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ISSN 1977-0936 |
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Journal officiel de l'Union européenne |
C 152 |
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Édition de langue française |
Communications et informations |
65e année |
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Sommaire |
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I Résolutions, recommandations et avis |
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AVIS |
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Comité économique et social européen |
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565e session plénière du CESE — Interactio, 8.12.2021-9.12.2021 |
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2022/C 152/01 |
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2022/C 152/02 |
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2022/C 152/03 |
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2022/C 152/04 |
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2022/C 152/05 |
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2022/C 152/06 |
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2022/C 152/07 |
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2022/C 152/08 |
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2022/C 152/09 |
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2022/C 152/10 |
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III Actes préparatoires |
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Comité économique et social européen |
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565e session plénière du CESE — Interactio, 8.12.2021-9.12.2021 |
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2022/C 152/11 |
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2022/C 152/12 |
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2022/C 152/13 |
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2022/C 152/14 |
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2022/C 152/15 |
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2022/C 152/16 |
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2022/C 152/17 |
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2022/C 152/18 |
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2022/C 152/19 |
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2022/C 152/20 |
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2022/C 152/21 |
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2022/C 152/22 |
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2022/C 152/23 |
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2022/C 152/24 |
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2022/C 152/25 |
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2022/C 152/26 |
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2022/C 152/27 |
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2022/C 152/28 |
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2022/C 152/29 |
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2022/C 152/30 |
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2022/C 152/31 |
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2022/C 152/32 |
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2022/C 152/33 |
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FR |
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I Résolutions, recommandations et avis
AVIS
Comité économique et social européen
565e session plénière du CESE — Interactio, 8.12.2021-9.12.2021
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/1 |
Avis du Comité économique et social européen sur les possibilités de transformation numérique pour les entreprises du commerce de détail et ses avantages pour les consommateurs européens
(avis d’initiative)
(2022/C 152/01)
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Rapporteur: |
Felipe MEDINA MARTÍN |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
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Adoption en section |
18.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
190/1/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite que la révision de la stratégie industrielle européenne récemment présentée par la Commission européenne conçoive le secteur du commerce de détail comme un écosystème stratégique dans le cadre de la relance européenne. Le CESE estime que l’approche écosystémique fournit un cadre approprié reflétant d’une part les interdépendances complexes entre les secteurs et les entreprises du marché unique au sein de chaînes de valeur données, et d’autre part la nécessité de les aider à adopter avec succès les transitions vers le numérique et la durabilité et à contribuer à la stratégie de relance. Le Comité note l’importance, la variété et l’ampleur des initiatives que prennent les entreprises du commerce de détail pour accompagner les transitions écologique et numérique en investissant dans les nouvelles technologies pour satisfaire les nouvelles demandes des consommateurs, ainsi que leurs besoins. |
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1.2. |
Le secteur européen de la distribution, qui est le plus grand employeur privé en Europe, se trouve au cœur d’une transformation numérique que la pandémie de COVID-19 a considérablement accélérée. La transformation numérique modifie en profondeur les modèles économiques du secteur de la distribution, mais elle change également l’interaction avec ses clients, et les entreprises les plus performantes intègrent sans difficulté l’environnement en ligne et hors ligne dans une solution omnicanale. Le CESE a constaté que deux tiers des détaillants n’effectuaient pas d’opérations en ligne avant la COVID-19, et que la pandémie a montré à quel point une stratégie omnicanale est importante pour la survie de nombreuses entreprises et en particulier, mais pas uniquement, celle des PME. |
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1.3. |
Le CESE fait valoir que l’un des principaux défis auxquels est confronté le secteur de la distribution est l’absence de conditions de concurrence équitables en ligne avec les commerçants des pays tiers, qui crée une concurrence déloyale pour les opérateurs établis dans l’UE qui respectent les règles européennes exigeant la sûreté des produits vendus aux consommateurs et le respect des droits des consommateurs. |
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1.4. |
Le CESE convient du besoin en Europe d’une politique numérique solide et ambitieuse pour le secteur du commerce de détail afin de tirer parti des possibilités qu’offre l’innovation numérique pour renforcer la compétitivité de l’Europe. Pour le secteur du commerce de détail, intégrer la transition écologique constitue l’occasion d’aider en même temps les consommateurs à faire des choix plus durables dans leur consommation. Le CESE fait valoir qu’un véritable marché unique et une législation transfrontière efficace et efficiente permettront aux secteurs du commerce de détail et de gros de répondre aux demandes des consommateurs et de faire face à la concurrence dans un environnement mondial plus concurrentiel et plus numérique. |
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1.5. |
Le CESE soutient la déclaration commune qui préconise l’adoption d’un pacte européen pour le commerce, publiée par les partenaires sociaux du secteur de la vente au détail et de la vente en gros, et qui demande à l’Union européenne d’aider le secteur à améliorer sa résilience à long terme grâce à des mesures de soutien ciblées et à l’accélération des transitions numérique et écologique; le CESE reconnaît le rôle du commerce de détail dans la sauvegarde des centres urbains et des communautés rurales. Le CESE invite la Commission à réfléchir aux moyens de créer une stratégie de relance et industrielle intégrée fondée sur des plans de relance, qui tienne compte du rôle des services et de l’industrie manufacturière, se renforçant mutuellement, dans la stimulation de la croissance et le fonctionnement efficace de l’économie de l’Union, et soutenant la numérisation du commerce de détail, en accordant une attention particulière aux PME. |
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1.6. |
Le CESE presse les institutions et les États membres de l’Union de repenser les mesures de soutien à l’emploi et aux compétences et d’investir dans les palettes de compétences des futurs travailleurs du commerce de détail en améliorant l’enseignement et la formation professionnels, la formation individuelle et l’aide au secteur de l’économie sociale axés sur de nouveaux emplois, en soutenant les entreprises de manière à ce qu’elles puissent retenir une grande partie de leur main-d’œuvre en la formant à utiliser les technologies numériques, tandis que la reconversion professionnelle pourrait permettre à d’autres d’accéder à des possibilités d’emploi dans d’autres secteurs. Le CESE convient que l’intelligence artificielle (IA) et la robotique vont élargir et amplifier les effets de la numérisation de l’économie sur les marchés du travail et qu’elles peuvent contribuer au progrès économique et social. |
2. Introduction
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2.1. |
Le secteur de la distribution, qui couvre les magasins de détail (B2C) et les grossistes (B2B), est le plus grand employeur privé en Europe; il fournit un emploi sur sept et regroupe un quart des entreprises européennes. Les détaillants et les grossistes constituent le lien entre les producteurs et les fabricants et les 450 millions de consommateurs dans l’Union européenne. |
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2.2. |
Le commerce de détail est un secteur qui dépend de la demande des consommateurs. Il s’agit d’un secteur diversifié au sein duquel des magasins, en ligne mais aussi traditionnels, vendent aux consommateurs des produits, alimentaires et non alimentaires, et évoluent rapidement vers un modèle omnicanal pour les consommateurs. Dans ce secteur, 99 % des entreprises sont des PME qui tentent de trouver leur place au sein du marché unique, qui survivent sur un marché hautement concurrentiel, offrent de la flexibilité pour innover et expérimenter et font ce qu’elles savent le mieux faire: servir leurs clients. |
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2.3. |
Le secteur européen de la distribution est au cœur d’une transformation numérique. Cette tendance s’est considérablement accélérée en raison de la pandémie de COVID-19. De nombreux consommateurs ont dû acheter leurs produits non alimentaires en ligne parce que les magasins étaient fermés. Les magasins de denrées alimentaires ont souvent pu rester ouverts, mais ont été soumis à de sévères restrictions, générant des coûts élevés en raison de la nécessité de préserver la sécurité des clients et des salariés. De nombreux détaillants qui ne disposaient pas auparavant d’un point de vente sur internet ont dû commencer à proposer leurs produits en ligne pour être à nouveau en contact avec les clients malgré le confinement. Souvent, les marchés en ligne étaient le seul moyen pour les PME d’accéder rapidement à l’internet, et cette tendance devrait s’accentuer dans un avenir proche. |
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2.4. |
Dans le même temps, la transition écologique est une chance pour le commerce de détail, dans la mesure où elle permet au secteur de repenser les modèles commerciaux, d’offrir des produits de substitution, de soutenir et d’encourager les citoyens à adopter un mode de vie plus durable. Elle permet à la fois de s’adapter aux changements sociétaux et de les engendrer. Outre le fait de répondre à la demande croissante des consommateurs et des régulateurs portant sur des solutions de remplacement plus durables, la transition écologique offre l’occasion de repenser la manière dont la société produit, fabrique, vend, utilise et jette des produits. |
3. Transformation numérique
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3.1. |
La transformation numérique modifie en profondeur les modèles économiques du secteur de la distribution: elle change l’interaction avec les clients, la commercialisation, la chaîne d’approvisionnement elle-même, la circulation de l’information tout au long de la chaîne d’approvisionnement et bien plus encore. Traditionnellement, ce secteur revend des produits, mais ses activités associent de plus en plus des services de soutien autour de la revente, un rôle de premier plan en matière de génération et de traitement des données et une part importante dans l’utilisation de l’IA. Cela s’avère essentiel pour répondre à la demande des consommateurs et fournir des offres personnalisées plus pertinentes. |
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3.2. |
Bien que de nombreux acteurs continuent de parler des circuits de vente en ligne et hors ligne, les entreprises les plus performantes intègrent sans difficulté l’environnement en ligne et hors ligne dans des solutions omnicanales, offrant ainsi aux consommateurs une expérience unique. Cela contribue à accroître la concurrence entre les différents modèles économiques, à offrir plus de choix et de transparence aux consommateurs et à créer des emplois et de la croissance. |
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3.3. |
L’un des principaux défis auxquels est confronté le secteur de la distribution est l’absence de conditions de concurrence équitables en ligne avec les commerçants des pays tiers. Certaines de ces questions font déjà l’objet de différentes initiatives de la Commission. Il est régulièrement signalé dans les médias que les produits extra-européens vendus en ligne par des professionnels de pays tiers ne sont pas conformes aux règles de l’UE, ont sont même dangereux. Cela crée une concurrence déloyale pour les opérateurs établis dans l’UE qui respectent les règles européennes en vertu desquelles les produits vendus aux consommateurs doivent être sûrs et les droits des consommateurs respectés. Le problème est aggravé par l’échec de la surveillance du marché et des contrôles douaniers, auquel s’ajoutent des coûts élevés de mise en conformité pour les professionnels respectueux du droit. Pour les consommateurs, il est difficile de résister à la tentation de prix plus bas. Une étude de 2020 indique que près de 70 % des consommateurs de l’UE qui effectuent des achats transfrontières ont acheté des produits vendus en Chine, alors que ce chiffre s’élevait à environ 15 % en 2014 (1). |
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3.4. |
Les détaillants et les grossistes innovent, s’adaptent et expérimentent afin d’explorer de nouveaux produits, services et modèles commerciaux et de répondre ainsi à la demande des clients. Plus de deux détaillants sur trois n’effectuaient pas d’opérations en ligne avant la COVID-19, et la pandémie a montré à quel point les solutions omnicanales sont importantes pour la survie de nombreuses entreprises, en particulier, mais pas uniquement, les PME détaillantes et grossistes. |
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3.5. |
L’innovation numérique renforce la compétitivité de l’Europe dans le monde. Un consommateur européen sur deux effectue déjà des achats en ligne, ce qui représente des dépenses annuelles s’élevant à 424 milliards d’euros (2), mais la part des achats en ligne varie considérablement selon le type de produit; seuls 15 % des consommateurs effectuent aujourd’hui des achats transfrontières et seules 7 % des PME vendent à l’étranger. L’Europe a besoin d’une politique numérique solide et ambitieuse en faveur de ce secteur pour tirer parti de ces possibilités et faire en sorte que toutes les entreprises soient associées au processus, que les conditions de travail de leurs employés s’améliorent et que les consommateurs perçoivent clairement les avantages du processus de numérisation du commerce de détail dans toute l’Europe, en maintenant un niveau élevé de protection des consommateurs dans tous les circuits de vente. |
4. Transition écologique
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4.1. |
La crise de la COVID-19 a montré que les consommateurs demandent de plus en plus des produits et des activités commerciales durables. Les détaillants et les grossistes, qui ont une interaction cruciale avec les consommateurs finaux, jouent un rôle essentiel pour anticiper et encourager la demande de produits et d’emballages plus durables, recyclables et/ou réutilisables. Ils s’emploient depuis de nombreuses années à favoriser une consommation durable et à réduire les émissions de CO2 dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement. Cependant, il leur est difficile de mener à bien cette transition dans un secteur où les coûts fixes sont élevés et où les marges sont faibles. |
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4.2. |
Le secteur du commerce de détail contribue de manière significative à la collecte et au recyclage des déchets. Les systèmes de responsabilité élargie des producteurs sont fondés sur le volume de déchets dans un flux donné qu’une entreprise met sur le marché sur lequel elle est présente. Cette responsabilité n’est pas aussi claire lorsque des commerçants qui ne sont pas physiquement établis dans l’UE mettent des produits sur le marché européen ou lorsque les consommateurs le font par importation directe. Dans ces cas, les déchets de produits entrant dans le flux de déchets sont recyclés ou enlevés aux frais des détaillants européens. Cela inclut les déchets générés par des opérateurs de pays tiers qui ne paient rien. Une coopération accrue est nécessaire entre les systèmes de DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques) et les vendeurs en ligne établis en dehors de l’UE, de même que des mesures visant à sensibiliser ces entreprises aux obligations qui leur incombent en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs. L’information des consommateurs sur les processus et les coûts de recyclage est également essentielle pour que les effets des achats en ligne soient plus transparents. |
5. Compétences
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5.1. |
Le CESE soutient la déclaration commune du 8 avril 2020 (3) qui préconise l’adoption d’un pacte européen pour le commerce, publiée par les partenaires sociaux du secteur de la vente au détail et de la vente au gros que sont UNI-Europa et EuroCommerce. Elle a mis en évidence l’impact sans précédent de la crise de la COVID-19 sur la viabilité des détaillants et des grossistes et sur la résilience de leur main-d’œuvre. La tradition du partenariat social et la généralisation des formules de travail sur mesure dans le secteur, souvent par le biais de conventions collectives, ont permis aux entreprises de s’adapter efficacement à la «nouvelle normalité» survenue de manière soudaine et radicale. Les partenaires sociaux ont proposé aux autorités européennes et gouvernementales un «pacte européen pour le commerce» afin d’aider le secteur à améliorer sa résilience à long terme grâce à des mesures de soutien ciblées et à l’accélération des transitions numérique et écologique. |
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5.2. |
Selon un rapport récent du McKinsey Global Institute (4), la COVID-19 et l’automatisation combinées mettent en péril plus de 5 millions d’emplois dans le commerce de détail et de gros. Cela pourrait avoir une incidence sur les femmes et les jeunes qui sont nombreux à y être employés. Outre la stabilisation de l’économie, l’UE et les États membres doivent investir dans l’ensemble des compétences de ces travailleurs, par exemple en améliorant l’enseignement et la formation professionnels, les comptes individuels de formation et la reconversion professionnelle. Un renforcement ciblé des compétences permettrait au secteur de retenir une plus grande partie de sa main-d’œuvre en la formant à utiliser les technologies numériques, tandis que la reconversion professionnelle pourrait permettre à d’autres d’accéder à des possibilités d’emploi dans d’autres secteurs. |
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5.3. |
Les mesures prises par l’UE pour soutenir l’emploi et les compétences doivent donc être repensées de manière à permettre un accès simple et rapide au financement de la restructuration de ce secteur et à faire face à l’évolution des besoins en compétences induite par l’accélération de l’évolution du marché causée par la COVID-19. Les plans de relance doivent servir à renforcer les compétences des travailleurs des secteurs du commerce de gros et de détail, de la même manière que pour les travailleurs du secteur public. |
6. Stratégie industrielle — écosystème du commerce de détail
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6.1. |
La stratégie industrielle actualisée récemment présentée par la Commission (5) met désormais l’accent sur les écosystèmes essentiels, y compris le commerce de détail et l’agroalimentaire. Les détaillants et les grossistes jouent un rôle primordial dans l’économie européenne et le fonctionnement de nombreux autres écosystèmes tels que le secteur de la logistique. Les transitions numérique et écologique doivent contribuer à la relance après la pandémie de COVID-19, et les détaillants ainsi que les grossistes doivent être reconnus comme des acteurs importants de nombreux écosystèmes comme, par exemple, le commerce en ligne et la logistique. La logistique est un élément industriel indispensable du commerce en ligne, avec lequel elle entretient une relation symbiotique, étant donné qu’aucun des deux sous-systèmes ne peut exercer ses activités sans la contribution de l’autre. Il est dès lors dans l’intérêt général que le secteur de la logistique se développe dans le respect des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement. |
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6.2. |
La Commission a admis que l’écosystème du commerce de détail et de gros est l’un des secteurs les plus durement touchés et arrive en deuxième position en ce qui concerne les besoins de soutien à l’investissement. Les détaillants et les grossistes opèrent avec un chiffre d’affaires élevé, des coûts fixes élevés et des marges faibles (1 à 3 %), ce qui signifie qu’ils sont particulièrement vulnérables aux pénuries de liquidités. En mai 2020, les pertes estimées liées à la première vague de la pandémie atteignaient 16 à 20 % du chiffre d’affaires annuel (250-320 milliards d’euros) dans le commerce de détail non alimentaire. Un grand nombre d’entreprises de l’écosystème de détail et de gros ont subi des restrictions sévères de la part du gouvernement, directement ou indirectement, par exemple en raison de la fermeture de leurs clients ou d’autres restrictions en matière de mobilité. Ceux qui effectuaient des opérations en ligne ont pu atténuer une partie des pertes, mais seulement de manière très limitée. Les ventes en ligne ont augmenté de manière significative et devraient continuer à croître au fur et à mesure que les consommateurs acquièrent de l’expérience dans l’achat en ligne. |
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6.3. |
L’approche écosystémique fournit un cadre approprié reflétant à la fois les interdépendances complexes entre les secteurs et les entreprises du marché unique au sein de chaînes de valeur données, ainsi que la nécessité de les aider à adopter avec succès la transition vers le numérique et la durabilité et à contribuer à la stratégie de relance. Sachant que la consommation privée représente plus de 50 % du PIB de l’UE, les détaillants et les grossistes permettent aux fabricants d’accéder aux marchés de la consommation et aux marchés professionnels; les clients peuvent acheter ce dont ils ont besoin, ce qui constitue une chaîne d’approvisionnement continue et vitale. |
7. Rôle du commerce de détail dans la sauvegarde des centres urbains et des communautés rurales
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7.1. |
Depuis de nombreuses années, les détaillants ont instauré un climat de confiance avec les consommateurs européens et leur fournissent des produits de haute qualité à des prix compétitifs, en cherchant constamment à créer et à répercuter de nouveaux gains d’efficacité afin d’aider les consommateurs à améliorer leur pouvoir d’achat. Les détaillants créent des produits respectueux de l’environnement qui favorisent une consommation durable, mais il faut en faire davantage. |
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7.2. |
Les magasins de détail jouent également un rôle crucial dans la sauvegarde des centres-villes et des communautés rurales. Cela montre aussi à quel point les points de vente physiques traditionnels sont et seront importants pour la société. Les détaillants peuvent servir de bureau de poste, de banque et de pharmacie et aider les communautés locales à rester dynamiques. Les espaces de vente au détail vides dans les rues commerçantes condamnent inexorablement les villes à un lent déclin vers le vandalisme et la criminalité, et, dans un village, un magasin peut faire la différence entre une communauté rurale vivante et une communauté qui se dépeuple. |
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7.3. |
Les détaillants européens doivent être en mesure d’accroître et d’accélérer leurs investissements dans l’automatisation, l’interface avec les consommateurs et l’IA afin de rester compétitifs. Le soutien à ces investissements et à l’expansion des ventes en ligne, et en particulier l’aide à la mise en ligne des PME et des petites entreprises de centre-ville, aurait un effet transformateur tant sur leurs communautés locales que sur la survie et la résilience de nombreuses entreprises de détail confrontées à une concurrence intense, et de plus en plus mondiale. |
8. Des conditions de concurrence équitables pour le commerce de détail en Europe
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8.1. |
L’UE, qui compte 450 millions de consommateurs, dispose d’un immense potentiel en tant que marché intérieur numérique. La stratégie pour un marché unique numérique en Europe a été conçue pour stimuler le commerce électronique transfrontière entre les pays de l’UE. Toutefois, le commerce électronique transfrontière au sein de l’UE n’a pas connu une croissance aussi rapide que le commerce électronique provenant de pays tiers. Le marché européen des services numériques accuse un net retard par rapport aux États-Unis et à la Chine, en particulier en ce qui concerne la présence sur le marché mondial, comme en témoigne la croissance fulgurante des ventes en ligne de certains pays tiers, notamment la Chine, à destination des consommateurs européens. Au fil des ans, nous avons vu que des formats et des technologies numériques de plus en plus innovants y sont créés. L’UE et ses États membres doivent redoubler d’efforts pour instaurer le cadre approprié dans lequel les entreprises peuvent être compétitives, innover, servir leurs clients et garantir la protection des consommateurs. Le meilleur moyen d’y parvenir est de faire en sorte qu’il soit plus attrayant d’investir et de faire des affaires dans l’UE qu’ailleurs dans le monde. |
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8.2. |
Les ventes en ligne constituent la partie du marché de détail qui connaît la croissance la plus rapide et, bien qu’elles restent relativement limitées par rapport aux ventes hors ligne, elles commencent à devenir très importantes dans un certain nombre de secteurs non alimentaires. Les détaillants ne sont plus le seul point d’accès aux clients, les fabricants commençant également à utiliser le commerce électronique pour trouver d’autres manières de vendre et d’interagir directement avec les consommateurs. Les économies d’échelle et la mécanisation extensive des processus, ainsi que les effets de réseau et la capacité d’offrir une gamme de produits quasi illimitée, ont profité aux grands acteurs et plateformes en ligne, dont les parts de marché croissantes commencent à reproduire le rôle de gardien traditionnel des magasins locaux. |
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8.3. |
Tous les biens vendus dans l’UE doivent être conformes aux règles de l’UE, et tous les professionnels qui vendent leurs produits aux consommateurs européens doivent s’en assurer. Les importations directes donnent lieu à de nouveaux défis en matière de respect de la législation de l’UE, présentent des risques pour la santé et la sécurité des consommateurs européens et exposent les commerçants de l’UE à une concurrence déloyale. Un message fort a été envoyé afin d’affirmer que, quels que soient l’endroit où se trouve une entreprise et la valeur des marchandises vendues dans l’UE, celles-ci doivent être conformes aux règles. Entre autres, la proposition de législation sur les services numériques, la révision de la directive sur la sécurité générale des produits, la mise en œuvre et l’application correctes du règlement sur la surveillance du marché et d’autres actes législatifs de l’UE joueront un rôle déterminant. |
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8.4. |
Le marché unique et ce secteur doivent impérativement fonctionner correctement, car cela permettra au commerce de détail et de gros de répondre aux demandes des consommateurs et de faire face à la concurrence dans un environnement mondial plus concurrentiel et plus numérique. Le CESE estime qu’une action au niveau de l’UE est de la plus haute importance pour prévenir une nouvelle fragmentation du marché intérieur et éviter l’introduction de nouvelles règles nationales, souvent protectionnistes, applicables aux produits et aux services, ainsi que pour éviter des divergences dans la mise en œuvre et l’interprétation du droit de l’UE. |
9. L’IA dans le commerce de détail et de gros
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9.1. |
Les détaillants et les grossistes utilisent l’automatisation depuis de nombreuses années dans des domaines tels que le transport, la commande et la gestion des stocks, ou les interactions avec les consommateurs. Grâce à l’IA, l’automatisation est devenue beaucoup plus sophistiquée, ce qui permet d’améliorer les connaissances et l’efficacité. L’IA a de nombreuses incidences sur le commerce de détail et le commerce de gros. Elle permet notamment d’améliorer l’interaction avec les clients, d’accélérer la livraison des colis, de prévoir le comportement des clients, d’optimiser les stocks, de détecter la fraude et de rendre le secteur plus durable. |
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9.2. |
La pénétration de l’IA dans le commerce de détail augmente fortement chaque année. Seuls 4 % des détaillants utilisaient les technologies de l’IA en 2016, contre 17 % en 2017 et 28 % en 2018. Sans surprise, le taux d’utilisation a été le plus élevé chez les grands détaillants et grossistes dont le chiffre d’affaires annuel s’élève à 10 milliards de dollars ou plus. L’IA est utilisée par les détaillants dans les secteurs de l’automobile (19 %), de l’électronique et des applications domestiques (25 %), de l’amélioration des habitations (26 %), de l’alimentation (29 %), de l’habillement et de la chaussure (33 %) et dans les domaines multicatégoriels (42 %). |
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9.3. |
Comme l’a détaillé le CESE dans son avis sur l’IA (6), celle-ci et la robotique vont élargir et amplifier les effets de la numérisation de l’économie sur les marchés du travail et peuvent contribuer au progrès économique et social. Ces dernières années, l’IA est devenue une priorité pour les entreprises, les décideurs et la société. Elle offre aux entreprises de détail et de gros des possibilités infinies pour se développer sur le plan opérationnel, améliorer les chaînes d’approvisionnement, aider à prendre des décisions, comprendre les besoins des consommateurs et améliorer l’expérience des clients. Ce ne sont que quelques-unes des nombreuses raisons pour lesquelles tant de détaillants et de grossistes explorent les possibilités offertes par l’IA et investissent dans celle-ci. |
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9.4. |
De nombreuses applications de l’IA n’ont aucune incidence sur les individus. L’IA utilisée pour le diagnostic médical et l’IA utilisée pour scanner les produits en rayon dans un entrepôt ont beau être des technologies similaires, qui permettent de prendre des décisions fondées sur des ensembles de données complexes, elles comportent cependant des risques fondamentalement différents et ne nécessitent pas les mêmes garanties. L’intelligence artificielle appelle une réglementation qui traite des différents degrés de risque associé au recours aux systèmes d’intelligence artificielle, en assurant la sécurité et la confiance des consommateurs dans ces systèmes. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) E-commerce in Europe 2020 (Le commerce électronique en Europe 2020).
(2) https://www.eurocommerce.eu/about-us/the-narratives.aspx
(3) Déclaration EuroCommerce et UniEuropa du 8 avril 2020 (en anglais).
(4) McKinsey Global Institute, The future of work in Europe («L’avenir du travail en Europe»).
(5) Commission européenne, communication sur Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe; COM(2020) 102 final.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/7 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Dépasser les mesures axées sur le PIB pour une reprise fructueuse et une économie européenne durable et résiliente»
(avis d’initiative)
(2022/C 152/02)
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Rapporteur: |
Petru Sorin DANDEA |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
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Adoption en section |
23.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
209/2/7 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE juge qu’il est inéluctable de passer du système économique dans lequel le principal moteur était la croissance vers un modèle où prévaut le développement durable. Compte tenu de la grande complexité que cette transformation implique et des défis énormes qu’elle pose, les propositions de nouveaux indicateurs qui sont contenues dans le présent avis ne constituent qu’un exemple de l’approche qu’il est possible d’adopter en matière d’instruments de mesure dans le domaine social, économique ou environnemental. |
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1.2. |
Le CESE propose d’élaborer un ensemble d’indicateurs visant à mieux informer les décideurs politiques, qui pourront ainsi promouvoir des politiques de développement de l’économie circulaire. Par exemple, pour certains biens de consommation durables, les données relatives à la teneur en matières issues de ressources naturelles, lorsqu’elles sont mises en corrélation avec celles concernant la durée moyenne de leur utilisation et avec le taux potentiel de valorisation des matériaux mentionnés, peuvent fournir aux décideurs politiques des informations pertinentes quant aux raisons de décider qu’il y a lieu d’investir dans le secteur du recyclage. |
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1.3. |
Le Comité estime qu’il serait judicieux d’élaborer sous forme condensée un tableau de bord «au-delà du PIB», lequel pourrait ensuite être intégré au tableau de bord relatif au pacte vert pour l’Europe. Le modèle de l’«économie du donut pour l’UE à l’horizon 2030», élaboré par l’institut allemand ZOE, pourrait être utilisé pour développer ce tableau, qui pourrait jouer un rôle dans le processus de gouvernance européenne en ce qu’il contribuerait à évaluer les progrès réalisés et définir les actions nécessaires pour atteindre les objectifs du semestre européen. Le Comité estime que le processus de gouvernance européenne devrait adopter une nouvelle perspective, axée sur le bien-être des citoyens. |
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1.4. |
Le CESE estime que les États membres devraient recourir en priorité à certains des indicateurs proposés par les Nations unies, en fonction de leurs spécificités nationales, et il les encourage à utiliser les propositions formulées dans les rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur l’amélioration de la mesure du bien-être et de la prospérité. |
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1.5. |
Le CESE partage l’avis exprimé par les partenaires sociaux européens lors du sommet de Porto quand ils estiment que les 14 indicateurs proposés sont propres à constituer un tableau de bord complémentaire au PIB, qu’il est possible d’utiliser pour concevoir des politiques soutenant un modèle de croissance durable. |
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1.6. |
Les investissements dans la cohésion de la société, le développement durable, le capital humain et social et la qualité de vie seront essentiels pour ouvrir des perspectives aux entreprises modernes, en stimulant à l’avenir l’emploi, la richesse et la croissance durable. Par conséquent, le CESE considère que les indicateurs qui vont au-delà du PIB devraient devenir des instruments qui donneront la possibilité non seulement de suivre et de mesurer l’évolution des politiques, mais aussi d’apporter des informations quant à leur développement, d’améliorer la communication et d’encourager la fixation des objectifs. |
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1.7. |
La Commission européenne a récemment présenté une communication (1) visant à orienter les financements vers des activités durables. Le CESE souscrit à cette initiative de la Commission et estime qu’il est nécessaire de mettre au point un ensemble d’indicateurs qui permettront, d’une part, d’assurer le suivi du processus de «verdissement» des financements et, de l’autre, d’indiquer le degré d’écologisation des secteurs économiques. Ces indicateurs fourniraient alors aux décideurs politiques une meilleure orientation, s’agissant de planifier les incitations publiques en faveur des activités durables. Ils peuvent en outre constituer un outil de suivi important pour les gouvernements des États membres. Pareil suivi est nécessaire, dès lors qu’il s’impose de contrôler la vitesse à laquelle nous orientons les investissements vers les secteurs durables. En effet, si nous investissons trop lentement, nous risquons d’épuiser les ressources disponibles avant que des solutions de substitution ne voient le jour. Une telle situation entraînerait une explosion des prix, qui s’accompagnerait d’effets dramatiques sur le système économique. À contrario, si nous investissons trop rapidement, nous risquons de priver de nombreux secteurs d’investissements et, ainsi, de ralentir l’activité économique qui génère les ressources nécessaires pour investir. |
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1.8. |
Dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, le CESE estime également nécessaire de revoir les indicateurs existants afin de permettre un meilleur suivi des progrès accomplis. Il en existe certains qui ne rendent pas pleinement compte des effets négatifs que certaines activités économiques produisent sur l’environnement. De même, il conviendrait d’en adapter d’autres afin de mieux refléter les objectifs de l’Union européenne. |
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1.9. |
La numérisation et l’écologisation du système économique supposent de procéder à des réaménagements considérables des différents secteurs. Pour que ces changements soient effectués au coût social le plus bas possible, il s’impose de mettre en place des politiques de protection de la main-d’œuvre afin d’assurer, à moyen et à long terme, une répartition équitable du travail nécessaire parmi la population active. En outre, comme l’ont proposé les partenaires sociaux européens, le CESE estime qu’il est nécessaire de mettre au point un ensemble d’indicateurs relatifs à la négociation collective, laquelle protège les travailleurs en général, mais peut également assurer et promouvoir, dans les programmes de formation professionnelle, des mesures indispensables pour garantir leur mobilité, qui est nécessaire dans le contexte des défis posés par la transformation de l’économie. De même, il est possible de réaliser une répartition équitable du travail disponible dans l’ensemble de l’économie en recourant à des programmes intelligents d’organisation du temps de travail, qui peuvent être négociés par les partenaires sociaux. |
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1.10. |
Une transformation significative du système économique ne sera réalisable qu’avec l’adhésion de la société toute entière. Le CESE estime qu’il est nécessaire de réaliser de nouvelles enquêtes, de type Eurobaromètre, afin de pouvoir suivre quelle est la perception de la société par rapport à la modification du modèle économique. |
|
1.11. |
Les États membres et la Commission européenne devraient également soutenir le développement d’initiatives visant à mieux mesurer le bien-être et à analyser l’impact des activités économiques sur l’environnement, comme celle mise au point par l’institut allemand de recherche ZOE, qui a développé le système d’indicateurs connu sous le nom d’«économie du donut». |
2. Introduction
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2.1. |
Le produit intérieur brut (PIB) reste le principal indicateur macroéconomique utilisé à l’échelle mondiale pour quantifier l’activité économique. Toutefois, selon un avis largement partagé, il ne parvient à refléter ni le niveau réel de bien-être et de développement d’une société, ni les effets négatifs que certaines activités économiques produisent sur l’environnement. |
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2.2. |
Ainsi, alors même que les créateurs du concept de PIB étaient conscients de ses limites, les débats sur le thème «Au-delà du PIB» ont gagné en importance tout au long des années 1990. Il est donc apparu nécessaire de disposer d’autres étalons, propres à rendre compte des défis mondiaux du vingt et unième siècle, comme le changement climatique, la pauvreté, l’épuisement des ressources, la santé et la qualité de vie. Organisée en 2007 par la Commission européenne, le Parlement européen, le Club de Rome, l’OCDE et le WWF, la conférence de haut niveau intitulée «Au-delà du PIB» (2) a marqué une étape importante dans la recherche des indices qui sont les plus appropriés pour mesurer ces progrès et qui se prêtent le mieux à être intégrés dans le processus décisionnel et repris dans le débat public. Par la suite, le rapport final de la commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social (3), présidée par Joseph E. Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, a mis en évidence d’autres limites qui affectent le PIB, à savoir les doutes qu’il suscite quant à la manière dont il mesure la productivité, ainsi que l’absence d’une prise en compte du capital humain. |
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2.3. |
Ces dernières années, plusieurs priorités nouvelles sont apparues pour les décideurs politiques européens, qu’il s’agisse, pour ne prendre que ces deux exemples, de la transformation numérique et verte ou de l’insistance croissante qui est placée sur les considérations sociales dans un large éventail de domaines d’action. En outre, si la pandémie de COVID-19 produira sans aucun doute des répercussions aussi profondes que négatives sur l’économie européenne, il importe de ne pas oublier que d’autres problématiques, telles que le changement climatique, la montée des inégalités et la faible croissance de la productivité, n’ont pas disparu pour autant. Les investissements dans la cohésion de la société, le développement durable, le capital humain et social et la qualité de vie seront essentiels pour ouvrir des perspectives aux entreprises modernes, en stimulant à l’avenir l’emploi, la richesse et la croissance durable. Par conséquent, les indicateurs qui vont au-delà du PIB devraient devenir des instruments qui donneront la possibilité non seulement de suivre et de mesurer l’évolution des politiques, mais aussi d’apporter des informations quant à leur développement, d’améliorer la communication et d’encourager la fixation des objectifs. |
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2.4. |
Grâce au présent avis d’initiative, le CESE entend apporter une contribution de valeur aux travaux visant à déterminer quels sont les indicateurs touchant au bien-être et au développement qui devraient être considérés comme complémentaires à ceux de type classique, en rapport avec l’économie. L’avis met également en évidence les besoins non satisfaits en matière de données et décrit comment mieux intégrer ces indicateurs dans le processus d’élaboration des politiques au niveau européen et national, de manière que l’Union européenne puisse sortir plus forte de la crise actuelle et soit par ailleurs capable de mieux résister aux futurs chocs. |
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2.5. |
Jamais, assurément, on n’a ressenti de manière plus aiguë la nécessité de mettre au point des indicateurs permettant l’élaboration et la mise en œuvre de politiques qui visent à développer un modèle mondial d’économie durable capable d’assurer le bien-être de tous les habitants de la planète, et le modèle économique actuel, fondé sur une croissance perpétuelle considérée comme le principal moteur de la stabilité du système, ne peut plus être soutenu par une planète dont les ressources sont limitées. |
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2.6. |
En juin, la Commission européenne a publié un document de réflexion (4) dans lequel elle réaffirme qu’il est nécessaire de mettre au point des indicateurs complémentaires au PIB afin de pouvoir mieux suivre la transformation qui s’opère dans la société et l’économie grâce à la mise en œuvre de politiques visant à promouvoir le pacte vert pour l’Europe. Ce document présente également les efforts déployés ces dernières années par certains États membres en vue de mettre au point des outils complémentaires pour assurer un suivi du bien-être et de l’impact des activités économiques sur l’environnement. |
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2.7. |
Au niveau mondial, il existe un certain nombre d’initiatives qui ont pour objectif de développer des indicateurs qui, d’une part, donnent aux responsables politiques la possibilité d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques visant à promouvoir la durabilité et, d’autre part, permettent une meilleure information sur le processus de transformation du modèle économique. Parmi ces initiatives dignes d’attention figure le modèle de l’«économie du donut pour l’UE à l’horizon 2030» (5), un nouveau concept présentant une synthèse politique des tableaux de bord existants et de 30 indicateurs sélectionnés, afin de favoriser une plus grande efficacité dans la conception des politiques, mais aussi, auprès du grand public, une meilleure compréhension des impératifs liés à la transformation du système économique. |
3. Observations générales et particulières
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3.1. |
Le débat sur le thème «Au-delà du PIB» a suscité des réactions importantes auprès des institutions, des chercheurs et des responsables politiques. C’est ainsi qu’ont été avancées, au niveau de l’OCDE, de l’ONU, de la Commission européenne ou d’Eurostat, des propositions d’indicateurs visant à mieux mesurer le bien-être et la prospérité à l’échelon individuel, collectif ou national. En 2015, l’ONU a adopté les objectifs de développement durable, pour lesquels elle a défini 169 cibles et 200 indicateurs. En 2018, le groupe d’experts de haut niveau de l’OCDE a publié deux rapports (6) qui recommandent de mesurer plus efficacement le bien-être, en améliorant les indicateurs existants ou en en introduisant de nouveaux. Le CESE estime que les États membres devraient recourir en priorité à certains des indicateurs proposés par les Nations unies, en fonction de leurs spécificités nationales, et il les encourage à utiliser les propositions formulées dans les rapports de l’OCDE sur l’amélioration de la mesure du bien-être et de la prospérité. |
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3.2. |
Récemment, les partenaires sociaux européens, à savoir BussinessEurope, la Confédération européenne des syndicats (CES), le Centre européen des employeurs et des entreprises fournissant des services publics et des services d’intérêt général (SIG Europe) et l’Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises (UEAPME) ont signé un document commun (7) qui recommande d’utiliser un ensemble d’indicateurs complémentaires au PIB dans le domaine social, économique et environnemental. Le CESE partage l’avis des partenaires sociaux européens quand ils estiment que les 14 indicateurs proposés sont propres à constituer un tableau de bord complémentaire au PIB, qu’il est possible d’utiliser pour concevoir des politiques soutenant un modèle de croissance durable. |
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3.3. |
Dès 2011, le CESE a commencé à participer au débat sur le thème «Au-delà du PIB» qui a cours au niveau européen. Ainsi, il a élaboré une série d’avis (8) proposant de nouveaux indicateurs pour mesurer le bien-être et la prospérité, et a réalisé des enquêtes visant à mieux cerner les facteurs qui donnent aux citoyens européens le sentiment de mener une vie de qualité et qui ait du sens. Le CESE estime nécessaire d’élaborer de nouveaux indicateurs qui non seulement mesurent la résilience économique en termes de capacité d’adaptation et de transformation, mais aussi tiennent compte du principe «ne laisser personne de côté». |
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3.4. |
Pour être sûrs de laisser aux générations futures une planète qui soit dans un état qui, à tout le moins, ne soit pas inférieur à celui d’aujourd’hui, il nous faut repenser le modèle économique qui est fondé sur l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles. Un fait certain est que l’économie circulaire, qui suscite un intérêt croissant, garantit une utilisation plus rationnelle des ressources naturelles. Aussi le CESE propose-t-il d’élaborer un ensemble d’indicateurs visant à mieux informer les décideurs politiques, qui pourront ainsi promouvoir des politiques de développement de ce secteur. Par exemple, si, pour certains biens de consommation durables, l’on indique la teneur en matières issues de ressources naturelles, en y ajoutant la durée moyenne de leur utilisation et le taux potentiel de valorisation des matériaux mentionnés, il sera possible de fournir aux décideurs politiques des informations pertinentes quant aux raisons de décider qu’il y a lieu d’investir dans le secteur du recyclage. |
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3.5. |
Le Comité estime qu’il serait judicieux d’élaborer sous forme condensée un tableau de bord «au-delà du PIB», lequel pourrait ensuite être intégré au tableau de bord relatif au pacte vert pour l’Europe. Le modèle de l’«économie du donut pour l’UE à l’horizon 2030», élaboré par l’institut allemand ZOE, pourrait être utilisé pour développer ce tableau, qui pourrait jouer un rôle dans le processus de gouvernance européenne en ce qu’il contribuerait à évaluer les progrès réalisés et définir les actions nécessaires pour atteindre les objectifs du semestre européen. Le Comité estime que le processus de gouvernance européenne devrait adopter une nouvelle perspective, axée sur le bien-être des citoyens. |
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3.6. |
Le CESE recommande à la Commission et aux États membres de définir des objectifs pour chacun des indicateurs. Cette démarche donnerait la possibilité d’utiliser le concept de «distance par rapport à l’objectif» pour mieux suivre les progrès accomplis et en avoir une meilleure compréhension. |
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3.7. |
L’Union européenne s’est fixé un objectif ambitieux en matière de changement climatique, consistant à atteindre pour 2050 la neutralité du point de vue des émissions de carbone dans l’atmosphère. Il implique notamment que les investissements doivent être réorientés vers des activités économiques sans incidence sur l’environnement. La Commission européenne a récemment présenté une communication (9) visant à orienter les financements vers des activités durables. Le CESE souscrit à cette initiative de la Commission et estime qu’il est nécessaire de mettre au point un ensemble d’indicateurs qui permettront, d’une part, d’assurer le suivi du processus de «verdissement» des financements et, de l’autre, d’indiquer le degré d’écologisation des secteurs économiques. Ces indicateurs fourniraient alors aux décideurs politiques une meilleure orientation, s’agissant de planifier les incitations publiques en faveur des activités durables. Ils peuvent en outre constituer un outil de suivi important pour les gouvernements des États membres. Pareil suivi est nécessaire, dès lors qu’il s’impose de contrôler la vitesse à laquelle nous orientons les investissements vers les secteurs durables. En effet, si nous investissons trop lentement, nous risquons d’épuiser les ressources disponibles avant que des solutions de substitution ne voient le jour, et une telle situation entraînerait une explosion des prix, qui s’accompagnerait d’effets dramatiques sur le système économique. À contrario, si nous le faisons trop rapidement, nous risquons de priver de nombreux secteurs des investissements requis et, ainsi, de ralentir l’activité économique qui génère les ressources nécessaires pour investir. |
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3.8. |
Dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, le CESE estime également nécessaire de revoir les indicateurs existants afin de permettre un meilleur suivi des progrès accomplis. Celui des émissions de gaz à effet de serre en offre un exemple. Les émissions provenant de certains secteurs, comme l’aviation, ne sont pas reprises dans celui qui a été élaboré par Eurostat. De même, il conviendrait d’adapter plusieurs indicateurs, afin de mieux refléter les objectifs de l’Union européenne. |
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3.9. |
La numérisation et l’écologisation du système économique supposent de procéder à des réaménagements considérables des différents secteurs, du point de vue de leur contribution au PIB comme de l’emploi. Pour que ces changements soient effectués au coût social le plus bas possible, il s’impose de mettre en place des politiques de protection de la main-d’œuvre afin d’assurer, à moyen et à long terme, une répartition équitable du travail nécessaire parmi la population active. En outre, comme l’ont proposé les partenaires sociaux européens, le CESE estime qu’il est nécessaire de mettre au point un ensemble d’indicateurs relatifs à la négociation collective, laquelle protège les travailleurs en général, mais peut également assurer et promouvoir, dans les programmes de formation professionnelle, des mesures indispensables pour garantir leur mobilité, qui est nécessaire dans le contexte des défis posés par la transformation de l’économie. De même, il est possible de réaliser une répartition équitable du travail disponible dans l’ensemble de l’économie en recourant à des programmes intelligents d’organisation du temps de travail, qui peuvent être négociés par les partenaires sociaux. |
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3.10. |
Une transformation significative du système économique ne sera réalisable qu’avec l’adhésion de la société toute entière. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que tout au long de ce processus difficile, les décideurs politiques disposent, en plus des indicateurs statistiques, d’enquêtes et de recherches statistique qui donnent la possibilité de contrôler le niveau de compréhension et d’acceptation des changements par la société. Le CESE estime qu’il est nécessaire de réaliser de nouvelles enquêtes, de type Eurobaromètre, afin de pouvoir suivre quelle est la perception de la société par rapport à la modification du modèle économique. Les États membres et la Commission européenne devraient également soutenir le développement d’initiatives visant à mieux mesurer le bien-être et à analyser l’impact des activités économiques sur l’environnement, comme celle mise au point par l’institut allemand de recherche ZOE, qui a développé le système d’indicateurs connu sous le nom de modèle de l’«économie du donut pour l’UE à l’horizon 2030» (10). |
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3.11. |
Le CESE juge qu’il est inéluctable de passer du système économique dans lequel le principal moteur était la croissance vers un modèle où prévaut le développement durable. Compte tenu de la grande complexité que cette transformation implique et des défis énormes qu’elle pose, les propositions de nouveaux indicateurs qui sont contenues dans le présent avis ne constituent bien évidemment qu’un exemple de l’approche qu’il est possible d’adopter en matière d’instruments de mesure dans le domaine social, économique ou environnemental. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) COM(2021) 188 final, Taxinomie de l’UE, publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, préférences en matière de durabilité et devoirs fiduciaires: orienter la finance dans le sens du pacte vert pour l’Europe (JO C 517 du 22.12.2021, p. 72).
(2) Notes de synthèse de la conférence «Au-delà du PIB» — https://ec.europa.eu/environment/beyond_gdp/proceedings/bgdp_proceedings_summary_notes.pdf (en anglais).
(3) Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social — https://ec.europa.eu/eurostat/documents/8131721/8131772/Stiglitz-Sen-Fitoussi-Commission-report.pdf
(4) https://ec.europa.eu/info/publications/economic-policy-making-beyond-gdp-introduction_fr
(5) https://zoe-institut.de/en/publication/a-compass-towards-2030
(6) OCDE (2018), Beyond GDP: Measuring what counts for economic and social performance («Voir au-delà du PIB: mesurer ce qui compte pour la performance économique et sociale»), Éditions OCDE, Paris — https://doi.org/10.1787/9789264307292-en
OCDE (2018), For Good Measure: Advancing Research on Well-Being Metrics Beyond GDP («Faire bonne mesure: promouvoir la recherche sur les mesures du bien-être au-delà du PIB»), Éditions OCDE, Paris — https://www.oecd-ilibrary.org/fr/economics/for-good-measure_9789264307278-en
(7) https://est.etuc.org/wp-content/uploads/2021/05/FINAL-BEYOND-GDP-SOCIAL-PARTNERS-EU.pdf
(8) Avis du Comité économique et social européen sur «Le PIB et au-delà — L’implication de la société civile dans le processus de sélection d’indicateurs complémentaires» (avis d’initiative) (JO C 181 du 21.6.2012, p. 14).
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: améliorer la coordination des politiques économiques au profit de la stabilité, de la croissance et de l’emploi — Des outils pour renforcer la gouvernance économique de l’UE», COM(2010) 367 final (JO C 107 du 6.4.2011, p. 7).
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Dépasser le PIB — Indicateurs pour le développement durable» (JO C 100 du 30.4.2009, p. 53).
(9) COM(2021) 188 final, Taxinomie de l’UE, publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, préférences en matière de durabilité et devoirs fiduciaires: orienter la finance dans le sens du pacte vert pour l’Europe l (JO C 517 du 22.12.2021, p. 72).
(10) Rapport de l’institut ZOE: A Compass towards 2030 (https://zoe-institut.de/en/publication/a-compass-towards-2030/).
ANNEXE
Donut pour l’UE à l’horizon 2030: première analyse et présentation
|
6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/13 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle de l’impôt sur les sociétés dans la gouvernance d’entreprise»
(avis d’initiative)
(2022/C 152/03)
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Rapporteur: |
Krister ANDERSSON |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Résolution |
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Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
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Adoption en section |
23.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
223/4/11 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE estime que la réponse du secteur privé au plan de relance et à l’instrument NextGenerationEU sera essentielle pour réaliser et instaurer efficacement une économie plus verte et numérisée. Les politiques publiques doivent donc prévoir les incitations appropriées. Les politiques économiques, et en particulier les politiques fiscales et celles qui ont une incidence sur la gouvernance d’entreprise, doivent prévoir un processus décisionnel efficace et une allocation utile des ressources, en vue de promouvoir la réalisation des objectifs sociaux. |
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1.2. |
Le CESE estime que pour mettre en place une économie verte et numérisée durable, il y a lieu de remédier à la distorsion du financement dette/capital dans la fiscalité. |
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1.3. |
Le CESE invite instamment les États membres à rendre leurs systèmes fiscaux plus neutres en ce qui concerne le financement par l’emprunt et sur fonds propres. Cela encouragerait la diversification des sources de financement et rendrait l’économie européenne plus résiliente. |
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1.4. |
Le CESE se félicite des initiatives prises par la Commission européenne pour présenter des mesures en vue de lutter contre la distorsion fiscale en faveur de l’endettement dans les systèmes d’imposition des sociétés d’ici le premier trimestre 2022. |
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1.5. |
Le Comité souligne que pour les nouvelles entreprises et les investisseurs qui recherchent des possibilités d’investissement plus écologiques et numérisées, il est essentiel de disposer d’un marché des capitaux qui fonctionne bien. Le CESE demande dès lors que de nouvelles mesures soient prises en vue de l’achèvement de l’union des marchés des capitaux (UMC). |
|
1.6. |
Les investissements dans les nouvelles technologies vertes sont perçus comme très risqués, d’où le recours fréquent au financement sur fonds propres. Les dividendes contribuent à renforcer la liquidité sur le marché, y compris lorsqu’ils peuvent être perçus comme effectués à trop court terme, et ils constituent une source importante de financement. |
|
1.7. |
Le CESE estime que les marchés des capitaux et les fonds privés peuvent jouer un rôle crucial pour encourager les entreprises à s’orienter vers une économie durable plus verte et numérisée. Toute action politique du législateur européen concernant la fiscalité, le droit des sociétés et la gouvernance d’entreprise devrait renforcer ce rôle. |
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1.8. |
Le CESE note que, sous l’influence des directives et des règlements européens, le droit national des sociétés fait partie intégrante du système judiciaire de chaque État membre; il attribue les droits et les responsabilités aux niveaux appropriés au sein de la structure juridique. Les règles concernant la composition des conseils d’administration doivent être propres à chaque pays, en laissant aux propriétaires la capacité de décider. |
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1.9. |
Le CESE encourage la Commission européenne à entreprendre des initiatives concrètes pour établir des taxes carbone similaires dans les différents États membres afin d’harmoniser les efforts pour parvenir à réduire de manière effective les niveaux de CO2. Dans l’idéal, le résultat devrait être la création de conditions uniformes sur l’ensemble du marché unique de l’Union s’agissant des taxes à appliquer aux émissions et/ou aux réductions, ainsi que des méthodes et des taux d’imposition spécifiques pour que l’impact soit le même sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. |
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1.10. |
Le CESE réaffirme que les États membres devraient notamment adopter une politique fiscale globale et symétrique en matière d’environnement concernant l’incidence du CO2 sur le réchauffement planétaire. Il est nécessaire d’instaurer des taxes à des taux tant positifs que négatifs. Les recettes tirées des taxes sur le carbone devraient être utilisées pour financer des mesures d’incitation en faveur des techniques de réduction du niveau de CO2 aux échelons local, régional et national. |
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1.11. |
Le CESE note que si la vente de produits forestiers est imposable à titre de revenu pour le propriétaire, il y a lieu de reconnaître que la plantation d’arbres et la croissance des forêts contribuent à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et devraient donc, selon une approche fiscale symétrique à l’égard du réchauffement planétaire, être encouragées par un impôt négatif sur le CO2. Il s’agirait d’une mesure importante pour atteindre les objectifs en matière de climat. |
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1.12. |
Le CESE souligne la nécessité de parvenir à un accord universel sur le train de mesures fiscales de l’OCDE/G20 et de le mettre en œuvre de manière coordonnée au niveau mondial. Afin de promouvoir la numérisation de l’économie européenne, il importe que les règles unilatérales adoptées en Europe n’empêchent pas de poursuivre l’adaptation des nouveaux modèles commerciaux. |
2. Introduction
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2.1. |
La pandémie de COVID-19 a infligé à l’économie européenne à la fois un choc de l’offre, qui perturbe les chaînes d’approvisionnement, et un choc de la demande, causé par une baisse de la demande des consommateurs. En conséquence, les investissements des entreprises européennes ont fortement diminué au cours de la pandémie, tandis que le volume global des dépôts bancaires a augmenté. |
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2.2. |
Toutefois, la reprise gagne du terrain et est bien engagée. Afin de remodeler l’économie européenne conformément aux objectifs fixés par la Commission pour parvenir à une économie plus durable, plus écologique et numérisée, les investissements doivent soutenir les objectifs environnementaux, tandis que la numérisation contribue à accroître la productivité, tout en tenant compte de la transformation du marché du travail. Des initiatives tant privées que publiques sont nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux, économiques et sociaux. |
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2.3. |
Grâce au budget à long terme de l’UE, avec notamment le plan de relance et l’instrument NextGenerationEU, le plus grand train de mesures de relance public jamais financé en Europe sera mis en œuvre. |
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2.4. |
La réponse du secteur privé sera essentielle pour réaliser et instaurer efficacement une économie plus verte et numérisée. Les politiques publiques doivent donc prévoir les incitations appropriées. Les politiques économiques, et en particulier les politiques fiscales et celles qui ont une incidence sur la gouvernance d’entreprise, doivent prévoir un processus décisionnel efficace et une allocation utile des ressources. |
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2.4.1. |
En ce qui concerne les fonds alloués aux États membres en réponse à la pandémie de COVID-19, des indicateurs clés doivent être mis en place pour comprendre la manière dont les montants investis sont dépensés dans chaque État membre (1). |
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2.5. |
Les évolutions que connaît actuellement le paysage fiscal international sont les plus importantes depuis un siècle. Le bénéfice imposable de certaines des très grandes entreprises sera transféré du pays de résidence vers le pays où ont lieu les ventes et où les biens et services sont fournis. En outre, un taux minimal effectif d’imposition des entreprises de 15 % a été approuvé par quelque 136 pays dans le Cadre inclusif de l’OCDE. Un autre changement important est que la TVA en Europe doit être perçue selon une approche fondée sur le principe de destination. |
3. L’importance de mesures d’incitation appropriées
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3.1. |
Pour atteindre les objectifs environnementaux, les entreprises, les ménages et les investisseurs doivent bénéficier d’incitations appropriées sous la forme de prix reflétant la rareté et les externalités. Les politiques économiques fixant des objectifs économiques ou sociaux devraient se traduire dans les prix auxquels sont confrontés les investisseurs privés et publics sur le marché. |
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3.2. |
Toutefois, les systèmes d’imposition des sociétés traitent le financement par l’emprunt de manière plus favorable que le financement sur fonds propres, dans la mesure où les paiements d’intérêts sont déductibles du point de vue fiscal, contrairement au coût du financement par fonds propres. Il en résulte une augmentation de l’effet de levier (niveaux d’endettement) et, partant, une vulnérabilité des entreprises en période de turbulences économiques. |
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3.3. |
Pour mettre en place une économie verte et numérisée durable, il y a lieu de remédier à la distorsion du financement dette/capital. Les dividendes, qui font l’objet d’une double imposition (dans un premier temps au niveau des entreprises puis au niveau des actionnaires), sont importants non seulement en tant que revenus pour les retraités et pour le financement d’institutions de recherche, mais aussi en tant que source de financement pour les investissements sur site vierge. |
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3.4. |
Les investissements dans de nouveaux projets d’investissement plus écologiques sont associés à un niveau de risque élevé. Le financement sur fonds propres est donc la source de financement privilégiée. L’un des domaines clés pour renforcer la participation du secteur privé aux investissements verts et numériques est la suppression des obstacles aux sources de nouveaux capitaux d’investissement. |
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3.5. |
Pour les nouvelles entreprises et les investisseurs qui recherchent des possibilités d’investissement plus écologiques et numérisées, il est essentiel de disposer d’un marché des capitaux qui fonctionne bien. La disponibilité de capitaux est essentielle à la réussite. Les dividendes contribuent à accroître la liquidité du marché. |
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3.6. |
La durabilité est déjà un facteur concurrentiel, axé sur le marché et essentiel à la capacité des entreprises à attirer les clients, les salariés et les investisseurs. La prise en compte de la durabilité est pertinente pour la survie de l’entreprise sur le long terme. Les outils réglementaires doivent être conçus de manière à soutenir la poursuite de ces objectifs dans le respect des principes fondamentaux du fonctionnement des entreprises. |
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3.7. |
Bien qu’il ne doive pas y avoir d’ingérence dans les politiques de dividendes ou d’influence injustifiée sur la composition des conseils d’administration ou l’application de la responsabilité des dirigeants envers une entreprise, des incitations appropriées en faveur d’une économie plus verte sont nécessaires. La gouvernance d’une entreprise doit tenir compte de la responsabilité sociale des entreprises, des directives européennes pertinentes et des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. |
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3.8. |
Le réchauffement climatique constitue une préoccupation pour nous tous, et les entreprises devraient payer le prix du marché approprié pour les émissions et réduire le CO2 dans l’atmosphère. Cela requiert non seulement des taxes sur les émissions de CO2, mais aussi des subventions pour les activités qui réduisent la quantité de ce gaz dans l’atmosphère. |
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3.9. |
Un autre domaine important pour atteindre les objectifs d’une économie plus verte et numérisée est la taxation des entreprises qui sont de plus en plus numérisées. Une solution consensuelle à l’échelle mondiale est nécessaire et un accord global devrait être conclu avant la fin de l’année. Les taxes sur les services numériques ne devraient pas nuire à l’innovation ni décourager les investissements dans les technologies numériques. |
4. Distorsion fiscale en faveur de l’endettement dans le domaine de l’imposition des sociétés
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4.1. |
La distorsion fiscale en faveur de l’endettement dans le domaine de l’imposition des sociétés a une incidence à la fois sur les coûts socio-économiques, sur l’effet de levier des entreprises et sur la gouvernance d’entreprise. Un recours excessif au financement par l’emprunt peut entraver la réalisation des objectifs de la Commission européenne, étant donné que les entreprises deviennent financièrement vulnérables et que la possibilité de lancer de nouveaux projets d’investissement écologiques risqués sera compromise. La capacité de verser des dividendes afin que les investisseurs puissent décider d’investir ou non dans de nouveaux projets sera limitée. |
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4.2. |
Les règles fiscales actuelles permettent de déduire les intérêts versés au titre des emprunts de l’assiette imposable, ce qui n’est pas le cas pour les paiements de capitaux propres. Les fonds propres comportent deux volets: les paiements de dividendes et les plus-values. Ces règles nationales rendent le financement par l’emprunt clairement plus avantageux que le financement par fonds propres. |
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4.3. |
Un abattement spécifique destiné à accorder aux entreprises un traitement fiscal qui soit, pour les investissements financés par des fonds propres, davantage similaire que ce n’est le cas actuellement à celui accordé pour les investissements financés par l’emprunt, pourrait réduire la vulnérabilité des entreprises et constituer une mesure utile pour promouvoir des investissements durables, plus écologiques et numériques. |
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4.4. |
Il convient de noter que si les taux légaux de l’impôt sur les sociétés augmentent, il sera économiquement plus avantageux pour une entreprise d’investir au moyen de prêts, ce qui encouragera les entreprises à se concentrer davantage encore sur le financement par l’emprunt. Une hausse du taux d’inflation et des taux d’intérêt aurait un effet similaire, à savoir renforcer les incitations à investir au moyen de prêts. |
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4.5. |
Le CESE invite instamment les États membres à rendre leurs systèmes fiscaux plus neutres en ce qui concerne le financement par l’emprunt et sur fonds propres. Cela encouragerait la diversification des sources de financement et rendrait l’économie européenne plus résiliente. |
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4.6. |
La proposition de révision de la directive européenne sur une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés de 2016 instaurait une «déduction pour la croissance et l’investissement» (DCI) afin de réduire la distorsion fiscale en faveur de l’endettement et de promouvoir les investissements dans la recherche et le développement. La DCI consisterait en la possibilité de déduire, sous certaines conditions, l’accroissement des capitaux propres de l’assiette imposable (2). |
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4.7. |
La Commission européenne a annoncé qu’un projet de directive traitant de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement serait présenté au cours du premier trimestre de l’année 2022 (3). Le CESE attend avec intérêt de recevoir une proposition détaillée et de formuler des observations à son sujet. |
5. La gouvernance d’entreprise dans le droit des sociétés
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5.1. |
Outre la fiscalité, certaines réglementations peuvent renforcer ou réduire l’effet des incitations créées par d’autres moyens. Les réglementations directes régissant la propriété et la capacité des investisseurs et des conseils d’administration d’utiliser les fonds comme ils le souhaitent peuvent poser des problèmes quant à la réalisation de certains objectifs recherchés. |
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5.2. |
Il est important, pour le bon fonctionnement de l’économie, de disposer de règles et de réglementations appropriées qui régissent le fonctionnement des entreprises et des marchés. Les actionnaires devraient tenir la direction de l’entreprise responsable si les moyens sont utilisés dans un intérêt personnel et non pour augmenter la valeur de l’entreprise (4). Un certain nombre de lois définissent un comportement acceptable des entreprises en matière de lutte contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux (5), ainsi que des accords étendus sur les codes de marché relatifs à la conduite des entreprises dans les États membres. Comme annoncé dans le pacte vert pour l’Europe et dans la communication de la Commission concernant son plan de relance pour l’Europe, la durabilité doit impérativement être intégrée dans le cadre de la gouvernance d’entreprise. La Commission a publié une consultation publique visant à recueillir les points de vue des parties prenantes en ce qui concerne une éventuelle initiative sur la gouvernance d’entreprise durable (6). |
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5.3. |
Le CESE partage la vision d’une économie européenne plus verte et numérisée à l’avenir, caractérisée par l’équité, la croissance et une fiscalité efficace, générant ainsi un environnement propice à l’investissement et à une croissance créatrice d’emplois. Pour réorienter les flux d’investissements, il est primordial que des capitaux soient disponibles pour la nouvelle économie verte. La disponibilité de fonds pouvant faire l’objet d’investissements, ainsi que la certitude quant aux règles et au respect de l’état de droit, sont des facteurs importants pour la réussite de la transition de l’économie européenne. |
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5.4. |
Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel les entreprises devraient contribuer à la réalisation d’une économie plus écologique, durable et numérisée, mettant ainsi l’accent sur des objectifs à long terme et sur une répartition équitable entre les pays et les citoyens. |
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5.5. |
Le CESE est fermement convaincu qu’en dernier ressort, le contrôle des activités des entreprises et la responsabilité de ces dernières devraient incomber aux actionnaires. Les propriétaires d’une société devraient être tenus de rendre des comptes. Le système actuel des codes de gouvernance d’entreprise et du droit des sociétés des États membres repose en effet sur les actionnaires, qui sont les propriétaires de la société et exercent en fin de compte un contrôle sur les stratégies et les priorités de celle-ci en nommant son conseil d’administration. Cette responsabilité signifie que les actionnaires sont responsables des finances et de la conduite de l’entreprise et qu’ils devraient perdre du capital si l’entreprise subit des pertes. Un tel principe de base si solidement ancré ne devrait pas être modifié ou remis en cause. |
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5.6. |
Il va de soi que les objectifs à long terme et les externalités sociales positives devraient être dûment pris en compte par les entreprises, tant dans leurs activités quotidiennes que dans leurs décisions d’investissement. Cela est de plus en plus exigé par les normes du marché, par les règles sectorielles régissant la production et par les investisseurs du monde entier, qui demandent souvent aux entreprises de respecter les critères ESG (7). |
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5.7. |
Sous l’influence des directives et des règlements européens, le droit national des sociétés fait partie intégrante du système judiciaire de chaque État membre; il attribue les droits et les responsabilités aux niveaux appropriés au sein de la structure juridique. Les règles concernant la composition des conseils d’administration doivent également être propres à chaque pays. Par sa gouvernance et ses recommandations, l’UE devrait garantir une concurrence loyale et des valeurs équitables en ce qui concerne le comportement d’une entreprise. |
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5.8. |
Afin de faciliter le rôle que doivent jouer les fonds privés pour atteindre les priorités de la Commission, il est essentiel que le capital ne soit pas bloqué dans les entreprises et que les fonds puissent facilement être investis dans des secteurs clés définis par l’UE. |
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5.9. |
Le bon fonctionnement du marché des capitaux dans l’UE est essentiel, en particulier pour obtenir de nouveaux investissements. Le CESE demande dès lors que de nouvelles mesures soient prises en vue de l’achèvement de l’union des marchés des capitaux (UMC) (8). |
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5.10. |
La liquidité du marché des capitaux est importante pour les investissements à réaliser. Les paiements de dividendes, y compris lorsqu’ils peuvent être perçus comme effectués à trop court terme, alimentent la réserve de fonds disponibles pour de nouveaux investissements dans les secteurs écologique et numérique (9). Ils sont donc essentiels au bon fonctionnement du marché des capitaux lorsqu’ils sont investis soit dans de nouvelles entreprises, soit dans l’entreprise versant le dividende. Si des dividendes sont versés à l’investisseur, celui-ci peut toujours choisir de les réinvestir dans la société existante ou dans une autre entreprise. Si les bénéfices ne sont pas distribués, l’investisseur doit liquider des actions pour pouvoir investir dans de nouvelles entreprises. Cela pourrait être bénéfique pour les entreprises bien établies et les investisseurs, si les capitaux conservés s’apprécient en valeur, mais cela ne permettra pas de dégager de nouveaux fonds pour de nouvelles entreprises ou des investissements sur site vierge. |
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5.11. |
Les paiements de dividendes offrent aux investisseurs la possibilité d’affiner constamment leur stratégie d’investissement, en contribuant à des projets écologiques, durables, éthiques et numériques. Cela a déjà été observé dans de nombreux cas sur les marchés des capitaux et dans le domaine du capital-investissement (on peut citer comme exemples les investissements dans la production de batteries pour voitures électriques ou la production d’acier sans carbone). |
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5.12. |
Les nouvelles sociétés devraient être pleinement autorisées à se développer et à obtenir des financements à partir des dividendes versés aux actionnaires d’anciennes sociétés existantes, ce qui permettrait une nouvelle allocation des capitaux, conforme aux priorités de la Commission. Des incitations fiscales en faveur de nouveaux investissements verts pourraient être envisagées. |
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5.13. |
Le CESE estime que les marchés des capitaux et les fonds privés peuvent jouer un rôle crucial pour encourager les entreprises à s’orienter vers une économie durable plus verte et numérisée. Toute action politique du législateur européen concernant le droit des sociétés et la gouvernance d’entreprise devrait renforcer ce rôle. |
6. Incitations à réduire les émissions de CO2
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6.1. |
Pour soutenir la transformation de l’économie européenne et atteindre les objectifs climatiques, il convient de recourir à la fiscalité (10). Il est important que les entreprises et les ménages bénéficient des mêmes incitations afin de parvenir à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère à un coût minimal. |
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6.2. |
Le CESE encourage la Commission européenne à entreprendre des initiatives concrètes pour établir des taxes carbone similaires dans les différents États membres afin d’harmoniser les efforts pour parvenir à réduire de manière effective les niveaux de CO2. Dans l’idéal, le résultat devrait être la création de conditions uniformes sur l’ensemble du marché unique de l’Union s’agissant des taxes à appliquer aux émissions et/ou aux réductions, ainsi que des méthodes et des taux d’imposition spécifiques pour que l’impact soit le même sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère; |
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6.3. |
Les États membres devraient notamment adopter une politique fiscale globale et symétrique en matière d’environnement concernant l’incidence du CO2 sur le réchauffement planétaire. Il est nécessaire d’instaurer des taxes à des taux tant positifs que négatifs. Les recettes tirées des taxes sur le carbone devraient être utilisées pour financer des mesures d’incitation en faveur des techniques de réduction du niveau de CO2 aux échelons local, régional et national. |
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6.4. |
Si la vente de produits forestiers est imposable à titre de revenu pour le propriétaire, il y a lieu de reconnaître que la plantation d’arbres et la croissance des forêts contribuent à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et devraient donc, selon une approche fiscale symétrique à l’égard du réchauffement planétaire, être encouragées par un impôt négatif sur le CO2. Il s’agirait d’une mesure importante pour atteindre les objectifs en matière de climat. |
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6.5. |
Dans l’idéal, le résultat devrait être la création de conditions uniformes à l’échelle planétaire s’agissant des taxes à appliquer aux émissions et/ou aux réductions, ainsi que des méthodes et des taux d’imposition spécifiques pour que l’impact soit le même sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. |
7. Éviter de freiner la numérisation
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7.1. |
Du fait de l’utilisation de données et de nouveaux modèles commerciaux, il est devenu nécessaire de revoir les principes d’imposition internationaux qui déterminent la répartition des recettes fiscales entre les pays. Il est important de parvenir à un consensus mondial et de le mettre en œuvre (11). |
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7.2. |
Le train de mesures fiscales comprend une proposition relative à un impôt effectif sur les sociétés d’au moins 15 %. L’accord OCDE/G20 vise à limiter la concurrence fiscale, en particulier dans les pays dont les taux d’imposition sont inférieurs au seuil, et il dispose que «La CML [Convention multilatérale] imposera à toutes les parties de supprimer toutes taxes sur les services numériques et autres mesures similaires pertinentes pour toutes les entreprises, et de s’engager à s’abstenir d’introduire de telles mesures à l’avenir. Une définition détaillée du concept de mesure similaire pertinente sera finalisée dans le cadre de l’adoption de la CML et de sa note explicative» (12). |
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7.3. |
Le CESE estime qu’il est important que des règles adéquates soient instaurées pour promouvoir la poursuite de la numérisation de l’économie européenne, afin de réaliser l’objectif d’une économie plus verte et numérisée. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Pour être efficaces, les fonds doivent être levés d’une manière rentable et être dépensés à bon escient dans les États membres, contribuant ainsi à des investissements qui n’auraient pas été réalisés sans les transferts.
(2) Selon la proposition, un montant égal au rendement défini sur les augmentations de fonds propres DCI serait déductible de l’assiette imposable. Le rendement défini serait égal au rendement de référence des emprunts publics à dix ans dans la zone euro en décembre de l’exercice fiscal précédant l’exercice concerné, majoré d’une prime de risque de deux points de pourcentage. Voir la directive du Conseil concernant une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés, COM(2016) 685 final, 2016/0337 (CNS) (2016).
(3) Franchise pour la réduction des incitations fiscales favorisant l’endettement (DEBRA), communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle, COM(2021) 251 final.
(4) Il y a lieu d’interdire l’utilisation des fonds de l’entreprise par ses dirigeants pour effectuer des dépenses de luxe sans rapport avec des objectifs commerciaux.
(5) Voir l’avis du CESE sur le thème «Lutter contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 6).
(6) Consultation sur la gouvernance d’entreprise durable, sur la période du 26 octobre 2020 au 8 février 2021.
(7) Les critères ESG renvoient aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise qui sont pris en compte lors de l’investissement dans une entreprise. Bien que leur origine remonte à plusieurs décennies, ils ne sont devenus une référence pour les investissements socialement responsables que depuis quelques années.
(8) Voir l’avis du CESE sur «Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises (nouveau plan d’action)» (JO C 155 du 30.4.2021, p. 20).
(9) Divers chercheurs ont analysé la politique en matière de dividendes afin de déterminer si elle obéit à une vision à court terme; voir par exemple l’article de Martin Carlsson et al., École des hautes études économiques de Stockholm, intitulé «Corporate Governance and Short-Termism: An in-depth Analysis of Swedish data» (Gouvernance des entreprises et court-termisme: une analyse approfondie des données suédoises) (2021). Leurs conclusions empiriques fondées sur les données recueillies pour la période 2000-2019 pour 786 entreprises individuelles et 7 389 entreprises/années ne révèlent aucune indication concrète de court-termisme financier.
(10) Voir l’avis du CESE sur des «Mécanismes fiscaux pour réduire les émissions de CO2» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 21).
(11) Voir l’avis du CESE sur «La fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle» (ECO/558).
(12) Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices — Déclaration sur une solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie — 8 octobre 2021, p. 7.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/19 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le bénévolat et le volontariat: les citoyens construisent l’avenir de l’Europe»
(avis d’initiative)
(2022/C 152/04)
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Rapporteur: |
Krzysztof PATER |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32 paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
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Adoption en section |
24.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
214/3/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE fait observer que, dans le débat sur l’avenir de l’Europe, les décideurs politiques doivent être conscients que l’avenir de l’Europe sera façonné non seulement par les responsables politiques et les institutions, dont les organisations de la société civile, mais aussi par des millions de citoyens, bénévoles et volontaires qui consacrent chaque jour du temps et de l’énergie à la solidarité pour le bien commun, tant au sein des organisations de la société civile qu’en dehors de celles-ci. |
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1.2. |
Le bénévolat et le volontariat concernent des millions de citoyens de l’Union européenne qui agissent par solidarité avec autrui, individuellement ou au sein de structures organisées (qu’elles soient formelles ou informelles). Ce secteur requiert un soutien systématique et réfléchi, tant au niveau de l’UE qu’au niveau des États membres, car son impact sur le développement social est bien plus important que son coût potentiel. Le CESE souhaiterait que ce soutien fasse l’objet, dans les années à venir, de changements qualitatifs positifs qui reflètent mieux la valeur apportée par les bénévoles et les volontaires à l’avenir de l’Europe. |
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1.3. |
Le CESE invite la Commission européenne à prendre des mesures pour déclarer 2025 Année européenne des bénévoles et des volontaires, étant donné qu’il s’agirait là:
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1.4. |
L’activité des bénévoles et des volontaires a une réelle valeur économique (qui représente dans nombre de pays plus de 2 % du PIB); dans de nombreux domaines sociaux, les bénévoles et les volontaires sont nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des citoyens, y compris leur sécurité; ils jouent en outre un rôle crucial dans la mise en œuvre de tous les objectifs de développement durable des Nations unies, et sont présents dans tous les groupes sociaux et d’âge. Le CESE estime dès lors qu’il est déraisonnable de limiter aux seuls jeunes les programmes de soutien au bénévolat et au volontariat mis en œuvre au niveau de l’Union et financés par elle. |
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1.5. |
Dans le prolongement d’un avis adopté en 2013 (1), le CESE invite une nouvelle fois la Commission européenne à prendre des mesures résolues pour élaborer des règles détaillées permettant une collecte de données comparables sur les activités de bénévolat et de volontariat dans tous les États membres, et il souligne qu’en l’absence de données fiables, il est impossible de mener une politique efficace dans quelque domaine que ce soit. |
2. Le concept de bénévolat et de volontariat
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2.1. |
Il n’existe pas de définition officielle des termes «bénévolat» et «volontariat» au niveau de l’UE, mais il est généralement entendu qu’ils englobent toutes les formes d’activités bénévoles, formelles ou informelles, entreprises par une personne, de son plein gré et sans souci de gain financier, qui contribuent au bien commun. |
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2.2. |
La définition du travail bénévole ou volontaire publiée en 2011 par l’Organisation internationale du travail dans son manuel sur la mesure du travail bénévole est conforme à la conception que l’on a communément du bénévolat ou du volontariat. Le «travail bénévole» désigne selon cette définition un «travail non rémunéré non obligatoire; il s’agit du temps que des personnes consacrent sans rémunération à des activités réalisées soit par le biais d’une organisation soit directement pour d’autres personnes qui n’appartiennent pas au ménage du bénévole» (2). Cette définition peut être utilisée dans la recherche comparative internationale pour mesurer le bénévolat ou le volontariat formel (souvent qualifié de bénévolat indirect) et le bénévolat ou le volontariat informel (appelé «bénévolat direct» par l’OIT (3)) dans différents systèmes culturels et juridiques. Le CESE souligne que la «Résolution concernant les statistiques du travail, de l’emploi et de la sous-utilisation de la main-d’œuvre» adoptée par la 19e Conférence internationale des statisticien(ne)s du travail de l’OIT en octobre 2013 (4) (qui comprend une nouvelle définition du travail établissant une distinction entre travail rémunéré et travail non rémunéré, et apporte des modifications à la collecte de données relatives au travail) devrait améliorer la capacité à mesurer le bénévolat et le volontariat en les distinguant d’autres formes de travail non rémunéré, telles que les soins apportés par un individu aux personnes de son ménage. |
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2.3. |
Les analyses du bénévolat et du volontariat se fondent très souvent sur une distinction entre le bénévolat/volontariat formel et le bénévolat/volontariat informel. Le bénévolat/volontariat formel, qui recouvre des activités s’inscrivant dans un contexte organisationnel, passe par des structures organisées telles que des ONG, des clubs ou des institutions publiques. Le bénévolat/volontariat informel, quant à lui, désigne l’aide non rémunérée fournie par des individus à des personnes n’appartenant ni à leur ménage ni à leur famille proche, mais pas dans le cadre d’une organisation formelle. Le CESE regrette que le bénévolat/volontariat informel ne soit souvent pas reconnu comme bénévolat ou volontariat par les personnes qui offrent leur aide, par les bénéficiaires de leurs actions ou par les cadres juridiques du bénévolat ou du volontariat dans certains États membres de l’UE. C’est l’une des raisons pour lesquelles le rôle des bénévoles et des volontaires est actuellement sous-estimé. |
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2.4. |
Le bénévolat et le volontariat peuvent avoir lieu de manière ponctuelle, en rapport avec un événement ou une intervention en cas de catastrophe, par exemple à la suite d’un incendie ou d’une inondation. Le bénévolat et le volontariat peuvent également représenter un engagement plus continu. Ils peuvent s’effectuer dans des secteurs «liés aux personnes», par exemple dans les services sociaux, la santé, l’éducation, le sport, etc., ou concerner des projets environnementaux et d’infrastructures tels que la protection et la restauration des ressources naturelles ou l’entretien des jardins publics. Le bénévolat ou volontariat épisodique peut également se produire dans ces contextes, mais ces secteurs sont soutenus par des bénévoles ou des volontaires plus réguliers. |
|
2.5. |
Le CESE souligne que les cadres juridiques pour le bénévolat et le volontariat en Europe devraient être favorables et propices à un bénévolat et un volontariat de qualité et ne devraient pas créer d’obstacles inutiles au bénévolat ni au volontariat. Des exigences telles que l’assurance des bénévoles et des volontaires, les conventions de bénévolat et de volontariat et les vérifications des casiers judiciaires devraient être soigneusement mises en œuvre dans le respect au premier chef de principes de qualité et d’accessibilité. |
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2.6. |
Dans son avis de 2013, le CESE avait observé ce qui suit: «En l’état actuel des données relatives au bénévolat, il n’est pas possible d’entreprendre les analyses souhaitées par les documents de la Commission européenne, du Parlement et du Conseil européen, ou encore du CESE. On ne peut, à l’heure actuelle, en vérifier exactement ni la portée économique, ni la part qu’il assume dans la réalisation des politiques menées à l’échelon de l’UE. Il est tout aussi irréalisable d’établir le volume de temps global qui est consacré à l’activité bénévole, pas plus que sa valeur monétaire, et, partant, de déterminer son importance au regard des indicateurs économiques généraux, tels que l’emploi total dans un pays, c’est-à-dire le nombre de personnes employées dans l’économie nationale, ou encore le PIB.» Le CESE a également appelé à des travaux préparatoires qui, sur la base de la proposition cadre de l’OIT, devraient mener à l’élaboration de règles détaillées pour la conduite de la recherche dans l’UE. Le CESE regrette qu’aucun progrès n’ait été accompli depuis lors dans la mise en place d’un système commun de mesure de la valeur du bénévolat et du volontariat en Europe. Aussi le Comité invite-t-il une nouvelle fois la Commission européenne à agir avec détermination pour mettre en œuvre les recommandations qu’il a formulées, en soulignant qu’en l’absence de données fiables, il est impossible de mener une politique efficace dans quelque domaine que ce soit. |
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2.6.1. |
Le CESE souligne qu’il serait utile à tous points de vue de veiller à une meilleure collecte de données, qui aille au-delà du PIB et de la valeur économique pour s’intéresser également, par exemple, au temps consacré par les bénévoles et les volontaires à cette activité, à leur âge, leur sexe, aux domaines d’activité et à la valeur ajoutée pour la société en général — sur le plan de la santé et du bien-être, notamment — à la qualité de vie et aux indicateurs de cohésion sociale. |
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2.6.2. |
Seuls quelques instituts nationaux de statistique ont entamé et mené des recherches sur le bénévolat et le volontariat sur la base de la méthodologie de l’OIT, et la Pologne est le seul pays dont l’institut national de statistique a déjà effectué ces recherches à deux reprises, en 2011 et 2016, une étude supplémentaire étant prévue pour début 2022. L’étude de 2011 a estimé la valeur du travail bénévole et volontaire à environ 2,8 % du PIB (5) et l’étude de 2016 à environ 1,2 % du PIB (6). Cet écart important résultait de certains changements méthodologiques, l’un d’entre eux étant qu’en 2011, le travail bénévole et volontaire incluait les activités entreprises par les répondants au profit de membres de leur famille n’appartenant pas à leur ménage, tandis que ces activités n’étaient plus prises en compte en 2016. Par ailleurs, les questions posées en 2011 concernaient les activités déployées tout au long de l’année 2010, alors qu’en 2016, seuls le bénévolat et le volontariat entrepris au cours de la période de quatre semaines au cours du premier trimestre précédant immédiatement l’enquête ont été pris en compte. Cet exemple montre clairement qu’il n’est pas possible d’obtenir des données comparables sans élaborer une méthodologie commune au niveau de l’UE à l’initiative d’Eurostat. |
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2.7. |
Le bénévolat et le volontariat ont une valeur pour les individus, les communautés, l’environnement, l’économie et la société dans son ensemble. Il s’agit d’un des vecteurs les plus visibles de la solidarité. Ils promeuvent et facilitent l’inclusion sociale, accroissent le capital social et ont un effet transformateur sur la société. Le développement d’une société civile florissante, avec des bénévoles et des volontaires engagés, peut offrir des solutions créatives et innovantes à des défis communs. Le bénévolat et le volontariat contribuent à la croissance économique et, en tant que tels, méritent une mesure spécifique et ciblée en termes de capital économique et social. Ils jouent également un rôle de plus en plus important dans la protection de l’environnement et constituent une source essentielle d’apprentissage pour de nombreux bénévoles. Compte tenu de cela, les politiques publiques, tout en visant directement à soutenir les bénévoles et les volontaires, devraient également tenir compte de la nécessité de mettre en place une infrastructure de soutien au bénévolat et au volontariat dotée d’un financement suffisant et approprié pour des mesures d’aide sur les plans notamment de la formation et des frais d’assurance. |
3. Activités en cours à l’échelle européenne
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3.1. |
Le CESE regrette qu’au terme de l’Année européenne du volontariat 2011 (AEV2011), le bénévolat et le volontariat ont commencé à disparaître progressivement de l’agenda européen. Dans les documents officiels, ils n’ont plus figuré que de façon sporadique, à l’occasion de la constitution du Corps volontaire européen d’aide humanitaire et du Corps européen de solidarité, ou parmi les sujets prioritaires du programme «L’Europe pour les citoyens». |
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3.2. |
Le CESE souligne que seul un nombre limité de recherches sur le bénévolat et le volontariat ont été réalisées dans les États membres. Elles ont porté sur divers aspects du bénévolat et du volontariat (par exemple, le niveau de participation au bénévolat et au volontariat, le profil démographique des personnes concernées et leur motivation). Il est impossible d’utiliser ces recherches à des fins d’analyse à l’échelle de l’UE en raison du manque de cohérence des approches méthodologiques, y compris s’agissant même de la portée de la définition du bénévolat et du volontariat et des différences au niveau des dates des recherches. Le rapport établi en 2010 à la demande de la Commission européenne par la société de conseil GHK (7) reste la plus récente source de données complète et utile qui soit disponible, malgré ses limites en termes de comparabilité des données. |
|
3.2.1. |
Le rapport de GHK a montré que 22 à 23 % des citoyens de l’Union âgés de plus de 15 ans étaient actifs dans le bénévolat et le volontariat, défini comme des activités entreprises par une personne de son plein gré, principalement au sein d’une organisation non gouvernementale, pour une cause à but non lucratif. |
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3.2.2. |
Le rapport indique par ailleurs qu’en raison de différences méthodologiques, les résultats peuvent souvent atteindre une déviation de 30 à 40 points de pourcentage. |
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3.3. |
Le module ad hoc «Participation sociale/culturelle et privation matérielle» (8) ajouté en 2015 à l’enquête annuelle d’Eurostat sur le revenu et les conditions de vie contenait quelques questions sur les activités bénévoles et volontaires. Sur la base des données tirées de cette enquête, on estime qu’environ 18,9 % des citoyens de l’Union ont participé au bénévolat/volontariat formel et environ 22,5 % au bénévolat/volontariat informel, à savoir un niveau de participation des citoyens de l’Union similaire à celui qui ressort du rapport de GHK. |
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3.4. |
L’enquête Eurobaromètre Flash «Jeunesse européenne», publiée en avril 2015 (9), contient les données les plus récentes disponibles sur l’activité des jeunes citoyens de l’UE âgés de 15 à 30 ans. Le CESE note que les similitudes entre les données relatives aux jeunes figurant dans cette étude et celles relatives à tous les citoyens adultes de l’UE provenant d’autres études montrent clairement que tous les groupes d’âge participent de manière égale au bénévolat et au volontariat. |
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3.4.1. |
Selon cette enquête «Jeunesse européenne», 25 % des jeunes de l’UE ont participé à une activité bénévole ou volontaire organisée au cours des 12 derniers mois, mais cette proportion varie considérablement d’un pays à l’autre (de 10 % à 42 %). |
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3.4.2. |
La même enquête conclut également que les activités de bénévolat et de volontariat entreprises par les jeunes se concentrent dans deux domaines principaux: activités caritatives, aide humanitaire et aide au développement (44 %) et éducation, formation et sport (40 %). Il s’agit également des activités de bénévolat et de volontariat les plus courantes parmi les jeunes dans chacun des États membres. |
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3.4.3. |
93 % des répondants ont indiqué ne jamais avoir effectué de bénévolat ni de volontariat à l’étranger. |
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3.4.4. |
Le nouveau Corps européen de solidarité, qui inclut désormais le volontariat dans les situations d’aide humanitaire (précédemment couvert par le Corps volontaire européen d’aide humanitaire), devrait avoir une force et une portée suffisantes pour engendrer davantage de volontariat de la part des jeunes, en particulier dans d’autres pays, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du programme. Il convient de prévoir les ressources nécessaires pour atteindre cet objectif. Il conviendrait également d’étudier la possibilité d’étendre le programme afin de soutenir l’engagement dans le bénévolat et le volontariat chez les personnes de plus de 30 ans, ou bien de prévoir des ressources supplémentaires de l’UE pour développer un programme parallèle sans limitation d’âge. |
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3.5. |
En janvier 2021, la Commission européenne a publié son livre vert sur le vieillissement, dans lequel elle soulignait qu’un grand nombre de personnes âgées continuent d’apporter une contribution active et précieuse à la société et à l’économie, 20 % des 65-74 ans étant engagés dans le bénévolat/volontariat formel, les personnes âgées de plus de 75 ans continuant quant à elles à y participer dans la mesure où leur santé le leur permet. |
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3.6. |
En septembre 2020, le Conseil de l’Union européenne a publié ses conclusions finales sur le thème «Droits de l’homme, participation et bien-être des personnes âgées à l’ère numérique» (10), dans lesquelles il a notamment invité la Commission à envisager la création d’une plateforme numérique sur «la participation et le volontariat après la vie active». |
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3.6.1. |
Une telle plateforme pourrait fournir des informations aux personnes âgées qui souhaiteraient s’engager dans des activités bénévoles ou volontaires dans des pays autres que le leur. Elle pourrait également informer les autorités locales et d’autres acteurs sur la manière d’associer les personnes âgées au bénévolat ou au volontariat et de fournir des orientations et des informations aux personnes désireuses de trouver des possibilités de bénévolat ou de volontariat adaptées aux personnes âgées dans toute l’Europe. |
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3.6.2. |
Le CESE soutient fermement la mise en place d’une telle plateforme qui intégrerait les plateformes existantes et éviterait les doubles emplois, tout en soulignant que l’activité bénévole et volontaire des personnes âgées joue un rôle important tant pour ceux qui sont soutenus par leurs activités que pour les bénévoles et les volontaires eux-mêmes, en leur permettant de rester actifs au-delà de leur activité professionnelle, dès lors que cela a une incidence positive considérable sur leur bien-être mental et physique. |
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3.6.3. |
Le CESE souligne que le Corps européen de solidarité pour les jeunes et la plateforme proposée pour soutenir les bénévoles et les volontaires âgés devraient servir de base à une politique européenne plus globale et transversale en matière de bénévolat et de volontariat, qui favorise la solidarité et la responsabilité des personnes de tous âges qui contribuent librement à l’avenir de l’Europe, sur la base de la solidarité et des valeurs européennes. |
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3.6.4. |
Le CESE recommande que cette plateforme inclue progressivement des groupes d’âge plus larges de bénévoles et de volontaires et s’accompagne d’efforts accrus pour réduire les obstacles au bénévolat et au volontariat transfrontaliers, tels que la perte des droits aux avantages publics et aux systèmes de soutien, les droits de résidence et les dispositions connexes telles que l’accès au téléphone mobile et aux contrats de connectivité internet. |
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3.7. |
Dans toute l’Europe, de nombreux bénévoles et volontaires participent à des activités conformes aux projets européens établis de longue date par la Commission européenne (qui revêtent une importance cruciale pour l’avenir de l’Europe, par exemple en ce qui concerne la vaccination, la numérisation, les questions climatiques, les réformes financières, le débat sur le nucléaire, les réformes du travail, etc.). Étant donné que les citoyens doivent avoir une compréhension factuelle et impartiale des principales propositions formulées par les institutions de l’UE avant de pouvoir les soutenir, le CESE invite la Commission européenne à soutenir activement les initiatives mises en œuvre par des bénévoles et des volontaires qui peuvent contribuer à obtenir le soutien des citoyens à l’égard de projets clés de l’UE, notamment en réduisant le risque d’informations fausses ou partiales. |
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3.8. |
Le recours accru à des financements forfaitaires et à des montants forfaitaires dans le cadre des projets devrait permettre de faire reconnaître la contribution des bénévoles et des volontaires comme cofinancement du point de vue des subventions de l’UE. Toutefois, cela ne fonctionne pas bien dans la pratique, du fait que les contributions des bénévoles et des volontaires sous forme de temps de travail ne peuvent généralement pas être incluses dans les comptes des organisations. En outre, de nombreuses agences qui gèrent des subventions de l’UE exigent que des reçus de paiement soient fournis pour la totalité des taux et des montants forfaitaires, ce qui va à l’encontre de l’intention et de l’esprit de l’approche de financement en tant que méthode de calcul. Le CESE réitère ses demandes à cet égard, formulées dans des avis adoptés en 2006 (11) et 2013 (12), et regrette que celles-ci n’aient pas encore été pleinement mises en œuvre. Le CESE note que les programmes de financement du Conseil de l’Europe disposent d’un mécanisme permettant que le temps presté par les bénévoles et les volontaires soit pris en compte au titre de cofinancement dans le cadre de leurs subventions. |
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3.9. |
Le CESE soutient résolument le concours de la Capitale européenne du volontariat (13), lancé par le Centre pour le volontariat européen en 2013 dans le prolongement de l’AEV2011. Il permet d’établir une connexion entre, d’une part, les politiques et pratiques locales en matière de bénévolat et de volontariat, et, d’autre part, le contexte européen et les valeurs et cadres politiques européens. Le CESE demande que l’initiative soit encouragée et soutenue par toutes les institutions de l’UE, en accordant toutefois une attention particulière au niveau infranational afin de rapprocher les citoyens des décideurs politiques de l’UE et de montrer le soutien de l’UE aux activités fondées sur la solidarité et aux citoyens actifs contribuant à l’avenir de l’Europe. Le CESE invite la Commission européenne à soutenir activement la diffusion des bonnes pratiques dans les politiques publiques qui soutiennent les activités de bénévolat et de volontariat au niveau local, en s’appuyant en particulier sur les exemples des municipalités candidates et gagnantes dans le cadre du concours de la Capitale européenne du volontariat. |
4. Tendances en matière de bénévolat et de volontariat
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4.1. |
Le CESE souligne que les changements démographiques en cours auront une incidence sur l’activité des bénévoles et des volontaires dans les années à venir. |
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4.1.1. |
L’Europe a une population vieillissante et des taux de natalité en baisse. Cela signifie qu’il y a davantage de bénévoles et de volontaires qualifiés disponibles pour plus longtemps, mais aussi davantage de personnes âgées ayant besoin du soutien de bénévoles et des volontaires du fait d’un allongement de la durée de la vie. Toutefois, compte tenu de la baisse des taux de natalité, il se peut que l’on manque de jeunes bénévoles et volontaires et que davantage de projets entre pairs pour les bénévoles et les volontaires adultes et âgés deviennent nécessaires. |
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4.1.2. |
L’Europe a des populations de plus en plus diversifiées et changeantes; davantage d’efforts s’imposeront pour garantir l’inclusion sociale. Les États membres ne peuvent pas payer tout cela à partir des finances publiques, et même s’ils disposaient des fonds nécessaires, ce n’est pas uniquement une question d’argent. Une approche plus humaine et solidaire est nécessaire pour une véritable inclusion. Pour ce faire, il est nécessaire que les bénévoles et les volontaires agissent de manière solidaire. Il convient de redoubler d’efforts pour lutter contre la solitude et fournir un soutien sous la forme de services sociaux dès lors que les familles sont plus dispersées à l’intérieur des pays et sur l’ensemble du continent. Le CESE estime que les pouvoirs publics au niveau de l’UE, des États membres et des collectivités locales devraient être préparés à cet état de fait, et que le processus doit inclure la création de conditions favorables à l’expansion des activités de bénévolat et de volontariat. |
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4.1.3. |
Les recettes fiscales baissent dans les États membres et les budgets publics sont réduits, mais dans le même temps, la demande de services est plus élevée. L’accroissement des inégalités et de la pauvreté entraîne une augmentation des besoins de la population, mais cela contraste avec une réduction du financement des organisations de la société civile, lesquelles seraient en mesure de faire beaucoup — avec le soutien des bénévoles et des volontaires — pour améliorer la situation des citoyens et des familles. Le CESE insiste sur la nécessité de parvenir à un meilleur équilibre. |
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4.2. |
Il souligne que les changements en cours en ce qui concerne les modes de vie et les types d’activités qui donnent lieu à une reconnaissance sociale, ou la nécessité de développer de nouvelles compétences susceptibles d’être utiles sur le plan professionnel pour les jeunes générations, peuvent entraîner une inadéquation entre l’intérêt des citoyens pour le bénévolat et le volontariat et les possibilités réelles de bénévolat et de volontariat, et que le niveau de ces activités pourrait par conséquent diminuer, en dépit d’une offre et d’une demande élevées. Ce phénomène doit faire l’objet d’un suivi constant afin que les politiques publiques puissent être ajustées en temps utile. |
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4.3. |
On observe un glissement qui voit le bénévolat et le volontariat traditionnels, réguliers et de longue durée fondés sur des engagements planifiés et à long terme être délaissés au profit d’un bénévolat et d’un volontariat «épisodiques». De nombreux bénévoles et volontaires sont prêts à entreprendre des activités épisodiques, même pour un événement ponctuel, mais ne veulent pas prendre d’engagement personnel à long terme. Cette tendance se reflète dans la croissance du «volontourisme», dans le cadre duquel les personnes voyagent dans le but spécifique de pratiquer le bénévolat ou le volontariat ou tirent parti de possibilités de bénévolat ou de volontariat rencontrées lors de leurs vacances. Il convient de veiller à ce que ce type de bénévolat et de volontariat réponde à de véritables besoins sociétaux. Lorsque le bénévolat et le volontariat sont susceptibles d’être plus dommageables que positifs, par exemple dans un environnement institutionnel abritant des enfants ou d’autres personnes vulnérables (comme les orphelinats), ils devraient être interdits. |
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4.4. |
Une autre tendance observée ces dernières années est l’émergence d’intermédiaires tels que les institutions sociales ou éducatives, les organisations religieuses, les organisateurs de bénévolat/volontariat familial, les centres locaux de bénévolat/volontariat ou le bénévolat/volontariat des salariés (encadré par les entreprises). Ces organismes aident les bénévoles et les volontaires à trouver un lieu d’activité, en recherchant des organisations qui les placeront directement. Cela permet d’aider les personnes qui recherchent une possibilité de démarrer une activité bénévole ou volontaire. Toutefois, il existe un risque que les activités de ces intermédiaires aient une incidence négative sur la perception du bénévolat et du volontariat dans la société, en particulier si leurs activités sont commercialisées, par exemple. |
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4.5. |
Les progrès réalisés en matière de capacités en ligne et de médias sociaux permettent aux citoyens de s’auto-organiser plus facilement pour le bénévolat et le volontariat ad hoc. Cela rend également tous les types de possibilités de bénévolat et de volontariat plus immédiatement accessibles aux citoyens, les plateformes en ligne mettant en relation l’offre et la demande. L’essor rapide des nouvelles technologies a permis de développer de nouvelles formes de bénévolat et de volontariat, telles que le bénévolat et le volontariat en ligne, qui ne dépendent pas de périodes et de lieux spécifiques et peuvent se faire dans n’importe quel endroit où le bénévole/volontaire dispose d’un accès en ligne et d’un dispositif de connexion. |
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4.5.1. |
Toutefois, le CESE souligne qu’il convient de veiller à ne pas exclure du bénévolat ou du volontariat ceux qui ne disposent pas d’un accès internet. |
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4.5.2. |
Le CESE souligne que les cadres juridiques régissant le bénévolat et le volontariat dans les États membres doivent suivre cette évolution et veiller, par exemple, en ce qui concerne la protection des données, à ce que les personnes vulnérables continuent d’être protégées et à ce que les bénévoles et les volontaires reçoivent une formation appropriée, même lorsqu’ils effectuent un bénévolat ou un volontariat de manière informelle et sur une base ad hoc. Les décideurs politiques auraient tort d’estimer qu’il n’est pas nécessaire de financer le bénévolat, le volontariat ou les infrastructures sur lesquelles ils s’appuient lorsque les citoyens sont en mesure de s’organiser en ligne. |
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4.6. |
Le CESE estime qu’il est nécessaire de renforcer la coopération intersectorielle entre les partenaires sociaux dans le cadre du bénévolat et du volontariat des travailleurs. Pour avoir le plus grand impact, les employeurs et les travailleurs devraient s’associer avec des organisations de la société civile qui sont des expertes dans ce domaine et/ou qui souhaitent les soutenir, plutôt que de tenter de mettre en œuvre directement et par eux-mêmes des programmes de bénévolat et de volontariat. |
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4.7. |
Le CESE reconnaît que le «volontourisme» est un secteur en expansion en Europe et qu’il devrait être réglementé afin de protéger l’intégrité du bénévolat et du volontariat, les bénévoles et volontaires potentiels et les communautés locales. |
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4.8. |
54 % des répondants à une enquête d’Eurobaromètre (14) ont déclaré n’avoir supporté aucune dépense dans le cadre de leurs activités de bénévolat ou de volontariat, tandis que 28 % ont indiqué qu’ils avaient engagé des dépenses mais n’avaient reçu aucune contribution, et que 16 % avaient exposé des dépenses et reçu des contributions à ces dépenses. Ces données doivent être prises en compte par les bénéficiaires ou les coordinateurs du travail bénévole et volontaire, afin que les dépenses ne deviennent pas un obstacle limitant la participation des jeunes. Le CESE souligne qu’il importe de rembourser les dépenses, même minimes, des bénévoles et des volontaires, et attend des autorités nationales et locales des États membres qu’elles promeuvent et soutiennent cette approche sans conséquences fiscales défavorables pour les bénévoles, les volontaires ou les organisations concernés. |
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4.9. |
Il existe des incohérences dans les cadres juridiques et les exigences juridiques et de sécurité pour les bénévoles, les volontaires et leurs bénéficiaires dans toute l’Europe. Le CESE souligne que des mesures devraient être prises pour rationaliser le système pour la sécurité et dans l’intérêt de tous. Il y a lieu d’assurer la disponibilité d’une assurance de responsabilité civile pour les bénévoles et les volontaires sur le marché de l’assurance dans tous les pays, tandis qu’un soutien des pouvoirs publics et/ou des fondations devrait être mis en place pour en couvrir le prix. Les certificats de casier judiciaire des bénévoles et volontaires actifs auprès d’enfants ou de personnes vulnérables devraient être obligatoires dans tous les États membres et être facilement accessibles, et à bas prix, pour les bénévoles et les volontaires potentiels. Le CESE invite tous les États membres à mettre en œuvre ces solutions et invite instamment la Commission européenne à promouvoir les meilleures pratiques dans ce domaine. Ces activités favoriseront également le bénévolat et le volontariat transfrontalier. |
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4.10. |
Le CESE est d’avis que plus les personnes peuvent accéder au bénévolat et au volontariat à un jeune âge, plus elles seront susceptibles de devenir des adultes socialement intégrés et engagés, impliqués dans l’avenir de l’Europe. Il convient d’encourager les initiatives telles que les programmes d’apprentissage par le service collectif dans les écoles et le bénévolat familial. Le cas échéant, les cadres juridiques devraient être adaptés pour permettre aux jeunes et aux enfants de faire eux aussi du bénévolat. Les organisations de jeunesse jouent un rôle très important dans ce processus et devraient donc bénéficier d’un soutien approprié et suffisant de la part des pouvoirs publics. |
5. Le rôle des bénévoles et des volontaires dans la communauté
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5.1. |
Il ne fait aucun doute que les bénévoles et les volontaires créent une valeur économique, environnementale et sociale substantielle. Dans les organisations à but non lucratif, ils sont souvent essentiels pour garantir le bon accomplissement des tâches, et constituent l’une des ressources les plus importantes de ces organisations. Ils sont souvent reconnus par le monde extérieur comme un symbole des activités de ces entités. Pour de nombreuses personnes, en particulier chez les jeunes, le bénévolat et le volontariat revêtent une dimension particulière. Il s’agit souvent de la première activité à laquelle ils se livrent en étant en mesure de répondre à des besoins sociaux réels et de voir rapidement les effets de leurs actions en tant que citoyens engagés, ce qui réduit considérablement le risque d’exclusion sociale. |
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5.2. |
Dans bien des circonstances, il devient juridiquement plus difficile pour les citoyens de s’organiser autour de questions d’intérêt commun et d’associer ainsi les citoyens en tant que bénévoles ou volontaires contribuant à la société sans rechercher un gain personnel. Il y a lieu de garantir les droits d’association, ainsi que le financement et le soutien publics aux organisations de la société civile. Le CESE souligne que le financement public des organisations de la société civile contribue grandement non seulement à leur fonction et à leur rôle dans la société, mais aussi au maintien de leur indépendance et de leur capacité à garantir des processus démocratiques internes qui permettent à leurs membres d’être reconnus et représentés sans ingérence extérieure. |
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5.2.1. |
Le bon fonctionnement de la société civile est le signe d’une démocratie saine et contribue grandement à la qualité de vie ainsi qu’à la paix et à la stabilité. La démocratie participative ne menace pas la démocratie représentative, mais la complète. |
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5.2.2. |
Dans le cas des organisations qui coordonnent les activités des bénévoles et des volontaires, un financement public permet d’obtenir des avantages beaucoup plus importants pour la société, avantages qui ont une réelle valeur économique, grâce à un mécanisme de levier spécifique. |
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5.3. |
Les citoyens européens sont désormais de plus en plus enclins à s’engager dans des activités de bénévolat et de volontariat de courte durée, souvent avec un gain personnel évident, par exemple lors d’un festival ou d’un concert, plutôt que de prendre un engagement à long terme qui réponde à un besoin sociétal identifié. Le CESE souhaite que les décideurs politiques fassent davantage pour promouvoir la valeur ajoutée du bénévolat et du volontariat en tant que capital social et non simplement en tant qu’occasion intéressante à titre individuel ou mécanisme permettant de faire des économies sur les coûts des ressources humaines. Les pouvoirs publics doivent aider les bénévoles, les volontaires et les organisations qui soutiennent leurs activités à mieux démontrer leur valeur et leur impact afin de continuer à attirer les bénévoles et les volontaires, étant donné que les citoyens sont confrontés à un choix toujours plus large quant à la manière dont ils utilisent leur temps libre. |
|
5.4. |
Au cours de la pandémie de COVID-19, de nombreux décideurs politiques et citoyens ordinaires ont pu constater le potentiel particulier et l’impact réel du bénévolat et du volontariat — à la fois des activités structurées, coordonnées par une institution ou une organisation publique, et des activités ponctuelles individuelles, entreprises spontanément sur la base d’une volonté d’aider les autres. Le CESE a rendu hommage à des centaines de milliers de bénévoles et de volontaires dans toute l’Europe qui ont aidé des personnes dans le besoin en 2020 en raison de la pandémie en décernant son prix de solidarité civile (15) à des organisations et à des personnes ayant participé à des activités de bénévolat et de volontariat liées à l’impact de la COVID-19. |
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5.5. |
Les travailleurs dont le temps de travail est moins régulier et dont la vie professionnelle est moins stable éprouvent davantage de difficultés à s’engager à long terme dans le bénévolat ou le volontariat. Par exemple, les employés de commerce qui n’apprennent que par un préavis de 24 heures si leur présence au travail est nécessaire éprouvent beaucoup de difficultés à s’engager dans une activité bénévole. Il en va de même, par exemple, pour de nombreux travailleurs intermittents. Le CESE souligne que les organisations de bénévoles et de volontaires devraient pouvoir s’appuyer sur un savoir-faire, dont des bonnes pratiques, s’agissant de bâtir des capacités supplémentaires sur lesquelles pouvoir s’appuyer pour faire face à la disponibilité fluctuante de bénévoles et de volontaires potentiels et mettre au point de nouvelles méthodes de gestion des bénévoles et des volontaires. |
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5.6. |
La prescription sociale (16) est un moyen de lutter contre les problèmes de santé sans que soient prescrits de médicaments, ou en complément de ceux-ci. Le bénévolat et le volontariat sont devenus des éléments efficaces et de plus en plus populaires des systèmes de prescription sociale. Les recherches montrent que le bénévolat et le volontariat ont une incidence positive sur la santé mentale et qu’il est bénéfique de s’adonner à des activités de bénévolat et de volontariat dans le cadre de la prescription sociale. Le CESE estime que le bénévolat et le volontariat en tant que pratiques de prescription sociale devraient être mis en œuvre plus largement en Europe dans le cadre de la reprise post-pandémie, et que leur incidence devrait faire l’objet d’un suivi attentif. Il convient de veiller à ce que les organisations qui proposent des placements dans un cadre de bénévolat ou de volontariat répondant à une logique de prescription sociale respectent des principes éthiques et adhèrent à des lignes directrices de qualité pour des actions à impact élevé, axées sur les besoins, à valeur ajoutée et fondées sur le volontariat. |
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5.7. |
Compte tenu des effets positifs de l’Année européenne du volontariat 2011, de la nécessité impérieuse de créer un cadre juridique et social pour le développement du bénévolat et du volontariat et des changements importants dans le comportement des bénévoles/volontaires et des bénévoles/volontaires potentiels, le CESE invite la Commission européenne à prendre des mesures pour proclamer 2025 Année européenne des bénévoles et des volontaires. |
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5.7.1. |
Une Année européenne des bénévoles et des volontaires rendrait hommage aux efforts et à l’impact de tous les bénévoles et volontaires pendant la crise de la COVID-19 et soulignerait leur impact et leur importance pour la reprise et l’avenir de l’Europe, sur la base de la solidarité, du respect, de l’égalité et des valeurs communes. |
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5.7.2. |
Le CESE estime que le train de mesures coordonné par la Commission européenne inciterait les États membres à soutenir pleinement les activités de bénévolat et de volontariat, en tenant compte des propositions avancées par le CESE, et que la question des activités menées par les bénévoles et les volontaires sera un élément permanent et non occasionnel de la politique européenne. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) ECO/343 — Outils statistiques pour mesurer le bénévolat (JO C 170 du 5.6.2014, p. 11).
(2) https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---stat/documents/publication/wcms_162119.pdf
(3) Description de l’indicateur: travail bénévole. OIT.
(4) Résolution de la Conférence internationale des statisticien(ne)s du travail.
(5) Statistiques polonaises — Volontariat 2011.
(6) Statistiques polonaises — Volontariat 2016.
(7) Rapport sur le volontariat dans l’Union européenne, GHK, 2010.
(8) Module EU-SILC 2015 sur la participation sociale et culturelle et la privation matérielle.
(9) Eurobaromètre Flash 408 — «Jeunesse européenne».
(10) Conclusions du Conseil, 9 octobre 2020.
(11) SOC/243 — Les activités volontaires: leur rôle dans la société européenne et leur impact (JO C 325 du 30.12.2006, p. 46).
(12) ECO/343 — Outils statistiques pour mesurer le bénévolat (JO C 170 du 5.6.2014, p. 11).
(13) Capitale européenne du volontariat — CEV.
(14) Eurobaromètre Flash 408 — «Jeunesse européenne».
(15) Prix CESE de la solidarité civile.
(16) The Healing Power of Social Prescribing («Le pouvoir thérapeutique de la prescription sociale») et Policy Statement on Volunteering & Social Prescribing — CEV 2019 («Déclaration politique sur le bénévolat, le volontariat et la prescription sociale»).
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/27 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment garantir un travail décent aux jeunes et veiller à l’inclusion des jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) grâce à l’élaboration de plans nationaux de relance adéquats»
(avis d’initiative)
(2022/C 152/05)
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Rapporteure: |
Nicoletta MERLO |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
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Adoption en section |
24.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
152/13/48 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE accueille favorablement les plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR), dans lesquels il voit une occasion inédite de susciter des changements et de déclencher des investissements en faveur de la croissance durable et de la création d’emploi de qualité, laquelle doit être saisie selon une gouvernance inclusive appelant dialogue, ouverture et transparence. |
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1.2. |
Le Comité déplore l’absence de consultation substantielle et ciblée des partenaires sociaux et des parties prenantes, dans certains États membres, lors de l’élaboration des PNRR. Il invite instamment la Commission à mettre en place des mesures garantissant une participation structurée et constructive des partenaires sociaux, de la société civile organisée et des organisations représentant la jeunesse à la mise en œuvre et au suivi des PNRR. Il est crucial de préserver et de renforcer le dialogue social au niveau national pour veiller à ce que les deniers publics soient dépensés comme il se doit au service d’une relance inclusive. |
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1.3. |
Le CESE suggère d’évaluer et de collecter systématiquement les bonnes pratiques de l’échelon national, là où la consultation des partenaires sociaux et des organisations représentant la jeunesse, par l’intermédiaire de commissions spéciales et d’un dialogue social, a produit d’excellents résultats sur le plan des politiques et mesures adoptées en faveur des jeunes en vue de créer pour eux des emplois et des perspectives de carrière de qualité. |
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1.4. |
Le Comité invite les États membres à garantir une orientation professionnelle et des conseils de qualité à tous les jeunes, en particulier ceux qui sont porteurs d’un handicap, et ce dès les premières étapes de leur éducation scolaire, afin de leur fournir davantage d’informations sur leur formation complémentaire et par conséquent sur leurs possibilités de carrière dans le contexte de la transition écologique et numérique du marché du travail. |
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1.5. |
Le CESE salue les mesures visant à promouvoir et populariser le rôle et l’image de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP) comme vecteurs de pratiques innovantes, des compétences en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM), de l’apprentissage tout au long de la vie et d’une intermédiation efficace en matière d’emploi, car elles sont essentielles pour résorber l’actuel déficit de compétences. Il importe également d’améliorer l’évaluation des compétences et d’agir ainsi par anticipation pour repérer à l’avance celles qui seront nécessaires sur les marchés du travail de demain. Il convient de prendre les dispositions qui s’imposent pour veiller à ce que l’enseignement et la formation professionnels soient accessibles aussi aux personnes handicapées, sur la base d’une reconnaissance des aptitudes individuelles et afin de permettre à tous les citoyens d’acquérir les compétences professionnelles qui leur seront utiles pour leur développement personnel, tout en répondant aux besoins spécifiques des entreprises en ce qui concerne les emplois qualifiés non pourvus. |
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1.6. |
Le CESE préconise la mise en place d’un accompagnement personnalisé pour certains groupes ciblés, en particulier les jeunes qui ne travaillent pas et ne suivent ni études ni formation (les «NEET»). Cet accompagnement devrait permettre de traiter de manière globale l’ensemble des questions annexes à celle de l’insertion sur le marché du travail, comme le logement, l’hébergement, le transport et la santé. |
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1.7. |
Le CESE estime qu’il est prioritaire de garantir l’efficacité et l’adéquation des services publics de l’emploi, qui sont des acteurs clés des politiques actives du marché du travail (PAMT), en procédant à des investissements ciblés et à des réformes là où c’est nécessaire, de sorte qu’ils puissent soutenir toute personne dans sa recherche d’emploi ou sa réorientation, surtout les plus vulnérables et celles qui sont les plus éloignées des marchés du travail. |
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1.8. |
Le CESE déplore que la garantie pour la jeunesse, en tant que principal outil des politiques de lutte contre la montée du chômage des jeunes, n’ait pas été exploitée à son plein potentiel. Il invite les États membres à intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre la garantie renforcée pour la jeunesse, avec notamment une formation de qualité qui facilite l’insertion sur le marché du travail, et demande à la Commission européenne de fournir une vue d’ensemble des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations du Conseil sur la garantie renforcée pour la jeunesse au niveau national et pour garantir des synergies efficaces avec les PNRR. |
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1.9. |
Le CESE accueille favorablement les dispositions des PNRR qui viennent soutenir une formation de qualité, y compris les apprentissages et stages, car ceux-ci constituent un outil efficace pour faire reculer le décrochage scolaire précoce et peuvent assurer une meilleure insertion des jeunes (mais pas seulement) sur le marché du travail, et il invite les États membres à mettre en œuvre la recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (1). Néanmoins, le Comité plaide pour l’interdiction des stages non rémunérés. Il demande que, lors de la révision à venir de la recommandation du Conseil relative à un cadre de qualité pour les stages, une rémunération décente soit garantie à tous les stagiaires. Le CESE propose également que l’on élabore un cadre européen pour des stages de qualité afin de garantir la valeur éducative de ce type d’apprentissage. |
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1.10. |
Le CESE invite instamment les États membres à utiliser les fonds de relance pour investir dans la création d’emplois de qualité et le renforcement des compétences des jeunes, là où c’est nécessaire, priorité devant être donnée aux contrats à durée indéterminée et à des conditions de travail décentes qui limitent le risque de pauvreté. En outre, le Comité souligne la nécessité de résorber les disparités en matière de sécurité sociale, et il encourage les États membres à mettre dûment en œuvre la recommandation du Conseil relative à l’accès à la protection sociale (2) ainsi qu’à mettre en place, en la matière, un régime moderne pour toutes les formes de travail, qui puisse garantir un niveau adéquat de revenu aux futurs retraités, notamment à ceux dont les carrières sont discontinues ou amenées à l’être. |
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1.11. |
Le CESE juge essentiel, afin d’éviter de subventionner la précarité de l’emploi, de veiller à ce que les aides à l’embauche soient conditionnées à la signature de contrats à durée indéterminée ou à des programmes de stabilisation. Ces aides à l’embauche peuvent par ailleurs s’avérer efficaces pour ouvrir des perspectives de recrutement aux demandeurs d’emploi «désavantagés» et réaffecter les travailleurs licenciés, en favorisant leur transition vers de nouveaux secteurs et métiers. |
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1.12. |
Le CESE considère qu’il y a lieu de porter une attention particulière à la problématique de la santé mentale et des troubles psychosociaux, en particulier chez les jeunes, en faisant reculer la stigmatisation autour de ces questions par un travail de prévention et de sensibilisation, lequel doit commencer dans les écoles et s’étendre aux entreprises, et en assurant un financement adéquat des prestataires de services et d’accompagnement dans ce domaine. |
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1.13. |
Le CESE note que les inégalités persistantes entre hommes et femmes dans le monde du travail aggravent la vulnérabilité des jeunes femmes face aux conséquences économiques de la COVID-19. Il salue les mesures mises en place par certains États membres pour encourager et promouvoir l’emploi des femmes et l’entrepreneuriat féminin, investir dans des infrastructures sociales adéquates et réformer les systèmes de garde d’enfants, en particulier l’éducation et l’accueil de la petite enfance, et demande que ces bonnes pratiques soient généralisées à l’échelle de l’Union européenne afin de soutenir le plein emploi des femmes, en particulier des jeunes mères. |
2. Le contexte
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2.1. |
La pandémie de COVID-19 a considérablement bouleversé nos sociétés et nos économies, et elle continue de le faire. L’Union européenne a franchi des étapes importantes sur le chemin de la reprise: pour la première fois, les États membres ont fait le choix de la solidarité européenne et de la convergence, plutôt que de l’austérité, pour combattre la crise. |
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2.2. |
La facilité pour la reprise et la résilience (ci-après la «facilité»), qui est la principale composante du dispositif Next Generation EU, met à disposition 672,5 milliards d’EUR de prêts et de subventions pour soutenir les réformes et les investissements des États membres. L’objectif de cette enveloppe d’un montant inédit est d’amortir le contrecoup économique et social de la pandémie de COVID-19, de rendre les économies et les sociétés européennes plus durables et résilientes, et de mieux les préparer aux défis posés par les transitions écologique et numérique ainsi qu’aux perspectives que celles-ci peuvent offrir. |
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2.3. |
L’accord conclu prévoit qu’au moins 37 % des dépenses inscrites dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) soient affectées à l’appui des objectifs climatiques, et 20 % pour soutenir la transition numérique. En outre, l’ensemble des investissements et des réformes doivent respecter le principe consistant à «ne pas causer de préjudice important», afin de garantir qu’ils n’occasionnent pas de dommage significatif pour l’environnement. Il est par ailleurs attendu des PNNR qu’ils contribuent à relever efficacement les défis respectifs qui auront été recensés dans les recommandations par pays émises dans le cadre du semestre européen; aucun seuil minimum n’est cependant fixé en la matière, et aucun processus n’est prévu pour assurer le suivi des dépenses consacrées à différentes priorités, par exemple la jeunesse. - |
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2.4. |
Pour mieux les mobiliser dans l’élaboration des politiques, y compris les mesures contenues dans les PNRR, il est essentiel que les partenaires sociaux soient associés au semestre européen tout au long de son processus, de manière substantielle et au moment opportun, à divers niveaux et dans tous les domaines d’action qui touchent directement ou indirectement à l’emploi et au marché du travail. Le dialogue social est une force motrice pour l’élaboration de politiques payantes et équitables dès lors qu’il est en mesure de faire émerger des solutions efficaces et, le cas échéant, de traduire dans la négociation collective les changements et les réformes en cours dans les politiques qui sont menées. |
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2.5. |
La facilité vient compléter d’autres actions ciblant les jeunes (3), et elle est étroitement alignée sur les priorités de la Commission pour la période 2019-2024, dans lesquelles il est expressément indiqué que l’Union européenne doit créer des conditions d’investissement plus attrayantes et une croissance créatrice d’emplois de qualité, en particulier pour les jeunes et les petites entreprises (4). Le nouveau programme ALMA (5) de la Commission européenne (pour «Aim, Learn, Master, Achieve», soit en français: orientation, apprentissage, maîtrise, réussite) — un nouveau programme de stages qui, sur le même modèle que celui d’Erasmus, cible en particulier les NEET et offre à de jeunes européens une expérience professionnelle de courte durée dans un autre État membre — est susceptible de produire des résultats positifs pour autant que l’on garantisse à ses bénéficiaires un cadre de qualité, notamment en matière de protection sociale, d’orientation et de supervision, ainsi qu’une rémunération décente. |
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2.6. |
Le 22 janvier dernier, la Commission européenne a publié les nouvelles orientations que les États membres de l’Union doivent suivre dans l’élaboration de leurs PNRR pour accéder au «fonds de relance», d’où il ressort que les politiques publiques menées en faveur des jeunes ne constituent plus un simple objectif «horizontal» des plans, c’est-à-dire un aspect à prendre en considération en vue de réaliser d’autres objectifs majeurs, mais qu’elles sont devenues un préalable et une priorité absolue du dispositif Next Generation EU, devant figurer dans ces plans comme un volet à part entière, et non pas simplement au titre de priorité transversale. |
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2.7. |
Les pays de l’Union devaient officiellement avoir soumis leurs PNRR d’ici le 30 avril 2021. Toutefois, la Commission a prolongé le délai et convenu que les pays pourraient soumettre leurs plans jusqu’à la mi-2022. Au 15 octobre 2021, 26 plans avaient été présentés. |
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2.8. |
La facilité représente pour les États membres une occasion comme il ne s’en présente qu’une par génération, non seulement de résoudre la crise de santé publique, mais aussi de poursuivre la double transition vers une économie numérique et sobre en carbone, d’instaurer une protection sociale forte et de promouvoir la cohésion. Elle offre une possibilité réelle d’apporter des changements concrets en faveur des jeunes travailleurs et d’empêcher qu’ils ne deviennent une génération «perdue», privée de chances équitables dans l’Europe de demain. Il est toutefois indispensable de mettre en place une gouvernance inclusive aux niveaux national et européen, dans laquelle le dialogue social et les échanges avec la société civile exerceraient une influence forte et constructive. |
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2.9. |
La crise de la COVID-19 a exacerbé les inégalités, désavantageant encore plus les travailleurs, en particulier les plus jeunes. Par le présent avis d’initiative, en s’appuyant sur une analyse des mesures générationnelles contenues dans les PNRR présentés par certains États membres de manière à y recenser d’éventuelles bonnes pratiques ou lacunes, le CESE entend formuler des recommandations sur les modalités permettant de garantir un travail décent pour les jeunes et l’insertion de ceux d’entre eux qui ne travaillent pas et ne suivent ni études ni formation (les «NEET») grâce à la mise en œuvre des projets. |
3. Observations générales
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3.1. |
Les jeunes en Europe comptent parmi ceux qui ont le plus sévèrement souffert de la pandémie: les écoles, les universités et les lieux de socialisation ont été fermés, les privant de l’éducation, de la culture et de leurs interactions; un sur six a perdu son emploi à cause des répercussions économiques de la COVID-19 (6); en août 2021, le taux de chômage des jeunes était de 16,5 % dans l’Union européenne (7); dans un certain nombre de pays, les jeunes ont été particulièrement affectés, avec à la clé une envolée du chômage — tel a été le cas, pour ne citer que quelques exemples, en Espagne (40,5 %), en Italie (29,7 %), en Bulgarie (18,3 %) et en France (19,6 %). De surcroît, les chiffres officiels ont tendance à ne pas comptabiliser une partie des jeunes chômeurs, soit parce qu’ils ne réclament pas d’allocations de chômage, soit parce qu’ils ne s’inscrivent pas auprès des agences pour l’emploi et, à la place, subviennent à leurs besoins en exerçant un faux travail indépendant, en travaillant pour une plateforme ou en recourant à l’économie souterraine. Il est par conséquent raisonnable de penser que les chiffres réels pourraient être encore plus défavorables que ceux rapportés par Eurostat. |
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3.2. |
En outre, la crise de la COVID-19 a encore aggravé la situation des NEET. Le nombre de NEET en Europe, en particulier dans des pays comme l’Italie, la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie, est un indicateur crucial, qui repart une fois de plus à la hausse en raison du décrochage scolaire, de l’absence d’orientation appropriée, des pertes d’emplois et du manque de possibilités d’embauche. Cette catégorie de jeunes vulnérables est plus exposée au risque de marginalisation, de pauvreté et d’exclusion permanente de l’emploi. |
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3.3. |
Les NEET forment une vaste catégorie, englobant une population hétérogène qui comprend les chômeurs, les jeunes en décrochage scolaire, tous ceux qui parmi les diplômés de l’enseignement supérieur n’ont toujours pas trouvé d’emploi et sont découragés, et enfin tous les autres jeunes qui, pour d’autres raisons, sont inactifs. Les chômeurs ne constituent qu’un sous-groupe de la catégorie plus étendue des NEET, et le recoupement entre chômeurs et NEET varie dans le temps et selon les pays (8). |
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3.4. |
Des pourcentages élevés de NEET représentent une perte importante pour nos économies et nos sociétés. Le sentiment de désenchantement ou d’exclusion que ressentent les personnes concernées induit aussi un risque politique majeur pour la stabilité de nos sociétés démocratiques. L’incapacité des systèmes éducatifs et sociaux à prévenir ce phénomène ou à réduire le nombre de NEET est révélateur de l’échec rencontré par des politiques efficaces et largement soutenues s’agissant de promouvoir l’égalité des chances partout en Europe. |
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3.5. |
La crise actuelle affecte tout particulièrement les travailleurs occupant des formes d’emploi atypiques et très diverses (9) (travail occasionnel, rémunéré par des chèques, via une plateforme, à la tâche, collaboratif, etc.) (10), et ce sont malheureusement les jeunes qui forment le gros de ces formes d’emploi. Ces postes peuvent être faiblement rémunérés, les horaires y sont irréguliers, ils n’offrent qu’une faible sécurité de l’emploi et la protection sociale y est limitée, voire inexistante (congés payés, pension, congés de maladie, etc.). Souvent, ils n’ouvrent pas droit aux allocations de chômage ni aux dispositifs de chômage partiel mis en place par les pouvoirs publics (11). Ce type d’emploi se retrouve le plus souvent dans des secteurs et industries qui ont particulièrement souffert de la pandémie de COVID-19, comme le tourisme, la vente en gros ou au détail, l’hébergement et la restauration (12). Au demeurant, les nouvelles formes de travail peuvent représenter une chance pour les jeunes vivant en milieu rural ou dans des régions périphériques, ou encore pour les jeunes handicapés, les étudiants et les jeunes parents, et il est par conséquent indispensable d’assurer à cet égard des salaires décents et une protection sociale. |
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3.6. |
Les barrières périphériques à l’emploi telles que la mobilité, les compétences numériques, la santé ou des conditions de vie précaires, notamment l’absence de logement ou de couverture sociale, devraient être recensées et prises en compte dans les PNRR. Le CESE considère que les États membres pourraient assurer le suivi de ces obstacles à l’insertion des jeunes sur le marché du travail, sous un angle qualitatif aussi bien que quantitatif, et formuler des propositions spécifiques pour y remédier dans leurs PNRR respectifs. |
4. Observations particulières
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4.1. |
La relance au lendemain de la COVID-19 devrait être envisagée comme une chance à saisir. L’économie a été ébranlée, tout comme le marché du travail. |
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4.2. |
Les PNRR représentent une occasion inédite de susciter et d’encourager des changements, laquelle doit être saisie selon une gouvernance inclusive appelant dialogue, ouverture et transparence. Il conviendrait d’associer les collectivités locales, les partenaires sociaux et la société civile, y compris les organisations représentant la jeunesse, aux mesures financées au titre des PNRR, afin de mettre en place une gouvernance participative à même de faire émerger un consensus, de l’adhésion et un sentiment de justice à l’égard des PNRR. |
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4.3. |
Le CESE estime que des consultations continues des partenaires sociaux, de la société civile et en particulier des organisations représentant la jeunesse devraient être garanties par les États membres lors de la conception, de la mise en œuvre et du suivi des mesures spécialement destinées aux jeunes travailleurs et aux NEET, afin d’évaluer, du point de vue de la jeune génération, si les politiques menées sont adaptées, et dans quelle mesure, pour répondre à leurs attentes en matière d’éducation et de carrière et leur permettre d’accéder sans encombre au marché du travail. |
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4.4. |
Le CESE applaudit aux initiatives prises à ce jour par les États membres en vue d’évaluer l’impact générationnel de l’action des pouvoirs publics: en Autriche, une loi en vigueur depuis 2013 (13) a introduit un dispositif de vérification pour évaluer les conséquences potentielles de toute nouvelle proposition législative et réglementaire sur les enfants et les jeunes, en y associant notamment le Conseil national de la jeunesse; en Italie, le ministère chargé des politiques de la jeunesse a récemment mis en place un comité (14) composé de cadres et de représentants de l’administration publique, de professeurs d’université et d’experts des politiques pour la jeunesse, y compris du Conseil national de la jeunesse, avec pour objectif d’évaluer a priori et a posteriori l’impact générationnel de toutes les politiques publiques, grâce à des indicateurs et modèles spécifiques et au moyen aussi de comparaisons par rapport aux bonnes pratiques d’autres pays de l’Union. |
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4.5. |
Le CESE recommande aux États membres d’adopter des mesures similaires ou d’effectuer un suivi effectif des politiques déjà adoptées ou amenées à l’être dans une perspective générationnelle, tout en veillant à la participation adéquate des jeunes lors de la consultation. |
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4.6. |
Dans ses travaux de recherche (15), le Cedefop a anticipé que près de 7 millions d’emplois disparaîtront ou ne seront pas créés dans l’Union d’ici 2022 en raison de la pandémie de COVID-19, tandis que certains secteurs (16) tels que la santé, les sciences et l’innovation, les technologies de l’information et les communications numériques afficheront une croissance significative de même qu’un potentiel de création d’emplois. La pandémie a favorisé les emplois dans des secteurs et métiers qui sont suffisamment flexibles pour s’adapter aux nouvelles normes de la distanciation sociale et du télétravail, lesquelles seront certainement appelées à perdurer, même après la pandémie, altérant la nature du travail qui, jusqu’alors, nécessitait un espace physique (17). |
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4.7. |
D’après un rapport de l’OCDE (18), la pandémie pourrait aussi modifier l’attitude des enfants et des jeunes vis-à-vis de l’apprentissage. Les perturbations auxquelles elle a donné lieu dans l’enseignement scolaire classique ont eu comme conséquence que de nombreux enfants n’ont pas acquis toutes les compétences attendues. À brève échéance, la pandémie pourrait entraîner une augmentation du décrochage scolaire, tandis qu’à moyen et long termes, un investissement personnel réduit serait susceptible d’empêcher la génération d’élèves actuelle d’acquérir un état d’esprit positif à l’égard de l’apprentissage, alors même que les profonds changements structurels à l’œuvre exigeront de savoir actualiser ses compétences tout au long de la vie. Il est également indiqué dans le rapport que les inégalités entre hommes et femmes en matière de possibilités de formation pourraient être en cause. Un appel à une montée en puissance urgente des investissements y est lancé pour aider les individus à s’adapter et à gagner en résilience face aux chocs externes. |
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4.8. |
Dans un monde du travail qui évolue rapidement sous l’effet de la mondialisation et des conséquences de la pandémie de COVID-19, le CESE estime qu’il est crucial de prévenir l’inadéquation des compétences, et pour ce faire de focaliser les efforts sur cette question des compétences, y compris celles qui ne sont pas d’ordre technique, en investissant des ressources suffisantes dans l’éducation et l’orientation, en favorisant des liens plus étroits et une meilleure transition entre la sphère éducative et le monde du travail, ce qui passe notamment par la promotion d’outils tels que l’enseignement en alternance, les stages et les apprentissages, et en encourageant les programmes d’apprentissage tout au long de la vie, lesquels doivent associer tous les principaux acteurs concernés et donner la priorité aux groupes vulnérables, en particulier les jeunes, les NEET et les personnes dont les emplois sont les plus exposés à un risque de transformation. La réponse adéquate sur le plan des politiques consiste à adopter une batterie de mesures intégrées relevant des politiques actives du marché du travail, avec des passerelles vers les services publics de l’emploi et les systèmes de formation, afin de favoriser une relance inclusive et durable. |
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4.9. |
Un large consensus réunit les parties prenantes autour de l’idée que l’orientation professionnelle n’a jamais été aussi importante, surtout pour les jeunes qui sont susceptibles de chercher du travail dès leur sortie de l’enseignement secondaire. Le CESE se rallie aux appels lancés en faveur d’investissements vigoureux dans l’orientation professionnelle (19), car les faits démontrent qu’elle a un rôle précieux à jouer pour préparer les étudiants à affronter un marché de l’emploi qui évolue rapidement et pourrait ne pas être à la hauteur de leurs attentes ou ne pas correspondre aux compétences qu’ils ont acquises précédemment. |
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4.10. |
Les PNRR font horizontalement référence aux jeunes dans le contexte de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP). La formation et l’apprentissage en milieu professionnel, à l’image des apprentissages et des stages qui sont généralement des points d’entrée critiques pour les jeunes, a été elle aussi profondément bouleversée durant la crise, certes à des degrés divers selon le secteur et la région. Défenseur de longue date de la modernisation de l’EFP, le CESE salue les efforts consentis par l’échelon national afin de rechercher et promouvoir des solutions de remplacement pour dispenser des formations qualifiantes pratiques, comme les contrats de formation et d’apprentissage en alternance, et étendre l’apprentissage à distance. Certains pays ont aussi adopté de nouvelles mesures pour s’assurer que les systèmes d’enseignement et formation techniques et professionnels (EFTP) soient mieux préparés à des chocs futurs (20). |
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4.11. |
Les stratégies déployées pour s’adresser au public forment des composantes cruciales des plans de relance, qui appellent des investissements ciblés en faveur des prestataires de services à la jeunesse et des services publics de l’emploi. Des travaux récents montrent que près de la moitié des NEET n’ont pas connaissance des mesures de soutien que les pouvoirs publics ont mises à leur disposition (21). |
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4.12. |
Dans le cadre des PNRR, il convient de renforcer les investissements en direction des prestataires de services à la jeunesse et d’encourager une coopération horizontale entre ces derniers et les services publics de l’emploi. Si des services publics de l’emploi efficaces et efficients ont un rôle important à jouer pour soutenir les personnes qui se heurtent à des obstacles dans l’accès à l’emploi et pour assurer des transitions en douceur d’un emploi à l’autre, il n’en reste pas moins que, pour pouvoir s’adresser aux NEET les plus vulnérables, ces services devront coopérer avec des acteurs locaux très divers, tels que les associations, les établissements d’enseignement et des conseillers spécialisés, formés aux questions de santé mentale. Un partage efficace et approprié des informations et des données est requis à cet effet, ce qui signifie que les opérateurs et les conseillers des services publics de l’emploi devront consacrer davantage de temps à la gestion de ces partenariats (22). |
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4.13. |
La garantie pour la jeunesse, nouvellement financée par le FSE+, avec une obligation de dépenser au moins 12 % des fonds dans les États membres ou la proportion de NEET est supérieure à la moyenne européenne (23), reste le principal outil des politiques de lutte contre la montée du chômage des jeunes dans l’Union européenne. La recommandation du Conseil adoptée en octobre 2020 sur les modalités d’un renforcement du programme (24) comprend une liste de mesures indiquant comment garantir la qualité de l’offre proposée dans ce cadre, aller plus efficacement au-devant du public et renforcer le suivi des résultats pour une meilleure évaluation du programme. Les PNRR doivent donc dresser un bilan des plans nationaux de mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse, auxquels ils doivent être reliés, faute de quoi l’on n’aboutirait qu’à des occasions manquées et à des mesures inaptes à apporter des solutions pour les NEET. |
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4.14. |
Le CESE note que la dernière mise à jour des plans nationaux de mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse remonte à 2014 et que, à ce jour, tous les États membres de l’Union n’ont pas commencé à actualiser leur stratégie nationale pour la jeunesse à la lumière de la garantie renforcée pour la jeunesse (25). Les États membres doivent intensifier leurs efforts, intégrer les enseignements qui ont été tirés et mobiliser stratégiquement les financements de l’Union afin de rendre cet instrument véritablement efficace et fonctionnel. |
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4.15. |
Il convient d’élaborer, en insistant sur la question des jeunes travailleurs, des mesures de relance spécifiquement destinées à lutter contre le chômage et l’emploi précaire des jeunes (26), et pour ce faire de créer des emplois de qualité, et de protéger aussi le grand nombre de travailleurs (27) qui ne bénéficient pas d’une couverture sociale adéquate. En outre, des mesures spécifiques à l’intention des jeunes travailleurs indépendants devraient être envisagées afin de soutenir et de renforcer l’entrepreneuriat des jeunes et les start-up. |
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4.16. |
Des travaux de recherche (28) sur les changements que les États membres de l’Union ont apportés aux systèmes de protection sociale durant la pandémie ont montré qu’une majorité d’entre eux avaient rendu plus accessibles les régimes d’aide aux revenus pour les salariés, par exemple les dispositifs de chômage partiel, les allocations de chômage et les mesures similaires, au moyen notamment d’une augmentation de leur valeur, d’un assouplissement des conditions d’ouverture de droits et d’une extension de leur durée. Même si elles ne les ciblent pas spécifiquement, ces mesures n’en contribueront pas moins à soutenir les jeunes, qui sont plus exposés au risque de chômage et se retrouvent souvent exclus de la protection sociale, par exemple des allocations de chômage, par manque d’antécédents professionnels. |
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4.17. |
Pour ces raisons, sachant que tous les changements apportés sont temporaires et que bon nombre d’entre eux ont déjà expiré, confrontant de nouveau les jeunes au fossé qui les sépare de la protection sociale, le CESE juge crucial que les responsables politiques s’emploient à établir un régime de protection sociale universel garantissant en la matière une couverture égale à tous les travailleurs (occupant des emplois ordinaires ou atypiques, jeunes ou plus âgés). Combler ces fossés permettrait de prémunir les jeunes contre la pauvreté et contre d’éventuels chocs à venir sur le marché du travail. |
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4.18. |
Le CESE estime qu’il importe également de soutenir les jeunes sur le plan de la sécurité sociale et, par conséquent, il encourage tous les États membres à mettre dûment en œuvre la recommandation du Conseil relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale (29), dans laquelle il leur est recommandé de fournir à tous les individus un accès à une protection sociale adéquate quelle que soit leur forme d’emploi. |
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4.19. |
Des efforts supplémentaires doivent être fournis pour trouver des moyens de concilier sécurité et qualité de l’emploi sur un marché du travail dynamique, et le renforcement des dialogues sociaux est essentiel pour faire émerger des mesures efficaces. L’on peut s’inspirer de bonnes pratiques ayant cours dans certains pays, comme 1) au Portugal, où le gouvernement mène régulièrement des discussions avec les partenaires sociaux et les organisations représentant la jeunesse. Des mesures telles que des quotas de NEET dans les entreprises qui emploient massivement des stagiaires ou une réduction des aides à l’embauche pour les contrats à durée déterminée (30) ont contribué à stimuler l’emploi des jeunes dans ce pays; et 2) en Espagne, où les dialogues sociaux ont conduit à une extension de la couverture sociale pour y inclure les stages (31). |
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4.20. |
L’incertitude, l’inquiétude et l’anxiété pouvant mener à la dépression ont bondi au commencement de la crise et continuent d’augmenter dans certains pays. La fermeture temporaire des établissements d’enseignement et des activités sociales, culturelles et sportives a distendu les liens sociaux qui contribuent au maintien d’une bonne santé mentale. Le soutien apporté à la santé mentale dans les écoles et les universités a été profondément désorganisé dans de nombreux pays, et les jeunes ont de plus en plus recours à d’autres plateformes pour obtenir de l’aide, comme des lignes téléphoniques et des centres pour la jeunesse, les services s’occupant de la santé mentale offrant de leur côté des téléconsultations et des formules de prise en charge à distance pour assurer la continuité de leurs services. Dans le même temps, les prestataires de ces services ont eux aussi été touchés de plein fouet par les confinements, et beaucoup d’entre eux n’ont pas pu reprendre leurs activités faute de ressources humaines et financières. Le CESE juge essentiel de soutenir au moyen d’un financement plus pérenne ce secteur, qui dépend fortement du bénévolat et du financement de projets, celui-ci ayant démontré pendant la crise qu’il était une composante cruciale de notre tissu social. |
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4.21. |
L’on pourrait s’employer davantage à prendre en compte la dimension de l’égalité entre hommes et femmes dans les PNRR, notamment en ce qui concerne les NEET, ce phénomène touchant plus fréquemment les jeunes filles que les garçons. En 2020, les taux de NEET parmi les jeunes femmes étaient en moyenne 1,3 fois supérieurs à ceux observés pour les jeunes hommes, et, parmi les premières, le taux de NEET inactives était jusqu’à 1,7 fois plus élevé. Cette proportion est particulièrement forte dans les pays d’Europe de l’Est (Bulgarie, Roumanie, Hongrie, République tchèque, Slovaquie et Pologne) et en Italie (32). Dans ces pays, la majorité des NEET se retrouvent classés dans cette catégorie à cause de leurs responsabilités familiales ou parce que ce sont des jeunes porteurs d’un handicap. Les jeunes femmes passent en proportion plus de temps à s’occuper des enfants et des autres membres de la famille. Elles consacrent presque trois plus de temps que les jeunes hommes aux tâches non rémunérées et aux travaux domestiques. Le Comité salue les mesures mises en place par certains États membres pour encourager l’emploi des femmes et promouvoir l’entrepreneuriat féminin, investir dans des infrastructures sociales adéquates et réformer les systèmes de garde d’enfants, en particulier l’éducation et l’accueil de la petite enfance, et demande que cette bonne pratique soit généralisée à l’échelle de l’Union européenne afin de soutenir le plein emploi des femmes, en particulier des jeunes mères; il préconise un système solide de suivi annuel des progrès et des budgets permettant de suivre les fonds dégagés et utilisés pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience, y compris des indicateurs pertinents. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (JO C 153 du 2.5.2018, p. 1).
(2) Recommandation du Conseil relative à l’accès à la protection sociale — «Making social protection fit for the future» (JO C 387 du 15.11.2019, p. 1).
(3) Stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse (2018) (JO C 456 du 18.12.2018, p. 1); train de mesures d’aide à l’emploi des jeunes (2020); «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» (2020) (JO C 372 du 4.11.2020, p. 1); ALMA (2021); Année européenne de la jeunesse (attendue en 2022).
(4) https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024_fr
(5) https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1549&langId=fr
(6) Les jeunes sont généralement définis comme les personnes âgées de 15 à 29 ans.
(7) Eurostat (en anglais).
(8) Konle-Seidl, R., et Picarella, F. (2021), «Youth in Europe: Effects of COVID-19 on their economic and social situation», Parlement européen, Luxembourg.
(9) https://www.eurofound.europa.eu/fr/topic/non-standard-employment
(10) https://www.eurofound.europa.eu/fr/publications/blog/new-forms-of-employment-in-europe-how-new-is-new
(11) Eurofound (2021), «COVID-19: Implications for employment and working life», Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg.
(12) Spasova, S., Bouget, D., Ghailani, D., et Vanhercke, B. (2017), «Access to social protection for people working on non-standard contracts and as self-employed in Europe».
(13) https://national-policies.eacea.ec.europa.eu/youthwiki/chapters/austria/54-young-peoples-participation-in-policy-making
(14) https://www.giovani.gov.it/it/comunicazione/notizie/comitato-per-la-valutazione-dell-impatto-generazionale-delle-politiche-pubbliche/
(15) https://www.cedefop.europa.eu/fr/news-and-press/news/coronavirus-impact-jobs-eu-sectors-and-occupations-skills-forecast-analysis
(16) https://ec.europa.eu/eures/public/four-job-sectors-high-demand-result-covid-19-pandemic-2021-02-19_en
(17) Prévisions du Cedefop en matière de compétences et d’emplois.
(18) https://www.oecd.org/fr/competences/la-pandemie-de-covid-19-souligne-l-urgence-d-investir-massivement-dans-la-formation-tout-au-long-de-la-vie-pour-tous-declare-l-ocde.htm
(19) https://www.oecd.org/education/career-readiness/Investing%20in%20Career%20Guidance_en.pdf
(20) «Skills development in the time of COVID-19: Taking stock of the initial responses in technical and vocational education and training», Bureau international du travail, Genève, OIT, 2021.
(21) Moxon, D., Bacalso, C., et Șerban, A. (2021), «Beyond the pandemic: The impact of COVID-19 on young people in Europe», Bruxelles, Forum européen de la jeunesse.
(22) «PES partnership management», Eamonn Davern (septembre 2020).
(23) https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1099&langId=fr
(24) Recommandation du Conseil relative à «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» et remplaçant la recommandation du Conseil du 22 avril 2013 sur l’établissement d’une garantie pour la jeunesse (JO C 372 du 4.11.2020, p. 1).
(25) Konle-Seidl, R., et Picarella, F. (2021), «Youth in Europe: Effects of COVID-19 on their economic and social situation», Parlement européen, Luxembourg.
(26) Résolution du Parlement européen du 4 juillet 2017 sur les conditions de travail et l’emploi précaire (JO C 334 du 19.9.2018, p. 88).
(27) Organisation internationale du travail. Rapport mondial sur la protection sociale 2020-2022 — La protection sociale à la croisée des chemins: bâtir un avenir meilleur. Genève: OIT, 2021
(28) ETUI (2021), «Les travailleurs atypiques et les indépendants dans l’UE — La protection sociale pendant la pandémie de COVID-19».
(29) Recommandation du Conseil du 8 novembre 2019 relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale (JO C 387 du 15.11.2019, p. 1).
(30) https://www.iefp.pt/apoios-a-contratacao
(31) Projet de loi 121/000066 sur la garantie du pouvoir d’achat à la retraite et d’autres mesures visant à renforcer la viabilité financière et sociale du système public de retraite (congreso.es).
(32) https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Statistics_on_young_people_neither_in_employment_nor_in_education_or_training
ANNEXE
Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 59, paragraphe 3, du règlement intérieur):
AMENDEMENT 3
Proposé par:
HOŠTÁK Martin
POTTIER Jean-Michel
VADÁSZ Borbála
SOC/689 — Garantir un travail décent aux jeunes et veiller à l’inclusion des jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) grâce aux plans nationaux de relance
Paragraphe 4.17
Modifier comme suit:
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Avis de section |
Amendement |
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Pour ces raisons, sachant que tous les changements apportés sont temporaires et que bon nombre d’entre eux ont déjà expiré, confrontant de nouveau les jeunes au fossé qui les sépare de la protection sociale, le CESE juge crucial que les responsables politiques s’emploient à établir un régime de protection sociale universel garantissant en la matière une couverture égale à tous les travailleurs (occupant des emplois ordinaires ou atypiques, jeunes ou plus âgés) . Combler ces fossés permettrait de prémunir les jeunes contre la pauvreté et contre d’éventuels chocs à venir sur le marché du travail. |
Pour ces raisons, sachant que tous les changements apportés sont temporaires et que bon nombre d’entre eux ont déjà expiré, confrontant de nouveau les jeunes au fossé qui les sépare de la protection sociale, le CESE juge crucial que les responsables politiques s’emploient à établir des régimes de protection sociale solides et efficaces garantissant en la matière une couverture adéquate à tous les travailleurs. Combler ces fossés permettrait de prémunir les jeunes contre la pauvreté et contre d’éventuels chocs à venir sur le marché du travail. |
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Exposé des motifs |
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Nous souscrivons pleinement à l’avis selon lequel les PNRR pourraient être utilisés pour renforcer et soutenir les ambitions affichées et les efforts déployés par les États membres pour mettre en œuvre la recommandation relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale, conformément à leur situation et leurs pratiques socio-économiques respectives. Tout appel en faveur d’un régime de protection sociale universel est incompatible avec la finalité du présent avis. |
Résultat du vote:
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Voix pour: |
74 |
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Voix contre: |
101 |
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Abstentions: |
19 |
AMENDEMENT 4
Proposé par:
HOŠTÁK, Martin
POTTIER Jean-Michel
VADÁSZ Borbála
SOC/689 — Garantir un travail décent aux jeunes et veiller à l’inclusion des jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) grâce aux plans nationaux de relance
Paragraphe 1.9
Modifier comme suit:
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Avis de section |
Amendement |
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Le CESE accueille favorablement les dispositions des PNRR qui viennent soutenir les apprentissages et stages de qualité, car ceux-ci constituent un outil efficace pour faire reculer le décrochage scolaire précoce et peuvent assurer une meilleure insertion des jeunes (mais pas seulement) sur le marché du travail, et il invite les États membres à mettre en œuvre la recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (1). Néanmoins, le Comité demande que l’on veille, lors de la révision à venir du cadre de qualité pour les stages , à interdire les stages non rémunérés et à garantir à tous les stagiaires une rémunération décente . |
Le CESE accueille favorablement les dispositions des PNRR qui viennent soutenir les apprentissages et stages de qualités, car ceux-ci constituent un outil efficace pour faire reculer le décrochage scolaire précoce et peuvent assurer une meilleure insertion des jeunes (mais pas seulement) sur le marché du travail, et il invite les États membres
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Exposé des motifs |
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Nous recommandons de scinder le texte en deux parties et de ne pas mélanger apprentissage et stage. La première partie concerne l’apprentissage. Le cadre de l’UE fonctionne bien et aucune révision n’est envisagée. La deuxième partie concerne la révision du cadre de l’UE en matière de stages, laquelle peut être l’occasion de vérifier les progrès accomplis par les États membres concernant sa mise en œuvre. |
Résultat du vote:
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Voix pour: |
69 |
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Voix contre: |
112 |
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Abstentions: |
15 |
AMENDEMENT 5
Proposé par:
HOŠTÁK, Martin
POTTIER Jean-Michel
VADÁSZ Borbála
SOC/689 — Garantir un travail décent aux jeunes et veiller à l’inclusion des jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) grâce aux plans nationaux de relance
Paragraphe 1.11
Modifier comme suit:
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Avis de section |
Amendement |
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Le CESE juge essentiel, afin d’éviter de subventionner la précarité de l’emploi, de veiller à ce que les aides à l’embauche soient conditionnées à la signature de contrats à durée indéterminée ou à des programmes de stabilisation . Ces aides à l’embauche peuvent par ailleurs s’avérer efficaces pour ouvrir des perspectives de recrutement aux demandeurs d’emploi «désavantagés» et réaffecter les travailleurs licenciés, en favorisant leur transition vers de nouveaux secteurs et métiers. |
Le CESE juge essentiel, afin d’éviter de subventionner la précarité de l’emploi, de veiller à ce que les aides à l’embauche soient conditionnées à la signature de contrats à durée indéterminée ou à des contrats qui s’inscrivent dans un parcours professionnel et débouchent sur des contrats de ce type . Ces aides à l’embauche peuvent par ailleurs compléter efficacement les efforts consentis par l’employeur en matière de formation et ouvrir des perspectives de recrutement aux demandeurs d’emploi «désavantagés» et réaffecter les travailleurs licenciés, en favorisant leur transition vers de nouveaux secteurs et métiers. |
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Exposé des motifs |
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La subvention à l’embauche peut aider les jeunes à trouver un emploi et les employeurs à entrer en contact avec des travailleurs potentiels, mais les deux parties ont besoin de flexibilité pour élaborer un plan de formation et de carrière conduisant à une forme de contrat plus stable. Elle est fonction des compétences, des performances, de l’engagement et d’autres critères objectifs. Les aides à l’embauche couvrent également les formes de contrats de travail en alternance qui s’inscrivent dans le cadre d’une formation et d’un parcours professionnel. Il convient donc de centrer la proposition sur la conditionnalité de l’emploi durable afin de favoriser l’intégration des demandeurs d’emploi, en particulier des jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation. |
Résultat du vote:
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Voix pour: |
69 |
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Voix contre: |
120 |
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Abstentions: |
16 |
Le paragraphe suivant de l’avis de section a été modifié suite à l’adoption par l’assemblée des amendements correspondants, mais il avait obtenu plus d’un quart des votes exprimés (article 59, paragraphe 4, du règlement intérieur):
AMENDEMENT 2
Proposé par:
BABRAUSKIENĖ Tatjana
SOC/689 — Garantir un travail décent aux jeunes et veiller à l’inclusion des jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) grâce aux plans nationaux de relance
Paragraphe 1.9
Modifier comme suit:
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Avis de section |
Amendement |
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Le CESE accueille favorablement les dispositions des PNRR qui viennent soutenir les apprentissages et stages de qualité, car ceux-ci constituent un outil efficace pour faire reculer le décrochage scolaire précoce et peuvent assurer une meilleure insertion des jeunes (mais pas seulement) sur le marché du travail, et il invite les États membres à mettre en œuvre la recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (1). Néanmoins, le Comité demande que l’on veille , lors de la révision à venir du cadre de qualité pour les stages, à interdire les stages non rémunérés et à garantir à tous les stagiaires une rémunération décente. |
Le CESE accueille favorablement les dispositions des PNRR qui viennent soutenir une formation de qualité, y compris les apprentissages et stages, car ceux-ci constituent un outil efficace pour faire reculer le décrochage scolaire précoce et peuvent assurer une meilleure insertion des jeunes (mais pas seulement) sur le marché du travail, et il invite les États membres à mettre en œuvre la recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (1). Néanmoins, le Comité plaide pour l’interdiction des stages non rémunérés . Il demande que, lors de la révision à venir de la recommandation du Conseil relative à un cadre de qualité pour les stages, une rémunération décente soit garantie à tous les stagiaires. Le CESE propose également que l’on élabore un cadre européen pour des stages de qualité afin de garantir la valeur éducative de ce type d’apprentissage . |
Résultat du vote:
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Voix pour: |
127 |
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Voix contre: |
62 |
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Abstentions: |
8 |
(1) Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.
(1) Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.
(1) Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.
(1) Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/38 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Emploi atypique et plateformes coopératives dans le cadre de la transformation numérique des entreprises»
(avis d’initiative)
(2022/C 152/06)
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Rapporteur: |
Giuseppe GUERINI |
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Corapporteur: |
Erwin DE DEYN |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) |
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Adoption en section |
10.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
219/0/10 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
L’économie des plateformes numériques constitue un phénomène en plein essor, qui transcende jusqu’aux frontières de l’Union européenne elle-même. Sa montée en puissance a également eu pour effet de multiplier les schémas régissant les relations de travail des personnes qui mènent une activité professionnelle par le truchement de ces plateformes: il peut s’agir, par exemple, de rapports de travail indépendant, de collaborations ponctuelles, ou encore de contrats de travail salarié qui sont personnalisés. Dans ce contexte, les coopératives qui sont créées entre travailleurs peuvent offrir un outil intéressant pour insuffler davantage de stabilité dans les relations professionnelles nouées par l’intermédiaire des plateformes numériques. |
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1.2. |
Vu l’ampleur du phénomène, le CESE considère qu’il est utile et nécessaire que l’Union européenne et les États membres coordonnent la mise en œuvre de règles appropriées, afin d’assurer un équilibre entre les impératifs de l’innovation et la nécessité que les plateformes numériques garantissent les droits des travailleurs, comme ils s’emploient à le faire dans le cas des consommateurs et des utilisateurs, grâce aux projets de règlement sur les services numériques (DSA) et sur les marchés numériques (DMA). |
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1.3. |
Les plateformes numériques confortent par ailleurs le déploiement de nouvelles formules d’entreprises, qui, pour bien des personnes, sont susceptibles d’élargir le spectre des possibilités de prendre part aux marchés numériques nouvellement apparus. Parmi ces formes d’entrepreneuriat, celle des coopératives revêt un intérêt tout particulier pour appuyer une participation inclusive à la gouvernance des plateformes numériques. |
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1.4. |
En effet, le schéma coopératif donne la possibilité de développer des entreprises, créées par des travailleurs indépendants, dont les membres souhaitent tout à la fois préserver leur autonomie et leur créativité tout en améliorant leur situation en ce qui concerne leurs revenus, leurs conditions de travail et l’accès à la protection sociale, en leur évitant d’être tributaires de formes d’activité atypiques. |
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1.5. |
Le CESE relève que la structure coopérative se prête non seulement à combiner les traits caractéristiques des plateformes numériques avec le modèle organisationnel du travail associé mais qu’elle ouvre également la possibilité, lorsque le contexte le demande, que les associés ainsi employés conservent le statut de travailleurs salariés, bénéficiant de toutes les protections prévues pour la main-d’œuvre couverte par des conventions collectives de travail. |
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1.6. |
Le CESE invite la Commission européenne, les États membres de l’Union européenne et les acteurs du dialogue social à prévoir des initiatives propres à stimuler l’expansion des coopératives de plateforme, lesquelles, par le recours aux nouvelles technologies, œuvrent pour encourager la fibre entrepreneuriale en fédérant de jeunes travailleurs et entrepreneurs au sein de structures coopératives. |
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1.7. |
Pour que ces initiatives soient mises en œuvre de manière efficace, il est nécessaire que tous les acteurs intéressés soient associés à la démarche; en conséquence, le dialogue social peut jouer un rôle déterminant en la matière, et le CESE est donc prêt à s’investir dans la promotion des coopératives de plateformes. |
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1.8. |
Les plateformes numériques ignorent les frontières. En outre, sur notre territoire européen, le principe du pays d’origine est d’application. Les initiatives concernées ne pourront être couronnées de succès que si nous savons nous entendre sur une manière commune d’appréhender ces questions et de traiter leur mise en œuvre. Le CESE demande de porter attention au risque d’un morcellement du marché intérieur, qui serait dommageable tant pour les plateformes que pour leurs travailleurs. |
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1.9. |
Il est bénéfique, de l’avis du CESE, que dans la mise en œuvre de la stratégie européenne pour la transition numérique soient prévues des initiatives visant à soutenir la création de coopératives pour la gestion des plateformes numériques, le but étant notamment de favoriser la propriété collective des services du numérique, des données et des infrastructures technologiques et d’ouvrir ainsi la voie à une diversification plus poussée du paysage économique et à une diffusion de la démocratie dans le champ de l’économie. |
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1.10. |
Le CESE fait observer qu’en tant qu’elles constituent des associations autonomes de personnes qui s’unissent volontairement pour répondre, au moyen d’une organisation démocratique et participative, à leurs besoins communs d’ordre économique, social et culturel, les coopératives offrent précisément une solution intéressante aux problèmes qui se posent en matière de gouvernance et de contrôle démocratique des plateformes numériques. |
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1.11. |
Le CESE demande que lorsqu’elle élabore ses propositions réglementaires concernant les travailleurs des plateformes numériques, la Commission européenne adopte une démarche qui soit attentive et réceptive à l’innovation, et s’attache à soutenir la compétitivité des entreprises sans pour autant perdre de vue les droits des personnels concernés, en particulier, en s’assurant que ces personnes travaillant sur les plateformes numériques soient dûment formées et qualifiées pour mieux comprendre et contrôler les modalités de mise en œuvre des algorithmes qui gouvernent leur recrutement. |
2. Introduction et contexte
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2.1. |
Dans le processus de transformation accélérée que connaissent l’économie et les entreprises, le rôle joué par la numérisation a pris une ampleur stratégique essentielle, au point qu’elle s’est introduite dans l’ensemble des secteurs d’activité et en est venue à toucher la chaîne de valeur des produits et des services dans toute son étendue, en s’appliquant aux grandes entreprises comme aux plus petites, ainsi qu’aux microentreprises. S’agissant des perspectives nouvelles qu’elle ouvre comme des défis inédits qu’elle lance, elle génère pour le monde du travail des effets dont l’importance tient aussi bien à la nature même des activités qu’à la rapidité avec laquelle s’effectuent ces changements |
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2.2. |
Dans le sillage de cette mutation numérique menée à vive allure, de nouvelles formes de travail et formules d’organisation des entreprises sont en train d’émerger. Le travail sur plateformes, notamment, nécessite des filières de travail neuves et souples, que les cadres juridiques en vigueur ne sont pas toujours en mesure de réglementer. |
|
2.3. |
La transformation qui s’opère actuellement de manière accélérée a mis en lumière certaines lacunes concernant la sécurité juridique, de sorte que le dialogue social et la négociation collective revêtent une haute importance pour que les parties prenantes fixent ensemble de nouvelles règles applicables au travail sur les plateformes numériques. Bon nombre d’États membres ont entrepris d’éclaircir la question du statut professionnel des personnes qui exercent leur activité par l’intermédiaire des plateformes numériques; sur ce point, une intervention réglementaire de la Commission européenne se devrait de privilégier la conclusion d’accords qui sachent s’adapter aux évolutions du marché du travail, tout en apportant les garanties nécessaires concernant la protection sociale des travailleurs. |
|
2.4. |
Bien que le phénomène des plateformes numériques renvoie à un vaste éventail de modèles, dans lequel on peut trouver tout aussi bien des réseaux sociaux que des sites de commerce électronique ou d’intermédiation financière et de gestion de ressources et de données sur Internet, le présent avis adoptera une perspective expressément liée au travail et se référera spécialement aux entreprises qui opèrent par l’intermédiaire d’applications ou de sites web. Il se penchera en particulier sur le schéma spécifique des plateformes numériques qui adoptent une forme coopérative. |
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2.5. |
En organisant une consultation dont la première phase a été lancée le 24 février dernier et la seconde s’est déroulée du 15 juin au 15 septembre 2021, la Commission européenne s’est attelée à étudier les effets que le travail sur plateformes produit sur les personnes qui y exercent leur activité. Par cette initiative consultative, elle a demandé aux partenaires sociaux de se prononcer sur l’opportunité d’une intervention législative. Le texte par lequel elle a consulté les acteurs intéressés a délimité sept champs d’intervention: 1) le statut professionnel, 2) les conditions de travail, 3) l’accès à la protection sociale, 4) l’accès à la représentation et à la négociation collective, 5) la dimension transfrontière, 6) la gestion algorithmique et, enfin, 7) la formation permanente et les perspectives professionnelles des personnes exerçant leur activité par l’intermédiaire de plateformes. |
|
2.6. |
Les plateformes numériques construisent un «espace virtuel», dans lequel se déroulent des interactions et des échanges qui vont bien au-delà d’une simple mise en rapport de la demande et de l’offre et par lesquels elles peuvent en arriver à acquérir sur leurs travailleurs, leurs fournisseurs et leurs utilisateurs un pouvoir de contrôle et d’influence toujours plus sophistiqué, tout en offrant des nouveaux services à leur clientèle et en ouvrant des possibilités inédites d’emploi. Pareille évolution a été rendue possible par le recours à des systèmes de profilage et une exploitation des données à grande échelle, qui mettent en œuvre des systèmes d’intelligence artificielle et des algorithmes définis par les gestionnaires de la plateforme concernée. |
|
2.7. |
Grâce à une action minutieuse de promotion commerciale, donnant à tous les intervenants qui y sont actifs l’illusion qu’ils sont les protagonistes d’un processus horizontal et égalitaire, les plateformes se présentent et s’autodéfinissent comme des espaces de rencontre pour nouer des rapports directs et sans intermédiaires, alors qu’en réalité, elles ne sont jamais ni totalement décentralisées, ni neutres, mais constituent au contraire l’agent actif de l’intermédiation, selon des hiérarchisations qui, pour ne pas apparaître au grand jour dans bien des cas, n’en sont pas moins solidement établies. |
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2.8. |
Bien que l’Union européenne et les États membres disposent d’un arsenal fort complet de dispositions réglementant différentes formes d’emploi, les plateformes ne se prêtent pas toujours aisément à l’application et à la mise en œuvre de cet encadrement réglementaire. Il conviendrait d’encourager l’information, le dialogue social et l’apprentissage mutuel, afin de faciliter et stimuler un développement solide et durable des plateformes numériques, de manière que les acteurs du marché du numérique accroissent leur coopération et se fassent davantage confiance. Le dialogue social et la négociation collective sont mieux à même de réguler des situations en évolution rapide que ne le feraient des interventions législatives effectuées à la hâte, qui risqueraient d’entraver l’innovation. |
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2.9. |
En tout état de cause, il est clair qu’une réglementation de qualité doit ménager la marge de manœuvre indispensable afin, d’une part, qu’émergent les grandes innovations auxquelles les technologies numériques peuvent donner naissance et, d’autre part, d’assurer l’indispensable reconnaissance des droits des travailleurs actifs dans ces nouvelles formes d’organisation du travail. Intervenir sur ces changements implique d’orienter de manière volontariste le modèle de développement qui, selon nos conceptions, doit absolument porter une attention spécifique à l’environnement et à la dimension sociale. |
|
2.10. |
Face à la mutation numérique qui est en cours dans le monde entier, il est nécessaire d’envisager, à tous les niveaux, les interventions pertinentes aux fins de développer une transition numérique durable, gouvernée par un encadrement réglementaire, d’échelle européenne, qui soit approprié et clair pour les différentes parties prenantes du marché du numérique, dont, en particulier, celui qui est constitué par les plateformes. Les institutions européennes ont commencé à se saisir de ce thème, sous ses différentes facettes (1), et le CESE a déjà adopté divers avis à son propos, concernant ses enjeux fiscaux (2), la réglementation du marché numérique (3) ou les questions qu’il soulève en matière de travail (4). |
|
2.11. |
Dans un contexte général de mutation des conditions de travail, de plus en plus de personnes se trouvent à même de fournir des prestations sous la forme d’une activité exercée de manière autonome par l’intermédiaire des plateformes numériques, comme l’a souligné l’analyse d’impact que la Commission européenne a publiée en janvier 2021283 (5). L’absence d’un cadre réglementaire adéquat entraîne le risque qu’il soit de plus en plus fait recours à des formes inappropriées de travail indépendant, lequel, pour être légitimement qualifié comme tel, doit répondre à différents critères, comme l’autonomie du travailleur concerné, la faculté dont disposent les parties prenantes d’exprimer librement leur volonté de participer à une tâche, la liberté individuelle en matière d’organisation du travail et l’indépendance. |
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2.12. |
Des analyses de la Commission, il ressort que les personnes qui travaillent par l’intermédiaire des plateformes ne peuvent disposer ni des informations, ni des outils de compréhension qui seraient nécessaires concernant la manière dont les algorithmes sont employés pour prendre certaines décisions susceptibles d’avoir des répercussions sur leurs conditions de travail. Ces lacunes, pour ce qui est d’appréhender ces mécanismes et d’en avoir connaissance, peuvent s’avérer problématiques, en particulier dans le contexte de la surveillance numérique et de la gestion des données, lorsque la conception et la gestion par algorithme influent sur les conditions dans lesquelles les travailleurs mènent leur activité. C’est pour cette raison que le dialogue social revêt une importance cruciale. |
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2.13. |
Un impératif qui vaut pour les entreprises comme pour leur main-d’œuvre est d’assurer, en ce qui concerne les contrats de travail des travailleurs des plateformes, une transparence et une sécurité juridique qui garantissent des conditions de rémunération décentes et un accès à la protection sociale et à la négociation collective. La même exigence de clarté s’impose également pour ce qui est des critères régissant le statut d’entrepreneur et de travailleur indépendant. Concernant ces aspects de la question, le CESE s’est prononcé sans ambages dans son avis SOC 645/2021, sur le thème «Des emplois équitables dans l’économie des plateformes», qu’il a élaboré à la demande de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne au second semestre de 2020. |
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2.14. |
Comme la Commission le reconnaît elle-même, les coopératives ont réussi à créer, dans le cadre de l’économie des plateformes, des modèles qui offrent la possibilité de combiner d’heureuse manière l’entrepreneuriat, les droits sociaux et des conditions de travail appropriées (6). |
3. Observations générales
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3.1. |
La numérisation de l’économie et de la vie sociale induit des transformations, aussi puissantes que rapides, qui suscitent des exigences supplémentaires en matière de flexibilité et de capacité d’adaptation rapide à ces mutations, ayant notamment pour effet d’élargir la palette des choix possibles en matière de formules d’activité professionnelle indépendante, même si, dans certains cas, elles aboutissent à des formes nouvelles de fragmentation et d’émiettement du travail, lequel devient un processus qui, en plus de se décomposer en différentes étapes, comme dans les chaînes de montage de type classique, est désormais éparpillé dans l’espace et dans le temps, cette évolution aboutissant souvent à déstructurer, pour les personnes participant à telle ou telle phase du processus, la distinction entre temps de travail et moments dévolus à la vie privée. |
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3.2. |
Ces caractéristiques font partie d’une évolution complexe, qui affecte même des professions hautement qualifiées, auxquelles certains segments du processus productif sont confiés au moyen de contrats pour indépendants ou membres de «professions libérales»: on pense ici, entre autres exemples, à tout le champ d’activité des programmeurs informatiques, des analystes de données ou des développeurs d’applications, ou à tous les fournisseurs de services annexes, qui sont dispensés sur un mode toujours plus décentralisé. |
|
3.3. |
La crise de la COVID-19 a démontré que dans beaucoup d’États membres, appliquer et mettre en œuvre correctement les règles nationales et européennes qui reconnaissent la nécessité de protéger les travailleurs œuvrant sous un régime de contrats dits «atypiques» (7) continue de s’apparenter à une gageure. |
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3.4. |
Dans bien des cas, l’apparition des plateformes numériques comme outils de recrutement de travailleurs a donné lieu à des formes d’embauche sous statut d’indépendant, alors même que les tâches concernées n’étaient pas réellement effectuées de manière autonome et indépendante. De même, il n’est pas rare de constater que cette approche a davantage répondu au besoin de comprimer les coûts du travail que d’optimiser l’autonomie dans l’organisation des activités. De ce fait, on a également pu noter, dans différents pays européens, une augmentation des litiges portés devant les tribunaux. Par ailleurs, il est évident qu’il n’est pas possible de réglementer par la voie judiciaire un phénomène qui évolue avec une telle rapidité mais qu’il s’impose de dégager des solutions pratiques, qui appréhendent correctement les profonds changements en cours et en fassent une lecture adéquate. |
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3.5. |
Dans un tel contexte, le schéma coopératif donne la possibilité de développer des entreprises de travailleurs autonomes, comme les coopératives de travailleurs indépendants, dont les membres souhaitent tout à la fois préserver leur autonomie et leur créativité tout en améliorant leur situation en ce qui concerne leurs revenus, leurs conditions de travail et l’accès à la protection sociale. En outre, les structures coopératives plus classiques, comme les coopératives de travail, possèdent la capacité de combiner les caractéristiques des plateformes numériques avec le modèle d’organisation du travail associé, lequel a pour trait distinctif de présenter une architecture démocratique et d’offrir à ses salariés les garanties prévues par des contrats ressortissant au droit national du travail. |
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3.6. |
Par «coopérative de plateforme», on entend une entreprise qui, constituée sous forme coopérative et dotée d’une gouvernance démocratique, ménageant un espace à une coassociation à leur démarche pour les parties prenantes concernées, organise la production et l’échange de biens et de services par le truchement d’une infrastructure informatique et de protocoles qui réalisent une interface entre différents dispositifs, fixes ou mobiles. |
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3.7. |
Les coopératives de plateformes, comme toute entreprise coopérative, sont détenues et dirigées par les personnes qui en sont les plus tributaires, en l’occurrence leurs travailleurs, leurs usagers et leurs autres parties prenantes. Ce schéma se déploie bien évidemment dans le respect des dispositions relatives au statut contractuel des travailleurs associés, qu’ils effectuent leurs prestations en tant que salariés ou aient adopté un régime d’indépendants. |
|
3.8. |
En plus de déterminer une forme d’entreprise et les relations entre les différents intervenants, le modèle coopératif exerce une influence décisive sur les flux décisionnels de l’algorithme qui régit son fonctionnement, en ce qu’il se prête à «favoriser une meilleure répartition des bénéfices entre les producteurs/fournisseurs de services, ainsi qu’une participation accrue des citoyens/consommateurs dans la gouvernance, la prise de décision et le partage des bénéfices», comme le Comité économique et social l’a récemment fait valoir dans son avis NAT/794 (8). |
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3.9. |
Si l’on se place dans cette perspective, favoriser l’émergence de nouvelles entreprises qui fédèrent ces travailleurs au sein de coopératives peut contribuer à développer de nouvelles formes d’entrepreneuriat. Pour les vecteurs de pareilles activités, un tel adossement est bénéfique, tant pour élargir leur périmètre d’affaires potentiel, entre eux comme vis-à-vis de l’extérieur, que pour mutualiser leur coûts et leurs avantages. Lorsque la législation nationale l’autorise, ces coopératives ouvrent souvent aux travailleurs indépendants qui y adhèrent la possibilité d’avoir accès aux régimes existants de protection sociale. |
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3.10. |
Si l’esprit d’entreprise, les compétences entrepreneuriales ou l’auto-entrepreneuriat représentent des leviers de croissance essentiels, il n’en est pas moins ardu de créer une entreprise quand on agit isolément, et les jeunes éprouvent encore plus de difficultés à cet égard. Aussi est-il intéressant de développer ces formes de coopératives qui, grâce aux nouvelles technologies, sont susceptibles d’encourager la fibre de l’entrepreneuriat, en rassemblant en leur sein des jeunes travailleurs, quel que soit le statut juridique, de salarié ou d’indépendant, sous lequel ils exercent leur activité. |
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3.11. |
Ayant été développés dans l’optique de l’emploi classique, la réglementation du travail et les systèmes de sécurité sociale ne semblent désormais plus aptes à répondre aux besoins de travailleurs qui, même s’ils œuvrent suivant des contrats atypiques, n’en ont pas moins besoin de garanties contractuelles et de formes appropriées de négociation collective. Les coopératives ont vu bon nombre des défis que posent aujourd’hui la mutation du travail et la numérisation comme autant d’incitations à proposer des réponses aux besoins des actifs qui ne trouvent pas leur compte dans les dispositifs institutionnels actuels et, en parallèle, elles s’efforcent d’accroître l’épanouissement personnel des travailleurs, en les encourageant à s’investir dans la propriété de leur entreprise. |
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3.12. |
C’est en relation avec ces travailleurs désireux d’avoir la garantie d’être autonomes, et donc indépendamment du phénomène des «faux indépendants», que des modèles coopératifs neufs sont apparus, pour répondre à la forte expansion de ces nouvelles formes de travail. Ces coopératives d’un type inédit peuvent constituer un instrument idéal pour contribuer à donner une diffusion plus large aux compétences entrepreneuriales et à la mutualisation des coûts et des avantages. Grâce aux nouvelles technologies, diverses déclinaisons de la nouvelle économie, comme l’«économie des plateformes» pourraient, en particulier, trouver dans la filière coopérative le moyen de parvenir à ce que nombre de travailleurs indépendants deviennent également propriétaires de leurs plateformes et prévenir ainsi certaines dérives liées au phénomène dit de l’atomisation des tâches (9). |
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3.13. |
L’idée qui est la base des coopératives de plateformes est claire: les nouveaux schémas économiques fondés sur Internet et les plateformes en ligne peuvent se combiner avec le modèle coopératif et, ainsi, faire que la propriété et le pouvoir de contrôle en la matière reviennent aux utilisateurs mêmes desdites plateformes et aux personnes qui travaillent par leur truchement. Ces formules d’entreprise novatrices sont susceptibles de favoriser un emploi de qualité dans l’économie des plateformes et de donner un caractère plus participatif à la sphère économique du numérique. |
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3.14. |
Les plateformes numériques de type coopératif créent ainsi un «modèle d’entreprise» qui, recourant à des technologies numériques, des sites Internet et des applications mobiles en partage, assoit son fonctionnement sur un processus décisionnel démocratique et une propriété partagée entre toutes les parties prenantes. |
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3.15. |
De cette manière, la formule juridique de la coopérative, organisée sur la base de plateformes numériques, se prête tout aussi efficacement à la création de structures d’échange et de partage de données, auxquelles les entreprises pourraient être de plus en plus nombreuses à recourir, en particulier dans le cas des PME, qui éprouvent davantage de difficultés à s’assurer les services de prestataires pour gérer et échanger leurs données et pourraient alors, en se regroupant, assurer la gouvernance de ces services. |
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3.16. |
Ces potentialités n’ont pas échappé à la Commission européenne, puisque la proposition de règlement qu’elle a présentée le 25 novembre 2020 sur la gouvernance européenne des données, ou «législation sur la gouvernance des données», prévoit expressément, dans son article 9, la possibilité d’organiser des «services de coopérative de données», comme le CESE l’avait également mis en évidence dans son avis INT/921 (10). |
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3.17. |
On trouvera une autre référence importante à la mission que les coopératives peuvent assumer pour démocratiser l’économie numérique dans le «Rapport sur l’économie numérique 2019», élaboré par l’Organisation des nations unies (11), tout comme, plus récemment, dans un autre émanant de l’Organisation internationale du travail (12). |
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3.18. |
Aux personnes qui exercent leur activité par l’intermédiaire des plateformes, il importe de fournir les instruments dont ils ont besoin afin d’orienter leur carrière personnelle et d’avoir accès au perfectionnement professionnel et au développement de leurs compétences. Comme la Commission l’a relevé, il convient qu’un soutien, prenant la forme d’activités de formation et de reconversion en continu, ainsi que d’un accès à la protection sociale et, en particulier, aux dispositifs protégeant la santé et la sécurité au travail, soit dispensé aux actifs qui, sous quelque statut professionnel que ce soit, travaillent ou fournissent des prestations par le truchement de plateformes numériques. |
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3.19. |
Le modèle des plateformes numériques, y compris lorsqu’il adopte une forme coopérative, se prête à être appliqué pour développer et améliorer l’accessibilité des offres de formation à distance, qui peuvent faciliter un apprentissage personnalisé. |
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3.20. |
Pour assurer une large diffusion aux outils de numérisation, portant sur les activités professionnelles mais aussi sur toute une série de facettes de la vie au quotidien, il est nécessaire de disposer de vastes capacités de formation en matière de compétences numériques de base. Les acteurs du dialogue social et les institutions européennes devraient encourager l’échange des bonnes pratiques dans ce domaine, afin de promouvoir un apprentissage mutuel et une sensibilisation accrue au potentiel que recèle la numérisation de l’économie. Il convient que le dialogue social et la négociation collective forment le terrain privilégié pour promouvoir la formation continue des travailleurs qui exercent un emploi. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) https://www.eurofound.europa.eu/fr/data/platform-economy/dossiers
(2) Avis du CESE (supplément d’avis) (JO C 364 du 28.10.2020, p. 62).
(3) Avis du CESE sur la «Législation sur les marchés numériques» (JO C 286 du 16.7.2021, p. 64).
(4) Avis du CESE sur la «Directive relative aux conditions de travail» (JO C 283 du 10.8.2018, p. 39).
(5) Analyse d’impact initiale, «Conventions collectives pour les travailleurs indépendants — champ d’application des règles de concurrence de l’UE», 6 janvier 2021. Voir: https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12483-Conventions-collectives-pour-les-travailleurs-independants-champ-d%E2%80%99application-des-regles-de-concurrence-de-l%E2%80%99UE_fr
(6) Un exemple emblématique en est fourni par les coopératives affiliées à la fédération CoopCycle: elles rassemblent des livreurs à vélo qui sont les associés-employés de leur structure, laquelle partage avec celles d’autres villes le logiciel qui permet les transactions et la mise en correspondance entre leurs travailleurs, leurs fournisseurs et leurs utilisateurs (voir https://coopcycle.org/fr/).
(7) Le travail atypique représente un concept qui, durant ces dernières décennies en particulier, a suscité une attention de plus en plus soutenue de la part du monde politique. On se reportera, par exemple au rapport All for One («Tous pour un», https://cecop.coop/works/cecop-report-all-for-one-reponse-of-worker-owned-cooperatives-to-non-standard-employment).
(8) Avis du CESE sur le thème «Numérisation et durabilité — état de la question et nécessité d’une action du point de vue de la société civile» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 187).
(9) https://cecop.coop/works/cecop-report-all-for-one-reponse-of-worker-owned-cooperatives-to-non-standard-employment
(10) Avis du CESE sur la «Gouvernance des données» (JO C 286 du 16.7.2021, p. 38).
(11) https://unctad.org/system/files/official-document/der2019_en.pdf
(12) https://www.ilo.org/global/research/global-reports/weso/2015/lang--fr/index.htm
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/44 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment les industries à forte intensité de ressources et d’énergie peuvent-elles tirer parti du plan de relance de l’UE dans le cadre de leur transition socialement acceptable vers la décarbonation et la numérisation?»
(avis d’initiative)
(2022/C 152/07)
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Rapporteur: |
Andrés BARCELÓ DELGADO |
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Corapporteur: |
Enrico GIBELLIERI |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) |
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Adoption en section |
10.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
151/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’UE et les plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) y afférents doivent contribuer à une transition juste pour les industries à forte intensité de ressources et d’énergie de l’Union. Ils doivent conduire à la création et au maintien d’emplois de qualité dans ces secteurs, soutenir les transitions sur le marché du travail par la reconversion et le perfectionnement professionnels, et ce en associant les partenaires sociaux à leur mise en œuvre. |
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1.2. |
Le CESE encourage la Commission et les autres institutions de l’UE à garantir des conditions de concurrence équitables au sein du marché unique, afin d’éviter une répartition des avantages dans l’industrie qui pourrait être déséquilibrée en fonction de l’approche adoptée par chaque État membre. |
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1.3. |
Le CESE estime que la transition industrielle ne pourra pas être réalisée si la transition énergétique n’est pas mise en œuvre. À cet effet, il sera essentiel de disposer de sources d’énergie à faible intensité de carbone, en quantité suffisante et abordables, qui rendent possible une production industrielle sobre en carbone. Les législateurs de l’UE et les États membres devraient trouver un équilibre entre la disponibilité des vecteurs énergétiques et leur coût, afin de permettre aux industries à forte intensité de ressources et d’énergie d’opérer la transition industrielle et de faire face à la concurrence sur la scène internationale. Par ailleurs, la neutralité technologique sera essentielle pour garantir la bonne mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) tout en respectant les objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030 et 2050 ainsi que les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. |
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1.4. |
L’automatisation et la numérisation dans la transition industrielle font partie des fondamentaux transversaux de ce processus de transformation. Toutefois, le rôle de la numérisation dans les industries à forte intensité de ressources et d’énergie ne doit pas être mal compris: il s’agit d’un outil et non d’un objectif final en soi. |
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1.5. |
Le CESE se félicite des sept domaines phares définis par la Commission dans ses orientations destinées aux États membres sur les PNRR et de l’obligation de consacrer au moins 37 % du budget total à des actions dans le domaine des investissements en faveur du climat et au moins 20 % à la numérisation. Il encourage les institutions de l’UE à suivre de près l’utilisation des fonds alloués afin de faire respecter ces exigences. |
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1.6. |
Le temps nécessaire aux entreprises à forte intensité de ressources et d’énergie pour réaliser la transition industrielle s’étendra au-delà de la durée de la facilité pour la reprise et la résilience. Le CESE encourage les institutions de l’UE à en tenir compte et à mettre en place des instruments financiers et des réglementations nouveaux et adaptés, allant au-delà de 2026, afin de réaliser la transition complète vers une industrie sobre en carbone. |
|
1.7. |
Étant donné que les entreprises à forte intensité de ressources et d’énergie doivent faire l’objet d’une attention particulière en ce qui concerne les activités de R&D&I, le CESE invite instamment les institutions de l’UE à prendre des mesures spécifiques pour que lesdites entreprises puissent relever les défis qui se dresseront sur leur parcours vers une industrie neutre en carbone. |
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1.8. |
La rénovation des bâtiments garantira une part substantielle de l’efficacité énergétique nécessaire pour parvenir à une société neutre en carbone en 2050. Le CESE soutient les travaux et projets consacrés à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments par la rénovation de leur enveloppe et de leurs installations. |
|
1.9. |
Le CESE défend fermement le développement en interne d’un système européen d’informatique en nuage propre à l’UE qui lui conférerait l’indépendance sur le plan technologique. |
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1.10. |
La gestion des talents au sein de l’industrie de l’UE est essentielle pour réussir la transformation industrielle. La Commission doit donc vérifier si les programmes et les activités élaborés pour améliorer les nouvelles compétences sont adaptés pour contribuer à une transformation réussie à cet égard. |
2. Informations générales
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2.1. |
La pandémie de COVID-19 a entraîné non seulement une situation d’urgence sanitaire mondiale, mais aussi une crise économique et sociale. La gravité de cette situation a obligé les décideurs politiques européens à mettre en œuvre des mesures politiques majeures pour stabiliser les économies de tous les États membres de l’UE. |
|
2.2. |
L’Union a mis en place plusieurs mécanismes dans le cadre du programme NextGenerationEU, dans le but d’aider les États membres à sortir plus forts de la crise au moyen du plus grand train de mesures de relance jamais connu. NextGenerationEU fournira 1 800 milliards d’euros dans le cadre d’un budget à long terme qui sera déployé au moyen de différents instruments axés sur la modernisation, la recherche, la transition climatique et la protection sociale. |
|
2.3. |
L’un des instruments de NextGenerationEU est la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), qui se concentrera sur la réparation des dommages économiques et sociaux immédiats causés par la pandémie de COVID-19 et sur la promotion de la «double transition» vers une société décarbonée et numérique. |
|
2.4. |
La facilité met à disposition un montant total de 672,5 milliards d’euros sous la forme de prêts (360 milliards d’euros) et de subventions (312,5 milliards d’euros) pour soutenir les réformes et les investissements entrepris par les États membres en vue d’assurer une relance durable. |
|
2.5. |
Ce financement sera alloué au titre des PNRR des États membres, qui incluront les réformes et investissements requis et reflèteront les recommandations par pays pertinentes formulées par le Conseil — exercice faisant partie du cadre de gouvernance du semestre européen — et ce afin de contribuer à la stratégie annuelle 2021 de l’UE pour une croissance durable. |
|
2.6. |
La Commission européenne a défini les principaux domaines phares dans lesquels les lignes d’action spécifiques doivent être définies par chaque État membre:
Les principaux domaines phares ont été définis de manière que les actions entreprises puissent contribuer, dans une mesure non négligeable, à la transition écologique et numérique de l’UE. Dans le cadre des domaines de développement promus par les États membres et en accord avec les recommandations spécifiques par pays formulées dans le cadre du semestre européen, la FRR laissera la marge de manœuvre nécessaire aux organisations qui ont été affectées par la situation économique causée par la pandémie. Elle aidera en particulier les secteurs économiques tels que les industries à forte intensité de ressources et d’énergie qui se trouvaient déjà dans une situation difficile (en raison de la charge réglementaire élevée et de la concurrence déloyale de certains pays tiers) et qui ont été durement touchés par les circonstances actuelles. |
|
2.7. |
La stratégie de relance, qui s’appuie sur la stratégie industrielle de l’UE et sur sa mise à jour de 2021, contribuera à la réalisation de l’objectif du pacte vert pour l’Europe, de l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 et de l’objectif révisé de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. La FRR jouera un rôle essentiel dans la réalisation des énormes investissements que doivent consentir les industries à forte intensité de ressources et d’énergie afin d’atteindre ces objectifs. Les efforts nécessaires pour renforcer le marché unique en vue de la relance de l’UE doivent être soutenus par des partenariats solides entre l’UE, les États membres, les partenaires sociaux, l’industrie et d’autres parties prenantes concernées. La stratégie de relance renforcera également le mécanisme pour une transition juste, qui soutient les régions tributaires des industries à forte intensité de ressources et d’énergie et connaissant des changements structurels. |
3. Observations générales
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3.1. |
Le plan de relance de l’UE comporte un aspect essentiel de la transition durable vers une économie décarbonée et numérisée et souligne que l’aspiration de l’UE à cette double transition implique une responsabilité politique, en plus de l’engagement politique et/ou des règles d’or. Le CESE approuve les principaux domaines phares proposés, qui concentreront l’investissement sur certains des volets les plus pertinents pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies tout en garantissant la réalisation des objectifs en matière de climat établis par la législation de l’UE pour 2030 [réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 55 % par rapport à 1990] et 2050 (émissions nettes nulles de GES). |
|
3.2. |
La pandémie a rendu nécessaire la mise en place d’une trajectoire commune avec des règles définies au niveau mondial et appliquées de manière homogène par toutes les régions, ce qui permet de prévenir le risque de fragmentation qui peut découler de l’allocation de ressources diverses. La crise provoquée par la pandémie et la nécessité d’une transition vers une économie durable, résiliente et flexible pourraient constituer une excellente occasion de définir les règles garantissant des conditions de concurrence équitables dans l’UE. |
|
3.3. |
À cette fin, il convient d’évaluer correctement la situation précaire actuelle des industries à forte intensité de ressources et d’énergie, ainsi que l’impact que la persistance de ces conditions pourrait avoir sur l’économie européenne dans son ensemble. Il convient de garder à l’esprit la contribution de ces industries au produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne, ainsi que le fait qu’elles sont à la pointe de l’innovation, créent des emplois de qualité et contribuent au bien-être à long terme de l’ensemble de la société. Un service public fort doit pouvoir s’appuyer sur la dynamique du secteur privé. Toutefois, le CESE est préoccupé par le manque de précision de certains PNRR déjà approuvés en ce qui concerne ces industries, les investissements étant parfois détournés vers d’autres secteurs économiques. |
|
3.4. |
De plus, il faut prendre en considération l’impulsion que les industries à forte intensité de ressources et d’énergie peuvent apporter en matière de R&D, dès lors qu’elles représentent un secteur clé où l’innovation changera d’échelle, passant de celle des laboratoires à celle de l’application industrielle. |
|
3.5. |
Ces industries sont potentiellement l’un des principaux contributeurs à la transition industrielle qui garantira l’avènement d’une Europe sobre en carbone. L’industrie devrait intensifier ses efforts pour développer et déployer des procédés de production à faible intensité de carbone et les promouvoir tout au long de chaînes d’approvisionnement complexes. Sans ce travail en interne et à l’extérieur, il sera difficile d’atteindre les objectifs essentiels mais ambitieux qui ont été définis dans l’accord de Paris et ceux fixés par l’UE. |
|
3.6. |
L’automatisation et la numérisation joueront un rôle clé dans la réalisation de cette transition industrielle. Cependant, les concepts ne doivent pas être confondus: la transformation est l’objectif et la numérisation en est l’outil. La mise en œuvre de solutions numériques rationalisera la manière dont les personnes pensent, prennent des décisions et agissent: si la numérisation doit être une priorité au titre de la FRR, l’accent devrait être mis sur la manière dont ces outils permettront l’adoption d’une approche plus efficace face aux défis auxquels nous sommes confrontés. |
|
3.7. |
La transformation numérique nécessitera le développement à l’échelle industrielle de technologies éprouvées lors de la phase pilote ou en laboratoire. À cette fin, les partenariats publics et privés devraient se concentrer sur la recherche, le développement et l’innovation. Les investissements devraient se concentrer sur des technologies qui démontrent à un stade précoce le potentiel d’expansion, la faisabilité et la fiabilité des solutions innovantes dans les parties supérieures des chaînes de valeur, tout en étant conformes aux objectifs de durabilité. En outre, il sera nécessaire de prévoir une période de conversion permettant de porter correctement les solutions innovantes à l’échelle industrielle. |
|
3.8. |
Pour pouvoir faire face efficacement à cette situation, la transition devrait se concentrer sur le savoir-faire acquis, les ressources déjà disponibles et les synergies potentielles. La transformation implique l’innovation, l’invention, la conception, la construction et, en fait, le développement, ce qui, néanmoins, ne devrait pas signifier en soi de nouvelles créations. |
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3.9. |
Le CESE est conscient des investissements que cette transition nécessitera. La FRR et l’instrument de relance NextGenerationEU ne doivent pas être considérés comme la panacée. La transformation des industries à forte intensité de ressources et d’énergie pour faire face à la double transition nécessitera un plan d’investissement massif, mobilisant de nombreuses sources de financement supplémentaires (par exemple, les aides d’État, les projets importants d’intérêt européen commun, de nouvelles ressources propres pour le budget de l’UE, les recettes futures du SEQE de l’Union, les investissements privés, etc.). À cette fin, il est essentiel de concilier les politiques industrielle et énergétique avec la politique climatique, en vue de mobiliser tous les investissements considérables rendus nécessaires par la transition vers un modèle économique décarboné. |
|
3.10. |
Le CESE estime qu’il convient de s’efforcer de coordonner le soutien apporté par l’intermédiaire de la FRR en vue de transformer les industries à forte intensité de ressources et d’énergie à l’aide des programmes de financement public-privé existants tels que SPIRE ou le «Partenariat européen pour un acier propre». Les alliances industrielles devraient servir de plateformes pour favoriser les synergies à long terme entre les projets financés au titre de la FRR et les programmes existants de l’UE, afin de catalyser la transformation des industries à forte intensité de ressources et d’énergie. |
|
3.11. |
La nécessité d’accompagner le soutien financier apporté par l’intermédiaire de la FRR d’une réforme fiscale ambitieuse a été mise en évidence. Cette disposition devrait être alignée sur l’accord de l’OCDE afin de garantir que les entreprises très rentables seront soumises à un taux effectif d’imposition des sociétés de 15 % à partir de 2023. |
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3.12. |
Le principal objectif du versement de subventions aux entreprises devrait être de préserver la compétitivité de l’industrie de l’UE sur la scène internationale tout en veillant au respect des normes sociales, économiques et environnementales de l’Union, afin que la double transition soit bénéfique pour les citoyens européens. |
|
3.13. |
Comme indiqué plus haut, le plan de relance de l’UE jouera un rôle essentiel dans la transformation de ces industries tout en contribuant à la métamorphose d’autres secteurs économiques en vue de la double transition. Cette vaste conversion nécessitera des périodes d’adaptation et de transition sur le long terme, en particulier pour toutes les questions ayant trait au capital humain. Le CESE suggère vivement que les mécanismes d’investissement soient étendus au-delà de 2026 et que l’on établisse entre chacun d’entre eux des liens étroits et bien définis. |
4. Observations particulières
Le CESE invite les États membres et l’industrie à proposer des investissements et des réformes susceptibles d’avoir le plus grand effet transformateur, pour ce qui est de réaliser les objectifs finaux fixés, dans les principaux domaines phares définis par la Commission. On ne peut ignorer que les coûts liés à la réalisation des objectifs associés à cette double transition doivent être abordables pour l’ensemble de la société.
4.1. MONTER EN PUISSANCE — technologies propres et énergies renouvelables
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4.1.1. |
La transition industrielle ne pourra pas être pas réalisée si la transition énergétique n’est pas mise en œuvre. La décarbonation de l’industrie dépendra directement de la disponibilité de sources d’énergie à faibles émissions de carbone en quantité suffisante et abordables qui rendent possible la production industrielle sobre en carbone. Il sera essentiel de garantir une production suffisante d’énergie décarbonée d’une manière fiable pour atteindre les objectifs en matière de climat et de numérique. De même, des investissements massifs s’imposent pour développer ou créer les infrastructures nécessaires au transport, au stockage et à la distribution de ces volumes sans précédent d’énergie à faible intensité de carbone. Il conviendrait, lors de la mise en œuvre des plans nationaux de relance, et notamment des réformes proposées, de mettre l’accent sur la garantie de prix de l’énergie compétitifs, stables et prévisibles et l’atténuation de l’impact des prix élevés de l’énergie sur l’inflation, qui pourrait compromettre la reprise des industries à forte intensité de ressources et d’énergie et de la société en général. |
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4.1.2. |
Le CESE convient que la neutralité technologique est une nécessité dans la mise en œuvre des plans nationaux de relance: toutes les technologies sobres en carbone (énergie renouvelable, hydrogène vert, réacteur à fusion, etc.) devraient être incluses dans ce processus de transition pour autant qu’elles soient en accord avec les objectifs climatiques à l’horizon 2030 et 2050, de même qu’avec les objectifs de développement durable des Nations unies. Aucune technologie ne devrait être exclue a priori ou de manière arbitraire. Les critères d’affectation des ressources devraient être axés sur la garantie de prix de l’énergie compétitifs pour les consommateurs finaux, quelle que soit la technologie elle-même. |
|
4.1.3. |
À cette fin, il pourrait être nécessaire d’envisager non seulement de combiner différentes sources d’énergie renouvelables compétitives, mais aussi de les conjuguer avec des technologies de captage, de stockage et d’utilisation du carbone, sans oublier le rôle que jouera l’interconnexion énergétique entre les différents États membres. Une réglementation assez étoffée et homogène doit être mise en place pour créer un cadre favorable de nature à justifier et encourager les investissements et permettre la mise en œuvre de ces technologies. |
|
4.1.4. |
Outre la disponibilité d’énergie et de solutions technologiques abordables, l’efficacité énergétique doit être dûment prise en compte. Tous les scénarios définis dans la stratégie de réduction des émissions à long terme de l’UE pour atteindre les objectifs de neutralité climatique à l’horizon 2050 confèrent un rôle important aux économies d’énergie (1). Le passage à une économie plus circulaire a également un rôle majeur à jouer dans la réduction de la consommation d’énergie et de ressources des industries dont les besoins en la matière sont importants. |
|
4.1.5. |
En ce qui concerne le risque de concurrence déloyale mentionné ci-dessus, et dans le but de tenter de prévenir et d’atténuer les risques de fuite de carbone, il convient de le traiter correctement dans le cadre de la FRR. Il est important de ne pas négliger les mesures ou systèmes qui ont permis de réduire les émissions; il faut plutôt les renforcer par des mécanismes supplémentaires ou complémentaires (et non de substitution) si nécessaire. |
|
4.1.6. |
Après évaluation de tous les facteurs clés potentiels qui devront être traités dans le cadre du domaine phare «Monter en puissance», la principale interrogation qui subsiste est de savoir comment l’UE va être en mesure de fournir la quantité d’énergie sans précédent dont la société a besoin. |
4.2. RÉNOVER — efficacité énergétique des bâtiments
|
4.2.1. |
L’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments existants et nouveaux nécessitera des matériaux et des équipements intelligents, ce qui contribuera à une transition durable. Il faut entendre par «matériaux intelligents» des matériaux verts ou des processus de production durables pour les fabriquer. |
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4.2.2. |
Le CESE espère que, dans le but de contribuer de manière globale aux objectifs définis par la Commission européenne, les matériaux intelligents (et leurs processus de production durables associés) seront encouragés au-delà de ce qui se fait habituellement. L’équipement ne doit pas être oublié: l’efficacité énergétique ne sera pas atteinte si nous nous concentrons uniquement sur l’enveloppe des bâtiments; les équipements et systèmes doivent aussi être correctement évalués, renouvelés et interconnectés. Cela pourrait entraîner l’essor des marchés des matériaux intelligents, les procédures de passation des marchés publics pouvant constituer à cet égard un point de départ pratique. |
4.3. RECHARGER et RAVITAILLER — transports durables et stations de recharge
|
4.3.1. |
La stratégie européenne doit s’efforcer de définir une feuille de route claire pour la décarbonation des secteurs difficiles à électrifier (transport routier longue distance et par poids lourds, aviation, transport maritime, etc.). |
|
4.3.2. |
Une stratégie pour les carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone et une alliance pour la chaîne de valeur y afférente contribueront à décarboner les secteurs de l’aviation et du transport maritime, tout en complétant les efforts visant à faire de même s’agissant du transport routier, au moyen de l’électrification, entre autres possibilités. De cette manière, l’accès de tous à une mobilité abordable sera garanti. La décarbonation des transports se fera sur la base d’une évaluation du cycle de vie et d’une analyse coûts-bénéfices, en commençant en un premier temps par remplacer les modes de transport qui ont le plus fort impact, tout en ménageant des périodes de transition suffisantes pour les utilisateurs à faibles revenus grâce à des carburants durables à faible intensité de carbone. |
4.4. CONNECTER — déploiement des services à haut débit
|
4.4.1. |
Le CESE est conscient de l’importance de l’automatisation et de la numérisation dans la transition industrielle à laquelle nous sommes confrontés, puisqu’elles font partie des fondamentaux transversaux de ce processus de transformation. |
|
4.4.2. |
L’industrie doit pouvoir disposer de ressources suffisantes pour améliorer l’automatisation des systèmes. Des informations de qualité peuvent ensuite être fournies au moyen d’outils numériques afin de rendre les processus décisionnels plus efficaces. |
|
4.4.3. |
Cela nécessitera des investissements non seulement dans la technologie, mais aussi dans la formation aux compétences numériques des travailleurs et de la société en général, l’adoption d’un «mode de pensée numérique» et la mise en place d’une réglementation et d’outils appropriés pour garantir la cybersécurité, entre autres choses. |
4.5. MODERNISER — numérisation de l’administration publique
|
4.5.1. |
Le CESE comprend l’importance du fait que, dans le cadre de la numérisation de l’administration publique, l’on puisse être amené à lutter contre les charges administratives excessives qui pèsent fréquemment sur l’industrie. Toutefois, cette transition numérique doit reposer sur une véritable analyse coûts-bénéfices, selon laquelle les ressources seraient correctement affectées sur la base de critères techniques (cette analyse doit être placée au-dessus de l’objectif lui-même). |
4.6. DÉVELOPPER — capacités en matière de données en nuage et processeurs durables
|
4.6.1. |
Une bonne gestion des données conduira à un tournant pour ce qui est du caractère judicieux de la prise de décision, du développement du renseignement commercial, de la résolution efficace des problèmes et de l’optimisation des ressources, autant d’éléments essentiels pour assurer une transition réussie. Des moyens suffisants doivent être alloués pour faire en sorte que tous les types d’organisations participent au déploiement de cette initiative, en garantissant des ressources en données équitables qui conduiront à une transition juste. |
|
4.6.2. |
En ce qui concerne l’indépendance stratégique, l’UE devrait développer ses propres capacités en nuage qui lui permettraient d’acquérir une souveraineté technologique et d’éviter de dépendre de pays tiers en la matière. |
4.7. RECONVERSION et RENFORCEMENT des compétences — éducation et formation à l’appui des compétences numériques
|
4.7.1. |
La transition à laquelle nous sommes confrontés ne sera pas réalisable si elle ne se fonde pas sur les besoins et les attentes de la société actuelle et future et sur le concept d’une transition juste. |
|
4.7.2. |
Le principal avantage concurrentiel de l’Union européenne est notre capital humain. L’Europe manque de matières premières, nos niveaux de vie sont les plus élevés au monde et notre cadre réglementaire est assez exigeant; il en résulte que notre plus grand atout est une productivité élevée, tirée par notre capital humain et une diversité d’une grande richesse. |
|
4.7.3. |
Le renforcement des capacités et les projets visant à définir les compétences clés seront primordiaux pour assurer une transition industrielle efficace qui mette l’accent sur l’égalité et ne laisse personne de côté. À cette fin, il faut encourager la formation à tous les niveaux de la société (du personnel actuellement en poste aux futurs salariés) en vue de se préparer aux nouveaux défis qui se poseront. |
|
4.7.4. |
Un mode de pensée novateur sera crucial pour les futurs processus décisionnels. Ces capacités doivent faire partie des programmes de formation. En outre, il y aura une forte demande de compétences numériques dans un avenir proche. Les ressources humaines doivent se concentrer sur les efforts visant à combler ces lacunes, dans le but de garantir la compétitivité d’organisations dotées d’un personnel qui soit également adapté à leur finalité. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) https://knowledge4policy.ec.europa.eu/publication/depth-analysis-support-com2018-773-clean-planet-all-european-strategic-long-term-vision_en
|
6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/50 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Anticiper les mutations structurelles et sectorielles, et repenser les cultures industrielles — Vers de nouvelles frontières de la reprise et de la résilience dans les différentes parties de l’Europe»
(avis d’initiative)
(2022/C 152/08)
|
Rapporteur: |
Norbert KLUGE |
|
Corapporteur: |
Dirk JARRÉ |
|
Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
|
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
|
Avis d’initiative |
|
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) |
|
Adoption en section |
10.11.2021 |
|
Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
|
Session plénière no |
565 |
|
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
143/1/2 |
1. Conclusions et recommandations
|
1.1. |
Réduire les émissions de CO2 d’au moins 55 % à l’horizon 2030: c’est là l’objectif ambitieux et contraignant de la «transition juste» que devront mettre en œuvre les politiques de l’Union européenne et les gouvernements de ses États membres et que devront réaliser les entreprises établies dans les régions où vivent et travaillent les citoyens européens. Pour l’heure, cette ambition nécessite d’agir de concert afin d’anticiper les incidences de ce processus sur la vie économique et sociale et de définir en conséquence les stratégies et les mesures à adopter. |
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1.2. |
Le CESE est convaincu que la stratégie industrielle actualisée de l’UE et le paquet «Ajustement à l’objectif 55» présenté par la Commission européenne soutiendront la «transition juste». À cet égard, il accueille favorablement le nouveau Fonds social pour le climat, visant à compenser les désavantages sociaux, mis en place dans le cadre de ce train de mesures. La COVID-19 a par ailleurs illustré la nécessité d’accélérer la transition vers un modèle social, économique et industriel qui soit plus durable, plus numérique et plus robuste. Le CESE note en particulier que les différences régionales et les inégalités sociales jouent un rôle important en la matière. |
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1.3. |
Si toutes ces questions font déjà partie des priorités politiques (dans le cadre notamment du pacte vert, de l’économie circulaire, de la transition juste ou des programmes structurels), elles ne sont pas traitées de manière intégrée. Le CESE recommande dès lors de tenir compte des expériences accumulées dans les différents domaines d’action et les différents pays et régions, dont la diversité et les spécificités doivent être prises en considération. |
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1.4. |
La mise en place de conditions de concurrence équitables dans le domaine économique constitue une condition préalable. Il y a lieu dans ce cadre de tenir compte du dialogue social entre les partenaires sociaux et du dialogue civil aux fins de la cocréation. Une telle démarche devrait favoriser la création d’un ensemble de champions européens, qui pourrait quant à elle renforcer la souveraineté économique de l’Union. |
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1.5. |
Le pacte vert restera lettre morte s’il n’est pas accompagné d’un «pacte social» (1). Le CESE préconise dès lors de renforcer la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux (2). Celui-ci est considéré comme le cap à suivre par l’UE et ses États membres lorsqu’il s’agit d’atténuer les répercussions sociales des mutations industrielles. Une telle démarche repose essentiellement sur le dialogue social et les conventions collectives, qui sont à la base de décisions d’entreprise dans lesquelles les travailleurs sont correctement informés et leurs intérêts sont pris en compte par la consultation et, le cas échéant, par la participation à la surveillance et à la gestion de l’entreprise. |
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1.6. |
Le CESE souligne que les réussites économiques et environnementales sont principalement réalisées et mises en œuvre dans les lieux de vie des citoyens. C’est là que les défis liés à la protection du climat sont anticipés et façonnés conjointement. C’est là que naissent les nouvelles idées et qu’elles sont transformées industriellement en produits et services compétitifs à l’échelle mondiale. |
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1.7. |
Les «parcours de transition», tels que définis dans la stratégie industrielle actualisée de l’UE et examinés par le forum industriel de l’Union, offrent soutien et orientations aux citoyens européens. Les situations de départ varient toutefois énormément d’une région à l’autre, et différentes stratégies sont nécessaires pour atteindre l’objectif global. Le CESE invite dès lors la Commission européenne à accorder une attention particulière à ces différentes exigences au moment de fixer le cadre en la matière et de mesurer la stratégie industrielle de l’UE, afin de pouvoir répondre avec souplesse aux besoins des régions et des différents secteurs. |
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1.8. |
La subsidiarité doit être envisagée sous l’angle de sa capacité à créer une ressource solide pour la «transition juste». Les régions et les zones métropolitaines connaissent le mieux leurs problèmes et leurs possibilités. C’est pourquoi le CESE estime qu’il convient de définir clairement les objectifs et principes contraignants de la politique industrielle européenne arrêtés conjointement au niveau de l’UE. Il importe de garder à l’esprit que la mise en œuvre dans les régions et les zones métropolitaines doit être fondée sur le principe de subsidiarité. |
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1.9. |
Il existe des divergences considérables au niveau des situations et des capacités liées à la réalisation des objectifs climatiques, sociaux et environnementaux. Alors que certaines industries et entreprises pourraient atteindre ces objectifs relativement facilement, d’autres pourraient rencontrer plus de difficultés dans leur progression. Les régions les plus faibles et certaines industries requièrent donc une attention particulière et un soutien spécifique. Puisque l’objectif global s’applique à l’ensemble de la chaîne de valeur, il importe de se concentrer prioritairement sur les effets les plus immédiats et les changements les plus profonds. |
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1.10. |
Le CESE fait observer que c’est ce principe qui permettra aux entreprises de recouvrer leur compétitivité économique de manière durable, en s’appuyant sur des entrepreneurs et des dirigeants engagés et sur des travailleurs bien formés et qualifiés. Les PME jouent un rôle important à cet égard. Un programme en faveur du capital humain est une condition indispensable pour permettre aux entreprises de réussir leur transition. |
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1.11. |
Les États membres devraient renforcer, avec l’aide logistique et financière de l’Union européenne, les investissements publics structurels et axés sur les processus au moyen de services d’intérêt général axés sur l’amélioration continue des conditions propices au développement industriel et social, qui sont susceptibles de renforcer les capacités régionales et locales à relever efficacement les défis environnementaux, technologiques, économiques et sociaux. |
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1.12. |
Le CESE préconise que la stratégie industrielle de l’UE anticipe et contrebalance l’augmentation de la pauvreté et des inégalités, étant donné que le pacte vert doit s’accompagner d’un «pacte social» intégré. Les ressources devraient donc être acheminées là où elles sont les plus nécessaires. Une politique européenne globale de développement durable doit déployer davantage de mesures en faveur de la justice et de la participation à l’économie, dans l’intérêt des populations et des régions (3). La vie civile et professionnelle en Europe devrait répondre à l’exigence d’assurer un développement durable sur la base d’une croissance inclusive et durable, d’un travail décent et de la justice sociale (4). |
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1.13. |
Le CESE soutient la transition vers une économie circulaire qui mette un terme au gaspillage des ressources non renouvelables et réduise les dépendances internationales. Il devrait également s’agir d’une composante importante de la stratégie industrielle de l’UE. Il convient donc de modifier les conditions-cadres afin de créer des avantages concurrentiels pour les entreprises qui adhèrent aux principes d’une économie circulaire. |
2. La transition juste, une opportunité pour la relance industrielle et la croissance
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2.1. |
L’objectif du pacte vert est clair et politiquement contraignant: il s’agit de réduire de 55 % les émissions totales de gaz à effet de serre en Europe à l’horizon 2030. Les mesures du paquet «Ajustement à l’objectif 55», présentées par la Commission européenne en juillet 2021, lui ont donné une forme concrète. Il n’y a plus de marge d’interprétation à cet égard. Un système équitable de commerce international doit faire en sorte que les entreprises puissent rester compétitives sur la scène mondiale tout en respectant les objectifs du pacte vert. Cela passe notamment par un système d’ajustement carbone transfrontière et transcontinental, qui encourage les partenaires commerciaux à intégrer le club des nations respectant les limites de notre planète. |
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2.2. |
Les pays extérieurs à l’UE dont les réglementations environnementales sont peu étoffées font peser une pression accrue sur l’Union, qui dispose de règles strictes en comparaison. Ces interactions à l’échelle mondiale ne doivent pas conduire à un dumping environnemental. |
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2.3. |
La situation mondiale peut entraîner le développement de nouvelles technologies durables prenant appui sur les points forts de l’Europe, tels que sa capacité à déployer une innovation progressive et radicale afin d’approvisionner les marchés mondiaux en produits mobilisant les compétences traditionnelles pour relever les nouveaux défis qui se présentent. Cela nécessite d’anticiper de manière attentive et visionnaire la nature et l’ampleur des changements ainsi que d’accroître sensiblement les services publics et sociaux, afin de faire face aux problèmes sociaux tels qu’une possible augmentation de la pauvreté, du sans-abrisme ou de l’exclusion des personnes handicapées et des minorités, une limitation des possibilités ouvertes aux femmes, ainsi qu’une réduction de l’offre de formations visant à faciliter le retour sur le marché du travail. |
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2.4. |
Une analyse statique pourrait aboutir à la conclusion qu’agir conformément au pacte vert pour l’Europe conférerait, à court terme, aux concurrents établis dans des pays affichant des objectifs climatiques moins ambitieux un avantage en matière de coûts par rapport aux entreprises européennes déjà engagées dans la transition. Une perspective dynamique mettrait quant à elle en lumière que les entreprises seront encouragées à innover de manière progressive en renforçant l’efficacité énergétique de leurs systèmes de production, à passer à des sources d’énergie renouvelables et à adopter les innovations qui s’avèrent utiles. Si l’UE est incontestablement à la pointe des démarches visant à lutter efficacement contre la crise climatique, l’utilisation de matériaux renouvelables à brève échéance exige de s’engager avec plus d’ambition dans l’économie circulaire et la résilience des matières premières. La transition qui en résultera ne fonctionnera que si l’on accorde suffisamment d’attention à la dimension sociale de ce processus. Les principes d’une transition juste énoncés dans l’accord de Paris sur le climat et les principes directeurs de l’OIT pour une transition juste (5) offrent des orientations en la matière. Les principes d’une transition juste servent ainsi de boussole à l’élaboration des mesures de relance en établissant clairement que toutes les parties prenantes sont tenues de respecter les droits de l’homme et les droits sociaux, les valeurs démocratiques et l’état de droit, en veillant à ne laisser personne de côté. |
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2.5. |
Enfin, et surtout, l’ampleur des changements et les enseignements tirés des précédentes transformations laissent à penser qu’il est nécessaire de mener un processus de cocréation associant responsables politiques, administrations, partenaires sociaux, organisations de la société civile, entreprises et citoyens à tous les niveaux de gouvernance de l’Union européenne et des entreprises. Puiser dans le potentiel de créativité et d’innovation encore inexploité des habitants de l’Europe permettra de développer les solutions nécessaires pour relever les défis à venir. La diversité des idées est une source inestimable d’innovation dans tous les secteurs de l’économie, qui permettra des avancées significatives dans le domaine technologique et scientifique. |
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2.6. |
Il ressort des expériences passées que les transformations économiques et sociales ont le plus de chances d’être mises en œuvre de manière fructueuse et durable si leurs objectifs sont énoncés clairement, si les responsabilités des différents acteurs impliqués dans le processus sont définies dans une stratégie précise et si le projet dans son ensemble est négocié, approuvé et soutenu par les forces vives de la société. Les forces politiques, les acteurs économiques et la société civile doivent dès lors agir de concert selon un système efficace de dialogue social, de conventions collectives, de partage d’informations, ainsi que de consultation et de réelle participation aux processus de prise de décisions et de cocréation. |
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2.7. |
Le dialogue social entre partenaires sociaux et le dialogue civil associant les différents acteurs de la société peuvent jouer un rôle particulièrement important dans les projets cherchant à concilier intérêts sociaux, écologiques et économiques. La mise en œuvre concrète du socle européen des droits sociaux est donc indispensable. |
3. Les régions ne sont pas que des écosystèmes: elles sont aussi des lieux essentiels de travail, de vie et d’anticipation des évolutions socio-économiques
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3.1. |
La pandémie de COVID-19 a eu des effets contrastés sur les différents écosystèmes, comme le reconnaît la Commission européenne dans sa communication sur la nouvelle stratégie industrielle de l’UE. Elle a également accéléré les tendances existantes à la numérisation et à la décarbonation, augmentant le risque de creusement des inégalités entre les régions en raison des écarts en matière de richesse économique et de ressources disponibles pour investir dans la transformation des industries. Il est donc essentiel que le forum industriel, et les parcours de transition prévus, tiennent compte de ces différents effets. |
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3.2. |
Il est dans l’intérêt de la société civile européenne de créer des conditions propices à l’emploi et aux rentrées d’argent pour les habitants des régions touchées par la transformation industrielle. Il y a lieu pour ce faire de comprendre d’où partent les différentes régions et de saisir comment générer des interactions positives à partir des compétences industrielles existantes. L’intégration dans les chaînes de valeur d’envergure mondiale et, en particulier, dans les différentes composantes de ces chaînes de valeur joue un rôle important à cet égard. L’approche écosystémique de la Commission européenne se fonde sur une approche macropolitique qui range en catégories toutes les industries à l’échelle mondiale. Cette approche ne tient pas compte des situations divergentes ou des interdépendances qui existent dans les différents écosystèmes. Elle ne rend guère justice à la diversité des exigences qui prévalent dans les différentes régions et doit être complétée par une perspective politique régionale. |
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3.3. |
La Commission européenne élabore actuellement des indicateurs clés de performance (ICP) devant mettre en lumière le succès de la stratégie industrielle de l’Union (6). Pour l’heure, elle se concentre principalement sur la croissance économique, négligeant les objectifs définis dans le pacte vert pour l’Europe, les changements qu’exige la transition vers une économie circulaire, ainsi que la dimension sociale du processus de transformation. Il est primordial que la stratégie industrielle de l’UE reconnaisse et apprécie clairement la valeur des connaissances, du potentiel et des compétences disponibles dans les industries à l’échelon régional. Ceux-ci doivent être dûment pris en considération. À défaut, en se focalisant de manière trop étroite sur la croissance économique et les mesures et instruments qui lui sont associés, la stratégie pourrait passer à côté des objectifs climatiques et des possibilités liées à la transformation industrielle et mettre à mal l’économie circulaire. |
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3.4. |
Dans un tel contexte, les stratégies et politiques industrielles doivent être élaborées en tenant compte de l’incertitude et de l’imprévisibilité. Les politiques et les parcours divergents adaptés aux situations individuelles doivent être flexibles et s’appuyer sur toutes les compétences qui sont disponibles au sein d’une région ou qui lui sont accessibles par l’intermédiaire d’échanges avec d’autres régions et pays. L’ouverture, qui constitue une ressource stratégique importante, doit être de mise afin de détecter ce qui fait défaut et ce qui est nécessaire dans l’immédiat. |
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3.5. |
Les mutations industrielles ayant pour objet la protection du climat poseront de graves problèmes sociaux si l’on veut atteindre les objectifs du pacte vert dans le court laps de temps qu’il nous reste. La consommation de ressources nocives pour l’environnement est une thématique qui doit être abordée et examinée de manière à trouver une solution qui soit juste d’un point de vue social et sociétal. |
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3.6. |
L’économie circulaire apporte une contribution positive aux mutations industrielles, au sein des régions et tout au long des chaînes de valeur et d’approvisionnement. Si les régions abritant les industries les plus avancées génèrent la plus forte valeur ajoutée, celles dont l’économie est moins fondée sur la connaissance et consomme davantage d’énergie produisent et transforment les matériaux qui intègrent l’économie circulaire. Les régions les plus faibles peuvent clairement bénéficier davantage de l’économie circulaire et devenir des acteurs de premier plan dans ce domaine. |
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3.7. |
Pour les régions, mener avec succès les mutations industrielles requiert naturellement de solides interconnexions, une étroite collaboration et un partage de compétences avec d’autres régions, y compris par delà les frontières nationales des États membres de l’UE. Il existe un système complet d’interactions, qui englobe clairement celles des PME locales avec des entreprises transnationales. |
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3.8. |
À elles seules, les compétences industrielles existantes à l’échelon régional ne sont pas pleinement efficaces dans le contexte des mutations socio-écologiques. Elles peuvent et doivent néanmoins être développées davantage au moyen d’investissements dans les connaissances, les équipements et le personnel, pour devenir productives dans les conditions résultant de ces mutations. Cela servira à créer de nouveaux produits, services, technologies et possibilités, qui seront les garants d’entreprises économiquement stables pourvoyeuses d’emplois attractifs dans les régions. C’est précisément l’objectif que doit poursuivre la stratégie industrielle européenne. |
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3.9. |
Une région est définie dans une large mesure par ses structures industrielles, ses entreprises, sa main-d’œuvre, les compétences de ses citoyens, ses capacités de recherche et développement ainsi que les produits spécifiques que fabriquent ou transforment ses entreprises. Les compétences industrielles présentent un large éventail de particularités historiques. |
Les chaînes d’approvisionnement et de valeur ont des effets extrêmement variables au niveau régional à travers l’Europe. Le contexte mondial est tout aussi important que l’organisation à l’échelon européen mais n’a pas les mêmes effets. L’industrie 4.0 et la numérisation, ainsi que les technologies de l’information et de la communication, auront des répercussions significatives mais extrêmement divergentes sur les industries de l’Europe et ses économies en général. En ce sens, les fonds consacrés à l’innovation et au développement joueront un rôle encore plus fondamental dans l’atténuation des différences régionales.
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3.10. |
Les prestataires qui sont les moteurs des mutations industrielles, y compris les jeunes entreprises et les PME, peuvent être mis en relation avec leurs clients, même en provenance de régions moins centrales, et des emplois attractifs peuvent être créés même en de tels lieux. En particulier, les entreprises du secteur de la connaissance peuvent, dans une large mesure, contribuer aux chaînes de valeur indépendamment de leur proximité vis-à-vis des clients. En outre, les machines des usines de plus grande taille peuvent souvent être gérées à distance. |
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3.11. |
L’approche écosystémique de la Commission européenne ne couvre pas l’intégralité des niveaux et aspects pertinents. Elle met clairement l’accent sur l’importance de considérer également les évolutions de la transition d’un point de vue régional, et de faire en sorte que les entreprises, y compris celles de l’économie sociale, sous-tendent l’ensemble de l’opération politique. Il importe de mettre en évidence le lien avec les chaînes de valeur et de montrer en quoi les diverses composantes des différents écosystèmes correspondent à celles d’autres écosystèmes. |
4. Options pour des parcours de transition suivant une approche globale du développement industriel socio-économique
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4.1. |
Si l’innovation est largement associée aux nouvelles technologies ou à des avancées dans le domaine de la recherche scientifique, il existe également des possibilités d’utiliser les compétences existantes comme base pour de meilleurs ou de nouveaux produits et services. Les nouvelles technologies sont intimement liées aux technologies traditionnelles existantes. Il existe d’autres exemples clairs de cette association entre des méthodes traditionnelles de production bien établies et un processus progressif d’innovation et de modernisation des industries: l’utilisation dans les véhicules de matériaux nouveaux et plus légers issus de l’aviation, l’emploi de matériaux automobiles plus légers, ou encore le recours aux biotechnologies pour la conception de nouveaux instruments ou services médicaux. |
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4.2. |
Les infrastructures de pointe dans le domaine des technologies de l’information et de la communication servent de moteur à l’introduction de nouvelles possibilités et à la création de solutions novatrices et durables qui soient adaptées aux spécificités régionales. Ainsi, le recours aux imprimantes 3D ouvre la voie au développement et à la conception d’un produit en un endroit pour le rendre physiquement disponible en différents endroits en fonction des besoins. Une telle démarche permet de réduire les impacts du transport sur l’environnement. |
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4.3. |
Les concepts de l’économie sociale peuvent jouer un rôle majeur dans l’évolution socio-économique en ouvrant de nouvelles possibilités d’apprentissage, de vie et d’emploi et en créant des infrastructures d’un nouveau genre en matière de service et de soutien dans les communautés locales, en particulier pour les groupes défavorisés et les personnes à risque. Associés aux services d’intérêt général, ils revêtent un potentiel considérable lorsqu’il s’agit de préparer de manière compétente et efficace les différents acteurs de la société et de l’économie aux exigences et aux conséquences de l’innovation et du changement, particulièrement au niveau régional. |
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4.4. |
Les structures publiques ont une grande responsabilité dans la création des conditions propices au changement et au développement en fournissant des services d’intérêt général accessibles à l’ensemble des acteurs économiques. |
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4.5. |
Cela fait également partie des progrès qui s’imposent sur le front des services d’intérêt public, tels que la mise en place d’agences de formation continue pour le nécessaire renforcement des compétences de la main-d’œuvre, l’amélioration des compétences des travailleurs et l’aide aux entreprises afin qu’elles puissent faire face à l’innovation et au changement. Il en résultera que les travailleurs qualifiés seront aussi davantage ancrés dans leur région et marqueront de leur empreinte les mutations structurelles en cours, y compris celles ayant trait à l’écologie. |
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4.6. |
Pour les industries à forte intensité énergétique, il existe de nombreuses solutions de décarbonation communes et, partant, des possibilités d’investissements partagés (par exemple, l’hydrogène propre ou la réutilisation du carbone ayant été capté et stocké). Le renforcement de la circularité et de la symbiose industrielle est également un élément important de la décarbonation de l’industrie et de la préparation d’un avenir fait d’entreprises efficaces et à forte productivité. |
5. L’importance de marchés du travail régionaux pourvoyeurs d’emplois décents dans des entreprises de production et de services durables
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5.1. |
Il est nécessaire d’appréhender, et d’analyser de façon granulaire, les régions, les entreprises et leurs performances économiques dans le contexte de leurs compétences fondamentales en ce qui concerne les industries et la main-d’œuvre, y compris en lien avec l’infrastructure, la localisation, les ressources disponibles, l’esprit d’entreprise et le contexte institutionnel. Il s’agit d’un élément important pour pouvoir disposer d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et pour anticiper les exigences futures en matière de compétences afin d’éviter les pénuries dans ce domaine (par exemple pour ce qui est des ingénieurs). |
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5.2. |
Des collaborations avec les universités, y compris celles qui sont spécialisées dans les sciences appliquées, et avec les institutions de recherche peuvent contribuer à ouvrir de nouveaux débouchés industriels pouvant entraîner la création de nouveaux postes dans les entreprises établies, les sociétés multinationales, les PME et les jeunes entreprises. |
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5.3. |
Sur le plan humain, les régions qui accueillent et intègrent sans difficulté les nouveaux arrivants dans des structures socio-économiques pleinement opérationnelles sont dans une position favorable. |
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5.4. |
Les régions dont la main-d’œuvre qualifiée est profondément intégrée dans les structures socio-économiques et se sent chez elle peuvent également abriter des industries et entreprises dynamiques et à forte valeur ajoutée en s’appuyant sur des réseaux de compétences formels et informels efficaces. Il s’ensuit que la main-d’œuvre participe de manière intrinsèque à la définition des compétences industrielles innovantes d’une région et contribue fondamentalement à soutenir les processus de modernisation et de transformation. |
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5.5. |
Les aptitudes et compétences spécifiques des salariés et leur amélioration continue peuvent servir de base à la restructuration et à la transformation des modèles d’entreprise, y compris pour ce qui est de la croissance future et des nouveaux marchés. Un défaut de reconnaissance et d’exploitation des possibilités de développement régional se traduit souvent par des flux continus d’émigration des travailleurs, qui mettent systématiquement à mal les capacités et les compétences dont les régions ont besoin pour créer et saisir les possibilités offertes par le pacte vert pour l’Europe. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Avis «Pas de pacte vert sans pacte social» adopté par le CESE lors de sa session plénière des 9 et 10 juin 2021 (JO C 341 du 24.8.2021, p. 23).
(2) En particulier les trois grands objectifs suivants: que le taux d’emploi de la population âgée de 20 à 64 ans soit d’au moins 78 %, qu’un minimum de 60 % de l’ensemble des adultes suivent une formation chaque année et que le nombre des personnes exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale soit réduit d’au moins 15 millions.
(3) Propositions du CESE pour la reconstruction et la relance après la crise de la COVID-19, 11.6.2020 (JO C 311 du 18.9.2020, p. 1).
(4) Résolution du CESE sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2022, 9.6.2021 (JO C 341 du 24.8.2021, p. 1).
(5) https://www.ilo.org/global/topics/green-jobs/publications/WCMS_432864/lang--fr/index.htm
(6) Voir l’avis INT/935 (2021) du CESE sur la «Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle», (non encore paru au JO).
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/56 |
Avis du Comité économique et social européen sur un partenariat transatlantique solide fondé sur les valeurs communes de la démocratie et de l’état de droit — Un élément essentiel pour relever les défis mondiaux et préserver l’ordre international
(avis d’initiative)
(2022/C 152/09)
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Rapporteur: |
Christian MOOS |
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Corapporteur: |
Peter CLEVER |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Base juridique |
Article 35 du règlement intérieur |
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Résolution |
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Compétence |
Section «Relations extérieures» |
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Adoption en section |
17.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
211/3/5 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Un ordre mondial où règne la primauté du droit et non la loi du plus fort, la démocratie et l’état de droit sont indissociablement liés. |
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1.2. |
La démocratie et l’état de droit ne sont pas possibles sans la participation d’une société civile pluraliste, indépendante et dynamique, et notamment des partenaires sociaux autonomes. C’est pourquoi il est extrêmement important de mettre en œuvre les recommandations formulées dans le présent avis sur la société civile transatlantique, et notamment de promouvoir une plateforme transatlantique. |
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1.3. |
Au sein de l’Union européenne, le caractère démocratique de certains membres est fragilisé. |
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1.4. |
Les changements géopolitiques qui sont intervenus au cours des vingt dernières années ont gravement affecté l’ordre mondial multilatéral et fortement affaibli d’importantes organisations internationales. La Chine, surtout, mais aussi la Russie et, à l’échelon régional, la Turquie, placent l’Europe devant des défis particuliers auxquels elle ne peut faire face que dans le cadre d’un partenariat transatlantique renouvelé et renforcé; dans le même temps, les États-Unis dépendent eux aussi de leurs alliés démocratiques dans le monde et en particulier de l’Europe. |
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1.5. |
Le Comité économique et social européen (CESE) soutient l’idée d’une alliance des démocraties et reconnaît, dans un esprit d’autocritique, qu’il est urgent de redoubler d’efforts pour défendre les valeurs et les droits universels. Ensemble, l’UE et les États-Unis devraient être un point d’ancrage pour la démocratie, la paix et la sécurité dans le monde, l’état de droit et les droits de l’homme pour tous. |
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1.6. |
Le retrait précipité d’Afghanistan des forces armées américaines et de leurs alliés est une illustration terrible de la dépendance du monde libre à l’égard de la garantie de sécurité américaine. |
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1.7. |
L’Union européenne doit parler d’une seule voix en matière de politique étrangère et de sécurité et repenser son concept ambigu d’«autonomie stratégique» au profit d’une capacité d’action stratégique. |
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1.8. |
Il ne doit pas y avoir d’équidistance entre l’Europe et les grandes puissances mondiales. L’Union européenne, conjointement avec les États-Unis et dans le cadre de l’alliance des démocraties, devrait défendre l’ordre mondial libéral et notamment mettre en œuvre une «stratégie d’endiguement coopératif» à l’égard de la Chine. |
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1.9. |
L’OSCE est un pilier essentiel de l’architecture de sécurité paneuropéenne et devrait, en tant que telle, être renforcée pour dialoguer avec la Russie. Il s’impose de bloquer le projet Nord Stream 2 aussi longtemps que la Russie enfreindra le droit international en Ukraine, faute de quoi Moscou disposera de moyens de pression accrus sur les pays d’Europe orientale. |
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1.10. |
Il s’impose également de renforcer l’architecture de sécurité européenne avec l’OTAN et d’amorcer un dialogue sur les valeurs au sein de cette organisation. |
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1.11. |
La coopération entre les sociétés civiles de part et d’autre de l’Atlantique doit encore être renforcée. À cet égard, le dialogue conjoint sur les droits des citoyens, la résilience face à la désinformation, la liberté des médias, la lutte contre le changement climatique, les droits sociaux et la protection des consommateurs, ainsi que le soutien à la démocratie, tel que le mène le CESE au sein de l’Union, revêt une importance particulière. À long terme, le partenariat transatlantique peut évoluer vers une intégration transatlantique. |
2. L’état de droit et l’ordre mondial libéral
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2.1. |
Le CESE constate qu’il existe un lien indissociable entre un ordre mondial libéral et la primauté du droit et de la démocratie sur le plan interne. Si les acteurs démocratiques et gardiens de l’état de droit perdent de leur pouvoir par rapport aux acteurs autoritaires ou totalitaires, il est impossible de maintenir un ordre mondial libéral. À l’inverse, si le mercantilisme et le protectionnisme se substituent à un libre-échange fondé sur les règles, les forces qui remettent en cause la démocratie libérale et l’état de droit auront également le vent en poupe au niveau national. |
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2.2. |
Le CESE estime qu’un ordre mondial libéral est une condition préalable à des échanges commerciaux fondés sur des règles, équitables et durables, ainsi qu’à la réalisation des objectifs de Paris en matière de climat et des objectifs de développement durable des Nations unies concernant la justice sociale et l’égalité des chances, l’égalité entre les hommes et les femmes et la non-discrimination. Un ordre mondial qui repose sur le droit du plus fort, le cloisonnement, la promotion d’une économie fermée et la hiérarchisation des relations commerciales en fonction du pouvoir ne peut ni créer ou renforcer un esprit d’entreprise créatif et innovant source de succès économique durable, ni atteindre les objectifs ambitieux escomptés en matière de politique environnementale et sociale. |
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2.3. |
C’est la raison pour laquelle le CESE est favorable au renforcement des règles fondamentales qui régissent les interactions entre États au travers des Nations unies et de ses agences, et se félicite de l’idée d’une alliance entre toutes les démocraties. En effet, seule la puissance d’action démocratique des États-Unis a permis, après la Seconde Guerre mondiale, de créer les institutions internationales, dont la pérennité dépend d’une Amérique ouverte sur le monde et démocratique. |
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2.4. |
Dans un esprit d’autocritique, le CESE note qu’après la fin de la guerre froide, non seulement la politique européenne, mais aussi la société civile organisée en Europe ont trop longtemps considéré que les valeurs universelles que sont la démocratie et l’état de droit étaient garanties à long terme. Il existe cependant dans le monde de puissants acteurs qui, bien qu’ayant pris des engagements contraignants en vertu du droit international, foulent aux pieds ces valeurs dans la pratique. Le maintien d’un ordre fondé sur des valeurs ne va pas de soi. |
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2.5. |
Les valeurs qui sous-tendent les États et les alliances reposant sur la démocratie et l’état de droit façonnent l’ordre multilatéral que l’UE continue de défendre, même si sa capacité d’action dans ce domaine reste limitée. Ces valeurs ont leurs racines dans la séparation des pouvoirs temporel et spirituel, la Grande Charte, l’habeas corpus et la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’Assemblée générale des Nations unies. Elles sont les conditions fondamentales de la démocratie libérale et de l’état de droit. L’Union européenne et les États-Unis, ainsi que les démocraties libérales des pays amis de ces deux puissances, partagent ces valeurs. L’article 30 de la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies énonce expressément ce qui suit: «Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.» |
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2.6. |
Les démocraties libérales ont en commun le fait que leur existence est indissociable d’une société civile pluraliste, indépendante et dynamique. |
3. L’importance des relations transatlantiques pour la place de l’Europe dans le monde
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3.1. |
Les changements géopolitiques qui sont intervenus au cours des vingt dernières années ont gravement affecté l’ordre mondial libéral et fortement affaibli d’importantes organisations internationales. Les forces dominantes à l’œuvre ont été les élites dirigeantes de plus en plus agressives de la République populaire de Chine et l’isolationnisme dangereusement croissant des États-Unis d’Amérique. |
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3.2. |
Compte tenu des tensions qui agitent la société américaine et de la dimension mondiale que revêt ce défi, les États-Unis ne peuvent assurer seuls le maintien d’un ordre mondial libéral. La population des États-Unis fait preuve d’un grand scepticisme face à des opérations militaires coûteuses dans des régions lointaines. L’Afghanistan montre de manière brutale qu’il est urgent que les démocraties libérales adoptent une nouvelle stratégie crédible et que l’Europe renforce son engagement afin de soulager les États-Unis. Cet engagement ne doit pas se limiter aux seules capacités militaires, mais l’on ne saurait non plus faire l’impasse sur ces dernières. |
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3.3. |
En 2011, désillusionnés, les États-Unis se sont détournés d’un Moyen-Orient déstabilisé. L’«État islamique» est le premier à s’être engouffré dans la brèche ainsi créée. Lorsqu’il a été largement détruit en Iraq et en Syrie, la Russie, en particulier, a comblé le vide. Au cours de la même année critique, Hillary Clinton, qui était alors secrétaire d’État, avait déclaré que l’avenir de la politique se décidait en Asie, pas en Afghanistan ou en Iraq. L’Europe et le Moyen-Orient ont été relégués au second plan de l’intérêt et de la stratégie américains. En ce qui concerne l’Afghanistan, cette politique dangereuse pour la stabilité et la sécurité de l’Europe semble se poursuivre également sous le président Biden. |
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3.4. |
L’Europe reste à l’écart des grandes priorités de la politique étrangère des États-Unis. Ceux-ci mobilisent toute leur attention et leurs ressources pour contrer la montée inexorable de la Chine, laquelle pourrait s’accélérer du fait de la pandémie. En outre, l’Amérique latine connaît à nouveau une situation difficile, caractérisée par l’autoritarisme et la corruption, voire une défaillance étatique totale. L’Amérique latine est plus proche des États-Unis que ne le sont l’Europe ou l’Afrique, ne serait-ce qu’en raison des déplacements de populations. L’Afrique, dont la population connaît la croissance la plus rapide au monde, ne retient guère l’attention des États-Unis alors que l’Europe voisine, bien qu’elle s’y intéresse, n’y développe aucune stratégie, contrairement à la Chine, très active sur ce continent. |
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3.5. |
La Chine a poursuivi son essor économique fulgurant engagé par Deng Xiaoping à la fin des années 1980 et, depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, elle affirme de plus en plus fermement sa volonté de devenir une nouvelle puissance mondiale. De pays en développement régi par une dictature affichant un comportement pacifique vis-à-vis de l’extérieur, la Chine est devenue un État policier (à nouveau) totalitaire sur le plan intérieur et qui apparaît comme démonstratif, voire menaçant, sur le plan militaire en Asie. L’Union européenne ne dispose pas à l’égard de la Chine d’une stratégie visible; au cours de la présidence allemande, elle a conclu en toute hâte avec ce pays un accord bilatéral d’investissement motivé par des raisons politiques qui n’engage pas suffisamment la Chine, y compris en ce qui concerne la mise en œuvre de droits fondamentaux tels que la liberté d’association, et qui, du moins en apparence, est censé servir les intérêts européens. Le CESE est vivement préoccupé par les conséquences possibles de cet accord, notamment en ce qui concerne la désinformation et la capacité d’influence de ce pays, étant donné qu’il ouvre aussi largement les secteurs de l’information, des médias et du divertissement aux investissements chinois. |
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3.5.1. |
La Chine est en train de s’armer massivement. Cette nouvelle puissance mondiale, désormais ouvertement agressive, brandit de façon de plus en plus pressante la menace d’une invasion de Taïwan, cherche à contrôler les voies commerciales maritimes essentielles à l’économie mondiale, viole tous les engagements internationaux qu’elle a elle-même pris en matière de démocratie et de liberté à Hong Kong et exerce, dans ses provinces du Nord-Ouest, une répression massive et d’une brutalité à peine concevable à l’égard des populations musulmanes. Ce dernier point n’a pas empêché le Parti communiste chinois (PCC) de proposer immédiatement de bonnes relations aux talibans au moment de l’effondrement de l’Afghanistan. L’échec occidental dans l’Hindou Kouch renforce en effet la prédilection du PCC pour un ordre mondial certes multilatéral mais non libéral. La notion de multilatéralisme, jusqu’à présent connotée de manière positive, prend ainsi un nouveau sens. |
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3.5.2. |
L’influence de la Chine en Europe est devenue un facteur économique et politique indéniable. Pékin poursuit inlassablement son projet de route de la soie, occupe l’une après l’autre des positions stratégiques, et place des pays d’Afrique et d’Asie dans un état de dépendance politique en leur proposant des contrats de crédit léonins, qui ne sont généreux qu’en apparence. Pékin a également pris le contrôle d’infrastructures essentielles dans le sud-est de l’Europe. Dans l’Union européenne, on peut citer, par exemple, le port du Pirée en Grèce, la construction d’autoroutes au Monténégro ou le déploiement de la 5G. |
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3.5.3. |
Certains pans de l’économie européenne, en particulier des groupes allemands, dépendent aujourd’hui dangereusement du marché chinois, qui s’est d’abord présenté à l’industrie européenne comme une annexe de ses ateliers, sans s’ouvrir véritablement à elle. C’est à juste titre que certains groupes revoient leurs chaînes d’approvisionnement beaucoup trop unilatérales et, en fin de compte, dépendantes de l’arbitraire des dirigeants chinois. |
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3.5.4. |
Même après l’adhésion de la Chine à l’OMC, l’accès aux marchés chinois reste difficile, voire verrouillé. On est encore loin de l’équité et de la réciprocité. Ce pays fausse la concurrence mondiale au moyen de subventions et en refusant obstinément de réduire ses surcapacités. Dès le début, le PCC aux manettes de l’État chinois a systématiquement pratiqué l’espionnage industriel et imposé le transfert de connaissances au travers des entreprises communes. Aujourd’hui, la Chine ne s’ouvre plus qu’aux investisseurs étrangers dont elle a besoin du savoir-faire et continue de protéger ses entreprises contre toute forme de risque par des méthodes qui distordent la concurrence. Toutes ces pratiques sont incompatibles avec une organisation de marché mutuellement ouverte et équitable. |
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3.6. |
Quant à la Russie, malheureusement, depuis le discours mémorable prononcé par Vladimir Poutine lors de la conférence de Munich sur la sécurité en 2007, elle s’est de plus en plus éloignée de sa coopération avec l’Occident. Très tôt, Moscou a commencé à utiliser la dépendance de ses voisins à l’égard de l’approvisionnement en gaz naturel comme un moyen de pression. Lorsque cela n’a plus suffi, et que les anciennes républiques soviétiques se sont trop rapprochées de l’UE, et donc de l’Occident, ou ont souhaité une plus grande autonomie, le gouvernement de Moscou a mené des guerres larvées ou ouvertes à ses frontières ou dans l’ancienne sphère d’influence de l’Union soviétique, en annexant, avec la Crimée, une partie du territoire ukrainien en violation du droit international et des engagements pris dans le cadre de ses propres accords internationaux. Les dirigeants du Kremlin ont tiré parti, à leur propre avantage et sans état d’âme, de l’instabilité qui a suivi le bref printemps arabe de 2011. Ils mènent par ailleurs des cyberguerres contre des États libres et démocratiques, pilotent des campagnes de désinformation ciblées, soutiennent des mouvements et partis extrémistes, et il est avéré qu’ils influencent les élections dans des démocraties, notamment la campagne relative au «Brexit» et les élections présidentielles américaines de 2016. Ils pourchassent leurs opposants dans le monde entier et commettent des attentats contre eux, y compris dans l’Union européenne. |
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3.7. |
En dépit de l’accord sur les réfugiés, la Turquie, sous le régime de Recep Tayyip Erdoğan, s’est politiquement éloignée non seulement de l’Union européenne, mais aussi, de façon croissante, du consensus fondamental qui unit les États démocratiques, ce qui fait de ce pays un partenaire de plus en plus problématique au sein de l’OTAN. Plus particulièrement, les tensions délibérément provoquées en Méditerranée orientale concernant la question des îles grecques et des forages au large des côtes chypriotes, de même que le rôle joué par la Turquie dans les territoires à population kurde du nord de la Syrie, mais aussi dans la guerre en Libye, ont creusé un fossé de plus en plus grand entre Ankara et l’UE. La dénonciation de la Convention d’Istanbul qui protège les femmes contre les violences constitue un signal politique inquiétant. Bien que la perspective d’une adhésion à l’UE — qui est de toute manière difficilement concevable et n’interviendrait tout au plus qu’à long terme — s’éloigne de plus en plus, des efforts sont à nouveau entrepris en vue de moderniser l’accord douanier, de poser les jalons dont on sait qu’ils sont une condition préalable à la libéralisation du régime des visas, de maintenir des consultations à haut niveau et de renforcer les contacts avec la société civile. Il convient de noter que les sondages récents montrent que l’opinion publique turque a une vision très pro-européenne. Mais tous ces efforts resteront vains tant que la désescalade et le rapprochement souhaités ne seront pas étayés par des actions efficaces et durables de la part des autorités turques. |
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3.8. |
L’ensemble de ces développements particulièrement significatifs pour l’Europe se sont produits en l’espace d’une décennie: le révisionnisme de plus en plus agressif de Poutine, l’éloignement de l’Europe de la part d’un président turc animé d’un rêve néo-ottoman, le délitement de l’ordre dans une grande partie du Proche et du Moyen-Orient et l’interdépendance économique de plus en plus unilatérale de l’Europe avec la Chine. Parallèlement à ces évolutions, l’Europe a perdu de son intérêt pour la politique américaine et une forme de désengagement politique réciproque est apparue à la suite de la «guerre contre le terrorisme» à partir de 2002. Toutefois, les États-Unis et l’Union européenne ont toujours été et demeurent, de loin, des partenaires étroitement liés sur les plans politique, culturel et économique. L’Union européenne a beaucoup à offrir dans ce partenariat transatlantique fondamental pour l’ordre mondial libéral. |
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3.9. |
Jusqu’en 2010, les États-Unis ont joué un rôle actif dans le soutien à la démocratie dans les nouveaux États membres de l’Union européenne. En 2010, les États en transition d’Europe centrale et orientale semblaient, du point de vue des États-Unis, être devenus des démocraties stables d’économie de marché, malgré des problèmes persistants en matière de corruption, en particulier en Europe du Sud-Est. Toutefois, après le retour au pouvoir de l’ancien chef de gouvernement hongrois Viktor Orbán en 2010, un processus de «démocratie illibérale» a commencé. La Hongrie a été le premier État membre de l’Union européenne à emprunter cette voie, pour diverses raisons. Quelques années plus tard, la Pologne s’est également engagée sur la voie d’une démocratie autoritaire, aux dépens du pluralisme et de la liberté des médias, ainsi que de l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du gouvernement. D’autres États membres de l’Union affichent des tendances plus ou moins marquées dans cette direction, qui constituent par ailleurs une source croissante de tensions avec les États-Unis. |
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3.10. |
À l’heure actuelle, la stabilité de l’ordre démocratique n’est plus garantie dans plusieurs des États membres de l’Union. Certains gouvernements s’orientent vers des modèles et des méthodes autoritaires qui ne sont en aucun cas compatibles avec ses valeurs fondamentales. À cela s’ajoutent des tentatives massives d’ingérence de la part de pays tiers qui tentent de déstabiliser l’Europe. |
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3.11. |
Pendant de nombreuses années, certains membres européens de l’OTAN, dont l’Allemagne, le plus grand État membre de l’UE sur le plan de la démographie et des capacités économiques, ont insuffisamment investi dans leurs capacités de défense; ils n’ont donc pas respecté leurs engagements envers l’alliance et ont soutenu de facto à Bruxelles un positionnement à équidistance des grandes puissances du XXIe siècle. L’approche conceptuelle consistant à considérer dans le même temps les États-Unis comme un partenaire de sécurité, la Russie comme une source de matières premières, la Chine comme un eldorado économique et l’Europe comme une superpuissance morale, sans devoir développer vraiment ses propres capacités en matière de politique étrangère et de sécurité pour défendre des intérêts spécifiques et, si nécessaire, projeter solidement la stabilité, n’est manifestement ni efficace ni porteuse d’avenir. L’Europe s’affaiblit parfois elle-même lorsqu’elle oppose une réaction frileuse à certaines atteintes à l’ordre mondial libéral, à la démocratie et à l’état de droit, là où une position claire s’imposerait. Ce faisant, elle se rend vulnérable et ouvre des espaces d’influence aux pays tiers, y compris dans les Balkans occidentaux, qui sont pourtant appelés à terme à faire partie intégrante de l’Union européenne. |
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3.12. |
L’UE semble s’en tenir à un concept développé à l’époque de Trump, qualifié d’«autonomie stratégique» à Bruxelles, et qui est à tout le moins ambigu. Une autonomie stratégique dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité n’irait pas dans le sens d’un partenariat transatlantique fort. De nombreux responsables politiques de l’Union s’accrochent à la chimère d’une équidistance qu’il conviendrait de respecter avec les États-Unis, la Russie et la Chine. De larges pans de la population, et de la société civile organisée, partagent peu ou prou cet avis. Or la proximité entre l’Europe et les États-Unis est nettement plus grande que celle avec la Chine ou la Russie. Il ne saurait être question de se positionner à distance égale de ces différentes puissances. |
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3.13. |
Ensemble, l’UE et les États-Unis devraient être un point d’ancrage pour la démocratie, la paix et la sécurité dans le monde, l’état de droit et les droits de l’homme pour tous. Or, ils ont complètement échoué en Afghanistan. Le retrait militaire précipité d’Afghanistan par les Américains et leurs alliés européens montre de manière terrible à quel point le monde libre, et donc aussi l’Europe, dépendent de la projection du pouvoir des États-Unis. Dans cette situation, l’Union européenne montre qu’elle se caractérise par une faiblesse stratégique inquiétante et qu’elle ne dispose pas d’une politique étrangère et de sécurité commune. |
4. Recommandations
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4.1. |
L’UE devrait accepter et soutenir la proposition du président Biden de créer une alliance des démocraties, et conforter les États-Unis dans leur volonté de reprendre résolument le leadership pour faire respecter la dignité humaine, la liberté, la démocratie et l’état de droit. |
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4.2. |
La participation à cette alliance des démocraties doit être subordonnée à l’absence totale de doutes quant au caractère démocratique et respectueux de l’état de droit de ses membres. |
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4.3. |
L’Union européenne devrait se joindre aux démocraties du monde et aux États-Unis pour former une puissance mondiale forte et crédible et adopter une «stratégie d’endiguement coopératif» (1) à l’égard de la Chine. Contrairement à la doctrine de l’endiguement qui prévalait pendant la guerre froide, l’endiguement coopératif à l’égard de la Chine signifie que l’alliance des démocraties respecte et défend les intérêts légitimes de la Chine, mais, dans le même temps, qu’elle réagit avec la clarté et la fermeté diplomatiques qui s’imposent en cas de violations graves des droits de l’homme, comme dans le cas des Ouïghours, ou même en cas de violation des traités internationaux que la Chine elle-même a signés, comme dans le cas de Hong Kong. Ces valeurs doivent également être reflétées dans le traitement de l’accord d’investissement entre l’Union européenne et la Chine, lequel devrait être suspendu tant que les violations massives des droits de l’homme persisteront et que des droits fondamentaux tels que la liberté d’association ne seront pas mis en œuvre. |
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4.4. |
L’OSCE est un pilier de l’architecture de sécurité de l’ensemble de l’Europe. Il convient de la renforcer, en particulier en ce qui concerne le dialogue avec la Russie, afin d’éviter toute nouvelle escalade de conflits ouverts et larvés (comme en Transnistrie) et de jeter les bases d’un futur rapprochement, sous réserve de la reconnaissance de l’ordre juridique international. Les résultats d’une politique de pouvoir contraire au droit international ne sauraient être reconnus, que ce soit en Ukraine, en Biélorussie ou ailleurs. Ce principe doit s’inscrire sans équivoque dans la stratégie transatlantique commune et dans la politique de l’alliance des démocraties. |
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4.5. |
L’Union européenne devrait suspendre le projet Nord Stream 2, actuellement en phase d’achèvement, tant que le conflit ukrainien ne sera pas résolu et que persisteront d’autres violations fondamentales de l’ordre juridique international telles que la répression arbitraire d’une opposition démocratique par la persécution et l’emprisonnement, comme dans l’affaire Navalny. S’agissant de l’approvisionnement énergétique, l’UE doit mettre en œuvre de manière cohérente les objectifs du pacte vert et diversifier ses sources d’énergie. Les intérêts légitimes des États membres de l’UE qui faisaient anciennement partie de la sphère d’influence soviétique doivent être pleinement pris en compte dans le cadre des contrats gaziers avec la Russie. |
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4.6. |
Certes, les membres de l’OTAN ne correspondent pas exactement aux États membres de l’Union européenne, mais l’OTAN est néanmoins l’alliance militaire qui assure la sécurité des démocraties en Amérique du Nord et en Europe. La neutralité n’est possible pour les États européens que dans son ombre et donc, concrètement, sous sa protection. Les États membres de l’UE devraient dès lors s’entendre sur des structures de sécurité communes qui soient compatibles avec la consolidation de l’Alliance de l’Atlantique Nord ou qui la renforcent durablement. |
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4.7. |
Les États membres de l’UE qui sont membres de l’OTAN doivent respecter les contributions et les engagements décidés dans le cadre de l’Alliance, en particulier l’objectif des deux pour cent qui a été réaffirmé lors du sommet de l’OTAN organisé au Pays de Galles en 2014. L’OTAN n’est pas équivalente à l’alliance des démocraties proposée, qui couvre également la région du Pacifique. En outre, elle compte — et a toujours compté — en son sein des membres n’ayant pas un système démocratique. Elle doit toutefois elle aussi renforcer et affiner le processus de discussion interne sur ses valeurs. Le non-respect de la démocratie et de l’état de droit doit aussi entraîner des conséquences au sein de l’OTAN. Les risques futurs pour la sécurité ne résident plus seulement dans les menaces émanant de puissances terroristes agissant de façon asymétrique, mais découlent aussi et surtout de la remise en cause de l’ordre juridique international, qui est indissociable des valeurs de liberté et de démocratie animant les États qui y participent. |
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4.8. |
Ce n’est pas sans raison que Henry Kissinger s’était exclamé: «L’Europe? Quel numéro de téléphone?» L’UE doit renforcer la coordination de sa politique étrangère et de sécurité et en placer la responsabilité, à l’avenir, entre les mains du Parlement européen et d’un exécutif contrôlé et légitimé par ce dernier. Le Conseil doit statuer à la majorité qualifiée sur les questions de politique étrangère et de sécurité. Les États membres de l’UE doivent reconnaître que la multiplicité de leurs voix les prive de toute réelle marge de manœuvre en matière de souveraineté. Cette dernière ne peut être réalisée que par la mutualisation du pouvoir et le partage des instruments. |
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4.9. |
L’Union européenne doit repenser son concept d’«autonomie stratégique», lequel est à tout le moins ambigu. L’UE est très éloignée de l’autonomie politique et militaire. L’autonomie n’est d’ailleurs pas souhaitable dans un ordre multilatéral qui doit reposer sur des échanges commerciaux libres, équitables et durables. L’autonomie stratégique ne peut ni ne doit signifier le maintien d’une distance égale par rapport à d’autres puissances. En tant qu’état de droit démocratique indiscutable, les États-Unis sont et restent le partenaire économique et de sécurité indispensable de l’Europe, avec laquelle ils partagent des valeurs fondamentales sur des questions clés en dépit de certains intérêts divergents. Alors que Pékin se félicite vivement du concept européen d’autonomie stratégique et du flou qui l’entoure, les réactions de nombreux partenaires transatlantiques montrent clairement soit qu’ils s’y opposent, soit qu’ils le perçoivent comme ambigu. Or, dans un partenariat stratégique, l’ambigüité est un poison. |
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4.10. |
Au lieu d’une autonomie stratégique, l’UE devrait se fixer pour objectif une «capacité stratégique». L’Union européenne utilise désormais la notion de volonté d’affirmation (en anglais: «assertiveness»), qui va dans ce sens. En tout état de cause, elle devrait renoncer aux superlatifs qui, au moins depuis la stratégie de Lisbonne, caractérisent ses plans décennaux. À ce jour, l’UE n’a été en mesure d’atteindre aucun des objectifs essentiels définis dans ces plans. Elle devrait faire preuve d’une plus grande modestie tout en agissant avec davantage de détermination et d’anticipation. La capacité à agir ou à faire respecter la loi ne peut être ni déclarée ni décrétée. Elle doit être fondée sur des éléments factuels qui restent à élaborer. |
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4.11. |
Du point de vue du CESE, les accords commerciaux et d’investissement bilatéraux doivent être conçus de manière à s’insérer dans un système de commerce mondial renouvelé. Ils doivent non pas faire obstacle à un ordre mondial multilatéral libéral, mais le garantir et l’encourager. En outre, le partenariat transatlantique doit servir de base à un nouvel ordre commercial mondial. L’Union européenne et les États-Unis doivent faire preuve ensemble de responsabilité et de leadership au sein de l’OMC et défendre un modèle efficace de relations multilatérales, doté d’un programme commercial moderne qui intègre les aspects environnementaux et sociaux. |
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4.12. |
Un partenariat transatlantique fiable est une condition essentielle au maintien d’un ordre juridique et pacifique international. Toute tentative de défendre cet ordre sans une coopération étroite avec les États-Unis est vouée à l’échec. En effet, à elle seule, l’Europe n’a pas suffisamment de poids pour éviter l’installation d’un rapport de forces au centre duquel se trouverait la Chine. |
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4.13. |
Avec les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et d’autres démocraties libérales de par le monde, l’Union européenne peut consolider la démocratie et l’état de droit, y compris sur son territoire, et contribuer à les rétablir lorsqu’ils ont été mis à mal. |
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4.14. |
L’UE devrait promouvoir et soutenir la mise en place d’une plateforme transatlantique de la société civile organisée, avec des points de contact en Amérique du Nord et en Europe, à l’instar de celle qui a été lancée par des membres du CESE en associant des pays non membres de l’UE, tels que le Royaume-Uni. En effet, seule une société civile dynamique peut susciter l’enthousiasme envers ces valeurs communes et les préserver. |
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4.14.1. |
Il s’impose de créer de toute urgence un forum transatlantique de dialogue sur l’avenir de la démocratie et d’amorcer un dialogue commun sur l’état de droit. Le soutien commun à la démocratie en Europe, aux États-Unis et dans d’autres pays amis doit figurer au premier rang des priorités politiques transatlantiques communes. |
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4.14.2. |
La société civile transatlantique devrait amorcer un dialogue commun au sujet des droits des citoyens afin de sensibiliser l’opinion aux dérapages et d’influencer les politiques de part et d’autre de l’Atlantique, sur la base d’exemples de bonnes pratiques. |
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4.14.3. |
Un dialogue transatlantique impliquant la société civile revêtirait une importance particulière pour améliorer la résilience face à la désinformation. Dans ce contexte, il s’impose de déployer des efforts communs pour défendre la liberté des médias dans les démocraties libérales et, là où elle a été mise à mal, quelle qu’en soit la raison, de la renforcer, dans la mesure où il s’agit d’un pilier essentiel de la démocratie et de l’état de droit et d’une expression directe des valeurs transatlantiques communes. |
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4.14.4. |
De même, l’action pour le climat et les efforts communs visant à ralentir le réchauffement climatique devraient faire l’objet d’un dialogue transatlantique associant la société civile afin de définir ensemble des solutions durables ouvertes à la technologie. |
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4.14.5. |
Également indispensable à un dialogue commun entre les sociétés civiles de part et d’autre de l’Atlantique, la nouvelle question sociale est celle qui se pose dans le contexte de la politique climatique et de la numérisation. Comment garantir les droits sociaux dans le monde et améliorer les perspectives et, en particulier, les droits des chefs d’entreprise indépendants et des travailleurs? C’est là une question qui nécessite de toute urgence des réponses communes, notamment en ce qui concerne l’avenir des institutions libérales et la stabilité de l’ordre mondial libéral. |
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4.14.6. |
Dans la perspective des futurs accords commerciaux et des efforts visant à renforcer l’ordre multilatéral, il convient de consolider les formes de dialogue transatlantique qui existent déjà et, le cas échéant, d’en ouvrir de nouvelles. Le Conseil transatlantique du commerce et des technologies, récemment créé, revêt à cet égard une importance particulière, mais il doit être soumis aux principes de pleine transparence. |
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4.15. |
L’Europe devra apporter sa contribution et assumer davantage de charges et de responsabilités. À cette fin, elle doit avant tout surmonter les dissonances en matière de politique étrangère et de sécurité et cesser d’osciller entre hypermoralisme et opportunisme. L’Union européenne doit soutenir la primauté du droit dans les relations internationales au moyen d’une stratégie claire, s’exprimer d’une seule et même voix en matière de politique étrangère et de sécurité et contribuer activement à la stabilisation de l’ordre multilatéral. |
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4.16. |
Dans une perspective à long terme, le partenariat transatlantique devrait évoluer vers une intégration économique incluant le Canada, le Royaume-Uni et d’autres pays européens qui ne sont pas, ou pas encore, membres de l’Union européenne. Les forums transatlantiques de dialogue avec la société civile dans toute sa diversité, telle qu’elle est représentée par le CESE en Europe, mais aussi le renforcement du dialogue entre les parlements, constituent une condition préalable importante à cet égard. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Christian Moos & Peter Clever: «China kooperativ eindämmen» (Un endiguement coopératif à l’égard de la Chine), Frankfurter Allgemeine Zeitung, 30 avril 2021.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/63 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aligner les stratégies et les activités des entreprises du secteur alimentaire sur les ODD pour une relance durable après la COVID-19»
(avis d’initiative)
(2022/C 152/10)
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Rapporteur: |
Andreas THURNER |
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Corapporteur: |
Peter SCHMIDT |
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Décision de l’assemblée plénière |
25.3.2021 |
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Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
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Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en section |
25.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
564 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
209/0/02 |
1. Conclusions et recommandations
Le Comité économique et social européen (CESE):
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1.1. |
reconnaît que les entreprises du secteur alimentaire de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement (notamment les agriculteurs et les pêcheurs, les coopératives, les entreprises agroalimentaires, les détaillants et les grossistes européens, ainsi que d’autres types d’entreprises) œuvrent dès à présent pour progresser sur la voie de la durabilité et pour offrir aux consommateurs des produits sains et durables conformément au pacte vert pour l’Europe. Néanmoins, pour se placer sur la trajectoire qui permette de réaliser les objectifs de développement durable, il s’impose de consentir davantage d’efforts; |
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1.2. |
souligne qu’il est besoin d’un cadre qui favorise l’innovation afin d’aider au moyen d’outils et de solutions adaptés les opérateurs économiques dans leur transition vers des pratiques commerciales plus durables. Il s’impose de lever les obstacles à l’innovation; |
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1.3. |
relève qu’à l’heure actuelle, les opérateurs économiques perçoivent souvent les exigences de durabilité comme une complication et un fardeau plutôt que comme de nouvelles possibilités; pour y remédier, il recommande donc d’élaborer un discours plus aisé à comprendre, une «grammaire de la durabilité»; |
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1.4. |
tient la réduction des pertes et du gaspillage alimentaires, l’approvisionnement durable, l’amélioration des systèmes d’emballage et de logistique, des chaînes alimentaires circulaires et efficaces dans l’utilisation des ressources, tout comme les solutions de la bioéconomie, pour des angles d’attaque efficaces afin de progresser vers davantage de durabilité; |
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1.5. |
met en relief le rôle important qui incombe aux consommateurs dans ce contexte. Des mesures d’information et d’éducation, combinées à des pratiques transparentes d’étiquetage des denrées alimentaires, donneront aux consommateurs les moyens d’opérer le choix le plus durable (1). La Commission devrait également mettre en place des mesures pour garantir le caractère abordable de denrées alimentaires saines et produites, transformées et distribuées de manière durable; |
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1.6. |
se félicite du code de conduite de l’Union pour des pratiques entrepreneuriales et commerciales responsables. La plupart des parties concernées estime de manière générale que la conception d’un code volontaire constitue un processus particulièrement utile qui a encore rapproché les partenaires de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Cette initiative constitue un point de départ et devrait se poursuivre pour servir de plateforme collaborative en faveur de pratiques commerciales responsables et durables. En particulier, le CESE:
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1.7. |
souligne combien il importe que les États membres appliquent rapidement la directive de l’Union sur les pratiques commerciales déloyales et d’autres mesures politiques de soutien afin de favoriser des systèmes alimentaires plus durables et résilients (2); |
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1.8. |
se félicite de l’initiative de la Commission de concevoir un cadre législatif en faveur d’un système alimentaire durable de l’Union européenne et en vue d’intégrer la durabilité à l’ensemble des politiques liées à l’alimentation (3). Il existe un besoin manifeste de réglementation et d’un certain degré de normalisation et d’harmonisation pour garantir la crédibilité et des conditions équitables de concurrence; |
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1.9. |
demande derechef à la Commission de garantir la cohérence de son action entre ses différentes politiques sectorielles, entre autres en matière de climat, d’environnement, de commerce et de concurrence (4). Cette démarche permettrait de faciliter la prise de décisions commerciales durables par les acteurs du secteur alimentaire. Le cadre législatif devrait créer des conditions de concurrence réellement équitables; |
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1.10. |
réitère sa recommandation d’étudier la possibilité d’un Conseil européen de la politique alimentaire plurilatéral et à plusieurs niveaux, qui pourrait, entre autres, faciliter l’engagement de la société civile dans le suivi du code de conduite; |
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1.11. |
fait valoir que la durabilité repose sur trois piliers principaux, d’ordre économique, environnemental et social. Au vu de la diversité des conditions d’ensemble qui prévalent, il convient de reconnaître qu’une approche unique et universelle ne fonctionnera pas. Aussi un cadre législatif devrait-il autoriser et faciliter des solutions taillées sur mesure, grâce par exemple à des mécanismes d’autoévaluation et d’analyse comparative; |
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1.12. |
recommande que ce cadre soit aisément compréhensible et se fonde sur des règles, des orientations et des incitations. La législation relative à la finance durable (taxinomie), qui en est pour l’heure au stade de l’élaboration, ne doit pas pécher par une complexité excessive. |
2. Introduction
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2.1. |
La stratégie «De la ferme à la table» (5) figure au cœur du pacte vert pour l’Europe. Elle traite de façon détaillée des difficultés que soulève la mise en place de systèmes alimentaires durables et reconnaît les liens inextricables entre des personnes en bonne santé, des sociétés en bonne santé et une planète en bonne santé. La stratégie est en outre un élément essentiel du programme élaboré par la Commission pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Depuis des années, le CESE joue un rôle de premier plan dans la promotion d’une politique alimentaire globale de l’Union. Le Comité a été la première institution européenne à plaider en faveur d’une approche globale (6), ouvrant la voie à la stratégie «De la ferme à la table». |
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2.2. |
La stratégie «De la ferme à la table» reconnaît que les entreprises de transformation de denrées alimentaires, les exploitants de services de restauration et les détaillants contribuent à façonner le marché et à influencer les choix alimentaires des consommateurs au travers des types de denrées alimentaires qu’ils produisent, du choix de leurs fournisseurs, de leurs méthodes de production et de leurs pratiques en matière d’emballage, de transport et de commercialisation. Afin de tirer parti de cette situation, la Commission a conçu un code de conduite de l’Union pour des pratiques entrepreneuriales et commerciales responsables (7), qui s’accompagne d’un cadre de suivi mis en place le 5 juillet 2021. |
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2.3. |
Au niveau international, le sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires (8), organisé sous l’égide du secrétaire général de l’ONU en septembre 2021, a donné le ton s’agissant de l’importance des systèmes alimentaires durables pour les années à venir. Il entend lancer des mesures inédites audacieuses visant à transformer la manière dont le monde produit et consomme des denrées alimentaires. |
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2.4. |
Les entreprises peuvent contribuer de manière substantielle à des systèmes alimentaires plus durables, équitables et sûrs en exerçant leurs activités conformément aux ODD et à l’accord de Paris sur le changement climatique. De nombreux chefs d’entreprise du secteur alimentaire ont déjà pris des mesures importantes en ce sens, mais il reste encore beaucoup à faire. Les changements nécessaires sont compliqués et requièrent des stratégies partagées, globales, collaboratives et coopératives à long terme qui associent l’ensemble des acteurs tout au long de la chaîne alimentaire, ainsi que les secteurs auxiliaires. |
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2.5. |
Dès à présent, les entreprises européennes du secteur de la pêche, de l’agriculture et de l’agroalimentaire s’emploient à progresser dans le domaine de la durabilité et à offrir aux consommateurs des produits qui favorisent des régimes alimentaires sains et durables conformément au pacte vert pour l’Europe. Cette transition nécessite des investissements et, parfois, du temps pour produire des résultats. Une fois les objectifs fixés, il convient d’accorder une certaine souplesse aux entreprises pour qu’elles donnent forme à leur contribution à la réalisation de ces objectifs, sans pour autant remettre ceux-ci en cause. En outre, l’indispensable transition écologique doit être compatible avec la situation économique des citoyens européens, tout spécialement dans le sillage de la crise de la COVID-19. |
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2.6. |
Le Centre commun de recherche a publié récemment une étude (9) qui conclut, à l’instar d’autres études de fraîche date, que la mise en œuvre des objectifs prévus par la stratégie «De la ferme à la table» aurait des incidences considérables sur la production agricole dans l’Union européenne. Leurs conclusions mettent en évidence la nécessité pour toute proposition législative avancée dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table» de prévoir des évaluations ex ante solides et scientifiques de son incidence, qui traitent de la durabilité dans ses dimensions économique, sociale et environnementale. Un cadre propice adéquat, qui traite entre autres choses de l’accès aux financements, de l’innovation et de la numérisation, sera déterminant pour aider les agriculteurs en vue de réaliser les objectifs de la stratégie «De la ferme à la table». |
3. Principaux domaines d’action
3.1. Favoriser l’innovation et faciliter l’accès des PME à l’innovation
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3.1.1. |
La recherche et l’innovation peuvent être utiles s’agissant de favoriser un usage plus durable des entrants et des matières premières, comme par exemple dans le cas de l’agriculture de précision, des nouvelles techniques de sélection et d’un recours amélioré aux pratiques agroécologiques, de rendre plus durables les processus internes, par exemple en recourant aux énergies renouvelables pour produire, transformer ou livrer les denrées alimentaires, et de réduire les externalités, grâce par exemple à des emballages durables. L’innovation est nécessaire non seulement dans le domaine des questions environnementales mais aussi pour des aspects sociaux tels que la santé, le genre, le travail des enfants et le travail forcé, la santé et la sécurité au travail, la liberté d’association et la négociation collective, des salaires et des revenus décents. Elle est tout aussi nécessaire pour permettre de produire un juste retour sur investissement dans un délai raisonnable (10). |
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3.1.2. |
Outre l’innovation technologique, l’innovation organisationnelle et sociale est aussi essentielle pour rendre les entreprises plus durables, qu’il s’agisse de recomposer leurs structures organisationnelles et leurs processus internes en accordant par exemple davantage d’importance aux politiques de lutte contre les discriminations et en faveur de l’égalité, ainsi que pour créer de nouvelles relations avec les parties intéressées, par exemple en tirant parti de la commercialisation numérique. Pour favoriser cette innovation, la numérisation et l’approfondissement de la culture organisationnelle interne sont essentiels. Il s’impose également d’intégrer la durabilité dans les processus d’organisation et de gouvernance. |
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3.1.3. |
Les entreprises du secteur alimentaire se caractérisent souvent par leur fragmentation, leur petite taille et leur manque d’intégration horizontale et verticale. De ce fait, elles peinent à se frayer un accès à l’écosystème d’innovation. Des investissements publics dans les eaux, la logistique et les infrastructures numériques, couplés à davantage de ressources en faveur de la recherche et du développement, sont nécessaires pour ouvrir cet accès et permettre aux entreprises, y compris celles de taille petite ou moyenne, de tirer pleinement parti de leurs trajectoires d’innovation. |
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3.1.4. |
En outre, il incombe un rôle essentiel à de nouveaux mécanismes, tels que par exemple les «laboratoires vivants» ou les «phares», visant à faciliter les relations entre les entreprises et les centres d’innovation et à favoriser la cocréation, associés à de nouveaux profils de spécialistes, tels que les courtiers en innovation, capables de tisser des liens entre les entreprises et les centres de recherche et d’innovation. Pour favoriser de tels investissements, il est essentiel d’établir une forte corrélation entre les indicateurs des plans nationaux pour la reprise et la résilience, des Fonds structurels et d’investissement européens et des objectifs de développement durable; une telle démarche doit également constituer une priorité à l’avenir. |
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3.1.5. |
Des partenariats entre le secteur privé, les institutions, le monde universitaire et les centres d’innovation, la généralisation de la cocréation et un intérêt plus marqué des institutions financières peuvent déboucher sur des écosystèmes d’innovation fructueux. De tels partenariats peuvent aussi s’avérer utiles pour favoriser l’innovation territorialisée qui est particulièrement prometteuse au sein des systèmes alimentaires, sachant que l’intérêt que portent les consommateurs à la production et à la transformation des denrées alimentaires participe des contextes locaux et de leur culture. Des entreprises innovantes et performantes présentent un intérêt à titre d’exemple de nouvelles solutions durables, ainsi que pour favoriser la diffusion des bonnes pratiques auprès des opérateurs. |
3.2. Favoriser des chaînes alimentaires circulaires et efficaces dans l’utilisation des ressources et renforcer la bioéconomie
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3.2.1. |
Des chaînes alimentaires circulaires optimisées et efficaces dans l’utilisation des ressources joueront un rôle essentiel dans la transition vers des systèmes alimentaires plus durables. De nombreux angles d’attaque se présentent, tels qu’une utilisation efficace des ressources naturelles, la limitation des déchets, des emballages recyclables, réutilisables et compostables ou le renoncement à utiliser des plastiques à usage unique, pour n’en citer que quelques-uns. La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire (11) constitue un réseau idoine pour s’inspirer, exposer des idées novatrices et apporter des solutions dans ce domaine. |
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3.2.2. |
Une bioéconomie circulaire est un jeu où chaque participant est gagnant (12). Valoriser et réutiliser la biomasse permet d’accroître le caractère durable des productions et peut susciter de nouvelles activités commerciales et possibilités de revenus pour les agriculteurs, les pêches et l’ensemble du système alimentaire. De ce fait, il s’impose d’être très attentif à l’ensemble du cycle de gestion de la biomasse, à savoir la production, la transformation, la valorisation et la réutilisation, la création de chaînes de production multi-produits liées au domaine médical, les matériaux, les bioraffineries et le secteur des énergies, la création de marchés pour les produits. Tout ceci fait intervenir de nombreux acteurs, parmi lesquels figurent non seulement les agriculteurs et les pêcheurs, les entreprises de transformation et de distribution de denrées alimentaires, mais aussi les citoyens, les collectivités locales, les sylviculteurs, les entreprises de gestion des déchets, les composteurs, les techniciens, les innovateurs et les entreprises du secteur de l’énergie. |
3.3. S’approvisionner durablement
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3.3.1. |
Les principales chaînes alimentaires devraient continuer à favoriser l’adoption par leurs fournisseurs de pratiques durables sur le plan environnemental, social et économique. Pour ce faire, il peut s’avérer utile de recourir à l’approche du devoir de diligence. Les principales entreprises devraient être à l’avant-garde, s’engager à agir en matière d’approvisionnement durable et intégrer celui-ci dans leur système de gestion (13). Elles devraient également évaluer les incidences réelles et possibles de leurs chaînes d’approvisionnement et se fixer des objectifs en la matière. Pour ce faire, elles devraient adopter une méthodologie, et notamment des indicateurs, des systèmes de mesure et des objectifs, pour mesurer la performance de la chaîne de valeur et s’assurer qu’elle soit cohérente avec les normes reconnues au niveau international. Elles devraient également publier comme il se doit les objectifs qu’elles prévoient et les résultats qu’elles obtiennent. |
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3.3.2. |
La Commission s’est engagée à favoriser des systèmes alimentaires durables en Europe et à l’échelle internationale. Il ne sera possible d’y parvenir que si le cadre législatif crée des conditions de concurrence réellement équitables entre les entreprises de l’Union européenne qui produisent des denrées alimentaires durables et leurs homologues des pays tiers, afin d’assurer une production forte, résiliente et durable. La politique commerciale de l’Union doit veiller à ce que les importations respectent les normes élevées de l’Union en matière de durabilité sociale et environnementale. Les accords commerciaux jouent un rôle déterminant pour garantir des conditions de concurrence équitables entre le marché intérieur et les importations, pour préserver la compétitivité (14) des producteurs européens de denrées alimentaires durables et pour leur assurer une juste rémunération. |
3.4. Le rôle de chaînes d’approvisionnement bien conçues: améliorer les systèmes d’emballage et de logistique pour réaliser les objectifs de neutralité climatique
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3.4.1. |
Dans un contexte où les chaînes d’approvisionnement sont dans une large mesure mondiales, l’approvisionnement local, le cas échéant en recourant à plusieurs fournisseurs, joue un rôle important pour réduire l’incidence environnementale des chaînes de valeur alimentaires, en tout premier lieu en matière de logistique, et il favorise les économies locales. La pandémie de la COVID-19 a eu pour conséquence une perception croissante des denrées alimentaires locales comme des denrées de qualité, un aspect auquel les consommateurs s’attachent davantage. En outre, trouver un bon équilibre entre l’importation et la production locale de denrées alimentaires s’avèrerait une stratégie adéquate pour parvenir à accroître la robustesse et la résilience des systèmes alimentaires. |
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3.4.2. |
L’emballage durable consiste à utiliser des matériaux biodégradables et réutilisables, en promouvant le recyclage auprès des consommateurs. De nouvelles inventions de l’industrie chimique et leur intégration dans les pratiques des entreprises apportent des solutions innovantes aux problèmes environnementaux. Il existe dès à présent des gammes de bioplastiques entièrement biodégradables et compostables, produits à partir de la biomasse agricole, ce qui crée un circuit entièrement circulaire. Parfois, les matériaux biodégradables contribuent également à prolonger la durée de conservation et produisent ainsi une valeur ajoutée encore plus importante. |
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3.4.3. |
Il est également possible de parvenir à réduire les émissions indirectes de la chaîne alimentaire en passant à des véhicules de logistique à faible incidence, en développant des chaînes d’approvisionnement plus efficaces, mieux organisées et le cas échéant, plus courtes, en renforçant les magasins d’alimentation locaux, en généralisant la numérisation et en améliorant les infrastructures logistiques. |
3.5. Promouvoir l’éducation et un étiquetage transparent
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3.5.1. |
Une consommation plus responsable et un intérêt plus marqué des pouvoirs publics, des entreprises et des consommateurs pour des régimes durables et sains, tels que le régime méditerranéen, sont essentiels pour parvenir à des systèmes alimentaires plus durables (15). Il s’agit également de mieux comprendre les relations écologiques et la «valeur des denrées alimentaires», notamment l’incidence des pertes et du gaspillage alimentaires, le rôle des milieux économiques régionaux, la logistique des transports, l’importance d’une autosuffisance alimentaire stratégique, etc. |
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3.5.2. |
Pour favoriser un tel changement, les systèmes éducatifs jouent un rôle fondamental (16). Les entreprises du secteur alimentaire peuvent également jouer un rôle important si elles s’engagent à éduquer les consommateurs, et en particulier les enfants, à l’importance d’une production et d’une consommation durables des denrées alimentaires. Elles doivent poursuivre leurs efforts visant à des produits plus durables et plus sains (17). Elles devraient également adopter des codes de conduite responsable pour leurs pratiques commerciales. Les entreprises du secteur alimentaire peuvent également promouvoir des modes de vie sains et durables grâce à leurs étiquettes ou labels, à leurs campagnes de commercialisation, à leurs médias sociaux, à leurs cantines d’entreprise et à leurs politiques de communication institutionnelle. Les pratiques d’étiquetage devraient mettre en évidence la contribution de chaque produit à un régime alimentaire sain et durable. Dans ce contexte, un cadre transparent pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables aiderait les consommateurs à prendre des décisions d’achat informées et plus durables. |
3.6. Repenser la finance
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3.6.1. |
Les institutions financières doivent analyser les systèmes alimentaires dans une optique conforme aux caractéristiques propres au secteur. Les entreprises du secteur alimentaire ne peuvent pas être jugées à l’aune des mêmes critères que ceux appliqués à d’autres, comme cela a été longtemps le cas, car l’octroi du crédit et le retour sur investissement ne prennent pas en compte les critères à long terme de durabilité. Cet aspect importe d’autant plus au regard de la taille moyenne des entreprises du secteur alimentaire et de l’importance croissance que prend la durabilité. Les PME peinent davantage à accéder aux financements et à faire rapport de leurs réalisations en matière de durabilité. |
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3.6.2. |
Pour ce qui est de la finance durable pour les PME, il convient de faire valoir que les critères d’examen technique aux fins de la taxinomie, qui sont par ailleurs bureaucratiques et complexes, pourraient s’avérer un obstacle pour les entreprises, et en particulier les PME, lorsqu’elles s’engagent ou se maintiennent sur leur trajectoire vers la durabilité. |
3.7. Cibler les petites entreprises
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3.7.1. |
Les cadres de responsabilité et les mécanismes de suivi sont en général taillés à la mesure des grandes entreprises. C’est également le cas dans le domaine de la durabilité. |
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3.7.2. |
Les systèmes alimentaires européens se composent principalement de PME. De ce fait, il est besoin d’un soutien ad hoc pour aider les entreprises du secteur alimentaire au cours de la phase de transition. Ce soutien peut notamment consister à mettre en place des outils d’autoévaluation, à favoriser la constitution de réseaux entre entreprises, à mener des programmes éducatifs sur l’entrepreneuriat et la durabilité, à créer des communautés de pratiques, à promouvoir les bonnes pratiques, à faciliter l’accès aux écosystèmes d’innovation, à instaurer des incitations fiscales et financières au développement de l’entreprise et à faciliter l’accès aux marchés et aux informations de marché. |
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3.7.3. |
Fournir un soutien et des orientations, y compris en matière de matériels et de logiciels des technologies informatiques, peut favoriser le développement et l’assise des PME au sein de la chaîne d’approvisionnement, ainsi qu’une meilleure intégration des objectifs de développement durables dans leurs stratégies. |
3.8. Analyse comparative: autoévaluation, suivi, engagement, dialogue
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3.8.1. |
Pour toute entreprise, les outils d’autoévaluation jouent un rôle déterminant pour se conformer au programme à l’horizon 2030. De tels outils doivent aider les entreprises quelle que soit leur taille, sans pénaliser les plus petites d’entre elles. |
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3.8.2. |
Pour les entreprises de plus grande taille, il est besoin d’approches plus exhaustives et plus standardisées qui permettent des comparaisons. Pour les entreprises de plus petite taille, il convient d’assurer un soutien ad hoc. Compte tenu des particularités du secteur, il est essentiel qu’intervienne un dialogue étroit entre les différents acteurs du système alimentaire, tels que les entreprises, les institutions, les investisseurs, les consommateurs, les innovateurs et derechef les investisseurs. |
3.9. Engagement des citoyens
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3.9.1. |
Vu le rôle social que joue l’alimentation et son impact sur la durabilité environnementale et sociale, il convient de consulter les citoyens à l’occasion de la définition des politiques européennes, nationales et régionales, ainsi que des stratégies des entreprises. L’engagement des citoyens est tout particulièrement déterminant à l’échelon local afin de lier étroitement l’alimentation à la vie des villes et des régions (18). Les politiques alimentaires locales contribuent également à réaliser cette démarche, étant donné qu’elles peuvent adopter une approche globale de l’alimentation en tirant parti des spécificités locales et en favorisant les initiatives de cocréation. |
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3.9.2. |
L’exemple du programme LEADER (19) montre que les groupes d’action locale peuvent apporter une contribution efficace à cet égard. La création de «conseils de la politique alimentaire» constitue un autre exemple qui démontre que l’engagement des citoyens aboutit à des solutions plus durables. |
4. Une «grammaire de la durabilité» (20) — Trouver le bon discours pour parler de la durabilité lors de la mise en œuvre des objectifs de développement durable dans l’industrie alimentaire
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4.1. |
Les consommateurs, l’opinion publique, les autorités réglementaires, les investisseurs, les décideurs politiques et la société civile demandent aux entreprises du secteur alimentaire d’améliorer leurs performances en matière de durabilité. Cette même durabilité offre également de belles possibilités commerciales aux entreprises. Aussi la question n’est-elle pas de savoir s’il convient d’aligner l’industrie alimentaire sur le programme à l’horizon 2030 et sur l’accord de Paris pour le climat, mais comment y procéder. |
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4.2. |
Il demeure cependant malaisé d’évaluer les performances sachant qu’il n’existe pas dans le secteur alimentaire d’indicateur unique et global de durabilité. En outre, il n’existe pas de solution universelle compte tenu des différences qui prévalent entre les segments de ce secteur et de l’importance de la taille de l’entreprise lorsque l’on envisage la durabilité de manière formelle. De ce fait, les entreprises de plus petite taille considèrent souvent la durabilité comme une source possible de nouvelles charges administratives plutôt que de nouvelles possibilités. |
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4.3. |
Compte tenu des difficultés à trouver des mesures précises de l’alignement sur les objectifs de développement durable, les évaluations tendent pour l’heure à se centrer davantage sur l’exhaustivité des processus mis en place et sur le niveau de publication d’informations que sur des résultats concrets. Quoi qu’il en soit, une autoévaluation aide une entreprise à déceler des domaines d’amélioration, tant pour ce qui est de son alignement sur les objectifs de développement durable que de ses systèmes de planification. Elle contribue également à diffuser la culture de la durabilité au sein de l’entreprise. |
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4.4. |
Une fois les objectifs planifiés, les entreprises du secteur alimentaire devraient définir des indicateurs cohérents, des systèmes de mesure et des objectifs concrets de durabilité qu’elles devront atteindre à court et à long terme, ainsi que définir des procédures pour publier leurs résultats. Toutefois, en raison des différences qui prévalent entre les cadres de responsabilité, il demeure malaisé de comparer la manière dont les objectifs sont fixés et dont sont effectuées les mesures y afférentes. |
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4.5. |
Lorsqu’il s’agit en particulier des PME, il convient de mener les autoévaluations de manière constructive afin de familiariser les acteurs avec la «grammaire de la durabilité» plutôt que de mettre en place des analyses comparatives. |
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4.6. |
Les entreprises devraient également intégrer des objectifs et des systèmes souples de mesure de la durabilité à leurs systèmes de gouvernance et de gestion. En l’absence de référence à des objectifs de durabilité dans le cadre des cycles budgétaires, des indicateurs clés de performance, des dispositifs de suivi et des parcours de carrière, il est extrêmement difficile d’améliorer les performances en matière de durabilité. Mener à bien une telle intégration n’est pas une tâche facile, tout spécialement pour les PME. Dans le même temps, elle offre l’occasion de réexaminer et de renforcer ces systèmes. |
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4.7. |
Les entreprises qui s’engagent avec succès dans la durabilité devraient promouvoir leurs bonnes pratiques. Cette démarche contribue à démontrer que pour une entreprise du secteur alimentaire, et en particulier pour une PME, il est à la fois possible et avantageux d’être durable, et elle pourrait encourager d’autres entreprises à suivre son exemple. Dans le même temps, cette démarche peut accroître grandement la visibilité d’une entreprise et lui procurer de précieuses possibilités commerciales. |
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4.8. |
L’initiative «L’adaptation du secteur alimentaire» (21) du réseau de solutions pour le développement durable (connu sous son sigle anglais SDSN), après une analyse minutieuse des normes, des cadres et des initiatives mondiaux les plus communs en matière de durabilité, a défini un cadre d’analyse pour une entreprise, qui repose sur quatre piliers d’alignement avec les objectifs de développement durable. Ces piliers se présentent comme suit:
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4.9. |
Chacun de ces piliers se compose de nombreuses thématiques différentes. Ces thématiques sont le résultat d’un processus d’itération rassemblant les travaux de recherche sur les rapports des principales entreprises mondiales du secteur alimentaire en matière de durabilité, de multiples interactions avec les entreprises, qu’elles soient grandes, moyennes ou petites, et leurs associations, sous la forme d’entretiens, d’ateliers et d’enquêtes, et d’une analyse des bonnes pratiques en matière de durabilité. |
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4.10. |
Ce dispositif a abouti à la conception d’un outil d’autoévaluation auquel les entreprises peuvent recourir pour mettre en évidence les domaines où elles peuvent s’améliorer. |
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4.11. |
L’initiative «L’adaptation du secteur alimentaire» constitue également le socle d’une plate-forme numérique qui met en lumière les bonnes pratiques. Le cadre de ces quatre piliers expose des exemples concrets d’objectifs, de cibles, d’indicateurs et de systèmes de mesure sélectionnés spécifiquement aux fins des entreprises du secteur alimentaire et alignés sur le programme à l’horizon 2030. En outre, il peut aider les entreprises à déterminer leurs indicateurs clés de performance, les investisseurs à suivre les mesures prises et les progrès accomplis par les entreprises du secteur alimentaire et les personnes chargées d’élaborer les rapports sur la durabilité à donner forme à ces derniers. Compte tenu des particularités de segments spécifiques de ce secteur, ce cadre a été adapté à l’intention des entreprises de petite taille dans les domaines de l’agriculture, de l’aquaculture et de la viticulture. |
5. Cadre d’action pour l’alignement des entreprises du secteur alimentaire sur les objectifs de développement durable
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5.1. |
Le CESE se félicite du code de conduite de l’Union pour des pratiques entrepreneuriales et commerciales responsables, qui constitue un élément important de la mise en œuvre de la stratégie «De la ferme à la table». La plupart des parties concernées estime de manière générale que la conception d’un code volontaire constitue un processus particulièrement utile qui a encore rapproché les partenaires de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Cette initiative constitue un point de départ et devrait se poursuivre pour servir de plateforme collaborative en faveur de pratiques commerciales responsables et durables. |
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5.2. |
Toutefois, le CESE, en s’appuyant également sur les informations fournies par des entreprises et des parties intéressées, met en relief les limites d’une approche volontaire et souligne la nécessité d’adopter une réglementation et une législation afin d’assurer une transition rapide vers la durabilité. Ce processus implique en outre un réexamen des règles de concurrence afin de favoriser plus avant la coopération et la durabilité tout au long de la chaîne d’approvisionnement. |
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5.3. |
En outre, le CESE souligne les faiblesses du code de conduite pour ce qui est de la dimension sociale et il déplore qu’il n’y soit fait aucune mention de la négociation collective. Le dialogue social importe grandement et il convient d’associer les partenaires sociaux tout le long de la chaîne. La trajectoire qui conduit à la durabilité devrait également produire des effets positifs sur les salaires et les conditions de travail. |
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5.4. |
Le code de conduite ne prévoit pas non plus d’action visant à améliorer le caractère abordable de denrées alimentaires saines et durables. Un prix abordable des denrées alimentaires saines et durables aiderait les consommateurs à adopter des régimes sains et durables. |
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5.5. |
Le code de conduite ne prévoit pas de mécanisme solide de suivi afin d’évaluer la pertinence, la mise en œuvre et l’incidence des engagements pris. Il s’impose de mettre en place une procédure adéquate de réexamen de la mise en œuvre du code de conduite sur le terrain afin de s’assurer de la concrétisation ou non des engagements et des déclarations individuels en faveur des objectifs souhaités. L’expérience montre que seul est fait ce qui est mesuré et suivi. De manière générale, un engagement plus marqué de la société civile (dialogue social) sera également déterminant pour le succès de la démarche. Un Conseil européen de la politique alimentaire plurilatéral et à plusieurs niveaux, tel que le CESE l’a proposé dans des avis antérieurs (22), pourrait, entre autres, faciliter l’engagement de la société civile dans le suivi du code de conduite. |
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5.6. |
Jusqu’à présent, ce sont principalement des entreprises de grande taille et multinationales qui ont adhéré au code de conduite. Afin que les PME deviennent une priorité des politiques alimentaires de l’Union européenne, il convient de susciter un environnement favorable pour appuyer et faciliter leur engagement en faveur du programme des objectifs de développement durable. Alors que les grandes entreprises disposent souvent d’ores et déjà de leurs propres services chargés des questions de durabilité, il apparaît que les PME ne disposent dans de nombreux cas que de ressources et de capacités limitées pour prendre en compte la durabilité dans leurs activités. |
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5.7. |
Le CESE rappelle les conclusions de ses avis antérieurs, par lesquelles il demande d’accroître l’équité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, dont il reconnaît qu’elle fonctionne exceptionnellement bien dans toute l’Europe et permet ainsi d’assurer jour après jour l’accès des citoyens à des denrées alimentaires de qualité. Il est indispensable que les États membres appliquent rapidement la directive de l’Union sur les pratiques commerciales déloyales et d’autres mesures politiques de soutien afin de favoriser des systèmes alimentaires plus durables et résilients (23). |
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5.8. |
La Commission a récemment adopté sa feuille de route pour un cadre législatif en faveur d’un système alimentaire durable de l’Union européenne et en vue d’intégrer la durabilité à l’ensemble des politiques liées à l’alimentation (24), comme le prévoit la stratégie «De la ferme à la table». Le CESE se félicite de cette initiative qui constitue une avancée au vu du besoin manifeste d’une réglementation et d’un certain degré de normalisation et d’harmonisation pour assurer la crédibilité et des conditions équitables de concurrence; il renvoie à sa recommandation d’encourager une politique alimentaire globale de l’Union européenne. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Avis du CESE sur la «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).
(2) Avis du CESE sur le thème «Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitable» (JO C 517 du 22.12.2021, p. 38).
(3) Nouvelle initiative — Système alimentaire durable de l’UE, site de la Commission aux fins de consultation, en anglais.
(4) Avis du CESE sur le thème «Vers une stratégie de l’Union européenne pour une consommation durable» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 51).
(5) Stratégie «De la ferme à la table».
(6) Avis du CESE sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18).
(7) Code of Conduct for Responsible Business and Marketing Practices («Code de conduite pour des pratiques entrepreneuriales et commerciales responsables»), Commission européenne.
(8) Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires.
(9) Rapport du Centre commun de recherche de la Commission européenne, Modelling environmental and climate ambition in the agricultural sector with the CAPRI model («Modéliser les ambitions environnementales et climatiques dans le secteur agricole grâce au modèle CAPRI», uniquement en anglais).
(10) À titre d’exemples de bonnes pratiques en matière d’innovation l’on peut citer: Irritec Corporate, l’un des leaders mondiaux du secteur de l’irrigation intelligente; Micronizzazione Innovativa SRL, une jeune pousse innovante qui a créé un produit novateur favorisant la rétention des eaux et une croissance rapide des plantes; Igloo, une jeune pousse innovante qui s’emploie à développer de nouvelles technologies pour appuyer l’agriculture en matière d’hydroponie; ou encore Agrorobotica, qui est active dans le domaine de l’agriculture de précision.
(11) Plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire (PAEEC).
(12) Avis du CESE sur «La bioéconomie — Contribution à la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie, ainsi que des objectifs de développement durable des Nations unies» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 45).
(13) Parmi les exemples de bonnes pratiques, l’on peut citer Unilever, qui adopte une politique interne en vue de s’assurer un approvisionnement durable auprès de ses fournisseurs.
(14) «[Si] l’Union veut se doter d’une politique alimentaire globale qui soit réellement pertinente pour les consommateurs européens, il est essentiel que les denrées alimentaires produites de manière durable dans l’UE soient compétitives. Cela signifie que le secteur agroalimentaire européen doit être en mesure de fournir des denrées alimentaires aux consommateurs à des prix incluant les coûts supplémentaires pour des critères tels que la durabilité, le bien-être animal, la sécurité alimentaire et la nutrition, mais également une juste rémunération pour les agriculteurs, tout en maintenant son statut de premier choix pour la grande majorité des consommateurs». Avis sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne», paragraphe 5.8 (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18).
(15) Avis du CESE sur la «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).
(16) Avis du CESE sur la «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).
(17) Avis du CESE sur la «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).
(18) Avis du CESE sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18), et avis du CESE sur «Une stratégie alimentaire durable “de la ferme à la table”» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).
(19) https://enrd.ec.europa.eu/leader-clld_en
(20) L’expression «Grammar of Sustainability» a été forgée par M. Elliot M. Tretter dans son livre «Shadows of a Sunbelt City» (La part d’ombre d’une ville au soleil).
(21) Fixing the business of food («La mise en place de l’activité alimentaire») (en anglais).
(22) Avis du CESE sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18), et avis du CESE sur «Une stratégie alimentaire durable “de la ferme à la table”» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).
(23) Avis du CESE sur le thème «Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitables» (JO C 517 du 22.12.2021, p. 38).
(24) Nouvelle initiative — Système alimentaire durable de l’UE, site de la Commission aux fins de consultation, en anglais.
III Actes préparatoires
Comité économique et social européen
565e session plénière du CESE — Interactio, 8.12.2021-9.12.2021
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/72 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Orientations de la Commission européenne visant à renforcer le code européen de bonnes pratiques contre la désinformation»
[COM(2021) 262 final]
(2022/C 152/11)
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Rapporteur: |
Thierry LIBAERT |
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Consultation |
Commission européenne, 1.7.2021 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
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Adoption en section |
18.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
198/3/6 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît tout à la fois la qualité des orientations visant à renforcer le code européen de bonnes pratiques contre la désinformation et la détermination de la Commission européenne à améliorer de façon constante son action contre la désinformation. |
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1.2. |
Le CESE recommande à la Commission européenne de veiller en permanence pour que la lutte contre la désinformation ne puisse être un prétexte à limiter les libertés publiques et notamment la liberté d’expression. |
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1.3. |
Le CESE recommande de prioriser fortement les actions de lutte contre la désinformation en s’attaquant davantage à combattre l’émergence des désinformations plutôt qu’à la modération de leur contenu. Une attitude plus préventive et offensive est ainsi encouragée, ce qui nécessite davantage de ressources, notamment en compétences. |
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1.4. |
Le CESE se félicite de l’accent mis par la Commission sur la lutte contre la monétisation de la désinformation. Il recommande qu’à côté des engagements volontaires des acteurs de la publicité en ligne, la Commission puisse envisager un arsenal d’instruments économiques, juridiques ou financiers plus contraignants. |
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1.5. |
Le CESE recommande de poursuivre de manière incessante et déterminée les discussions avec les plateformes numériques, et plus particulièrement pour clarifier et faire progresser les méthodologies de traitement des informations. Facebook est ici particulièrement visée, notamment parce que 78 % de la population de l’UE, soit plus de 300 millions d’européens, en sont utilisateurs. |
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1.6. |
Le CESE recommande de concentrer davantage de moyens sur les petites plateformes moins connues du grand public et parfois beaucoup plus opaques en matière de circulation de l’information. |
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1.7. |
Le CESE recommande de poursuivre les efforts en matière de coordination de la lutte contre la désinformation. Le sujet a trop longtemps été cloisonné, et seule une action commune pourra être à même d’enrayer le phénomène. |
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1.8. |
Le CESE soutient l’importance d’un plan européen d’éducation aux médias, tout en observant que le sujet du contenu diffusé sur les médias est du ressort des États membres. Le fait que chacun, et notamment les plus jeunes, puisse distinguer une information vraie ou fausse est une condition indispensable de nos démocraties. |
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1.9. |
Le CESE recommande d’ouvrir largement le sujet de la lutte contre la désinformation à toutes les parties concernées et pouvant avoir un rôle dans cette lutte. C’est notamment le cas pour les chercheurs et toutes les organisations de la société civile. |
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1.10. |
Le CESE recommande de ne pas trop concentrer les actions de lutte contre la désinformation sur des contenus anglophones, et particulièrement pour les pays frontaliers de la Russie. |
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1.11. |
Ces actions doivent également veiller à l’accessibilité et à la compréhension des personnes avec handicap, notamment sensoriel, psychosocio et intellectuel, particulièrement vulnérables aux fausses informations. |
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1.12. |
Le CESE recommande une approche davantage prospective et anticipatrice afin de considérer les nouveaux modes potentiels de désinformation. Les capacités technologiques de diffusion des deep fakes ont démontré l’extrême rapidité d’émergence d’un nouveau risque. |
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1.13. |
De manière plus fondamentale, le CESE est persuadé que la désinformation est une menace pour nos démocraties et pour l’Union européenne. Mais l’accroissement de la désinformation n’est pas seulement une conséquence de la puissance des réseaux sociaux, c’est également un symptôme de défiance envers les paroles officielles. Le CESE recommande de multiplier les occasions d’échanges et de dialogues entre toutes les parties prenantes pour mieux comprendre les racines profondes de la désinformation et mieux la combattre. |
2. Observations générales
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2.1. |
La crise de la COVID-19 illustre de manière saisissante les menaces et les dangers que la désinformation représente pour nos sociétés. L’«infodémie», c’est-à-dire la diffusion rapide d’informations fausses, inexactes ou trompeuses sur la pandémie, fait peser des risques considérables sur la santé des personnes, les systèmes de santé publique, la gestion efficace des crises, l’économie et la cohésion sociale. Les débats sur la vaccination pour lutter contre la COVID-19 ont pu illustrer les conséquences parfois extrêmes de la désinformation en matière sanitaire. Malgré les efforts considérables déployés jusqu’à présent, il est urgent d’intensifier nos efforts dans le cadre de la lutte contre la désinformation (1). |
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2.2. |
En 2018, la Commission européenne communiquait sur un plan d’action sur les désinformations visant à renforcer la capacité et la coopération de l’UE dans la lutte contre la désinformation. Elle publiait également un document intitulé «Lutter contre la désinformation en ligne: une approche européenne» (2), présentant un ensemble d’outils destinés à lutter contre la désinformation et garantir la protection des valeurs de l’UE. |
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2.3. |
Dès le départ (3), l’approche de l’Union en matière de lutte contre la désinformation s’est fondée sur deux axes. D’abord celui de la protection de la liberté d’expression et des autres droits et libertés garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Dans le respect de ces droits et libertés, la stratégie de l’Union vise à rendre l’environnement en ligne et ses acteurs plus transparents et plus responsables, en renforçant la transparence des pratiques de modération des contenus, en responsabilisant les citoyens et en favorisant un débat démocratique ouvert (4). |
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2.4. |
Le deuxième axe est centré sur les menaces, notamment externes, qui peuvent saper nos démocraties, particulièrement durant les périodes électorales. La task force East Stratcom mise en place en mars 2015 s’inscrit dans cet objectif grandissant de lutte contre les opérations organisées et planifiées de désinformation institutionnelle. |
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2.5. |
Le code de bonnes pratiques contre la désinformation (5) est un instrument d’autoréglementation qui constitue une pièce maîtresse des efforts de l’Union pour travailler avec les acteurs privés pour réduire la désinformation numérique. Il est en vigueur depuis octobre 2018 et ses signataires comprennent désormais les principales plateformes en ligne actives dans l’Union ainsi que, entre autres, les grandes associations professionnelles représentant le secteur européen de la publicité. |
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2.6. |
Le code des bonnes pratiques publié en 2018 a permis plusieurs avancées non négligeables. Une des plus utiles s’est traduite au début de la pandémie de COVID-19 en conduisant les plateformes en ligne à donner davantage de visibilité aux informations provenant de sources fiables. Il a aussi sensibilisé les émetteurs de fausses informations par des avertissements spécifiques. La communication de la Commission sur la lutte contre la désinformation sur la COVID-19 a également établi un programme de surveillance et de rapport sur les actions des signataires des plateformes pour lutter contre la désinformation sur la COVID-19. |
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2.7. |
Cependant, l’évaluation du code de bonnes pratiques par la Commission en 2020 (6) a révélé des lacunes importantes, notamment une application incohérente et incomplète du code sur les plateformes, et dans les États membres, des limites intrinsèques au caractère autorégulateur du code, ainsi que des lacunes dans la couverture des engagements du code. |
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2.8. |
En 2020, la Commission présentait un plan d’action pour les démocraties européennes (EDAP) qui définit des mesures supplémentaires pour lutter contre la désinformation, y compris concernant les obligations et les responsabilités des plateformes en ligne dans la lutte contre la désinformation. |
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2.9. |
Elle mettait ensuite en œuvre un programme de suivi et de rapport COVID-19, puis après avoir mis en place (en juin 2020) l’Observatoire européen des médias numériques (EDMO), la Commission lançait un appel à projets afin de mieux connaître les acteurs, les outils, les cibles et les méthodes à l’œuvre dans les pratiques de désinformation. |
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2.10. |
Afin d’intensifier la lutte contre la désinformation, la législation sur les services numériques (7) proposée par la Commission définit un cadre de corégulation par l’intermédiaire de codes de conduite pour faire face aux risques systémiques liés à la désinformation. |
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2.11. |
Le 3 juin 2021, la Cour des comptes européenne (8) a estimé insuffisante la stratégie de l’Union européenne sans toutefois prendre en compte le plan d’action renforcé du 26 mai 2021. Elle a estimé que si le plan de la Commission européenne a été bien conçu, il demeure incomplet notamment en ce qui concerne le dispositif d’alerte et les obligations des plateformes en ligne. |
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2.12. |
Le 29 juillet 2021, la Commission européenne et les plateformes numériques signataires du code européen des bonnes pratiques sur la désinformation ont lancé un appel conjoint invitant davantage d’acteurs à adhérer à ce code. |
3. Propositions de la Commission
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3.1. |
La Commission européenne améliore de manière constante sa stratégie en matière de lutte contre la désinformation. Le nouveau guide sur le renforcement des actions contient plusieurs perspectives de renforcement qu’il convient de souligner. |
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3.2. |
Le guide sur le renforcement des actions de lutte contre la désinformation se fonde sur l’expérience acquise jusqu’à présent par la Commission concernant le suivi et l’évaluation du code et sur le rapport de la Commission sur les élections de 2019. Il contribue également à la réponse de la Commission aux conclusions du Conseil européen de décembre 2020. Afin de recueillir des contributions pour le guide, la Commission a organisé des discussions multipartites ainsi qu’un atelier destiné aux États membres. |
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3.3. |
Le guide fait état de la nécessité d’améliorer la qualité et le niveau de détail du reporting effectué par les États de l’Union européenne. |
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3.4. |
Le guide indique que le pilotage de la lutte contre la désinformation ne peut s’opérer en l’absence d’indicateurs de mesure. |
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3.5. |
Le guide reconnaît que la vérification des informations ne fait pas l’objet d’un partage d’informations suffisant entre les États de l’UE. Des informations reconnues comme fausses dans un État peuvent ainsi circuler dans un autre pays. |
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3.6. |
Le guide observe que la lutte contre la désinformation doit s’accélérer sur la monétisation de la désinformation au travers des choix de placements publicitaires sur l’espace numérique, Google Ads notamment. |
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3.7. |
Le code insiste particulièrement sur le sujet de la publicité politique. L’identité de l’émetteur de la publicité politique est trop souvent opaque et il est nécessaire d’améliorer la transparence des publicités diffusées. Cela va dans le sens des propositions de la législation sur les services numériques (9) (article 30). Une nouvelle législation pour davantage de transparence en matière de publicité politique sera proposée par la Commission. |
4. Observations particulières
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4.1. |
Le CESE se félicite de la qualité du travail de la Commission européenne en matière de lutte contre la désinformation, et notamment du renforcement progressif de son action. |
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4.2. |
Le CESE note que la lutte contre la désinformation doit toujours s’effectuer en tenant compte de l’impératif lié à la protection de la liberté d’expression. |
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4.3. |
Une structuration des discussions entre l’ensemble des parties prenantes est désormais enclenchée, notamment par un large appel aux académiques. Le CESE reconnaît que l’accent mis sur le secteur de la publicité en ligne était une nécessité aujourd’hui prise en considération. |
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4.4. |
Le reproche essentiel que le CESE adresse sur le guide de renforcement du code sur les pratiques de désinformation porte sur le fait que celui-ci se focalise trop sur les contenus et leur modération et pas assez sur les acteurs de propagation. Les contenus se modifient en permanence, les plateformes utilisées évoluent, mais les acteurs principaux restent fondamentalement les mêmes et les motivations ne changent pas. L’approche doit être davantage préventive que curative, la Commission doit privilégier un travail sur les causes plutôt que sur les conséquences. |
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4.5. |
Derrière l’image de quelques idéologues, sectes ou personnes fanatiques, il existe un vrai business extrêmement rentable de la désinformation. Sans le savoir, les entreprises européennes dépensent plus de 400 millions d’euros sur des sites de désinformation (10). Comme il est reconnu que les sources majeures de la désinformation poursuivent des objectifs financiers, notamment par un référencement permettant de récupérer d’importantes sommes d’argent émanant de la publicité en ligne, mais aussi par des statuts spécifiques permettant de prétendre à des subsides publics, la Commission devrait encourager un arsenal d’outils économiques et financiers permettant de lutter contre la désinformation dès son origine. |
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4.6. |
Le CESE constate que de nombreuses plateformes ne publient pas assez leur méthodologie de traitement de la désinformation et que cela pénalise l’ensemble des acteurs européens dans leur lutte contre les pratiques de désinformation. À l’inverse, le CESE se félicite de constater que certaines plateformes (YouTube) semblent avoir pris le problème au sérieux. |
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4.7. |
La puissance des principales plateformes (Facebook, Twitter) ne doit pas dissimuler que la désinformation la plus efficace se concentre sur des outils moins connus du grand public comme VKontakte, Rumble, Odysee, Gab, Parler. Ces plateformes plus petites possèdent des audiences plus faibles mais peuvent plus facilement cibler des groupes spécifiques par région, âge ou tout autre paramètre. Ces plateformes ne disposent pas non plus de moyens financiers capables de lutter contre la désinformation qu’elles propagent ou n’en voient pas l’intérêt, s’abritant derrière la liberté d’expression. La désinformation provient souvent de plateformes plus confidentielles avant d’atteindre rapidement une plus large audience (11). |
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4.8. |
Le CESE considère que l’action européenne est trop cloisonnée et manque de coordination. Les structures apparaissent trop séparées, notamment pour les deux entités principales EDMO et European Stratcom. La mise en place du groupe de travail permanent associant le groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA) devrait faciliter les échanges. Le CESE craint toutefois que ses moyens d’action ne soient trop faibles comparativement à l’ampleur des phénomènes. |
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4.9. |
Une meilleure coopération entre les États membres est urgente. En même temps, l’UE doit tenir compte du fait que la liberté des médias, qui est inséparable de la liberté d’expression, est actuellement en danger dans plusieurs États membres. Il en va de même pour leurs systèmes judiciaires. Ceci doit avoir un impact négatif sur la capacité de ces pays à gérer une coopération fructueuse, par exemple dans le domaine du fact checking et en accord avec les valeurs de l’Union et plus précisément les principes de l’état de droit. Tout effort visant à lutter contre la désinformation peut avoir des conséquences très importantes en ce qui concerne les droits fondamentaux, qui doivent être garantis et défendus dans tous les États membres. |
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4.10. |
L’Union européenne doit se doter de plus de compétences pour pouvoir lutter effectivement contre la désinformation qui est répandue systématiquement par des pouvoirs hostiles souvent régis par des gouvernements de certains pays tiers, parmi lesquels on note surtout la Russie, mais aussi la Chine. Pour répondre à cette menace, il ne suffira pas de travailler sur des codes de conduite. Les autorités nationales ont besoin de plus de soutien de la part des services de renseignement et il serait judicieux pour les gouvernements de partager leur savoir tout en tenant compte des problèmes de certains États membres mentionnés ci-dessus. |
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4.11. |
Ces actions doivent également veiller à l’accessibilité et à la compréhension des personnes avec handicap, notamment sensoriel, psychosocio et intellectuel, particulièrement vulnérables aux fausses informations. |
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4.12. |
La société civile apparaît trop peu sollicitée. L’essentiel des interlocuteurs cités par la Commission comme pouvant agir se concentre sur les plateformes, les médias, les chercheurs et les fact checkers. Les entreprises, notamment parce qu’elles peuvent perdre beaucoup d’argent ou leur réputation suite à des pratiques de désinformation, les organisations syndicales et les associations doivent pouvoir se voir reconnaître un rôle majeur dans la lutte contre la désinformation. Les organisations de la société civile disposent d’un capital de légitimité important qui peut être mobilisé pour lutter contre la désinformation. |
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4.13. |
Le CESE observe que l’essentiel de la lutte contre la désinformation s’effectue sur des contenus anglophones. Ceci s’explique notamment par le fait que la plupart des plateformes sont d’origine anglo-saxonne. Alors que certains États apparaissent fortement concernés (République tchèque, Pologne, pays baltes), un renforcement de l’action sur les contenus non anglophones est souhaité. |
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4.14. |
Globalement, une action davantage préventive et anticipatrice est préconisée par le CESE. Parce que de nouveaux réseaux apparaissent en permanence (Clubhouse), parce que la désinformation utilise des moyens de plus en plus sophistiqués (deep fakes), parce que certaines applications se situent à la frontière entre plateforme et messagerie privée (Telegram), l’action engagée doit intervenir dès la détection d’un nouveau type de risques. |
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4.15. |
Comme le déplorait la Cour des comptes européenne dans son rapport du 3 juin 2021, il manque encore au niveau de l’UE un plan d’éducation aux médias permettant à la société civile de mieux décrypter les informations, qu’elles soient diffusées par les médias traditionnels ou en ligne. Ce plan, qui est du ressort de la compétence des États, doit être mis en pratique dès le plus jeune âge afin que les plus jeunes puissent très vite être en capacité de distinguer le vrai du faux parmi les informations qu’ils reçoivent. |
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4.16. |
Le CESE observe que, trop souvent, de nombreux médias notamment audiovisuels acceptent sur leurs plateaux des personnalités se réclamant d’une expertise scientifique pour mieux crédibiliser leurs propos. Une plus forte vérification de la réalité des compétences académiques des personnes invitées à s’exprimer à titre d’expert dans les médias est particulièrement recommandée. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Communication conjointe «Lutter contre la désinformation concernant la COVID-19 — Démêler le vrai du faux» [JOIN(2020) 8 final].
(2) Communication «Lutter contre la désinformation en ligne: une approche européenne» [COM(2018) 236 final].
(3) Plan d’action contre la désinformation [JOIN(2018) 36 final].
(4) Si les conditions générales des plateformes en ligne peuvent aussi couvrir les contenus préjudiciables mais non illicites, lorsque la désinformation constitue un contenu illicite (par exemple, les discours haineux ou les contenus à caractère terroriste), les recours législatifs pertinents s’appliquent.
(5) https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/code-practice-disinformation
(6) SWD(2020) 180 final.
(7) COM(2020) 825 final.
(8) Cour des comptes européenne, rapport spécial no 9/2021, «La désinformation concernant l’UE: un phénomène sous surveillance mais pas sous contrôle» (JO C 215 du 7.6.2021, p. 6).
(9) COM(2020) 825 final. Commission européenne. «Proposition de règlement relatif à un marché intérieur des services numériques», 15 décembre 2020.
(10) Claudia Cohen, «Des marques financent, malgré elles, la désinformation», Le Figaro, 5 août 2021.
(11) Institute for public relations, «Combating foreign disinformation on social media», Rand corporation, 28 juillet 2021.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/77 |
Avis du Comité économique et social européen sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Rapport sur la politique de concurrence 2020»
[COM(2021) 373 final]
(2022/C 152/12)
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Rapporteur: |
Giuseppe GUERINI |
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Consultation |
Commission européenne, 28.10.2021 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
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Adoption en section |
18.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
225/0/7 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE souligne qu’il importe d’adapter et de repenser la politique de concurrence de l’UE pour l’adapter aux mutations rapides que nous connaissons actuellement sur le plan social et économique. Il est impératif de moderniser en permanence le cadre réglementaire et les priorités en matière d’application afin qu’ils soient constamment en phase avec la réalité du moment. |
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1.2. |
Le CESE se félicite du fait que, grâce à la souplesse dont a fait preuve la Commission en matière d’aides d’États, l’économie européenne a été en mesure de faire face à la crise de la COVID-19 grâce au soutien important qu’ont pu leur accorder les pouvoirs publics nationaux. |
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1.3. |
Le CESE estime que la Commission est parvenue à trouver un compromis vertueux entre l’urgence inédite d’assouplir les règles en matière d’aides d’État et la nécessité de garantir dans le même temps une réglementation minimale et un contrôle général de la part de ses services, afin de limiter les inégalités excessives au sein du marché intérieur étant donné que tous les États membres ne disposaient pas de la même capacité à soutenir leur économie nationale. |
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1.4. |
S’agissant de la relation entre les règles antitrust (article 101 du TFUE) et la crise pandémique, le CESE se félicite que la Commission ait rapidement adopté une communication visant à promouvoir les projets de coopération entre entreprises qui ont pour but de réduire la pénurie de produits et de services essentiels pendant la pandémie. Il s’agit là d’un exemple d’adaptation rapide et utile des lignes directrices de la Commission sur les accords de coopération horizontale en fonction du contexte social, économique et sanitaire spécifique qui a vu le jour en 2020. |
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1.5. |
Le CESE se félicite également que le réseau européen de la concurrence (REC), qui coordonne les actions des autorités nationales de concurrence et de la DG COMP, ait été en mesure de publier une position commune sur l’application des règles de concurrence pendant la crise sanitaire liée à la COVID-19, dans le but d’éviter d’éventuels comportements opportunistes et abusifs particulièrement préjudiciables en temps de crise. |
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1.6. |
Le CESE considère les propositions législatives de la Commission relatives à la concurrence sur les marchés numériques très utiles pour l’élaboration de règles harmonisées permettant de gagner la confiance des citoyens, des consommateurs et des PME (en particulier les microentreprises) en ce qui concerne, d’une part, une protection adéquate de la structure concurrentielle des marchés et, d’autre part, la protection des données à caractère personnel. Ces données et leur utilisation doivent se comprendre dans une double acception: elles ont trait à la protection des personnes et de leurs libertés tout en étant des facteurs concurrentiels revêtant une importance stratégique cruciale. |
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1.7. |
Le CESE se félicite que la Commission ait l’intention de clarifier la question de savoir si les règles de concurrence s’appliquent ou non aux négociations collectives menées par des prestataires de services opérant dans le secteur de l’économie numérique et des plateformes, qui ne rentrent pas toujours dans les catégories d’emploi traditionnellement prévues par le droit du travail. Cette clarification est nécessaire afin d’éviter que l’application du droit de la concurrence n’entraîne d’éventuels effets négatifs pour les prestataires de services. |
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1.8. |
Se référant à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Tercas, le CESE souligne que les régimes de garantie des établissements bancaires financés par des fonds privés qui ne sont pas soumis à l’influence dominante de l’État doivent être considérés comme exemptés des règles de l’UE en matière d’aides d’État, dans la mesure où ces régimes de garantie ne constituent pas une intervention de l’État dans l’économie, mais sont plutôt la manifestation d’un mécanisme privé de solidarité mutuelle entre établissements de crédit au moyen de fonds privés et non de ressources d’État. |
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1.9. |
Le CESE espère que la Commission pourra coordonner sa politique de concurrence avec d’autres politiques présentant un intérêt stratégique pour les entreprises européennes, telles que les politiques commerciales internationales. Il s’agirait là d’une évolution positive, étant donné que les entreprises de pays tiers bénéficient souvent d’avantages concurrentiels par rapport aux entreprises européennes, découlant de subventions publiques déloyales et de l’adoption de modèles de production incompatibles avec les valeurs et principes consacrés par les traités et la législation de l’UE. |
2. Introduction
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2.1. |
Le cinquantième rapport annuel de la Commission européenne sur la politique de concurrence, qui couvre l’année 2020, met fortement l’accent sur les mesures qui ont été prises pour atténuer l’impact social et économique de la pandémie mondiale de COVID-19. |
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2.2. |
Le document à l’examen constitue le premier rapport sur la politique de concurrence publié non seulement depuis le renouvellement du Parlement européen et le retrait du Royaume-Uni, mais aussi depuis le début du mandat de la Commission présidée par Mme von der Leyen. |
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2.3. |
Au fil des ans, l’application des règles de concurrence de l’UE a contribué de manière décisive à la mise en place d’une économie sociale de marché au sens des traités fondateurs de l’UE, c’est-à-dire une économie qui soit capable de conjuguer les valeurs européennes de croissance et de compétitivité avec celles, tout aussi importantes, d’équité et de solidarité au sein d’un marché unique à la fois compétitif et inclusif. |
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2.4. |
Les changements rapides et inattendus qui se sont produits ces dernières années dans les domaines sanitaire, social, technologique et économique soulignent à quel point il importe de disposer d’une politique de concurrence capable d’évoluer et de s’adapter constamment aux mutations en cours ainsi que de moderniser le cadre réglementaire et les priorités en matière d’application afin qu’ils soient constamment en phase avec la réalité du moment. |
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2.5. |
L’année 2020 a été marquée par l’une des crises mondiales les plus graves de l’histoire, et on observe aujourd’hui que l’intervention et la capacité de réaction de l’UE ont permis aux entreprises et aux citoyens européens de faire face à une crise sans précédent grâce au soutien important qu’ont pu leur accorder les pouvoirs publics nationaux, la Commission européenne ayant fait preuve de souplesse en matière d’aides d’États. La politique de concurrence a donc fait preuve d’une capacité d’adaptation remarquable à des circonstances imprévues et extrêmes. |
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2.6. |
L’UE est en outre parvenue à mettre en place un plan de ressources capable de stimuler les économies nationales et de les orienter vers une reprise solide et propice au rétablissement de la confiance sur les marchés, en combinant l’injection de ressources à destination des États avec une surveillance étroite et attentive à éviter toute distorsion excessive du marché et tout effet délétère sur l’économie. |
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2.7. |
Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite du renforcement de l’application des règles sur les ententes et les abus de position dominante qui est annoncé dans le rapport de la Commission et qui fait suite à l’adoption de la directive de 2014 dans ce domaine. Cette approche permettra de maintenir une politique de concurrence efficace et réactive à l’avenir également. |
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2.8. |
Le CESE se réjouit par ailleurs que la Commission soit en train d’évaluer la possibilité d’adapter les règles en matière d’aides d’État applicables aux services d’intérêt économique général (SIEG) en accordant une attention particulière aux services sociaux et de santé, lesquels sont essentiels pour la cohésion sociale à l’échelon territorial. |
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2.9. |
Le CESE espère que la Commission pourra coordonner sa politique de concurrence et l’application des règles en matière d’aides d’État avec d’autres politiques ayant une incidence sur les entreprises européennes, telles que les politiques commerciales internationales. De telles synergies pourraient être particulièrement utiles, étant donné que les entreprises de pays tiers bénéficient souvent d’avantages concurrentiels par rapport aux entreprises européennes, découlant de subventions publiques déloyales et de modèles de production incompatibles avec les valeurs et principes de durabilité figurant dans les traités. |
3. Politique de concurrence et crise pandémique
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3.1. |
Le CESE salue la flexibilité affichée par la Commission européenne s’agissant des règles en matière d’aides d’État dans le contexte de la flambée de COVID-19, avec l’adoption, en mars 2020, d’un cadre temporaire en la matière, qui a été mis à jour à cinq reprises jusqu’en janvier 2021 pour tenir compte de l’évolution de la crise pandémique. |
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3.2. |
Le CESE se félicite que la Commission ait surtout précisé quelles mesures pourraient être prises sans notification préalable sur la base des règles actuelles tout en mettant en œuvre un cadre réglementaire temporaire et flexible, qui a permis d’octroyer des aides d’État sans précédent dans un cadre procédural simplifié. |
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3.3. |
En vertu de ce cadre juridique, la direction générale de la concurrence (DG COMP) de la Commission a autorisé un nombre impressionnant de mesures d’aides nationales à très brève échéance, comme l’exigeait l’urgence pandémique, faisant ainsi preuve d’une capacité opérationnelle extraordinaire. |
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3.4. |
Le CESE estime que la Commission est parvenue à trouver un compromis vertueux entre l’urgence inédite d’assouplir les règles en matière d’aides d’État et la nécessité de garantir dans le même temps une réglementation minimale et un contrôle général de la part de ses services, et ce, afin de limiter les inégalités excessives au sein du marché intérieur étant donné que tous les États membres ne disposaient pas de la même capacité à soutenir leur économie nationale. |
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3.5. |
La diversité des mesures d’aide aux entreprises régies par le cadre temporaire — y compris, entre autres, les aides directes, les garanties publiques sur les crédits bancaires, les prêts bonifiés et les participations dans le capital des entreprises — et le montant considérable des plafonds d’aide autorisés, en particulier après la dernière modification apportée par la Commission audit cadre en janvier 2021, se sont avérées utiles pour faire face à la crise et ont mis en évidence l’important saut de qualité effectué par rapport au cadre temporaire précédent, qui avait été adopté à la suite de la crise financière de 2008. |
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3.6. |
S’agissant de la relation entre intervention publique dans l’économie et règles en matière d’aides d’État, le CESE souligne le rôle important que pourront aussi jouer les règles de concurrence s’agissant de l’application correcte et sans effet de distorsion des plans nationaux pour la reprise et la résilience que les États membres seront appelés à mettre en œuvre en utilisant les ressources européennes mises à leur disposition. |
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3.7. |
S’agissant de la relation entre les règles antitrust prévues à l’article 101 du TFUE et la crise pandémique, le CESE se félicite que la Commission ait rapidement adopté une communication visant à promouvoir les projets de coopération entre entreprises qui ont pour but de réduire la pénurie de produits et de services essentiels pendant la pandémie, en adaptant ses lignes directrices traditionnelles sur les accords de coopération horizontale au contexte social, économique et sanitaire spécifique de 2020. |
|
3.8. |
Par ailleurs, le CESE considère que les règlements d’exécution approuvés par la Commission en avril 2020, qui visent à assouplir temporairement l’application des règles de concurrence dans les secteurs agricoles les plus touchés par la pandémie de COVID-19, sont particulièrement utiles. Ils ont en effet permis aux agriculteurs et à leurs organisations interprofessionnelles de prendre des mesures collectives provisoires pour stabiliser certains secteurs de l’agriculture. |
|
3.9. |
Le rapport sur la politique de concurrence 2020 décrit en outre les activités menées dans le cadre du contrôle des concentrations, la Commission ayant reçu 361 notifications et adopté 352 décisions, lesquelles ont donné lieu à une intervention approfondie de sa part dans 18 cas. 76 % de l’ensemble des opérations notifiées en 2020 ont par conséquent été autorisées dans le cadre de la procédure simplifiée en «phase I», ce qui révèle un fonctionnement efficace des règles de procédure, dont il faut tout particulièrement se réjouir dans la perspective de la reprise des activités de fusions et acquisitions à l’échelle mondiale, favorisée par le volume considérable de liquidités actuellement en circulation. |
|
3.10. |
Enfin, le CESE juge déterminant que le réseau européen de la concurrence (REC), qui coordonne les actions des autorités nationales de concurrence et de la DG COMP, ait été en mesure de publier une position commune forte sur l’application des règles de concurrence pendant la crise sanitaire liée à la COVID-19, dans le but d’éviter d’éventuels comportements opportunistes et abusifs particulièrement répréhensibles et préjudiciables en temps de crise. |
4. Transition numérique et concurrence
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4.1. |
La transition numérique et le développement de l’économie des nouvelles technologies de l’information et de la communication soulèvent des questions inédites et essentielles du point de vue de la concurrence. C’est la raison pour laquelle le CESE considère qu’il importe que les institutions européennes prennent des mesures appropriées dans ce domaine. |
|
4.2. |
Le CESE a déjà eu l’occasion de se prononcer dans de précédents avis sur les trois grandes propositions législatives adoptées par la Commission qui visent à réglementer l’économie numérique: la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (législation sur les marchés numériques) (1), la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un marché unique des services numériques (législation sur les services numériques) (2) et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la gouvernance européenne des données (acte sur la gouvernance des données) (3). |
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4.3. |
Dans ces trois avis, le CESE considère que l’Union européenne doit absolument se doter de règles harmonisées permettant de gagner la confiance des citoyens, des consommateurs et des PME (en particulier les microentreprises) en ce qui concerne, d’une part, une protection adéquate de la structure concurrentielle des marchés et, d’autre part, la protection des données à caractère personnel. Ces données et leur utilisation doivent en réalité se comprendre dans une double acception puisqu’elles ont trait à la protection des personnes et de leurs libertés tout en étant des facteurs concurrentiels revêtant une importance stratégique cruciale. |
|
4.4. |
À cet égard, il est essentiel de disposer de marchés suffisamment concurrentiels et effectivement contestables afin d’empêcher certaines plateformes numériques d’abuser de leur position de force sur le marché et d’agir comme des «contrôleurs d’accès», le but étant de permettre l’essor de nouvelles entreprises numériques au bénéfice de l’innovation, de la croissance et, en fin de compte, du bien-être des consommateurs. |
|
4.5. |
Le CESE estime que les propositions législatives présentées par la Commission en 2020 sont une bonne base pour élaborer un cadre législatif, lequel devra être amélioré au fil des ans en adaptant constamment la réglementation du secteur et les règles de concurrence à la structure des marchés que façonne progressivement le développement de l’économie numérique. |
|
4.6. |
Dans ce contexte, il est indispensable de garantir des conditions équitables en matière d’accès et de capacité concurrentielle pour les différents acteurs qui opèrent sur les marchés numériques. L’objectif est d’améliorer le fonctionnement du marché unique mais aussi d’éviter les distorsions de concurrence afin de protéger les consommateurs et les entreprises européennes, tout en prenant dûment et davantage en compte les implications sociales du cadre réglementaire applicable à l’économie numérique. |
|
4.7. |
Dans cette optique, le CESE se félicite plus particulièrement du passage du rapport de la Commission selon lequel «l’économie sociale de marché, qui constitue un des fondements sur lesquels repose l’Union européenne, est sous-tendue par la politique de concurrence de l’Union. Pour que citoyens et entreprises prospèrent, il faut une économie qui soit à leur service.» Le Comité demande que ce principe soit également appliqué lors de l’analyse et de l’évaluation qui accompagne la mise en œuvre de la politique de concurrence. |
5. Concurrence et négociations collectives
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5.1. |
Le développement de l’économie et des plateformes numériques a d’importantes répercussions, non seulement sur la structure des marchés, mais aussi sur les contextes et les méthodes de travail, et crée de nouvelles possibilités d’emploi et de développement. Par ailleurs, il est notoire qu’il pose également un certain nombre de problèmes liés aux conditions de travail des prestataires de services, qui pourraient tirer parti de la possibilité de s’organiser et d’agir collectivement. |
|
5.2. |
Aussi le CESE se félicite-t-il que la Commission européenne ait l’intention de clarifier de manière efficace la question de savoir si les règles de concurrence s’appliquent ou non aux négociations collectives menées par des prestataires de services opérant dans le secteur de l’économie numérique et des plateformes, qui ne rentrent pas toujours dans les catégories d’emploi traditionnellement prévues par le droit du travail. |
|
5.3. |
Bien que la jurisprudence de la Cour de justice ait depuis longtemps précisé que les règles de concurrence ne s’appliquaient pas aux négociations collectives entre salariés et entreprises, il subsiste toutefois un certain nombre d’incertitudes quant à la question de savoir «si» et «dans quelle mesure» les règles de concurrence s’appliquent aux négociations collectives impliquant des prestataires de services indépendants. |
|
5.4. |
Il est dès lors utile de renforcer la sécurité juridique et la prévisibilité dans ce domaine, afin de lever les incertitudes réglementaires susceptibles d’être source d’inefficacité et d’accroître les coûts de mise en conformité, tout en tenant compte de l’intérêt des prestataires de services à s’organiser efficacement afin d’obtenir de meilleures conditions et une protection accrue pour mener leurs activités. |
6. Concurrence et objectifs climatiques et environnementaux
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6.1. |
Il sera difficile de poursuivre l’ambitieux programme de l’UE en matière de lutte contre le changement climatique et le programme stratégique promu par le pacte vert pour l’Europe sans une adaptation adéquate des politiques de concurrence, en particulier des règles relatives aux aides d’État, aux programmes d’incitation et au financement de l’innovation verte. |
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6.2. |
La politique de concurrence peut dès lors contribuer activement à la réalisation des objectifs climatiques et environnementaux de l’UE. Dans son rapport, la Commission donne des informations détaillées sur les activités qu’elle a menées plus particulièrement dans le domaine du contrôle des aides d’État, indiquant qu’elle a évalué et autorisé des mesures publiques visant à promouvoir l’économie circulaire, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, une démarche que le CESE salue et soutient. |
|
6.3. |
Le CESE accueille favorablement cette approche, tout en recommandant que l’évaluation des différentes mesures tienne compte de leur impact social. En effet, investir dans l’économie circulaire et les énergies renouvelables est souvent l’occasion de créer de nouveaux emplois, y compris au moyen d’instruments permettant d’inclure les groupes les plus fragiles et vulnérables de la société. |
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6.4. |
S’agissant des énergies renouvelables, le CESE souhaite attirer l’attention sur le rôle joué par les communautés énergétiques et les communautés d’énergie renouvelable promues par les directives sectorielles européennes qui, au travers de la création de réseaux horizontaux, souvent sous une forme coopérative, favorisent la participation directe des citoyens à la production et au partage de l’énergie produite notamment à partir de sources renouvelables. |
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6.5. |
Le CESE considère que leur participation est utile pour élargir la palette des acteurs qui ont accès aux marchés de l’énergie, et qu’elle remplit une double fonction puisqu’elle permet d’assurer la pluralité des entreprises et d’accroître la concurrence sur les marchés de l’énergie et des énergies renouvelables. |
7. Concurrence et secteur bancaire
|
7.1. |
Le rapport sur la concurrence de 2020 constate qu’il n’y a pas eu de nouvelles affaires concernant des aides d’État aux banques et établissements financiers. La Commission souligne également qu’elle a prorogé des régimes d’aide nationaux qui existaient déjà et en vertu desquels les États membres peuvent, le cas échéant, intervenir pour faciliter la gestion ordonnée de difficultés ou de crises auxquelles seraient confrontés des établissements de crédit de petite taille. |
|
7.2. |
Le CESE rappelle l’importance que revêtent les banques locales et régionales, qui garantissent la biodiversité des entreprises dans le secteur bancaire et sont des acteurs du marché proches des ménages et des entreprises dans les territoires périphériques, et se félicite de la prorogation des dispositifs mis en place par la Commission au cas où il serait nécessaire d’aider des banques de toutes tailles à sortir du marché en bonne et due forme afin de protéger les épargnants et de conserver la confiance dans le cadre économique et financier. |
|
7.3. |
Se référant à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Tercas, qui a confirmé l’arrêt rendu en première instance en arrêtant des conclusions similaires, le CESE souligne que les régimes de garantie des établissements bancaires financés par des fonds privés qui ne sont pas soumis à l’influence dominante de l’État doivent être considérés comme exemptés des règles de l’UE en matière d’aides d’État. |
|
7.4. |
Ces systèmes de garantie ne constituent pas une intervention de l’État dans l’économie, mais sont plutôt la manifestation d’un mécanisme privé de solidarité mutuelle entre établissements de crédit et d’auto-organisation au moyen de leurs propres ressources, qui a pour visée de maintenir la confiance des déposants et des épargnants dans le système bancaire, notamment en cas de crises spécifiques. |
8. Concurrence et régimes fiscaux
|
8.1. |
La suite qui a été donnée aux différents litiges que la Commission européenne a portés devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant des avantages fiscaux sélectifs et des rescrits fiscaux nationaux considérés initialement comme non conformes à l’article 107 du TFUE met en exergue la volonté de la Commission de veiller à ce que les règles fiscales soient effectivement harmonisées en Europe au moyen de tous les instruments dont elle dispose, y compris les décisions d’exécution des règles en matière d’aides d’État, ce dont le CESE se félicite. |
|
8.2. |
Toutefois, les prononcés variables dont ces décisions ont fait l’objet devant les juridictions européennes souligne la nécessité de rendre les règles fiscales plus concrètes et homogènes en Europe en mettant en œuvre le plan d’action pertinent approuvé dans ce domaine par la Commission au début de 2021 et, partant, en adoptant des initiatives législatives appropriées en matière de fiscalité afin de protéger le marché intérieur et sa consolidation. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) JO C 286 du 16.7.2021, p. 64.
|
6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/82 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/53/UE relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’équipements radioélectriques
[COM(2021) 547 final — 2021/0291 (COD)]
(2022/C 152/13)
|
Rapporteur: |
Christophe LEFÈVRE |
|
Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 30.9.2021 Parlement européen, 4.10.2021 |
|
Base juridique |
Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
|
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
|
Adoption en section |
18.11.2021 |
|
Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
|
Session plénière no |
565 |
|
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
231/0/6 |
1. Conclusions et recommandations
|
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) a pris connaissance de la proposition de la Commission d’agir de façon accélérée pour imposer la norme USB-C, un standard cohérent et uniforme de prises pour chargeur pour téléphones mobiles et appareils analogues. |
|
1.2. |
Depuis 2009, et encore récemment depuis 2014, les récentes initiatives volontaires ne répondent pas pleinement aux objectifs de l’Union européenne visant à réduire les déchets électroniques, à rendre plus facile l’utilisation pour les consommateurs et à éviter la fragmentation du marché des dispositifs de recharge. On évaluait encore à 11 000 tonnes de déchets électroniques le nombre de chargeurs ainsi abandonnés en 2018. |
|
1.3. |
Le Parlement européen a notamment voté une résolution en janvier 2020 (1), visant à élaborer une législation plus contraignante avec laquelle le CESE est totalement en accord. |
|
1.4. |
Le CESE appuie totalement le projet de directive de la Commission européenne, sollicitée en ce sens par le Parlement européen. |
|
1.5. |
Le CESE souhaite aller plus loin que le projet de la Commission européenne en recommandant d’étendre cette obligation pour les chargeurs pour téléphones mobiles et appareils analogues à l’ensemble des appareils radioélectriques, électroniques, connectés, rechargeables et également pour les chargeurs d’ordinateurs portables: il s’agit aussi de pouvoir recharger un appareil mobile avec un chargeur d’ordinateur de type USB-C de 65 W au lieu de 2,1 W, et d’éviter le transport de plusieurs chargeurs différents pour les personnes en déplacement. |
|
1.6. |
Le CESE a constaté que de plus en plus, des prises USB de faible puissance (2,1 W) dédiées au chargement d’appareils mobiles sont mises à disposition des usagers avec ou sans câbles dans les bus, les avions, centres commerciaux, salles de conférence et autres lieux de passage. Ils sont parfois d’une puissance insuffisante pour recharger certains appareils pourtant visés par la directive. |
|
1.7. |
Afin de favoriser un rechargement rapide et de favoriser le prêt de câble USB-C entre utilisateurs sur un court trajet ou un temps réduit, le CESE propose de recommander d’équiper à l’avenir ces emplacements avec des chargeurs ultra-rapides. Ceci correspond à un des besoins exprimés dans une des enquêtes de la Commission européenne. |
|
1.8. |
Le CESE constate que les batteries peuvent avoir une durée de vie limitée par rapport au reste de l’appareil. Il recommande que les batteries utilisables dans les ordinateurs, tablettes ou téléphones mobiles convergent en matière de normes, de façon à permettre leur remplacement plutôt qu’entraîner un achat de l’appareil entier en cas de dysfonctionnement prématuré de la batterie. |
|
1.9. |
Le CESE souhaite insister sur la responsabilité des fabricants d’appareils électroniques en matière de développement durable en demandant que ceux-ci veillent à ce que le coût du remplacement de la batterie soit faible, et à ce que la faisabilité technique dissuade de devoir remplacer l’ensemble de l’appareil électronique alors que seule la batterie serait à remplacer. |
|
1.10. |
Le CESE invite la Commission à recommander aux fabricants de ne pas chercher à contourner la législation par des changements de voltage ou d’ampérage qui nécessiteraient d’utiliser le chargeur de la marque, rendant inopérant les objectifs de la directive. |
|
1.11. |
Le CESE recommande à la Commission et au Parlement européen d’assurer une large communication d’information auprès du grand public dès la fin du processus législatif, afin d’informer les consommateurs et de les encourager à n’acquérir à l’avenir que des appareils équipés d’une interface USB-C. |
2. Contexte de l’avis
|
2.1. |
Depuis 2009, la Commission cherche à limiter la fragmentation du marché des interfaces de charge pour téléphones mobiles et appareils analogues. Cependant, ces initiatives n’ont donné lieu qu’à des dispositifs volontaires (2) qui ne sont pas juridiquement contraignants et qui ne garantissent donc pas une application cohérente et uniforme. |
|
2.2. |
Les récentes initiatives volontaires ne répondent pas pleinement aux objectifs de l’action de l’Union visant à réduire les déchets électroniques, à garantir la commodité pour les consommateurs et à éviter la fragmentation du marché des dispositifs de recharge. |
|
2.3. |
L’absence d’harmonisation en la matière peut être source de différences considérables entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives ou les pratiques des États membres en ce qui concerne l’interopérabilité des téléphones mobiles et de catégories ou classes analogues d’équipements radioélectriques avec leurs dispositifs de recharge, ainsi que la fourniture d’équipements radioélectriques sans dispositif de recharge. |
|
2.4. |
En conséquence, une action de l’Union est nécessaire pour promouvoir un niveau commun d’interopérabilité ainsi que la mise à disposition des utilisateurs finals d’informations relatives aux caractéristiques en matière de charge des équipements radioélectriques. |
|
2.5. |
En janvier 2020, le Parlement européen a adopté une résolution (3) demandant l’adoption urgente d’une norme pour un chargeur universel pour téléphones mobiles afin d’éviter une fragmentation accrue du marché intérieur. |
|
2.6. |
D’après les estimations, les chargeurs de téléphones mobiles représentaient environ 11 000 tonnes de déchets électroniques en 2018 et les émissions liées au cycle de vie étaient d’environ 600 kt d’équivalent CO2. |
|
2.7. |
L’Union est très attachée à rendre l’utilisation des ressources plus efficace en s’orientant vers une économie propre et circulaire par l’adoption d’initiatives telles que la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil (4) et, plus récemment, du pacte vert pour l’Europe. La présente directive a pour objectif la réduction des déchets électroniques générés par la vente d’équipements radioélectriques ainsi que de l’extraction de matières premières et des émissions de CO2 liées à la production, au transport et à l’élimination des chargeurs, à l’appui du passage à l’économie circulaire. |
|
2.8. |
La proposition vise à introduire dans la directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil (5) des exigences en ce qui concerne les protocoles de communication pour la charge, l’interface de charge (c’est-à-dire le connecteur femelle) de certaines catégories ou classes d’équipements radioélectriques, ainsi que les informations à fournir aux utilisateurs finals en ce qui concerne les caractéristiques de charge de ces catégories ou classes d’équipements radioélectriques. |
|
2.9. |
La proposition impose que les téléphones mobiles et les appareils radioélectriques analogues (tablettes, appareils photographiques numériques, casques d’écoute et casques-micro, consoles de jeux vidéo portatives et haut-parleurs portatifs), s’ils peuvent être rechargés par câble, soient équipés du connecteur femelle USB Type-C et, s’ils nécessitent en outre une charge à des tensions supérieures à 5 volts ou à des courants supérieurs à 3 ampères ou à des puissances supérieures à 15 watts, intègrent le protocole de communication USB Power Delivery pour la charge. |
|
2.10. |
La Commission pourrait adopter des actes délégués pour prendre en compte, à l’avenir, des types supplémentaires de technologies de recharge autres que la recharge filaire. |
3. Observations générales
|
3.1. |
Le CESE observe que depuis 12 ans, la Commission a influé pour faire converger les normes en matière de chargeur de téléphone, et répondre ainsi aux exigences de durabilité et de réduction des déchets difficilement recyclables. |
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3.2. |
Le CESE note que l’absence de chargeur universel génère la vente systématique d’un chargeur de téléphone et d’un câble d’alimentation/de données avec chaque appareil, alors que le consommateur pourrait avoir le choix de ne racheter qu’un appareil seul. |
|
3.3. |
Le CESE appuie totalement le projet de directive de la Commission européenne, sollicitée en ce sens par le Parlement européen. |
|
3.4. |
Il est évident que la vente de chargeurs spécifiques représente une part significative des revenus des fabricants, notamment de ceux de téléphonie mobile: il conviendra de s’assurer que ces mêmes constructeurs ne vont pas modifier régulièrement les normes électroniques (niveau de tension, puissance nécessaire, etc.) afin de pouvoir contribuer à vendre systématiquement le modèle de chargeur de leur propre marque, voire le câble de transfert de données qui peut être universel. Ceci au lieu de permettre la réutilisation d’un chargeur déjà acheté. Ceci obèrerait l’application effective visant à réduire le tonnage de déchets électroniques. |
|
3.5. |
Le CESE recommande à la Commission et au Parlement européen d’assurer une large communication d’information auprès du grand public dès la fin du processus législatif, afin d’informer les consommateurs et de les encourager à n’acquérir à l’avenir que des appareils équipés d’interface USB-C. |
4. Observations particulières
|
4.1. |
Le CESE recommande que l’industrie puisse faciliter la charge ultra-rapide des téléphones mobiles au moyen de chargeurs puissants, comme un simple chargeur d’ordinateur portable avec une sortie type USB-C à 65 W, au lieu de 2.1 W. |
|
4.2. |
Le CESE constate que de plus en plus, des prises USB dédiées au chargement de mobiles sont mises à disposition des usagers avec ou sans câbles dans les bus, les avions, les centres commerciaux, salles de conférence et autres lieux de passage. Par défaut, ce sont des prises à faible intensité (2.1 W), et cette puissance est déjà insuffisante pour recharger certains appareils visés par la directive. Afin de favoriser un rechargement rapide et de favoriser le prêt de câble USB-C entre utilisateurs sur un court trajet ou un temps réduit, le CESE propose de recommander d’équiper à l’avenir ces emplacements avec des chargeurs ultra-rapides. Ceci correspond à un des besoins exprimés dans une des enquêtes de la Commission européenne. |
|
4.3. |
Ainsi, le CESE recommande que cette prescription de recherche de chargeur unique de type USB-C pour les mobiles s’adresse également aux ordinateurs portables, même si le niveau de charge et de puissance doit être adapté électroniquement. C’est à la fois pour des raisons économiques et pour éviter aux personnes en déplacement le transport de nombreux chargeurs que l’obligation prévue par la directive doit aussi être étendue aux ordinateurs portables sauf contrainte technologique qu’il faudra bien justifier. |
|
4.4. |
Le CESE constate que les batteries peuvent avoir une durée de vie limitée par rapport au reste de l’appareil. Il recommande que les batteries utilisables dans les ordinateurs, tablettes ou téléphones mobiles convergent en matière de normes, de façon à permettre leur remplacement facile et économique plutôt qu’entraîner un achat de l’appareil entier en cas de dysfonctionnement prématuré de la batterie. Le CESE souhaite insister sur la responsabilité des fabricants d’appareils électroniques en matière d’écologie et de développement durable. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Résolution du Parlement européen du 30 janvier 2020 sur un chargeur universel pour les équipements radioélectriques mobiles [2019/2983(RSP)] (JO C 331 du 17.8.2021, p. 2).
(2) https://ec.europa.eu/docsroom/documents/2417/attachments/1/translations
(3) JO C 331 du 17.8.2021, p. 2.
(4) Directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) (JO L 197 du 24.7.2012, p. 38).
(5) Directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d'équipements radioélectriques et abrogeant la directive 1999/5/CE (JO L 153 du 22.5.2014, p. 62)
|
6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/85 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/746 en ce qui concerne les dispositions transitoires relatives à certains dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et l’application différée des exigences en matière de dispositifs internes
[COM(2021) 627 final — 2021/0323 (COD)]
(2022/C 152/14)
|
Rapporteur: |
Christophe LEFÈVRE |
|
Consultation |
Parlement européen, 18.10.2021 Conseil, 22.10.2021 |
|
Base juridique |
Article 114 et article 168, paragraphe 4, point c), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
|
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
|
Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
|
Session plénière no |
565 |
|
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
206/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
|
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE), compte tenu des circonstances exceptionnelles créées par la pandémie liée au SARS-CoV-2 (COVID-19) et son incidence sur différents domaines couverts par le règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil (1), soutient la proposition de la Commission, laquelle représente selon lui une mesure appropriée et nécessaire pour assurer un niveau élevé de protection de la santé publique et de l’intérêt économique de ce secteur. |
|
1.2. |
Le CESE souligne que la santé est une priorité majeure pour les citoyens d’Europe et réaffirme que les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro jouent un rôle crucial dans la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies (2). Ils sont essentiels pour notre santé et pour la qualité de vie des personnes souffrant de maladies et handicaps et devant les gérer, encore plus en situation de pandémie mondiale. |
|
1.3. |
Le CESE se félicite que le Parlement et le Conseil des ministres de la santé (EPSCO) du 15 juin 2021 se soient inquiétés de la situation très critique et aient invité la Commission à présenter d’urgence une proposition législative visant à faciliter la transition vers le nouveau cadre réglementaire et à garantir la disponibilité de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sur le marché de l’Union. |
|
1.4. |
Le CESE estime fondamental que les citoyens soient assurés de la fiabilité de ces tests. Il s’agit de réduire considérablement la proportion de résultats «faux positifs», mais aussi de «faux négatifs». Seuls 8 % de l’ensemble des dispositifs de diagnostic in vitro disponibles sur le marché sont soumis au contrôle des organismes notifiés en application de la directive 98/79/CE du Parlement européen et du Conseil (3), contre un objectif de 80 % des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro visé par le projet de règlement à l’examen. |
|
1.5. |
Le CESE est donc totalement favorable à ce que la capacité de certification des dispositifs de diagnostic in vitro soit rapidement augmentée. |
|
1.6. |
Le CESE recommande par ailleurs que les résultats de ces tests fassent l’objet d’un accompagnement médical spécifique lors d’un résultat positif, notamment dans le cas éventuel où des dispositifs seraient disponible en libre-service. |
|
1.7. |
Le CESE relève que le report d’un an de la date d’application ne permettrait pas de résoudre les problèmes en matière de mise en œuvre du règlement (UE) 2017/746 et qu’il faut permettre une introduction progressive des exigences du nouveau règlement sur une durée plus longue tout en donnant la priorité aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro à haut risque. Cet objectif peut être atteint en modifiant l’article 110 du règlement, qui porte sur les dispositions transitoires, de façon à prévoir une période plus courte pour les dispositifs existants appartenant à une classe de risque plus élevée que pour ceux qui appartiennent à une classe de risque plus faible. Dans le même temps, la période transitoire existante pour les dispositifs concernés par les certificats d’organismes notifiés délivrés en vertu de la directive 98/79/CE devrait être prolongée d’un an, jusqu’au 26 mai 2025. |
|
1.8. |
Le CESE est dès lors favorable aux propositions de la Commission consistant:
|
2. La proposition de la Commission
|
2.1. |
La directive 98/79/CE (4) relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sera remplacée à partir du 26 mai 2022 par le règlement (UE) 2017/746 (5) qui établit un nouveau cadre réglementaire pour ces dispositifs (tests de dépistage du VIH, tests de grossesse ou tests de dépistage du SARS-CoV-2) (6). |
|
2.2. |
Le nouveau règlement vise à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur ainsi qu’un haut niveau de protection de la santé publique, des patients et des utilisateurs, en tenant compte du nombre élevé de PME actives dans ce secteur. |
|
2.3. |
L’un des principaux changements concerne l’intervention d’organismes indépendants d’évaluation de la conformité. Avec le nouveau règlement, environ 80 % des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro seront placés sous le contrôle des organismes notifiés (contre 8 % actuellement). Les fabricants devront ainsi introduire une demande auprès d’un organisme notifié et obtenir un ou plusieurs certificats après une procédure qui dure environ un an. |
|
2.4. |
L’article 110 du règlement (UE) 2017/746 contient des dispositions transitoires pour les dispositifs dotés d’un certificat délivré par un organisme notifié conformément à la directive 98/79/CE, avant le 26 mai 2022. |
|
2.5. |
La pandémie de COVID-19 a démontré la nécessité d’un cadre réglementaire pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro au sein de l’Union mais elle a aussi suscité des difficultés supplémentaires et nouvelles en ce qui concerne la mise en œuvre du règlement (UE) 2017/746. |
|
2.6. |
Ainsi, d’importantes ressources supplémentaires ont été nécessaires de la part des autorités compétentes des États membres, des établissements de santé, des organismes notifiés, des fabricants et des autres opérateurs économiques, afin d’accroître la disponibilité des dispositifs médicaux de diagnostic revêtant une importance vitale. |
|
2.7. |
Aussi, le fait que les six organismes notifiés actuellement désignés ne soient installés que dans trois pays (l’Allemagne, la France et les Pays-Bas) rend la situation particulièrement difficile pour les PME établies dans d’autres États membres. En outre, les restrictions de déplacement ont entravé et continuent d’entraver la conduite adéquate d’évaluations de la conformité par les organismes notifiés. |
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2.8. |
La présente proposition vise donc:
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3. Observations générales
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3.1. |
Le CESE réitère sa conviction, déjà exprimée dans son avis sur l’actuel règlement (UE) 2017/746 (7), que «la santé est une priorité majeure pour les citoyens d’Europe» et que «les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro jouent un rôle crucial dans la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies». Ils sont essentiels pour notre santé et pour la qualité de vie des personnes souffrant de maladies et handicaps et devant les gérer, encore plus en période de pandémie. |
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3.2. |
Dans ce contexte, le CESE avait donc approuvé la refonte du système réglementaire existant, qui renforçait les procédures d’approbation avant commercialisation, et en particulier la surveillance après commercialisation. Cette approche répond aux exigences des citoyens en matière de sécurité des patients et d’efficacité. |
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3.3. |
Le CESE souligne également qu’en raison de sa forte capacité d’innovation et de ses emplois hautement qualifiés, ce secteur représente une part importante de l’économie européenne. Il est donc essentiel non seulement de garantir le niveau le plus élevé possible de protection de la santé, mais aussi de tenir compte des intérêts d’un secteur où 80 % des fabricants sont des petites et moyennes entreprises et des microentreprises. |
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3.4. |
Le CESE est bien conscient que la crise de la COVID-19 a créé des circonstances exceptionnelles qui ont une incidence sur différents domaines couverts par le règlement (UE) 2017/746. |
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3.5. |
La crise a entraîné un défi majeur et sans précédent pour les systèmes de santé des États membres et un lourd fardeau pour toutes les parties prenantes concernées (établissements de santé, professionnels de santé, patients et opérateurs économiques). |
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3.6. |
Le CESE reconnaît donc que toutes ces parties prenantes, essentielles au fonctionnement des systèmes de santé, ne seront pas en mesure de garantir une mise en œuvre et une application correctes du règlement aux dates initialement prévues. |
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3.7. |
Le CESE se félicite que le Parlement et le Conseil des ministres de la santé (EPSCO) du 15 juin 2021 se soit inquiétés de la situation très critique et aient invité la Commission à présenter d’urgence une proposition législative visant à faciliter la transition vers le nouveau cadre réglementaire et à garantir la disponibilité de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sur le marché de l’Union. |
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3.8. |
Le CESE estime fondamental que les citoyens soient assurés de la fiabilité de ces tests. Il s’agit de réduire considérablement la proportion de résultats «faux positifs», mais aussi de «faux négatifs». Seuls 8 % de l’ensemble des dispositifs de diagnostic in vitro disponibles sur le marché sont soumis au contrôle des organismes notifiés en application de la directive 98/79/CE, contre un objectif de 80 % des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro visé par le projet de règlement à l’examen. |
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3.9. |
Le CESE est donc totalement favorable à ce que la capacité de certification des dispositifs de diagnostic in vitro soit rapidement augmentée. |
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3.10. |
Le CESE insiste par ailleurs pour que les résultats de ces tests fassent l’objet d’un accompagnement médical spécifique lors d’un résultat positif, notamment dans le cas éventuel où des dispositifs seraient disponible en libre-service. |
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3.11. |
Le CESE relève que le report d’un an de la date d’application ne permettrait pas de résoudre les problèmes en matière de mise en œuvre du règlement (UE) 2017/746 et qu’il faut permettre une introduction progressive des exigences du nouveau règlement sur une durée plus longue tout en donnant la priorité aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro à haut risque. Cet objectif peut être atteint en modifiant l’article 110 du règlement, qui porte sur les dispositions transitoires, de façon à prévoir une période plus courte pour les dispositifs existants appartenant à une classe de risque plus élevée que pour ceux qui appartiennent à une classe de risque plus faible. Dans le même temps, la période transitoire existante pour les dispositifs concernés par les certificats d’organismes notifiés délivrés en vertu de la directive 98/79/CE devrait être prolongée d’un an, jusqu’au 26 mai 2025. |
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3.12. |
Le CESE est dès lors favorable aux propositions de la Commission consistant:
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3.13. |
Ces dispositions semblent au CESE raisonnables pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, un niveau élevé de protection de la santé publique et de la sécurité des patients, ainsi que la sécurité juridique et, ce faisant, pour éviter d’éventuelles perturbations du marché. |
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3.14. |
Enfin, le CESE souligne, comme il l’avait déjà fait dans son avis sur le règlement (UE) 2017/746, que la société civile devrait être plus fortement associée à la définition du cadre réglementaire en la matière et propose, à nouveau, la mise en place d’un «comité consultatif» composé de représentants d’acteurs légitimes organisés au niveau européen. Ce comité devrait agir parallèlement au groupe de coordination en matière de dispositifs médicaux (GCDM) et travailler avec celui-ci, en conseillant la Commission et les États membres sur différents aspects de la technologie médicale et de la mise en œuvre de la législation. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et abrogeant la directive 98/79/CE et la décision 2010/227/UE de la Commission (JO L 117 du 5.5.2017, p. 176).
(2) Avis du CESE (JO C 133 du 9.5.2013, p. 52).
(3) Directive 98/79/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 1998 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (JO L 331 du 7.12.1998, p. 1).
(4) JO L 331 du 7.12.1998, p. 1. Avis du CESE (JO C 18 du 22.1.1996, p. 12).
(5) JO L 117 du 5.5.2017, p. 176. Avis du CESE (JO C 133 du 9.5.2013, p. 52).
(6) Selon la Commission, environ 70 % des décisions cliniques sont prises au moyen de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.
(7) Avis du CESE (JO C 133 du 9.5.2013, p. 52).
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/89 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme
[COM(2021) 420 final — 2021/0239 (COD)]
la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les informations accompagnant les transferts de fonds et de certains crypto-actifs (refonte)
[COM(2021) 422 final — 2021/0241 (COD)]
et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres pour prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et abrogeant la directive (UE) 2015/849
[COM(2021) 423 final — 2021/0250 (COD)]
(2022/C 152/15)
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Rapporteur: |
Javier DOZ ORRIT |
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Corapporteur: |
Benjamin RIZZO |
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Consultation |
Parlement européen, 4.10.2021 Conseil, 8.10.2021 |
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Base juridique |
Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
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Adoption en section |
23.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
230/7/0 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Les rapports publiés par la Commission européenne, en 2019, et par la Cour des comptes de l’Union européenne, de 2021, des études universitaires et, à présent, les «Pandora Papers» et d’autres publications analogues, témoignent de la gravité que le phénomène du blanchiment de capitaux présente dans l’Union européenne. La législation européenne en vigueur est largement insuffisante face aux déficiences en matière de coordination et aux divergences nationales. |
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1.2. |
Le CESE soutient fermement le train de mesures législatives sur à la «Lutte contre le blanchiment de capitaux» et, en particulier la création et la mise en place de la nouvelle Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (ALBC), qui sera dotée de pouvoirs de surveillance directe. Il conviendra que des ressources suffisantes lui soient allouées, afin qu’elle devienne la pièce maîtresse d’un système européen intégré de surveillance et de renseignement. |
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1.3. |
Le CESE approuve la répartition des matières entre, d’une part, le premier règlement de lutte contre le blanchiment de capitaux, qui assure la surveillance des établissements privés, et, d’autre part, la sixième directive anti-blanchiment, qui prévoit la coordination des autorités nationales de surveillance et des cellules de renseignement financier (CRF), ainsi que les dispositions qui, dans ces deux instruments, visent à harmoniser les législations nationales et à automatiser l’enregistrement et la transmission des informations. |
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1.4. |
L’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et les infractions sous-jacentes qui y sont associées nécessite un changement culturel et la participation effective de la société civile organisée. Le CESE réitère sa proposition de pacte européen pour la lutte contre les comportements qui portent atteinte aux principes éthiques et politiques de nos démocraties et nuisent aux biens publics. Il propose aussi de créer un organe de consultation de la société civile, soit au sein de l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux, soit sous l’égide de la Commission européenne et avec la participation de ladite Autorité. |
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1.5. |
Le CESE préconise que dans le train de mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux, le règlement sur les crypto-actifs soit mis en application de toute urgence. S’il est certain que la proposition de règlement de la Commission sur les marchés des crypto-actifs (1) pose des jalons vers une réglementation générale et que son entrée en vigueur doit s’effectuer de manière urgente, il ne remplace pas pour autant tous les instruments qui sont nécessaires pour assurer une protection contre les risques, d’ordre pécuniaire ou criminel, que recèlent ces produits financiers. |
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1.6. |
Le CESE invite la Commission à réfléchir à la manière dont le train de mesures législatives à l’examen peut être appliqué aux canaux de blanchiment de capitaux qui se situent en dehors du système financier, qu’il s’agisse du marché des œuvres d’art et des actifs de grande valeur, des ports francs, entrepôts douaniers et zones économiques spéciales, de certaines transactions commerciales ou investissements immobiliers, ou encore des jeux d’argent, pour ne citer que ces exemples. Il estime qu’il sera nécessaire d’adopter une nouvelle législation européenne dans ces domaines. |
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1.7. |
Le CESE propose de doter Europol de pouvoirs accrus et de ressources suffisantes pour lutter contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la criminalité transnationale organisée, ainsi que pour coordonner les forces de police nationales dans ces domaines. Une coordination efficace entre le Parquet européen, qui devrait être mis en place sans délai, Europol et la nouvelle Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux pourrait être le facteur déterminant pour que le train de mesures législatives à l’examen produise de bons résultats sur le terrain. |
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1.8. |
Le CESE appelle la Commission à presser tous les États membres de transposer d’urgence la directive 2018/1673 du Parlement européen et du Conseil (2), qui établit une définition commune de l’infraction de blanchiment de capitaux, et et à militer pour l’adoption d’une nouvelle directive qui définisse de manière homogène les infractions connexes, y compris en prévoyant des fourchettes pour les sanctions afférentes. |
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1.9. |
Le CESE est très préoccupé de constater qu’il existe dans l’Union européenne un nombre considérable de «sociétés-écrans», qui jouent un rôle essentiel dans le blanchiment de capitaux et l’évasion fiscale. Il propose que les autorités actuellement compétentes et le futur système intégré de surveillance mettent en place des programmes spécifiques pour surveiller ces sociétés administrées par certains cabinets d’avocats, sociétés de consultance ou de conseil fiscal, afin d’identifier leurs propriétaires réels et les responsables de leurs transactions, et d’enquêter sur toute infraction qu’elles pourraient commettre. |
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1.10. |
Le CESE invite la Commission européenne à examiner s’il est possible que l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux soit pleinement opérationnelle avant 2026, y compris pour ce qui est d’exercer sa mission de surveillance directe. Dans l’intervalle et en tout état de cause, il invite l’ensemble des institutions concernées à coopérer plus étroitement afin de mieux mettre en œuvre la législation existante. |
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1.11. |
Le CESE estime qu’il est nécessaire d’établir une nouvelle liste, réaliste et fiable, des pays tiers à haut risque, et notamment de tous ceux qui facilitent le blanchiment de capitaux. Il propose également que la Commission européenne adopte une règle en vertu de laquelle les entreprises et les personnes impliquées dans des infractions financières ou le blanchiment de capitaux soient exclues des procédures de passation de marchés publics. |
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1.12. |
Le CESE demande à l’Union européenne et aux gouvernements nationaux de protéger la vie et l’intégrité des journalistes, des employés et des fonctionnaires qui dénoncent la corruption économique et politique, et il juge inacceptable le retard pris dans la transposition de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil (3). |
2. Contenu essentiel de la proposition de la Commission et contexte
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2.1. |
En juillet 2019, la Commission européenne a présenté son analyse du régime en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT). La communication et les quatre rapports d’évaluation afférents (4) ont mis en évidence de graves lacunes dans la mise en œuvre de la législation en vigueur, ainsi que des divergences entre les États membres dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. |
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2.2. |
Pour remédier à ces problèmes, la Commission a publié, le 7 mai 2020, un plan d’action en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (5) et a ouvert une consultation publique à ce sujet. Ce plan se fonde sur six piliers, à savoir la mise en œuvre effective de la réglementation existante, un corpus de règles unique à l’échelle de l’Union européenne, une surveillance de niveau européen, un mécanisme de coordination et de soutien pour les cellules de renseignement financier, une meilleure application du droit pénal et, enfin, le renforcement du rôle de l’Union européenne dans le monde. Dans son avis sur le thème «Des mesures efficaces et coordonnées de l’UE en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, le blanchiment de capitaux et les paradis fiscaux» (6), le CESE a exprimé son soutien à ce plan et dit être favorable à ce qu’il soit développé et mis en œuvre de manière urgente. |
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2.3. |
Après avoir obtenu l’approbation du Conseil et du Parlement européen et procédé à des consultations, la Commission a développé les propositions législatives du plan en un train de mesures législatives, en date du 20 juillet 2021, qui comprend les propositions suivantes:
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2.4. |
La pièce maîtresse du train de mesures législatives à l’examen consiste à créer une nouvelle autorité de l’Union européenne, qui, sous la dénomination d’«Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux» (ALBC), exercera des pouvoirs de surveillance directe et renforcera la coordination et la coopération entre les autorités nationales, avec lesquelles elle veillera à ce que le secteur privé applique les règles européennes de manière correcte et cohérente. En particulier, elle aura pour mission:
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2.5. |
L’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux sera dirigée par un président, un conseil exécutif composé de cinq membres et un conseil général qui pourra se réunir selon deux configurations et types de compétences, la première portant sur la «surveillance» et la seconde sur les «cellules de renseignement financier», en comptant dans leurs rangs les responsables des autorités nationales de surveillance et de renseignement, afin de gérer le système européen intégré de surveillance et de renseignement financier. Un membre de la Commission européenne fera partie membre des organes directeurs de l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux. Le conseil général de l’Autorité comprendra, en qualité d’observateurs, des représentants de l’Autorité bancaire européenne (ABE) et de la Banque centrale européenne (BCE), laquelle transférera à la nouvelle Autorité ses compétences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que les outils afférents, à savoir la Base de données centrale et FIU.net. Il est prévu que l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux commence ses activités en 2024 et qu’elle pourvoie tous ses postes et entame son action de surveillance directe en 2026. |
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2.6. |
Le premier règlement de l’Union européenne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, quant à lui, étend la liste des entités assujetties de façon qu’elle inclue les prestataires de services sur crypto-actifs, les plateformes de financement participatif et les fournisseurs de services d’immigration, qui aident des investisseurs à obtenir un droit de résidence dans un pays ou, dans certains cas, à en acquérir la nationalité. Le règlement proposé renforce et clarifie les mesures de diligence et les contrôles. Il révise les exigences relatives aux pays tiers et aux personnes politiquement exposées. De même, il clarifie celles qui s’imposent aux bénéficiaires effectifs et en introduit d’autres pour limiter le risque que les criminels se dissimulent derrière des niveaux intermédiaires. Des mesures sont prises contre l’utilisation abusive des instruments au porteur et un plafond maximal de 10 000 EUR est fixé pour les paiements en argent liquide. |
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2.7. |
À la différence de la réglementation appliquée secteur privé, la sixième directive de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme se concentre sur le dispositif institutionnel de l’Union européenne et son adaptation dans chaque État membre. La proposition clarifie les compétences des cellules de renseignement financier, leurs tâches et leur accès aux informations, établit un cadre pour les analyses conjointes et donne une base juridique au système FIU.net. Elle renforce le pouvoir d’action des superviseurs et les mécanismes de de la coopération qu’ils mènent entre eux et avec d’autres autorités. Elle prévoit l’inteconnexion des registres des comptes bancaires. |
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2.8. |
Enfin, la proposition de règlement sur les transferts de fonds et certains crypto-actifs constitue une refonte du règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil (11) sur le transfert de fonds, qui vise à ce que les exigences imposées aux crypto-actifs en matière de traçabilité et d’identification soient similaires à celles qui sont en vigueur pour les fonds. Par ailleurs, les prestataires de services sur crypto-actifs seront astreints aux conditions que le règlement sur la lutte contre le blanchiment de capitaux prévoit pour les autres opérateurs financiers. |
3. Observations générales
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3.1. |
L’adoption de la première directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux remonte à 1991. Depuis lors, quatre sont venues s’y ajouter, sur cette même question de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et elles ont été complétées par des dizaines d’autres, concernant le système financier ou les délits et infractions associés. Il est clair qu’à ce jour, ces efforts, que les autorités de l’Union européenne jugent prioritaires, n’ont pas produit de résultats satisfaisants. |
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3.2. |
Sur ce point, il règne un large consensus, qui se manifeste déjà dans les évaluations de la Commission de 2019 et celles d’institutions telles que le Parlement européen, dans ses résolutions de mars 2019 et juillet 2020 (12), dans le rapport spécial de la Cour des comptes, de juin 2021, intitulé «L’UE et la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire: des efforts fragmentés et une mise en œuvre insuffisante» (13), ainsi que dans la grande majorité des analyses effectuées par des experts, universitaires et groupes de réflexion, notamment le rapport du groupe ad hoc CEPS-ECRI (14). |
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3.3. |
On estime que pour l’Union européenne à 27 États membres, le blanchiment de capitaux atteindrait un volume de 1 % du PIB, selon Europol et la Commission européenne, et 1,3 %, pour la Cour des comptes, soit de 140 à 208 milliards d’euros par an. Plus important encore, Europol considère qu’à peine 1 % environ des montants concernés sont recouvrés. Ces dernières années ont éclaté de nombreux scandales de blanchiment de capitaux, impliquant de grands établissements financiers, et il est frappant de noter que nombre d’entre eux n’auraient pas été découverts sans l’application de la législation européenne ou l’intervention des superviseurs. En d’autres termes, malgré les efforts et le volontarisme de la Commission européenne et du Parlement européen, aucun progrès n’a été constaté dans les résultats de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. |
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3.4. |
La publication des Pandora Papers par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a une nouvelle fois mis en lumière l’ampleur que revêt le problème du blanchiment d’argent et des infractions associées, ainsi que le rôle crucial joué paradis fiscaux pour faciliter cette criminalité. Il est dès lors difficile de comprendre que la juridiction qui est mentionnée le plus fréquemment dans les documents concernés ne figure pas sur la liste de l’Union européenne des «pays et territoires non coopératifs» et que le Conseil Ecofin vient d’en retirer une autre, dont la législation empêche toute identification des véritables propriétaires de sociétés et de comptes. |
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3.5. |
Le CESE attire l’attention des institutions européennes et des gouvernements nationaux sur la nécessité de protéger vigoureusement la vie et l’intégrité des journalistes, des employés et des fonctionnaires qui dénoncent la corruption économique et politique. Le Comité s’alarme de constater qu’un certain nombre d’États membres n’ont pas entamé les procédures de transposition de la directive (UE) 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, et il invite la Commission à agir pour assurer qu’elle soit transposée d’urgence, d’ici la fin de l’année 2021. |
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3.6. |
Les échecs et carences de la politique que l’Union européenne mène pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont dus à plusieurs causes, dont les effets s’additionnent: i) le morcellement des compétences entre toute une série d’institutions européennes et nationales, ii) l’absence, à l’échelon de l’Union européenne, d’un superviseur unique pour les questions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, iii) le peu d’instruments dont disposent les autorités européennes compétentes, iv) une mauvaise coordination, tant dans les initiatives de prévention que dans les actions menées contre les risques recensés, ainsi que les retards de leur mise en œuvre, v) les carences qui affectent l’activité des superviseurs et des cellules de renseignement financier dans de nombreux États, vi) la transposition extrêmement tardive des directives et les fortes divergences en la matière, qui amènent la Commission à entamer des procédures administratives et judiciaires, vii) le faible niveau de prise de conscience, dans bon nombre de pays, quant à la nécessité de lutter fermement contre le blanchiment d’argent et les infractions associées, viii) les disparités résultant de définitions divergentes des infractions dans les codes de droit pénal, tant en ce qui concerne, au premier chef le blanchiment d’argent d’argent lui-même que les peines y relatives, ix) les faiblesses des enquêtes concernant les infractions sous-jacentes associées, en particulier dans les pays tiers et, enfin, x) le manque de volonté politique dont témoignent les gouvernements de certains États membres pour adopter et mettre en œuvre des normes européennes. Les inégalités géographiques et sectorielles découlant de tous ces facteurs aident les délinquants financiers à concevoir les réseaux les plus appropriés pour leur trafic illicite. |
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3.7. |
Dans certaines situations, la collaboration entre les institutions de l’Union européenne n’a pas été tenue pour indispensable. Tel est le cas de la coopération entre la Commission européenne et l’Autorité bancaire européenne (ABE) dans les enquêtes sur les infractions au droit de l’Union européenne, si bien que la Cour des comptes a été amenée à déclarer que cette procédure «n’est pas suffisamment efficace» (15). De même, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) n’a pas toujours mené une collaboration opérante avec la Commission européenne pour établir la liste des «pays tiers non coopératifs» en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (16). La liste de la Commission de 2019, approuvée par le Parlement, a finalement été rejetée par le Conseil, tandis que celle adoptée en mai 2020 n’est qu’une adaptation de celle qui a été établie par le Groupe d’action financière (GAFI) et l’OCDE et comporte des lacunes notables. |
4. L’avis du CESE
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4.1. |
Le CESE exprime son plein soutien au train de mesures législatives que propose la Commission, car il estime que sa mise en œuvre correcte et rapide pourrait être très utile pour inverser une situation aussi intenable que celle brièvement décrite dans le chapitre précédent. Il soutient en particulier la création et la conception de l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux, laquelle, tout en exerçant ses pouvoirs de surveillance directe, formera par ailleurs la clé de voûte d’un système européen de surveillance, ainsi que de renseignement, concernant cette lutte, qui intégrera les superviseurs nationaux et les cellules de renseignement financier au sein de son conseil général et, en tant qu’observatrices, les autres institutions de l’Union européenne qui sont concernées. |
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4.2. |
Le CESE approuve la répartition des matières entre le premier règlement et la sixième directive, ainsi que les dispositions prévues dans ces deux instruments pour harmoniser les législations nationales et faciliter le fonctionnement des cellules de renseignement financier et des superviseurs nationaux dans les domaines essentiels que sont l’enregistrement et le signalement, ainsi que les enquêtes concernant des opérations suspectes, grâce aux déclarations d’activités suspectes (DAS) ou de transactions suspectes (DTS) utilisant des techniques normalisées. Afin de surmonter l’un des principaux problèmes qui se posent actuellement, il est hautement souhaitable que l’accent soit mis sur la nécessité d’assurer dans les délais les plus brefs le respect des différentes obligations qui incombent aux autorités. Le CESE estime que la législation proposée respecte le cadre européen en matière de protection des données et les droits des particuliers et des entreprises, dont la protection sera assurée, in fine, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). |
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4.3. |
Le CESE invite les gouvernements nationaux et les organisations de la société civile européenne à soutenir l’adoption et la mise en œuvre appropriée de ce train de mesures législatives. Ni l’Union européenne ni les États membres ne peuvent se permettre d’en rester à la situation actuelle, d’autant moins que la lutte contre les conséquences sanitaires, économiques et sociales de la pandémie de COVID-19 et l’effort de relance de l’économie exigent de leur part une forte augmentation des ressources publiques. Comme l’indique le rapport du groupe ad hoc CEPS-ECRI, «tenter de mettre fin au blanchiment d’argent, ou à tout le moins de le réduire significativement, est un impératif moral dans toute société démocratique, où les citoyens sont tous libres et égaux devant la loi, dans un système de coopération équitable […]. Le manque de clarté, les retards et l’inefficacité ne feront qu’encourager le blanchiment d’argent […]» (17). |
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4.4. |
Le CESE est conscient de l’importance que revêtent dans ce domaine les partenariats entre le public et le privé. Dans certains pays, les capacités d’investigation sont, pour une large part, détenues par le secteur privé (18). Tout en invitant les institutions de l’Union européenne, lorsqu’elles mettront en œuvre le train de mesures législatives, à déployer tous les efforts en leur pouvoir pour favoriser un meilleur fonctionnement des autorités nationales de surveillance et des cellules de renseignement financier, le Comité souhaite également qu’elles facilitent autant que possible les partenariats public-privé en la matière. |
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4.5. |
Il est vraisemblable que dans de nombreux pays, un changement culturel et une participation accrue de la société civile soient nécessaires pour améliorer l’efficacité de la lutte contre la criminalité économique et fiscale. Ce constat est l’une des raisons qui ont amené le CESE à proposer un pacte européen contre la fraude et l’évasion fiscales, l’évitement de l’impôt et le blanchiment de capitaux (19). C’est dans le même esprit que le Parlement européen a préconisé «[…] de restaurer la confiance du public, de disposer de systèmes fiscaux justes et transparents, ainsi que de veiller à la justice fiscale» (20). Pour réaliser cet objectif, le CESE propose qu’un organe consultatif de la société civile soit créé, que ce soit au sein de l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux (21), ou sous la forme d’une instance placée sous l’égide de la Commission européenne, afin que les organisations de la société civile et lui-même puissent participer plus activement à la lutte menée contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et y apporter la contribution de leurs propres expériences et propositions. Les institutions européennes et la société civile organisée doivent agir de concert pour informer les citoyens européens des effets très dommageables que le blanchiment de capitaux et les infractions qui y sont associées exercent sur les biens publics et sur les principes de justice et d’équité qui fondent la démocratie. |
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4.6. |
Europol et d’autres experts estiment que depuis le début de la pandémie de COVID-19, le blanchiment de capitaux et les infractions associées sont en hausse, en particulier en ce qui concerne celles qui sont commises par voie électronique et au moyen de l’utilisation de crypto-monnaies et d’autres crypto-actifs (22). Le CESE considère dès lors qu’il est totalement justifié d’adopter un règlement grâce auquel ces transactions se trouveront soumises au même traitement que toutes les autres, en rendant obligatoire l’identification des propriétaires réels. S’il est certain que la proposition de règlement de la Commission sur les marchés des crypto-actifs (23) pose des jalons vers une réglementation générale et que son entrée en vigueur doit s’effectuer de toute urgence, il ne remplace pas pour autant tous les instruments qui sont nécessaires pour assurer une protection contre les risques pécuniaires et les infractions pénales que recèlent ces produits financiers. |
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4.7. |
Le CESE, le Parlement européen et d’autres institutions ont souligné le risque que représente l’existence, au sein de l’Union européenne, de centaines de milliers de «sociétés-écrans» (24) qui, légalisées et gérées par certains cabinets d’avocats, sociétés de consultance ou de conseil fiscal qui sont pour la plupart d’entre eux utilisés pour le blanchiment de capitaux et d’autres infractions sous-jacentes associées, ainsi que pour l’évasion fiscale. D’énormes volumes de capitaux transitent par leur intermédiaire. Les autorités qui sont actuellement compétentes en la matière, tout comme le nouveau système européen de surveillance, devront établir des programmes spécifiques pour mettre en œuvre les règles d’identification des détenteurs effectifs de ces sociétés, ainsi que des émetteurs et des bénéficiaires de leurs transactions, de manière à être en mesure de poursuivre en justice les infractions économiques et financières que commettent nombre d’entre elles. Aucune entreprise, ni autre entité, de quelque type que ce soit, qui est susceptible d’être utilisée pour blanchir des capitaux ou financer le terrorisme ne devrait être autorisée à s’enregistrer dans un quelconque État membre si ses propriétaires finaux ne sont pas connus ou s’ils présentent un lien avec de telles activités. |
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4.8. |
Le CESE estime qu’il est absolument nécessaire que les États membres achèvent d’urgence la transposition de la directive 2018/1673, qui fournit une définition commune pour l’infraction de blanchiment de capitaux. Il préconise d’élaborer une nouvelle directive, qui inscrive dans les législations des États membres des définitions communes des infractions associées au blanchiment, et il propose que certaines fourchettes soient prévues en ce qui concerne les sanctions qui s’y appliquent. L’article 83 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne mentionne explicitement le blanchiment de capitaux et les infractions transfrontières connexes parmi les domaines dans lesquels les définitions et les sanctions peuvent être harmonisées au moyen de règles minimales européennes. |
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4.9. |
Le CESE invite la Commission européenne à examiner s’il est possible que l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux soit pleinement opérationnelle avant 2026, y compris pour ce qui est d’exercer sa mission de surveillance directe. En tout état de cause, il plaide pour que dans l’intervalle, la Commission européenne et les autres institutions concernées renforcent leur coopération afin d’appliquer plus efficacement la législation en vigueur, conformément aux observations formulées par le Parlement européen et la Cour des comptes. Cette demande s’adresse en particulier à l’Autorité bancaire européenne, y compris à sa nouvelle commission de lutte contre le blanchiment de capitaux, ainsi qu’à la Banque centrale européenne et à Europol. Le CESE invite également la Commission européenne, le Service européen pour l’action extérieure et Europol à procéder dès que possible à une nouvelle analyse des pays tiers qui sont susceptibles d’être inscrits sur une liste revue de l’Union européenne recensant les pays non coopératifs en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. |
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4.10. |
Le CESE se félicite du rôle de premier plan que le Parquet européen pourrait jouer dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et il invite les institutions européennes et les États membres à en faciliter sans plus attendre le plein déploiement. Il déplore que certains gouvernements, notamment parmi ceux qui ont récemment exercé la présidence tournante de l’Union européenne, fassent obstacle au parachèvement de ce processus. Le Comité reprend à son compte la demande que le Parlement européen a adressée à la Commission européenne pour qu’elle examine la proposition visant à établir un cadre européen relatifs aux enquêtes transfrontières en matière de criminalité financière et fiscale. |
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4.11. |
Compte tenu du caractère transnational que revêt le blanchiment de capitaux, il est nécessaire de renforcer la coordination entre les forces de police nationales et les services de renseignement. Parallèlement, le CESE estime qu’il serait très utile de doter Europol de compétences accrues et de ressources humaines et matérielles suffisantes afin de mener la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et contre la criminalité transnationale organisée, ainsi que de coordonner les forces de police nationales. Une coordination efficace entre le Parquet européen et la nouvelle Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux pourrait être le facteur déterminant pour que le train de mesures législatives à l’examen produise de bons résultats sur le terrain. |
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4.12. |
Le CESE estime qu’il est nécessaire d’établir une nouvelle liste, réaliste et fiable, des pays et territoires non coopératifs. Il propose également que la Commission élabore une directive prévoyant que les entreprises et les personnes impliquées dans des infractions financières ou le blanchiment de capitaux soient exclues de toute procédure de passation de marchés publics. |
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4.13. |
Le CESE considère également qu’il conviendrait que les relations qui existent actuellement entre des cellules nationales de renseignement financier soient préservées et intégrées dans la nouvelle architecture de l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux. Il ne peut être question de se priver des liens qui, dans le domaine de l’information et de la stratégie, ont été noués au fil des ans entre ces cellules de différents États membres. |
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4.14. |
Pour une part importante, le blanchiment de capitaux s’effectue en dehors du système financier, par utilisation d’argent liquide pour l’achat de biens qui sont ensuite légalisés ou stockés, ou encore par le truchement de certaines transactions commerciales. Le CESE invite la Commission à étudier comment le train de mesures législatives qui est proposé pourrait être appliqué aussi efficacement que possible au marché des œuvres d’art et biens de grande valeur et à leur stockage dans des ports francs, des entrepôts douaniers et des zones économiques spéciales, ainsi qu’à certaines transactions commerciales, notamment celles impliquant des prêts sans intérêts remboursés dans un pays de destination, aux investissements immobiliers et aux transactions avec des sociétés de jeux d’argent et de hasard. Les résultats de cet examen devraient, le cas échéant, servir de base à d’autres propositions législatives visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et les infractions associées. |
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4.15. |
Dans leur très grande majorité, les organisations de la société civile à but non lucratif ont une action qui renforce la démocratie, en ce qu’elles lui donnent un caractère participatif, tout en constituant un secteur économique dont la valeur va croissant. Bon nombre d’entre elles ont, de manière effective, lutté contre le blanchiment de capitaux et contribué à dévoiler des pratiques en la matière. Certaines pourraient néanmoins être utilisées pour des opérations qui visent à blanchir des capitaux. C’est pour cette raison que dans l’élaboration des politiques les concernant, il y a lieu de procéder très soigneusement à l’évaluation des risques dans ce secteur, afin de détecter les cas où elles sont employées à des fins illégales, sans pour autant mettre un frein à leur développement ou offrir à des gouvernements autoritaires la possibilité de s’en prendre à celles qui les critiquent. |
5. Observations particulières
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5.1. |
En plus d’un accroissement des transactions virtuelles et d’un recours accru aux crypto-actifs, on a pu observer durant la pandémie un essor du marché des «jetons non fongibles» (JNF) (25), lesquels, en s’appuyant sur la technologie des chaînes de bloc, opèrent des transferts d’argent par-delà les frontières, pour des montants qui, au premier semestre de 2021, ont atteint un montant de 2,5 milliards de dollars. Le CESE propose que les opérateurs du marché de ces jetons soient inclus dans la liste dans entités soumises aux exigences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. De même, il convient de mettre en place un suivi des «transactions non réglées en espèces» qui sont utilisées pour le blanchiment de capitaux. |
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5.2. |
La pandémie a réduit l’utilisation de l’argent liquide. Cet élément, conjugué à la décision de mettre fin à l’impression de billets de 500 EUR, a contraint les délinquants à «blanchir» les sommes concernées et à les intégrer dans l’économie réelle. Le CESE recommande donc à la Commission européenne d’étudier la possibilité d’abaisser le plafond des transactions en espèces en dessous de la barre des 10 000 EUR, tout en tenant compte de la diversité des situations dans les différents États membres. |
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5.3. |
Le CESE estime qu’il est essentiel que les cellules de renseignement financier fonctionnent de manière adéquate. Pour ce faire, elles doivent disposer de ressources techniques et humaines suffisantes et de haut niveau. Il y a lieu de renforcer leur capacité à collaborer entre elles et avec les autorités de l’Union européenne, en recourant à des normes, procédures et outils informatiques qui soient compatibles, ainsi qu’en dispensant à l’ensemble de leurs personnels des formations appropriées et comparables. L’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux devrait coopérer avec les autorités nationales compétentes, afin d’optimiser l’efficacité de son travail. Le Comité invite les gouvernements nationaux, en particulier ceux qui ont été mentionnés dans les recommandations par pays du semestre européen, à accorder la priorité à l’objectif du bon fonctionnement des cellules de renseignement financier et à encourager une coopération efficace avec les autorités européennes. |
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5.4. |
Le CESE estime qu’un facteur essentiel pour le bon fonctionnement de l’Autorité de lutte contre le blanchiment est que ses dirigeants et les autres membres de son personnel présentent un professionnalisme d’un haut niveau de qualité, possèdent de l’expérience et cultivent l’indépendance, comprise dans le sens d’une défense exclusive des intérêts et des valeurs de l’Union européenne, ainsi que l’honnêteté. Le processus de leur sélection doit donc être placé sous le signe de la rigueur et de la transparence. Le Comité propose que la Commission établisse une liste de principes et de valeurs qui forment la charpente des procédures de recrutement et pourraient être pris en compte dans le code de déontologie que les organes de l’Autorité sont appelés à élaborer et adopter. |
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5.5. |
Le CESE réitère sa proposition (26), concordant avec celle du Parlement européen, qui vise à supprimer progressivement les régimes d’acquisition du droit de résidence par investissement et à interdire ceux qui octroient la nationalité par ce biais et, dans l’intervalle, il demande que l’on vérifie rigoureusement que leurs bénéficiaires ont rempli leurs obligations légales dans leur pays d’origine et ne participent pas à des opérations de blanchiment d’argent. |
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5.6. |
Le CESE propose que la Commission européenne crée une base de données pour fournir aux petites et moyennes entreprises des informations sur les sanctions dont des particuliers ou des entreprises ont fait l’objet en relation avec le financement du terrorisme, ainsi que sur leur durée. |
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5.7. |
L’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux doit être dotée d’un budget suffisant pour relever les grands défis qui découleront de ses objectifs et de ses missions. Un combat efficace contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme augmentera considérablement les recettes fiscales des États membres, lesquels doivent relever les défis de la transformation verte et numérique et des transitions justes en la matière, et il contribuera par ailleurs à améliorer leur cohésion sociale et politique. Il convient de tenir compte du coût que représente pour les entreprises le respect des nouvelles obligations légales, dont l’efficacité doit faire l’objet d’une évaluation régulière. Le CESE propose que l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux soit financée par le budget de l’Union européenne. |
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5.8. |
Pour que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme soit couronnée de succès, un élément crucial est que des bases de données et des registres des bénéficiaires effectifs de comptes, des biens, des fiducies ou des fiduciaires et des transactions soient disponibles et aisément accessibles pour les personnes habilitées. À mesure que la taille de ces registres et bases de données augmente et que leur accessibilité gagne en rapidité, l’exigence de protection de leurs données à caractère personnel devient de plus en plus impérative. Le CESE estime qu’il s’agit là d’une question qui doit être traitée avec la plus grande attention. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) COM(2020) 593 final.
(2) Directive (UE) 2018/1673 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal (JO L 284 du 12.11.2018, p. 22).
(3) Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).
(4) COM(2019) 360 final, COM(2019) 370 final, COM(2019) 371 final et COM(2019) 372 final du 24.7.2019.
(5) C(2020) 2800 final.
(6) JO C 429 du 11.12.2020, p. 6.
(7) COM(2021) 421 final.
(8) COM(2021) 420 final.
(9) COM(2021) 423 final.
(10) COM(2021) 422 final.
(11) Règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et abrogeant le règlement (CE) no 1781/2006 (JO L 141 du 5.6.2015, p. 1)
(12) Résolution du Parlement européen du 26 mars 2019 sur la criminalité financière, la fraude fiscale et l’évasion fiscale (JO C 108 du 26.3.2021, p. 8) et résolution du Parlement européen du 10 juillet 2020.
(13) Cour des comptes européenne: rapport spécial 13/2021.
(14) CEPS-ECRI, Rapport du groupe ad hoc Anti-Money Laundering in the EU («Le blanchiment d’argent dans l’Union européenne»), janvier 2021.
(15) Cour des comptes européenne, ibid., paragraphe 86. En dix ans, le conseil des autorités de surveillance de l’Autorité bancaire européenne n’a mené aucune enquête de sa propre initiative en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. N’ayant aucune obligation légale de répondre en temps utile aux demandes, elle n’a examiné que deux des quatre plaintes déposées par la Commission européenne.
(16) Cour des comptes européenne, ibid., paragraphes 26 et 28.
(17) CEPS-ECRI, ibid. p. 2.
(18) CEPS-ECRI, ibid. p. iv.
(19) Avis du CESE sur le thème «Des mesures efficaces et coordonnées de l’UE en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, le blanchiment de capitaux et les paradis fiscaux» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 6), paragraphes 3.4, 3.5 et 3.6.
(20) Résolution du Parlement européen du 10 juillet 2020 sur le plan d’action en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
(21) Depuis leur création, l’Autorité bancaire européenne (ABE), Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) sont dotées, afin de faciliter la consultation des acteurs concernés, de groupes de parties intéressées dont les membres assurent une composition équilibrée entre les entreprises privées, les consommateurs, les utilisateurs, les représentants des salariés d’entreprises du secteur et des universitaires de haut rang.
(22) Europol-Centre européen de lutte contre la criminalité financière et économique (EFECC): Enterprising criminals. Europe’s fight against the global networks of financial and economic crime («Des criminels entreprenants. La lutte de l’Europe contre les réseaux mondiaux de criminalité financière et économique»), juin 2020; et World Compliance Association, COVID 19 opened the doors for a new wave of money laundering («La COVID-19 a ouvert la porte à une nouvelle vague de blanchiment d’argent»).
(23) COM(2020) 593 final.
(24) Les expressions de «société-écran», «société fantôme» ou encore«société fictive» désignent des entreprise qui n’exercent pas de réelle activité économique dans le pays où elles sont enregistrées et qui n’y emploient aucun travailleur, ou seulement un très petit nombre. Certaines d’entre elles sont utilisés à des fins de blanchiment de capitaux, d’évasion fiscale ou de contournement de la directive relative au détachement. Voir l’étude du Service de recherche du Parlement européen (EPRS) «An Overview of Shell Companies in the European Union» («État des lieux des sociétés-écrans dans l’Union européenne»), octobre 2018, ainsi que Damgaard, J., Elkjaer T., et Johannesen, N., «The Rise of Phantom Investments» («L’explosion des investissements fantômes»), Fonds monétaire international, Finance et développement (F&D), septembre 2019, et l’avis du CESE sur le thème «Des mesures efficaces et coordonnées de l’UE en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, le blanchiment de capitaux et les paradis fiscaux» (JO C 429, 11.12.2020, p. 6).
(25) Reuters, 6 juin 2021, NFT sales volume surges to $2.5 bln in 2021 first half («Le volume des ventes de jetons non fongibles bondit à 2,5 milliards de dollars au premier semestre 2021»).
(26) JO C 47 du 11.2.2020, p. 81 et JO C 429 du 11.12.2020, p. 6.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/97 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Stratégie pour le financement de la transition vers une économie durable»
[COM(2021) 390 final]
(2022/C 152/16)
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Rapporteure: |
Judith VORBACH |
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Corapporteur: |
Jörg Freiherr FRANK VON FÜRSTENWERTH |
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Consultation |
Commission européenne, 10.8.2021 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
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Adoption en section |
23.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
123/1/2 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
La politique économique de l’Union européenne doit être guidée tant par les objectifs énoncés à l’article 3 du traité sur l’Union européenne que par les objectifs de développement durable des Nations unies. Il convient donc d’adopter, en matière de finance durable également, une approche pluridimensionnelle qui intègre des objectifs environnementaux comme sociaux. Malheureusement, nombre des mesures présentées dans la communication ne tiennent pas compte de la durabilité sociale. La convergence des mesures de développement durable avec celles en matière de numérique et de gestion de la COVID-19 peut conférer plus de poids et d’efficacité à la politique de l’Union. Les politiques environnementales doivent aller de pair avec une économie européenne plus robuste et avec la création d’emplois de qualité. Il faut tirer parti des synergies entre l’union des marchés des capitaux et la stratégie en matière de finance durable. La transparence, par exemple, accroît l’efficacité du marché tout en constituant une condition d’accès aux financements durables. |
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1.2. |
Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit pleinement à l’objectif qui vise à réorienter les investissements dans l’optique de soutenir la transition de l’économie européenne vers la durabilité. Si la plupart des mesures proposées dans la communication sont judicieuses, elles semblent souvent bien timides face à l’urgence d’agir. Le facteur temps est particulièrement décisif dans le domaine de l’action climatique. Pour permettre à la stratégie de fonctionner dans la pratique, nous devons disposer d’un arsenal législatif cohérent et bien séquencé, et sans complexité excessive. Mieux vaut agir avec célérité plutôt que de viser la perfection. Il convient d’accorder une attention toute particulière aux pratiques trompeuses de «blanchiment» dans le domaine de la durabilité. De manière générale, la stratégie en matière de finance durable ne pourra produire les effets incitatifs voulus que si elle s’inscrit dans une politique économique globale axée sur la durabilité. La réglementation et les investissements publics ont un rôle crucial à jouer. |
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1.3. |
Le CESE salue la détermination de la Commission à amorcer la transition vers une économie européenne durable, et invite le Conseil et le Parlement européen à soutenir ces efforts. Le CESE demande que les partenaires sociaux et la société civile soient associés à la conception et à la mise en œuvre d’une finance durable. Ces acteurs doivent être suffisamment représentés tant au sein de la plateforme sur la finance durable que dans le Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG). Il convient par ailleurs de consulter directement les organisations de partenaires sociaux concernées, pour ce qui est, par exemple, des critères ESG (1) et donc des problématiques liées au monde du travail. Dans l’ensemble, le CESE critique la pratique qui consiste à recourir de manière excessive à des actes délégués pour réglementer d’importantes questions relatives à la stratégie. |
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1.4. |
La taxinomie de l’Union doit refléter un niveau d’ambition plus élevé que celui prévu par la législation européenne. Le succès de cette taxinomie est tributaire d’une large adhésion. Les activités qui y sont reprises ne peuvent déroger ni aux objectifs environnementaux ni aux normes sociales, et doivent respecter le principe de précaution. De larges pans de la société civile européenne doutent très sérieusement que l’énergie nucléaire ou le gaz naturel, par exemple, réponde à ces critères. Le CESE estime plutôt qu’il serait peut-être préférable que ce type d’activités économiques controversées, qui peuvent encore jouer un rôle utile pendant la période de transition, soient traitées hors du cadre de la taxinomie proprement dite. Le CESE devrait en outre envisager de consacrer une initiative distincte à ce thème. Le Comité soutient l’intégration des autres objectifs environnementaux à la taxinomie, de même que son extension aux activités économiques présentant un niveau de performance intermédiaire, ainsi qu’aux activités qui n’ont pas d’incidence importante sur la durabilité environnementale et à celles qui lui causent un préjudice important. Des propositions devraient être faites rapidement en ce sens. La taxinomie et les normes devraient servir de référence dans divers domaines, de manière à accroître l’efficacité de ces instruments. Il importe néanmoins d’éviter toute lacune propice à l’écoblanchiment. |
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1.5. |
Le CESE se félicite des efforts visant à faciliter l’accès des investisseurs de détail et des PME aux financements durables et souligne la nécessité de garantir des conditions de financement équitables. Il soutient aussi les mesures visant à étendre la publication d’informations en matière de durabilité, car les politiques d’entreprise durables sont également dans l’intérêt des clients des PME et de la société civile dans son ensemble. Les exigences en matière de publication d’informations ne devraient pas imposer trop de ressources ni engendrer de coûts excessifs, mais plutôt contribuer efficacement à la transparence afin d’améliorer l’efficacité du marché et, partant, l’accès aux financements. En ce qui concerne la budgétisation verte, le CESE recommande d’établir un lien entre cet outil et une (future) règle d’or pour les investissements. |
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1.6. |
Les mesures prévues pour soutenir les investissements sociaux crédibles sont loin d’être suffisantes et devraient, elles aussi, être consolidées. L’accent doit être mis davantage sur la durabilité sociale, de sorte que les citoyens et le monde du travail soient au centre des préoccupations. Il convient d’associer pleinement les partenaires sociaux et la société civile à ce processus, et de s’appuyer sur le socle européen des droits sociaux et les objectifs de développement durable des Nations unies. Une taxinomie intégrée, qui engloberait tout autant des objectifs environnementaux que sociaux, permettrait de jeter les précieuses fondations d’une Union européenne durable sur les plans économique, social et environnemental. Pour ce qui est de la publication d’informations en matière de durabilité, il y a lieu d’accorder une attention toute particulière aux indicateurs relatifs aux droits des travailleurs et aux droits de l’homme, et de les perfectionner. |
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1.7. |
Les facteurs de durabilité doivent être pris en considération dans la gestion des risques et la provision en fonds propres du secteur financier, ce dont il faut tenir compte sur le plan réglementaire et, à court terme, sur le plan technique également. Le CESE plaide en faveur de stratégies saines et prospectives en matière de fonds propres, et préconise que l’évaluation des risques se borne à la dimension économique, de sorte que leur pondération se fonde sur les risques réels pour la stabilité. Il convient de tenir compte des répercussions que les risques en matière de durabilité peuvent avoir sur les banques et les assurances, voire sur la stabilité du secteur financier dans son ensemble. En lien avec la prise en compte systématique des risques ESG dans les notations de crédit, il faudrait relancer le débat sur l’agence européenne de notation et ainsi affirmer le rôle pionnier de l’Union dans le domaine de la durabilité. |
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1.8. |
Le CESE se félicite des mesures destinées à intensifier la surveillance des risques systémiques découlant de la crise climatique et suggère de couvrir, dans la mesure du possible, tous les volets du secteur financier. Il est également temps de tenir enfin compte des risques sociaux en matière de durabilité, qui menacent la cohésion sociale en creusant les écarts de distribution. Le Comité préconise en outre de renforcer le caractère contraignant de la publication d’informations en matière de durabilité par les établissements financiers. S’agissant des devoirs fiduciaires et des règles de gestion, les mesures ne doivent pas donner lieu à des transferts disproportionnés de risques sous couvert de considérations écologiques et la classification des investissements non durables doit être soigneusement ajustée. |
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1.9. |
Les autorités de surveillance doivent être dotées, dans les plus brefs délais, des compétences nécessaires pour lutter contre l’écoblanchiment. Pour faciliter le processus, il serait bon de disposer d’une définition de ce concept. Il serait également utile de s’appuyer sur un cadre de suivi afin de mesurer les progrès réalisés par le système financier de l’Union. Le CESE demande que la société civile soit associée à l’examen de l’alignement des marchés financiers sur les objectifs en matière de durabilité. Enfin, le Comité apporte également son soutien au renforcement de la coopération entre les autorités de surveillance et la BCE. La société civile doit être associée aux recherches sur la finance durable, qui doivent prendre en considération la durabilité sociale. |
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1.10. |
Le CESE se félicite que la Commission s’engage en faveur d’un consensus ambitieux au sein des enceintes internationales, car les marchés mondiaux requièrent des cadres internationalement reconnus. Les entreprises européennes ne devraient pas avoir à subir de graves désavantages concurrentiels du fait de la multiplicité des réglementations à respecter. Il s’agit notamment d’offrir, à l’échelle mondiale, un accès aux données qui permettent d’évaluer la durabilité des investissements, ainsi qu’une réglementation et une surveillance adéquates des fournisseurs de données ESG. La lenteur de la coordination internationale ne doit pas retarder l’adoption de mesures au niveau européen. Dans le cadre de l’approfondissement des travaux de la plateforme internationale sur la finance durable, la Commission est invitée à œuvrer non seulement en faveur d’un renforcement de la coopération avec le secteur privé, mais aussi avec la société civile. Le CESE demande instamment qu’il soit davantage tenu compte de la durabilité sociale à l’échelle internationale, notamment dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies. |
2. Contexte de l’avis
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2.1. |
Le cadre pour la finance durable est appelé à jouer un rôle clé dans la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat et dans la réalisation des objectifs du pacte vert. Étant donné que, d’après la Commission, l’ampleur des investissements requis dépasse largement les capacités du secteur public, le cadre pour la finance durable devrait contribuer à orienter les flux financiers privés vers les activités économiques pertinentes. En outre, le cadre pour la finance durable et l’union des marchés des capitaux devraient se renforcer mutuellement, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives (2). |
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2.2. |
La stratégie de 2018 en matière de finance durable repose sur une taxinomie, un système de publication d’informations par les entreprises et des outils d’investissement, qui incluent notamment des indices de référence, des normes et des labels. La Commission constate que des avancées majeures ont été réalisées dans les efforts tendant à poser les bases du cadre pour la finance durable, mais qu’il reste beaucoup à faire. Par l’initiative à l’examen, elle engage une nouvelle phase dans la stratégie de l’Union en matière de finance durable, en l’articulant désormais autour des actions suivantes: financer la transition de l’économie réelle vers la durabilité, veiller au caractère inclusif de la finance durable, améliorer la résilience du secteur financier et sa contribution à la durabilité, et œuvrer en faveur d’une ambition mondiale. |
3. Observations générales
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3.1. |
Le CESE plaide en faveur d’une politique économique qui soit axée sur la prospérité et intègre plusieurs objectifs: durabilité environnementale, croissance durable et inclusive, plein emploi et qualité de l’emploi, répartition équitable, santé et qualité de vie, stabilité financière, stabilité des prix, équilibre des échanges commerciaux dans le cadre d’une structure économique et industrielle équitable et compétitive, et stabilité des finances publiques. Ces objectifs sont cohérents tant avec ceux énoncés à l’article 3 du traité sur l’Union européenne qu’avec les objectifs de développement durable des Nations unies. Il est donc regrettable que de longs pans de la stratégie en matière de finance durable se réfèrent uniquement aux objectifs climatiques. Le CESE recommande une approche holistique qui intègre les enjeux environnementaux comme les objectifs sociaux, et veille à l’équilibre entre ces impératifs. Afin d’éviter tout revers et de parvenir au consensus requis, il convient de concevoir la politique climatique dans une perspective économique axée sur la prospérité. |
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3.2. |
La convergence des mesures de développement durable avec celles de la politique numérique et de la stratégie de l’après-COVID-19 peut conférer plus de poids et d’efficacité à l’action de l’Union. Les politiques environnementales doivent aller de pair avec la création d’emplois de qualité, une répartition équitable des coûts et des risques, et un renforcement de l’économie européenne, notamment sur la scène internationale. Il faut également tirer parti des synergies entre le projet d’union des marchés des capitaux et la stratégie en matière de finance durable. La transparence et l’information sont indispensables à l’efficacité des marchés, et constituent dans le même temps des prérequis pour la finance durable. De manière générale, ces éléments permettront aussi d’améliorer l’accès des petites et moyennes entreprises à des financements durables sur le plan social et environnemental. Qui plus est, le groupe d’experts techniques de la Commission sur les PME (TESG) souligne la nécessité de travailler avec les petites entreprises et de les soutenir dans leurs efforts pour se conformer aux obligations d’information en matière de durabilité. |
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3.3. |
Le CESE souscrit pleinement à l’objectif visant à réorienter et à promouvoir les investissements dans l’optique de soutenir la transition de l’économie européenne vers la durabilité. Si la plupart des mesures proposées dans la stratégie sont judicieuses, elles se bornent souvent à prévoir des vérifications ou d’éventuelles dispositions juridiques, sans être toujours assorties d’échéances. Or, le facteur temps et l’efficacité sont déterminants, tout particulièrement dans le domaine de l’action climatique. Plutôt que de viser la perfection, il faut savoir composer avec un certain degré d’incertitude, des divergences d’opinions et des questions en suspens. Il convient d’enclencher les étapes suivantes sans plus attendre et d’analyser le degré de cohérence entre les réglementations existantes. Nous avons besoin d’un arsenal législatif structuré, bien séquencé et cohérent, sans redondances ni complexité excessive, pour permettre à la stratégie de fonctionner dans la pratique. |
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3.4. |
Le CESE salue la détermination de la Commission à amorcer la transition vers une économie européenne durable. Cependant, le travail de fond concernant l’élaboration de la taxinomie ou la publication d’informations en matière de durabilité est délégué, respectivement, à la plateforme sur la finance durable et au Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG). Or, pour mener à bien la transition vers la durabilité, l’ensemble des organes décisionnels de l’Union ainsi que les États membres doivent s’investir tout autant. Le CESE exhorte en particulier le Conseil et le Parlement européen à soutenir et à faire avancer les efforts en faveur de la durabilité. |
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3.5. |
Le CESE critique la pratique qui consiste à recourir de manière excessive à des actes délégués pour réglementer d’importantes questions de politique économique, plutôt que de passer par la procédure législative ordinaire. Les partenaires sociaux et la société civile doivent, eux aussi, être pleinement associés à la conception et à la mise en œuvre d’une finance durable, et notamment à la définition des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, dits critères ESG. Il faut veiller à ce que ces acteurs soient équitablement représentés au sein de la plateforme sur la finance durable et de l’EFRAG. Étant donné que la taxinomie et la publication d’informations en matière de durabilité touchent aussi au monde du travail, il est inacceptable que les syndicats y soient aussi peu associés (3). Il convient par ailleurs de consulter directement les partenaires sociaux sur les questions liées au monde du travail. |
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3.6. |
La réalisation des objectifs climatiques constitue un bien public qui transcende les générations et les frontières, et s’accompagne d’un risque de comportements opportunistes et de défaillances du marché. On ne peut pas s’attendre à ce que des entreprises concurrentes incorporent volontairement les externalités et endossent ainsi le rôle de «gendarme de la transition». Il ne faut pas non plus escompter qu’une réorientation massive des investissements s’opère sur la base d’une autorégulation intervenue sous l’effet d’une transparence accrue. La stratégie en matière de finance durable ne pourra donc produire les effets incitatifs voulus, avec l’efficacité requise, que si elle s’inscrit dans le cadre d’une politique (économique) globale axée sur la durabilité et d’une réglementation adéquate. À cet égard, la clarté des politiques permet aussi de faciliter la gestion des risques dans le secteur financier. |
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3.7. |
De même, les investissements publics continuent de jouer un rôle crucial, notamment parce qu’ils attirent souvent d’autres investissements privés. Malheureusement, le cadre budgétaire de l’Union a souvent incité à réduire les investissements publics (4), ce qui se traduit aujourd’hui par un manque d’investissements en faveur de la durabilité et de l’inclusion. Pour atteindre les objectifs du pacte vert, il faut à la fois réorienter les investissements privés et stimuler les investissements publics. Le débat sur la durabilité vient notamment souligner la nécessité d’instaurer une règle d’or. |
4. Observations particulières
4.1. Financer la transition de l’économie réelle vers la durabilité
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4.1.1. |
La taxinomie de l’Union doit refléter un niveau d’ambition plus élevé que celui prévu par la législation européenne, puisqu’en tout état de cause, le respect de ces dispositions peut être tenu pour acquis. Seule une telle approche permettra de consolider le rôle de premier plan des activités économiques durables, au moyen de la finance et des possibilités de financement. Le succès de la taxinomie est tributaire d’une large adhésion sociale. Ce système de classification doit être transparent, fondé sur des données scientifiques et mis à jour en permanence. Pour que la taxinomie réponde à une notion de durabilité largement acceptée, il faut veiller à ce que les activités économiques qui y figurent ne compromettent aucun des objectifs environnementaux (5) ni n’entraînent de dysfonctionnements sociaux. Le CESE renvoie au principe de précaution inscrit dans la politique environnementale de l’Union (6). |
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4.1.2. |
En vue d’accroître l’efficacité de la taxinomie, le CESE préconise de l’utiliser dans la gestion des risques des entreprises financières (voir le paragraphe 4.4). Parmi les autres approches que le CESE juge prometteuses, citons le recours au ratio d’actifs verts (Green Asset Ratio ou GAR) pour déterminer la proportion des actifs des institutions financières qui sont alignés sur la taxinomie, l’intégration des risques environnementaux dans les tests de résistance et l’utilisation de la taxinomie pour les obligations vertes. Par ailleurs, le Comité recommande de se référer à la taxinomie ainsi qu’aux normes et aux labels, dans le domaine des aides et des marchés publics, par exemple, ou dans le contexte du cadre budgétaire de l’Union. |
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4.1.3. |
L’ajout de critères d’examen technique [action 1 (c)] doit se faire avec une grande prudence et dans le strict respect du principe de précaution. Il convient notamment d’appliquer scrupuleusement le critère énoncé dans le règlement sur la taxinomie (7), à savoir ne pas causer de préjudice important à d’autres objectifs environnementaux ou sociaux (8). En ce sens, les propositions visant à intégrer l’agriculture, le gaz naturel et l’énergie nucléaire dans la taxinomie doivent être examinées avec la plus grande attention. Il est essentiel de préserver la crédibilité de cet outil pour éviter de compromettre le projet de taxinomie dans son ensemble. Le CESE souligne que de larges pans de la société civile européenne nourrissent de sérieux doutes quant au caractère durable des secteurs économiques que la Commission propose d’inclure. Ces observations s’appliquent également à la législation relative au financement de certaines activités économiques [action 1 (a)]. |
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4.1.4. |
Le CESE reconnaît que même des activités économiques dont le caractère durable est très controversé peuvent jouer un rôle utile pendant la période de transition, surtout lorsqu’elles répondent aux normes techniques les plus récentes. Le CESE estime donc qu’il serait peut-être préférable que ce type d’activités fassent l’objet d’un traitement distinct, hors du cadre de la taxinomie européenne. Le CESE devrait en outre envisager de consacrer une initiative distincte à ce thème. L’objectif d’une telle initiative serait de plaider en faveur d’une politique énergétique axée sur la prospérité et centrée sur les objectifs environnementaux, ainsi que sur l’accessibilité financière, le maintien d’emplois de qualité et le renforcement de l’économie européenne sur le marché intérieur comme à l’international. |
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4.1.5. |
L’acte délégué déjà prévu dans le règlement sur la taxinomie en vue de couvrir les quatre autres objectifs environnementaux [action 1 (d)], dans les domaines de l’eau, de la biodiversité, de la prévention de la pollution et de l’économie circulaire, représente une avancée opportune sur la voie d’une approche globale de la durabilité. Le CESE se félicite également de l’annonce faite par la Commission de proposer des critères d’évaluation relatifs à la biodiversité, afin de l’articuler avec la politique climatique. De même, l’extension de la taxinomie aux activités économiques présentant un niveau de performance intermédiaire, ainsi que la distinction entre les activités économiques qui n’ont pas d’incidence importante sur la durabilité environnementale et celles qui lui causent un préjudice important [action 1 (b)] représentent un pas dans la bonne direction. À cet égard, le règlement sur la taxinomie prévoit la publication, d’ici à la fin de 2021, d’un rapport sur les activités économiques qui présentent ou non une incidence importante. Le CESE insiste pour que ce rapport soit effectivement présenté à l’échéance prévue. Il convient également de veiller à ce que l’élargissement de la taxinomie ne suscite pas de lacunes propices à l’écoblanchiment, du fait notamment d’une complexité accrue. |
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4.1.6. |
Le CESE se félicite de l’extension des normes et des labels [action 1 (e)] et réclame plus de détermination, entre autres dans l’introduction de normes minimales. Il serait utile de définir un cadre général pour les labels destinés aux instruments financiers finançant la transition de l’économie, et ce, afin de disposer de repères clairs et fiables. Il convient d’accorder une attention toute particulière au «blanchiment» dans le domaine de la durabilité, c’est-à-dire aux pratiques trompeuses par lesquelles un établissement prétend faire preuve de plus de durabilité sur le plan environnemental ou social que ce n’est le cas en réalité. À cet égard, la Commission prévoit uniquement de procéder d’ici à 2023 à une évaluation de la nécessité d’un tel outil. Même pour ce qui est de la création d’un indice de référence ESG, la Commission a seulement annoncé qu’elle évaluerait cette possibilité, alors qu’ici aussi, il serait bon de disposer de définitions et règles contraignantes, qui contribueraient à offrir aux investisseurs et à la société la clarté qu’ils réclament à juste titre. |
4.2. Un cadre inclusif pour la finance durable
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4.2.1. |
Le CESE se félicite des efforts visant à faciliter l’accès des consommateurs, des investisseurs de détail et des PME aux financements durables, dans le but d’encourager les projets de petite envergure au niveau local [action 2 (a)]. À cette fin, il faut également garantir des coûts de financement équitables. Une bonne approche consiste à promouvoir les connaissances en matière de durabilité, ce qui permet de répondre à l’intérêt croissant pour ce domaine. Néanmoins, l’éducation financière ne saurait se substituer à une bonne protection des investisseurs, et l’importance accordée aux questions de durabilité ne doit pas conduire à dissimuler des risques excessifs. Des représentants des investisseurs doivent être associés à l’élaboration d’un cadre de compétences financières. |
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4.2.2. |
Le CESE salue les projets en matière de conseil ainsi que le guide de la taxinomie de l’UE (EU Taxonomy Compass) [action 2 (a)], qui visent à améliorer la communication d’informations sur la durabilité, y compris pour les PME qui ne sont pas couvertes par la proposition de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) (9). Il est important d’améliorer ces rapports et de les rendre plus contraignants, car les activités économiques des petites entreprises peuvent aussi avoir de profondes répercussions sur l’environnement. Le CESE fait remarquer que la société civile dans son ensemble s’intéresse fortement au caractère durable des politiques d’entreprise. La clientèle et les investisseurs des PME, en particulier, exigeront eux aussi des déclarations sur la durabilité. Toutefois, dans le cadre d’un système simplifié de déclaration ESG, il faut rester particulièrement attentif aux risques d’écoblanchiment. Le CESE recommande également d’adopter les mesures suivantes: assurer la normalisation et la comparabilité des informations non financières des entreprises de l’Union, mettre en place un cadre de réglementation et de surveillance pour les fournisseurs de données sur la durabilité et garantir l’accès aux informations non financières brutes des entreprises. Les exigences en matière de publication d’informations ne constituent pas une fin en soi; elles ne devraient donc pas imposer trop de ressources ni engendrer de coûts excessifs, mais plutôt contribuer efficacement à la transparence afin d’améliorer l’efficacité du marché et, partant, l’accès aux financements. |
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4.2.3. |
Il est tout indiqué de recourir aux technologies numériques pour la finance durable et, de manière réciproque, les questions de durabilité doivent être intégrées à la technologie [action 2 (b)]. La coordination des mesures destinées à encourager la durabilité globale, à promouvoir la numérisation et à surmonter la crise de la COVID-19 crée des synergies qu’il convient de renforcer afin de conférer plus de poids et d’efficacité à l’action de l’Union. En ce qui concerne la budgétisation verte [action 2 (e)], le CESE recommande d’établir un lien entre cet outil et une (future) règle d’or pour les investissements. Plus généralement, il est regrettable qu’ici non plus, la durabilité ne fasse pas l’objet d’une approche globale. En matière de partage des risques, il convient d’éviter tout transfert unilatéral des risques au détriment du secteur public et de veiller à ce que la charge ne lui incombe pas entièrement. |
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4.2.4. |
L’augmentation de la couverture d’assurance contre les risques environnementaux représente une adaptation à la situation actuelle [action 2 (c)]. D’après la Commission, une légère augmentation de cette couverture réduira considérablement le coût des catastrophes climatiques pour les contribuables et les gouvernements, ce dont le CESE se félicite vivement. En revanche, les mesures proposées, telles que l’identification d’exemples de bonnes pratiques, semblent extrêmement défensives. En tout état de cause, les partenaires sociaux et la société civile doivent être associés dans le cadre d’un dialogue sur la résilience (climatique). |
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4.2.5. |
Les mesures prévues pour soutenir les investissements sociaux crédibles [action 2 (d)] sont loin d’être suffisantes pour combler les lacunes de la stratégie dans le domaine social. Si le règlement sur la taxinomie (10) prévoit des garanties minimales, en renvoyant notamment aux conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail, cette mention ne suffit pas à faire de la taxinomie un levier du progrès social. Pour renforcer la durabilité sociale, nous avons également besoin d’une approche cohérente, centrée sur les citoyens et le monde du travail. Les bases en sont déjà posées, grâce au socle européen des droits sociaux et aux objectifs de développement durable des Nations unies. À titre d’exemple, une taxinomie qui engloberait tout autant les objectifs environnementaux que sociaux, et, partant, le principe consistant à ne pas «causer de préjudice important» (11), permettrait de jeter les précieuses fondations d’une Union européenne durable sur les plans économique, social et environnemental. À présent, il convient de mettre au point rapidement une taxinomie globale, en associant les partenaires sociaux et la société civile. En tout état de cause, le rapport sur une taxinomie sociale paraîtra assez tardivement, sa publication étant prévue à la fin de 2021. |
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4.2.6. |
Par ailleurs, il est prévu que les normes techniques définies dans le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR) (12) soient révisées afin de préciser les incidences négatives dans le domaine environnemental et social, mais pas avant la fin de l’année 2022, ce qui paraît encore une fois trop tard. Le CESE demande, en particulier, que les indicateurs relatifs aux droits des travailleurs et aux droits de l’homme soient examinés beaucoup plus rapidement et que des normes plus strictes soient appliquées. Il va de soi que les partenaires sociaux et la société civile doivent être, ici aussi, pleinement associés au processus. |
4.3. Renforcer la résilience face aux risques en matière de durabilité
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4.3.1. |
Le CESE est favorable à l’intégration des facteurs de durabilité dans la gestion des risques au sein du secteur financier. C’est le seul moyen de rompre le cercle vicieux dans lequel des entreprises financières financent des activités néfastes pour le climat, alors même que le changement climatique fait peser de graves risques sur les banques et les compagnies d’assurance. Pis encore, le changement climatique a aussi des répercussions sur l’ensemble du secteur financier et compromet même la stabilité financière dans sa globalité. Dans ce contexte, le CESE prévient qu’il ne faut pas interpréter à tort le rôle du secteur financier et ne pas le voir comme un organe d’exécution qui imposerait des objectifs de durabilité dans l’intérêt général. Il est néanmoins difficile de quantifier les risques climatiques avec précision, compte tenu de leur ampleur, de leur caractère inédit et de leur imprévisibilité. Toutefois, cela ne doit en aucun cas différer l’adoption de mesures concrètes, car un tel retard ne ferait qu’aggraver le problème. Dans l’ensemble, une démarche rapide et prudente s’impose afin d’éviter les réactions de choc. Il convient ici de s’appuyer sur la taxinomie de l’UE. |
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4.3.2. |
Le CESE se félicite de la prise en compte des risques en matière de durabilité dans les normes d’information financière, ainsi que de l’élaboration d’une norme relative au capital naturel [action 3 (a)], sachant qu’il est essentiel de disposer de normes et de méthodes fiables, rigoureuses et fondées sur des données scientifiques. La prise en compte systématique des risques ESG pertinents dans les notations de crédit et les perspectives de notation [action 3 (b)] est tout aussi opportune. Dans le contexte actuel, le CESE suggère de relancer le débat sur une agence européenne de notation et ainsi d’affirmer le rôle pionnier de l’Union dans le domaine de la durabilité. |
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4.3.3. |
Il est judicieux d’intégrer les facteurs ESG dans les systèmes de gestion des risques des banques et dans le cadre prudentiel applicable aux assurances [actions 3 (c) et 3 (d)]. Ces éléments devraient aussi être pris en compte dans les révisions du règlement sur les exigences de fonds propres (CRR), de la directive sur les exigences de fonds propres (CRD) et de la directive Solvabilité II (13), qui feront sans doute l’objet de longs débats. Le CESE préconise dès lors d’agir rapidement en ce qui concerne les normes de mesure des risques dans le cadre de la gestion des risques, afin de dresser rapidement une cartographie des risques en matière de durabilité et d’assurer une provision en fonds propres adéquate. Sur le plan technique, il est ici possible de s’appuyer, entre autres, sur les lignes directrices fournies par les autorités européennes de surveillance. De manière générale, dans le domaine des risques et des fonds propres, le CESE plaide en faveur de stratégies saines, prospectives et soigneusement pondérées, qui tiennent compte des effets que les risques en matière de durabilité produisent sur la stabilité financière. |
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4.3.4. |
Des outils tels que les tests de résistance internes constituent un pas dans la bonne direction, à titre de mesures complémentaires. Toutefois, le CESE se dit opposé à l’idée d’un traitement prudentiel spécifique pour les expositions considérées comme durables, qui conduirait par exemple à réduire les exigences de fonds propres. La complexité du corpus réglementaire s’en trouverait accrue, ce qui risquerait de faire naître une certaine confusion et des lacunes dans la réglementation. Le CESE préconise donc que l’évaluation des risques se borne à la dimension économique. La pondération des risques doit se fonder en premier lieu sur les risques en matière de stabilité économique. Ce faisant, les investissements nocifs pour le climat pourraient bien voir leur valeur dépréciée et ne pas aboutir de toute façon. Dans le cas où le CRR, la CRD et la directive Solvabilité II venaient à être détricotés, le CESE met en garde contre le risque d’une évolution en dents de scie dans le domaine prudentiel et d’une mise en péril des normes déjà adoptées. |
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4.3.5. |
La Banque centrale européenne (BCE), entre autres, attire l’attention sur le lien entre la crise climatique et la stabilité financière. Le CESE se félicite que la BCE ait publié des guides concernant la prise en compte des risques ESG et soutient les mesures destinées à renforcer la surveillance et la gestion des risques systémiques potentiels [action 3 (e)]. L’objectif est ici de couvrir, dans la mesure du possible, l’ensemble des établissements, des acteurs, des produits et des plateformes de négociation, et notamment les secteurs moins réglementés. Le CESE souligne également qu’il convient d’accorder une priorité absolue à l’atténuation des risques, plutôt qu’à leur recensement. Par ailleurs, le CESE regrette qu’il ne soit même pas fait mention des risques sociaux en matière de durabilité, qui menacent pourtant la cohésion sociale en creusant les écarts de distribution. |
4.4. Améliorer la contribution du secteur financier aux objectifs de durabilité
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4.4.1. |
Le secteur financier occupe une fonction centrale dans le circuit macroéconomique et joue donc un rôle important en matière de durabilité. En effet, derrière les investissements d’aujourd’hui se profilent les émissions de CO2 de demain. Il est donc logique que la CSRD exige des différents établissements financiers qu’ils publient leurs plans de transition et leur contribution à la réduction de l’empreinte environnementale, et qu’elle cherche, dans le cadre du SFDR, à renforcer la transparence et l’efficacité des mesures de décarbonation prises par les acteurs des marchés financiers pour les produits financiers [action 4 (a)]. Le CESE préconise que l’amélioration de la publication d’informations soit reliée à des trajectoires de transition prédéfinies, et que les exigences en matière de publication d’informations soient étendues à d’autres acteurs des marchés financiers. Les engagements pris volontairement en matière de durabilité ne sauraient être qu’une première étape, comme le souligne la Commission elle-même; il convient donc de soutenir toutes les mesures visant à renforcer le caractère contraignant de ces engagements, pour prévenir toute confusion et toute dimension arbitraire. |
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4.4.2. |
En ce qui concerne les devoirs fiduciaires et les règles de gestion, de nouveau, les mesures consistent surtout en des évaluations [action 4 (b)]. Il est judicieux d’élargir le concept d’«intérêt supérieur à long terme des membres et des bénéficiaires» et d’imposer une prise en compte des effets en matière de durabilité. Là encore, ces mesures ne doivent pas donner lieu à des transferts disproportionnés de risques sous couvert de considérations écologiques. La classification des investissements non durables doit être soigneusement ajustée, en accordant une attention particulière à la pondération des risques pour les nouveaux investissements dans les combustibles fossiles. Si l’on souhaite parvenir à une transition juste, la durabilité sociale ne doit pas être, une fois encore, jetée aux oubliettes. L’amélioration de la disponibilité, de l’intégrité et de la transparence des recherches et des notations ESG apporte un complément essentiel, car il est urgent d’en accroître la fiabilité et la comparabilité, face à la variété déroutante des concepts [action 4 (c)]. |
4.5. Veiller à la transition ordonnée du système financier et en garantir l’intégrité
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4.5.1. |
Le CESE soutient toutes les mesures qui permettent aux autorités de surveillance de s’attaquer à l’écoblanchiment [action 5 (a)]. Somme toute, il est bien naturel de leur donner les moyens d’accomplir leur mission. Malheureusement, ici encore, seule une évaluation est envisagée, sans précision de calendrier. Le CESE insiste une nouvelle fois sur la question des délais et regrette qu’il ne soit fait référence qu’à la durabilité environnementale. Enfin, il est conseillé de préciser la définition du «blanchiment» dans le domaine de l’écologie («écoblanchiment») ou de la durabilité, pour faciliter l’application de contre-mesures en la matière. |
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4.5.2. |
L’élaboration d’un solide cadre de suivi pour mesurer les progrès réalisés par le système financier de l’UE constitue une mesure d’accompagnement essentielle [action 5 (b)]. Il y a lieu de se féliciter des mesures visant à quantifier les flux de capitaux vers les investissements durables, à évaluer les besoins d’investissement et à analyser l’alignement des marchés financiers sur les objectifs climatiques et environnementaux. Malheureusement, la durabilité sociale est une fois de plus laissée de côté. Le CESE demande qu’en plus des institutions financières, les partenaires sociaux et la société civile soient, eux aussi, associés à l’examen de l’alignement des marchés financiers sur les objectifs climatiques et environnementaux. |
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4.5.3. |
Il est urgent de renforcer la coopération entre les autorités de surveillance et la BCE [action 5 (c)]. Dans l’optique d’une action politique plus concertée, il serait souhaitable de procéder avec célérité, en associant également les autorités nationales de surveillance à cette démarche. Le CESE demande que les partenaires sociaux et la société civile soient associés au renforcement de la recherche sur la durabilité et du transfert des connaissances entre le secteur financier et la communauté des chercheurs, et que la durabilité sociale soit prise en compte dans ce contexte. |
4.6. Œuvrer en faveur d’une ambition mondiale
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4.6.1. |
Le CESE se félicite que la Commission s’engage en faveur d’un consensus ambitieux au sein des enceintes internationales [action 6 (a)]. Étant donné l’étroite interconnexion entre les marchés financiers internationaux et la nécessité de préserver la stabilité financière mondiale, une bonne gouvernance internationale paraît essentielle en règle générale, et plus particulièrement dans le domaine de la durabilité. Les marchés mondiaux requièrent des cadres et des règles internationalement reconnus. Cela recouvre notamment des aspects très concrets, mais cruciaux, tels que la nécessité d’offrir, à l’échelle mondiale, un accès aux données qui permettent d’évaluer la durabilité des investissements. |
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4.6.2. |
Le fait que la coordination internationale soit parfois lente ne doit jamais servir d’excuse ni retarder les avancées au niveau européen. Au contraire, plus la finance durable est couronnée de succès en Europe, plus il est probable que la voie tracée par l’Union devienne un modèle pour le reste du monde. Dans ce contexte, la fiabilité de la taxinomie de l’UE et l’application généralisée de la double importance relative revêtent également une grande importance. Le CESE demande instamment qu’il soit davantage tenu compte de la durabilité sociale à l’échelle internationale, notamment dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies. Les entreprises européennes ne devraient pas avoir à subir d’importants désavantages concurrentiels du fait de la multiplicité des réglementations à respecter. |
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4.6.3. |
Il est judicieux d’approfondir le travail de la plateforme internationale sur la finance durable (IPSF) [action 6 (b)]. À cet égard, la Commission est invitée à œuvrer en faveur d’un renforcement de la coopération et de l’interaction de l’IPSF non seulement avec le secteur privé, mais aussi avec les partenaires sociaux et la société civile, afin de garantir, par exemple, la prise en compte des droits de l’homme dans le cadre de la finance durable. Il va de soi que le CESE préconise, là encore, de se concentrer sur une approche globale de la durabilité, ce qui s’applique aussi à l’aide destinée aux pays à revenu faible ou intermédiaire [action 6 (c)]. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) L’abréviation «ESG» désigne les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
(2) JO C 155 du 30.4.2021, p. 20.
(3) La liste des membres et des observateurs de la plateforme sur la finance durable est disponible à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/eu-platform-on-sustainable-finance-members_en.pdf
(4) JO C 268 du 14.8.2015, p. 27.
(5) Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (JO L 198 du 22.6.2020, p. 13), article 17.
(6) Article 191 du TFUE.
(7) Règlement (UE) 2020/852, article 18.
(8) Principe de précaution consistant à ne pas «causer de préjudice important», défini à l’article 2, point 17 du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (JO L 317 du 9.12.2019, p. 1).
(9) Proposition de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises [COM(2021) 189 final].
(10) Règlement (UE) 2020/852, article 18.
(11) Principe de précaution défini à l’article 2, point 17 du règlement (UE) 2019/2088.
(12) Règlement (UE) 2019/2088 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.
(13) Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (JO L 335 du 17.12.2009, p. 1).
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/105 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil en matière d’obligations vertes européennes
[COM(2021) 391 final — 2021/0191 (COD)]
(2022/C 152/17)
|
Rapporteur: |
Philip VON BROCKDORFF |
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Consultation |
Conseil, 12.8.2021 Parlement européen, 13.9.2021 |
|
Base juridique |
Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
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Adoption en section |
23.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
123/1/4 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
La norme européenne «volontaire» en matière d’obligations vertes crée un régime fondé sur la transparence et la surveillance. Dans le cadre d’un tel régime, les projets conformes à la taxinomie européenne des activités durables peuvent bénéficier d’un financement, et les émetteurs doivent fournir des informations supplémentaires au moment de l’émission, puis en rendant régulièrement compte de l’utilisation des produits et des incidences des projets. |
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1.2. |
Le CESE estime que la norme européenne en matière d’obligations vertes est également susceptible de générer des avantages économiques considérables, tant pour les émetteurs que pour les investisseurs. Ce potentiel est lié au fait que la proposition vise à instaurer un mécanisme universel, crédible et rationalisé pour l’émission d’obligations vertes, réduisant au minimum les asymétries d’information tout en procurant d’importants gages de confiance aux émetteurs, en vertu de cette norme. |
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1.3. |
De l’avis du CESE, l’alignement de ces obligations sur le règlement établissant la taxinomie de l’Union européenne leur permet également d’être adaptées au financement d’activités économiques qui soutiennent la transition vers des économies plus durables et décarbonées. |
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1.4. |
La norme proposée contribuerait également à réduire sensiblement les niveaux d’incertitude existants en ce qui concerne les types d’actifs ou de dépenses qui peuvent raisonnablement être considérés comme une utilisation écologique du capital. Toutefois, en raison de l’alignement susmentionné sur la taxinomie de l’UE, le CESE est d’avis que la Commission doit fournir des indications claires pour orienter les investisseurs vers les obligations vertes européennes et les projets qui ont une incidence positive sur l’environnement. |
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1.5. |
Le CESE est d’avis que, pour développer davantage les obligations vertes en tant que catégorie d’actifs, il est nécessaire d’appliquer une norme uniforme dans tous les États membres, qui soit applicable aux émetteurs. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les difficultés auxquelles seraient confrontés les émetteurs respectant les normes de la taxinomie de l’Union européenne. Selon toute vraisemblance, ils mettraient en balance les coûts d’un examen externe et les avantages de l’accès à une base d’investisseurs plus large. Il convient d’éviter une situation dans laquelle les émetteurs privés pourraient préférer d’autres obligations vertes et des procédures de certification moins onéreuses. |
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1.6. |
Ces procédures de rapports et de mise en conformité qui sont proposées pourraient également avoir une incidence financière disproportionnée sur les PME, qui sont susceptibles d’estimer que la norme verte européenne est trop punitive et décourage ainsi la poursuite de sa croissance. Il convient aussi d’éviter cette situation et, par conséquent, le CESE recommande une approche pragmatique en ce qui concerne les exigences en matière de surveillance et d’établissement de rapports. Éviter la prescription et la réglementation excessives, y compris dans le cas des entreprises émettrices, faciliterait l’adoption de la norme européenne en matière d’obligations vertes sur les marchés des capitaux. Dans les économies en décarbonation, les opérations des émetteurs privés sont jugées aussi importantes que l’émission d’obligations vertes par la Commission, et le CESE est d’avis que les normes appliquées aux obligations vertes émises par le secteur public et les émetteurs privés doivent converger. |
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1.7. |
En ce qui concerne les émetteurs d’obligations vertes de pays tiers, le CESE est d’avis que l’accès aux marchés des capitaux de l’UE, et inversement, devrait être fondé sur l’harmonisation des taxinomies entre les pays du monde entier. Le CESE estime que ces questions revêtent une importance particulière, étant donné que les défis environnementaux tels que le changement climatique ne peuvent être relevés par la seule Union européenne. En l’absence de consensus concernant l’alignement de la taxinomie avec les pays tiers, il est peu probable que la proposition de règlement de la Commission relative à une norme facultative en matière d’obligations vertes devienne une norme pour le marché mondial de ces mêmes obligations. La plateforme internationale sur la finance durable (IPSF) devrait jouer un rôle clé dans la mise en place de ce terrain d’entente en faisant office de forum de dialogue entre les décideurs politiques. |
|
1.8. |
Enfin, le CESE se félicite de l’exigence, prévue par la taxinomie de l’Union européenne, selon laquelle les investissements doivent respecter le principe «ne pas causer de préjudice important» et les garanties minimales, étant donné qu’il reste nécessaire de donner la priorité à la transformation verte parallèlement à la protection sociale et à la protection des droits de l’homme et des droits des travailleurs. Cela peut néanmoins limiter la portée de l’alignement de la taxinomie avec les pays tiers, en particulier si ceux-ci ne remplissent pas les critères relatifs au principe «ne pas causer de préjudice important», comme la reconnaissance des droits de négociation collective. À cette fin, le CESE propose d’instaurer un comité de suivi spécifique chargé de superviser la dynamique du marché des obligations vertes, avec la participation des partenaires sociaux. |
2. Observations générales
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2.1. |
Le 6 juillet 2021, la Commission européenne a proposé un nouveau règlement sur une norme européenne volontaire en matière d’obligations vertes. Le règlement proposé vise à rendre le système financier de l’UE plus durable en créant une norme de référence en matière d’obligations vertes qui puisse être comparée, et éventuellement harmonisée, avec d’autres normes du marché. |
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2.2. |
La norme en matière d’obligations vertes serait ouverte à tous les émetteurs d’obligations vertes, y compris les émetteurs privés, publics et souverains, et inclurait des émetteurs situés en dehors de l’UE. |
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2.3. |
Le cadre proposé établirait une norme volontaire régissant la manière dont les entreprises et les pouvoirs publics peuvent utiliser les obligations vertes pour lever des fonds sur les marchés des capitaux en vue de financer des projets. |
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2.4. |
La norme exige que les émetteurs affectent tous les produits des obligations à des activités qui satisfont aux exigences énoncées dans le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil (1) relatif à la taxinomie jusqu’à l’échéance de l’obligation. Elle définit des objectifs environnementaux, des critères d’examen et des seuils de performance pour les activités économiques. Toute activité économique sera considérée comme conforme si elle: a) contribue substantiellement à un ou plusieurs des objectifs environnementaux; b) ne cause de préjudice important à aucun autre de ces objectifs environnementaux; et c) respecte les garanties sociales et en matière de gouvernance. |
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2.5. |
Les obligations vertes européennes contribueraient à financer des projets à long terme (jusqu’à 10 ans), pour autant que ces projets respectent les objectifs environnementaux du règlement sur la taxinomie. |
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2.6. |
Les obligations vertes européennes feraient l’objet d’un examen externe afin de s’assurer qu’elles sont conformes aux exigences susmentionnées, et en particulier à celle de l’alignement des projets sur la taxinomie. En vertu de la proposition à l’examen, les examinateurs externes seraient enregistrés auprès de l’Autorité européenne des marchés financiers et devraient régulièrement démontrer qu’ils remplissent les conditions d’enregistrement. |
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2.7. |
Dans le cas où les critères d’examen technique de la taxinomie de l’UE définis par le règlement sur la taxinomie viendraient à être modifiés après une émission d’obligations, la proposition permet aux émetteurs de continuer à être considérés au titre des critères préexistants pendant cinq années supplémentaires. Toutefois, le CESE est d’avis qu’une fois qu’une obligation est considérée comme «verte» lors de son émission, les règles d’affectation des produits ne devraient pas être modifiées. Dans la pratique, malgré une modification des critères d’évaluation de la taxinomie et le fait que l’obligation ne réponde plus aux nouveaux critères, elle devrait rester «verte» pendant toute sa durée, jusqu’à son échéance. Cela devrait contribuer à la stabilité des marchés des obligations vertes. |
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2.8. |
La proposition vise également à renforcer la confiance des investisseurs et leurs garanties, ainsi qu’à réduire les risques que des projets financés par des obligations vertes n’atteignent pas les objectifs environnementaux visés. Les émetteurs de ces obligations sont tenus d’établir des rapports réguliers. |
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2.9. |
Une «fiche d’information sur les obligations vertes» (appelée fiche d’information EuGB) définissant les objectifs de financement exacts de l’émission est obligatoire, et cette fiche d’information fait l’objet d’un «examen pré-émission» par un examinateur externe enregistré afin de s’assurer que l’obligation respecte les exigences de la norme en matière d’obligations vertes. |
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2.10. |
Les émetteurs d’obligations vertes sont également tenus de publier des rapports annuels montrant la conformité des produits de l’émission d’obligations à la taxinomie de l’UE. |
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2.11. |
Une fois que tous les produits de la vente des obligations vertes auront été affectés (ce qui doit se produire avant l’échéance de l’obligation), l’émetteur sera tenu d’obtenir un «examen post-émission». Pour certains émetteurs (par exemple certains établissements financiers), il s’agira d’une exigence annuelle. |
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2.12. |
Il sera également obligatoire de publier au moins un rapport sur l’incidence environnementale globale de l’obligation. |
3. Observations particulières
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3.1. |
La proposition de la Commission européenne relative à une norme de l’Union européenne en matière d’obligations vertes intervient à un moment où ces obligations sont de plus en plus demandées au sein de l’Union européenne. Toutefois, les obligations vertes ne représentent encore que 2,6 % de l’ensemble des émissions d’obligations dans l’Union, de sorte qu’il reste d’importantes possibilités de croissance. Par exemple, au deuxième trimestre 2021, les émissions d’obligations vertes dans l’Union européenne ont augmenté d’environ 30 % par rapport à la même période en 2020, ce qui reflète la trajectoire de croissance dans ce domaine (2). |
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3.2. |
Malgré cela, l’ampleur réelle des avantages environnementaux découlant des projets financés par l’émission de ces obligations suscite de plus en plus d’interrogations. Le terme utilisé pour décrire ces préoccupations est celui d’«écoblanchiment», qui reflète parfois l’incertitude au sujet de la qualité écologique des projets financés au moyen d’obligations vertes. Cela engendre un problème de crédibilité pour les émetteurs cherchant à asseoir leur réputation environnementale, et une asymétrie d’information pour les investisseurs qui peuvent éprouver des difficultés à identifier en amont des projets véritablement durables sur le plan environnemental. |
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3.3. |
Le problème est lié au fait que les obligations vertes sont identiques à toutes les autres obligations: le seul élément qui les distingue est que le produit de l’émission d’obligations vertes sert à financer des projets qui respectent un certain nombre de critères environnementaux prédéfinis. En cas de défaillance, et comme dans toute émission d’obligations, l’investisseur a généralement recours à la totalité du bilan de l’émetteur. La valeur ajoutée, pour l’investisseur, découle de la détention d’une obligation qui répond à des objectifs durables ou environnementaux. Toutefois, le problème qui se pose ici est que les définitions des activités durables varient d’un pays à l’autre de l’Union. Par conséquent, il est tout à fait impossible de comparer les incidences des projets d’un pays à l’autre, et souvent d’une région à l’autre au sein d’un même État membre. |
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3.4. |
Une autre difficulté est également liée aux rapports concernant l’utilisation des produits. La publication d’informations par les émetteurs et la communication d’informations sur l’utilisation des produits aux investisseurs a tendance à poser davantage de problèmes dans les États membres où l’essentiel des investissements à faible intensité de carbone sera nécessaire à l’avenir. |
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3.5. |
La norme européenne en matière d’obligations vertes vise à remédier à ces problèmes en créant un régime fondé sur la transparence et la surveillance. Dans le cadre d’un tel régime, seuls les projets conformes à la taxinomie européenne des activités durables peuvent bénéficier d’un financement, et les émetteurs doivent fournir des informations supplémentaires au moment de l’émission, puis en rendant régulièrement compte de l’utilisation des produits et de leurs incidences. En outre, seuls des examinateurs externes supervisés par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) seront autorisés à approuver une obligation verte européenne. Toutefois, le CESE met en garde contre les concentrations de marché afin de maîtriser le coût des examinateurs externes. Par exemple, un processus d’enregistrement simple et fluide peut encourager la concurrence dans ce domaine, sans préjudice de la connaissance ou de la qualité des évaluateurs. |
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3.6. |
La norme européenne en matière d’obligations vertes est également susceptible de générer des avantages économiques considérables, tant pour les émetteurs que pour les investisseurs. À l’heure actuelle, les problèmes liés à la crédibilité et aux asymétries d’information engendrent des coûts supplémentaires pour toutes les parties concernées, les émetteurs cherchant à démontrer leurs qualifications grâce à divers efforts coûteux, y compris des procédures d’examen externe onéreuses et des notifications étendues, tandis que les investisseurs entreprennent éventuellement des recherches supplémentaires afin de déterminer de manière adéquate les possibilités d’investissement durable qui seraient pertinentes. L’obligation verte européenne qui est proposée instaurerait un mécanisme universel, crédible et rationalisé pour l’émission d’obligations vertes, réduisant au minimum les asymétries d’information tout en procurant d’importants gages de confiance aux émetteurs, en vertu de cette norme. |
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3.7. |
Les obligations vertes européennes alignées sur le règlement établissant la taxinomie de l’UE sont parfaitement adaptées au financement d’activités économiques qui soutiennent la transition vers des économies plus durables et décarbonées. Les obligations vertes devraient se voir privilégiées en priorité, et des mesures d’incitation appropriées devraient être mises en place pour que le système financier de l’Union européenne devienne réellement «vert». |
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3.8. |
La proposition permettrait également aux entreprises établies dans l’Union européenne d’émettre une obligation verte européenne pour acquérir ou construire un actif correspondant à la taxonomie de l’UE, tel qu’un nouveau bâtiment économe en énergie. Les entreprises pourraient ainsi accroître leur part d’actifs alignés sur la taxonomie. Toutefois, ce système devrait également tenir compte des coûts sociaux associés, y compris les licenciements collectifs. |
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3.9. |
La norme proposée contribuerait également à réduire sensiblement les niveaux d’incertitude existants en ce qui concerne les types d’actifs ou de dépenses pouvant raisonnablement être assimilés à une utilisation écologique du capital, en raison de leur alignement susmentionné sur la taxinomie de l’Union, ce qui renforcerait la confiance dans le marché des obligations vertes et contribuerait ainsi à stimuler davantage la croissance et l’investissement dans ce domaine émergent ainsi que l’intégration de la finance verte. À terme, la norme européenne en matière d’obligations vertes pourrait devenir efficace, mais des orientations de la part de la Commission sont nécessaires pour guider les investisseurs vers des obligations et des projets de meilleure qualité ayant réellement une incidence positive sur l’environnement, ainsi que pour créer une nouvelle catégorie d’actifs sur le marché des capitaux au sein de l’UE. La perspective de ces orientations constitue une autre raison de se féliciter de la présente proposition. |
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3.10. |
Dans ce contexte, les obligations vertes deviendraient un élément fondamental du financement de la transition vers une économie à faible intensité de carbone dans l’ensemble de l’Union européenne. Les obligations vertes ont généralement une longue durée, le capital étant remboursé à l’échéance de l’obligation, comme cela est requis pour les grands projets d’infrastructure. L’utilisation du label «obligations vertes» de l’UE aurait beau être volontaire, les investisseurs auront tout intérêt à l’utiliser dans leurs efforts pour consacrer des capitaux à des projets présentant des avantages environnementaux visibles. Il s’agit déjà en soi d’un atout important, mais le principal avantage est la norme elle-même, qui fournit une référence pour les actifs verts sur le marché des capitaux. Cette évolution devrait se traduire par un développement supplémentaire des obligations vertes en tant que catégorie d’actifs, ce qui permettrait aux investisseurs de définir une courbe des rendements spécifique aux instruments de dette verte. En supposant une norme uniforme applicable dans tous les États membres et aux émetteurs, les fonds des obligations vertes et l’octroi de prêts bancaires verts pourraient contribuer à mobiliser des fonds supplémentaires pour faciliter la transition vers une économie à faible intensité de carbone. Une telle transition serait davantage facilitée dans l’hypothèse où le prix des prêts verts serait suffisamment raisonnable. |
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3.11. |
Les obligations vertes européennes pourraient également devenir une référence pour les obligations vertes sur les marchés extérieurs à l’Union, comme cela a été le cas pour les fonds d’investissement de détail. L’Union européenne s’est en effet imposée en tant que leader mondial dans ce domaine (en 2020, 51 % des émissions mondiales provenaient d’entreprises et d’organismes publics de l’Union) et la norme relative aux obligations vertes créerait de nouvelles possibilités de financement durable pour les investisseurs de l’Union européenne provenant de l’ensemble des marchés internationaux. |
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3.12. |
Il importe de définir une norme pour les obligations vertes. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les difficultés auxquelles seraient confrontés les émetteurs respectant les normes de la taxinomie de l’Union européenne. Selon toute vraisemblance, ils mettraient en balance les coûts et les complications d’un long processus d’examen externe approuvé et supervisé par l’AESE et les avantages de l’accès à une base d’investisseurs plus large. Les émetteurs privés pourraient donc préférer d’autres obligations vertes et des procédures de certification moins onéreuses. Ces processus de rapports et de mise en conformité pourraient également avoir une incidence financière disproportionnée sur les PME, qui sont susceptibles d’estimer que la norme verte européenne est trop punitive, et décourage ainsi la poursuite de sa croissance. L’expérience des produits du marché des capitaux à l’échelle de l’Union, dont l’adoption n’a pas été si encourageante, peut mettre en lumière l’intérêt potentiel envers les obligations vertes européennes. |
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3.13. |
Il est donc nécessaire que l’autorité de surveillance de l’UE mette en œuvre la norme en matière d’obligations vertes de la manière la plus pragmatique possible. La Commission sera le principal émetteur d’obligations vertes avec 250 milliards d’euros au cours des trois prochaines années, au titre de l’instrument NextGenerationEU, et les États membres émettront un total d’environ 80 milliards d’euros d’obligations vertes, mais le rôle du secteur privé dans l’émission d’obligations vertes ne saurait être minimisé. Éviter la prescription et la réglementation excessives dans le cas des entreprises émettrices faciliterait l’adoption de la norme en matière d’obligations vertes sur les marchés des capitaux de l’Union européenne. Toutefois, la prudence est de mise. La proposition prévoit que les obligations vertes émises par le secteur public dans les États membres ne soient pas soumises à l’examen externe comme l’envisage la présente proposition. Même si les émetteurs du secteur public doivent encore rendre compte aux investisseurs obligataires, compte tenu des engagements pris par les États membres en faveur d’une transition vers une économie à faible intensité de carbone, l’application généralisée de la norme européenne en matière d’obligations vertes garantirait cet engagement. D’autre part, la coexistence légale de deux types d’obligations vertes (l’un pour le secteur public et l’autre pour les émetteurs privés) peut donner lieu à au moins deux normes différentes. |
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3.14. |
Il convient par ailleurs de déterminer de quelle manière permettre aux émetteurs d’obligations vertes de pays tiers d’accéder aux marchés des capitaux de l’UE et inversement — d’où la nécessité d’harmoniser les taxinomies entre les pays du monde entier. Dans ce contexte, il y a lieu de se référer à la plateforme internationale sur la finance durable (IPSF), qui sert de forum de dialogue aux décideurs politiques, dans le but général d’accroître le volume de capitaux privés consacrés à des investissements durables sur le plan environnemental. L’objectif final de cette plateforme est de faciliter la mobilisation de capitaux privés en faveur de ce type d’investissements. L’IPSF offre donc un forum multilatéral permettant aux décideurs politiques de dialoguer afin d’aider les investisseurs à repérer et à exploiter les possibilités d’investissement durable qui contribuent réellement à des objectifs climatiques et environnementaux. L’harmonisation des taxinomies devrait faire l’objet d’un débat et d’un accord au sein de ce forum. |
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3.15. |
Comme indiqué précédemment, l’AEMF, en sa qualité d’autorité de surveillance des marchés des capitaux de l’Union européenne, jouerait un rôle essentiel pour garantir l’application la plus pragmatique possible des normes proposées. Pour cela, il faudrait développer les compétences et renforcer ses capacités en tant que superviseur des examinateurs des obligations vertes européennes. La Commission fixe les critères relatifs aux qualifications et à la transparence, qui constituent une base solide pour l’AEMF. À notre avis, au fur et à mesure que l’AEMF renforce ses capacités, elle pourrait aider ses homologues en dehors de l’UE à appliquer des normes similaires et, partant, à faciliter aux investisseurs de l’UE l’accès aux marchés émergents. |
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3.16. |
Un autre élément à prendre en compte est que la transition vers une économie européenne à faible intensité de carbone nécessitera des financements bien plus conséquents que ceux qui sont disponibles au titre de l’instrument NextGenerationEU. Le secteur privé joue déjà un rôle dans cette transition, mais qui est loin d’être suffisant. Par conséquent, la norme européenne proposée en matière d’obligations vertes permettrait de développer un marché des obligations vertes naissant, tout en mobilisant d’autres émetteurs en plus de faciliter le financement transfrontière sur les marchés des capitaux. Dans l’analyse finale, la norme proposée en matière d’obligations vertes renforcerait la réputations des émetteurs et des investisseurs potentiels ainsi que leur engagement en faveur du développement durable et des objectifs environnementaux, à savoir: l’atténuation du changement climatique, l’adaptation à celui-ci, l’utilisation durable et la protection de l’eau et des ressources marines, la transition vers une économie circulaire, le recyclage, la prévention et la réduction de la pollution ainsi que la protection d’écosystèmes sains. Toute stratégie d’entreprise devrait donc inclure des objectifs environnementaux et sociaux pertinents. En outre, le fait de promouvoir un label écologique de l’Union pour les produits financiers, tout en réduisant au minimum la charge administrative, aiderait les entreprises privées à adopter une telle stratégie. |
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3.17. |
Au fil du temps, le CESE attend des investisseurs qu’ils optent pour les normes européennes en matière d’obligations vertes, car cela permettrait de garantir une utilisation des fonds conformément à la taxinomie, qui faciliterait à son tour les exigences en matière de déclaration des investisseurs. Par conséquent, l’objectif devrait être d’adopter la norme proposée en matière d’obligations vertes dans l’ensemble de l’Union européenne, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. |
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3.18. |
À cet égard, le CESE souhaiterait que les obligations vertes existantes bénéficient d’une clause d’antériorité au titre de la norme proposée, ainsi que l’application éventuelle de ces normes aux obligations NextGenerationEU. Le CESE est fermement convaincu que des obligations vertes alignées sur la taxinomie contribueraient à la réalisation des objectifs environnementaux. En outre, le CESE s’attend à ce que la norme européenne en matière d’obligations vertes renforce l’intérêt des investisseurs pour ce type d’investissements, ce qui permettra de développer davantage le marché des obligations vertes. Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle pour les émetteurs et les investisseurs, le CESE met en garde contre les difficultés évoquées plus haut. |
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3.19. |
Pour aller de l’avant, et en supposant que la proposition soit adoptée en l’état, il serait intéressant d’évaluer i) dans quelle mesure les investisseurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, exigeraient que les émetteurs s’alignent sur les normes proposées ou si la proposition entraînerait des divergences sur le marché des obligations vertes entre l’UE et le reste du monde, et ii) comment la mise en œuvre proposée de la norme européenne en matière d’obligations vertes affecterait l’évolution du marché des obligations vertes à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne. |
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3.20. |
Le CESE estime que ces questions revêtent une importance particulière, étant donné que les défis environnementaux tels que le changement climatique ne peuvent être relevés par la seule Union européenne. En l’absence de consensus concernant l’alignement de la taxinomie avec les pays tiers, il est peu probable que la proposition de règlement de la Commission relative à une norme facultative en matière d’obligations vertes devienne une norme pour le marché mondial de ces mêmes obligations. Il en résulterait une fragmentation des marchés des capitaux, car les émetteurs de pays tiers n’auront sans doute pas adopté les normes proposées par la Commission. Cela pourrait freiner les flux de fonds nécessaires pour faire face aux grands défis environnementaux, au premier rang desquels le changement climatique. |
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3.21. |
Enfin, le CESE se félicite de l’exigence, prévue par la taxinomie de l’Union européenne, selon laquelle les investissements doivent respecter le principe «ne pas causer de préjudice important» et les garanties minimales, étant donné qu’il reste nécessaire de donner la priorité à la transformation verte parallèlement à la protection sociale et à la protection des droits de l’homme et des droits des travailleurs. Cela peut néanmoins limiter la portée de l’alignement de la taxinomie avec les pays tiers, en particulier si ceux-ci ne remplissent pas les critères relatifs au principe «ne pas causer de préjudice important», comme la reconnaissance des droits de négociation collective. À cette fin, le CESE propose d’instaurer un comité de suivi spécifique chargé de superviser la dynamique du marché des obligations vertes, avec la participation des partenaires sociaux. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (JO L 198 du 22.6.2020, p. 13).
(2) Initiative en matière d’obligations climatiques (2021). Ventilation régionale des émissions d’obligations vertes, par volume d’émission.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/111 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 575/2013 et la directive 2014/59/UE en ce qui concerne le traitement prudentiel des groupes d’établissements d’importance systémique mondiale selon une stratégie de résolution à points d’entrée multiples et une méthode pour la souscription indirecte d’instruments éligibles pour l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles
[COM(2021) 665 final — 2021/0343 (COD)]
(2022/C 152/18)
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Rapporteur général: |
Antonio GARCÍA DEL RIEGO |
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Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 26.11.2021 Parlement européen 22.11.2021 |
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Base juridique |
Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
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Décision du président |
9.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
174/2/3 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE estime qu’il est nécessaire d’intégrer directement dans le règlement sur les exigences de fonds propres (CRR) un traitement prudentiel spécifique relatif à la souscription indirecte d’instruments éligibles pour l’exigence interne minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL). Les modifications proposées du CRR permettraient de remédier aux incohérences constatées entre celui-ci et la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (directive BRRD). |
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1.2. |
Le CESE recommande de clarifier les dispositions du CRR relatives à la comparaison entre la somme des exigences effectives en matière de capacité totale d’absorption des pertes (TLAC) de tous les groupes de résolution au sein d’un groupe d’établissements d’importance systémique mondiale (EISm) doté d’une stratégie de résolution à points d’entrée multiples avec l’exigence théorique de point d’entrée unique de ce groupe d’EISm. Les modifications proposées sont nécessaires pour préciser dans quelle mesure les autorités de résolution peuvent remédier aux éventuelles incohérences entre les exigences de point d’entrée unique et de points d’entrée multiples. |
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1.3. |
Le CESE souligne qu’il est nécessaire de modifier la formule de calcul de l’excédent TLAC/MREL d’une filiale dans le cadre du régime général de déduction applicable aux EISm avec une stratégie de résolution à points d’entrée multiples, afin de veiller à ce que cette formule tienne compte à la fois des exigences TLAC/MREL de la filiale qui sont fondées sur les risques et de celles qui ne le sont pas, conformément à la norme TLAC. Cela permettrait d’éviter que l’excédent TLAC/MREL d’une filiale donnée soit surestimé. |
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1.4. |
Le CESE attire l’attention sur le fait que certaines dispositions du CRR applicables aux EISm ayant une stratégie de résolution à points d’entrée multiples devraient être clarifiées afin de pouvoir prendre en compte les filiales établies en dehors de l’Union. Cela permettrait d’aligner le CRR sur le principe de TLAC correspondant convenu au niveau international, qui s’applique aux filiales établies dans toutes les juridictions du Conseil de stabilité financière (CSF). |
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1.5. |
Le CESE recommande des clarifications ciblées dans le contexte de l’exigence de fonds propres et d’engagements éligibles pour les établissements qui sont des filiales importantes d’EISm en dehors de l’Union («TLAC interne»), afin de garantir que les instruments de dette émis par ces établissements remplissent tous les critères d’éligibilité des instruments d’engagements éligibles. Cette modification s’explique par le fait que les critères d’éligibilité des instruments d’engagements éligibles reposent actuellement sur l’hypothèse que ces instruments sont émis par une entité de résolution, et non par des filiales soumises à une exigence interne de TLAC. Il serait remédié à cette lacune en précisant que les mêmes conditions d’éligibilité applicables aux entités de résolution s’appliquent également, mutatis mutandis, aux entités autres que les entités de résolution. Cela permettrait alors à ces établissements de respecter l’exigence interne de TLAC qui leur est applicable, notamment au moyen d’engagements éligibles, comme l’avaient initialement prévu les colégislateurs. |
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1.5.1. |
Le CESE souligne que les banques à points d’entrée multiples devraient pouvoir utiliser les ajustements convenus dans la liste de condition de la capacité totale d’absorption des pertes. Ces ajustements visent à garantir un traitement équivalent entre les modèles de résolution à point d’entrée unique et à points d’entrée multiples. Ils sont inclus dans les articles 12 bis et 72 sexies, paragraphe 4, du CRR II, mais ces deux articles n’incluent pas les pays tiers. En particulier, l’article 12 bis, tel qu’il est rédigé, indique que les ajustements résultant de différences dans les actifs pondérés en fonction des risques sont limités aux entités établies dans l’Union, étant donné que la notion d’entité de résolution ne vise que les filiales ayant leur siège dans l’Union. Il est important d’élargir le champ d’application pour y inclure toute autre filiale que le groupe pourrait avoir dans n’importe quel autre pays. |
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1.6. |
Le CESE estime que cet objectif n’est pas atteint par la récente proposition de la Commission, car la comparaison entre le point d’entrée unique hypothétique et la somme des actifs pondérés en fonction des risques de chaque entité de résolution exclut les filiales de pays tiers, dans la mesure où la comparaison se réfère aux articles 45 quinquies et 45 nonies de la directive BRRD et que cette dernière n’inclut pas les filiales situées dans des pays tiers ni les différences entre les actifs pondérés en fonction des risques qui résultent de critères de calcul différents entre les pays tiers et les États membres. Elle ne tient compte que des différences entre les États membres. |
2. Observations générales
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2.1. |
Le règlement sur les exigences de fonds propres (CRR) établit, conjointement avec la directive sur les exigences de fonds propres (CRD), le cadre réglementaire prudentiel pour les établissements de crédit opérant dans l’Union. Largement fondés sur les normes internationales convenues avec les partenaires internationaux de l’Union, en particulier le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB), le CRR et la CRD ont été adoptés à la suite de la crise financière de 2008 et 2009 dans le but d’accroître la résilience des établissements opérant dans le secteur financier de l’Union. |
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2.2. |
Le CRR a été ultérieurement modifié, afin de remédier à des faiblesses que présentait encore le cadre de réglementation et de mettre en œuvre certains éléments encore en suspens de la réforme des services financiers entreprise à l’échelle mondiale qui sont essentiels pour garantir la résilience des établissements. Une révision majeure a été menée au moyen du paquet de «mesures de réduction des risques», adopté par le Parlement européen et le Conseil le 20 mai 2019 et publié au Journal officiel le 7 juin 2019. |
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2.3. |
Cette réforme a mis en œuvre dans l’Union la norme internationale relative à la capacité totale d’absorption des pertes applicable aux établissements d’importance systémique mondiale (EISm), adoptée par le Conseil de stabilité financière (CSF) en novembre 2015, et a renforcé l’application de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles à tous les établissements établis dans l’Union. |
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2.4. |
La norme TLAC impose aux EISm de détenir un montant suffisant d’engagements (utilisables pour un renflouement interne) présentant une très grande capacité d’absorption des pertes afin de garantir un processus rapide et sans heurts d’absorption des pertes et de recapitalisation en cas de résolution. La mise en œuvre de la norme TLAC dans le droit de l’Union, qui a pris la forme de modifications du CRR, a tenu compte de l’exigence minimale existante de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL) spécifique à chaque établissement, prévue par la directive BRRD. La TLAC et la MREL sont donc essentielles pour gérer efficacement les crises bancaires et réduire leurs répercussions sur la stabilité financière et les finances publiques. La TLAC et les règles révisées relatives à la MREL sont entrées en vigueur dans l’Union respectivement le 27 juin 2019 et le 28 décembre 2020. |
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2.5. |
Conformément aux normes internationales, le droit de l’Union reconnaît aussi bien la stratégie de résolution à point d’entrée unique que celle à points d’entrée multiples. Selon la stratégie de résolution à point d’entrée unique, une seule entité du groupe, en règle générale, l’entreprise mère, fait l’objet d’une procédure de résolution (l’«entité de résolution»), tandis que les autres entités du groupe, en général des filiales opérationnelles, ne font pas l’objet de mesures de résolution. Au lieu de cela, les pertes de ces filiales sont remontées vers l’entité de résolution, et des capitaux sont transférés à ces filiales. Les filiales peuvent ainsi poursuivre sans interruption leurs activités, même après avoir atteint le point de non-viabilité. |
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2.6. |
Selon la stratégie de résolution à points d’entrée multiples, plusieurs entités du groupe bancaire peuvent faire l’objet d’une procédure de résolution. Par conséquent, il peut y avoir plusieurs entités de résolution et donc plusieurs groupes de résolution au sein d’un groupe bancaire. Le principe sous-jacent de l’approche à points d’entrée multiples est de permettre de résoudre un groupe de résolution donné de manière réaliste et crédible sans compromettre la résolvabilité des autres entités de résolution et groupes de résolution au sein du même groupe bancaire consolidé. Le cadre révisé de résolution des banques prévoit que la MREL applicable aux entités de résolution doit être fixée sur base consolidée au niveau du groupe de résolution («MREL externe»). |
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2.7. |
En outre, ce cadre définit la manière dont la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation doit être répartie au sein des groupes de résolution («MREL interne»). Selon la BRRD, en règle générale, les instruments financiers éligibles aux fins de la MREL interne doivent être détenus par l’entité de résolution, c’est-à-dire généralement l’entreprise mère. |
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2.8. |
Depuis le début de l’année 2020, l’ABE (Autorité bancaire européenne) travaille à ces projets de normes techniques de réglementation sur la base d’un régime de déduction, conformément au mandat défini dans la BRRD et aux recommandations formulées dans les normes internationales pertinentes (1). Le régime de déduction mis au point par l’ABE prévoit que les instruments éligibles aux fins de la MREL interne émis par des filiales en faveur de l’entité de résolution via une entreprise mère intermédiaire soient entièrement déduits du montant de la propre capacité de MREL interne de cette entreprise mère intermédiaire. |
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2.9. |
L’ABE a conclu que les exigences de la BRRD ne pouvaient pas être remplies sans l’ajout de dispositions supplémentaires […] qu’il convenait plutôt de préciser en s’appuyant sur le texte de niveau 1. Outre la nécessité de rendre opérationnelle la souscription indirecte d’instruments éligibles aux fins de la MREL interne, d’autres problèmes concernant la résolution ont été constatés depuis que le cadre TLAC/MREL révisé est entré en application en 2019. Ces problèmes concernent principalement le traitement réglementaire des groupes d’EISm ayant une stratégie de résolution à points d’entrée multiples, notamment lorsque ces groupes possèdent des filiales dans des pays tiers. Par exemple, le CRR ne précise actuellement pas si les différents ajustements de la TLAC pour les EISm ayant une stratégie de résolution à points d’entrée multiples couvrent également les filiales d’un EISm situées dans un pays tiers. |
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2.10. |
Des modifications ciblées de certains aspects spécifiques du CRR liés à la résolution sont nécessaires pour résoudre les problèmes susmentionnés. En particulier, le traitement réglementaire des groupes EISm ayant une stratégie de résolution à points d’entrée multiples, notamment lorsque ces groupes possèdent des filiales dans des pays tiers, doit être mieux aligné sur le traitement décrit dans la norme TLAC. Cela permettrait de faire en sorte qu’en cas de résolution, chaque entité de résolution et groupe de résolution appartenant à ces EISm puisse poursuivre ses fonctions critiques sans risque de contagion. |
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2.11. |
Les modifications proposées ne modifieraient pas l’architecture globale du cadre, mais garantiraient la bonne application de la TLAC et de la MREL. |
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2.12. |
Ces propositions de modification du CRR peuvent jouer un rôle essentiel dans l’amélioration de la résolvabilité d’un établissement. Les dispositions correspondantes étant déjà applicables dans l’Union, il convient que les modifications proposées soient effectuées rapidement. Une adoption accélérée est d’autant plus nécessaire que les groupes bancaires ont besoin de clarté concernant le mécanisme pour pouvoir décider de la meilleure manière d’organiser leur capacité de MREL interne en vue de la date butoir générale pour la mise en conformité avec la MREL, fixée au 1er janvier 2024, et des objectifs intermédiaires contraignants à atteindre au plus tard le 1er janvier 2022. |
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2.13. |
Il n’a pas été réalisé d’analyse d’impact spécifique pour la proposition à l’examen, car celle-ci ne modifie pas les aspects fondamentaux du CRR, mais vise principalement à clarifier la relation juridique entre deux instruments législatifs existants de l’Union, à savoir le CRR et la BRRD, en intégrant directement dans le CRR un traitement spécifique pour la souscription indirecte d’instruments éligibles aux fins de la MREL interne. Grâce à ces clarifications, ces deux cadres étroitement liés resteraient pour l’essentiel alignés. |
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2.14. |
Cela permettrait aux établissements de continuer de ne calculer, déclarer et publier qu’un seul montant total d’exposition au risque et une seule mesure d’exposition totale aux fins du CRR et de la BRRD et éviterait ainsi une complexification inutile. Le respect de la MREL interne, telle qu’introduite par les colégislateurs dans la BRRD révisée, pourrait notamment nécessiter l’émission d’autres instruments éligibles aux fins de la MREL. |
3. Observations particulières
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3.1. |
Les stratégies de résolutions élaborées par les groupes de gestion de crise sont largement fondées sur deux approches stylisées: la stratégie de résolution à point d’entrée unique, dans laquelle les pouvoirs de résolution sont appliqués à la tête d’un groupe par une seule autorité nationale de résolution, et la stratégie de résolution à points d’entrée multiples, dans laquelle les outils de résolution sont appliqués à différentes parties du groupe par au moins deux autorités de résolution agissant de manière coordonnée. |
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3.1.1. |
La résolution à point d’entrée unique implique l’application de pouvoirs de résolution, par exemple des instruments de renflouement interne et/ou de transfert, au niveau de la société mère ou de la société holding supérieure, par une autorité de résolution unique (généralement dans la juridiction responsable de la surveillance globale consolidée d’un groupe). Une stratégie de résolution à point d’entrée unique consiste à absorber les pertes subies au sein du groupe par la société mère ou la société holding supérieure, par exemple par la dépréciation et/ou la conversion obligatoire des créances non garanties émises. |
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3.1.2. |
Une stratégie de résolution à points d’entrée multiples implique d’appliquer les pouvoirs de résolution par au moins deux autorités de résolution à différentes parties du groupe. Cette stratégie est susceptible d’entraîner la scission du groupe en deux, voire davantage de parties distinctes. Le groupe pourrait être scindé sur une base nationale ou régionale, en fonction des lignes d’activité, ou en combinant les deux. Les pouvoirs de résolution appliqués aux différentes parties ne doivent pas nécessairement être les mêmes et pourraient inclure des options de résolution, telles que le renflouement interne dans le cadre d’une procédure de résolution, le recours à une entité-relais, le transfert d’activités ou la liquidation. Les stratégies de résolution à points d’entrée multiples exigent néanmoins que les mesures soient coordonnées entre les juridictions de manière à éviter les conflits ou les incohérences qui nuisent à l’efficacité des différentes mesures de résolution ou peuvent causer une manipulation désordonnée des actifs et la contagion à l’ensemble de l’entreprise. |
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3.1.3. |
Il ne s’agit pas d’opérer un choix binaire entre les deux approches. Dans la pratique, une combinaison des deux pourrait être nécessaire pour tenir compte de la structure d’une entreprise et des régimes locaux dans les juridictions clés où elle exerce ses activités. Par exemple, certaines stratégies de résolution à points d’entrée multiples peuvent consister à appliquer plusieurs résolutions à point d’entrée unique à différentes parties de l’entreprise, telles que les blocs régionaux qui peuvent être dissociés les uns des autres. |
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3.2. |
La proposition repose en grande partie sur les travaux préparatoires effectués par l’ABE, notamment dans le cadre de l’élaboration de normes techniques de réglementation sur la souscription indirecte d’instruments internes éligibles aux fins de la MREL au sein des groupes de résolution. Elle vise principalement à prévenir les effets non désirés que peut avoir l’application du cadre TLAC/MREL existant selon les dispositions actuelles du CRR. Les modifications proposées auraient une incidence limitée sur la charge administrative pesant sur les établissements et sur les coûts nécessaires pour adapter leur fonctionnement interne, puisque ces coûts seraient en grande partie compensés par le fait que ces modifications permettraient le bon fonctionnement de l’approche de la souscription indirecte d’instruments éligibles aux fins de la MREL interne au sein des groupes de résolution et, pour les établissements concernés, par les avantages d’une meilleure prise en compte des filiales implantées dans des pays tiers et par une définition plus précise des critères d’éligibilité des instruments émis dans le cadre de l’exigence de TLAC interne. |
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3.3. |
Plus précisément, la proposition prévoit les mesures suivantes: |
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3.3.1. |
Traitement spécifique pour la souscription indirecte d’instruments éligibles à la MREL interne. Le règlement proposé introduit donc, dans le CRR, l’obligation, pour les entreprises mères intermédiaires de la chaîne de propriété, de déduire de leur propre capacité de MREL interne le montant qu’elles détiennent d’instruments éligibles aux fins de la MREL interne, fonds propres compris, émis par leurs filiales incluses dans le même groupe de résolution. |
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3.3.2. |
Comparaison entre l’exigence résultant de l’application théorique d’une résolution à point d’entrée unique et la somme des exigences effectives dans une résolution à points d’entrée multiples. Le CRR impose aux groupes EISm ayant une stratégie de résolution à points d’entrée multiples de calculer leur exigence de TLAC en se fondant sur l’hypothèse théorique d’une résolution du groupe selon une stratégie de résolution à point d’entrée unique (exigence théorique avec point d’entrée unique). Les autorités de résolution doivent ensuite comparer cette exigence théorique à la somme des exigences effectives de TLAC de chaque entité de résolution du groupe dans le cadre d’une stratégie de résolution à points d’entrée multiples (exigences avec points d’entrée multiples). Toutefois, les dispositions du CRR relatives aux conséquences de cette comparaison manquent de cohérence. |
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3.3.3. |
Déductions appliquées aux éléments d’engagements éligibles. Le but de cette disposition est de réduire au minimum le risque de contagion au sein d’un groupe EISm et de faire en sorte que les entités de résolution disposent, en cas de défaillance, d’une capacité d’absorption des pertes suffisante, qui ne soit pas diminuée par des pertes liées à des détentions intragroupe d’instruments de TLAC. Sans ces déductions, la défaillance d’une entité de résolution du groupe EISm entraînerait des pertes dans d’autres entités de résolution du groupe et réduirait donc leur capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation. |
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3.3.4. |
Prise en considération des filiales établies en dehors de l’Union. L’article 12 bis et l’article 72 sexies, paragraphe 4, du CRR ne s’appliquent pas explicitement aux filiales situées dans un pays tiers. De ce fait, les groupes bancaires de l’Union qui ont défini une stratégie globale de résolution à points d’entrée multiples risquent de ne pas pouvoir prendre en compte leurs filiales établies en dehors de l’Union. |
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3.3.5. |
Précisions sur l’éligibilité des titres de créance émis dans le cadre de l’exigence de TLAC interne. L’article 92 ter du CRR définit l’exigence de TLAC interne pour les filiales importantes d’EISm non UE qui ne sont pas des entités de résolution. Cette exigence peut être satisfaite au moyen de fonds propres et d’instruments d’engagements éligibles, ainsi que le prévoit l’article 92 ter, paragraphe 2. |
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3.4. |
Modifications détaillées de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 575/2013 et la directive 2014/59/UE en ce qui concerne le traitement prudentiel des groupes d’établissements d’importance systémique mondiale selon une stratégie de résolution à points d’entrée multiples. |
3.4.1. Calcul consolidé pour les EISm comprenant plusieurs entités de résolution (article 12 bis)
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3.4.1.1. |
Le CESE souligne que les banques à points d’entrée multiples devraient pouvoir utiliser les ajustements convenus dans la liste de condition de la capacité totale d’absorption des pertes. Ces ajustements visent à garantir un traitement équivalent entre les modèles de résolution à point d’entrée unique et à points d’entrée multiples. Ils sont inclus dans les articles 12 bis et 72 sexies, paragraphe 4, du CRR II, mais ces deux articles n’incluent pas les pays tiers. En particulier, l’article 12 bis, tel qu’il est rédigé, indique que les ajustements résultant de différences dans les actifs pondérés en fonction des risques sont limités aux entités établies dans l’Union, étant donné que la notion d’entité de résolution ne vise que les filiales ayant leur siège dans l’Union. Il est important d’élargir le champ d’application pour y inclure toute autre filiale que le groupe pourrait avoir dans n’importe quel autre pays. |
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3.4.1.2. |
Le CESE estime que cet objectif n’est pas atteint par la récente proposition de la Commission, car la comparaison entre le point d’entrée unique hypothétique et la somme des actifs pondérés en fonction des risques de chaque entité de résolution exclut les filiales de pays tiers, dans la mesure où la comparaison se réfère aux articles 45 quinquies et 45 nonies de la directive BRRD et que cette dernière n’inclut pas les filiales situées dans des pays tiers ni les différences entre les actifs pondérés en fonction des risques qui résultent de critères de calcul différents entre les pays tiers et les États membres. Elle ne tient compte que des différences entre les États membres. |
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3.4.1.3. |
En ce qui concerne la nécessité de conclure un accord pour procéder à cet ajustement, le CESE est d’avis que, bien qu’il existe une procédure spécifique pour un accord sur l’exigence de fonds propres et d’engagements éligibles prévue à l’article 45 nonies, paragraphes 4 à 6, de la directive BRRD II, il s’agit d’une procédure qui ne serait applicable qu’aux différentes autorités de résolution au sein de l’Union et dans le cadre d’un règlement commun. Pour expliquer pourquoi la procédure n’est pas valable pour les pays tiers, l’on peut par exemple souligner qu’elle associe l’ABE dans les cas où aucun accord n’est trouvé entre les autorités de résolution. |
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3.4.1.4. |
Le CESE propose que, dans les cas où les ajustements interviennent dans une filiale d’un pays tiers, l’autorité de résolution européenne de l’entreprise mère soit celle qui, compte tenu de l’avis non contraignant de l’autorité de résolution dudit pays tiers, a la possibilité d’appliquer l’ajustement sans qu’il soit nécessaire de parvenir à un accord avec l’autorité du pays tiers. |
3.4.2. Déductions appliquées aux éléments d’engagements éligibles (article 72 sexies)
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3.4.2.1. |
Le CESE souligne que l’article 72 sexies prévoit une période de maintien des droits acquis jusqu’au 31 décembre 2024 (date limite de mise en œuvre de la TLAC dans les pays tiers). Au cours de cette période de transition, les banques à points d’entrée multiples seront en mesure d’ajuster la déduction sur les détentions de filiales de pays tiers sans exigence de résolution équivalente, en calculant l’excédent sur la base de l’exigence de fonds propres totale applicable dans le pays tiers. Dans le cas contraire, il y aurait une conséquence involontaire, car la nécessité d’émettre des engagements éligibles augmentera du fait de l’impossibilité d’ajuster cette détention dans une filiale d’un pays tiers, et à partir de 2025, avec un régime de résolution en place, l’exigence relative aux entreprises mères diminuera en raison d’une déduction ajustée plus faible pour ces détentions dans des pays tiers, et la nécessité d’émettre des engagements éligibles sera éliminée. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Conseil de stabilité financière, Guiding Principles on the Internal Total Loss-absorbing Capacity of G-SIBs («Internal TLAC») [Principes directeurs relatifs à la capacité totale d’absorption des pertes interne des banques d’importance systémique mondiale («TLAC interne»)], 6 juillet 2017. Ce régime prévoit que les instruments éligibles aux fins de la MREL interne émis par une filiale et souscrits par une entreprise mère intermédiaire soient entièrement déduits des instruments éligibles émis par cette dernière pour se conformer à sa propre MREL interne.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/116 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et aux Comité des régions «Premiers enseignements tirés de la pandémie de COVID-19»
[COM(2021) 380 final]
(2022/C 152/19)
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Rapporteur: |
Tomasz Andrzej WRÓBLEWSKI |
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Corapporteur: |
Ákos TOPOLÁNSZKY |
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Consultation |
Commission, 10.8.2021 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
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Adoption en section |
24.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
204/1/8 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE se félicite de la démarche de l’Union européenne et de ses institutions lorsqu’elles ont entrepris, au cours de la pandémie, d’évaluer en permanence les processus, qu’il s’agisse du fardeau sans précédent qu’elle fait peser sur ses systèmes de santé ou de l’incidence exercée sur elle dans son ensemble. |
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1.2. |
La Commission européenne énumère dix enseignements importants de la pandémie mais le CESE déplore qu’elle ne mentionne que brièvement les «conséquences inégales de la crise, les groupes vulnérables étant les plus durement touchés», notamment les petites et moyennes entreprises. Pour élaborer des recommandations, il s’impose d’évaluer d’un œil critique les actions menées jusqu’à présent dans tous les domaines, celles qui ont fonctionné correctement et celles qu’il convient d’améliorer. Il s’impose également d’examiner comment il est possible de traiter les problèmes que posent les pénuries notoires de main d’œuvre, les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement et la hausse rapide des prix de l’énergie, qui entravent le retour à un fonctionnement normal des sociétés et de leurs économies. |
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1.3. |
Le CESE relève qu’il est nécessaire de disposer d’instruments et de plans susceptibles d’être déclenchés et appliqués rapidement face à une situation de crise à l’échelon de l’Union européenne. Il approuve les plans de l’Union européenne visant à établir à son niveau un cadre pour un état d’urgence en cas de pandémie et des normes de réponse aux situations de crise. Le CESE réclame un haut degré de coordination et de transparence de toutes les procédures, tout particulièrement lorsque les administrations publiques, à l’échelon de l’Union et de ses États membres, doivent agir et décider promptement. |
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1.4. |
La COVID-19 a mis en relief les inégalités qui affectent les modèles existants en matière de santé; des groupes vulnérables ont été touchés du simple fait des disparités dans l’exposition. Le CESE constate que des programmes sont nécessaires afin d’assurer, même en cas de crise sanitaire, l’accès aux soins de prévention et de réadaptation. Par conséquent, les dispositions d’urgence prises en réaction à une pandémie devraient à l’avenir être dimensionnées de manière à éviter que dans de telles situations, l’état général de la santé au sein de la société ne se détériore. |
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1.5. |
Le CESE estime que l’Union européenne devrait continuer de réagir à la crise de manière cohérente et globale, tout particulièrement grâce au mécanisme pour un accès mondial aux vaccins contre la COVID-19 (COVAX) et grâce au centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), tout comme à d’éventuels nouveaux médicaments et traitements, ainsi que de renforcer et de soutenir les structures mondiales de sécurité sanitaire. Il s’agit notamment de renforcer le rôle qu’elle joue au sein de l’Organisation mondiale de la santé. |
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1.6. |
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nature transversale propre aux situations de crise et leur incidence sur tous les éléments constitutifs de la société. À cet égard, il importe tout particulièrement d’agir pour que les dispositifs de politique sociale soient plus adaptés et inclusifs, afin d’aider les personnes qui sont marginalisées et vivent des situations de très grande détresse. |
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1.7. |
En se fondant sur plusieurs de ses avis (1) et sur le socle des droits sociaux, le CESE soutient les mesures prises à l’échelle de l’Union européenne et de ses États membres pour favoriser la coopération entre les systèmes de santé dans le respect de valeurs de l’Union, telles que la dignité et la concurrence loyale, ainsi que pour viser à la convergence vers le haut des systèmes sanitaires et sociaux. |
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1.8. |
Au cours de la pandémie, nous avons été témoins de l’extension, nécessaire et d’une ampleur sans précédent, qu’a prise l’action menée par l’Union et les États pour aider les entreprises comme les personnes. Le CESE souligne combien il importe de passer de mesures d’urgence à des investissements productifs pour une reprise inclusive et durable à moyen et long terme, également afin de parer au danger que les politiques budgétaires et monétaires pourraient être mises à mal par de forts risques d’inflation, susceptibles de conduire à une stagflation. |
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1.9. |
Le CESE se félicite des efforts que la Commission européenne déploie pour appuyer les campagnes nationales d’éducation aux médias en coopération avec l’Observatoire européen des médias numériques, ainsi qu’avec le groupe d’experts sur l’éducation aux médias, contribuant ainsi à lutter plus avant contre la désinformation, y compris celle touchant à la vaccination, qui suscite des craintes infondées et cause de graves dommages. |
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1.10. |
Le CESE soutient les efforts qui tendent à renforcer la coopération entre les nations et à affirmer le pouvoir de l’Europe au sein des institutions internationales. Il fait valoir que tout affaiblissement de sa position et de son engagement dans ces enceintes laisse le champ libre à des pays tiers pour agir à l’encontre des valeurs qu’elle défend. |
2. Observations générales
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2.1. |
Au début de l’année 2020, la pandémie de COVID-19 a mis en évidence certains dysfonctionnements qui existent dans le secteur de la santé, au sein de nombreux États et dans institutions de l’Union européenne, tout comme dans certains secteurs de l’économie. Cumulés, ils n’ont fait qu’aggraver le poids de la crise et les déséquilibres sociaux. |
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2.2. |
Le CESE se félicite de la démarche de l’Union européenne et de ses institutions lorsqu’elles ont entrepris, au cours de la pandémie, d’évaluer en permanence les processus, qu’il s’agisse du fardeau sans précédent qu’elle fait peser sur ses systèmes de santé ou de l’incidence exercée sur elle dans son ensemble. Le CESE fait valoir qu’il convient également de considérer la période qui vient de s’écouler comme une mise à l’épreuve, en situation d’urgence, du fonctionnement démocratique et unifié de l’Union européenne. |
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2.3. |
Le CESE reconnaît l’ampleur des efforts déployés par les différentes institutions de l’Union pour coordonner l’appui à la vaccination, par les institutions nationales chargés de la protection sociale et les programmes d’aides, ainsi que par les entreprises qui ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour protéger leurs salariés et leurs activités et qui ont relevé le défi de réussir un retour rapide à une situation normale en matière d’emploi et de fourniture de biens essentiels. Dans le même temps, il relève qu’il reste beaucoup à faire pour asseoir pleinement la stabilité et l’équilibre sur le marché du travail. |
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2.4. |
Le CESE fait valoir que le premier, et le principal, enseignement qu’il a tiré de la crise est que quand survient un épisode de pandémie, lequel touche par définition plusieurs régions ou États à travers le monde, il s’impose tout particulièrement d’œuvrer ensemble à l’échelle européenne pour trouver les instruments communs afin non seulement de réagir sur le plan sanitaire mais aussi de gérer l’urgence et d’accompagner la transition vers une reprise qui, tout autant que rapide, doit aussi être inclusive et durable. Le CESE souligne l’attitude positive que les institutions européennes ont adoptée s’agissant de mettre en place des instruments financiers neufs et novateurs, dont elles sont convenues dans le cadre d’une démarche qui est fondée sur la solidarité et repose sur l’intérêt commun. |
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2.5. |
La pire situation possible serait qu’une nouvelle crise survienne avant que la situation n’ait été complètement stabilisée. Par conséquent, il est prioritaire, aux yeux de la Commission européenne, d’agir dès à présent pour renforcer la résilience future des systèmes économiques, sociaux et sanitaires. Le CESE marque son accord avec cette stratégie et convient de la nécessité d’évaluer d’un œil critique les leçons qui ont pu être tirées et de renforcer la gestion de crise dans l’Union européenne. |
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2.6. |
La Commission européenne énumère dix enseignements importants de la pandémie mais ne mentionne que brièvement les «conséquences inégales de la crise, les groupes vulnérables étant les plus durement touchés», notamment les petites et moyennes entreprises. Pour élaborer des recommandations, il s’impose de passer au crible de la critique les actions menées jusqu’à présent, celles qui ont fonctionné correctement et celles qu’il convient d’améliorer. |
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2.7. |
À mesure que l’Europe sort de la crise, les pénuries de main d’œuvre dans des professions «peu qualifiées» d’une importance capitale s’avèrent aussi poser un problème majeur. La crise a également mis en évidence sa vulnérabilité face au morcellement des chaînes mondiales d’approvisionnement, ainsi que la nécessité qui s’impose à elle de repenser sa stratégie industrielle pour ce qui est de la fabrication de biens essentiels. |
3. Gérer les crises
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3.1. |
Le CESE se félicite des plans de l’Union européenne qui visent à établir à son niveau un cadre pour un état d’urgence en cas de pandémie, ainsi que des normes de réponse aux situations de crise. Il approuve les efforts déployés actuellement pour suivre et réexaminer la gestion de crise et investir dans ce domaine. De même, il salue l’intention de la Commission d’élaborer un rapport annuel sur l’état de préparation de l’Union. |
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3.2. |
Le CESE relève qu’il est nécessaire de disposer d’instruments et de plans susceptibles d’être déclenchés et appliqués rapidement quand une situation de crise survient à l’échelle de l’Union européenne. Les instruments de l’échelon national devraient intervenir à titre complémentaire, pour permettre aux États membres de réagir dans la mesure adéquate aux symptômes de la situation de crise qu’ils observent sur leur territoire. |
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3.3. |
Le CESE souligne combien il importe, dans des situations de crise mondiale, de s’attacher résolument au principe d’une solidarité efficace et fondée sur les besoins essentiels. |
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3.4. |
Le CESE observe que dans un premier temps, les institutions n’ont pas toujours réagi de manière adéquate, en partie du fait de l’absence de coordination entre les États membres. Nonobstant les critiques dont la stratégie vaccinale de l’Union a fait initialement l’objet, les avantages d’une action collective apparaissent à présent de manière plus visible. Il convient de tirer parti de cette expérience afin d’améliorer la réaction de l’Union à de futures crises. |
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3.5. |
Le CESE insiste sur la nécessité d’établir des normes européennes communes pour collecter les données statistiques et assurer leur harmonisation, en particulier dans le domaine de la santé. Il est également nécessaire d’examiner les méthodologies statistiques appliquées jusqu’à présent dans chaque domaine. Il s’agit là d’une démarche importante pour garantir à l’avenir que les processus de prise de décision soient fondés sur des données probantes.
Le CESE relève qu’au moment où la pandémie s’est déclarée, les conseils experts et crédibles et l’accès aux résultats de la recherche épidémiologique ont longtemps fait défaut. Aussi s’impose-t-il que l’expertise professionnelle en matière d’épidémiologie soit coordonnée et rationalisée à l’échelle de l’Union. Le CESE approuve la nomination d’un épidémiologiste en chef européen, qui participera à titre consultatif au processus décisionnel de l’échelon européen et national. |
4. Protéger la santé
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4.1. |
La COVID-19 a mis en relief les inégalités qui affectent les modèles existants en matière de santé; des groupes vulnérables ont été touchés du simple fait des disparités dans l’exposition au virus. Il s’impose de réexaminer les systèmes de réaction rapide en place et d’en accroître l’efficacité, qu’il s’agisse, par exemple, du système d’alerte précoce et de réaction de l’Union européenne (EWRS) ou du système européen d’information de veille sanitaire (TESSy) et le système européen de surveillance. Il conviendrait de concevoir ces dispositifs de manière à protéger les travailleurs à faibles revenus, les personnes handicapées ou souffrant de maladies chroniques préexistantes, celles vivant dans l’extrême pauvreté ou exposées à diverses sortes de ségrégation et les personnes âgées vivant dans des maisons de soins. Le CESE fait valoir qu’il est nécessaire d’investir dans des services publics de santé qui se doivent, conformément au principe 16 du socle européen des droits sociaux, d’être abordables, de qualité et accessibles à tous les citoyens, ainsi que de soutenir les soins de santé privés, qui agissent à titre complémentaire et ont également joué un rôle déterminant au cours de la pandémie, lorsqu’ils contribuent à des missions de santé publique. |
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4.2. |
Dans le fil des conclusions qu’il a formulées dans son avis sur le programme «UE pour la santé» (2), le CESE formule ci-après des observations supplémentaires sur les premières leçons qu’il est possible de tirer de la crise de la COVID-19 dans le domaine de la santé. |
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4.3. |
Au cours de la pandémie, les États membres se sont concentrés sur des mesures d’urgence, souvent au détriment des soins de santé de prévention et de réadaptation. Le CESE constate que des programmes sont nécessaires afin que même en cas de crise sanitaire, l’accès à ces soins préventifs et rééducatifs soit préservé. Il conviendrait par conséquent qu’à l’avenir, les dispositions d’urgence prises en réaction à une pandémie soient dimensionnées de manière à affecter le moins possible le fonctionnement des soins essentiels, afin d’éviter que dans de telles situations, l’état général de la santé au sein de la société ne se détériore. |
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4.4. |
La stratégie pharmaceutique pour l’Europe qui a été adoptée en novembre 2020 vise à moderniser le cadre réglementaire, ainsi qu’à soutenir la recherche et les technologies dans le domaine pharmaceutique. Le CESE relève qu’il est possible de renforcer les capacités des systèmes de santé nationaux en associant activement à la démarche les pharmacies ouvertes au grand public, dans le cadre des soins pharmaceutiques. |
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4.5. |
La crise de la pandémie a mis en évidence l’existence d’une pénurie de professionnels de la santé. Le CESE rappelle qu’il convient de s’attacher tout particulièrement à améliorer leurs conditions de travail, notamment en matière de rémunération, de formation, de reconversion et de mise à jour des connaissances, d’accès aux structures de garde des enfants, et à leur garantir les normes de sécurité les plus élevées possible et à assurer à tous les professionnels, dont ceux du secteur de la santé, la possibilité de vivre, de circuler et de travailler librement dans toute l’Union européenne (3). Sachant que dans l’Union européenne, 76 % des professionnels de la santé et 84 % du personnel infirmier sont des femmes, il est besoin de politiques porteuses de changement en matière d’égalité des sexes afin de lever les obstacles à l’accès à l’emploi à temps plein, de supprimer l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, d’œuvrer pour retenir le personnel dans ce secteur et de favoriser l’accès au développement professionnel et à des fonctions de direction. Dans des situations critiques, il convient de mettre en place des procédures spéciales pour permettre un recrutement rapide et sûr de personnel médical originaire de pays tiers. |
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4.6. |
Pour ce qui est du cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027, le CESE se félicite que la Commission européenne ait fortement incité les États membres à reconnaître la COVID-19 comme maladie professionnelle, mais il souligne la nécessité de réviser cette recommandation de manière à couvrir tous les actifs exposés à la maladie sans protection adéquate, notamment les travailleurs mobiles et migrants, et les saisonniers qui travaillent dans des lieux de travail peu sûrs et sont logés dans des conditions insalubres. |
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4.7. |
Le CESE suivra de près la mise en œuvre de l’Union européenne de la santé et recommande de tenir compte du lien entre santé animale et santé humaine. Cette coopération met également en évidence que, du fait de la nature transfrontalière des pandémies, la seule démarche susceptible d’être efficace et fructueuse consiste à mener une action unifiée et bien coordonnée, procédant d’une prise de conscience commune. |
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4.8. |
Au cours de la pandémie de COVID-19, c’est une approche éclatée et non coordonnée qui a prévalu en Europe en matière d’essais cliniques. Le CESE note qu’une démarche paneuropéenne est susceptible de rationaliser les procédures et les processus d’essais cliniques, notamment en ce qui concerne de nouveaux médicaments possibles pour des traitements efficaces et accessibles. À cet égard, une solution envisageable consiste à créer une plateforme européenne à grande échelle pour les essais cliniques. |
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4.9. |
À en croire les données produites par la recherche scientifique et les statistiques de recours aux soins de santé, la crise de la COVID-19 pourrait provoquer une augmentation significative du risque psychologique, lequel pourrait, à son tour, entraîner aussi une envolée des maladies psychosomatiques. Il convient que ce nouveau phénomène pathologique soit pris en compte par les systèmes de santé de tous les États membres de l’Union, tout comme les effets qui ne sont pas encore assez étudiés du syndrome de la COVID dite «longue». |
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4.10. |
Prévenir les pandémies, s’y préparer et y réagir constituent des priorités pour l’Europe. Le CESE estime que l’Union européenne devrait continuer de réagir à la crise de manière cohérente et globale, tout particulièrement grâce au mécanisme pour un accès mondial aux vaccins contre la COVID-19, tout comme à d’éventuels nouveaux médicaments et traitements, ainsi que de renforcer et de soutenir les structures mondiales de sécurité sanitaire. Il s’impose également de renforcer le rôle que l’Union joue au sein de l’Organisation mondiale de la santé. À cet égard, afin de répondre aux besoins urgents des pays en développement en particulier, le CESE invite la Commission européenne à mener un débat ouvert au niveau européen concernant une dérogation temporaire volontaire à l’accord sur les ADPIC pour ce qui est des vaccins, des traitements et des tests relatifs à la COVID-19, de manière à pouvoir accélérer la production mondiale de vaccins et réduire les coûts pour s’assurer que toute personne dans le monde entier puisse y accéder. |
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4.11. |
S’agissant des premières leçons que la communication de la Commission tire de la crise en ce qui concerne la santé, le CESE considère qu’un échec cuisant qu’il convient de mentionner réside dans les inégalités touchant à la disponibilité d’interventions et de services destinés à faire face au stress sanitaire, en l’absence du ciblage qui aurait été requis sur les groupes vulnérables, la crise de la COVID-19 n’ayant fait, à bien des égards, qu’aggraver cette carence. L’égalité dans l’accès aux services, tout comme leur disponibilité, ne devrait pas être réduite à un simple critère d’évaluation, alors qu’elle pourrait s’avérer un moyen de sauver des vies. |
5. Aspects sociaux et sociétaux
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5.1. |
En 2021, les inégalités entre les hommes et les femmes se sont accrues au vu et au su de tous partout en Europe, du fait notamment d’une augmentation alarmante du nombre de cas de violences contre les femmes dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Les mesures de confinement et d’isolement ont créé un contexte favorable à un contrôle coercitif des victimes par leurs agresseurs et abouti à des cas de violence physique, psychologique et sexuelle contre des femmes et des filles, sachant que celles-ci ne disposent que d’un accès limité à des services de soutien aux victimes; ce phénomène a été désigné sous l’appellation de «pandémie fantôme». Le CESE demande à la Commission européenne d’adopter un cadre exhaustif pour prévenir et combattre toutes les formes de violence contre les femmes et les filles dans une perspective féministe, sensible à la dimension de genre et intersectionnelle, afin de faire en sorte d’empêcher une telle pandémie fantôme au cas où de nouvelles crises sanitaires devaient survenir dans le futur. |
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5.2. |
Dans sa résolution du 9 juin 2021 (4), le CESE constate que la situation actuelle de l’Europe face à la pandémie augmente la pauvreté et les inégalités, et que les ressources devraient être acheminées là où elles sont les plus nécessaires pour créer des emplois de qualité, réduire la pauvreté et l’exclusion et promouvoir l’esprit d’entreprise. |
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5.3. |
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nature transversale que revêtent les situations de crise, ainsi que leur incidence sur tous les éléments constitutifs de la société. À cet égard, il importe tout particulièrement d’agir pour que les dispositifs de politique sociale soient plus adaptés et inclusifs, afin d’aider les personnes qui sont marginalisées et vivent des situations de très grande détresse. |
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5.4. |
Le CESE déplore également de constater que lors de l’élaboration de leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience, les administrations nationales n’ont ni suffisamment associé à leur démarche les partenaires sociaux de l’entreprise et les organisations de la société civile, ni tenu compte de leurs contributions. Il demande que soit mis en place un mécanisme qui prévoie l’obligation de mener de telles consultations, dont ces organisations soient parties prenantes. |
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5.5. |
Le CESE souligne qu’il convient de considérer qu’une Europe sociale, durable et compétitive représente une priorité, tout en envisageant aussi de recourir éventuellement à de nouveaux indicateurs de progrès économique qui aillent au-delà du produit intérieur brut, tels que la qualité de vie, la durabilité environnementale, la cohésion sociale, les soins de santé et le bien-être général des générations présentes et futures. |
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5.6. |
Le CESE presse la Commission de se concentrer sur les droits fondamentaux, dont, en particulier, ceux qui concernent le bien-être socio-économique. Il convient d’accorder une attention spécifique aux droits, à la dignité et au bien-être des personnes qui pourraient courir le risque d’être exclues de la société et de subir une quelconque forme de discrimination, que ce soit durant la pandémie de COVID-19 ou dans le sillage immédiat de cette crise. |
6. Économie et finance
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6.1. |
Au cours de la pandémie, nous avons été témoins de l’extension, nécessaire et d’une ampleur sans précédent, qu’a prise l’action menée par l’Union et les États pour aider financièrement les entreprises comme les personnes. Le CESE souligne combien il importe de passer de mesures d’urgence à des investissements productifs pour une reprise inclusive et durable à moyen et long terme, également afin de parer au danger que les politiques budgétaires et monétaires pourraient être mises à mal par de forts risques d’inflation, susceptibles de conduire à une stagflation. |
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6.2. |
Le CESE relève que toute nouvelle réforme fiscale, que ce soit à l’échelon de l’Union ou de ses États membres, devrait tenir compte de la structure des économies nationales, de l’état de santé des entreprises sur le terrain et, tout spécialement, de la situation des personnes mises en difficulté du fait de la crise. Dans ce contexte, il relève qu’il y a lieu d’analyser la situation économique et budgétaire des entreprises et des citoyens qui sont touchés par l’augmentation soudaine des prix de l’énergie. |
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6.3. |
Le CESE adhère à l’idée que de nouvelles règles en matière de budget et de dépenses devraient aider les États membres à investir dans l’éducation, la recherche et le développement, l’innovation, la santé et les infrastructures publiques, l’enrichissement véritable et efficace du capital humain, ainsi que dans l’efficacité de leurs administrations, entre autres. |
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6.4. |
Le CESE demande à la Commission de faciliter, au regard des principes qui président à la politique de concurrence en matière d’aides d’État, les mesures temporaires qu’ont prises les États membres pour favoriser l’emploi à plein temps et soutenir les activités économiques touchées par des situations de crise, ainsi que d’élaborer des schémas directeurs pour des partenariats public-privé ou des dispositifs similaires afin de limiter les risques partout dans la société, y compris ceux qui pèsent les acteurs privés dans des situations extraordinaires de crise. |
7. Société et technologies
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7.1. |
Le CESE attire l’attention sur le fossé qui, en matière d’éducation, se creuse et s’élargit au sein de la population de l’Union européenne. Les mesures prises pour contenir la pandémie ont durement touché les jeunes générations. Ni les États membres ni les institutions de l’Union ne s’attaquent résolument à ce problème, ou aux réformes nécessaires du système éducatif. Jusqu’à présent, aucun plan n’a été présenté pour la reprise ou la sauvegarde du système en tant que tel. Le CESE reconnaît pourtant que le perfectionnement professionnel et la reconversion joueront dans le futur un rôle essentiel pour l’éducation et l’épanouissement des citoyens, et que les outils numériques représentent une composante essentielle de tout futur modèle éducatif. |
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7.2. |
Garantir un large accès, fondé sur la solidarité, aux services numériques revêt également une grande importance au regard de la cohésion sociale. Comme le fait observer à juste titre la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) (5), des politiques qui ciblent l’intégration économique et sociale des citoyens et mettent davantage l’accent sur leurs compétences numériques, peuvent ouvrir la voie à des sociétés d’une plus grande cohésion en Europe. |
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7.3. |
Le CESE se félicite des efforts que la Commission européenne déploie pour appuyer les campagnes nationales d’éducation aux médias en coopération avec l’Observatoire européen des médias numériques, ainsi qu’avec le groupe d’experts sur l’éducation aux médias, contribuant ainsi à lutter plus avant contre la désinformation et à renforcer la résilience de la société face aux faux contenus et à la désinformation contre la vaccination, qui suscite des craintes infondées et cause de graves dommages. Le CESE demande également d’améliorer les procédures de l’information de crise, qui constitue le meilleur rempart contre la désinformation. |
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7.4. |
La pandémie de COVID-19 met en évidence à quel point il s’impose de planifier la formation dans des secteurs cruciaux de la médecine, tels que les soins intensifs, afin de pouvoir faire face aux situations d’urgence. Elle met également en lumière l’importance que revêt, dans ces mêmes circonstances, la transférabilité des compétences d’un État membre de l’Union à l’autre. Il convient d’assouplir les procédures qui régissent les transferts temporaires de personnels médicaux et la mobilité de ces professionnels entre les États membres, tout comme celles qui, dans de telles conjonctures, autorisent à en recruter dans des pays tiers. |
8. Relations internationales et normes démocratiques
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8.1. |
Le CESE constate que la pandémie a frappé la société et les entreprises partout dans le monde et qu’elle a exacerbé des rivalités géopolitiques qui, auparavant, étaient déjà en train de s’affirmer. |
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8.2. |
Le CESE soutient les efforts qui tendent à renforcer la coopération entre les nations et à affirmer le pouvoir de l’Europe au sein des institutions internationales. Il fait valoir que tout affaiblissement de sa position et de son engagement dans ces enceintes laisse le champ libre à des pays tiers pour agir à l’encontre des valeurs qu’elle défend; en particulier, il s’impose d’analyser très attentivement toutes les entraves posées à la préservation de ses valeurs fondamentales et de sauvegarder les libertés du marché unique. |
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8.3. |
Le CESE relève que la pandémie de COVID-19 a souvent servi de prétexte pour restreindre les droits et saper des normes démocratiques. Certains gouvernements se sont également servis de la crise pour favoriser leurs propres intérêts politiques à courte vue. Le CESE souligne que pour les décisions réglementaires indispensables pour gérer et vaincre la pandémie ne sauraient en aucune manière attenter au respect des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques. |
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8.4. |
Le CESE insiste avec force sur la nécessité de mener une action politique responsable, qui soit fondée sur des éléments probants et des faits établis par la science, ainsi que de donner la priorité aux démarches visant à protéger la santé et la vie. Dans le même temps, lorsqu’une crise survient, qu’elle soit pandémique ou d’une autre nature, il s’impose de respecter scrupuleusement les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques, et non de les restreindre. |
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8.5. |
Pour ce qui est de la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux, le CESE réaffirme qu’il est nécessaire de soutenir l’harmonisation des protocoles de déplacement pour les particuliers et les entreprises, afin de maintenir un degré élevé de confiance et des règles uniformes dans toute l’Union, conformément aux principes du marché unique. Les règles se doivent d’être claires, applicables et aussi similaires que possible d’un État membre à l’autre. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) JO C 13 du 15.1.2016, p. 40, JO C 14 du 15.1.2020, p. 1.
(2) JO C 429 du 11.12.2020, p. 251.
(3) JO C 286 du 16.7.2021, p. 109.
(4) Contribution du Comité économique et social européen au programme de travail de la Commission européenne pour 2022 sur la base des travaux du groupe ad hoc «Contribution du CESE au programme de travail de la Commission européenne pour 2022» (JO C 341 du 24.8.2021, p. 1).
(5) Eurofound, «Cohésion sociale et bien-être en Europe», Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2018.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/122 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à une Année européenne de la jeunesse 2022
[COM(2021) 634 final — 2021/0328(COD)]
(2022/C 152/20)
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Rapporteur général: |
Michael McLOUGHLIN |
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Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 21.10.2021 Parlement européen, 21.10.2021 |
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Base juridique |
Article 165, paragraphe 4, et 166, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
201/0/1 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social se félicite que 2022 ait été proclamée «Année européenne de la jeunesse». Cette décision est aussi particulièrement pertinente dans le contexte du socle européen des droits sociaux et du récit de la relance après la pandémie. |
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1.2. |
Le CESE est prêt à jouer un rôle moteur dans le cadre de l’Année européenne de la jeunesse, en s’appuyant sur des initiatives qu’il a menées avec succès, telles que «Votre Europe, votre avis!» ou les tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité. Le CESE est particulièrement bien placé pour faciliter le dialogue avec les réseaux de jeunes. |
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1.3. |
Des indicateurs et des objectifs politiques clairs doivent être élaborés pour l’Année. Ces derniers devraient se concentrer sur l’impact sur les politiques et les travaux intersectoriels au-delà des activités organisées. |
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1.4. |
Le CESE se déclare préoccupé par le fait que le programme et les priorités de l’Année européenne semblent surchargés et estime que des priorités simples pourraient aider toutes les parties prenantes. |
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1.5. |
Si les activités de promotion constituent le principal contenu de l’Année européenne, cela devrait apparaître clairement dans toutes les communications, en particulier avec les jeunes. |
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1.6. |
L’Année de la jeunesse doit contribuer à la stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse au moyen de plans et d’un engagement clairs, compte tenu notamment de la dimension transsectorielle de la stratégie en faveur de la jeunesse. |
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1.7. |
L’Année doit veiller à inclure les groupes les plus difficiles à atteindre. Le cas échéant, des indicateurs au niveau du groupe et des indicateurs géographiques devraient être utilisés à cette fin. |
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1.8. |
S’agissant du budget, le CESE estime qu’il y a lieu de faire preuve d’une plus grande ambition. Compte tenu de la situation critique à laquelle sont confrontés les jeunes dans l’Union, il convient de dégager des ressources au-delà des programmes existants pour les conseils nationaux de la jeunesse et les organisations de jeunesse. |
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1.9. |
Le CESE estime qu’en plus d’une enveloppe totale de 10 000 000 EUR, 2 000 000 EUR sont nécessaires pour la coordination au niveau national. Le Forum européen de la jeunesse et ses membres sont également très importants. Ces fonds pourraient être octroyés en cascade, par l’intermédiaire des conseils nationaux de la jeunesse. |
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1.10. |
Des alliances locales pour l’Année européenne au niveau des États membres seraient les bienvenues. Le CESE peut également jouer un rôle à cet égard. |
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1.11. |
Les travaux envisagés sur les relations extérieures et avec le SEAE sont également les bienvenus pour l’Année européenne et au-delà. Les politiques de jeunesse, relativement bien développées en Europe, peuvent jouer un rôle important dans notre voisinage et au-delà. |
2. Contenu essentiel de la proposition
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2.1. |
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé dans le discours sur l’état de l’Union du 15 septembre que la Commission proposerait que 2022 soit l’Année européenne de la jeunesse. À l’issue des réflexions sur l’expérience de la COVID-19 en Europe, la présidente de la Commission a attiré l’attention sur l’année 2022 et sur la nécessité de reconstruire après la pandémie. Elle s’est inspirée de l’engagement des jeunes dans le militantisme climatique, de l’importance qu’ils accordent à la solidarité et de leur détermination à poursuivre leurs efforts pour améliorer l’avenir. |
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2.2. |
Le passage spécifiquement consacré à la jeunesse est inscrit dans le contexte du marché social et du socle européen des droits sociaux. Le discours fait également référence à la nouvelle initiative l’initiative ALMA (Aim, Learn, Master, Achieve — Orientation, Apprentissage, Maîtrise, Réussite) de la DG Emploi, affaires sociales et inclusion, qui est axée sur les jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation. Le discours a également établi un lien entre la proposition à la conférence sur l’avenir de l’Europe:
«Et les jeunes doivent mener les débats de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. C’est leur avenir et ça doit être leur Conférence. Et comme nous l’avons dit au début du mandat, la Commission sera disposée à donner suite aux points qui seront décidés par la Conférence». Ursula von der Leyen, discours sur l’état de l’Union, 15 septembre 2021 |
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2.3. |
La Commission a publié sa proposition le 14 octobre. En vertu de la proposition, l’objectif de l’Année est d’intensifier les efforts déployés par l’Union, les États membres et les autorités régionales et locales pour mettre à l’honneur les jeunes dans une perspective d’après-pandémie, les soutenir et nouer un dialogue avec eux». Elle définit en outre trois moyens d’y parvenir, en intégrant la manière dont «les transitions verte et numérique offrent une perspective d’avenir renouvelée et des possibilités de lutter contre les effets négatifs de la pandémie sur les jeunes et la société dans son ensemble», en incitant tous les jeunes «à devenir des citoyens actifs et engagés ainsi que des acteurs du changement» et en «promouvant les possibilités offertes aux jeunes» de «soutenir leur développement personnel, social et professionnel dans une Union plus verte, plus numérique et plus inclusive». |
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2.4. |
La proposition fait référence à un certain nombre de domaines d’action et de programmes de financement pertinents susceptibles de soutenir l’Année européenne de la jeunesse. Ces mesures sont notamment les suivantes: la garantie renforcée pour la jeunesse; le programme Erasmus+; le corps européen de solidarité; l’initiative ALMA (Aim, Learn, Master, Achieve — Orientation, Apprentissage, Maîtrise, Réussite); la stratégie européenne en faveur de la jeunesse; les objectifs européens pour la jeunesse; l’espace européen de l’éducation; le pacte européen pour le climat; le plan d’action actualisé en matière d’éducation numérique; l’initiative «HealthyLifestyle4All» (un mode de vie sain pour tous); la stratégie européenne en matière de compétences; le Fonds social européen plus; le programme «Europe créative»; le programme Horizon Europe; le programme «Citoyens, égalité, droits et valeurs»; le Fonds «Asile, migration et intégration»; le programme «Justice»; le Fonds européen de développement régional; le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture; ou encore le Fonds européen agricole pour le développement rural. |
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2.5. |
Il est prévu que les fonds qui se concentrent principalement sur le domaine de la jeunesse, tels qu’Erasmus+ et le corps européen de solidarité, auront un rôle clé à jouer pour soutenir les activités menées dans le cadre de l’Année européenne de la jeunesse. Ces deux programmes célèbreront aussi respectivement leur 35 et 5e anniversaire. Les États membres sont invités à désigner un coordinateur national chargé d’organiser leur participation à l’Année européenne de la jeunesse, et la Commission assurera la coordination au niveau de l’Union. |
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2.6. |
L’article 3 de la proposition législative définit sept types d’activités possibles envisagés pour l’Année européenne, y compris des conférences, des manifestations et des initiatives visant à promouvoir la participation des jeunes. Ces activités permettent aux jeunes d’entrer en contact avec les décideurs politiques, de recueillir des idées au moyen de méthodes participatives, de campagnes d’information, d’éducation et de sensibilisation, de créer un espace d’échanges portant sur la transformation des défis en opportunités dans un esprit d’entreprise, de réaliser des études et des recherches sur la situation des jeunes dans l’Union et de promouvoir des programmes, des possibilités de financement, des projets, des actions et des réseaux présentant un intérêt pour la jeunesse, y compris par l’intermédiaire des médias sociaux et des communautés en ligne. |
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2.7. |
En octobre, la DG EAC a lancé une enquête sur l’Année européenne de la jeunesse pour les jeunes. Des coordinateurs nationaux ont également été désignés. |
3. Observations générales
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3.1. |
La proposition souligne à juste titre l’impact considérable que la COVID-19 a eu sur les jeunes, et il convient d’en tenir dûment compte. Il ne s’agit pas d’attiser l’opposition entre différents groupes, mais de veiller à ce que les citoyens comprennent que les effets sur les jeunes peuvent être durables et qu’il incombe aux responsables politiques d’y remédier. |
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3.2. |
La proposition contient un très grand nombre d’engagements, des références à d’autres initiatives, budgets et domaines d’action. À pratiquement tous les égards, il convient de s’en féliciter. La proposition reflète également la nature transsectorielle de ce domaine d’action et de la stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse. Toutefois, il importe également que la proposition fasse preuve de clarté et de précision. Parfois, le mieux est l’ennemi du bien et l’on peut craindre qu’une longue liste de domaines d’action et de responsabilités partagées puisse porter préjudice à l’accent mis sur les effets, la responsabilité et les résultats. |
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3.3. |
Il ressort clairement de la proposition que l’Année européenne de la jeunesse concerne principalement des activités et des manifestations promotionnelles. Il est important d’être clair sur ce point. Bien qu’il puisse être envisagé d’influencer ainsi la politique ou de mettre en évidence les possibilités de contribution politique, la proposition ne contient pas, en soi, d’engagements politiques. |
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3.4. |
La proposition indique explicitement que tout financement important d’initiatives proviendra effectivement de sources existantes et le programme Erasmus+ semble être le principal domaine d’action. Une fois de plus, si tel est le cas, il est important de l’indiquer sans ambiguïté. De même, si les agences nationales d’Erasmus+ doivent donner la priorité aux activités liées à l’Année européenne de la jeunesse, elles auront besoin de clarté, de soutien et d’orientation. Les nouvelles initiatives de participation des jeunes dans le cadre du programme Erasmus+ pourraient être bien adaptées à de telles activités, mais, là encore, une préparation et une information adéquates seront nécessaires pour les candidats dans les États membres. Une fois de plus, tous les supports promotionnels et autres activités doivent clairement indiquer que l’Année européenne de la jeunesse mobilise largement les ressources existantes. Cette honnêteté est cruciale lorsque l’on travaille avec des jeunes. |
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3.5. |
Il serait également important de veiller à ce que des lignes de financement supplémentaires provenant d’autres DG soient pleinement disponibles pour les activités pertinentes et que cela soit également rendu public et mis en évidence par ces responsables budgétaires. Ceci se justifie tout particulièrement compte tenu de la nature transsectorielle de la jeunesse en tant que thématique, et de l’importance qui y est accordée dans la stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse. Bien entendu, cela fournirait également davantage de ressources pour les activités, relierait d’autres domaines d’action et permettrait de sensibiliser de nouveaux groupes de jeunes et, potentiellement, les groupes les plus difficiles à atteindre. |
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3.6. |
L’activité de coordination revêtira une importance cruciale pour le succès de l’Année européenne. Il est nécessaire d’y associer davantage la société civile et de renforcer le rôle des organisations de jeunesse aux niveaux national, local et européen. Les conseils nationaux de la jeunesse et les autres grandes organisations de jeunesse devraient être des partenaires égaux au sein du groupe des coordinateurs nationaux participant à la création conjointe et à la mise en œuvre de l’Année et devraient être soutenus dans l’exercice de cette fonction. Le rôle du Forum européen de la jeunesse devrait également être reconnu en tant que partenaire clé au sein du groupe des parties prenantes. |
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3.7. |
La stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse est le principal engagement politique de l’Union dans le domaine de la jeunesse. Elle représente également un engagement significatif et souhaitable en faveur de la dimension transsectorielle de la jeunesse en tant qu’enjeu politique. Cela est essentiel pour progresser sur toute une série de politiques en faveur des jeunes, telles que l’emploi, l’environnement, l’éducation et la formation. Il est donc essentiel que l’Année européenne de la jeunesse soit étroitement liée à la stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse, en particulier à la dimension transsectorielle de la politique de la jeunesse. La proposition le précise, mais il importera également que tous les secteurs apportent leur contribution et jouent leur rôle en matière de suivi et de surveillance. |
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3.8. |
Les travaux doivent se poursuivre dans tous les domaines de la politique de la jeunesse et dans les domaines intersectoriels connexes afin de garantir un engagement maximal avec les personnes les plus difficiles à atteindre. Cela devrait faire partie du suivi de l’Année et certaines méthodes pourraient permettre de donner la priorité à certains groupes, voire à certaines zones défavorisées, afin de s’assurer que les activités qui en proviennent sont suffisantes. Il convient également de saluer ici la référence à l’initiative ALMA, tout comme l’accent mis sur les jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation (NEET), bien que davantage d’informations soient encore nécessaires à cet égard. |
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3.9. |
L’accent mis sur les activités et les manifestations doit être lié aux résultats. Pour ce faire, des indicateurs allant au-delà des activités seront nécessaires. Si le résultat est que la voix des jeunes est entendue, cela doit se refléter dans les indicateurs. Étant donné que des notions telles que «rendre hommage aux jeunes, les soutenir et dialoguer avec eux» reviennent fréquemment dans la proposition, elles pourraient offrir un cadre adéquat pour les indicateurs. Ce qui importe le plus, c’est qu’ils aillent au-delà du simple résultat des activités et des manifestations et qu’ils se concentrent sur les résultats de ces activités. |
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3.10. |
Une grande partie des perspectives de l’Année de la jeunesse dépendra de l’action menée au niveau des États membres, mais les délais ont été extrêmement serrés pour les autorités nationales. De même, le financement posera problème à un stade si tardif, car les autorités nationales sont inévitablement débordées, et il existe également des différences considérables entre les politiques en faveur de la jeunesse, comme le relève le travail de la DG EAC. Tous ces facteurs constitueront des défis pour la mise en œuvre de l’Année européenne. |
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3.11. |
Globalement, le budget de 8 millions d’euros prévu dans la proposition est très restreint, même s’il se limite à financer les actions au niveau de l’Union. Des ressources doivent être prévues pour les activités nationales et/ou la coordination de l’Année afin d’obtenir un certain impact et d’encourager un maximum d’adhésion et de participation. Le CESE estime qu’en plus d’une enveloppe totale de 10 000 000 EUR, 2 000 000 EUR sont nécessaires pour la coordination au niveau national. |
4. Observations particulières
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4.1. |
La proposition visant à désigner 2022 «Année de la jeunesse» a été élaborée très rapidement. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse là du meilleur moyen de concevoir de telles propositions, aussi souhaitables soient-elles. La mise en place du corps européen de solidarité en 2016 avait, elle aussi, fait l’objet d’une annonce dans le discours sur l’état de l’Union. De ce fait, les importantes initiatives liées à la jeunesse risquent de prendre davantage la forme d’annonces politiques médiatisées que d’évolutions systématiques sur le long terme. Une telle tendance pourrait aggraver le cynisme chez les jeunes. De même, le processus législatif a souffert de cette approche précipitée. |
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4.2. |
Bien qu’il s’agisse d’un document officiel, le langage employé par endroits dans la proposition est plutôt alambiqué et loin du type d’anglais clair que nous souhaiterions lire lorsqu’un document s’adresse aux jeunes, voire au public en général. |
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4.3. |
La Commission doit s’assurer que les jeunes et les organisations de jeunesse aux niveaux national et infra-régional, le cas échéant, prennent part au suivi et à la supervision de l’Année. Il est essentiel que la Commission y veille car nous savons que les politiques en faveur de la jeunesse sont inégales et que les approches adoptées à l’égard de ces questions varient encore d’un État membre à l’autre. |
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4.4. |
Les dispositions relatives aux objectifs pour la jeunesse européenne sont les bienvenues et fournissent des domaines très concrets fondés sur la participation des jeunes. De plus, elles illustrent bien la nature transsectorielle des besoins et aspirations des jeunes. |
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4.5. |
Les dispositions relatives aux questions numériques sont les bienvenues, d’autant plus que l’idée répandue selon laquelle les jeunes sont des natifs numériques est effectivement assez simpliste. Au cours de la pandémie de COVID-19, il est surtout apparu que ces compétences ne sont pas partagées par tous et que, en particulier, les jeunes qui accèdent à des contenus au moyen de leur téléphone, possèdent des aptitudes et des compétences très différentes de celles qui sont nécessaires à l’apprentissage en ligne. Bon nombre de ces compétences ne sont pas technologiques, mais sociales, et l’avis du CESE sur la formation mixte (1) mettait en garde contre une dépendance excessive à l’égard du temps d’écran et de l’activité en ligne. Il existe une solide tradition d’activités de plein air et d’activités environnementales chez les jeunes et dans l’animation socio-éducative, qu’il convient également de promouvoir et d’encourager. |
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4.6. |
Le plan d’action pour la jeunesse lié à l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale et à l’action extérieure offre de fait une occasion précieuse pour l’engagement des jeunes et s’avère particulièrement bienvenu. Le CESE attend la proposition de la commissaire Urpilainen à ce sujet. Il serait essentiel de veiller à ce que la société civile et les organisations de jeunesse soient étroitement associées à un tel plan d’action. Le modèle européen d’animation socio-éducative peut fortement inspirer le monde et devrait être plus présent dans nos relations extérieures. |
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4.7. |
La mobilité, qui reste une composante essentielle de la politique de la jeunesse, a été au cœur du programme Erasmus+. Il est naturel qu’il s’agisse d’un élément important de la proposition relative à l’Année européenne de la jeunesse. Toutefois, nous devons toujours être conscients que la mobilité peut parfois être perçue de manière négative par les jeunes, en particulier lorsqu’elle est involontaire ou forcée, comme cela peut encore être le cas dans les régions les plus pauvres ou subissant la «fuite des cerveaux». |
|
4.8. |
L’idée d’une action qui «vise spécifiquement à renforcer la voix des jeunes au niveau européen» est naturellement la bienvenue, et toutes les institutions doivent développer davantage la voix des jeunes dans leurs propositions politiques. Là encore, cela pourrait également être un but ou un objectif général de l’Année européenne de la jeunesse. |
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4.9. |
Les dispositions relatives à la mise en œuvre, bien que positives, auraient besoin d’indicateurs plus clairs, notamment en ce qui concerne l’impact sur les politiques et les programmes dans le domaine au-delà de l’Année et sur les aspects transsectoriels des dispositions. |
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4.10. |
Les dispositions relatives au programme de travail européen sur l’animation socio-éducative sont positives et souhaitables, mais elles accroissent également le nombre d’initiatives et de priorités politiques figurant dans la proposition, et en particulier dans le texte législatif. Une fois de plus, la surcharge peut susciter des inquiétudes, compte tenu du nombre de domaines d’action et de priorités, nonobstant la nécessité d’un travail intersectoriel. |
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4.11. |
L’article 3 du texte législatif fournit un bon résumé de ce qui est envisagé et indique une fois de plus de manière claire sur quoi portera l’Année européenne. La fiche financière considère les Années européennes comme des «instruments de sensibilisation», soulignant à nouveau cet aspect. |
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4.12. |
Les tableaux financiers semblent indiquer qu’Erasmus+ devrait être le principal bailleur de fonds de l’ensemble des activités. Les propositions semblent également prévoir un soutien au niveau de l’Union pour le personnel et les ressources des délégations et des contractants, mais pas pour les jeunes ou les organisations de jeunesse. Il semble également difficile de déterminer l’ampleur du financement qui pourrait provenir d’Erasmus+. |
5. Examen plus général des «Années européennes»
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5.1. |
Il est peut-être temps que la Commission et les autres institutions de l’Union examinent le concept d’«Année de…». La proposition fait référence aux années antérieures, telles que l’Année du développement et l’Année de la citoyenneté. Elles semblent voir le jour de manière épisodique et il serait souhaitable de garantir une certaine cohérence quant à leur utilisation et à leur finalité. |
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5.2. |
Dans son avis sur l’Année européenne des citoyens (2), le Comité a conclu que le développement de ces années nécessitait un dialogue significatif avec la société civile et qu’un budget important — supérieur à celui qui figurait dans la proposition — était requis. Le CESE était favorable à ce que son processus de planification et de mise en œuvre soit le plus ouvert possible, avec la participation de tous les acteurs concernés, à tous les niveaux et à tous les stades, notamment celle du Comité européen des régions, la sienne propre, celle des représentants des organisations de la société civile, dont les partenaires sociaux, ainsi que celle des organes administratifs nationaux et locaux. |
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5.3. |
Le Comité avait par ailleurs invité à assurer une coordination transparente et efficace de l’Année européenne 2013 à tous les niveaux et entre tous les acteurs qui y participent, notamment en utilisant au maximum les potentialités des comités de pilotage, par la création de mécanismes efficaces d’échanges d’expérience à l’échelle nationale. |
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5.4. |
En ce qui concerne l’Année européenne du développement, le Comité avait déclaré qu’il était essentiel d’éviter de dépenser de l’argent pour des campagnes coûteuses menées, entre autres, par des agences de relations publiques, et que le recours à de tels services devrait être réduit au strict minimum. La nécessité d’une approche décentralisée a également été soulignée. Au niveau national, il a été jugé que les groupes de travail devraient définir par pays une devise, un slogan ou une invitation pour l’Année européenne qui reflète au mieux la situation au sein de l’État membre. Leurs travaux et le soutien qui leur est accordé devraient se poursuivre au-delà de l’Année européenne. La société civile organisée doit jouer un rôle essentiel dans ces groupes de travail (3). |
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5.5. |
Le CESE avait invité à élaborer et à mettre en œuvre des mesures spécifiques afin de garantir un lien entre les différentes années thématiques et la pérennité des résultats de la manifestation. Le Comité avait également indiqué qu’il était nécessaire non seulement de mener des campagnes d’information, mais aussi d’entreprendre des actions pratiques et concrètes élaborées par des décideurs travaillant en collaboration avec la société et d’élaborer un rapport de suivi. Le Comité soutient l’allocation des fonds par l’intermédiaire des représentations de la Commission dans les États membres (4). |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) SOC/701 — «La formation mixte» (JO C 105 du 4.3.2022, p. 128).
(2) JO C 181 du 21.6.2012, p. 137.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/127 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil
[COM(2021) 557 final — 2021/0218 (COD)]
(2022/C 152/21)
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Rapporteur: |
Christophe QUAREZ |
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Corapporteur: |
Lutz RIBBE |
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Consultation |
Parlement européen, 13.9.2021 Conseil de l’Union européenne, 22.9.2021 |
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Base juridique |
Articles 114, 194, paragraphe 2, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
191/2/5 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE accueille favorablement la révision à la hausse de la part des énergies renouvelables à atteindre et se félicite que ces objectifs visent les secteurs de l’industrie, du transport et du logement. La politique en matière d’énergies renouvelables devrait porter des fruits dans trois domaines: l’atténuation du changement climatique, la sécurité énergétique et le développement économique (création d’emplois). Cependant, elle requiert également la sécurité juridique, laquelle est mise à mal par le fait que la révision intervient deux semaines à peine après le délai de transposition. Toutefois, le Comité souligne que même dans sa version renforcée, l’objectif n’est probablement pas à la hauteur des objectifs climatiques de l’accord de Paris, et encore moins des dispositions de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques visant à prévenir toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Ces perturbations dangereuses sont déjà évidentes aujourd’hui, avec l’augmentation des températures mondiales. |
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1.2. |
Le CESE attire l’attention de la Commission sur la synergie qu’il est nécessaire d’établir entre les règlements existants, révisés dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55», et les nouveaux outils qui sont proposés, tels que le Fonds social pour le climat ou le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. |
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1.3. |
Le CESE estime qu’il est indispensable d’établir des conditions de concurrence équitables entre les sources de production d’énergie, ce qui implique de mettre un terme au subventionnement des énergies fossiles, qui continue d’augmenter (1). |
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1.4. |
Le CESE rappelle que les citoyens et notamment les jeunes doivent être au cœur de la politique énergétique européenne et regrette à ce titre le manque d’ambition de la Commission lorsqu’il s’agit de promouvoir et développer le prosumérisme individuel et communautaire, en dépit de ce que prévoyait la communication sur l’union de l’énergie. |
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1.5. |
Le CESE soutient largement les principes de la sylviculture responsable définis dans la proposition et suggère de donner la priorité à l’utilisation des sous-produits forestiers et des produits en bois recyclé pour la bioénergie. Il demande également que le soutien aux centrales bioénergétiques soit réévalué en vue de réorienter les biocarburants vers les transports, en particulier dans les secteurs où l’électrification pose problème et où ils constituent une solution de substitution facilement disponible à un coût raisonnable, comme expliqué plus en détail aux paragraphes 4.9 et 4.20. |
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1.6. |
Le CESE regrette l’absence d’une stratégie claire pour le développement des énergies éolienne terrestre et photovoltaïque, à l’instar de celle récemment publiée par la Commission concernant l’énergie éolienne en mer. Une stratégie de décentralisation et de promotion efficace de l’énergie citoyenne contribuerait à renforcer les chaînes de valeur régionales et à accroître l’adhésion du public à la transition énergétique. Dans le cas contraire, l’Europe risque de payer le prix fort (dans les domaines tant social qu’économique) pour le laxisme dont elle a fait preuve au cours des dernières décennies. Le CESE attire également l’attention sur la nécessité accrue de:
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1.7. |
Le CESE appelle le Parlement européen et la Commission à rouvrir le débat autour de la fixation d’objectifs nationaux contraignants. |
2. Introduction
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2.1. |
La proposition de révision de la directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (ci-après «la directive»), qui fait l’objet du présent avis, a été publiée le 14 juillet 2021. Elle fait partie intégrante du paquet «Ajustement à l’objectif 55» élaboré par la Commission afin de réduire, d’ici 2030, nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % et ainsi permettre à l’Union européenne d’être climatiquement neutre en 2050, comme le prévoit la loi européenne sur le climat. |
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2.2. |
Paru en août 2021, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) fait état, pour l’année 2019, de la concentration de CO2 la plus élevée enregistrée depuis au moins 2 millions d’années. Il rappelle également que l’atteinte de la neutralité climatique est la condition sine qua non afin de limiter le réchauffement entre 1,5 et 2 oC. La COP26 qui se déroulera à Glasgow en novembre 2021 sera l’occasion d’examiner les progrès réalisés par les États depuis la conclusion de l’accord de Paris en 2015 et de rehausser les ambitions climatiques. En effet, comme le soulignait récemment l’Agence internationale de l’énergie, la neutralité climatique implique de transformer l’économie mondiale actuellement dominée par les énergies fossiles en un modèle principalement alimenté par des énergies renouvelables (2). C’est dans ce contexte que s’inscrit la révision de la directive sur les sources d’énergie renouvelables. |
3. Observations générales sur la proposition de directive
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3.1. |
Poursuivant l’objectif de faire de l’Union européenne le numéro un mondial des énergies renouvelables, la directive avait fait l’objet d’une nécessaire refonte en 2018 (3). Le CESE déplore l’absence de stabilité réglementaire résultant du fait que des amendements proposés dans le projet de révision concernent des points ayant déjà fait l’objet de modifications dans le cadre de la dernière révision en date de la directive et ce immédiatement après leur délai de transposition, fixé au 30 juin 2021. Le Comité approuve néanmoins la proposition de la Commission de réviser la directive à la lumière des nouveaux objectifs de réduction des émissions de CO2 fixés dans la législation européenne sur le climat et de saisir cette occasion pour simplifier et corriger les lacunes. Il souligne que l’utilisation des énergies renouvelables ne doit pas être rendue excessivement complexe. En effet, le rehaussement à 40 % de l’objectif contraignant d’énergie produite à partir de sources renouvelables était nécessaire, tout comme le renforcement de l’intégration des énergies renouvelables dans les secteurs tels que le bâtiment, l’industrie ou encore les transports. Pour autant, le CESE identifie trois périmètres d’action devant faire l’objet d’une plus grande attention, ceux-ci n’étant que partiellement appréhendés au sein du projet de révision. |
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a) |
La participation des citoyens et consommateurs doit être améliorée |
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3.2. |
En dépit des attentes élevées des citoyens européens, les ressources proposées par l’Union européenne en vue d’encourager la participation des consommateurs demeurent insuffisantes, le prosumérisme n’étant toujours pas clairement défini dans la directive. La Commission européenne devrait proposer un mécanisme de suivi afin de soutenir la mise en œuvre par les États membres des règles adoptées et permettre ainsi le développement du prosumérisme. Il y a lieu de diffuser auprès des décideurs politiques des exemples de bonnes pratiques et de rendre le prosumérisme opérationnel:
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Il est essentiel de lever les obstacles bureaucratiques et de veiller à ce que les financements parviennent au public visé (comme les jeunes acteurs de terrain et les organisations locales dirigées par des jeunes), en clarifiant les obligations qui pourraient incomber au prosommateur à l’avenir. Dans ce domaine, la stabilité juridique doit prévaloir, car l’accès à l’aide financière et au savoir-faire doit être garanti aux consommateurs afin de les encourager à franchir le pas et à devenir des prosommateurs. Le CESE estime qu’une fois l’instrument législatif à l’examen révisé, il ne devrait pas être renouvelé avant 2030, de manière à garantir la stabilité juridique nécessaire à l’ensemble des acteurs du secteur, au sens large du terme, comme cela a déjà été indiqué au paragraphe 3.1 ci-dessus.
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3.3. |
S’il est judicieux d’intensifier les efforts visant à garantir une utilisation dynamique de l’énergie éolienne en mer, comme le prévoit la stratégie relative aux énergies renouvelables en mer, l’énergie éolienne terrestre et l’énergie photovoltaïque devraient jouer un rôle beaucoup plus important dans notre futur système énergétique européen. L’absence d’approche générale pose question au sein du CESE, qui invite la Commission à adopter une stratégie de politique régionale de décentralisation. Le prosumérisme ne peut prospérer sans le soutien de l’échelon régional et local, qui dispose non seulement de moyens techniques et financiers, mais également d’une connaissance des spécificités du territoire permettant des gains de temps considérables. La proximité de ce niveau avec les administrés et les acteurs de terrain légitime l’octroi de plus de compétences afin d’atteindre les objectifs fixés dans la directive. Enfin, cette stratégie devra s’accompagner d’une réflexion relative à la gestion des ressources et matériaux critiques (extraction, recyclage etc.) nécessaires à la fabrication et au bon fonctionnement des énergies renouvelables. En effet, la dépendance aux énergies fossiles ne doit pas devenir une dépendance aux matériaux critiques. |
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b) |
Mieux exploiter les synergies |
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3.4. |
La précédente refonte ayant eu lieu très récemment, les nouvelles dispositions adoptées dans ce cadre n’ont pas encore pleinement pu prendre effet. Pour cette raison, cette nouvelle révision doit servir deux objectifs selon le CESE. |
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3.5. |
En l’état actuel des choses, selon les modélisations contenues au sein du scénario de référence de l’UE 2020, l’Union devrait surpasser d’un peu plus de 1 % l’actuel objectif de 32 % de renouvelable dans la consommation énergétique. En premier lieu, la révision doit permettre de rehausser les objectifs actuels tout en introduisant de nouveaux objectifs en parallèle afin d’augmenter l’intégration des renouvelables d’au moins 7 % à l’échelle du continent. |
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3.6. |
Dans un second temps, l’ampleur des révisions menées dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55» doit, d’une part, être l’occasion de renforcer les synergies existantes entre lesdites réglementations et la directive. D’autre part, cette logique doit également s’appliquer aux nouveaux outils proposés par la Commission européenne, tels que le Fonds social pour le climat ou encore le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Ainsi, les bénéfices issus de la mise en œuvre de la directive ne pourront exprimer leur plein potentiel que si le déploiement des sources d’énergies renouvelables va de pair avec l’établissement d’une comptabilité carbone vis-à-vis d’une partie du CO2 importé. L’introduction du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour certains secteurs devrait être l’occasion de mettre en place des conditions de concurrence équitables, une question qui devrait être réglée au niveau européen. Le remplacement de l’objectif d’au moins 14 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie du secteur des transports par un objectif contraignant de 13 % d’intensité des gaz à effet de serre d’ici à 2030, tel qu’énoncé à l’article 25, est un exemple de bonne exploitation des synergies. En effet, opérer de la sorte permettra de créer plus de cohérence avec la révision du système d’échanges de quotas ou encore la réglementation sur les standards de CO2. Néanmoins, conformément à la stratégie de la Commission pour l’intégration du système énergétique (4), l’électrification du secteur des transports devrait être la priorité chaque fois que cela est possible d’un point de vue économique et technologique. Enfin, cette proposition de révision s’inscrit également en amont de la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments et doit être l’occasion d’afficher un niveau élevé d’ambition lors de la présentation de la suite du paquet «Ajustement à l’objectif 55» prévue le 14 décembre 2021. |
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c) |
La reprise économique doit permettre l’essor des énergies renouvelables |
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3.7. |
Alors que la demande en électricité a quasiment retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire, la reprise économique a été l’occasion de constater un essor dans la production à partir de renouvelables et ce, au détriment des énergies fossiles (5). Afin de pérenniser cette conjoncture en une véritable tendance d’avenir, il est indispensable de mettre en place des conditions de concurrence équitables entre les sources de production d’énergie. En premier lieu, cela implique de mettre un terme le plus rapidement possible au subventionnement des énergies fossiles, estimé en 2018 à l’échelle du continent à environ 50 milliards d’euros (6) (étant entendu qu’une part «indirecte» du subventionnement n’est pas reflétée dans l’estimation). |
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3.8. |
L’acte délégué relatif au volet climatique de la taxinomie de l’Union européenne est susceptible, s’il est accepté par le Conseil et le Parlement, d’orienter les investissements futurs vers des actifs durables, la catégorie à laquelle appartiennent les énergies renouvelables. Ce n’est qu’une fois que les distorsions de concurrence entre les sources d’énergie seront éliminées que les énergies renouvelables pourront librement affronter le marché. Dans l’attente d’un tel dénouement, le CESE salue l’approche de la Commission qui permet d’éviter un décrochage des énergies renouvelables. |
4. Observations particulières sur le texte de la directive
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a) |
Le caractère contraignant ou non des objectifs proposés |
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4.1. |
Le CESE renouvelle sa critique (7) selon laquelle la révision de la directive ne contient pas d’objectifs nationaux contraignants, contrairement à celle de 2009. Si l’Union européenne a atteint son objectif de porter à 20 % la part des renouvelables en 2020, certains États membres n’ont pas réussi à respecter leurs cibles tandis que d’autres y sont parvenus de justesse (8), profitant notamment de la conjoncture particulière causée par la crise sanitaire, qui a mis à l’arrêt une partie des économies nationales. Cet exemple illustre la faiblesse du cadre de gouvernance actuel, qui n’aménage qu’une faculté «d’inciter» les États membres à respecter leurs objectifs nationaux. Le CESE appelle le Conseil des ministres, le Parlement européen et la Commission européenne à rouvrir le débat autour de la fixation d’objectifs nationaux contraignants, de la gouvernance énergétique appropriée et/ou a minima des moyens plus coercitifs qu’il convient de déployer à l’encontre des États fautifs afin de s’assurer du bon respect de l’ambition à l’échelle nationale. En effet, la directive touche ici du doigt les limites de l’action fondée sur le volontariat. Alors que plusieurs États membres ont dépassé leurs prévisions pour 2020, se profile le risque d’un nivellement par le bas qui conduirait les États les plus avancés à être découragés par l’absence de volonté de certains de leurs homologues et par l’absence de conséquence. |
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4.2. |
Concernant le nouvel objectif contraignant de 40 % en matière d’énergie renouvelable pour 2030 (contre 32 % auparavant), il porte sur l’ensemble de la consommation d’énergie et non pas la seule consommation d’électricité. Le CESE se félicite du fait que la Commission ait proposé la cible la plus ambitieuse parmi la fourchette identifiée au sein du plan cible en matière de climat (38-40 %) afin de respecter le nouvel objectif de 55 % de réduction de gaz à effet de serre en 2030. Cela démontre l’ambition de l’exécutif européen d’accélérer le déploiement de technologies vertes, ce que salue le CESE. Pour autant, cette augmentation de la part des renouvelables dans le mix électrique des États membres va entraîner des conséquences en termes de consommation d’énergie et d’électricité (9), étant donné que la part de la consommation d’énergie devrait baisser d’ici à 2050. Il importe d’actualiser les scénarios à l’horizon 2050 à la lumière des nouveaux objectifs, en précisant notamment le rôle que pourrait jouer le stockage d’électricité, qui devra être amené à se développer plus rapidement que prévu, ou encore le rôle de la sobriété énergétique, dont certains comportements ont été mis en lumière avec la crise sanitaire. |
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4.3. |
Pour autant, il s’agit d’un nouvel objectif très ambitieux pour certains États membres. Alors que pour nombre d’entre eux la décarbonation du secteur du bâtiment est à la traîne, le CESE valide l’approche proposée consistant à augmenter les efforts sectoriels tels que ceux réalisés pour intégrer les énergies renouvelables dans le secteur du chauffage et du refroidissement. En effet, une cible spécifique de 49 % concernant la part d’énergie renouvelable dans les bâtiments, que l’on retrouve dans le nouvel article 15 bis, était urgemment nécessaire. Cependant, le CESE s’interroge quant à la nature non contraignante d’un tel objectif. En effet, le secteur du bâtiment devra réduire ses émissions de 60 % d’ici 2030 et être neutre en 2040 afin de remplir les objectifs fixés dans le cadre du pacte vert pour l’Europe. Alors que de nombreux États pourraient rencontrer des difficultés à tenir cet objectif, le CESE souligne l’importance de s’appuyer dès 2025 sur les financements issus du Fonds social pour le climat. Ces derniers devraient permettre d’accélérer la mise en œuvre de la rénovation des bâtiments, publics comme privés, et ainsi endiguer le phénomène croissant de précarité énergétique qui touche plus de 30 millions d’européens. Pour autant, qu’il s’agisse des financements issus du futur Fonds social pour le climat ou, plus généralement, d’autres dispositifs d’aide, un mécanisme de traçage doit être mis en œuvre afin de s’assurer de l’allocation correcte desdits financements à la lutte contre le changement climatique. En effet, la dilution de ces derniers au sein des budgets nationaux ne permet pas de contrôler efficacement l’utilisation des ressources octroyées. Ces financements devront en outre être alloués non seulement à des projets à grande échelle, mais aussi à des projets de moindre envergure, pour lesquels le gain numéraire en termes de MWh et d’émissions de CO2 est plus modeste, mais dont l’impact sur les citoyens européens est tout aussi important, voire plus important. Autant que faire se peut, le CESE appelle à ce que les critères d’attribution au sein des différents États puissent être harmonisés concernant la part qui sera consacrée à rendre le citoyen actif pour faciliter d’éventuelles coopérations transfrontalières. |
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4.4. |
Le CESE souhaite attirer l’attention sur le fait que la décarbonation du secteur industriel est bien trop poussive à l’heure actuelle, même si le secteur industriel a été le premier visé par les plans européens successifs en faveur du climat. Concrètement, les émissions de l’industrie sont couvertes par le système d’échange de quotas d’émission (SEQE). Cependant, du fait de l’existence d’un régime d’allocations gratuites trop permissif, plus de 90 % de la pollution industrielle n’entraîne aucun coût pour les entreprises concernées, faisant que le secteur n’a réduit ses émissions que de 1 % entre 2012 et 2018. Le CESE appelle donc à recourir à un objectif contraignant de 1,1 % qui obligera les industries à augmenter annuellement leur recours aux renouvelables. En effet, un objectif indicatif pourrait apparaître comme un blanc-seing accordé aux industriels, pouvant être un frein potentiel à l’ambition climatique européenne. |
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4.5. |
Le CESE salue le fait que l’objectif cible relatif à l’intégration des énergies renouvelables pour le chauffage et le refroidissement devienne contraignant. Cependant, il souhaite souligner que l’objectif initialement prévu dans la directive était de 1,3 % alors que le nouvel objectif ne serait que de 1,1 %. D’après l’étude d’impact accompagnant le projet de révision, près de la moitié des États membres présentaient des trajectoires n’étant pas en adéquation avec l’objectif envisagé. Afin de permettre aux États membres de tenir cet objectif, le CESE avance l’hypothèse de flécher une partie des recettes allouées au Fonds social pour le climat et de consacrer cela en priorité au remplacement des systèmes de chauffage et refroidissement qui ont en majorité souvent recours à des énergies fossiles. Le CESE estime que l’objet de la directive doit être de relever ou à minima de maintenir l’ambition affichée lors de la précédente révision, et invite l’ensemble des acteurs à réfléchir au meilleur moyen pour y parvenir. |
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4.6. |
Afin d’atteindre la neutralité climatique en 2050, la décarbonation du système énergétique doit être atteinte d’ici 2045. Une consommation finale brute d’énergie renouvelable de 40 % en 2030 signifie que la majeure partie du processus de décarbonation devra être réalisée sur une période de 15 ans (entre 2030 et 2045). Ainsi, l’urgence climatique impose un plus grand pragmatisme concernant le développement des énergies renouvelables en confrontant le champ des possibles au calendrier. Premièrement, il importe de se concentrer sur des objectifs raisonnablement atteignables compte tenu des dispositions en vigueur. En effet, si la directive établit une stratégie à moyen et long terme au travers de la fixation d’objectifs ambitieux, cela ne doit pas se faire au détriment d’un renforcement du rythme de déploiement des énergies vertes, mais au contraire aller de pair avec lui. À court terme, il est tout aussi pertinent et essentiel de mettre l’accent sur l’utilisation de sources d’énergie renouvelables matures et populaires telles que les panneaux photovoltaïques. Pour le secteur des transports, il convient de mentionner une plus grande flexibilité et un choix plus large de matières premières admissibles en ce qui concerne les biocarburants, car ce n’est qu’à moyen ou long terme que les investissements réalisés sur la base des orientations de la future directive pourront prendre le relais, déployer leur plein potentiel (hydrogène renouvelable, éoliennes offshore, etc.) et contribuer à la décarbonation de l’économie européenne grâce à l’électrification des usages. Sans cela, le risque est grand que l’Europe paye un lourd tribut lié à son laxisme au cours des deux dernières décennies. Afin d’éviter que cela se produise, l’Union a besoin de préciser sa stratégie, qui devra aller bien au-delà de la simple directive sur les renouvelables et favoriser une approche globale exploitant les synergies. |
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b) |
Sur le chauffage urbain et les transports |
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4.7. |
Les communications de la Commission européenne concernant une stratégie pour l’hydrogène et une stratégie pour l’intégration des systèmes énergétiques contiennent certains aspects importants qui devraient être pris en compte dans cette stratégie globale. Dans ses avis TEN/717 et TEN/718, malgré certaines critiques concernant un manque de cohérence et de clarté sur certains aspects, le CESE a exprimé son appréciation générale des communications. Cependant, la révision proposée ne répond que dans une certaine mesure à certains aspects importants qui faisaient défaut. La recherche, l’innovation et la mise en œuvre devraient être soutenues et accélérées. |
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4.8. |
La Commission propose de renforcer le chauffage urbain. Cette approche est pertinente puisque les réseaux de chauffage urbain constituent une bonne option pour utiliser le surplus d’énergie en provenance des installations photovoltaïques ou éoliennes, installations qui ont vocation à se multiplier. |
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4.9. |
La proposition de directive ambitionne d’améliorer l’accès aux bornes de recharge, y compris les stations privées, pour les usagers d’une voiture électrique. Cela fait sens alors qu’une électrification rapide du secteur de la mobilité est l’une des voies les plus prometteuses pour décarboner le secteur des transports, dont les émissions continuent d’augmenter. Des règles concrètes pour la fourniture directe d’électricité renouvelable produite sur place ou à proximité du point de recharge pourraient constituer un élément clé d’une stratégie de décentralisation qui renforce la structure régionale et l’énergie citoyenne. Le CESE attire néanmoins l’attention sur la nécessité de proposer des solutions éprouvées à un coût raisonnable pour les secteurs du transport qui sont difficiles à électrifier. À l’heure actuelle, il s’agit plus particulièrement des biocarburants et, à l’avenir, de l’hydrogène. |
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c) |
Sur la promotion et le déploiement des énergies renouvelables |
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4.10. |
Le CESE salue la mise en place de plusieurs initiatives en lien avec l’hydrogène renouvelable, telles que l’introduction de sous-objectifs pour l’industrie et les transports. Par ailleurs, il estime également qu’un objectif contraignant de 50 % de carburant renouvelable d’origine non biologique utilisé comme matière première ou comme un vecteur énergétique est la bonne approche et que l’hydrogène vert doit se voir accorder la priorité (10). Cependant, la possibilité offerte par l’article 7 d’importer du carburant renouvelable d’origine non biologique qui sera ensuite comptabilisé en tant que contribution au sein l’État membre apparaît comme potentiellement problématique, et cette possibilité comptable devrait être plafonnée. |
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4.11. |
En ce qui concerne la disposition relative à la promotion des «accords d’achat d’électricité» (article 15), l’établissement de lignes directrices couplées à un soutien financier pour les petites et moyennes entreprises devrait favoriser l’essor d’un tel dispositif, qui apporte de la visibilité à long terme concernant le prix de vente de l’électricité verte. De manière plus générale, cette initiative illustre le besoin de renforcer la coopération et la coordination entre les acteurs du secteur afin d’apporter une vision à long terme aux acteurs économiques. |
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4.12. |
L’obligation incombant aux États membres de lancer une phase de test concernant la coopération transfrontalière grâce à la mise en place d’un projet pilote dans les trois prochaines années est une autre initiative saluée par le CESE. Pour autant, le CESE souhaite obtenir des clarifications concernant les modalités relatives à la mise en place d’une telle coopération. Il s’interroge notamment quant aux procédures administratives découlant d’une telle initiative et appelle à ce que la Commission européenne assiste les États membres (traduction des actes liés à la procédure, etc.) afin qu’ils puissent respecter le délai imposé. |
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4.13. |
Pour le CESE, le moment est venu de s’interroger sur la pertinence d’un régulateur européen de l’électricité. Afin de se préparer correctement à la création d’une fonction aussi importante, il est temps de lancer une activité de planification conceptuelle du système qui permettra de prévoir l’augmentation de la demande énergétique par domaine et par type, ainsi que les transformations de type d’énergie. |
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4.14. |
Le CESE valide également l’initiative de l’article 9, paragraphe 7 bis, visant à introduire un aménagement de l’espace conjoint, par bassin maritime, entre États membres afin de faciliter le développement de capacités offshore. Une telle approche permettra de maximiser le potentiel de chaque bassin maritime tout en renforçant in fine l’objectif d’interconnexion électrique entre les États. La mise en place d’un guichet unique est également bienvenue et doit être l’occasion de s’inspirer des bonnes pratiques mises en place au sein des différents États membres afin de réduire le temps de réalisation d’un projet. La fixation d’une capacité totale de production par bassin aux horizons 2030, 2040 et 2050 devrait également permettre une meilleure prise en compte du potentiel de l’éolien offshore au sein de chaque État membre, et favoriser son essor. De manière très opérationnelle, la multiplication des projets transfrontaliers d’énergies renouvelables, notamment l’éolien maritime, conduit le CESE à inviter la Commission européenne à rouvrir les discussions relatives à un gestionnaire de réseau de transport européen, acteur le plus pertinent pour assurer la gestion en temps réel des flux électriques. Ce dernier étant in fine le plus légitime pour assurer une coordination des mécanismes de marché en lien avec l’offre et la demande tout en assurant la sécurité du système, qui sera de plus en plus sollicité avec la plus forte pénétration des renouvelables. |
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4.15. |
Le CESE a souligné à plusieurs reprises qu’il est nécessaire de créer de nouvelles structures de marché afin de permettre d’équilibrer la production d’énergie et la consommation à un niveau micro. Ces structures faciliteraient l’intégration de petits dispositifs de stockage au sein du système énergétique. Ainsi, l’essor de l’électromobilité devrait permettre de bénéficier du rôle des batteries afin de permettre un chargement intelligent et de disposer de capacité de stockage à l’échelle locale. Cependant, la proposition de révision n’aborde pas ce point. |
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4.16. |
Le paquet «Énergie propre» accorde une attention toute particulière à l’autoconsommation et aux communautés énergétiques. Ces mécanismes constituent de puissants vecteurs de participation des citoyens qui permettent d’en faire des acteurs avisés à part entière de la transition énergétique en augmentant leur sentiment d’appartenance et en renforçant les structures décentralisées qui sont bénéfiques tant d’un point de vue économique que social. Comme souligné par la Commission européenne dans le cadre de l’évaluation des plans nationaux énergie-climat, les États membres ne prennent pas assez en considération le potentiel de la citoyenneté énergétique, ce qui contrevient à l’une des raisons d’être du quatrième paquet «Énergie». Il est urgent de clarifier les règles applicables, notamment pour des concepts comme le partage d’énergie, la facturation nette ou encore la vente d’énergie en P2P, afin de remplir les objectifs du paquet «Énergie propre» et de l’union de l’énergie. Le CESE juge décevant que la proposition de révision n’essaye pas d’améliorer le cadre réglementaire relatif à ces aspects. Cela sera d’autant plus important que la proposition de révision des lignes directrices concernant les aides d’État en faveur du climat, de l’énergie et de l’environnement prévoit un seuil bien inférieur pour les exceptions à l’obligation d’allouer des aides et de déterminer le niveau d’aide au moyen d’une procédure de mise en concurrence. |
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4.17. |
Le CESE soutient en principe la proposition de la Commission invitant les États membres à prendre en considération le «maintien des puits et écosystèmes forestiers nationaux de carbone» et les principes de «l’utilisation en cascade de la biomasse» et de l’économie circulaire. Cela signifie accorder la priorité à l’utilisation du bois résiduel, comme les petites branches, les souches d’arbres et autres sous-produits, ainsi que les produits en bois recyclé pour la bioénergie. Il est donc logique de réévaluer le soutien accordé aux centrales bioénergétiques dans ce domaine, en gardant à l’esprit que les résidus des scieries et de l’industrie de la pâte à papier sont des sources d’énergie. Par ailleurs, comme mis en avant dans la proposition, il est raisonnable de rediriger les biocarburants d’origine biologique vers les secteurs des transports qui sont difficiles à électrifier tels que le maritime, les trajets longue distance ou encore l’aérien. Les problèmes de disponibilité et de coût devraient également être pris en compte à cet égard. La mise en œuvre de cette idée requiert de s’assurer qu’une distinction soit bien établie dans l’article 25 entre les biocarburants d’origine biologique et l’électricité produite à partir de sources renouvelables en mesurant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La priorité est donc donnée, dans le secteur des transports, à l’électricité renouvelable et aux biocarburants produits à partir de résidus. Il en résulte une pression accrue en faveur de la décarbonation du secteur des transports par l’électrification directe. |
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4.18. |
Les calculs détaillés des réductions des émissions de gaz à effet de serre ainsi que les critères de durabilité présentés dans les annexes au projet de directive sont en partie de nature très technique. Pour le CESE, ils constituent clairement un pas dans la bonne direction, même le Comité n’a pas pu les évaluer pleinement dans chaque cas particulier. En ce qui concerne, par exemple, les biocarburants, ils conduiront à une situation dans laquelle certaines substances potentiellement utilisables ou actuellement utilisées ne pourront plus l’être, ce qui pourra poser problème à certains secteurs de l’industrie. |
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4.19. |
Le Comité tient également à souligner qu’il sera difficile de prouver dans certains cas si tous les critères sont effectivement respectés. S’agissant par exemple du critère selon lequel «des preuves solides et vérifiables sont apportées indiquant que la teneur en carbone du sol a augmenté ou qu’il peut être raisonnablement attendu qu’elle ait augmenté pendant la période au cours de laquelle les matières premières concernées ont été cultivées, tout en tenant compte des émissions lorsque lesdites pratiques entraînent une augmentation du recours aux engrais et aux herbicides» (voir les annexes 1 et 2 du document COM(2021) 557 final), si une telle exigence se justifie, il sera difficile de démontrer qu’elle est respectée dans la pratique. |
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4.20. |
Le CESE salue la volonté exprimée au considérant 10 d’améliorer le délai de traitement des procédures administratives qui constituent un frein pour le déploiement des énergies renouvelables. Cependant, le CESE s’interroge sur la manière dont la Commission européenne compte agir concrètement et aller au-delà de simples encouragements afin de s’assurer de la réduction effective et efficace des délais procéduraux. |
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4.21. |
Le CESE abonde dans le sens du considérant 12 faisant état de la nécessité de disposer d’un nombre suffisant de travailleurs qualifiés pour les métiers de demain. Il appelle l’Union européenne à opérer un chiffrage de la main d’œuvre nécessaire au déploiement du pacte vert pour l’Europe et à investir en priorité dans la formation destinée à la reconversion des salariés dont les emplois seront amenés à disparaître du fait de la transition verte. Cela constituera également un bon moyen d’attirer les jeunes vers le secteur vert, grâce aux nouveaux emplois créés et aux débouchés commerciaux. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) JO L 328 du 21.12.2018, p. 1.
(2) Agence internationale de l’énergie, Net Zero by 2050 — A Roadmap for the Global Energy Sector (windows.net), p. 3.
(3) https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/revision-de-la-directive-relative-aux-energies-renouvelables (JO C 246 du 28.7.2017, p. 55).
(4) COM(2020) 299 final.
(5) Ember, European Electricity Review: H1-2021, (ember-climate.org).
(6) Commission européenne, Annexes du rapport 2020 sur l’état de l’union de l’énergie en vertu du règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat.
(7) JO C 246 du 28.7.2017, p. 55.
(8) Eurostat, Renewable energy statistics — Statistics Explained (europa.eu).
(9) 6_FR_ACT_part1_v3.pdf (europa.eu).
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/134 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’efficacité énergétique (refonte)
[COM(2021) 558 final — 2021/0203 (COD)]
(2022/C 152/22)
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Rapporteure: |
Alena MASTANTUONO |
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Consultation |
Parlement européen, 13.9.2021 Conseil de l’Union européenne, 20.9.2021 |
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Base juridique |
Article 194, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
118/1/3 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE se félicite de la proposition de refonte de la directive relative à l’efficacité énergétique, laquelle porte sur un domaine d’action essentiel pour parvenir à la décarbonation complète de l’économie et de la société européennes. |
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1.2. |
Le CESE se réjouit du caractère contraignant du nouvel objectif de l’Union européenne. Il reconnaît que les objectifs d’efficacité toujours plus élevés fixés au niveau de l’Union sont ambitieux et difficiles à atteindre, notamment celui qui exige des États membres de réduire leur consommation d’énergie de 9 % d’ici à 2030 par rapport aux projections du scénario de référence pour 2020. Selon l’évaluation des progrès accomplis réalisée en 2020 (1), seuls douze États membres sont à peu près parvenus à atteindre leurs objectifs indicatifs nationaux pour 2020. |
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1.3. |
La pandémie de COVID-19 a sapé les efforts collectifs au sein de l’Union et aura certainement d’autres conséquences sur la concrétisation d’objectifs plus ambitieux. La réalisation des contributions nationales indicatives nécessitera des efforts accrus de la part de tous les États membres, et il y a lieu de tenir compte des circonstances différentes dans chaque État membre. |
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1.4. |
Le CESE réitère ici la position qu’il a affirmée dans son avis sur la loi européenne sur le climat (2), selon laquelle l’objectif devrait être de parvenir à la plus grande réduction possible des émissions de gaz à effet de serre au coût socio-économique le plus bas possible. Il recommande de combiner, le cas échéant, des instruments compatibles avec un marché bien réglementé et des mesures réglementaires, notamment des instruments financiers étayés par le cadre financier pluriannuel et le programme Next Generation EU, pour contribuer à un environnement énergétique plus efficace. |
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1.5. |
Le CESE se félicite du rôle moteur attribué au secteur public, y compris aux collectivités locales et régionales, dans la proposition de refonte de la directive relative à l’efficacité énergétique, et souligne que ce rôle nécessitera une assistance financière et technique suffisante ainsi qu’un personnel formé. Le Comité acquiesce aux mesures liées à la rénovation et à la réduction de la consommation d’énergie que le secteur public devra adopter et les considère comme un appui au secteur de la construction, en particulier aux PME, et comme une incitation au développement et à la mise en œuvre de nouvelles technologies ainsi qu’à la création d’emplois dans le cadre de la stratégie pour une vague de rénovations. |
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1.6. |
Le CESE approuve également l’accent plus marqué placé sur la nécessité d’informer les consommateurs et de renforcer leur autonomie, notamment dans le domaine des exigences contractuelles ou de l’utilisation d’un langage clair et compréhensible. Il souligne le rôle important de la société civile dans les campagnes d’information sur les avantages de l’efficacité énergétique. |
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1.7. |
La hausse des prix de l’énergie a révélé la rapidité et la gravité des conséquences que cette question peut avoir sur les ménages et les entreprises. La nécessité de prendre des mesures visant à atténuer ces coûts s’est manifestée plus tôt que prévu. À cet égard, le CESE est favorable aux mesures d’incitation et aux outils de mise en œuvre proposés dans la directive relative à l’efficacité énergétique afin d’aider les clients et les ménages vulnérables; il fait également observer que des objectifs ambitieux en matière de chauffage et de refroidissement urbains pourraient aggraver les conditions de logement social. Le Comité se félicite donc de la proposition de créer un Fonds social pour le climat et demande le respect du principe de «transition juste» afin de tenir compte des différentes situations des États membres. |
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1.8. |
Le CESE comprend la finalité et les avantages du principe de «primauté de l’efficacité énergétique». Toutefois, il ne s’agit pas toujours d’une solution rentable. Dans certains cas, plutôt que d’économiser l’énergie, il peut s’avérer plus efficace de la produire à partir de sources sûres et durables à faible teneur en carbone. |
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1.9. |
Le CESE invite les institutions européennes à assurer des synergies entre les différentes initiatives dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55». En cas de modifications substantielles du paquet, le CESE demande aux institutions de l’Union d’élaborer une analyse d’impact. |
2. Contexte et informations factuelles
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2.1. |
L’efficacité énergétique est un domaine d’action essentiel pour parvenir à la décarbonation complète de l’économie de l’Union. La proposition de refonte de la directive relative à l’efficacité énergétique est un élément important du paquet «Ajustement à l’objectif 55», qui met en œuvre les principes du pacte vert pour l’Europe et définit les moyens à mettre en place pour atteindre les nouveaux objectifs de l’Union en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. |
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2.2. |
La proposition s’inscrit dans cette politique plus large et, pour parvenir au niveau souhaité de développement durable au sein de l’Union, elle doit être pleinement cohérente avec d’autres initiatives du paquet «Ajustement à l’objectif 55» (citons à titre d’exemple les modifications apportées au système SEQE de l’UE, l’ajustement du mécanisme financier visant à soutenir la mise en œuvre du paquet, le règlement sur la répartition de l’effort, la directive sur les énergies renouvelables, des normes d’émissions plus strictes pour les véhicules à moteur ou encore la directive révisée sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs). |
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2.3. |
Le but principal de la proposition est de réduire les émissions et la consommation globale d’énergie. Ses objectifs fondamentaux sont les suivants: saisir les possibilités d’économie d’énergie non encore exploitées dans l’ensemble de l’économie; refléter les objectifs plus ambitieux en matière d’efficacité énergétique définis dans le plan cible en matière de climat; et établir des mesures pour les États membres qui soient compatibles avec l’objectif plus ambitieux en matière de climat à l’horizon 2030 qui vise une réduction de 55 % des émissions. Pour atteindre ces objectifs, il convient de tenir dûment compte des facteurs sociétaux et de durabilité, en contribuant à une consommation d’énergie abordable et inclusive, comme convenu dans l’engagement social conjoint de Porto, et tout en respectant pleinement le principe de «transition juste». |
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2.4. |
Il est question de s’appuyer sur le principe directeur de «primauté de l’efficacité énergétique», qui devrait être appliqué dans tous les secteurs, au-delà du système énergétique et notamment dans le secteur financier. |
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2.5. |
La refonte de la directive propose de fixer un objectif annuel contraignant plus ambitieux en ce qui concerne la réduction de la consommation d’énergie au niveau de l’Union européenne. Elle vise également à guider la fixation des contributions nationales, qui doubleront presque les obligations annuelles des États membres en matière d’économies d’énergie. |
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2.6. |
Le secteur public, qui peut agir comme un catalyseur et un exemple à suivre pour les autres secteurs, devra rénover 3 % de son parc immobilier chaque année pour accélérer la vague de rénovations et intégrer la question de l’efficacité énergétique dans les marchés publics de biens, de services, de travaux et de bâtiments. Ces deux initiatives sont susceptibles de créer de nouveaux emplois durables et de réduire les dépenses publiques consacrées à la consommation et aux coûts de l’énergie. |
3. Observations générales
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3.1. |
Le CESE se félicite de la proposition de refonte de la directive relative à l’efficacité énergétique, laquelle porte sur un domaine d’action essentiel pour parvenir à la décarbonation complète de l’économie et de la société européennes. Dans l’ensemble, la réalisation des objectifs de l’accord de Paris nécessite une refonte de toutes les politiques en matière de climat et d’énergie. Le renforcement du cadre d’action en matière d’efficacité énergétique au moyen d’un ensemble spécifique de mesures permettra de mobiliser les investissements nécessaires à la transition. Par conséquent, le CESE estime que la révision de la directive, qui inclut l’objectif global d’efficacité énergétique pour l’UE, devrait envoyer un signal adéquat pour cette réforme. |
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3.2. |
Le CESE se réjouit des objectifs atteints par la directive relative à l’efficacité énergétique, bien qu’il soit par ailleurs conscient des lacunes dans les efforts collectifs déployés par l’Union européenne pour réduire la consommation d’énergie. |
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3.3. |
La pandémie de COVID-19 a sapé les efforts collectifs au sein de l’Union et aura certainement d’autres conséquences sur la concrétisation d’objectifs plus ambitieux. La réalisation des contributions nationales indicatives nécessitera des efforts accrus de la part de l’ensemble des États membres. Le CESE recommande de combiner, le cas échéant, des instruments compatibles avec un marché bien réglementé, tels que des taxes, des droits d’accise et des droits limités mais négociables comme le SEQE, et des mesures réglementaires. |
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3.4. |
Le CESE réitère l’observation formulée dans son avis sur la loi européenne sur le climat (3), selon laquelle l’objectif devrait être de parvenir à la plus grande réduction possible des émissions de gaz à effet de serre au coût socio-économique le plus bas possible. Il convient de trouver un juste équilibre de manière à atteindre les objectifs de l’Union moyennant un coût total minimal. Le rapport coût-efficacité des mesures d’économie d’énergie diminue généralement à mesure que le volume d’énergie économisé augmente: les mesures initiales sont faciles à mettre en pratique, mais les mesures suivantes sont plus coûteuses et produisent des résultats moindres. La proposition devrait permettre de parvenir à cet équilibre et veiller à ce que les coûts excessifs ne soient pas répercutés sur les consommateurs d’énergie. |
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3.5. |
Le CESE soutient les mesures d’incitation et les outils de mise en œuvre proposés par la directive relative à l’efficacité énergétique afin d’atténuer les incidences sociales de la proposition et d’aider les clients et les ménages particulièrement touchés par la pandémie de COVID-19. Le Comité est donc particulièrement favorable à la proposition de créer un Fonds social pour le climat, lequel devrait prévoir des ressources financières supplémentaires en vue d’éviter une augmentation de la précarité énergétique, et demande le respect du principe de «transition juste» afin de tenir compte des différentes situations des États membres. |
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3.6. |
Le CESE invite les institutions européennes à assurer des synergies entre les différentes initiatives dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55». En cas de modifications substantielles du paquet, le CESE demande aux institutions de l’Union d’élaborer une analyse d’impact. |
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3.7. |
Le CESE se félicite du rôle moteur dévolu au secteur public dans la directive à l’examen, lequel devrait œuvrer à réduire la consommation d’énergie dans les services et les bâtiments. Le CESE comprend le défi que représente la réalisation de progrès dans tous les secteurs concernés, principalement les transports, les bâtiments publics, l’aménagement du territoire et la gestion de l’eau et des déchets. Le CESE constate avec satisfaction que l’article 6 de la directive élargit le champ d’application de l’obligation de rénovation à tous les organismes publics à tous les niveaux d’administration et à tous les aspects de leurs activités. Le CESE souligne que ces rénovations nécessiteront une assistance financière et technique suffisante ainsi qu’un personnel formé à cette fin. C’est la raison pour laquelle le CESE recommande, conformément à son avis intitulé «Repenser le cadre budgétaire de l’Union européenne» (4), d’appliquer la «règle d’or» aux investissements publics, afin de préserver la productivité et le socle social et écologique qui sont nécessaires pour le bien-être des générations futures. Le CESE encourage les collectivités locales et régionales à collaborer avec le gouvernement national ainsi qu’avec toutes les parties du secteur de la construction afin de créer des synergies et d’éliminer les obstacles inutiles à la réalisation des objectifs de rénovation. |
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3.8. |
Le CESE acquiesce aux mesures que le secteur public devra adopter en vue de soutenir le secteur de la construction, en particulier les PME, et de développer et mettre en œuvre de nouvelles technologies dans le cadre de la stratégie pour une vague de rénovations. Des critères tels que le rapport coût-efficacité et la faisabilité économique, ainsi que des critères liés à la qualité et aux aspects sociaux devraient être appliqués pour l’attribution de marchés publics et continuer à jouer un rôle dans d’autres domaines afin de garantir des conditions de concurrence équitables. |
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3.9. |
Le CESE se réjouit du caractère contraignant du nouvel objectif de l’UE et recommande dès lors que les objectifs indicatifs nationaux tiennent compte des situations de départ différentes, des contextes nationaux spécifiques et du potentiel de réduction des émissions des États membres, notamment ceux des États membres insulaires et des îles, ainsi que des efforts accomplis, conformément aux conclusions du Conseil de décembre 2020 (5). |
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3.10. |
Le CESE met en évidence le lien étroit qui existe entre la volonté d’atteindre l’efficacité énergétique et la mission et les objectifs de l’instrument Next Generation EU, en particulier la facilité pour la reprise et la résilience. Le CESE demande qu’une part substantielle des 37 % de l’enveloppe prévue par cette facilité alloués aux projets verts soit réservée à des projets en lien avec l’efficacité énergétique, en fonction de la demande et des besoins réels dans chaque État membre. |
4. Observations particulières
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4.1. |
Le CESE comprend la finalité et les avantages du principe de «primauté de l’efficacité énergétique». Toutefois, cette dernière n’étant pas toujours une solution rentable, ce principe ne devrait pas être considéré comme un dogme. Dans certains cas, plutôt que d’économiser l’énergie, il peut s’avérer plus efficace de la produire à partir de sources sûres et durables à faible teneur en carbone. |
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4.2. |
Le CESE recommande de tenir compte des différences entre les États membres pour adapter le pourcentage visé à l’article 8 de la directive sur l’efficacité énergétique; il convient donc de ne pas appliquer un seul et unique pourcentage à l’ensemble des États membres, mais d’ajuster ce pourcentage en fonction des circonstances de chaque État membre. Si la formule de calcul de la contribution des États membres aux objectifs d’efficacité énergétique doit être basée en partie sur l’intensité énergétique du PIB, elle devrait alors être ajustée pour refléter la part de l’industrie dans le PIB, de manière à éviter de léser davantage de pays industrialisés. |
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4.3. |
Le CESE se félicite de l’obligation pour les États membres de rendre compte des instruments d’efficacité énergétique qu’ils emploient, y compris de leurs performances. Dans le même temps, le CESE, aux côtés des organisations de la société civile actives dans les États membres, y compris des partenaires sociaux, est prêt à jouer un rôle de soutien dans la mise en place de mécanismes d’aide aux niveaux national, régional et local. Le CESE souligne qu’il importe d’informer correctement toutes les parties prenantes (producteurs, fournisseurs, gestionnaires d’installations, utilisateurs et consommateurs) quant aux exigences supplémentaires afin d’accroître le recours aux solutions efficaces sur le plan énergétique et aux contrats de performance énergétique. Il attend de la Commission européenne qu’elle joue un rôle actif et directif à cet égard et réaffirme l’importance de la société civile, qui souhaite vivement contribuer aux campagnes de sensibilisation et d’information et promouvoir les programmes de formation. |
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4.4. |
Le CESE se félicite que la Commission n’ait pas prévu d’obligations en matière d’audit, car cela imposerait des conditions aux plans d’investissement des entreprises. Les entreprises sont toujours disposées à améliorer leur efficacité énergétique, et les systèmes de gestion de l’énergie se sont avérés être une alternative rentable aux audits. |
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4.5. |
Le CESE approuve également l’accent plus marqué placé sur la nécessité d’informer les consommateurs et de renforcer leur autonomie dans le domaine des exigences contractuelles et de l’utilisation d’un langage clair et compréhensible. Il insiste sur le rôle important des régulateurs dans ce domaine, en particulier sur les marchés qui comptent un nombre limité d’opérateurs économiques. |
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4.6. |
Le CESE estime qu’il est fondamental que tous les professionnels contribuant à la nouvelle approche de la politique en matière d’efficacité énergétique soient formés de manière adéquate afin de disposer des compétences et qualifications requises, même s’il reconnaît le manque de travailleurs qualifiés dans ce secteur. |
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4.7. |
Comme il l’a déjà fait dans son avis consacré à la vague de rénovations pour l’Europe, le Comité souligne que l’isolation des murs creux et des sols représente la mesure d’économie de CO2 la plus efficace, la plus simple et la moins coûteuse. Mais même ces mesures relativement bon marché, bien qu’elles entraînent une baisse des coûts de l’énergie, restent trop chères pour de nombreux propriétaires de logements. C’est pourquoi le CESE préconise que les gouvernements nationaux mettent en place un régime pour subventionner ces mesures, qui sont également susceptibles de contribuer à la création d’emplois. Il ressort d’une étude menée par Renovate Europe qu’en moyenne, dans l’Union européenne, pour chaque million d’euros investi dans la rénovation énergétique des bâtiments, 18 emplois sont créés (6). |
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4.8. |
Si le CESE estime qu’un plafond de consommation d’énergie constitue un indicateur très utile quant à des aspects tels que la consommation des ménages, il se demande si un tel indicateur est approprié, à lui seul, pour le secteur industriel. Les technologies innovantes de décarbonation sont souvent plus énergivores que les solutions conventionnelles (mais plus polluantes). Ainsi, le plafonnement de la consommation énergétique dans l’industrie pourrait à la fois empêcher ce secteur de réaliser la décarbonation de ses processus et entraver la production industrielle. |
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4.9. |
Le CESE souligne que des objectifs ambitieux en matière de chauffage et de refroidissement urbains peuvent contribuer à accroître la précarité énergétique, étant donné que de nombreux ménages à faibles revenus vivent dans des logements sociaux, bien souvent gérés de manière centralisée. Les modifications apportées à la directive relative à l’efficacité énergétique ne sauraient être rétroactives; aussi le remaniement de la définition d’un réseau de chauffage et de refroidissement efficace (article 24) ne devrait-il pas s’appliquer aux systèmes déjà en service, mais uniquement aux systèmes neufs ou rénovés. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) COM(2020) 564 final.
(2) JO C 364 du 28.10.2020, p. 143.
(3) JO C 364 du 28.10.2020, p. 143.
(4) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Repenser le cadre budgétaire de l’Union européenne pour une reprise durable et une transition juste», adopté le 20.10.2021 (JO C 105 du 4.3.2022, p. 11).
(5) https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-22-2020-INIT/fr/pdf.
(6) https://www.renovate-europe.eu/wp-content/uploads/2020/06/BPIE-Research-Layout_FINALPDF_08.06.pdf [en anglais].
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/138 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil
[COM(2021) 559 final — 2021/0223(COD)]
et sur la
communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Plan de déploiement stratégique visant à définir un ensemble d’actions supplémentaires pour soutenir le déploiement rapide d’une infrastructure pour carburants alternatifs»
[COM(2021) 560 final]
(2022/C 152/23)
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Rapporteur: |
John COMER |
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Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 30.7.2021 Parlement européen, 13.9.2021 Commission européenne, 13.9.2021 |
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Base juridique |
Articles 90 et 91, articles 170 et 171 et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
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Adoption en section |
9.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
137/4/9 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs. |
|
1.2. |
Les véhicules électriques à batterie semblent se profiler comme l’option privilégiée par la plupart des constructeurs pour le transport automobile. La pénurie (probable à court terme) de lithium et la hausse de son prix entravent le déploiement rapide des véhicules électriques à batterie, tout comme la recherche et le développement de systèmes de stockage plus efficaces, qui n’ont été lancés que très tardivement. Toutefois, la possibilité de recherches plus poussées et de nouveaux progrès technologiques pourrait aider à atténuer ces problèmes actuels. |
|
1.3. |
Il existe des réserves abondantes de lithium dans le monde. Le Chili possède les plus grandes réserves connues de lithium, devant l’Australie et la Chine. Il est nécessaire d’investir dans de nouvelles mines afin d’apaiser les tensions actuelles en matière d’approvisionnement. L’exploitation minière est source de problèmes environnementaux, notamment en raison de besoins élevés en eau et d’une éventuelle pollution par des substances chimiques toxiques, et, très souvent, elle va de pair avec de graves difficultés d’ordre social. Le CESE se montre vivement préoccupé par ces aspects du commerce international. Les accords commerciaux internationaux et les chaînes de valeur doivent satisfaire aux exigences du développement environnemental et durable, et imposer aux entreprises des obligations de diligence contraignantes (1). Au sein de l’Union européenne, la possibilité existe d’extraire du lithium au Portugal, à supposer que les problèmes environnementaux puissent être résolus. |
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1.4. |
Le déploiement à grande échelle d’une infrastructure pour carburants de substitution dans l’ensemble de l’Union européenne est primordial, et, pour mettre en place une telle infrastructure, il convient d’inspirer de la confiance aux investisseurs. Les pouvoirs publics doivent veiller à la disponibilité des carburants de substitution et des stations de recharge là où le besoin existe, en particulier dans les zones où la fourniture de telles installations ne s’avère pas encore viable sur le plan économique. |
|
1.5. |
Le CESE fait valoir le rôle important que jouent les sources d’énergie renouvelables, y compris les biocarburants, en tant que solution immédiatement disponible et à un prix raisonnable, en particulier pour les véhicules utilitaires lourds et le transport routier de marchandises à longue distance. Il convient d’accorder une attention particulière à l’empreinte de gaz à effet de serre que présentent tous les carburants de substitution et renouvelables. |
|
1.6. |
La modernisation du réseau électrique doit s’imposer comme une priorité immédiate pour pouvoir développer les stations de recharge rapide et faciliter la production d’hydrogène et d’autres carburants de substitution. En outre, il est nécessaire d’installer des compteurs intelligents bidirectionnels permettant un flux d’électricité dans les deux sens. Il convient de revoir les exigences en matière de planification et de réglementation afin d’éviter que la modernisation du réseau ne prenne du retard. |
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1.7. |
La décarbonation des transports est liée de manière cruciale à l’augmentation rapide de la production d’électricité verte; l’électromobilité n’est une option judicieuse du point de vue de la politique climatique qu’en cas de recours à l’électricité verte, raison pour laquelle il est essentiel d’investir davantage en faveur de cette dernière. La Commission doit s’engager plus énergiquement dans l’élaboration et la prise en considération des modèles de prosommateurs. |
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1.8. |
Il y a lieu d’encourager les pouvoirs publics à investir massivement dans des travaux de recherche et de développement scientifiques et technologiques visant à améliorer les batteries, notamment s’agissant de leur taille, de leur capacité et de leur durée de service. Si la recherche permet de réduire la teneur en lithium requise dans les batteries des véhicules, nous pourrions alors limiter notre dépendance à l’égard de ressources mondiales réduites provenant de l’extérieur de l’Union. Grâce à cette possibilité, l’UE pourrait renforcer ses capacités pour ce qui est de l’adoption rapide des énergies renouvelables dans le secteur des transports, ouvrant ainsi la voie à une mobilité durable. Par ailleurs, il est urgent de faire avancer la recherche et le développement ainsi que les progrès technologiques afin de pouvoir évaluer et promouvoir l’ensemble des carburants de substitution possibles et de prendre en considération tous les modes de transport. Il serait imprudent de devenir tributaire d’un seul système. Il y aurait lieu, en particulier, d’explorer le potentiel que recèle l’hydrogène vert. |
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1.9. |
La grande majorité des consommateurs ne se laisseront convaincre par l’achat d’un véhicule électrique à batterie que s’ils ont la certitude que les infrastructures de recharge en place sont suffisantes. Même ceux qui effectuent rarement des longs trajets doivent avoir l’assurance de pouvoir parcourir, en cas de besoin, une longue distance dans un véhicule électrique à batterie. C’est pourquoi ce règlement revêt tant d’importance et doit être pleinement mis en œuvre dans toute l’Union. |
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1.10. |
Le CESE souligne qu’il est crucial que les infrastructures soient, à tous égards, parfaitement interopérables dans l’ensemble de l’UE. Une situation dans laquelle les conducteurs doivent transporter dans leur voiture différents adaptateurs afin d’utiliser les infrastructures pour carburants de substitution dans différents États membres est inconcevable. |
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1.11. |
Le code QR (code à réponse rapide) n’est pas un système de paiement largement utilisé dans l’Union pour les paiements ad hoc, quoiqu’en dise la Commission à l’article 5, paragraphe 2. Le CESE prévoit que le recours à cette option posera des problèmes d’accessibilité à de nombreux groupes d’utilisateurs. Il s’oppose à ce que l’utilisation du code QR soit la seule méthode de paiement ad hoc. Des lecteurs de cartes de paiement doivent être disponibles pour permettre tous les paiements ad hoc. |
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1.12. |
La directive sur les énergies renouvelables présente des calculs pour déterminer les émissions de GES provenant de différents carburants de substitution. Ceux-ci sont toutefois peu pertinents pour les consommateurs lors d’une décision d’achat, étant donné que les valeurs relatives aux émissions de gaz à effet de serre associées aux véhicules restent peu connues et que les déclarations des constructeurs et des vendeurs ne sont pas suffisamment vérifiées. Il convient de remédier à cette situation. |
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1.13. |
Le CESE regrette la quasi-absence de discussion quant à la contribution que la population, les coopératives, mais aussi les syndicats et les employeurs peuvent apporter à cet effet, alors même que l’union européenne de l’énergie a pour objectif d’accorder une place centrale aux citoyens ordinaires et, partant, aux solutions décentralisées, et qu’il apparaît clairement que les opérations de recharge dans le contexte de l’électromobilité s’effectuent en grande partie à domicile ou sur le lieu de travail. Le Comité estime dès lors qu’une nouvelle stratégie s’impose, qui soit davantage conforme à l’objectif d’une union européenne de l’énergie centrée sur le citoyen, pour encourager une plus grande participation de la population, des coopératives, des syndicats et des employeurs à la coopération en vue d’accélérer la décarbonation des transports. |
2. Contenu essentiel de la proposition de la Commission
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2.1. |
Le bien-être économique et social des citoyens européens dépend d’un système de mobilité efficient et efficace dans l’ensemble de l’Union européenne. |
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2.2. |
Le secteur des transports émet environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Union et a également des effets importants sur la qualité de l’air dans les centres urbains. |
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2.3. |
En décembre 2019, la Commission a adopté sa communication sur le pacte vert pour l’Europe, dans laquelle elle préconise une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici à 2050, parallèlement à des actions en faveur de l’ambition «zéro pollution». Dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55», la Commission a adopté en septembre 2020 sa proposition de loi européenne sur le climat afin de réduire les émissions nettes de GES d’au moins 55 % d’ici à 2030. |
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2.4. |
En décembre 2020, la Commission a adopté sa communication sur la stratégie de mobilité durable et intelligente. Cette stratégie pose les bases d’une transformation du secteur européen des transports en vue de parvenir à un avenir intelligent et durable. |
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2.5. |
La proposition à l’examen vise à établir un nouveau règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogera la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil (2). |
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2.6. |
La directive 2014/94/UE, entrée en vigueur en 2014, constitue un cadre commun de mesures relatives au déploiement d’une infrastructure pour carburants de substitution afin de faciliter la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports. Elle fixe des exigences minimales pour la mise en place de ladite infrastructure, comprenant des stations de recharge pour véhicules électriques et des points de ravitaillement en gaz naturel (GNL et GNC) et en hydrogène, qui doivent être mises en œuvre au moyen de cadres d’action nationaux non contraignants. Cette stratégie vise à permettre la circulation transfrontière de tous les modes de transport sur les réseaux RTE-T. |
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2.7. |
Dans un récent rapport sur l’application de cette directive, la Commission a constaté certains progrès dans la mise en œuvre; néanmoins, elle a conclu qu’il n’existait pas de réseau global et complet d’infrastructures pour carburants de substitution dans l’ensemble de l’UE. |
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2.8. |
La Commission a procédé à une évaluation ex post de cette directive, laquelle a souligné son inadaptation par rapport à la réalisation d’un objectif rehaussé en matière de climat à l’horizon 2030. |
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2.9. |
La proposition de règlement à l’examen fait partie d’un ensemble de politiques interconnectées relevant du paquet «Ajustement à l’objectif 55», lequel définit les actions nécessaires dans tous les secteurs pour atteindre l’objectif climatique à l’horizon 2030. |
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2.10. |
Les objectifs spécifiques de cette proposition de règlement sont les suivants: |
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2.10.1. |
garantir une infrastructure minimale pour les carburants de substitution afin de permettre l’utilisation, pour tous les modes de transport et dans tous les États membres, de véhicules alimentés par ces carburants alternatifs; |
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2.10.2. |
garantir la pleine interopérabilité de cette infrastructure; |
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2.10.3. |
fournir aux utilisateurs des informations complètes et leur garantir toutes les options de paiement possibles. |
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2.11. |
La Commission estime que seul un cadre législatif commun à l’échelle européenne peut permettre d’atteindre les objectifs de décarbonation du secteur des transports, quel que soit le mode et dans tous les États membres, de manière uniforme et cohérente. |
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2.12. |
À la suite d’un vaste rapport d’analyse d’impact, la Commission a retenu l’option stratégique no 2, qui propose des objectifs obligatoires par flotte pour les points de recharge électrique des véhicules utilitaires légers et fixe des objectifs en matière de distance pour tous les véhicules routiers sur le réseau RTE-T, y compris dans les nœuds urbains de l’infrastructure destinée aux véhicules utilitaires lourds. Des dispositions détaillées s’appliquent également aux ports et aux aéroports sur le réseau RTE-T, sans qu’aucun objectif contraignant soit toutefois fixé. Cette option prévoit une plus grande harmonisation des options de paiement, des normes physiques et de communication ainsi que des droits octroyés aux consommateurs. Elle permettrait une plus grande transparence en matière de prix et une information accrue des utilisateurs, et prévoirait également une signalisation des stations de recharge et de ravitaillement. |
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2.13. |
Le recours à un règlement est considéré comme la meilleure solution pour atteindre les objectifs souhaités dans tous les États membres de l’Union. |
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2.14. |
Les États membres seront tenus d’adopter un cadre d’action national révisé pour développer un marché des carburants de substitution dans le secteur des transports et déployer les infrastructures appropriées, conformément aux dispositions renforcées et aux objectifs contraignants. La proposition contient également des dispositions relatives à l’élaboration d’une stratégie pour le déploiement de carburants de substitution dans les modes de transport auxquels ne s’applique aucune exigence obligatoire. |
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2.15. |
Les États membres feront régulièrement rapport à la Commission, laquelle suivra les progrès réalisés dans chacun d’entre eux et en rendra compte. |
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2.16. |
Le règlement dispose que les États membres devront garantir une fourniture minimale d’alimentation électrique à quai pour certains navires de mer dans les ports maritimes et pour les bateaux de navigation intérieure, sauf dérogations spécifiques. |
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2.17. |
Il contient des dispositions minimales concernant l’alimentation électrique de tous les aéronefs en stationnement dans les aéroports du réseau central et global du RTE-T. |
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2.18. |
L’article 3 fixe des objectifs relatifs aux infrastructures de recharge en électricité pour les véhicules utilitaires légers. |
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2.19. |
L’article 4 énonce des objectifs relatifs aux infrastructures de recharge en électricité pour les véhicules utilitaires lourds. |
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2.20. |
Les objectifs concernant les infrastructures de ravitaillement en hydrogène sont définis à l’article 6. |
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2.21. |
Un nombre approprié de stations de ravitaillement en GNL accessibles au public le long du réseau central du RTE-T doit être atteint d’ici janvier 2025 dans les zones où la demande existe. |
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2.22. |
Les objectifs concernant l’alimentation électrique à quai dans les ports maritimes et les ports de navigation intérieure sont énoncés aux articles 9 et 10. |
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2.23. |
Les objectifs en matière d’approvisionnement en GNL dans les ports maritimes sont arrêtés à l’article 11. |
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2.24. |
Les objectifs relatifs à l’alimentation électrique des aéronefs en stationnement sont définis à l’article 12. |
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2.25. |
À l’article 5, paragraphe 2, point a), de la proposition, la Commission suggère que les stations de recharge à faible puissance soient équipées d’un instrument de paiement «largement utilisé dans l’Union», de sorte que les consommateurs puissent payer sur une base ad hoc. Cet instrument de paiement peut être 1) un lecteur de cartes de paiement, 2) un lecteur de cartes sans contact ou 3) un code à réponse rapide (code QR) autorisant l’opération de paiement. |
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2.26. |
Dans sa communication COM(2021) 560 final, la Commission présente un plan de déploiement stratégique d’actions supplémentaires pour soutenir le déploiement rapide d’une infrastructure pour carburants alternatifs. |
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2.27. |
Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe 2021-2027 (MIE II) s’attaquera au changement climatique. À cet effet, un mécanisme pour les carburants alternatifs sera créé au titre du MIE II afin de financer des infrastructures pour carburants de substitution en combinant des subventions du MIE avec un financement alloué par des établissements financiers, dans le but d’accroître les retombées des investissements. |
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2.28. |
Le Fonds européen de développement régional et le Fonds de cohésion peuvent servir à soutenir les investissements dans la recherche, l’innovation et le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs dans les États membres et les régions les moins développés. |
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2.29. |
Ce qui est nécessaire à présent, selon la Commission, c’est une coopération transfrontière et transsectorielle efficace et efficiente entre toutes les parties prenantes des secteurs public et privé pour mettre au point une infrastructure ouverte, transparente et interopérable qui offre des services d’infrastructure sans solution de continuité. |
3. Observations générales
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3.1. |
Le secteur des transports est responsable de 22,3 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, le transport routier représentant 21 % de ces émissions. Les voitures particulières représentent 12,8 % des émissions de GES de l’Union, les camionnettes 2,5 % et les véhicules utilitaires lourds et les bus 5,6 % (source: données de l’Agence européenne pour l’environnement datant de 2017, hors émissions internationales et du secteur maritime). Selon un rapport de la Commission européenne de 2018, la part des émissions issues du secteur européen des transports est passée de 14,8 % en 1990 à 24,6 % en 2018. La décarbonation rapide du secteur des transports est essentielle pour atteindre les objectifs fixés dans le pacte vert pour l’Europe. Le CESE accueille favorablement ce règlement, qui constitue une avancée positive dans la décarbonation des transports. La qualité de tous les services de transport doit impérativement être maintenue tout au long du processus de décarbonation. |
|
3.2. |
Le CESE regrette la quasi-absence de discussion stratégique quant à la contribution que la population, les coopératives, les syndicats et les employeurs peuvent apporter au déploiement d’une infrastructure de recharge, alors même que l’union européenne de l’énergie a pour objectif d’accorder une place centrale aux citoyens ordinaires et, partant, aux solutions décentralisées, et ce d’autant plus qu’il apparaît clairement que les opérations de recharge dans le contexte de l’électromobilité s’effectuent en grande partie à domicile et sur le lieu de travail. Le Comité demande par conséquent à la Commission de lancer une telle discussion stratégique. |
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3.3. |
Le déploiement à grande échelle des véhicules électriques nécessitera, au fil du temps, une augmentation de la production d’électricité et la modernisation du réseau pour permettre une recharge rapide, en particulier pour les camions électriques à batterie. |
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3.4. |
Le règlement évoque la nécessité d’installer des compteurs intelligents bidirectionnels permettant un flux d’électricité dans les deux sens: du réseau vers le véhicule et du véhicule vers le réseau. Il convient de développer considérablement leur utilisation afin de faire face aux pénuries d’approvisionnement lors des pics de demande d’électricité. |
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3.5. |
Un certain nombre de systèmes électriques intelligents doivent être mis en place pour favoriser les situations suivantes: |
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3.5.1. |
les véhicules sont branchés mais ne commencent à se recharger qu’après avoir reçu un signal du réseau; la recharge devrait, dans la mesure du possible, s’effectuer à un prix plus avantageux, dès lors que le tarif aux heures de pointe diminue; |
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3.5.2. |
la technologie dite «de véhicule à réseau» permettrait aux véhicules électriques qui rechargent pendant certaines périodes d’absorber les surplus d’électricité provenant de sources renouvelables, puis, lorsque la demande est à son pic, de réinjecter une partie de cette énergie stockée dans le réseau. Au fur et à mesure que la demande diminue, le véhicule électrique serait rechargé. Ce système se prêterait tout particulièrement aux bus scolaires et aux autres véhicules qui restent à l’arrêt pendant de longues périodes. Il nécessiterait toutefois d’apporter au fournisseur un avantage financier. C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’étudier plus avant les solutions décentralisées faisant appel à la participation des citoyens et de permettre leur mise en pratique. |
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3.6. |
Le CESE se félicite des objectifs qui ont été fixés concernant le déploiement d’une infrastructure pour carburants de substitution. Ils sont à même de donner confiance à ceux qui investissent dans ces carburants ainsi qu’aux acheteurs potentiels de véhicules à émissions nulles ou faibles. Les carburants de substitution, tout comme les sources d’énergie renouvelables, y compris les biocarburants durables, revêtent une importance capitale pour les véhicules utilitaires lourds, en particulier dans le cas du transport routier de marchandises à longue distance. |
|
3.7. |
Les politiques doivent permettre d’éviter les longues files d’attente aux points de recharge, tout comme les points de recharge lente, afin que les consommateurs aient confiance dans le système de recharge. |
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3.8. |
Dans le pacte vert, la Commission a fait observer qu’un million de stations publiques de recharge et de ravitaillement seront nécessaires d’ici à 2025 dans l’Union, et elle a fixé un objectif de 30 millions de véhicules à émission nulle à l’horizon 2030. Il s’agit d’objectifs très ambitieux qui ne pourront être atteints que si les gouvernements des États membres et la Commission font preuve d’une grande détermination, et si le grand public y adhère pleinement. |
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3.9. |
Il sera nécessaire de lever les divers obstacles qui entravent leur réalisation, c’est-à-dire: |
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3.9.1. |
supprimer toute exigence disproportionnée en matière de planification, compte tenu de la taille et de l’importance des infrastructures de recharge et de ravitaillement nécessaires; |
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3.9.2. |
veiller à ce que la législation relative à l’aménagement autorise la production d’hydrogène sur site; |
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3.9.3. |
réduire les délais de raccordement au réseau électrique; |
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3.9.4. |
préparer des plans de modernisation accélérée du réseau électrique. |
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3.10. |
La décarbonation du transport aérien et maritime requiert une plus grande ambition et des efforts plus résolus pour faire avancer la recherche et le développement dans les secteurs concernés, parallèlement à la fourniture des carburants de substitution les plus appropriés. |
4. Observations particulières
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4.1. |
Le lithium est un métal terrestre essentiel et une matière première critique des batteries modernes rechargeables. Selon Reuters, l’agence Benchmark Mineral Intelligence (BMI), spécialisée dans l’analyse du marché, prévoit une pénurie aiguë de lithium à partir de 2022, qui pourrait provoquer un ralentissement de la fabrication des véhicules électriques. Dans son nouveau livre intitulé Lithium, publié chez Hurst, Lukasz Bednarski affirme que le lithium sera aussi important dans les économies industrielles du XXIe siècle que l’était le pétrole au XXe siècle. Il faudra par conséquent envisager et favoriser le recours à d’autres carburants à émissions faibles ou nulles, afin d’offrir aux consommateurs diverses options et de faciliter la réduction, aussi rapidement que possible, des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports. |
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4.2. |
Il sera nécessaire de promouvoir davantage et d’explorer l’utilisation des carburants de synthèse et des véhicules fonctionnant à l’hydrogène, en vue de découvrir leur potentiel s’agissant de diminuer le plus rapidement possible les émissions de GES dues aux transports. |
|
4.3. |
Le moteur à combustion interne sera encore utilisé pendant un certain temps. Dans ce contexte, il convient d’explorer et de promouvoir le potentiel des carburants de synthèse. Ceux-ci peuvent être utilisés dans les moteurs à combustion interne et les véhicules hybrides rechargeables, et être distribués par l’intermédiaire du réseau de stations-service existant. |
|
4.4. |
Le CESE fait valoir le rôle considérable que jouent les sources d’énergie renouvelables, y compris les biocarburants, en tant que solution immédiatement disponible et à un prix raisonnable, en particulier pour les véhicules utilitaires lourds et le transport routier de marchandises à longue distance. Il convient d’accorder une attention particulière à l’empreinte de gaz à effet de serre imputable à la production de biocarburants, au même titre que, par exemple, celle due à l’électricité fournie pour les véhicules électriques et pour la production d’hydrogène. |
|
4.5. |
L’empreinte carbone des biocarburants doit être inférieure à celle des carburants fossiles, s’agissant de leur utilisation dans un véhicule. Le problème réside dans le processus de production des biocarburants, qui peut générer d’importantes émissions de gaz à effet de serre et avoir un effet néfaste sur l’utilisation des sols, en particulier lorsqu’il entraîne une déforestation. Le recours à l’huile de palme, par exemple, n’est pas durable. |
|
4.6. |
Le CESE recommande de promouvoir les biocarburants dont les émissions de gaz à effet de serre sont les plus faibles, que ce soit tant au cours de leur production que lors de leur utilisation dans les transports. |
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4.7. |
Les zones rurales dépendent davantage du transport par voiture que les zones urbaines en raison du manque de transports publics. Les localités rurales sont généralement très dispersées, de sorte qu’il n’est pas possible, dans nombre de zones rurales, de fournir un vaste système de transports publics. En l’absence d’autre moyen de transport viable, leurs habitants pâtiront fortement des taxes carbone élevées sur l’essence et le gazole. Dans un rapport publié en avril 2021, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) indique que, pour les conducteurs qui parcourent de longues distances et vivent en milieu rural, le passage à un véhicule électrique à batterie apporte des avantages tangibles, en particulier si le véhicule qu’ils possèdent est alimenté par de l’électricité produite sur place à partir de sources renouvelables. Les affirmations du BEUC sont valables à condition que le coût élevé de départ puisse être subventionné et que l’exploitation des installations de production et de recharge correspondantes gérées en commun soit effectivement autorisée. |
|
4.8. |
Il est essentiel de promouvoir une infrastructure pour les carburants de substitution destinée aux zones rurales. Au-delà d’encourager le déploiement des véhicules électriques, nous devons également favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le parc existant en promouvant les biocarburants durables, les carburants de synthèse, les véhicules hybrides et les véhicules hybrides rechargeables. En outre, il y a lieu d’accroître le potentiel de l’hydrogène vert. |
|
4.9. |
Dans le domaine du transport par véhicule utilitaire lourd, il convient de consentir des efforts vraiment déterminés afin d’y déployer une infrastructure pour carburants alternatifs. Dans l’Union à 27, environ 98 % des camions fonctionnent au diesel. À ce jour, l’accent a été mis davantage sur le transport par véhicule utilitaire léger que sur le transport par véhicule utilitaire lourd. |
|
4.10. |
Il conviendra de déployer de manière significative les camions électriques à batterie ainsi que les camions hybrides et hybrides rechargeables. Un tel déploiement ne pourra avoir lieu que si chaque État membre offre des possibilités de recharge adéquates. Un financement suffisant sera par ailleurs nécessaire pour permettre un renouvellement significatif de la flotte. |
|
4.11. |
Les camions ont besoin d’être rechargés rapidement et à grande puissance dans les dépôts et les stations de recharge en bordure de route. Il serait très utile de pouvoir réserver à l’avance un emplacement sur une station de recharge. Des chargeurs d’une puissance allant jusqu’à 350 kW ont été testés, mais il faudrait concevoir des chargeurs dont la puissance atteint jusqu’à 1 MW pour réduire les temps de charge. |
|
4.12. |
Le réseau électrique doit être préparé en amont pour répondre à des exigences aussi élevées en matière de puissance permettant la recharge rapide des camions. |
|
4.13. |
L’hydrogène apparaît prometteur pour le transport long-courrier. Le CESE se félicite des objectifs fixés quant au déploiement de stations de ravitaillement en hydrogène. À long terme, il importe de miser sur l’hydrogène vert plutôt que sur l’hydrogène bleu. Dans le cas de l’hydrogène produit à partir du méthane, il convient de prendre en compte la fuite massive de méthane tout au long de la chaîne d’extraction et de transport. |
|
4.14. |
L’hydrogène peut également être utilisé pour alimenter les véhicules équipés d’un moteur à combustion interne, moyennant de légères adaptations. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour progresser sur cette question. |
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4.15. |
Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission visant à standardiser la pression de l’hydrogène en la fixant à 700 bar. La densité volumique d’énergie de l’hydrogène est faible, si bien que son stockage nécessite des réservoirs beaucoup plus grands. |
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4.16. |
L’idéal serait de produire l’hydrogène sur site, lorsque c’est possible. Il convient d’examiner tout obstacle à la planification de tels développements en tenant dûment compte du niveau plus élevé des mesures de santé et de sécurité requises dans le domaine de l’hydrogène. |
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4.17. |
L’hydrogène peut être acheminé par des camions et des gazoducs. En raison de sa faible densité volumique d’énergie, le nombre de trajets en camion nécessaires pour l’acheminer serait bien plus élevé que pour les livraisons d’essence et de diesel. |
|
4.18. |
Le CESE reconnaît que la directive sur les énergies renouvelables présente des calculs précis permettant de déterminer les émissions de GES associées aux différents carburants de substitution. Ceux-ci sont toutefois peu pertinents pour les consommateurs lors d’une décision d’achat, étant donné que ces valeurs restent peu connues et ne sont pas communiquées par les constructeurs automobiles ou les vendeurs. Il convient de remédier à cette situation. |
|
4.19. |
La mise en place rapide d’une infrastructure pour carburants de substitution nécessitera un financement initial important afin que le système puisse être économiquement viable pour les personnes qui investissent dans les stations de recharge et de ravitaillement. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Voir les avis JO C 220 du 9.6.2021, p. 118 et JO C 123 du 9.4.2021, p. 59.
(2) Directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs (JO L 307 du 28.10.2014, p. 1).
|
6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/145 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE
[COM(2021) 562 final — 2021/0210 (COD)]
(2022/C 152/24)
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Rapporteur: |
Constantine CATSAMBIS |
|
Consultation |
Parlement européen, 13.9.2021 Conseil de l’Union européenne, 20.9.2021 |
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Base juridique |
Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
|
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
|
Adoption en section |
9.11.2021 |
|
Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
|
Résultat du vote |
|
|
(pour/contre/abstentions) |
225/2/12 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement relatif à l’adoption de carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE (la «proposition de règlement FuelEU Maritime») (1). La proposition à l’examen vise à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de neutralité climatique d’ici à 2050 en établissant une norme européenne en matière de carburants assortie d’exigences croissantes en matière d’intensité de gaz à effet de serre (GES) et en accélérant la demande de carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone dans le secteur du transport maritime. |
|
1.2. |
Le CESE estime que la proposition de règlement de la Commission européenne devrait être harmonisée avec le règlement de l’Organisation maritime internationale, en raison de la nature internationale du transport maritime, y compris en ce qui concerne la sûreté des combustibles utilisés par les navires. À l’heure actuelle, le transport maritime international est entièrement dépendant des combustibles fossiles. La décarbonation totale nécessite que des carburants marins de substitution, à faibles émissions de carbone ou à émissions nulles, ou encore des technologies de propulsion révolutionnaires, soient largement disponibles. Une coopération étroite avec toutes les parties prenantes du pôle maritime et de la chaîne d’approvisionnement est nécessaire pour atteindre cet objectif à terme. |
|
1.3. |
Les objectifs de neutralité carbone du pacte vert et l’ambitieux paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55» sont souhaitables dans le contexte des efforts visant à «écologiser» et, à terme, à décarboner le secteur maritime au même titre que d’autres secteurs, tout en respectant la dimension sociale de cette transition dans l’intérêt du public. En d’autres termes, cette transformation énergétique et ce processus de transition vers la décarbonation du transport maritime ne peuvent être menés à bien que s’il existe une acceptation sociale, et si le mode opératoire du transport maritime et des autres secteurs est préservé. |
|
1.4. |
Le CESE constate que l’impact de la proposition de règlement FuelEU Maritime sur le transport maritime est disproportionné par rapport à d’autres secteurs: les mesures à court terme à l’horizon 2030 sont décrites de manière adéquate, mais les changements à long terme censés être l’élément clef de la réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2030 et 2050 relèvent encore pour une bonne part de la pure spéculation, car ils supposent l’existence de technologies qui ne sont pas encore disponibles, et qui sont encore loin d’être arrivées à maturité. Par conséquent, un certain degré de flexibilité devrait être intégré dans les parties réglementaires de la présente proposition afin que le secteur puisse s’y adapter. Il est urgent d’apporter un soutien ciblé à la recherche-développement afin d’accélérer le renforcement des connaissances, et par conséquent de réduire les risques. |
|
1.5. |
Le CESE estime que, dans le cadre du paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55», l’initiative FuelEU Maritime doit fournir des synergies, une cohérence et une concordance entre l’offre, la distribution et la demande. Or le projet de règlement FuelEU Maritime prescrit à ce stade certains carburants à faible teneur en carbone, sans en évaluer au préalable ni la disponibilité ni le coût au niveau mondial, et ce alors que tous les carburants de substitution doivent être autorisés. À terme, cela pourrait entraîner des distorsions de concurrence, alors même que ces carburants, que ce soit à l’heure actuelle ou dans un avenir proche, ne sont disponibles qu’en quantité négligeable. La responsabilité du développement et de la mise à disposition de carburants de substitution renouvelables incombe aux fournisseurs de carburants, et il y a lieu d’encourager l’adoption de carburants plus propres. Pour ce faire, il s’impose de combler l’écart de prix entre les combustibles fossiles et les carburants de substitution, et de rendre les carburants propres plus abordables et plus largement disponibles. Des efforts sont nécessaires, impliquant la contribution active de tous les acteurs de la chaîne de valeur maritime, en particulier les fournisseurs de carburants et d’énergie, les constructeurs de moteurs, ou encore les ports, les affréteurs, et les représentants des travailleurs de tous les secteurs concernés. Cela pourrait entraîner une augmentation de la demande de carburants de substitution, comme le prévoit le règlement FuelEU. |
2. Introduction
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2.1. |
Le CESE estime que le transport maritime a une incidence sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, étant donné que près de 90 % des marchandises mondiales sont transportées par voie maritime. Il constitue donc un actif stratégique qui permet à l’Union européenne de préserver son indépendance géopolitique et d’accroître sa résilience économique et industrielle ainsi que sa souveraineté. En 2019, quelque 46 % des exportations extra-UE et 56 % des importations extra-UE de biens ont été acheminées par voie maritime (Eurostat, 2021). |
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2.2. |
La flotte européenne de transport maritime s’élève à 810 millions de tonnes de port en lourd, compte 23 400 navires, ce qui représentait 39,5 % de la flotte mondiale en 2020. Si l’on considère son impact économique total, le secteur maritime contribue à hauteur de 149 milliards d’EUR au PIB de l’Union et représente quelque deux millions d’emplois. Il convient de noter que pour chaque tranche d’un million d’EUR de PIB créée par le secteur du transport maritime, 1,8 million d’EUR supplémentaire est fourni par d’autres secteurs de l’économie européenne. (2) Selon les estimations les plus récentes (3), la part des émissions du transport maritime dans les émissions anthropiques mondiales de GES est passée de 2,76 % en 2012 à 2,89 % en 2018. |
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2.3. |
Le CESE reconnaît que le transport maritime européen est engagé en faveur de la sécurité maritime et de la protection de l’environnement marin, et qu’il contribue aux efforts de décarbonation tant au niveau international qu’européen. Il reconnaît également que le transport maritime européen relève ces défis, et qu’il s’est engagé à prendre l’initiative en matière de transport maritime vert. |
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2.4. |
Le règlement maritime FuelEU introduit des normes en vue d’une réduction progressive de l’intensité moyenne en gaz à effet de serre du combustible utilisé à bord des navires à quai, à l’arrivée ou au départ des ports de l’UE. Le non-respect de ces normes entraînera, pour les compagnies maritimes, des amendes administratives qui seront officiellement utilisées pour soutenir des projets visant à accélérer l’utilisation de carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone dans le secteur maritime, et, en particulier, dans celui des biocarburants. La proposition à l’examen aura également, de manière unilatérale, une application extraterritoriale au transport maritime international, son champ d’application étant identique à celui de la proposition relative au système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE de l’UE) (4). Elle impose également, à compter du 1er janvier 2030, l’utilisation de l’alimentation électrique terrestre pour deux types de navires: les navires de passagers et les porte-conteneurs. |
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2.5. |
Le CESE note que conformément au principe du pollueur-payeur, le projet de règlement FuelEU a reconnu le rôle structurel de l’affréteur du navire, lequel est normalement responsable du choix du carburant, de l’itinéraire, de la cargaison et de la vitesse du navire, ainsi que du coût correspondant du carburant consommé (considérant 6). Il y a lieu de s’en féliciter. Toutefois, la reconnaissance de la responsabilité des affréteurs est une disposition importante pour les délibérations qui auront lieu au cours de la prochaine phase du processus réglementaire, qui impliquera également le Parlement européen et le Conseil de l’UE. |
3. Observations générales
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3.1. |
Les objectifs de neutralité carbone du pacte vert et l’ambitieux paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55» sont souhaitables dans le contexte des efforts visant à écologiser et, à terme, à décarboner le secteur maritime dans d’autres secteurs, tout en respectant la dimension sociale de cette transition dans l’intérêt du grand public. En d’autres termes, cette transformation énergétique et ce processus de transition vers la décarbonation du transport maritime ne peuvent être menés à bien que s’il existe une acceptation et une assistance sociale, et si le mode opératoire du transport maritime et d’autres secteurs est préservé. Cet objectif ne peut être atteint que par des mesures spécifiques telles que la création d’emplois, l’obtention de meilleurs résultats en matière de santé publique et l’adoption de mesures d’atténuation plus efficaces en matière d’action pour le climat et de protection de l’environnement. Ces efforts supposent que soit mobilisée la contribution active de tous les acteurs de la chaîne de valeur maritime, en particulier les fournisseurs de carburants et d’énergie, les constructeurs de moteurs, ou encore les ports, les affréteurs, et les représentants des travailleurs de tous les secteurs concernés. Une communication bien ciblée, claire, cyclique et transparente est essentielle pour gagner la participation et le soutien de la société. |
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3.2. |
Le CESE constate que l’impact de la proposition de règlement FuelEU maritime sur le transport maritime est inégal par rapport à d’autres secteurs: les mesures à court terme à l’horizon 2030 sont décrites de manière adéquate, mais les changements à long terme censés être l’élément clef de la réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2030 et 2050 relèvent encore pour une bonne part de la pure spéculation, car ils supposent l’existence de technologies qui ne sont pas encore disponibles, et encore moins arrivées à maturité. En d’autres termes, la voie vers la neutralité climatique du secteur du transport maritime à l’horizon 2050 demeure incertaine et suppose un large éventail d’options technologiques. En outre, d’importantes questions relatives à l’approvisionnement, à la sécurité, à la distribution et aux coûts de ces solutions de remplacement ne sont pas résolues. Par conséquent, un certain degré de flexibilité devrait être intégré dans les parties réglementaires de la présente proposition afin que le secteur puisse s’y adapter. En outre, la pression de l’urgence découle de la durée trop longue du délai de mise en œuvre ainsi que de la lourdeur du cycle d’investissement initial du secteur au sens large, qui couvre toutes les parties prenantes. |
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3.3. |
D’une part, la trajectoire des émissions vers une décarbonation totale dépend de l’introduction et de l’adoption par le marché de carburants et de technologies à émissions nulles économiquement viables et sûres. D’autre part, parvenir à terme à une décarbonation totale suppose de disposer, partout dans le monde, de nouveaux moyens de propulsion et de nouveaux carburants à faible intensité de carbone ou sans carbone, et de lancer une action conjointe de collaboration avec tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement. |
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3.4. |
Dans le cadre du paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55», l’initiative FuelEU Maritime doit fournir des synergies, une cohérence et une concordance entre l’offre, la distribution et la demande. Cet objectif devrait être atteint en complétant de manière appropriée la directive sur les énergies renouvelables (DER) (5) en visant en particulier l’approvisionnement en énergie produite à partir de sources renouvelables, ainsi que le règlement relatif aux infrastructures de carburants de substitution, en ciblant les infrastructures de distribution dans les ports de l’Union (6). |
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3.5. |
À cette fin, il s’impose également de prévoir des incitations adéquates entre l’offre et la demande. Or le projet de règlement FuelEU prescrit à ce stade certains carburants à faible teneur en carbone, sachant que tous les carburants de substitution doivent être autorisés, sans en évaluer au préalable ni la disponibilité ni le coût au niveau mondial. À terme, cela pourrait entraîner des distorsions de concurrence, alors même que ces carburants, que ce soit à l’heure actuelle ou dans un avenir proche, ne sont disponibles qu’en quantité négligeable. La responsabilité du développement et de la mise à disposition de carburants de substitution renouvelables incombe aux fournisseurs de carburants, et il y a lieu d’encourager l’adoption de carburants plus propres. Pour ce faire, il s’impose de combler l’écart de prix entre les combustibles fossiles et les carburants de substitution, et de rendre les carburants propres plus abordables et plus largement disponibles. Des efforts sont nécessaires, impliquant la contribution active de tous les acteurs de la chaîne de valeur maritime, en particulier les fournisseurs de carburants et d’énergie, les constructeurs de moteurs, ou encore les ports, les affréteurs, et les représentants des travailleurs de tous les secteurs concernés. Cela pourrait entraîner une augmentation de la demande de carburants de substitution, comme le prévoit le règlement FuelEU. |
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3.6. |
En imposant l’adoption de carburants et, en particulier, de biocarburants plus propres, la Commission semble ignorer le fait que ces carburants pourraient en réalité ne jamais être disponibles en quantité suffisante pour le transport maritime international, et ne pas constituer une solution de rechange vraiment viable aux combustibles fossiles. L’imposition d’amendes administratives dans une situation où il n’existe pas de solution de rechange viable est, davantage qu’une mesure de réduction des émissions — une mesure punitive visant à générer des recettes. |
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3.7. |
Les carburants zéro carbone ou à faibles émissions de carbone nécessaires à la décarbonation du transport maritime sont actuellement indisponibles, en particulier pour le transport maritime en eau profonde, et ils le resteront dans un avenir proche. Des investissements considérables sont nécessaires pour produire et rendre disponibles à l’échelle du monde ces carburants qui devront être élaborés par des acteurs extérieurs au secteur, à savoir les compagnies pétrolières et, plus généralement, les fournisseurs d’énergie. En outre, les carburants de substitution tels que l’ammoniac, le méthanol ou l’hydrogène nécessitent une nouvelle génération de moteurs à combustion interne et des progrès dans les technologies de conception et de propulsion des navires, deux aspects qui relèvent de la compétence des constructeurs de moteurs et des chantiers navals, dont la plupart sont situés en Extrême-Orient. |
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3.8. |
Tant que ces carburants de substitution ne seront pas disponibles, les objectifs à long terme de la stratégie initiale approuvée par l’Organisation maritime internationale (OMI) pour la décarbonation et les objectifs ambitieux du «pacte vert» et du paquet «Ajustement à l’objectif 55» ne pourront être atteints. Il convient de disposer à un stade plus précoce de connaissances approfondies fondées sur des données scientifiques afin de réduire les risques au cours du processus décisionnel et de flécher les bons investissements. C’est la raison pour laquelle les acteurs de la branche, ainsi que plusieurs États membres ayant des intérêts maritimes importants, ont proposé à l’OMI de créer un conseil et un fonds de recherche et développement [la proposition de créer un Conseil maritime international de recherche et développement (IMRB) et un Fonds maritime international pour la recherche (IMRF)] qui seraient financés, dans un premier temps, par une contribution obligatoire de chaque navire de plus de 5 000 tonnes brutes par tonne de combustible consommée. Cette initiative a pour objectif d’accélérer le développement des carburants de substitution dont le secteur du transport maritime a besoin, mais qu’il ne peut pas produire. C’est l’urgence de la situation qui est à l’origine de cette initiative ainsi que la volonté du secteur du transport maritime d’y contribuer. Il est vivement souhaitable que cette initiative bénéficie d’un soutien plus important au sein de l’OMI. |
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3.9. |
Les considérations de sécurité devraient également demeurer un paramètre crucial en matière de recherche et de développement de carburants de substitution, un processus très exigeant, à forte intensité de capital et extrêmement chronophage. Il conviendra, pour relever les défis en matière de sécurité posés par ces nouveaux combustibles, d’élaborer de nouvelles réglementations et règles techniques pour leur conception et leur utilisation sûres à bord des navires. |
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3.10. |
Exiger des navires qu’ils se conforment à une norme européenne en matière de combustible sans garantir que des quantités sûres et suffisantes de carbone à zéro ou à faibles émissions seront disponibles dans les ports du monde entier susciterait de vives préoccupations. Le document de travail des services de la Commission publié en décembre 2020 qui accompagne la stratégie pour une mobilité intelligente et durable (7) prévoit que les carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone représenteront de 5,5 % à 13,5 % du bouquet énergétique du transport maritime d’ici à 2030. L’intensité des émissions de gaz à effet de serre est déterminée sur la base de la «production du carburant jusqu’au navire («puits-au-sillage») [article 3 — Définitions, point p)] selon les méthodes et les critères de durabilité définis dans la proposition de directive révisée sur les énergies renouvelables (RED), qui prévoit qu’un coefficient multiplicateur de 1,2 pour les biocarburants avancés et les biogaz produits à partir de matières premières et pour les carburants renouvelables d’origine non biologique est retenu uniquement pour le transport maritime et l’aviation. Par ailleurs, comme mis en avant dans la proposition, il est raisonnable de rediriger les biocarburants d’origine biologique dans le secteur des transports qui sont difficiles à électrifier tels que le maritime, les trajets longue distance ou encore l’aérien (8). |
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3.11. |
Ce système de surveillance, de déclaration et de vérification supplémentaire expose une méthode d’analyse du cycle de vie des carburants qui figure à l’annexe de la proposition de règlement. Si une entreprise entend s’écarter des valeurs par défaut prévues par la directive sur les énergies renouvelables (RED), elle aura le droit de s’écarter de celles qui sont établies pour les facteurs d’émission de gaz «de la cuve au sillage», sous réserve que ces valeurs puissent être certifiées par l’un des régimes volontaires reconnus au titre de la directive RED (pour les valeurs «du puits au réservoir») ou au moyen d’essais en laboratoire ou de mesures directes des émissions («de la cuve au sillage»). La méthode de calcul de l’intensité de carbone et les facteurs d’émission sont des questions cruciales qui devront faire l’objet d’un examen approfondi. |
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3.12. |
Le CESE juge que la proposition de règlement en tant de mesure régionale risque de compromettre les discussions en cours sur la stratégie initiale de l’OMI pour la décarbonation du transport maritime international, qui se déroulent de manière satisfaisante, produisent des résultats concrets et sont les seules à avoir une perspective mondiale. Les gouvernements membres de l’OMI sont également convenus d’entamer des pourparlers sur des mesures à moyen et à long terme, y compris des mesures fondées sur le marché, dès octobre 2021, conformément au plan de travail de l’OMI pour les mesures à moyen et à long terme. L’axe de travail connexe de l’OMI qui reste encore à terminer concerne les lignes directrices relatives aux émissions de gaz à effet de serre et à l’intensité de carbone sur l’ensemble du cycle de vie pour tous les types de combustibles. Tant que ces travaux ne seront pas menés à bien dans le cadre de l’OMI, il convient d’éviter les deux poids deux mesures. |
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3.13. |
Le CESE juge pertinente l’initiative, prise récemment par les gouvernements des États membres, de proposer une norme mondiale pour les carburants à faible taux d’émission de gaz à effet de serre applicable au transport maritime international, qui sera examinée lors de la 10e réunion du groupe de travail intersessions sur les gaz à effet de serre (9). Cette proposition montre notamment comment les navires peuvent respecter la mesure en apportant la preuve qu’ils ont utilisé exclusivement des combustibles dont l’intensité des émissions de GES est égale ou inférieure à la valeur limite pendant la période de mise en conformité (par exemple, des mélanges de combustibles traditionnels et de combustibles renouvelables); cette approche est similaire à celle de l’annexe VI de la convention Marpol de l’Organisation maritime internationale (règle 14, paragraphe 1), qui soumet depuis 2020 les carburants de soute au plafond de teneur en soufre de l’OMI. Le document soumis propose également un système de certification «du puits au sillage» (WtW) qui sera élaboré et validé par l’OMI. Par ailleurs, compte tenu des discussions en cours au sein de l’OMI sur l’évaluation du cycle de vie des GES, dès lors qu’un accord sur une approche globale aura été conclu au niveau de l’OMI sur des questions présentant un intérêt pour le projet de règlement FuelEU, la législation de l’Union devra être pleinement alignée sur les règles internationales, conformément au considérant 42 de la proposition de règlement. |
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3.14. |
La stratégie de décarbonation de l’OMI comporte une liste de mesures à prendre à court, moyen et long terme pour réduire les émissions de CO2. À l’occasion de la 76e session du Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l’Organisation maritime internationale (OMI), qui s’est tenue du 10 au 17 juin 2021, les gouvernements membres de l’OMI, parmi lesquels tous les États membres de l’Union européenne, ont adopté un ensemble complet de mesures techniques et opérationnelles à court terme juridiquement contraignantes pour réduire les émissions de CO2 des navires, qui entrera en vigueur le 1er novembre 2022. |
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3.15. |
Plus précisément, les mesures adoptées lors de cette 76e session du MEPC imposent aux navires d’une jauge brute supérieure ou égale à 400 de calculer leur indice d’efficacité énergétique (EEXI) en utilisant des moyens techniques pour améliorer leur efficacité énergétique, et à tous les navires d’une jauge brute supérieure à 5 000 d’établir leur indice annuel d’intensité de carbone (CII) et leur classification CII. L’intensité de carbone lie les émissions de GES à la quantité de cargaison transportée sur la distance parcourue. L’OMI examinera l’efficacité de la mise en œuvre des exigences CII et EEXI d’ici au 1er janvier 2026 afin de déterminer si d’autres modifications sont nécessaires. |
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3.16. |
Le transport maritime international pris dans son ensemble est le plus grand transporteur au monde; il achemine entre pays tiers pour plus de 90 % de sa capacité commerciale du fret essentiel à l’économie mondiale tels que le pétrole et les produits pétroliers, du gaz, des produits chimiques, du fer et d’autres minerais, du charbon et des engrais. Il est dès lors indispensable que des carburants correspondant aux spécifications de l’Union européenne requises soient disponibles dans les ports partout dans le monde afin de garantir le bon fonctionnement du commerce international. |
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3.17. |
Le transport maritime international est avant tout une industrie axée sur les PME qui, pour le transport en vrac ou le transport à la demande (tramp), est un secteur véritablement entrepreneurial qui présente les caractéristiques d’un marché parfaitement concurrentiel. En effet, le secteur compte des milliers d’entreprises dans le monde entier, et il n’est pas dominé par un nombre limité de très grandes entreprises ou d’alliances, comme c’est le cas dans le transport maritime de ligne et dans la plupart des principaux secteurs industriels et des services à l’échelle mondiale. C’est pourquoi les compagnies maritimes de la taille d’une PME n’ont pas le pouvoir de négociation pour distribuer et couvrir de nouveaux combustibles dans les ports du monde entier. |
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3.18. |
L’analyse d’impact de la Commission sur le projet de règlement FuelEU Maritime envisage une augmentation de la demande en carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone dans le secteur du transport maritime, insistant notamment sur les biocarburants liquides, le gaz décarboné (y compris le biogaz naturel liquéfié), les carburants de synthèse, les carburants décarbonés dérivés de l’hydrogène (méthanol et ammoniac) et l’électricité décarbonée. L’analyse d’impact prévoit une augmentation de l’utilisation des biocarburants dont l’importance est également reconnue, en particulier pour les secteurs difficiles à décarboner tels que l’aviation ou le transport maritime. |
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3.19. |
Le défi consiste à développer à l’échelle planétaire la production et les infrastructures d’approvisionnement nécessaires pour les carburants de synthèse. La proposition de directive révisée sur les énergies renouvelables fixe un nouvel objectif à l’Union européenne visant à porter à au moins 40 % d’ici 2030 la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables. Toutefois, il est reconnu que le transport maritime est confronté à des défis en matière de décarbonation plus importants que dans d’autres secteurs, en raison de l’absence actuelle de technologies à émissions nulles prêtes à être commercialisées. En effet, les carburants pour le transport maritime à teneur en carbone faible ou nulle ne sont pas actuellement disponibles sur le marché. En outre, les investissements en capital nécessaires au développement de la production, par exemple l’ammoniac vert (ammoniac de synthèse), en fonction des méthodes de production et des filières spécifiques de production de carburant, sont estimés à environ 1,2 à 1,65 milliard de dollars (UMAS, 2020), et n’incluent pas les investissements nécessaires pour les infrastructures d’approvisionnement à l’échelle mondiale. |
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3.20. |
Par conséquent, l’objectif de réduire en moyenne de 75 % l’intensité des émissions de gaz à effet de serre provenant de l’énergie utilisée à bord des navires d’ici à 2050 est surestimé. L’un des principaux obstacles à la décarbonation du secteur maritime sera la difficulté de mettre en place, dans les ports du monde entier, les nouvelles infrastructures de soutage nécessaires permettant de fournir aux navires des carburants de substitution en toute sécurité. Il est dans l’intérêt du secteur du transport maritime que ces infrastructures soient développées rapidement, de manière que de nouveaux carburants puissent être facilement disponibles à l’échelle mondiale et dans le plus grand nombre possible de ports, car cela réduira le prix des carburants à émissions nulles de carbone, et donc facilitera le respect des objectifs énoncés dans la proposition de règlement. |
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3.21. |
Les carburants de substitution tels que les biocarburants avancés, comme par exemple les huiles végétales hydrotraitées (HVO), qui ont une compatibilité limitée avec tous les moteurs de navires modernes (tous types de navires, quel que soit le commerce) et qui peuvent brûler des biocarburants sans nécessiter d’adaptations techniques, de sécurité ou de conception, pourraient constituer un début de solution, au moins dans le secteur du vrac et du tramp. Toutefois, il incombe aux fournisseurs de carburants de veiller à ce que les mélanges spécifiés, lorsqu’ils sont mélangés à des combustibles fossiles, soient adaptés à l’usage prévu à bord des navires et soient mis à disposition en quantités suffisantes dans les ports de l’Union. Les biocarburants importés sur le marché européen doivent satisfaire aux critères de durabilité fixés par l’Union tels que définis dans la directive RED II révisée (annexe IX, parties A et B). Le projet de règlement FuelEU Maritime transfère aux navires la responsabilité du respect des critères de durabilité de la directive RED. Par ailleurs, encourager l’adoption de mélanges de biocarburants de la qualité spécifiée lorsqu’ils sont achetés dans des pays tiers pourrait poser des problèmes de mise en œuvre et mettre en péril la réalisation des objectifs de réduction des émissions. |
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3.22. |
Tous les combustibles potentiels tels que l’ammoniac de synthèse ou l’hydrogène vert (10) présentent un certain nombre de barrières commerciales (économiques, technologiques, réglementaires) qui empêchent leur utilisation en tant que combustibles marins de substitution dans un avenir prévisible. Le paysage des carburants marins de substitution est non seulement fragmenté, mais également non développé, de sorte que la recherche-développement en la matière devrait être renforcée et accélérée. |
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3.23. |
La méthode de calcul de l’intensité de carbone et les facteurs d’émission sont des questions cruciales qui devront faire l’objet d’un examen approfondi. Il convient d’accorder une attention particulière à l’échappement de méthane et aux effets du changement indirect d’affectation des sols (ou facteur CIAS), notamment en ce qui concerne l’adoption et l’utilisation des biocarburants et du GNL. Les biocarburants de première génération ne peuvent être considérés comme des matériaux durables à long terme du fait de leur utilisation des sols, qui concurrence la production alimentaire, et de l’épuisement des sols. |
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3.24. |
En définitive, le transport maritime étant une industrie véritablement mondiale, une réglementation au niveau mondial est la voie la plus efficace et la plus efficiente pour aller de l’avant. Toute mesure mise en œuvre au niveau de l’Union européenne doit être compatible avec les réglementations adoptées par l’OMI et trouver un équilibre entre les réglementations internationales et les initiatives législatives de l’Union. |
4. Observations particulières
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4.1. |
L’entité responsable (le fournisseur de combustible au lieu du propriétaire du navire): les exploitants de navires ne peuvent être tenus responsables ni de la qualité ni de la disponibilité de combustibles spécifiés. L’intensité de carbone des combustibles marins devrait être réglementée à l’échelle mondiale et subordonnée à la disponibilité adéquate de solutions de substitution non fossiles. Ces dernières ne sont pas disponibles actuellement pour le transport maritime en eau profonde et ne le seront pas dans un avenir proche. Les navires ne peuvent être tenus pour responsables de l’avitaillement en combustibles qui sont technologiquement immatures ou qui ne sont disponibles que dans des quantités très limitées ou dans des zones géographiques limitées. Cela reviendrait à demander aux automobilistes d’utiliser une combinaison de carburants spécifique alors même que celle-ci n’est pas largement disponible sur le marché. |
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4.2. |
La responsabilité des affréteurs, bien que reconnue par les initiatives législatives de la Commission en la matière (SEQE-UE, FuelEU Maritime), n’oblige pas expressément les affréteurs à assumer leurs responsabilités. Si le propriétaire du navire est tenu pour seul responsable des émissions d’un navire, ces dernières seront grevées par des émissions de dioxyde de carbone (CO2) plus élevées résultant de l’analyse coûts-avantages purement économique effectuée par l’affréteur, lequel ne tiendra pas compte des externalités environnementales négatives. Une telle situation serait non seulement injuste, mais aussi contre-productive. Tant que l’affréteur n’aura pas de responsabilité légale, il continuera à fonder toutes les décisions opérationnelles uniquement sur des considérations de coût et il sera exempté du principe du «pollueur-payeur», qui doit dûment s’appliquer au transport maritime comme à tous les autres secteurs. |
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4.3. |
Éviter le double comptage ou les doubles exigences: cette proposition introduit un deuxième système de surveillance, de déclaration et de vérification (MRV) de l’Union aux fins du règlement proposé. S’il est de la plus haute importance de préserver la flexibilité, il convient d’éviter autant que possible l’introduction de doubles comptage ou de doubles exigences, en procédant à une harmonisation des méthodes de MRV. |
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4.4. |
Éviter la création d’un mécanisme de conformité impraticable: le projet de proposition à l’examen crée aussi un mécanisme complexe de mise en commun de conformité des crédits d’intensité de carbone des carburants utilisés par les navires satisfaisant à tous les critères de conformité. Ce mécanisme suppose un accord de mise en commun prévoyant des sanctions harmonisées en cas de non-conformité et le transfert de crédits entre différentes compagnies, ainsi que la certification, par le même vérificateur, des navires qui outrepassent les objectifs fixés et de ceux qui sont en deçà. Au lieu de cela, il est proposé d’inclure un mécanisme souple dans la proposition de règlement, qui s’appliquerait dans un premier temps uniquement aux carburants de synthèse (11) utilisés par les navires dont le calendrier de mise en œuvre est progressif [similaire au déploiement de l’alimentation électrique terrestre (OPS) — article 5 du règlement proposé]. En cas d’acceptation, les exigences seront progressivement étendues à tous les carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone (sous réserve d’une clause de réexamen et d’une analyse d’impact ultérieure, en tenant compte également de la disponibilité de ces carburants pour le secteur maritime et des questions de concurrence entre ces derniers et d’autres modes de transport, par exemple). Progressivement, des partenariats seront encouragés entre les acteurs du marché qui ont investi dans des carburants «verts» désireux de regrouper leurs services chargés de la conformité et de procéder à des notifications conjointes auprès du même vérificateur accrédité. |
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4.5. |
Extension des exemptions pour le déploiement de l’alimentation électrique terrestre après 2034: Tout en reconnaissant la nécessité de donner la priorité au déploiement de l’alimentation électrique terrestre pour parvenir à une réduction tangible et rentable des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique à quai, en mettant l’accent sur les navires porte-conteneurs et les navires de passagers, il y aurait lieu après 2034 de ne pas limiter l’exemption de l’obligation de recourir à l’alimentation électrique terrestre pour les segments de transport susmentionnés, lorsque l’infrastructure n’est pas disponible dans le port et lorsque l’équipement d’un navire en matière d’alimentation électrique à bord et à quai est incompatible avec l’installation du port. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) COM(2021) 562 final.
(2) Association européenne des armateurs, 2021
(3) Quatrième étude de l’OMI sur les gaz à effet de serre (2020)
(4) COM(2021) 551 final.
(5) COM(2021) 557 final.
(6) COM(2021) 559 final.
(7) SWD(2020) 331 final.
(8) TEN/748, avis sur la «Révision de la directive sur les sources d’énergie renouvelables» (voir page 127 du présent JO), paragraphe 4.17.
(9) Document du groupe de travail intercessions sur la réduction des gaz à effet de serre 10/5/3 (Autriche et autres) du 3.10.2021.
(10) Tel que défini dans le document TEN/718 sur la «Stratégie de l’hydrogène» (JO C 123 du 9.4.2021, p. 30).
(11) Les carburants de synthèse regroupent notamment l’ammoniac, le méthanol, le diesel de synthèse, le fioul de synthèse et le gaz de synthèse [COM(2021) 562 final, p. 7].
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/152 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union et mettant en œuvre de manière appropriée un mécanisme de marché mondial
[COM(2021) 552 final]
(2022/C 152/25)
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Rapporteur général: |
Dumitru FORNEA |
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Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 20.9.2021 Parlement européen, 13.9.2021 |
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Base juridique |
Article 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
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Adoption en section |
9.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
209/3/5 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
L’initiative de la Commission modifiant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (1) en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union est une mesure bienvenue en vue de réduire l’incidence du secteur de l’aviation sur le climat. Nous soutenons les modifications proposées, mais soulignons la nécessité de maintenir des conditions de concurrence équitables et de protéger les droits sociaux et les droits du travail. Bien que l’aviation ne soit pas le plus gros émetteur d’émissions dans la société, ni d’ailleurs dans les transports, ce secteur et toutes ses parties prenantes ont un rôle à jouer pour nous aider à garantir sa durabilité. Seuls le dialogue social et la concertation avec les syndicats du secteur, qui sont un élément essentiel de la transition climatique, permettront d’y parvenir. |
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1.2. |
D’une manière générale, nous sommes opposés à l’allocation de quotas à titre gratuit dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission (SEQE), sauf si l’objectif est de garantir une concurrence loyale. Si les risques de fausser la concurrence sont moindres dans le cas des vols à l’intérieur de l’Espace économique européen (EEE), nous devons rester attentifs aux fuites de carbone, en particulier dans le trafic loisirs et long-courrier. Par conséquent, nous sommes favorables au maintien de la date proposée de 2027 pour la suppression totale des quotas gratuits et, dans l’intervalle, à leur adaptation axée sur une concurrence loyale. Ce faisant, nous pouvons mettre en œuvre le SEQE, améliorer l’utilisation des carburants d’aviation durables (CAD) et réduire le niveau des quotas gratuits, tout en évitant de fausser la concurrence sur le marché. |
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1.3. |
Il est impératif que la proposition vise à préserver des conditions de concurrence équitables afin de soutenir les entreprises qui offrent un travail décent et respectent les normes sociales. Il importe également d’éviter les effets négatifs à long terme sur les conditions de travail dus à la concurrence déloyale des entreprises qui n’exercent pas leurs activités dans le cadre du SEQE. À cet égard, nous recommandons de lancer une «analyse d’impact social» qui tiendrait compte du lien entre l’application du SEQE, la concurrence loyale et les dommages sociaux pouvant être causés par les fuites de carbone. En outre, nous proposons deux évaluations à mi-parcours qui analyseraient l’impact social, environnemental et économique du SEQE modifié. Celles-ci seraient effectuées respectivement deux et quatre ans après l’entrée en vigueur du SEQE modifié et devraient donner à toutes les parties prenantes la possibilité de réexaminer l’application du SEQE et les objectifs du programme. Ces évaluations seront également l’occasion de vérifier si la reprise de l’industrie est conforme aux objectifs du SEQE. |
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1.4. |
Les intermédiaires financiers devraient être exclus du SEQE de l’UE, de sorte que seules les installations émettant du dioxyde de carbone lors de leurs processus de production soient autorisées à échanger des quotas d’émission. Cette approche permet d’éliminer tout risque de spéculation et est similaire à celle adoptée par la Chine, qui a interdit aux établissements financiers de participer à son système d’échange de quotas. |
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1.5. |
La majeure partie du trafic hors EEE passe par des plateformes de correspondance aéroportuaire, ou hubs, situés à l’intérieur ou à l’extérieur de l’EEE. À l’heure actuelle, la plupart des passagers disposent d’un certain nombre d’options pour leur vol hors EEE, passant par des hubs internes ou externes. Toutefois, compte tenu de l’augmentation du coût du SEQE, il existe un risque important de voir la compétitivité des opérateurs de l’EEE menacée par des opérations moins coûteuses basées sur des hubs situés en dehors de l’EEE. Pour contrer cette évolution, il convient de remplacer l’allocation gratuite de quotas du SEQE par un mécanisme ciblé contre les désavantages concurrentiels afin de protéger les compagnies aériennes européennes et les plateformes aéroportuaires européennes. |
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1.6. |
L’UE doit promouvoir une réglementation mondiale plus ambitieuse et uniforme en matière de tarification du carbone, et disposer d’un mandat pour négocier à cet effet au niveau mondial. En outre, afin de garantir une mise en œuvre équitable et durable du SEQE et d’encourager son application plus large à court terme, nous proposons le recours à l’un des deux mécanismes suivants:
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1.7. |
Le SEQE devrait favoriser une transition vers des modes de transport plus durables, y compris dans le secteur de l’aviation, et devrait donc encourager un recours moindre à l’aviation d’affaires. Le SEQE devrait inciter à recourir au transport de masse durable et, par conséquent, contraindre les utilisateurs d’avions d’affaires à payer des redevances plus élevées. |
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1.8. |
Les recettes du SEQE devraient être investies dans des projets de développement qui réduiront encore l’impact environnemental de l’aviation, en soutenant une diminution des coûts et une utilisation accrue des CAD. Le SEQE devrait également appuyer la transition des aéroports, des ravitailleurs et des prestataires de services au sol vers les nouvelles réglementations imposées par la proposition ReFuelEU relative à l’utilisation des CAD dans les aéroports européens. Les recettes doivent en outre soutenir une transition juste pour les travailleurs du secteur de l’aviation qui ont subi les conséquences négatives du changement climatique. À cette fin, il conviendrait de créer un fonds social dans le domaine de l’aviation pour permettre la formation et la transition des travailleurs du secteur. Un tel fonds pourrait être géré par la Commission européenne, avec le soutien des employeurs et des syndicats. |
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1.9. |
Par l’intermédiaire du SEQE, la proposition devrait inciter les opérateurs à développer des réseaux de transport intermodaux dans leurs principaux hubs afin d’étendre leur réseau de destinations, tout en réduisant les vols ultra-court-courriers inutiles. Pour ce faire, le niveau des quotas gratuits octroyés ailleurs dans le réseau de la compagnie aérienne pourrait être augmenté dans les zones ne disposant pas de connexions ferroviaires pratiques. |
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1.10. |
L’UE devrait dialoguer avec les comités d’entreprise européens (CEE), les comités de dialogue social sectoriel et d’autres forums conjoints, tels que la table ronde sur l’aviation, sur les effets persistants du SEQE révisé tout au long de sa mise en œuvre. Il conviendrait d’accorder une attention particulière au dialogue social avec les travailleurs et de chercher à comprendre leurs besoins et leurs préoccupations en matière d’aviation durable. |
|
1.11. |
Le statut particulier des régions ultrapériphériques de l’Union devrait être maintenu et ces régions devraient être exemptées du SEQE conformément à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit des dérogations à l’application du droit de l’Union dans ces régions. |
2. Observations générales
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2.1. |
Nous saluons l’initiative de la Commission modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union. Bien que l’aviation ne soit pas le plus gros émetteur d’émissions dans la société, ni d’ailleurs dans les transports, ce secteur et toutes ses parties prenantes ont un rôle à jouer pour nous aider à améliorer sa durabilité et atteindre nos objectifs climatiques, tels que définis dans l’accord de Paris et le train de mesures «Ajustement à l’objectif 55». |
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2.2. |
Ces initiatives, la participation des parties prenantes et le dialogue social permettent d’atténuer bon nombre des menaces sociales et économiques pesant sur les travailleurs du secteur de l’aviation, et nous nous réjouissons des efforts déployés par la Commission pour faire en sorte que toutes les parties prenantes, en particulier les syndicats et les comités d’entreprise européens, soient associées au débat sur les thèmes du changement climatique et de la transition juste tout au long du processus d’adoption de la proposition à l’examen, ainsi qu’à tous les futurs travaux sur l’aviation durable. |
3. Observations particulières
3.1. Prise en compte des effets de la pandémie de COVID-19
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3.1.1. |
Le secteur de l’aviation ayant été l’un des plus durement touchés tout au long de la récente pandémie de COVID-19, la proposition à l’examen doit laisser à l’industrie aéronautique l’espace et le temps dont elle a besoin pour se rétablir. Toutefois, il est apparu clairement que le secteur de l’aviation présente un problème de durabilité intrinsèque, sur le plan social comme environnemental, et que toute mesure de relance, y compris le soutien apporté au secteur, doit tenir compte des efforts déployés pour le rendre plus durable à long terme. |
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3.1.2. |
Les données publiées par Eurocontrol montrent que le secteur de l’aviation est encore loin d’avoir retrouvé les niveaux de trafic de 2019. Au cours de l’été 2021, les niveaux de trafic ont atteint à peine 70 % de ceux de 2019 (2), et Eurocontrol s’attend globalement à ce que le trafic ne retrouve pas ses niveaux de 2019 avant 2023 (3). Compte tenu de ce qui précède, il est clair que le niveau de trafic aérien est actuellement réduit et le restera au moins jusqu’en 2023 au plus tôt. En outre, les travailleurs ont été touchés proportionnellement par cette baisse du trafic. Bien qu’il reste difficile de trouver des informations à ce sujet, la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) estime qu’environ 60 % du personnel au sol était sans emploi pendant la pandémie (4). La mise en place de mesures susceptibles de fausser la concurrence au cours de cette période de reprise pourrait avoir des conséquences négatives tant pour les travailleurs que pour l’industrie dans son ensemble. |
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3.1.3. |
Néanmoins, nous ne sommes favorables à l’allocation de quotas à titre gratuit dans le cadre du SEQE que pour éviter une distorsion de la concurrence ou une fuite de carbone. Il convient de tenir compte des risques de fuite de carbone qui pourraient découler du fait que les compagnies aériennes optent pour des destinations moins chères, en particulier sur le marché des vols de loisirs. Il subsiste un risque que de nombreuses destinations de loisirs traditionnelles soient négligées en faveur de destinations situées en dehors de l’EEE, qui imposent des redevances d’émission moins élevées que leurs homologues dans l’EEE. En ce qui concerne les vols hors EEE, il convient de tenir davantage compte de la menace que représentent les opérateurs de pays tiers qui exploitent le SEQE et faussent la concurrence. |
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3.1.4. |
Dans ce contexte, nous estimons que, si la date de suppression des quotas gratuits devrait rester fixée à 2027, les quotas gratuits ne devraient être octroyés que pour garantir une concurrence loyale. Ce faisant, la proposition à l’examen peut atteindre ses objectifs et préserver des conditions de concurrence équitables pendant que le secteur tente de se redresser et de faire face à la concurrence dans le cadre du nouveau SEQE. |
3.2. Concurrence loyale et fuite de carbone
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3.2.1. |
L’aviation est un secteur très mobile et fortement libéralisé à l’échelle mondiale. Il est par conséquent exposé à une concurrence importante, dont une grande partie entraîne, ou est susceptible d’entraîner, des distorsions sur le marché. Cela transparaît clairement dans les problèmes sociaux associés au marché de l’aviation, où les entreprises ont eu recours à des conditions sociales favorables au sein de l’EEE et dans les pays tiers pour exploiter les travailleurs et réduire les coûts de la main-d’œuvre. Cette pratique est désormais courante dans le secteur de l’aviation et nous incite à la prudence lors de l’examen des coûts environnementaux. À cet égard, une législation forte est nécessaire pour garantir l’absence de fuite de carbone ou d’exploitation du SEQE par des pays ou des entreprises, en particulier ceux qui n’en font pas partie. Cela est d’autant plus pertinent lorsque l’on considère le trafic intercontinental, par exemple les passagers qui transitent par l’EEE plutôt que d’en partir ou d’y arriver, ou ceux dont le point de départ ou la destination se trouvent dans l’EEE, mais qui transitent par des hubs situés en dehors de l’EEE. |
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3.2.2. |
Nous nous réjouissons de la proposition d’intégrer la pleine application du SEQE à tous les vols intra-EEE, car cela contribuera à maintenir des conditions de concurrence équitables sur le marché. Nous saluons également l’intention d’éliminer les quotas gratuits, mais soulignons que ceux-ci ne devraient être octroyés que pour préserver une concurrence loyale. L’application du SEQE ne devrait pas se limiter à la concurrence entre compagnies aériennes, mais devrait être étendue afin de garantir une concurrence loyale entre les hubs de l’EEE et ceux de pays tiers, ainsi qu’entre les destinations de loisirs et des destinations situées en dehors de l’EEE. |
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3.2.3. |
En ce qui concerne le trafic long-courrier, les principaux transporteurs et hubs de l’EEE sont confrontés à une concurrence importante de la part des transporteurs aériens et hubs du Moyen-Orient. Cette concurrence est la plus palpable lorsque des passagers n’arrivent pas dans l’EEE, mais y transitent au cours d’un voyage intercontinental, ou lorsque leur point de départ ou leur destination se trouvent dans l’EEE, mais qu’ils prennent une correspondance dans un hub situé en dehors de l’EEE. Compte tenu de la proximité d’autres grandes plateformes aéroportuaires en dehors de l’EEE, nous devons veiller à ce que les compagnies aériennes puissent rester compétitives sur ce marché. Les transporteurs historiques présents sur ce marché offrent des normes sociales élevées et du travail décent. Dans d’autres régions, en particulier la région du Golfe, les droits fondamentaux des travailleurs, tels que la liberté d’association, ne sont pas respectés, et il convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les transporteurs établis dans ces pays ne prospèrent pas aux dépens des entreprises et des travailleurs de l’Union européenne. Par conséquent, des mécanismes de protection ciblés sont indispensables pour mettre un terme aux désavantages concurrentiels. |
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3.2.4. |
Le prix des quotas européens d’émission a augmenté depuis janvier 2020, passant d’environ 20 EUR/tonne à plus de 70 EUR/tonne. Du côté de la demande, les installations, c’est-à-dire les entreprises qui ont besoin de quotas car elles émettent du CO2 au cours de leur processus de production, sont en concurrence avec les institutions et les intermédiaires financiers, qui sont tout à fait conscients du fait que les entreprises ont besoin de quotas pour mener leurs activités. Il n’existe en outre pas de plafond du marché pour le prix, étant donné que la pénalité en cas d’émission sans quota ne décharge pas de l’obligation d’acheter un tel quota (5). |
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3.2.5. |
Il est impératif que la proposition préserve des conditions de concurrence équitables entre ces transporteurs, et il convient de veiller à ce que la concurrence déloyale des entreprises qui n’exercent pas leurs activités dans le cadre du SEQE n’entraîne pas d’effets négatifs à long terme sur les conditions sociales des travailleurs. Afin d’analyser ces enjeux de manière exhaustive, nous recommandons de lancer une «analyse d’impact social» qui tiendrait compte du lien entre l’application du SEQE, la concurrence loyale et les dommages sociaux pouvant être causés par les fuites de carbone. En outre, nous proposons deux évaluations à mi-parcours qui analyseraient l’impact social, environnemental et économique du SEQE modifié. Celles-ci seraient effectuées respectivement deux et quatre ans après l’entrée en vigueur du SEQE modifié et devraient donner à toutes les parties prenantes la possibilité de réexaminer l’application du SEQE et les objectifs du programme. Ces évaluations seront également l’occasion de vérifier si la reprise de l’industrie est conforme aux objectifs du SEQE. |
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3.2.6. |
Pour que la proposition soit plus équitable, nous suggérons d’y examiner deux éléments supplémentaires: |
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a) |
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L’application d’un MACF limitera les fuites de carbone et encouragera les acteurs non membres de l’UE à améliorer leur propre empreinte environnementale. Le secteur de l’aviation ne connaissant pas de frontières, et il est difficile de légiférer sur le territoire de l’UE, étant donné qu’une grande partie du trafic aérien s’effectuera à l’extérieur. Comme indiqué précédemment, il y a lieu d’accorder la priorité à la protection des niveaux plus élevés de normes sociales dans le secteur de l’aviation de l’UE, ce qui sera facilité par le MACF. Étant donné que la Commission soutient la croissance du secteur de l’aviation en concluant des accords globaux sur les services aériens avec des pays tiers, elle devrait envisager d’appliquer un MACF aux vols de correspondance provenant de hubs situés en dehors de l’UE, ou considérer d’autres moyens de soutenir la croissance durable des activités hors EEE.
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b) |
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La révision du SEQE de l’UE doit tenir compte du risque de fuite de carbone. La fuite de carbone constitue une menace importante pour le marché de l’aviation de l’EEE, étant donné sa proximité avec un certain nombre de hubs qui gèrent un volume important de trafic hors EEE. À l’heure actuelle, la plupart des passagers disposent d’un certain nombre d’options pour leur vol hors EEE, passant par des hubs internes ou externes. Toutefois, compte tenu de l’augmentation du coût du SEQE, il existe un risque important de voir la compétitivité des compagnies aériennes de l’EEE menacée par des opérations moins coûteuses basées sur des hubs situés en dehors de l’EEE. Pour contrer cette évolution, il convient de remplacer l’allocation gratuite de quotas par un mécanisme ciblé contre les désavantages concurrentiels afin de protéger les compagnies aériennes et les plateformes aéroportuaires européennes.
3.3. Possibilité de modulation des prix en fonction de la capacité des aéronefs
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3.3.1. |
Il convient d’envisager plus largement la possibilité d’appliquer un système de tarification modulaire pour les quotas du SEQE qui respecte le principe du «pollueur-payeur» et favorise le transport de masse plutôt que le transport privé. En septembre 2021, l’aviation d’affaires avait augmenté de 27 % par rapport aux niveaux de 2019 (6), probablement en raison de la réduction des capacités dans le secteur du transport aérien de passagers. Contrairement aux avions de ligne, les avions d’affaires ont une capacité de transport de passagers nettement plus faible. Malgré cela, ils sont traités de la même manière que les avions dont la capacité de transport est beaucoup plus élevée. |
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3.3.2. |
Le SEQE devrait favoriser une transition vers des modes de transport plus durables, y compris dans le secteur de l’aviation, et devrait donc encourager un recours moindre à l’aviation d’affaires. Il devrait respecter le principe du «pollueur-payeur» et, par conséquent, contraindre les utilisateurs d’avions d’affaires à payer des redevances plus élevées. Des mesures opérationnelles pourraient également être envisagées pour décourager l’utilisation des avions d’affaires, en donnant la priorité au trafic régulier de passagers par d’autres moyens, par exemple en ce qui concerne les redevances de réseau et les créneaux aéroportuaires. |
3.4. Réinvestissement des recettes du SEQE
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3.4.1. |
Les recettes tirées du SEQE doivent être investies dans le secteur afin de soutenir sa durabilité sociale et environnementale ainsi qu’une transition juste. Il est notoire que la transition du secteur de l’aviation vers la neutralité carbone nécessitera des investissements importants, auxquels le SEQE permettra de contribuer. Ces investissements devraient être axés sur une disponibilité et une utilisation accrue des CAD, tout en faisant baisser leurs coûts afin que les utilisateurs puissent conserver leur rentabilité tout en décarbonant le secteur. |
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3.4.2. |
Nous saluons l’ambition générale de la Commission en ce qui concerne les aspects liés à l’aviation dans le paquet «Ajustement à l’objectif 55» et soutenons le développement continu de mesures durables dans le domaine de l’aviation, tant dans le cadre de la révision de la directive SEQE que dans la proposition de règlement visant à garantir des conditions de concurrence équitables pour un transport aérien durable. Ces deux propositions étant complémentaires, les recettes tirées du SEQE devraient servir leurs objectifs. Par conséquent, les recettes du SEQE devraient être utilisées pour promouvoir l’accès aux CAD et réduire leur coût dans l’ensemble de l’EEE. Par ailleurs, le SEQE pourrait fournir une aide financière aux aéroports, ravitailleurs et prestataires de services au sol pour leur permettre de se conformer aux nouvelles exigences en matière de disponibilité des CAD dans les aérodromes. |
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3.4.3. |
Les recettes devraient également être réinvesties dans des projets de développement qui réduiront encore l’impact environnemental de l’aviation. Les technologies telles que l’hydrogène représentent une solution permettant de réduire l’impact de l’aviation à long terme. Toutefois, le coût de cette technologie est prohibitif et elle est toujours loin de pouvoir être appliquée sur le marché, même si les investissements dans des projets relatifs à l’hydrogène et à d’autres carburants de substitution favoriseront la réduction des coûts et un recours accru à ces technologies au fil du temps. |
|
3.4.4. |
Les recettes doivent en outre soutenir une transition juste pour les travailleurs du secteur de l’aviation qui ont subi les conséquences négatives du changement climatique. Certaines infrastructures aéronautiques devraient devenir caduques au fil du temps, à mesure que la technologie évoluera. Les travailleurs pourraient se retrouver sans emploi, et il convient de leur offrir des possibilités de reconversion et de perfectionnement professionnels pour leur permettre de passer à de nouveaux emplois verts et durables. À cette fin, un fonds social pourrait être créé dans le domaine de l’aviation pour permettre la formation et la transition des travailleurs du secteur. Un tel fonds pourrait être géré par la Commission européenne, avec le soutien des employeurs et des syndicats. |
|
3.4.5. |
La Commission devrait en outre dialoguer avec les comités d’entreprise européens, les comités de dialogue social sectoriel et d’autres forums conjoints, tels que la table ronde sur l’aviation, sur les effets persistants du SEQE révisé tout au long de sa mise en œuvre. Il conviendrait d’accorder une attention particulière au dialogue social avec les travailleurs et de chercher à comprendre leurs besoins et leurs préoccupations en matière d’aviation durable et de transition juste dans le secteur. |
3.5. Expansion du transport intermodal
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3.5.1. |
Le transport intermodal est un moyen facile et rentable de réduire rapidement l’incidence des transports sur le climat. Aujourd’hui, de nombreuses compagnies aériennes permettent déjà aux passagers d’acheter des billets intermodaux, notamment dans le cadre d’accords avec des opérateurs ferroviaires. De tels accords permettent une réduction globale des vols, mais encouragent également le recours à des transports de masse durables en toute efficacité. |
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3.5.2. |
La proposition devrait inciter les opérateurs à développer des réseaux de transport intermodaux dans leurs bases principales afin d’étendre leur réseau tout en réduisant les vols ultra-court-courriers inutiles. Pour les y encourager, le niveau des quotas gratuits octroyés ailleurs dans le réseau de la compagnie aérienne pourrait être augmenté dans les zones ne disposant pas de connexions ferroviaires pratiques lorsque la compagnie déplace certaines liaisons vers des modes de transport autres que l’avion. |
3.6. Connectivité régionale
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3.6.1. |
En l’absence d’un autre mode de transport, le SEQE risque d’entraîner une réduction de la connectivité vers les régions reculées d’Europe. Il est essentiel qu’aucune des mesures prises ne menace la connectivité avec les régions périphériques européennes et les États membres. |
|
3.6.2. |
Les régions périphériques dépendent de l’aviation pour assurer leur connectivité et leur développement économique. En effet, en raison de leur éloignement, de leur faible superficie et de leur insularité, elles ont besoin d’être reliées au continent pour les marchandises, l’accès aux services, la connectivité avec d’autre régions et la cohésion territoriale. |
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3.6.3. |
En outre, le PIB de ces régions compte parmi les plus bas d’Europe, et elles doivent être protégées et soutenues. Nous proposons dès lors que le statut particulier des régions ultrapériphériques de l’Union (Guadeloupe, Guyane française, Martinique, Mayotte, île de La Réunion, Saint-Martin, Açores, Madère et îles Canaries) soit maintenu et qu’elles soient exemptées du SEQE conformément à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit des dérogations à l’application du droit de l’Union dans ces régions. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du (JO L 275 du 25.10.2003, p. 32).
(2) https://www.eurocontrol.int/publication/eurocontrol-data-snapshot-16-recovery-wide-variations
(3) https://www.eurocontrol.int/publication/eurocontrol-forecast-update-2021-2027
(4) https://www.etf-europe.org/ground-handling-sector-fights-for-its-survival-as-more-than-half-of-airport-based-workers-are-out-of-work/
(5) https://zpp.net.pl/en/press-release-new-eu-emissions-trading-scheme-how-to-mitigate-the-risks-for-european-consumers-and-smes/
(6) https://www.eurocontrol.int/sites/default/files/2021-09/covid19-eurocontrol-comprehensive-air-traffic-assessment-30092021.pdf
|
6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/158 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un Fonds social pour le climat
[COM(2021) 568 final — 2021/0206 (COD)]
(2022/C 152/26)
|
Rapporteur: |
Thomas KATTNIG |
|
Corapporteure: |
Alena MASTANTUONO |
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Consultation |
Parlement européen, 13.9.2021 Conseil, 20.9.2021 |
|
Base juridique |
Article 91, paragraphe 1, point d), article 192, paragraphe 1, et article 194, paragraphe 1, point c) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
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Adoption en section |
9.11.2021 |
|
Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
|
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
194/3/9 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la décision de créer un Fonds social pour le climat afin d’atténuer les incidences économiques et sociales négatives de la nouvelle tarification du carbone et de fournir un financement aux États membres pour soutenir leurs mesures visant à atténuer les conséquences sociales de ces échanges de droits d’émission sur les ménages, les microentreprises et les usagers des transports financièrement défavorisés. Le CESE reconnaît en outre qu’avec ce règlement, la Commission démontre de manière crédible sa volonté de lutter contre la précarité en matière d’énergie et de mobilité. |
|
1.2. |
Le CESE est néanmoins convaincu que le soutien financier que fournira le Fonds social pour le climat ne sera pas suffisant pour faire face de manière responsable aux effets socio-économiques de la tarification du carbone. L’énorme tâche que représente la conception d’un mécanisme de compensation efficace et équitable dans une zone économique hétérogène comprenant 27 États membres appelle des mesures d’accompagnement et des ressources qui soient plus ambitieuses, au niveau européen et national. Le CESE invite les États membres à exploiter les synergies du Fonds social pour le climat avec d’autres ressources financières disponibles et à l’utiliser le plus efficacement possible. |
|
1.3. |
Les mesures et les étapes de la transformation envisagées par le paquet «Ajustement à l’objectif 55» entraîneront des changements considérables et doivent tenir compte de la situation sociale et économique des différents États membres, si l’on veut éviter de compromettre l’acceptation de ces dispositions par la société. Au niveau des États membres, les mesures d’accompagnement de ce paquet législatif doivent être examinées et mises en œuvre dès à présent. Pour parvenir à une transformation écologique juste, il convient de mettre l’accent sur une transition juste pour tous. |
|
1.4. |
Le CESE estime qu’en tout état de cause, une augmentation des prix du carbone n’a pas pour objectif d’accroître les recettes, mais d’orienter le comportement du marché vers des technologies à faibles émissions. Il s’agit là d’un argument de poids pour que la Commission mette à disposition des ressources financières supplémentaires. En outre, la date d’échéance du Fonds, à savoir 2032, ne semble pas convaincante. |
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1.5. |
Certaines parties prenantes, dont les partenaires sociaux, représentant à la fois les employeurs et les salariés, se sont montrées sceptiques, voire défavorables, quant à l’extension du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) aux bâtiments et au transport routier, soulignant les conséquences sociales et économiques que l’on peut escompter d’une hausse des prix du chauffage et du carburant en ce qui concerne les ménages, les petites et moyennes entreprises, les microentreprises et les usagers des transports qui se trouvent dans une situation financière plus précaire. Il faut éviter à tout prix le risque de ne pas recueillir l’adhésion de la population en faveur de la politique climatique européenne et de susciter l’éclatement de mouvements de protestation de grande ampleur, tels que celui des «gilets jaunes». À cet égard, la Commission devrait soumettre ses projets à un examen approfondi. |
|
1.6. |
Le CESE déplore que la Commission n’ait pas analysé l’incidence que le train de mesures «Ajustement à l’objectif 55» produira sur chaque État membre, ainsi que sur les différents secteurs. Il est d’avis que la création du Fonds social pour le climat aurait mérité de faire l’objet d’une analyse d’impact spécifique. |
|
1.7. |
Le CESE se félicite de l’obligation faite aux États membres de présenter un ensemble complet de mesures et d’investissements à soumettre dans le cadre de leur plan social pour le climat, en même temps que la version actualisée de leur plan national en matière d’énergie et de climat (PNEC) conformément au règlement sur la gouvernance. Le CESE invite les États membres à associer les partenaires sociaux, les chambres de commerce, la société civile, les organisations de jeunesse, ainsi que les collectivités locales et régionales, à l’élaboration de leurs plans sociaux pour le climat. |
|
1.8. |
Le Comité craint que les coûts d’un système d’échange de droits d’émission pour les bâtiments et les transports ne soient supérieurs aux bénéfices souhaités et n’entraînent des flambées de prix incontrôlées et, partant, susceptibles de menacer l’existence de certains acteurs. De manière générale, le CESE critique donc la connexion établie entre le Fonds social pour le climat et la mise en place d’un système d’échange de quotas d’émission pour les bâtiments et les transports et serait favorable à l’introduction, dans le budget de l’Union européenne, d’une rubrique spécifiquement consacrée à l’impact social de la transition écologique. Il conviendrait plutôt, sur le principe, de tendre à la création d’un Fonds social pour le climat au niveau de l’Union européenne. |
|
1.9. |
Le CESE insiste sur la nécessité de garantir une utilisation efficace des ressources du Fonds et d’éviter la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts en rapport avec les mesures soutenues par le Fonds. |
|
1.10. |
S’agissant de l’état de droit, il se félicite des dispositions proposées par la Commission concernant un système de contrôle interne efficace et opérant et de son intention affichée de recouvrer les montants indûment versés ou ayant fait l’objet d’une utilisation abusive. Par ailleurs, le CESE se demande également si la procédure européenne de réduction des fonds de l’Union européenne en cas de violation de l’état de droit par les États membres s’appliquera au décaissement des fonds. |
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1.11. |
Le CESE demande davantage de précisions en ce qui concerne le financement du Fonds. La proposition prévoit que le financement sera basé sur le marché du SEQE de l’UE, qui est fluctuant. Par conséquent, le CESE ne comprend pas pourquoi un montant fixe, de 72,2 milliards d’EUR, est proposé. Le budget du Fonds sera tributaire de prix qui sont volatils. Il apparaît dès lors clairement, entre autres, qu’un financement plus stable est nécessaire. Le CESE propose d’introduire dans le Fonds une flexibilité financière partielle, en fonction de l’évolution réelle du prix des quotas, les ressources qui lui sont allouées pouvant être augmentées parallèlement à la hausse du prix. |
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1.12. |
S’agissant de la répartition du Fonds entre les États membres, le Comité souligne que la tarification du carbone pourrait avoir une incidence différente d’un pays à l’autre et qu’elle peut également être contraire aux mesures nationales déjà en place, comme l’a fait observer le Parlement irlandais dans son avis motivé sur la subsidiarité. |
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1.13. |
Le CESE se félicite de l’approche visant à prendre en compte et favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes et l’égalité des chances pour tous, ainsi que l’intégration de ces objectifs et des questions relatives à l’accessibilité pour les personnes handicapées, lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des plans nationaux, afin de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. La tarification du carbone qui est prévue touche particulièrement les femmes, puisqu’elles représentent 85 % des parents isolés. Dans les familles monoparentales, le risque de pauvreté des enfants est particulièrement élevé. |
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1.14. |
Le CESE a parfaitement conscience que le Fonds social pour le climat apporte une réponse à moyen terme au problème de la compensation des coûts plus élevés que la transition écologique induit pour les entités vulnérables. Toutefois, la situation actuelle en matière d’évolution des prix de l’énergie requiert une solution sur-le-champ. Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission, qui fournit aux États membres une «boîte à outils» pour faire face aux effets immédiats de la hausse que connaissent actuellement les prix de gros du gaz naturel et de l’électricité et pour renforcer la résilience face aux chocs futurs sur les tarifs. Les mesures nationales à court terme comprennent une aide d’urgence au revenu pour les ménages, un soutien aux entreprises et des réductions d’impôts ciblées. Afin d’aligner ces aides sur la boîte à outils, le CESE suggère d’élargir le champ d’application du Fonds social pour le climat aux petites et moyennes entreprises vulnérables. Cette réaction est compatible avec la mission du Fonds social pour le climat et respecte les règles de l’Union européenne en la matière. |
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1.15. |
Le CESE invite les États membres à soutenir le développement et la fourniture, à un prix abordable, de services de transport et de mobilité à émission nulle et à faibles émissions. Le CESE estime que fournir des services publics de transport des passagers, dans les limites des possibilités réglementaires, constitue l’épine dorsale d’une mobilité durable et abordable. |
2. Synthèse du document de la Commission
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2.1. |
Sur la base de la stratégie du pacte vert pour l’Europe, la Commission a proposé, dans sa communication de septembre 2020 intitulée «Accroître les ambitions de l’Europe en matière de climat pour 2030» (1), de revoir à la hausse les ambitions climatiques de l’Union, et a présenté un plan visant à accroître l’objectif contraignant de réduction des émissions nettes d’au moins 55 % pour 2030. Le 11 décembre 2020, le Conseil européen a approuvé cet objectif, tout en soulignant l’importance que revêtent les considérations d’équité et de solidarité et la volonté de ne laisser personne de côté et, le 25 mai 2021, il a rappelé ces conclusions et a invité la Commission à présenter son ensemble de mesures législatives en lui adjoignant un examen approfondi de son impact environnemental, économique et social au niveau des États membres. |
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2.2. |
Afin de mettre en œuvre la loi européenne sur le climat et les conclusions du Conseil européen, la Commission a proposé, le 14 juillet 2021, le paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55», comprenant un réexamen de certains pans de la législation en matière de climat et d’énergie actuellement en vigueur, ainsi que de nouvelles initiatives. Le train de mesures «Ajustement à l’objectif 55», NextGenerationEU et le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 contribueront à la réalisation de la double transformation, écologique et numérique, qui est visée par l’Europe. |
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2.3. |
Selon la Commission, l’objectif climatique plus ambitieux que l’Union européenne s’est assigné implique aussi une contribution accrue de tous les secteurs. Elle a donc proposé d’inclure les bâtiments et le transport routier dans le système d’échange de quotas d’émission dans le cadre de la révision de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (2) (la «directive SEQE»). Afin d’atténuer les incidences que l’échange de droits d’émission dans les deux nouveaux secteurs du bâtiment et du transport routier pourrait avoir, du point de vue social et distributif, sur les groupes les plus vulnérables financièrement, la Commission a proposé, dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55», le règlement établissant un Fonds social pour le climat. |
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2.4. |
Entre 2025 et 2032, le Fonds social pour le climat entend réduire les répercussions de la nouvelle tarification du carbone et fournir un financement aux États membres pour soutenir leurs mesures visant à atténuer les conséquences sociales de ces échanges de droits d’émission sur les ménages, les microentreprises et les usagers des transports qui sont financièrement vulnérables. |
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2.5. |
Ce soutien devrait prendre principalement la forme d’une aide temporaire au revenu, ainsi que de mesures et d’investissements destinés à réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, à la décarbonation accrue de leur chauffage et de leur refroidissement, y compris au moyen de l’intégration d’énergies produites à partir de sources renouvelables, et à l’amélioration de l’accès à la mobilité à émission nulle et à faibles émissions et aux moyens de transport correspondants. Les États membres doivent fournir eux-mêmes au moins 50 % des ressources financières requises pour les mesures demandées. |
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2.6. |
Les plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC) décrivent comment les États membres entendent aborder les questions de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de quelle manière ils traitent déjà de la précarité énergétique dans le cadre de la législation actuelle. Dans le cadre du rapport sur l’état de l’union de l’énergie, la Commission suit les progrès accomplis et en rend compte. Les États membres devront proposer un ensemble complet de mesures et d’investissements à financer par le Fonds et le soumettre sous la forme de leur «plan social pour le climat», en même temps que la mise à jour de leurs PNEC au titre du règlement sur la gouvernance. |
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2.7. |
Il conviendra que les États membres rendent compte à la Commission des progrès accomplis dans la mise en œuvre des mesures et des investissements prévus par leurs plans sociaux pour le climat, conformément aux rapports d’avancement bisannuels sur la mise en œuvre de leurs PNEC au titre du règlement sur la gouvernance. |
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2.8. |
La mise en œuvre du Fonds par la voie des plans sociaux pour le climat des États membres est également compatible avec les politiques et mesures qui sont soutenues par divers autres instruments de l’Union aux fins de favoriser une transition socialement juste. Il s’agit notamment du plan d’action sur le socle européen des droits sociaux (3), qui vise à garantir une transformation écologique socialement compatible et équitable pour tous les européens, du Fonds social européen plus (FSE+), des plans de transition juste établis au titre du règlement (UE) 2021/1056 du Parlement européen et du Conseil (4), des stratégies de rénovation des bâtiments à long terme des États membres élaborées conformément à la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil (5), et de l’observatoire de la précarité énergétique qui soutient les initiatives des États membres visant à réduire et à surveiller la précarité énergétique et les panoplies de mesures correspondantes, conformément à la recommandation de la Commission sur la précarité énergétique (6). |
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2.9. |
La majeure partie des recettes générées par le nouveau système d’échange de droits d’émission reviendra aux budgets nationaux des États membres et devrait, dans l’esprit de la Commission, être employée à des fins liées au climat, par exemple pour atténuer les conséquences sociales de ce nouveau système. Les États membres sont encouragés à utiliser ces recettes, ainsi que les financements supplémentaires disponibles au titre d’autres programmes de l’Union, pour soutenir des mesures en faveur d’une décarbonation socialement compatible des secteurs concernés. |
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2.10. |
L’enveloppe financière totale du Fonds pour la période 2025-2032 s’élève à 72,2 milliards d’EUR en prix courants. La Commission présentera prochainement une proposition de révision ciblée du règlement relatif au cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 afin d’intégrer une dépense supplémentaire de l’Union d’un montant de 23,7 milliards d’EUR pour la période 2025-2027. Ces fonds devraient faire l’objet d’une mise à disposition anticipée par rapport au calendrier, afin que l’instauration du nouveau SEQE puisse être lancée et accompagnée en douceur. |
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2.11. |
Étant donné le lien direct que le Fonds entretient avec le nouveau SEQE, son enveloppe financière devrait correspondre en principe à 25 % des recettes attendues de l’inclusion des secteurs du bâtiment et du transport routier dans le champ d’application de la directive SEQE. |
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2.12. |
Il y aura lieu de calibrer la répartition annuelle des engagements budgétaires de fonds en fonction des objectifs du Fonds. Il en résultera un profil d’attribution des fonds qui sera précoce, conformément à l’objectif du Fonds d’atténuer les effets que l’extension du champ d’application de la directive SEQE produira sur les ménages, les microentreprises et les usagers des transports qui sont financièrement défavorisés. Afin d’anticiper les conséquences de ladite extension, certaines aides seront déjà disponibles en 2025. |
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2.13. |
La déclaration de Porto du 8 mai 2021 a confirmé l’engagement du Conseil européen à œuvrer en faveur d’une Europe sociale et sa détermination à continuer d’intensifier la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux au niveau de l’Union et à celui des États membres, dans le plein respect de leurs compétences respectives et des principes de subsidiarité et de proportionnalité. |
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2.14. |
La mise en œuvre du Fonds devrait s’effectuer en conformité avec le principe de bonne gestion financière, y compris une action de prévention et des poursuites effectives en matière de fraudes telles que la fraude fiscale, l’évasion fiscale, la corruption et les conflits d’intérêts. |
3. Observations générales
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3.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) soutient les mesures importantes prises pour atteindre les objectifs qui sont poursuivis, d’ici à 2050, au titre du pacte vert pour l’Europe en matière de neutralité climatique et de résilience face au changement du climat. Il reconnaît que la Commission est consciente des enjeux de la crise climatique et de la transition énergétique, qui ne sont pas purement techniques et structurels, mais aussi sociaux, économiques et distributifs. Le CESE se félicite de la proposition de créer un Fonds social pour le climat, comme le propose le règlement à l’examen, afin d’atténuer les incidences économiques et sociales négatives de la nouvelle tarification du carbone et de fournir un financement aux États membres pour soutenir leurs mesures visant à atténuer les conséquences sociales de ces échanges de droits d’émission sur les ménages, les microentreprises et les usagers des transports qui sont financièrement défavorisés. Le CESE reconnaît en outre qu’avec ce règlement, la Commission démontre de manière crédible sa volonté de lutter contre la précarité en matière d’énergie et de mobilité. |
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3.2. |
Il est néanmoins convaincu que le soutien financier que fournira le Fonds social pour le climat ne sera pas suffisant pour faire face de manière responsable aux effets socio-économiques de la tarification du carbone. L’énorme tâche que représente la conception d’un mécanisme de compensation efficace et équitable dans une zone économique hétérogène comprenant 27 États membres appelle des mesures d’accompagnement et des ressources qui soient plus ambitieuses, au niveau européen et national. Le CESE invite les États membres à exploiter les synergies du Fonds social pour le climat avec d’autres ressources financières disponibles et à l’utiliser le plus efficacement possible. Dans le même temps, la mise en place d’un Fonds social pour le climat doit être replacée dans le contexte du paquet «Ajustement à l’objectif 55» pris dans son ensemble. |
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3.3. |
Le CESE fait observer que les mesures climatiques envisagées et leurs incidences pourraient aggraver encore les inégalités existantes. Il invite la Commission, le Conseil et le Parlement à placer le principe d’une transition juste au cœur de leurs mesures d’atténuation du changement climatique. |
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3.4. |
Les mesures et les étapes de la transformation envisagées par le paquet «Ajustement à l’objectif 55» entraîneront des changements considérables et doivent tenir compte de la situation sociale et économique des différents États membres, si l’on veut éviter de compromettre l’acceptation de ces dispositions par la société. Au niveau des États membres, les mesures d’accompagnement de ce paquet législatif doivent être examinées et mises en œuvre dès à présent. Pour parvenir à une transformation écologique juste, il convient de mettre l’accent sur une transition juste pour tous. |
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3.5. |
Entre 2025 et 2032, la dotation totale du Fonds s’élèvera à 72,2 milliards d’EUR, dont 25 % seront constitués par les recettes du SEQE provenant des secteurs du transport et des bâtiments. Il s’agit d’un montant très faible en comparaison des difficultés que pose une telle extension du SEQE. Le CESE estime qu’en tout état de cause, une augmentation des prix du carbone n’a pas pour objectif de générer des recettes supplémentaires, mais d’orienter le comportement du marché vers des technologies à faibles émissions. Il s’agit là d’un argument de poids pour que la Commission et les États membres mettent à disposition des ressources financières supplémentaires. En outre, la date d’échéance du Fonds, à savoir 2032, ne semble pas convaincante. |
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3.6. |
Certaines parties prenantes, dont les partenaires sociaux, représentant les employeurs et les salariés, ont pris une position de scepticisme, voire d’hostilité vis-à-vis de l’extension du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) aux bâtiments et au transport routier, soulignant les conséquences sociales et économiques que l’on peut escompter d’une hausse des prix du chauffage et du carburant en ce qui concerne les ménages, les petites et moyennes entreprises, les microentreprises et les usagers des transports qui se trouvent dans une situation financière plus précaire. Il faut éviter à tout prix le risque de ne pas recueillir l’adhésion de la population en faveur de la politique climatique européenne et de susciter l’éclatement de mouvements de protestation de grande ampleur, tels que celui des «gilets jaunes». À cet égard, la Commission devrait soumettre ses projets à un examen approfondi. |
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3.7. |
Le CESE déplore que la Commission n’ait pas analysé l’incidence que le train de mesures «Ajustement à l’objectif 55» produira sur chaque État membre, ainsi que sur les différents secteurs. Il est d’avis que la création du Fonds social pour le climat aurait mérité de faire l’objet d’une analyse d’impact spécifique. |
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3.8. |
Dans le système actuel, les ménages à faibles revenus sont déjà confrontés à divers problèmes qui nécessitent, outre un soutien à brève échéance, des solutions qui visent le long terme et soient donc durables. De l’avis du CESE, l’Union européenne a besoin d’un financement solide, provenant de son niveau, qui atténuera l’impact socio-économique des mesures en faveur du climat et garantira une transition juste. Par conséquent, il estime qu’un Fonds social pour le climat au niveau de l’Union est aussi absolument nécessaire et ne devrait pas être lié à la mise en place d’un système d’échange de quotas d’émission dans les secteurs des bâtiments et du transport. En particulier, une étude de la Fondation européenne pour le climat (7) relève qu’«un SEQE élargi ne permettrait pas à lui seul de réaliser les réductions substantielles d’émissions qui sont nécessaires dans les transports routiers et les bâtiments». |
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3.9. |
Bien que le CESE soit en principe favorable à la création du Fonds social pour le climat proposé, il fait observer que son financement est tributaire de la mise en place d’un système d’échange de quotas d’émission pour les bâtiments et les transports (article 26). Le logement et la mobilité sont des besoins fondamentaux et relèvent dès lors des services d’intérêt général. Le Comité craint que les coûts d’un système d’échange de droits d’émission pour les bâtiments et les transports ne soient supérieurs aux bénéfices souhaités et n’entraînent des flambées de prix incontrôlées et, partant, susceptibles de menacer l’existence de certains acteurs. De manière générale, le CESE critique donc la connexion établie entre le Fonds social pour le climat et la mise en place d’un système d’échange de quotas d’émission pour les bâtiments et les transports et serait favorable à l’introduction, dans le budget de l’Union européenne, d’une rubrique spécifiquement consacrée à l’impact social de la transition écologique. Il conviendrait plutôt, sur le principe, de tendre à la création d’un Fonds social pour le climat au niveau de l’Union européenne. |
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3.10. |
Le Fonds sera utilisé pour financer, d’une part, des compensations sociales et, d’autre part, des incitations en faveur des véhicules électriques ainsi que des investissements dans les infrastructures de recharge et la décarbonation des bâtiments. Toutefois, il y a lieu de prendre en considération les besoins des ménages à faibles revenus, tandis que les mesures liées à l’électrification de la mobilité devraient relever d’une approche globale et tournée vers l’avenir, de sorte que lesdits ménages aient la possibilité de recourir à la mobilité urbaine électrique ou à de nouveaux modèles économiques tels que les voitures partagées. Le CESE fait observer que la promotion d’une mobilité à émission nulle et à faibles émissions ne devrait pas uniquement mettre l’accent sur l’électromobilité, mais porter aussi, le cas échéant, sur d’autres carburants de substitution et à faible coût, tels que les biocarburants. Le CESE souligne également la nécessité de promouvoir des solutions à faibles émissions lorsque, pour des raisons financières ou techniques, il n’est pas possible de recourir à des solutions à émission nulle. Dans ce contexte, il fait remarquer que la priorité pour les ménages à faibles revenus serait de remplacer leurs vieux véhicules polluants par d’autres, plus économes en carburant, cette démarche nécessitant une révision approfondie de la réglementation du marché européen des voitures d’occasion. Il importe que les États membres tiennent compte de ces aspects d’une transition juste lors de l’élaboration de leurs plans sociaux climatiques et que la Commission fasse de même quand elle les évalue. |
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3.11. |
Pour répartir les ressources du Fonds entre les États membres, la Commission a élaboré une formule qui tient compte de la taille de la population, y compris la proportion de zones rurales, du revenu national brut par habitant, de la proportion de ménages vulnérables et des émissions des ménages résultant de la combustion de combustibles. Le CESE craint que cette façon de procéder ne suffise toujours pas pour que soient prise en compte les inégalités qui existent entre les différents pays comme à l’intérieur de chacun d’entre eux. Un État membre relativement pauvre mais faiblement inégalitaire pourrait, en fin de compte, tirer moins de bénéfice du Fonds qu’un État membre riche présentant des inégalités élevées. |
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3.12. |
Les États membres doivent présenter pour 2024, en même temps que leurs plans nationaux en matière d’énergie et de climat, des plans sociaux pour le climat recensant les groupes vulnérables et les mesures à prendre. Dans ce contexte, l’on peut se demander si un tel dispositif fonctionnera, compte tenu des grandes disparités entre les pays en matière d’engagement et de capacités institutionnelles. Les différences importantes dans la manière dont les États membres abordent la question de la transition juste dans leurs plans nationaux en matière d’énergie et de climat peuvent donner un avant-goût des résultats auxquels il faut s’attendre. Le CESE invite dès lors les États membres à associer les partenaires sociaux, les chambres de commerce, la société civile, les organisations de jeunesse, ainsi que les collectivités locales et régionales, à l’élaboration de leurs plans sociaux pour le climat. |
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3.13. |
Le CESE reconnaît qu’avec le règlement à l’examen, comme dans un certain nombre d’autres documents tels que la recommandation sur la précarité énergétique [C(2020) 9600 final] ou la communication sur «Une vague de rénovations pour l’Europe» publiée l’hiver dernier [COM(2020) 662 final, SWD(2020) 550 final], la Commission met une nouvelle fois clairement l’accent sur la lutte contre la précarité énergétique. Il convient toutefois de fournir des efforts supplémentaires. |
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3.14. |
L’observatoire de la précarité énergétique estime que dans l’Union européenne, ce sont au total plus de 50 millions de ménages qui sont touchés par la précarité énergétique. Sur la base des conclusions de l’observatoire et de l’indice européen de la précarité énergétique récemment mis au point, un plan d’action européen visant à éradiquer la précarité énergétique devrait être élaboré en coopération avec les parties prenantes, dont les organisations de consommateurs et les ONG engagées dans le combat contre la pauvreté, telles que le réseau européen de lutte contre la pauvreté, afin de veiller à ce que l’action publique cible davantage les causes profondes de la précarité énergétique. |
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3.15. |
Par conséquent, des mesures concrètes de lutte contre la précarité énergétique sont nécessaires tant au niveau national qu’à l’échelon européen. Elles doivent notamment consister à donner aux ménages en situation de précarité énergétique un meilleur accès aux subventions pour les rénovations thermiques ou le remplacement des systèmes de chauffage, ou à prévoir des modèles contraignants d’approvisionnement de base et des dispositions générales de protection des consommateurs dans le secteur de l’énergie. |
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3.16. |
Dans ce contexte, le CESE renvoie au vingtième principe du socle européen des droits sociaux, selon lequel «toute personne a le droit d’accéder à des services essentiels de qualité, y compris l’eau, l’assainissement, l’énergie, les transports, les services financiers et les communications numériques. Les personnes dans le besoin doivent bénéficier d’un soutien leur permettant d’accéder à ces services». |
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3.17. |
Le CESE insiste sur la nécessité de garantir une utilisation efficace des ressources du Fonds et d’éviter la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts en rapport avec les mesures soutenues par le Fonds. S’agissant de l’état de droit, il se félicite des dispositions proposées par la Commission concernant un système de contrôle interne efficace et opérant et de son intention affichée de recouvrer les montants indûment versés ou ayant fait l’objet d’une utilisation abusive. |
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3.18. |
Le CESE recommande de faire du Fonds social pour le climat un instrument systémique, qui offre une solution globale, avec les autres outils disponibles, pour compenser les coûts croissants de la transition écologique pour l’Union européenne et les États membres, et, ainsi contribuer de manière substantielle à la réalisation des objectifs de durabilité. |
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3.19. |
Le CESE demande davantage de précisions en ce qui concerne le financement du Fonds. La proposition prévoit que le financement sera basé sur le marché du SEQE de l’Union européenne, qui est fluctuant. Par conséquent, le CESE ne comprend pas pourquoi un montant fixe, de 72,2 milliards d’EUR, est proposé. Le budget du Fonds sera tributaire de prix qui sont volatils. Il apparaît dès lors clairement, entre autres, qu’un financement plus stable est nécessaire. Le CESE propose d’introduire une flexibilité financière partielle dans le Fonds en fonction de l’évolution réelle du prix des quotas, les ressources allouées pouvant être augmentées parallèlement à la hausse du prix. |
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3.20. |
Les prix de gros du gaz naturel et de l’électricité enregistrent une augmentation brutale qui entraîne des charges financières considérables pour les consommateurs. Le CESE a parfaitement conscience que le Fonds social pour le climat apporte une réponse à moyen terme au problème de la compensation des coûts plus élevés que la transition écologique induit pour les entités vulnérables. Toutefois, la situation actuelle en matière d’évolution des prix de l’énergie requiert une solution sur-le-champ. Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission, qui fournit aux États membres une «boîte à outils» pour faire face aux effets immédiats de la hausse que connaissent actuellement les prix de gros du gaz naturel et de l’électricité et pour renforcer la résilience face aux chocs futurs sur les tarifs. Les mesures nationales à court terme comprennent une aide d’urgence au revenu pour les ménages, un soutien aux entreprises et des réductions d’impôts ciblées. Afin d’aligner ces aides sur la boîte à outils, le CESE suggère d’élargir le champ d’application du Fonds social pour le climat aux petites et moyennes entreprises vulnérables. Le CESE approuve les projets de la Commission s’agissant de soutenir les investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, d’examiner les mesures envisageables dans le domaine du stockage de l’énergie et des réserves de gaz et d’évaluer l’organisation actuelle du marché de l’électricité. |
4. Observations particulières
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4.1. |
Le CESE se félicite de l’approche visant à prendre en compte et favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes et l’égalité des chances pour tous, ainsi que l’intégration de ces objectifs et des questions relatives à l’accessibilité pour les personnes handicapées, lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des plans nationaux, afin de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. Après tout, la tarification du carbone qui est prévue touche particulièrement les femmes, puisqu’elles représentent 85 % des parents isolés. Dans les familles monoparentales, le risque de pauvreté des enfants est particulièrement élevé. Dans ce contexte, le CESE réitère sa demande à la Commission européenne de lancer dès que possible une révision de la décision sur les services d’intérêt économique général (SIEG) concernant le groupe cible de l’offre de logement social et de préciser que la politique de logement ne peut se limiter au seul objectif d’aider les personnes proches du seuil de pauvreté, mais doit garantir une habitation décente, abordable et payable dans la durée à tous les citoyens victimes de la crise européenne du logement, en particulier aux sans-abri, aux jeunes couples, aux familles monoparentales ou nombreuses, aux salariés et plus globalement aux classes moyennes (8). |
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4.2. |
La hausse du prix des combustibles fossiles peut toucher de manière disproportionnée les ménages, les microentreprises et les usagers des transports qui sont financièrement défavorisés et consacrent dès lors une grande partie de leurs revenus à l’énergie et aux transports, alors qu’ils ne disposent pas, dans certaines régions, d’autres solutions abordables de mobilité et de transport et, le cas échéant, n’ont pas la capacité financière d’investir pour réduire leur consommation de combustibles fossiles. Par conséquent, le CESE se félicite que la proposition de la Commission mette l’accent sur les besoins des ménages, microentreprises et usagers des transports qui sont en situation de vulnérabilité, en prévoyant notamment de leur octroyer un accès gratuit aux transports publics ou des tarifs adaptés, de promouvoir la mobilité durable à la demande et d’offrir des services communs de mobilité. Les États membres sont en outre invités à soutenir le développement et la fourniture, à un prix abordable, de services de transport et de mobilité à émission nulle et à faibles émissions. Le CESE estime que fournir des services publics de transport des passagers, dans les limites des possibilités réglementaires, constitue l’épine dorsale d’une mobilité durable et abordable. En ce sens, il est nécessaire d’assurer une compensation accrue pour les obligations de service public, répondant mieux aux exigences écologiques et sociales, cet impératif exigeant à son tour que les gouvernements nationaux, les régions et les municipalités fournissent un soutien pécuniaire et des instruments financiers. |
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4.3. |
Dans le paquet «Ajustement à l’objectif 55», la Commission prévoit, entre autres, l’inclusion du transport routier dans le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, laquelle aura pour effet, à moyen terme, d’augmenter les coûts du transport privé motorisé traditionnel, quand la propulsion de ces véhicules est assurée par des combustibles fossiles. La Commission est consciente que cette modification pénalisera certains groupes de la population. Dans ce contexte, elle aborde la question de la précarité en matière de mobilité, souligne la nécessité de compenser cette évolution au moyen du Fonds social pour le climat (9) et formule quelques propositions préliminaires sur la manière dont cette compensation devrait être conçue. Elle ne fournit toutefois ni une estimation du nombre de personnes qui pourraient être ainsi concernées dans l’ensemble de l’Union européenne, ni une définition ou un jeu d’indicateurs qui permettraient de dresser un tableau précis de la précarité en matière de mobilité. |
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4.4. |
Une étude sur la mobilité et le retour à l’emploi dans les zones rurales, menée dans le cadre du projet autrichien Mobility4Job (10), a révélé que seuls 50 % des chômeurs disposaient d’une voiture en permanence, alors que ce pourcentage est de 80 % dans l’ensemble de la population. Comme le projet COSTS, elle montre que les ménages réagissent à une baisse de revenus en faisant notamment des économies sur leur véhicule particulier. Il en résulte que les restrictions en matière de mobilité ne deviennent visibles qu’à un stade ultérieur, par exemple lors de la recherche d’un emploi, quand d’autres possibilités de mobilité font défaut et que la personne est dans l’impossibilité de se rendre dans des lieux de travail potentiels. La part des revenus consacrée aux coûts de mobilité ne constitue donc pas à elle seule un indicateur suffisant pour déterminer si une personne est limitée dans sa mobilité ni, le cas échéant, quelle intensité atteignent ces restrictions. La précarité en matière de mobilité découle de la combinaison de plusieurs variables, dont, en premier lieu, le revenu et l’obligation de posséder une voiture si aucune autre option de mobilité n’est disponible. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) COM(2020) 562 final.
(2) Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275 du 25.10.2003, p. 32).
(3) Approuvé par le Conseil européen des 24 et 25 juin 2021.
(4) Règlement (UE) 2021/1056 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 établissant le Fonds pour une transition juste (JO L 231 du 30.6.2021, p. 1).
(5) Directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments (JO L 153 du 18.6.2010, p. 13).
(6) Recommandation (UE) 2020/1563 de la Commission du 14 octobre 2020 sur la précarité énergétique, C/2020/9600 (JO L 357 du 27.10.2020, p. 35).
(7) Fondation européenne pour le climat, Decarbonising European transport and heating fuels — Is the EU ETS the right tool?, https://europeanclimate.org/wp-content/uploads/2020/06/01-07-2020-decarbonising-european-transport-and-heating-fuels-full-report.pdf
(8) TEN/707 — Un accès universel à un logement décent, durable et abordable dans la durée (JO C 429 du 11.12.2020, p. 93).
(9) COM(2021) 568 final.
(10) Portail des chambres du travail et de la maison d’édition de la confédération autrichienne des syndicats (ÖGB) — Unterwegs zwischen Erwerbs- und Familienarbeit.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/166 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures contre les opérateurs de transport qui facilitent la traite des êtres humains ou le trafic de migrants en lien avec l’entrée irrégulière sur le territoire de l’Union européenne, ou qui se livrent à ces pratiques
[COM(2021) 753 final — 2021/0387 (COD)]
(2022/C 152/27)
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Rapporteur général: |
Cristian PÎRVULESCU |
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Consultation |
Parlement européen, 13.12.2021 Conseil, 16.12.2021 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Décision de l’assemblée plénière |
9.12.2021 |
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Compétence |
Section «Relations extérieures» |
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Adoption en session plénière |
9.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
159/15/09 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le Comité accueille favorablement la proposition et estime que les sanctions éventuelles à l’encontre des transporteurs représentent une mesure justifiée que devraient prendre l’UE et les États membres. |
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1.2. |
Toutefois, il souligne que la crise qui a déclenché la réaction législative — qui se joue à la frontière entre la Biélorussie et l’Union européenne — est plus complexe et a des implications beaucoup plus vastes qui doivent être traitées au-delà des instruments proposés. |
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1.3. |
Le Comité est très préoccupé par la dérive autoritaire du gouvernement biélorusse et condamne tout acte de répression et d’intimidation à l’encontre des citoyens, des médias, des partis politiques, des organisations de la société civile (OSC) et des partenaires sociaux. Il condamne également la manière dont le gouvernement biélorusse a organisé le transfert de personnes à partir de pays tiers vers son propre territoire dans le but de forcer le franchissement des frontières de l’UE. Il s’agit d’un acte inacceptable consistant à exploiter la vie et les aspirations de personnes vulnérables et à mettre en danger leur santé et leur sécurité. |
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1.4. |
Le CESE place au centre de ses préoccupations le respect de la dignité de toutes les personnes et la protection de leurs droits fondamentaux. La première réaction de l’Union devrait être de rétablir la dignité et les droits des personnes concernées. |
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1.5. |
Aussi, le CESE demande qu’il soit immédiatement mis fin aux refoulements du territoire de l’UE vers un pays où la sécurité des personnes est menacée. Toutes les personnes qui franchissent la frontière de l’UE doivent pouvoir introduire une demande d’asile si elles le souhaitent. |
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1.6. |
Le CESE invite instamment le gouvernement biélorusse à veiller à ce que les personnes présentes sur son territoire ne soient pas maltraitées, puissent introduire une demande d’asile et ne soient pas renvoyées dans leur pays d’origine si leur vie et leur sécurité y sont menacées, dans le plein respect du principe de non-refoulement. |
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1.7. |
Les institutions de l’UE doivent engager un dialogue multilatéral avec la Biélorussie, en veillant à ce que le pays respecte les traités internationaux régissant l’asile et la protection des droits de l’homme. |
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1.8. |
Selon l’agence Frontex, entre janvier et octobre 2021, environ 6 571 personnes ont franchi la frontière orientale de l’UE, dont 3 868 de citoyens iraquiens (1). Les citoyens iraquiens bénéficient de l’un des taux les plus élevés de reconnaissance du droit à recevoir une protection internationale (44 % de décisions positives en première instance en 2020, selon le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) (2). La proposition de la Commission devrait donc explorer pleinement la complémentarité avec le nouveau pacte sur la migration et l’asile et considérer les personnes concernées comme des bénéficiaires potentiels d’une protection internationale. |
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1.9. |
Le CESE insiste sur la nécessité de créer des voies sûres pour demander une protection internationale et migrer en toute sécurité en vertu du droit européen, national et international. Le développement d’itinéraires sûrs réduira le besoin de recourir à des passeurs ou des trafiquants et protégera mieux la sécurité et les droits de toutes les personnes concernées. |
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1.10. |
Le CESE exhorte les institutions de l’UE à élaborer un système plus complet de sanctions à l’encontre du gouvernement biélorusse pour son rôle dans cette crise, dont la participation des transporteurs n’est qu’une composante. Les actions menées sur le territoire de la Biélorussie n’auraient pas pu être organisées sans l’approbation des plus hauts niveaux de gouvernement ni sans la participation de diverses forces étatiques, y compris la police des frontières. |
2. Observations générales
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2.1. |
Le CESE se félicite de l’orientation prise par la Commission qui inscrit l’action dans le cadre des règles internationales en vigueur: la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, le protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et le protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée. |
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2.2. |
Il souligne également qu’il existe d’autres réglementations internationales qui sont pertinentes pour cette situation, à savoir la convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967 qui doit être associé à la déclaration universelle des droits de l’homme. Nous devons également garder à l’esprit le contenu de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’UE dispose de l’un des régimes de protection des droits fondamentaux les plus complets au monde, et l’ensemble de ses lois et actions doivent être conformes à la charte des droits fondamentaux. |
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2.3. |
En ce qui concerne la cohérence avec les autres politiques de l’UE, la Commission indique que la proposition complète l’action extérieure de l’Union, y compris sa politique étrangère et de sécurité commune, sans préciser les mesures et les actions de soutien dans ce domaine. Il est également mentionné que des mesures humanitaires adéquates devraient accompagner les dispositions prévues par la proposition, mais elles ne sont pas non plus détaillées. Le CESE suggère de modifier cette partie afin d’y inclure la complémentarité avec le nouveau pacte sur la migration et l’asile et avec la politique européenne de voisinage. La proposition doit être modifiée afin de préciser les mesures humanitaires envisagées. |
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2.4. |
Dans ce contexte, le CESE plaide en faveur d’une solidarité européenne effective avec les États membres de l’UE situés à la frontière et d’un soutien direct à ces derniers pour faire face à la crise actuelle. Dans le même temps, il convient de rappeler que la protection des droits fondamentaux des personnes, y compris des migrants et des éventuels réfugiés, est une responsabilité inscrite dans les traités de l’UE et dans la charte des droits fondamentaux. |
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2.5. |
Toutes les mesures pouvant être prises à l’encontre des opérateurs de transport — empêcher toute nouvelle extension des opérations de transport actuelles ou limiter ces opérations, suspendre les licences ou autorisations accordées en vertu du droit de l’Union, suspendre le droit de survoler l’Union, le droit de transiter par le territoire de l’Union ou de faire escale dans les ports de l’Union, suspendre le droit de se ravitailler en carburant ou de procéder à un entretien au sein de l’Union ou suspendre le droit d’exploiter leurs services à destination, au départ et à l’intérieur de l’Union — devraient être utilisées de manière proportionnée et ciblée, sans perdre de vue l’objectif général de limiter la traite des personnes et le trafic de migrants. |
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2.6. |
La proposition indique que l’objectif général du règlement est de limiter la traite des êtres humains et le trafic de migrants. Selon l’agence Frontex, entre janvier et octobre 2021, 6 571 personnes ont franchi la frontière orientale de l’UE, dont 3 868 sont des citoyens iraqiens. Les citoyens iraqiens bénéficient de l’un des taux les plus élevés de reconnaissance du droit à recevoir une protection internationale. Sur la base de ces chiffres, ces personnes doivent être considérées non seulement comme des migrants réguliers, mais comme de potentiels demandeurs légitimes d’une protection internationale. La proposition devrait donc être mise à jour pour tenir compte de ce fait. La proposition devrait également contenir des mesures très spécifiques pour permettre aux personnes se trouvant en Biélorussie et dans les pays de l’UE de demander une protection internationale. |
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2.7. |
Le CESE craint de plus en plus que le terme «migrant» acquière une connotation discriminatoire et désobligeante. Les migrants sont des êtres humains dont les droits fondamentaux, y compris la dignité, doivent être protégés. La plupart d’entre eux quittent leur pays pour des raisons très graves, notamment parce qu’ils craignent pour leur vie, et, dans ce cas, ils devraient avoir le droit de demander une protection internationale et d’être bien traités tout au long du parcours et de la procédure de demande. |
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2.8. |
La proposition établit de manière appropriée un cadre pour viser les opérateurs de transport, mais ne reconnaît pas la responsabilité des acteurs étatiques et gouvernementaux. Dans le cas de la Biélorussie, le transporteur national est une entreprise directement contrôlée par le gouvernement. Plusieurs organes gouvernementaux et étatiques ont été directement impliqués dans le processus consistant à faire venir des personnes par avion en Biélorussie et à les conduire à la frontière. |
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2.9. |
Les sanctions doivent être étendues et viser directement les acteurs publics et étatiques qui sont responsables de l’organisation des actions visées dans le règlement. En fin de compte, le gouvernement dispose de tous les moyens juridiques et institutionnels pour mettre un terme à ces actions menées par les opérateurs de transport et sa responsabilité est encore plus claire lorsqu’il est directement impliqué. Ainsi, en ciblant uniquement les opérateurs de transport, on ne s’attaque pas aux causes de la crise, mais uniquement à ses instruments. |
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2.10. |
L’UE a été le principal bailleur de fonds en Biélorussie. Depuis 2016, la dotation financière pour la Biélorussie s’élève à environ 30 millions d’euros d’aide annuelle, avec un portefeuille qui représente actuellement près de 135 millions d’euros d’engagements. Le CESE se félicite du lancement d’un bilan approfondi complet des relations entre l’UE et la Biélorussie, qui porte notamment sur la coopération financière, et espère que cet examen permettra d’exercer une pression renouvelée et plus efficace sur la Biélorussie afin qu’elle respecte l’état de droit, la démocratie et les droits de l’homme, et qu’il aura également pour effet de dissuader la Biélorussie de prendre de nouvelles mesures susceptibles de déboucher sur une crise similaire à la frontière de l’UE. |
Bruxelles, le 9 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Carte des migrations de l’agence Frontex, https://frontex.europa.eu/we-know/migratory-map/. Consultée le 1.12.2021.
(2) EASO, Tendances en matière d’asile — bilan pour 2020, https://euaa.europa.eu/sites/default/files/EASO-Asylum-Report-2021.pdf. Consulté le 1.12.2021.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/169 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Une nouvelle stratégie de l’UE pour les forêts pour 2030»
[COM(2021) 572 final]
(2022/C 152/28)
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Rapporteur: |
Simo TIAINEN |
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Consultation |
Commission européenne, 10.8.2021 |
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Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en section |
25.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
227/1/6 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
La Commission européenne avance à très juste titre dans la «nouvelle stratégie de l’UE pour les forêts pour 2030» qu’elle a présentée que les forêts jouent un rôle aux multiples facettes et qu’elles rendent des services considérables sur le plan économique, social et environnemental. La vitalité et la santé des forêts revêtent une importance fondamentale, tant pour des raisons environnementales que climatiques, et pour renforcer le développement économique basé sur les forêts et le bien-être de la population. Si le CESE reconnaît que la stratégie pour les forêts aborde les perspectives économiques et sociales, il estime qu’elle devrait le faire de manière plus complète. Il constate également qu’elle ne répond nullement à la question des modalités du calcul de la valeur des services écosystémiques non commerciaux que produisent les forêts et, partant, leurs propriétaires. La stratégie n’exposant que de rares exemples positifs, le Comité plaide en faveur d’une solution réellement convaincante et durable pour l’avenir. |
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1.2. |
La stratégie pour les forêts devrait faire le lien entre les différents domaines d’action et stratégies qui ont trait aux forêts et à la bioéconomie forestière. Le CESE souligne également l’importance de prendre des décisions au niveau approprié, dans le respect des compétences et du principe de subsidiarité. Comme les forêts diffèrent considérablement d’un État membre à l’autre, il n’existe pas de solutions universelles, et la gestion des forêts ainsi que sa planification peuvent être mieux traitées au niveau national en vue de contribuer à la réalisation d’objectifs communs. Il convient par conséquent de disposer d’un cadre à l’échelle de l’Union pour les problématiques relatives au marché unique et les questions environnementales et climatiques qui ne peuvent être résolues uniquement par des mesures nationales, et qui appellent souvent également une action internationale. |
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1.3. |
Une coopération avancée est indispensable à tous les niveaux de l’élaboration des politiques, et le CESE insiste sur la nécessité d’associer étroitement les représentants de la société civile, notamment les entreprises, les syndicats et les organisations environnementales, à la poursuite de l’élaboration et au suivi de la stratégie, en soulignant le rôle central des propriétaires forestiers, des industries et des travailleurs dans la gestion durable des forêts et la bioéconomie forestière. |
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1.4. |
Le CESE plaide pour que le cadre politique et réglementaire soit empreint de cohérence, de sécurité, de stabilité, de clarté et d’homogénéité. Il est essentiel de ne pas introduire d’initiatives qui recoupent ou contredisent des définitions, principes, critères, indicateurs, lignes directrices et systèmes de durabilité existants et largement adoptés. La protection de la propriété et de la liberté d’entreprise sont également des principes qui doivent être respectés. |
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1.5. |
Il existe toute une série de problèmes dont les incidences sont incertaines, le CESE demande dès lors une analyse d’impact complète de la stratégie afin d’en déterminer les répercussions sur les conditions du marché, les zones rurales et les différents besoins de financement, notamment pour la recherche et l’innovation, le développement des compétences, les infrastructures, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci, ainsi que la restauration de la biodiversité. |
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1.6. |
Le CESE se félicite qu’une attention particulière soit accordée dans la stratégie à l’adaptation au changement climatique, étant donné que le réchauffement climatique transforme l’état des arbres et de tous les organismes et qu’il est associé à des catastrophes forestières, ce qui a des répercussions funestes sur le plan tant écologique qu’économique. Selon le CESE, il est également nécessaire de disposer d’une vision globale du rôle joué par les forêts et la bioéconomie forestière dans l’atténuation du changement climatique, afin de garantir la meilleure combinaison possible en matière de séquestration, de stockage et de substitution pour parvenir à une économie post-combustibles fossiles. Le Comité souligne en outre, comme le fait la Commission dans sa stratégie pour les forêts, l’importance d’une approche intégrée de la gestion des forêts et de la protection de la biodiversité. |
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1.7. |
Le CESE encourage la recherche sur les liens entre le changement climatique, les écosystèmes forestiers et la gestion des forêts, et plaide pour la collecte et le partage systématiques de données fiables sur l’état des forêts. Il met par ailleurs l’accent sur l’importance de l’innovation dans les domaines de la production de biomasse durable et résiliente face au changement climatique, des nouveaux produits forestiers et des pratiques de l’économie circulaire, une innovation qui exploite pleinement les technologies numériques. |
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1.8. |
Les transitions numérique et écologique des activités forestières requièrent des compétences nouvelles, qui doivent être prises en considération en particulier dans la formation professionnelle, ainsi que dans l’organisation du perfectionnement et de la reconversion professionnels. Le CESE fait valoir l’importance de créer des emplois de qualité et d’offrir aux travailleurs des perspectives et des conditions de travail appropriées dans la bioéconomie du bois. Il met en exergue le rôle du dialogue social dans le développement des compétences et de la santé et de la sécurité au travail. Une coopération est également nécessaire pour mieux faire connaître les activités forestières modernes, en particulier chez les jeunes. |
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1.9. |
Il faut disposer d’un environnement favorable pour des investissements productifs tout au long des chaînes de valeur, afin de pouvoir exploiter le potentiel d’innovation et d’emploi de la bioéconomie forestière. Le CESE souligne également la nécessité d’investir dans les infrastructures pour faciliter la logistique et permettre la numérisation des activités forestières. |
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1.10. |
Dans l’objectif de prendre part au développement mondial, le CESE invite l’Union à promouvoir activement des conditions de concurrence équitables pour les entreprises européennes qui opèrent sur les marchés internationaux de la bioéconomie et à renforcer la mise en œuvre à l’échelle mondiale des accords internationaux qui contribuent à la protection et à l’utilisation durable des forêts. |
2. Observations générales: le cadre politique
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2.1. |
La «nouvelle stratégie de l’UE pour les forêts pour 2030» est une mise à jour de la stratégie forestière en vigueur dans l’UE depuis 2013 afin de tenir compte des évolutions récentes et de répondre aux objectifs du pacte vert pour l’Europe, dans le but de réaliser une Union européenne moderne, neutre en carbone, efficace dans l’utilisation des ressources, compétitive et socialement équitable. Le CESE a déjà présenté son point de vue sur le rapport sur l’état d’avancement de la stratégie précédente (1). |
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2.2. |
Les forêts jouent un rôle important dans la mise en œuvre du pacte vert puisqu’elles sont intrinsèquement liées aux différents éléments constitutifs du pacte, à savoir la promotion des industries durables, de l’énergie, des transports, de la construction et des systèmes alimentaires, ainsi que la lutte contre le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution de l’environnement. |
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2.3. |
Les forêts relèvent également d’une problématique mondiale majeure et ont un lien avec de nombreux objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, y compris ceux qui ont trait à la vie sur terre, à l’action pour le climat, à la réduction de la pauvreté, à la santé et au bien-être, à l’industrie et à l’innovation, au travail décent et à la croissance économique. |
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2.4. |
Compte tenu du rôle multiple joué par les forêts et de leur potentiel en matière d’avantages économiques, sociaux et environnementaux, le Comité estime qu’il est important de développer toutes les fonctions des forêts de manière à générer le meilleur bénéfice global possible. |
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2.5. |
Il est fondamental de préserver la vitalité et la santé des forêts, tant pour des raisons environnementales et climatiques que pour améliorer le développement économique basé sur la forêt et le bien-être de la population. Si le CESE reconnaît que la stratégie pour les forêts aborde les perspectives économiques et sociales, il estime qu’elle devrait le faire de manière plus complète. Il constate également qu’elle ne répond nullement à la question des modalités du calcul de la valeur des services écosystémiques non commerciaux que produisent les forêts et, partant, leurs propriétaires. La stratégie n’exposant que de rares exemples positifs, le Comité plaide en faveur d’une solution réellement convaincante et durable pour l’avenir. |
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2.6. |
Le CESE considère que la stratégie pour les forêts devrait faire le lien entre les différents domaines d’action et stratégies qui ont trait aux forêts et à la bioéconomie forestière. Il conviendra à cet effet de mettre en place une vaste coopération intersectorielle, couvrant la recherche, l’innovation, les politiques industrielles, fiscales et de l’emploi, ainsi que les politiques en matière de climat et d’environnement et la dimension de développement rural de la politique agricole. |
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2.7. |
Le CESE souligne également l’importance de prendre des décisions au niveau approprié, dans le respect des compétences et du principe de subsidiarité. En règle générale, les questions liées au marché unique requièrent des mesures fortes au niveau de l’Union européenne. Il convient en outre de disposer d’un cadre à l’échelle de l’Union pour les questions environnementales et climatiques qui ne peuvent être résolues uniquement par des mesures nationales, et qui appellent souvent également une action internationale. |
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2.8. |
En revanche, la gestion forestière et sa planification peuvent être mieux traitées au niveau national en vue de contribuer à la réalisation d’objectifs communs. Le CESE estime dès lors que la participation et le soutien des États membres sont décisifs pour la mise en œuvre de la stratégie. À cet égard, les plans stratégiques nationaux pour les forêts ont un rôle essentiel à jouer, notamment pour ce qui est d’y intégrer des aspects liés au climat et à la biodiversité, ainsi que pour présenter les modalités possibles d’offrir aux propriétaires forestiers une compensation économique pour les services écosystémiques non commerciaux que fournissent les forêts. Comme les caractéristiques des forêts varient considérablement d’un État membre à l’autre, il n’existe pas de solutions universelles. L’importance des forêts dans les économies nationales des États membres varie également, de même qu’il existe des différences notables en matière de propriété forestière, depuis les propriétaires appartenant au secteur public, les grandes entreprises et grands investisseurs privés jusqu’aux petits propriétaires familiaux. |
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2.9. |
Le CESE estime qu’il importe de partager les bonnes pratiques entre les États membres et de développer la coopération entre la Commission et les États membres sur la base de pratiques de travail révisées plutôt qu’avec de nouveaux organes formels. Il insiste également sur la nécessité d’associer étroitement les représentants de la société civile, notamment les entreprises, les syndicats et les organisations environnementales, à la poursuite de l’élaboration et au suivi de la stratégie, et met l’accent sur le rôle central des propriétaires forestiers, des industries et des travailleurs dans la gestion durable des forêts et la bioéconomie forestière. La mise en œuvre de la stratégie requiert d’investir dans le renforcement des capacités des parties prenantes et des autorités compétentes. |
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2.10. |
Compte tenu du rôle clé des propriétaires forestiers et des entreprises privés, il convient de tenir pleinement compte de la protection de la propriété et de la liberté d’entreprise. D’une manière générale, il n’est pas possible de contrôler les gammes de produits, les choix de matières premières ou les pratiques opérationnelles; on peut en revanche fixer des conditions-cadres fondées sur des données scientifiques et neutres sur le plan technologique, selon lesquelles les acteurs de la bioéconomie peuvent innover, investir et exercer leurs activités. Cela s’applique, par exemple, à la mise en œuvre du principe de l’utilisation en cascade qui doit être fondé sur le marché. |
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2.11. |
Le CESE plaide pour que le cadre politique et réglementaire soit empreint de cohérence, de sécurité, de stabilité, de clarté et d’homogénéité, compte tenu des longs cycles d’investissement de nombreuses activités de la bioéconomie. Il est essentiel de ne pas introduire d’initiatives qui recoupent ou contredisent des définitions, principes, critères, indicateurs, lignes directrices et systèmes de durabilité existants et largement adoptés. Toute initiative doit par ailleurs éviter des formalités administratives excessives comme de multiples collectes et communications de données. |
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2.12. |
Selon le CESE, il est primordial que les principes susmentionnés relatifs au niveau de prise de décision, à la propriété, à la stabilité, à la cohérence et à la prévention des chevauchements soient soigneusement pris en compte et pleinement respectés lors de travaux ultérieurs, et en particulier concernant les initiatives sur le système de suivi, les indicateurs et les seuils pour la gestion durable des forêts, un système de certification «plus proche de la nature» et les critères liés aux forêts pour la finance durable. |
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2.13. |
Dans l’ensemble, les incidences de la stratégie ne sont pas claires, et certaines de ses initiatives sont susceptibles d’affaiblir les chaînes de valeur forestières et de mettre des emplois en péril, notamment dans les zones rurales, en ce qu’elles restreignent l’exploitation durable du bois. Par conséquent, le CESE demande instamment que la stratégie fasse l’objet d’une analyse d’impact globale afin d’évaluer ses répercussions économiques, sociales et environnementales cumulées. Cette analyse est en outre nécessaire pour déterminer les différents besoins de financement, notamment pour la recherche et l’innovation, le développement des compétences, les infrastructures, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci, ainsi que la protection et l’amélioration de la biodiversité. |
3. Observations particulières: le rôle des forêts dans le changement climatique et la biodiversité
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3.1. |
Les forêts jouent un rôle considérable dans des processus naturels: elles contrôlent les cycles du carbone, de l’eau et des nutriments, elles interviennent dans la formation des sols et dans la préservation de la biodiversité. Par ailleurs, les forêts elles-mêmes sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique. |
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3.2. |
La superficie totale des forêts et de zones forestières protégées dans l’Union européenne a augmenté au cours des dernières décennies, la production de bois dépasse l’abattage et les forêts constituent un important puits de carbone (2). En revanche, la déforestation se poursuit au niveau mondial, en particulier dans les zones tropicales, et ce phénomène transforme ces forêts-là en source d’émissions et contribue significativement à une dégradation constante de la biodiversité (3). Le CESE insiste donc sur la nécessité de tenir compte également du rôle des forêts à l’échelle de la planète et invite l’UE à promouvoir activement la mise en œuvre mondiale des accords internationaux qui contribuent à la protection et à l’utilisation durable des forêts. |
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3.3. |
Les forêts et la bioéconomie forestière jouent un rôle multiple dans l’atténuation du changement climatique: par la séquestration et le stockage du carbone et par la substitution des matières premières, de l’énergie et des produits fossiles. Par conséquent, il existe des synergies et des compromis entre différentes mesures (4). Le CESE insiste dès lors sur la nécessité d’envisager tous ces mécanismes de manière globale lorsqu’il s’agit de rechercher les solutions les plus durables pour parvenir à une économie post-combustibles fossiles. |
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3.4. |
La séquestration du carbone n’est pas seulement liée à la superficie forestière, il s’agit avant tout de favoriser la croissance des forêts et une photosynthèse vigoureuse. Outre le boisement et le reboisement, la gestion active, l’utilisation et le renouvellement des forêts sont donc essentiels pour exploiter leur potentiel de puits de carbone. |
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3.5. |
Le rôle des forêts dans le stockage du carbone est aussi multiple dans la mesure où le carbone est stocké non seulement dans les arbres et le sol, mais aussi dans des produits à base de bois. Des produits en bois durables tels que des bâtiments et du mobilier de qualité sont les plus efficaces à cet égard. Les produits issus des forêts qui ont une durée de vie plus courte conservent également leur teneur en carbone tant qu’ils sont recyclés. En outre, lorsqu’on utilise des matières premières renouvelables de la filière bois pour remplacer les matières premières fossiles, on évite la libération de carbone provenant du stockage de ces dernières. |
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3.6. |
Le CESE plaide également pour qu’une attention particulière soit accordée à la vulnérabilité des forêts face au changement climatique et à la nécessité de s’y adapter, puisque le réchauffement transforme les conditions des arbres et de tous les organismes et s’accompagne de catastrophes forestières provoquées par l’augmentation des sécheresses, des incendies, des tempêtes et des ravageurs. Par ailleurs, les forêts contribuent à l’adaptation au changement climatique en offrant une protection contre l’érosion, les glissements de terrain et les inondations. |
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3.7. |
Les forêts, y compris les forêts gérées, sont également vitales pour la biodiversité, car elles fournissent les habitats de la plus grande biodiversité terrestre. La biodiversité peut être préservée de différentes manières: par la protection des espèces en danger, la création de zones protégées où l’activité humaine est restreinte voire interdite, la mise en œuvre de pratiques de gestion forestière permettant à la fois le maintien de la biodiversité et l’utilisation socio-économique des forêts. |
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3.8. |
La majorité des forêts étant des forêts gérées, le CESE souligne l’importance d’une approche intégrée de la gestion des forêts et de la protection de la biodiversité, qui permette de combiner les multiples fonctions des forêts. Le Comité reconnaît les mesures volontaires et fondées sur le marché visant à la protection de la biodiversité et à la séquestration du carbone par les propriétaires forestiers et approuve l’exploration et le développement de systèmes de crédit pour de telles mesures. |
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3.9. |
Tant la capacité de séquestration du carbone que la biodiversité des forêts varient considérablement d’un État membre à l’autre. Les différences sont liées en partie à des conditions naturelles diverses et en partie au mode de gestion et d’utilisation des forêts adopté au fil du temps. Les besoins en matière de protection et de restauration des forêts varient donc également au sein de l’Union européenne, et il faut en tenir compte lors de la détermination des forêts qui doivent en faire l’objet. |
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3.10. |
Le CESE encourage la poursuite de la recherche sur les phénomènes physiques, chimiques et biologiques des forêts et sur les liens entre le changement climatique, les écosystèmes forestiers et les activités humaines, afin de garantir que les pratiques de gestion forestière reposent sur des données scientifiques solides. Il est également important de surveiller systématiquement l’état des forêts et de partager les données y afférentes, surtout au moyen d’outils et de systèmes numériques, tout en garantissant une protection adéquate des données et leur fiabilité. |
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3.11. |
Le CESE approuve l’initiative consistant à planter trois milliards d’arbres en tant que projet de démonstration concret, lequel inclut la planification adéquate des sites et des espèces, l’affectation des ressources humaines et financières, la plantation, la gestion et le suivi étroit des évolutions et des résultats. Ce reboisement ne doit pas aboutir à une concurrence avec l’utilisation des sols pour la production alimentaire ni faire oublier la nécessité de maintenir un paysage ouvert dans certains endroits. |
4. Observations particulières: le rôle des forêts sur le plan économique et social
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4.1. |
Les forêts répondent à un large éventail de besoins quotidiens en fournissant des matières premières pour les produits industriels et de consommation, des espaces de loisirs et des aliments sains à usage domestique direct. Elles jouent donc un rôle essentiel dans la bioéconomie forestière à la fois ligneuse et non ligneuse, et elles contribuent à la santé et au bien-être psychologique. |
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4.2. |
La bioéconomie forestière repose sur différentes chaînes de valeur, couvrant les propriétaires forestiers et de nombreux types d’industries et de services, depuis les machines forestières et les entreprises de transport jusqu’aux entreprises de transformation du bois, et depuis les microentreprises, les coopératives et les PME locales jusqu’aux grandes entreprises internationales. Cette bioéconomie fournit, par conséquent, des emplois dans de nombreux domaines et dans divers lieux, ce qui revêt une grande importance pour les zones rurales. |
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4.3. |
Dans l’Union, la plupart du bois rond est utilisé comme matière première industrielle (grumes et bois à pâte), tandis que l’utilisation du bois comme combustible varie considérablement d’un État membre à l’autre (5). La demande mondiale devrait augmenter tant pour les produits traditionnels que pour les nouveaux produits à base de bois, à l’exception du papier d’impression. Le CESE recommande de veiller à ce que les normes n’entravent pas et encouragent au contraire l’utilisation de produits et la construction à base de bois, tout en s’assurant que les consommateurs soient correctement informés, au moyen d’un étiquetage approprié, de l’éventuelle présence de matériaux non ligneux dans ces produits. |
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4.4. |
Selon les bonnes pratiques actuelles, les différentes espèces d’arbres et les différentes parties d’un arbre sont utilisées à des fins et pour des produits qui leur conviennent le mieux, générant ainsi la plus grande valeur ajoutée sans gaspiller les ressources naturelles. L’énergie forestière est souvent produite à partir de dilutions, de résidus d’exploitation forestière ou de flux secondaires du travail du bois. Les usines de pâte à papier sont un bon exemple d’installations qui produisent de l’électricité et de la chaleur comme sous-produits. En outre, les flux secondaires et les résidus sont utilisés comme matières premières dans des processus industriels existants et, de plus en plus, pour de nouveaux bioproduits. |
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4.5. |
Le CESE souligne qu’il importe de développer intensivement des technologies et solutions pour une production de biomasse durable et résiliente face au changement climatique, pour une efficacité de l’énergie et des matériaux, ainsi que pour les pratiques de l’économie circulaire dans l’ensemble des chaînes de valeur forestières. Les technologies numériques, dont l’intelligence artificielle, recèlent un potentiel considérable pour soutenir le développement et l’optimisation de la gestion forestière, des processus industriels, de la logistique et de l’interaction entre les partenaires de la chaîne d’approvisionnement. |
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4.6. |
Les innovations les plus ambitieuses génèrent de nouveaux matériaux et produits, notamment des produits biochimiques, des biocarburants avancés et des fibres textiles, dont certains sont produits en petites quantités mais possèdent une forte valeur ajoutée. Étant donné que le développement de nouveaux produits s’effectue souvent dans le cadre d’une production en cours, les unités de production traditionnelle donnent naissance à de nouveaux écosystèmes commerciaux qui associent une grande variété d’entreprises, en particulier des PME. |
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4.7. |
Le développement des compétences est une condition préalable aux transitions numérique et écologique des activités forestières. Il s’agit également d’un moyen nécessaire pour veiller à ce que personne ne soit laissé de côté. Les nouvelles exigences en matière de compétences doivent être prises en compte dans la formation professionnelle et universitaire, ainsi que dans l’organisation du perfectionnement des compétences et de la reconversion professionnelle. Des services de conseils pratiques sont également nécessaires pour aider les entreprises, en particulier les petites entreprises, à satisfaire aux nouvelles exigences. |
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4.8. |
Le CESE met en exergue le rôle du dialogue social dans le développement des compétences et en matière de santé et de sécurité au travail. Consacrer des ressources du FSE+ à améliorer la qualité de l’emploi et à garantir des conditions de travail appropriées dans la bioéconomie du bois peut permettre de lutter contre la pauvreté et de réduire l’exode rural. Réduire la pauvreté contribue aussi à diminuer l’abattage illégal de bois, en particulier à des fins de chauffage. |
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4.9. |
Les emplois liés aux forêts étant dominés par les hommes et l’âge moyen des personnes occupant ces emplois étant relativement élevé, il importe d’attirer davantage de travailleuses, d’entrepreneures et de jeunes dans ce secteur. À cette fin, il faudra mettre en place une coopération pour développer l’image de la sylviculture et de l’industrie forestière, et pour augmenter la sensibilisation du public aux possibilités offertes par la bioéconomie moderne. Il est par ailleurs besoin d’une communication solide auprès de la société en ce qui concerne les moyens d’améliorer la vitalité et la résilience des forêts, ainsi que sur les conditions préalables pour ce faire. |
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4.10. |
Pour réaliser le potentiel d’innovation et d’emploi de la bioéconomie forestière, il faut un environnement favorable pour des investissements productifs tout au long des chaînes de valeur. Le CESE insiste également sur la nécessité de disposer d’infrastructures adéquates, y compris dans les zones rurales. La bioéconomie forestière requiert des infrastructures de transport qui répondent aux besoins logistiques de la sylviculture ainsi que de la production et de la distribution de bioproduits forestiers. Une autre condition préalable essentielle pour la bioéconomie moderne est de disposer d’une infrastructure numérique adéquate. |
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4.11. |
Le CESE encourage les États membres à utiliser les fonds de l’UE et les financements nationaux, y compris les fonds de développement rural, pour renforcer la bioéconomie forestière. Il y a lieu d’éviter les systèmes de soutien qui entravent ou perturbent les marchés de la bioéconomie, et de prêter tout particulièrement attention aux subventions existantes et aux autres incitations en faveur de la combustion de bois. |
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4.12. |
Les entreprises européennes ont également besoin d’un environnement commercial concurrentiel qui leur permette d’exporter des produits et des solutions durables liés aux forêts vers d’autres pays et de concurrencer avec succès les importations en provenance de pays tiers. Le CESE invite l’Union européenne à favoriser l’application de règles identiques sur les marchés internationaux de la bioéconomie et à recourir à des partenariats paneuropéens et internationaux, ainsi qu’à des accords de commerce extérieur, pour promouvoir l’ambition de l’Union en matière de climat et la durabilité de l’utilisation des forêts en dehors de ses frontières. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Avis du CESE sur le Rapport d’étape de la Commission européenne sur la stratégie de l’Union européenne pour les forêts (JO C 47 du 11.2.2020, p. 87).
(2) https://forest.eea.europa.eu/news/summary-for-policy-makers-state-of-europe2019s-forests-2020
(3) FAO: La situation des forêts du monde 2020.
(4) https://ec.europa.eu/jrc/en/science-update/forest-based-bioeconomy-and-climate-change-mitigation-trade-offs-and-synergies
(5) https://ec.europa.eu/eurostat/documents/3217494/12069644/KS-FK-20-001-EN-N.pdf/a7439b01-671b-80ce-85e4-4d803c44340a?t=1608139005821
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/175 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et le règlement (UE) 2015/757
[COM(2021) 551 final — 2021/0211 (COD)]
et sur la
proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne la quantité de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union jusqu’en 2030
[COM(2021) 571 final — 2021/0202 (COD)]
(2022/C 152/29)
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Rapporteur: |
Stefan BACK |
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Consultation |
Parlement européen, 13.9.2021 Conseil, 20.9.2021 |
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Base juridique |
Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en section |
25.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
219/3/13 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE se félicite de l’ambition d’accélérer et d’accroître la réduction des émissions de CO2 de manière à respecter les objectifs fixés dans la loi européenne sur le climat et le pacte vert pour l’Europe, et soutient pleinement l’objectif global visant à réduire de 55 % les émissions de CO2 d’ici à 2030 et à parvenir à une économie neutre en carbone d’ici à 2050. |
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1.2. |
Le CESE soutient les mesures proposées et estime, pour cette raison, qu’il est extrêmement important que les problèmes inhérents à la transition envisagée soient traités et résolus de manière adéquate. Il s’agit, de l’avis du Comité, d’une condition fondamentale de réussite. |
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1.3. |
Il importe dès lors que les conséquences potentiellement négatives des mesures proposées concernant la compétitivité de l’industrie et des prestataires de services européens, tant dans les secteurs à forte intensité de carbone que d’une manière générale, soient analysées de manière très précise et que des mesures soient prises afin que, dans la mesure du possible, les effets négatifs sur l’économie et les répercussions sociales néfastes tels que le chômage et la précarité énergétique ou en matière de mobilité soient évités. |
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1.4. |
Le CESE note que la quantité des ressources disponibles pour promouvoir le perfectionnement et la reconversion professionnels et pour résoudre les effets sociaux négatifs découlant de la proposition relative au SEQE dépendra de la suite qui sera donnée à plusieurs propositions encore en instance devant les colégislateurs, notamment celle relative à la création d’un Fonds social pour le climat. Cependant, s’il approuve ces propositions en tant que telles, le Comité se demande si les ressources disponibles seront suffisantes, même si les propositions de financement sont approuvées sans modifications importantes. |
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1.5. |
Il convient également de tenir compte de la manière dont les questions climatiques sont traitées à travers le monde et d’éviter les divergences susceptibles de désavantager les entreprises européennes. Le CESE renvoie notamment dans ce contexte à son avis sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). |
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1.6. |
L’accélération du rythme des réductions des émissions de CO2, leur niveau élevé d’ambition et la moindre disponibilité de quotas d’émission de gaz à effet de serre se traduiront par des coûts plus élevés pour tous les secteurs qui relèvent du SEQE. Si certains secteurs seront protégés par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), cela aura toutefois une incidence négative sur la compétitivité sur le marché mondial, à moins qu’un grand nombre d’États ne décident de suivre l’exemple de l’UE, ce qui reste une inconnue. Des mesures de soutien aux exportations pourraient s’avérer nécessaires et le CESE souligne la nécessité de trouver des solutions efficaces qui soient compatibles avec le cadre de l’OMC, ce qui demande une action politique immédiate de la Commission européenne. En outre, tous les accords commerciaux bilatéraux de l’Union européenne doivent être modifiés en conséquence. |
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1.7. |
Le CESE se demande en outre si le niveau plus élevé des coûts qu’entraînent les modifications apportées au SEQE pourrait avoir des effets négatifs sur les perspectives de reprise dans le sillage de la crise de la COVID-19. |
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1.8. |
Le CESE attire l’attention sur le fait que le transport maritime figure parmi les secteurs où il est particulièrement difficile et coûteux de réduire les émissions de CO2 à l’horizon 2030, mais que ce secteur a néanmoins annoncé qu’il allait devenir neutre pour le climat d’ici à 2050. La Commission européenne devrait examiner si l’inclusion du transport maritime, désormais en projet, est susceptible d’entraîner une augmentation générale des prix des allocations de quotas d’émission qui aurait des répercussions sur l’ensemble des secteurs relevant du SEQE. |
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1.9. |
Si le CESE approuve sur le principe la proposition visant à étendre l’applicabilité du SEQE aux navires de pays tiers et aux trajets en provenance et à destination de ports de pays tiers, il attire néanmoins l’attention sur les travaux menés actuellement au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI) en vue de parvenir à une solution mondiale dans le domaine des émissions du transport maritime et il encourage l’Union européenne à œuvrer activement à l’obtention d’une telle solution dans le cadre de l’OMI. |
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1.10. |
Concernant la solution retenue pour l’extension du SEQE aux bâtiments et au transport routier sous la forme d’un système «adjacent» où les distributeurs de carburants sont les acteurs des échanges, le CESE souligne que pour les acteurs responsables des bâtiments, pour les opérateurs de transport ou pour les propriétaires de voitures particulières, le principal effet résidera dans un signal de prix, dans la mesure où les distributeurs de carburants permettent aux coûts des échanges d’influer sur le prix des carburants, ce qui aura un impact considérable sur les ménages/consommateurs et les entreprises. |
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1.11. |
Sachant qu’en l’occurrence, les acteurs soumis au SEQE, à savoir les distributeurs de carburants, ne sont pas réellement ceux des secteurs visés, à savoir le transport routier ou la gestion des bâtiments, ces derniers ne disposent que de possibilités très limitées, voire nulles dans de nombreux cas, d’influer sur leur situation. En l’affaire, la mesure mise en place est un signal de prix, lequel a des effets similaires à ceux, par exemple, d’une hausse des impôts. Par conséquent, la valeur ajoutée que procure habituellement le SEQE fait en l’occurrence largement défaut. |
|
1.12. |
Les effets de l’extension au transport routier pourraient être tout particulièrement violents pour les ménages qui, pour des raisons financières ou autres, ne peuvent pas opter en faveur d’un véhicule mu par l’électricité ou par un carburant de substitution ni d’un transport par véhicule lourd dans les situations, notamment les transports sur grandes distances, pour lesquelles il n’existe jusqu’à présent aucune véritable alternative aux carburants fossiles. |
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1.13. |
En ce qui concerne l’extension au transport routier, le CESE note que cette mesure a été décidée en dépit du scepticisme affiché par le secteur privé, les syndicats et les organisations non gouvernementales. Il semble que peu d’importance ait été accordée à ces points de vue par rapport à ceux de particuliers et des milieux universitaires. La législation étant un processus politique qui engendre des effets sociétaux, le CESE estime qu’une large prise en compte des effets sur la société, y compris l’économie et l’emploi, devrait constituer un élément essentiel de ce processus décisionnel. |
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1.14. |
Le CESE attire l’attention sur le fait que les secteurs européens de la navigation intérieure, des bâtiments et du transport routier resteront soumis au règlement sur la répartition de l’effort (RRE) et que les résultats du SEQE dans ces secteurs seront pris en compte dans le cadre des efforts déployés par les États membres pour satisfaire aux obligations prévues par ce règlement. Le secteur des transports est également affecté par les normes d’émission, le secteur des bâtiments par les dispositions relatives à l’efficacité énergétique, et ces deux secteurs sont en outre concernés par la directive sur les énergies renouvelables. Le CESE souligne par conséquent la nécessité pour la Commission et les États membres de traiter la problématique des interfaces entre ces systèmes de manière harmonieuse et transparente. |
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1.15. |
Le CESE approuve la proposition visant à ajuster les volumes et à améliorer la stabilité et la prévisibilité en ce qui concerne la réserve de stabilité du marché. Dans le même ordre d’idées, il se félicite de la création d’une telle réserve, y compris en ce qui concerne l’échange de quotas d’émission pour les secteurs du transport routier et du bâtiment. |
2. Contexte
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2.1. |
La Commission a présenté les deux propositions suivantes visant à mettre à jour et à élargir le système d’échange de quotas d’émission, à savoir:
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2.2. |
Ces deux propositions s’inscrivent dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55», lequel vise à établir le cadre réglementaire pour réaliser les objectifs prévus par la loi sur le climat de réduire les émissions nettes de CO2 d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, et ce d’une manière juste, efficace sur le plan des coûts et compétitive. |
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2.3. |
Treize propositions législatives, considérées comme liées les unes avec les autres, devraient permettre d’atteindre cet objectif en prévoyant des mesures pour établir des prix, fixer des objectifs, poser des normes et fournir des aides. |
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2.4. |
Les propositions examinées ici sont celles destinées à établir un système renforcé d’échange de quotas d’émission et à étendre ces échanges aux secteurs des transports maritime et routier et du bâtiment. D’autres propositions relatives au SEQE touchant au secteur de l’aviation feront l’objet d’un avis distinct. |
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2.5. |
Les propositions examinées ici s’articulent avec celles visant à réviser la directive sur la taxation de l’énergie (1) et à établir un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (2). Il existe également un lien avec la proposition de règlement instituant un Fonds social pour le climat (3) destiné à atténuer les incidences sociales négatives découlant de la proposition relative au SEQE. |
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2.6. |
L’objectif revu à la hausse en matière de réduction des émissions de 43 % à 61 % d’ici à 2030 se traduit par une augmentation du rythme de réduction annuelle des émissions de 2,2 % à 4,2 %. Cette évolution doit intervenir grâce à une réduction du nombre de quotas disponibles chaque année. Les secteurs dont il prévu qu’ils ressortent à la proposition de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (à savoir le ciment, l’électricité, les engrais, le fer, l’acier et l’aluminium) ne bénéficieront plus d’aucune allocation de quotas à titre gratuit dès lors que ledit mécanisme sera pleinement déployé. Ce sera également le cas des secteurs du bâtiment et du transport routier, pour lesquels l’on n’escompte aucun risque de fuite de carbone. |
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2.7. |
L’extension du système d’échange de quotas d’émission aux secteurs du transport routier et du bâtiment entretient quant à elle également un lien avec la proposition visant à mettre à jour le règlement sur la répartition de l’effort (4). |
3. Observations générales
La proposition relative au SEQE en général
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3.1. |
Le CESE se félicite de l’ambition d’accélérer et d’accroître la réduction des émissions de CO2 de manière à respecter les objectifs fixés dans la loi européenne sur le climat et le pacte vert pour l’Europe. En outre, il soutient pleinement l’objectif global visant à réduire de 55 % les émissions de CO2 d’ici à 2030 et à parvenir à une économie neutre en carbone d’ici à 2050, et souscrit, en tant que tel, au principe du pollueur-payeur. Comme le montre également le récent rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), des mesures urgentes et fortes sont nécessaires pour atténuer le changement climatique. |
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3.2. |
Il importe dès lors que les conséquences potentiellement négatives des mesures proposées concernant la compétitivité de l’industrie et des prestataires de services européens, tant dans les secteurs à forte intensité de carbone que d’une manière générale, soient analysées de manière très précise et que des mesures soient prises afin que, dans la mesure du possible, les effets négatifs sur l’économie et les répercussions sociales néfastes tels que le chômage et la précarité énergétique ou en matière de mobilité soient évités. |
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3.3. |
Il convient également de tenir compte de la manière dont les questions climatiques sont traitées à travers le monde et d’éviter les divergences susceptibles de désavantager les entreprises européennes et/ou de causer des problèmes sociaux tels que la précarité en matière d’énergie ou de mobilité. Le CESE regrette qu’une attention insuffisante semble avoir été accordée à ces problèmes et que les solutions proposées n’apparaissent pas pleinement suffisantes. |
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3.4. |
En ce qui concerne les retombées sociales, il sera manifestement nécessaire de promouvoir la reconversion et le perfectionnement professionnels afin de permettre à la main-d’œuvre de s’adapter et de répondre aux nouvelles exigences en matière de compétences. En outre, les effets sur les ménages, tels que l’augmentation des coûts de l’électricité et de la mobilité, sont susceptibles d’occasionner une précarité en matière d’énergie et de mobilité, ce dernier type étant particulièrement répandu dans les régions éloignées et faiblement peuplées. Il est prévu de traiter ces problèmes au moyen de diverses mesures d’atténuation qui seront financées en grande partie par les recettes du SEQE. Cela vaut également pour les mesures qui incombent aux États membres et celles destinées à financer le Fonds social pour le climat qu’il est proposé de créer. Le CESE note que la quantité des ressources disponibles pour résoudre ces problèmes dépendra de la suite qui sera donnée à plusieurs propositions encore en instance devant les colégislateurs. Il estime que les coûts liés à la résolution de ces problèmes seront considérables et durables, et se demande dès lors également si les ressources disponibles seront suffisantes, même si les propositions de financement sont approuvées sans modifications importantes, compte tenu du nombre de personnes concernées par la transition envisagée et du temps qui sera nécessaire pour la mener à bien. |
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3.5. |
L’accélération du rythme des réductions des émissions de CO2, le niveau élevé d’ambition affiché à cet égard et la moindre disponibilité de quotas d’émission de gaz à effet de serre, tout en ayant des effets bénéfiques sur l’environnement, se traduiront également par des coûts plus élevés pour tous les secteurs qui relèvent du SEQE. Si la disponibilité d’allocations à titre gratuit et, pour certains secteurs, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières permettront d’amortir les effets sur les coûts, ces dispositifs ne s’appliquent pas à l’ensemble des secteurs qui consomment de l’énergie dans leurs divers processus et qui devront affronter sur le marché intérieur la concurrence de pays tiers. En outre, ils n’empêcheront pas les entreprises de l’Union de subir un désavantage concurrentiel sur les marchés extérieurs du fait du niveau supérieur de leurs coûts. |
|
3.6. |
Le CESE attire également l’attention sur le fait que la question n’est pas tranchée de savoir si des produits à émissions nulles s’avéreront suffisamment attrayants pour compenser cet écart de coûts causé par le SEQE ou si des mesures présentant des effets sur les coûts équivalents à ceux du SEQE seront mises en place de manière généralisée sur les marchés mondiaux. Si tel n’était pas le cas, la capacité des entreprises européennes à concourir sur les marchés mondiaux pourrait s’avérer problématique. |
Cette interrogation en soulève une autre, à savoir s’il convient ou non d’exonérer du SEQE les produits ou les services destinés à l’exportation vers des pays tiers ou encore s’il convient d’envisager d’autres mesures de soutien. On peut, semble-t-il, se demander si le soutien à l’innovation, qui apparaît comme la seule mesure de soutien compatible avec le cadre de l’OMC, sera suffisant pour résoudre un éventuel problème de compétitivité.
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3.7. |
Une autre question est celle de savoir si le niveau plus élevé des coûts qu’entraînent les modifications apportées au SEQE pourrait avoir des effets négatifs sur les perspectives de reprise dans le sillage de la crise de la COVID-19. Le CESE se demande s’il a été suffisamment tenu compte de ce risque. |
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3.8. |
Le CESE relève avec satisfaction que la proposition relative au SEQE prévoit d’utiliser les recettes tirées du système selon diverses modalités, que ce soit à titre de ressources propres de la Commission ou conformément aux dispositions relatives à l’utilisation des recettes par les États membres, en vue de favoriser le développement durable, en tenant compte notamment des effets sociaux de la transition vers une société neutre en carbone. |
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3.9. |
Le CESE souligne que les remarques qui précèdent ne doivent pas être comprises comme remettant en question l’urgence d’agir pour atténuer les effets négatifs des émissions sur le climat, mais plutôt comme un avertissement concernant le risque que se matérialisent des effets négatifs, tant sociaux que sur la compétitivité, si des questions telles que celles évoquées ci-dessus ne sont pas abordées et résolues. |
Extension au transport maritime
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3.10. |
Le CESE se félicite que les mêmes règles s’appliquent à tous les navires à destination et au départ des ports de l’Union. Toutefois, le niveau des coûts qu’encourent les propriétaires ou les exploitants de navires de l’Union qui sont soumis d’une manière ou d’une autre au SEQE sera plus élevé que celui de leurs concurrents des pays tiers, qui réduisent aussi dans certains cas leurs coûts grâce au dumping social. L’Union doit accorder une attention particulière aux effets de la baisse de compétitivité du transport maritime européen. |
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3.11. |
Il convient également de tenir compte du fait que le transport maritime figure parmi les secteurs où il est particulièrement difficile et coûteux de réduire les émissions de CO2 et que par conséquent, l’inclusion du transport maritime est susceptible d’entraîner une augmentation générale des prix des allocations de quotas d’émission, ce qui aurait de manière générale des répercussions sur la compétitivité des secteurs relevant du SEQE. |
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3.12. |
Selon la proposition relative au SEQE, le système d’échange de quotas d’émission dans le secteur maritime se limite aux navires d’une jauge brute supérieure à 5 000 tonneaux, conformément au règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil (5) concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de dioxyde de carbone du secteur du transport maritime. Cette limite peut induire des effets pervers, sous la forme d’une augmentation des nouvelles constructions de navires jaugeant moins de 5 000 tonneaux ou encore des reconstructions de navires afin de passer en dessous de ce tonnage. Une solution raisonnable consisterait à abaisser sensiblement ce seuil et à faire en sorte que le SEQE s’applique, par exemple, aux navires dépassant 400 tonneaux de jauge brute. Une autre solution pourrait consister à adapter l’obligation de surveillance en conséquence. |
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3.13. |
Si le CESE approuve sur le principe la proposition visant à étendre l’applicabilité du SEQE aux navires de pays tiers et aux trajets en provenance et à destination de ports de pays tiers, il attire néanmoins l’attention sur les travaux menés actuellement au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI) en vue de parvenir à une solution mondiale dans le domaine des émissions du transport maritime et il encourage l’Union européenne à œuvrer activement à l’obtention d’une telle solution dans le cadre de l’OMI. |
Extension aux bâtiments et au transport routier dans un système «adjacent»
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3.14. |
La solution retenue sous la forme d’un système «adjacent» où les distributeurs de carburants sont les acteurs des échanges signifie que pour les acteurs responsables des bâtiments, pour les opérateurs de transport ou pour les propriétaires de voitures particulières, le principal effet résidera dans un signal de prix, dans la mesure où les distributeurs de carburants permettent aux coûts des échanges d’influer sur le prix des carburants. Si tel était le cas, ces effets pourraient être considérables tant pour les ménages/les consommateurs que pour les entreprises. |
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3.15. |
En ce qui concerne l’extension au transport routier, le CESE note que cette mesure a été décidée en dépit du scepticisme affiché par le secteur privé, les syndicats et les organisations non gouvernementales. Il semble que peu d’importance ait été accordée à ces points de vue par rapport à ceux de particuliers et des milieux universitaires. La législation étant un processus politique qui engendre des effets sociétaux, le CESE estime qu’une large prise en compte des effets sur la société, y compris l’économie et l’emploi, devrait constituer un élément essentiel de ce processus décisionnel. |
|
3.16. |
Ces effets pourraient être tout particulièrement violents pour les ménages qui, pour des raisons financières ou autres, ne peuvent pas opter en faveur d’un véhicule mu par l’électricité ou par un carburant de substitution ni d’un transport par véhicule lourd dans les situations, notamment les transports sur grandes distances, pour lesquelles il n’existe jusqu’à présent aucune véritable alternative aux carburants fossiles. |
|
3.17. |
Du fait de l’augmentation de la demande, il est aussi probable que les prix des carburants de substitution augmenteront, au regard notamment de la législation stricte sur les carburants renouvelables, qui en limite la disponibilité et entraîne des prix plus élevés. |
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3.18. |
Il apparaît qu’une caractéristique essentielle du SEQE, et qui représente une part essentielle de sa valeur ajoutée, semble résider dans le fait que les charges qu’il impose aux acteurs des secteurs concernés incitent ceux-ci à agir pour réduire lesdites charges en modifiant leur comportement ou pour évoluer de diverses manières. Sachant qu’en l’occurrence, les acteurs soumis au SEQE, à savoir les distributeurs de carburants, ne sont pas réellement ceux des secteurs visés, à savoir le transport routier ou la gestion des bâtiments, ces derniers ne disposent que de possibilités très limitées, voire nulles dans de nombreux cas, d’influer sur leur situation. En l’affaire, la mesure mise en place est un signal de prix, lequel a des effets similaires à ceux, par exemple, d’une hausse des impôts. Par conséquent, la valeur ajoutée que procure habituellement le SEQE fait en l’occurrence largement défaut. |
L’interface entre le SEQE dans le transport maritime, les bâtiments et le transport routier et le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil (6) sur la répartition de l’effort (RRE)
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3.19. |
Le CESE note que les secteurs européens de la navigation intérieure, des bâtiments et du transport routier resteront soumis au RRE, et que ces secteurs seront également affectés par d’autres nouvelles réglementations contenues dans le paquet «Ajustement à l’objectif 55», notamment la directive relative à l’efficacité énergétique (7), la directive sur les énergies renouvelables (8) ou la législation sur les émissions des véhicules. Cela semble impliquer que les niveaux d’émission résultant du SEQE dans ces secteurs seront pris en compte dans les efforts déployés par les États membres pour satisfaire aux obligations du RRE, et que les États membres conserveront la capacité réglementaire d’imposer des obligations supplémentaires à ces secteurs afin de contribuer au respect de leurs obligations découlant du RRE, alors que, dans le même temps, les dispositions de ce règlement relatives à la flexibilité et à l’équité s’appliqueront. Le CESE attire dès lors l’attention sur la nécessité pour la Commission et les États membres de traiter la problématique des interfaces entre les différents systèmes de manière harmonieuse et transparente. |
La proposition relative à la réserve de stabilité du marché
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3.20. |
Le CESE prend note de l’ajustement du calcul du nombre total de quotas afin de permettre à la réserve de stabilité du marché de couvrir également les secteurs aérien et maritime, ainsi que de la modification du «taux d’admission» afin d’introduire un élément de flexibilité en créant une réserve de stabilité du marché tampon. |
|
3.21. |
Dans le même ordre d’idées, le CESE se félicite de la création d’une réserve de stabilité du marché en tant que telle, y compris en ce qui concerne l’échange de quotas d’émission pour les secteurs du transport routier et du bâtiment. |
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3.22. |
Le CESE salue les modifications apportées à la décision (UE) 2015/1814 du Parlement européen et du Conseil (9) relative à la réserve de stabilité du marché et l’intention affichée de tenir compte des besoins des transports aérien et maritime ainsi que des bâtiments et du transport routier. Il loue l’objectif d’amélioration de la prévisibilité et de la stabilité en ce qui concerne la disponibilité des quotas d’émission. En outre, le Comité se félicite de la proposition de prolonger le doublement des pourcentages et des quotas afin de permettre de placer un nombre suffisant de quotas dans la réserve de stabilité du marché. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52021PC0563
(2) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52021PC0564&qid=1634050477623
(3) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:52021PC0568
(4) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM%3A2021%3A555%3AFIN
(5) Règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de dioxyde de carbone du secteur du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE (JO L 123 du 19.5.2015, p. 55).
(6) Règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 (JO L 156 du 19.6.2018, p. 26).
(7) COM(2021) 558 final.
(8) COM(2021) 557 final.
(9) Décision (UE) 2015/1814 du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 2015 concernant la création et le fonctionnement d'une réserve de stabilité du marché pour le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'Union et modifiant la directive 2003/87/CE (JO L 264 du 9.10.2015, p. 1).
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/181 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
[COM(2021) 564 final — 2021/0214(COD)]
(2022/C 152/30)
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Rapporteur: |
Andrés BARCELÓ DELGADO |
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Corapporteur: |
John COMER |
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Consultation |
Parlement européen, 13.9.2021 Conseil, 21.9.2021 |
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Base juridique |
Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en section |
25.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
179/3/7 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission de mettre en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) dans le but de sensibiliser l’opinion à l’ambition climatique de l’Union européenne et d’établir des conditions de concurrence équitables au sein du marché unique. |
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1.2. |
Le CESE demande d’étendre cette analyse d’impact aux activités d’exportation des secteurs qui ressortissent au champ d’application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. L’Union européenne doit continuer de déployer son ambition pour le climat, mais elle doit dans le même temps garantir à l’industrie européenne l’égalité des conditions de concurrence sur la scène internationale en lui permettant d’être compétitive sur le marché unique et d’exporter vers les marchés internationaux. |
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1.3. |
Le CESE invite les législateurs de l’Union européenne à réfléchir au traitement à réserver aux exportations pour permettre à l’industrie de l’Union de demeurer compétitive sur les marchés internationaux. Il recommande la réalisation d’une analyse d’impact pour déterminer comment interpréter ou adapter les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de manière à défendre les objectifs et l’efficacité du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, et ce afin de contribuer à la prévention des émissions industrielles de CO2 dans le monde. |
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1.4. |
Il sera nécessaire de développer plus avant de nombreuses questions importantes en s’appuyant sur des actes délégués pour la mise en œuvre. Ensemble, ce problème et le précédent rendent presque impossible de déterminer les conséquences de celle-ci sur chacun des secteurs manufacturiers. Les doutes qui subsistent concernant plusieurs détails essentiels de la proposition de règlement à l’examen en compliquent l’évaluation au stade actuel de la procédure législative. Il convient néanmoins de prévenir les incertitudes dans les conditions-cadres, en particulier pour ce qui est d’évaluer les émissions de CO2 liées aux importations, de manière à ne pas affaiblir les mesures volontaristes prises par anticipation par les entreprises européennes pour préserver le climat. |
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1.5. |
Le CESE demande aux législateurs européens d’affecter directement les recettes du MACF au soutien de la transition industrielle dans les secteurs concernés. Certains secteurs économiques subissant une concurrence déloyale en matière de climat pourraient avoir besoin d’une aide supplémentaire, en reconnaissance de leurs efforts, car ils pourraient perdre en compétitivité par rapport à ceux qui n’internalisent pas leur empreinte climatique et/ou environnementale. |
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1.6. |
Le CESE invite l’Union européenne à aider les pays les moins avancés à renforcer leurs capacités technologiques, afin d’éviter le risque de contournement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. |
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1.7. |
Une vérification rigoureuse des émissions réelles contenues dans les produits importés sera indispensable au déploiement équitable du MACF. Le CESE recommande à la Commission d’adresser des demandes spécifiques aux organismes de vérification agréés. |
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1.8. |
Le CESE relève la nécessité pour l’Europe de posséder une forte implantation industrielle, qui soit pleinement compétitive et responsable sur le plan du climat. |
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1.9. |
En parallèle de la procédure législative, le Comité invite la Commission à réaliser une étude d’impact sur les effets possibles du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières tout au long de la chaîne de valeur, à la suite de sa mise en œuvre. |
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1.10. |
La mise en place du MACF induirait un changement majeur dans le système commercial mondial. L’Union européenne doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir que le MACF n’entraînera pas d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans d’autres parties du monde et, partant, une éventuelle hausse des émissions à l’échelle mondiale. En aucun cas, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ne saurait aboutir à désindustrialiser l’Union. Celle-ci doit concilier son ambition climatique avec la réalité, à savoir que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est une question d’ordre mondial. |
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1.11. |
La dimension politique du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières n’a pas été suffisamment mise en évidence. Les décisions finales le concernant se fonderont dans une large mesure non seulement sur les discussions tenues au sein de l’Union, mais aussi sur les négociations que celle-ci devra mener avec ses partenaires commerciaux afin de s’accorder sur des résultats et d’éviter un conflit commercial. |
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1.12. |
Le CESE s’attend raisonnablement à ce qu’un système opérationnel de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières consolide l’emploi dans les entreprises et secteurs anciennement à forte intensité de carbone et ayant connu une transformation visant à les rendre plus respectueux du climat. Cependant, il adresse aussi une mise en garde contre le risque d’échec du MACF combiné au système d’échange de quotas d’émission. La suppression complète de l’allocation de quotas à titre gratuit, du fait de l’introduction du MACF, pourrait aboutir à d’importantes pertes d’emplois dans l’Union. |
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1.13. |
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières soutiendra tout à la fois l’ambition de l’UE en matière de climat et le renforcement, à l’avenir, de l’empreinte industrielle de l’Europe. Il s’impose de prendre en considération les risques évidents, tels que les difficultés à vérifier les informations fournies sur les émissions de CO2 des pays tiers et les éventuels contournements, lors de la mise en œuvre du MACF ainsi que pendant et après la période de transition. |
2. Synthèse de la proposition de la Commission
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2.1. |
Le 14 juillet 2021, la Commission a publié le paquet «Ajustement à l’objectif 55: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique» (1), qui contient une proposition de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) (2) étroitement liée à la révision de la directive établissant le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) (3) de l’Union européenne. Ledit paquet découle lui-même de la communication sur le pacte vert pour l’Europe (4), qui a été présentée le 15 décembre 2019. |
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2.2. |
Cette proposition prévoit d’appliquer un «SEQE fictif» aux importations de plusieurs produits industriels et d’électricité. Dans un premier temps, les secteurs concernés seront ceux du ciment, de l’acier, des engrais, de l’aluminium et de l’électricité. |
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2.3. |
Pour les matériaux qui appellent une transformation plus intensive en aval, la proposition englobe dès à présent de nombreux produits d’aval. Elle fait toutefois référence aux «produits complexes», ce qui pourrait permettre d’en élargir le champ d’application. |
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2.4. |
La charge administrative liée au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pèse sur la Commission, les États membres et les importateurs sur le marché de l’Union. |
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2.5. |
Le «SEQE fictif» s’inspire de l’actuel SEQE tout en présentant des différences notables, à savoir que les certificats d’émissions ne seront pas négociables et que les importateurs devront les restituer au prix actuel du CO2 dans l’Union, sur la base des émissions intrinsèques des produits destinés à l’importation dans l’Union. |
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2.6. |
La proposition dresse dans son annexe I la liste des secteurs et des produits soumis au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. La Commission élargirait le champ d’application dudit mécanisme à de nouveaux produits si elle décelait un risque grave de contournement de ses dispositions. Toute proposition de la Commission visant à y soumettre de nouveaux secteurs ou produits devra suivre l’ensemble de la procédure législative. |
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2.7. |
Le système proposé ne tient compte que des émissions directes (catégorie 1) et non des émissions indirectes liées aux énergies (électricité ou chauffage) (catégorie 2) ni des émissions indirectes de produits dans le cadre de la chaîne de valeur d’aval, mais il prendrait en compte, grâce à la notion de «biens complexes», les émissions de la chaîne de valeur d’amont (catégorie 3) dans une certaine mesure (sans inclure les transports ni la chaîne de valeur interne des entreprises). La proposition ne donne guère de précisions sur la manière dont ce système fonctionnera; celles-ci seront fournies par la Commission dans des actes d’exécution. |
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2.8. |
Le champ d’application géographique englobe tous les pays tiers extérieurs à l’union douanière, à l’exception de ceux qui participent à l’actuel SEQE de l’UE et des pays qui y sont «couplés». Des mesures spécifiques sont prévues pour tenir compte du prix du carbone facturé dans plusieurs pays tiers. |
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2.9. |
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières diffère du SEQE dans la mesure où le premier s’attachera à des produits [dotés de codes spécifiques de la nomenclature combinée (NC)], tandis que le second s’attache aux installations. |
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2.10. |
L’objectif ultime du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est de remplacer progressivement dans les secteurs qu’il couvre les allocations accordées actuellement à titre gratuit. Après la «période de transition de trois années», les allocations à titre gratuit seront progressivement réduites à partir de 2026 au rythme de 10 % par an pendant dix ans, comme le prévoit actuellement la proposition de la Commission. Le déroulement exact de la suppression progressive des allocations à titre gratuit pour les secteurs concernés ne relève pas de la proposition de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières mais de la révision de la directive établissant le SEQE. |
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2.11. |
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières tiendra compte des allocations à titre gratuit accordées à l’industrie de l’Union, de manière à éviter une double protection. Les actes d’exécution de la Commission établiront la méthodologie qu’il conviendra d’appliquer pour calculer le montant de l’ajustement carbone aux frontières pour chaque produit. |
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2.12. |
Les règles pour déterminer les émissions intrinsèques des produits sont générales mais prévoient une approche spécifique et simplifiée pour les importations d’électricité. |
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2.13. |
La Commission estime qu’une phase de transition de trois années sera nécessaire pour affiner le calcul des émissions intrinsèques et pour déterminer l’identité des vérificateurs accrédités de ces émissions. Il sera nécessaire d’effectuer une révision d’ensemble du système en 2025, avant que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières n’entre dans sa seconde phase. |
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2.14. |
Les recettes tirées du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières seront collectées par les autorités nationales, lesquelles les reverseront, en principe, au budget de l’Union, après en avoir déduit leurs frais administratifs liés à la gestion des procédures. |
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2.15. |
La proposition prévoit une phase de rodage administratif de trois ans (2023-2025) sans incidences économiques. Les importateurs devront s’acquitter de certaines procédures de déclaration mais n’auront pas à vérifier les émissions intrinsèques, ni à obtenir une autorisation préalable ou à payer pour les certificats correspondant aux produits importés. |
3. Observations générales
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3.1. |
La Commission, sous la houlette de sa direction générale de la fiscalité et de l’union douanière (DG TAXUD), a réalisé un remarquable travail de rédaction concernant la proposition à l’examen, en respectant l’impératif de concilier les ambitions accrues de l’Union en matière de climat et la nécessité d’éviter le risque de fuite de carbone. |
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3.2. |
La Commission semble avoir présenté sa proposition sans en préciser certains aspects techniques, dont elle décidera au cours de la première phase (période d’essai). La détermination aussi bien du Conseil que du Parlement européen à lancer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières en 2023 donne lieu à un calendrier serré. |
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3.3. |
Il sera nécessaire de développer plus avant de nombreuses questions importantes en s’appuyant sur des actes délégués pour la mise en œuvre. Ensemble, ce problème et le précédent rendent presque impossible de déterminer les conséquences de celle-ci sur chacun des secteurs manufacturiers. Les doutes qui subsistent concernant plusieurs détails essentiels de la proposition de règlement à l’examen en compliquent l’évaluation au stade actuel de la procédure législative. Il convient néanmoins de prévenir les incertitudes dans les conditions-cadres, en particulier pour ce qui est d’évaluer les émissions de CO2 liées aux importations, de manière à ne pas affaiblir les mesures volontaristes prises par anticipation par les entreprises européennes pour préserver le climat. |
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3.4. |
Pour ce qui est des importations d’électricité, il n’est pas certain que la Commission ait évalué de manière adéquate les répercussions sur les prix de l’électricité au sein du marché européen de l’électricité, ainsi que la manière dont elles généreraient des coûts plus élevés pour les consommateurs et dont, par conséquent, elles accroîtraient le risque de fuite de carbone parmi les secteurs voraces en électricité. Il convient de garder à l’esprit que la consommation d’électricité n’est pas prise en compte dans le calcul des empreintes carbone des produits importés (5). |
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3.5. |
L’industrie européenne est tournée vers l’exportation. Si le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières lui conférait une certaine protection contre les importations mais sapait sa compétitivité sur les marchés internationaux, elle pâtirait d’un déficit de compétitivité considérable et l’Europe ne serait plus en mesure d’attirer des investissements industriels. |
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3.6. |
Le remplacement extrêmement rapide des mesures en place pour lutter contre les fuites de carbone par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourrait provoquer une forte incertitude et ainsi perturber les décisions d’investissement à long terme ayant déjà été prises sur la base des objectifs à l’horizon 2030, récemment révisés. Il serait susceptible également de réduire la capacité de l’industrie à investir dans des technologies à faible intensité de carbone et de venir entraver la concurrence pour ce qui est de l’accès aux marchés tiers. Il conviendrait donc, le cas échéant, de maintenir dans un premier temps la quantité actuelle de quotas alloués à titre gratuit pour permettre aux industries couvertes par le MACF de devenir plus économes en carbone, avant de réduire progressivement leur nombre, dans une mesure jugée appropriée, en vue de faciliter la poursuite de la décarbonation. |
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3.7. |
Il y aurait lieu d’évaluer soigneusement l’incidence sur la compétitivité et les prix tout au long de la chaîne de valeur, afin de limiter les répercussions, en particulier dans les secteurs exportateurs comme celui de l’agroalimentaire, entre autres, lesquels dépendent fortement de produits issus de secteurs déjà couverts par la proposition établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. |
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3.8. |
Le MACF ne saurait réellement atteindre ses objectifs que si l’obligation d’éviter les émissions de CO2 liées aux importations dans l’UE est compensée par les avantages découlant d’une production respectueuse du climat des produits exportés par les producteurs européens. Il serait possible que prévalent sur le marché unique des conditions de concurrence raisonnablement équitables entre les entreprises des pays tiers et celles de l’Union, mais qu’aucune de ces dernières ne puisse être compétitive en dehors de l’Union, car les producteurs européens auront à leur charge l’intégralité des coûts liés au carbone tandis que leurs concurrents des pays tiers n’en paieront qu’une petite partie ou ne paieront rien du tout. |
|
3.9. |
Le système est susceptible d’ouvrir la voie à plusieurs stratégies de contournement axées par exemple sur le transfert des ressources, les modalités de vérification, les déclarations trompeuses d’entreprises de pays tiers qui disposent de plusieurs installations et prétendent que les produits sont fabriqués dans des usines à faible empreinte carbone alors qu’ils le sont dans des usines à empreinte carbone élevée, la redistribution des ressources ou encore la définition des biens. Celles-ci pourraient entraver les progrès dans la réalisation des objectifs plus ambitieux du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières en matière de climat. Il convient d’affiner soigneusement la proposition tout au long de la procédure législative afin de parer à ces comportements pernicieux qui portent un grave préjudice à l’objectif de la législation, à savoir faire porter à chaque bien, quelle qu’en soit l’origine, sa propre empreinte climatique, de manière à privilégier une atténuation efficace du changement climatique à l’échelle mondiale plutôt qu’une réduction des émissions en un lieu donné, obtenue en les exportant ailleurs. |
4. Observations particulières
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4.1. |
Le CESE s’est employé avec zèle à étudier les possibilités, les restrictions et les aspects importants à développer dans le cadre d’un système d’ajustement aux frontières ou d’une autre solution d’ordre fiscal, dans le but de réduire les fuites de carbone en égalisant les coûts et les efforts en matière de climat, que cela concerne des produits fabriqués dans l’Union ou dans des pays tiers. Il a été la première institution de l’UE à faire l’inventaire de ces possibilités à même de compléter les mesures visant à limiter les fuites de carbone. |
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4.2. |
La Commission entend élargir le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de manière à y inclure les «émissions de catégorie 2», c’est-à-dire celles produites par l’électricité ou le chauffage, qui en sont actuellement exclues. Les législateurs de l’Union doivent tenir compte du fait que la compensation des coûts indirects dérivés de l’électricité est loin d’être homogène, dans la mesure où elle repose sur des décisions des États membres. Le scénario le plus pessimiste est celui d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui limiterait la compensation que perçoit l’industrie au titre des coûts indirects, ce qui aboutirait à une compensation moindre que ne le permettent les lignes directrices de l’Union. |
|
4.3. |
La proposition de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières exclut les ferro-alliages (NC 7202), mais il n’apparaît pas clairement si les émissions intrinsèques de ces ferro-alliages seront prises en compte dans les produits concernés [tels que par exemple l’acier inoxydable (NC 7218)], sachant que de nombreux aspects doivent encore être abordés dans un règlement relevant du droit dérivé, lequel couvrira les questions techniques et d’autres enjeux de grande importance. |
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4.4. |
À l’échelon de l’Union, la sécurité juridique est d’une importance capitale et il s’impose d’affiner tout au long de la procédure législative la proposition de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières afin de procurer cette sécurité à tous les opérateurs économiques, qu’ils soient originaires de l’Union ou de pays tiers. |
|
4.5. |
Sur la scène internationale, il conviendrait de promouvoir une industrie performante, dotée d’une «compétitivité équitable en matière de climat et d’environnement», comprenant également des conditions de travail équitables convenues dans le cadre de négociations collectives entre les partenaires sociaux, de manière similaire dans l’Union ou dans les pays tiers. Seul le respect du climat dans des conditions sociales et de travail équitables peut susciter une nouvelle compétitivité, souhaitable sur le plan social, de l’industrie européenne. Un tel accord conclu sur le marché unique de l’UE, mais aussi sur le marché international, permettra de favoriser une concurrence loyale dans le domaine du climat. |
|
4.6. |
La conformité des importations dans l’Union aux exigences du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est attestée par des documents délivrés en dehors de l’Union. Cette situation pose la question de l’extraterritorialité et de la compétence de l’Union pour juger de la validité de tels documents. En outre, le temps requis pour mener à bien cette opération permettrait aux biens importés dotés d’une empreinte carbone supérieure à celle déclarée d’accéder au marché de l’Union, en contrevenant aux règlements proposés et aux dépens de l’industrie européenne. |
|
4.7. |
Il n’apparaît pas clairement comment calculer les émissions intrinsèques des produits transformés qui ne figurent pas à l’annexe 1 mais qui contiennent des matériaux qui y figurent. |
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4.8. |
La déclaration, la vérification, la traçabilité et le suivi sont des aspects essentiels, qui, à l’instar du suivi du SEQE, ne devraient pas être soumis uniquement à une surveillance aléatoire. En cas de contournement ou de non-respect éventuels du MACF, une procédure claire et rapide devrait permettre d’y remédier dans un délai réduit, afin d’éviter aussi bien le contournement que les perturbations dans les échanges ou la chaîne d’approvisionnement. |
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4.9. |
Les processus de vérification et de suivi devraient être totalement transparents et fiables dans l’Union européenne et ses États membres. Les informations devraient être mises à la disposition des organismes compétents habilités à effectuer la surveillance, dans le respect logique de la confidentialité. |
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4.10. |
La Commission européenne devrait apporter son soutien aux États membres de l’UE disposant de faibles capacités administratives aux frontières, car ceux-ci pourraient devenir la cible de pratiques déloyales et servir de porte d’entrée à un contournement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Elle doit également inclure une «formation» au MACF dans ses programmes de soutien aux pays en développement et aux pays voisins, afin de les soutenir pour réussir à préserver le climat et d’éviter le risque de contournement. |
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4.11. |
Les recettes du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières devraient être affectées en tout premier lieu pour soutenir une transition juste de l’industrie européenne vers une économie neutre en carbone, dans les secteurs concernés. L’Union pourrait lancer un fonds pour l’innovation spécialement consacré au développement technologique, afin de promouvoir la transition des industries sans compromettre leur compétitivité en matière de climat. |
5. Observations relatives à l’OMC
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5.1. |
La Commission s’est montrée très prudente en ce qui concerne la compatibilité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). De ce fait, la proposition a mis de côté les exportations. Sachant que la compatibilité avec les règles de l’OMC fait l’objet d’avis contradictoires, il s’imposera d’étudier cette question en profondeur et d’engager des discussions diplomatiques de bonne foi avec les partenaires commerciaux, afin d’éviter une guerre commerciale et de permettre à l’industrie de l’Union d’être concurrentielle sur les marchés internationaux. |
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5.2. |
Il est probable que l’on mobilise l’article XX, points b) et g), de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT, 1994) pour justifier le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières en tant que politique de protection de l’environnement. Nul ne peut être certain de la décision que prendrait sur cette affaire un groupe spécial ou un organe d’appel de l’OMC. |
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5.3. |
Dans les circonstances actuelles, étant donné l’urgence de lutter contre le changement climatique, il est essentiel que l’OMC réformée inscrive la dimension environnementale et climatique à son ordre du jour. L’Union européenne pourrait se saisir de l’occasion offerte par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour lancer ce débat, aux côtés d’autres partenaires commerciaux, au sein de l’OMC. Le CESE en avait déjà fait la proposition dans son avis REX/531 (6). |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) COM(2021) 550 final.
(2) COM(2021) 564 final.
(3) COM(2021) 551 final.
(4) COM(2019) 640 final.
(5) Commission européenne, analyse d’impact sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, annexe 8.
(6) Avis du CESE intitulé Marchés du carbone: émergence, structuration et défis pour l’industrie européenne (REX/531) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 122).
ANNEXE
Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):
AMENDEMENT 1
Paragraphe 3.6
Modifier comme suit:
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Avis de la section |
Amendement |
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Le remplacement extrêmement rapide des mesures en place pour lutter contre les fuites de carbone par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourrait provoquer une forte incertitude et ainsi perturber les décisions d’investissement à long terme ayant déjà été prises sur la base des objectifs à l’horizon 2030, récemment révisés. Il serait susceptible également de réduire la capacité de l’industrie à investir dans des technologies à faible intensité de carbone et de venir entraver la concurrence pour ce qui est de l’accès aux marchés tiers. Il conviendrait donc, le cas échéant, de maintenir dans un premier temps la quantité actuelle de quotas alloués à titre gratuit pour permettre aux industries couvertes par le MACF de devenir plus économes en carbone, avant de réduire progressivement leur nombre, dans une mesure jugée appropriée , en vue de faciliter la poursuite de la décarbonation. |
Le remplacement extrêmement rapide des mesures en place pour lutter contre les fuites de carbone par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourrait provoquer une forte incertitude et ainsi perturber les décisions d’investissement à long terme ayant déjà été prises sur la base des objectifs à l’horizon 2030, récemment révisés. Il serait susceptible également de réduire la capacité de l’industrie à investir dans des technologies à faible intensité de carbone et de venir entraver la concurrence pour ce qui est de l’accès aux marchés tiers. Il conviendrait donc, le cas échéant, de maintenir dans un premier temps la quantité actuelle de quotas alloués à titre gratuit pour permettre aux industries couvertes par le MACF de devenir plus économes en carbone, avant de réduire progressivement leur nombre, jusqu’à ce que le nouveau mécanisme ait fait la preuve de son efficacité , en vue de faciliter la poursuite de la décarbonation. |
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Exposé des motifs |
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Le paragraphe 3.6 portant principalement sur le maintien, dans un premier temps, des quotas alloués à titre gratuit pour permettre aux industries couvertes par le MACF de devenir plus économes en carbone, avant une réduction progressive de ceux-ci, il conviendrait de l’insérer dans la section «Conclusions et recommandations», en y ajoutant la remarque «jusqu’à ce que le nouveau mécanisme ait fait la preuve de son efficacité». Ce faisant, l’on renforcerait la position selon laquelle le MACF devrait être considéré comme un instrument complémentaire à l’allocation à titre gratuit jusqu’à ce qu’il devienne pleinement opérationnel et efficace, sans entraîner de fuites de carbone, garantissant ainsi des conditions de concurrence véritablement équitables pour l’industrie européenne. |
Résultat du vote:
|
Voix pour: |
66 |
|
Voix contre: |
90 |
|
Abstentions: |
24 |
AMENDEMENT 2
Paragraphe 1.12
Modifier comme suit:
|
Avis de la section |
Amendement |
|
Le CESE s’attend raisonnablement à ce qu’un système opérationnel de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières consolide l’emploi dans les entreprises et secteurs anciennement à forte intensité de carbone et ayant connu une transformation visant à les rendre plus respectueux du climat. Cependant, il adresse aussi une mise en garde contre le risque d’échec du MACF combiné au système d’échange de quotas d’émission. La suppression complète de l’allocation de quotas à titre gratuit, du fait de l’introduction du MACF, pourrait aboutir à d’importantes pertes d’emplois dans l’Union. |
Le CESE s’attend raisonnablement à ce qu’un système opérationnel de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières consolide l’emploi dans les entreprises et secteurs anciennement à forte intensité de carbone et ayant connu une transformation visant à les rendre plus respectueux du climat. Cependant, il adresse aussi une mise en garde contre le risque d’échec du MACF combiné au système d’échange de quotas d’émission. La suppression complète de l’allocation de quotas à titre gratuit, du fait de l’introduction du MACF, pourrait aboutir à d’importantes pertes d’emplois dans l’Union. Il conviendrait de maintenir dans un premier temps la quantité actuelle de quotas alloués à titre gratuit pour permettre aux industries couvertes par le MACF de devenir plus économes en carbone, avant de réduire progressivement leur nombre, jusqu’à ce que le nouveau mécanisme ait fait la preuve de son efficacité, en vue de faciliter la poursuite de la décarbonation. |
|
Exposé des motifs |
|
L’objectif est d’insérer dans les conclusions un point très important mentionné au paragraphe 3.6 (voir ci-dessus). Il convient de mettre l’accent sur le fait que la suppression complète des quotas alloués à titre gratuit dans les secteurs couverts par le MACF ne devrait intervenir qu’une fois que le nouveau mécanisme aura fait la preuve de son efficacité. |
Résultat du vote:
|
Voix pour: |
60 |
|
Voix contre: |
94 |
|
Abstentions: |
26 |
|
6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/189 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris
[COM(2021) 555 final — 2021/0200 (COD)]
(2022/C 152/31)
|
Rapporteur: |
Veselin MITOV |
|
Corapporteur: |
Udo HEMMERLING |
|
Consultation |
Parlement européen, 13.9.2021 Conseil, 17.9.2021 |
|
Base juridique |
Article 304 et article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
|
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en section |
25.11.2021 |
|
Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
|
Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
220/4/8 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission visant à modifier le règlement sur la répartition de l’effort (RRE) — le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil (1) relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres — afin d’aligner sa contribution sur la réalisation de l’ambition accrue pour 2030 qui est l’objectif du pacte vert pour l’Europe et que traduit en actions concrètes le reste du train de mesures «Ajustement à l’objectif 55». |
|
1.2. |
Bien que l’ambition accrue de l’Union européenne dans ses objectifs de réduction d’émissions soit honorable en comparaison internationale, même ce regain d’efforts pourrait ne pas suffire à ce que l’UE, une économie riche qui est une grande émettrice historique, apporte une contribution significative au scénario d’un réchauffement n’excédant pas 1,5 oC d’ici la fin du siècle, compte tenu aussi des prévisions alarmantes que contient le sixième rapport d’évaluation récemment publié par le GIEC (2021) (2). Il est dès lors crucial que l’objectif d’une réduction de 55 % des émissions à l’échelle de l’Union d’ici 2030 soit mis en œuvre, et les efforts fournis par les États membres à cet égard revêtent une importance critique. En conséquence, le CESE reconnaît qu’il est essentiel de fixer des objectifs ambitieux et contraignants pour les États membres dans le RRE. |
|
1.3. |
Le haut niveau d’ambition climatique affiché dans l’ensemble du paquet «Ajustement à l’objectif 55» ne saurait donc être remis en question. Dans le même temps, les effets de répartition induits par l’action qu’il est nécessaire d’engager dans ce domaine peuvent s’avérer significatifs (aussi bien entre les États membres qu’en leur sein même), et il convient par conséquent de traiter cet aspect correctement. |
|
1.4. |
Le CESE souscrit ainsi à l’idée qu’il faut prendre en considération les différences qui existent entre les États membres afin de garantir un degré maximal d’équité et d’efficacité au regard des coûts. Si l’on souhaite atteindre une véritable efficacité au regard des coûts d’une manière qui soit équitable, les calculs relatifs à la répartition de l’effort devraient idéalement traiter ces deux aspects en même temps et fixer les objectifs de manière que les coûts relatifs de la réduction des émissions par rapport au PIB soient les mêmes pour chaque pays. Et pour compenser les lacunes dans la répartition de l’effort, le CESE considère que les mécanismes de flexibilité jouent un rôle crucial et qu’il y a donc lieu d’y porter une attention particulière. |
|
1.5. |
Cette prise en compte devrait s’effectuer de manière à conforter les progrès sur la voie d’une neutralité climatique à longue échéance, et donc englober à la fois la réduction des émissions et la séquestration du carbone, de même que les défis que constituent l’adaptation au changement climatique et la sécurité alimentaire. |
|
1.6. |
Dans la perspective de l’établissement d’un nouveau système d’échange de quotas d’émission pour le transport routier et les bâtiments, le CESE souscrit à l’actuelle proposition de la Commission de maintenir ces secteurs dans le champ d’application du RRE, même après la création d’un tel système, et note que les réductions d’émissions résultant des échanges de quotas d’émission dans ces secteurs seront comptabilisées dans les efforts entrepris par les États membres pour satisfaire aux obligations du RRE. Il souligne la nécessité pour la Commission et les États membres de traiter la problématique des interfaces entre les deux systèmes de manière harmonieuse et transparente. |
2. Observations générales
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2.1. |
Dans le contexte du paquet «Ajustement à l’objectif 55», lancé par la Commission européenne le 14 juillet 2021, la proposition à l’examen vise à modifier le règlement sur la répartition de l’effort («RRE») afin d’aligner sa contribution sur la réalisation de l’objectif d’une réduction de 55 % des émissions d’ici 2030 conformément à la loi européenne sur le climat. Les réductions globales devraient augmenter d’environ 11 points de pourcentage par rapport à l’objectif de réduction de 29 % d’ici 2030 que fixait le RRE en 2018. Dans le présent avis, le CESE expose son point de vue sur la proposition de règlement relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030. |
|
2.2. |
La proposition relative au RRE s’inscrit dans la mise en œuvre de l’engagement de l’Union de réduire, d’ici à 2030, ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % par rapport aux niveaux de 1990. L’objectif à l’horizon 2030, tel que proposé par la Commission, exige une réduction de 61 % dans les secteurs relevant du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE) actuellement en vigueur, de 43 % dans le SEQE distinct qui est proposé pour le transport et les bâtiments, et de 40 % dans les autres secteurs (hors SEQE), à chaque fois par rapport aux niveaux de 2005. |
|
2.3. |
Le règlement proposé s’applique au transport routier et aux bâtiments — qui seraient couverts par un système d’échange de quotas d’émission distinct, comme indiqué dans le paquet «Ajustement à l’objectif 55» — ainsi qu’à la navigation intérieure au sein de l’UE et à des secteurs et activités qui ne relèvent pas du SEQE, comme l’agriculture et les déchets. Le CESE soutient la proposition de la Commission consistant à maintenir le RRE pour les secteurs susmentionnés. La valeur ajoutée attendue de cette approche est, d’après l’analyse d’impact réalisée par la Commission, qu’elle garantit que ces secteurs mèneront à bien les réductions requises de leurs émissions et que le système (élargi) d’échange de quotas d’émission doit être envisagé comme un renfort supplémentaire pour concrétiser l’ambition accrue à l’horizon 2030. Il est également indiqué dans l’analyse d’impact que le relèvement des objectifs nationaux au titre du RRE nécessitera de réexaminer les principes d’équité et d’efficacité au regard des coûts. Des instruments complémentaires (marché et réglementation) pourraient donc être nécessaires pour les secteurs dont le marché présente des rigidités (manque d’accès à des solutions à faibles émissions de carbone abordables) affectant directement la population (en particulier les groupes à faibles revenus). Le maintien de ces secteurs à l’intérieur du périmètre d’intervention réglementaire des États membres, agissant dans le cadre du RRE, garantit que les résultats recherchés seront obtenus et pourrait offrir une meilleure protection et plus d’équité. C’est pourquoi le CESE souscrit à l’actuelle proposition de la Commission de maintenir ces secteurs dans le champ d’application du RRE, même après la création d’un nouveau système d’échange de quotas d’émission pour le transport routier et les bâtiments. Il souligne la nécessité pour la Commission et les États membres de traiter la problématique des interfaces entre les deux systèmes de manière harmonieuse et transparente. |
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2.4. |
La Commission propose de conserver les objectifs de réduction des émissions différenciés suivant les pays afin de se conformer aux principes d’équité et d’efficacité au regard des coûts mis en avant par le Conseil européen. Les objectifs révisés de réduction des émissions de gaz à effet de serre applicables à chacun des États membres dans les secteurs couverts par le RRE pour 2030 varient entre 10 % et 50 % par rapport aux niveaux de 2005. Le CESE est très favorable à l’idée que ceux des États membres qui sont les mieux armées économiquement pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre soient tenus de consentir relativement plus d’efforts, tout en sachant qu’il faut aussi prendre en compte le potentiel de réduction efficace au regard des coûts et que, à cet effet, des mécanismes de flexibilité devraient apporter une contribution significative. |
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2.5. |
En ce qui concerne ces mécanismes, il convient également de ménager une certaine flexibilité, entre États membres et dans le temps, que ce soit par l’intermédiaire des mises en réserve ou des prélèvements, en tenant compte des différences dans les possibilités et les capacités des États membres, de l’efficacité des solutions au regard de leur coût et de l’effet des cycles économiques. |
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2.6. |
La Commission propose de prolonger le système de flexibilité qui permet de transférer des allocations de quotas d’émission entre États membres et dans le temps. Elle propose également de nouvelles mesures d’assouplissement permettant au secteur de la répartition de l’effort de procéder à certains arbitrages avec les secteurs du SEQE et de l’UTCATF. |
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2.7. |
Le paquet «Ajustement à l’objectif 55» proposé porte aussi sur la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre, avec notamment des règles comptables pour l’utilisation des terres et la foresterie. |
3. Observations particulières
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3.1. |
Dans sa proposition, c’est à juste titre que la Commission prend en compte les principes d’équité et d’efficacité au regard des coûts. Le CESE souscrit à l’idée qu’il faut prendre en considération les différences qui existent entre les États membres afin de garantir l’équité et l’efficacité au regard des coûts. Il s’agit ainsi de tenir compte des différences dans les caractéristiques spécifiques et la situation de départ des États membres, ainsi que de leur potentiel économique en matière de réduction des émissions. |
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3.2. |
Sur la question des objectifs nationaux de réduction des émissions et des moyens de les atteindre de manière équitable et efficace au regard des coûts, le CESE souligne que l’élimination progressive des subventions publiques allouées à la production et à la consommation d’énergies fossiles devrait être entreprise de manière réfléchie. |
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3.3. |
Le CESE adresse cependant une mise en garde contre l’approche proposée qui considère l’équité et l’efficacité au regard des coûts séparément l’une de l’autre. Pour maximiser l’efficacité des résultats obtenus au niveau de l’Union, d’une manière qui soit réellement efficace au regard des coûts et équitable, les calculs effectués devraient idéalement couvrir chacun de ces deux aspects globalement et dans l’ensemble des États membres. |
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3.4. |
Pour ce qui est de l’utilisation des terres et des forêts, qui fait l’objet d’une proposition distincte mais présente également une certaine pertinence pour d’autres secteurs, la Commission propose que les émissions et les absorptions, calculées selon les règles de comptage, soient équilibrées dans chaque État membre. Avec l’inclusion des puits de carbone dans l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union à l’horizon 2030, les absorptions nettes de ces gaz dans le secteur de l’UTCATF seraient relevées à 310 millions de tonnes. Si le CESE estime que la hausse du niveau d’ambition est nécessaire, il fait valoir que les absorptions de carbone ne devraient pas être perçues comme un mécanisme servant à compenser les réductions d’émissions dans d’autres secteurs. |
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3.5. |
Le CESE est d’avis qu’il convient de mettre en place un système efficace et transparent pour surveiller les effets de ces dispositifs d’assouplissement. Le cadre de surveillance actuel, qui fonctionne par l’intermédiaire du registre établi par le règlement délégué (UE) 2019/1124 de la Commission (3), devrait dès lors être amélioré pour faire en sorte que les données relatives aux transactions, y compris l’utilisation des flexibilités, soient pleinement accessibles au public (4). |
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3.6. |
En ce qui concerne les objectifs nationaux de réduction des émissions, le CESE encourage la Commission à examiner quelles caractéristiques des États membres, autres que le seul PIB par habitant, devraient être prises en compte lors de la définition desdits objectifs (par exemple, l’intensité de carbone ou la vulnérabilité des régions), au regard également du soutien apporté par l’entremise de la facilité de l’UE pour la reprise et la résilience. |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 (JO L 156 du 19.6.2018, p. 26).
(2) GIEC (2021): Résumé à l’intention des décideurs. In: Changements climatiques 2021: Les éléments scientifiques. Contribution du groupe de travail I au sixième rapport d’évaluation du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, et B. Zhou (éd.)]. Cambridge University Press.
(3) Règlement délégué (UE) 2019/1124 de la Commission du 13 mars 2019 modifiant le règlement délégué (UE) 2019/1122 en ce qui concerne le fonctionnement du registre de l'Union au regard du règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil (JO L 177 du 2.7.2019, p. 66).
(4) Les données relatives aux transactions, y compris l’utilisation des flexibilités, sont actuellement accessibles au public (Registre de l’Union). En outre, la Commission rend compte chaque année du respect de l’ensemble de la législation de l’UE en matière de climat dans le cadre du Rapport d’étape sur l’action climatique de l’UE.
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/192 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/841 en ce qui concerne le champ d’application, la simplification des règles de conformité, la fixation des objectifs des États membres pour 2030 et l’engagement dans la réalisation collective de la neutralité climatique d’ici à 2035 dans le secteur de l’utilisation des terres, de la foresterie et de l’agriculture, et le règlement (UE) 2018/1999 en ce qui concerne l’amélioration de la surveillance, des rapports, du suivi des progrès et de la révision
[COM(2021) 554 final]
(2022/C 152/32)
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Rapporteur: |
Anastasis YIAPANIS |
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Consultation |
Parlement européen, 13.9.2021 Conseil, 17.9.2021 |
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Base juridique |
Article 304 et article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en section |
25.11.2021 |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
145/1/3 |
1. Conclusions et recommandations
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1.1. |
Le CESE est très engagé dans la lutte contre le changement climatique et souscrit avec détermination à la nécessité d’adopter des mesures efficaces et immédiates. Des efforts concertés sont nécessaires de la part des entités tant publiques que privées pour garantir la participation active, le soutien et l’adhésion des citoyens et des acteurs locaux, et pour générer des financements supplémentaires qui permettront de soutenir la transition vers une économie à faible intensité de carbone. |
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1.2. |
L’Europe a été frappée par des incendies de forêt et des inondations sans précédent, qui ont coïncidé avec des sécheresses et des vagues de chaleur record. Une gestion intelligente et durable de l’eau peut considérablement améliorer la capacité de l’Union européenne à atténuer et à combattre les incendies, et renforcer la résilience face aux fortes précipitations, aux inondations et aux sécheresses. |
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1.3. |
Le changement climatique et la perte de biodiversité sont étroitement liés et doivent être traités conjointement. Il convient de lutter contre la perte d’habitats, la pollution, la surexploitation et la propagation des espèces envahissantes afin d’assurer la préservation des écosystèmes naturels et le respect du rôle social et économique vital des secteurs d’exploitation des terres. |
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1.4. |
Les États membres devraient concevoir des cadres législatifs qui incitent les agriculteurs et les gestionnaires de forêts à adopter de nouveaux modèles économiques durables qui favorisent la biodiversité, soient conformes aux règles de l’économie circulaire et génèrent des pratiques durables dans la production de biomasse. Le CESE plaide en faveur de programmes nationaux de restauration des zones humides de grande qualité et estime que les émissions des zones humides devraient être prises en compte dès que possible, et pas seulement à partir de 2026. |
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1.5. |
Étant donné que l’atténuation du changement climatique est un défi planétaire, le CESE estime que les efforts de l’Union européenne doivent être complétés par des discussions ciblées et efficaces avec les pays tiers quant à leur participation immédiate, à un partage équitable des charges et à une concurrence loyale. |
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1.6. |
Le CESE plaide pour que des pratiques agricoles durables telles que la rotation des cultures, la valorisation des déchets organiques, l’agriculture de précision, la permaculture, etc., fassent l’objet d’un intense effort de promotion et de soutien. Les terres doivent être gérées avec prudence dans tous les États membres, en garantissant un juste équilibre entre compétitivité et durabilité et en offrant les possibilités de financement nécessaires. Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de proposer un cadre réglementaire pour les absorptions de carbone dans le secteur agricole. |
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1.7. |
La bioénergie, qu’elle soit à base de bois ou d’un autre type, a un rôle très important à jouer, et l’on devrait y avoir recours lorsque la biomasse est produite de manière durable. Toutefois, l’importation de biomasse comporte des risques spécifiques, qui ne sont pas couverts par le cadre législatif de l’Union européenne. La politique commerciale de l’Union devrait contribuer à empêcher les importations de biomasse entraînant une déforestation dans les pays d’origine. |
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1.8. |
Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de procéder à une évaluation complète des données des inventaires nationaux en 2025, étant donné que l’analyse des données repose principalement sur les inventaires forestiers nationaux, qui ne sont pas corrélés et sont parfois incomplets ou inexacts. |
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1.9. |
Des programmes de mise à niveau et de reconversion professionnelle destinés à la fois aux entrepreneurs et aux travailleurs sont nécessaires pour garantir l’accès aux technologies les plus récentes et aux compétences numériques qui renforcent la durabilité. Les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernées ont un rôle important à jouer et doivent être associés aux phases de planification et de mise en œuvre du paquet «Ajustement à l’objectif 55». |
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1.10. |
Il est par ailleurs nécessaire de soutenir les projets de R&D en faveur de l’agriculture durable et de la production de biomasse ligneuse. Le CESE plaide en faveur d’un cadre législatif de soutien sur mesure pour les PME et invite les États membres à envisager de créer des incitations fiscales pour faciliter la transition. |
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1.11. |
Enfin, le CESE craint que la dimension sociale de la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe ne soit pas pleinement prise en compte. Une attention particulière doit être accordée aux régions, aux industries, aux travailleurs et aux citoyens qui seront confrontés aux plus grands défis. |
2. Contexte et introduction
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2.1. |
Le plan cible en matière de climat à l’horizon 2030 (1) adopté en septembre 2020 fixe de nouveaux objectifs plus ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % en-deçà des niveaux de 1990 d’ici à 2030, par rapport à l’accord précédent qui prévoyait une réduction nette d’au moins 40 %. Le paquet «Ajustement à l’objectif 55» (2), publié en juillet 2021, présente 13 propositions législatives visant à réviser la législation actuelle sur le climat, y compris le règlement UTCATF (3) de 2018, et à assurer une transition écologique qui soit équitable, compétitive et efficace d’ici à 2030 et au-delà. |
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2.2. |
Les terres fournissent aux sociétés des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, mais aussi des matières premières pour la bioéconomie (fibres et bois pour le papier, textiles, matériaux de construction et biocarburants). Elles offrent aussi des habitats riches en biodiversité et possèdent une importante capacité de séquestration du carbone présent dans l’atmosphère. Dans le même temps, les activités agricoles et sylvicoles génèrent des émissions de gaz à effet de serre. Le champ d’application du règlement UTCATF a été étendu des seules forêts à toutes les utilisations des sols (y compris le secteur agricole à partir de 2031). Le règlement établit désormais des engagements contraignants pour tous les États membres s’agissant du respect de la règle du «bilan neutre ou positif», résultats qu’il y a lieu d’atteindre en lançant dans le secteur des actions législatives visant à garantir que les émissions comptabilisées résultant de l’utilisation des sols soient entièrement compensées par une élimination comptabilisée équivalente du CO2 de l’atmosphère. Le règlement propose également un nouveau processus de gouvernance de l’Union européenne visant à rendre plus précise la surveillance des calculs des émissions et des absorptions des États membres. |
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2.3. |
Fondamentalement, les États membres doivent veiller à ce que les émissions des secteurs UTCATF ne dépassent pas les absorptions pour la période 2021-2025, atteindre des absorptions totales nettes d’au moins 310 millions de tonnes de CO2 d’ici à 2030, parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2035 pour tous les secteurs fonciers et enregistrer des chiffres négatifs par la suite. |
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2.4. |
Toutefois, les États membres seront tenus de présenter des plans d’atténuation intégrés pour tous les secteurs fonciers, et sont encouragés à utiliser des technologies numériques avancées à des fins de surveillance, y compris des observations par télédétection, qui sont disponibles dans le cadre du programme Copernicus (imagerie satellite haute résolution couvrant l’ensemble du territoire européen), et des données recueillies dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). En outre, la proposition de règlement offre la possibilité d’un processus de transaction entre les États membres, en les incitant à chercher à accroître les absorptions de CO2 au-delà même des objectifs qu’ils sont tenus d’atteindre. |
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2.5. |
Le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) peut contribuer à l’atténuation du changement climatique en maintenant et en renforçant les puits et les stocks de carbone. La Commission propose des politiques visant à aider les gestionnaires forestiers à garantir des produits du bois aux avantages climatiques plus nombreux et à inciter les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles durables et intelligentes sur le plan climatique. |
3. Observations générales
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3.1. |
La société civile européenne est très engagée dans la lutte contre le changement climatique et souscrit avec détermination à la nécessité d’adopter des mesures efficaces et immédiates. Le CESE estime qu’un effort concerté de la part des entités publiques et privées est nécessaire pour sensibiliser à la nécessité absolue d’agir dès à présent, garantir la participation active et l’adhésion des citoyens et des acteurs locaux, et générer des financements supplémentaires pour soutenir la transition vers une économie à faible intensité de carbone. L’Union européenne ne peut plus perdre du temps dans de longues discussions. |
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3.2. |
Le secteur UTCATF a réduit d’un cinquième ses absorptions nettes de CO2 (4), principalement en raison d’une récolte accrue du bois et d’un manque d’incitations. En outre, l’Europe a été frappée par des incendies de forêt et des inondations sans précédent, qui ont coïncidé avec des sécheresses et des vagues de chaleur record. Les forêts ont également été particulièrement vulnérables aux attaques d’insectes, les zones humides souffrant d’une dégradation continue. Si des augmentations significatives des puits terrestres peuvent être réalisées à un coût relativement faible, les actions doivent être intensifiées pour toutes les utilisations des terres, y compris s’agissant de l’amélioration de la gestion des forêts et des terres cultivées et du boisement. |
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3.3. |
Le CESE souligne qu’il existe différentes manières d’accroître la séquestration du carbone, notamment la gestion des sols, la régénération des forêts et la restauration des écosystèmes naturels. Le changement climatique et la perte de biodiversité sont étroitement liés et doivent être traités conjointement. Il convient de lutter contre la perte d’habitats, la pollution, la surexploitation et la propagation des espèces envahissantes afin d’assurer la préservation des écosystèmes naturels et le respect du rôle social et économique vital des secteurs d’exploitation des terres. |
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3.4. |
Les États membres devraient élaborer des stratégies nationales pour préserver et réhumidifier les tourbières de grande qualité, étant donné qu’elles représentent un levier important afin de protéger et d’accroître les stocks de carbone dans les sols organiques et d’assurer la restauration de la biodiversité. Par conséquent, le CESE suggère que l’un des objectifs les plus importants soit la restauration des tourbières de grande qualité (au moyen de la paludiculture (5)) et des zones humides, et estime que les émissions des zones humides devraient être prises en compte dès que possible et pas seulement à partir de 2026, comme le propose la Commission européenne. |
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3.5. |
Des études indiquent que les grands feux de forêt contribuent aux émissions nettes de carbone depuis des décennies et entravent la repousse de la végétation. La gestion de l’eau, en particulier la rétention de l’eau dans le sol et le stockage de l’eau dans les réservoirs, peut considérablement améliorer la capacité à atténuer et à combattre les incendies. Dans le même temps, elle renforce la résilience face aux fortes précipitations, aux inondations et aux sécheresses. Le CESE recommande donc à la Commission d’encourager et de soutenir les États membres dans l’amélioration des politiques de gestion de l’eau afin d’accroître la productivité agricole et la capacité de séquestration du carbone. |
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3.6. |
Les agriculteurs et les gestionnaires forestiers doivent être encouragés à mettre en place de nouveaux modèles économiques durables qui favorisent la biodiversité et appliquent les règles de l’économie circulaire. Le CESE a déjà plaidé en faveur d’un cadre législatif approfondi et équitable grâce auquel «les propriétaires fonciers et les exploitants pourront appliquer des mesures efficaces ressortissant à l’UTCATF de manière économiquement rentable et sans qu’ils aient à en assumer totalement la charge» (6). Il appartient à présent à chaque État membre de concevoir ces cadres incitatifs importants en fonction de leur situation spécifique. Le CESE a déjà encouragé les États membres à «mettre en place, au niveau national, des politiques ascendantes ambitieuses pour le secteur UTCATF, en faisant participer étroitement la société civile à ce processus aux niveaux national, régional et local» (7). |
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3.7. |
Les discussions doivent se poursuivre sur la manière dont les forêts devraient être gérées et sur les parties d’arbres pouvant être utilisées à des fins énergétiques. Si la proposition de la Commission européenne relative à la révision de la directive sur les énergies renouvelables (8) interdit l’extraction de biomasse des forêts primaires et introduit des restrictions à la combustion de certains types de bois, elle ne reconnaît pas les bonnes pratiques actuelles consistant à employer les différents types d’arbres et les différentes parties d’arbres aux usages auxquels ils sont les mieux adaptés, générant ainsi une valeur ajoutée globale optimale sans gaspillage de ressources naturelles. Le CESE plaide en faveur de cadres législatifs nationaux dans tous les États membres qui soutiennent et encouragent le recours à des pratiques durables dans la production de biomasse. |
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3.8. |
En outre, la promotion des compétences, des connaissances et du soutien au niveau des agriculteurs et des gestionnaires forestiers peut contribuer à renforcer la mise en œuvre des nouvelles pratiques durables et des technologies de pointe (agriculture de précision, agriculture à circulation raisonnée, élimination appropriée des déchets, diminution ou prévention de l’utilisation de pesticides chimiques, maintien de la diversité génétique sur les sols, etc.). Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de proposer un cadre réglementaire pour les absorptions de carbone dans le secteur agricole. |
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3.9. |
Une action coordonnée au niveau mondial est nécessaire pour faire en sorte que le changement climatique soit traité rapidement et efficacement. Comme l’indique le rapport du GIEC de 2021 (9), il existe des preuves scientifiques que les récentes et fréquentes catastrophes en Europe sont clairement liées à un climat plus chaud et à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. En outre, il précise que l’influence humaine a réchauffé le climat à un rythme sans précédent depuis au moins deux mille ans. Le CESE estime par conséquent que les efforts de l’Union européenne doivent être complétés par des actions ciblées et efficaces au niveau international afin de garantir une participation à l’échelle mondiale, un partage équitable des charges et une concurrence loyale. |
4. Observations particulières
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4.1. |
Le paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55» représente une étape excellente et ambitieuse et prouve une fois de plus que l’Union européenne est le fer de lance de la lutte contre le changement climatique. Il s’agit également d’un thème de discussion tout indiqué dans la perspective de la 26e conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui se tiendra à Glasgow, au cours de laquelle l’Union européenne devrait tenter de convaincre le reste du monde qu’il est urgent de mener des actions similaires. Le CESE souligne qu’une réponse coordonnée au niveau mondial est la seule manière efficace de lutter contre le changement climatique et que la voie à suivre consiste à collaborer avec nos partenaires du G7, du G20 et d’autres instances internationales. |
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4.2. |
Depuis de nombreuses années, la perte de terres agricoles due à la dégradation des sols, à l’urbanisation et à l’abandon est un problème complexe dans tous les États membres. L’aménagement du territoire a un rôle essentiel à jouer dans le développement durable de l’Union européenne, et le CESE demande qu’une attention particulière soit portée à l’utilisation efficace des ressources naturelles, d’autant plus que les terres se raréfient à mesure que les populations augmentent. Le CESE a déjà proposé un cadre cohérent au niveau de l’Union européenne qui protégerait les terres agricoles (10). |
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4.3. |
Afin d’accroître la productivité et le stockage du carbone dans le secteur agricole, le CESE plaide pour que des pratiques agricoles durables telles que la rotation des cultures, la valorisation des déchets organiques, l’agriculture de précision, etc., fassent l’objet d’un intense effort de promotion et de soutien. Les agriculteurs devraient également bénéficier des possibilités de financement nécessaires et d’informations actualisées sur les meilleures pratiques agricoles et les possibilités d’amélioration de la qualité des sols. Enfin, les terres doivent être gérées avec prudence dans tous les États membres, en garantissant un juste équilibre entre compétitivité et durabilité. |
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4.4. |
En mars 2021, la Commission européenne a publié un plan d’action pour la production biologique (11) visant à aider les États membres à atteindre l’objectif d’une exploitation biologique de 25 % des terres agricoles d’ici à 2030. Le CESE souligne l’importance du développement de l’agriculture biologique, qui constituerait un énorme pas en avant pour le secteur agricole sur le plan de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la préservation de la biodiversité. Le CESE attire également l’attention sur d’autres pistes qui permettraient de réduire le risque d’artificialisation des terres, notamment l’agroécologie, l’agroforesterie, la permaculture, la culture sans labour, etc. |
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4.5. |
Les chiffres montrent que la combustion de biomasse a doublé depuis 2000 et que la moitié du bois récolté est brûlé à des fins énergétiques (12). Le CESE estime que cette pression négative sur les forêts a entraîné le déclin récent de la séquestration du carbone et que si la bioénergie, qu’elle soit à base de bois ou d’un autre type, a un rôle très important à jouer, on ne devrait y avoir recours que lorsque la biomasse est produite de manière durable. En outre, le CESE a déjà fait valoir que pour «éviter de fragiliser l’intégrité environnementale, il convient de ne pas compenser les émissions fossiles d’autres secteurs d’une manière qui réduirait la disponibilité du bois pour la bioéconomie» (13). |
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4.6. |
Le CESE souligne que l’importation de biomasse comporte des risques spécifiques qui ne sont pas couverts par le règlement de l’Union européenne. Par conséquent, de vastes accords internationaux sont nécessaires pour garantir des conditions de concurrence équitables dans le marché unique, tandis que la politique commerciale de l’Union européenne devrait contribuer à empêcher les importations de biomasse entraînant une déforestation dans les pays d’origine. |
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4.7. |
Les États membres sont autorisés à exclure de la comptabilisation les émissions causées par des événements naturels extrêmes tels que les tempêtes, les incendies ou les attaques d’insectes. Il est urgent d’améliorer la surveillance des perturbations naturelles dans les forêts afin de garantir une application correcte et efficace de la disposition relative aux perturbations naturelles, qui est exigeante sur le plan technique mais extrêmement importante. Les obligations de déclaration incombant à chaque État membre doivent respecter un protocole normalisé qui garantisse une collecte et une interprétation efficaces des données ainsi qu’une mise en œuvre et une planification efficaces des politiques. |
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4.8. |
L’analyse des données se fonde principalement sur les inventaires forestiers nationaux de chaque État membre, qui sont non corrélés et parfois incomplets ou inexacts. En outre, ces inventaires ne sont pas réalisés fréquemment dans tous les États membres. Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de procéder à une évaluation complète des données des inventaires nationaux en 2025, dans le but de fixer des objectifs précis pour la période 2026-2030. |
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4.9. |
Il est nécessaire de soutenir la R&D pour une production plus durable de biomasse ligneuse. Le CESE a déjà observé qu’«[u]ne recherche et une innovation intensives, mais aussi des primes pour les puits de carbone mis en place, sont nécessaires pour soutenir ces secteurs» (14). Le CESE estime également que chaque État membre devrait mettre au point un système d’incitations fiscales qui faciliterait la transition et il recommande d’utiliser pleinement les fonds disponibles au titre de la PAC. |
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4.10. |
Des programmes de mise à niveau et de reconversion professionnelle des entrepreneurs et des travailleurs sont également nécessaires pour garantir l’accès aux technologies les plus récentes et aux compétences numériques qui renforcent la durabilité. Le pacte vert pour l’Europe ne peut réussir que s’il s’accompagne de programmes d’éducation et de formation susceptibles de renforcer les compétences des travailleurs européens, tout en garantissant la compétitivité et l’équité sociale. Par conséquent, le CESE demande que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernées soient pleinement associés aux phases de planification et de mise en œuvre du paquet de mesures. |
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4.11. |
Le CESE estime que les PME ont besoin d’un cadre législatif de soutien sur mesure qui les aiderait à innover, à se développer et à croître de manière durable. Bien qu’il existe plusieurs canaux de financement de l’adaptation, le CESE plaide à nouveau «en faveur d’une plus grande clarté des différentes options, ainsi que de procédures simples d’utilisation pour garantir que les acteurs au niveau pratique aient un accès aux financements en temps utile» (15). |
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4.12. |
Enfin, le CESE craint que la dimension sociale de la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe (grâce au paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55») ne soit pas prise en compte et que les citoyens soient les plus touchés, car ils devront changer de voiture, payer plus cher pour chauffer leur logement, payer plus pour les vols les moins chers quand ils partent en vacances, etc. Le CESE exprime dès lors sa vive inquiétude face à l’augmentation des factures que les ménages devront payer après la mise en œuvre dudit paquet. Le CESE est également fermement convaincu qu’au cours de cette transition, il convient d’accorder une attention particulière aux régions, aux industries et aux travailleurs qui seront confrontés aux plus grands défis et que la transition doit être «opérée en adoptant une approche concurrentielle, équitable et multilatérale et que des instruments adéquats doivent être créés qui garantissent une pleine participation et acceptation de la société civile, y compris de l’ensemble des citoyens, des entreprises et des organisations» (16). |
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Accroître les ambitions de l’Europe en matière de climat pour 2030 — Investir dans un avenir climatiquement neutre, dans l’intérêt de nos concitoyens.
(2) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Ajustement à l’objectif 55»: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique — COM/2021/550 final.
(3) Règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 et la décision (UE) no 529/2013 (JO L 156 du 19.6.2018, p. 1).
(4) SWD(2021) 610 final.
(5) Culture en conditions humides.
(6) Avis du CESE sur l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et la foresterie (UTCATF) (JO C 351 du 15.11.2012, p. 85).
(7) Avis du CESE sur la répartition de l’effort concernant le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 et les émissions et absorptions dues à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF) (JO C 75 du 10.3.2017, p. 103).
(8) Commission européenne — Révision de la directive sur les énergies renouvelables.
(9) Sixième rapport d’évaluation (AR6) du GIEC: «Changement climatique 2021: les éléments scientifiques» (en anglais).
(10) Avis du CESE sur «L’utilisation des sols pour la production alimentaire durable et les services écosystémiques» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 72).
(11) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions concernant un plan d’action en faveur du développement de la production biologique [COM(2021) 141 final].
(12) Forests sacrificed for EU climate policy.
(13) Avis du CESE sur la répartition de l’effort concernant le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 et les émissions et absorptions dues à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF).
(14) Avis du CESE sur le thème Bâtir une Europe résiliente — La nouvelle stratégie de l’Union européenne pour l’adaptation au changement climatique (JO C 374 du 16.9.2021, p. 84).
(15) Avis du CESE sur le thème Bâtir une Europe résiliente — La nouvelle stratégie de l’Union européenne pour l’adaptation au changement climatique.
(16) Avis du CESE sur «Une planète propre pour tous — Une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat» (JO C 282 du 20.8.2019, p. 51).
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6.4.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 152/197 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les annexes IV et V du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil concernant les polluants organiques persistants
[COM(2021) 656 final — 2021/0340 (COD)]
(2022/C 152/33)
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Consultation |
Parlement européen, 10.11.2021 Conseil, 12.11.2021 |
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Base juridique |
Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
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Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
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Adoption en session plénière |
8.12.2021 |
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Session plénière no |
565 |
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Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
230/0/3 |
Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 565e session plénière des 8 et 9 décembre 2021 (séance du 8 décembre 2021), a décidé, par 230 voix pour et 3 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.
Bruxelles, le 8 décembre 2021.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG