiés, de manière indépendante, par les autorités nationales concernées.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Voir le rapport de l’association CASE (https://www.the-case.eu/slapps-in-europe).

(2)  Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).

(3)  NAT/824 — rapport d’information du Comité économique et social européen sur le thème «La protection de l’environnement comme condition préalable au respect des droits fondamentaux».

(4)  SOC/593 — avis du Comité économique et social européen sur le thème «Renforcer la protection des lanceurs d’alerte au niveau de l’UE» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 155).

(5)  SOC/635 — avis du Comité économique et social européen sur le thème «Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe» (avis d’initiative) (EESC 2021/01539) (JO C 517 du 22.12.2021, p. 9).

(6)  REX/545 — rapport d’information du Comité économique et social européen sur le thème «Soutenir le secteur des médias indépendants en Biélorussie».

(7)  Résolution du Parlement européen sur le «Rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile en Europe» [2021/2103(INI)] (JO C 347 du 9.9.2022, p. 2).

(8)  Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (JO L 315 du 14.11.2012, p. 57).

(9)  SOC/712, avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil «Une Europe plus inclusive et plus protectrice: extension de la liste des infractions de l’UE aux discours de haine et aux crimes de haine» (EESC 2022/00299) (JO C 323 du 26.8.2022, p. 83).

(10)  COM(2022) 177 final.

(11)  Recommandation (UE) 2022/758 de la Commission du 27 avril 2022 sur la protection des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives («poursuites stratégiques altérant le débat public») (JO L 138 du 17.5.2022, p. 30).


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/150


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) no 767/2008, (CE) no 810/2009 et (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil, les règlements (CE) no 1683/95, (CE) no 333/2002, (CE) no 693/2003 et (CE) no 694/2003 du Conseil ainsi que la convention d’application de l’accord de Schengen, en ce qui concerne la numérisation de la procédure de visa

[COM(2022) 658 final]

(2023/C 75/21)

Rapporteur:

Ionuț SIBIAN

Consultation

Commission européenne, 28.6.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

29.9.2022

Date de l’adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

187/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est résolument favorable à l’initiative de créer une procédure de délivrance de visas entièrement numérique. Un tel dispositif numérique de visa qui soit accessible, rapide et fiable, de même que, plus généralement, une procédure d’immigration visant davantage le zéro papier, aboutiraient à alléger de manière appréciable le travail administratif en matière migratoire.

1.2.

Le CESE salue l’initiative de numérisation en matière de visas, car elle s’inscrit dans le cadre de l’approche générale de l’Union visant à encourager la modernisation et la numérisation des services publics et de la communication de la Commission intitulée «Une boussole numérique pour 2030: l’Europe balise la décennie numérique».

1.3.

Le CESE considère que la proposition actuelle offre la possibilité d’améliorer vraiment la procédure de demande de visa, en en réduisant les coûts et les contraintes, tant pour les États membres que pour les demandeurs, et d’assurer la sécurité juridique tout en renforçant la sécurité de l’espace Schengen.

1.4.

Le CESE se félicite que les restrictions de mobilité affectant les ressortissants de pays tiers qui demandent un visa seront réduites au maximum grâce à la numérisation qu’il est proposé d’appliquer à la procédure afférente, dès lors qu’ils ne seront plus tenus de présenter en personne leurs documents de voyage.

1.5.

La numérisation de la procédure de demande de visas doit éviter toute discrimination, même involontaire: il convient qu’elle respecte les droits des personnes handicapées et de celles qui ne disposent pas de compétences informatiques ou numériques ou n’ont pas accès à l’internet. Elle doit en outre répondre aux exigences en matière d’accessibilité énoncées dans la directive européenne sur l’accessibilité du web (1) et dans l’acte législatif européen sur l’accessibilité (2).

1.6.

Le CESE recommande avec force que les processus informatiques utilisés par la plateforme de l’Union pour les demandes de visa prévoient des outils ou des moyens pour préserver les droits de l’enfant et prévenir la traite des êtres humains.

1.7.

Il conviendrait que la plateforme numérique de l’Union européenne pour la demande de visas soit totalement connectée aux systèmes nationaux en la matière, gérés par chacun des États membres.

1.8.

Le CESE estime qu’il y aurait lieu de prévoir une «ambassade numérique de l’Union européenne», qui fixerait des conditions harmonisées au niveau européen concernant les pièces justificatives et qui se chargerait d’informer et d’orienter le voyageur à propos de la procédure de demande.

1.9.

Le CESE est d’avis que la numérisation de la procédure de visa fera de l’Union européenne une destination de voyage encore plus attrayante et qu’elle encouragera les voyageurs à s’y rendre.

1.10.

Le CESE reconnaît que la numérisation de la procédure de visa pourrait avoir une incidence positive sur l’environnement et que la plateforme centralisée pour les demandes de visa est une solution efficace sur le plan énergétique.

1.11.

recommande que la Commission s’engage plus fermement à travailler avec les gouvernements des pays tiers, les ambassades/consulats des États membres et la société civile organisée afin d’informer, de préparer et d’aider les demandeurs de visa tout au long de la procédure.

2.   Observations générales

2.1.   Contexte de l’avis, y compris la proposition législative à l’examen

2.1.1.

L’idée d’un visa Schengen numérisé remonte à 2018: cette année-là, la Commission européenne a proposé de modifier le code des visas et fait observer que la solution d’avenir était qu’ils adoptent une forme numérique. En 2019, le Parlement européen et le Conseil ont alors commencé à revoir le code des visas de l’Union européenne. Ils ont déclaré que l’objectif devait être de tirer tout le parti possible des évolutions récentes d’ordre juridique et technologique, afin de mettre au point une solution commune qui permette l’introduction en ligne des demandes de visa Schengen.

2.1.2.

En 2020, la pandémie de COVID-19 a provoqué un ralentissement des opérations de délivrance de visas Schengen dans le monde entier, en raison des difficultés que posait la réception des demandes dans les ambassades et les consulats. Cette situation a amené des États membres à lancer de nouveaux appels en faveur d’une numérisation du processus.

2.1.3.

Dans son programme de travail pour 2021, la Commission européenne a annoncé le dépôt, prévu pour le quatrième trimestre de 2021, d’une proposition législative sur la numérisation des procédures de visa. Présenté en septembre 2020, le nouveau pacte sur la migration et l’asile a fixé l’objectif de numériser intégralement la procédure de délivrance des visas d’ici à 2025, en instaurant un visa numérique et la possibilité d’introduire des demandes de visa en ligne.

2.1.4.

Le 27 avril 2022, la Commission a présenté une proposition relative à la numérisation des visas de l’Union européenne. Elle a pour objectif:

de moderniser, simplifier et harmoniser le processus de demande de visas, en numérisant leur procédure de délivrance,

de réduire les risques de fraude, en rapport notamment avec l’identité, et celui de la falsification, ainsi que de faciliter le processus de vérification à la frontière grâce à la numérisation.

2.1.5.

La proposition crée une plateforme en ligne unique, ce système présentant les avantages suivants:

les demandeurs auront la possibilité de déposer une demande de visa en ligne, qui permettra également le paiement des droits de visa grâce à une plateforme unique de l’Union, quel que soit le pays de l’espace Schengen qu’ils souhaitent visiter,

la plateforme déterminera automatiquement le pays de l’espace Schengen qui sera responsable de l’examen de la demande, notamment lorsque le demandeur envisage de se rendre dans plusieurs États membres,

la plateforme fournira aux demandeurs des informations actualisées sur les visas Schengen de court séjour, ainsi que tous les éléments dont ils doivent avoir connaissance concernant les conditions et les procédures à respecter, comme les pièces justificatives, les droits de visa ou la nécessité éventuelle de prendre un rendez-vous pour le recueil de leurs données biométriques,

les demandeurs ne seront plus obligés de se présenter en personne au consulat que s’ils demandent un visa pour la première fois, si leurs données biométriques ne sont plus valides ou s’ils ont acquis un nouveau document de voyage,

le visa sera pourvu de caractéristiques de sécurité à la pointe du progrès, qui seront plus sûres que la vignette-visa actuelle.

2.1.6.

La proposition de règlement souligne que le nouveau système garantira que les droits fondamentaux soient toujours protégés.

2.1.7.

C’est l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) qui sera chargée du développement technique et de la gestion opérationnelle de la plateforme de l’Union européenne pour les demandes de visa et de ses composantes, dans le cadre du système d’information sur les visas (VIS).

2.1.8.

Une fois qu’elle aura été activée, tous les ressortissants étrangers qui ont besoin d’un visa pour l’un des 26 pays de l’espace Schengen pourront utiliser la plateforme numérique de demande de visa Schengen. Elle ne concernera pas les cinq autres États membres de l’Union qui ne font pas partie de l’espace Schengen, étant donné qu’ils ne sont pas encore habilités à délivrer des visas Schengen.

2.1.9.

Les voyageurs en provenance de pays exemptés de l’obligation de visa pour l’espace Schengen ne seront pas tenus d’utiliser la plateforme. En lieu et place, ils devront déposer, à partir de novembre 2023 (3), une demande d’autorisation au titre du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) pour voyager en Europe.

2.2.   Observations générales

2.2.1.

Le CESE est résolument favorable à l’initiative de créer un système de visas entièrement numérique. Un tel dispositif numérique de visa qui soit accessible, rapide et fiable, de même que, plus généralement, une procédure d’immigration visant davantage le zéro papier, aboutiraient à alléger de manière appréciable le travail administration en matière migratoire. La gestion, le traitement et l’archivage de documents papier, ainsi que leur destruction, imposent aux consulats un processus long et coûteux, et les États membres, tout comme les ressortissants de pays tiers qui déposent des demandes de visas, gagneraient beaucoup à ce que la procédure régissant leur délivrance soit numérisée.

2.2.2.

Il s’impose de donner au système en ligne qui est proposé une configuration telle qu’il se distingue par sa rapidité, sa convivialité, son caractère sûr (l’offre de garanties suffisantes quant à la sécurité des données saisies) et sa prévisibilité (le respect du principe de sécurité juridique). Il doit fonctionner de manière fiable et il convient que les demandeurs soient à même de tabler sur un processus de demande en ligne dont la durée n’excède pas quelques jours.

2.2.3.

Harmoniser et unifier les procédures de demandes de visa au sein de l’espace Schengen contribuera à éviter la «course aux visas», à laquelle les demandeurs peuvent être tentés de se livrer, en déposant leurs demandes dans un pays de l’espace Schengen qui les traite de manière plus rapide et commode plutôt que dans celui qui constitue leur véritable destination (des citoyens russes pourraient par exemple s’adonner à une telle «course aux visas» faute d’accord général sur la suspension de l’accord de l’Union européenne visant à faciliter la délivrance de visas). Numériser le processus de délivrance des visas réduira également les risques de sécurité auxquels il est exposé avec les vignettes-visas en format matériel, qui peuvent continuer à se prêter à la falsification, aux fraudes et aux vols. La proposition à l’examen s’inscrit par ailleurs dans le cadre de l’approche générale de l’Union visant à encourager la modernisation et la numérisation des services publics.

2.2.4.

Le CESE considère que la proposition actuelle offre la possibilité d’améliorer vraiment la procédure de demande de visa, en en réduisant les coûts et les contraintes, tant pour les États membres que pour les demandeurs, tout en renforçant la sécurité de l’espace Schengen.

2.2.5.

Le CESE se félicite que les restrictions de mobilité affectant les ressortissants de pays tiers qui demandent un visa seront réduites au maximum grâce à la numérisation qu’il est proposé d’appliquer à la procédure afférente. Dès lors qu’ils ne seront plus tenus de présenter leurs documents de voyage au consulat ou au centre de dépôt de demande, les demandeurs seront libres de voyager durant la période de traitement de leur demande de visa. Le Comité considère que cette avancée sera bénéfique pour les personnes qui se déplacent régulièrement (4) en relation avec leur travail, ainsi que pour les militants et les membres de groupes minoritaires, comme les personnes LGBTQI+ ou les Roms, auxquels elle ouvre davantage de possibilités pour trouver, au besoin, un endroit où ils seront en sécurité.

2.2.6.

Il conviendrait que la plateforme numérique pour la demande de visas soit totalement connectée aux systèmes nationaux en la matière, gérés par chacun des États membres. Une telle architecture garantirait que le nouveau système numérique de visa, dont le visa numérique lui-même, soit intégré d’emblée dans ceux des États membres et conçu de manière à présenter une interopérabilité totale entre les pays de l’Union.

2.2.7.

Il y aurait toutefois lieu de prévoir une «ambassade numérique de l’Union européenne», qui fixerait des conditions harmonisées au niveau européen concernant les pièces justificatives et qui se chargerait d’informer et d’orienter le voyageur à propos de la procédure de demande.

2.2.8.

Le CESE adhère à l’idée que la numérisation de la procédure de visa fera de l’Union européenne une destination de voyage encore plus attrayante et qu’elle encouragera les voyageurs à s’y rendre.

2.2.9.

Le CESE recommande que la Commission s’engage plus fermement à travailler avec les gouvernements et la société civile organisée des pays tiers afin d’informer, de préparer et d’aider leurs ressortissants tout au long de la procédure de demande de visa.

2.3.   Observations particulières

2.3.1.

Dès lors que la procédure de demande de visas sera numérisée, les États membres deviendront moins dépendants de prestataires extérieurs de services et, de ce fait, réduiront le risque que des données personnelles soient dévoilées à des tiers.

2.3.2.

Avec le visa numérique, il deviendra plus difficile de contrefaire les vignettes-visas, puisqu’il aura cessé d’être «matériel». En outre, les coûts administratifs élevés qu’elles induisent seront ainsi éliminés.

2.3.3.

Les avantages du visa numérique se manifesteront notamment en cas de vol ou de perte d’un document de voyage, étant donné qu’il sera alors facile de faire le lien entre celui qui sera émis en remplacement et le visa existant, sans qu’il faille en demander un nouveau, comme la procédure actuelle l’exige, du fait que la vignette-visa et ledit document de voyage sont matériellement liés. En conséquence, le dispositif de numérisation nouvellement proposé fait disparaître les coûts supplémentaires que doivent assumer tant les États membres, pour l’émission d’un nouveau visa, que les demandeurs.

2.3.4.

La numérisation de la procédure de visa doit garantir la satisfaction des besoins spécifiques et respecter les droits des personnes handicapées et leur donner la possibilité de déposer une demande sans discrimination, notamment en se conformant aux exigences en matière d’accessibilité énoncées dans la directive européenne sur l’accessibilité du web (directive relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles) et dans l’acte législatif européen sur l’accessibilité.

2.3.5.

Le CESE recommande avec force que les processus informatiques utilisés par la plateforme de l’Union pour les demandes de visa prévoient des outils ou des moyens pour préserver les droits de l’enfant et prévenir la traite des êtres humains.

2.3.6.

La numérisation ne pouvant être synonyme d’automatisation et de recours aveugle à l’intelligence artificielle, il est exclu que des coupes soient opérées dans les effectifs du personnel affecté à la délivrance des visas au seul motif que cette tâche est désormais numérisée.

2.3.7.

Par ailleurs, le personnel administratif chargé de traiter les visas a besoin de bénéficier d’une formation appropriée, afin d’être à même de tirer parti des points positifs que présente leur numérisation et d’éviter les erreurs.

2.3.8.

Une aide supplémentaire doit être proposée aux ambassades (consulats) des États membres et à la société civile pour surmonter les problèmes qui peuvent se poser aux ressortissants de pays tiers en matière d’accessibilité de l’internet et de maîtrise des compétences informatiques, de manière à éviter qu’ils ne subissent une discrimination concernant leur accès au système de demande de visa.

2.3.9.

Le CESE estime que la numérisation de la procédure de visa pourrait avoir une incidence positive sur l’environnement en raison de la réduction de l’utilisation et du gaspillage du papier nécessaire pour le système de demande de visa et la délivrance de la vignette-visa, ainsi que du fait que les demandeurs de visa ne sont plus tenus de voyager pour demander et prendre possession des documents de voyage après l’achèvement des procédures de demande et d’examen. Si le CESE est conscient du fait que la numérisation (stockage et gestion des données) nécessite une énergie génératrice d’émissions de CO2, il estime qu’une plateforme centralisée pour les demandes de visa constitue une solution plus efficace sur le plan énergétique que la mise en place d’une plateforme similaire pour chaque État membre.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive (UE) 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public (JO L 327 du 2.12.2016, p. 1).

(2)  Directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services (JO L 151 du 7.6.2019, p. 70).

(3)  https://www.etiasvisa.com/fr/formulaire-demande-etias

(4)  Comme des représentants des entreprises, des syndicats ou de la société civile organisée.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/154


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les normes de qualité et de sécurité des substances d’origine humaine destinées à une application humaine et abrogeant les directives 2002/98/CE et 2004/23/CE

[COM(2022) 338 — 2022/0216 (COD)]

(2023/C 75/22)

Rapporteur général:

Tymoteusz Adam ZYCH

Consultation

Parlement européen, 12.9.2022

Conseil de l’Union européenne: 22.7.2022

Base juridique

Article 168, paragraphe 4, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

151/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient la proposition présentée par la Commission européenne d’un règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les normes de qualité et de sécurité des substances d’origine humaine destinées à une application humaine et abrogeant les directives 2002/98/CE et 2004/23/CE (1), au regard de l’importance capitale que celui-ci revêt pour la protection de la santé publique, le bien-être des patients dans les États membres de l’Union européenne et le potentiel de cette dernière en matière d’innovation.

1.2.

Il est avantageux de définir des normes fondamentales communes de qualité et de sécurité des substances d’origine humaine (également désignées par l’abréviation SoHO, de l’anglais «substances of human origin») qui correspondent à l’état actuel du développement des sciences médicales, et le CESE convient de la nécessité d’une réglementation cohérente dans ce domaine.

1.3.

tient pour judicieux de définir le champ d’application du règlement en question de manière à tenir compte non seulement des substances d’origine humaine, telles que par exemple le lait maternel, qui ne relevaient pas jusqu’à présent de dispositions juridiques à l’échelon européen mais aussi de toute substance d’origine humaine susceptible d’être utilisée à l’avenir;

1.4.

Le CESE approuve les modifications d’ordre juridique qui contribuent à limiter les coûts que supportent les institutions de l’Union européenne, ses États membres et ses citoyens, notamment en supprimant du libellé de la réglementation les tests et les dépistages systématiques devenus obsolètes. Il y a lieu de surveiller en permanence l’efficacité des mesures prévues par les dispositions du règlement, en tenant compte de la nécessité de maintenir la sécurité et la qualité des substances d’origine humaine et de respecter les normes qui découlent de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne;

1.5.

Le CESE se félicite de l’établissement de normes fondamentales uniformes concernant la mise en place de registres des entités actives dans le domaine des substances d’origine humaine. L’établissement de la plateforme SoHO de l’Union européenne viendra conforter cette démarche et contribuera à améliorer la sécurité dans l’Union dans le domaine de la santé publique grâce à des échanges permanents et rapides d’informations;

1.6.

Le CESE approuve l’adoption de solutions qui renforcent les droits des donneurs de substances d’origine humaine et remédient aux lacunes de la réglementation en vigueur. Dans le même temps, le CESE fait valoir l’importance fondamentale de voir le principe de la gratuité du don de substances d’origine humaine réaffirmé par la proposition, afin d’éliminer les abus et d’assurer la sécurité de l’obtention desdites substances; Le Comité rappelle que le strict respect de ce principe constitue une exigence qui découle de l’article 3, paragraphe 2, point c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, conformément auquel dans le cadre de la médecine et de la biologie, il s’impose de respecter «l’interdiction de faire du corps humain et de ses parties, en tant que tels, une source de profit».

1.7.

Le CESE est d’avis qu’il y a lieu de prêter une attention particulière à la nécessité d’un contrôle fiable et systématique des entités SoHO pour ce qui est de la sécurité, de la qualité et des modalités d’obtention des substances d’origine humaine. Il importe tout particulièrement de surveiller en permanence les activités des entités SoHO importatrices et d’en contrôler la régularité. Les substances d’origine humaine importées dans l’Union européenne doivent obéir aux mêmes normes de qualité et de sécurité que celles obtenues sur le territoire de l’Union.

2.   Introduction

2.1.

Le présent avis porte sur la proposition de la Commission européenne d’un règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les normes de qualité et de sécurité des substances d’origine humaine destinées à une application humaine et abrogeant les directives 2002/98/CE et 2004/23/CE («règlement concernant les substances d’origine humaine» ou «règlement SoHO», selon l’abréviation tirée de l’anglais «substances of human origin»).

2.2.

Comme l’indique son exposé des motifs, le règlement concernant les substances d’origine humaine procure les assurances et les avantages suivants: 1) garantir la sécurité et la qualité pour les patients bénéficiant de thérapies SoHO et les protéger totalement contre les risques évitables liés aux substances d’origine humaine; 2) garantir la sécurité et la qualité pour les donneurs de substances d’origine humaine et pour les enfants nés de dons d’ovules, de sperme ou d’embryons; 3) renforcer et permettre l’harmonisation des pratiques de surveillance entre les États membres; 4) faciliter la mise au point de thérapies SoHO innovantes, sûres et efficaces; et 5) améliorer la résilience du secteur, en atténuant le risque de pénurie. Les solutions proposées remédient à l’insuffisance de la protection des patients et des donneurs de sang, de tissus, de cellules et de la progéniture issue de dons de gamètes, d’ovules ou d’embryons contre les risques évitables, du fait de règles techniques obsolètes, des approches divergentes des États membres en matière de surveillance qui entravent les échanges transfrontières de sang, de tissus et de cellules, de la vulnérabilité des patients face aux interruptions d’approvisionnement en sang, en tissus et en cellules, ainsi que d’une exploitation incomplète du potentiel du sang, des tissus et des cellules transformés ou utilisés sous de nouvelles formes.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE est conscient des exigences nouvelles que suscite le développement des sciences médicales, et notamment celui des technologies du vivant, qui procurent de nouvelles possibilités de tirer parti des substances d’origine humaine dans de nombreuses modalités thérapeutiques pour les patients dans toute l’Union européenne. Dans le même temps, le CESE relève que du fait du développement de nouvelles thérapies, une partie des normes en vigueur jusqu’à présent perdent de leur validité.

3.2.

Le CESE se félicite de ce fait aussi de la proposition avancée par la Commission d’un règlement concernant les substances d’origine humaine. Cette proposition conçoit en effet lesdites substances d’une manière générique, qui recouvre «le sang, les tissus et les cellules». Il s’agit là d’une approche appropriée et prévoyante car des substances qui échappent actuellement à notre connaissance et susceptibles de trouver une application thérapeutique à l’avenir, seront couvertes en droit par des dispositions contraignantes en matière de sécurité et de qualité.

3.3.

Le CESE relève, pour s’en féliciter, l’adaptation du cadre juridique au principe de «neutralité financière» prôné par le comité de bioéthique du Conseil de l’Europe. La proposition harmonise également le cadre juridique actuel et, en particulier, elle renforce les dispositions relatives à la protection et au suivi des donneurs ainsi que la déclaration des affections génétiques dans la progéniture issue d’une procréation médicalement assistée.

3.4.

Le CESE tient pour appropriée la proposition, qu’il approuve, d’une approche fondée sur un règlement unique qui s’appliquera dans l’ensemble des États membres. Elle contribuera immédiatement à garantir le respect des normes de qualité et de sécurité des substances d’origine humaine dans les États de l’Union.

3.5.

Le CESE relève avec satisfaction les effets escomptés de l’entrée en vigueur du règlement, lorsqu’il s’agit notamment de définir des normes générales communes de sécurité et de qualité, d’intégrer dans le champ d’application du règlement l’ensemble des substances d’origine humaine qui ne font pas jusqu’à présent l’objet d’une réglementation, de simplifier les échanges de substances d’origine humaine entre les États membres, de faire valoir des obligations garantissant des moyens de préparation pour le cas de situations de crise à l’échelon de l’entité et à l’échelon national, ainsi que des obligations relatives au suivi de l’approvisionnement, ou encore de mettre en place un environnement juridique qui permet de favoriser les innovations et d’améliorer la sécurité, la disponibilité et l’efficacité des substances d’origine humaine, et qui ne perde pas de son actualité.

3.6.

Le CESE se félicite tout particulièrement que les lignes directrices techniques s’ancrent dans les conclusions établies par les groupes européens d’experts. Il s’agit là du moyen le plus efficace de faire en sorte que la législation demeure à jour, conformément à l’approche de la médecine fondée sur des données probantes.

3.7.

Le CESE relève avec satisfaction que les principes de volontariat et de gratuité, énoncés expressément jusqu’à présent par les normes régissant la procédure du don de sang, sont repris pour toutes les substances d’origine humaine utilisées actuellement telles que par exemple le lait maternel, ainsi que pour celles qu’il n’est pas possible de définir pour l’heure mais qui pourraient être utilisées à l’avenir. Il convient de relever que le règlement à l’examen autorise une indemnisation qui vise à éliminer les situations où le donneur se retrouve financièrement désavantagé par son don, tout en affirmant que cette indemnisation ne saurait jamais constituer une incitation susceptible d’encourager des donneurs potentiels à communiquer des informations erronées ou à faire des dons plus fréquemment que ce qui est autorisé. À cet égard, il convient de rappeler l’importance fondamentale que revêt le principe de la gratuité du don de substances d’origine humaine pour éliminer les abus et assurer la sécurité de l’obtention de ces substances. Le Comité rappelle que le strict respect de ce principe constitue une exigence qui découle de l’article 3, paragraphe 2, point c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, conformément auquel dans le cadre de la médecine et de la biologie, il s’impose de respecter «l’interdiction de faire du corps humain et de ses parties, en tant que tels, une source de profit». Les États membres doivent en tenir compte lorsqu’ils définissent dans le cadre de leur réglementation les principes régissant l’octroi de telles prestations.

3.8.

Le CESE approuve l’établissement de normes fondamentales uniformes concernant la mise en place par les États membres de registres des entités actives dans le domaine des substances d’origine humaine. L’établissement de la plateforme SoHO de l’Union européenne viendra conforter cette démarche et contribuera à améliorer la sécurité dans l’Union dans le domaine de la santé publique grâce à des échanges permanents et rapides d’informations; Il convient également de saluer la mise sur pied du comité de coordination SoHO, lequel peut constituer un instrument efficace pour une mise en œuvre opérante des normes de qualité et de sécurité posées par le règlement.

3.9.

La proposition indique que la responsabilité des décisions de nature éthique et organisationnelle incombe aux États membres. Il y a lieu de reconnaître le bien-fondé de ce point de vue à la lumière de la répartition des compétences prévue par les traités entre l’Union et ses États membres, ainsi que son caractère sensé dans le cadre du champ d’application des dispositions du règlement proposé, qui présente un caractère organisationnel et technique. Le règlement concernant les substances d’origine humaine vise en effet à garantir la qualité, la sécurité et la disponibilité desdites substances et à contrôler les processus de fabrication et de transport. Le CESE entend toutefois attirer l’attention sur le fait que, tout comme le contrôle de la sécurité et de la qualité, le développement des technologies du vivant appelle une évaluation à l’aune des normes qui découlent de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

3.10.

Le règlement qui fait l’objet de la proposition à l’examen détermine les pouvoirs du personnel des autorités compétentes ainsi que des personnes exerçant les activités de surveillance. Le règlement fait état de leur préparation professionnelle adéquate et des formations régulières, notamment celles effectuées à l’échelon de l’Union. Toutefois, il omet de définir en détail la formation et l’expérience de ce personnel, à l’exception de son article 51 qui prévoit la qualification nécessaire pour le médecin désigné par les établissements SoHO. Toutefois, la nature spécifique du travail avec les substances d’origine humaine requiert la coopération au sein d’une équipe de nombreux spécialistes; si, bien souvent, un technicien du vivant possédera les compétences adéquates, dans d’autres cas, ce sera un médecin disposant de la spécialisation idoine et dans d’autres encore, il s’avérera indispensable de s’assurer de l’appui d’un spécialiste de l’éthique ou du droit. Le CESE propose donc de définir la composition des autorités compétentes de manière à ce qu’elles comprennent une équipe interdisciplinaire de spécialistes.

4.   Niveau et portée de la réglementation

4.1.

Le CESE relève avec satisfaction que le règlement est conforme au principe de subsidiarité. Il est en effet bien plus difficile d’en réaliser les objectifs par les moyens propres des États membres ou il est impossible à ces derniers de les réaliser d’une manière qui soit efficace en comparaison. Le règlement apporte donc une valeur ajoutée manifeste. Les avantages qu’il procure découlent en particulier de l’adossement de l’application des normes aux groupes d’experts, tels que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et la direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé (EDQM), ainsi qu’aux échanges de données au moyen de la plateforme SoHO de l’Union européenne.

4.2.

Il est proposé de définir la «procréation médicalement assistée» comme la facilitation de la conception par insémination intra-utérine de spermatozoïdes, fécondation in vitro ou toute autre intervention en laboratoire ou intervention médicale favorisant la conception. Le CESE est d’avis que l’on peut préciser encore cette définition. Il semble raisonnable que le règlement doive englober dans son champ d’application les procédures touchant à l’utilisation des substances d’origine humaine ou à leur création. Toutefois, les termes utilisés dans la définition en question, à savoir «toute autre […] intervention médicale favorisant la conception», font entrer dans ledit champ d’application d’autres méthodes qui ne font pas appel à l’utilisation de substances d’origine humaine et qui ne relèvent donc pas des normes du règlement à l’examen.

5.   Sécurité des préparations et contrôle des entités SoHO

5.1.

Le CESE accueille favorablement le surcroît de précision apporté aux normes relatives à la qualité et à la sécurité des substances d’origine humaine, ainsi que l’application de mécanismes efficaces de contrôle des entités SoHO. Les solutions proposées contribueront à améliorer l’accès des patients à une thérapie de qualité et influeront favorablement sur l’état de la santé publique au sein de l’Union européenne.

5.2.

À cet égard, le CESE attire l’attention sur la nécessité pour les normes relatives à la qualité et à la sécurité de s’appliquer à l’ensemble des substances d’origine humaine utilisées sur le territoire de l’Union, y compris celles qui y sont importées. Le CESE attire l’attention sur la nécessité impérative de faire jouer efficacement et systématiquement les mécanismes de contrôle des entités SoHO importatrices prévus par le règlement, notamment pour ce qui est de la qualité et de la sécurité des préparations. Cet aspect revêt une importance toute particulière dans le contexte de l’application de mesures de simplification touchant à l’importation dans l’Union européenne de substances d’origine humaine. Le CESE demande aux autorités de l’Union de prendre toutes les mesures afin d’éviter que ne s’y développe une industrie lucrative du don de cellules et de tissus, laquelle connaît un essor certain dans d’autres régions du monde.

5.3.

Conformément aux dispositions de la proposition de règlement à l’examen, si un État membre choisit d’autoriser une nouvelle pratique, la sécurité et la qualité de cette pratique sont alors régies par la législation de l’Union européenne applicable en la matière aux substances d’origine humaine et figurant dans ledit règlement. Le CESE fait observer qu’il convient également que les nouvelles pratiques appliquées dans des pays tiers fassent l’objet d’une évaluation permanente de la part des groupes d’experts compétents à l’échelon de l’Union européenne.

5.4.

L’article 7 de la proposition de règlement pose l’exigence que les autorités compétentes garantissent l’indépendance de leur personnel de manière à éviter les conflits d’intérêts. Afin de réaliser dans les faits l’objectif voulu, le CESE propose d’élargir cette exigence également à la période qui précède immédiatement l’entrée en fonctions dudit personnel.

5.5.

L’article 29, paragraphe 7, de la proposition de règlement définit les compétences des inspecteurs en vue de vérifier si les établissements SoHO satisfont aux normes relatives à la protection des donneurs et des receveurs, à la communication d’informations et concernant le caractère volontaire et non rémunéré des dons. Le CESE est d’avis qu’il convient de renforcer les pouvoirs des inspecteurs, qui doivent permettre une procédure de contrôle complète.

6.   Les droits des donneurs de substances d’origine humaine

6.1.

Le CESE se félicite vivement que la proposition de règlement concernant les substances d’origine humaine fasse état de solutions qui renforcent systématiquement les droits des donneurs de telles substances et remédient ainsi aux lacunes de la législation en vigueur.

6.2.

L’article 53 qui définit les normes relatives à la protection des donneurs de substances d’origine humaine prévoit en son paragraphe 1, point b), l’obligation de fournir aux donneurs ou aux personnes agissant en leur nom les informations d’une manière qui soit adaptée à leur capacité de compréhension. Afin de dissiper le moindre doute touchant à l’interprétation de cette disposition, le CESE estime qu’il s’impose de préciser que les informations fournies doivent être complètes et communiquées de manière claire afin de pouvoir satisfaire à la condition généralement admise dans le domaine de la médecine pour un consentement éclairé.

6.3.

L’article 55, paragraphe 3, point c), de la proposition pose l’obligation pour les entités SoHO d’informer les donneurs de leur droit de retirer leur consentement et de toute restriction à ce droit. De l’avis du CESE, le droit de retirer le consentement ne saurait être limité que par des circonstances matérielles, par exemple dans le cas d’une procédure déjà engagée. Afin d’empêcher des violations d’un des droits fondamentaux du patient, tel que celui à l’autonomie, il apparaît fondé de définir une liste limitative des situations dans lesquelles il est possible de restreindre le droit de retirer le consentement.

7.   Protection des données

7.1.

Le CESE se félicite vivement que le règlement confirme la nécessité de maintenir les normes strictes de confidentialité qui découlent du règlement général sur la protection des données (2) (RGPD) en matière de traitement des données à caractère personnel des donneurs et des receveurs de substances d’origine humaine, s’agissant notamment de limiter les finalités du traitement de ces données ou de les minimiser.

7.2.

Le CESE tient pour fondé de distinguer l’exigence actuelle d’un consentement libre et éclairé au don posée par les dispositions de la proposition de règlement de l’exigence spécifique du consentement au traitement des données à caractère personnel concernant la santé du donneur au sens du RGPD. En effet, ces deux exigences ne sont pas identiques.

Bruxelles le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2022) 338.

(2)  Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/159


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et abrogeant le règlement (UE) no 305/2011

[COM(2022) 144 final]

(2023/C 75/23)

Rapporteur:

Manuel GARCÍA SALGADO

Corapporteur:

Domenico CAMPOGRANDE

Consultation

Parlement européen, 18.5.2022

 

Conseil de l’Union européenne, 30.5.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

13.9.2022

Adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

139/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que la Commission européenne ne propose pas de solutions à court terme pour résoudre le retard qu’accuse actuellement la publication de nouvelles normes au Journal officiel de l’Union européenne. Son objectif est de modifier le règlement sur les produits de construction (1) (RPC), modification qui, même si elle est couronnée de succès, ne produira des résultats que dans un délai de dix ans.

1.2.

Le CESE constate avec inquiétude que la période de transition proposée entre le règlement actuel et le règlement révisé est de vingt ans, ce qui peut poser des problèmes pratiques, étant donné que l’introduction progressive de spécifications techniques harmonisées sur une période de vingt ans est un processus excessivement long. À l’heure actuelle, le système de normalisation est inopérant, car il n’a pas les moyens de réagir aux problèmes relevés par la Commission ni de répondre aux priorités politiques qui ont été fixées.

1.3.

Le CESE constate avec inquiétude que, bien que la Commission ait présenté plusieurs options politiques aux États membres, elle revient à l’ancienne approche selon laquelle les normes techniques sont rédigées par les régulateurs au niveau européen, ce qui est particulièrement préoccupant, étant donné qu’un processus aussi centralisé limiterait la capacité des petits acteurs du secteur à exprimer leurs avis et à voir leurs points de vue pris en considération.

1.4.

Le CESE, en accord avec le secteur de la construction, est favorable à la mise en place d’une option qui, distincte de celle présentée par la Commission, maintiendrait la normalisation en tant qu’élément central. Il sera nécessaire de poursuivre les discussions et d’inviter toutes les parties intéressées, à savoir les États membres, le Comité européen de normalisation (CEN), la Commission, etc., à collaborer pour proposer une solution viable réservant aux normes harmonisées un rôle fondamental dans le système. L’objectif est d’associer toutes les parties intéressées à un dialogue visant à trouver un système adéquat qui permette la libre circulation des produits de construction. Dans ce processus, le dialogue social avec les employeurs et les travailleurs est un outil essentiel, de même que la participation des parties prenantes sociétales intervenant dans la normalisation.

1.5.

Si le CESE reconnaît que la normalisation est souvent vue comme un processus ascendant, porté par le secteur, il estime qu’il est néanmoins extrêmement important de veiller à ce que toutes les parties prenantes collaborent de manière coopérative et souple en vue de disposer de normes actualisées, lesquelles sont essentielles pour permettre le passage au développement durable et à la numérisation tout en favorisant l’innovation dans le secteur de la construction. Ce processus devrait aussi être appuyé par le dialogue social et garantir la participation des employeurs, des travailleurs et des parties prenantes sociétales intervenant dans la normalisation.

1.6.

De l’avis du CESE, un cadre réglementaire européen performant pour les produits de construction, intégré dans le système de normalisation, répondra non seulement aux besoins du secteur, mais sera également au service de la société en général, ce qui explique l’importance de la participation des partenaires sociaux. Il permettra à l’Union de réaliser le marché intérieur numérique, la reprise économique après la COVID-19, les plans stratégiques du pacte vert pour l’Europe et les objectifs de l’économie circulaire.

1.7.

Le CESE note que la proposition de nouveau RPC entend rendre obligatoire l’utilisation des méthodes d’évaluation, des systèmes de classification et des critères européens par tous les acteurs du secteur de la construction. Cette disposition concerne plus de trois millions d’entreprises dans l’Union, dont la plupart sont des PME. Il faudrait que les exigences soient justifiées et proportionnées et qu’elles n’entraînent pas de charges bureaucratiques et administratives inutiles, en particulier si leur valeur ajoutée est limitée. Le CESE estime que ce problème a été sous-estimé dans la proposition de RPC révisé.

1.8.

Le CESE considère qu’il serait souhaitable de prévoir une déclaration des performances qui soit complète, de même que d’adapter l’article 6 et l’annexe III en ce qui concerne les exigences énumérées à l’annexe I, étant donné que l’apposition du marquage CE sur les produits de construction ne garantit pas le respect des exigences de base applicables aux ouvrages de construction. Cette situation empêche l’établissement d’un marché intérieur européen unique pour les produits de construction, dès lors que les États membres peuvent être tenus, en vertu de l’article 8, d’empêcher la commercialisation et l’utilisation de tels produits de construction susceptibles de mettre en danger la sécurité des chantiers.

1.9.

Le CESE souligne que les procédures associées au RPC doivent être améliorées ou développées plus avant, notamment en ce qui concerne la normalisation et la définition d’interfaces avec les normes nationales de mise en œuvre. Il convient de veiller à ce que la Commission introduise toutes les exigences en matière d’essais/performances/caractéristiques en tant que normes harmonisées. Si tel n’est pas le cas, il devrait être possible de maintenir des exigences nationales applicables aux produits de construction en cas de préoccupations particulières de certains États membres concernant l’utilisation de ces produits. Cela signifierait que les exigences et annexes nationales devraient être approuvées pour une certaine période. Si la déclaration des performances est rendue plus complète, il conviendra de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa correspondance avec le niveau des travaux (conception, installation, etc.), tant en ce qui concerne le contenu des informations que leur fiabilité.

1.10.

Le CESE relève le problème que la proposition de RPC révisé ne précise pas le mécanisme de collecte d’informations sur les produits visés dans le cahier des charges des marchés publics, en raison de son inclusion dans le nouvel article 7. Rassembler toutes les informations concernant les propriétés et les caractéristiques qui correspondent aux besoins de tous les acheteurs publics, pour toutes les utilisations, sera une tâche colossale et infinie.

1.11.

Le CESE estime qu’il est essentiel d’éviter que les efforts déployés par les entreprises de construction pour mettre en œuvre la circularité ne soient retardés, entravés, voire interrompus en raison du manque de clarté réglementaire dans le nouveau RPC. Il est donc nécessaire de prévoir un règlement plus clair pour empêcher l’arrêt des pratiques de circularité.

1.12.

Le CESE estime que la proposition de RPC révisé doit comporter des dispositions claires et proportionnées qui tiennent compte du fait que, pour les produits réutilisés ou refabriqués, soit des produits introduits il y a 20, 50 ou 150 ans, il n’existe pas d’informations, étant donné que, pour ces produits portant le marquage CE, les informations sur la performance ne sont disponibles qu’au niveau local.

1.13.

Le CESE est convaincu qu’il est important pour la compétitivité du secteur que la proposition de RPC révisé constitue un outil qui non seulement permette la mise sur le marché de produits innovants, mais aussi facilite leur utilisation. Pour ce faire, l’évaluation technique européenne doit également inclure des informations qui atténuent la réticence des utilisateurs à commencer à recourir à une innovation donnée.

1.14.

Le CESE souligne qu’il doit être clair que le terme «produit de construction» continue de correspondre uniquement à la définition de l’article 2, point 1), du RPC actuellement en vigueur et qu’il n’y a pas d’élargissement de celle-ci. En revanche, on ne sait pas très bien ce que recouvre le terme «service» dans la nouvelle proposition de RPC. Il convient de veiller à ce que les produits sur mesure restent exclus du champ d’application du RPC.

1.15.

Le CESE souscrit à l’évaluation positive de la proposition de la Commission par l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) en ce qui concerne les critères supplémentaires aux exigences fonctionnelles et de sécurité applicables aux produits de construction, en particulier les critères en matière d’environnement et de santé et de sécurité au travail, souvent liés à l’économie circulaire et à la durabilité. Tout cela donne encore davantage de preuves de l’incidence positive que produit une bonne gestion de la santé et de la sécurité au travail.

1.16.

Le CESE se déclare préoccupé de constater que, de manière générale, les réglementations nationales autorisent l’utilisation, sous le revêtement des routes, de déchets contaminés — comprenant, jusqu’à un certain pourcentage, de vieux goudrons, des polychlorobiphényles (PCB), du pentachlorophénol (PCP), de l’amiante, de la vieille laine minérale; l’autre solution est leur placement dans des décharges spécialisées. Les déchets de construction et de démolition représentent plus d’un tiers de l’ensemble des déchets produits dans l’Union (2). Dans certaines régions, différentes préoccupations entrent en conflit, par exemple la question de savoir si l’excavation issue de la construction de routes et d’autres infrastructures peut être utilisée ou non comme un vaste dépôt pour les déchets de construction.

1.17.

Le CESE se déclare préoccupé par le fait que la préparation en vue de la réutilisation, du remanufacturage et du recyclage exige une certaine conception, notamment en facilitant la séparation des composants et des matériaux au stade du recyclage et en évitant les matériaux mélangés ou complexes, ce qui exposera massivement les travailleurs à ces substances. L’EU-OSHA encourage les entreprises qui ont proposé des solutions innovantes à ces problèmes, comme par exemple de supprimer les solvants dangereux de l’analyse des matériaux récupérés dans le secteur de la construction et de la réparation routières. C’est pourquoi le CESE estime que ces aspects essentiels pour la sécurité et la santé au travail doivent être pris en compte dans le nouveau règlement. Le CESE estime qu’il faut garantir non seulement l’emploi et le progrès économique, mais aussi des améliorations socio-économiques et environnementales sur la base des principes de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et de la réglementation applicable.

1.18.

Le CESE estime que la proposition doit faire l’objet d’une révision significative si elle veut atteindre ses principaux objectifs.

2.   Observations générales

2.1.

Le rapport de 2016 de la Commission sur la mise en œuvre du RPC a relevé certaines lacunes dans son application. L’évaluation du RPC, les avis des membres de la plateforme REFIT ainsi que les avis des États membres et des parties intéressées ont clairement mis en évidence les lacunes du cadre, qui entravent le fonctionnement du marché unique des produits de construction et ne permettent dès lors pas de réaliser les objectifs du RPC.

2.2.

Le pacte vert pour l’Europe (3), le plan d’action pour une économie circulaire et la communication «Une vague de rénovations pour l’Europe» (4) ont souligné le rôle du RPC dans le cadre des efforts déployés en faveur de bâtiments et de rénovations économes en énergie et en ressources, ainsi que dans la prise en considération de la durabilité des produits de construction et de la transition vers une économie circulaire. Dans sa proposition de révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments (5), la Commission a souligné l’importance des émissions de gaz à effet de serre (GES) des bâtiments et des matériaux de construction tout au long de leur cycle de vie pour calculer le potentiel de réchauffement de la planète des nouveaux bâtiments à partir de 2030.

2.3.

Dans sa stratégie de l’Union pour les forêts et dans sa communication intitulée «Des cycles du carbone durables» (6), la Commission a annoncé, dans le cadre de la révision du règlement sur les produits de construction, qu’elle élaborerait une méthodologie standard, solide et transparente afin de quantifier les avantages pour le climat des produits de construction, y compris ceux associés au captage et à l’utilisation du carbone.

2.4.

Le Parlement européen et le Conseil ont appelé à des actions visant à promouvoir la circularité des produits de construction, à éliminer les obstacles sur le marché unique des produits de construction et à contribuer à la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe et du plan d’action pour une économie circulaire.

2.5.

La révision du RPC s’articule autour des deux grands objectifs suivants: 1) assurer le bon fonctionnement du marché unique des produits de construction et 2) contribuer à la réalisation des objectifs de la transition verte et numérique, notamment la création d’une économie moderne, économe en ressources et compétitive.

2.6.

Le RPC limite considérablement les possibilités pour le secteur de déclarer, de manière cohérente et harmonisée, les performances de ses produits et de différencier les produits en fonction de leurs performances en matière de climat, d’environnement et de durabilité. Il limite aussi considérablement les possibilités pour les États membres de définir des exigences nationales pour les bâtiments ou d’inclure dans les marchés publics des critères relatifs aux objectifs de durabilité sans mettre en péril le fonctionnement du marché unique.

2.7.

La communication de mars 2020 intitulée «Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe» (7) présente un plan permettant à l’industrie de l’Union de mener la double transition écologique et numérique. Dans sa communication «Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020», la Commission a identifié la construction comme l’un des écosystèmes prioritaires qui sont confrontés aux défis les plus importants pour atteindre les objectifs en matière de climat et de durabilité et s’ouvrir à la transformation numérique, et dont la compétitivité dépend de ces objectifs.

2.8.

La proposition de règlement abrogeant le RPC actuel vise à combler les lacunes du RPC et à réaliser les objectifs du pacte vert pour l’Europe et du plan d’action pour une économie circulaire en ce qui concerne les produits de construction. Il est impératif d’améliorer le fonctionnement de base du cadre du RPC, en particulier le processus de normalisation, pour réaliser les objectifs stratégiques. Toutefois, elle ne tient pas compte des aspects nécessaires de la sécurité et de la santé au travail ni d’autres recommandations de l’EU-OSHA.

2.9.

Le CESE estime que l’éducation, la formation, la reconversion et la formation tout au long de la vie, ainsi que la certification, revêtent une importance capitale, et qu’il importe pour l’avenir du secteur qu’elles ressortissent au dialogue social. Le CESE note également que l’acquisition des compétences nécessaires nécessite du temps et des financements.

3.   Observations particulières

3.1.

La normalisation joue un rôle crucial pour le secteur européen de la construction. Elle constitue le principal pilier du marché intérieur, facilite la libre circulation des produits de construction dans l’Union et dynamise les activités de construction. Ce rôle important est reconnu dans la législation européenne, en particulier le règlement sur les produits de construction et le règlement européen sur la normalisation (8).

3.2.

L’objectif de l’activité de normalisation en matière de durabilité des ouvrages de construction devrait inclure l’évaluation, sur un pied d’égalité, des aspects environnementaux, économiques et sociaux de la durabilité des produits, des bâtiments et des services, ainsi que la communication de ces informations au consommateur (de préférence par voie d’étiquetage).

3.3.

En l’absence de normes actualisées, le marché intérieur des produits de construction ne pourrait être ni réalisé ni maintenu. Or, ces dernières années, l’intégration des normes dans le système réglementaire a souvent échoué, ce qui a entraîné des pertes d’efficacité dans le secteur de la construction ainsi que des effets négatifs sur le marché intérieur, y compris une augmentation des coûts directs ou indirects pour les entreprises, notamment les PME.

3.4.

La Commission a la capacité de fixer les normes pour l’élaboration de normes harmonisées, en utilisant des applications de normalisation. Toutefois, elle a fait montre de passivité en s’abstenant de recourir à cette approche: en conséquence, le CEN a été contraint de poursuivre son activité dans le cadre de mandats obsolètes, ce qui a dissuadé les experts de travailler à l’élaboration de normes, celles-ci étant souvent bloquées pour des raisons indépendantes de leur volonté.

3.5.

La Commission relève un certain nombre de problèmes dans la procédure de normalisation actuelle telle que menée par l’intermédiaire du CEN — et qui est certainement perfectible —, lesquels l’ont conduite à bloquer de nombreuses normes. Le CESE estime que la solution proposée par la Commission, à savoir le recours à toujours davantage d’«actes délégués», ne peut être satisfaisante car elle écarte des procédures de normalisation les employeurs, les travailleurs et les parties prenantes sociétales intervenant dans la normalisation. Par ailleurs, de nombreuses normes sont bloquées par la Commission: il faut donc trouver une solution à court terme quant à la manière de les débloquer. Le CESE se demande sérieusement si cette forme d’extension des actes délégués n’entraîne pas, en fin de compte, un chevauchement de compétences avec les États membres. Nous estimons que cette solution ne devrait s’appliquer que dans des cas exceptionnels, où sa mise en œuvre est dûment justifiée, et qu’il convient d’établir un ensemble clair de conditions favorisantes.

3.6.

La proposition de nouveau règlement avancée par la Commission fait référence à l’influence qu’exercent la gestion de la chaîne d’approvisionnement et les pratiques des marchés publics en matière d’environnement, de sécurité et de santé au travail pour ce qui est de stimuler l’utilisation et la commercialisation de produits et de matériaux de qualité. L’EU-OSHA fait le même constat et avance ces deux éléments comme étant un facteur d’influence important qui peut conduire à une utilisation accrue de produits respectueux de l’environnement et plus sûrs pour les travailleurs.

3.7.

Le nouveau projet de l’EU-OSHA intitulé Leveraging Instruments for Health and Safety at work («Mobiliser des instruments pour améliorer la santé et la sécurité au travail» —, en abrégé Lift-STT) donne encore davantage de preuves de l’incidence positive que produit une bonne gestion de la santé et de la sécurité au travail.

3.8.

Le CESE se déclare préoccupé par le fait que la préparation en vue de la réutilisation, du remanufacturage et du recyclage exige une certaine conception, notamment en facilitant la séparation des composants et des matériaux au stade du recyclage et en évitant les matériaux mélangés ou complexes, ce qui exposera massivement les travailleurs à ces substances. L’EU-OSHA encourage les entreprises qui ont proposé des solutions innovantes à ces problèmes, comme par exemple de supprimer les solvants dangereux de l’analyse des matériaux récupérés dans le secteur de la construction et de la réparation routières. C’est pourquoi le CESE estime que ces aspects essentiels pour la sécurité et la santé au travail doivent être pris en compte dans le nouveau règlement. Le CESE estime qu’il faut garantir non seulement l’emploi et le progrès économique, mais aussi des améliorations socio-économiques et environnementales sur la base des principes de la RSE et de la réglementation applicable.

3.9.

La proposition de RPC indique que, dans le but de garantir la sécurité et la protection de l’environnement et de combler une éventuelle lacune réglementaire, les «produits de construction fabriqués sur le chantier en vue de leur intégration immédiate dans des ouvrages de construction» seraient soumis aux mêmes règles que les autres produits de construction mis sur le marché par les fabricants. Le Comité estime qu’il n’existe aucune lacune réglementaire de ce genre lorsque ces produits ne sont pas mis sur le marché. Les entrepreneurs qui fabriquent sur place des «produits» destinés à être incorporés immédiatement dans les ouvrages (par exemple, un linteau en béton, des éléments en mousse de polyuréthane pulvérisée, des huisseries de fenêtres et de portes, etc.) sont soumis aux exigences réglementaires applicables aux ouvrages — ou à des parties de ceux-ci —, qui sont principalement, voire toujours, fondées sur les mêmes exigences techniques que les fabricants, à savoir l’exploitation d’un système de contrôle de la production en usine, l’établissement de la documentation technique, l’évaluation des «produits», la déclaration des performances et de la conformité et l’apposition du marquage «CE». Cette disposition inutile serait particulièrement préjudiciable aux PME.

3.10.

L’article 7 de la proposition de RPC révisé élargit le champ d’application à toutes les exigences relatives aux produits visées dans le cahier des charges des marchés publics. Toutefois, il ne précise pas le mécanisme de collecte de ces informations, qui peuvent concerner un ensemble large et diversifié de travaux de construction, par exemple ceux concernant des chenils pour chiens de police, des bâtiments administratifs des pouvoirs publics, des autoroutes ou des installations nucléaires, entre autres. Le CESE s’interroge quant à la possibilité de réaliser la collecte de toutes les informations concernant les propriétés et les caractéristiques, ou quant à la manière de définir des méthodes d’évaluation appropriées qui correspondent aux besoins de tous les acheteurs publics, pour toutes les utilisations. De plus, en fonction de l’utilisation prévue, le degré de fiabilité recherché par les acheteurs publics sera également très différent (par exemple, dans le cas de membranes d’étanchéité, la fiabilité attendue en termes de performance sera différente suivant qu’elles sont destinées à être utilisées pour la toiture d’un chenil ou celle d’un musée des beaux-arts) et pourrait ne pas être en phase avec les systèmes d’évaluation et de vérification spécifiés dans la proposition de RPC. Le CESE se demande si cette approche est bien réaliste.

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) no 305/2011 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant la directive 89/106/CEE du Conseil (JO L 88 du 4.4.2011, p. 5).

(2)  https://ec.europa.eu/environment/topics/waste-and-recycling/construction-and-demolition-waste_en

(3)  COM(2019) 640 final.

(4)  COM(2020) 662 final.

(5)  COM(2021) 802 final.

(6)  COM(2021) 800 final.

(7)  COM(2020) 102 final.

(8)  Règlement (UE) no 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne, modifiant les directives 89/686/CEE et 93/15/CEE du Conseil ainsi que les directives 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 98/34/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/23/CE et 2009/105/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la décision 87/95/CEE du Conseil et la décision no 1673/2006/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 316 du 14.11.2012, p. 12).


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/164


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Passage à un réseau d’information sur la durabilité des exploitations agricoles (RIDEA)»

[COM(2022) 296 final — 2022/0192 (COD)]

(2023/C 75/24)

Rapporteur:

Florian MARIN

Consultation

Parlement européen, 4.7.2022

Conseil, 11.7.2022

Décision de l’assemblée plénière

17.5.2022

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

5.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

188/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Exprimant son soutien à l’initiative à l’examen, le CESE se félicite que dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table», il soit prévu de convertir le réseau d’information comptable agricole (RICA) en un «réseau d’information sur la durabilité des exploitations agricoles» (RIDEA), qui aura pour mission de collecter des données sur la durabilité, d’améliorer les services de conseil aux agriculteurs et de leur fournir un retour d’information.

1.2.

Le CESE estime que le RIDEA constitue un instrument important pour mener des politiques fondées sur des données probantes et émet les recommandations suivantes:

il convient de considérer les données portant sur le changement climatique, la qualité des sols, la séquestration du carbone, l’utilisation des pesticides, la qualité de l’eau, celle de l’air, l’énergie et la biodiversité comme des données d’ordre environnemental qui devront être collectées par les agriculteurs ou par l’intermédiaire d’autres outils présentant une interopérabilité avec le RIDEA. Il y a lieu de ventiler les éléments collectés par mode de production, comme l’agriculture de type biologique ou autre. Si l’on veut qu’elles soient utilisées comme outil pour les politiques, les variables relatives à la durabilité doivent faire l’objet d’une évaluation approfondie de leur validité, de leur qualité et de leur comparabilité afin d’être incluses dans le réseau,

les informations concernant les conditions de travail, les types de contrat, les questions ressortissant à la santé et à la sécurité, qu’il s’agisse de l’existence d’un plan en la matière au niveau de l’exploitation ou du nombre d’accidents, y compris pour les travailleurs indépendants, les compétences et les salaires, les liens de conditionnalité sociale en rapport avec la politique agricole commune, ainsi que le nombre d’indépendants et de personnes travaillant à titre temporaire ou saisonnier, devraient être traitées comme des données d’ordre social dont il conviendrait que les agriculteurs ou d’autres instruments interopérables avec le RIDEA assurent la collecte. Une attention particulière doit être accordée aux femmes et aux jeunes,

il importerait que les données environnementales et sociales bénéficient du même niveau d’importance que celles d’ordre économique. Dans la mesure où durant ces dernières décennies, le RICA a principalement évalué la situation économique des agriculteurs, il doit conserver à cette dimension une place centrale, aux côtés des enjeux relatifs à l’environnement et aux aspects sociaux,

il y a lieu d’assurer, en particulier pour les données d’ordre social et environnemental, une approche croisée avec le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) et les informations provenant de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC), ainsi que d’Eurostat,

tous les agriculteurs qui le souhaitent et en ont la capacité devraient pouvoir contribuer au RIDEA, sur la base d’une méthodologie spécifique et moyennant prise en compte de la question de la représentativité et des contraintes budgétaires; il convient qu’aucune sanction ne soit prévue à leur encontre s’ils font partie de l’échantillon retenu pour le réseau mais ne veulent pas y apporter une contribution. La fourniture de données par les agriculteurs doit continuer à s’effectuer sur une base volontaire. Toutefois, les États membres devraient définir des mesures d’incitation et moyens adéquats pour les encourager à participer au RIDEA,

la réduction des lourdeurs administratives devrait être une préoccupation constante, de même qu’il conviendrait également de recourir à des technologies modernes en matière de données, comme l’intelligence artificielle, l’internet des objets, la validation automatique ou les dispositifs qui collectent ces éléments à distance,

le RIDEA devrait contribuer à une meilleure compréhension de l’ensemble de l’écosystème des exploitations et, à cette fin, il s’impose de veiller à ce qu’il soit interopérable avec différentes bases de données; il convient également de veiller à ce que les ensembles de données distincts couvrant d’autres segments de la chaîne d’approvisionnement fassent l’objet d’une analyse d’ensemble,

les fermes pratiquant l’agriculture de subsistance ou de semi-subsistance devraient également être reprises dans l’échantillon constitué aux fins du RIDEA,

le RIDEA doit prendre en compte la diversité que les données présentent d’un État membre à l’autre du point de vue de leurs caractéristiques, de leurs sources, de leurs formats, de leurs dimensions et de leurs niveaux de granularité,

il y a lieu d’assurer des échanges constants de bonnes pratiques agricoles entre États membres comme entre agriculteurs, et des instruments spéciaux devraient être mis au point à cette fin,

il conviendrait d’en faire davantage pour renforcer les capacités à collecter, partager, gérer et utiliser des données afin d’améliorer l’efficacité et les processus décisionnels au niveau de l’exploitation, en particulier dans le cas des petites fermes,

le RIDEA devrait contribuer à améliorer la gestion des exploitations et il y aurait lieu de fournir des prestations de conseil taillées à leur mesure, y compris en faisant clairement le lien avec les données concernant les variables exogènes qui influent sur le processus de production agricole, comme les prévisions météorologiques,

il serait opportun d’établir des critères spécifiques concernant la durabilité des processus requis par le RIDEA et les conditions de travail de ses collecteurs de données.

1.3.

Le CESE estime qu’il s’impose de garantir en tout état de cause la protection des données, les questions relatives à leur propriété, le respect de la vie privée et la confidentialité, en assurant une anonymisation complète, et de veiller à ce que les agriculteurs gardent en permanence le contrôle sur les informations fournies. En outre, il convient de protéger les intérêts des agriculteurs, dont le consentement doit être sollicité chaque fois qu’il est envisagé de partager leurs données, quelles que soient la destination ou l’utilisation qui sont visées.

1.4.

Le CESE recommande de prévoir des mesures qui incitent les agriculteurs à contribuer au réseau et leur offrent, lorsqu’ils partagent leurs données, des avantages bien visibles et directs qui aillent au-delà des services de conseil, prenant par exemple la forme de prestations financières ou de la possibilité d’avoir accès à des appels à propositions spécifiques financés par des fonds de l’Union européenne.

1.5.

Les données collectées pour le RIDEA ne doivent en aucun cas être utilisées pour contrôler et sanctionner les agriculteurs. Si ce principe est mis en cause, ils doivent avoir la possibilité de s’abstenir de les fournir, mais l’utilisation du RIDEA comme outil d’élaboration des politiques s’en trouvera alors largement compromise.

1.6.

Étant donné que la démarche générale régissant le RIDEA consiste à recourir aux technologies numériques, le CESE recommande de déployer davantage d’efforts pour bâtir un espace commun des données du domaine agricole, en encourageant la copropriété des données et les coopératives de données. Le CESE est d’avis que le secteur agroalimentaire pâtit de l’absence d’une méthodologie partagée garantissant que les données puissent être comparées et se prêtent à une utilisation commune.

1.7.

Le CESE suggère de mettre en place un programme intégré spécifiquement consacré à la numérisation du secteur agroalimentaire, étant donné que certains agriculteurs sont déjà tenus de collecter des données environnementales pour vendre leurs produits et que, par ailleurs, les machines ou capteurs autonomes et intelligents constituent des sources qui génèrent des informations. Il y a lieu de prêter attention à l’inclusion numérique et à la familiarité avec le numérique, tout en facilitant l’accès aux outils technologiques concernant les données, pour les matériels comme pour les logiciels.

1.8.

Le CESE recommande de redoubler d’efforts pour réduire les «zones blanches» et fournir des connexions téléphoniques et le haut débit dans les régions rurales.

1.9.

Enfin, le CESE préconise que la Commission et les États membres garantissent les fonds nécessaires à la mise en œuvre du RIDEA et que les données collectées prennent en considération la question de l’instabilité des prix et des différentes crises affectant la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire.

2.   Introduction

2.1.

Dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table» (1), la Commission européenne a prévu de transformer le réseau d’information comptable agricole (RICA) en un «réseau d’information sur la durabilité des exploitations agricoles» (RIDEA), le but étant de collecter des données sur la durabilité, d’améliorer les services de conseil aux agriculteurs et de leur fournir un retour d’information. La collecte de ces éléments s’effectuera au niveau des exploitations, suivant des critères et une périodicité spécifiques, qui seront applicables dans tous les États membres. Le RICA sera adapté, de manière à garantir que cette récolte d’informations s’effectue efficacement en concomitance avec le RIDEA.

2.2.

Pour la sélection des exploitations comptables, chaque État membre établira un plan spécifique qui garantira que l’échantillon constitué soit représentatif. Les exploitations agricoles seront classées de manière uniforme et les collecteurs de données, par exemple les offices comptables, seront associés au processus, qui sera coordonné par un bureau de liaison au niveau de chaque État membre.

2.3.

Les données fournies par les fermes serviront à cerner leurs caractéristiques, à évaluer les revenus qu’elles génèrent et leur durabilité économique, environnementale et sociale et à vérifier, par des contrôles sur place, la véracité des informations fournies.

3.   Mode de fonctionnement du RIDEA

3.1.

Le CESE est favorable à la conversion du RICA en RIDEA et estime qu’étant donné que certains États membres procèdent déjà à la collecte d’éléments d’ordre social et environnemental, il convient de ne pas collecter les mêmes données à de multiples reprises, et qu’il y a lieu d’assurer, en particulier pour lesdits éléments socio-environnementaux, une approche croisée avec le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) et les informations provenant de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC), ainsi que d’Eurostat.

3.2.

Le partage des données entre le RIDEA et les différents intervenants, comme les administrations, les autorités statistiques et les organismes privés, doit s’effectuer d’une manière contrôlée et bien adaptée. La promotion des technologies numériques que l’Union a déjà développées et financées, comme FAIRshare (2) ou les projets relevant du programme Horizon, peut contribuer à améliorer la gestion des exploitations et l’utilisation des technologies numériques à leur niveau.

3.3.

Le décalage chronologique entre la collecte des données et leur traitement ne devrait pas avoir de conséquences sur la qualité du RIDEA et les services de conseil fournis aux agriculteurs. Il conviendrait que si leurs données sont utilisées à des fins supplémentaires en rapport avec le RIDEA, comme la recherche, l’innovation ou la formation, entre autres exemples, ceux-ci en soient avertis et aient à y accorder leur consentement.

3.4.

La protection des données, les règles du règlement général sur la protection des données (3) (RGPD) en la matière, les données émanant des capteurs, la confiance à l’égard de l’utilisation des données, les procédures de freins et de contrepoids, la propriété des données, le respect de la vie privée, les droits de production et la transparence doivent faire partie intégrante des intérêts des agriculteurs, et il convient qu’ils bénéficient des informations qui auront été ainsi collectées. La réduction des formalités administratives devrait avoir rang de priorité permanente. Il est nécessaire de disposer, au niveau de l’Union, d’une méthodologie claire qui soutienne les exploitants agricoles à cet égard. Il conviendrait d’envisager que les associations d’agriculteurs soient associées à la démarche.

3.5.

Le CESE estime qu’il s’impose de veiller à ce que le système soit appliqué de manière durable et de prêter attention aux conditions de travail des personnels qui mettent le RIDEA en œuvre, en ce qui concerne la collecte, la gestion, le stockage et le traitement des données. Il renvoie à son avis sur la numérisation et la durabilité (4), dans lequel il demande qu’une efficacité énergétique optimale soit de mise pour les centres de données et que le fonctionnement de ceux qui sont nouvellement créés soit assuré à 100 % par des énergies renouvelables. Sur ce point, il conviendrait que des critères concernant spécifiquement la durabilité des processus requis par le RIDEA et les conditions de travail de ses collecteurs de données soient établis par la Commission et pris en considération dans tous les États membres.

3.6.

Plutôt que de constituer un instrument à l’usage exclusif des pouvoirs publics aux fins de l’élaboration de leurs politiques, le RIDEA devrait également prendre en compte les besoins des partenaires sociaux, des instituts de recherche, des universités, des agriculteurs et des organisations non gouvernementales. Il pourrait contribuer à ce que les exploitants agricoles soient mieux intégrés dans le système financier, en ce qui concerne le crédit, par exemple. Il serait opportun que le RIDEA fournisse à intervalles régulier un panorama de l’activité agricole au niveau européen, national et régional, ainsi que des différentes formes qu’elle peut prendre.

3.7.

Il conviendrait de donner à tout agriculteur de l’Union européenne qui le souhaite la possibilité de contribuer au RIDEA, tout en tenant compte des impératifs de représentativité, des contraintes budgétaires et des objectifs du dispositif. Il serait bienvenu que les exploitations qui ne font pas partie de l’échantillon choisi aient la faculté d’apporter volontairement une contribution au réseau, sur la base de critères et de méthodologies spécifiques et adaptés. Les exploitants devraient ne pas être obligés de fournir leurs données au RIDEA, ni encourir de sanction s’ils s’y refusent. Il serait judicieux que les fermes pratiquant l’agriculture de subsistance ou de semi-subsistance entrent également en ligne de compte. Il y a lieu de ventiler les données collectées par mode de production, comme l’agriculture de type biologique ou autre.

3.8.

Pour que le RIDEA gagne en efficacité, il serait indiqué de prendre en considération des méthodes modernes et novatrices de collecte et de traitement des données, fondées sur l’intelligence artificielle, l’internet des objets, la validation automatique, les logiciels de reconnaissance optique de caractères ou les dispositifs qui collectent ces éléments à distance, ainsi que de tenir compte des informations géospatiales dégagées par le programme spatial européen. Il conviendrait d’établir une articulation claire entre le RIDEA, la politique agricole commune et le nuage européen pour la science ouverte.

3.9.

Le RIDEA devrait tenir compte des disparités entre les législations des États membres, en particulier pour ce qui concerne les aspects environnementaux et sociaux, et présenter la souplesse voulue pour l’intégration de nouveaux indicateurs. Pour que le RIDEA assume sa mission avec succès, il est nécessaire que les bureaux de liaison, les offices des États membres et la direction générale de l’agriculture de la Commission mènent une coopération efficace. Les données environnementales et sociales devraient bénéficier du même niveau d’importance que celles d’ordre économique, et il convient que cette égalité s’applique aux petits exploitants comme aux grands, ainsi qu’à chaque région. L’ouverture d’esprit concernant le RIDEA et la propension à y contribuer varient d’un État membre à l’autre, et il conviendrait de tenir compte du degré de sensibilité et de la valeur particulière que présentent certains éléments recueillis.

3.10.

Le CESE recommande de faire clairement le départ entre les données à collecter sur une base annuelle et celles qui doivent l’être périodiquement. La diversité que ces informations présentent du point de vue de leurs caractéristiques, de leurs sources, de leurs formats, de leurs dimensions et de leurs niveaux de granularité représente un défi pour le RIDEA, dès lors qu’un même élément ne devrait pas être collecté à plusieurs reprises. Étant donné que de fortes disparités existent entre les États membres pour ce qui est des structures de coûts que présente la collecte des données, il s’impose de ménager davantage de souplesse.

3.11.

Dans la collecte des données, il convient de tenir compte des différentes crises et de la fluctuabilité des prix, qui devient un paramètre permanent dans les chaînes agroalimentaires. La guerre en Ukraine contribue à alimenter cette instabilité, tandis que la spéculation sur les denrées alimentaires met les chaînes d’approvisionnement à rude épreuve. Les ressources financières allouées au RIDEA devraient être garanties par la Commission et les États membres.

3.12.

Le CESE formule la suggestion de mettre en place un organe consultatif européen, dont la société civile serait partie prenante et les membres auraient été choisis sur la base de critères transparents et qui aurait pour mission de surveiller la collecte des données et de trancher en ce qui concerne leur utilisation et les modifications stratégiques dans les exigences les concernant, en prenant en compte les enjeux de société et la dynamique de la demande relative à ces informations.

3.13.

Le CESE préconise en outre que le RIDEA reprenne des données sur les pratiques agricoles, portant plus précisément sur la gestion des terres, la protection des végétaux et les apports nutritifs qu’elles reçoivent, ainsi que la santé et le bien-être des animaux. Le RIDEA devrait se charger de collecter et diffuser les meilleures pratiques agricoles, en particulier dans le domaine environnemental et social, qu’il s’agisse de formation, d’outils concernant des modèles, de bonnes pratiques ou d’échanges entre conseillers, pour ne citer que ces exemples.

3.14.

Il convient de considérer les données portant sur le changement climatique, la qualité des sols, la séquestration du carbone, l’utilisation des pesticides, la qualité de l’eau, celle de l’air, l’énergie et la biodiversité comme des données d’ordre environnemental qui devront être collectées par les agriculteurs ou par l’intermédiaire d’autres outils présentant une interopérabilité avec le RIDEA.

3.15.

Les conditions de travail, les types de contrat, les questions ressortissant à la santé et à la sécurité, qu’il s’agisse de l’existence d’un plan en la matière au niveau de l’exploitation ou du nombre d’accidents, y compris pour les travailleurs indépendants, les liens de conditionnalité sociale en rapport avec la politique agricole commune, le nombre d’indépendants et celui des personnes travaillant à titre temporaire ou saisonnier, ainsi que les compétences et les salaires devraient être considérés comme des données d’ordre social dont il conviendrait que les agriculteurs ou d’autres instruments interopérables avec le RIDEA assurent la collecte. Il s’impose également de veiller constamment à ce que les données récoltées soient utilisées afin d’aider à suivre les progrès accomplis pour la réalisation des objectifs de développement durable.

3.16.

Le CESE recommande d’accorder une attention particulière aux femmes et aux jeunes, en ce qu’ils sont au cœur même du développement rural de demain. Un accès facilité aux possibilités offertes, des contrats de travail stables, des services publics adaptés et une bonne qualité de vie sont autant d’aspects que le RIDEA est susceptible d’encourager de manière indirecte. En outre, dans la mesure où l’organisation des exploitations devient plus complexe et que certaines d’entre elles assurent également une production à l’extérieur des frontières de l’Union européenne, il conviendrait d’accorder une attention spécifique aux données de celles qui fonctionnent à une échelle internationale.

3.17.

Pour ce qui est de la mise en œuvre de la législation relative au RIDEA, le CESE se déclare préoccupé par la proposition de conférer à la Commission le pouvoir d’adopter un nombre important d’actes délégués, concernant, par exemple, la gestion des données, l’identifiant d’exploitation agricole, l’utilisation des données, ou encore l’accès aux données primaires et leur transmission, et il considère que ce pouvoir devrait se limiter à un périmètre minimum, et s’exercer de préférence au moyen d’actes d’exécution.

4.   Contribution du RIDEA à l’amélioration des performances environnementales, économiques et sociales des exploitations agricoles, ainsi qu’à la transparence et l’équité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire

4.1.

Le RIDEA pourrait s’avérer être un instrument qui concourt à une meilleure gestion des exploitations agricoles, grâce au développement des outils d’aide à la décision qui visent, en collectant et analysant leurs données, à améliorer leurs performances, y compris par la promotion de l’agriculture de précision, et il conviendrait de fournir aux États membres des orientations sur cette voie. Pour les prestations de conseil assurées par le RIDEA, il serait profitable que les jeux de données soient mieux intégrés, de manière à fournir des recommandations solidement fondées qui couvrent la durabilité dans toutes ses facettes, économique, environnementale et sociale.

4.2.

Pour une part, les données collectées au niveau de chaque exploitation serviront à en augmenter le potentiel et les performances à caractère durable. Il importe que l’agriculteur ait le contrôle sur ses données et bénéficie d’une assistance et de conseils, de manière à pouvoir les utiliser pour travailler d’une manière plus ciblée, efficace et durable, favorisant ainsi des pratiques agricoles durables. Les données doivent être utilisées aux fins spécifiques pour lesquelles elles ont été collectées: il convient que les États membres prennent des engagements en bonne et due forme à cet égard, et la Commission devrait formuler des recommandations claires et proposer, sur la base de logiciels ouverts, des processus adaptés à l’écosystème des exploitations agricoles.

4.3.

Le CESE suggère qu’il y a lieu de développer un espace commun des données, fondé sur un label public de confiance en matière de données pour l’agroalimentaire dans l’Union européenne, afin de mettre en place une approche améliorée et plus efficace en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement. Des cibles concrètes devraient être définies dans chaque État membre. La copropriété des données, les coopératives de données destinées à l’agriculture et le développement de partenariats pour l’«élevage de données» nécessitent des ressources financières et une stratégie qui leur soient spécifiques.

4.4.

Le secteur agroalimentaire pâtit du manque de normes et d’une méthodologie partagée qui garantissent que les données puissent être comparées et se prêtent à une utilisation commune. Il conviendrait de poser des jalons concrets en ce sens, en associant les États membres à la démarche, car certains agriculteurs sont obligés de collecter des données pour vendre leurs produits à des détaillants.

4.5.

Le CESE préconise que le RIDEA s’attache à contribuer à une meilleure compréhension de l’ensemble de l’écosystème des exploitations et soit interopérable avec d’autres bases de données reprenant des informations sur la chaîne d’approvisionnement ou analyse des ensembles de données distincts, de manière à ce qu’il devienne possible de contrôler la répartition de la valeur ajoutée et de donner à tous les acteurs qui y sont présents la garantie d’être traités de manière équitable. Le RIDEA devrait fournir des indicateurs de performance clés qui soient en rapport avec les performances des exploitations mais aussi avec la situation propre à chaque région et à chaque produit.

4.6.

Il s’impose que le RIDEA contribue à assurer une gestion des exploitations agricoles qui soit intelligente, novatrice et durable, en améliorant leur administration et leur production et en faisant le lien avec les variables exogènes qui influent sur le rendement agricole, comme les conditions météorologiques. Il conviendrait que les agriculteurs et les coopératives soient davantage associés aux projets de recherche, et l’Union européenne pourrait consacrer des fonds spécifiques à la numérisation du secteur agroalimentaire. Eu égard à la nature particulière de cette branche d’activité, il y aurait lieu de lancer un appel à propositions particulier, auquel les États membres soient associés.

5.   Contribution du RIDEA à la numérisation de l’agriculture et du secteur agroalimentaire

5.1.

L’implantation des technologies de l’information constitue un processus lent: il n’est que de constater que l’agriculture reste l’un des domaines d’activité les moins numérisés et qu’il existe sur ce point de fortes disparités entre les pays, les régions ou les exploitations. L’inclusion numérique représente un énorme problème, sur lequel il convient de se concentrer, afin de réduire les inégalités. Un secteur agroalimentaire qui sera plus numérisé contribuera à conférer davantage de transparence à la chaîne d’approvisionnement et réduira autant que faire se peut les risques de spéculation sur les denrées alimentaires. Le CESE propose que la Commission, les États membres et la société civile, œuvrant en partenariat, mettent en place un programme intégré spécifiquement consacré à la numérisation du secteur agroalimentaire. La transition numérique ayant valeur de priorité, il conviendrait que des programmes spéciaux aient parmi leurs missions de faciliter l’accès aux technologies dans les États membres, tant pour les matériels que pour les logiciels, et ce, en prêtant une attention particulière aux petits agriculteurs. Des crédits devraient prévus, à intervalles réguliers, pour couvrir le renouvellement des licences des logiciels utilisés aux fins de la collecte et du partage des données. S’il est possible d’utiliser les fonds de l’Union européenne pour ce faire, une participation des États membres à la démarche constitue un facteur important.

5.2.

Des dispositifs ou capteurs autonomes et intelligents génèrent des informations qui peuvent aider au processus de prise de décision au niveau des exploitations et conforter la gestion des données au niveau de la chaîne d’approvisionnement. Combinées avec les données géospatiales, l’interconnectivité et l’interopérabilité entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement devraient contribuer à donner aux petits agriculteurs la garantie de pouvoir se connecter aux marchés et à consolider les filières de l’offre.

5.3.

Pour mieux intégrer les agriculteurs dans les chaînes d’approvisionnement et accroître l’efficacité des exploitations, il importe de renforcer la capacité à collecter, partager, gérer et exploiter des données au niveau de chaque ferme. Les coûts afférents devraient être supportés par la politique agricole commune et il conviendrait que les plans stratégiques des États membres reprennent des mesures spécifiques à cet égard. La question du déficit de connaissances qui affecte les petits agriculteurs en matière de processus numériques doit être traitée avec soin, et il conviendrait que dans l’ensemble de la politique agricole commune et des domaines d’intervention connexes, les efforts se concentrent clairement, et de manière permanente, sur le développement des connaissances numériques.

5.4.

La collecte des données sociales et environnementales ne devrait pas être un processus qui se déroule isolément, ni une simple activité additionnelle, mais bien plutôt une démarche menée en continu au niveau de chaque exploitation, quelle que soit sa taille ou la catégorie à laquelle elle se rattache, et il convient que les États membres soutiennent cette activité continue.

5.5.

Le CESE relève avec inquiétude que dans le secteur agroalimentaire, la demande relative aux données et à la numérisation pourrait déboucher sur des discriminations en matière de prix et provoquer des opérations de spéculation sur le marché des produits de base. La concentration du marché des données entre les mains d’un petit nombre d’entreprises doit être gérée d’une manière qui préserve la souveraineté concernant ces informations. En outre, il convient que le partage des données entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement s’effectue sur un mode équitable, transparent et non discriminatoire, de telle façon que le RIDEA puisse contribuer à rendre cette chaîne plus juste et que les émissions indirectes s’en trouvent réduites.

5.6.

Il s’impose de s’attacher en permanence à créer un cadre en faveur d’une démocratie des données et d’un équilibre dans le pouvoir de négociation pour ce qui est des avantages qu’elles génèrent dans les secteurs agroalimentaires. Le CESE se félicite de la création d’un identifiant d’exploitation agricole et fait observer qu’il est nécessaire d’apporter, concernant les données dans le domaine de l’agriculture, des clarifications quant à leur confidentialité, à leur propriété, à leurs enjeux de responsabilité et à leur portabilité. En plus de garantir que les données du RIDEA soient aisément repérables, une problématique à laquelle il conviendrait de prêter attention est le partage équitable des avantages découlant de ces informations, sur une base de réciprocité, entre les acteurs qui les fournissent et ceux qui les agrègent.

5.7.

Afin de renforcer la confiance et de mieux faire saisir la contribution que les données apportent pour que les politiques publiques de demain soient pertinentes et efficaces, il est nécessaire de mener des campagnes de sensibilisation qui soulignent l’importance de ces informations pour les performances économiques, sociales et environnementales des exploitations et, en particulier, pour les petits agriculteurs. Les intervenants des chaînes d’approvisionnement agroalimentaires devraient avoir accès à des plateformes de données ouvertes, afin de garantir la comparabilité et la transparence dans ces filières de fourniture de produits. Le RIDEA pourrait inciter les agriculteurs à utiliser les plateformes numériques afin de s’intégrer plus facilement dans les chaînes d’approvisionnement et d’échanger de bonnes pratiques.

5.8.

En plus de prévoir des formations pour les collecteurs de données, il conviendrait de développer une offre permanente en matière de compétences numériques, en particulier pour les petites exploitations et les agriculteurs plus âgés. Dans le domaine de la cybersécurité, il y a lieu d’agir de manière continue pour former, diffuser les pratiques et mener des campagnes. Malgré les progrès relevés en matière de numérisation et dans le domaine des données, il est nécessaire de pouvoir disposer de systèmes plus conviviaux. Le CESE souligne qu’il y a lieu d’assurer la couverture en haut débit et la numérisation, qui constituent le préalable obligé à la mise en œuvre de l’agriculture de précision et à la robotique, ainsi que de soutenir les investissements dans les techniques durables. Un lien clair devrait être établi entre le RIDEA et le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, mais aussi le Fonds pour la connectivité à haut débit en Europe.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du CESE sur «Une stratégie alimentaire durable “De la ferme à la table”» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).

(2)  https://www.h2020fairshare.eu/

(3)  Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).

(4)  Avis exploratoire du CESE sur le thème «Numérisation et durabilité — état de la question et nécessité d’une action du point de vue de la société civile» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 187).


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/171


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Un plan d’action pour la création de corridors de solidarité UE-Ukraine en vue de faciliter les exportations agricoles et les échanges bilatéraux de l’Ukraine avec l’UE»

[COM(2022) 217 final]

(2023/C 75/25)

Rapporteur:

Marcin NOWACKI

Consultation

Commission européenne, 28.6.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

4.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

156/12/17

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE souligne que l’agression militaire que la Fédération de Russie mène contre l’Ukraine sans que ce dernier pays l’ait provoquée a entraîné la destruction d’une partie importante des infrastructures de ce pays et le blocus de ses ports de mer et voies maritimes, conduisant ainsi à l’effondrement de son commerce extérieur. En conséquence, il s’impose de lui chercher des itinéraires de substitution pour assurer ses échanges commerciaux grâce à des connexions de transport routier et ferroviaire avec l’Union européenne.

1.2.

Le CESE appelle les États membres, la Commission et le Conseil à lancer des actions pour améliorer les procédures de dédouanement aux points de passage frontaliers, en augmentant le nombre d’agents y affectés et en accroissant la coopération entre les fonctionnaires des pays de l’Union et ceux de l’Ukraine. Ces initiatives devraient s’inscrire dans le sillage de tendances déjà à l’œuvre dans certains États de l’Union. La Pologne, par exemple, a ouvert des voies spécifiquement consacrées au trafic de marchandises aux postes-frontières de Korczowa-Krakovets et Dorohusk-Iahodyn. Il convient d’indiquer aussi que les États membres de l’Union et l’Ukraine se doivent de coopérer afin de rationaliser les opérations de dédouanement, notamment en les faisant effectuer de manière simultanée par tous les services compétents, dans le respect de toutes les procédures en vigueur sur le versant tant ukrainien qu’européen.

1.3.

Il importe de noter que parmi les principales mesures prises le plus récemment pour accroître les échanges commerciaux par la voie terrestre figure la signature entre l’Union européenne, l’Ukraine et la Moldavie de deux accords qui sont destinés à libéraliser le transport terrestre des marchandises ukrainiennes vers l’Union en passant par le territoire moldave. Ces accords sur le transport routier favoriseront ce dessein en facilitant le transport de marchandises par la route entre les États concernées, en autorisant leurs transporteurs à transiter par leurs territoires et à y exercer leurs activités sans qu’il leur soit nécessaire d’obtenir des permis pour ce faire. L’accord entre l’Union européenne et l’Ukraine prévoit également la reconnaissance des permis de conduire et des certificats de compétence professionnelle ukrainiens (1).

1.4.

Le CESE relève qu’il s’impose d’investir d’urgence dans des infrastructures afin d’agrandir les points de passage frontaliers et de permettre les échanges commerciaux par voie ferrée. Ces investissements ne pourront être réalisés qu’avec l’appui des fonds européens. Pour accroître les volumes transportés, il est nécessaire de soutenir le déroulement des investissements, d’octroyer des garanties de paiement et de fournir des assurances aux entrepreneurs actifs dans le transport de marchandises entre l’Union européenne et l’Ukraine.

1.5.

Le CESE fait valoir que la coopération étroite qu’il y a lieu de mener avec le partenaire ukrainien doit s’attacher non seulement à mettre en œuvre ce processus d’investissement et à rationaliser les procédures concernant le transport de marchandises mais viser aussi à habiliter les travailleurs ukrainiens à exercer une activité sur le territoire de l’Union européenne. Cette nécessité s’impose aussi bien aux partenaires gouvernementaux qu’aux partenaires sociaux.

1.6.

Le CESE estime que dans sa communication, la Commission européenne a cerné avec à-propos les obstacles les plus saillants qui se présentent dans le domaine des échanges commerciaux entre l’Union et l’Ukraine, ainsi que leurs causes. Dû à une agression totalement injustifiée menée par la Russie, le conflit armé qui se déroule actuellement sur le territoire de l’Ukraine a abouti à en détruire largement les infrastructures et à en bloquer les ports maritimes des rivages de la mer Noire, la coupant ainsi du principal itinéraire de ses échanges commerciaux internationaux.

2.   Contexte

2.1.

Le présent avis fait suite à la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions (2), en date du 12 mai 2022, relative à «un plan d’action pour la création de corridors de solidarité UE-Ukraine en vue de faciliter les exportations agricoles et les échanges bilatéraux de l’Ukraine avec l’UE».

2.2.

Les denrées alimentaires, dont, au premier chef, les céréales, constituent l’un des biens essentiels que l’Ukraine produit et exporte vers l’Union européenne et de nombreux États d’Afrique et d’Asie. Par ailleurs, l’Ukraine compte parmi les principaux producteurs de denrées alimentaires. Le blocus que subit son commerce extérieur provoque une diminution significative de l’offre de nombreux produits alimentaires dans l’Union européenne et le reste du monde. En ce qui concerne le blé, l’Ukraine et la Russie comptent à elles deux pour 10 % de la production mondiale et pour 30 % des échanges commerciaux internationaux.

2.3.

Le CESE se réjouit de constater que la Commission européenne émet la proposition de créer ces itinéraires logistiques de substitution optimalisés que sont les nouveaux «corridors de solidarité UE-Ukraine», lesquels donneront la possibilité d’effectuer des échanges commerciaux de produits agricoles en provenance d’Ukraine et un commerce transfrontière dans l’une et l’autre direction. Par ailleurs, ils offriront à l’Ukraine la garantie de pouvoir accéder aux circuits commerciaux européens par l’intermédiaire de ports maritimes, de sorte que notre voisin oriental sera en mesure de prendre part au négoce mondial. Toutefois, il est généralement admis que les exportations par la voie terrestre ne permettront de compenser qu’entre un tiers et la moitié de celles auxquelles l’Ukraine procédait habituellement par la mer Noire. Par ailleurs, le transport par voie terrestre vers l’Europe est bien plus onéreux que l’exportation sur bateau par la mer Noire. De surcroît, les exportations ukrainiennes se heurtent à des restrictions au sein du marché intérieur de l’Union européenne. Cette situation prive les agriculteurs de débouchés sans réussir à aider à fournir les denrées alimentaires dont de nombreux pays d’Afrique et d’Asie ont un besoin urgent.

2.4.

L’ouverture d’un rail sécurisé en mer Noire pour l’écoulement des céréales peut sembler être une bonne nouvelle pour les pays importateurs de denrées alimentaires et les agriculteurs ukrainiens. Toutefois, elle doit encore être mise à l’épreuve des faits, compte tenu du peu de confiance placée en la Russie. En outre, nous traversons aujourd’hui une phase où les prix des carburants et des engrais sont élevés. Une bonne part des terres agricoles de l’Ukraine se trouve sous le contrôle de la Russie ou sous la menace d’attaques russes. Si l’on part de l’hypothèse qu’en raison des charges élevées et d’une sécurité précaire, les agriculteurs ne pourront plus exercer leur activité, ils sont susceptibles d’y renoncer complètement et accentueraient ainsi les contraintes sur la sécurité alimentaire internationale, tout en privant des travailleurs de leur emploi. Il s’impose d’urgence de trouver des solutions car le temps presse.

2.5.

Le CESE considère que la Commission a détecté correctement les «goulets d’étranglement», c’est-à-dire les points qui obèrent de la manière la plus problématique les échanges commerciaux entre l’Union et l’Ukraine, et qu’elle préconise plusieurs mesures destinées à résoudre les problèmes ainsi recensés.

2.6.

Les questions d’infrastructures constituent le principal obstacle à surmonter pour pouvoir développer les relations commerciales entre l’Union et l’Ukraine. Aussi est-il indispensable de réaliser d’urgence les investissements qui donneront la possibilité de fluidifier le trafic aux points de passage des frontières et permettront un recours au transport ferroviaire entre l’Ukraine et les États membres de l’Union. Il est nécessaire de nouer une coopération, ou de la renforcer quand elle existe, entre, d’une part, les institutions et les États membres de l’Union et, d’autre part, l’Ukraine, ainsi que la Moldavie, laquelle peut prendre une part active dans le transport de marchandises.

3.   Observations générales

3.1.

Il est difficile d’estimer l’ampleur des dommages causés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, d’autant plus que nul ne sait combien de temps durera cette guerre. Il convient néanmoins de réfléchir dès à présent à planifier sa reconstruction, le développement de son économie et son intégration au sein de l’écosystème économique de l’Union européenne. La conférence qui s’est tenue à Lugano les 4 et 5 juillet 2022 a marqué un jalon important pour reconstruire le pays. Ce dessein est d’autant plus important que le 23 juin 2022, les dirigeants des États membres de l’Union ont décidé de lui accorder le statut de pays candidat à l’adhésion. Pour réaliser cet objectif, il est incontestable qu’une étape essentielle sera constituée par le plan de créer des «corridors de solidarité» que la Commission européenne propose pour permettre un accroissement des échanges commerciaux entre l’Union européenne et l’Ukraine.

3.2.

L’Ukraine compte 18 ports qui se prêtent à l’exportation de marchandises en direction des pays européens et d’autres parties du monde. Selon des informations qu’elle a communiquées récemment, quinze d’entre eux sont bloqués et seuls trois sont en activité, à savoir ceux de Reni, d’Izmaïl et d’Oust-Dounaïsk. La Russie a également empêché le départ de près de 80 navires étrangers, ainsi que de leurs équipages. Selon des sources ukrainiennes, seules 400 000 tonnes de fret ont pu être expédiées en mars par la voie maritime. En mai, le trafic portuaire est passé à 1,3 million de tonnes (3). Rapportés aux besoins, ces chiffres ne représentent cependant qu’une goutte d’eau dans l’océan. Un accord aux termes duquel la Russie autoriserait les navires marchands à appareiller des ports ukrainiens laisse espérer un accroissement du commerce maritime. Les premiers navires chargés de céréales ukrainiennes ont déjà quitté le port d’Odessa. Il convient de relever que ledit accord avec la Russie est fragile et qu’à tout moment, les ports pourraient être à nouveau entièrement bloqués (4).

3.3.

Il faut savoir qu’à l’échelle planétaire, l’Ukraine compte parmi les plus grands producteurs de denrées alimentaires. C’est de ce pays que proviennent la moitié environ des exportations mondiales d’huile de tournesol, et il intervient respectivement pour 16 % et 10 % dans celles de maïs et de blé. Il produit et exporte également de forts volumes d’autres céréales et de produits alimentaires (5). Cette activité d’export représente pour lui une source de revenus essentielle: en 2021, il en avait tiré 27,7 milliards de dollars (6). Les débouchés des produits agricoles ukrainiens sont l’Asie du Sud-Est, le Proche-Orient et l’Afrique. Parmi les principaux importateurs de ces produits figurent également des États de l’Union tels que l’Espagne, les Pays-Bas et l’Italie.

3.4.

Avant que la Russie n’attaque l’Ukraine, les deux tiers environ des exportations ukrainiennes de marchandises s’effectuaient par mer, mais, dans le cas des céréales, elles empruntaient quasi exclusivement cette voie maritime, et, à plus de 90 %, il en allait de même pour les huiles végétales (7). Le blocus imposé aux ports maritimes commerciaux des rives de la mer Noire a des retombées directes sur la sécurité alimentaire internationale et la situation économique de nombreux pays à travers le monde. Il est certain que le déficit d’approvisionnement alimentaire en provenance d’Ukraine est et restera un puissant moteur d’inflation dans toute l’Union européenne. La guerre a empêché de moissonner, tandis que les troupes russes faisaient main basse sur les récoltes dans les territoires qu’elles occupent. En outre, elles ont miné ces zones et bouté le feu aux champs cultivés. Dans ces conditions, les volumes récoltés en Ukraine sont bien inférieurs à ceux des années précédentes. Cette situation, encore aggravée par les difficultés à l’exportation, pourrait susciter des famines dans de nombreuses régions du monde. En outre, l’on estime qu’à l’heure actuelle, en août 2022, la Russie contrôle quelque 30 % des surfaces productrices de blé en Ukraine. Dans ces zones occupées, l’état de la production demeure incertain, l’on ne sait qui contrôle ces productions, ni si elles pourront encore parvenir sur les marchés mondiaux. En outre, lorsque la guerre a éclaté, l’on estimait que de 20 à 25 millions de tonnes de céréales récoltées en 2021 étaient encore stockées en Ukraine.

3.5.

Du fait des problèmes que l’on vient de décrire, il est pleinement justifié que la Commission présente ses propositions concernant la création de «corridors de solidarité». Le CESE fait toutefois observer qu’en plus de prévoir des actions visant à accroître les capacités de flux aux points de passage frontaliers, elles devraient également comporter des initiatives qui sécurisent les investissements.

4.   Observations particulières

4.1.   Coordination du travail des services douaniers des États membres de l’Union et de l’Ukraine

4.1.1.

Les contrôles douaniers conjoints aux frontières de l’Union avec l’Ukraine ne constituent pas une nouveauté. Un mécanisme analogue avait déjà été appliqué en 2012 à l’occasion du championnat d’Europe organisé par l’Union des associations européennes de football, lors duquel plus d’un million de personnes avaient franchi la frontière polono-ukrainienne. Toutefois, les procédures spéciales mises en place à cette occasion ne concernaient que la circulation des personnes, et non celle des biens. Grâce à la coordination des services douaniers, il n’en avait pas moins été possible d’augmenter les capacités de transit aux points de passage frontaliers. Dans le contexte spécifique créé par l’agression de la Russie contre l’Ukraine, il est assurément légitime d’envisager l’adoption de mesures similaires concernant les flux des marchandises. S’il ne fait aucun doute qu’il soit nécessaire et indispensable de procéder à des contrôles douaniers aux postes frontières avec l’Ukraine, le CESE recommande toutefois de les faire réaliser, au même endroit et en concomitance, par des fonctionnaires tant des États membres de l’Union que de l’Ukraine, en veillant à ce qu’ils coopèrent et se coordonnent totalement pour ce faire.

4.2.   Augmentation de la capacité des points de passage frontaliers, approches envisageables dans le domaine du transport routier et ouverture de nouveaux points de passage et couloirs frontaliers consacrés au dédouanement des marchandises, en particulier pour les produits agroalimentaires

4.2.1.

Pour assurer une libre circulation des biens entre les États membres de l’Union et l’Ukraine, il est absolument essentiel d’ouvrir des points de passage frontaliers et d’en augmenter la capacité de flux. Une telle démarche prend forme dans les pays limitrophes de l’Ukraine et doit être soutenue, y compris d’un point de vue financier, par des investissements dans les infrastructures indispensables. Il s’impose, tout à la fois, d’accroître les capacités de flux des postes-frontières qui existent actuellement, par exemple en augmentant le nombre d’agents des services douaniers qui y travaillent, et d’ouvrir par ailleurs, dans des sites qui s’y prêtent, de nouveaux franchissements, destinés en particulier au dédouanement des marchandises. Il convient de mentionner ici l’exemple de la Pologne, qui a étendu ses capacités d’absorption du trafic de marchandises à ses postes-frontières de Korczowa-Krakovets et Dorohusk-Iahodyn. En développant des infrastructures frontalières et en tirant parti de celles qui étaient déjà en place, ce pays a su ainsi, en peu de temps, réduire également les délais d’attente pour le dédouanement des marchandises à ses autres postes-frontières.

4.2.2.

Il convient de noter qu’aux fins du commerce des céréales ukrainiennes, il est possible d’utiliser les ports maritimes non seulement en Pologne mais aussi dans les pays baltes. Il s’impose d’exploiter efficacement le réseau ferroviaire polonais et d’autoriser les pouvoirs publics et les entreprises d’Ukraine à utiliser les ports polonais, lituaniens, lettons et estoniens. Il convient de relever qu’une partie importante des céréales ukrainiennes est stockée dans des entrepôts situés à la frontière ukraino-polonaise. De ce fait, de nombreux obstacles à la logistique commerciale doivent encore être surmontés.

4.2.3.

Il y a lieu de relever que la Commission propose aussi de lancer des négociations pour que l’Union européenne et l’Ukraine concluent, en matière de transport routier de marchandises, un accord qui, même lorsque sa période d’applicabilité initiale aura expiré, pourra rester en vigueur aussi longtemps que l’agression militaire de la Russie continuera d’affecter durement les infrastructures du pays et les opérations de transport. On soulignera cependant que les conditions dans lesquelles les entreprises ukrainiennes et européennes exercent leurs activités diffèrent considérablement. Il s’en ensuit qu’un éventuel accord entre l’Union et l’Ukraine devra donc être assorti d’une feuille de route reprenant les modifications que le pays aura à effectuer dans ses réglementations afin d’en rapprocher les dispositions des normes européennes, y compris le train de mesures sur la mobilité. À défaut d’une telle action, les sociétés ukrainiennes de transport pourront profiter d’un avantage concurrentiel de taille par rapport à leurs homologues européennes, de sorte que dans l’Union, ce secteur d’activité pourrait en subir de lourdes répercussions.

4.2.4.

Dans son action 4, la Commission appelle à acheminer en priorité les exportations ukrainiennes de produits agricoles vers les corridors de fret offrant les meilleures capacités disponibles. Bien que cette initiative revête une haute importance d’un point de vue administratif, on se doit néanmoins de souligner que s’ils ne bénéficient pas de nouvelles mesures incitatives d’ordre financier et de garanties appropriées, les opérateurs privés engagés dans le transport pourraient ne pas se montrer disposés à assumer les risques liés à l’acheminement des produits agricoles. Le principe qui guidera l’action des entreprises privées sera de maximiser leurs profits et de réduire autant que faire se peut les risques susmentionnés; aussi pourraient-elles préférer transporter d’autres marchandises que des productions agricoles, ou se lancer dans des types d’activités tout à fait différents.

4.2.5.

Le CESE se félicite que la Commission insiste à juste titre sur la nécessité de démanteler les nombreux obstacles qui s’opposent à ce que des chauffeurs ukrainiens exercent leur activité sur le territoire de l’Union européenne. Il convient de lancer, en conjonction avec la partie ukrainienne, des actions pour que ses ressortissants puissent exercer une activité professionnelle dans des entreprises de transport de l’Union et franchir librement ses frontières, étant donné que les firmes européennes du secteur qui sont actives dans la région sont confrontées à une forte pénurie de main-d’œuvre. Avant la guerre, beaucoup de citoyens ukrainiens travaillaient dans des pays de l’Union européenne mais lorsque le conflit a éclaté, ils ont dû regagner leur patrie. Actuellement, il ne leur est pas possible de quitter l’Ukraine pour aller travailler dans l’Union, et cette situation affecte lourdement le bon fonctionnement des entreprises européennes.

4.3.   Liaisons ferroviaires entre l’Union européenne et l’Ukraine

4.3.1.

Le CESE relève que la Commission européenne a dûment recensé les problèmes qui se posent dans le domaine du transport ferroviaire de fret. L’écartement des rails de chemin de fer qui est en vigueur dans l’Union est de 1 435 mm, alors qu’en Ukraine, il se monte à 1 520 mm. De ce fait, les trains européens de marchandises sont dans l’impossibilité d’emprunter les voies ferrées ukrainiennes et vice versa. La Commission évoque toutefois la pratique du changement des bogies des wagons, mais elle ne peut s’avérer suffisante en toutes circonstances. En effet, on relèvera que les wagons ukrainiens sont plus larges que ceux utilisés en Europe, de sorte qu’ils peuvent se trouver dans l’impossibilité de circuler sur les voies européennes.

4.3.2.

Dans son action 5, la Commission s’engage à coopérer avec les États membres et le secteur du transport pour répertorier les principaux centres de transbordement et de changement de gabarit aux frontières entre l’Union et l’Ukraine et au-delà, afin de déterminer les tonnages quotidiens de marchandises susceptibles d’être transbordés, pour le transport en vrac et par conteneurs. Il convient de signaler que l’aide fournie par l’Union en matière de coordination doit aller au-delà du transport proprement dit et couvrir également l’acheminement du fret sous ses différents aspects. Les entreprises ukrainiennes butent actuellement sur de lourdes difficultés pour tracer de nouveaux circuits logistiques, s’agissant de réserver des terminaux frontaliers et d’organiser les transports ferroviaires, d’effectuer des réservations de terminaux portuaires, ou encore de conclure des contrats avec des armateurs de transport maritime, de sorte qu’elles se bornent souvent à acheminer les grains jusqu’à la frontière et provoquent ainsi des engorgements. Le problème pourrait être résolu par des interventions et procédures à grande échelle, s’effectuant également en ligne, qui viseraient à articuler l’offre et la demande, par exemple en mettant les exportateurs ukrainiens en relation avec des firmes européennes d’expédition, de logistique ou d’autres secteurs.

4.3.3.

La mise en place de corridors de solidarité requiert divers investissements dans les infrastructures, notamment ferroviaires. Un exemple parlant est celui de l’extension des infrastructures ferroviaires européennes dans le cadre du projet de corridor reliant la Pologne, l’Ukraine et la Roumanie, par la ligne Gdańsk-Lublin-Przemyśl-Lviv-Tchernivtsi-Suceava-Constanța. Ce projet pourrait constituer la branche orientale du nouveau corridor du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) entre les mers Baltique, Noire et Égée, qui fait l’objet de discussions dans le cadre de la révision périodique du RTE-T. Une fois qu’auront été effectués les investissements nécessaires en Pologne, tels que la plateforme de transport Solidarité et l’adaptation des lignes ferroviaires à grande vitesse au transport de fret, cet itinéraire constituera probablement la route la plus rapide pour transporter des marchandises de l’Ukraine vers les ports de la mer Baltique. Grâce à la réalisation d’investissements ferroviaires dans le cadre du réseau RTE-T, la Moldavie sera mieux reliée à l’Union européenne et il sera possible d’ouvrir d’autres voies de transport de marchandises vers Odessa et Chișinău.

4.4.   Soutien financier et réduction des risques encourus par les entreprises

4.4.1.

La reconstruction de l’Ukraine implique nécessairement de consentir des investissements d’un montant très élevé. Les opérations militaires ont détruit une bonne part des infrastructures et de l’agriculture du pays. Les engagements susmentionnés nécessitent des sources de financement et des garanties de paiement, pour offrir une sécurité dans le cas où l’investisseur ne serait pas à même de payer les contractants, de sorte qu’il s’impose d’inclure dans le processus des ressources européennes pour venir en aide aux entreprises investissant en territoire ukrainien. Alors que leurs charges de carburant, d’engrais et d’assurance sont élevées, de nombreux agriculteurs ne se risqueront pas à investir. Dans les zones occupées, de nombreuses exploitations seront laissées à l’abandon, privant ainsi la population d’emplois et anéantissant la production alimentaire.

4.4.2.

La Commission fait observer très justement que les propriétaires de wagons de l’Union sont réticents à envoyer leur matériel roulant et leurs véhicules en Ukraine. Pour répondre à ces craintes, l’Ukraine doit adopter un décret gouvernemental par lequel elle s’engage à couvrir le préjudice des pertes occasionnées par des destructions de wagons ou de chalands. Un tel décret n’atténue toutefois pas le risque en matière d’assurance et, qui plus est, il ne s’applique pas au transport routier. Aujourd’hui, le matériel roulant européen pénètre déjà pour partie en Ukraine, mais dans une mesure qui reste limitée. Il est indiqué que l’Union, en coopération avec l’Ukraine, apporte un appui concret en la matière et qu’elle alloue des ressources spécifiques à un tel instrument. Les risques liés aux actions de guerre qui se déroulent sur le territoire ukrainien constituent un facteur qui influe très fortement sur la détermination des entreprises, dont celles du secteur du transport routier, à mener des activités dans le domaine des échanges de biens entre l’Union européenne et l’Ukraine.

4.4.3.

À plusieurs reprises, la Commission évoque la nécessité de réaliser de grands investissements afin, par exemple, d’établir des liaisons ferroviaires et de développer des infrastructures de transbordement de fret ou de stockage de marchandises. On se doit toutefois de relever que les incertitudes concernant la tournure que prendra le conflit et, partant, le risque que les investissements consentis soient surdimensionnés représentent un point de blocage majeur à surmonter pour amener le secteur privé à investir dans les infrastructures céréalières, qu’il s’agisse de construire des terminaux et des élévateurs, d’acquérir des wagons et du matériel roulant, ou encore d’aménager des quais portuaires. Eu égard à la portée mondiale que revêt le problème, il est légitime d’appeler les États membres et les organisations internationales à apporter leur concours afin d’élaborer des instruments financiers qui couvrent les risques assumés par des entreprises privées pour réaliser des investissements essentiels dans les infrastructures de transport et de stockage de céréales. Parmi les intervenants potentiels en la matière, on peut mentionner la Banque européenne d’investissement ou d’autres institutions bancaires de développement ressortissant à des pays de la région.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Commission européenne, site internet de la direction générale de la mobilité et des transports, Supporting Ukrainian exports and improving connections to the EU: EU strengthens cooperation with Ukraine and Moldova («L’Union européenne renforce sa coopération avec l’Ukraine et la Moldavie pour soutenir les exportations ukrainiennes et améliorer les connexions avec l’Ukraine et la Moldavie»), 29 juin 2022, https://transport.ec.europa.eu/news/supporting-ukrainian-exports-and-improving-connections-eu-eu-strengthens-cooperation-ukraine-and-2022-06-29_en

(2)  COM(2022) 217 final.

(3)  Ukraine Business news, Russian invaders have seized and blocked 15 Ukrainian ports («Les forces d’invasion russes se sont emparés ou empêchent le fonctionnement de 15 ports ukrainiens»), 22 juin 2022, https://ubn.news/russian-invaders-have-seized-and-blocked-15-ukrainian-ports/

(4)  Business Standard, Ukraine, Russia sign UN deal to export grain and fertiliser on Black Sea («L’Ukraine et la Russie signent un accord avec les Nations unies pour l’exportation de céréales et d’engrais par la mer Noire», 22 juillet 2022, https://www.business-standard.com/article/international/ukraine-russia-sign-un-deal-to-export-grain-and-fertiliser-on-black-sea-122072201213_1.html

(5)  Voir: https://www.bbc.com/news/world-europe-61583492; https://www.apk-inform.com/en/news/1526701; et Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, The importance of Ukraine and the Russian Federation for global agricultural markets and the risks associated with the war in Ukraine («L’importance de l’Ukraine et de la Russie pour les marchés agricoles mondiaux et les risques associés à la guerre en Ukraine»).

(6)  Site internet du Forum économique mondial, page Ukraine’s food exports by the numbers («Données chiffrées sur les exportations de denrées alimentaires par l’Ukraine»), https://www.weforum.org/agenda/2022/07/ukraine-s-food-exports-by-the-numbers

(7)  Site internet de la British Broadcast Corporation, How can Ukraine export its harvest to the world? («Comment l’Ukraine pourra-t-elle exporter ses récoltes?»), https://www.bbc.com/news/world-europe-61583492


ANNEXE

L’amendement suivant, qui a recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats:

AMENDEMENT

Proposé par:

CAÑO AGUILAR Isabel

HAJNOŠ Miroslav

QUAREZ Christophe

SZYMAŃSKI Mateusz

TEN/781 — Corridors de solidarité UE-Ukraine

Paragraphe 4.5

Insérer un nouveau paragraphe après le paragraphe 4.4.3

Avis de la section

Amendement

 

4.5.

Protection des droits des travailleurs dans le nouveau projet de code du travail

Le Parlement ukrainien a récemment renié le principe auquel il se tenait de longue date de consulter les organisations syndicales et les associations patronales sur ses politiques touchant aux modifications du droit du travail. Aussi le Parlement ukrainien a-t-il adopté la loi 2434-IX, entrée en vigueur en août 2022, qui discrimine les travailleurs des organisations de moins de 250 salariés et dont les salaires sont supérieurs à huit fois le montant du salaire minimum en autorisant leur employeur à leur proposer de conclure un contrat de travail individuel qui, si le salarié y consent, peut lui imposer des responsabilités et des obligations supplémentaires que ne prévoient ni le droit du travail ni les conventions collectives. Cette loi a été adoptée au titre de la loi martiale; néanmoins, elle s’inscrit manifestement dans le contexte d’un programme plus large de déréglementation et de dépossession des travailleurs de leurs droits acquis. En temps de paix, l’adoption de ces dispositions et leur insertion dans le nouveau droit du travail seraient contraires à l’acquis de l’Union européenne au regard notamment de la libre prestation de services, des conditions de travail et de vie des travailleurs, des conditions d’emploi durables et du principe de non-discrimination, mais également aux obligations qui découlent des conventions ratifiées de l’Organisation internationale du travail et du socle européen des droits sociaux en matière d’emplois sûrs et adaptables, de salaires minimaux adéquats et de revenu minimum.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

81

Voix contre:

97

Abstentions:

17


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/178


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Stratégie de l’UE pour l’énergie solaire»

[COM(2022) 221 final]

et sur la recommandation de la Commission relative à l’accélération des procédures d’octroi de permis pour les projets dans le domaine des énergies renouvelables et à la facilitation des accords d’achat d’électricité

[C(2022) 3219 final]

(2023/C 75/26)

Rapporteur:

Kęstutis KUPŠYS

Corapporteure:

Alena MASTANTUONO

Consultation

Commission européenne, 28.6.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

4.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

171/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souligne qu’il est urgent que l’Union européenne (UE) promeuve l’énergie solaire et renforce les capacités européennes dans ce domaine, et ce pour plusieurs raisons: atteindre les objectifs climatiques, accroître l’autonomie énergétique stratégique de l’Union, encourager les investissements publics et privés et la création d’emplois décents, renforcer la base industrielle et favoriser les débouchés commerciaux, et aider les ménages à accéder à une énergie abordable.

1.2.

Dans le même temps, le CESE souligne la nécessité de reconnaître que les bouquets énergétiques varient d’un État membre à l’autre, reflétant les conditions géographiques et climatiques et la disponibilité de diverses sources d’énergie renouvelables. Le développement de l’énergie solaire doit respecter certaines conditions techniques et la durabilité environnementale. Pour exploiter pleinement le potentiel de l’énergie solaire en Europe, il est nécessaire de renforcer la coopération entre les États membres.

1.3.

Le CESE se félicite de la stratégie de l’UE pour l’énergie solaire (1) (ci-après dénommée «la stratégie»), mais regrette que ses résultats soient appelés à se manifester si tardivement. Il invite les États membres à ne pas attendre l’adoption des nouvelles règles de l’Union et à commencer dès à présent à faciliter les procédures administratives et à raccourcir la procédure d’octroi de permis. Le CESE invite les États membres à améliorer ces procédures en prévoyant des guichets uniques ou des parcours d’autorisation intégrés ou uniques, et à accélérer immédiatement la désignation de «zones propices au déploiement des énergies renouvelables», en limitant le processus de mise en œuvre complète à un maximum de deux ans. Il ajoute également que la stratégie solaire nécessite un solide déploiement de capacités de stockage et des réseaux de transport et de distribution prêts à être exploités.

Le CESE invite les responsables politiques à encourager et à soutenir les citoyens pour leur permettre de devenir des prosommateurs d’énergie solaire et de bâtir des communautés énergétiques. Le CESE recommande aux collectivités locales de lancer des projets visant à lutter contre la précarité énergétique dans les zones où les citoyens ne peuvent pas se permettre d’investir par l’intermédiaire de communautés énergétiques. Le CESE demande que l’accent soit mis davantage sur le photovoltaïque agricole, afin d’offrir aux agriculteurs de nouvelles possibilités et de nouveaux avantages.

1.4.

Le Comité fait observer que parallèlement au déploiement accéléré des pompes à chaleur, il conviendrait d’envisager le développement des installations solaires photovoltaïques, étant donné que la combinaison d’un système solaire photovoltaïque (sur toiture) et d’une pompe à chaleur constitue la solution de refroidissement la plus économe en énergie et la plus abordable économiquement lorsque les conditions climatiques sont favorables. Le CESE estime par ailleurs qu’il est nécessaire de promouvoir les installations solaires thermiques à grande échelle.

1.5.

Pour assurer un déploiement à grande échelle du solaire photovoltaïque, il est nécessaire de renforcer la base industrielle européenne et de garantir des chaînes d’approvisionnement fluides et fiables dans le domaine de l’énergie solaire. Le CESE estime donc qu’il est impératif que l’Union trouve des moyens de produire des systèmes solaires photovoltaïques en Europe, d’améliorer l’environnement pour les investissements publics et privés et de créer des conditions favorables aux entreprises, y compris en assurant un accès adéquat au financement et en accordant une attention particulière à la recherche et à l’innovation.

1.6.

L’installation d’équipements d’énergie solaire est confrontée à des obstacles majeurs en raison du manque considérable de travailleurs qualifiés, ainsi que d’entraves réglementaires, voire techniques. Le CESE demande instamment que soient fortement encouragés la formation et le développement des compétences dans le cadre d’une coopération entre les parties prenantes concernées.

1.7.

Le CESE souligne qu’il importe de créer des capacités industrielles au sein de l’Union pour proposer des produits d’énergie solaire durables à des prix raisonnables, et appelle à soutenir résolument l’alliance européenne pour l’industrie solaire photovoltaïque. Il met en exergue la nécessité évidente de mobiliser toutes les parties prenantes concernées, avec l’aide des pouvoirs publics et des partenaires sociaux, afin de disposer des connaissances et de l’expertise pratiques nécessaires et de garantir un large soutien en faveur du déploiement des installations solaires photovoltaïques.

2.   Contexte

2.1.

Le 18 mai 2022, dans le contexte de la guerre en Ukraine, des sanctions prises par l’Union à l’encontre de la Russie et des efforts visant à résoudre la question de la souveraineté énergétique, la Commission a publié son plan REPowerEU (2), qui vise à «réduire dès que possible notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes en accélérant rapidement la transition propre et en unissant nos forces pour parvenir à un système énergétique plus résilient et à une véritable union de l’énergie».

2.2.

S’agissant de la production d’énergie propre, REPowerEU propose des pistes qui permettraient à l’Union d’accélérer la transition écologique et d’encourager la réalisation d’investissements massifs dans les énergies renouvelables (3). Dans le cadre du plan REPowerEU, la Commission européenne a adopté une stratégie de l’UE pour l’énergie solaire (ci-après dénommée «la stratégie»). Elle s’articule autour de quatre initiatives:

a)

l’initiative européenne pour les toits solaires;

b)

un train de mesures distinct relatif aux procédures d’autorisation;

c)

un partenariat européen à grande échelle dans le domaine des compétences;

d)

l’alliance européenne pour l’industrie solaire photovoltaïque.

2.3.

La stratégie s’appuie sur les initiatives proposées par l’Union en ce qui concerne les sources d’énergie renouvelables, la performance énergétique des bâtiments et l’efficacité énergétique [auxquelles il est fait référence ci-après sous la mention «COM(2022) 222 final» (4)]. La proposition COM(2022) 222 final prévoit la fixation d’une durée maximale pour la procédure d’octroi de permis qui est applicable aux installations utilisant des sources d’énergie renouvelables. La Commission a présenté une initiative visant à relever les objectifs fixés dans des propositions antérieures de révision de la directive sur les énergies renouvelables (5) et de la directive relative à l’efficacité énergétique (6).

2.4.

Cet avis est l’un des multiples avis du CESE relatifs à l’énergie et doit être replacé dans ce contexte général, couvrant notamment les avis sur le plan REPowerEU (7), les marchés de l’énergie, la sécurité énergétique et les prix de l’énergie.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE salue la stratégie proposée, en se félicitant en particulier qu’elle s’attaque à la nécessité d’agir sur tous les aspects du secteur de l’énergie solaire: investissements, innovation, production d’énergie, électricité, organisation du marché, incitations, infrastructures, qualifications des travailleurs, sensibilisation, durabilité et chaînes de valeur.

3.2.

Il est urgent, pour plusieurs raisons, de promouvoir l’énergie solaire et de renforcer les capacités européennes dans ce domaine. L’Union se doit absolument d’atteindre ses objectifs climatiques et de renforcer son autonomie stratégique dans le domaine de l’énergie. En outre, cette démarche stimule les investissements publics et privés et la création d’emplois décents, offre des débouchés commerciaux et aide les ménages à accéder à une énergie abordable.

3.3.

Pour que sa stratégie en matière d’énergie solaire soit cohérente et durable, l’Union doit matérialiser les éléments suivants:

1)

des cadres réglementaires appropriés pour gagner du temps et réduire les coûts;

2)

la contribution active des consommateurs à la production d’énergie solaire;

3)

l’exploitation d’économies d’échelle;

4)

de solides investissements publics et privés dans les infrastructures;

5)

des incitations en faveur de la recherche, du développement et de l’innovation;

6)

des personnels qualifiés et des emplois de qualité pour les attirer;

7)

des matières premières en suffisance;

8)

la circularité et l’efficacité énergétique dans l’ensemble du secteur de l’énergie solaire photovoltaïque; et

9)

un financement adéquat.

3.4.

Le CESE souligne également que la stratégie doit reconnaître que les bouquets énergétiques varient d’un État membre à l’autre, reflétant les conditions géographiques et climatiques et la disponibilité de diverses sources d’énergie renouvelables. En outre, le développement de l’énergie solaire doit respecter certaines conditions techniques et la réglementation environnementale.

3.5.

Le Comité espère que la stratégie pour l’énergie solaire deviendra une pierre centrale de la transition vers un système énergétique neutre pour le climat dans lequel les énergies renouvelables jouent un rôle prépondérant. À cette fin, le développement des technologies de stockage, la gestion de la demande et l’intégration du système énergétique global devraient être fortement mis en avant.

3.6.

Le CESE attire l’attention sur la nécessité urgente de mettre en place des conditions favorables à la recherche, au développement de produits et à la création de capacités industrielles au sein de l’Union pour produire des équipements d’énergie solaire durables et à des prix compétitifs. À cet effet, le CESE appelle à soutenir résolument l’alliance européenne pour l’industrie solaire photovoltaïque, qui devrait proposer des solutions au problème persistant que constitue la baisse des capacités industrielles de l’Union. Il convient de tirer parti de l’expérience d’autres alliances, telles que l’alliance européenne pour les batteries, et des synergies qui pourraient être réalisées avec celles-ci. Les acteurs de la société civile devraient être associés d’emblée à la démarche, car ils jouent un rôle essentiel pour fournir des connaissances et une expertise pratiques, toucher un large public, susciter l’adhésion de la collectivité et garantir qu’elle soit consultée.

Intensifier l’adoption de l’énergie solaire

3.7.

Pour accélérer l’adoption de l’énergie solaire, il est indispensable de disposer d’une politique qui incitera les consommateurs et toutes les parties prenantes du système énergétique à adhérer à cette ambition lorsqu’ils se fournissent en énergie. Dans le même temps, il est essentiel de les encourager à s’engager à prendre des mesures d’efficacité énergétique et d’économies d’énergie. L’un des moyens d’atteindre cet objectif consisterait à les sensibiliser aux avantages escomptés, qu’il s’agisse, par exemple, de la réduction de leurs factures d’énergie, de l’amélioration de leur confort quotidien ou de l’augmentation de la valeur de leurs biens, ainsi qu’à concevoir des instruments financiers appropriés.

3.8.

Le CESE invite les responsables politiques à encourager et à soutenir les citoyens pour leur permettre de devenir non seulement des consommateurs d’énergie avisés, mais aussi des prosommateurs d’énergie et de bâtir des communautés énergétiques locales. Cela les aiderait à mieux comprendre les prix du marché commun et à en être plus indépendants. Le CESE recommande aux collectivités locales de lancer des projets collectifs dans le domaine de l’énergie solaire, en tirant parti des bâtiments publics tels que les bureaux, les écoles et les hôpitaux, afin de pouvoir lutter contre la précarité énergétique dans les zones où les citoyens ne peuvent pas se permettre d’investir par l’intermédiaire de communautés énergétiques.

3.9.

Compte tenu du rôle prioritaire que jouent l’efficacité énergétique et les économies d’énergie, les États membres devraient encourager le déploiement des compteurs intelligents, afin que les utilisateurs d’énergie puissent avoir une meilleure idée de leur consommation et de la façon de la gérer. Le CESE invite à examiner le lien entre l’amélioration de l’efficacité énergétique et le recours accru à l’énergie solaire dans le cadre de la rénovation des bâtiments. Il encourage en outre les États membres à aider les utilisateurs d’énergie à répartir judicieusement leurs besoins énergétiques sur 24 heures afin de réduire les pics de demande.

3.10.

Le Comité fait observer que le développement des installations solaires photovoltaïques doit être envisagé en concomitance avec le déploiement accéléré des pompes à chaleur, étant donné que les pics de production d’énergie solaire coïncident avec l’augmentation de la demande d’électricité pour le refroidissement des bâtiments. La combinaison d’un système solaire photovoltaïque (sur toiture) et d’une pompe à chaleur constitue dès lors, à certains moments de la journée, la solution de refroidissement la plus économe en énergie et la moins chère lorsque les conditions climatiques sont favorables. Le reste du temps, la production est liée aux variations d’intensité de l’ensoleillement, ce qui signifie qu’une autre source d’énergie doit être utilisée pour satisfaire la demande d’énergie. Ces variations peuvent être partiellement atténuées par le déploiement de solides capacités de stockage, qui ne sont toujours pas disponibles en quantités suffisantes, et par l’amélioration des lignes de transport, ce qui nécessite une meilleure coopération entre les États membres.

3.11.

La majeure partie des États membres ont largement sous-estimé l’énergie solaire thermique. Le CESE demande que les installations solaires thermiques d’échelle industrielle soient davantage exploitées dans la mesure du possible, dans le cadre des plans de transition énergétique aux niveaux des États membres, des régions et des municipalités. Eu égard à l’actuelle crise d’approvisionnement gazier et à la nécessité de remplacer le gaz naturel utilisé principalement pour le chauffage et les besoins industriels, l’énergie solaire thermique constituera un facteur important du système énergétique.

3.12.

Le CESE juge nécessaire de continuer à étudier et accroître le potentiel d’adoption du solaire photovoltaïque sur toiture, en créant des mécanismes permanents de consultation et de collaboration, avec la participation d’un large éventail d’acteurs concernés. Il conviendrait à cette fin de créer des agences et entités locales et régionales pour les énergies renouvelables, dotées d’un financement adéquat, afin de soutenir les citoyens, les PME et les collectivités locales, tout en mettant en place des activités de formation et en promouvant de nouveaux emplois décents.

3.13.

Les systèmes photovoltaïques intégrés aux bâtiments (PVIB) ont un rôle majeur à jouer pour optimiser la production d’énergie solaire. Si des modules de production d’électricité solaire recouvrent non seulement le toit d’un bâtiment mais aussi certaines parties de sa façade, l’utilisateur a la possibilité d’«exploiter le soleil» pendant un laps de temps beaucoup plus long au cours de la journée. Cette approche est bénéfique pour l’ensemble du système énergétique, car il devient ainsi possible de lisser les pics de production solaire photovoltaïque. Le Comité recommande d’encourager la poursuite des recherches sur les systèmes PVIB et d’ajouter un volet supplémentaire à l’initiative européenne pour les toits solaires, en mettant davantage l’accent sur le soutien aux installations solaires orientées est-ouest.

Accélérer les procédures d’octroi de permis et garantir les ressources financières

3.14.

Le CESE insiste sur la nécessité urgente d’accélérer les procédures d’octroi de permis afin de faciliter le déploiement des énergies renouvelables, notamment leur production, leur stockage, leur distribution et leur transport. Bien que cet octroi relève de la compétence des États membres, le CESE n’en approuve pas moins les orientations générales énoncées dans la proposition COM(2022) 222 final et dans la recommandation de la Commission C(2022) 3219 final (8) et encourage les États membres à concentrer leurs efforts sur l’amélioration de leurs procédures.

3.15.

Selon une analyse réalisée par le secteur (9), les délais d’octroi de permis pour les installations solaires photovoltaïques vont de 12 mois en Lituanie à 48 mois en Croatie. Sur les douze pays pour lesquels ces informations sont disponibles, seuls trois ont des délais inférieurs à la limite de 24 mois définie par l’Union. Le CESE invite dès lors les États membres à fixer des délais précis et plus courts pour les procédures administratives et celles régissant l’octroi de permis et à les simplifier en prévoyant des guichets uniques ou des parcours d’autorisation intégrés et uniques. De l’avis du Comité, les États membres devraient, non pas attendre l’adoption de la proposition, mais déjà commencer à raccourcir les procédures. Le Comité souligne en outre qu’il y a lieu de numériser le plus grand nombre de procédures possible tout au long des différentes étapes de l’octroi des permis.

3.16.

Le CESE souscrit pleinement au contenu de la section que la recommandation de la Commission consacre à la «facilitation de la participation des citoyens et des communautés» (10). Il est essentiel d’associer les citoyens et les communautés énergétiques aux projets dans le domaine des énergies renouvelables, afin de garantir leur participation et leur adhésion à la transition énergétique. Le CESE fait valoir que le déploiement de l’énergie solaire ne devrait pas être un privilège réservé à certains consommateurs et que les consommateurs en situation de précarité énergétique et vulnérables doivent avoir accès à l’énergie solaire, par exemple grâce à des installations dans des logements sociaux, à des communautés énergétiques ou à un soutien financier aux installations individuelles.

3.17.

La proposition COM(2022) 222 final impose aux États membres d’adopter un ou plusieurs plans désignant des «zones propices au déploiement des énergies renouvelables» pour un ou plusieurs types de sources d’énergie renouvelables dans les deux ans à compter de l’entrée en vigueur des modifications de la directive. Le Comité insiste sur l’urgence de mettre en place ces plans dès que possible, en limitant le processus de pleine mise en œuvre à un maximum de deux ans. Les toitures constituent un type de surface homogène, sauf, bien entendu, dans les zones protégées sur le plan culturel. Lorsque les solutions techniques sont bien connues, comme dans le cas du photovoltaïque sur toiture, le CESE préconise des délais plus courts pour le lancement des projets.

3.18.

Le CESE note également que les modules photovoltaïques flottant à la surface de lacs et de réservoirs réduisent les pertes d’eau par évaporation et, dans le même temps, rendent la conversion d’énergie photovoltaïque plus efficace par le refroidissement que l’eau assure naturellement. Dans le cas d’installations sur des barrages, l’électricité peut être, en journée, fournie par les systèmes photovoltaïques flottants et, la nuit, produite par l’eau libérée par le barrage, en exploitant dans les deux cas le raccordement au réseau existant.

3.19.

Il y a cependant lieu d’adopter une approche prudente dans les cas où les solutions techniques sont moins avancées et où les conséquences sur la perte de biodiversité n’ont pas été examinées de manière approfondie. Dans ce domaine, on pourrait citer pour exemple les projets photovoltaïques flottants, en particulier sur les étendues d’eau non artificielles. Cette absence d’approche plus circonstanciée constitue l’une des rares lacunes de la proposition susmentionnée.

3.20.

Le CESE demande que l’accent soit mis davantage sur le photovoltaïque agricole, éventuellement au moyen d’une autre recommandation de la Commission. Les mesures prises par les États membres dans ce domaine ne devraient pas perturber l’utilisation de terres agricoles productives ni nuire à la production alimentaire, d’où la nécessité d’encourager la production d’énergie solaire sur des terres de moindre valeur. Dans le même temps, il convient de mettre l’accent, dans le domaine de la politique agricole, sur les possibilités offertes par les revenus supplémentaires que les agriculteurs peuvent tirer de la production d’énergie et par l’amélioration de la protection des cultures et des cheptels, grâce à l’effet d’ombrage et de refroidissement, à la réduction du stress thermique ou à la protection contre la grêle et le gel. Ce dernier élément devrait également être envisagé sous l’angle d’une meilleure adaptation au changement climatique. Les parcs solaires de grande envergure devraient être installés prioritairement sur des terres marginales et dans des zones de friche.

3.21.

Il est urgent de stimuler l’énergie solaire et il est donc indispensable de donner la priorité aux projets dans ce domaine qui sont inscrits dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience. Étant donné que la capacité de production d’énergie verte, et en particulier d’énergie solaire, varie considérablement d’une région à l’autre, la politique de cohésion pourrait et devrait contribuer de manière décisive à l’approvisionnement énergétique global de l’Union; il conviendrait également qu’InvestEU ou un programme similaire jouent un rôle majeur dans ce contexte. Le CESE se félicite que la stratégie mette l’accent sur la réaffectation d’anciens terrains industriels ou miniers, étant donné que ces sites offrent des possibilités pour le déploiement de systèmes d’énergie solaire. À cet égard, le Comité approuve le recours au Fonds pour la modernisation et au Fonds pour une transition juste dans les zones propices au déploiement des énergies renouvelables.

Renforcer les capacités de production et d’installation

3.22.

Le chiffre cible actuel de l’Union en matière de solaire photovoltaïque, à savoir parvenir à 320 GW en 2025 et à 600 GW en 2030 (l’Allemagne à elle seule entendant atteindre 215 GW), est très ambitieux, mais nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union. Selon le plan REPowerEU, 42 GW devront être déployés chaque année jusqu’en 2025, avec une accélération pour atteindre 53 GW par an après cette date. L’Union doit donc doubler son rythme d’installation solaire de 2021, qui doit accomplir sur-le-champ un bond de 21 GW à 42 GW par an.

3.23.

L’économie européenne n’est actuellement pas en mesure de fournir les composants nécessaires à un déploiement à si grande échelle du solaire photovoltaïque, à cause d’un manque de capacités de production. L’installation est confrontée à des obstacles majeurs en raison du manque considérable de travailleurs qualifiés, ainsi que d’entraves réglementaires, voire techniques. À titre de comparaison, la Chine, se démarquant fortement de l’Union européenne sur ce point, a prévu d’installer 100 GW supplémentaires de capacité photovoltaïque en 2022, c’est-à-dire de doubler pratiquement son rythme d’installation (11), tout en couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur avec sa propre industrie photovoltaïque.

3.24.

Le Comité souligne par conséquent qu’il s’impose de renforcer la base industrielle et l’économie de l’Europe, de préserver son autonomie stratégique, en particulier pour ce qui est de son approvisionnement énergétique, et de garantir la fluidité et la fiabilité des chaînes d’approvisionnement. Le CESE fait observer que l’Union ne pourra jouer un rôle de premier plan dans l’industrie solaire que si les conditions nécessaires à l’essor économique de ce secteur sont réunies, et il insiste sur l’évidente nécessité de mobiliser toutes les parties prenantes concernées, avec le soutien des pouvoirs publics et des partenaires sociaux.

3.25.

Le CESE invite la Commission et les États membres à créer toutes les conditions nécessaires à la commercialisation de solutions photovoltaïques innovantes européennes à l’aide des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) tout au long de la chaîne de valeur de l’énergie solaire. Sur le long terme, un tel cadre garantirait les conditions d’une compétitivité durable de la production photovoltaïque européenne, y compris la position de chef de file de l’Union en matière de technologies photovoltaïques, de durabilité, de recyclage et de solutions photovoltaïques intégrées.

3.26.

Le CESE considère qu’il est impératif que l’Union renforce les investissements publics et privés et crée des conditions favorables au secteur de l’énergie solaire, par exemple en développant la formation dans ce domaine et en garantissant un accès adéquat au financement, y compris au moyen des outils de la taxinomie européenne des activités durables. Dans le droit fil de la mue que la Banque européenne d’investissement est appelée à opérer pour devenir la banque européenne du climat, le CESE demande que les programmes de financement fournis par cette banque mettent l’accent sur le soutien à la production solaire photovoltaïque.

3.27.

Le CESE appelle à encourager la recherche sur les nouvelles technologies photovoltaïques, reposant par exemple sur des matériaux de substitution. Pour remédier au problème du manque de main-d’œuvre qualifiée, il est essentiel de promouvoir la formation et le développement des compétences, en coopération entre les parties prenantes concernées. Par conséquent, le CESE invite instamment les institutions compétentes à trouver des moyens de se doter de travailleurs disposant des connaissances, des aptitudes et des compétences nécessaires pour que toutes les options disponibles en matière d’efficacité énergétique et de technologies renouvelables soient opérationnelles.

4.   Observations particulières sur les chaînes d’approvisionnement du secteur manufacturier

4.1.

Dans le domaine de l’énergie solaire, les segments de production situés en amont se caractérisent par d’importantes dépendances stratégiques, qui pourraient faire obstacle à son expansion rapide. La principale entrave réside dans la capacité limitée à fournir les matériels nécessaires à la réalisation des objectifs ambitieux de la stratégie. L’Europe, qui figurait autrefois parmi les principaux acteurs de la production solaire photovoltaïque, ne joue actuellement de rôle visible dans pratiquement aucun segment de la chaîne de valeur du solaire photovoltaïque, bien qu’elle occupe toujours une place de choix en matière de recherche dans ce domaine, disposant d’importantes installations dans ce secteur.

4.2.

Sur l’ensemble de la chaîne de valeur industrielle, l’Union ne dispose que de capacités limitées d’approvisionnement en ce qui concerne le composant principal, à savoir le silicium polycristallin. Ces problèmes de fourniture sont d’autant plus graves que les quatre plus grandes usines de silicium polycristallin de qualité solaire, représentant près de la moitié de la production mondiale, sont situées dans la région du Xinjiang, en Chine.

4.3.

Le CESE se félicite de l’initiative législative de la Commission (12) qui interdit de mettre sur le marché de l’Union des produits qui résultent du travail forcé. Il s’agit d’une mesure similaire à la loi américaine sur la prévention du travail forcé des Ouïghours, qui a eu des répercussions directes sur la configuration du marché du silicium polycristallin, le prix de cette matière première essentiellement produite en Chine étant appelé à augmenter pour l’ensemble de l’industrie photovoltaïque. Toutefois, le CESE relève qu’une telle mesure, appliquée à l’échelle mondiale, contribue à la réalisation de l’objectif de développement durable no 8, relatif au travail décent.

4.4.

Face à ce défi, renforcer les capacités de fabrication en Europe serait une réaction possible, mais néanmoins simpliste, étant donné que les technologies actuellement en usage pour produire du silicium polycristallin «brut» et en fabriquer des lingots sont, paradoxalement, très énergivores. Ce renforcement est en effet réalisable et pourrait être concrétisé en cas d’accès à une énergie bon marché et fiable, y compris l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables, par exemple, grâce à des centrales électriques hybrides, combinant énergie éolienne, énergie solaire et stockage. Si l’on considère la question dans son ensemble, le manque de matières premières et de composants et la sévérité des règles de l’Union, y compris en matière d’efficacité énergétique, créent un environnement économique relativement moins attrayant pour que l’industrie européenne se développe dans ce secteur, qui éprouve également des difficultés à accéder au financement.

4.5.

Le CESE est intimement convaincu que la création d’une industrie solaire florissante en Europe passe par une coopération européenne en matière d’innovation, visant à développer des systèmes photovoltaïques entièrement recyclables. La recherche doit concentrer ses efforts sur des matières premières plus prometteuses que le silicium, qui se prêtent à être utilisées, entre autres, dans les cellules solaires sur film ou celles pouvant être rendues translucides, par exemple pour fabriquer des fenêtres productrices d’électricité.

4.6.

En ce qui concerne les phases de la chaîne de valeur situées plus en aval, à savoir les plaquettes (wafers) et cellules solaires, l’Union européenne se trouve dans une position moins enviable encore. L’Europe ne produit que 1 % des plaquettes solaires et 0,4 % des cellules. Selon SolarPower Europe, une association du secteur de l’énergie solaire, nous sommes confrontés à un «manque criant de capacités de fabrication de lingots et de plaquettes».

4.7.

Seuls 3 % des modules solaires photovoltaïques sont produits en Europe, par 29 entreprises différentes, selon les données du Conseil européen de l’industrie solaire (European Solar Manufacturing Council, ESMC). En d’autres termes, sur quelque 30 modules assemblés en Europe, un seul est d’origine européenne. En 2020, la balance commerciale pour les produits d’énergie solaire affichait un déficit de 8,7 milliards de dollars.

4.8.

D’autres composantes des installations photovoltaïques sont également rares, mais les pénuries critiques en la matière sont moins graves. Les structures de montage sont des produits moins complexes: il est possible soit de les importer, sans créer de dépendances critiques, soit de les fabriquer localement, si la demande est forte.

4.9.

Le cas du verre pour module solaire, qui est une composante essentielle pour les modules photovoltaïques produits localement, illustre parfaitement la politique commerciale à courte vue que suit l’Union: lorsqu’elle a levé les droits de douane «défensifs» sur les produits finaux, en l’occurrence les modules solaires photovoltaïques, provenant de Chine et importés en Europe, les producteurs européens ont été exposés à une rude concurrence étrangère, mais des mesures de défense similaires pour les produits intermédiaires, tels que le verre pour module solaire, ont été maintenues. Le prix du verre pour module solaire acheté en Europe par les producteurs photovoltaïques européens a ainsi augmenté de manière disproportionnée par rapport aux prix pratiqués par les concurrents d’autres régions du monde. Cette situation a entraîné elle-même des pressions sur les prix du verre pour module solaire importé.

4.10.

Les modules solaires peuvent contribuer efficacement à la durabilité à condition que l’ensemble de leur cycle de vie, recyclage et réutilisation compris, ne soit pas trop énergivore. Toute technologie produit des émissions, au stade de la fabrication, du transport et de l’élimination des produits. La manière dont un module solaire est fabriqué et recyclé contribue à déterminer son utilité réelle pour réduire les émissions globales. Enfin, il est important, de l’avis du CESE, que les objectifs de développement durable soient respectés tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Proposition COM(2022) 221.

(2)  COM(2022) 230 final.

(3)  Avis du CESE «REPowerEU: action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable» (JO C 323 au 26.8.2022, p. 123) et avis du CESE «Plan REPowerEU» (JO C 486 du 21.12.2022, p. 185).

(4)  COM(2022) 222 final.

(5)  Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (JO L 328 du 21.12.2018, p. 82).

(6)  Directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE (JO L 315 du 14.11.2012, p. 1).

(7)  Avis du CESE «Plan REPowerEU» (JO C 486 du 21.12.2022, p. 185).

(8)  Recommandation de la Commission du 18 mai 2022 relative à l’accélération des procédures d’octroi de permis pour les projets dans le domaine des énergies renouvelables et à la facilitation des accords d’achat d’électricité [C(2022) 3219 final].

(9)  https://ember-climate.org/insights/research/europes-race-for-wind-and-solar/

(10)  C(2022) 3219 final.

(11)  https://www.pv-magazine.com/2022/05/31/chinese-pv-industry-brief-chinas-nea-predicts-108-gw-of-solar-in-2022/

(12)  COM(2022) 71, COM(2022) 66 et COM(2022) 453.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/185


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Interventions sur le marché de l’énergie à court terme et améliorations à long terme de l’organisation du marché de l’électricité — ligne de conduite»

[COM(2022) 236 final]

(2023/C 75/27)

Rapporteure:

Alena MASTANTUONO

Consultation

Commission européenne, 28.6.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

4.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

179/3/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) s’inquiète vivement des évolutions à l’œuvre sur les marchés de l’énergie et se félicite donc que la communication de la Commission envisage des interventions à court terme sur le marché de l’énergie et des améliorations à long terme de l’organisation du marché de l’électricité. Aussi le CESE met-il en relief la conclusion de la Commission selon laquelle, «dans certains domaines, il est nécessaire d’adapter l’organisation du marché de l’électricité de l’Union européenne pour tenir compte du paysage énergétique et du bouquet énergétique futurs, des nouvelles technologies émergentes, des évolutions géopolitiques ainsi que des enseignements tirés de la crise actuelle. Ces adaptations devraient contribuer à optimiser le fonctionnement de l’organisation du marché de l’électricité et le rendre plus apte à favoriser une décarbonation rentable du secteur de l’électricité, offrir des prix abordables aux consommateurs et accroître la capacité du marché de résister à la volatilité des prix».

1.2.

Étant donné que le bon fonctionnement des marchés de l’énergie joue un rôle crucial dans la poursuite de tous les objectifs fondamentaux associés à un système énergétique durable, à savoir la sécurité de l’approvisionnement, des coûts et tarifs raisonnables et la neutralité climatique, le CESE estime également qu’il est important de favoriser et de maintenir des conditions adéquates pour l’avenir. Les mesures prises dans ce domaine ne peuvent en aucun cas compromettre ces critères fondamentaux et doivent laisser le champ libre aux actions en faveur du climat à moyen et à long terme.

1.3.

Dans le même temps, le CESE fait toutefois observer que la crise actuelle des prix de l’énergie a une incidence négative sur les entreprises et les ménages européens. Les prix extrêmement élevés de l’énergie alimentent l’inflation et contribuent à l’incertitude économique. Par conséquent, le Comité soutient l’approche de la Commission consistant à prendre des mesures à court terme pour garantir des prix abordables et réduire les coûts pour les citoyens et les entreprises d’Europe, y compris par un soutien financier direct aux consommateurs vulnérables, ainsi qu’aux PME et aux industries à forte intensité énergétique qui souffrent le plus de la crise. Toutefois, le CESE estime que les interventions temporaires devraient être suivies d’une adaptation de l’organisation du marché dans les domaines où, pour citer la communication de la Commission, il est nécessaire d’adapter l’organisation du marché de l’électricité de l’Union européenne.

Le CESE demande aux responsables politiques d’encourager et de soutenir les citoyens pour leur permettre de devenir des prosommateurs d’énergie et de bâtir des communautés énergétiques locales, ce qui les aidera à devenir plus indépendants des prix du marché commun, plutôt que de dépendre de compensations permanentes. Le CESE invite les États membres et la Commission à apporter, au moyen de programmes spécifiques, un soutien aux consommateurs vulnérables pour les aider à devenir prosommateurs.

1.4.

Le CESE est d’avis que le principal problème réside dans le prix élevé du gaz naturel, et que toute mesure prise tant au niveau européen que national devrait dès lors avoir pour but d’éliminer cette cause profonde de la hausse des prix de l’électricité, de faciliter l’augmentation de la production et d’utiliser les énergies non fossiles dans la mesure où elles répondent à la demande énergétique. Il se félicite dès lors de la proposition formulée le 14 septembre 2022 par la Commission concernant les actions à mener du côté de la demande. Le Comité préconise un effort conjoint des ménages, du secteur public et des entreprises. La réduction de la demande est le moyen le plus simple de faire face aux factures énergétiques et de réduire les émissions. Le CESE appelle aussi à investir davantage dans une transition plus rapide vers un système énergétique non fossile et neutre pour le climat.

1.5.

Le CESE rappelle que toute action de suivi doit être précédée d’un débat rigoureux et d’une analyse d’impact, et fait savoir qu’il souhaite pouvoir participer à ce débat. La Commission comme les États membres devraient éviter les propositions à court terme qui nuiraient à la réalisation des objectifs fondamentaux liés à un système énergétique durable.

2.   Observations générales

2.1.

La communication de la Commission relative aux interventions sur le marché de l’énergie à court terme et aux améliorations à long terme de l’organisation du marché de l’électricité s’appuie sur plusieurs documents récents traitant de l’augmentation rapide des prix de l’énergie et des préoccupations quant à la sécurité de l’approvisionnement énergétique suscitées par l’invasion russe de l’Ukraine. Par ailleurs, elle est intrinsèquement liée aux initiatives concernant la transition énergétique vers la neutralité climatique. Le CESE souligne que la communication doit être examinée dans ce contexte général et renvoie aux avis qu’il a déjà élaborés sur ces sujets (1).

2.2.

Le bon fonctionnement des marchés de l’énergie joue un rôle crucial dans la poursuite de tous les objectifs fondamentaux associés à un système énergétique durable, à savoir la sécurité de l’approvisionnement, des coûts et tarifs abordables et la neutralité climatique. Étant donné que tous ces objectifs sont actuellement en jeu, l’Union devrait se concentrer sur les mesures qui apportent des avantages pour chacun d’entre eux et tiennent compte des besoins découlant du modèle économique et social européen. Le CESE estime dès lors qu’il importe de «revenir aux fondamentaux» et de se concentrer sur la création de conditions propices à une meilleure intégration des marchés de l’énergie.

2.3.

Ces derniers sont de plus en plus reliés entre eux du fait de l’intégration sectorielle, ce qui contribue à décarboner le système énergétique de manière rentable et à lutter contre sa volatilité accrue. D’une part, l’organisation actuelle du marché devrait inciter tous les acteurs à concrétiser la décarbonation, une étape nécessaire pour placer l’Europe sur la voie de la neutralité climatique, mais d’autre part, puisque les prix de l’électricité sont fixés par le jeu de l’ordre de préséance économique, l’organisation actuelle du marché pâtit énormément des prix exorbitants du gaz.

2.4.

Le marché intérieur est essentiel pour permettre à l’Union d’assurer une répartition efficace des ressources, y compris l’énergie. En parallèle, les marchés internationaux ont aussi une incidence significative sur le système énergétique de l’Union, en particulier sur les marchés des carburants. Les dernières évolutions géopolitiques ont fait ressortir la nécessité pour l’Union de s’efforcer d’améliorer son autonomie stratégique dans le domaine de l’énergie et des matières premières qui y sont liées. Pour être mené à bien, l’objectif de réduction de la dépendance de l’Union à l’égard de pays tiers peu fiables nécessite de bâtir une coopération plus étroite; cet enjeu met aussi en évidence l’interdépendance entre les États membres. Si l’Union doit exploiter le plein potentiel de ses ressources propres et des capacités dont elle dispose, il n’est ni réaliste ni utile d’agir sans tenir compte des marchés internationaux; il convient, au contraire, de veiller à établir une coopération fructueuse avec des partenaires fiables.

2.5.

Le bon fonctionnement des marchés ne pourra être assuré que si les éléments fondamentaux sont en place. Ainsi, le CESE fait valoir que tout système énergétique doit reposer sur une infrastructure énergétique adéquate, qui contribue au fonctionnement global des marchés de l’énergie en garantissant notamment la disponibilité de l’énergie et son caractère abordable. Pour améliorer le fonctionnement des marchés, il est essentiel de supprimer les obstacles à la circulation de l’énergie et de définir des règles de marché appropriées, notamment des règles de concurrence, qui permettent d’accroître la transparence et de créer et renforcer des conditions de concurrence équitables.

2.6.

Il est indispensable d’investir dans l’infrastructure énergétique pour que les systèmes énergétiques et le marché de l’énergie se développent et répondent efficacement aux tendances actuelles, notamment en ce qui concerne l’électrification, la localisation, la numérisation et l’augmentation de la production et de l’utilisation des énergies renouvelables. Pour encourager ces investissements, les décideurs politiques et les autorités compétentes doivent accélérer les procédures administratives et d’octroi d’autorisations, tout en assurant une consultation appropriée des parties prenantes concernées. La modernisation et la pérennisation des infrastructures impliquent non seulement de développer les réseaux de transport et de distribution, mais aussi de déployer des possibilités de stockage de l’électricité, ainsi que les systèmes numériques nécessaires pour rendre les systèmes énergétiques «intelligents». Dans le même temps, il convient d’éviter les blocages qui donnent lieu à des actifs délaissés.

2.7.

Le CESE estime judicieux de faire la distinction entre les mesures à court terme et celles à long terme lorsqu’il s’agit de trouver des solutions et de remédier à la situation actuelle. Il faut reconnaître que de nombreuses mesures, en particulier les investissements importants, prennent plus de temps à se concrétiser. Dans le cas de certaines mesures, il faut davantage de temps pour assurer leur planification adéquate, leur faisabilité et leur compatibilité avec les objectifs énergétiques de base, et ainsi éviter des solutions court-termistes qui pourraient s’avérer contre-productives à plus long terme.

2.8.

L’inclusion d’une perspective à long terme s’impose également pour garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique et la préparation aux situations exceptionnelles et aux perturbations sur les marchés. Ces considérations mettent en évidence le rôle des activités de prospective pour recenser les risques et poser les jalons qui permettront de renforcer la résilience et de faire face aux risques, y compris au moyen de plans d’urgence.

2.9.

Le CESE estime en outre que certaines formes de mécanismes de capacité sont susceptibles de contribuer à garantir la sécurité de l’approvisionnement, en particulier en cas de pics de consommation, tout en évitant les distorsions inutiles du marché, conformément aux principes de conception du règlement sur le marché intérieur de l’électricité.

2.10.

Le CESE invite les décideurs politiques à adhérer de manière constante et systématique à tous les objectifs fondamentaux d’un système énergétique durable, et demande également que l’accent soit mis sur les causes profondes des problèmes. Faute d’une approche de ce type, on risque fortement de lutter contre des symptômes aigus par des mesures qui sont soit inefficaces, soit, dans le pire des cas, contraires aux objectifs fondamentaux. Dans un tel cas, les responsables politiques devraient déterminer avec rigueur le calendrier des interventions dans un scénario d’urgence de ce type.

2.11.

Le CESE souligne que toute mesure, qu’elle soit introduite au niveau des États membres ou de l’Union, devrait reposer sur des informations scientifiques rigoureuses, des données probantes et des analyses d’impact détaillées. En ce qui concerne les politiques et mesures, une consultation approfondie devrait être menée avec les parties prenantes concernées, y compris la société civile.

2.12.

Dans l’ensemble, le développement des marchés de l’énergie de l’après-crise devrait reposer de plus en plus sur l’innovation et la concurrence, plutôt que sur les subventions et les barrières commerciales. Il faut par ailleurs reconnaître que, dans le cas du marché de l’énergie de l’Union, toute intervention pourrait avoir, où qu’elle soit mise en œuvre, des conséquences sur le reste du marché. Par conséquent, les mesures prises dans les États membres doivent être dûment ciblées et temporaires et avoir aussi peu d’effets de distorsion que possible sur le marché de l’Union.

3.   Observations particulières

3.1.

Toute intervention éventuelle sur les marchés de l’énergie devrait être évaluée au regard des objectifs fondamentaux afin de garantir qu’elle ne porte pas atteinte à l’intégrité du marché unique et à l’égalité des conditions de concurrence, ni ne suscite d’incertitudes qui affaiblissent l’environnement d’investissement. Les interventions ne doivent pas non plus compromettre les efforts consentis en matière de décarbonation et d’efficacité énergétique.

3.2.

Ce critère sera difficile à respecter, puisque toute intervention sur le marché de l’énergie pourrait avoir des conséquences négatives. Dans de nombreux cas, il pourrait s’agir de distorsions du marché, de coûts budgétaires, de ruptures d’approvisionnement ou d’effets négatifs sur les investissements ou sur le comportement des consommateurs. Dès lors, le Comité souligne que toute intervention doit reposer sur une analyse minutieuse de ses conséquences économiques, sociales et environnementales.

3.3.

Le CESE estime qu’en cas de crise, la mesure d’urgence la plus réaliste qui puisse être prise est sans aucun doute d’apporter un soutien financier direct destiné à atténuer les répercussions de l’augmentation des prix de l’énergie sur les personnes dans le besoin. Les éventuelles mesures de soutien visant à atténuer la crise devraient toutefois être temporaires et axées sur ceux qui en souffrent le plus, qu’il s’agisse de citoyens, de PME ou d’industries à forte intensité énergétique.

3.4.

Le CESE demande aux responsables politiques d’encourager et de soutenir les citoyens pour leur permettre de devenir des prosommateurs d’énergie et de bâtir des communautés énergétiques locales, ce qui les aidera à devenir plus indépendants des prix du marché commun, plutôt que de dépendre de compensations permanentes. Il conviendrait aussi de fournir davantage d’efforts pour orienter et soutenir les citoyens et les petites entreprises dans leurs activités en matière d’économies d’énergie et d’efficacité énergétique, ainsi que pour répondre aux variations de la production grâce à une demande flexible. Comme l’ont révélé des analyses en profondeur menées par le CESE, ce sont les consommateurs vulnérables les plus touchés par les prix élevés de l’énergie qui sont les moins susceptibles de devenir des prosommateurs, voire ne peuvent pas même y prétendre. Tant la Commission que les États membres doivent mettre en place des programmes, aux niveaux national, régional et local, pour aider ces consommateurs à surmonter les différents obstacles qu’ils rencontrent, notamment par l’intermédiaire de campagnes d’information et d’activation, par des ressources financières, par l’accès aux capitaux, l’accès au sol et aux toits pour l’installation d’équipements solaires et éoliens, etc.

3.5.

Le CESE a souscrit, dans un précédent avis (2), aux conclusions du récent rapport de l’ACER (3) selon lesquelles le marché de l’électricité a fait ses preuves pendant les crises, empêchant les coupures d’électricité, voire les pannes généralisées dans certains secteurs. Le rapport d’évaluation de l’ACER précise également que la volatilité des prix aurait été bien pire dans n’importe quel pays agissant isolément. Le Comité est toutefois conscient du fait que les prix du gaz font grimper les prix de l’énergie, compte tenu de l’organisation actuelle du marché, où l’ordre de préséance économique détermine le prix. Le CESE attire l’attention sur les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au sens de l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), lesquelles sont énoncées dans le protocole no 26 sur les services d’intérêt général, annexé au traité sur l’Union européenne (TUE) (4).

3.6.

D’une manière plus générale, il faut également reconnaître que l’intégration des marchés de l’énergie de l’Union a beaucoup progressé au cours des dernières décennies, et a apporté des avantages considérables en matière de disponibilité et de caractère abordable de l’énergie, qui sont souvent considérés comme acquis. Sans cette coopération et cette intégration des marchés, les coûts liés à la sécurité de l’approvisionnement énergétique et à l’écologisation du système énergétique seraient nettement plus élevés.

3.7.

Il y a lieu de faire perdurer cette évolution positive de l’intégration du marché de l’énergie. Au vu de la dépendance accrue à l’égard des énergies renouvelables, l’intérêt pour la mise en relation des marchés de l’électricité par-delà les frontières nationales ne cesse de gagner en importance, tout comme les avantages qui en découlent. La multiplication des connexions nationales et transfrontalières contribue à la sécurité de l’approvisionnement, mais permet également d’harmoniser les prix. Si elle peut présenter un inconvénient à court terme pour ceux qui bénéficient actuellement de prix inférieurs parmi l’éventail de tarifs pratiqués, à plus long terme, elle contribue toutefois à la baisse et à la stabilisation des prix.

3.8.

L’ACER estime dans son rapport que l’organisation actuelle du marché devrait être maintenue. Cependant, le CESE convient avec la Commission qu’il existe des domaines où il est nécessaire d’adapter l’organisation du marché de l’électricité de l’Union pour atteindre à moindre coût les objectifs de décarbonation qu’elle s’est fixés et garantir la sécurité de l’approvisionnement, notamment en raison de l’augmentation de la production et d’une utilisation accrue des énergies renouvelables, ainsi que pour assurer que les prix soient stables et abordables.

3.9.

Le CESE recommande d’examiner, par exemple, si l’organisation actuelle du marché, y compris son cadre réglementaire, incite suffisamment les acteurs concernés à investir dans des options de flexibilité telles que le stockage, le transfert de charge et l’hydrogène vert. Sans modifier la procédure d’appel d’offres, ce qui entraînerait des risques considérables, il existe de nombreuses possibilités susceptibles d’encourager les technologies bénéfiques pour le système, y compris un système de redevance d’accès au réseau qui récompense la production et la consommation adéquates d’électricité.

3.10.

Le CESE tient également pour nécessaire d’entamer dès que possible le débat politique sur les moyens de garantir, dans le cadre d’une organisation future du marché, l’investissement dans les capacités d’énergie renouvelable et leur refinancement dans un avenir plus lointain où les énergies renouvelables seront systématiquement utilisées pour répondre à la totalité de la demande d’électricité et où le prix du marché pourra être de façon régulière nul, voire négatif.

3.11.

Au cours du débat sur les prix élevés de l’électricité, il a été très clairement affirmé qu’il était nécessaire de remplacer la tarification marginale actuelle par un type de système différent, sachant que le gaz, qui se trouve souvent dans une position marginale, détermine pourtant le prix de l’électricité dans son ensemble. À cet égard, le CESE renvoie à la déclaration publiée le 8 septembre 2022 par sa présidente et la présidente de sa section TEN, selon laquelle le CESE appelle de ses vœux une action européenne conjointe afin de garantir la stabilité des prix de l’électricité et de réformer de toute urgence le marché de l’énergie, et demande également l’accélération de l’achèvement du marché unique et l’amélioration des infrastructures.

3.12.

Les hausses de prix sont essentiellement dues à des facteurs externes imprévus tels que la guerre et l’organisation du marché selon l’ordre de préséance économique, ces facteurs ayant fait grimper les prix du marché de l’électricité à un niveau sans précédent. Étant donné que le gaz constitue la cause profonde des prix actuellement élevés de l’énergie, la solution idéale au problème serait de réduire autant que possible l’utilisation du gaz et d’accroître la production et l’utilisation d’énergies non fossiles, dans la mesure où elles permettent de répondre à la demande énergétique.

3.13.

L’énergie fossile influence également les prix de l’électricité par l’intermédiaire des quotas d’émission, dont le prix a augmenté de manière significative, bien que son incidence reste limitée par rapport à celle des prix du gaz. En outre, une part élevée du prix de l’électricité pour les consommateurs consiste encore en diverses taxes.

3.14.

Il convient d’établir une distinction entre les brusques variations de prix causées par des situations exceptionnelles, telles que la guerre, et les fluctuations de prix plus régulières. Ces dernières dépendent de nombreux facteurs liés à l’offre et à la demande d’énergie. En raison de l’augmentation massive de la production d’électricité renouvelable intermittente, la volatilité des prix du système électrique risque de s’aggraver. Le marché doit donc envoyer des signaux de prix adéquats pour répondre au besoin de flexibilité.

3.15.

Le CESE fait observer que des plafonds tarifaires ou d’autres interventions sur les marchés de gros de l’énergie s’avèrent souvent nécessaires sur un marché de l’énergie très rudement mis à l’épreuve actuellement, mais que ces mesures peuvent nuire à la sécurité de l’approvisionnement, à l’environnement en matière d’investissements et aux économies d’énergie. Ce faisant, le CESE garde à l’esprit que des signaux de prix fondés sur le marché s’imposent pour encourager les investissements dans la production d’énergie, et que le prix peut aussi inciter à réaliser des économies d’énergie et à améliorer l’efficacité énergétique. Toutefois, il est nécessaire, pour atténuer l’effet de la flambée des prix de l’énergie, d’accorder une compensation temporaire bien ciblée à ceux qui en souffrent le plus, qu’il s’agisse des ménages ou des entreprises.

3.16.

Le CESE accueille favorablement la proposition visant à examiner la révision du cadre REMIT en vue de réduire les risques d’abus de marché en améliorant la transparence et la qualité des données du marché. Pour éviter toute incidence négative sur les entreprises, les ménages et la société, le CESE demande également qu’il soit envisagé de prendre des mesures visant à remédier aux effets de distorsion sur la fixation des prix du gaz résultant d’éventuels abus de marché et de spéculations.

3.17.

Le CESE attire l’attention sur la nécessité de revoir les plans nationaux en matière d’énergie et de climat dans le contexte des nouvelles conditions afin d’apporter une réponse coordonnée aux besoins en électricité à long terme.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 275 du 18.7.2022, p. 80, JO C 323 du 26.8.2022, p. 123, JO C 443 du 22.11.2022, p. 140.

(2)  JO C 443 du 22.11.2022, p. 140.

(3)  Évaluation finale par l’ACER de l’organisation du marché de gros de l’électricité de l’Union.

(4)  JO C 275 du 18.7.2022, p. 80.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/190


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport, modifiant le règlement (UE) 2021/1153 et le règlement (UE) no 913/2010 et abrogeant le règlement (UE) no 1315/2013

[COM(2022) 384 final/2 — 2021/0420 (COD)]

(2023/C 75/28)

Rapporteur général:

Stefan BACK

Consultation

Parlement européen, 3.10.2022

Conseil de l’Union européenne, 6.10.2022

Base juridique

Article 172 et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

155/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) rappelle que, dans son avis sur la proposition de révision du règlement relatif au RTE-T et aux corridors de fret ferroviaire (1) [ci-après la «proposition RTE-T» (2)], il a loué l’attention accrue portée aux liaisons avec les pays voisins de l’Union européenne, dont ses partenaires et les pays engagés dans le processus d’adhésion.

1.2.

La proposition RTE-T a été publiée en décembre 2021, soit peu avant l’agression russe contre l’Ukraine, qui a débuté en février 2022. Le CESE souscrit à l’évaluation faite dans la proposition modifiée selon laquelle cet acte a redéfini le paysage géopolitique, mis en lumière la vulnérabilité de l’Union face à des événements perturbateurs imprévus survenant au-delà de ses frontières, et attiré l’attention sur le fait que le marché intérieur de l’Union et son réseau de transport ne peuvent être considérés isolément au moment d’élaborer la politique de l’Union.

1.3.

Cette situation a mis en relief à juste titre la nécessité d’apporter de toute urgence une aide à l’Ukraine, notamment en améliorant la connectivité des transports avec l’Union afin de préserver et d’améliorer la mobilité et les flux de marchandises entre le pays et l’Union. En particulier, il s’impose de manière impérieuse d’aider à transporter les récoltes de céréales hors d’Ukraine, les ports de la mer Noire étant indisponibles en raison du blocus dont ils font l’objet de la part de la Russie.

1.4.

Le CESE convient que la mise en place rapide de routes logistiques de substitution utilisant tous les modes de transport reliant l’Union à l’Ukraine est vitale pour l’économie du pays et sa reprise économique, ainsi que pour la stabilisation des marchés alimentaires mondiaux et la sécurité alimentaire.

1.5.

Le CESE soutient également le plan d’action présenté dans la communication sur les corridors de solidarité, qui vise à améliorer les connexions transfrontalières (route-route, rail-route et rail-rail) entre l’Union et l’Ukraine, notamment en ajoutant des points de passage frontalier, et à étudier l’extension des corridors du RTE-T central en Ukraine.

1.6.

Le CESE note en outre avec satisfaction que le plan d’action prévoit également des «appels à propositions au titre du MIE» (mécanisme pour l’interconnexion en Europe), qui permettront d’axer tout particulièrement le soutien apporté sur les projets visant à améliorer l’interopérabilité et la connectivité du réseau de transport de l’Union avec l’Ukraine.

1.7.

Le CESE soutient donc pleinement l’extension du RTE-T à l’Ukraine et à la Moldavie sur la base des cartes indicatives figurant à l’annexe IV de la proposition modifiée; cette proposition arrive à point nommé et pourrait, à terme, apporter de la valeur ajoutée, notamment en améliorant les possibilités d’établir des flux de transport fluides et sans rupture entre l’Ukraine et l’Union.

1.8.

Le CESE souscrit pleinement au message politique fort que véhicule l’intégration des liaisons en Ukraine dans la principale priorité du RTE-T, à savoir les corridors de transport européens, avec leur solide système de mise en œuvre reposant sur des coordonnateurs, des plans de travail, divers groupes de travail et, en vertu de la proposition RTE-T, une obligation de donner force juridique aux plans de travail au moyen d’un acte d’exécution.

1.9.

Le CESE déplore toutefois que ni les dispositions générales relatives à la coopération avec les pays tiers, ni les dispositions relatives à la mise en application de l’instrument des corridors de transport européens et des priorités horizontales ne semblent fournir une base juridique permettant d’étendre aux pays tiers l’application des priorités des corridors ou leur système de mise en œuvre, y compris les coordonnateurs, la gouvernance, le plan de travail du coordonnateur européen ou l’acte d’exécution.

1.10.

Le CESE réclame donc un système de mise en œuvre solide et crédible pour les liaisons qui doivent être considérées comme faisant partie des corridors de transport européens, s’appuyant éventuellement sur le renforcement et la multiplication des groupes de travail sur la coopération avec les pays tiers.

1.11.

Compte tenu du contexte politique actuel, il semble également approprié, et conforme aux sanctions imposées, d’éliminer les liaisons RTE-T indicatives en Russie et en Biélorussie.

1.12.

Le CESE constate avec étonnement que la proposition modifiée comporte un engagement explicite à envisager le rétablissement des liaisons en Biélorussie, ainsi que des liaisons entre ce pays et les États membres de l’Union, si le pays évolue vers la démocratie, alors qu’aucun engagement similaire n’est pris en ce qui concerne la Russie. Le CESE estime qu’il convient d’éviter de prendre des engagements de ce type pour l’avenir.

1.13.

Le CESE note que l’élimination des liaisons entre les États membres et la Russie semble avoir posé des problèmes à certains d’entre eux, étant donné qu’un certain nombre de ces liaisons demeurent importantes pour leur connectivité interne. Il recommande d’accorder toute l’attention requise à l’importance éventuelle de ces liaisons à l’intérieur de l’Union.

1.14.

Le CESE convient également de l’évidente nécessité de traiter la question des différences d’écartement des rails entre l’Union et l’Ukraine, même si les changements à cet égard peuvent prendre un certain temps avant de se matérialiser et ne sont donc guère susceptibles d’apporter des solutions aux problèmes immédiats et urgents qui se posent en matière d’efficacité.

1.15.

Le CESE propose de restreindre aux seuls corridors de transport européens l’exigence d’une conversion à l’écartement standard européen de 1 435 mm, de manière à assurer la cohérence et la bonne coordination du processus, étant donné que l’obligation faite aux États membres d’établir des plans de conversion se limite à ces corridors.

1.16.

Le CESE prévient que la proposition selon laquelle toute nouvelle infrastructure ferroviaire sur le RTE-T central ou global devrait être construite selon l’écartement standard européen de 1 435 mm pourrait créer des problèmes de cohérence interne extrêmement complexes dans les États membres présentant des écartements de voie différents.

2.   Observations générales — contexte

2.1.   Liaisons avec l’Ukraine et la Moldavie et élimination/déclassement des liaisons en Russie et en Biélorussie ainsi qu’avec ces pays

2.1.1.

La proposition soumise par la Commission le 27 juillet 2022 en vue de modifier sa proposition RTE-T de décembre 2021 (3) (ci-après la «proposition modifiée») trouve son origine dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et ses effets sur les chaînes d’approvisionnement, qui ont fait ressortir l’importance des liaisons du RTE-T avec les pays partenaires voisins.

2.1.2.

L’article 9 de la proposition présentée par la Commission en décembre (proposition RTE-T) prévoit une coopération avec les pays tiers afin de relier le RTE-T à leurs infrastructures et de renforcer d’une manière durable la croissance économique et la compétitivité. Parmi les points abordés figurent l’extension de la politique du RTE-T aux pays tiers, des procédures de contrôle aux frontières et une surveillance devant assurer la fluidité des flux de trafic, l’achèvement des liaisons d’infrastructure pertinentes, l’interopérabilité, la facilitation du transport par voie navigable et le développement de systèmes TIC. Les cartes associées spécifient un réseau central et global conformément aux critères définis dans le règlement RTE-T (4).

2.1.3.

Des critères spécifiques sont établis pour les corridors de transport européens, distincts de ceux applicables au réseau central et global. Les corridors sont les parties du RTE-T qui revêtent la plus haute importance stratégique (article 7 de la proposition RTE-T); ils font l’objet de priorités générales spécifiques, distinctes des réseaux central et global (articles 12 et 13), et possèdent leurs propres règles de mise en œuvre (chapitre V, articles 50 à 54).

2.1.4.

La communication de la Commission sur les corridors de solidarité UE-Ukraine (5) recense un certain nombre de défis en matière d’infrastructures que l’Union et ses pays voisins doivent relever pour soutenir l’économie et le redressement de l’Ukraine et pour résoudre les problèmes d’approvisionnement et de connectivité entre l’Union, l’Ukraine et les marchés mondiaux. Elle propose d’étudier l’extension des corridors de transport européens à l’Ukraine et à la Moldavie afin de préserver les importations et les exportations, y compris l’exportation des récoltes hors d’Ukraine. Un accord de haut niveau sur les cartes indicatives du RTE-T en Ukraine a été signé en mai 2022.

2.1.5.

Le 14 juillet 2022, la Commission a adopté un règlement délégué comportant des cartes indicatives pour le réseau RTE-T en Ukraine et en Moldavie, afin d’étendre les normes du RTE-T aux pays voisins pour assurer des liaisons sans rupture. Ces cartes font désormais partie de la proposition modifiée, qui comprend également des cartes prolongeant plusieurs corridors du RTE-T en Ukraine et en Moldavie.

2.1.6.

La proposition modifiée supprime également les liaisons indicatives du RTE-T en Russie et en Biélorussie.

2.1.7.

Les connexions entre le réseau des États membres et lesdites liaisons ont en outre été déclassées et font désormais partie du réseau global.

2.2.   Écartement des rails

2.2.1.

La communication sur les corridors de solidarité avec l’Ukraine recense également les goulets d’étranglement dus à la divergence entre l’écartement des rails de 1 520 mm en vigueur en Ukraine et celui de 1 435 mm qui a cours au sein de l’Union, laquelle pose problème en raison des capacités de transbordement actuellement insuffisantes.

2.2.2.

La proposition modifiée vise à harmoniser l’écartement des rails sur le réseau central et global de l’Union afin d’atteindre, à terme, un écartement commun de 1 435 mm. Les nouvelles infrastructures ferroviaires doivent être construites avec cet écartement et les États membres dont l’écartement est différent, en tout ou en partie, sont tenus d’élaborer, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur du règlement, un plan en vue de convertir à un tel écartement les lignes ferroviaires existantes sur les corridors de transport européens. Les plans doivent être coordonnés avec les États membres voisins concernés.

2.2.3.

Les plans de conversion indiqueront les lignes ferroviaires qui ne seront pas converties et comprendront une analyse coûts-avantages justifiant cette décision, couvrant notamment l’incidence sur l’interopérabilité.

2.2.4.

Les priorités pour la planification des infrastructures et des investissements liés aux plans de conversion devraient être incluses dans le premier plan de travail des coordonnateurs européens des corridors de transport européens comportant des lignes ferroviaires de fret dont l’écartement des voies diffère de l’écartement standard européen.

2.2.5.

L’Irlande est exemptée de l’obligation d’harmonisation des écartements (articles 15 et 16 de la proposition RTE-T).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE rappelle qu’il a loué, dans son avis sur la proposition RTE-T, l’attention accrue portée aux liaisons avec les pays voisins de l’Union européenne, dont ses partenaires et les pays engagés dans le processus d’adhésion.

3.2.

La proposition RTE-T a été publiée en décembre 2021, soit peu avant l’agression russe contre l’Ukraine, qui a débuté en février 2022. Le CESE souscrit à l’évaluation faite dans la proposition modifiée selon laquelle cet acte a redéfini le paysage géopolitique, mis en lumière la vulnérabilité de l’Union face à des événements perturbateurs imprévus survenant au-delà de ses frontières, et attiré l’attention sur le fait que le marché intérieur de l’Union et son réseau de transport ne peuvent être considérés isolément au moment d’élaborer la politique de l’Union.

3.3.

Cette situation a mis en relief à juste titre la nécessité d’apporter de toute urgence une aide à l’Ukraine, notamment en améliorant la connectivité des transports avec l’Union afin de préserver et d’améliorer la mobilité et les flux de marchandises entre le pays et l’Union. En particulier, il s’impose de manière impérieuse d’aider à transporter les récoltes de céréales hors d’Ukraine, les ports de la mer Noire étant indisponibles en raison du blocus dont ils font l’objet de la part de la Russie.

3.4.

La nécessité d’agir pour assurer une mobilité et des flux de transport adéquats entre l’Union et l’Ukraine a été évoquée pour la première fois dans la communication susmentionnée sur les corridors de solidarité UE-Ukraine, et un certain nombre de mesures ont depuis lors été prises pour y répondre, notamment en promouvant le développement adéquat des infrastructures à travers l’Ukraine et des extensions indicatives des liaisons du RTE-T vers ce pays, conformément aux dispositions de la proposition RTE-T relatives à la coopération avec les pays tiers.

3.5.

Le CESE convient que la mise en place rapide de routes logistiques de substitution utilisant tous les modes de transport reliant l’Union à l’Ukraine est vitale pour l’économie du pays et sa reprise économique, ainsi que pour la stabilisation des marchés alimentaires mondiaux et la sécurité alimentaire.

3.6.

Le CESE note également que la capacité des terminaux et points de passage frontalier concernés, par exemple aux points de passage à double écartement, doit être améliorée de toute urgence, comme le souligne la communication sur les corridors de solidarité.

3.7.

Le CESE soutient également le plan d’action présenté dans la communication sur les corridors de solidarité, qui vise à améliorer les connexions transfrontalières (route-route, rail-route et rail-rail) entre l’Union et l’Ukraine, notamment en ajoutant des points de passage frontalier, à étudier l’extension des corridors du RTE-T central en Ukraine en vue d’assurer une meilleure connectivité grâce au développement de lignes ferroviaires à écartement européen standard vers l’Ukraine et la Moldavie, ainsi qu’à améliorer la connectivité et la navigabilité sur le corridor Rhin-Danube au profit d’un trafic plus efficace.

3.8.

Le CESE note en outre avec satisfaction que le plan d’action prévoit également des «appels à propositions au titre du MIE» (mécanisme pour l’interconnexion en Europe), qui permettront d’axer tout particulièrement le soutien apporté sur les projets visant à améliorer l’interopérabilité et la connectivité du réseau de transport de l’Union avec l’Ukraine.

3.9.

Le CESE soutient donc pleinement l’extension du RTE-T à l’Ukraine et à la Moldavie sur la base des cartes indicatives figurant à l’annexe IV de la proposition modifiée; cette proposition arrive à point nommé et pourrait, à terme, apporter de la valeur ajoutée, notamment en améliorant les possibilités d’établir des flux de transport fluides et sans rupture entre l’Ukraine et l’Union.

3.10.

Le CESE prend acte du fait que les cartes indicatives des infrastructures RTE-T de l’Ukraine figurant à l’annexe IV de la proposition modifiée classent les liaisons, les terminaux, les ports et les aéroports comme appartenant au réseau central ou au réseau global, conformément à l’article 9, paragraphe 2, de la proposition RTE-T.

3.11.

Les liaisons indicatives à l’intérieur de l’Ukraine sont également intégrées aux corridors de transport européens, étendant le corridor mer du Nord-Baltique, le corridor Scandinavie-Méditerranée, le corridor mer Baltique-mer Adriatique, le corridor Rhin-Danube et le corridor mer Baltique-mer Noire vers l’Ukraine au moyen des cartes figurant à l’annexe III de la proposition modifiée.

3.12.

Le CESE souscrit pleinement au message politique fort que véhicule l’intégration des liaisons en Ukraine dans la principale priorité du RTE-T, à savoir les corridors de transport européens, avec leur solide système de mise en œuvre reposant sur des coordonnateurs, des plans de travail, divers groupes de travail et, en vertu de la proposition RTE-T, une obligation de donner force juridique aux plans de travail au moyen d’un acte d’exécution.

3.13.

Le CESE déplore toutefois que ni les dispositions générales relatives à la coopération avec les pays tiers, ni les dispositions relatives à la mise en application de l’instrument des corridors de transport européens et des priorités horizontales ne semblent fournir une base juridique permettant d’étendre aux pays tiers l’application des priorités des corridors ou leur système de mise en œuvre, y compris les coordonnateurs, la gouvernance, le plan de travail du coordonnateur européen ou l’acte d’exécution. Seul l’article 52, paragraphe 3, point f), relatif à la gouvernance des corridors autorise la création de groupes de travail sur la coopération avec les pays tiers, mais cela ne semble pas modifier le champ d’application des dispositions relatives aux corridors transeuropéens.

3.14.

Le CESE réclame donc un système de mise en œuvre solide et crédible pour les liaisons qui doivent être considérées comme une extension des corridors de transport européens, s’appuyant éventuellement sur le renforcement et la multiplication des groupes de travail sur la coopération avec les pays tiers.

3.15.

Compte tenu du contexte politique actuel, il apparaît également approprié, et conforme aux sanctions imposées, d’éliminer les liaisons RTE-T indicatives en Russie et en Biélorussie.

3.16.

Le CESE constate cependant avec étonnement que la proposition modifiée comporte un engagement explicite à envisager le rétablissement des liaisons en Biélorussie, ainsi que des liaisons entre ce pays et les États membres de l’Union, si le pays évolue vers la démocratie conformément à un plan de l’Union en la matière, alors qu’aucune perspective de ce type n’est évoquée en ce qui concerne la Russie. Même s’il n’existe pas de plan spécifique de l’Union en ce qui concerne la démocratie en Russie, la différence d’approche est difficile à comprendre. Le CESE recommande donc d’éviter de prendre ce type d’engagement pour l’avenir.

3.17.

Le CESE note que l’élimination des liaisons entre les États membres et la Russie semble avoir posé des problèmes à certains d’entre eux. Le ministre finlandais des transports a ainsi critiqué le caractère général de ces mesures, étant donné que certaines de ces liaisons demeurent importantes pour la connectivité interne des pays concernés. Le CESE recommande d’accorder toute l’attention requise à l’importance éventuelle de ces liaisons à l’intérieur de l’Union.

3.18.

Le CESE convient également de l’évidente nécessité de traiter la question des différences d’écartement des rails entre l’Union et l’Ukraine, même si les changements à cet égard peuvent prendre un certain temps avant de se matérialiser et ne sont donc guère susceptibles d’apporter des solutions aux problèmes immédiats et urgents qui se posent en matière d’efficacité.

3.19.

Le CESE note que l’obligation de conversion à un écartement des rails de 1 435 mm a été élargie, et que la possibilité de conserver d’autres écartements a été réduite, au moyen des modifications proposées aux articles 15 et 16 et du nouvel article 16 bis. Étant donné que la mise en œuvre de la conversion à un écartement de 1 435 mm se concentre sur les corridors de transport européens — ceux-ci étant les seuls concernés par les plans de conversion devant être élaborés par tous les États membres —, une obligation générale de construire toutes les nouvelles lignes selon l’écartement de 1 435 mm semble incompatible avec l’objectif principal de l’article 16 bis, qui est d’assurer la cohérence ainsi qu’un transport ferroviaire sans rupture sur les corridors transeuropéens.

3.20.

Le CESE propose dès lors de restreindre l’exigence de conversion aux seuls corridors de transport européens, de manière à assurer la cohérence et la bonne coordination du processus.

3.21.

Le CESE s’étonne de l’obligation générale énoncée dans la proposition d’article 16 bis, paragraphe 1, selon laquelle toute nouvelle infrastructure ferroviaire devrait être construite selon l’écartement nominal standard européen de 1 435 mm, et ce, apparemment, quelle que soit la configuration du réseau environnant, étant donné qu’elle pourrait générer des problèmes de cohérence interne et de goulet d’étranglement extrêmement complexes dans les États membres affichant des écartements de voie différents.

3.22.

Il y a lieu de noter que la réduction des possibilités d’exemption pour les écartements divergents a suscité des inquiétudes, par exemple en Finlande, où la proportionnalité de la proposition à cet égard a été mise en doute.

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 290 du 29.7.2022, p. 120.

(2)  COM(2021) 812 final.

(3)  COM(2022) 384 final.

(4)  Règlement (UE) no 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et abrogeant la décision no 661/2010/UE (JO L 348 du 20.12.2013, p. 1).

(5)  COM(2022) 217 final.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/195


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Dispositions spécifiques pour les programmes de coopération 2014-2020 soutenus par l’instrument européen de voisinage et au titre de l’objectif “Coopération territoriale européenne”, en raison de perturbations dans la mise en œuvre des programmes»

[COM (2022) 362 final — 2022/0227(COD)]

(2023/C 75/29)

Rapporteur général:

Andris GOBIŅŠ

Consultation

Parlement européen, 27.9.2022

Conseil de l’Union européenne: 17.8.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en session plénière

27.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

117/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient l’approche de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil consistant à faire tout ce qui est nécessaire pour approuver le règlement prévu dès que possible et demande instamment qu’il entre en vigueur au plus tard au début du mois de novembre 2022.

1.2.

Au vu de la nécessité d’une approbation rapide, il est probable que, dans un premier temps, le règlement soit adopté sans modification. Le CESE suggère d’envisager un réexamen dans un deuxième temps, avec les améliorations proposées ci-dessous. Les changements suggérés devraient également enrichir le débat et la préparation du remaniement des règlements et programmes de suivi.

1.3.

Le CESE se félicite de l’action rapide des institutions de l’Union et de la flexibilité nécessaire dont elles ont fait preuve pour piloter des projets juste après la guerre non provoquée et injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine. Pour rester en conformité avec les valeurs et les principes de l’Union, il fallait absolument agir rapidement.

1.4.

Le CESE soutient l’ambition consistant à faire preuve de souplesse dans la modification de la finalité des projets en cours afin d’influer sur les besoins émergents en accordant la flexibilité nécessaire aux autorités de gestion et en leur offrant une sécurité juridique quant au fait que les projets sont gérés et suivis conformément aux règles et que les limitations liées à l’audit seront peu nombreuses. Cet aspect revêt une importance particulière étant donné que le règlement sera appliqué rétroactivement à compter du début de la guerre à grande échelle.

1.5.

Le CESE rappelle les nouvelles réalités apparues au cours des derniers mois de la guerre contre l’Ukraine. Compte tenu du fait que l’Ukraine bénéficie du statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union et que son besoin de se reconstruire et de se préparer à l’hiver ne cesse de s’accroître, il convient d’accorder encore plus de souplesse aux activités éligibles et d’élargir la définition des mesures de coopération transfrontalière/régionale pour les projets en cours et planifiés, comme le prévoient les modifications proposées dans le règlement (voir suggestions ci-dessous).

1.6.

Compte tenu de l’interruption des financements accordés aux autorités de la Fédération de Russie et de la Biélorussie et de la suspension connexe de la coopération transfrontalière avec ces pays, le CESE avance l’idée de faire tout ce qui est possible pour que les fonds initialement destinés à ces programmes de coopération soient transférés à des actions de solidarité avec l’Ukraine.

1.7.

La société civile étant en première ligne pour reconstruire l’Ukraine et la préparer à l’adhésion à l’Union, il convient d’accorder une attention particulière à l’affectation de fonds aux travaux des organisations de la société civile, y compris au réoctroi de ressources.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE soutient les objectifs de la proposition et se félicite de l’intention de prévoir une approche souple dans les programmes de coopération au titre de l’instrument européen de voisinage (IEV) afin de tenir compte des besoins résultant de l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Russie contre l’Ukraine et de ses répercussions sur l’Union européenne (UE) et plusieurs de ses régions orientales en particulier, ainsi que des nombreuses conséquences de la pandémie de COVID-19 sur l’Union.

2.2.

Le CESE souligne les efforts considérables déployés par les gouvernements nationaux, les autorités locales et la société civile des États membres voisins de l’Union, de la Moldavie et de l’Ukraine pour accueillir les personnes ukrainiennes déplacées fuyant massivement l’invasion russe et se félicite du soutien apporté par l’utilisation personnalisée des programmes de coopération transfrontalière pour couvrir les besoins respectifs en matière d’aide humanitaire.

2.3.

Le CESE reconnaît les défis particuliers auxquels les autorités ukrainiennes sont confrontées à tous les niveaux, devant assurer la défense militaire du pays tout en maintenant l’économie à flot, étant donné que l’Ukraine déplore un grand nombre de victimes, la destruction de logements et d’infrastructures, le déplacement d’une partie importante de sa population, qu’elle est confrontée à des perturbations de la production et des transports, à une pression budgétaire sans précédent et à de nombreux autres problèmes causés par l’agression russe. Les programmes de coopération transfrontalière avec l’Ukraine devraient contribuer à réduire cette charge, en donnant aux bénéficiaires la possibilité de répondre aux besoins découlant de la guerre.

2.4.

Le CESE se félicite de l’octroi récent à l’Ukraine et à la Moldavie du statut de candidat à l’Union et souligne la nécessité pour l’Europe d’apporter un soutien global à ces pays dans leurs réformes en vue de l’intégration à l’Union, qu’ils mettent en œuvre tout en supportant le fardeau de la guerre à grande échelle en Ukraine. Les programmes de coopération transfrontalière devraient, le cas échéant, rationaliser les objectifs renforcés de l’Union en matière d’intégration de l’Ukraine et de la Moldavie dans les activités du programme, notamment en transmettant l’expérience pertinente acquise par les pays voisins de l’Union en matière de réformes. Il devrait notamment s’agir des préparatifs aux niveaux local et régional et de l’octroi d’un rôle important aux organisations de la société civile, y compris aux partenaires sociaux.

2.5.

Compte tenu de l’interruption des financements accordés aux autorités de la Fédération de Russie et de la Biélorussie et de la suspension connexe de la coopération transfrontalière avec ces pays, le CESE avance l’idée de faire tout ce qui est possible pour que les fonds initialement destinés à ces programmes de coopération soient transférés à des actions de solidarité avec l’Ukraine. En raison du caractère hautement symbolique et de l’augmentation des besoins, il convient de consacrer du temps et des compétences à la recherche et à la préparation d’une base juridique pour ce transfert. Les forts liens émotionnels et fondés sur des valeurs peuvent être considérés comme un moyen de former un «voisinage» avec l’Ukraine et, moyennant interprétation, comme une réponse adaptée aux objectifs du programme en cette période extraordinaire.

2.6.

Le CESE souligne la charge financière exceptionnelle supportée par les communautés voisines accueillant de nombreuses personnes ukrainiennes déplacées et se félicite dès lors de l’intention de supprimer l’obligation de cofinancement national pour cinq programmes transfrontaliers au titre de l’IEV avec la République de Moldavie et l’Ukraine.

2.7.

Le CESE remarque que l’agression russe et l’afflux de personnes déplacées qui en a résulté ont démontré, une fois de plus, le rôle clé de la société civile et ont considérablement stimulé sa mobilisation, tant en Ukraine que dans les pays voisins de l’Union, donnant naissance à des centaines d’initiatives de volontariat, à l’échelle nationale, mais aussi sur le terrain, ayant pour but de fournir de la nourriture et des abris et de répondre à d’autres besoins humanitaires. Le soutien au travail de la société civile devrait par conséquent être particulièrement axé sur les programmes transfrontaliers. L’importance de la société civile organisée prévaudra également lors de la reconstruction de l’Ukraine et de ses régions et des préparatifs en vue de l’adhésion à l’Union.

2.8.

Compte tenu de la crise énergétique actuelle, le CESE rappelle la nécessité d’accélérer la transition vers une énergie verte et de renforcer encore l’efficacité énergétique. Les programmes de coopération transfrontalière devraient aider leurs bénéficiaires à résoudre les défis liés à la saison hivernale à venir, tout en leur permettant de rester sur la voie de la durabilité.

2.9.

Le CESE regrette que les parties prenantes n’aient pas été consultées lors de l’élaboration des modifications proposées. S’il est correctement mis en œuvre, un tel processus n’entraîne pas de perte de temps; dans la plupart des cas, il améliore même la qualité de la décision rédigée.

2.10.

L’utilisation des meilleures pratiques du code de conduite européen sur le principe de partenariat peut contribuer à la réussite des projets mis en œuvre dans le cadre du règlement modifié.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE souligne que l’Union prévoit une action à grande échelle visant à soutenir les personnes déplacées en provenance d’Ukraine, par exemple par l’intermédiaire de CARE, de FAST-CARE, de modifications de la politique de cohésion, etc. Il convient de réduire les risques de double financement. La spécificité de l’instrument européen de voisinage devrait être limitée à son objectif principal, à savoir la coopération entre l’Union et les partenaires orientaux. Puisque des perturbations de plus longue durée des programmes impliquant la Russie et la Biélorussie sont attendues, et qu’il existe une nécessité croissante de coopérer avec l’Ukraine et la Moldavie ainsi qu’un intérêt grandissant dans ce domaine, la base juridique en faveur des changements et de la solidarité avec ces États devrait être préparée, par exemple à l’article 9, mais aussi aux articles 5, 6 et 8.

3.2.

Le CESE attire l’attention sur le fait que, outre l’arrivée de personnes déplacées, l’invasion russe en Ukraine a eu d’autres répercussions profondes sur la coopération entre l’Union, l’Ukraine et ses pays voisins. En raison du blocus naval russe des ports maritimes ukrainiens et de la perturbation des routes de transport dans l’est de l’Ukraine, une grande partie des flux commerciaux du pays, et notamment celui des céréales, a été réorientée pour emprunter les frontières avec l’Union, créant ainsi une pression importante sur les infrastructures transfrontalières. Étant donné que l’exportation de céréales et d’autres produits par l’Ukraine revêt une importance cruciale pour prévenir la crise alimentaire mondiale, les programmes transfrontaliers devraient s’attaquer aux problèmes logistiques émergents afin de garantir la capacité maximale du flux de marchandises, y compris par l’amélioration de la gestion transfrontalière, la construction d’installations de stockage à proximité de la frontière et d’autres mesures pertinentes. Ces projets pourraient nécessiter des délais plus flexibles que ceux prévus actuellement par l’article 6, paragraphe 2.

3.3.

La hausse des coûts engendrée par des taux d’inflation exceptionnels que provoque la guerre russe devrait être éligible à tous les projets, et pas seulement à ceux mentionnés à l’article 6, paragraphe 3.

3.4.

Le CESE soutient la proposition visant à faciliter la gestion des programmes transfrontaliers, y compris les modifications apportées à leurs activités, compte tenu des circonstances exceptionnelles. Toutefois, il souligne qu’il est nécessaire de prévoir des garde-fous contre une éventuelle utilisation abusive des fonds et suggère de renforcer la participation de la société civile (partenaires sociaux compris) à la prise de décision et au suivi des activités transfrontalières des programmes. Ces aspects pourraient être soulignés à l’article 7 et/ou 15.

3.5.

La suspension unilatérale prévue à l’article 10, paragraphe 2, devrait être accompagnée d’une justification se référant au présent règlement.

3.6.

Comme indiqué aux paragraphes 1.7 et 2.5, le CESE suggère d’autoriser l’ajout de nouveaux partenaires de la société civile (avec des possibilités de réattribution) et d’Ukraine, en remplacement des partenaires suspendus. L’article 10, paragraphe 3, devrait être modifié en conséquence. En outre, la diaspora prodémocratique biélorusse ou russe pourrait être considérée comme un partenaire dans des cas exceptionnels.

3.7.

Des mesures supplémentaires doivent être prises en compte pour prévenir la fraude ou gérer les irrégularités susceptibles d’apparaître dans le processus de mise en œuvre. La société civile et les partenaires sociaux devraient également jouer un rôle renforcé dans ces processus et au sein des comités de suivi (article 14, paragraphe 3).

Bruxelles, le 27 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/198


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 89/629/CEE du Conseil

[COM(2022) 465 final — 2022/0282 (COD)]

(2023/C 75/30)

Consultation

Parlement européen, 3.10.2022

Conseil de l’Union européenne, 26.9.2022

Commission européenne, 16.9.2022

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

26.10.2022

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

169/0/03

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/199


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil établissant des règles relatives à un abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement et à la limitation de la déductibilité des intérêts aux fins de l’impôt sur les sociétés

[COM(2022) 216 final — 2022/0154 (CNS)]

(2023/C 75/31)

Rapporteur:

Petru Sorin DANDEA

Corapporteur:

Krister ANDERSSON

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 8.6.2022

Base juridique

Article 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

6.10.2022

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

187/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La proposition de directive relative à un abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement présentée par la Commission vise à remédier à ladite distorsion pour les entreprises de l’Union européenne en appliquant des règles relatives à la déductibilité des intérêts notionnels sur les augmentations de fonds propres et en introduisant des limitations spécifiques à la déductibilité fiscale des coûts nets d’emprunt.

1.2.

Pour ce faire, la Commission a conçu des règles ciblées prévoyant à la fois un abattement sur les fonds propres et la limitation des déductions d’intérêts. Ces mesures excluent les entreprises financières de leur champ d’application, sachant que celles-ci sont d’ores et déjà assujetties à des exigences réglementaires en matière de fonds propres qui empêchent une sous-actionnarisation.

1.3.

L’abattement sur les fonds propres conçu par la Commission se calcule selon la formule: base de l’abattement x taux d’intérêt notionnel. La base de l’abattement correspond à la différence entre les fonds propres à la fin de l’exercice d’imposition et les fonds propres à la fin de l’exercice précédent: autrement dit, elle correspond à la variation des fonds propres en glissement annuel. Pour ce qui est des dettes, une restriction proportionnelle limitera la déductibilité des intérêts à 85 % des coûts nets d’emprunt, à savoir les intérêts payés moins les intérêts reçus.

1.4.

Le Comité économique et social européen (CESE) approuve les objectifs que poursuit la Commission, dans la mesure où ils visent à remédier à un problème important et débattu de longue date en matière d’imposition des sociétés, comme l’est la distorsion fiscale qui favorise actuellement l’endettement plutôt que les fonds propres. Toutefois, le dispositif et la teneur réels de la proposition sont déterminants pour réaliser efficacement ces objectifs.

1.5.

À cet égard, le CESE estime que la décision de la Commission de privilégier les fonds propres sur l’endettement non seulement en accordant un abattement sur l’augmentation de leurs fonds propres par les sociétés au fil du temps mais aussi en réduisant de 15 % la déductibilité de l’endettement qui pèse sur les sociétés, est susceptible de porter préjudice aux entreprises européennes, tout spécialement aux PME.

1.6.

Le CESE s’inquiète de ce que la proposition de la Commission pourrait affaiblir sur le plan financier les PME et les microentreprises, lesquelles constituent l’épine dorsale de l’économie européenne. Ces types d’entreprises ne disposent pas d’un accès aisé aux marchés des capitaux; par conséquent, limiter la déductibilité de leurs charges d’intérêts pourrait entraver l’investissement, la croissance et la création d’emplois dans toute l’Europe.

1.7.

Le CESE réaffirme, pour ce qui est des petites entreprises et des microentreprises, qu’il convient de continuer à favoriser les fonds propres principalement, voire uniquement, au moyen d’abattements fiscaux sur ceux-ci sans remettre en cause la déductibilité des intérêts débiteurs.

1.8.

Le CESE considère que la prime de risque de 1 à 1,5 % prévue par la proposition de la Commission est à la fois déconnectée des réalités des marchés et insuffisante pour compenser les pertes résultant de la moindre déductibilité des charges d’intérêts. Dans tous les États membres, la prime de risque de marché excédait 5 % en 2021 et à l’heure actuelle, elle se situe à des niveaux équivalents.

1.9.

Le CESE redoute que ne pas autoriser la déduction de charges légitimes liées à la conduite des affaires que constituent en l’occurrence les charges d’intérêts puisse handicaper les entreprises européennes dans leur concurrence avec les entreprises sises dans les autres grands blocs commerciaux.

1.10.

Le CESE relève que ne plus autoriser pour les entreprises européennes la possibilité de déduire les charges d’intérêts créera des incitations pour les entreprises à recourir à des dispositifs de crédit-bail plutôt qu’à investir directement dans des machines et des équipements. En outre, il deviendrait plus difficile de se financer dans le cadre d’un groupe qui rassemble un grand nombre de sociétés et dont les fonctions de trésorerie sont centralisées et ce financement risque ainsi d’être compromis, ce qui renchérirait le coût des investissements et aboutirait à leur réduction.

1.11.

Afin d’apporter une contribution constructive et de faire pleinement part de ses préoccupations, le CESE suggère donc à la Commission de reconsidérer la substance de sa proposition, notamment en prévoyant d’exempter entièrement ou partiellement en particulier les PME et les microentreprises, des limitations de déductibilité des intérêts sur la dette.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

La proposition de directive (1) relative à un abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement présentée par la Commission vise à remédier à ladite distorsion pour les entreprises de l’Union européenne en établissant des règles concernant la déductibilité des intérêts notionnels sur les augmentations de fonds propres et en introduisant des limitations spécifiques à la déductibilité fiscale des coûts nets d’emprunt.

2.2.

Cette proposition s’inscrit dans le droit fil de la communication de la Commission sur une «Fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle» (2), qui met en avant la distorsion les règles fiscales en faveur de l’endettement en tant que question pertinente dont les institutions européennes doivent se saisir pour parvenir à un système fiscal juste et efficace.

2.3.

Dans la communication qui vient d’être mentionnée, la Commission fait valoir qu’une société peut actuellement «déduire les intérêts liés à un financement par l’emprunt mais pas les coûts liés à un financement sur fonds propres, tels que le paiement de dividendes, ce qui l’encourage à financer des investissements par l’emprunt au lieu d’utiliser des fonds propres. Cette pratique peut contribuer à une accumulation excessive de dettes, susceptible d’avoir des répercussions négatives sur l’Union européenne dans son ensemble, si certains pays venaient à faire face à une flambée de cas d’insolvabilité. L’incitation fiscale favorisant l’endettement pénalise aussi le financement de l’innovation au moyen de fonds propres».

2.4.

La proposition de la Commission à l’examen fait également suite à la demande spécifique du Parlement européen de remédier à la distorsion en faveur de l’endettement, tout en assurant simultanément des dispositions efficaces visant à lutter contre l’évasion fiscale pour éviter toute utilisation de la franchise favorisant les fonds propres comme un nouvel outil d’érosion de la base d’imposition (3).

2.5.

La proposition de la Commission a été précédée d’une vaste consultation, à laquelle ont participé diverses parties prenantes, qu’il s’agisse d’universitaires ou d’autorités publiques, d’organisations non gouvernementales, d’associations professionnelles ou d’entreprises. Cette consultation a montré que l’écrasante majorité de ces parties prenantes affirmaient la nécessité d’une initiative visant à réduire la distorsion en faveur de l’endettement au détriment des fonds propres.

2.6.

La Commission a également travaillé avec les six États membres qui ont déjà mis en œuvre des règles relatives à la distorsion en faveur de l’endettement au détriment des fonds propres afin de recueillir une expertise spécifique touchant au fonctionnement de telles règles sur la base des expériences qu’ils ont directement engrangées (4).

2.7.

Lors de l’élaboration de sa proposition, la Commission a envisagé cinq options possibles pour la réglementation, à savoir: 1) l’option 1 d’introduire un abattement sur le stock de capital à risque pour une durée indéterminée; 2) l’option 2 d’introduire un abattement mais uniquement sur les fonds propres nouveaux et pendant une période de dix ans; 3) l’option 3 d’introduire un abattement sur le capital social, tout en mettant fin à la déductibilité actuelle des intérêts; 4) l’option 4 d’interdire totalement la déductibilité des intérêts débiteurs; et 5) l’option 5 de concevoir un abattement pour les intérêts notionnels sur les fonds propres nouveaux pendant dix ans associé à une limitation partielle de la déductibilité fiscale de l’endettement pour toutes les entreprises.

2.8.

L’option 5 a été désignée comme celle qui était souhaitable; par conséquent, la Commission a conçu spécifiquement dans sa proposition des règles ciblées concernant à la fois un abattement pour les fonds propres et une limitation de la déductibilité des intérêts débiteurs. Ces mesures excluent explicitement les entreprises financières de leur champ d’application, sachant que celles-ci sont d’ores et déjà soumises à des exigences réglementaires en matière de fonds propres qui empêchent une sous-actionnarisation.

2.9.

Plus précisément, l’abattement sur les fonds propres conçu par la proposition de la Commission se calcule selon la formule suivante: base de l’abattement x taux d’intérêt notionnel. De son côté, la base de l’abattement correspond à la différence entre les fonds propres à la fin de l’exercice d’imposition et les fonds propres à la fin de l’exercice précédent: autrement dit, elle correspond à l’augmentation des fonds propres en glissement annuel.

2.10.

Si la base de l’abattement d’un contribuable qui bénéficie déjà d’un abattement sur les fonds propres est négative au cours d’une période d’imposition donnée (diminution des fonds propres), un montant proportionnel deviendra imposable pendant dix périodes d’imposition consécutives et jusqu’à l’augmentation totale des fonds propres nets pour lesquels l’abattement a été obtenu, à moins que le contribuable puisse apporter une preuve démontrant que cette situation est liée à des pertes subies au cours de la période d’imposition ou à une obligation légale de réduction du capital.

2.11.

La proposition établit des règles spécifiques concernant le taux d’intérêt notionnel qu’il convient d’appliquer et, au regard de leurs difficultés à accéder aux financements, elle prévoit d’appliquer un taux plus élevé en faveur des PME, auquel les États membres n’auront pas la possibilité de déroger. Afin d’éviter les abus, la déductibilité de l’abattement est d’ores et déjà limitée, dans le cadre du projet en matière de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) et de sa mise en œuvre au sein de l’Union par la voie de la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale (5), à un maximum de 30 % de l’EBITDA (6) du contribuable pour chaque exercice d’imposition. Il est proposé d’appliquer concurremment ces deux limitations.

2.12.

Pour ce qui est des dettes, une restriction proportionnelle limitera la déductibilité des intérêts à 85 % des coûts nets d’emprunt, à savoir les intérêts payés moins les intérêts reçus. Selon la Commission, cette approche permet de remédier à la distorsion fiscale en faveur de l’endettement en agissant simultanément tant sur les fonds propres et que sur les dettes. Toutefois, elle ne prévoit nullement le cas d’une augmentation des fonds propres du fait d’opérations entre sociétés ni celui d’une réévaluation des actifs.

2.13.

La proposition se fonde juridiquement sur l’article 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en vertu duquel les mesures de rapprochement prennent la forme d’une directive; de surcroît, la Commission tient sa proposition de directive pour conforme aux principes de proportionnalité et de subsidiarité. Le délai de transposition est établi au commencement de 2024, sachant que les États membres qui disposent dès à présent de règles relatives à la distorsion en faveur de l’endettement seront autorisés à maintenir les abattements en vigueur pour la période prévue à cette effet en vertu du droit national pour une période maximale de dix ans.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE approuve les objectifs que poursuit la proposition de la Commission, puisqu’ils visent à remédier à un problème important et débattu de longue date en matière d’imposition des sociétés, comme l’est la distorsion fiscale qui favorise actuellement l’endettement plutôt que les fonds propres. Le CESE est d’avis que les entreprises européennes, quelle qu’en soit la taille, pourraient grandement bénéficier de règles adéquates et conçues de manière raisonnable à cet égard, insufflant ainsi un surcroît de compétitivité sur le marché intérieur.

3.2.

Le CESE renvoie à son avis sur «Le rôle de l’impôt sur les sociétés dans la gouvernance d’entreprise» (7), lequel pressait de résoudre la distorsion fiscale en faveur de l’endettement au détriment des fonds propres, en mettant en avant les risques que présente un effet de levier indu et en faisant valoir que «[l]a distorsion fiscale en faveur de l’endettement dans le domaine de l’imposition des sociétés a une incidence à la fois sur les coûts socio-économiques, sur l’effet de levier des entreprises et sur la gouvernance d’entreprise» (8).

Le CESE a également mis en relief la contribution que la résolution de cette distorsion en faveur de l’endettement pourrait apporter au programme de la Commission visant à rendre l’économie européenne plus durable et plus numérisée (9), en relevant qu’«[u]n recours excessif au financement par l’emprunt peut entraver la réalisation des objectifs de la Commission européenne, étant donné que les entreprises deviennent financièrement vulnérables et que la possibilité de lancer de nouveaux projets d’investissements écologiques risqués sera compromise». Toutefois, les règles qu’il conviendra d’appliquer doivent s’attaquer de manière adéquate à la question de l’abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement. En particulier, le Comité estime que les propositions avancées par la Commission porteraient préjudice aux PME et tout spécialement aux microentreprises, en les affaiblissant sur le plan financier.

3.3.

Limiter la déductibilité des charges d’intérêts entrave l’investissement, la croissance et la création d’emplois. Dans la conjoncture économique actuelle marquée par des hausses des taux d’intérêt, il est encore plus probable que de tels effets négatifs se manifestent.

3.4.

Le CESE relève qu’il est préférable que ce soit l’Union qui agisse plutôt que ce soient des États membres qui lancent, à titre individuel, des initiatives non coordonnées. Néanmoins, puisque six États membres appliquent dès à présent leurs règles nationales relatives à des abattements au titre du financement sur fonds propres, il convient de relever que la résultante nette de l’effet de l’abattement en faveur des fonds propres et de celui de la non-prise en compte des charges d’intérêts n’uniformisera pas complètement les coûts d’investissement dans l’ensemble de l’Union européenne, même au cas où serait approuvée la directive à l’examen.

3.5.

Le CESE se félicite de la large consultation détaillée qu’a ouverte la Commission sur sa proposition d’abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement, qui a offert à de nombreux et divers acteurs, qu’il s’agisse d’associations d’entreprises, de sociétés, de pouvoirs publics ou d’universitaires, l’occasion de faire connaître leurs positions sur cette question essentielle pour l’imposition des sociétés et la gouvernance d’entreprise dans l’Union européenne.

3.6.

Le CESE se félicite également de la consultation ciblée qu’a menée la Commission auprès des six États membres qui ont déjà adopté des règles en matière de distorsion en faveur de l’endettement, car elle permet à l’autorité de réglementation de prendre en ligne de compte les expériences déjà engrangées dans ce domaine par les législateurs et les autorités fiscales nationaux.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE estime que la décision de la Commission de privilégier les fonds propres sur l’endettement non seulement en accordant un abattement sur l’augmentation de leurs fonds propres par les sociétés au fil du temps mais aussi en réduisant de 15 % la déductibilité de l’endettement qui pèse sur les sociétés, portera préjudice aux entreprises européennes, et tout spécialement aux PME et aux microentreprises. Pour ces sociétés, il convient en effet de continuer à favoriser les fonds propres principalement, voire uniquement, au moyen d’abattements fiscaux sur ceux-ci sans remettre en cause la déductibilité des intérêts débiteurs.

4.2.

Le CESE estime qu’il est hasardeux de limiter la déductibilité des intérêts débiteurs, tout spécialement pour les PME et les microentreprises, dans la situation économique actuelle marquée par le double effet négatif d’une inflation soutenue accompagnée de hausses des taux d’intérêt décidées par les banques centrales pour précisément maîtriser cette inflation. En outre, le niveau d’endettement de nombreuses entreprises s’est accru au cours de la pandémie. Limiter la déductibilité fiscale pourrait accroître la difficulté pour les petites entreprises et les microentreprises de gérer la dette qui les grèvent.

4.3.

Le CESE relève que le principe de proportionnalité tel que l’a développé la Cour de justice requiert des institutions européennes de concevoir des règles à même de réaliser les objectifs poursuivis par la réglementation tout en minimisant le préjudice pour ceux qui y sont assujettis. À cet égard, le CESE fait valoir qu’une réduction sensible de la déductibilité du financement par l’endettement pourrait produire des conséquences imprévues pour les PME, et tout spécialement pour les microentreprises, telles qu’une viabilité moindre de l’endettement de la société, des licenciements et une perte générale de stabilité financière dans l’ensemble du marché intérieur.

4.4.

Le CESE relève que ne plus autoriser la possibilité de déduire les charges d’intérêts créera des incitations pour les entreprises à recourir à des dispositifs de crédit-bail plutôt qu’à investir elles-mêmes dans des machines et des équipements. Il ne semble pas approprié d’instaurer un telle incitation, tout au moins sans avoir mené une analyse approfondie.

4.5.

De nombreuses entreprises recourent au financement au sein de leur groupe et ont centralisé leurs fonctions de trésorerie de manière à financer leurs investissements d’une manière efficace par rapport aux coûts. Fondamentalement, les règles proposées exigeraient de chaque société du groupe de financer ses investissements. Une telle situation accroîtrait les coûts de financement et réduirait en conséquence les investissements d’une manière fort malheureuse. Le CESE tient pour nécessaire de s’attaquer à ce problème, en permettant de maintenir un financement efficace des investissements.

4.6.

Le CESE recommande de limiter les coûts de mise en conformité pour les entreprises européennes intéressées à bénéficier du nouvel abattement sur les fonds propres en conférant aux nouvelles règles un degré suffisant de sécurité juridique et de prévisibilité afin d’éviter les incertitudes et les problèmes d’interprétation, lesquels sont susceptibles de donner lieu à des négociations, voire à des litiges prolongés entre les autorités fiscales et les sociétés.

4.7.

À la lumière des arguments développés précédemment et afin d’apporter une contribution constructive, le CESE suggère donc que la Commission reconsidère substantiellement sa proposition, notamment en exemptant totalement, ou au moins partiellement, les PME et les microentreprises des règles de l’abattement pour la réduction des distorsions en faveur de l’endettement au détriment des fonds propres.

Bruxelles, le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Proposition de directive du Conseil établissant des règles relatives à un abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement et à la limitation de la déductibilité des intérêts aux fins de l’impôt sur les sociétés [COM(2022) 216 final].

(2)  Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, «Fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle», [COM(2021) 251 final].

(3)  Résolution du Parlement européen du 15 février 2022 sur l’impact des réformes fiscales nationales sur l’économie de l’UE [2021/2074(INI)] (JO C 342 du 6.9.2022, p. 14).

(4)  Les États membres qui ont adopté des règles prévoyant un abattement sur les augmentations de fonds propres auront la possibilité de retarder l’application des dispositions de la présente directive jusqu’à la fin de l’applicabilité des droits déjà établis par la législation nationale (maintien des droits acquis). Les contribuables qui, au [1er janvier 2024], bénéficient d’un abattement sur les fonds propres en vertu du droit national (en Belgique, à Chypre, en Italie, à Malte, en Pologne et au Portugal) pourront continuer à en bénéficier en application du droit national pour une période maximale de dix ans.

(5)  Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (JO L 193 du 19.7.2016, p. 1).

(6)  EBITDA: «Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization», bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements.

(7)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 13.

(8)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 13, paragraphes 4.1 à 4.7.

(9)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 13.


28.2.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/204


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) no 1108/70 du Conseil instaurant une comptabilité des dépenses afférentes aux infrastructures de transports par chemin de fer, par route et par voie navigable et le règlement (CE) no 851/2006 de la Commission relatif à la fixation du contenu des différentes positions des schémas de comptabilisation de l’annexe I du règlement (CEE) no 1108/70 du Conseil

[COM(2022) 381 final]

(2023/C 75/32)

Consultation

Parlement européen, 12.9.2022

Conseil de l’Union européenne, 12.8.2022

Base juridique

Article 91 et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

26.10.2022

Session plénière no

573

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

170/0/0

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles le 26 octobre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG