ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 105

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Édition de langue française

Communications et informations

65e année
4 mars 2022


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

564e session plénière du Comité économique et social européen — INTERACTIO, 20.10.2021-21.10.2021

2022/C 105/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Concilier des objectifs durables et sociaux ambitieux et un environnement propice aux TPE-PME (avis d’initiative)

1

2022/C 105/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La publicité au service d’une consommation moderne et responsable (avis d’initiative)

6

2022/C 105/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Repenser le cadre budgétaire de l’Union européenne pour une reprise durable et une transition juste (avis d’initiative)

11

2022/C 105/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L’industrie du verre européenne à la croisée des chemins: comment la rendre plus écologique et économe en énergie tout en renforçant sa compétitivité et en préservant des emplois de qualité (avis d’initiative)

18

2022/C 105/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La stratégie de l’UE en matière de mobilité et les chaînes de valeur industrielles de l’UE: approche des écosystèmes dans le secteur automobile (avis d’initiative)

26

2022/C 105/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L’incidence sociétale et écologique de l’écosystème de la 5G (avis d’initiative)

34

2022/C 105/07

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Une approche nouvelle génération pour le commerce et le développement durable — Réexamen du plan d’action en 15 points (avis d’initiative)

40

2022/C 105/08

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Vers une stratégie globale en matière de développement rural et urbain durable (avis d’initiative)

49

2022/C 105/09

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Autonomie stratégique, sécurité alimentaire et durabilité (avis d’initiative)

56


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

564e session plénière du Comité économique et social européen — INTERACTIO, 20.10.2021-21.10.2021

2022/C 105/10

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020: construire un marché unique plus solide pour soutenir la reprise en Europe [COM(2021) 350 final]

63

2022/C 105/11

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L’approche mondiale de la recherche et de l’innovation — La stratégie de coopération internationale de l’Europe dans un monde en mutation [COM(2021) 252 final]

77

2022/C 105/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 910/2014 en ce qui concerne l’établissement d’un cadre européen relatif à une identité numérique [COM(2021) 281 final — 2021/0136 (COD)]

81

2022/C 105/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur [COM(2021) 223 final — 2021/0114 (COD)]

87

2022/C 105/14

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux crédits aux consommateurs [COM(2021) 347 final — 2021/0171 (COD)]

92

2022/C 105/15

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la sécurité générale des produits, modifiant le règlement (UE) no 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/357/CEE du Conseil et la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil [COM(2021) 346 final — 2021/0170 (COD)]

99

2022/C 105/16

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun lors de l’importation d’un certain nombre de produits industriels aux Îles Canaries [COM(2021) 392 final — 2021/0209 (CNS)]

105

2022/C 105/17

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Stratégie pour un espace Schengen pleinement opérationnel et résilient [COM(2021) 277 final] et sur la proposition de règlement du Conseil relatif à la création et au fonctionnement d’un mécanisme d’évaluation et de contrôle destiné à vérifier l’application de l’acquis de Schengen et abrogeant le règlement (UE) no 1053/2013 [COM(2021) 278 final — 2021/0140 (CNS)]

108

2022/C 105/18

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 — Sécurité et santé au travail dans un monde du travail en mutation [COM(2021) 323 final]

114

2022/C 105/19

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil sur l’apprentissage mixte pour une éducation primaire et secondaire inclusive et de haute qualité [COM(2021) 455 final]

128

2022/C 105/20

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable [COM(2021) 561 final — 2021/0205 (COD)]

134

2022/C 105/21

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la notification de la compensation dans le cadre d’un mécanisme de marché mondial pour les exploitants d’aéronefs établis dans l’Union [COM(2021) 567 final — 2021/0204 (COD)]

140

2022/C 105/22

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Cap sur une planète en bonne santé pour tous — Plan d’action de l’UE: Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols [COM(2021) 400 final]

143

2022/C 105/23

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des procédures uniformes en matière de contrôle des transports de marchandises dangereuses par route [COM(2021) 483 final — 2021/0275 (COD)]

148

2022/C 105/24

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1286/2014 en vue de proroger le régime transitoire appliqué aux sociétés de gestion, aux sociétés d’investissement et aux personnes qui fournissent des conseils sur les parts d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et d’OPCVM non coordonnés ou qui vendent ces parts [COM(2021) 397 final — 2021/0215 (COD)]

149

2022/C 105/25

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/65/CE en ce qui concerne l’utilisation de documents d’informations clés par les sociétés de gestion d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) [COM(2021) 399 final — 2021/0219 (COD)]

150

2022/C 105/26

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des mesures de conservation et de gestion pour la conservation du thon rouge du Sud [COM(2021) 424 final — 2021/0242 (COD)]

151

2022/C 105/27

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable [COM(2020) 575 final] (supplément d’avis)

152

2022/C 105/28

Avis du Comité économique et social européen sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro [COM(2020) 746 final] (supplément d’avis)

158


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

564e session plénière du Comité économique et social européen — INTERACTIO, 20.10.2021-21.10.2021

4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Concilier des objectifs durables et sociaux ambitieux et un environnement propice aux TPE-PME»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/01)

Rapporteur:

Bruno CHOIX

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

30.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

227/0/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

99,8 % des entreprises européennes sont des TPE-PME, employant 82,4 millions de personnes. Elles sont des actrices incontournables de la reprise économique et de l’atteinte des objectifs sociaux et environnementaux de l’Union européenne. Leur essence — taille humaine et proximité — facilite leur appropriation naturelle de ces enjeux, pour lesquels elles obtiennent de bons résultats même en période de crise.

1.2.

Pour cela, les TPE-PME ont besoin d’un environnement réglementaire adapté à leurs spécificités. Le Comité économique et social européen (CESE) demande l’application réelle du «Small Business Act», du principe «Penser aux petits d’abord» et de la stratégie en faveur des PME. Les charges administratives, notamment de transparence et reporting, doivent être strictement limitées car chaque contrainte entraîne un coût.

1.3.

Le CESE soutient la démarche du «Mieux légiférer» et recommande une implication systématique des partenaires sociaux, des branches professionnelles et des organismes consulaires à tous les stades législatifs (élaboration des consultations publiques, analyse d’impact, amendements). Il demande à la Commission de prendre dûment en compte les résultats des analyses d’impact. Le principe «un ajout, un retrait» («One in, one out») doit être appliqué rapidement, effectivement et de manière équilibrée pour parvenir à une législation environnementale et sociale ambitieuse. Enfin, le CESE suggère de renforcer la coordination des «SME Envoys», tant aux niveaux nationaux qu’européen.

1.4.

Le CESE demande aux institutions européennes d’étudier systématiquement des alternatives aux obligations de transparence et de reporting quand elles amènent des charges trop lourdes.

1.5.

Les initiatives nationales et régionales de dialogue social dans les TPE, l’artisanat et les professions libérales facilitent l’appropriation des questions sociales, le dialogue entre chefs d’entreprise et salariés ainsi que la prévention des conflits, et devraient être encouragées.

1.6.

Le CESE constate que le potentiel des branches et associations professionnelles et des organismes consulaires pour la diffusion de l’innovation sociale, environnementale et de gouvernance et l’accompagnement des TPE-PME doit être mieux exploité. Il recommande à la Commission et aux États membres de s’appuyer sur leur expertise et leur réseau plutôt que créer de nouvelles dispositions lourdes et contraignantes.

1.7.

Le CESE souhaite garantir l’accès à la formation tout au long de la vie pour les chefs d’entreprise, dès leur installation ou la reprise d’une entreprise, pour leur permettre de s’approprier les compétences nécessaires à la bonne gestion entrepreneuriale, à l’intégration du dialogue social et à la transition écologique et numérique.

2.   Contexte et observations générales

2.1.

Les TPE-PME sont au cœur de l’économie européenne et sont, grâce à leur présence sur tout le territoire, un élément essentiel de soutien aux communautés locales confrontées à des fragilités économiques et impulsent la résilience à tout le système.

2.2.

La reprise est le seul moyen d’éviter la dépopulation: elle permet la préservation du taux d’emploi et la répartition des richesses, d’autant plus qu’elle se fonde en Europe sur des objectifs de durabilité.

2.3.

Les TPE-PME sont mobilisées vers une économie verte et numérique. L’économie circulaire, le développement durable et le dialogue social sont dans l’ADN des TPE, des entreprises de l’artisanat et des professions libérales. Le CESE appelle les institutions européennes à faire confiance à leur capacité d’évolution et à soutenir leur rôle moteur dans la double transition, (programmes ciblés de financement, d’aide technique et d’ingénierie et des politiques adaptées), et non à freiner leur élan.

2.4.

Le CESE constate que beaucoup d’entreprises et de pouvoirs publics innovent afin d’aider les TPE-PME à intégrer l’économie circulaire dans leur modèle économique (élimination des déchets et invendus, promotion de la réparation, du réemploi du recyclage), conformément aux objectifs de l’Union européenne.

2.5.

En dépit du «Small Business Act» en 2008, les treize dernières années ont montré que les législateurs, au lieu d’adopter des textes respectueux des capacités administratives et financières des TPE-PME, optent le plus souvent pour des règles visant toutes les entreprises et les adaptent ensuite aux plus petites, créant de nouvelles charges à leur égard et portant atteinte à leur compétitivité et à leur capacité d’innovation et de création d’emplois. La prise en compte des résultats du test PME est perfectible. La multiplication des mesures de transparence et de publication d’informations pourrait être dommageable. Ainsi le RGPD (1) a introduit des procédures peu claires qui obligent les TPE-PME à se référer à des guides ou recourir à des experts externes, ce qui entraîne des frais. Le règlement «Machines» prévoit des obligations similaires, en demandant des procédures d’évaluation via une certification par des entités externes. La directive «Blanchiment de capitaux (2)» introduit une obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs pour toutes les entreprises, payante dans plusieurs États membres.

2.6.

Le rapport 2020 du comité d’examen de la réglementation montre que l’impact des propositions de législation sur les PME est insuffisamment évalué.

2.7.

Le CESE s’est félicité de la stratégie PME, publiée par la Commission en 2020. Il soutient la résolution (3) du Parlement selon laquelle les bonnes conditions administratives, réglementaires et techniques doivent être mises en place pour aider les TPE-PME à améliorer leurs performances, notamment environnementales, et qu’un excès de charges administratives et réglementaires freine leur essor.

2.8.

Le CESE a accueilli favorablement la communication «Mieux légiférer» qui souligne qu’une meilleure réglementation est la clef pour un développement durable. Elle ne peut pas se fonder sur la seule croissance économique mais nécessite un équilibre entre les approches économiques, durables et sociales.

2.9.

Malgré cela, plusieurs propositions législatives et débats laissent entrevoir de nouvelles obligations de reporting pour les TPE-PME (communication durable des entreprises (4), transparence des rémunérations (5), devoir de vigilance). Ces obligations peuvent toucher les TPE-PME directement ou indirectement, du fait des demandes de grandes entreprises de la chaîne de valeur, et constituer un coût, sachant qu’elles ne disposent pas des ressources humaines et financières pour y répondre, ce qui menace leur activité, leur modèle économique, et donc leur survie, surtout en période de crise.

2.10.

Pourtant, les TPE-PME parviennent à des résultats encourageants, voire meilleurs que les moyennes nationales, et ce sans contrainte. Le CESE demande à ce que la législation soit conçue pour les 21 millions de TPE-PME européennes, et non pour les 0,2 % de plus grande taille en cherchant ensuite à en appliquer les principes aux autres, pour répondre aux besoins non seulement des chefs d’entreprise, mais aussi de leurs nombreux salariés. Par ailleurs, le CESE souhaite que des alternatives au reporting soient systématiquement proposées.

3.   Coûts et bénéfices des mesures de reporting

3.1.

L’estimation des coûts et des charges administratives par la Commission manque souvent de transparence et pénalise les TPE-PME. À cela s’ajoutent les effets indirects liés aux obligations de la chaîne de valeur, que la Commission peine à chiffrer. Comme indiqué dans la communication «Mieux légiférer», les amendements déposés par le Parlement et le Conseil font rarement l’objet d’études d’impact et de tests PME. Enfin, la transposition de mesures en droit national est parfois assortie de coûts supplémentaires.

3.2.

Pour se conformer à ces obligations croissantes, les chefs d’entreprise ne peuvent que répondre eux-mêmes, sur le temps destiné à leur métier, ou faire appel à une expertise externe. Les deux méthodes affectent l’activité de l’entreprise et entraînent des coûts supplémentaires. Ceux-ci sont proportionnellement plus élevés dans les TPE que dans les grandes entreprises. Par ailleurs, le CESE alerte sur la multiplication des mesures de reporting qui, si elles peuvent sembler minimes prises séparément, ont un impact considérable une fois cumulées.

3.3.

Pourtant, dans des domaines où il n’y a pas d’obligation de reporting, de bons résultats sont constatés: de nombreuses TPE-PME, encouragées par leur fédération professionnelle ou les organismes consulaires, investissent dans l’économie circulaire car elles y voient un intérêt pour leur développement et leur notoriété (6); la taille humaine des TPE-PME facilite les échanges entre employeur et salariés, ce qui rend les écarts de rémunérations entre femmes et hommes souvent plus faibles qu’au niveau national (7), etc. Les pays ayant mis en place des seuils pour les PME pour certaines législations sociales font état d’un faible nombre de recours, ce qui montre que ces dernières peuvent être exemplaires sans se voir imposer de lourdes mesures. Conformément aux avis du CESE (8), la définition de la PME devrait être abordée.

3.4.

Les TPE-PME, dont les entreprises de l’économie sociale sont des acteurs à part entière de l’économie circulaire, car elles proposent des services de proximité qui renforcent le lien social, créent des emplois non délocalisables et des richesses dans des zones où l’industrie et certains services publics sont absents et offrant des opportunités commerciales et d’emploi à des groupes sociaux vulnérables. Plus de la moitié des alternants sont formés dans des TPE-PME, permettant de contribuer activement à l’emploi des jeunes. Leur modèle économique et leur taille humaine privilégie une mise en œuvre de l’intelligence artificielle où l’humain demeure au contrôle, et met l’accent sur la qualité de vie au travail et la gouvernance participative.

3.5.

L’ajout de mesures de reporting est souvent vu comme une charge injuste, qui impacte négativement leur activité, les menace de se voir refuser l’accès aux marchés publics ou à des financements sans pour autant apporter des avancées significatives à des politiques qu’elles ont souvent initiées d’elles-mêmes. Cette accumulation alimente le ressentiment à l’égard d’une Europe considérée comme trop bureaucratique et déconnectée du terrain.

3.6.

Par ailleurs, le CESE considère que les objectifs sociaux et environnementaux ne seront atteints qu’en ciblant les causes des déséquilibres, et non en multipliant les exigences contraignantes.

3.7.

Afin de favoriser un environnement propice aux PME, une attention particulière doit être portée au changement démographique, qui réduit significativement la disponibilité de travailleurs qualifiés et donc la productivité des PME. L’enseignement et la formation professionnels, l’apprentissage et le développement des compétences doivent être une priorité, y compris sur les compétences vertes et numériques.

4.   Mieux légiférer

4.1.

Mieux légiférer nécessite un bon équilibre entre les approches économique, durable et sociale. Le CESE recommande à la Commission de s’appuyer davantage sur les partenaires sociaux, les branches professionnelles et les organismes consulaires aux niveaux européen, national, régional et local lors de l’évaluation des impacts d’une réglementation.

4.2.

Chaque mesure de transparence a un coût. Le CESE rappelle à la Commission la nécessité de mettre en œuvre le «Small Business Act» et le principe «Penser aux petits d’abord», conformément à ses engagements. Faisant suite à la communication «Mieux légiférer», le CESE demande à ce que toute nouvelle charge administrative directe ou indirecte soit limitée au strict nécessaire.

4.3.

Le CESE demande à la Commission de consulter le CESE lors de l’élaboration des consultations afin de prendre en compte les spécificités des PME de manière plus ciblée par des questions non biaisées et adaptées à toutes les formes d’entreprises. Il insiste sur la nécessité de privilégier des consultations courtes dans toutes les langues de l’Union européenne pour faciliter leur contribution.

4.4.

Le CESE demande à la Commission de renforcer le réseau et la coordination des «SME Envoys» au niveau national et dans leurs échanges avec la Commission.

4.5.

Le CESE prend acte du principe «One in, one out» que la Commission s’est engagée à appliquer. La réduction des charges administratives doit être étudiée avec les partenaires sociaux afin de les alléger sans compromettre les objectifs stratégiques ni abaisser les normes économiques, sociales et environnementales élevées de l’Union européenne. Pour cela, le CESE demande à la Commission de fournir les détails opérationnels et méthodologiques permettant d’identifier les charges superflues. Le délai de mise en œuvre de ce principe ne semble pas adapté au programme de travail de la Commission, qui prévoit la publication de plusieurs textes essentiels au cours des prochains mois. Le CESE appelle la Commission à identifier rapidement des charges administratives pouvant être supprimées. Par ailleurs, le CESE invite la Commission à effectuer, à la suite de chaque retrait de charge, un suivi de sa réduction dans les législations nationales, afin de garantir l’efficacité du principe et une égalité de traitement.

4.6.

Le CESE demande à ce que toute nouvelle proposition, surtout quand elle entraîne des mesures de transparence et de reporting directes ou indirectes, fasse l’objet d’une véritable évaluation d’impact. Le test PME doit être appliqué par l’ensemble des institutions. Il doit comporter une analyse économique et juridique, et ses sources doivent être publiées. Il doit être mené à chaque nouvelle version du texte, lors de la proposition et pendant les négociations. Le CESE recommande que les partenaires sociaux, notamment les organisations patronales, soient consultés lors de chaque analyse d’impact pour contribuer à l’analyse des dispositions sur les TPE-PME. Les résultats des analyses d’impact doivent être dûment pris en compte par la Commission dans l’identification de l’option politique privilégiée. Conformément aux propositions de la communication «Mieux légiférer», le CESE demande aux parlementaires et au Conseil de documenter les effets de leurs amendements sur les TPE-PME.

4.7.

Le rapport du comité d’examen de la réglementation montre que le nombre de propositions intégrant des dispositions adaptées aux PME a considérablement diminué (de 22 % pour 2017-2019 à 15 % en 2020). En cas d’adoption de mesures de transparence, le CESE demande aux institutions de prévoir des seuils pour atténuer les charges des TPE-PME. Le CESE demande à ce que la mise en œuvre du Portail numérique unique, prévue pour 2023, soit accélérée.

5.   Des alternatives à la publication d’informations

5.1.

Afin d’éviter de généraliser des démarches pouvant être considérées comme punitives, le CESE encourage la Commission à intégrer des alternatives aux obligations de reporting pour les TPE-PME dans chaque proposition.

5.2.

Il existe dans de nombreux États membres des organismes consultatifs spécifiques où les partenaires sociaux peuvent discuter des mesures sociales et économiques et de leur organisation concrète. De nombreuses organisations de PME nationales sont représentatives. Le CESE recommande à la Commission de s’appuyer davantage sur les associations de PME, les partenaires sociaux, les branches professionnelles ainsi que les organismes consulaires aux niveaux européen, national, régional et local. Leur expérience, leur expertise et leur réseau actif leur permettent d’être les mieux placées pour soutenir et encourager les TPE-PME et développer des outils qui correspondent aux objectifs sociaux et environnementaux. Il est important de leur donner les moyens financiers et humains nécessaires au développement d’actions de soutien.

5.3.

Le CESE note que la Commission a développé un certain nombre d’outils pouvant être utiles aux TPE-PME, mais qui n’atteignent pas leur public cible. Le CESE recommande de renforcer la mobilisation des «SME Envoys», afin d’adapter ces outils aux besoins des TPE-PME, et d’en faciliter la connaissance et l’appropriation.

5.4.

Le CESE propose de promouvoir et de s’appuyer sur des mesures nationales et régionales facilitant le dialogue social dans les TPE, l’artisanat et les professions libérales (9) en donnant aux salariés et aux employeurs toutes les informations/conseils sur les dispositions légales ou conventionnelles qui leur sont applicables, en débattant et rendant tout avis utile sur les questions spécifiques aux entreprises et à leurs salariés, et en contribuant à la prévention des conflits par des informations et des recommandations aux salariés et aux employeurs.

5.5.

Le CESE encourage les États membres à soutenir les branches professionnelles dans leurs démarches de formation, conseil et soutien aux TPE-PME afin de répondre aux exigences sociales et environnementales. Ces démarches doivent être privilégiées sur des dispositions contraignantes.

5.6.

Conformément à l’avis d’initiative du Comité «Vers des marchés publics circulaires» (10), le CESE demande aux autorités publiques de soutenir les TPE-PME dans leur appréhension des marchés publics plus durables, notamment locaux, et de veiller à ce que les cahiers des charges respectent un équilibre entre les critères qualitatifs et quantitatifs.

5.7.

La formation des chefs d’entreprise dans les TPE-PME doit leur être accessible tout au long de la vie, au même titre que les salariés, y compris lors d’une nouvelle installation ou reprise d’entreprise. Pour construire un vivier de chefs d’entreprise et repreneurs d’activités existantes à même de relever les défis sociaux, environnementaux et économiques, le CESE considère qu’il est essentiel de proposer et d’encourager la participation à des cycles de formation adaptés aux nouvelles compétences.

5.8.

Le CESE propose que des mesures d’incitation à la réduction du bilan carbone dans les TPE-PME soient soutenues par des aides financières sans que cela ne soit ni une contrainte au développement des entreprises ni une charge supplémentaire.

5.9.

Le CESE recommande d’encourager les initiatives de labellisation des entreprises sur une base volontaire, gratuite et avec intervention par un tiers afin de crédibiliser la démarche (11), tout en s’assurant que ces systèmes ne constituent pas une barrière à l’accès au marché et en évitant leur multiplication pour ne pas entraîner de confusion pour les consommateurs.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).

(2)  Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE (JO L 156 du 19.6.2018, p. 43).

(3)  Résolution du Parlement européen du 16 décembre 2020 sur une nouvelle stratégie en faveur des PME européennes [2020/2131(INI)].

(4)  Proposition de directive sur la communication durable des entreprises [2021/0104(COD)].

(5)  Proposition de directive visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’exécution [2021/0050(COD)].

(6)  Un exemple d’entreprise artisanale ayant mis en place des mesures d’économie circulaire sans obligation de transparence aux Pays-Bas: https://www.deb.nl/ondernemersverhalen/slagerij-van-koppen-dacht-na-over-duurzaamheid/

(7)  Les entreprises de proximité au féminin (mars 2019):

https://u2p-france.fr/sites/default/files/etude_les_entreprises_de_proximite_au_feminin.pdf

(8)  JO C 345 du 13.10.2017, p. 15 et JO C 81 du 2.3.2018, p. 1.

(9)  Commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA: https://cpria.proximeo-france.fr/) et commissions paritaires régionales pour les professions libérales (CPR-PL).

(10)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 16.

(11)  Exemple de Répar’acteurs: https://www.artisanat.fr/reparacteurs#:~:text=Le%20label%20%C2%AB%20R%C3%A9par’acteurs%20%C2%BB,de%20la%20r%C3%A9duction%20des%20d%C3%A9chets


4.3.2022   

FR

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C 105/6


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La publicité au service d’une consommation moderne et responsable»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/02)

Rapporteur:

Thierry LIBAERT

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

30.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

132/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) insiste sur la nécessité pour l’Union européenne de soutenir son industrie publicitaire, durement affectée par la crise de la COVID-19. Par rapport à la transition numérique et la concurrence des GAFA, la publicité représente un levier d’activités économiques et d’emplois plus important que jamais.

1.2.

Les impératifs d’un plus grand respect du consommateur et les enjeux de la transition écologique et de la lutte contre le changement climatique imposent une réflexion d’ensemble afin que la filière publicitaire intègre notamment les objectifs de l’accord de Paris.

1.3.

Le CESE demande à la filière publicitaire de s’engager sur une réduction de son empreinte carbone afin, conformément aux objectifs de l’Union européenne, d’atteindre la neutralité carbone de ses activités à l’horizon 2050 et de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 dans la perspective de concourir à la neutralité carbone collective à l’horizon 2050.

1.4.

Le CESE demande que chaque acteur de la filière publicitaire, selon son secteur d’activité, s’engage en faveur d’une réduction de son impact environnemental. Cela peut s’effectuer par une réduction de la consommation énergétique des écrans publicitaires numériques et un accroissement de leur recyclabilité, par l’utilisation préférentielle de papier issu de forêts gérées durablement (label PEFC, PFC) et d’encres conformes aux normes REACH et GreenGuard pour l’affichage papier et les dépliants publicitaires, ainsi que par une réduction des impacts techniques, énergétiques et logistiques en matière de productions audiovisuelles.

1.5.

Le CESE recommande aux acteurs de la filière publicitaire de renforcer leur contribution pro bono pour soutenir les initiatives écoresponsables d’acteurs ne possédant pas les ressources financières suffisantes (PME, start-up, coopératives, etc.).

1.6.

Le CESE demande aux acteurs de la filière de former davantage leurs membres aux enjeux de la transition écologique. Cette sensibilisation devra en parallèle s’effectuer au sein des formations universitaires aux métiers de la communication.

1.7.

Le CESE recommande à la filière publicitaire d’engager une réflexion portant sur l’imaginaire publicitaire et les représentations associées. Cela contribuera à faire en sorte que la publicité, plutôt que d’être un obstacle, devienne un réel levier pour la transition écologique, permettant sur des bases factuelles et précises de mettre en valeur les produits concourant à la réduction des impacts environnementaux.

1.8.

Le CESE demande que le travail visant au renforcement de la régulation publicitaire à l’échelle européenne pour lutter contre l’écoblanchiment (greenwashing) et les allégations environnementales trompeuses se poursuive et vise l’harmonisation entre les États de l’Union européenne.

1.9.

Le CESE exprime le souhait qu’aux côtés des aspects liés à la transition écologique, un effort particulier soit porté envers les publicités ciblant les plus jeunes, notamment sur les réseaux sociaux.

1.10.

Le CESE considère qu’il ne peut y avoir de publicité pleinement responsable si les acteurs de la publicité en Europe ne prennent pas en charge leur responsabilité en matière de désinformation. La Commission européenne (CE) doit accroître ses efforts de lutte contre la monétisation de la désinformation (1).

1.11.

Le CESE demande à la filière publicitaire d’accroître son ouverture à la société civile et de créer plus fréquemment des occasions d’échanges avec ses différents publics lui permettant d’évoluer en adéquation avec les nouvelles attentes sociétales.

2.   Définitions

2.1.

La définition ici retenue de la publicité est celle de l’Union européenne qui la désignait comme «toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens et services». Cette définition omet toutefois la publicité visant un objectif de nature institutionnelle (l’amélioration de la réputation de l’entreprise) ou émanant d’acteurs publics ou associatifs.

2.2.

La publicité responsable est celle qui interpelle la responsabilité de la publicité face aux grands défis sociétaux et environnementaux, notamment l’impératif de lutte contre le dérèglement climatique.

3.   La publicité, vecteur d’activité économique et d’emploi en Europe

3.1.

La publicité est étroitement corrélée à la croissance et aux emplois. Là où les investissements publicitaires sont élevés, la croissance est plus élevée que là où ils sont plus faibles (2). En Europe, selon une étude de la Fédération mondiale des annonceurs de 2017 portant sur l’année 2016, les 92 milliards d’euros de dépenses publicitaires stricto sensu génèreraient 643 milliards d’euros de richesse supplémentaire (3).

3.2.

Selon les différentes études, un investissement d’un euro en publicité produit un effet multiplicateur et d’entraînement de 5 à 7 points de croissance en plus. Appliqué à la Belgique, le coefficient multiplicateur serait de 5 (2,2 milliards d’euros de dépenses publicitaires ont rapporté 13 milliards d’euros à l’économie belge) (4).

3.3.

La publicité accélère la diffusion de nouveaux produits et services, parfois de l’innovation, ce qu’illustrent parfaitement les durées d’équipement de certains produits, à l’exemple des achats informatiques ou téléphoniques. La diffusion accélérée de nouveaux produits soulève des questions sur ses impacts environnementaux.

3.4.

La publicité dynamise la concurrence. Sans publicité, nous serions tous dans la même institution bancaire qui fixerait ses tarifs comme elle l’entendrait. Les services bancaires sont en effet globalement semblables d’une banque à l’autre, la distinction résultant aussi de la publicité. Ce constat est valable pour un grand nombre de secteurs d’activités (énergie, distribution, etc.).

3.5.

La publicité fait vivre un grand nombre de secteurs, à commencer par celui des médias. Dans de nombreux pays de l’Union européenne, elle finance ainsi largement la presse écrite, la radio ou la télévision. Cela constitue d’ailleurs autant une ressource qu’une dépendance parfois susceptible d’influer sur le contenu des productions et de poser des questions d’indépendance rédactionnelle.

3.6.

La publicité représente un chiffre d’affaires de 140 milliards d’euros (2018) en Europe, 280 000 entreprises, souvent de taille petite et moyenne, qui travaillent en partie ou en totalité pour la communication des entreprises et emploient 998 000 personnes (5).

3.7.

La publicité génère un effet indirect sur de nombreuses professions en lien avec son activité, à l’exemple du secteur de la production audiovisuelle, de la création artistique ou de la photographie. L’étude belge a ainsi démontré que 87 000 personnes voyaient leur emploi financé par des recettes publicitaires ou étaient impliquées dans la production publicitaire par l’intermédiaire des chaînes d’approvisionnement.

3.8.

En outre, si l’on inclut l’ensemble des dépenses de communication des entreprises, il faut ajouter d’importantes sommes versées chaque année dans l’Union européenne pour soutenir, au titre du sponsoring et du parrainage, les activités de spectacle, sportives ou culturelles.

4.   Un impact qui va au-delà des aspects économiques et sociaux

4.1.

L’effet sur la presse est reconnu comme constitutif d’un plus large accès aux médias. Sans publicité, le prix des journaux devrait fortement augmenter et pour de nombreux titres, une réduction de la publicité entraînerait leur disparition.

4.2.

C’est aussi la publicité qui met à disposition des titres gratuits permettant ainsi la lecture de l’actualité par plusieurs millions de personnes quotidiennement.

4.3.

L’aspect artistique et créatif est à souligner. Il faut constater qu’un très grand nombre de réalisateurs de cinéma, de photographes et de dessinateurs ont démarré leur carrière dans la publicité.

4.4.

L’intégration de la publicité dans certains paysages urbains en a fait des lieux touristiques, comme Times Square à New York ou Piccadilly Circus à Londres. C’est l’animation publicitaire elle-même qui imprime sa marque à la ville et donne un rayonnement à certains lieux. Cette emprise de la publicité dans l’espace public peut bien évidemment être fortement contestée.

4.5.

La publicité contribue à offrir un discours positif sur le monde, sur le bonheur, le plaisir ou la beauté. Enserré dans une actualité de crises permanentes, le discours publicitaire participe à la diffusion de messages optimistes et stimulants. C’est également la publicité qui nous fournit des conseils de vie «N’imitez pas, innovez» (Hugo Boss), «Prends soin de toi» (Garnier), «Impossible is nothing» (Adidas). Ainsi, la publicité véhicule généralement une vision positive du monde. Cette vision positive peut se révéler un levier important pour la transition écologique.

5.   Le modèle publicitaire et ses conséquences sociétales et environnementales

5.1.

La publicité a des conséquences directes en matière de GES. Elle a un impact sur l’utilisation du papier, ainsi que sur la consommation de ressources diverses (notamment via les nouveaux écrans LCD) et d’énergie via internet ou les médias audiovisuels. L’impact en matière d’émissions de GES ou plus largement environnemental (recyclabilité du support par exemple) n’est en pratique jamais utilisé comme l’un des critères de choix pour définir les modalités d’une campagne publicitaire.

5.2.

La publicité extérieure a par ailleurs un impact environnemental spécifique. Il s’observe notamment avec les panneaux lumineux et numériques, dont la consommation énergétique et l’impact en matière de pollution lumineuse ne sont pas négligeables. Quant à la fabrication d’un écran publicitaire numérique, il est estimé que sur la base d’un panneau standard de 200 kg, 8 tonnes de matériaux sont nécessaires à sa production (6).

5.3.

En visant à faire toujours plus consommer ce qu’elle promeut, la publicité encourage une surconsommation qui ne correspond pas forcément aux besoins. Les exemples sont nombreux de produits et gadgets dont l’utilité réelle est finalement très limitée, parfois sans commune mesure avec leur impact environnemental. Certains se retrouvent parfois à la poubelle dès la première utilisation. La publicité modèle les besoins et les attentes des individus en fonction des intérêts des diffuseurs, et pas forcément des intérêts collectifs.

5.4.

Par sa forte présence dans les grandes métropoles, la publicité peut aussi contribuer à standardiser l’espace urbain des grandes villes européennes. Au travers de campagnes publicitaires identiques, les paysages urbains s’homogénéisent et perdent en qualité. Le fait que la majorité des publicités émane d’un faible nombre d’annonceurs explique ce phénomène.

5.5.

Par les messages diffusés, les valeurs qu’elle porte sont souvent éloignées de celles de partage, de solidarité, de modération. La publicité véhicule une image du bonheur passant par l’acquisition. L’imaginaire publicitaire vient rappeler que tout peut s’acheter. Pour être heureux, il faudrait posséder et consommer davantage. Il n’existe pas pourtant, selon les enquêtes d’opinion, de liaison statistique forte entre la consommation et la perception du bonheur, celui-ci dépendant prioritairement de croyances en certaines valeurs et de l’importance du tissu familial et du réseau social physique. La publicité peut aussi se révéler source d’insatisfaction constante pour le consommateur, l’enjoignant à consommer toujours plus, et de frustration pour toutes les personnes, notamment les plus défavorisées, n’ayant pas les moyens d’acquérir les produits et services promus.

5.6.

Sans le savoir, les entreprises européennes dépensent plus de 400 millions d’euros sur des sites de désinformation (7). Il est reconnu que les sources majeures de la désinformation poursuivent des objectifs financiers, notamment par un référencement permettant de récupérer d’importantes sommes d’argent émanant de la publicité en ligne.

5.7.

Le CESE a observé que de plus en plus de publicités sur les réseaux sociaux ne s’affichaient pas comme étant de la publicité mais se dissimulaient derrière des influenceurs plus ou moins connus. Il a été estimé que plus d’un quart (26,6 %) des publicités sur les réseaux sociaux ne mentionnaient pas la marque et l’intention commerciale (8). Cela créé une confusion préjudiciable à la confiance envers les marques que le Digital Services Act pourra contribuer à combattre en obligeant à communiquer le nom de l’organisme au nom duquel la publicité est diffusée (9).

6.   Accélérer l’évolution de la publicité pour que son modèle soit plus compatible avec les enjeux de la transition écologique

6.1.

Alors que l’impératif climatique s’impose de plus en plus, il est difficilement compréhensible que la fonction publicitaire ne se soit pas engagée formellement au respect de l’accord de Paris. Plus récemment, le Parlement européen (PE) a voté une résolution pour parvenir à une réduction des émissions de GES de 55 % d’ici 2030 et la CE a publié le 14 juillet 2021 son paquet de douze mesures «Fit for 55» pour atteindre cet objectif. Toutes les filières professionnelles doivent participer à l’effort collectif et la fonction publicitaire doit comme les autres secteurs intégrer cet objectif majeur d’ici une petite décennie.

6.2.

La plupart des publicitaires ont bien compris les enjeux du dérèglement climatique et la nécessité d’être à l’écoute des grandes attentes de la société. Depuis plusieurs années, ils se mobilisent pour lutter contre les allégations environnementales trompeuses et l’écoblanchiment. Ils doivent désormais renforcer leurs efforts.

6.3.

Cette dynamique est portée par la CE. En 2012, la DG JUST a créé un groupe de travail (Multi-Stakeholder Group on Environmental Claims). Plusieurs rapports ont été publiés, en 2013 puis en 2016. Ces documents ont permis une meilleure compréhension du problème des allégations environnementales trompeuses et influencé la mise en œuvre de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil (10) relative aux pratiques commerciales déloyales. La CE travaille à la mise à jour de ces orientations, dont la publication est prévue d’ici la fin 2021. Le texte final devrait préciser davantage l’application de la directive 2005/29/CE relative aux allégations environnementales trompeuses. En 2020, les autorités nationales de protection des consommateurs ont procédé à un «balayage», coordonné par la CE, des sites Internet d’entreprises prétendant vendre des produits respectueux de l’environnement. Selon la conclusion de ce travail, dans 42 % des cas, les allégations étaient exagérées, fausses ou trompeuses et pourraient potentiellement être qualifiées de pratiques commerciales déloyales en vertu des règles de l’Union européenne (11).

6.4.

Plus récemment, le nouveau plan d’action «Économie circulaire» de la CE, publié le 11 mars 2020, comprend pour la première fois un axe relatif à la responsabilité de la publicité. Son point 2.2. indique la volonté de la CE de renforcer la protection du consommateur contre l’écoblanchiment. Il prévoit que les entreprises devront étayer leurs allégations environnementales en matière de produit ou d’organisation en utilisant les méthodes de l’empreinte environnementale. Le point 3.2. exprime le souhait de développer des moyens d’incitation pour accroître le taux d’occupation des véhicules (ce qui peut passer par des publicités montrant moins de conducteurs seuls dans leur voiture).

6.5.

Au PE, un rapport d’initiative «Vers un marché unique durable pour les entreprises et les consommateurs» (12) préparé par la commission IMCO (Marché intérieur) a été voté en novembre 2020. Ce texte «souligne l’importance d’une publicité responsable qui respecte les normes publiques relatives à l’environnement et à la santé des consommateurs».

6.6.

Le CESE a été particulièrement actif, s’agissant notamment de faire bannir les allégations environnementales trompeuses, entre autres par un avis sur «Les allégations environnementales, sociales et de santé dans le marché intérieur» (13). Il a voté un avis intitulé «Vers une stratégie de l’Union européenne pour une consommation durable» (14), dans lequel l’importance d’un meilleur encadrement de la publicité au service d’une consommation plus durable a été soulignée. Plus récemment, l’avis relatif au nouvel agenda du consommateur (15) rappelait la nécessité d’une meilleure information du consommateur et celle de la lutte contre l’écoblanchiment.

7.   Pour une publicité européenne au service d’une consommation plus durable et responsable

7.1.

Le CESE préconise une approche incitative qui fasse appel à la responsabilité des publicitaires eux-mêmes. Cette approche est motivée tout à la fois par les progrès effectués par la profession, notamment en matière de lutte contre les allégations environnementales trompeuses, et dans ceux de la régulation. Cette approche s’explique aussi par la nécessité de soutenir un secteur créateur de croissance et d’emploi, et ce dans une période particulièrement délicate. Le CESE pense que toute entrave aux modèles publicitaires européens risque de bénéficier aux dispositifs de publicité numérique, essentiellement possédés par les GAFA alors que ceux-ci échappent encore très largement aux dispositifs fiscaux européens. Ce modèle sera lui-même obligé d’évoluer à l’avenir en raison de l’évolution des règles liées aux cookies. Toutefois, le CESE reconnaît que pour certains types de produits particulièrement impactants à l’exemple des combustibles fossiles, des formes de régulation plus forte peuvent être envisagées.

7.2.

Dans le contexte de crise économique actuel, le CESE préconise des soutiens financiers rapides et exceptionnels à déployer pour les acteurs les plus petits et les plus fragiles de la filière publicitaire (PME) pour que les structures puissent survivre dans le contexte actuel, en contrepartie d’engagement de transformations structurelles sur les points décrits précédemment.

7.3.

Chaque métier de la filière publicitaire en Europe ainsi que les agences de publicité exerçant dans l’Union européenne intègrent les objectifs de l’accord de Paris 2015 dans leur politique de réduction des émissions de GES et plus particulièrement les objectifs récents de l’Union européenne de - 55 % à l’horizon 2030.

7.4.

L’ensemble des acteurs économiques de la filière publicitaire reconnaît les objectifs liés à la transition écologique et les intègre au fonctionnement de ses structures en proposant des évaluations de leurs bilans GES, des trajectoires de réduction et des plans d’actions adaptés à ces objectifs. Cette transition de la fonction publicitaire doit s’effectuer de manière flexible, notamment pour encourager et soutenir les agences de taille moyenne.

7.5.

Les acteurs de la filière publicitaire doivent s’engager à évaluer l’impact carbone des productions publicitaires pour faire évoluer les pratiques, proposer des alternatives de production plus écologiques et examiner les possibilités de relocalisation en Europe.

7.6.

Les acteurs de la filière publicitaire doivent renforcer leur contribution pro bono en direction des organisations les plus actives en matière de transition climatique et d’inclusion sociale. Plus largement, l’évolution de la gouvernance de la régulation de la publicité doit être pensée pour faire une plus large part à la société civile, potentiellement via des formes de gouvernance à réinventer.

7.7.

Les acteurs de la filière publicitaire doivent entreprendre une démarche de formation systématique aux enjeux de transition écologique et aux pratiques de publicité plus responsable, en formant en interne leur personnel et en contribuant à la formation des étudiants en marketing et communication.

7.8.

La filière publicitaire doit s’engager à poursuivre le renforcement des mécanismes de régulation professionnelle de la publicité en élargissant les prérogatives de contrôle des organes de régulation en Europe, et en proposant une plus grande intégration effective de la société civile (ONG environnementales, associations de consommateurs, organisations syndicales…) dans sa gouvernance.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Commission européenne: Orientations pour le renforcement du code de conduite contre la désinformation. 26 mai 2021. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_2585

(2)  Maximilien Nayaradou, «L’impact de la régulation de la publicité sur la croissance économique», version synthétisée in Publicité et croissance économique, Union des annonceurs, 2006. Thèse soutenue à Paris Dauphine en 2004.

(3)  World Federation of Advertising. The value of advertising, Deloitte, 2017.

(4)  Union belge des annonceurs, «L’impact de la publicité sur la croissance économique en Belgique», 3 décembre 2015.

(5)  Source: Eurostat. Advertising and Market Research Statistics.

(6)  ADEME. Modélisation et évaluation environnementale des panneaux publicitaires numériques. Septembre 2020.

(7)  Claudia Cohen, «Des marques financent, malgré elles, la désinformation», Le Figaro, 5 août 2021.

(8)  Observatoire de l’influence responsable. ARPP. 13 septembre 2021.

(9)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 70.

(10)  Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22).

(11)  Bulletin quotidien. Agence Europe, no 12646, 24 janvier 2021.

(12)  https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2020/2021(INI)&l=fr

(13)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 8.

(14)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 51.

(15)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 45.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/11


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Repenser le cadre budgétaire de l’Union européenne pour une reprise durable et une transition juste»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/03)

Rapporteure:

Dominika BIEGON

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

5.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

168/3/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Une révision des règles budgétaires européennes s’impose. En effet, la crise financière de 2008-2009 avait déjà mis en évidence certaines lacunes du cadre budgétaire actuel, lequel est confronté à de plus grands défis encore en raison de la pandémie de COVID-19. Dans de précédents avis, le CESE s’était félicité du réexamen de la gouvernance économique réalisé par la Commission européenne. Dans le présent avis, il réaffirme sa position quant à la nécessité des réformes et invite la Commission européenne à poursuivre sans attendre la révision du cadre de gouvernance économique de l’Union européenne, qui est actuellement à l’arrêt. La Commission devrait présenter des lignes directrices pour une période de transition courant jusqu’à la mise en place du nouveau cadre budgétaire, pendant laquelle aucune procédure pour déficit excessif ne devrait être activée et avec la possibilité d’utiliser la «clause relative aux circonstances inhabituelles», pays par pays.

1.2.

Le futur cadre budgétaire doit a) renforcer les investissements publics, b) autoriser une marge de manœuvre cyclique plus importante et c) permettre davantage de flexibilité et une différenciation accrue par pays en ce qui concerne les trajectoires d’ajustement de la dette, tout en garantissant la viabilité des finances publiques. La révision du cadre budgétaire de l’Union européenne n’est pas seulement nécessaire pour stabiliser l’économie à court et à moyen terme: elle est aussi vitale pour financer la transformation socio-écologique de notre économie et garantir le plein emploi, des emplois de qualité et des transitions justes.

1.3.

Plus particulièrement, la principale proposition du CESE concernant la révision du cadre budgétaire consiste à introduire une règle d’or pour les investissements publics, que le Comité a déjà présentée dans de précédents avis, en combinaison avec une règle en matière de dépenses. Le CESE accueille en outre favorablement la proposition du comité budgétaire européen concernant la différenciation des trajectoires d’ajustement budgétaire par pays.

1.4.

Enfin, le CESE souligne que la politique budgétaire est un secteur classique de la politique parlementaire, et que les décisions prises dans ce domaine ont des répercussions sur l’ensemble de la structure des dépenses et des recettes des pouvoirs publics. Tant les parlements nationaux que le Parlement européen doivent dès lors se voir attribuer un rôle important dans le futur cadre de gouvernance économique de l’Union européenne.

1.5.

Dans le même ordre d’idées, il est nécessaire d’associer davantage la société civile au semestre européen, tant à l’échelon national qu’au niveau de l’Union européenne, afin de mettre en place une politique économique équilibrée, qui concilie l’ensemble des intérêts. Cette observation vaut notamment pour la gouvernance de la facilité pour la reprise et la résilience, dans le cadre de laquelle la participation de la société civile n’est pas satisfaisante (1). Afin de créer un mécanisme de participation de la société civile qui soit efficace, il y a lieu de s’inspirer du principe de partenariat, qui a été établi de longue date dans le contexte de la gouvernance des Fonds structurels et d’investissement européens.

2.   Contexte: les nouveaux défis après la pandémie de COVID-19

2.1.

Les règles budgétaires européennes ont besoin d’être révisées. Avant que la crise n’éclate, le comité budgétaire européen soulignait à juste titre, dans son évaluation 2019 des règles budgétaires de l’Union (2), deux problèmes majeurs. D’une part, les règles budgétaires ont tendance à être procycliques: après la crise financière de 2008-2009, en raison des préoccupations majeures que suscitait leur viabilité, les finances publiques ont été assainies trop tôt, ce qui a conduit l’économie européenne vers une récession à double creux. D’autre part, dans l’Union européenne, les investissements publics ont été la première cible de la réduction des dépenses. Si l’on compare le taux d’investissement public moyen pour la période de 2015 à 2019 à la moyenne d’avant la crise (2005-2009), on s’aperçoit que le taux d’investissement de 20 États membres sur 27 a diminué, dans certains cas de moitié, à tel point qu’entre 2013 et 2017, la valeur du stock de capital public s’est détériorée dans la zone euro sous l’effet d’investissements publics nets négatifs.

2.2.

La pandémie de COVID-19 pose des défis d’autant plus importants au cadre budgétaire européen: dans nombre d’États membres, la récession économique et les mesures visant à atténuer l’impact économique et social de la pandémie ont considérablement accru les niveaux de la dette et du déficit publics (en pourcentage du PIB) (3). Selon les estimations de 2020 (4) du comité budgétaire européen, si les règles budgétaires de l’Union européenne étaient mises en œuvre sans modification après l’abandon de la clause dérogatoire générale, la trajectoire attendue de réduction du ratio de la dette pèserait de manière excessive sur certains États membres, ce qui aurait des répercussions négatives majeures sur les plans économique, social et politique, et mettrait en péril la reprise économique dans l’Union européenne.

2.3.

La réforme des règles budgétaires de l’Union européenne n’est pas seulement nécessaire pour stabiliser l’économie à court et à moyen termes: elle est aussi vitale pour financer la transformation socio-écologique de notre économie et garantir le plein emploi, des emplois de qualité et des transitions justes. Pour atteindre les objectifs de l’Union européenne en matière de climat, il est nécessaire de moderniser en profondeur le stock de capital. Une économie durable requiert une augmentation massive des investissements publics, faute de quoi les économies européennes seront confrontées à des risques budgétaires liés au climat (5). Par ailleurs, il convient de garantir la viabilité budgétaire. Dans de précédents avis, le CESE avait déjà souligné la nécessité d’introduire une règle d’or en matière d’investissements publics dans le cadre budgétaire de l’Union européenne (6). Cette demande reste valable aujourd’hui. En effet, la Commission européenne a récemment estimé le déficit de financement global à quelque 470 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 pour permettre à l’Europe d’atteindre ses objectifs en matière de climat et d’environnement à cette date (7). La Commission a souligné, à juste titre, que la mobilisation du volume de financement nécessaire serait un défi politique important et que de toute évidence, les investissements publics auraient un rôle crucial à jouer, notamment pour stimuler les investissements privés. La réforme du cadre budgétaire de l’Union européenne doit tenir compte de ces considérations.

2.4.

Le CESE attire l’attention sur le fait que lorsque la reprise économique sera bien engagée, les États membres devront s’atteler à réduire le ratio dette/PIB afin de conserver une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour faire face à la prochaine crise économique. La règle de dépenses proposée dans le présent avis (voir paragraphes 3.3.2 et 3.3.3) permettrait en effet aux États membres d’assainir leurs finances publiques en période de conjoncture favorable.

2.5.

Le CESE souligne que toute révision du cadre budgétaire de l’Union européenne doit tenir compte du contexte macroéconomique actuel. Tant le FMI (8) que la Commission européenne (9) affirment que les ratios dette/PIB devraient se stabiliser à court et moyen termes en raison des taux d’intérêt bas et de la hausse des taux de croissance. La viabilité de la dette souveraine dépend du taux de croissance (réel) du PIB, du solde primaire annuel et des taux d’intérêt (réels) sur l’encours de la dette souveraine. Le CESE invite instamment la Commission européenne à tenir compte de ces facteurs lors de l’évaluation de la viabilité de la dette des États membres.

2.6.

Le CESE souligne par ailleurs que la viabilité des finances publiques dépend dans une large mesure de recettes publiques fiables et d’une fiscalité équitable, en ce compris, par exemple, la lutte contre la fraude fiscale et la planification fiscale agressive. En outre, les nouvelles ressources propres annoncées devraient contribuer à rendre la fiscalité ainsi que la justice sociale et climatique plus équitables. La transparence des recettes et des dépenses, l’ouverture des contrats et la participation constante de la société civile au contrôle de la gestion des finances publiques sont également nécessaires pour garantir la viabilité des finances publiques.

2.7.

Dans de précédents avis, le CESE avait salué le réexamen de la gouvernance économique réalisé par la Commission européenne et souligné son caractère nécessaire (10). Il avait aussi proposé que la réforme de la gouvernance économique fasse l’objet d’un débat lors de la conférence sur l’avenir de l’Europe. Il conviendrait de ne pas considérer comme un sujet tabou le fait d’adapter à la situation économique actuelle de l’Union européenne les dispositions sur la gouvernance économique prévues par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le CESE réitère son appel à cet égard, en particulier dans le contexte de la crise de la COVID-19. Afin d’empêcher le retour aux anciennes règles budgétaires et de réaliser la transition vers une gouvernance économique axée sur la prospérité, le CESE insiste pour que le processus de révision reprenne dès que possible (11).

3.   Observations particulières

3.1.   Rééquilibrer la gouvernance économique de l’Union européenne

3.1.1.

La politique budgétaire devrait s’inscrire dans un cadre de gouvernance plus large, équilibré et à plusieurs niveaux. Le CESE plaide en faveur d’une gouvernance économique axée sur la prospérité, qui accorde la priorité au bien-être social et économique des citoyens, de manière que personne ne soit laissé pour compte, tout en garantissant la viabilité de la dette publique. Aussi appelle-t-il de ses vœux une politique économique équilibrée, qui accorde la même importance à la réalisation de toute une série d’objectifs politiques essentiels tels que la croissance durable et inclusive, le plein emploi, le travail décent et une transition juste, une répartition équitable des revenus et des richesses, la santé publique et la qualité de vie, la durabilité environnementale, la stabilité des marchés financiers, celle des prix, l’équilibre dans les relations commerciales, une économie sociale de marché compétitive et la viabilité des finances publiques. Ces objectifs sont cohérents tant avec ceux énoncés à l’article 3 du traité sur l’Union européenne qu’avec les actuels objectifs de développement durable des Nations unies (12).

3.1.2.

Pour soutenir les États membres sur la voie d’une économie durable et inclusive, il ne suffit pas de leur accorder une marge de manœuvre budgétaire plus importante moyennant le respect de certaines conditions. Il faut aussi promouvoir des incitations aux réformes. L’actuel cadre de gouvernance économique de l’Union européenne repose sur trois piliers: a) la surveillance budgétaire, b) la surveillance macroéconomique et c) la coordination des politiques sociales et de l’emploi. Ce cadre met donc déjà fortement l’accent sur les réformes. Plusieurs études empiriques relèvent que même si elles prévoyaient des réformes, la plupart des recommandations par pays formulées dans le passé se concentraient sur le renforcement de la compétitivité et l’assainissement des budgets publics (13). Le CESE invite instamment les institutions de l’Union européenne à faire en sorte que les futures recommandations par pays soient davantage équilibrées: les critères budgétaires, ainsi que les objectifs climatiques de l’Union européenne et le socle européen des droits sociaux devraient aussi être des piliers essentiels de ces recommandations. Il convient d’accorder une attention particulière aux réformes qui encouragent la transition vers une économie verte et numérique (telles que les politiques actives du marché du travail et les programmes d’apprentissage tout au long de la vie, y compris les programmes de reconversion et d’aide au changement de carrière), ainsi qu’aux réformes qui garantissent une absorption efficace des fonds de l’Union européenne (par exemple, le renforcement des capacités techniques des administrations publiques pour gérer les projets d’investissement, l’efficacité des systèmes de marchés publics ouverts et les réformes visant à supprimer d’autres obstacles non monétaires à une politique d’investissement efficace).

3.2.   Renforcer les investissements publics

3.2.1.

Le CESE souligne qu’il faut réformer le cadre budgétaire de l’Union européenne de manière à mieux protéger les investissements publics (14). Ceux-ci ont un effet multiplicateur particulièrement important et leur réduction a donc des effets extrêmement délétères sur la croissance économique et l’emploi. Les coupes opérées dans les dépenses publiques en général, et dans les investissements publics en particulier, sont particulièrement préjudiciables en période de ralentissement et de contraction économiques (15). En outre, de nombreuses études relèvent également que l’investissement public stimule la croissance à long terme (16). Une augmentation à long terme des investissements publics permet par ailleurs aussi de créer des conditions plus sûres pour la planification dans le secteur privé (17).

3.2.2.

Les éléments susmentionnés justifient une approche qui examine en priorité les investissements publics lors de l’évaluation du respect, par les États membres, des règles budgétaires de l’Union européenne. Le CESE recommande d’appliquer une «règle d’or» aux investissements publics (18) afin de préserver non seulement la productivité mais aussi la base sociale et écologique requise pour le bien-être des générations futures, tout en garantissant la viabilité budgétaire. De manière générale, le CESE propose d’appliquer, dans le cadre budgétaire révisé, la notion de «règle d’or», qui est un concept classique des finances publiques (19). Cela signifie qu’il faut exclure les investissements publics nets du calcul des déficits nominaux. Si, comme le demande le CESE (voir paragraphes 3.3.2 et 3.3.3), on applique une règle de dépenses, les investissements publics nets devraient également être exclus du plafond des dépenses publiques, tandis que les coûts d’investissement seraient répartis sur toute la durée du cycle de vie de l’investissement et non sur une période de quatre ans, comme c’est le cas actuellement. L’investissement public net accroît le stock de capital public et/ou social et procure des avantages aux générations futures (20). Celles-ci héritent du service de la dette publique mais, en échange, elles reçoivent un certain stock de capital public équivalent et augmenté.

3.2.3.

Le CESE souligne qu’avec la règle d’or, les investissements bénéficient d’un traitement préférentiel dans le cadre budgétaire de l’Union européenne, mais que cela ne dispense pas les gouvernements de l’obligation de justifier les projets d’investissement concernés et de dégager une majorité en leur faveur. La transparence et la responsabilité parlementaire doivent, en tout état de cause, être préservées, notamment afin de garantir que seuls les investissements publics au service du bien commun soient réalisés.

3.2.4.

Le CESE recommande de commencer par procéder à une révision en profondeur de la «clause d’investissement». Tout d’abord, le CESE propose que la «clause d’investissement» du pacte de stabilité et de croissance soit interprétée de manière plus souple. Elle a rarement été invoquée jusqu’à présent, essentiellement parce qu’elle fait l’objet de critères d’éligibilité restrictifs (21). Ces critères d’éligibilité devraient être assouplis: en principe, les investissements publics devraient justifier que l’on s’écarte temporairement des trajectoires d’ajustement, quelle que soit la position de l’État membre dans le cycle économique, et même si lesdits investissements entraînent un dépassement de la valeur de référence pour le déficit fixée à 3 % du PIB.

3.2.5.

Les écarts par rapport à l’objectif budgétaire à moyen terme (OMT) ou à la trajectoire d’ajustement en vue de la réalisation de cet objectif ne sont aujourd’hui autorisés que s’ils sont liés à des dépenses nationales ayant pour visée des projets cofinancés par l’Union européenne (22). Le CESE propose que l’on élargisse la définition des investissements. Par ailleurs, celle définition doit être claire et applicable pour éviter toute «comptabilité créative». Les lignes directrices élaborées par la Commission européenne à l’intention des États membres dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience et la définition des investissements qui y figurent sont un bon point de départ (23), étant donné qu’elles prévoient des investissements dans des actifs corporels, mais aussi dans la santé, la protection sociale, l’éducation et la formation, ainsi que des investissements ayant pour visée la transition écologique et numérique.

3.2.6.

Le CESE accueille favorablement la taxinomie des activités durables. Celle-ci définit clairement ce qu’est une «activité économique durable sur le plan environnemental», notion qui permet à son tour de définir les «investissements durables sur le plan environnemental» (24). Le CESE recommande dès lors d’utiliser, outre la règle d’or, la taxinomie bien développée de l’Union européenne pour les activités durables en tant que base pour évaluer la durabilité des investissements publics. Il attend en outre avec intérêt les propositions de la Commission en matière de budgétisation verte.

3.3.   Une marge de manœuvre plus cyclique pour la politique budgétaire

Réformer les méthodes d’ajustement cyclique ou introduire une règle de dépenses

3.3.1.

Le CESE souligne que la méthode d’ajustement cyclique de la Commission européenne est opaque et susceptible de générer des effets procycliques. La méthode utilisée par la Commission européenne pour déterminer le solde structurel s’est révélée problématique, car le calcul du PIB potentiel est fortement influencé par la situation économique en cours. Dans les phases de ralentissement économique, par exemple, le PIB potentiel est rapidement et fortement revu à la baisse, même si cela pourrait ne pas refléter les conditions réelles (25). La révision à la baisse du PIB potentiel a de graves conséquences sur le calcul du déficit structurel et les efforts d’assainissement qui sont dès lors jugés nécessaires. Faire en sorte que le calcul du PIB potentiel soit moins influencé par les fluctuations conjoncturelles peut ouvrir aux États membres une marge de manœuvre budgétaire considérable pour élaborer des politiques économiques contracycliques. Cette proposition de réforme pourrait être mise en œuvre facilement, et ne devrait être considérée que comme une exigence minimale pour mieux adapter les règles budgétaires de l’Union européenne aux fluctuations cycliques. Toutefois, même après une réforme, le déficit structurel restera un concept extrêmement complexe, et son calcul est pratiquement impossible à expliquer aux citoyens et aux parties prenantes. Compte tenu des problèmes techniques et de l’opacité du concept, il convient d’envisager d’autres options.

3.3.2.

Une autre réforme possible consiste à abandonner complètement la notion contestée de déficit structurel et à appliquer à la place une règle de dépenses publiques dans un cadre budgétaire révisé (26). Contrairement au déficit corrigé des variations conjoncturelles, les dépenses publiques peuvent être observées en temps réel et sont directement contrôlées par les pouvoirs publics. Il convient de favoriser l’investissement public en séparant le budget des dépenses courantes de celui des dépenses d’investissement et en ne limitant que la croissance nominale des dépenses du budget ordinaire. Cette approche permettrait de conjuguer la règle d’or et une règle de dépenses (27).

3.3.3.

Les dépenses publiques nominales seraient calculées déduction faite des paiements d’intérêts et des dépenses publiques conjoncturelles. Les limites pourraient être fixées en fonction du taux de croissance à moyen terme du PIB réel plus le taux d’inflation de 2 % que la Banque centrale européenne (BCE) a fixé comme objectif à moyen terme. Si des facteurs cycliques provoquent une baisse des recettes fiscales (en période de récession) ou une augmentation de celles-ci (en période de conjoncture élevée), la règle favorise la stabilité en faisant en sorte que les dépenses publiques n’augmentent que dans les limites fixées. Les dépenses excédant la limite prévue ne devraient être autorisées que si elles sont budgétairement neutres, c’est-à-dire si un autre poste budgétaire est amputé d’un montant équivalent ou si les recettes fiscales augmentent. Dans le cas d’une baisse fiscale générale, les taux de croissance des dépenses devraient prendre en compte cette perte de ressources. La proposition visant à associer une règle en matière de dépenses à une règle d’or concernant les investissements publics pourrait constituer un outil efficace pour limiter les dépenses publiques à des niveaux soutenables, tout en permettant aux stabilisateurs automatiques de fonctionner et aux pouvoirs publics de prendre des mesures discrétionnaires.

Trajectoires flexibles et par pays en matière d’ajustement de la dette

3.3.4.

Le CESE soutient la proposition du comité budgétaire européen (2020) (28) visant à introduire des éléments propres à chaque pays dans un cadre budgétaire simplifié. En particulier, le CESE accueille favorablement la proposition consistant à adapter l’ajustement budgétaire dans les États membres, tout en faisant en sorte que la dette reste soutenable. Toute différenciation par pays des stratégies de réduction de la dette par rapport au PIB devrait reposer sur une analyse économique complète qui tienne compte de facteurs tels que le niveau initial de la dette et sa composition, les écarts entre taux d’intérêt et taux de croissance du point de vue de la viabilité, les perspectives d’inflation, les coûts prévus liés au vieillissement démographique et aux défis environnementaux, les niveaux de chômage et de pauvreté, la répartition des revenus et de la richesse, les déséquilibres internes et externes et, surtout, le caractère réaliste de l’ajustement budgétaire (par exemple, l’excédent primaire requis) (29).

3.3.5.

Le CESE rappelle que les valeurs de référence budgétaires ne sont pas définies à l’article 126 du TFUE lui-même, mais dans le protocole no 12 qui figure dans l’annexe au traité. Ces valeurs peuvent par conséquent être modifiées par un vote unanime au Conseil, sans devoir passer par une procédure formelle de modification du traité. Le CESE invite les institutions de l’Union européenne à envisager de relever le plafond de la dette, qui est fixé à 60 %, tout en tenant compte du contexte macroéconomique actuel et en veillant à assurer la viabilité du budget.

3.3.6.

Enfin, il convient d’ajouter, à cet égard, que le fait de s’appuyer uniquement sur les stabilisateurs automatiques nationaux lors des périodes de récession n’est pas pleinement conforme à l’idée d’une politique contracyclique. Les déficits budgétaires causés par la baisse de la production et de l’emploi ne compensent pas totalement les pertes cycliques ni un retournement de cycle. Il ne s’agit que de réponses contracycliques partielles et passives, qui doivent être complétées par la prise de mesures temporaires et discrétionnaires actives en réponse aux baisses cycliques et qu’il convient d’inverser en phase de relance. Dans le passé, un certain nombre d’États membres ont décidé de continuer à réduire le ratio dette/PIB, ce qui a eu des conséquences fâcheuses sur l’économie, alors que des mesures de relance budgétaire auraient été plus adaptées. Pour autant que le contexte reste favorable aux taux d’intérêt, le futur cadre budgétaire devrait autoriser des déficits primaires plus importants, tout en maintenant des ratios dette/PIB constants ou à la baisse et en garantissant la viabilité de la dette. C’est la raison pour laquelle les clauses exceptionnelles doivent rester la pierre angulaire du futur cadre budgétaire de l’Union européenne et être adaptées en conséquence.

Désactivation de la clause dérogatoire

3.3.7.

Si le CESE se félicite de l’activation de la clause dérogatoire générale prévue par le cadre budgétaire, il met toutefois en garde contre un «retour à la normale» trop rapide, qui pourrait imprimer une impulsion contracyclique et inciter les États membres à réduire leurs dépenses afin d’atteindre les objectifs à moyen terme, comme cela s’est produit après 2010, entraînant une récession à double creux. Cela irait à l’encontre de l’objectif du programme Next Generation EU et pourrait déclencher une nouvelle récession.

3.3.8.

Le CESE soutient la décision de la Commission européenne de continuer à appliquer la clause dérogatoire générale en 2022 et de la désactiver en 2023, pour autant que l’activité économique soit revenue au niveau d’avant la crise (30). En outre, le CESE partage l’avis de la Commission européenne lorsqu’elle affirme que «les situations propres à chaque pays continueront d’être prises en considération après la désactivation de la clause dérogatoire générale» (31). Enfin, la Commission devrait présenter des lignes directrices pour une période de transition courant jusqu’à la mise en place du nouveau cadre budgétaire, pendant laquelle aucune procédure pour déficit excessif ne devrait être activée et avec la possibilité d’utiliser la «clause relative aux circonstances inhabituelles», pays par pays. En outre, le CESE invite la Commission à poursuivre sans tarder la révision du cadre de gouvernance économique de l’Union européenne, qui a été interrompue. Au lieu d’un «retour», le CESE recommande d’amorcer un «virage» vers un cadre de gouvernance économique révisé selon les modalités indiquées ci-dessous (32).

3.4.   Le rôle international de l’euro

3.4.1.

Notre monnaie commune, l’euro, jouit d’une réputation internationale solide, et son importance mondiale en tant que monnaie de réserve et d’échange est désormais reconnue. La réputation de l’euro en tant que monnaie stable et fiable dépend de règles budgétaires claires, compréhensibles et applicables, qui renforcent les investissements publics afin de moderniser le stock de capital et d’autoriser une marge de manœuvre plus cyclique en période de ralentissement économique, tout en garantissant la viabilité de la dette. Le CESE est dès lors convaincu qu’une révision des règles budgétaires ne doit en aucun cas compromettre la stabilité de l’euro en tant que principale monnaie de référence de l’Union. Lors du débat sur la révision des règles budgétaires, il convient d’accorder une attention particulière à la perception qu’ont les marchés financiers des perspectives à long terme de l’euro en tant que monnaie d’importance mondiale. D’une manière générale, la réputation de l’euro dépend de la stabilité économique, sociale et politique.

3.5.   Renforcer le rôle des parlements et de la société civile dans la gouvernance économique de l’Union européenne

3.5.1.

Le CESE souligne que la politique budgétaire est un secteur classique de la politique parlementaire, et que les décisions prises dans ce domaine ont des répercussions sur l’ensemble de la structure des dépenses et des recettes des pouvoirs publics. Tant les parlements nationaux que le Parlement européen doivent dès lors se voir attribuer un rôle important dans le futur cadre de gouvernance économique de l’Union européenne. Il convient de renforcer le rôle du Parlement européen dans le cadre du semestre européen au moyen d’un accord interinstitutionnel. Par ailleurs, il y a lieu de respecter le principe de subsidiarité et la répartition des compétences prévus par les traités. Les parlements nationaux doivent demander aux gouvernements de rendre compte des politiques budgétaires qu’ils mènent. C’est la raison pour laquelle ils doivent être effectivement associés au semestre européen et à la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise.

3.5.2.

Dans le même ordre d’idées, il est nécessaire d’associer davantage la société civile au semestre européen, tant à l’échelon national qu’au niveau de l’Union européenne, afin de mettre en place une politique économique équilibrée, qui concilie l’ensemble des intérêts. Cette observation vaut notamment pour la gouvernance de la facilité pour la reprise et la résilience, dans le cadre de laquelle la participation de la société civile n’est pas satisfaisante (33). Le principe de partenariat, qui est de tradition bien établie dans le cadre de la gouvernance des Fonds structurels et d’investissement européens, devrait servir de modèle à la création d’un mécanisme efficace en matière de participation de la société civile.

3.5.3.

En cas d’écart significatif par rapport aux indicateurs qui reflètent les objectifs de politique économique, il conviendrait d’engager des négociations entre les institutions de l’Union européenne et les États membres. Les deux parties devraient élaborer des solutions de concert et sur un pied d’égalité. Plutôt que de menacer les États membres concernés de sanctions financières, il pourrait être judicieux d’introduire des incitations positives pour atténuer le problème. La promotion d’une croissance inclusive et durable est le premier critère sur lequel doit reposer toute recommandation en la matière (34).

3.5.4.

Le CESE critique les «conditionnalités macroéconomiques» prévues dans le règlement portant dispositions communes applicables aux Fonds structurels et d’investissement européens, dans le règlement relatif à la facilité pour la reprise et la résilience et dans le traité intergouvernemental sur le mécanisme européen de stabilité, lesquelles permettent, d’une manière générale, de mettre un terme au versement des fonds de l’Union européenne si l’action des États membres concernés enfreint les règles budgétaires de l’Union européenne ou contribue à créer des déséquilibres macroéconomiques. Après la désactivation de la clause dérogatoire, ces conditionnalités macroéconomiques pourraient engendrer une contraction économique incitant les États membres à réduire leurs dépenses dans le but d’atteindre les objectifs budgétaires. Cela irait à l’encontre de l’objectif politique de la cohésion territoriale et des objectifs plus généraux du programme «Next Generation EU».

3.5.5.

Pour que la reprise soit durable, il est essentiel de mener une politique monétaire accommodante. Le Parlement européen pourrait utiliser ses résolutions sur les rapports annuels de la BCE et les auditions trimestrielles sur le «dialogue monétaire» qu’elle organise avec celle-ci pour se prononcer sur des objectifs secondaires et mettre en place un processus plus démocratique, assorti de lignes directrices en matière de politique macroéconomique et industrielle. Cette approche permettrait d’associer davantage les partenaires sociaux et les citoyens, ainsi que les parlements nationaux. La BCE bénéficierait ainsi d’une légitimité renouvelée pour un ensemble élargi d’objectifs. Elle pourrait travailler efficacement en déployant tous les outils dont elle dispose et en s’efforçant de fixer un ensemble d’objectifs clairs et définis au niveau politique, sous la direction d’institutions démocratiques. La BCE est une institution publique qui peut être appelée à soutenir les États membres pour leur permettre de se financer lorsque les taux d’intérêt sont à la hausse, que ce soit dans la perspective d’assurer la stabilité des prix ou de créer de l’emploi, en utilisant des instruments monétaires ciblés ou en agissant sur les taux d’intérêt et les écarts entre ceux-ci.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Résolution du CESE sur la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas (2021) (JO C 155 du 30.4.2021, p. 1).

(2)  Comité budgétaire européen (2019): Assessment of EU fiscal rules with a focus on the six and two-pack legislation [«Évaluation des règles budgétaires de l’Union axée sur les paquets législatifs relatifs à la gouvernance économique (le “six-pack”) et à la surveillance budgétaire (“le two-pack”)»].

(3)  Commission européenne, «Prévisions économiques européennes du printemps 2021».

(4)  Comité budgétaire européen (2020): Rapport annuel 2020.

(5)  Finance Watch (2021), Fiscal Mythology Unmasked. Debunking eight tales about European public debt and fiscal rules («La mythologie budgétaire démasquée. Comment démonter huit fables sur la dette publique et les règles budgétaires européennes»).

(6)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 32; JO C 123 du 9.4.2021, p. 12; et JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.

(7)  Document de travail des services de la Commission du 27 mai 2020: Identifying Europe’s recovery need («Répertorier les besoins de l’Europe en matière de relance»), SWD(2020) 98 final.

(8)  Moniteur des finances publiques du FMI, avril 2021.

(9)  Debt Sustainability Monitor, Commission européenne, février 2021.

(10)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.

(11)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 12.

(12)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.

(13)  Crespy, Amandine et Vanheuverzwijn, Pierre (2019), What Brussels means by structural reforms: empty signifier or constructive ambiguity? («Ce que Bruxelles entend par réformes structurelles: mots vides de sens ou ambiguïté constructive?»), dans: Comparative European Politics, vol.. 17, no 1, p. 92-111; Hacker, Björn (2019): A European Social Semester? The European Pillar of Social Rights in Practice («Un Semestre social européen? Le socle européen des droits sociaux en pratique»), Bruxelles, ETUI.

(14)  Voir aussi «Comité budgétaire européen» (2019).

(15)  Commission européenne (2016), Rapport sur les finances publiques dans l’UEM — 2016, Document institutionnel no 045; J-M Fournier (2016), «L’effet positif de l’investissement public sur la croissance potentielle», document de travail no 1347 du département des affaires économiques de l’OCDE.

(16)  Moniteur des finances publiques du FMI (2020), Policies for the Recovery («Politiques pour la reprise»).

(17)  H. Bardt, S. Dullien, M. Hüther and K. Rietzler (2020), For a sound fiscal policy. Enabling public investments, («Pour une politique budgétaire saine: rendre les investissements publics possibles»), document d’orientation no 6/2020, Institut der deutschen Wirtschaft (IW), Cologne.

(18)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.

(19)  A. Truger (2020), Reforming EU Fiscal Rules: More Leeway, Investment Orientation and Democratic Coordination («Réformer les règles budgétaires de l’UE: accroître les marges de manœuvre, l’orientation vers les investissements et la coordination démocratique»), Intereconomics, 55(5).

(20)  Voir également P. Bom et J. Ligthart (2014), What have we learned from three decades of research on the productivity of public capital? («Qu’avons-nous retenu de trois décennies de recherche sur la productivité du capital public?»), Journal of Economic Surveys, 28(5), 889-916.

(21)  J. Valero (2019), New investment clause fails to win EU member state support («La nouvelle clause sur les investissements échoue à obtenir le soutien des États membres de l’UE»), Euractiv. Voir la communication de la Commission intitulée «Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance», COM(2015) 012 final.

(22)  Commission européenne (2015).

(23)  Commission européenne (2021), Guidance to Member States. Recovery and resilience plans («Orientations à l’intention des États membres. Plans pour la reprise et la résilience»), SWD (2021) 12 final, partie 2/2 [en anglais].

(24)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 103.

(25)  A. Truger (2015), Austerity, cyclical adjustment and the remaining leeway for expansionary fiscal policies within the current EU fiscal framework («Austérité, ajustement cyclique et marge de manœuvre résiduelle pour des politiques budgétaires expansionnistes au sein de l’actuel cadre budgétaire de l’UE»), Journal for a Progressive Economy, 6, 32-37.

(26)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.

(27)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.

(28)  Comité budgétaire européen (2020).

(29)  Comité budgétaire européen (2020).

(30)  Commission européenne (2021): «Coordination des politiques économiques en 2021: surmonter la COVID-19, soutenir la reprise et moderniser notre économie», COM(2021) 500 final.

(31)  Commission européenne (2021): «Un an après le début de la pandémie de COVID-19: la réponse apportée en matière de politique budgétaire», COM(2021)105 final.

(32)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.

(33)  Résolution du CESE sur la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas (2021) (JO C 155 du 30.4.2021, p. 1).

(34)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/18


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’industrie du verre européenne à la croisée des chemins: comment la rendre plus écologique et économe en énergie tout en renforçant sa compétitivité et en préservant des emplois de qualité»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/04)

Rapporteur:

Aurel Laurenţiu PLOSCEANU

Corapporteur:

Gerald KREUZER

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

29.9.2021

Adoption en session plénière

21.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

142/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’industrie européenne du verre est un secteur innovant et hautement stratégique dont l’Union européenne bénéficie grandement. Les produits verriers sont indispensables à la transition vers une économie circulaire neutre pour le climat, notamment dans le cadre de la rénovation des bâtiments, de la production d’électricité plus renouvelable, de la décarbonation des moyens de transport ou encore de la production d’emballages durables. Le verre contribue également à la révolution numérique de l’Europe. En un mot, le verre est l’avenir.

1.2.

Le CESE demande aux décideurs politiques de l’Union européenne de placer le secteur du verre et tous ses sous-secteurs au cœur des priorités stratégiques du moment que sont notamment le paquet «Ajustement à l’objectif 55», le train de mesures «Économie circulaire», la stratégie numérique, le programme pour les chaînes de valeur stratégiques et la politique commerciale internationale de l’Union européenne et les instruments qui y sont associés.

1.3.

La vague de rénovations pour l’Europe constituera une source considérable de débouchés commerciaux pour le verre, suscitant des investissements, tout en contribuant grandement à la réduction des émissions de CO2 des bâtiments. Le Comité invite les décideurs politiques de l’Union européenne et des États membres à au moins défendre les objectifs proposés actuellement et, dans la mesure du possible, à les renforcer.

1.4.

Une transition énergétique au sein du secteur est nécessaire pour rendre neutre en carbone le processus intrinsèquement énergivore de la production du verre. Cette transition énergétique entraînera d’importantes augmentations des coûts de l’activité économique en raison de coûts d’exploitation et de besoins en capitaux accrus.

1.5.

Le Comité recommande vivement que les politiques de l’Union européenne aident l’industrie verrière afin de permettre cette transition. Il s’agirait à cet égard de soutenir financièrement les dépenses en capital et les dépenses opérationnelles, de renforcer les capacités en énergies renouvelables, d’assurer un approvisionnement énergétique abordable et de veiller à ce que le secteur ne soit pas exposé à une concurrence déloyale en provenance de l’extérieur du marché européen.

1.6.

Le CESE soutient l’ensemble des politiques de l’Union européenne et des plans nationaux de relance qui facilitent une révolution des transports se traduisant par une transition vers des voitures intelligentes et neutres pour le climat et un développement massif des systèmes de transport public. Le verre de haute technologie a un rôle important à jouer.

1.7.

Le Comité recommande vivement à l’Union européenne de classer le verre parmi les matériaux permanents, en raison de son caractère inerte, réutilisable et recyclable à l’infini.

1.8.

Le CESE demande de passer de matériaux non linéaires à un verre entièrement circulaire, réutilisable et recyclable, de manière à réduire la dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles, l’extraction de matières premières vierges et l’épuisement des ressources. Le Comité suggère que l’Union européenne reconnaisse les avantages du verre pour ce qui est de contribuer à des systèmes d’emballage durables.

1.9.

Le CESE recommande vivement une mise en œuvre plus large des principes de l’économie circulaire, assortie d’un soutien financier public et privé et de partenariats tels que l’initiative «Close the Glass Loop», afin d’encourager la pratique du recyclage du verre. Cela permettra à l’Europe d’éviter les déchets de verre, de réduire la consommation d’énergie et les émissions de CO2 et de créer de nouveaux emplois dans le secteur du recyclage du verre.

1.10.

Le Comité invite instamment l’Union européenne à reconnaître que le verre est indispensable à la production d’énergie verte. Il est en effet un composant essentiel non seulement des panneaux solaires photovoltaïques, mais aussi des turbines éoliennes et peut être utilisé d’autres manières pour produire de l’électricité verte. Le CESE invite la Commission et le Parlement à élaborer de nouvelles politiques de l’Union européenne concernant les objectifs climatiques et les chaînes de valeur stratégiques afin de relancer la production de cellules photovoltaïques en Europe et de préserver celle d’autres produits verriers stratégiques et les chaînes de valeur desquelles ils font partie (par exemple, les pare-brise destinés aux constructeurs de véhicules de transport).

1.11.

Le CESE demande de soutenir les investissements dans l’éducation et la formation afin de doter des connaissances et des compétences nécessaires les nouveaux travailleurs jeunes qui intègrent le secteur pour remplacer la main-d’œuvre vieillissante, et de permettre aux travailleurs actuels de suivre le rythme de l’innovation et des évolutions de transition dans l’industrie.

1.12.

Le CESE invite l’Union européenne à protéger son industrie du verre contre le risque de fuite de carbone. L’augmentation des ambitions climatiques et la hausse des coûts du carbone requièrent un renforcement plutôt qu’un affaiblissement de la protection contre les fuites de carbone. La compétitivité des produits verriers sur les marchés d’exportation et dans l’Union européenne elle-même peut être assurée en partie par des mesures efficaces en matière de fuite de carbone dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission (SEQE). Ce système devrait être maintenu pour soutenir le secteur dans la transition vers la réalisation de l’objectif de neutralité climatique de l’Union européenne. L’introduction du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et du train de mesures sur la taxinomie doit être soigneusement étudiée. Le Comité demande que le MACF prévoie une solution pour les exportations et que les mesures relatives à la fuite de carbone soient renforcées grâce à une allocation complète des quotas gratuits fondés sur les référentiels en complément du mécanisme d’ajustement au moins jusqu’en 2030, dans le respect des règles de l’OMC.

1.13.

La transition écologique et numérique en Europe et dans l’industrie du verre en particulier doit être une transition juste. Afin de garantir un soutien maximal à cette transition, le CESE demande d’y associer les travailleurs. Par conséquent, le dialogue social à tous les niveaux devrait être soutenu par la législation de l’Union européenne.

1.14.

Le CESE apprécierait que le secteur dans son ensemble et ses sous-secteurs ainsi que chaque État membre bénéficient d’un soutien mieux adapté et fassent l’objet d’une analyse plus ciblée, de manière à suivre l’évolution de la situation dans l’industrie du verre, s’agissant notamment de la réduction du CO2, de la production et d’autres variables pertinentes.

2.   Description générale du secteur industriel du verre

2.1.   Production

Selon Glass Alliance Europe, la production de verre dans l’Union européenne a atteint 36,8 millions de tonnes en 2020. L’Union européenne est l’un des plus grands producteurs de verre au monde. Le secteur verrier comprend cinq sous-secteurs:

a)

le verre creux — 60,4 %;

b)

le verre plat — 29,2 %;

c)

le verre à usage domestique — 3,2 %;

d)

la fibre de verre (renforcement et isolation) — 5,3 %;

e)

le verre spécialisé — 2,1 %.

2.2.

Emploi

En 2018, le secteur du verre employait environ 290 000 travailleurs dans l’EU-27 (1). Ce chiffre couvre la fabrication, le recyclage et la transformation du verre, étant donné que certains secteurs, notamment celui du verre plat, ont des chaînes de valeur complexes. Le secteur de la transformation du verre compte également un nombre considérable de PME.

2.3.   Santé et sécurité

2.3.1.

L’industrie européenne du verre propose des emplois de qualité qui correspondent à un large éventail de profils, de l’ouvrier non qualifié à l’ingénieur de haut niveau.

2.3.2.

Travailler comme ouvrier dans l’industrie du verre peut s’avérer physiquement pénible et parfois encore dangereux. Les mesures de santé et de sécurité nécessitent des investissements et ont souvent une incidence positive sur la productivité. Les mesures de prévention des maladies professionnelles sont constamment améliorées, de même que celles relatives à la prévention de la silicose, dans le cadre du dialogue social du NEPSI (Nœud européen pour la silice) sur la silice cristalline alvéolaire. La culture de la sécurité et de la prévention a contribué à la qualité des emplois dans le secteur.

2.4.   Âge, éducation et formation

Contrairement à la situation qui prévaut en Europe centrale et orientale, la main-d’œuvre des pays d’Europe occidentale est essentiellement plus âgée (plus de 50 ans) et très expérimentée. Il est de plus en plus difficile d’attirer de nouveaux travailleurs et de jeunes travailleurs. Remplacer les travailleurs âgés et expérimentés suppose de former de nouveaux travailleurs et de permettre aux travailleurs actuels de suivre le rythme de l’innovation et des changements dans le secteur.

2.5.   Le verre, un secteur très innovant

2.5.1.

Les tendances en matière de santé et de bien-être ouvrent de nouvelles perspectives et de nouveaux marchés pour des emballages en verre produits en circuit fermé, durables, sains, réutilisables et recyclables à l’infini. Le secteur verrier travaille sur l’innovation en matière de conception et sur des voies plus porteuses de «rupture» pour décarboner le processus de production, préfigurant une transformation majeure dans le domaine de la production de verre.

2.5.2.

Le verre utilisé dans la construction et le secteur automobile devient de plus en plus sophistiqué en ce qu’il intègre des feuilles, des gaz, des revêtements, des caméras, des radars et d’autres matériaux, de manière à améliorer la sécurité, les propriétés d’isolation et la transmissibilité des données. Des cellules photovoltaïques peuvent être incorporées dans du verre de façade ou dans le vitrage des toits panoramiques des voitures pour maintenir l’efficacité et produire de l’électricité renouvelable.

2.5.3.

Des produits verriers de haute technologie sont en outre utilisés dans les secteurs de l’aérospatiale et de la défense. Les produits en verre et les composites à base de fibre de verre servent également dans les engins spatiaux et les satellites, sous forme de revêtements, d’éléments électroniques, de capteurs, d’écrans, etc. Cela fait de l’industrie du verre non seulement un secteur de haute technologie et innovant, mais aussi un secteur hautement stratégique.

2.6.   Impact de la COVID-19

Les marchés ont été déprimés dans plusieurs secteurs clés depuis le début de la pandémie, ce qui a entraîné une baisse de la production et des lenteurs dans la reprise de certains sous-secteurs importants du verre (verre plat, verre à usage domestique, fibre de verre). En 2020, l’industrie a connu une baisse de 1 % à 14 % selon le sous-secteur. Dans le secteur du verre plat, principalement utilisé dans la construction et l’automobile, le marché européen s’est contracté de plus de 10 %. Si la situation dans le secteur de la construction s’est avérée meilleure que prévu, le marché du verre automobile reste quant à lui très déprimé à ce jour.

3.   Contribution du verre à la neutralité climatique, à l’économie circulaire, au bien-être et à la stratégie numérique de l’Union européenne

3.1.   Neutralité climatique

3.1.1.   Vague de rénovations

3.1.1.1.

Les produits verriers sont un élément central de la vague de rénovations de l’Union européenne, qui vise à réduire considérablement la consommation d’énergie et les émissions de CO2 des bâtiments. Des vitrages répondant aux normes de performance énergétique les plus élevées devront être utilisés pour les fenêtres afin d’isoler les bâtiments. Cela devrait se traduire par une réduction massive du CO2 étant donné que le vitrage à haute performance devrait pouvoir faire baisser les émissions des bâtiments de 37,4 % d’ici à 2050 (2). La laine de verre, le verre-mousse et les autres dérivés isolants de fibres de verre ont également un rôle essentiel à jouer pour parvenir à une isolation optimale des bâtiments.

3.1.1.2.

La vague de rénovations de l’Union européenne constituera une source considérable de débouchés commerciaux. Doubler le taux de remplacement des fenêtres pourrait entraîner une croissance du marché du verre plat de plus de 60 % et donc susciter des investissements.

3.1.2.   Production d’énergie verte

3.1.2.1.

Le verre est indispensable à la production d’énergie verte. Il est un élément clé des panneaux solaires photovoltaïques. La fibre de verre est utilisée dans la fabrication des éoliennes pour les rendre légères mais solides. L’électricité verte peut également être générée grâce à un verre miroir spécial orientant la lumière sur un élément central connecté à un générateur.

3.1.2.2.

L’essor et la chute rapides de l’industrie européenne de production de panneaux solaires, dus à la concurrence déloyale des entreprises chinoises, peuvent servir d’exemple de ce qu’il ne faut pas faire s’agissant de gérer les nouvelles possibilités en matière d’énergie verte dans un environnement concurrentiel sur le plan international. Les nouvelles politiques de l’Union européenne concernant les objectifs climatiques et les chaînes de valeur stratégiques devraient viser à repenser la production de cellules photovoltaïques en Europe.

3.1.3.   Transport

3.1.3.1.

Le secteur du verre est un important fournisseur pour les producteurs de matériel roulant. En raison de la crise de la COVID-19, certaines entreprises de transport public ont suspendu ou annulé des commandes importantes, avec pour conséquence un risque de fermeture pour plusieurs sites, ce qui, le cas échéant, pourrait entraîner une augmentation des importations. Des plans nationaux de relance adoptés en temps utile pourraient soutenir efficacement la production européenne.

3.1.3.2.

En dépit de la crise que connaissait déjà l’industrie automobile avant même la COVID-19, on peut s’attendre à une demande de vitrages légers plus avancés et à haute capacité d’isolation. Les voitures autonomes renforceront la demande de produits verriers spécialisés plus sophistiqués pour les écrans, les tableaux de commande et les dispositifs de réalité augmentée, etc.

3.1.4.   Emballages durables

Le verre fournit aux secteurs européens de l’alimentation et des boissons, des cosmétiques et des produits pharmaceutiques (par exemple pour les vaccins contre la COVID-19) des emballages inertes sains et durables. Le secteur du verre est à la pointe d’un large éventail d’innovations en matière d’écoconception, de décarbonation et d’efficacité énergétique, qui visent à transformer la manière dont le verre est produit. Chaque année, pas moins de 10 % des coûts de production sont investis dans la décarbonation, l’efficacité énergétique et la modernisation des installations. Le dernier projet en date relatif au verre d’emballage, «Furnace for the Future» (3), pour lequel un dossier a été introduit auprès du Fonds pour l’innovation du SEQE, devrait permettre de réduire les émissions de 60 %. Il s’agit d’une initiative parmi d’autres visant à soutenir l’ambition du secteur de fournir des emballages en verre neutres pour le climat, qui transformeront le secteur et offriront de grandes possibilités de croissance dans le domaine des emballages en verre à faible intensité de carbone.

3.2.   Économie circulaire: le verre en tant que produit circulaire idéal

3.2.1.

Le verre est un matériau permanent et inerte, qui est réutilisable et recyclable à l’infini sans perdre ses propriétés.

3.2.2.

Le verre constitue une alternative respectueuse de l’environnement à de nombreuses applications plastiques, mène la course en tête sur le plan du recyclage efficace et est réutilisable à 100 %, offrant un système entièrement circulaire. Il s’agit du seul emballage qui ne nécessite ni couche ni revêtement en plastique et reste toujours de qualité alimentaire, sain et sûr, quel que soit le nombre de recyclages dont il fait l’objet. Aucun autre emballage ne permet d’atteindre cette pleine circularité. Le verre est l’un des matériaux d’emballage les plus recyclés: 76 % de l’ensemble du verre mis sur le marché de nos jours est collecté en vue de son recyclage. L’utilisation du verre recyclé favorise à la fois les économies d’énergie et la réduction des émissions de CO2. Il convient de continuer à soutenir les mesures d’incitation à l’échelle de l’Union européenne visant à encourager les parties prenantes tout au long de la chaîne de valeur, y compris les consommateurs, à recycler davantage et mieux.

3.2.3.

Dans le secteur du verre de construction, le verre recyclé représente aujourd’hui 26 % des matières premières utilisées (4). Il est possible d’accroître encore le recyclage en améliorant la collecte, le tri et le nettoyage du verre provenant des anciennes fenêtres ou façades.

3.2.4.

La fin de vie de la première génération de cellules photovoltaïques peut offrir une nouvelle occasion de repenser la politique industrielle en matière d’énergie solaire et de conserver des matériaux précieux en Europe grâce à un recyclage accru. Cette possibilité devrait être soutenue par une vision et une politique européennes claires.

3.3.   Bien-être

3.3.1.

Le verre est présent tout autour de nous. La vie moderne ne serait pas possible sans lui. Le secteur du verre est également l’une des industries les plus anciennes, dotée de profondes racines historiques en Europe dans les domaines du verre décoratif, des arts et de la culture. Cette longue tradition a façonné le savoir-faire, les pratiques et l’art de la verrerie européens.

3.3.2.

De nos jours, la technologie médicale, la biotechnologie et les sciences du vivant n’existeraient pas sans le verre. C’est aussi le verre qui nous protège des rayons X (radiologie) et gamma (nucléaire). Le verre utilisé pour l’architecture d’intérieur ou encore le mobilier en verre, comme les miroirs, les cloisons, les balustrades, les tables, les étagères et les lampes en verre améliorent nos espaces de vie et de travail.

3.3.3.

Le verre protège la qualité et la durée de conservation de nos aliments et de nos boissons. La vaisselle en verre propose des accessoires de table raffinés et caractéristiques d’un certain art de vivre. Les vitres laissent entrer la lumière naturelle dans nos maisons et nos bureaux. Le verre est utilisé dans la fabrication des appareils ménagers et de bureau, ainsi que dans l’électronique: cela va des portes de four et des plaques de cuisson aux écrans de télévision et d’ordinateur et aux smartphones.

3.4.   Programme pour une Europe numérique

Les sites de production européens produisent déjà le verre le plus fin, utilisé pour les écrans, les smartphones, les tablettes et d’autres écrans (tactiles). Les fils et câbles à fibre de verre optique assurent à la fois le transport à grande échelle, voire intercontinental, des données et les micro-connexions dans les appareils et les puces électroniques.

4.   Le verre en tant que secteur à forte intensité énergétique

4.1.

Chaque année, de nouveaux fours sont progressivement reconstruits ou adaptés à l’aide de technologies innovantes à faible intensité de carbone qui sont beaucoup plus économes en énergie. L’industrie continue de réduire sa consommation d’énergie en recourant aux technologies de récupération de la chaleur fatale, à la technologie des cycles organiques de Rankine, à une utilisation accrue du calcin et à d’autres technologies symbiotiques. Les nouveaux systèmes et les nouvelles technologies de gestion de l’énergie largement déployés dans les usines de verre contribuent à accroître l’efficacité énergétique.

4.2.

La réduction de la consommation d’énergie dans le secteur verrier suit depuis près de 100 ans une tendance à la baisse marquée et atteint à présent sa limite thermodynamique.

4.3.

Les émissions de CO2 dans le secteur du verre étant directement liées à l’énergie utilisée, l’ampleur des améliorations en matière d’efficacité énergétique peut être observée dans la réduction des émissions de CO2. Ces améliorations ont de fait entraîné de fortes réductions des émissions de CO2. Par exemple, l’industrie française du verre, qui est assez diversifiée et sophistiquée, a réduit ses émissions de 70 % entre 1960 et 2010.

4.4.

Afin de suivre les progrès réalisés par l’industrie verrière par comparaison avec d’autres secteurs à forte intensité énergétique, il convient de mettre en place un soutien plus ciblé pour le secteur dans son ensemble et ses sous-secteurs, ainsi que pour chaque État membre.

4.5.   Voies vers la neutralité climatique/carbone

4.5.1.

Le secteur verrier a presque atteint sa limite thermodynamique, ce qui signifie que les techniques actuelles et la combustion du gaz naturel ne permettent plus de réduire sensiblement les émissions de CO2. Ce qui est nécessaire, c’est une transition énergétique et une circularité encore accrue dans la production de verre dans les domaines où il existe un potentiel.

4.5.2.   Électricité verte

L’électrification est une autre voie prometteuse vers la décarbonation de la production de verre. Un projet de démonstration — Furnace for the Future — est en cours d’élaboration. Il s’agira du premier four électrique hybride à verre d’emballage de grande envergure au monde. Il existe déjà des fours électriques de moindre envergure utilisés dans les sous-secteurs du verre d’emballage et du verre domestique. Comme c’est le cas pour l’hydrogène, les capacités dans le domaine de l’électricité verte doivent être développées.

4.5.3.   Hydrogène vert

L’hydrogène est une alternative très prometteuse au gaz naturel. Le secteur du verre étudie déjà la possibilité de s’équiper de fours à hydrogène. Il faudra plusieurs années avant que le premier four à hydrogène soit opérationnel dans un contexte concurrentiel et que la capacité de production et de transport de l’hydrogène soit suffisante.

4.5.4.   Circularité

Lors de la fusion du verre dans des fours au gaz naturel, jusqu’à 80 % des émissions de CO2 résultent de la combustion du gaz naturel, et 20 % des matières premières vierges. Remplacer les matières premières vierges par du verre recyclé (calcin) permet d’éviter de devoir extraire les matières vierges, de réduire les déchets et le CO2 et d’économiser de l’énergie. Il est possible de «boucler la boucle du verre» (5) et de recycler davantage de déchets de verre de post-consommation. Dans les sous-secteurs du verre de construction et du verre automobile, plusieurs initiatives et modèles sont actuellement testés en vue d’améliorer la collecte. Le prédémantèlement du verre et des vitrages des bâtiments avant démolition et un objectif de collecte spécifique par matériau devraient être envisagés pour compléter l’objectif générique concernant les déchets de construction et de démolition, qui est inefficace lorsqu’il s’agit de matériaux légers tels que le verre. Des systèmes de collecte séparée sont nécessaires pour garantir une haute qualité afin de permettre un taux élevé d’utilisation de contenus recyclés dans les produits en verre.

4.5.5.   Obstacles et défis

La transition énergétique entraînera une augmentation des coûts d’exploitation et des dépenses en capital. Les politiques de l’Union européenne doivent soutenir les investissements de l’industrie pour permettre cette transition et veiller à ce que le secteur ne soit pas exposé à la concurrence déloyale en provenance de l’extérieur du marché de l’Union européenne. En outre, c’est maintenant qu’il convient de prendre des mesures puisque les fours ont une durée de vie d’environ 10 à 15 ans pour le verre d’emballage et de 15 à 20 ans pour le verre plat. Cela signifie que d’ici à l’année cruciale 2050, il n’y aura que deux générations de fours.

5.   L’industrie du verre dans la politique de l’Union européenne

5.1.

Pacte vert: le pacte vert, la vague de rénovations de l’Union européenne, la promotion des énergies renouvelables, la politique des transports durables et les initiatives en faveur de l’économie circulaire devraient constituer des moteurs efficaces pour le développement de produits verriers à faible intensité de carbone.

5.2.

Nouvelles sources d’énergie: soutenir et renforcer les capacités en matière d’énergies renouvelables pour promouvoir l’électricité verte et l’hydrogène vert et garantir la disponibilité du biogaz. Soutenir l’énergie éolienne et solaire dans le bouquet énergétique.

5.3.

Recherche et développement: renforcer le soutien et le financement publics en faveur de la recherche et du développement et des projets de démonstration (6), par exemple avec le Fonds pour l’innovation du SEQE, afin de décarboner la production et de poursuivre le développement de fours économes en énergie. Le Fonds a été massivement sursouscrit lors de son premier appel et ce devrait également être le cas lors des appels ultérieurs.

5.4.

Adoption par le marché: des mécanismes visant à soutenir la commercialisation des produits verriers à faible intensité de carbone sont nécessaires pour garantir le rendement des investissements dans la production à faible intensité de carbone. Soutenir le remplacement des plastiques par des solutions de remplacement en verre durable dans la vente au détail, dans les habitations ou encore dans le secteur de l’hôtellerie, la restauration à emporter et la consommation nomade de produits alimentaires et de boissons, afin de faciliter le passage de systèmes d’économie linéaire à des systèmes d’économie circulaire.

5.5.

Vague de rénovations: soutenir les mesures prises au titre de la vague de rénovations qui sont susceptibles d’encourager l’utilisation de produits évitant le CO2 pour stimuler l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables tant dans les bâtiments que dans les transports. Accroître l’objectif d’efficacité énergétique et le rendre contraignant au niveau de l’Union européenne pour encourager la rénovation des bâtiments publics et relever le niveau d’ambition des obligations en matière d’économies d’énergie. Soutenir l’augmentation des financements disponibles pour la rénovation des bâtiments au moyen d’un certain nombre d’instruments, dont le nouveau Fonds social pour le climat.

5.6.

Transport durable: soutenir la révolution des transports en faveur d’une transition vers des voitures intelligentes et neutres pour le climat et du développement des systèmes de transport. Le verre de haute technologie joue un rôle important à cet égard.

5.7.

Emballages durables: soutenir le passage de matériaux non linéaires à un verre entièrement circulaire, réutilisable et recyclable, de manière à réduire la dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles, l’extraction de matières premières vierges et l’épuisement des ressources.

5.8.

Circularité: soutenir les infrastructures de collecte séparée et de recyclage, le renforcement des capacités et les technologies permettant d’optimiser les volumes et la qualité du verre de post-consommation destiné au recyclage en circuit fermé en de nouveaux produits verriers. Encourager les partenariats de la chaîne de valeur entre les secteurs public et privé, tels que la plateforme «Close the Glass Loop» (7) (Boucler la boucle du verre) pour le verre d’emballage, à travailler ensemble.

5.8.1.

Il convient tout particulièrement de consentir des efforts dans le domaine des activités du secteur de la construction, notamment au niveau des déchets de démolition, afin d’exploiter le potentiel du verre de construction en fin de vie.

5.8.2.

Il a été démontré que des taux élevés de réutilisation et de recyclage des emballages en verre contribuent à réduire les incidences environnementales de ces systèmes d’emballage et à accroître l’efficacité dans l’utilisation des ressources. Afin d’atteindre ces taux élevés de réutilisation et de recyclage, l’industrie a mis en place, en plus des régimes de responsabilité élargie des producteurs pour le recyclage des emballages en verre perdu, des systèmes de consigne sur une base volontaire pour les emballages en verre réutilisables et certains États membres de l’Espace économique européen (EEE) ont instauré des systèmes obligatoires de consigne pour les emballages pour boissons à usage unique. Si les systèmes obligatoires de consigne pour les emballages à usage unique sont considérés comme un moyen efficace de prévenir les déchets sauvages et d’atteindre des taux de recyclage élevés des emballages pour boissons, le CESE estime que, pour les autres emballages en verre (et pas uniquement les récipients pour boissons), les systèmes de consigne pour le verre perdu ne sont pas compatibles avec le bon fonctionnement des régimes de responsabilité élargie des producteurs, qui constituent un système de collecte en vue du recyclage adapté à l’objectif poursuivi, qui a fait ses preuves et a permis d’atteindre des taux de recyclage très élevés.

5.8.3.

Pour le verre d’emballage non re-remplissable, soutenir les régimes de responsabilité élargie des producteurs qui permettent de collecter le verre en vrac. Ces systèmes sont beaucoup plus efficaces que les systèmes de consigne pour les emballages non réutilisables, sur le plan tant environnemental qu’économique.

5.9.

Numérisation: soutenir les industries et les travailleurs qui œuvrent en faveur d’une Europe numérique (fibre optique, écrans tactiles, écrans, capteurs) grâce à une politique industrielle de l’Union européenne efficace et au développement des écosystèmes, en tenant compte de tous les défis susmentionnés et des spécificités des différents sous-secteurs du verre.

5.10.   Assurer la compétitivité sur le marché européen

5.10.1.

La transition énergétique du secteur du verre prendra du temps et, durant ce processus, les coûts de l’énergie très élevés et qui continuent d’augmenter créent une situation extrêmement difficile dans le secteur verrier, où ils représentent actuellement entre 25 et 30 % des coûts de production du verre, en fonction des produits et des fluctuations des prix.

5.10.2.   Aides d’État

L’ensemble des sous-secteurs du verre devraient pouvoir bénéficier d’instruments de soutien dans le domaine des dépenses en capital et des coûts d’exploitation, tels que le Fonds pour la modernisation, les Fonds structurels de l’Union européenne et le Fonds pour l’innovation du SEQE, entre autres. Le verre devrait être exempté de la directive sur la taxation de l’énergie mais être inclus dans le champ d’application de l’exemption par catégorie pour la compensation de l’énergie électrique, et accéder aux contrats d’écart compensatoire appliqués au carbone pour que le secteur soit en mesure d’investir dans des procédés de production à faible intensité de CO2. En particulier, le verre spécialisé devrait être ajouté à la liste des aides d’État pour le climat.

5.10.3.

Compétitivité mondiale

5.10.3.1.

Les pratiques commerciales déloyales de pays tiers doivent être combattues rapidement au moyen d’instruments de politique commerciale efficaces.

5.10.3.2.

Le secteur de la fibre de verre à filament continu a souffert d’une distorsion du marché due aux importations élevées de fibre de verre subventionnées et faisant l’objet d’un dumping en provenance d’Asie. Il est urgent de prendre des mesures anticontournement, concernant par exemple les importations en provenance d’Égypte et de Bahreïn.

5.10.3.3.

Le sous-secteur du verre produisant des pare-brise destinés à l’industrie automobile est également confronté à une concurrence acharnée, principalement de la part des producteurs chinois. Des normes environnementales et d’émission de CO2 moins strictes, combinées à des salaires inférieurs et à des conditions de travail moins favorables, engendrent une concurrence déloyale susceptible d’amener les assembleurs automobiles européens à augmenter leurs importations en provenance d’Asie orientale, entraînant ainsi une augmentation des émissions de CO2 à l’échelle mondiale.

5.10.3.4.

L’Europe est le premier producteur mondial d’emballages en verre. Ce secteur est au service du secteur européen essentiel de l’alimentaire et des boissons, le plus important de l’Union européenne. Le verre contribue également au commerce extérieur: on estime à 250 milliards d’EUR la valeur des produits emballés ou susceptibles d’être emballés dans du verre, ce qui représente plus de recettes d’exportation de l’Union européenne que les résines artificielles et granules de plastique, les produits chimiques organiques et les avions.

5.11.   Assurer une transition équitable

Il y a lieu d’encourager et de soutenir l’apprentissage tout au long de la vie et la formation afin de garantir que la main-d’œuvre s’adapte aux nouvelles technologies et aux nouveaux procédés, et d’assurer une plus grande sécurité de l’emploi, tant dans le secteur lui-même que sur le marché du travail au sens large. Les travailleurs devraient être associés à la transition et, par conséquent, il convient de soutenir le dialogue social à tous les niveaux au moyen de la législation européenne.

5.12.   Stabilité et sécurité législatives

5.12.1.

Fuites de carbone: il convient de maintenir des mesures efficaces contre les fuites de carbone dans le cadre du SEQE afin de soutenir le secteur dans la transition vers la réalisation de l’objectif de neutralité climatique de l’Union européenne et de créer et maintenir des conditions de concurrence équitables au niveaux européen et international.

5.12.2.

MACF: le CESE est favorable à une introduction prudente de ce mécanisme, dans le respect des règles de l’OMC, mais celui-ci devrait prévoir une solution pour les exportations, en complément d’une allocation complète des quotas gratuits fondés sur les référentiels au moins jusqu’en 2030, afin de permettre aux entreprises de se concentrer sur les investissements à faible intensité de carbone et d’évaluer l’efficacité du MACF.

5.12.3.

Taxinomie: le Comité se félicite des travaux sur le paquet «Taxinomie» de l’Union européenne visant à orienter le financement privé vers des activités durables, mais il estime qu’il convient de se pencher à cet égard sur le rôle de la fabrication du verre et sur sa contribution à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de ses effets.

5.12.4.

Circularité: le Comité accueille favorablement le plan d’action pour une économie circulaire et demande que le verre soit pleinement reconnu comme un matériau permanent qui reste productif dans nos économies et que les initiatives visant à renforcer la circularité du verre bénéficient d’un soutien sans réserve.

5.12.5.

Paquet «Ajustement à l’objectif 55»: ce train de mesures a été présenté alors que le présent avis était en cours d’élaboration. Il propose de modifier une douzaine de propositions existantes (directive relative au système d’échange de quotas d’émission, directive sur la taxation de l’énergie, directive sur les sources d’énergie renouvelables, etc.) et présente plusieurs nouvelles propositions (comme celle relative au MACF). Le Comité invite la Commission à évaluer soigneusement l’impact de ce train de mesures sur l’industrie du verre. Compte tenu de l’ampleur des changements introduits dans un grand nombre de domaines différents, il est essentiel d’assurer la cohérence entre les différents textes législatifs et d’éviter d’éventuels conflits. Ce train de mesures devrait soutenir l’industrie dans sa transition énergétique tout en garantissant des conditions de concurrence équitables avec les concurrents établis en dehors de l’Union européenne qui ne sont pas confrontés aux mêmes prix du carbone.

Bruxelles, le 21 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Source: Eurostat et Ferver.

(2)  La source est un rapport de TNO datant de 2019: Glazing potential: energy savings and CO2 emission reduction — Glass for Europe.

(3)  Furnace for the Future: https://feve.org/about-glass/furnace-for-the-future/

(4)  Glass for Europe — 2050: Flat glass in climate-neutral Europe (Le verre plat dans une Europe neutre pour le climat) — 2019. https://glassforeurope.com/wp-content/uploads/2020/01/flat-glass-climate-neutral-europe.pdf.

(5)  Close the Glass Loop: https://closetheglassloop.eu/

(6)  L’industrie du verre a mis en place plusieurs stratégies de décarbonation, telles que le passage à des sources d’énergie renouvelables, des mesures d’efficacité énergétique, l’utilisation de matières premières à faible intensité de carbone et de verre recyclé, ou encore en matière de transport et de logistique.

(7)  Close the Glass Loop: www.closetheglassloop.eu


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/26


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La stratégie de l’UE en matière de mobilité et les chaînes de valeur industrielles de l’UE: approche des écosystèmes dans le secteur automobile»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/05)

Rapporteur:

Arnaud SCHWARTZ

Corapporteure:

Monika SITÁROVÁ

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

29.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

235/1/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE considère que l’écosystème automobile européen peut occuper une position d’avant-garde dans la conception et le déploiement de solutions de mobilité durable. Par conséquent, il doit activement élaborer des stratégies pour aiguiller les bouleversements qui s’opèrent actuellement dans le paysage automobile européen et les grandes tendances qui le traversent.

1.2.

Pour réduire les émissions des transports de 90 % d’ici à 2050, le CESE attend de l’Union européenne qu’elle s’emploie à rendre durables tous les modes de transport, et qu’elle fasse en sorte dans le même temps que d’autres solutions durables soient largement disponibles et accessibles pour les citoyens européens. Cet objectif peut être atteint grâce à une combinaison intelligente de motorisations qui ménagerait un juste équilibre entre la protection de l’environnement, une utilisation efficace des ressources renouvelables, la viabilité économique et l’adhésion des consommateurs, tout en respectant le principe de neutralité technologique.

1.3.

Le CESE a la ferme conviction que la mobilité individuelle doit rester accessible et abordable pour tous, en particulier pour les personnes qui n’ont pas accès à des transports publics de qualité ni à d’autres solutions de mobilité pour se déplacer quotidiennement entre leur domicile et leur lieu de travail. Il faut à tout prix éviter la formation d’un clivage dans la société, entre les personnes qui peuvent se permettre d’acheter une voiture écologique et celles qui n’en ont pas les moyens. À cet égard, le CESE adresse une mise en garde quant au déploiement d’un système proche de celui du SEQE pour le transport routier, qui pourrait entamer le soutien du public en faveur d’une moindre dépendance de ce secteur aux ressources fossiles si les groupes à faibles revenus et ceux qui sont tributaires du transport routier pour leur subsistance ne bénéficient pas d’une compensation adéquate.

1.4.

Le CESE relève que le secteur automobile européen est depuis toujours un chef de file mondial et un vecteur de croissance et d’emplois. Dans la transition vers le modèle d’un système de transport routier numérisé et décarboné, il devrait conserver cette position et tracer les trajectoires de transformation qui lui permettront de faire front aux tendances qui bouleversent actuellement son ordre de marche. Pour ce faire, le secteur devrait s’appuyer sur les atouts qui sont les siens en matière de technologies, sa main-d’œuvre qualifiée, son ingénierie de classe mondiale, des consommateurs exigeants, des chaînes d’approvisionnement sophistiquées, une forte culture des PME et un dialogue social constructif.

1.5.

Le lancement réussi du projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) sur les batteries a prouvé que la mise en commun de ressources publiques et privées contribue à l’évidence au renforcement de la chaîne d’approvisionnement du secteur automobile. Le CESE est par conséquent convaincu que des PIIEC supplémentaires doivent être envisagés dans ce secteur, par exemple pour l’hydrogène (le projet est en préparation), les voitures automatisées et connectées, l’économie circulaire, les matières premières, etc. Des mesures énergiques doivent être prises pour résorber les goulets d’étranglement dans l’approvisionnement en semi-conducteurs, et la création d’un second PIIEC pour les semi-conducteurs contribuerait à apporter une solution à ce problème.

1.6.

Le CESE attend de l’Union qu’elle soutienne des conditions de concurrence équitables à l’échelle mondiale. L’Europe doit avoir pour ambition de maintenir sa forte position exportatrice dans le secteur automobile. Dès lors, des mesures doivent être prises pour:

défendre la réciprocité dans les relations commerciales (accès aux marchés, marchés publics, investissements, respect des droits de propriété intellectuelle, subventions),

conclure des accords bilatéraux de libre-échange (comprenant un chapitre sur le secteur automobile/le transport routier),

lutter contre les pratiques commerciales déloyales (subventions, accords bilatéraux de libre-échange, différences de prix du carbone, dumping social et environnemental),

promouvoir la coopération internationale autour des voitures propres et des technologies utilisant des carburants faiblement émetteurs de carbone.

1.7.

La transformation du secteur automobile aura de profondes répercussions quant à la quantité et à la qualité des emplois dont celui-ci a besoin. Dès lors, des politiques actives du marché du travail sont nécessaires pour maintenir l’aptitude à l’emploi de la main-d’œuvre grâce, par exemple, à des initiatives de renforcement des compétences et de reconversion professionnelle (à l’image de l’Alliance pour les compétences dans l’automobile), afin de doter les travailleurs des compétences qui seront nécessaires à l’avenir. Pour les salariés qui doivent quitter le secteur, une transition en douceur vers un autre emploi doit être garantie (en plus des dispositifs de retraite anticipée).

1.8.

Le CESE préconise un recensement précis des conséquences de la transition écologique et numérique du secteur afin de déterminer les régions et les parties de la chaîne d’approvisionnement qui sont les plus menacées. De même, il sera nécessaire de surveiller la manière dont l’implantation de l’industrie évolue en raison de la décarbonation et de la numérisation, en tenant compte de toutes les étapes concernées du cycle de vie. Devant l’ampleur des défis que la chaîne d’approvisionnement automobile doit relever, le CESE juge indispensable de créer à l’intention du secteur un mécanisme pour une transition juste, afin de mettre en place les mesures d’accompagnement nécessaires pour éviter les dommages sociaux et pour garantir une transition empreinte de responsabilité sociale.

2.   Observations générales

La situation actuelle

2.1.

L’automobile a toujours constitué un pilier de l’industrie de l’Union européenne, étroitement relié aux secteurs en amont, tels que l’acier, les produits chimiques et le textile, mais aussi à ceux situés en aval, comme les technologies de l’information et de la communication, la réparation, les carburants, les lubrifiants et les services de mobilité. Ce secteur représente plus de 8 % du PIB de l’Union européenne et 28 % de ses dépenses totales de recherche et développement, et il dégage un vaste excédent commercial à l’exportation. L’avenir du secteur automobile européen dépendra toutefois de sa capacité à procéder aux ajustements fondamentaux qui lui seront nécessaires pour relever les défis sans précédent auxquels il est aujourd’hui confronté.

2.2.

Le secteur automobile européen est à la veille d’un renouvellement complet de son modèle, fruit de la transition complexe qui s’opère vers une économie numérique et écologique. Le 28 novembre 2018, la Commission a adopté sa vision à long terme d’une économie neutre pour le climat d’ici à 2050. Le secteur des transports s’y distingue par le rôle important qu’il joue dans cette transition. Le pacte vert pour l’Europe de décembre 2019 établit un cadre stratégique pour atteindre la neutralité climatique. Il exige une réduction de 90 % des émissions dues aux transports d’ici à 2050. Dans ce contexte, l’Union européenne a décidé de réviser son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, pour les faire baisser d’au moins 55 %. Pour atteindre cet objectif, la Commission a présenté, le 14 juillet 2021, son train de mesures «Ajustement à l’objectif 55» portant révision du règlement sur la répartition de l’effort, de la directive sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et du règlement établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2.

2.3.

Le passage des combustibles fossiles à une énergie faiblement émettrice de carbone ainsi que le mouvement de transfert qui verra la création de valeur ajoutée se déplacer de la production de masse de véhicules vers la fourniture de services de mobilité entraîneront de fortes turbulences pour le secteur, pour les nombreuses PME qui évoluent dans ses chaînes d’approvisionnement complexes, ainsi que pour les 13,8 millions de travailleurs qu’il emploie. Par conséquent, tout l’enjeu consistera à gérer cette transition vers un bilan net nul en matière d’émissions d’une manière qui soit acceptable sur le plan social.

Les grandes tendances qui bouleversent l’ordre établi

2.4.

La mondialisation — Alors que les ventes d’automobiles ralentissent sur les marchés arrivés à maturité, elles sont en croissance sur les marchés émergents. Par conséquent, le centre de gravité économique se déplace depuis l’Union européenne et les États-Unis vers l’Asie. À l’heure actuelle, la Chine produit à la chaîne 26 millions de voitures par an, contre 22 millions dans l’Union. La Chine figure aussi parmi les pionniers de la production de véhicules électriques et elle dispose d’un marché des batteries à maturité. Le Japon et la Corée ont également une longueur d’avance dans le domaine des batteries et sont en nette position de force dans celui des semi-conducteurs. L’Europe rencontre par ailleurs des difficultés pour accéder à un approvisionnement éthique en matières premières telles que le lithium et le cobalt (1). Enfin, le secteur automobile doit prendre en considération la montée des tensions géopolitiques.

2.5.

Le défi du développement durable — D’après la vision exposée dans la stratégie de l’Union pour une mobilité durable et intelligente, «[d]’ici à 2030, au moins 30 millions de voitures […] “zéro émission”» circuleront sur les routes d’Europe. Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a proposé qu’à partir de 2035, seuls les véhicules à émissions nulles soient autorisés à être commercialisés. Pour y parvenir, il faudra augmenter vigoureusement la part des véhicules à émissions nulles dans le parc existant (de 0,2 % actuellement à 11-14 % en 2030) (2). La concrétisation des objectifs du pacte vert offrira des avantages aux acteurs qui en prendront l’initiative en premier, et elle viendra conforter la position dominante de l’Europe dans le domaine des technologies sobres en carbone ainsi que sa compétitivité sur la scène mondiale. Elle implique aussi d’investir massivement dans le développement de nouvelles motorisations (électriques à batterie, hybrides, à l’hydrogène) et de carburants d’origine non fossile pour alimenter les moteurs traditionnels, lesquels resteront présents dans le parc pendant encore longtemps. La vitesse à laquelle ces motorisations et ces carburants seront adoptés dépendra d’un cadre réglementaire qui s’y prête et des délais d’amortissement de ces investissements. Il est reconnu dans la stratégie de mobilité durable et intelligente de l’Union qu’il faut «rendre tous les modes de transport plus durables». Une telle approche nécessite de se tourner vers des véhicules à émissions basses ou nulles ainsi que vers des carburants renouvelables et faiblement émetteurs de carbone pour le transport terrestre, par voie d’eau et aérien.

2.6.

L’évolution des mentalités chez les consommateurs — Les comportements en matière de mobilité évoluent. Une nouvelle génération de consommateurs est moins encline à posséder une voiture, car nombre d’entre eux vivent dans un milieu urbain, où les systèmes de transport collectif sont bien établis. Plutôt que de posséder une automobile, ils se tournent vers d’autres solutions de mobilité (partage de véhicule, services de VTC, micromobilité). D’autres tendances qui étaient déjà visibles auparavant ont été renforcées par la pandémie, comme les achats en ligne, le travail à distance, la visioconférence ou les services de livraison. Elles entraîneront une baisse de la mobilité par la voiture individuelle, tandis que l’utilisation des véhicules utilitaires sera quant à elle appelée à augmenter.

2.7.

Une plus grande connectivité — L’objectif des technologies numériques est de permettre aux voitures d’être presque constamment connectées. Les avantages potentiels qui pourraient en découler pour de nouveaux modèles économiques fondés sur les données sont considérables. Les voitures intelligentes seraient équipées de dispositifs de sécurité active, d’interfaces d’information et de divertissement, de services d’informations routières, d’un système de communication du véhicule à l’infrastructure, etc.

2.8.

L’automatisation progressive des voitures — La marche vers l’avènement des voitures à conduite autonome mènera à des niveaux sans cesse plus poussés de fonctionnalités autonomes à bord des véhicules. La conduite automatisée nécessiterait d’énormes investissements dans les logiciels, les réseaux de communication et les équipements matériels (radars, lidars, transpondeurs). Elle pose aussi de nombreux problèmes en ce qui concerne la fiabilité, le cadre juridique, les prix, l’équipement routier et les responsabilités.

2.9.

La numérisation de la production — C’est l’industrie automobile qui a inventé la chaîne de montage (Ford), les principes de la production «au plus juste» ou lean manufacturing (Toyota) et les plateformes de production mondialisée (VW). Aujourd’hui, elle embrasse les principes de «l’industrie 4.0», avec une robotisation avancée, des chaînes d’approvisionnement numériquement intégrées, des systèmes de fabrication avancés et une fabrication additive.

Les conséquences de la transformation écologique et numérique

2.10.

Une industrie automobile de taille réduite, numérisée et décarbonée posera d’immenses défis en matière d’emploi. Les véhicules électriques à batterie ont moins de composants et sont plus simples à produire, et c’est au moins 36 % de leur valeur ajoutée qui réside dans leurs batteries. Une extrapolation réalisée à partir d’une étude récente de l’institut allemand IFO indique que 620 000 emplois seront menacés dans la chaîne de valeur européenne des systèmes de motorisation traditionnels. Des solutions peuvent être trouvées en partie grâce aux départs (anticipés) à la retraite (3), par exemple, ou plus largement en révolutionnant l’avenir du travail (4). Inversement, la transition créera également de nouveaux emplois dans des industries adjacentes, telles que l’électronique de puissance, les réseaux intelligents, les infrastructures routières et les infrastructures de recharge, les batteries, les nouveaux matériaux et les systèmes de motorisation alimentés par des carburants de substitution.

2.11.

Une tendance à la consolidation et des alliances stratégiques sont à l’œuvre (avec par exemple Stellantis ou les alliances conclues entre BMW et Mercedes et entre VW et Ford), dans un objectif de mise en commun de la recherche et du développement portant sur les nouvelles motorisations et de regroupement des achats de composants. Ces fusions et alliances déboucheront toujours sur de nouvelles stratégies d’entreprise, une redéfinition de l’implantation industrielle, des délocalisations vers des régions où la main-d’œuvre coûte moins cher, des plans de suppression d’emplois et une pression accrue sur les fournisseurs. En procédant à la scission de leurs activités parvenues à maturité, les entreprises peuvent focaliser leurs ressources sur les nouvelles motorisations.

2.12.

Des frontières d’une porosité croissante entre le secteur automobile et celui des technologies de l’information — Les technologies de l’information vont s’insérer dans tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement. Les données deviendront une nouvelle matière première et une source de revenus. L’industrie est en pleine recomposition à l’échelle mondiale et voit de nouveaux acteurs investir le terrain: les prestataires de mobilité (Uber), les géants de l’informatique (Google, Apple, Baidu), les fabricants de puces (Intel, NXP, STM), les fabricants de batteries (Panasonic, CATL, LG) et les équipementiers émergents (Tesla).

2.13.

La valeur ajoutée pourrait se détourner du cœur de métier de l’industrie automobile (équipementiers) au profit d’autres maillons de la chaîne d’approvisionnement, dès lors que la part des technologies de l’information en pourcentage de la valeur ajoutée ne fera qu’augmenter au détriment des composants mécaniques.

2.14.

Il est probable que de plus en plus de valeur ajoutée sera créée dans les services de mobilité, comme les services de VTC, le covoiturage, le partage de véhicule et une myriade de services numériques, tels que les applications de navigation, les interfaces d’information et de divertissement, la publicité et les systèmes avancés d’aide à la conduite. Ces évolutions donneront le jour à de nouveaux modèles économiques: là où les équipementiers voient dans le secteur automobile un marché de 100 millions de véhicules, les plateformes numériques l’envisagent comme un marché où 10 000 milliards de kilomètres peuvent être vendus chaque année.

2.15.

La structure de l’emploi dans le secteur sera complètement remaniée. Ce sont de nouvelles compétences et expériences qui seront requises (électronique, électrochimie, nouveaux matériaux, technologies de l’information), avec en parallèle un recul de la demande de compétences mécaniques traditionnelles. Doter la main-d’œuvre de telles compétences constituera un défi important pour le secteur automobile.

2.16.

Toutes les grandes tendances évoquées plus haut se renforceront mutuellement. S’il est très largement admis qu’un phénomène de rupture est d’ores et déjà engagé et est appelé à changer la donne, la priorité pour tous les acteurs en présence doit être désormais de rendre la transition sociale vers des transports décarbonés plus progressive, en organisant une transition juste. Pour qu’elle soit acceptée, la mobilité durable doit être abordable pour tous.

3.   Maîtriser la transformation

Environnement: passer à la vitesse supérieure en matière de durabilité

3.1.

Pour réduire les émissions des transports de 90 % d’ici à 2050, l’Union devrait s’employer à rendre durables tous les modes de transport, et faire en sorte dans le même temps que d’autres solutions durables soient largement disponibles et accessibles pour les citoyens européens. Cet objectif peut être atteint grâce à une combinaison intelligente de motorisations qui ménagerait un juste équilibre entre la protection de l’environnement, une utilisation efficace des ressources renouvelables, la viabilité économique et l’adhésion des consommateurs, tout en respectant le principe de neutralité technologique. Différentes stratégies devront être combinées à cet effet:

la réduction des émissions de CO2«du réservoir à la roue» (48 V, hybrides, électricité, hydrogène, moteurs à combustion interne plus efficaces, etc.),

la réduction des émissions de CO2«du puits à la roue». Il convient de soutenir le développement de carburants de synthèse et de biocarburants qui soient conformes aux objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et aux critères de durabilité énoncés dans la directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (5), afin d’éviter qu’ils ne compromettent l’utilisation des terres, la biodiversité ou les forêts,

une stratégie coordonnée pour des villes propres (grâce, par exemple, à une décarbonation du transport du dernier kilomètre, à des solutions de micromobilité innovantes, aux déplacements intermodaux),

la réduction des émissions tout au long du cycle de vie (fabrication et recyclage),

la réduction de l’intensité des émissions dans le secteur des transports (solutions de transport intelligentes, mobilité partagée). Pour chaque besoin de transport, une solution de mobilité durable doit être disponible (transport de marchandises de longue distance grâce aux biocarburants et aux carburants de synthèse/à l’hydrogène, motorisations électriques à batterie pour la livraison du dernier kilomètre dans les zones urbaines), dans le respect du principe de neutralité technologique,

des incitations à moderniser d’anciens équipements en remplaçant les moteurs à combustion interne par des moteurs électriques, ou en les complétant (motorisation hybride) par des moteurs intégrés aux moyeux de roue,

la réduction du poids des voitures nouvellement commercialisées (6).

3.2.

La Commission a l’intention de mettre en place un système proche de celui du SEQE pour le transport routier et les bâtiments. La tarification des émissions dues au transport routier sera équivalente à une taxation du carburant (à la différence près qu’elle relèvera de la majorité qualifiée). Les recettes seront utilisées pour indemniser les personnes qui sont tributaires d’un véhicule équipé d’un moteur à combustion interne, soit pour leur travail, soit parce qu’aucun autre moyen de transport n’est disponible. Sachant que la conception d’un mécanisme d’indemnisation de ce type promet d’être extrêmement complexe et que l’augmentation des prix des carburants lésera de manière disproportionnée les groupes à faibles revenus, le CESE n’est pas convaincu que cette solution soit la bonne, car elle entamera le soutien du public en faveur de la lutte contre le changement climatique. En lieu et place, il semble préférable, pour mettre le transport sobre en carbone à la portée de toutes les bourses, de s’employer à réduire le coût du cycle de vie des nouvelles motorisations et de faire baisser le coût des carburants à émissions nettes de carbone basses ou nulles.

3.3.

La priorité devrait être donnée aux «zones blanches» de la recharge. À l’heure actuelle, 213 000 stations de recharge sont disponibles dans l’Union au total et 70 % d’entre elles sont concentrées dans trois pays: les Pays-Bas, l’Allemagne et la France. L’objectif étant de disposer de 1 million de chargeurs publics d’ici à 2025 et de 3 millions d’ici à 2030, les lacunes à combler dans le développement des infrastructures sont énormes (il est estimé dans la stratégie européenne de mobilité durable et intelligente que les investissements supplémentaires qu’il faudra consacrer aux infrastructures de recharge et de ravitaillement en carburants faiblement émetteurs de carbone représentent 130 milliards d’EUR par an pour les dix ans à venir). C’est pourquoi le CESE est favorable à ce que des objectifs obligatoires soient mis en place. Le projet phare «Recharger et ravitailler» qui est prévu au titre de la facilité pour la reprise et la résilience ne fait qu’encourager les États membres à accélérer le déploiement de stations de recharge et de ravitaillement dans le cadre de leurs plans de relance. Il convient de prêter une attention particulière aux logements, à la préparation des réseaux en vue d’une intégration accrue des véhicules électriques, à l’interopérabilité des infrastructures de recharge, au développement de services de recharge intelligents (moyennant par exemple un équilibrage de la charge) et à l’approvisionnement en carburants renouvelables et faiblement émetteurs de carbone. Maintenant que les véhicules utilitaires lourds entièrement électriques deviennent une réalité, ils mériteraient eux aussi de faire l’objet d’une attention particulière.

3.4.

Aussi longtemps que les véhicules traditionnels et électriques ne seront pas à parité de prix (laquelle est attendue entre 2025 et 2027), des incitations financières seront nécessaires pour soutenir la pénétration sur le marché des véhicules sobres en carbone. Ces incitations peuvent être de nature financière (subventions, allégements fiscaux, primes à la casse) ou autre (voies prioritaires, exemptions de péage, places de stationnement réservées), et peuvent notamment prendre la forme d’un cadre réglementaire cohérent pour encourager les investissements dans les carburants faiblement émetteurs de carbone. Il conviendrait de s’attacher tout particulièrement à rendre les parcs automobiles plus conformes aux exigences écologiques, car il pourrait s’agir là d’un levier important pour accélérer la transition, mais aussi parce que cette démarche contribuera à créer un marché de l’occasion pour les véhicules à émissions de carbone nulles ou faibles.

3.5.

Soutien en faveur du développement de l’économie circulaire dans l’écosystème automobile: le recyclage, la réutilisation et le remanufacturage des voitures et des pièces. Les principes de l’économie circulaire devraient également être appliqués pour augmenter la quantité de matières premières secondaires à la disposition du secteur et réduire la dépendance à l’égard des importations. Toutefois, il ressort d’études récentes que les matériaux recyclés ne représenteront une masse suffisante pour être exploitables sur le marché que dans une dizaine d’années, lorsque les véhicules électriques auront atteint la fin de leur durée de vie. Il faut donc être réaliste et comprendre que l’extraction primaire est essentielle, au moins pour les années 2020. Dès lors, c’est la diversification des chaînes d’approvisionnement, assortie d’une stratégie minière écologique et éthique, qui doit garantir la sécurité de l’approvisionnement. En outre, la révision à venir de la directive 2000/53/CE (7) relative aux véhicules hors d’usage devra tenir compte de l’électrification des véhicules et de la nécessité de développer des marchés pour les matières secondaires.

Économie: maintenir et étendre l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement automobile au sein de l’Union

3.6.

Promouvoir la collaboration industrielle — Les énormes budgets de recherche et développement (60 milliards d’EUR par an à ce jour) qui sont investis à l’heure actuelle dans le développement d’une mobilité décarbonée, connectée, automatisée et partagée appellent une collaboration industrielle et des partenariats public-privé. À cet égard, le déploiement de partenariats pour l’innovation au titre du pôle no 5 («Climat, énergie et mobilité») du programme Horizon Europe (hydrogène propre, batteries, mobilité connectée et automatisée, transport routier à émissions nulles, promotion de la transition urbaine) mérite un soutien sans réserve. Par ailleurs, les alliances industrielles nouées sous l’égide de la Commission européenne (comme pour les batteries, l’hydrogène, les matières premières ou encore celle annoncée pour la chaîne de valeur des carburants renouvelables et faiblement émetteurs de carbone) offrent une plateforme ouverte et étendue pour établir des feuilles de route stratégiques, et pour coordonner la recherche et le développement, les investissements et la commercialisation de nouvelles innovations. Enfin, il est évident que la mise en commun de ressources publiques et privées dans des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) renforcera la chaîne d’approvisionnement de l’industrie automobile européenne, réduira les dépendances stratégiques et favorisera la double transition écologique et numérique. De nouveaux PIIEC doivent être envisagés, pour les voitures connectées et automatisées, l’économie circulaire, l’intégration des systèmes énergétiques, l’approvisionnement en matières premières, l’économie des données ou encore les semi-conducteurs.

3.7.

Les défis posés par le développement d’une chaîne de valeur durable et circulaire pour les batteries (8) au sein de l’Union — Implanter localement la fabrication de batteries et de piles à combustible doit constituer un objectif fondamental pour l’Union. Les alliances constituées dans l’Union autour des batteries et de l’hydrogène méritent de bénéficier d’un soutien, et des ressources suffisantes doivent être mises à leur disposition. Ces alliances industrielles doivent donner lieu à des investissements massifs dans les sites de production et créer des milliers d’emplois en Europe. Il faudra veiller à ce que n’apparaissent pas, entre les régions d’Europe, des fractures telles que celles qui sont visibles à l’heure actuelle.

3.8.

La grande tendance des voitures connectées et automatisées pourrait entraîner un mouvement de transfert qui verrait la valeur ajoutée se déplacer de la vente et de l’entretien des véhicules vers de nouveaux modèles économiques de rupture reposant sur les services fondés sur les données et la mobilité à la demande. L’écosystème automobile doit être préparé à s’engager dans ces nouveaux modèles économiques et à y pérenniser sa présence. Des normes technologiques et réglementaires seront nécessaires à cet effet, pour offrir de nouveaux services de mobilité innovants tels que le paiement à l’usage, la publicité géolocalisée ou encore les mises à jour et l’entretien des véhicules à distance. La création d’un espace européen des données relatives à la mobilité sera également essentielle pour maintenir la position dominante de l’Europe dans les services de mobilité numérique. Elle sera nécessaire aussi pour déployer les infrastructures de communications numériques requises et concevoir des feuilles de route visant à accroître les niveaux d’automatisation (y compris un cadre pour les essais à grande échelle, l’accès aux données et une nouvelle approche de la réception par type des véhicules). Par ailleurs, il faudra évaluer les retombées à long terme qu’auront des véhicules de plus en plus automatisés, en particulier sur l’emploi et les questions d’éthique, car il s’agit là d’un élément important pour les faire accepter dans la société. Enfin, le transport de marchandises étant susceptible de s’intensifier à l’avenir (commerce électronique), des solutions de mobilité pour un transport intelligent devront être mises au point sur la base d’une organisation multimodale des transports, du rapport coût/efficacité (combinaisons de véhicules de grande capacité) et de modes de transport durables, moyennant le recours à des solutions d’automatisation et de connectivité dans la chaîne logistique.

3.9.

Des technologies intelligentes et des solutions numériques fondées sur le modèle de «l’industrie 4.0» doivent soutenir l’intégration des systèmes de production et contribuer à les rendre plus flexibles. Des systèmes de production améliorés (qui ne se limitent pas à l’intégration des procédés de production à l’échelle de l’entreprise) tout le long du circuit d’approvisionnement dans son intégralité rendront les chaînes d’approvisionnement du secteur automobile plus résilientes et viendront conforter la compétitivité. La numérisation doit être soutenue par la création d’un espace des données industrielles pour le secteur. Toutefois, ces technologies impliquent également une automatisation accrue dont les retombées seront négatives pour l’emploi, et cet aspect devra être traité.

3.10.

Soutenir des conditions de concurrence équitables à l’échelle mondiale. L’Europe doit avoir pour ambition de maintenir sa forte position exportatrice dans le secteur automobile. Dès lors, des mesures doivent être prises pour:

défendre la réciprocité dans les relations commerciales (accès aux marchés, marchés publics, investissements, respect des droits de propriété intellectuelle, subventions),

conclure des accords bilatéraux de libre-échange (comprenant un chapitre sur le secteur automobile/le transport routier),

lutter contre les pratiques commerciales déloyales (subventions, accords bilatéraux de libre-échange, différences de prix du carbone, dumping social et environnemental),

promouvoir la coopération internationale autour des voitures propres et des technologies utilisant des carburants faiblement émetteurs de carbone.

3.11.

Le soutien apporté à une harmonisation technique mondiale dans le cadre de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-ONU) doit être renforcé. Des mesures énergiques doivent êtres prises pour résorber les goulets d’étranglement dans l’approvisionnement en semi-conducteurs pour l’automobile. La demande de semi-conducteurs continuera de croître à mesure que les voitures deviennent des dispositifs électroniques. À cet égard, le CESE soutient pleinement la proposition formulée dans la dernière communication en date relative à la politique industrielle, qui consiste à concevoir une panoplie d’outils en vue de réduire et de prévenir les dépendances stratégiques de l’Europe. De même, c’est un soutien sans réserve qu’il convient d’apporter à l’objectif fixé dans la «boussole numérique» européenne de doubler la part de l’Europe dans le marché mondial des semi-conducteurs, pour la faire passer de 10 à 20 %. La mise en place d’un second PIIEC en matière de semi-conducteurs contribuera certainement à atteindre cet objectif. Les États membres de l’Union devraient également concrétiser leur promesse de dépenser 20 % de la facilité pour la reprise et la résilience après la COVID-19 dans la transition numérique. D’autres mesures pourraient notamment consister à attirer des investissements directs étrangers et à établir une coopération stratégique entre les constructeurs automobiles et les fabricants de semi-conducteurs. Enfin, l’observatoire des technologies critiques doit surveiller de près les nombreuses autres dépendances stratégiques dans le secteur automobile: matières premières, hydrogène, batteries, énergies renouvelables, technologies en nuage, etc.

3.12.

Une réponse doit être apportée face aux conséquences du nouveau paysage automobile pour le marché de l’après-vente — Le marché de l’après-vente automobile, qui emploie quatre millions de personnes, sera bientôt aux prises avec un profond changement structurel, causé par le recul des ventes, l’électrification, la baisse de la demande de carburants, les ventes en ligne et l’entretien réduit. Le secteur devra se réinventer en tant que fournisseur de services de mobilité: mise à jour des voitures, entretien préventif, services de VTC, partage de véhicule, et mise en place de modèles économiques de micromobilité. Des solutions devront être trouvées pour concilier des intérêts divergents en ce qui concerne l’accès aux données embarquées, et une plateforme interopérable et normalisée devra être instituée pour permettre au marché de l’après-vente de mettre au point des services fondés sur les données (comme le diagnostic à distance, la mise à jour des logiciels, l’entretien préventif).

Société: gérer le changement et garantir une transition équitable sur le plan social

3.13.

La transformation du secteur automobile aura de profondes répercussions quant au nombre d’emplois requis dans la fabrication des voitures et de leurs composants, de même que sur les profils des emplois recherchés dans le cadre de ce nouveau modèle. Dès lors, des politiques du marché du travail devraient mettre l’accent sur le maintien ou l’augmentation de l’aptitude à l’emploi de la main-d’œuvre grâce à l’apprentissage tout au long de la vie, et sur la création de parcours flexibles qui relient le monde de l’éducation et le monde du travail (par exemple: systèmes de formation en alternance, marchés de l’apprentissage efficaces et certification des apprentissages non formels). La mobilité interne des travailleurs au sein des entreprises devrait être encouragée par le renforcement des compétences et la reconversion professionnelle, afin de les doter des compétences qui seront nécessaires à l’avenir (diminution des tâches manuelles et nette progression des aptitudes numériques, une attention particulière devant être portée au génie logiciel et électronique). Des initiatives européennes sectorielles, telles que Drives et Albatts, ou la nouvelle Alliance pour les compétences dans l’automobile, constituent des leviers essentiels pour relever le défi des compétences.

3.14.

Pour les salariés qui doivent quitter le secteur, une transition en douceur vers un autre emploi devrait être organisée. Ils doivent se voir offrir un accès aux nouveaux emplois qui ne manqueront pas d’être créés dans des filières émergentes, par exemple dans l’informatique, les réseaux 5G, l’électronique de puissance, les infrastructures de recharge, la production d’énergies renouvelables, les réseaux intelligents, les routes intelligentes, les services de mobilité, les batteries, les carburants de substitution, le stockage de l’énergie, ou encore la production et la distribution d’électricité. La tâche sera loin d’être aisée, car ces emplois seront probablement créés ailleurs, avec un décalage dans le temps, et ils nécessiteront des compétences différentes de celles requises pour les emplois amenés à disparaître. La sécurité des revenus doit être garantie pendant la transition. Il est également possible d’éviter les licenciements collectifs au moyen de dispositifs de retraite anticipée, de chômage partiel et de réduction du temps de travail. Il convient de veiller à instaurer un dialogue social approprié afin de pouvoir anticiper le changement en temps utile et d’éviter les dommages et conflits sociaux.

3.15.

Un recensement précis des conséquences de la transition écologique et numérique du secteur est nécessaire afin de déterminer les régions et les parties de la chaîne d’approvisionnement qui sont les plus menacées. Il convient d’éviter l’apparition de nouvelles fractures sociales entre l’Est et l’Ouest ou le Nord et le Sud de l’Europe. De même, il sera nécessaire de surveiller la manière dont l’implantation de l’industrie évolue en raison de la décarbonation et de la numérisation. Il y a lieu de se pencher attentivement sur les progrès qu’il est possible d’obtenir dans l’utilisation de la biomasse durable, car celle-ci ouvre également des perspectives en matière de création d’emplois, tout en tenant dûment compte, dans le même temps, de la nécessité de respecter les limites écologiques.

3.16.

Toutes les parties prenantes (entreprises, syndicats, groupements, pouvoirs publics, agences pour l’emploi, organismes de développement régional) dans les régions de production de véhicules automobiles devraient travailler ensemble et de manière intensive à des plans globaux de redéveloppement régional.

3.17.

Il faut éviter l’apparition d’actifs irrécupérables dans les chaînes d’approvisionnement du secteur automobile en apportant, en temps utile, un soutien adéquat aux nombreuses PME qui ne disposent pas des ressources (humaines et financières) pour restructurer leurs activités et se convertir à des modèles économiques plus prometteurs.

3.18.

La mobilité individuelle doit rester accessible et abordable pour tous, en particulier pour les personnes qui n’ont pas accès à des transports publics de qualité ni à d’autres solutions de mobilité pour se déplacer quotidiennement entre leur domicile et leur lieu de travail. Une solution pour ce faire pourrait consister à offrir une compensation eu égard au prix plus élevé des nouvelles motorisations et des carburants à émissions nettes de carbone basses ou nulles qui peuvent être utilisés par les voitures traditionnelles. Il faut à tout prix éviter la formation d’un clivage dans la société, entre les personnes qui peuvent se permettre d’acheter une voiture écologique et celles qui n’en ont pas les moyens.

3.19.

Conclusion — Le secteur automobile européen est depuis toujours un chef de file mondial et un vecteur de croissance et d’emplois. Dans la transition vers le modèle d’un système de transport routier numérisé et décarboné, il devrait conserver cette position et tracer les trajectoires de transformation qui lui permettront de faire front aux tendances qui bouleversent actuellement son ordre de marche. Pour ce faire, le secteur devrait s’appuyer sur les atouts qui sont les siens en matière de technologies, sa main-d’œuvre qualifiée, son ingénierie de classe mondiale, des consommateurs exigeants, des chaînes d’approvisionnement sophistiquées, une forte culture des PME et un dialogue social constructif. L’écosystème automobile européen doit se poster à l’avant-garde de la conception et du déploiement de solutions de mobilité durable. Par conséquent, il doit activement élaborer des stratégies pour aiguiller les bouleversements qui s’opèrent actuellement dans le paysage automobile européen et les grandes tendances qui le traversent. Devant l’ampleur des défis que la chaîne d’approvisionnement automobile doit relever, le CESE juge indispensable de créer à l’intention du secteur un mécanisme pour une transition juste, afin de mettre en place les mesures d’accompagnement nécessaires pour éviter les dommages sociaux et pour garantir une transition empreinte de responsabilité sociale.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_2312

(2)  Document de travail des services de la Commission — Stratégie de mobilité durable et intelligente, SWD(2020) 331, p. 248.

(3)  Falck, O., et Czernich, N., «Auswirkungen der vermehrten Produktion elektrisch betriebener Pkw auf die Beschäftigung in Deutschland», mai 2021, institut IFO; https://www.ifo.de/DocDL/ifoStudie-2021_Elektromobilitaet-Beschaeftigung.pdf

(4)  https://eeb.org/library/escaping-the-growth-and-jobs-treadmill/

(5)  Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (JO L 328 du 21.12.2018, p. 82).

(6)  Les parts respectives des voitures d’un poids inférieur à 1 000 kg et supérieur à 1 500 kg vendues en France sont passées de 36 % et 7 % en 1998 à 15 % et 16 % en 2019 (Eurostat).

(7)  Directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d’usage (JO L 269 du 21.10.2000, p. 34).

(8)  À cet égard, le rôle de la réglementation européenne relative aux batteries est décrit en détail dans l’avis JO C 220 du 9.6.2021, p. 128.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/34


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’incidence sociétale et écologique de l’écosystème de la 5G»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/06)

Rapporteur:

Dumitru FORNEA

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

7.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/2/19

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE relève que la numérisation et le développement des communications électroniques, s’effectuant à vive allure, exercent un fort effet sur l’économie et, plus largement, sur toute la société. Si elle utilise ces technologies de manière responsable, l’humanité disposera d’une chance, unique dans l’histoire, de construire une société plus juste. Néanmoins, le risque existe aussi qu’à défaut d’y prêter toute l’attention voulue et d’exercer le contrôle démocratique nécessaire, nos communautés soient confrontées à de graves défis pour la gestion future de ces systèmes technologiques.

1.2.

Le CESE reconnaît que les infrastructures de communication électronique peuvent déboucher sur de grandes avancées dans la qualité de vie des citoyens et exercer un impact direct dans la lutte contre la pauvreté. La technologie de la 5G offre des perspectives exceptionnelles pour améliorer les services de santé offerts à la population, en développant la télémédecine et en donnant un meilleur accès aux soins médicaux. La collectivité a conscience du rôle important que la médecine à distance a joué lors de la pandémie.

1.3.

Le CESE fait observer que même si le débat sur le déploiement des réseaux de la 5G s’est mué en échanges dominés par la controverse et la politisation, il ne s’en impose pas moins de clarifier les enjeux d’ordre social, sanitaire et environnemental de cette question, en associant à la démarche les citoyens et l’ensemble des acteurs concernés.

1.4.

Le CESE encourage la Commission européenne à marquer des progrès dans le processus d’évaluation de l’impact que les nouvelles technologies de la 5G et de la 6G produisent dans toute une série de secteurs, en tenant compte de la nécessité de disposer d’instruments et de mesures pour faire face aux risques et remédier aux vulnérabilités. Aussi recommande-t-il d’allouer des fonds européens et nationaux pour effectuer des recherches multidisciplinaires et des études d’impact qui soient plus fouillées, ciblent les incidences tant humaines qu’environnementales et s’attachent par ailleurs à diffuser les résultats obtenus, afin d’éclairer l’opinion publique et les décideurs.

1.5.

Le CESE propose que la Commission européenne, consultant les citoyens et les organisations de la société civile et associant à sa démarche toutes les institutions publiques concernées, puisse contribuer au processus de prise de décision concernant l’impact sociétal et écologique des communications électroniques mobiles.

1.6.

Le CESE estime que l’Union européenne a besoin d’une instance européenne indépendante qui, recourant aux méthodologies les plus modernes, s’inscrivant pleinement dans le paysage technologique actuel et adoptant une approche pluridisciplinaire, élabore des lignes directrices pour assurer, en cas d’exposition aux rayonnements électromagnétiques dus aux radiofréquences, la protection tant de la population en général que des travailleurs concernés.

1.7.

Le CESE recommande de réaliser un inventaire de toutes les stations de transmission de radiofréquences et des bandes de fréquences sur lesquelles elles opèrent, ainsi que de publier cette information, afin d’améliorer l’aménagement du territoire et la protection des intérêts des citoyens, en particulier lorsqu’ils font partie de groupes vulnérables, qu’il s’agisse des enfants, des femmes enceintes ou des personnes atteintes de maladies chroniques, âgées ou souffrant d’hypersensibilité électromagnétique. Il importe également que la santé et la sécurité des travailleurs soient prises en compte.

1.8.

Le CESE soutient l’idée que dès leur fabrication en usine, les équipements du réseau de la 5G soient obligatoirement pourvus des moyens de fournir aux organisations de consommateurs et au public intéressé des informations, communiquées en temps réel et accessibles publiquement, concernant leur puissance d’émission et d’autres paramètres techniques pertinents. Ces données devront être centralisées, gérées et communiquées par les autorités compétentes.

1.9.

Le CESE a la conviction que le suivi et le contrôle de la pollution électromagnétique doivent s’effectuer sur la base d’une approche scientifique rigoureuse, de nature interinstitutionnelle et interdisciplinaire, qui puisse s’appuyer sur la disponibilité d’appareillages modernes pour mesurer les paramètres des réseaux de communications électroniques, de manière à en déceler et évaluer correctement les effets cumulatifs sur des périodes plus étendues.

1.10.

S’il n’existe pas de données scientifiques reconnues concernant un impact négatif de la 5G sur la santé humaine, le CESE estime qu’il est nécessaire d’assurer une surveillance permanente de ses effets d’ordre social, sanitaire et environnemental à l’aune du principe de précaution. Il admet les inquiétudes que soulèvent ses effets sur la santé, dont ceux qui sont d’ordre thermique ou non thermique ou ont trait à l’intensité de l’exposition ou à ses effets à long terme. Certaines régions ou zones seront exposées de manière plus concentrée que d’autres et, dans ce cas, il y aurait lieu d’envisager des mesures spécifiques, y compris en recommandant d’étendre l’application du principe dit ALARA («aussi faible que raisonnablement possible») afin de limiter les effets du rayonnement électromagnétique produit par les réseaux de la 5G.

1.11.

Le CESE relève qu’il est pratiquement impossible d’éviter que la population ne soit exposée à toute une série de champs électromagnétiques. Il conviendrait que les partenaires sociaux soient associés d’emblée au réexamen des valeurs limites d’exposition fixées par la directive concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques) (1). Leurs effets non thermiques devraient faire l’objet d’une attention particulière.

1.12.

Il y a lieu de renforcer et consolider les mesures visant à protéger la santé et assurer la sécurité, en effectuant un suivi rigoureux des niveaux de rayonnement et en appliquant strictement les normes sécuritaires pour les personnes qui travaillent à proximité de sources de rayonnement électromagnétique.

1.13.

Le CESE relève qu’il est nécessaire de procéder à une mise à jour des mécanismes institutionnels qui visent à faire respecter l’ensemble des droits de l’homme dans le nouveau contexte modelé par l’hypernumérisation, l’hyperautomatisation et l’hyperconnectivité que facilite la 5G, étant donné que tout développement technologique doit intégrer ces valeurs universelles, représentant une dimension appréciable et indispensable dans toute évaluation du rapport coûts-avantages.

1.14.

Le CESE comprend les inquiétudes que nourrissent les citoyens s’agissant d’avoir la garantie que leurs droits de propriété seront sauvegardés lors de l’implantation des antennes, de même que leur droit de disposer de leur propre corps dans un contexte où les réseaux de la 5G vont investir tout l’espace, depuis leurs maisons jusqu’aux satellites en orbite. Il est impératif de respecter le droit de propriété et les choix de la population. La notion de consentement éclairé devrait faire l’objet d’une définition en bonne et due forme, afin que le citoyen ait réellement le droit d’exprimer son accord librement et de manière totalement informée et valide.

1.15.

Le CESE est favorable à ce que l’Europe consolide ses capacités en matière de prévention, d’éducation et de protection face aux risques de cybersécurité, tant en renforçant les institutions concernées, comme l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), qu’en établissant des instruments technologiques, institutionnels et juridiques qui garantissent que les droits des citoyens soient respectés. Pour parer à certaines menaces touchant à la sécurité, l’Union européenne devrait investir davantage dans le développement de ses propres technologies et le soutien à l’industrie et aux développeurs du domaine technologique. Il est plus important encore que ces actions soient taillées sur mesure pour encourager les PME européennes à développer des infrastructures 5G sûres et fiables.

2.   Introduction

2.1.

La 5G ne représente pas une innovation technologique en soi, mais constitue plutôt un nouveau stade dans l’évolution de technologies existantes, allant de la 1G à la 4G, avec lesquelles elle coexistera. Il en résultera un réseau lui-même composé d’un assemblage de réseaux, utilisant des bandes de fréquences plus nombreuses et variées, recourant à toute une gamme de dispositifs destinés au partage de données et donnant lieu à une multitude d’interactions avec les utilisateurs. Pour certaines d’entre elles, ces innovations en matière d’équipement et technologies pourraient produire d’autres effets que celles des générations précédentes.

2.2.

La technologie 5G devrait offrir la possibilité de réaliser une hyperconnectivité sans fil, de connecter un nombre énorme d’appareils et d’accélérer nettement les vitesses de transfert, exprimées en gigabits par seconde (Gbps). Pour y parvenir, elle recourra à l’agrégation du spectre de formation de faisceaux et aux connexions multiples en parallèle, en utilisant tout à la fois des antennes de type MIMO massif, pour la station de base avec réseau à commande de phase de l’opérateur, et MIMO classique, pour le périphérique client, et en pratiquant des temps de latence faibles, de l’ordre de la milliseconde, pour l’infrastructure de l’opérateur, mais non pour communiquer avec le reste de l’internet.

2.3.

Il ressort d’une étude de 2019 réalisée par l’association d’opérateurs mobiles GSMA que les nouvelles capacités des réseaux 5G sont nécessaires pour rendre opérationnels les véhicules autonomes, la réalité virtuelle et augmentée et l’internet tactile, les autres applications pouvant être assurées au moyen de la technologie actuelle, soit la 4G «évolution à long terme» (LTE) et la fibre optique. En outre, la technologie 5G accélérera l’évolution vers l’industrie 4.0 et facilitera le développement des applications fondées sur l’intelligence artificielle, de sorte qu’elle passe pour jouer un rôle capital et être une composante essentielle dans le développement d’une économie moderne, de plus en plus automatisée et numérisée.

2.4.

À travers le monde, certaines communautés scientifiques ont avancé des éléments de preuve (2) pour établir qu’il existe des raisons légitimes de nourrir des inquiétudes dès lors que le corps humain et les autres organismes biologiques se trouvent soumis, de manière prolongée et en tout lieu, au spectre de fréquences des microondes utilisées par les réseaux de la 5G et aux faisceaux et radiofréquences de l’ordre de dizaines de gigahertz qui sont spécifiques à ces technologies, ainsi que de craindre que des effets potentiellement néfastes en résulte pour la santé humaine, la biodiversité et l’environnement. Jusqu’à présent, toutefois, aucune des instances publiques responsables en la matière, qu’elles relèvent de l’Union européenne ou du niveau national, n’a mentionné l’existence d’une quelconque preuve scientifique concernant un impact négatif de la 5G sur la santé humaine. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare qu’«à ce jour, et malgré les nombreuses recherches effectuées, aucun lien de causalité n’a été établi entre l’exposition aux technologies sans fil et des effets dommageables pour la santé».

2.5.

La 5G, ainsi que les nouvelles technologies dont elle facilite l’émergence, comportent leur lot d’incertitudes et, à l’instar de toutes les innovations technologiques, elles pourraient avoir certains effets qui, pour l’heure, ne sont pas encore visibles. La société civile estime que si l’on veut aborder sous un angle adéquat toute question concernant l’impact de la 5G sur la santé publique et empêcher que l’opinion publique ne soit en proie à la désinformation, il y a lieu de mettre en place la gouvernance capable d’anticiper qui s’impose, en appliquant le principe de précaution au processus législatif européen visant à réglementer cette nouvelle génération technologique de communications électroniques.

3.   Observations générales

3.1.

D’une manière générale, les institutions internationales, les entreprises et les pouvoirs publics nationaux ne cachent pas leur enthousiasme quant aux avantages qu’apportera la 5G. Il n’en est pas moins nécessaire d’étudier si certains effets dommageables ne pourraient pas résulter du développement de son écosystème et, partant, quelles sont les conditions à réunir afin d’obtenir l’adhésion de la société à ces infrastructures et services qui exerceront sur elle un impact sociétal significatif.

3.2.

Du fait de l’accélération qu’a connu le développement des technologies de communication électronique et de l’infrastructure internet, un débat a pris corps, au sein de la population et de la société civile organisée des pays développés, s’agissant de déterminer s’il est nécessaire et judicieux d’accélérer de manière exponentielle le développement des réseaux des technologies de l’information et de la communication. Les pouvoirs publics doivent reconnaître les défis qui se posent quant à la manière dont ces systèmes technologiques pourraient exercer une incidence sur l’environnement, les organismes vivants et les droits individuels du citoyen.

3.3.

Au niveau européen, les préoccupations que soulèvent les effets potentiels de la pollution électromagnétique sur la santé sont exposées dans le considérant 31 de la décision no 243/2012/UE du Parlement européen et du Conseil (3), qui fait valoir qu’«une approche cohérente dans le domaine des autorisations liées au spectre dans l’Union devrait tenir pleinement compte de la protection de la santé publique à l’égard de l’exposition aux champs électromagnétiques, qui est essentielle pour le bien-être des citoyens. Tout en respectant la recommandation 1999/519/CE du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz), il est primordial de surveiller en permanence les effets sur la santé des rayonnements ionisants et non ionisants liés à l’utilisation du spectre, y compris les effets cumulés, en situation réelle, de l’utilisation de différentes fréquences par un nombre croissant de types d’équipements».

4.   Observations particulières

La technologie de la 5G et son incidence sur les droits civils des citoyens

4.1.

Ces dernières années, plusieurs organisations de la société civile, dans l’Union européenne comme dans des pays situés ailleurs dans le monde, ont mis en garde contre les effets néfastes et les situations de crise graves et complexes qui pourraient résulter d’un manque de contrôle démocratique et de transparence, ainsi que des menaces en matière de sécurité dues à la dépendance à l’égard de technologies fournies par des intervenants de pays tiers.

4.2.

Le secteur des communications électroniques et ses applications disruptives du type de la 5G reposent sur l’exploitation de deux ressources d’une très haute importance. La première est l’utilisation du spectre des radiofréquences, lequel constitue une ressource naturelle limitée, qui appartient à la population et que les gouvernements nationaux gèrent en son nom par le truchement d’agences nationales ou d’autres instances publiques, qui les louent aux opérateurs de communications électroniques.

4.3.

La seconde de ces ressources essentielles consiste en l’accès aux données et métadonnées des consommateurs et des particuliers, qui, dans le contexte de l’essor du marché des services numériques, recèlent une valeur exceptionnelle et procurent d’énormes profits aux entreprises qui les exploitent. Dans son avis sur le thème «Une stratégie européenne pour les données» (4), le CESE a mis en évidence certains des défis qui se posent en la matière.

4.4.

Eu égard aux observations qui précèdent, il convient de souligner qu’à l’instar de bien d’autres technologies, la 5G et le partage et l’agrégation de données offrent un puissant moyen de renforcer la société civile, d’accroître l’efficacité et la fiabilité des services publics et de réduire les inégalités, de par l’élan qu’ils impriment à la croissance économique. En conséquence, l’Union européenne et les États membres devraient exploiter la technologie de la 5G pour améliorer l’accès à des données de haute qualité et développer les infrastructures de l’administration numérique, ou administration en ligne, de façon à rendre les institutions publiques et démocratiques plus proches de la population.

4.5.

Le déploiement responsable et durable des infrastructures de communication électronique devrait dès lors améliorer la qualité de vie des citoyens ordinaires, en particulier dans les régions et les pays moins développés. L’essor de ces technologies exerce donc une incidence directe pour lutter contre la pauvreté.

4.6.

Grâce à la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil (5), en l’occurrence dans ses articles 42, 43 et 44, l’Union européen a créé, aux fins d’assurer le déploiement rapide des réseaux de la 5G, un cadre réglementaire qui facilite l’accès des opérateurs de communications électroniques aux propriétés où doivent être implantés les équipements et les éléments d’infrastructure qui sont absolument nécessaires au déploiement desdits réseaux. La société civile contrôle l’interprétation qui est faite de cette disposition, pour éviter que la transposition de la directive n’ouvre la porte à des dérogations inconstitutionnelles à la garantie des droits de propriété des citoyens.

Impact environnemental de l’écosystème de la 5G

4.7.

Certaines organisations de la société civile ont attiré l’attention sur l’impact que les nouveaux réseaux de la 5G produisent sur l’environnement. Certaines de leurs objections portent sur les lacunes dans la production d’études d’impact environnemental, ou sur l’inadéquation des mécanismes et mesures destinés à réduire l’empreinte énergétique des infrastructures des réseaux de la 5G ou encourager le recyclage des déchets électroniques (6).

4.8.

Afin d’évaluer correctement l’impact environnemental et climatique de la 5G, les pouvoirs publics doivent prendre en considération des critères tels que ses émissions de gaz à effet de serre (7), la disponibilité des matières premières critiques et la consommation que cette technologie en fait, ou encore l’énergie, considérée du point de vue du volume comme des sources de production, qui est nécessaire pour assurer le fonctionnement de tous les objets connectés et employés dans l’environnement de l’internet des objets (IdO), ainsi que pour acheminer les données sans fil et gérer leurs points de centralisation et de transit.

4.9.

Avec le déploiement de la technologie de la 5G et de l’internet des objets, les nouveaux équipements de ce réseau, qui se comptent en milliards, ainsi que les objets d’usage domestique, qu’ils consistent en appareils électroniques, électroménagers, installations ou autres, viendront grossir le volume des déchets de la catégorie électronique (8), et il s’agit là d’un aspect à prendre en compte, dans le contexte du concept de l’économie circulaire, ainsi que des politiques qui visent le «zéro déchet».

Inquiétudes concernant l’incidence des réseaux 5G sur la santé humaine et les organismes vivants

4.10.

La 5G ouvre d’énormes perspectives d’avancées en matière de santé des populations. Avec le déploiement des infrastructures des technologies de l’information et de la communication et l’arrivée de la 5G, la télémédecine accélérera sa progression, notamment en exploitant le concept de l’internet des objets. Par la 5G, il devient possible de réaliser à distance des interventions chirurgicales complexes et, ainsi, d’améliorer largement les possibilités de bénéficier de soins médicaux de grande qualité, en particulier dans le cas des personnes qui n’ont pas les moyens de se rendre à l’étranger pour recevoir le traitement qui leur est nécessaire.

4.11.

L’essor de la télémédecine revêt une importance toute particulière en période de pandémie, lorsque l’accessibilité des soins médicaux en présentiel est fortement réduite. En outre, la technologie de la 4G a permis le développement de la téléradiologie. Grâce aux infrastructures des technologies de l’information et de la communication, des patients ont pu, quel que soit l’endroit où ils se trouvaient, recevoir un diagnostic à distance, au moyen de l’imagerie par résonance magnétique ou tomodensitométrie, et obtenir une prestation médicale de qualité. Ce processus va se développer encore avec la technologie de la 5G, de sorte que les patients pourront bénéficier d’un meilleur accès à des dispositifs diagnostiques et des services médicaux directs qui sont fournis à distance.

4.12.

En revanche, le développement technologique a connu au cours de ces vingt dernières années une accélération qui a eu pour conséquence de faire proliférer les champs électromagnétiques et, partant, d’accroître la pollution due à ce «brouillard électromagnétique», dont il y a lieu d’aborder l’incidence au moyen d’une approche fondée sur des données probantes, afin d’évaluer le risque réel.

4.13.

Reconnue par le Parlement européen (9), le CESE (10) et le Conseil de l’Europe (11), l’«hypersensibilité électromagnétique» ou «intolérance électromagnétique» est une maladie qui touche un certain nombre de personnes et l’on prévoit que son incidence est susceptible d’augmenter avec le déploiement de la 5G, qui nécessite un réseau beaucoup plus dense d’équipements électroniques.

4.14.

Des études réalisées dans le monde entier arrivent à la conclusion que si les normes nationales ou celles de la CIPRNI sont respectées, les effets biologiques des rayonnements électromagnétiques ne présentent aucun risque pour la santé. Dans le même temps, nous disposons aussi de travaux, menés depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui (12), qui ont conclu à l’existence de dangers pour la santé humaine (13).

4.15.

Dans leurs rapports respectifs de 2019 et 2020 sur les préoccupations relatives à l’exposition à long terme de l’homme aux champs électromagnétiques produits par la 5G, la Commission européenne et la Commission fédérale des communications (FCC) des États-Unis (14) font valoir qu’il n’existe pas de preuves scientifiques cohérentes ou crédibles concernant des problèmes de santé qui seraient causés par l’exposition à l’énergie des radiofréquences émises par les téléphones portables.

4.16.

Voici plusieurs années, l’Organisation mondiale de la santé avait classé le champ électromagnétique produit par les radiofréquences parmi les agents cancérogènes potentiels, mais la position qu’elle soutient à présent est similaire à celle des autorités européennes et américaines. Dans le contexte du déploiement des réseaux de la 5G, elle a toutefois annoncé qu’en 2022, elle procéderait à une nouvelle évaluation des risques liés aux champs électromagnétiques pour le spectre des radiofréquences, entre 3 kHz et 3 000 GHz (15).

4.17.

La version finale de la résolution 1815 que le Conseil de l’Europe a adoptée le 27 mai 2011 sur le thème «Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement» met en garde contre l’impact de la pollution électromagnétique sur la santé humaine et formule un ensemble de recommandations, de nature générale ou plus spécifique, pour appliquer une approche cohérente, à moyen et long terme, face aux défis posés par l’explosion des communications mobiles. Le texte souligne qu’il est nécessaire de prendre toutes les mesures raisonnables pour réduire l’exposition aux champs électromagnétiques, conformément au principe dit «ALARA» (16), qui doit obligatoirement s’appliquer en cas de rayonnement ionisant.

4.18.

On trouve certaines études avançant que le rayonnement émis par les téléphones mobiles et les infrastructures de communication sans fil, y compris s’agissant d’émissions non thermiques, produit des effets qui présentent des risques pour la santé humaine, du point de vue neuronal, reproductif, oncologique et génotoxique (17). Sur la base des évaluations et méthodologies qui leur sont propres, les institutions concernées estiment toutefois que ces rayonnements sont inoffensifs pour l’humain.

4.19.

Comme indiqué ci-dessus, nous disposons d’études qui ont examiné l’impact des rayonnements électromagnétiques sur la santé humaine et animale. Toutefois, on n’a guère démêlé jusqu’à présent, et encore moins divulgué, les incidences complexes que l’exposition aux rayonnements électromagnétiques non ionisants peut avoir sur la faune et la flore, sous la forme d’effets non thermiques. Les études les mieux connues évoquent un impact significatif et immédiat sur les insectes pollinisateurs et les oiseaux, mais l’incidence à long terme des émissions électromagnétiques sur les écosystèmes du vivant suscite de vives préoccupations chez certains scientifiques.

Assertions en rapport avec les normes de la CIPRNI (18)

4.20.

La Commission européenne et la grande majorité des gouvernements nationaux dans le monde feront usage des lignes directrices de la CIPRNI pour établir des valeurs limites d’exposition de la population aux rayonnements électromagnétiques. Mises à jour et publiées en 2020, ces lignes directrices ont également pris en considération les deux paramètres propres à la 5G que sont la formation de faisceaux et les fréquences concernées mais elles n’ont tenu compte ni de l’agrégation desdites fréquences, ni de la densification des connexions.

4.21.

Même si la CIPRNI déploie des efforts de communication considérables pour diffuser une information circonstanciée sur les méthodes scientifiques qu’elle utilise afin de définir ses lignes directrices en matière de protection, elle ne reconnaît comme potentiellement nocifs que les effets thermiques des rayonnements électromagnétiques.

4.22.

L’étude STOA réalisée par le Parlement européen (19), en concordance avec les recommandations de la résolution 1815 adoptée par le Conseil de l’Europe en 2011, plaide pour le respect du principe de précaution, un réexamen des limites proposées par la CIPRNI et l’instauration de mesures techniques et administratives qui réduisent l’impact de la pollution électromagnétique due aux communications électroniques.

4.23.

Les mesures proposées visent notamment à doter l’infrastructure de communication d’une architecture plus responsable, en ce qui concerne l’emplacement des antennes et autres équipements spécifiques, à assurer que le grand public soit dûment informé des effets potentiels de la pollution électromagnétique et des moyens qui peuvent être mis en œuvre pour réduire l’impact de l’exposition aux rayonnements électromagnétiques, ou encore à développer des capacités de surveillance des champs électromagnétiques. Il conviendrait d’allouer des fonds européens et nationaux pour effectuer des recherches multidisciplinaires et des études d’impact qui soient plus fouillées et portent sur l’homme et l’environnement, ainsi que pour diffuser les résultats obtenus, afin d’éclairer l’opinion publique et les décideurs.

La cybersécurité de la 5G: les outils et mesures et leur efficacité

4.24.

Dans son avis sur la «sécurité du déploiement de la 5G — boîte à outils de l’UE» (20), le CESE avait déjà mis en lumière les nombreux défis de sécurité que pose la 5G. Les failles de cybersécurité de la 4G qui n’ont pas encore trouvé de remède s’aggraveront encore dans la 5G. Elles se situent au niveau technique de l’architecture du réseau, de sa topologie et de son protocole, ainsi que l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) (21) en a fait l’inventaire, et, à en croire le rapport sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (SRI) (22), il n’est toujours pas possible de les contrer par des mesures efficaces.

4.25.

Pour parer à certaines menaces touchant à la sécurité, l’Union européenne devrait investir davantage dans le développement de ses propres technologies et le soutien à l’industrie et aux développeurs du domaine technologique. Il est plus important encore que ces actions soient taillées sur mesure pour encourager les PME européennes à développer des infrastructures 5G sûres et fiables.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2013/35/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques) (vingtième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) et abrogeant la directive 2004/40/CE (JO L 179 du 29.6.2013, p. 1).

(2)  https://ehtrust.org/environmental-health-trust-et-al-v-fcc-key-documents/

(3)  Décision no 243/2012/UE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 établissant un programme pluriannuel en matière de politique du spectre radioélectrique (JO L 81 du 21.3.2012, p. 7).

(4)  TEN/708 (JO C 429 du 11.12.2020, p. 290).

(5)  Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (JO L 321 du 17.12.2018, p. 36).

(6)  https://www.greenpeace.org/static/planet4-eastasia-stateless/2021/05/a5886d59-china-5g-and-data-center-carbon-emissions-outlook-2035-english.pdf

(7)  https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2020/12/rapport-5g_haut-conseil-pour-le-climat.pdf

(8)  https://www.itu.int/en/ITU-D/Climate-Change/Pages/Global-E-waste-Monitor-2017.aspx

(9)  Résolution du Parlement européen du 2 avril 2009 sur les préoccupations quant aux effets pour la santé des champs électromagnétiques, 2008/2211(INI), paragraphe 28, https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-6-2009-0216_FR.html?redirect

(10)  Avis du CESE sur le thème de la «sécurité du déploiement de la 5G — Boîte à outils de l’UE», TEN/704 (JO C 429 du 11.12.2020, p. 281).

(11)  Résolution 1815 (2011), version finale, paragraphe 8.1.4, http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-fr.asp?fileid=17994

(12)  https://bioinitiative.org/updated-research-summaries/

(13)  Defence Intelligence Agency, Biological Effects of Electromagnetic Radiation (Radiowaves and Microwaves) («Agence du renseignement de la défense, Effets biologiques des rayonnements électromagnétiques, ondes radio et micro-ondes»), mars 1976.

(14)  La position adoptée par la FCC a été combattue devant les tribunaux par des organisation de la société civile américaine; voir https://ehtrust.org/eht-takes-the-fcc-to-court/

(15)  Conformément au règlement des radiocommunications de l’Union internationale des télécommunications (UIT).

(16)  Le principe ALARA, ou «aussi faible que raisonnablement possible», selon l’abréviation de l’anglais As Low As Reasonably Achievable, est utilisé pour la mise en place de programmes de protection contre les rayonnements ionisants.

(17)  Voir, par exemple, l’étude REFLEX, de 2004, réalisée pour le compte de l’Union européenne par douze institutions universitaires, avec un budget total de plus de 3 millions d’euros, dont 2 059 000 émanant de la Commission européenne.

(18)  Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants.

(19)  https://www.home-biology.com/images/emfsafetylimits/EuropeanParliamentSTOA.pdf

(20)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 281.

(21)  https://www.enisa.europa.eu/publications/enisa-threat-landscape-report-for-5g-networks/at_download/fullReport

(22)  https://ec.europa.eu/newsroom/dae/document.cfm?doc_id=64468


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/40


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Une approche “nouvelle génération” pour le commerce et le développement durable — Réexamen du plan d’action en 15 points»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/07)

Rapporteure:

Tanja BUZEK

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

28.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

236/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le commerce a besoin d’un cadre politique approprié pour stimuler la croissance, la création d’emplois décents et le développement durable, et pour contribuer à une reprise économique durable après la crise de la COVID-19, permettant aux entreprises de reconstruire et de réorganiser leurs chaînes d’approvisionnement et de valeur perturbées. L’année 2021 représente un tournant qui offre l’occasion de repenser la gouvernance commerciale de l’Union, et le CESE soutient sa nouvelle ambition ouverte, durable et affirmée.

1.2.

Les chapitres sur le commerce et le développement durable (chapitres CDD) expriment l’engagement de l’Union en faveur d’un «programme commercial fondé sur des valeurs» favorisant à la fois le développement économique, social et environnemental. La lutte contre le non-respect des règles et l’amélioration de la mise en œuvre des engagements dans le domaine du commerce et du développement durable sont essentielles pour atteindre des normes élevées en matière de travail et de durabilité au moyen d’outils commerciaux. Tant au niveau bilatéral qu’au niveau mondial, l’Union devrait fixer des critères ambitieux en matière de commerce et de développement durable avec des partenaires commerciaux partageant les mêmes valeurs et disposés à jouer un rôle moteur.

1.3.

Le CESE se félicite de la révision précoce du plan d’action en 15 points et espère qu’il dépassera le cadre limité et «cloisonné» mis en place en 2018. Le fait que les chapitres CDD n’assurent pas le plein respect de leurs engagements juridiquement contraignants amène le CESE à proposer un réexamen ambitieux, comportant une approche rénovée de l’application de la législation passible de sanctions, avec un suivi renforcé par la société civile, l’utilisation d’instruments innovants et un renforcement de l’effet de levier pour le commerce et le développement durable. Cette «nouvelle génération de chapitres CDD» doit faire partie intégrante de la stratégie commerciale de l’Union et s’appliquer à la fois aux mandats de négociation actuels et futurs.

1.4.

Pour une nouvelle approche, il faut avant tout éliminer les cloisonnements. La réussite de la mise en œuvre et de l’application des chapitres CDD nécessite une interaction dynamique, structurée et plus collaborative entre les différents acteurs concernés, ainsi que des échanges entre les institutions, les organismes internationaux et, plus important encore, les échanges entre ces organes et les groupes consultatifs internes (GCI) et entre les GCI eux-mêmes. En tant qu’instance reconnue au niveau international, l’Organisation internationale du travail (OIT) devrait être associée au suivi de la mise en œuvre de ses conventions dans les accords de libre-échange (ALE).

1.5.

Les problèmes majeurs se posent souvent dès le début. Le CESE insiste sur l’importance d’obtenir des engagements préalables à la ratification des conventions internationales fondamentales ou des feuilles de route contraignantes et exécutoires dans le cadre du chapitre CDD à proprement parler, assortis d’un calendrier précis pour leur ratification. Le tout premier cas d’application des chapitres CDD selon le modèle actuel a confirmé l’insuffisance de la terminologie trop vague.

1.6.

Les trois dimensions des chapitres CDD sont étroitement liées et ne doivent pas être traitées de manière cloisonnée. Le CESE se félicite des efforts actifs consentis par les entreprises pour veiller à la durabilité des échanges commerciaux et estime qu’elles ont aussi une contribution positive à apporter à la promotion des débouchés pour l’industrie des technologies propres, en accordant une attention particulière aux PME. Les chapitres CDD doivent être plus étroitement liés à la déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale (la «déclaration sur les EMN»), en promouvant la ratification de ses conventions, ainsi qu’aux principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales, en particulier en aval de la chaîne d’approvisionnement.

1.7.

Pour observer des changements réels sur le terrain, il y a lieu de transcender les chapitres CDD conventionnels et de tenir compte de l’effet de levier considérable qu’offrent certains autres instruments politiques. Le CESE souhaite qu’une entreprise puisse uniquement se voir attribuer des marchés publics à condition d’être basée dans un pays qui respecte les normes fondamentales de l’OIT et l’accord de Paris. Il plaide également en faveur d’une législation européenne ambitieuse en ce qui concerne le devoir de diligence, une autre mesure d’accompagnement essentielle. Les investisseurs étrangers devraient être tenus de respecter le devoir de diligence avant de bénéficier d’un accord international d’investissement. En vue de parvenir à un commerce durable, ces mesures devraient être complétées par des actions contre le blanchiment de capitaux, les infractions fiscales et l’évasion fiscale, ainsi que la lutte contre la corruption.

1.8.

Le développement durable doit refléter les évolutions et les stimuler, et les normes en matière de travail et d’environnement doivent figurer au premier rang des priorités liées au développement durable. Le pacte vert, les initiatives en faveur de l’économie circulaire et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) viennent s’ajouter aux thèmes pertinents en matière de commerce et de développement durable, comme c’est déjà le cas pour la biodiversité. Pour fixer des obligations concrètes, les engagements environnementaux doivent être concrétisés dans des normes internationales.

1.9.

Il n’y a pas de «solution miracle» pour garantir l’exécution des engagements, mais il importe avant tout de renforcer leur force exécutoire effective. Le CESE plaide depuis longtemps en faveur d’un mécanisme révisé de groupe d’experts, avec la possibilité d’appliquer des sanctions financières et un rôle concret pour les GCI dans l’activation de ce mécanisme. Pour ce qui est de donner la priorité aux conditions de concurrence équitables et à la durabilité, dans l’intérêt des entreprises comme des travailleurs, l’accord de commerce et de coopération entre l’Union et le Royaume-Uni pourrait servir de modèle.

1.10.

Les partenaires commerciaux de l’Union font preuve d’une réflexion innovante, hors des sentiers battus, quant aux nouveaux instruments commerciaux. En adoptant une approche innovante en matière de règlement des conflits du travail, l’Union devrait envisager la suspension des tarifs préférentiels pour les entreprises qui enfreignent les normes internationales reconnues. En vue d’établir progressivement un lien économique, le CESE est favorable à une réduction graduelle des tarifs pour la mise en œuvre, par les pays partenaires, des engagements CDD, avec la possibilité de lever la réduction en cas d’infraction.

1.11.

Sans la société civile, il n’y a pas de durabilité, et la création des GCI n’est pas une fin en soi. Pour être pris au sérieux, ils ont besoin d’informations, de ressources et d’un accès leur permettant de conseiller les parties sur la mise en œuvre et l’application de la législation, ainsi que d’un cadre institutionnalisé plus solide. Au-delà des GCI, le CESE demande le rétablissement du groupe d’experts sur les accords de libre-échange.

1.12.

Le CESE est l’un des plus fervents défenseurs des GCI et continuera à soutenir leurs travaux. Les débats sur le renforcement des GCI se sont récemment intensifiés, et le CESE encourage la Commission et d’autres acteurs (1) à collaborer avec les GCI pour améliorer leur composition, l’organisation de leurs travaux, la portée de leurs activités et leur rôle dans les mécanismes d’application, ainsi que leurs canaux institutionnels, comme exposé en détail au chapitre cinq du présent avis.

2.   Introduction

2.1.

Une politique commerciale active doit stimuler efficacement le développement durable et veiller à profiter aux entreprises, aux travailleurs, aux consommateurs et aux citoyens en général, à condition qu’elle crée de nouveaux débouchés commerciaux, des emplois décents et des conditions de concurrence équitables. Elle comporte également des risques inhérents qui peuvent uniquement être atténués efficacement par l’intermédiaire d’une politique commerciale inclusive, par laquelle la société civile, les parties prenantes et le grand public peuvent faire part de leurs préoccupations.

2.2.

Le CESE demande depuis longtemps que la durabilité devienne l’un des moteurs de la politique commerciale, au vu du rôle crucial que le commerce doit jouer dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. La nouvelle stratégie commerciale de l’Union adoptée cette année définit le cadre pour les années à venir. Le CESE a formulé des recommandations sur les aspects commerciaux de cette stratégie dans un avis distinct (2), tout en se félicitant de l’accent qu’elle place sur la durabilité et en appelant à un renforcement ambitieux des chapitres CDD et à leur applicabilité effective.

2.3.

S’appuyant sur les travaux antérieurs du CESE, le présent avis formule une évaluation par la société civile de l’approche actuelle visant à éclairer le réexamen en cours des chapitres CDD. L’avis se base sur une vision innovante du commerce afin de donner une traduction concrète aux valeurs de l’Union en matière de développement durable: les chapitres CDD pour les générations futures.

3.   Commerce et développement durable: un programme commercial de l’Union fondé sur les valeurs

3.1.

En intégrant systématiquement les chapitres CDD dans ses accords de libre-échange (ALE), l’Union européenne montre son attachement à un «programme commercial fondé sur des valeurs», qui favorise le développement simultanément dans les trois domaines suivants: économique, social et environnemental. La lutte contre le non-respect des règles et l’amélioration de la mise en œuvre des engagements dans le domaine du commerce et du développement durable sont essentielles pour atteindre des normes élevées en matière de travail et de durabilité au moyen d’outils commerciaux.

3.2.

Forgés à partir d’une forme embryonnaire dans l’accord de libre-échange UE-Corée du Sud de 2011, les chapitres CDD n’ont cessé d’évoluer au fil de tous les ALE de l’Union qui ont suivi. Ils sont assortis d’un mécanisme de règlement des différends uniquement fondé sur la consultation et sur les GCI pour le suivi institutionnalisé par la société civile. Les chapitres CDD contiennent des engagements à respecter les accords multilatéraux en matière de travail et d’environnement et à empêcher les parties d’assouplir ou d’abaisser les niveaux de protection du travail et de l’environnement dans le but d’attirer les échanges et les investissements. En tant que forums bilatéraux de dialogue et de coopération, ils peuvent également servir de plateformes pour faire progresser le programme multilatéral pour un commerce durable.

3.3.

Si l’Union a pris des mesures pour placer le développement durable au cœur de ses ambitions commerciales, les négociations qui ont cours actuellement ne sont pas à la hauteur de cet objectif. La version révisée des chapitres CDD, en les dynamisant et en leur donnant plus de corps grâce à une réflexion innovante, doit sortir de son ancien «statut officieux» et, en tant que partie intégrante de la stratégie commerciale de l’Union, doit s’appliquer également aux accords en cours de négociation et être incluse dans les mandats de négociation révisés.

4.   Plan d’action en 15 points: évaluation

4.1.

Le Parlement européen, le CESE et un large groupe de parties prenantes ont initié un débat public sur l’efficacité de l’approche de l’Union en matière de commerce et de développement durable, lequel a pris de l’ampleur avant d’être interrompu début 2018 avec le lancement par la Commission d’un plan d’action en 15 points. Ce dernier, subdivisé en quatre grandes parties, a défini le cadre limité et «cloisonné» pour l’évolution des chapitres CDD au cours des dernières années. Ce cadre est évalué ci-dessous, à la lumière de ses résultats et de ses lacunes.

Travailler ensemble

4.2.

Partenariats avec les États membres et le Parlement européen: le groupe d’experts de la Commission sur le commerce et le développement durable a renforcé le lien avec les États membres. Toutefois, sa structure même entraîne des pertes d’expertise et d’informations précieuses au cours du processus. Ses travaux méritent une communication plus efficace des conclusions et des recommandations et nécessitent des contacts plus étroits et réguliers avec les GCI et le CESE. Le dialogue engagé par la DG Commerce doit s’étendre aux services en charge du commerce et du développement durable dans les États membres, éventuellement en associant d’autres directions générales concernées (comme la DG EMPL et la DG CLIMA) afin d’exploiter leurs propres réseaux, et en collaborant avec les organisations internationales dans le cadre de ce flux d’informations et de retours. Pour tenir le Parlement européen informé quant aux questions relatives au commerce et au développement durable, il convient d’associer les GCI sur un pied d’égalité et de ne pas transmettre les informations à huit clos. Le Parlement européen doit jouer un rôle dans le suivi et la mise en œuvre des chapitres CDD, être pleinement informé des activités et participer aux décisions du sous-comité «Commerce et développement durable» et d’autres organes de gouvernance conjointe concernés. Ces points sont particulièrement importants dans le contexte du mécanisme d’égalité des conditions de concurrence prévu par l’accord de commerce et de coopération UE-Royaume-Uni.

4.3.

Coopération avec les organisations internationales: prônant une approche plus proactive et plus systémique, le CESE demande la participation d’organismes internationaux tels que l’OIT, même pendant les négociations et la mise en œuvre des ALE, y compris à tous les stades des feuilles de route. Comme l’illustre le cas de la ratification par le Viêt Nam, l’OIT pourrait jouer un rôle essentiel dans les phases préalable et initiale de la mise en œuvre. Il est essentiel de renforcer la collaboration entre la Commission européenne, l’OIT et le CESE afin de définir l’assistance technique de l’OIT et de mettre sur pied des projets de renforcement des capacités dans les pays partenaires. Ces mesures doivent aller de pair avec une association plus étroite de l’OIT et du rôle de suivi des GCI, et les présidences du CESE et éventuellement des GCI pourraient être conviées aux réunions annuelles de haut niveau de la DG EMPL. L’approche relative aux accords multilatéraux sur l’environnement semble sous-exploitée et pourrait être étendue à d’autres organisations internationales compétentes telles que l’OCDE et, compte tenu de l’importance croissante du financement des ODD, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Permettre à la société civile, y compris les partenaires sociaux, de jouer leur rôle dans la mise en œuvre

4.4.

Faciliter le rôle de suivi de la société civile, y compris les partenaires sociaux: le CESE se félicite du projet d’instrument de partenariat de l’Union, qui finance la participation de certains membres des GCI de l’Union à des réunions et préserve l’indépendance politique des GCI. Le Comité invite la Commission européenne à renouveler le financement et à collaborer avec les GCI en ce qui concerne la conception de cet instrument. Il recommande une plus grande flexibilité dans le futur appui logistique et technique. Le recours aux outils de vidéoconférence pourrait compléter les réunions physiques, sans toutefois les remplacer. Le financement futur devrait permettre des réunions annuelles réunissant tous les membres des GCI afin de discuter de questions transversales liées au commerce et au développement durable. Outre l’apport de ressources financières, il est nécessaire de relever les défis sur le plan structurel et organisationnel afin de donner aux GCI tous les moyens dont ils ont besoin, comme précisé au chapitre 5.

4.5.

Élargir le champ d’action de la société civile, y compris des partenaires sociaux, à l’accord de libre-échange dans son intégralité: le CESE recommande fermement et depuis longtemps que les GCI soient consultés sur tous les aspects des accords commerciaux de l’Union, tout en continuant de placer un accent particulier sur la mise en œuvre des chapitres CDD et sur l’incidence du commerce sur le développement durable au sens plus large. Ce nouveau champ d’application sera d’abord testé dans le cadre de l’accord de commerce et de coopération entre l’Union et le Royaume-Uni. Le CESE propose d’étendre le champ d’application actuel des GCI dans tous les accords de libre-échange existants, en révisant les textes des accords ou en instaurant des pratiques harmonisées dans le règlement intérieur des GCI.

4.6.

Prendre des mesures en ce qui concerne la conduite responsable des entreprises: le CESE se félicite des efforts actifs consentis par les entreprises pour veiller à la durabilité des échanges commerciaux, ainsi que de l’engagement de la Commission à promouvoir les pratiques commerciales responsables. Le Comité regrette toutefois que ni lui-même, ni les GCI concernés n’aient été associés au contrôle des projets avec l’OCDE et l’OIT. La Commission devrait élaborer des indicateurs permettant d’évaluer les résultats concrets des projets au-delà des aspects de sensibilisation, et inclure un examen plus ciblé et approfondi en aval des chaînes d’approvisionnement.

Produire des résultats

4.7.

Priorités des pays: le CESE soutient la mise en place d’une approche stratégique et plus ciblée; cependant, les pays partenaires diffèrent considérablement, y compris dans le cadre d’un même accord régional, comme l’accord entre l’Union et l’Amérique centrale. Pour fixer les priorités et effectuer les évaluations, il importe de prévoir, de façon proactive et à différents stades du processus, des consultations de la société civile, notamment avec la participation des GCI. Les unités géographiques de la DG Commerce et les délégations de l’Union devraient interagir davantage avec les GCI afin d’obtenir des contributions et de fournir un retour d’information systématique. Il convient dès lors d’évaluer régulièrement les avancées ou les reculs de la Commission en ce qui concerne ces priorités.

4.8.

Exécution rigoureuse: le conflit du travail survenu en Corée offre des enseignements importants. Premièrement, la Commission doit être plus proactive et plus rapide dans l’activation des procédures de règlement des différends relatifs au commerce et au développement durable, en conférant aux GCI un rôle actif. Deuxièmement, il est important de disposer d’experts internationaux en droit du travail au sein des groupes d’experts, qui peuvent consulter l’OIT sur sa jurisprudence et son interprétation contraignante. Troisièmement, le rapport du groupe d’experts confirme la nécessité de développer des feuilles de route contraignantes et assorties de sanctions, qui s’accompagnent de délais précis pour la ratification des conventions de l’OIT. L’expression vague «efforts continus et soutenus» laisse aux parties une trop grande marge de manœuvre. Bien que la Corée ait ratifié trois des quatre conventions de l’OIT manquantes (la convention C105 relative à l’abolition du travail forcé n’étant pas encore ratifiée), il subsiste des doutes quant à savoir si les modifications apportées à la législation coréenne mettent pleinement en œuvre les dispositions des conventions C29, C87 et C98. Cette affaire est donc toujours en cours, et le CESE réitère son appel en faveur d’un suivi. Toutefois, les pays partenaires ne sont pas les seuls à connaître des problèmes de conformité. Le CESE constate avec inquiétude qu’il semble y avoir un manque d’instruments permettant une application rigoureuse de la législation dans l’Union et ses États membres.

4.9.

Encourager la ratification préalable des principaux accords internationaux: le CESE est favorable à ce que les conventions internationales fondamentales soient ratifiées avant la conclusion et la signature d’un accord de libre-échange, afin de pouvoir bénéficier du plus grand pouvoir de négociation et levier diplomatique possible. Le cas le plus récent, qui est celui du Viêt Nam, illustre les effets positifs de cette méthode, le pays ayant ratifié les conventions C98 et C105 de l’OIT. Toutefois, aucun progrès n’a été observé en ce qui concerne la ratification de la convention C87. Par conséquent, le CESE insiste sur l’importance d’obtenir des engagements préalables à la ratification des accords internationaux fondamentaux ou des feuilles de route contraignantes et exécutoires dans le cadre du chapitre CDD à proprement parler, assortis d’échéances précises pour leur ratification.

4.10.

Examiner l’efficacité de la mise en œuvre des chapitres CDD: le CESE reconnaît la nécessité d’examiner et d’évaluer régulièrement la mise en œuvre des chapitres CDD. Il déplore toutefois la faible visibilité des travaux des GCI et le non-respect de leurs recommandations dans ces processus, notamment dans les rapports annuels de mise en œuvre. Les futurs rapports devraient mieux refléter les programmes de travail des GCI et les déclarations conjointes avec les GCI partenaires. En particulier, le CESE déplore l’absence de progrès à ce jour s’agissant de rendre les chapitres CDD effectivement exécutoires. Dans le cas de l’accord économique et commercial global (AECG) avec le Canada, le CESE, les GCI de l’Union et les GCI canadiens ont demandé à plusieurs reprises des progrès décisifs en ce qui concerne le réexamen précoce, auquel les parties s’étaient engagées dans l’instrument interprétatif commun, qui vise à accroître la force exécutoire réelle des dispositions relatives au travail et à l’environnement. Ce processus de réexamen devrait associer étroitement les GCI des deux parties.

4.11.

Manuel relatif à la mise en œuvre: le CESE est favorable à l’idée d’élaborer des manuels relatifs à la mise en œuvre, qui aideraient les partenaires des ALE à mieux comprendre les engagements en matière de commerce et de développement durable et les guideraient dans leur mise en œuvre. En ce qui concerne les aspects liés au travail, les partenaires sociaux doivent être considérés comme des acteurs clés sur le terrain. Les bases de données comparatives formelles doivent aller bien au-delà des progrès réalisés en ce qui concerne la formulation des accords et se concentrer sur le niveau réel de mise en œuvre des dispositions relatives au commerce et au développement durable.

4.12.

Mobiliser davantage de ressources: l’Union européenne devrait consacrer une partie des ressources de l’initiative «Aide pour le commerce» à soutenir la participation et le renforcement des capacités des organisations de la société civile et des GCI des pays tiers, et leur permettre ainsi de consentir des efforts en matière de commerce et d’investissement durables.

4.13.

Action pour le climat: si le commerce n’est pas le moteur de la politique climatique, il devrait contribuer lui aussi à la réalisation du programme mondial en faveur du climat, avec un rôle positif pour les entreprises dans la promotion des débouchés pour l’industrie des technologies propres, en accordant une attention particulière aux PME. Faire de l’accord de Paris une «composante essentielle» de tout accord commercial complet à venir, ce qui supposerait de suspendre ce dernier en cas de non-respect, représenterait une mesure positive qui devrait être étendue pour s’appliquer à l’ensemble des conventions fondamentales et actualisées de l’OIT.

4.14.

Commerce et travail: le CESE se félicite de la portée élargie des questions relatives au travail incluses dans les chapitres CDD et recommande de poursuivre l’actualisation des engagements. Les chapitres CDD doivent être plus étroitement liés à la déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale (la «déclaration sur les EMN») et aux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. La Commission devrait promouvoir la ratification des conventions de l’OIT figurant dans la déclaration sur les EMN. Une législation européenne avancée, notamment sur la gouvernance d’entreprise durable et l’obligation de diligence raisonnable, devrait fournir un cadre permanent pour le développement ultérieur des chapitres CDD. Toutefois, pour faire la différence sur le terrain, ces engagements nécessitent une application plus proactive et une plus grande force exécutoire.

Transparence et communication

4.15.

Plus de transparence et une meilleure communication: le CESE se joint à toutes les institutions et parties prenantes pour souligner l’importance de la transparence et de la communication. La publication de procès-verbaux complets constitue un point de départ utile pour l’engagement de la société civile. Les réunions de dialogue avec la société civile organisées par la Commission constituent un canal important, mais elles doivent s’améliorer en vue d’un suivi plus structuré. À cette fin, le CESE recommande de briser les cloisonnements et de veiller à ce que les canaux de communication se renforcent mutuellement, à savoir les dialogues avec le Parlement européen, les États membres et la société civile.

4.16.

Des délais précis de réponse aux plaintes relatives au commerce et au développement durable: le CESE se félicite du lancement, en 2020, d’un système de traitement des plaintes par l’intermédiaire d’un guichet unique, et en particulier de l’unité spécifique, attachée au responsable européen du respect des règles du commerce, qui traite exclusivement des plaintes relatives au commerce et au développement durable. Il est trop tôt pour en évaluer l’efficacité, mais le CESE s’attend à ce que les recommandations de la société civile soient entendues et prises en compte au fur et à mesure de la mise en forme de ce mécanisme.

5.   Une nouvelle génération de chapitres sur le commerce et le développement durable

5.1.

Depuis le plan d’action de 2018, le monde du commerce a évolué, de même que les discussions relatives au commerce et au développement durable. Le pacte vert est devenu un objectif politique général, également dans le cadre du programme commercial de l’Union. Des acteurs institutionnels tels que le Parlement européen et les États membres plaident de plus en plus en faveur d’une réforme ambitieuse dans les domaines du commerce et du développement durable. La pandémie de COVID-19 a perturbé les flux commerciaux comme jamais auparavant, dévoilant des problèmes majeurs dans les chaînes d’approvisionnement et de valeur mondiales, qui sont souvent liés au non-respect des engagements en matière de commerce et de développement durable. La toute première procédure de règlement des différends en matière de commerce et de développement durable a fait office de test décisif au plan institutionnel pour le système actuel. Le nouveau responsable européen du respect des règles du commerce a suscité de fortes attentes en faveur d’une attention accrue, de ressources plus importantes et de nouveaux outils législatifs pour mieux mettre en œuvre et faire respecter les engagements en matière de commerce et de développement durable. Dans le même temps, des partenaires commerciaux de l’Union tels que le Canada et les États-Unis ont adopté de puissants instruments d’exécution dans leurs propres ALE, tandis que d’autres, comme la Nouvelle-Zélande, ont présenté des propositions ambitieuses dans le cadre des négociations commerciales avec l’Union, afin de garantir que les échanges commerciaux soient acceptables pour tous.

5.2.

Le débat relatif au commerce et au développement durable ne vise pas seulement au respect de certaines valeurs. Il s’agit d’une question de survie tant au niveau de l’Union qu’au niveau mondial. Prônant une approche globale, le CESE soutient les efforts déployés par l’Union pour faire avancer le programme de développement durable au niveau multilatéral; il plaide en faveur d’alliances stratégiques avec les principaux partenaires commerciaux sur des questions prioritaires telles que les fuites de carbone ou le devoir de diligence. Il réaffirme la nécessité pour l’Union de jouer un rôle moteur dans l’adoption d’une réforme ambitieuse de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de démanteler les tabous, à savoir les questions relatives aux aspects sociaux du commerce. Selon cette approche de réévaluation positive, le CESE a accueilli favorablement la proposition des États-Unis visant à s’attaquer au problème mondial du travail forcé sur les navires de pêche dans le cadre des négociations en cours au sein de l’OMC concernant les subventions à la pêche (3).

5.3.

Le CESE n’a eu de cesse de demander l’intégration de chapitres CDD plus efficaces, estimant que le plan d’action en 15 points ne produisait pas les résultats escomptés. Dans le même ordre d’idées, l’examen de la politique commerciale de 2021 propose de nouvelles mesures concernant la mise en œuvre et l’application effectives des chapitres CDD, y compris, entre autres, «la possibilité de sanctions en cas de non-respect».

5.4.

L’expérience acquise et les enseignements tirés sont maintenant suffisants pour repenser l’approche actuelle, et le CESE suggère d’adopter des initiatives avec un état d’esprit neuf pour permettre aux chapitres CDD de respecter pleinement leurs engagements juridiquement contraignants. Ce débat doit veiller à ce que les normes en matière d’environnement et de travail soient traitées à un même niveau de priorité élevé dans le programme de transposition et d’application effective de la législation.

Des instruments politiques pour faciliter la mise en œuvre des chapitres CDD

5.5.

En mai 2020, la France et les Pays-Bas ont publié un document officieux invitant l’Union à améliorer son «analyse des conséquences socio-économiques du commerce et à accroître son ambition s’agissant de l’articulation entre le commerce et le développement durable dans toutes ses dimensions» (4), conformément au pacte vert européen. Le CESE se félicite de l’adoption d’une approche plus analytique à l’égard des effets du commerce et soutient fermement la recommandation visant à encourager la mise en œuvre efficace des engagements en matière de commerce et de développement durable par des réductions tarifaires graduelles, y compris la possibilité de retirer certaines lignes tarifaires en cas de violation des engagements par la suite, ainsi que la clarification des conditions que les pays doivent remplir pour bénéficier de ces réductions.

5.6.

Le CESE encourage en outre à sortir de la panoplie classique d’instruments commerciaux pour mettre au point des mesures d’accompagnement qui assureraient un changement efficace sur le terrain. L’Union devrait envisager d’adopter une directive européenne ambitieuse sur le devoir de diligence, qui reconnaisse la responsabilité sur la base des normes actuelles et offre un cadre juridique clair et sûr aux entreprises européennes et à celles des pays tiers qui exercent leurs activités au sein de l’Union. Le CESE plaide vivement en faveur d’obligations de diligence dans les accords commerciaux en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement et de valeur mondiales, afin de guider les décisions de gestion visant à favoriser des entreprises durables sur les plans économique, écologique et social (5).

5.7.

Pour faire progresser son programme de développement durable, la Commission doit également examiner des chapitres et des domaines autres que les chapitres CDD traditionnels, tels que l’investissement, l’établissement de liens et de synergies. Les investisseurs étrangers devraient être tenus de respecter le devoir de diligence avant de pouvoir prétendre relever du champ d’application d’un accord international d’investissement. De même, les parties à un ALE devraient garantir que les entreprises résidant sur leur territoire respectent les obligations de diligence (6).

5.8.

Afin de garantir un commerce durable, il est impératif que l’Union introduise des dispositions sur la coopération entre les parties dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, les infractions fiscales et l’évasion fiscale. La corruption nuit de la même manière aux efforts de développement durable et pour l’éradiquer, il y a lieu d’appliquer des normes élevées comparables.

5.9.

Les entreprises devraient se voir attribuer des marchés publics à condition qu’elles soient basées dans des pays qui respectent les normes fondamentales de l’OIT et l’accord de Paris. En outre, l’Union devrait promouvoir les meilleures pratiques quant à la manière d’intégrer les critères environnementaux et sociaux dans les marchés publics (7).

5.10.

Si l’aspect environnemental des chapitres CDD a le plus progressé au cours de la dernière décennie, deux défis subsistent. Premièrement, les obligations en matière de climat au titre de l’accord de Paris impliquent une mise en œuvre déterminée au niveau national, ce qui rend difficile la détection des infractions. Deuxièmement, en l’absence de normes environnementales internationales relatives à la pureté de l’air ou de l’eau, il est difficile de fixer des obligations. Il est important d’œuvrer à la concrétisation des engagements environnementaux en vue de définir des normes, y compris en ce qui concerne le devoir de diligence. Compte tenu de la pandémie de COVID-19, la nécessité de protéger la biodiversité est apparue plus urgente que jamais. Le pacte vert, les initiatives législatives de l’Union sur l’économie circulaire ou le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) (8) deviennent des sujets pertinents dans le contexte du commerce et du développement durable.

5.11.

Une vision plus globale dévoile de graves problèmes de durabilité dans les ALE qui ne peuvent être résolus au moyen de chapitres CDD. L’agriculture, qui constitue l’un des principaux arguments de négociation de l’Union, a des incidences évidentes en matière de durabilité, par exemple. Le CESE met tout particulièrement l’accent sur la nécessité de placer la sécurité alimentaire et la durabilité de l’Union au cœur des analyses (9). Dans l’optique d’une chaîne d’approvisionnement alimentaire plus efficace et plus équitable, le CESE appelle de ses vœux une mise en œuvre harmonieuse de la directive sur les pratiques commerciales déloyales au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire.

Renforcer la force exécutoire effective

5.12.

Le CESE demande depuis longtemps de reconfigurer le groupe d’experts afin qu’il ait la possibilité d’activer un mécanisme de règlement des différends entre États, lui permettant d’appliquer des sanctions, notamment financières, et d’offrir des recours à la partie lésée (10). Les GCI devraient jouer un rôle actif dans le cadre du règlement des différends. L’équipe du responsable européen du respect des règles du commerce devrait enquêter sur les cas présentés par un GCI, puis informer et assurer le suivi de toute mesure répressive et de tout rapport du groupe d’experts.

5.13.

Le CESE se félicite de la nouvelle approche en matière d’accords de commerce et de coopération, laquelle accorde la priorité aux conditions de concurrence équitables et à la durabilité et applique un mécanisme de règlement des différends prévoyant l’accès à des voies de recours en cas de violation. Ce modèle «hybride» combine l’approche du groupe d’experts avec un volet exécutoire en cas de non-respect persistant, lequel s’appuie sur des principes de non-régression ou sur l’application au niveau national des dispositions en matière de travail, de protection sociale, d’environnement ou de climat. Ce système inclut notamment une compensation temporaire convenue entre les parties ou une suspension unilatérale des obligations par la partie plaignante dans n’importe quelle domaine (par exemple, les tarifs commerciaux, les droits de trafic aérien, l’accès aux eaux de pêche), sous certaines conditions.

5.14.

L’application des chapitres CDD devrait être complétée par un secrétariat indépendant du travail chargé de traiter les questions transnationales liées au travail dans le cadre d’un ALE, y compris les incidences sur le marché du travail, ainsi que par un mécanisme de recours collectif (11). En tant qu’instance reconnue au niveau international, l’OIT devrait être associée au suivi de la mise en œuvre de ses conventions dans les ALE. Le rôle de l’OIT devrait également être renforcé et institutionnalisé lorsqu’il s’agit d’interpréter correctement ses instruments en cas de différend impliquant des normes internationales du travail. L’OIT devrait être systématiquement associée pour fournir des orientations au groupe d’experts sur ces questions.

5.15.

Le CESE recommande d’étudier des approches innovantes en matière de règlement des conflits du travail qui permettraient aux groupes internationaux ad hoc d’imposer des solutions aux entreprises qui enfreignent les normes internationales du travail convenues. Les GCI institués dans le cadre de l’accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union et le Canada (12) ont attiré l’attention sur l’exemple du mécanisme de réaction rapide de l’ACEUM (13), dans le cadre duquel les sanctions incluent la suspension des tarifs préférentiels fondée sur une échelle de gravité croissante et de récidive. L’objectif reste d’encourager, dans la mesure du possible, la réparation au moyen d’une collaboration bilatérale et d’un dialogue entre les parties. Toutefois, le fait de prévoir des conséquences dissuade les entreprises de ne pas respecter les règles.

5.16.

Une évaluation de la mise en œuvre de la législation basée uniquement sur les litiges ayant été réglés ne donne qu’une image partielle, d’autant plus que le contentieux est toujours un dernier recours. La possibilité de se voir infliger des sanctions, que l’on y ait effectivement recours ou non, constitue également un «encouragement solide» à respecter les engagements. En fin de compte, les «non-cas» et leur évolution offrent des informations précieuses que la Commission devrait prendre en compte pour mener son étude comparative sur les différentes approches des pays. Une simple comparaison du libellé des accords et de la manière dont ils progressent sur le plan linguistique apporterait peu d’informations utiles à elle seule. Il y a également lieu de mener une évaluation qualitative des résultats de mise en œuvre, par exemple en s’appuyant sur l’expérience de la société civile en matière de conseil pour la négociation et de suivi de la mise en œuvre de ces dispositions.

Un cadre permettant le renforcement des moyens d’action pour la participation de la société civile aux groupes consultatifs internes (GCI)

5.17.

Les GCI constituent l’une des principales réalisations des accords de libre-échange de nouvelle génération, mais ils ont besoin d’un cadre institutionnel plus solide pour s’acquitter avec succès de leurs tâches de suivi, qu’elles concernent les chapitres CDD ou les ALE de l’Union dans leur totalité.

5.18.

Les principales préoccupations sont liées au fait que certains organes des GCI dans les pays partenaires ne sont pas actifs ou représentatifs, ou sont soumis à l’influence du gouvernement. Le problème provient souvent du fait que les processus de mise en place restent indéfinis dans l’accord, de la possibilité laissée aux parties de choisir des organes existants et de l’absence de conséquences dans le cas où les engagements ne sont pas concrétisés. Le CESE craint en particulier que la suppression du terme «équilibré» dans l’accord de commerce et de coopération quant à la composition du GCI puisse avoir une incidence considérable sur son fonctionnement.

5.19.

Dans le cadre des accords commerciaux régionaux comme ceux que l’Union européenne a conclus avec l’Amérique centrale et avec la Colombie/le Pérou/l’Équateur, ou tout accord futur de libre-échange entre l’Union et le Mercosur, des préoccupations subsistent quant à la création de GCI individuels dans chaque pays partenaire. Cette approche strictement «nationale» constitue un obstacle sérieux à tout dialogue significatif entre les GCI partenaires nationaux, ainsi qu’entre eux et leurs homologues de l’Union.

5.20.

Par conséquent, les chapitres sur le commerce et le développement durable doivent créer des organes de GCI dotés d’une mission spécifique, d’une indépendance clairement définie, d’une représentativité et d’une composition équilibrée. Les parties doivent rendre compte de leur organisation et de leur fonctionnement. Les accords régionaux devraient mettre en place des organes régionaux communs dotés d’un soutien adéquat au niveau du secrétariat. Les délégations de l’Union et le CESE devraient soutenir la mise en place et le déroulement du processus, y compris les lignes directrices et l’échange des meilleures pratiques. De même, le CESE suggère de se pencher sur le moyen d’assurer une meilleure cohérence entre les GCI de l’Union et ceux des pays tiers quant au concept d’organisation représentative, notamment pour les acteurs environnementaux et les acteurs économiques.

5.21.

Afin de renforcer la collaboration entre les GCI de l’Union et leur homologue de la société civile dans les pays partenaires, il est impératif d’organiser des réunions annuelles conjointes entre GCI et de les inclure dans les ALE eux-mêmes. Le CESE voit une valeur ajoutée dans la création d’organes conjoints de la société civile et y contribue grandement, en particulier en soutenant la société civile dans les pays partenaires. Son rôle particulier doit être maintenu au sein des comités consultatifs mixtes (CCM) en tant que forum essentiel de dialogue pour la société civile des deux parties aux accords d’association, comme l’accord UE-Chili (14).

5.22.

Le rôle du CESE dans la conception et la garantie du bon fonctionnement des GCI est essentiel et devrait être renforcé. En juillet 2021, le CESE a défini la voie à suivre en organisant la toute première réunion de tous les GCI (#AllDAGs), qui a rassemblé les membres de l’ensemble des 11 GCI actuels afin d’explorer des mesures concrètes d’amélioration. En tant que membre de tous les GCI, le CESE est un élément essentiel de toutes les présidences des GCI, qui se composent d’un président et de deux vice-présidents, sélectionnés parmi les trois groupes et l’ensemble des membres d’un GCI. La collaboration au sein des présidences conjointes du GCI permet aux experts appartenant au CESE ou non d’orienter les travaux du GCI, et cette pratique devrait se poursuivre. En particulier pour les GCI sur l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, la désignation de représentants du CESE provenant d’États membres voisins s’est avérée extrêmement précieuse. Au-delà du rôle de ses membres, le CESE aide également les GCI en leur fournissant un précieux soutien en matière de secrétariat.

5.23.

Une visibilité accrue et des canaux institutionnels structurés sont essentiels pour obtenir des résultats. Les présidences des GCI devraient recevoir une invitation permanente aux réunions du sous-comité CDD des parties et aux groupes de suivi des accords respectifs du Parlement européen. Le groupe d’experts avec les États membres sur le commerce et le développement durable et le responsable européen du respect des règles du commerce devraient être étroitement liés aux travaux des GCI, par l’intermédiaire de structures de rapport et d’échange. Cela devrait être complété par un échange d’informations avec l’OIT sur la mise en œuvre des aspects relatifs au travail de la politique de commerce et de développement durable, et avec les secrétariats chargés des accords multilatéraux sur l’environnement (AME) pour ce qui est du climat et de l’environnement. Le Service européen pour l’action extérieure et les délégations de l’Union dans les pays partenaires devraient tenir des réunions d’information régulières avec les GCI et, dans les pays ciblés, être soutenues par des attachés spécialisés dans les domaines du travail et de l’environnement.

5.24.

Le CESE souligne la nécessité de renforcer la coopération avec la société civile, depuis la conception jusqu’au suivi des instruments et accords commerciaux. Il demande le rétablissement du groupe d’experts sur les accords de libre-échange, qui a fait preuve d’un engagement constant et sans précédent, pour ce qui est des questions commerciales, engagement qui s’avère des plus nécessaire. Les GCI représentent également une ressource inexploitée en matière de savoir-faire sur les questions transversales liées au commerce et au développement durable, un atout qu’il convient de mettre pleinement à profit.

5.25.

Les défis toujours plus imposants auxquels font face les GCI requièrent des solutions systémiques, ainsi que la mise en place de moyens appropriés, tant humains que financiers. Les GCI eux-mêmes devraient être davantage associés aux décisions liées à ces questions.

5.26.

La rationalisation des GCI n’est pas un objectif en soi. Toute éventuelle nouvelle approche, telle que la décision de consacrer davantage les structures à des sujets individuels, doit garantir un fonctionnement efficace pour relever les défis de la mise en œuvre de l’accord spécifique, et associer les GCI eux-mêmes à son élaboration. Des réunions récurrentes entre tous les membres des GCI de l’Union contribueraient à trouver des solutions communes aux questions transversales et fourniraient une plateforme où discuter de manière pragmatique et pratique avant le prochain renouvellement de la composition des GCI au printemps 2023.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  En 2020, une étude de la Fondation Friedrich Ebert a analysé les lacunes des GCI et un groupe d’organisations membres de GCI, coordonné par CNV Internationaal, s’attache actuellement à élaborer un document officieux formulant des recommandations en vue de les renforcer.

(2)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 73.

(3)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 73.

(4)  «Non-papier sur le commerce, ses conséquences en matière socioéconomique et de développement durable», 2020.

(5)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 136, et JO C 429 du 11.12.2020, p. 197.

(6)  (À déterminer).

(7)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 73.

(8)  Avis NAT/834 relatif au MACF (en cours d’adoption).

(9)  Avis NAT/822 intitulé «Autonomie stratégique, sécurité alimentaire et durabilité» (en cours d’adoption).

(10)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 53.

(11)  JO C 227 du 28.6.2018, p. 27.

(12)  Déclaration conjointe des groupes consultatifs internes de l’UE et du Canada, septembre 2020.

(13)  Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains.

(14)  L’avis REX/536, qui devrait être adopté au printemps 2022, examinera le cadre de la participation de la société civile tout au long du cycle de vie des accords commerciaux et politiques.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/49


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers une stratégie globale en matière de développement rural et urbain durable»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/08)

Rapporteur:

Josep PUXEU ROCAMORA

Corapporteure:

Piroska KÁLLAY

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

4.10.2021

Adoption en session plénière

21.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE a la conviction que l’avenir de l’Europe dépendra de la manière dont nous traitons les zones rurales, et qu’il est nécessaire qu’elles coopèrent davantage avec les aires urbaines, afin de garantir qu’aucun territoire, ni aucun citoyen, ne soit laissé pour compte lors de la transition équitable vers une Union européenne climatiquement neutre, durable et prospère. Cette visée s’inscrit dans la logique des objectifs du pacte vert et social pour l’Europe, du plan de relance Next Generation EU, de l’Agenda territorial 2030 et des 17 objectifs de développement durable.

1.2.

Le CESE estime que l’Union européenne doit réduire les disparités entre les territoires, en favorisant des politiques qui assurent une transition juste et durable dans tous les domaines et garantissent une bonne qualité de vie dans le monde rural.

1.3.

Eu égard aux défis posés à l’échelle mondiale par le changement climatique et les pandémies, le CESE souligne qu’il est urgent d’agir dès à présent et d’opérer un changement de paradigme pour faire la preuve qu’une action menée de concert apporte une valeur ajoutée et promouvoir le respect et la compréhension réciproques, qui profiteront à l’ensemble des citoyens.

1.4.

En conséquence, le CESE demande aux responsables politiques de développer et mettre en œuvre une stratégie globale et intégrée de l’Union européenne en faveur d’un développement rural et urbain qui soit équilibré, cohérent, équitable et durable, en s’appuyant sur le rôle que jouent les communautés locales, en stimulant les industries traditionnelles et en créant de nouvelles activités économiques et des possibilités d’emploi supplémentaires dans les zones rurales, tout en favorisant les synergies avec les aires urbaines.

1.5.

Afin de renforcer l’égalité des conditions de départ entre les communautés rurales et le monde urbain, le CESE formule les recommandations suivantes:

1.

il s’impose d’allouer des ressources suffisantes aux politiques en faveur des campagnes et de les doter d’infrastructures en matière de communication, de technologies et de transport, notamment public, absolument indispensable pour la vie quotidienne et l’emploi, ainsi que de systèmes de bonne qualité et de haute efficacité pour fournir des services en matière d’éducation et de soins de santé, dans une équivalence parfaite avec ceux qui sont assurés en la matière en milieu urbain, pour garantir l’«équité sanitaire»;

2.

il convient que dans les campagnes, l’offre d’emplois, de formation et de logement soit le reflet de leurs ressources naturelles et les mette à profit, tout en y ouvrant des perspectives novatrices d’activité économique;

3.

les responsables politiques se doivent de soutenir les parlements ruraux et le développement local participatif (DLP), en tant qu’ils offrent des modèles de démocratie participative, et il est absolument nécessaire que ces dispositifs se montrent inclusifs, en intégrant dans leur démarche les partenaires sociaux, les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées, les minorités et, tout particulièrement, les jeunes;

4.

il faut assurer la protection et la promotion des biens ressortissant au patrimoine culturel (1).

1.6.

Concernant le développement rural et urbain, le CESE formule les recommandations suivantes:

1.

les exécutifs doivent faire preuve de transparence et d’équité dans la fourniture de services à leurs citoyens, dans tous les domaines;

2.

les organisations de la société civile, y compris dans le cadre de l’initiative Leader et des groupes d’action locale, se devraient de développer des partenariats locaux ruralo-urbains afin d’ouvrir des perspectives économiques, sociales et environnementales et de favoriser une meilleure compréhension des interdépendances;

3.

le modèle de gouvernance des «conseils de la politique alimentaire» pourrait servir de source d’inspiration pour une coopération efficace entre tous les intervenants intéressés au niveau local. Les impacts et défis nouveaux en matière d’environnement, ainsi que la pandémie, ont modifié les perspectives en ce qui concerne les possibilités de télétravail, les besoins en logements ruraux et l’accès à l’affectation des sols;

4.

il est bienvenu de stimuler et soutenir l’échange de bonnes pratiques et de scénarios de risques entre les territoires;

5.

la possibilité d’accéder à un enseignement de qualité dans les zones rurales peut constituer l’un des facteurs qui favorisent le développement économique local et est susceptible d’aider les communautés rurales à s’adapter à un environnement en mutation rapide.

1.7.

À l’intention de la Commission européenne et des exécutifs nationaux et régionaux, le CESE avance spécifiquement les préconisations suivantes:

1.

la Commission doit poursuivre le développement de la vision à long terme pour les zones rurales qu’elle a adoptée récemment (2), afin d’en faire un engagement ruralo-urbain en faveur d’une approche équitable. Il importe de mettre en évidence la valeur ajoutée qui se crée lorsque les organisations rurales et urbaines travaillent de concert, par exemple au sein de l’initiative «De la ferme à la table» ou d’un pacte vert qui soit inclusif du point de vue social;

2.

la Commission européenne devrait plaider pour la création d’un groupe réunissant des acteurs intéressés, tant ruraux qu’urbains, en se fondant sur l’initiative des «Villages intelligents», afin de développer de bonnes pratiques sur des modes de partenariat;

3.

pour soutenir l’engagement, il conviendrait d’investir dans des projets pilotes locaux, ainsi que de mettre en place des mesures d’incitation ou des systèmes de conditionnalité et créer des prix, à l’échelle de toute l’Europe, en faveur de démarches progressives à valeur emblématique qui seraient des exemples d’accords inclusifs.

1.8.

Par ailleurs, le CESE prend l’engagement de coopérer avec le Parlement européen et le Comité des régions, en commandant des recherches, en consultant la société civile et en faisant la promotion d’une charte européenne des droits et devoirs ruraux et urbains.

1.9.

Le CESE s’attachera à tracer une vision complète en la matière dans les avis qu’il consacrera aux politiques territoriales, urbaines et rurales: ainsi, celui que l’on a sous les yeux a fait l’objet, en amont de son adoption, d’un débat entre ses différentes sections.

2.   Introduction

2.1.

Dans la foulée des recommandations formulées dans l’avis qu’il a adopté en septembre 2020 sous l’intitulé «Une approche intégrée pour les zones rurales de l’UE avec une attention particulière pour les régions vulnérables» (3), ainsi que lors de l’audition qu’il a organisée le 18 juin 2021 (4), le CESE vise à présent à une stratégie globale de l’Union européenne concernant le développement rural et urbain durable, en entreprenant d’analyser le cadre général articulant la politique de la ruralité avec toutes les autres qui y ont rapport, d’inventorier les défis et obstacles existants et de mettre en évidence le rôle que la société civile, les entreprises et les communautés locales jouent pour élaborer des approches ascendantes. Le CESE s’attachera activement à s’assurer que cette stratégie soit prise en considération dans la phase de conception des politiques de l’Union.

2.2.

Il est primordial de mieux gérer la diversité que présentent les zones rurales, en fonction des atouts de chacune d’entre elles. Du fait de leur proximité avec des aires urbaines, certaines peuvent bénéficier d’un «effet d’agglomération», par les relations mutuelles tissées entre la campagne et la ville, tandis que d’autres, plus reculées, sont très dépendantes d’un secteur, qui est souvent l’agriculture, la sylviculture, la pêche ou l’extraction minière, et entretiennent des interactions moins visibles avec les noyaux urbains.

2.3.

Bien que villes et campagnes soient deux types de zones distincts, dotés de caractéristiques propres et inégaux du point de vue du niveau de développement, la réalité montre qu’elles entretiennent des liens mutuels étroits. Ces interdépendances ne cessent de gagner, tout à la fois, en complexité et en dynamisme et font intervenir des flux structurels et fonctionnels concernant tant les personnes que des biens d’équipement, des informations, des technologies et des modes de vie. Aussi est-il nécessaire de parvenir à un équilibre entre les aires qui relèvent du rural et celles qui ressortissent à l’urbain, les unes ayant besoin des autres et ne pouvant exister sans elles.

2.4.

L’idéal du mode de vie rural, défini comme une situation de bien-être et de qualité de vie des citoyens, doit constituer un objectif à atteindre, même dans les zones reculées ou défavorisées. La stratégie doit trouver la formule qui permette de réaliser l’équilibre nécessaire entre ces deux aspects, ainsi qu’une manière de faire jouer leurs complémentarités, afin de parvenir à la durabilité dans le futur.

2.5.

Les défis auxquels les aires rurales sont confrontées, qu’ils aient trait au changement démographique, au dépeuplement, à la fracture numérique, au faible niveau des revenus, à l’accessibilité limitée de certains services, à la nécessité d’améliorer les perspectives d’emploi, ou encore aux retombées spécifiques qu’y produit le changement climatique, ne pourront être relevés que dans une perspective territoriale intégrée et repensée, qui s’attelle à réaliser des avancées pour nouer des rapports à double sens en matière de développement.

2.6.

Transcendant les liens qu’entretenaient traditionnellement des zones de campagne centrées autour du secteur agricole et distinctes du milieu des villes, ce nouveau contexte demande que les mesures de développement rural reposent, dans toutes les régions, sur une approche multisectorielle et intégrée qui exploite les synergies et les complémentarités avec les autres aires, qu’elles soient rurales, urbaines ou intermédiaires.

3.   Défis et propositions d’action

3.1.

La conception traditionnelle, qui opère une distinction tranchée entre les zones rurales et urbaines, demande à être complétée par des concepts neufs et des interprétations et approches nouvelles, et il s’impose, pour déterminer la nature d’un territoire donné, de prendre en compte ses réalités locales.

3.2.

Le développement futur des régions européennes doit être fondé sur la complémentarité entre les campagnes et les villes et sur la coordination des politiques qui leur sont destinées, l’objectif ultime étant de parvenir à assurer la cohésion sociale et économique de ces aires et leur durabilité environnementale.

3.3.

Le CESE estime qu’il est nécessaire d’instaurer davantage de cohérence dans les approches stratégiques de développement rural et urbain, pour éviter les chevauchements et les divergences entre les stratégies, comme celles des groupes d’action locale, des investissements territoriaux intégrés ou du développement local ou régional, entre autres exemples, et pour faciliter leur mise en œuvre par les acteurs locaux dans les processus et investissements de développement.

3.4.

La gouvernance du développement rural et urbain doit s’effectuer dans le respect des principes fixés par l’agenda territorial 2030 de l’Union européenne, la charte de Leipzig, le programme urbain de l’Union européenne, le pacte d’Amsterdam, la déclaration de Cork 2.0 «Pour une vie meilleure en milieu rural» et les principes sur la politique urbaine et rurale de l’OCDE, qui font droit aux partenariats thématiques et à la gestion partagée entre les zones urbaines et rurales.

3.5.

Les villes de taille intermédiaire jouent un rôle essentiel de trait d’union entre les zones métropolitaines urbaines et les régions rurales, et il convient dès lors de leur accorder une attention spécifique, tant dans l’aménagement du territoire que pour la répartition des ressources et des services. Bon nombre de villes européennes, comme Toulouse en France, Manresa en Espagne, Turin en Italie et Aalborg au Danemark, ont déjà mis en œuvre des approches très fructueuses en la matière. Les réseaux de villes, tels que le Conseil international pour les initiatives écologiques locales (ICLEI) (5), Eurotowns (6) et Eurocities (7), constituent des intervenants essentiels, s’agissant d’échanger les expériences et promouvoir les bonnes pratiques.

3.6.

L’interaction entre les campagnes et les villes doit figurer à l’ordre du jour du politique, et il importe d’aider les responsables politiques et les acteurs de l’élaboration des politiques à mieux l’appréhender, tout comme il est nécessaire de promouvoir des manières de les structurer sur la base du territoire.

3.7.

La recherche financée par les fonds européens doit également continuer à explorer des formules qui encouragent un développement rural et urbain équitable et durable et relancent l’essor économique des campagnes. Des projets tels que Robust (8), Rubizmo (9) et Liverur (10) devraient être développés plus avant et déboucher sur des changements concrets.

3.8.

Pour que ces territoires, ruraux ou urbains, atteignent à la durabilité, économique, sociale et environnementale, il est nécessaire de mener une politique globale, qui soit en prise avec la réalité socio-économique, culturelle et ethnographique, en appuyant, en plus de mécanismes de gouvernance adéquats concernant les administrations locales, la coopération entre régions de campagne et de ville, ainsi que l’engagement des différents acteurs de la société et de l’économie.

3.9.

Les défis que doivent relever les zones rurales sont encore plus aigus dans le cas de celles qui sont reculées, lesquelles nécessitent dès lors un traitement particulier. Le CESE propose qu’en plus de résoudre les problèmes qu’elles éprouvent pour accéder aux services publics, notamment en matière de santé et d’éducation, l’on entreprenne de créer à leur intention des programmes qui revitalisent les écosystèmes économiques locaux en coopération avec les entités voisines.

3.10.

Beaucoup des défis auxquels sont confrontées les zones rurales excèdent le cadre de la politique agricole commune (PAC) et les fonds dont elle dispose, comme il ressort du récent rapport d’information que le CESE a consacré à l’«Évaluation de l’impact de la PAC sur le développement territorial des zones rurales» (11), de sorte qu’il s’impose de progresser vers une approche intégrée en ce qui concerne l’action menée et les financements apportés dans les différentes politiques qui ont une incidence sur les espaces de ruralité. Des moyens financiers prévus pour les politiques nationales devraient compléter les fonds de la PAC destinés au développement rural.

3.11.

Les politiques en matière d’agriculture, d’alimentation et de ruralité doivent être en cohérence avec celles qui concernent le climat et la biodiversité, qui visent à faire reculer la pauvreté, ou qui touchent aux infrastructures et aux transports et à l’éducation et à la formation, ou encore avec celles qui sont axées sur la fourniture de services essentiels d’intérêt général, en matière de santé ou de logement, par exemple, qui entendent encourager le développement de nouvelles activités fondées sur l’économie circulaire et la bioéconomie, ou qui ont pour objet la numérisation ou la lutte contre le déclin démographique.

3.12.

En outre, ces actions doivent s’inscrire dans une relation de cohérence et de complémentarité avec des stratégies européennes comme le pacte vert (12) ou la stratégie «De la ferme à la table» (13) et aussi, plus particulièrement, avec la nouvelle stratégie industrielle (14), telle qu’annoncée, qui placera l’agroalimentaire au rang des grands écosystèmes stratégiques européens, ainsi qu’avec les politiques visant à assurer la sécurité alimentaire. Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, l’expérimentation de nouvelles formes de coopération entre villes et campagnes représente non seulement un préalable obligé mais offre également un tremplin pour une transition juste et un développement durable qui soit équilibré d’un point de vue territorial.

3.13.

Il y a lieu d’améliorer la gouvernance des fonds européens, nationaux et infranationaux et de progresser dans leur harmonisation, afin d’affiner la manière d’aborder le développement durable, en déployant une meilleure approche des problématiques horizontales et en prêtant toujours attention aux demandes de chaque territoire.

3.14.

Le CESE fait observer qu’il y a lieu de garantir l’accès à la finance durable et d’élaborer des instruments financiers taillés sur mesure pour les besoins du développement des zones rurales et urbaines, en tenant compte de leur structure de risques et des caractéristiques de leur configuration économique. En outre, la taxinomie et l’approche fiscale qui sont appliquées à ces aires doivent prendre en considération leurs impératifs pour ce qui est de se développer, ainsi que pour les investissements.

3.15.

Cette démarche intégrée nécessite de coordonner l’ensemble des administrations et organes de gestion, dont les multiples directions de la Commission européenne qui traitent des politiques transversales. Une telle coordination horizontale suppose d’adopter une approche par laquelle les responsables politiques intégreront les problématiques rurales dans toutes les politiques, afin de garantir qu’elles prennent en compte les besoins des campagnes.

3.16.

Pour être couronnée de succès, la coordination interadministrative doit prendre en considération les aspects suivants:

i)

déterminer quel est l’échelon d’intervention approprié;

ii)

définir clairement une fonction de chef de file pour la coordination des politiques;

iii)

renforcer les accords de coopération entre régions ou communes;

iv)

promouvoir des partenariats entre campagnes et villes, visant à tirer parti de leurs liens fonctionnels;

v)

améliorer la coordination verticale entre les niveaux de gouvernance.

3.17.

Il est nécessaire de préserver un lien direct avec les territoires ruraux, en s’appuyant sur le rôle actif des régions de l’Union européenne, qui assument une mission essentielle s’agissant d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques de développement rural à l’échelon local. La participation à la démarche de divers acteurs intéressés et l’adoption d’une approche ascendante constituent des facteurs essentiels pour assurer que les politiques rurales soient durables et que l’échelon local se les approprie. Le CESE demande qu’il soit tenu compte du rôle que peuvent jouer les groupes d’action locale et le modèle du développement local participatif.

3.18.

Le CESE préconise par ailleurs d’utiliser le schéma de gouvernance qu’offrent les «conseils de la politique alimentaire» comme source d’inspiration pour une coopération efficace entre tous les intervenants intéressés au niveau local.

3.19.

Il convient de progresser dans le domaine des contrats territoriaux, fondés sur des stratégies de mobilisation, qui nécessitent de définir des objectifs, fédérer les forces en présence, favoriser des engagements publics et privés axés sur le territoire, développer des mécanismes de coopération interinstitutionnelle et intersectorielle, créer un nouvel encadrement institutionnel, promouvoir le développement durable, reconnaître la diversité des zones rurales et favoriser les liens entre villes et campagnes. À cet égard, les entreprises et les organisations du secteur agroalimentaire ont à présent la possibilité de signer le code de conduite de l’Union pour des pratiques entrepreneuriales et commerciales responsables (15) que la Commission a mis en place dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table».

3.20.

Ces contrats territoriaux doivent être fondés sur l’équité et le respect. L’Angleterre, le Pays de Galles et l’Écosse disposent de codes de conduite ruraux, qui aident le citoyen à comprendre et respecter les zones de ruralité. Une telle démarche pourrait être transposée, à l’échelle européenne, en une charte des droits et devoirs pour des relations ruralo-urbaines équitables et durables (16), qui devrait être incorporée dans l’éducation à la citoyenneté pour tous.

3.21.

Le CESE reconnaît qu’il n’existe pas de formules universelles qui pourraient s’appliquer à l’ensemble des zones, dans toute leur hétérogénéité, et que chaque entité territoriale doit se concentrer sur ses spécificités et se spécialiser, d’une manière qui respecte sa singularité, sa diversité et la multifonctionnalité des usages de son territoire, en traçant des pistes en fonction de son potentiel, de ses besoins, de ses capacités et de ses aspirations. Utiliser les infrastructures existantes et réfléchir à en développer de nouvelles doit faire l’objet d’un examen d’ensemble, lequel s’attache également à observer les tendances à l’œuvre afin d’investir aux bons endroits.

3.22.

Nécessité d’améliorer les perspectives d’emploi:

i)

La pandémie de COVID-19 a accéléré les processus de numérisation et d’écologisation, qui appellent à déployer des efforts si l’on veut qu’ils se poursuivent durablement.

ii)

Il s’impose de créer ou préserver des possibilités de travail dans les zones rurales, qui ont notamment trait aux prestations de services dans ces milieux, au télétravail, aux nouvelles technologies ou aux énergies renouvelables.

iii)

De nombreuses possibilités de créer des postes de travail s’offrent dès lors que l’on entreprend de renforcer les aspects multifonctionnels de l’agriculture, de favoriser les activités non agricoles ou d’implanter en zone rurale des entreprises du secteur des services et de l’industrie des énergies propres.

iv)

Il convient de favoriser l’esprit d’entreprise, d’assurer des règles de concurrence équitable pour les PME et de prêter attention aux besoins des jeunes générations, par exemple en matière de télétravail.

v)

L’emploi et les commerces doivent être maintenus à proximité des populations. La démarche ruralo-urbaine offre des possibilités de développer une économie circulaire.

vi)

Il est indispensable de promouvoir le travail décent et d’améliorer les conditions d’activité dans les zones rurales, tout en s’assurant que toutes les voix qui comptent soient intégrées dans cette démarche de progrès.

vii)

Un contact doit être établi entre les demandes des consommateurs et les marchés régionaux et ruraux, grâce à la commercialisation de produits locaux et à des labels de qualité.

viii)

Il serait opportun d’encourager fortement, dans les zones rurales, le développement de filières ressortissant à la culture, notamment en y promouvant des manifestations culturelles et en protégeant les éléments de patrimoine historique et religieux qui sont situés sur leur territoire, qu’il s’agisse d’églises, de châteaux ou d’autres monuments.

ix)

Les processus de numérisation ouvrent de nouvelles perspectives, qui pourraient susciter des attentes et s’avérer attrayantes pour les citoyens, en particulier chez les jeunes, et, ainsi, enclencher un renversement de tendance en ce qui concerne l’exode rural et la qualité de vie à la campagne. Pour qu’un tel mouvement se produise, il est nécessaire de disposer des infrastructures propres à assurer la connectivité. Les stratégies de connexion et les plateformes numériques offrent des solutions à cet égard, sachant qu’une législation sur le numérique dans le monde rural favoriserait le développement des technologies numériques dans l’agriculture et les zones rurales.

x)

Dans les zones rurales et périurbaines, il s’impose de soutenir l’agriculture et l’aquaculture durables (17), tout comme l’écotourisme, les loisirs et les initiatives éducatives portant sur la durabilité, toutes ces activités devant être compatibles avec la protection de la biodiversité, afin de garantir la qualité de vie de la population.

xi)

Dans les campagnes, un enseignement de qualité et accessible dès le plus jeune âge peut contribuer à améliorer les résultats en matière d’éducation, sachant que l’accès aux services publics, comme la garde d’enfants et les écoles, est un facteur lié à la localisation qui détermine l’attractivité des zones rurales, y compris pour les travailleurs hautement qualifiés.

3.23.

Bien qu’elles revêtent une grande importance, la croissance économique et la création d’emplois n’en doivent pas moins être complétées par une fourniture suffisante de services de qualité en matière de logements, d’énergie, de loisirs, d’éducation et de formation, d’apprentissage tout au long de la vie et de systèmes de santé, si l’on veut garantir que les zones rurales soient non seulement des espaces de durabilité mais aussi des lieux de vie séduisants. L’Union européenne doit de toute urgence poser les bases d’une économie du bien-être durable et inclusive qui profite à tous (18).

3.24.

Il conviendrait en particulier que l’extension continue de transports publics abordables devienne un objectif prioritaire pour le développement des zones rurales et, partant, pour leur connexion avec les aires urbaines. Une offre de transport public à tarif modéré représente une condition absolument indispensable pour y assurer l’accessibilité des services publics essentiels comme les écoles, les structures d’accueil de l’enfance, les cabinets médicaux et les pharmacies, ou encore les allers-retours entre le domicile et le lieu de travail.

3.25.

Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place de nouvelles formes de fourniture de services ruraux:

i)

prestation de services sur un mode intégré, consistant à faire cohabiter différentes activités sur un même site, à mettre en place une coopération entre leurs prestataires et une collaboration entre les équipes de professionnels, ou encore à assurer leur coproduction entre entités publiques, privées et communautaires;

ii)

approche s’attachant à fournir des prestations selon des mécanismes non conventionnels et plus souples, comme celles qui sont offertes de manière itinérante aux citoyens, les modèles de type rayonnant, où elles sont assurées de manière régulière à partir d’un point central, ou encore celles qui sont mieux adaptées aux besoins locaux;

iii)

recours à des dispositifs technologiques et numériques, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé.

3.26.

Une stratégie globale visant à atteindre des seuils de fourniture de services dans un territoire donné, d’une part, et assurer les échanges de prestations entre chacune de ses composantes, d’autre part, constitue une condition essentielle à remplir pour réussir à structurer des espaces urbains et ruraux durables.

3.27.

Il y a lieu de concevoir une démarche qui, en revalorisant les services ruraux et en ouvrant les nouvelles perspectives d’emploi susmentionnées, donne la possibilité de maintenir en place la population des territoires concernés et, surtout, y garantisse l’indispensable relève des générations.

Bruxelles, le 21 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du CESE sur «La contribution des zones rurales d’Europe à 2018, l’Année européenne du patrimoine culturel, en vue de garantir la durabilité et la cohésion entre zones urbaines et zones rurales» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 22).

(2)  COM(2021) 345 final.

(3)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 60.

(4)  Comité économique et social européen, «Vers une stratégie globale de développement rural et urbain durable et équitable».

(5)  https://www.iclei.org

(6)  https://www.eurotowns.org

(7)  https://eurocities.eu

(8)  https://rural-urban.eu

(9)  https://rubizmo.eu

(10)  https://liverur.eu/

(11)  https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/information-reports/evaluation-de-limpact-de-la-pac-sur-le-developpement-territorial-des-zones-rurales-rapport-dinformation

(12)  Commission européenne, Un pacte vert pour l’Europe.

(13)  Stratégie «De la ferme à la table».

(14)  Communication de la Commission sur une mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020.

(15)  Commission européenne, site internet (europa.eu) consacré au code de conduite (en anglais).

(16)  Le code rural: conseils pour les personnes qui visitent la campagne — gov.uk (en anglais).

(17)  Voir les avis sur les «Orientations stratégiques pour le développement durable de l’aquaculture dans l’Union européenne» — NAT/816 (JO C 517 du 22.12.2021, p. 103) et sur une «Nouvelle approche pour une économie bleue durable dans l’Union européenne» — NAT/817 (JO C 517 du 22.12.2021, p. 108).

(18)  Avis du CESE sur «L’économie durable dont nous avons besoin» (JO C 106 du 31.3.2020, p. 1).


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/56


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Autonomie stratégique, sécurité alimentaire et durabilité»

(avis d’initiative)

(2022/C 105/09)

Rapporteur:

Klaas Johan OSINGA

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

4.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

128/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

De l’autonomie stratégique ouverte quand elle s’applique aux systèmes alimentaires, le CESE propose une définition qui a pour base les questions de la production d’aliments, de la main-d’œuvre et des échanges, et se place sous la visée globale de donner à tous les citoyens de l’Union européenne une garantie de sécurité et de durabilité de leur alimentation grâce à un approvisionnement équitable, durable et résilient en denrées saines.

1.2.

Plus spécifiquement, il conviendrait que l’Union européenne diversifie davantage ses systèmes alimentaires, qu’elle renforce les effectifs de l’agriculture, en particulier en attirant des jeunes dans ce secteur d’activité et en y garantissant des conditions de travail et des rémunérations décentes, et qu’elle mette ses politiques commerciales en cohérence avec ses normes en matière de durabilité alimentaire et ses impératifs de compétitivité (1).

1.3.

La meilleure voie à suivre pour assurer l’autonomie stratégique ouverte et la durabilité des systèmes alimentaires consiste à développer une panoplie d’instruments parmi lesquels figureront des mesures de gestion des risques qui aideront les chaînes d’approvisionnement alimentaire à gérer des situations exceptionnelles et les pouvoirs publics de l’Union européenne à agir alors sur-le-champ.

1.4.

Les événements qui se sont récemment produits sous l’effet de la COVID-19, de phénomènes météorologiques extrêmes imputables au dérèglement climatique et de cyberattaques témoignent de la nécessité d’améliorer la résilience et la durabilité des systèmes alimentaires. Dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table», la Commission européenne élabore actuellement, un plan d’urgence pour l’approvisionnement et la sécurité alimentaires de l’Union européenne, ainsi qu’un mécanisme connexe de réaction aux crises alimentaires (2). Ces initiatives devraient contribuer à sensibiliser davantage aux risques et s’attacher à repérer les principaux d’entre eux, les évaluer et en effectuer un suivi, au moyen d’épreuves de résistance aux pressions, au niveau de l’Union comme des États membres, ainsi qu’à favoriser la mise en œuvre de mesures pour résoudre les problèmes rencontrés.

1.5.

L’Union européenne a besoin d’un dispositif par lequel elle évitera qu’en raison d’interdépendances, certains événements localisés, comme les pannes électriques ou les cyberattaques, ne dégénèrent au point de devenir incontrôlables. On peut en citer pour exemples le cas d’une ville qui doit être placée sous confinement pour plusieurs semaines, d’une coupure de courant qui s’étend sur plusieurs jours, ou encore d’une cyberattaque lancée contre un acteur du secteur de la distribution alimentaire.

1.6.

Pour améliorer les mécanismes d’adaptation, il est également nécessaire de développer les systèmes alimentaires existants et, dans le même temps, de les diversifier, notamment sous la forme de modèles entrepreneuriaux pour les magasins à la ferme, l’agriculture urbaine et verticale et, plus généralement, l’approche de «production locale destinée aux besoins locaux». Cette démarche demande que les agriculteurs et les cultivateurs mettent en application les résultats de la recherche et l’innovation d’une manière plus étendue, et elle devrait contribuer à réduire autant que faire se peut le risque que des «déserts alimentaires» ne se forment et que la production ne souffre de morcellement (3). Dans le même temps, il conviendrait de renforcer les avantages que procure un système de distribution efficace qui part des exploitations pour aboutir aux marchés, en passant par les étapes de la transformation.

1.7.

Pour assurer une production à long terme d’aliments sains et disponibles en quantités suffisantes, tout en dégageant des sources de revenus viables, il importe d’utiliser les ressources naturelles d’une manière durable, qui préserve le potentiel édaphique et hydrique, lutte contre le changement climatique et les pertes de biodiversité et respecte le bien-être animal. L’Union européenne devrait également renforcer la production locale et régionale pour parvenir à articuler une production et une transformation alimentaires équilibrées avec une faible empreinte carbonique.

1.8.

La politique agricole commune joue un rôle essentiel en la matière, du point de vue économique, social et environnemental. Elle est censée stabiliser les marchés dans les phases de crise, tout en offrant un filet de sécurité aux agriculteurs et aux transformateurs et en assurant la protection de l’environnement, de la main-d’œuvre, du climat et du bien-être animal, et elle remplit une mission pour préserver les capacités stratégiques de production, la sécurité des denrées alimentaires et leur disponibilité en quantités suffisantes.

1.9.

Les exploitations et les terres agricoles fertiles, tout comme l’eau, constituent des actifs stratégiques et doivent bénéficier, dans l’Union européenne, d’un certain niveau de protection, car elles forment la colonne vertébrale de notre autonomie stratégique en matière alimentaire.

1.10.

Le CESE réitère sa recommandation d’envisager la possibilité de créer un Conseil européen de la politique alimentaire plurilatéral et à plusieurs niveaux (4). Dans le contexte d’une autonomie stratégique ouverte, un tel conseil pourrait jouer, entre autres, un rôle de surveillance et contribuer à l’évaluation et à l’anticipation des risques dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

1.11.

L’Union européenne doit s’assurer que ses frontières restent ouvertes en toute sécurité et que la main-d’œuvre et la logistique de la production et du transport alimentaires continuent à être opérationnelles, grâce à des «voies réservées» tant à l’intérieur de son territoire que pour les liaisons avec l’extérieur. À cette fin, il est indispensable de disposer d’un puissant mécanisme qui assure la coordination entre les États membres, la Commission européenne et les pays tiers.

2.   Introduction

2.1.

Le présent avis d’initiative vise à explorer le concept d’«autonomie stratégique ouverte» de l’Europe dans son rapport avec la sécurité et la durabilité alimentaires de demain, ainsi qu’à fournir, dans une perspective de long terme, des points de vue et recommandations d’action émanant de la société civile. Plus particulièrement, il entend fournir matière à réflexion à propos de certaines questions découlant d’événements récents, comme la pandémie de COVID-19, les phénomènes météorologiques extrêmes, les cyberattaques, ou encore les tensions politiques ou sociales.

2.2.

L’Union européenne devrait considérer l’«autonomie stratégique ouverte» comme une occasion d’assurer la sécurité de son approvisionnement en aliments et de fixer des normes élevées de durabilité alimentaire, en particulier dans le contexte du pacte vert pour l’Europe et des objectifs de développement durable des Nations unies. Le défi que la durabilité alimentaire représente pour l’Europe doit être relevé sur le front intérieur et extérieur tout à la fois, et le présent avis examinera aussi les moyens qui peuvent être envisagés pour protéger et améliorer la disponibilité d’aliments durables pour tous les citoyens de l’Union européenne, en particulier en période de crise.

2.3.

Le présent avis s’appuie sur diverses propositions et idées concrètes que le CESE a déjà formulées dans ses travaux antérieurs (5) et que l’on peut résumer comme suit:

favoriser une politique alimentaire globale de l’Union européenne, visant à assurer une alimentation saine à partir de systèmes durables en la matière, en articulant l’agriculture avec la nutrition et les services écosystémiques et en veillant à ce que les chaînes d’approvisionnement préservent la santé publique dans tous les segments de la société européenne. Une telle démarche, qui a maintenant trouvé une traduction dans la stratégie de la Commission «de la ferme à la table», devrait améliorer la cohérence entre les différents domaines d’action en rapport avec les aliments, redonner à la nourriture sa juste valeur et favoriser, sur le long terme, un basculement du productivisme et du consumérisme alimentaires vers une alimentation citoyenne,

renforcer le potentiel des chaînes courtes d’approvisionnement alimentaire, de l’agroécologie et des systèmes de qualité des produits,

garantir des prix équitables et interdire les pratiques commerciales déloyales,

incorporer le pacte vert, la stratégie «de la ferme à la table» et celle en faveur de la biodiversité dans tous les accords commerciaux que l’Union européenne conclura à l’avenir, à titre de normes mondiales de durabilité,

garantir, notamment par la création d’un Conseil européen de la politique alimentaire, que la société civile et tous les acteurs de chacun des maillons de la chaîne de l’approvisionnement alimentaire soient associés à la démarche et y participent de manière structurée.

2.4.

Enfin, le présent avis d’initiative a pour visée de fournir des intuitions utiles pour les travaux en cours concernant la stratégie «de la ferme à la table» du pacte vert, la politique agricole commune, le réexamen de la politique commerciale et le programme de prospective stratégique, en plaçant la sécurité et la durabilité alimentaires de l’Union européenne au cœur des analyses.

2.5.

En septembre 2021, les Nations unies ont organisé un sommet sur les systèmes alimentaires, visant à aider les pays à atteindre les 17 objectifs de développement durable (ODD), en particulier l’ODD 2, «faim zéro». Le CESE a apporté une contribution à ce débat (6).

3.   L’autonomie stratégique ouverte: ses composantes essentielles pour le système alimentaire

3.1.

Selon la Commission européenne, «l’autonomie stratégique ouverte met l’accent sur la capacité de l’UE de faire ses propres choix et de façonner le monde qui l’entoure par son rôle de chef de file et par son engagement, à la lumière de ses intérêts stratégiques et de ses valeurs». Grâce à elle, l’Union européenne peut devenir plus forte, d’un point de vue économique et géopolitique tout à la fois, en se montrant (7):

ouverte aux échanges et aux investissements qui aideront son économie à se redresser après les crises et à rester compétitive et connectée avec le reste du monde,

durable et responsable, prenant une position de chef de file à l’échelle internationale pour construire un monde plus vert et plus équitable, en renforçant les alliances existantes et en nouant le contact avec de nombreux partenaires,

ferme face aux pratiques déloyales et coercitives et prête à faire respecter ses droits, en favorisant toujours, dans le même temps, la coopération internationale pour la résolution des problèmes mondiaux.

3.2.

Il est nécessaire d’affiner la définition du concept d’«autonomie stratégique ouverte» quand il s’applique aux systèmes alimentaires. Le CESE souhaite contribuer à la réflexion sur la manière dont l’Union européenne peut mieux se préparer à faire face à de futures crises. Le plan de relance de l’Union européenne devrait intégrer cette démarche, par exemple au moyen de l’affectation des fonds de Next Generation EU.

3.3.

Le CESE suggère de définir l’autonomie stratégique ouverte en se fondant pour ce faire sur la production alimentaire, la main-d’œuvre et les échanges, et en se plaçant dans une visée globale qui entende donner aux citoyens de l’Union européenne une garantie de sécurité et de durabilité pour leur alimentation grâce à un approvisionnement équitable, durable et résilient en denrées alimentaires.

3.4.   La production alimentaire

3.4.1.

La question de la sécurité alimentaire doit être abordée sous l’angle international, national et local. Les villes, qui ne produisent que très peu d’aliments frais et forment donc des «déserts alimentaires», accueillent aujourd’hui 55 % de la population mondiale, et les Nations unies prévoient que ce pourcentage devrait atteindre 68 % d’ici à 2050. Les projections montrent qu’à cette date, la conjonction de l’urbanisation et de la croissance démographique générale à travers le monde pourrait gonfler les effectifs des zones urbaines de 2,5 milliards de personnes supplémentaires (8). Pour l’Europe, le taux d’urbanisation devrait augmenter pour atteindre alors, approximativement, 83,7 % (9).

3.4.2.

Au sein du marché intérieur de l’Union européenne, la majeure partie des produits alimentaires sont acheminés quotidiennement des zones rurales et usines de transformation vers les supermarchés implantés dans les aires urbaines. Lors des confinements de 2020 et 2021, toutefois, les commerces locaux, les magasins à la ferme et les boutiques en ligne ont gagné en popularité auprès des consommateurs.

3.4.3.

Le développement des circuits courts d’approvisionnement favorise la résilience de l’Europe. Les canaux de distribution locaux doivent être en adéquation avec les besoins de la population et les spécificités territoriales et climatiques. Il y a lieu de développer plus avant les capacités de transformation alimentaire à l’échelle locale.

3.4.4.

La diversification de la production contribuera également à rendre l’Union européenne plus résiliente. La stratégie «De la ferme à la table» prévoit un accroissement de la surface agricole consacrée à l’agriculture biologique; de même, les potagers communautaires et l’agriculture urbaine et verticale (10) offrent des pistes intéressantes, qui économisent des kilomètres de transports d’aliments et connaissent une popularité grandissante. Ces initiatives devraient être articulées avec d’autres démarches de production et de transformation alimentaires s’effectuant à l’échelle locale et régionale, de façon à offrir un filet de sécurité.

3.4.5.

L’une des priorités d’action de l’Union européenne devrait être de réaliser un inventaire des vulnérabilités en la matière. Il conviendrait que les États membres et la Commission européenne coopèrent pour détecter les lacunes, combattre le gaspillage alimentaire, développer des scénarios et coordonner des formations et une communication ciblées.

3.4.6.

La gestion intelligente des stocks d’aliments doit faire partie intégrante de l’autonomie stratégique ouverte dans le domaine alimentaire. Il y a lieu d’inclure dans cette démarche une rotation régulière des stocks stratégiques et d’éviter par ailleurs les manœuvres spéculatives de la part des opérateurs, notamment lorsqu’ils achètent des matières premières et des aliments à des prix inférieurs à leur coût (11), ainsi que les réactions brutales des marchés, en garantissant leur transparence.

3.5.   La main-d’œuvre

3.5.1.

Les jeunes qui ont la formation nécessaire pour pratiquer l’agriculture et sont désireux de le faire sont trop peu nombreux. Pour chaque agriculteur de moins de 35 ans, on en recensait, dans l’Union européenne de 2016, plus de six ayant dépassé les 65 ans (12),

3.5.2.

En outre, les agriculteurs continuent à porter une part disproportionnée du fardeau des dommages et pertes dus aux catastrophes. L’augmentation de la fréquence de ces événements et de leur intensité, tout comme la nature systémique des risques, bouleversent la vie des populations, opèrent des coupes sombres dans leurs moyens de subsistance et menacent tout notre système alimentaire.

3.5.3.

En Europe, il est primordial d’accroître le nombre de personnes actives dans l’activité agricole, de protéger l’agriculture et les terres agricoles fertiles et de fournir les systèmes de connaissances et d’innovation agricoles (SCIA) qui sont appropriés. Il convient d’inciter les jeunes hommes et femmes à s’investir dans l’agriculture et les y attirer pour qu’ils viennent travailler durablement dans des exploitations agricoles.

3.5.4.

Une des conditions sine qua non pour mettre en place un système alimentaire durable et résilient consiste à garantir que les travailleurs du secteur de l’agriculture et de l’alimentaire bénéficient de conditions de travail décentes, qu’ils soient ou non citoyens de l’Union européenne et indépendamment du niveau de la chaîne d’approvisionnement qui est concerné. Il conviendrait également de prévoir un financement adéquat, des salaires justes et plus élevés, des prix équitables, des subventions pour l’adaptation au changement climatique et des garanties pour les droits des saisonniers.

3.5.5.

De l’avis du CESE, une politique alimentaire globale de l’Union européenne se doit d’assurer une durabilité économique, environnementale et socioculturelle Il est dès lors primordial que la stratégie «De la ferme à la table» remodèle en profondeur les dynamiques de la chaîne d’approvisionnement et aboutisse à améliorer durablement les revenus et les conditions de subsistance des agriculteurs (13). On peut se demander si cet indispensable basculement aura bien lieu, dès lors que les incitations politiques et économiques qui s’imposent ne sont pas mises en place.

3.6.   Les échanges

3.6.1.

En 2020, la valeur des exportations agroalimentaires de l’EU-27 a été estimée à 184,3 milliards d’euros, en croissance de 1,4 % par rapport à 2019, tandis que ses importations, d’un montant de 122,2 milliards, ont enregistré une augmentation de 0,5 % en comparaison de l’année précédente. La balance des échanges de l’Union européenne pour l’agroalimentaire a affiché en 2020 un excédent de 62 milliards d’euros, soit 3 % de plus qu’en 2019 (14). Selon le Centre commun de recherche (CCR), chaque milliard d’euros de produits agroalimentaires exportés crée en moyenne 20 000 emplois, dont 13 700 dans le secteur primaire. Par ailleurs, l’agriculture assurait, en 2016, quelque 4,2 % du volume total de l’emploi dans l’Union européenne (15).

3.6.2.

Les principaux débouchés des produits agroalimentaires de l’Union européenne ont été le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine, la Suisse et le Japon, qui ont absorbé plus de 52 % du volume total de ses exportations. En 2020, les principaux pays de provenance pour les imports agroalimentaires comprenaient le Royaume-Uni, le Brésil, les États-Unis, l’Ukraine et la Chine.

3.6.3.

L’Union européenne joue un rôle de premier plan dans le commerce mondial des produits agroalimentaires et il est primordial que ses politiques en matière d’échanges soient en cohérence avec ses objectifs de durabilité. Dans un avis antérieur (16), le CESE a préconisé que tous les accords commerciaux que l’Union européenne conclura dans le futur incorporent, à titre de normes mondiales de durabilité, la stratégie «de la ferme à la table» et celle relative à la biodiversité qui figurent dans le pacte vert. Il a reconnu l’importance et la valeur que revêtent un commerce fondé sur des règles et fonctionnant dans un cadre de concurrence équitable, tout comme la contribution majeure qu’il apportera à la reprise économique de l’après-COVID-19.

3.6.4.

L’Union européenne devrait favoriser des pratiques qui ne requièrent que peu d’intrants agricoles, afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de ceux qui sont importés, en particulier pour ce qui est des combustibles fossiles et des pesticides, et d’accroître les capacités de permettant de les produire sur son sol.

3.6.5.

Nous avons besoin de systèmes novateurs, qui protègent et renforcent notre réservoir de ressources naturelles tout en favorisant une production efficace (17). Les nouvelles technologies, les robots et les vaccins sont des atouts importants à développer.

4.   La gestion des risques et les scénarios de résistance à la pression

4.1.

Selon la FAO, l’humanité et sa sécurité alimentaire doivent affronter une série de menaces nouvelles et sans précédent, comme les phénomènes météorologiques extrêmes dus au dérèglement climatique, les maladies ou les pandémies. L’agriculture est confrontée à toute une palette de dangers, qui, dans notre monde ultraconnecté, interagissent les uns avec les autres (18).

4.2.

La FAO indique qu’en 2020-2021 les prix alimentaires ont atteint leur niveau le plus élevé depuis 2011 (19). On affirme souvent que leur volatilité est en partie imputable à la spéculation, bien qu’il soit difficile de le prouver. Les Nations unies et l’OCDE rapportent qu’en 2020, un nombre de personnes compris entre 720 et 811 millions ont été confrontées à la faim. Cette même année, près du tiers des habitants de la planète, soit 2,37 milliards d’individus, n’ont pas eu accès à une alimentation adéquate en 2020, ce chiffre ayant augmenté, sur une seule année, de 320 millions de personnes (20).

4.3.

La pandémie de COVID-19 nous prouve que même en Europe, nous ne pouvons tenir la sécurité alimentaire pour acquise. Sur chaque maillon de la chaîne alimentaire, les intervenants et des activités sont tous imbriqués à l’extrême. Lors de la pandémie, certains pays ont instauré des restrictions aux échanges. Au sein même de l’Union européenne, des États membres ont arrêté des mesures unilatérales qui, du fait de la fermeture de leurs frontières, ont mis en difficulté le transport alimentaire et les travailleurs saisonniers. Parce que les agriculteurs et leurs partenaires de la chaîne de l’alimentation ont su s’adapter rapidement, la production, la transformation et la distribution de vivres ont pu se poursuivre. La Commission a également agi pour que le marché intérieur reste opérationnel. Toutefois, bon nombre d’entrepreneurs ont pourtant été touchés par la crise, en raison de la fermeture des services dans le domaine des déplacements, du tourisme et de l’alimentation.

4.4.

Les cyberattaques, comme celles qui s’effectuent par le truchement des rançongiciels, provoquent des crises dans le monde réel, car aujourd’hui, avec l’«internet des objets», toute une série d’éléments sont logés en ligne. L’agence de presse Associated Press a indiqué qu’en 2020, le montant moyen des rançons versées aux cybercriminels a augmenté de 311 %, pour atteindre 310 000 dollars, tandis qu’en moyenne, les victimes n’ont recouvré un accès à leurs données qu’après 21 jours (21).

4.5.

En avril 2021, la principale chaîne néerlandaise de supermarchés, Albert Heijn, a subi une rupture d’approvisionnement pour certains produits fromagers à cause d’une cyberattaque perpétrée contre l’un de ses grands distributeurs (22). Récemment, c’est le principal conditionneur de viande à l’échelle mondiale, JBS, qui a été attaqué de la sorte. Cet acte a avivé les inquiétudes des États-Unis concernant leur approvisionnement alimentaire national (23). Il apparaît que bien souvent, les entreprises s’abstiennent de faire état de pareilles agressions, pour éviter des réactions sur les marchés, par exemple sous la forme de stockages en pagaille ou d’une envolée des prix. Par ailleurs, certaines sociétés ont subi de graves dommages sous l’effet de cyberattaques dont elles n’étaient pourtant pas la cible directe, comme dans le cas des centaines de magasins de la Fédération coopérative en Suède qui ont dû fermer leurs portes en juillet 2021, lorsque le fournisseur de logiciels américain Kaseya a été visé par une attaque au rançongiciel (24).

4.6.

Un autre élément tout aussi préoccupant a été, au début du mois d’avril 2021, le blocage du canal de Suez par un porte-conteneurs de 200 000 tonnes. De tels incidents témoignent de la fragilité des chaînes mondiales d’approvisionnement. Si une rupture se produit dans l’une d’entre elles, ne fût-ce que quelques jours durant, la résorption du retard accumulé peut prendre beaucoup de temps et déboucher sur des hausses de prix, pour les consommateurs comme pour les entreprises.

4.7.

En septembre 2021, la Commission européenne a publié son rapport de prospective stratégique 2021, qui sera axé sur l’autonomie stratégique (25). Elle considère que «garantir des systèmes alimentaires durables et résilients» est l’un des principaux domaines stratégiques pertinents pour renforcer le rôle moteur de l’Union européenne à l’échelle mondiale. À cet égard, il est fait état de la nécessité d’investir dans l’innovation afin de préserver des systèmes alimentaires résilients et durables (26).

4.8.

En outre, dans un document technique récemment publié, le Centre commun de recherche a décrit le contexte dans lequel s’inscrivent les tableaux de bord présentés dans l’édition 2020 de ce rapport de la Commission européenne (27). La démarche inclut des indicateurs de vulnérabilité concernant l’accès aux services locaux et la dépendance vis-à-vis des importations alimentaires et met en évidence l’importance géopolitique de l’alimentation. Un tableau de bord aide à inventorier les vulnérabilités et développer des essais ciblés de résistance aux pressions. Toutefois, il s’agit là d’une approche générale, étant donné qu’il n’existe pas d’indicateur unique et que les tableaux de bord de la résilience sont en cours de révision.

4.9.

Il est nécessaire que les chaînes d’approvisionnement passent de la logique du «juste à temps» à celle du «au cas où». Une dépendance vis-à-vis de fournisseurs monopolistiques peut ouvrir la porte à des ingérences de la part de gouvernements hostiles. Elle est également susceptible de s’avérer problématique en ce qui concerne la fourniture d’intrants pour les agriculteurs et les entreprises du secteur de la transformation alimentaire. Aussi le CESE demande-t-il que la disponibilité des denrées alimentaires dans l’Union européenne fasse l’objet d’un examen du point de vue de la sécurité, qui devrait s’effectuer au moyen d’études de scénarios.

4.10.

Les essais de résistance aux pressions devraient servir à détecter les points vulnérables. Il s’agirait, par exemple, de déterminer quelles conséquences pourrait avoir une panne d’une durée de plusieurs jours qui surviendrait, à une échelle locale, régionale ou nationale, dans les réseaux de fourniture d’électricité ou de télécommunications. On s’accorde largement à considérer que ce cas de figure constitue, du point de vue de la demande, l’une des menaces majeures qui pèsent sur les infrastructures critiques d’un pays, dont son approvisionnement alimentaire. Parmi les incidences directes qui en résulteraient pour la fourniture d’aliments, on peut citer l’interruption de l’alimentation en électricité, en eau et en gaz, la perte des capacités de réfrigération et de congélation, l’impossibilité d’utiliser les équipements de cuisine, de cuisson et de traitement ou fabrication, l’absence de chauffage et d’éclairage, l’incapacité à respecter les impératifs de base en matière d’hygiène, ou encore la non-disponibilité du carburant nécessaire pour les véhicules de distribution ou d’autres usages dans la chaîne d’approvisionnement. Les impacts indirects de cette situation, dus aux dommages infligés à d’autres infrastructures critiques, pourraient cependant produire eux aussi des effets non négligeables. Si elle se prolongeait, l’indisponibilité des télécommunications et des systèmes d’échanges de données poserait des défis graves et pressants aux entreprises, pour leurs circuits de communication interne, ainsi qu’aux services de l’État, aux fournisseurs, à leurs clients et aux consommateurs, s’agissant de faciliter la diffusion des informations essentielles et de renouveler leurs commandes et effectuer leurs paiements par les canaux de transactions bancaires.

4.11.

Le CESE préconise de soumettre ce scénario à un examen plus fouillé.

5.   Recommandations concernant la voie à suivre

5.1.

Le concept de l’autonomie stratégique ouverte offre des perspectives mais pose aussi certains risques. La prospérité de l’Union européenne dépend aussi du commerce mondial et, donc, de l’existence de règles commerciales claires et de mesures bien définies.

5.2.

Quand des pénuries alimentaires apparaissent, ou que telle est l’impression, le consommateur est susceptible de se lancer dans des achats dictés par la panique et peut très bien cesser de se soucier du climat, de la biodiversité ou du bien-être animal. L’Europe ne pourra donc devenir plus verte que si elle progresse aussi dans la résilience.

5.3.

La COVID-19 a montré que lorsque les chaînes d’approvisionnement sont perturbées sur une période assez étendue, les effets qui en résultent se diffusent à travers toute l’économie. Le retour à la normale peut parfois prendre des années.

5.4.

L’autonomie stratégique ouverte en matière alimentaire ne peut exister en l’absence d’une politique commerciale ouverte et équitable. Il serait impensable que l’Union européenne en revienne à des démarches protectionnistes, car un tel revirement créerait des fragilités supplémentaires et pourrait provoquer de graves dommages (28), par exemple en ce qui concerne ses exportations de céréales à destination de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient. Bien souvent, les chaînes d’approvisionnement internationales sont plus efficaces et diversifiées, et donc mieux à même de s’adapter à des chocs inédits, que celles d’envergure locale.

5.5.

L’Union européenne devrait évaluer dans quels cas et pour quels produits l’autosuffisance constitue une approche utile. Il conviendrait que le consommateur et l’opinion publique prennent davantage conscience de la manière dont fonctionnent ces circuits d’approvisionnement.

5.6.

Avec les Nations unies et ses partenaires commerciaux, l’Union européenne doit s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité alimentaire et contribuer à la transformation dont la filière de l’alimentation a un besoin criant afin que l’agriculture devienne plus résiliente face aux chocs. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour que les chaînes d’approvisionnement deviennent plus durables, solides et sûres.

5.7.

Dans un récent document de nature officieuse, la France et les Pays-Bas ont appelé l’Union européenne à durcir son cadre applicable au commerce, notamment en établissant son propre plan pour la conduite responsable des entreprises (CRE), lequel devrait assurer une politique cohérente et harmonisée tout en préservant un environnement de concurrence équitable pour le marché intérieur de l’Union. Ce plan d’action de l’Union européenne en matière de conduite responsable des entreprises devrait fournir la stratégie sous-tendant l’ensemble de sa démarche, s’agissant de promouvoir des échanges équitables et une production responsable et de gérer les chaînes d’approvisionnement.

5.8.

L’Espagne et les Pays-Bas viennent d’élaborer ensemble une note non officielle sur la réalisation d’une autonomie stratégique qui préserve une économie ouverte. L’un des points qui y sont soulevés est que l’«autonomie stratégique ouverte» devrait figurer parmi les questions qui seront débattues lors de la conférence sur l’avenir de l’Europe.

5.9.

La discussion menée au niveau de l’Union européenne sur le devoir de diligence (29) et le code de conduite «De la ferme à la table» (30) ont également leur pertinence sur ce point. En la matière, les entreprises et les organisations du secteur agroalimentaire ont désormais la possibilité de signer le code de conduite sur les pratiques commerciales et commerciales responsables, que la Commission européenne a lancé dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table» (31).

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  «[Si] l’Union veut se doter d’une politique alimentaire globale qui soit réellement pertinente pour les consommateurs européens, il est essentiel que les denrées alimentaires produites de manière durable dans l’UE soient compétitives. Cela signifie que le secteur agroalimentaire européen doit être en mesure de fournir des denrées alimentaires aux consommateurs à des prix incluant les coûts supplémentaires pour des critères tels que la durabilité, le bien-être animal, la sécurité alimentaire et la nutrition, mais également une juste rémunération pour les agriculteurs, tout en maintenant son statut de premier choix pour la grande majorité des consommateurs.» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18; JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).

(2)  Plan d’urgence, Commission européenne.

(3)  COVID-19 and the food phenomena («La COVID-19 et le phénomène alimentaire»), FAO.

(4)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 18 et JO C 429 du 11.12.2020, p. 268.

(5)  Entre autres: JO C 129 du 11.4.2018, p. 18, JO C 190 du 5.6.2019, p. 9, JO C 429 du 11.12.2020, p. 268, JO C 429 du 11.12.2020, p. 66, JO C 440 du 6.12.2018, p. 165 et avis du CESE sur le thème «Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitable», NAT/823 (JO C 517 du 22.12.2021, p. 38).

(6)  Contribution au sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires, CESE.

(7)  Réexamen de la politique commerciale, Commission européenne.

(8)  68 % of the world population projected to live in urban areas by 2050 («Selon les projections, 68 % de la population mondiale devrait vivre dans des zones urbaines en 2050»), Nations unies.

(9)  Urbanisation in Europe, Commission européenne; UN World urbanisation Prospects 2018.

(10)  Vertical farming («Agriculture verticale»), Université et centre de recherche de Wageningue (WUR).

(11)  Avis du CESE sur le thème «Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitable», NAT/823 (JO C 517 du 22.12.2021, p. 38).

(12)  CAP specific objectives — Structural change and generational renewal («Objectifs spécifiques de la PAC — Changement structurel et relève générationnelle»), Commission européenne.

(13)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 268.

(14)  2020 a year of stability for EU agri-food trade («2020: une année de stabilité pour les échanges agroalimentaires de l’Union européenne»), Commission européenne.

(15)  Agriculteurs et main-d’œuvre agricole — statistiques, Eurostat.

(16)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 66.

(17)  L’avenir de l’alimentation et de l’agriculture, FAO.

(18)  The impact of disasters and crises on agriculture and food security: 2021 («L’impact des catastrophes et des crises sur l’agriculture et la sécurité alimentaire: 2021»), FAO.

(19)  Indice FAO des prix des produits alimentaires, FAO.

(20)  2021 State of Food Security and Nutrition in the World («L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021»), Programme alimentaire mondial (PAM).

(21)  Cyber attack on US pipeline is linked to criminal gang («La cyberattaque contre l’oléoduc américain est liée à un groupement criminel»), Associated Press News.

(22)  Kaasschaarste bij Albert Heijn na hack leverancier («Pénurie de fromage chez Albert Heijn après une cyberattaque chez un fournisseur»), De Volkskrant.

(23)  Hacking American beef: the relentless rise of ransomware («Cyberattaque sur le bœuf américain: l’essor fulgurant du rançongiciel»), Financial Times.

(24)  NCSC statement on Kaseya incident («Déclaration du Centre national de cybersécurité après l’incident touchant Kaseya»), NCSC.

(25)  Rapport de prospective stratégique 2021, Commission européenne.

(26)  Shaping and securing the EU’s Open Strategic Autonomy by 2040 and beyond («Façonner et garantir l’autonomie stratégique ouverte de l’Union européenne d’ici 2040 et au-delà»), Centre commun de recherche.

(27)  Resilience Dashbords («Tableaux de bord de la résilience»), Commission européen.

(28)  «Tous les accords commerciaux de l’UE à venir devraient intégrer le pacte vert, les stratégies “De la ferme à la table” et “Biodiversité”, en tant que normes mondiales en matière de durabilité.» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 66).

(29)  Towards a mandatory EU system of due diligence for supply chains («Vers un dispositif obligatoire de l’UE en matière de devoir de diligence dans les chaînes d’approvisionnement»), Euractiv.

(30)  Code of Conduct for Responsible Business and Marketing Practices («Code de conduite pour des pratiques entrepreneuriales et commerciales responsables»), Commission européenne.

(31)  Avis du CESE sur le thème «Aligner les stratégies et les activités des entreprises du secteur alimentaire sur les ODD pour une relance durable après la COVID-19» (non encore publié au Journal officiel).


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

564e session plénière du Comité économique et social européen — INTERACTIO, 20.10.2021-21.10.2021

4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/63


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020: construire un marché unique plus solide pour soutenir la reprise en Europe

[COM(2021) 350 final]

(2022/C 105/10)

Rapporteure:

Sandra PARTHIE

Corapporteur:

Dirk BERGRATH

Consultation

Commission européenne, 1.7.2021

Base juridique

Article 304 du TFUE

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

30.9.2021

Adoption en session plénière

21.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Une stratégie industrielle cohérente devrait revêtir deux dimensions, à savoir, d’une part, la reprise après la pandémie et la reconstruction et, d’autre part, la résilience. Le Comité économique et social européen (CESE) salue l’appel lancé en faveur de la création conjointe de parcours de transition pour un avenir écologique et numérique, et il souligne que cette démarche doit avoir lieu en partenariat avec l’industrie, les pouvoirs publics, les partenaires sociaux et d’autres acteurs concernés. À ses yeux, la première étape sur la voie d’une mise en œuvre cohérente et réussie de la stratégie industrielle consiste à définir le cadre approprié, axé sur la compétitivité et l’innovation, que chaque écosystème devrait viser au moyen de cibles et d’objectifs clairs.

1.2.

Dans ce contexte, le CESE plaide en faveur d’indicateurs clés de performance spécifiques qui mesurent non seulement la compétitivité de l’écosystème, mais aussi les questions horizontales, et insiste sur la nécessité d’évaluer régulièrement les indicateurs sélectionnés et de les adapter ou de les modifier au fil du temps.

1.3.

Le CESE se félicite de l’engagement pris par la Commission européenne de conserver et de développer la base industrielle et manufacturière de l’Europe, et souligne que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ont un rôle essentiel à jouer et doivent être associés à la conception de l’avenir de l’industrie européenne. Le CESE réclame également un alignement des mesures envisagées pour parvenir à la neutralité climatique et à la transition numérique avec l’objectif de bien-être social et de croissance durable.

1.4.

Le Comité convient que la résilience des chaînes de valeur a gagné en importance, et il soutient les efforts que déploie la Commission pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement et renforcer la résilience des entreprises au vu de l’importance que ces mesures revêtent pour l’économie européenne, la pandémie de COVID-19 ayant mis au jour des lacunes imprévues, y compris sur le marché unique.

1.5.

Dans certains domaines, la pandémie a malheureusement contribué à creuser l’écart entre États membres de l’Union prospères et moins prospères. Cela met davantage en péril la cohésion sociale et économique. NextGenerationEU constitue un instrument inédit pour permettre à l’Union d’atténuer ces répercussions; il doit être utilisé pour assurer une meilleure convergence entre États membres et régions de l’Union, y compris en ce qui concerne la double transition vers une Europe durable et numérique.

1.6.

Les alliances industrielles se révèlent une méthode efficace pour développer des projets industriels transfrontières et à grande échelle dans des domaines stratégiques. Ces alliances industrielles, tout comme les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), jouent un rôle crucial pour stimuler la relance et promouvoir des normes européennes et des technologies clés, en particulier dans les domaines où le marché n’est pas en mesure, à lui seul, de produire des résultats, ou s’il subit des distorsions.

1.7.

Le Comité estime que la réussite de la mise en œuvre de tels projets passera nécessairement par un dialogue étroit avec les représentants des travailleurs et les syndicats ainsi qu’avec les représentants des entreprises et les fédérations d’employeurs, afin de mettre à profit leur savoir-faire et de réduire autant que possible les incertitudes liées à cette transition. Il y a lieu de procéder en parallèle à une analyse d’impact s’intéressant aux répercussions des processus de décarbonation sur la création de valeur et sur l’emploi, ainsi qu’aux compétences nécessaires à une production industrielle décarbonée et à l’économie circulaire.

1.8.

Il est de la plus haute importance de définir des mesures claires et appropriées pour soutenir les MPME (1) européennes, et le CESE souscrit à l’intention de fournir aux entreprises de toutes tailles une aide accessible pour leur permettre d’innover et de prendre sans réserve le virage de la numérisation. Il y a lieu également de revoir certaines politiques pour aider les entreprises à résoudre leurs problèmes de recrutement et à attirer une main-d’œuvre qualifiée, ainsi que de mettre en place un environnement favorable aux entreprises, d’investir dans l’infrastructure sociale, les compétences et la formation des travailleurs et de créer des conditions de travail décentes.

1.9.

Les pénuries dans les chaînes de valeur stratégiques et le manque de travailleurs qualifiés compromettent la capacité des industries européennes à se remettre rapidement de la pandémie. Il est essentiel que les États membres et l’Union européenne s’attaquent avec détermination aux dépendances stratégiques (2), y compris par le biais de la réindustrialisation, de l’économie circulaire, d’initiatives de politique commerciale et de mesures axées sur les compétences. En général, les entreprises sont les mieux placées pour examiner et réviser leurs chaînes d’approvisionnement, et elles devraient être soutenues dans cette démarche.

1.10.

L’Union européenne doit demeurer ouverte, juste et fondée sur des valeurs afin d’attirer les investisseurs et de soutenir l’activité économique. Le CESE est toutefois favorable à un marché unique ouvert et équitable permettant aux entreprises européennes d’être compétitives sur les marchés étrangers, et invite par conséquent la Commission et les États membres à faire en sorte que les investissements portent sur des solutions numériques qui apportent une valeur ajoutée aux économies européennes. La numérisation de l’économie devrait être encouragée de manière inclusive, en évitant tout type de discrimination numérique.

1.11.

Le CESE estime que l’ensemble de mesures annoncées par la Commission pour lutter contre la concurrence déloyale due aux subventions étrangères doit également servir d’outil pour réindustrialiser l’Europe et soutenir ses chaînes de valeur industrielles. Il se dit également favorable à la cartographie des chaînes de production européennes, l’industrie étant en première ligne dans cette reconstruction, et préconise de promouvoir plus efficacement les normes européennes sur la scène mondiale.

2.   La communication de la Commission

2.1.

La communication est la mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe, publiée le 10 mars 2020. Cette mise à jour vise à prendre en compte l’impact de la crise pandémique sur l’économie et l’industrie européennes, présente les enseignements tirés de la crise et organise les priorités politiques autour de trois grands axes:

renforcer la résilience du marché unique,

gérer les dépendances stratégiques de l’Europe,

accélérer les transitions écologique et numérique de l’industrie de l’Union européenne.

2.2.

La mise à jour évalue également la résilience et le fonctionnement du marché unique et les besoins de chaque écosystème industriel, recense les dépendances stratégiques des écosystèmes vulnérables clés et propose des indicateurs clés de performance (ICP) pour suivre la mise en œuvre de la stratégie. Elle comporte une dimension «PME», assortie d’un soutien financier adapté et de mesures leur permettant, ainsi qu’aux jeunes pousses, de s’engager dans la double transition.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la mise à jour de la stratégie industrielle. Cette dernière avait besoin d’être révisée, la crise de la COVID-19 ayant mis sous pression l’économie et les chaînes de valeur industrielles de l’Europe, ses microentreprises et ses petites et moyennes entreprises, ainsi que ses citoyens, en particulier les jeunes, les personnes qui ont perdu leur emploi, les personnes à faibles revenus et les groupes vulnérables tels que les personnes handicapées et les femmes. D’autres faiblesses, dépendances et lacunes dans les chaînes d’approvisionnement ont été mises en évidence et doivent faire l’objet d’une évaluation fondée sur des données probantes pour être corrigées de manière fructueuse. Le CESE se félicite de l’engagement pris par la Commission de conserver et de développer la base industrielle et manufacturière de l’Europe, et souligne que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ont un rôle essentiel à jouer et doivent être associés à la conception de l’avenir de l’industrie européenne. Le CESE fait valoir en particulier que le dialogue social, les partenaires sociaux, la négociation collective et la participation des travailleurs, ainsi que l’engagement de la société civile, jouent un rôle déterminant dans l’avènement d’une politique industrielle compétitive.

3.2.

Néanmoins, étant donné que les défis antérieurs à la pandémie de COVID-19 n’ont pas disparu, il convient de veiller à la cohérence avec les mesures proposées dans la stratégie industrielle 2020 pour l’Europe. La reprise prendra du temps et un soutien continu à l’industrie, aux entreprises et aux travailleurs européens est nécessaire dans ce processus. Le défi de la double transition, qui consiste à faire face au changement climatique et à faire progresser la numérisation, exige des efforts de la part des entreprises et des pouvoirs publics et doit jouer un rôle central dans une stratégie industrielle moderne pour l’Europe. Le CESE souligne que les mesures envisagées pour parvenir à la neutralité climatique et à la transition numérique doivent être conformes à l’objectif de bien-être social et de croissance durable si l’on veut réaliser une transition juste où personne n’est laissé pour compte. Au-delà de la relance après la crise de la COVID-19, il est essentiel d’adopter une perspective à plus long terme vis-à-vis de la transition écologique et numérique, mais aussi, plus largement, vis-à-vis de la productivité et de la compétitivité.

3.3.

Le Comité convient que la résilience des chaînes de valeur a gagné en importance, et il soutient les efforts que déploie la Commission pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement et renforcer la résilience des entreprises, étant donné l’importance que ces mesures revêtent pour l’économie européenne et compte tenu des lacunes imprévues que la pandémie de COVID-19 a mis au jour, y compris sur le marché unique. Une politique industrielle horizontale forte devrait soutenir la base industrielle européenne en évitant les interventions discrétionnaires dans les résultats du marché. Le CESE souligne l’importance de l’innovation. L’examen des moyens de parvenir à un niveau approprié de sécurité d’approvisionnement et le renforcement des capacités pour faire face aux perturbations devraient figurer au nombre des priorités politiques, surtout au niveau des entreprises.

3.4.

Les compétences sont essentielles pour soutenir la double transition et contribuer à la reprise. L’Union européenne ne peut se targuer d’être une puissance géopolitique que si elle dispose d’une base industrielle extrêmement concurrentielle reposant sur des entreprises solides et des travailleurs hautement qualifiés, des installations de production situées sur son territoire et des règles claires et équitables pour le marché intérieur. Le CESE soutient l’initiative «Pacte pour les compétences», qui vise à encourager les actions de perfectionnement et de requalification des travailleurs adultes. La participation des partenaires sociaux du secteur et des organisations de la société civile concernées permet de développer au mieux les actions menées au niveau sectoriel dans le cadre de ce pacte, telles que l’élaboration de partenariats pour les compétences par écosystème, y compris les partenariats public-privé. Il importe également que les initiatives nationales en matière de compétences incitent les employeurs à offrir des possibilités de formation. À cet égard, la dimension territoriale revêt la plus haute importance; il convient d’évaluer correctement les marchés du travail afin de créer de nouveaux emplois dans toutes les régions. Le CESE s’attellera à suivre ces aspects et invite la Commission et les États membres à associer les partenaires sociaux et la société civile au suivi et à la mise en œuvre des plans relevant de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), qui doivent être cohérents avec le pacte vert pour l’Europe et la stratégie industrielle. L’Europe a besoin d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, capable de s’adapter aux changements que connaît l’économie. Réussir à assurer le perfectionnement et la reconversion professionnels des travailleurs constitue un défi de taille (3).

3.5.

Le CESE salue l’analyse approfondie de l’impact de la pandémie de COVID-19 menée dans le cadre de la stratégie. Les activités et instruments de suivi et d’observation constants proposés, tels que le rapport annuel sur le marché unique ou le suivi des matières premières critiques, peuvent créer des ensembles de données très utiles pour évaluer l’état de la force industrielle de l’Europe et contribuer à une politique industrielle horizontale qui replace l’Europe dans une position de premier plan au niveau mondial.

3.6.

Toutefois, un ensemble de stratégies ou de plans, par exemple en rapport avec le pacte vert ou l’instrument NextGenerationEU ne suffit pas, s’ils ne sont pas mis en œuvre. Le CESE invite la Commission et les États membres à veiller à la cohérence entre les différents plans pour la relance de l’Europe et à les doter d’un cadre réglementaire et des incitations nécessaires afin que le secteur industriel, ses entreprises et ses travailleurs puissent effectuer la transition vers un avenir durable et numérique.

3.7.

Dans un esprit de cohérence avec le socle européen des droits sociaux, ce recours massif aux fonds publics devrait être guidé par le principe de durabilité sociale et de solidarité, lequel devrait être un principe directeur dans la mise en œuvre de la stratégie actualisée. Compte tenu de l’ampleur des défis à relever, les ressources actuellement mises à disposition par l’intermédiaire du Fonds pour une transition juste ne sont pas suffisantes pour ouvrir des perspectives convenables pour les régions et les travailleurs touchés par ce processus de mutation structurelle. Une transition juste dans le secteur industriel ne peut réussir que si elle est menée de manière coordonnée. Le CESE est d’avis que les investissements publics devraient s’effectuer par l’intermédiaire de programmes de recherche larges et ouverts, comme Horizon Europe, afin d’éviter les subventions aux activités qui se rapprochent des marchés.

3.8.

La politique industrielle et la politique commerciale sont étroitement liées; elles doivent se renforcer mutuellement et remédier aux distorsions du marché. Faire en sorte que l’Union demeure ouverte au commerce et aux investissements est une condition préalable à la résilience. Le commerce peut contribuer à diversifier les chaînes d’approvisionnement et permettre à l’Union d’accéder sans entrave aux intrants qui sont essentiels pour notre capacité à innover et à accroître la production (4). La politique commerciale de l’Union peut lui permettre d’accroître sa compétitivité sur la scène mondiale, notamment en incitant ses partenaires commerciaux à relever leurs ambitions climatiques, par exemple par la libéralisation des échanges de biens et de services environnementaux. Le CESE souligne que toutes les politiques européennes devraient promouvoir le développement durable au niveau tant européen qu’international, et veiller à ce que le développement économique aille de pair avec la justice sociale, le respect des droits de l’homme, des normes exigeantes en matière de travail et des normes environnementales élevées. L’Union doit demeurer ouverte, juste et fondée sur des valeurs afin d’attirer les investisseurs et de soutenir ses activités économiques.

3.9.

Le marché unique est le principal atout de l’Europe et son succès sera essentiel pour permettre la transition. La Commission doit continuer à centrer son action sur la mise en œuvre et l’application des règles, ainsi que sur la suppression des obstacles qui existaient dans le marché unique même avant la crise.

3.10.

Dans certains domaines, la pandémie a creusé l’écart entre États membres de l’Union prospères et moins prospères. Cela met davantage en péril la cohésion sociale et économique. NextGenerationEU constitue un instrument inédit pour atténuer ces répercussions, mais le CESE regrette que la dimension régionale, de même que le caractère périphérique ou la localisation géographique, soient absents de la mise à jour de la stratégie industrielle. Une approche écosystémique seule ne permettra pas de remédier à la situation ni de réduire les divergences. L’un des principaux objectifs de la stratégie devrait consister à atténuer les divergences entre les États membres et entre les régions, tout en œuvrant en faveur d’une convergence vers le haut.

4.   Suivi des tendances industrielles, des chaînes de valeur et de la compétitivité

4.1.

L’industrie manufacturière est un moteur de l’innovation, un élément essentiel pour les chaînes de valeur, y compris les services, et une source de forte productivité et d’emplois à revenu élevé. Garantir l’avenir de la production manufacturière, renforcer la production industrielle et offrir un environnement réglementaire et commercial propice devraient être les pierres angulaires d’une politique économique et industrielle européenne résiliente et moderne qui préserve les emplois et en crée de nouveaux.

4.2.

Les pénuries dans les chaînes de valeur stratégiques et le manque de travailleurs qualifiés compromettent la capacité des industries européennes à se remettre rapidement de la pandémie. Les États membres et l’Union doivent s’attaquer aux dépendances stratégiques, y compris en attirant la production stratégique sur le territoire de l’Union et en s’appuyant sur l’économie circulaire et sur des mesures de politique commerciale. En général, ce sont les entreprises qui sont les mieux placées pour examiner et réviser leurs chaînes d’approvisionnement. Le CESE estime que l’ensemble de mesures annoncées par la Commission pour lutter contre la concurrence déloyale due aux subventions étrangères doit également servir d’outil pour réindustrialiser l’Europe et soutenir ses chaînes de valeur industrielles. Accroître les capacités stratégiques de l’Europe grâce à de nouvelles alliances industrielles qui ne verraient pas le jour autrement est susceptible de créer des emplois et de la croissance grâce au redéploiement de certaines installations de production stratégiques.

4.3.

Le secteur manufacturier européen est confronté à une concurrence croissante de la part des États-Unis et de la Chine. L’Europe est en concurrence pour des investissements qui peuvent être effectués dans de nombreuses régions du monde. Des conditions d’investissement favorables sont des préalables indispensables à la prospérité future de l’Europe. Les investisseurs nationaux, européens et internationaux doivent trouver des conditions attrayantes afin de maintenir et d’augmenter le stock de capital qui facilite la croissance future. Les entreprises existantes doivent remplir les conditions nécessaires au développement, tandis que les créateurs d’entreprises doivent être convaincus que leurs projets peuvent se développer avec succès en Europe. Le CESE recommande de renforcer l’approche horizontale de la stratégie industrielle, en la complétant par des approches verticales.

4.4.

La fiscalité peut s’avérer décisive pour fournir les incitations nécessaires, mais pas tant que les États membres continueront à se livrer concurrence de façon injuste et néfaste, permettant ainsi à certaines grandes entreprises d’éviter de payer leur juste part d’impôts. Le CESE soutient les préparatifs relatifs à la proposition législative intitulée «Entreprises en Europe: cadre pour l’imposition des revenus» (Business in Europe: Framework for Income Taxation — BEFIT) et se félicite des accords trouvés récemment au sein de l’OCDE concernant la fiscalité des entreprises.

4.5.

Le rapport annuel sur le marché unique définit un ensemble d’indicateurs clés de performance permettant d’analyser l’évolution économique et de suivre les progrès accomplis dans les différents domaines définis comme prioritaires pour l’industrie européenne. Le CESE soutient les indicateurs clés de performance en tant qu’outil de suivi et se félicite de l’objectif qui consiste à fournir une vue d’ensemble des performances de l’économie de l’Union, à les comparer avec celles de ses partenaires internationaux et à analyser la spécificité des écosystèmes industriels. Il invite la Commission à évaluer chaque année en détail dans quelle mesure les ICP ont permis d’atteindre les objectifs proposés, ainsi qu’à mettre en place, le cas échéant, des mesures correctives. Le CESE est également d’avis que, même si les ICP constituent un instrument essentiel à la mise en œuvre de la stratégie industrielle, des objectifs quantifiables, un calendrier précis et une gouvernance claire sont nécessaires.

4.6.

Le CESE estime toutefois qu’il est besoin d’indicateurs qui ne se contentent pas de fournir un simple ensemble de données, mais qui décrivent ce qui est important pour la compétitivité de l’Union. Les ICP proposés ne tiennent pas compte d’indicateurs importants tels que l’âge, le sexe ou le profil de compétences de la main-d’œuvre dans les différents écosystèmes. Ces aspects revêtent une importance capitale pour anticiper le changement et éviter les goulets d’étranglement et les obstacles tout en transformant l’industrie européenne. Ils sont aussi essentiels pour bâtir une reprise inclusive, étant donné que les jeunes, les femmes et les travailleurs précaires ont été les plus durement touchés par la crise. Le CESE recommande de compléter les indicateurs clés de performance proposés par des indicateurs qui mesurent les performances sociales de la stratégie industrielle et de ses 14 écosystèmes, dans le but de garantir de bonnes conditions de travail et de production tout comme des emplois de qualité. Il préconise des indicateurs spécifiques qui mesurent non seulement les performances des écosystèmes, mais aussi les aspects horizontaux, assortis d’une possibilité de les adapter, de les modifier ou de les faire évoluer au fil du temps, si besoin est. Les ICP devraient, par exemple, prendre en compte les préférences des consommateurs, et notamment le passage à des produits durables.

5.   Renforcer la résilience du marché unique

5.1.

Le CESE se félicite que le marché unique soit au cœur de cette mise à jour. Un marché national solide est une condition préalable pour que les entreprises européennes se créent, se développent et continuent de prospérer. Le CESE rappelle que l’objectif est de garantir des normes élevées pour les travailleurs, de même qu’en matière sociale et environnementale, et d’assurer le bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement et des réseaux créateurs de valeur en Europe. La cohésion sociale, des systèmes de soins de santé abordables, des services publics efficaces, de bonnes infrastructures, des systèmes éducatifs de qualité et un système de relations industrielles performant sont des conditions essentielles pour attirer les investissements et créer de la prospérité.

5.2.

Le CESE soutient la proposition de la Commission relative à un instrument du marché unique pour les situations d’urgence afin d’accroître la transparence et la coordination. Il se félicite également de l’analyse détaillée des écosystèmes industriels, à laquelle il conviendra d’adjoindre des analyses sectorielles et des feuilles de route mettant en évidence non seulement les interdépendances et les liens, mais aussi les lacunes dans de nombreux secteurs de l’Union européenne, y compris s’agissant de l’évaluation de l’évolution du marché du travail et des besoins correspondants en matière de compétences. L’on pourrait aussi revoir la manière dont les écosystèmes (5) sont définis et utilisés, ainsi que la nature des secteurs examinés, de sorte que l’outil ne devienne pas excessivement sélectif.

5.3.

Le CESE se félicite de voir reconnu le rôle des MPME européennes et souscrit à l’intention de les aider à se développer et à attirer une main-d’œuvre qualifiée. Pour ce faire, il s’impose de mettre en place un environnement favorable aux entreprises, d’investir dans les compétences et la formation des travailleurs et de créer des conditions de travail décentes ainsi qu’une infrastructure sociale adéquate. Le CESE se félicite que la Commission accorde une attention accrue aux retards de paiement. Le traitement de cette question est particulièrement important pour les PME. Les mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges dans lesquels ces derniers peuvent être traités de manière confidentielle peuvent constituer un pas décisif dans cette direction.

5.4.

Les alliances industrielles se révèlent une méthode efficace pour développer des projets industriels transfrontières et à grande échelle dans des domaines stratégiques. Ces alliances industrielles, tout comme les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), jouent un rôle crucial pour stimuler la relance et promouvoir des normes européennes et des technologies clés, en particulier dans les domaines où le marché n’est pas en mesure, à lui seul, de produire des résultats, ou s’il subit des distorsions.

5.5.

Le CESE appelle de ses vœux une réforme des règles en matière d’aides d’État. La configuration actuelle n’est plus adaptée à l’objectif poursuivi. Nous avons besoin d’un système qui réduise les charges administratives, accélère la prise de décision et facilite le respect des exigences de la clause de concordance. Les règles en matière d’aides d’État peuvent également promouvoir ou empêcher les PIIEC, lesquels sont essentiels pour encourager les investissements publics et privés.

5.6.

Le CESE regrette que la communication ne reconnaisse pas le rôle vital qu’ont joué les entreprises de l’économie sociale au cours de la pandémie et leur importance pour construire une Europe résiliente qui va de l’avant. Sur ce point, il renvoie au prochain plan d’action en faveur de l’économie sociale.

5.7.

La recherche, le développement et l’innovation (RDI) sont très importants pour l’avenir de l’industrie européenne. Le CESE regrette que l’objectif de 3 % d’investissements du PIB dans la RDI soit encore loin d’être atteint. Si certains États membres atteignent ce niveau, d’autres y consacrent moins de 1 %. Ces différences entravent la capacité de l’Union européenne au niveau mondial en tant que bloc et la maintiennent derrière les États-Unis, le Japon et la Chine.

5.8.

Pour renforcer la résilience du marché unique, il est indispensable de favoriser l’intégration du marché. À cette fin, il conviendrait de tenir compte, à l’échelle européenne comme internationale, de la dimension et de l’intégration budgétaires ainsi que des mesures visant à éviter une concurrence fiscale déloyale. Il y a également lieu d’adapter, indépendamment de la politique industrielle, les règles de concurrence aux nouvelles réalités qui sont aujourd’hui les nôtres.

6.   Gérer les dépendances: l’autonomie stratégique ouverte dans la pratique

6.1.

L’Union doit demeurer ouverte, juste et fondée sur des valeurs afin d’attirer les investisseurs et de soutenir ses activités économiques. Sa puissance géopolitique est liée à une base industrielle concurrentielle reposant sur des entreprises solides et des travailleurs hautement qualifiés, des installations de production au sein de l’Union et des règles claires et équitables pour le marché intérieur, susceptibles de servir d’exemple au niveau international (6). Il importe cependant de recourir de manière raisonnée aux instruments de défense commerciale pour maintenir une concurrence loyale dans l’Union.

6.2.

Le CESE est convaincu qu’une politique axée sur l’autonomie n’est pas adaptée à sa finalité. Au contraire, la politique commerciale de l’Union doit reconnaître que l’ouverture est un élément essentiel de la résilience. Il importe de trouver le juste équilibre entre l’ouverture et l’instrument juridique prévu pour remédier aux effets de distorsion potentiels, tant sur les entreprises que sur les travailleurs, des subventions étrangères dans le marché unique. Le CESE est favorable à un marché unique ouvert et équitable, ainsi qu’à des conditions de concurrence équitables permettant aux entreprises européennes d’être compétitives sur les marchés étrangers.

6.3.

D’autre part, il convient d’éviter d’introduire de nouveaux termes tels que «durabilité compétitive» sans explication aucune. Les entreprises seront confrontées à une rude bataille au cours de la phase de reprise et auront besoin pour ce faire d’un cadre législatif facile à négocier.

6.4.

L’approche consistant à former et à soutenir des alliances industrielles a fait ses preuves dans les exemples récents des batteries et de l’hydrogène. Le CESE estime qu’il s’agit là d’un instrument très efficace et soutient le lancement d’alliances supplémentaires dans les secteurs choisis, tels que les processeurs et les technologies des semi-conducteurs, les données industrielles, l’informatique en nuage et de périphérie, les lanceurs spatiaux et l’aviation à émissions nulles. Nous demandons toutefois instamment que les alliances soient établies de manière transparente et inclusive, en accordant une attention particulière aux MPME.

7.   Accélérer la double transition

7.1.

Comme le reconnaît le pacte vert, la numérisation joue un rôle clé dans l’ensemble des écosystèmes. Il s’impose à cette fin d’intensifier les investissements dans l’Union européenne de manière à renforcer le potentiel de croissance des nouveaux secteurs des TIC, tels que l’économie fondée sur les données, l’internet des objets, l’informatique en nuage, la robotique, l’intelligence artificielle et la fabrication avancée, ainsi que le recours à des normes industrielles élaborées en Europe. Le CESE invite la Commission et les États membres à veiller à ce que les investissements aillent dans des solutions numériques qui apportent une valeur ajoutée aux économies européennes.

7.2.

La priorité absolue est de rendre l’Europe concurrentielle dans le domaine numérique. La stratégie reconnaît à juste titre la nécessité pour les colégislateurs d’adopter rapidement les législations relatives aux services et aux marchés numériques, ainsi que le rôle primordial des normes harmonisées pour renforcer le marché unique des biens et permettre à l’Europe de jouer un rôle de premier plan au niveau mondial dans le domaine des technologies, notamment en utilisant la numérisation pour parvenir à une meilleure efficacité énergétique. Pour atteindre les objectifs de la double transition et renforcer la compétitivité et la résilience des industries de l’Union, il est essentiel de disposer d’un système européen de normalisation qui soit performant. Le CESE invite la Commission à redoubler d’efforts afin de jouer un rôle moteur en élaborant des normes, en promouvant et en développant, conjointement avec les entreprises, les normes industrielles européennes existantes. Il salue dès lors l’approche globale adoptée par la Commission, étant donné notamment l’importance que revêt le secteur des services pour le bon fonctionnement du marché unique et la réalisation de la double transition.

7.3.

Il est crucial de doter la main-d’œuvre européenne des compétences numériques nécessaires à la nouvelle phase d’industrialisation. Seule une main-d’œuvre qualifiée et bien préparée permettra d’entrer dans l’ère du numérique. Les compétences sont un catalyseur important de l’innovation et de la création de valeur ajoutée. L’amélioration de l’employabilité nécessite des stratégies globales du marché du travail associant toutes les parties prenantes concernées (partenaires sociaux, institutions du marché du travail, organisations de la société civile, prestataires de formation). Les aptitudes et compétences numériques doivent être intégrées à tous les niveaux de l’éducation, de la formation et des partenaires sociaux sectoriels. Les entreprises locales doivent être associées à la gouvernance des systèmes d’éducation et de formation professionnelle, étant donné qu’elles possèdent une connaissance approfondie des systèmes entrepreneuriaux et des besoins du marché local. Il y a lieu de promouvoir la numérisation de l’économie de manière inclusive, en évitant tout type de discrimination numérique, en particulier à l’encontre des personnes âgées, des personnes handicapées et des citoyens qui vivent dans des régions rurales et éloignées.

7.4.

Le CESE souligne qu’un secteur manufacturier européen solide, fondé sur des technologies à émissions faibles ou nulles et sur l’efficacité énergétique, est le meilleur garant de la prospérité économique et du climat. Réduire les capacités de production et prendre le risque de voir le carbone et les investissements fuir vers les pays appliquant des normes d’émission moins ambitieuses constituerait un grave échec. Le principal levier de réduction des émissions mondiales consiste à mettre au point des technologies à émission de carbone faible ou nulle à des prix abordables, ainsi que des technologies efficaces sur le plan énergétique, et à les amener sur les marchés mondiaux. La responsabilité de l’Europe est de démontrer qu’une réduction ambitieuse des émissions est possible sans mettre en péril la prospérité économique.

7.5.

L’économie circulaire (7) et la création de marchés des matières premières secondaires sont essentielles. Des politiques de gestion des déchets, ainsi que des obligations de contenu recyclé dans les emballages et autres produits, sont essentielles pour ouvrir la voie à des investissements tout au long des chaînes de recyclage.

7.6.

Afin de parvenir au niveau d’investissement nécessaire pour financer le pacte vert, il convient également d’envisager un réexamen des règles en matière d’aides d’État pour les investissements dans des produits et procédés à faible intensité de carbone. En outre, les fonds nouvellement créés pour l’innovation et la modernisation, ainsi que les recettes tirées de la mise aux enchères des quotas d’émissions et les contrats d’écart compensatoire appliqués au carbone, devraient fournir des ressources supplémentaires pour soutenir des projets liés au climat et à l’énergie et maîtriser l’impact social d’une transition qui vise à ne laisser personne de côté. Par ailleurs, il serait opportun d’établir un lien entre, d’une part, la stratégie industrielle et, d’autre part, le pacte vert pour l’Europe et le plan d’action de l’UE intitulé «Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols».

7.7.

Le CESE soutient la position adoptée dans la mise à jour de la stratégie industrielle sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Nous tenons à souligner que ce mécanisme, introduit pour certains secteurs, doit être pleinement conforme aux règles de l’OMC afin d’éviter des mesures de rétorsion de la part de nos partenaires commerciaux. Dans le cadre de la recherche de la neutralité carbone, la fixation de niveaux de prix du carbone similaires au niveau international doit constituer l’objectif prioritaire des futures négociations multilatérales.

7.8.

L’analyse des données jouera un rôle décisif à court et moyen terme. L’Union a besoin de programmes avancés en la matière pour pouvoir évaluer le niveau de compétitivité de l’Europe par rapport à ses concurrents mondiaux. Le CESE salue par conséquent les efforts déployés pour bâtir des alliances industrielles sur les données industrielles et sur l’informatique en nuage et de périphérie.

Fait à Bruxelles, le 21 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG

NB:

L’annexe au présent document (supplément d’avis de la commission consultative des mutations industrielles — CCMI/185 — «Actualisation de la nouvelle stratégie industrielle — Incidences sur l’écosystème industriel de la santé» — EESC-2021-02562-00-00-AS-TRA) figure aux pages suivantes.

(1)  Microentreprises et petites et moyennes entreprises (MPME).

(2)  Le CESE tient à souligner qu’en toute logique, il faudrait employer le terme d’«indépendances» stratégiques, et non pas de «dépendances», mais il continuera, dans un souci de cohérence, à suivre la terminologie introduite par la Commission.

(3)  https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/la-formation-des-adultes

(4)  Voir JO C 429 du 11.12.2020, p. 197 et JO C 364 du 28.10.2020, p. 53.

(5)  Le terme «écosystèmes» implique à tort un équilibre durable. Il n’est pas utilisé de manière cohérente dans les communications de la Commission. Dans la communication de décembre 2019 relative au pacte vert, il désigne des systèmes naturels et non ceux créés par l’homme. Dans la communication actualisée sur la stratégie industrielle, il ne renvoie qu’à des systèmes industriels.

(6)  Voir JO C 364 du 28.10.2020, p. 108.

(7)  Voir JO C 364 du 28.10.2020, p. 94 et JO C 14 du 15.1.2020, p. 29.


ANNEXE

Avis de la commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Actualisation de la nouvelle stratégie industrielle — Incidences sur l’écosystème industriel de la santé

(supplément d’avis INT/935)

Rapporteur:

Anastasis YIAPANIS

Corapporteur:

Antonello PEZZINI

Décision de l’assemblée plénière

26.4.2021

Base juridique

Article 37 paragraphe 2, du règlement intérieur

 

(avis complémentaire)

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

29.9.2021

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est fermement convaincu que la santé est au cœur du nouveau contexte géopolitique international et qu’il est essentiel de favoriser le développement d’un écosystème européen des soins de santé solide et coordonné afin de contribuer à l’autonomie industrielle stratégique de l’Union, à sa souveraineté technologique et à une meilleure qualité de vie pour ses citoyens, sur la base d’une approche globale, assortie de feuilles de route clairement établies et d’indicateurs de performance mesurables et transparents.

1.2.

Il convient de procéder à une cartographie et à une analyse à partir du terrain, en collaboration avec les États membres et les parties prenantes du secteur, afin d’évaluer la nature exacte des dépendances recensées, y compris les risques qu’elles représentent pour la résilience et le fonctionnement de l’écosystème industriel, et de remédier aux vulnérabilités et à la pénurie de matériaux stratégiques.

1.3.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour créer un écosystème de soins de santé plus solide, plus équitable, plus efficace et plus accessible, doté d’une gouvernance effective, d’une diversification adéquate des sources d’approvisionnement et d’une architecture de soins de santé numérique interopérable et interconnectée. L’Union européenne doit trouver des moyens appropriés d’inciter à la relocalisation des capacités de production stratégiques.

1.4.

L’Europe dépend d’autres pays pour l’approvisionnement de certaines matières premières. Le secteur de la santé a besoin de chaînes d’approvisionnement internationales plus solides et plus diversifiées pour pouvoir faire face aux crises futures. Le CESE accueille favorablement la proposition formulée visant à créer une Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire.

1.5.

Le CESE souligne la nécessité de passer à la vitesse supérieure, notamment grâce à des synergies entre les secteurs public et privé. Il est absolument indispensable d’adopter une prospective stratégique au niveau de l’Union pour promouvoir l’équité en ce qui concerne la disponibilité des équipements et l’accès à l’écosystème des soins de santé, mais aussi une plus grande solidarité, une meilleure équité de manière générale et une coopération multilatérale plus étroite. Le CESE demande que le bien-être social soit garanti par un accès aisé à des médicaments efficaces et de qualité pour l’ensemble des habitants de l’Union.

1.6.

Les synergies potentielles entre les grandes entreprises et les PME ne sont pas pleinement exploitées, ce qui entrave sérieusement l’autonomisation des PME et empêche le secteur de la santé de devenir un environnement propice aux découvertes révolutionnaires. Les instruments de soutien à l’investissement doivent être coordonnés de manière efficace, avec des appels à projets spécifiques pour les PME industrielles.

1.7.

Le CESE plaide en faveur d’une plus grande clarté en ce qui concerne le partage des données relatives à la santé et l’utilisation de l’intelligence artificielle, l’élimination des obstacles réglementaires et le soutien à une approche commune de l’Union en ce qui concerne l’utilisation des services de télémédecine. Il soutient pleinement le déploiement de l’espace européen des données de santé, dans le plein respect des droits individuels et en protégeant les données à caractère personnel.

1.8.

Le secteur de la santé peut contribuer de manière significative à la neutralité climatique de l’Union grâce à des politiques de gestion des déchets bien conçues, à de nouveaux modèles d’entreprise dans le domaine de l’économie circulaire et à une augmentation des capacités en matière d’infrastructures de transport.

1.9.

Investir dans la recherche et le développement est essentiel pour la compétitivité et la durabilité du secteur de la santé. Les politiques européennes doivent stimuler les investissements publics et privés de manière à intégrer les aspects sociaux et sanitaires.

1.10.

Le CESE plaide en faveur d’un engagement accru dans les procédures réglementaires relatives à l’élaboration de normes harmonisées de qualité et de sécurité pour les équipements de protection et les dispositifs médicaux. Le CESE préconise des mandats clairs pour les organismes de normalisation dans le cadre du processus technico-réglementaire.

1.11.

Il est nécessaire de mettre en place des programmes spécifiques de formation, de requalification, de perfectionnement professionnel et d’apprentissage tout au long de la vie destinés à la main-d’œuvre européenne dans le domaine de la santé afin de relever les nouveaux défis du pacte vert. Il convient de porter une attention particulière non seulement aux professionnels de la santé, mais aussi aux chercheurs, aux enseignants, aux professionnels des médias et aux patients eux-mêmes. Le CESE plaide dès lors en faveur d’une communication accrue au niveau de l’Union sur les droits des consommateurs et des patients, avec la pleine participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile concernées.

1.12.

Le CESE invite la Commission à poursuivre la collaboration et le dialogue entre les parties prenantes sur la résilience du secteur pharmaceutique, en s’appuyant sur les structures existantes dans le cadre de la stratégie pharmaceutique pour l’Europe, et à continuer de mettre en place une transformation forte, durable et numérique de l’écosystème industriel dans le domaine de la santé, comme indiqué dans la stratégie industrielle pour l’Europe.

2.   Contexte et introduction

2.1.

La pandémie de COVID-19 a engendré une crise sans précédent dans tous les États membres de l’Union. Contrairement à d’autres crises, elle a eu des répercussions à la fois sur l’offre et la demande, ainsi que sur la société dans son ensemble. L’Union européenne a été sévèrement touchée par rapport à d’autres régions du monde et a enregistré davantage de décès par million de personnes que la tendance mondiale (1). L’Union a réagi de manière adéquate, de manière quasi-coordonnée. Davantage d’actions auraient pu être entreprises si elle avait été mieux préparée, avec la cohésion d’une véritable Union, à ce type de bouleversement.

2.2.

Le marché unique compte parmi les réalisations les plus remarquables du projet européen. Des obstacles subsistent cependant, car les États membres n’appliquent pas tous la législation de l’Union de la même manière. La pandémie de COVID-19 a exacerbé ces difficultés, en particulier la fragilité des chaînes de valeur et l’augmentation des problèmes de distribution. Il est apparu clairement que l’Union dépend de pays tiers en ce qui concerne les produits médicaux.

2.3.

Le secteur des soins de santé a fourni plus de 7 millions d’emplois en 2018 (2). Il représente un atout majeur pour le marché unique, avec plus de 800 000 emplois directs et un excédent commercial de 109,4 milliards d’euros (3). Les producteurs de médicaments ont apporté la contribution la plus importante en termes d’investissements en recherche et développement en 2019, tandis que le marché européen de l’électromédical représente désormais 120 milliards d’euros. Toutefois, l’Union européenne investit moins dans ce secteur par rapport à ses partenaires commerciaux: 19,2 % des investissements en R&D industrielle dans l’Union sont consacrés à l’innovation en matière de santé, contre 26,4 % aux États-Unis, par exemple. L’Europe représente une grande plaque tournante dans l’industrie mondiale des dispositifs médicaux. Le marché des dispositifs médicaux de l’Union européenne représente un tiers du marché mondial, avec environ 32 000 entreprises et 730 000 salariés.

3.   Observations générales

3.1.

La santé est l’une des grandes tendances de l’avenir, en particulier en Europe. Dans le nouveau contexte géopolitique, il est essentiel de soutenir l’écosystème industriel des soins de santé, qui contribue à l’autonomie stratégique et à la souveraineté technologique de l’Union.

3.2.

Le CESE estime que la communication de la Commission européenne place l’industrie, et en particulier les soins de santé, au centre des politiques européennes, en reconnaissant sa capacité à induire des changements majeurs, à interpréter les nouveaux besoins et défis de la société et à proposer des solutions innovantes et compétitives. Toutefois, le CESE plaide en faveur d’une approche plus globale que celle adoptée par la Commission, qui se concentre principalement sur l’aspect industriel. Les décideurs politiques assument un degré de responsabilité élevé, étant donné que la santé constitue l’un des fondements de l’existence de chacun et, sans aucun doute, le bien le plus précieux que l’on puisse posséder. Le CESE plaide dès lors en faveur d’une communication accrue au niveau de l’Union sur les droits des consommateurs et des patients, y compris les droits consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union. L’Union européenne a besoin d’un système de santé solide et coordonné.

3.3.

La structure industrielle de l’écosystème de la santé est une vaste construction qui comprend quelques grands acteurs et un nombre important de PME. Toutefois, les synergies potentielles entre ces deux groupes ne sont pas pleinement exploitées, ce qui nuit fortement à l’autonomisation des PME. En conséquence, l’écosystème de la santé ne fonctionne pas à plein régime et est entravé dans son rôle d’incubateur de découvertes.

3.4.

L’écosystème industriel de la santé a besoin d’un marché intérieur robuste, doté de solides installations de production et de distribution. Le CESE a déjà insisté précédemment sur l’importance d’«un marché unique opérant, équitable et efficace, qui encourage, et rétribue également, les vraies avancées médicales, réellement porteuses de valeur ajoutée pour les soins de santé, tout en s’employant aussi à renforcer la concurrence, dans l’optique d’assurer un accès aux médicaments qui soit équitable et supportable d’un point de vue financier» (4).

3.5.

Il semble qu’il soit crucial d’intensifier l’intégration du marché unique en veillant à une gouvernance plus efficace, en particulier dans le secteur industriel des soins de santé (5): un marché unique et une politique de concurrence efficaces favorisent une bonne dynamique des entreprises, laquelle peut jouer un rôle essentiel dans la diversification des sources d’approvisionnement au sein de l’Union et ainsi prévenir la fragmentation de l’architecture des soins de santé.

3.6.

Comme l’a montré la pandémie de COVID-19, la collaboration et la solidarité transnationales améliorent la capacité de réaction de l’Union et augmentent sa résilience. La prospective stratégique au niveau de l’Union est absolument indispensable, d’autant plus que les secteurs et les chaînes de valeur reposant sur des connexions transfrontalières ont été plus profondément touchés par la pandémie.

3.7.

Les dépendances stratégiques influent sur les intérêts fondamentaux de l’Union. Elles concernent notamment les domaines de la sûreté et de la sécurité, la santé des européens et la capacité d’accéder aux biens, aux services et aux technologies qui sont essentiels à la double transition écologique et numérique, qui est au centre des priorités de l’Union.

3.8.

Le CESE a recommandé de «présenter une stratégie claire, concrète et exhaustive à court, moyen et long termes pour l’industrie européenne» et a invité la Commission à «élaborer un plan d’action concret assorti d’objectifs annuels clairs et de procédures de suivi, impliquant une coopération étroite avec tous les acteurs concernés» (6), tout en soulignant que le «rôle des employeurs et l’engagement du secteur privé dans la mise en œuvre des mutations structurelles sont essentiels à la transition industrielle» (7).

3.9.

Le progrès médical est un moteur de l’industrie innovante des produits médico-pharmaceutiques. Le prix trop élevé ou l’indisponibilité des médicaments constitue un problème majeur qu’il convient de résoudre sans délai. Le bien-être social doit être garanti par un accès aisé à des médicaments efficaces et de qualité pour l’ensemble des citoyens de l’Union européenne. Le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a des conséquences majeures pour les fabricants de dispositifs médicaux.

3.10.

La dépendance de l’Europe à l’égard de certaines matières premières provenant seulement d’une poignée de producteurs et de pays était manifeste pendant la pandémie de COVID-19. En outre, les technologies vertes et numériques, souvent connectées au système industriel de santé, dépendent elles aussi d’une série de matières premières rares importées par l’Europe, parmi lesquelles les terres rares, qui proviennent en très grande majorité d’un fournisseur unique, à savoir la Chine (8). Le renforcement et la diversification des chaînes d’approvisionnement internationales sont également primordiaux pour le développement de l’industrie de la santé et pour faire en sorte que l’Union soit en mesure de faire face à de futures crises telles que la pandémie de COVID-19. L’objectif ultime devrait être d’éliminer les vulnérabilités et de créer un environnement commercial stable, prévisible et économe en ressources. Il y a lieu de saluer la proposition formulée visant à créer une Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire.

3.11.

Si la stratégie de l’Europe visant à développer des partenariats public-privé pour stimuler la recherche et le développement dans l’industrie pharmaceutique porte effectivement ses fruits, les montants concernés représentent un dixième des dépenses de l’agence américaine BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority, autorité de recherche et de développement de pointe dans le domaine biomédical).

3.12.

Dans les années à venir, les perspectives les plus prometteuses émaneront des technologies numériques de la santé. Qu’il s’agisse des médicaments, des dispositifs médicaux, des procédures médicales ou des mesures de prévention, de diagnostic ou de traitement des maladies, tous sont essentiels pour l’ensemble des citoyens de l’Union. Le règlement sur l’intelligence artificielle (9), qui sera adopté prochainement, la proposition législative sur l’espace européen des données de santé (10) et la normalisation apporteront davantage de précisions quant au partage des données de santé et à l’utilisation de l’IA, élimineront les obstacles réglementaires et contribueront à une approche commune de l’Union en ce qui concerne l’utilisation des services de télémédecine, tandis que l’acte sur la gouvernance des données (11) devrait garantir le partage des données de santé tout en assurant la protection des données à caractère personnel et en respectant les autres droits de l’homme.

4.   Observations particulières

4.1.

La transformation numérique du secteur de la santé représente une formidable opportunité. L’adhésion à la double transition peut apporter d’autres avantages concurrentiels à l’Union, dans un environnement international complexe et tendu. En investissant tout particulièrement dans le calcul à haute performance et l’intelligence artificielle, l’Union européenne pourra élaborer des technologies de pointe, notamment des technologies prédictives. La pandémie a mis en lumière la nécessité urgente de développer des services de santé intelligents, tels que les systèmes de télésanté.

4.2.

En outre, le secteur de la santé peut contribuer de manière significative à la neutralité climatique de l’Union en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre tout au long des chaînes de valeur. Les politiques de gestion des déchets doivent être renforcées, étant donné que le secteur génère des quantités considérables de déchets provenant des restes de médicaments et des équipements technologiques et personnels usagés. Il conviendrait de mettre au point de nouveaux modèles économiques circulaires et des capacités accrues en matière d’infrastructures de transport, tout en associant tous les États membres et les parties prenantes à la décarbonation des chaînes de valeur.

4.3.

La santé humaine dépend en définitive des produits et services écosystémiques (tels que la disponibilité d’eau douce, de denrées alimentaires et de combustibles) qui sont indispensables au maintien de la santé humaine et à des moyens de subsistance productifs. La perte de biodiversité peut avoir d’importantes conséquences directes sur la santé humaine si les services écosystémiques ne sont plus adaptés aux besoins sociaux.

4.4.

La médecine traditionnelle continue de jouer un rôle essentiel dans les soins de santé, en particulier dans les soins de santé primaires. L’utilisation de plantes médicinales est l’outil de médication le plus courant au monde dans le domaine de la médecine traditionnelle et de la médecine complémentaire. De nombreuses communautés utilisent des produits naturels collectés dans les écosystèmes à des fins médicales et culturelles, en plus de la consommation alimentaire.

4.5.

La constitution de stocks stratégiques et la relocalisation des entreprises de l’Union sont également des aspects importants dont il faut tenir compte et font partie des compétences partagées de l’Union. À mesure que la technologie s’améliore, et avec elle les capacités de production, l’Union européenne doit proposer des mesures incitatives appropriées afin de rapatrier sur son territoire les capacités de production stratégiques. Les incitations fiscales peuvent jouer un rôle clé à cet égard.

4.6.

Il est nécessaire d’effectuer un recensement et une analyse selon une approche ascendante avec les États membres afin de pouvoir évaluer la nature exacte des dépendances observées, y compris les risques qu’elles représentent pour la résilience et le fonctionnement des écosystèmes industriels dans l’Union, ainsi que les moyens éventuels de réduire ces dépendances, mais aussi les différends commerciaux et les cyberattaques à l’avenir.

4.7.

Investir dans la recherche et le développement est essentiel pour la compétitivité et la durabilité du secteur de la santé. Outre la contribution des fonds de l’Union, les politiques européennes doivent stimuler autant que possible les investissements publics et privés. La mise en place de partenariats public-privé, tels que l’initiative IMI2, encouragera les producteurs à investir dans les activités de recherche, développement et innovation et à poursuivre ces activités, qui sont essentielles pour parvenir à de futures découvertes médicales. Grâce à ces initiatives, l’Europe pourra rester à la pointe de l’innovation médicale.

4.8.

De même, il est absolument indispensable de soutenir les efforts déployés par les États membres pour mettre en commun les ressources publiques au moyen de projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) dans des secteurs où le marché ne peut à lui seul produire des innovations radicales, comme c’est le cas dans le secteur pharmaceutique.

4.9.

La compétitivité de l’industrie doit être soutenue par un cadre solide en matière de droits de propriété intellectuelle qui donne les moyens d’agir tout en protégeant l’innovation. Il y a lieu d’encourager le développement et le renforcement de l’accès aux données, dans la mesure où il est également essentiel pour les producteurs, en particulier les PME, qui ont été sévèrement touchées par la pandémie. L’Union européenne a besoin de politiques spécialement conçues pour l’analyse des mégadonnées et l’interopérabilité des infrastructures d’accès aux données.

4.10.

Les PME ont également besoin d’un accès aisé au financement pour prospérer et se développer. Pour y contribuer, il faut aussi miser sur d’autres sources que les prêts bancaires habituels, par exemple les possibilités de financement par des fonds de capital-investissement ou de capital-risque. Les instruments de soutien à l’investissement doivent être coordonnés de manière efficace, avec des enveloppes budgétaires spécifiques pour les PME industrielles. Dans ce domaine, il importe que les initiatives découlant du cadre de financement durable de l’Union, y compris la mise en œuvre de la taxinomie, soient conçues de manière à ouvrir des perspectives pour l’économie européenne, en tenant compte à la fois des besoins des marchés financiers et des défis de l’industrie.

4.11.

La mise au point d’un format européen d’échange des dossiers de santé informatisés permettant la libre circulation des données de santé par-delà les frontières fournit un cadre pour poursuivre l’élaboration de spécifications techniques communes pour le partage sécurisé des données de santé entre les États membres de l’Union, à laquelle le Comité européen de normalisation s’attache actuellement. Le CESE plaide en faveur d’un engagement et d’une inclusion accrus des parties prenantes concernées dans les procédures réglementaires relatives à l’élaboration de normes harmonisées de qualité et de sécurité pour les équipements de protection individuelle et les dispositifs médicaux.

4.12.

La facilité pour la reprise et la résilience peut être utilisée pour répondre à de nombreux besoins de l’écosystème de la santé par divers moyens: des investissements dans les systèmes de santé nationaux et des réformes de ces systèmes, le renforcement de la résilience et de la préparation aux crises, les soins primaires, l’accès plus équitable et plus transparent aux services, le traitement des vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement et les compétences numériques des professionnels de la santé, les solutions de télémédecine, ainsi que la recherche, le développement et l’innovation.

4.13.

Le CESE préconise d’élaborer des programmes spécialement conçus pour la formation, la requalification, le perfectionnement et l’apprentissage tout au long de la vie à l’intention des travailleurs de la santé, compte tenu du rôle essentiel qu’ils jouent sur les plans professionnel et social, des progrès technologiques et des nouvelles exigences en matière de durabilité renforcée. Il est nécessaire que les parties prenantes du secteur mènent des politiques de formation claires afin de disposer de travailleurs qualifiés capables de relever les nouveaux défis du pacte vert.

4.14.

Le CESE a affirmé précédemment que «[d]e nouvelles politiques en matière de compétences devraient être conçues en collaboration avec les organisations de la société civile et les partenaires sociaux, de manière à adapter plus rapidement les systèmes d’éducation et de formation pour les mettre en adéquation avec la demande de nouveaux emplois» (12). Dans le secteur de la santé, il convient de porter une attention particulière non seulement aux professionnels de la santé, mais aussi aux chercheurs, aux enseignants, aux décideurs de tous types, aux professionnels des médias, aux patients eux-mêmes et aux organisations qui les représentent.

4.15.

Les marchés publics stratégiques jouent un rôle essentiel pour rapprocher les entreprises, les centres de recherche et les autorités de réglementation de l’Union et des États membres, en particulier dans le secteur de la santé, et ils facilitent en outre la coopération entre les secteurs public et privé en vue de répondre aux besoins des systèmes de santé publics et privés et de permettre l’acquisition de technologies de santé innovantes et abordables, y compris des solutions et des clauses sociales écologiques et numériques (13).

4.16.

Le CESE a déjà appelé les institutions et les États membres de l’Union européenne à faire preuve de volonté politique afin de mettre en œuvre un «Pacte de santé pour l’avenir de l’Europe» (14) qui soit le reflet de ses valeurs fondamentales.

4.17.

L’initiative du dialogue structuré (15) annoncée dans la stratégie pharmaceutique est essentielle pour l’Europe, car elle permettra de déterminer les causes et les facteurs de développement des vulnérabilités et des dépendances potentielles au sein des chaînes d’approvisionnement en médicaments.

4.18.

Le CESE soutient pleinement le déploiement de l’espace européen des données de santé (16) afin de fournir l’infrastructure nécessaire de partage des données pour les outils de diagnostic et le traitement en ce qui concerne la coopération et les efforts déployés pour co-investir dans la prochaine génération d’écosystèmes de soins de santé dans l’ensemble des chaînes de valeur.

4.19.

Le CESE estime que les normes harmonisées devraient pouvoir servir d’instrument pour respecter les exigences essentielles en matière de sécurité des produits, en combinaison avec des instruments qui contribuent à la commercialisation des produits. L’Union européenne doit éviter une réglementation excessive des produits, la priorité étant d’alléger la charge administrative engendrée par une législation excessive, tout en garantissant un accès aisé à la documentation, la fiabilité des informations, un échange fluide des meilleures pratiques et une coopération efficace.

4.20.

Enfin, le CESE invite la Commission à poursuivre la collaboration et le dialogue entre toutes les parties prenantes afin de renforcer la résilience du système pharmaceutique de l’Union pour lui permettre de faire face aux futures crises, en s’appuyant sur les mécanismes existants définis dans la stratégie pharmaceutique pour l’Europe (17) et la stratégie industrielle pour l’Europe (18). Le CESE invite également la Commission à créer davantage de synergies entre les États membres, à présenter de nouvelles initiatives pour renforcer la coordination des différents systèmes nationaux (conformément au TFUE (19)) et à continuer de mettre en place une transformation forte, durable et numérique de l’écosystème industriel dans le domaine de la santé.

Fait à Bruxelles, le 29 septembre 2021.

Le président de la commission consultative des mutations industrielles

Pietro Francesco DE LOTTO


(1)  Étude du Parlement européen: «Impacts of the COVID-19 pandemic on EU industries» [Les incidences de la pandémie de COVID-19 sur les industries de l’Union européenne, en anglais].

(2)  Eurostat — Statistiques relatives au personnel des soins de santé [en anglais].

(3)  Eurostat — Statistiques relatives au commerce international de biens, par catégorie de biens [en anglais].

(4)  Avis du CESE sur la stratégie pharmaceutique (JO C 286 du 16.7.2021, p. 53).

(5)  Questions et réponses: le programme «L’UE pour la santé» pour la période 2021-2027.

(6)  Avis du CESE consacré à «Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 108).

(7)  Avis du CESE sur la transition industrielle vers une économie européenne verte et numérique (JO C 56 du 16.2.2021, p. 10).

(8)  On peut citer par exemple le platine qui sert à produire de l’hydrogène propre, le silicium métallique utilisé pour les panneaux solaires et le lithium pour les voitures électriques.

(9)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle et modifiant certains actes législatifs de l’Union [COM(2021) 206 final].

(10)  Communication intitulée «Une stratégie européenne pour les données» [COM(2020) 66 final].

(11)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la gouvernance européenne des données (acte sur la gouvernance des données) [COM(2020) 767 final].

(12)  Avis du CESE consacré à «Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 108).

(13)  Acheter social — Un guide sur les appels d’offres publics avec clauses de responsabilité sociale — 2e édition (JO C 237 du 18.6.2021, p. 1).

(14)  Avis du CESE sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’établissement d’un programme d’action de l’Union dans le domaine de la santé pour la période 2021-2027 (JO C 429 du 11.12.2020, p. 251).

(15)  Dialogue structuré sur la sécurité de l’approvisionnement en médicaments.

(16)  La Commission publie une consultation publique ouverte sur l’espace européen des données de santé.

(17)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52020DC0761

(18)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1593086905382&uri=CELEX%3A52020DC0102

(19)  Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/77


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «L’approche mondiale de la recherche et de l’innovation — La stratégie de coopération internationale de l’Europe dans un monde en mutation»

[COM(2021) 252 final]

(2022/C 105/11)

Rapporteure:

Neža REPANŠEK

Consultation

Commission européenne, 1.7.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

30.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

231/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE salue l’engagement de l’Union européenne (UE) à montrer la voie à suivre et à préserver l’ouverture dans la coopération internationale en matière de recherche et d’innovation, tout en promouvant des conditions de concurrence équitables et la réciprocité basées sur des valeurs fondamentales.

1.2.

Le CESE se félicite des conclusions de la «Déclaration de Bonn sur la liberté de la recherche scientifique» adoptée lors de la conférence ministérielle consacrée à l’Espace européen de la recherche qui s’est tenue dans ladite ville le 20 octobre 2020, car cette déclaration constitue une condition préalable d’un paysage dynamique de la recherche et de l’innovation qui entend faire progresser les connaissances et profiter à la société. Le CESE plaide en faveur de l’adoption à l’avenir de ces principes à l’échelon international.

1.3.

Le CESE tient pour nécessaire de mieux faire participer les organisations de la société civile pour ce qui est de soutenir les institutions et les États membres de l’Union européenne lorsqu’ils conçoivent des politiques extraordinaires et des programmes spéciaux (s’agissant de favoriser la mobilité des carrières, d’attirer ou de retenir des chercheurs et d’appliquer les résultats de la recherche et de l’innovation pour la culture entrepreneuriale des PME de l’Union) capables de capter la valeur ajoutée de l’Union, laquelle peut à son tour s’investir dans un ambitieux Espace européen de la recherche (1) au cours de la prochaine décennie. Cette démarche devrait notamment prévoir de prendre en compte les enseignements tirés au long de la pandémie et les incidences du changement climatique sur les sociétés et les économies, ainsi que la nécessité d’assurer pleinement le transfert des connaissances et des technologies au fil de la transformation numérique de la recherche. La pandémie a mis en vedette la coopération dans le domaine de santé, sachant qu’il s’impose de s’attacher à rendre accessibles les soins de santé, d’œuvrer à améliorer et à renforcer la santé en temps utile, ainsi que de faire collaborer les professionnels de ce secteur, où travailler ensemble permet d’apporter des solutions aux problèmes sanitaires, même les plus complexes.

1.4.

Le CESE tient à souligner qu’il importe de renforcer le rôle moteur de l’UE dans le soutien aux partenariats multilatéraux en matière de recherche et d’innovation afin d’apporter de nouvelles solutions aux défis écologiques, numériques, sanitaires, sociaux et d’innovation, en tenant compte de l’incidence actuelle de la COVID-19 sur les systèmes de santé, les sociétés et les milieux d’affaires en Europe ainsi que sur l’économie mondiale.

1.5.

Pour œuvrer concrètement à l’objectif de renforcer l’Union européenne sur la scène mondiale, le CESE demande d’associer de manière appropriée les organisations de la société civile à l’échelon de l’Union et des États aux travaux de suivi des actions menés par la Commission européenne, comme celle-ci l’indique dans sa communication. Dans la perspective du forum prévu de l’EER pour la transition, le CESE propose de faciliter l’action conjointe avec les institutions de l’Union et des États grâce à un rapport préliminaire du Réseau d’échange de connaissances de la société civile, lequel serait présenté et débattu à l’occasion d’une conférence internationale qui se tiendrait en 2022.

2.   Observations générales

2.1.

La communication sur l’approche mondiale de la recherche et de l’innovation (R & I) présente le point de vue de la Commission sur la stratégie de l’Europe en matière de coopération internationale dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Cette stratégie vise notamment à renforcer les partenariats afin d’apporter de nouvelles solutions aux défis écologiques, numériques, sanitaires, sociaux et en matière d’innovation.

2.2.

La nouvelle stratégie s’articule autour de deux grands objectifs. Premièrement, elle vise à créer un environnement de recherche et d’innovation ouvert et fondé sur des règles et des valeurs afin d’aider les chercheurs et les innovateurs du monde entier à coopérer dans le cadre de partenariats multilatéraux et à rechercher des solutions aux défis planétaires. Deuxièmement, elle entend garantir la réciprocité et des conditions de concurrence équitables dans le domaine de la coopération internationale en matière de recherche et d’innovation.

2.3.

Cette nouvelle approche mondiale devrait être mise en œuvre par:

la modulation de la coopération bilatérale de l’UE dans le domaine de la recherche et de l’innovation afin de la rendre compatible avec les intérêts et les valeurs de l’Europe et de renforcer l’autonomie stratégique ouverte de l’UE,

la mobilisation de la science, de la technologie et de l’innovation pour accélérer le développement durable et inclusif, ainsi que la transition vers des sociétés et des économies résilientes fondées sur la connaissance dans les pays à revenu faible et intermédiaire, et

des initiatives inspirées d’une approche «équipe d’Europe», qui combinent des actions de l’UE, des institutions financières et des États membres pour maximiser l’efficacité et l’impact des actions.

2.4.

La communication à l’examen servira également à guider la mise en œuvre de la dimension internationale du nouveau programme de l’UE pour la recherche et l’innovation civiles, Horizon Europe, et de ses synergies avec d’autres programmes de l’UE, en particulier l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale — L’Europe dans le monde.

3.   L’engagement en faveur de l’ouverture internationale et des valeurs fondamentales dans la recherche et l’innovation

3.1.

Pour que l’UE conserve son rôle de chef de file dans le domaine de la recherche et de l’innovation, il faut que son programme en la matière reste ouvert au monde. Cela signifie que les participants du monde entier, quel que soit leur lieu d’établissement ou de résidence, devraient pouvoir participer à des programmes de l’UE comme Erasmus+ ou Horizon Europe. En outre, il convient de promouvoir davantage le respect et la compréhension de valeurs dans la recherche et de les mettre en œuvre dans le cadre de tous les partenariats internationaux.

3.2.

Dans le prolongement du code de conduite européen pour l’intégrité en recherche (2), l’avis du CESE intitulé «Un nouvel espace européen de la recherche (EER) pour la recherche et l’innovation» (3) souligne la nécessité d’inclure le principe de l’intégrité scientifique et éthique dans le cadre de l’éthique et de l’intégrité de la recherche, afin d’éviter les pertes du point de vue de la santé humaine et des ressources financières, ainsi que les échecs scientifiques. La communication à l’examen souligne le rôle de l’UE en matière de protection des valeurs fondamentales communes pour relever les défis éthiques et garantir une innovation technologique centrée sur la dimension humaine.

3.3.

Il convient d’intégrer pleinement la liberté académique, l’autonomie institutionnelle, les aspects d’éthique et d’intégrité de la recherche, ses fondements empiriques, l’égalité entre les hommes et les femmes, la diversité et l’inclusion dans la coopération internationale en matière de recherche. Le CESE partage sans réserve l’avis de la Commission quant à l’importance que revêtent l’équilibre et l’égalité entre les hommes et les femmes, l’autonomisation et la participation des jeunes, l’inclusion et la diversité dans la recherche et l’innovation au niveau mondial. En sus des possibilités pour mener des recherches, il convient de défendre à tous les niveaux la cause d’un environnement inclusif et favorable, sans ingérence politique. Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission visant à élaborer et promouvoir des lignes directrices pour contrer les ingérences étrangères ciblant les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur de l’UE.

3.4.

L’objectif global de l’UE est d’appliquer le principe «FAIR» aux ensembles de données en les rendant faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables dans le cadre du concept de données ouvertes et de science ouverte.

3.5.

Il importe de fournir un financement de base à l’échelon national, qui assure un niveau adéquat d’investissement dans la recherche et le développement, à même de réaliser les objectifs fixés en la matière.

3.6.

La «diplomatie scientifique» pourrait aider l’UE à déployer son pouvoir d’influence et à défendre ses intérêts et ses valeurs économiques plus efficacement, en répondant à la demande et aux intérêts des pays partenaires et en jouant sur les atouts de l’UE en tant que poids lourd de la recherche et de l’innovation. Le CESE est convaincu qu’un dialogue social et civique constructif à tous les niveaux contribuerait à une diplomatie scientifique fructueuse dans nos communautés.

4.   Un nouvel équilibre — Vers des conditions de concurrence équitables et une réciprocité en matière de R & I

4.1.

Grâce à ses politiques et programmes, l’UE est un important catalyseur dans l’internationalisation de la recherche et de l’innovation. Elle est également en mesure d’associer les systèmes de production et de mobiliser la science, les jeunes chercheurs, les réseaux interdisciplinaires, la technologie et l’innovation pour accélérer le développement durable et inclusif, d’une part, et la transition vers des sociétés et des économies résilientes fondées sur la connaissance dans les pays à revenu faible et intermédiaire, d’autre part. Le CESE met en relief l’importance que revêtent des investissements privés et tout particulièrement publics dans la science, de manière à ne pas prendre de retard par rapport aux autres puissances mondiales en matière de recherche et d’innovation, ainsi que de protéger dans le même temps les droits humains et les valeurs fondamentales.

4.2.

D’autres grandes puissances scientifiques investissent désormais davantage dans la science que l’UE en pourcentage du produit intérieur brut. Les tensions géopolitiques s’accentuent, tandis que les droits de l’homme et les valeurs fondamentales telles que la liberté académique sont remis en question. La liberté académique constitue l’épine dorsale de l’enseignement supérieur dans l’UE et elle devrait être protégée vis-à-vis des pays tiers. À la lumière des événements récents, le CESE approuve et soutient l’appel qu’ont lancé les universitaires européens (4) pour réclamer une action immédiate afin de créer des voies légales complémentaires accélérées en faveur des chercheurs et des enseignants en danger en Afghanistan, y compris les universitaires, les étudiants et les acteurs de la société civile et tout spécialement les femmes et les minorités ethniques et religieuses.

5.   Relever ensemble les défis planétaires

5.1.

Le CESE est pleinement favorable au choix consistant à accorder une attention particulière à la double transition juste, à savoir la transition numérique et le pacte vert, ainsi qu’aux politiques en matière de santé et de relance à long terme après la COVID-19. L’Europe doit coopérer par-delà les frontières, à une échelle jamais connue auparavant, pour apprendre à mettre au point, en coopération avec d’autres partenaires, des solutions innovantes permettant de réaliser des transitions écologique et numérique justes conformément aux objectifs de développement durable et de promouvoir la résilience, la prospérité et la compétitivité de l’Europe (en particulier des micro, petites et moyennes entreprises) ainsi que de soutenir son bien-être économique et social. En plus de favoriser la transition vers une économie européenne plus résiliente, une relance inclusive ne laissant aucun européen de côté est essentielle dans le cadre du processus de transition vers une économie européenne durable, tout en offrant de nouvelles possibilités aux travailleurs. L’innovation sociale peut aussi jouer un rôle important dans ces processus.

5.2.

L’ouverture réciproque, le libre échange d’idées et l’élaboration conjointe de solutions sont essentiels à la quête et au progrès des connaissances fondamentales. Ils sont des composantes essentielles d’un écosystème d’innovation dynamique, car l’ouverture dans la coopération qui caractérise l’action de l’UE s’inscrit dans un contexte mondial transformé.

5.3.

La mobilisation des chercheurs et des innovateurs de par le monde sera cruciale pour le bien-être des citoyens et des générations futures. Comme l’a montré la récente pandémie, le renforcement de la coopération internationale sur des questions telles que la santé mondiale contribue à la réalisation d’innovations décisives. L’UE devrait soutenir ses objectifs d’autonomie stratégique ouverte en modulant, en parallèle, sa coopération bilatérale avec les pays tiers dans certains domaines (5).

5.4.

En réponse aux tendances mondiales actuelles, l’UE devrait montrer l’exemple en promouvant un multilatéralisme fondé sur des règles. Il convient de redynamiser l’ordre multilatéral afin de le rendre apte à faire face aux défis mondiaux et à répondre aux exigences croissantes des citoyens en matière de transparence, de qualité et d’inclusion. L’UE devrait également encourager la modernisation ambitieuse d’institutions internationales multilatérales clés et tendre vers l’élaboration d’une feuille de route conjointe visant l’ouverture réciproque dans la coopération en matière de recherche et d’innovation, afin de faciliter les réponses mondiales aux défis planétaires et de partager les bonnes pratiques.

5.5.

L’Union européenne devrait jouer un rôle moteur en tant qu’initiatrice de normes mondiales durables et faire également avancer cette démarche grâce à un rôle accru dans la coopération internationale en matière de recherche prénormative et de normalisation «propices aux PME». Le CESE souligne également l’importance des mesures de soutien aux PME dans tous les domaines de la protection des droits de propriété intellectuelle.

5.6.

Le CESE soutient pleinement le plan d’action sur la propriété intellectuelle (PI) (6), qui constitue une approche très satisfaisante et complète en vue de moderniser le système de PI de l’Union européenne. Le lancement du système de brevet unitaire (UPS) doit être une priorité essentielle et renforcera considérablement la compétitivité des entreprises de l’UE.

5.7.

Certains pays visent de plus en plus à atteindre une suprématie technologique au moyen de mesures discriminatoires et instrumentalisent souvent la recherche et l’innovation pour exercer une influence et un contrôle social à l’échelle mondiale. Il convient de renforcer la prospérité et la compétitivité économique de l’UE, mais aussi sa capacité à se procurer et à fournir à ses citoyens des technologies et des services essentiels qui soient sûrs et sécurisés. L’UE devrait jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration de nouvelles règles mondiales, de normes internationales et de cadres de coopération dans des secteurs comme le numérique, y compris l’intelligence artificielle et autres nouvelles technologies. Les points forts de l’UE que sont la démocratie et la réglementation sont autant d’atouts pour aider à construire un monde meilleur, tandis que sa crédibilité en tant qu’acteur de la paix et ses structures en matière de sécurité et de défense peuvent contribuer à soutenir les efforts multilatéraux visant à maintenir, à pérenniser et à consolider la paix.

5.8.

Depuis son premier avis sur l’intelligence artificielle en 2017 (7), le CESE est à la pointe du débat en la matière et, ces dernières années, il a publié plusieurs avis sur le sujet (8). Il plaide en faveur d’une approche de l’intelligence artificielle où «l’humain reste aux commandes», c’est-à-dire où l’humain en garde le contrôle d’un point de vue technique et demeure en capacité de décider si, quand et comment il l’utilise dans la société au sens large. Il a par ailleurs attiré l’attention, entre autres, sur les répercussions de l’intelligence artificielle sur l’emploi, sur l’importance de trouver un juste équilibre entre la réglementation, l’autorégulation et l’orientation éthique, et sur l’incidence de l’IA sur les consommateurs. Il est actuellement en train d’élaborer un avis formel sur la proposition de la Commission européenne relative à une législation sur l’intelligence artificielle (9).

5.9.

La capacité de l’UE à se profiler comme un acteur mondial est également assurée par la cohérence entre ses actions externes et les politiques internes menées dans chacun de ses États membres. Il est essentiel que l’UE parle d’une voix unie et cohérente pour stabiliser ses partenariats et alliances avec des pays tiers, soutenir les organisations multilatérales et régionales et négocier une approche en matière de biens publics mondiaux qui soit davantage fondée sur ses intérêts.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Voir la note de la présidence au Conseil «Renouveler l’Espace européen de la recherche — Comment préparer le déploiement d’un EER ambitieux adapté à la prochaine décennie?» et le communiqué de presse «Le nouvel espace européen de la recherche: le Conseil adopte des conclusions», 1er décembre 2020.

(2)  The European Code of Conduct for Research Integrity, www.allea.org [accessed 6 June 2021]; Code de conduite européen pour l’intégrité en recherche, www.allea.org [consulté le 6 juin 2021].

(3)  Avis du CESE sur «Un nouvel espace européen de la recherche (EER) pour la recherche et l’innovation» (JO C 220 du 9.6.2021, p. 79).

(4)  https://www.scholarsatrisk.org/2021/08/urgent-appeal-to-european-governments-and-eu-institutions-take-action-for-afghanistans-scholars-researchers-and-civil-society-actors/

(5)  Notamment en intégrant la coopération avec les pays de l’AELE, les Balkans occidentaux, la Turquie, les pays couverts par la politique européenne de voisinage et le Royaume-Uni, et en approfondissant les partenariats de l’UE avec l’Afrique, l’Amérique latine et d’autres régions.

(6)  Avis du CESE — Plan d’action sur la propriété intellectuelle (JO C 286 du 16.7.2021, p. 59).

(7)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 1.

(8)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 1; JO C 440 du 6.12.2018, p. 51; JO C 240 du 16.7.2019, p. 51; JO C 47 du 11.2.2020, p. 64; JO C 364 du 28.10.2020, p. 87.

(9)  INT/940 — Règlement sur l’intelligence artificielle (JO C 517 du 22.12.2021, p. 61).


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/81


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 910/2014 en ce qui concerne l’établissement d’un cadre européen relatif à une identité numérique

[COM(2021) 281 final — 2021/0136 (COD)]

(2022/C 105/12)

Rapporteur:

Tymoteusz Adam ZYCH

Consultation

Parlement européen, 8.7.2021

Conseil, 15.7.2021

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

30.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

229/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la proposition de la Commission européenne relative à un instrument modifiant le règlement sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur (ci-après dénommé «règlement eIDAS») en ce qui concerne l’établissement d’un cadre européen relatif à une identité numérique, qui permettrait d’adapter cet acte juridique aux besoins actuels du marché. L’évaluation du règlement existant a montré qu’il était nécessaire de fournir de meilleures solutions en matière de services numériques, qui en étendraient l’accès aux secteurs tant privé que public et seraient accessibles à la grande majorité des citoyens et résidents européens.

1.2.

Toutefois, le CESE note que la numérisation des services qui est proposée peut conduire à exclure certaines couches de la société européenne, notamment les personnes qui sont âgées, peu formées en matière numérique ou handicapées. Le CESE souhaite donc inviter la Commission européenne et les États membres à mettre en place l’encadrement qui s’impose pour l’éducation numérique et pour une campagne d’information en la matière, dans l’optique également de mieux sensibiliser le public à la protection des données à caractère personnel.

1.3.

Le CESE se félicite que l’utilisation du portefeuille européen d’identité numérique revête un caractère discrétionnaire et gratuit. Cependant, l’introduction de nouvelles solutions numériques exige d’y consacrer énormément de temps et de moyens. Le CESE demande dès lors à la Commission européenne d’évaluer plus avant le temps nécessaire à la mise en œuvre effective du nouveau règlement, de manière à éviter toute incidence négative sur le marché, ainsi que d’enrichir ce texte d’une analyse plus poussée des coûts à prévoir pour son application et de le clarifier à cet égard.

1.4.

Le CESE note que la section 9 de la proposition de règlement rend obligatoire la reconnaissance transfrontalière de toute attestation électronique qualifiée d’attributs qui a été délivrée dans un État membre. Toutefois, étant donné que les dispositions législatives nationales diffèrent souvent de manière notable d’un État membre à l’autre, le CESE convient qu’il est nécessaire de préciser que la reconnaissance d’une attestation électronique qualifiée d’attributs dans un État membre se limite à la confirmation des faits, par analogie avec l’article 2, paragraphe 4, du règlement (UE) 2016/1191 du Parlement européen et du Conseil visant à favoriser la libre circulation des citoyens en simplifiant les conditions de présentation de certains documents publics dans l’Union européenne (1), qui dispose que «le présent règlement ne s’applique pas à la reconnaissance dans un État membre d’effets juridiques attachés au contenu de documents publics délivrés par les autorités d’un autre État membre».

1.5.

Le CESE considère qu’il est particulièrement important d’envisager une protection efficace des données dans le cadre de la protection des droits fondamentaux, dont, en particulier, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel. Dès lors, le CESE approuve pleinement l’impératif exigeant que le cadre européen relatif à une identité numérique offre aux utilisateurs les moyens de contrôler qui a accès à leur jumeau numérique et quelles sont exactement les données ainsi accessibles. Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à aborder aussi, à l’issue des consultations sur les aspects techniques du cadre européen relatif à une identité numérique, la question de la création d’un registre destiné à offrir aux utilisateurs la possibilité de retracer tout accès à leurs données.

1.6.

Le CESE souhaite attirer l’attention sur les problèmes de sécurité liés au processus de numérisation, en particulier la mise au point de systèmes de très grande envergure qui stockent et traitent des données exposées à la fraude ou susceptibles d’être perdues. Le CESE a également conscience qu’à l’heure actuelle, aucun système de sécurité n’est capable d’offrir une protection absolue des données. Aussi estime-t-il que les utilisateurs de portefeuilles européens d’identité numérique devraient avoir l’assurance de recevoir une indemnisation pour toute situation indésirable en lien avec leurs données, par exemple leur vol ou leur divulgation. Cette garantie devrait leur être octroyée que le fournisseur soit en faute ou non.

2.   Introduction

2.1.

Le présent avis a pour objet la proposition, présentée par la Commission européenne, de règlement modifiant le règlement (UE) no 910/2014 du Parlement européen et du Conseil (2) (le «règlement eIDAS») en ce qui concerne l’établissement d’un cadre européen relatif à une identité numérique.

2.2.

Ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs, le règlement eIDAS offrirait les protections et avantages suivants: 1) donner accès à des solutions d’identité électronique hautement sécurisées et fiables, 2) offrir aux services publics et privés la garantie de pouvoir s’appuyer sur des solutions d’identité numérique sécurisées et fiables, 3) fournir aux personnes physiques et morales l’assurance d’avoir les moyens d’utiliser des solutions d’identité numérique, 4) assurer que ces solutions soient rattachées à divers attributs et permettent le partage ciblé de données d’identité dans la limite des besoins du service particulier demandé et, enfin, 5) faire accepter les services de confiance qualifiés dans l’Union et en garantir la fourniture dans des conditions égales. Les modifications proposées visent à répondre à la demande croissante de solutions fiables d’identité numérique aux fins d’une utilisation transfrontalière, en tenant compte de la nécessité d’identifier et d’authentifier les utilisateurs avec un degré élevé de garantie.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE est conscient des nouvelles demandes du marché intérieur concernant le développement de l’identification électronique et de services de confiance pour les transactions électroniques transfrontalières. Les solutions existantes, telles que prévues par le règlement eIDAS, qui a commencé à produire ses effets juridiques en plusieurs étapes depuis juillet 2016, ne satisfont pas à ces impératifs: la preuve en est qu’à l’heure actuelle, seuls 59 % des résidents de l’Union ont accès à des solutions fiables et sûres d’identification électronique. Par ailleurs, l’accès transfrontalier à ces services est restreint, faute d’interopérabilité entre les systèmes proposés par les différents États membres.

3.2.

Le CESE se félicite donc de la proposition de la Commission européenne relative à un instrument modifiant le règlement eIDAS en ce qui concerne l’établissement d’un cadre européen relatif à une identité numérique, qui aurait pour effet d’adapter ce texte juridique aux besoins actuels du marché. Selon les estimations, les solutions proposées dans le document de la Commission pourraient contribuer à pousser les citoyens et résidents de l’Union à recourir à l’identification numérique dans une proportion qui atteindrait au moins 80 %, voire 100 %.

3.3.

Le CESE salue tout particulièrement les solutions qui visent à renforcer la sécurité des données à caractère personnel des utilisateurs, en garantissant le caractère discrétionnaire de leur partage et la possibilité de maîtriser la nature et la quantité de celles qui sont fournies aux parties utilisatrices. Étant donné que, suivant la proposition, la supervision des fournisseurs de services numériques continuera à être assurée par les États membres, ce sont eux qui veilleront à ce que des ensembles de données sensibles (concernant, par exemple, la santé, la religion et les convictions, les opinions politiques ou l’origine raciale ou ethnique) ne soient fournis que moyennant une demande en ce sens desdits fournisseurs, après que le propriétaire de l’identité aura pris une décision éclairée conformément au droit national applicable.

3.4.

Le CESE fait observer que le calendrier d’application de certaines dispositions du nouveau règlement est relativement optimiste et il invite la Commission européenne, lorsqu’elle fixera les délais d’application définitifs, à tenir également compte du laps de temps dont les fournisseurs de services auront besoin pour mettre à niveau leurs systèmes informatiques afin de se conformer aux nouvelles obligations. Le CESE appelle dès lors la Commission européenne à examiner de manière plus poussée les délais nécessaires à la mise en œuvre effective du nouveau règlement, et, par conséquent, à étendre le calendrier d’application, afin d’éviter toute retombée négative sur le marché concerné. À titre d’exemple, avec l’entrée en vigueur du règlement, les prestataires de services de confiance qualifiés offrant actuellement une signature à distance au moyen de dispositifs de création de signature électronique qualifiés seront contraints de devenir des prestataires qualifiés pour ce service spécifique; ils auront besoin de temps pour mettre en œuvre tant les aspects techniques liés à cette évolution que la procédure d’autorisation afférente.

3.5.

Le CESE note que la numérisation des services proposée, quels que soient ses avantages, peut également conduire à exclure certains segments de la société européenne, dont, en particulier, les personnes âgées, peu formées en matière numérique ou handicapées. Le CESE est convaincu que l’éducation des citoyens européens joue un rôle essentiel dans la lutte contre cette exclusion et qu’elle devrait servir dans le même temps à accroître la sensibilisation du public en matière de protection des données à caractère personnel.

4.   Accessibilité et usage discrétionnaire du cadre européen relatif à une identité numérique

4.1.

Le CESE accueille favorablement l’idée de fournir de meilleures solutions en matière de services numériques, destinées à en étendre l’accès tant aux services publics qu’au secteur privé. En outre, il salue les efforts que la Commission européenne déploie pour que la grande majorité des citoyens européens puissent bénéficier d’un cadre européen relatif à une identité numérique. Nombre de résidents de l’Union n’ont pas du tout recours aux services d’identification électronique, en raison des obstacles qui s’opposent actuellement à leur utilisation transfrontalière, par exemple, du fait du manque d’interopérabilité entre les systèmes d’identification électronique mis au point par les États membres. Grâce aux nouvelles solutions fondées sur les portefeuilles européens d’identité numérique, au moins 80 % des européens pourraient avoir accès à des services en ligne fiables.

4.2.

Aussi le CESE soutient-il la proposition exigeant des États membres qu’ils délivrent un portefeuille européen d’identité numérique, c’est-à-dire un outil qui donnera à ses utilisateurs la possibilité: 1) de demander et d’obtenir, de stocker, de sélectionner, de combiner et de partager en toute sécurité, d’une manière qui soit transparente pour l’utilisateur et traçable par ce dernier, les données légales nécessaires d’identification personnelle et l’attestation électronique d’attributs pour s’authentifier en ligne et hors ligne en vue d’utiliser des services publics et privés en ligne, et 2) de signer des documents au moyen d’une signature électronique qualifiée acceptée dans toute l’Union.

4.3.

En outre, le CESE se félicite qu’il soit proposé que les personnes handicapées bénéficient d’une égalité d’accès au portefeuille européen d’identité numérique, conformément aux dispositions de l’annexe I de la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil (3) et en vertu du principe européen de non-discrimination énoncé à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Afin d’éviter toute exclusion numérique en la matière, le CESE suggère que les solutions soient élaborées dans le cadre d’une «approche multipartite», en coopération avec les institutions compétentes et les organisations non gouvernementales représentant les personnes handicapées.

4.4.

Un autre aspect positif, du point de vue du CESE, est que la décision d’utiliser le portefeuille européen d’identité numérique soit laissée à la discrétion des citoyens et des résidents. Le CESE estime que les usagers ne devraient pas être obligés de recourir à un tel portefeuille pour accéder à des services privés ou publics, mais simplement avoir la possibilité de le faire.

4.5.

Concernant le caractère abordable de cet outil, le CESE estime bienvenu que les usagers puissent utiliser gratuitement le portefeuille européen d’identité numérique. Toutefois, il invite la Commission européenne à analyser plus en détail et à préciser dans le règlement i) les coûts d’émission d’un tel portefeuille pour les personnes physiques, ii) ses coûts (d’émission et d’utilisation) pour les entités juridiques, et iii) les coûts à supporter pour y ajouter des attributs d’identité numérique, puisque le CESE estime que tout ajout de ce type constituerait un service de confiance et entraînerait donc des frais pour son propriétaire.

5.   Aspects liés à la facilité d’utilisation du cadre européen relatif à une identité numérique

5.1.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission européenne qui vise à améliorer la facilité d’utilisation des moyens d’identification numérique en créant un cadre européen commun d’identité numérique qui repose sur le recours transfrontalier aux portefeuilles européens d’identité numérique.

5.2.

La proposition de règlement affirme qu’il est possible d’améliorer la facilité d’utilisation grâce aux moyens prévus par le nouvel article 12 ter du règlement eIDAS, qui prévoit, en ce qui concerne la reconnaissance des portefeuilles européens d’identité numérique, un ensemble d’exigences adressées non seulement aux États membres, mais aussi aux parties utilisatrices privées fournissant des services et aux «très grandes plateformes en ligne», telles que définies à l’article 25, paragraphe 1, de la proposition de législation sur les services numériques (4). Sur la base de ces nouvelles dispositions, les parties utilisatrices privées fournissant des services dans certains domaines, en l’occurrence celui des transports, de l’énergie, des services bancaires et financiers, de la sécurité sociale, de la santé, de l’eau potable, des services postaux, des infrastructures numériques, de l’éducation ou des télécommunications, seraient tenues d’accepter l’utilisation de portefeuilles européens d’identité numérique pour la fourniture de services lorsque le droit national, celui de l’Union ou une obligation contractuelle exigent une authentification forte des utilisateurs à des fins d’identification en ligne. Suivant la proposition de la Commission, la même exigence s’appliquerait aux très grandes plateformes en ligne, comme les réseaux sociaux, qui devraient accepter l’utilisation de portefeuilles européens d’identité numérique en ce qui concerne les attributs minimaux nécessaires pour le service en ligne particulier pour lequel l’authentification est demandée, tels que la preuve de l’âge.

5.3.

Le CESE note qu’en vue de garantir une disponibilité et une facilité d’utilisation étendues des moyens d’identification électronique, dont les portefeuilles européens d’identité numérique, il conviendrait que les prestataires privés de services en ligne (qui ne sont pas considérés comme de «très grandes plateformes») soient associés à l’élaboration de «codes de conduite» par autorégulation propres à faciliter une large acceptation de ces moyens d’identification. La Commission européenne devrait être chargée d’évaluer l’efficacité de ces dispositions et leur commodité pour les utilisateurs de portefeuilles européens d’identité numérique.

6.   Questions relatives aux effets juridiques des portefeuilles européens d’identité numérique

6.1.

Le CESE adhère à la proposition pour ce qui est d’améliorer l’accès aux services publics numériques, notamment dans les situations transfrontalières.

6.2.

La section 9 qu’il est proposé d’ajouter au règlement eIDAS dispose qu’une attestation électronique qualifiée d’attributs délivrée dans un État membre sera reconnue en tant qu’attestation électronique qualifiée d’attributs dans tous les États membres.

6.3.

Toutefois, s’agissant du droit interne des États membres, qui varie parfois considérablement de l’un à l’autre, le CESE souligne qu’il conviendrait que les attributs attestés par des sources authentiques dans l’un d’entre eux se limitent à la seule confirmation de circonstances factuelles et ne produisent pas d’effets juridiques dans les autres États membres, à moins que lesdits attributs ne soient conformes à leur droit national. En substance, les solutions juridiques proposées ne devraient pas affecter la reconnaissance, dans un État membre, des effets juridiques afférents au contenu des attributs attestés par des sources authentiques dans un autre, par analogie avec les dispositions du règlement (UE) 2016/1191. Pour illustrer ce propos, on peut citer l’exemple de certaines données à caractère personnel, concernant la religion ou les convictions d’une personne. En effet, ce type d’information produit des effets juridiques dans certains pays de l’Union, par exemple en Allemagne, où les registres d’état civil comprennent des informations sur la religion, qui déterminent l’obligation de s’acquitter d’une taxe ecclésiastique pour se marier lors d’une cérémonie religieuse, alors que ce n’est pas le cas dans d’autres États membres, comme en Pologne.

6.4.

Par conséquent, le CESE invite la Commission européenne à envisager de clarifier le texte de la section 9, en vue de préciser que la reconnaissance d’une attestation électronique qualifiée d’attributs dans tout autre État membre se borne à confirmer les circonstances factuelles relatives à l’attribut concerné, et qu’elle n’y produit pas d’effets juridiques, à moins que les attributs attestés ne soient conformes à son droit national.

7.   Aspects en rapport avec la sécurité

A.   La protection des données dans le contexte des droits fondamentaux

7.1.

Le CESE constate qu’en l’absence d’un cadre commun relatif à l’identité numérique, dans la plupart des cas, les citoyens et les autres résidents se heurtent à des obstacles lors des échanges numériques transfontaliers d’informations liées à leur identité, en particulier pour ce qui est de les échanger en toute sécurité et avec un niveau élevé de protection des données.

7.2.

En conséquence, le CESE salue les efforts qui sont déployés pour créer un système interopérable et sécurisé, fondé sur les portefeuilles européens d’identité numérique, qui serait susceptible d’améliorer l’échange d’informations entre les États membres, notamment pour les questions d’emploi ou les droits sociaux. Dans ce contexte, le CESE escompte que le nouveau cadre européen relatif à une identité numérique ouvrira des possibilités, par exemple, pour améliorer rapidement les perspectives professionnelles transfontalières et étendre l’octroi automatique de droits sociaux, sans qu’il soit nécessaire d’entreprendre des procédures supplémentaires de demande ou autres démarches administratives.

7.3.

Néanmoins, le CESE considère que dans le cadre de la protection des droits fondamentaux, dont, en particulier, celui au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, la première préoccupation à laquelle il convient de répondre doit être de protéger efficacement les données.

7.4.

De ce fait, le CESE souscrit pleinement à l’exigence selon laquelle le cadre européen relatif à une identité numérique devrait offrir à tous les utilisateurs les moyens de contrôler qui a accès à leur jumeau numérique et quelles sont exactement les données ainsi accessibles, y compris pour ce qui est de l’accès par le secteur public. Comme le souligne la proposition, cet impératif nécessitera également un niveau élevé de sécurité en ce qui concerne tous les aspects de la fourniture d’identités numériques, y compris la délivrance d’un portefeuille européen d’identité numérique, ainsi que l’infrastructure pour la collecte, le stockage et la divulgation de données d’identité numérique.

7.5.

Dans ce contexte, le CESE fait sienne la proposition selon laquelle les utilisateurs auront le droit de divulguer de manière sélective leurs attributs, en se limitant à ceux qui sont nécessaires dans une situation déterminée. D’après le texte présenté par la Commission, ils pourront, lorsqu’ils recourent au portefeuille européen d’identité numérique, exercer un contrôle sur la quantité de données fournies à des tiers et devront être informés des attributs exigés pour la fourniture d’un service particulier.

7.6.

Le CESE est favorable à l’obligation proposée de maintenir une séparation, physique et logique, entre les données à caractère personnel relatives à la fourniture des portefeuilles européens d’identité numérique et toute autre donnée détenue par les émetteurs de ces portefeuilles, et il approuve également l’exigence que les prestataires de services qualifiés d’attestation électronique d’attributs agissent dans le cadre d’une entité juridique distincte.

7.7.

En plus de la protection efficace des données qui doit être assurée, il est primordial que les utilisateurs détiennent le contrôle sur leurs données. À cet égard, le CESE serait également favorable à la création d’un cadre européen relatif à une identité numérique qui soit fondé sur les identités juridiques délivrées par les États membres et sur la fourniture d’attributs d’identité numérique qualifiés et non qualifiés.

7.8.

Le CESE fait observer que pour garantir aux utilisateurs un niveau élevé de protection juridique de leurs données, il convient de leur offrir davantage de contrôle sur les portefeuilles européens d’identité numérique, y compris sous la forme d’une traçabilité de l’accès aux données de chacun d’entre eux. À cette fin, il conviendrait que les aspects techniques, qui doivent encore être définis lors de discussions consécutives à l’approbation de la proposition, incluent la création d’un registre qui donne à chaque utilisateur la possibilité de vérifier, sur demande, toute occurrence d’accès à ses données.

B.   Autres aspects liés à la sécurité et à la responsabilité

7.9.

Aux termes de la proposition, le nouveau cadre européen relatif à une identité numérique fournira des mécanismes pour prévenir la fraude et garantir l’authentification des données d’identification personnelle. La proposition comporte une disposition qui prévoit d’introduire des dispositifs permettant la vérification des attributs par rapport à des sources authentiques, ce qui pourrait, par exemple, améliorer la sécurité en ligne des enfants, en les empêchant d’accéder à des contenus inappropriés pour leur âge. Le CESE constate qu’à l’heure actuelle, cette protection se révèle très inefficace, voire inexistante, à l’échelon national.

7.10.

Le CESE approuve l’idée que les navigateurs internet devraient veiller à assurer la compatibilité et l’interopérabilité avec les certificats qualifiés d’authentification de site internet, conformément au règlement eIDAS. Il conviendrait qu’ils reconnaissent et affichent les certificats qualifiés d’authentification de site internet afin d’offrir un niveau élevé de garantie, permettant aux propriétaires de sites internet de déclarer leur identité en tant que tels et aux utilisateurs d’identifier ces propriétaires avec un degré élevé de certitude. Dans le même temps, le CESE estime qu’il est nécessaire de prévoir des mécanismes de recours simples, rapides et efficaces pour assurer le déblocage d’un site internet signalé à tort comme dangereux. Des règles de responsabilité devraient également être établies pour tous les cas où un site web a été indûment qualifié de dangereux.

7.11.

Le CESE tient à souligner que toute numérisation de données soulève des problèmes en matière de sécurité, en particulier pour ce qui est des systèmes de très grande envergure qui procèdent au stockage et au traitement de données, car ils constituent autant de sources d’information exposées au risque de fraude et de perte de données. Le CESE a également conscience qu’à l’heure actuelle, il n’existe aucun système de sécurité qui soit pleinement efficace (c’est-à-dire exempt de lacunes et d’erreurs) et à même d’éliminer entièrement une telle menace.

7.12.

En conséquence, le CESE souligne que pour réduire au minimum toutes les situations indésirables de ce type en rapport avec les données des utilisateurs, il conviendrait que l’architecture technique du cadre européen relatif à une identité numérique, telle qu’élaborée par les États membres en coordination avec la Commission, soit axée sur des mesures qui accroissent la sécurité des données et fournissent des mécanismes de contrôle des données. De tels dispositifs revêtent une grande importance, par exemple, lorsque les données collectées auprès des utilisateurs sont utilisées à des fins autres que celles initialement prévues. Par ailleurs, le CESE estime que cette architecture technique devrait être conçue dans le respect des droits fondamentaux et du principe de souveraineté des États membres.

7.13.

Le CESE note que l’article 13, paragraphe 1, du règlement eIDAS établit la responsabilité des prestataires de services de confiance pour les dommages causés intentionnellement ou par négligence à toute personne physique ou morale en raison d’un manquement aux obligations prévues par le présent règlement concerné (et aux obligations en matière de gestion des risques de cybersécurité qui découlent de l’article 18 de la proposition de directive SRI 2, conformément à la proposition de la Commission). Cette disposition devrait s’appliquer dans le respect des règles nationales en matière de responsabilité (article 13, paragraphe 3).

7.14.

S’agissant des enjeux de responsabilité, le CESE tient à souligner que les questions liées à la définition des dommages, à leur ampleur et aux indemnisations appropriées sont régies par le droit interne des États membres. Selon ces règles, il se peut que la responsabilité des prestataires de services de confiance soit limitée en vertu des dispositions pertinentes du droit interne et des «politiques en matière de prestation de services», qui sont définies par les prestataires.

7.15.

Le CESE considère que les utilisateurs de portefeuilles européens d’identité numérique devraient être assurés de recevoir une indemnisation pour toute situation indésirable en lien avec leurs données, comme le vol, la perte, la divulgation, l’utilisation à des fins autres que celles initialement prévues, etc. Cette responsabilité devrait s’étendre à toutes les situations susmentionnées, quelles qu’aient été les intentions ou les négligences du fournisseur (qu’il soit en faute ou non).

7.16.

Tout vol, toute divulgation non autorisée ou toute perte de données, en particulier de données à caractère personnel, peut causer à leur propriétaire un préjudice durable. Dès lors que des données numériques ont été rendues publiques, elles peuvent être acquises par de nombreuses entités au fil du temps, et ce, contre la volonté de leur propriétaire. Le CESE encourage la Commission et les États membres à rechercher et à élaborer des mécanismes efficaces afin d’offrir, en pareil cas, un recours aux propriétaires de données.

7.17.

Les solutions proposées dans le cadre du nouveau système obligeront les prestataires de services à renforcer largement leurs systèmes de sécurité électronique, pour les porter à un degré nettement supérieur, en accordant une attention particulière à la cybersécurité. Le CESE s’attend à ce que ces mises à niveau nécessitent des dépenses importantes et une modernisation de l’infrastructure informatique existante, qui pourraient représenter une charge excessive pour certains prestataires de services et risquent même d’entraîner la disparition, sur certains marchés, de prestataires incapables de consentir de tels investissements dans un bref laps de temps. Le CESE est donc d’avis que la Commission et les États membres devraient chercher des solutions à même de protéger les fournisseurs contre toute discrimination en la matière et de leur permettre un «atterrissage en douceur» à cet égard, notamment en leur offrant la possibilité de se conformer à ces nouvelles exigences en plusieurs étapes, dans un délai raisonnable.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) 2016/1191 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 visant à favoriser la libre circulation des citoyens en simplifiant les conditions de présentation de certains documents publics dans l’Union européenne, et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 (JO L 200 du 26.7.2016, p. 1).

(2)  Règlement (UE) no 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE (JO L 257 du 28.8.2014, p. 73).

(3)  Directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services (JO L 151 du 7.6.2019, p. 70).

(4)  COM(2020) 825 final.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/87


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur

[COM(2021) 223 final — 2021/0114 (COD)]

(2022/C 105/13)

Rapporteur:

Maurizio MENSI

Consultation

Parlement européen, 7.6.2021

Conseil, 3.6.2021

Base juridique

Articles 114 et 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

30.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/3/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite des efforts déployés par la Commission et convient de la nécessité de renforcer les instruments d’intervention afin de protéger le marché de l’Union européenne et ses entreprises en comblant une lacune dans le cadre réglementaire en matière de concurrence, de commerce et de marchés publics, dans le but de garantir une concurrence loyale et non faussée par des subventions étrangères.

1.2.

À cet égard, le CESE estime que la proposition de la Commission, qui concerne les financements publics accordés par des sources étrangères à des entreprises actives sur le marché de l’Union, et susceptibles d’entraver le fonctionnement du marché, constitue un instrument opérationnel utile et approprié. Cela dit, il s’imposera de procéder ultérieurement à une mise au point de certains aspects de l’intervention réglementaire qui sont par nature complexes et élaborés.

1.3.

Dans la proposition à l’examen, la définition de la notion de subvention étrangère, particulièrement large, est susceptible de couvrir de nombreuses formes de subventions, y compris fiscales, émanant d’un État étranger. Il convient dès lors que la Commission indique quelles enquêtes elle entend privilégier en établissant, le cas échéant, des critères pour régir le traitement des différentes pratiques, dans un souci de transparence et de simplification.

1.4.

La proposition confie à la Commission la charge de filtrer les investissements effectués dans l’Union européenne par des entités subventionnées de l’étranger. À cet égard, le CESE juge opportun que la Commission clarifie précisément le champ d’application du règlement, le cas échéant au moyen de lignes directrices, afin de garantir son application uniforme au niveau de l’Union et de réduire au minimum le risque d’interprétations divergentes avec les États membres responsables du filtrage des investissements étrangers. À cette fin, il propose également la création, à l’intention des entreprises, d’un guichet d’information sur la réglementation relative aux subventions étrangères, aux exigences et aux obligations de notification qui en découlent.

1.5.

Aux fins de l’ouverture de la procédure, la Commission évalue la subvention étrangère au regard de ses effets négatifs et positifs sur le développement de l’activité économique en question. Le CESE estime important que la Commission fournisse des orientations supplémentaires sur la manière dont une telle évaluation doit être effectuée dans la pratique, sur ses effets positifs potentiels ou sur le moment où la mise en balance se justifie.

1.6.

En ce qui concerne le régime actuel de contrôle des concentrations, le CESE estime que la Commission devrait clarifier sa relation avec le nouveau régime proposé afin d’éviter tout décalage dans les délais et les résultats, ce qui entraînerait des charges considérables pour les entreprises.

1.7.

Pour que la Commission ouvre la procédure, le montant total des subventions étrangères doit dépasser le seuil des 5 millions d’EUR pendant trois exercices fiscaux consécutifs. Le CESE estime que ce seuil est assez bas en termes absolus et juge opportun de suggérer à la Commission de le relever afin d’éviter les cas de moindre importance, notamment dans l’intérêt des petites et moyennes entreprises.

1.8.

Dans le domaine des marchés publics, le risque d’enquêtes d’office et d’un vaste réexamen des appels d’offres publics est potentiellement source de risques et de charges pour les entreprises qui opèrent et investissent dans l’Union. Il est donc nécessaire que la Commission simplifie et clarifie autant que possible le régime applicable afin de faciliter l’application des nouvelles règles, en particulier lorsqu’elles sont en concurrence avec la législation existante, ce qui allégera la charge administrative pour les entreprises de l’Union.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE juge essentiel que l’Union européenne et ses marchés demeurent ouverts et concurrentiels et considère que cet aspect revêt une importance fondamentale pour le bon fonctionnement et l’équilibre du système socio-économique de l’Union, la solidité de ses entreprises et le bien-être de ses citoyens, qui constituent également la base de son modèle d’autonomie stratégique (1). Il estime, à cet égard, que l’objectif de protection du marché unique contre les subventions entraînant une concurrence déloyale doit s’accompagner d’un instrument efficace qui soit appliqué de manière cohérente dans l’ensemble de l’Union, avec le moins de charges possibles pour les entreprises.

2.2.

Le 17 juin 2020, la Commission a adopté un livre blanc sur les subventions étrangères visant à examiner la question, à lancer un débat public et à proposer des solutions possibles. Le livre blanc met en évidence un vide législatif dans les règles de l’Union européenne relatives aux aides d’État en matière de concurrence, de commerce et de marchés publics, qui l’empêche effectivement d’intervenir lorsque des subventions étrangères provoquent des distorsions sur le marché intérieur, favorisant certaines fusions ou certains soumissionnaires. Le livre blanc a en outre révélé plusieurs problèmes liés à l’accès au financement européen par les opérateurs bénéficiant de subventions étrangères, ce qui pourrait fausser la concurrence lors de l’octroi de fonds européens. À ce jour, aucun État membre n’a adopté de législation visant à remédier aux effets de distorsion potentiels des subventions étrangères.

2.3.

La question des subventions étrangères n’est pas nouvelle et a été soulignée à plusieurs reprises au niveau de l’Union. Le Conseil a fait référence au livre blanc de la Commission dans ses conclusions du 11 septembre 2020; dans ses conclusions des 1er et 2 octobre 2020, le Conseil européen a appelé à élaborer «d’autres instruments pour lutter contre les effets de distorsion des subventions étrangères sur le marché unique». Dans son rapport de février 2020 sur la politique de concurrence, le Parlement européen a invité la Commission à se doter «d’outils d’enquête appropriés au cas où une entreprise serait considérée comme ayant un comportement générateur de distorsion en raison de subventions publiques ou comme réalisant des bénéfices excessifs sur la base d’une position dominante sur le marché de son pays d’origine». Dans une lettre conjointe adressée aux vice-présidents exécutifs de la Commission Vestager et Dombrovskis et au commissaire Breton, un groupe de 41 membres du Parlement européen a exprimé un soutien fort en faveur d’un instrument destiné à s’attaquer aux «entreprises de pays tiers qui ont reçu un soutien étatique important».

2.4.

Comme annoncé dans le programme de travail 2020-2021 de la Commission, la proposition de règlement à l’examen régit en détail un nouvel instrument opérationnel (un système de notification ex ante des cas les plus importants et susceptibles de fausser la concurrence, ainsi qu’une procédure à lancer d’office) afin de combler le vide réglementaire existant dans la législation européenne et de garantir des conditions de concurrence équitables dans le marché intérieur en évitant la création de conditions de concurrence inégales. En substance, la proposition de règlement est également mentionnée au point 3.2.6 de la communication sur le réexamen de la politique commerciale en ce qui concerne le respect de conditions de concurrence équitables.

2.5.

En résumé, l’objectif de la législation proposée est d’enquêter et, le cas échéant, de décourager ou d’empêcher les fusions, les marchés publics et les comportements sur le marché des entreprises subventionnées à l’étranger qui sont susceptibles de fausser le marché intérieur de l’Union européenne. Elle prévoit la notification obligatoire des fusions lorsque le chiffre d’affaires de l’entreprise concernée dépasse 500 millions d’EUR et que les parties ont bénéficié de plus de 50 millions d’EUR de contributions financières étrangères au cours des trois dernières années, ainsi que des appels d’offres publics dont la valeur du marché est supérieure à 250 millions d’EUR, lorsque des entités subventionnées étrangères sont impliquées. La proposition prévoit également la possibilité pour la Commission d’enquêter sur le comportement sur le marché, y compris les fusions et acquisitions inférieures à ces seuils, de toute entité bénéficiant d’aides financières étrangères supérieures à 5 millions d’EUR pendant trois années consécutives.

2.6.

La proposition montre que le problème n’est pas l’investissement étranger, mais bien les subventions qui facilitent l’acquisition d’entreprises de l’Union, influencent les décisions d’investissement, faussent les échanges de biens et de services, orientent le comportement des bénéficiaires et nuisent à la concurrence. Contrairement aux subventions, pour lesquelles la Commission se réserve le pouvoir d’intervenir exclusivement, dans le cas des investissements étrangers, la compétence revient aux États membres qui ont toujours la possibilité de filtrer les investissements étrangers pour des raisons de sécurité ou d’ordre public.

2.7.

Cette possibilité est régie par le règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil (2), applicable depuis le 11 octobre 2020, qui établit un système d’échange d’informations entre la Commission et les États membres et améliore les mécanismes de contrôle, lorsque cela est déjà prévu, permettant ainsi à la Commission de formuler des observations ou d’adopter des avis sur les opérations approuvées par les États membres. Ce règlement couvre principalement les investissements dans les infrastructures et les technologies critiques, les données sensibles et les médias, sans fixer de seuils minimaux, ce qui permet aux États membres d’examiner presque tous les investissements en provenance de pays tiers.

3.   Observations particulières

3.1.

La proposition de règlement définit très largement les «subventions étrangères» (article 2): elle inclut toute intervention par laquelle un pays tiers octroie une contribution financière qui confère un avantage à une entreprise exerçant une activité économique dans le marché intérieur, que cette contribution soit limitée à une seule entreprise ou qu’elle concerne plusieurs entreprises ou des associations d’entreprises. Ces contributions financières peuvent prendre des formes très diverses, parmi lesquelles le transfert de fonds ou de passifs, les apports en capital, les subventions, les prêts, les garanties de prêts, les incitations fiscales, les compensations de pertes d’exploitation, les compensations de charges financières imposées par les pouvoirs publics, les annulations ou les rééchelonnements de dettes, l’abandon de recettes normalement exigibles, ou encore la fourniture ou l’achat de biens ou de services.

3.2.

Selon la proposition, la large définition des subventions étrangères, essentiellement conforme à la définition européenne des aides d’État, devrait dès lors couvrir de nombreuses formes de subventions et d’incitations provenant d’un État étranger, ce qui soulève des questions quant à la capacité réelle de la Commission à faire face à l’énorme volume de travail, qui concernera en fait des subventions de toute nature accordées par les États du monde entier. Cela pourrait créer une situation d’insécurité juridique et entraîner un risque de litiges éventuels de la part de concurrents dans les fusions et acquisitions contestées. Dans cette éventualité, il conviendrait d’indiquer clairement à quelles enquêtes la Commission entend donner la priorité et si, à cet égard, elle envisage d’établir des critères à communiquer à l’avance.

3.3.

La proposition confie essentiellement à la Commission la tâche de filtrer les investissements effectués dans l’Union par des entités subventionnées de l’étranger. Toutefois, certains États pourraient considérer que ces décisions relèvent de leur compétence dans le cadre de leurs régimes nationaux de filtrage des investissements étrangers. À cet égard, le CESE juge opportun que la Commission clarifie précisément le champ d’application du règlement, y compris, le cas échéant, au moyen de lignes directrices, afin de garantir son application uniforme au niveau de l’Union et de réduire au minimum les risques d’interprétations divergentes de la part des États membres. À cette fin, il propose également la création, à l’intention des entreprises, d’un guichet d’information sur la réglementation relative aux subventions étrangères, aux exigences et aux obligations de notification qui en découlent.

3.4.

Le règlement proposé se traduit dès lors par un nouveau système de contrôle qui est à la fois ex ante (pour les concentrations importantes et les procédures de passation des marchés publics) et ex post, qui s’ajoute à celui qui est actuellement envisagé pour les concentrations de l’Union et suit le même modèle, mais avec des différences (chapitre 3). Là encore, les opérations devant faire l’objet d’une notification comprennent les fusions, les acquisitions de contrôle et les entreprises communes de plein exercice, bien que les seuils financiers soient différents de ceux prévus par le règlement sur les concentrations.

3.5.

La Commission évaluera s’il y a «distorsion dans le marché intérieur» (article 5); cette évaluation se limitera à la fusion en question, même s’il ne semble pas nécessaire de demander à la Commission d’établir un lien de cause à effet direct entre l’opération et la distorsion du marché. Il y a distorsion du marché intérieur lorsqu’une subvention étrangère est en mesure d’améliorer la position concurrentielle de l’entreprise sur le marché intérieur et que, de ce fait, elle fausse effectivement ou potentiellement la concurrence dans le marché intérieur.

3.6.

Le règlement proposé confère dès lors à la Commission un large pouvoir d’appréciation en citant comme indicateurs potentiellement pertinents le montant et la nature de la subvention, la situation de l’entreprise et des marchés concernés, le niveau d’activité économique de l’entreprise sur le marché intérieur, l’objet et les conditions de la subvention étrangère, ainsi que son utilisation dans le marché intérieur.

3.7.

Dans ce contexte, la Commission serait autorisée à évaluer les effets négatifs d’une subvention étrangère en termes de distorsion du marché intérieur par rapport à ses effets positifs «sur le développement de l’activité économique concernée» (article 5); si les effets positifs l’emportent, aucune mesure ne sera prise. Dans ce cas, il apparaît utile que la Commission fournisse des orientations supplémentaires sur la manière dont cette évaluation est effectuée dans la pratique, en particulier sur la nature des effets positifs éventuels ou sur la mise en balance lorsqu’elle se justifie. À cet égard, il convient de noter que la Commission a élaboré des orientations exhaustives et détaillées sur les subventions internes à l’Union européenne compatibles avec le marché intérieur.

3.8.

Si la Commission estime qu’une subvention étrangère fausse le marché intérieur, elle peut imposer des mesures réparatrices pour remédier au préjudice causé (article 6). Les entreprises peuvent également présenter des engagements pour remédier aux distorsions alléguées et la Commission peut rendre ces engagements obligatoires. Les engagements ou les mesures réparatrices peuvent inclure l’octroi d’un accès aux infrastructures à des conditions équitables et non discriminatoires, l’octroi de licences pour les actifs acquis ou développés à l’aide de subventions étrangères, la réduction de la capacité ou de la présence sur le marché, l’interdiction de certains investissements, la publication des résultats de recherche et développement, la cession d’actifs, le remboursement de la subvention étrangère au pays tiers avec intérêts ou la dissolution de la concentration.

3.9.

À cet égard, nous estimons qu’il serait préférable de clarifier le rapport entre le nouveau régime proposé et le régime actuel de contrôle des concentrations dans l’Union européenne. Bien que les seuils de notification et l’évaluation de fond soient différents, de nombreuses opérations pourraient être notifiées à la Commission dans le cadre des deux régimes en parallèle, avec le risque d’un décalage dans les délais et les résultats, ce qui entraînerait des charges importantes pour les entreprises.

3.10.

La proposition de règlement propose un régime de notification obligatoire distinct pour les marchés publics de l’Union européenne d’une valeur supérieure à 250 millions d’EUR (chapitre 4). Les entreprises participant à ces marchés notifient à l’entité adjudicatrice toutes les contributions financières étrangères reçues au cours des trois années précédant la notification ou la nécessité de déclarer qu’elles n’ont reçu aucune contribution financière étrangère au cours de cette période (article 28).

3.11.

Les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de communiquer immédiatement ces notifications à la Commission, laquelle dispose d’un délai de 60 jours à compter de la notification pour mener à bien une vérification préliminaire et de 140 jours supplémentaires pour procéder à une enquête approfondie, qui peut être prolongée dans des cas exceptionnels. Les notifications ne suspendent pas la procédure de passation de marché, mais le pouvoir adjudicateur ne sera pas en mesure de définir la procédure et d’attribuer le marché à une société faisant l’objet d’un recours de la Commission. La Commission peut infliger aux entreprises ne respectant pas l’obligation de notification des amendes pouvant aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires total. Il s’agit d’une procédure assez lourde qui risque de ralentir l’achèvement de procédures complexes telles que les procédures de passation de marchés, qui sont essentielles pour permettre aux États membres de mettre en œuvre les plans de NextGenerationEU.

3.12.

Le règlement proposé permet à la Commission d’agir de sa propre initiative pour enquêter sur toute distorsion potentielle du marché intérieur de l’Union par une subvention étrangère (chapitre 2). L’unique exigence requise pour que la Commission ouvre la procédure est que le montant total des subventions étrangères dépasse le seuil des 5 millions d’EUR pendant trois exercices fiscaux consécutifs. Ce seuil est assez bas en termes absolus, aussi le CESE juge-t-il opportun de suggérer à la Commission de le relever afin d’éviter les cas de moindre importance, dans l’intérêt des petites et moyennes entreprises. En outre, la Commission a le pouvoir d’enquêter sur les contributions financières étrangères en remontant jusqu’à 10 ans avant le début de son enquête, et a la possibilité d’examiner les subventions étrangères accordées au cours des 10 années précédant la date d’entrée en vigueur du nouveau règlement, si les effets de distorsion se produisent après l’entrée en vigueur du règlement.

3.13.

Le règlement proposé aura un effet économique important, étant donné qu’il concerne potentiellement toutes les entreprises bénéficiant d’un soutien de pays tiers et exerçant des activités économiques dans l’Union (en particulier pour les fusions et acquisitions ou les appels d’offres pour des marchés publics dépassant les seuils fixés), en plus des répercussions positives en particulier sur toutes celles qui ne reçoivent pas de subventions étrangères.

3.14.

Dans la pratique, la proposition permettra à la Commission d’appliquer aux subventions accordées par des gouvernements de pays tiers un contrôle similaire à celui autorisé par les règles de l’Union en matière d’aides d’État. Cela risque d’ajouter un niveau de complexité supplémentaire à un cadre réglementaire déjà très élaboré, avec une lourde charge pour les entreprises de l’Union. Par exemple, une même transaction pourrait être soumise à l’avenir à trois procédures différentes: le contrôle des fusions, le filtrage des investissements étrangers et le contrôle des subventions étrangères dans le cadre de la proposition, chacun ayant ses propres règles de procédure et son calendrier.

3.15.

Dans le domaine des fusions et acquisitions, l’examen des subventions étrangères s’ajouterait aux notifications obligatoires (au niveau de l’Union européenne ou au niveau des États membres) au titre du contrôle des concentrations et aux notifications nationales concernant les investissements étrangers, avec le risque de litiges avec les entreprises concernées.

3.16.

Dans le domaine des marchés publics, le risque d’enquêtes d’office et d’un vaste réexamen des appels d’offres publics est potentiellement source de risques et de charges pour les entreprises qui opèrent et investissent dans l’Union. Cela concernerait les acteurs étrangers qui investissent dans l’Union européenne ainsi que les entreprises qui y ont leur siège et qui peuvent compter sur des contributions financières étrangères (par l’intermédiaire d’investisseurs étrangers ou d’aides à des projets spécifiques). Dans ce cas, les entreprises devraient examiner attentivement toutes les subventions étrangères reçues afin d’évaluer l’application éventuelle des nouvelles règles.

3.17.

Il est donc nécessaire que la Commission simplifie et clarifie autant que possible le régime applicable afin de faciliter l’application des nouvelles règles, en particulier lorsqu’elles sont en concurrence avec la législation existante, et d’alléger la charge administrative pour les entreprises de l’Union.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Communication de la Commission intitulée «L’heure de l’Europe: réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération» [COM(2020) 456 final]. Voir aussi la communication de la Commission intitulée «Système économique et financier européen: favoriser l’ouverture, la solidité et la résilience» [COM(2021) 32 final].

(2)  Règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union (JO L 79 I du 21.3.2019, p. 1).


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/92


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux crédits aux consommateurs

[COM(2021) 347 final — 2021/0171 (COD)]

(2022/C 105/14)

Rapporteur:

Bogdan PREDA

Consultation

Parlement européen, 8.7.2021

Conseil, 14.7.2021

Base juridique

Article 114, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

30.9.2021

Adoption en session plénière

21.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

159/5/16

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de cette mise à jour de la législation sur le crédit à la consommation, mais souligne qu’il existe encore des domaines dans lesquels la directive manque d’ambition ou ne garantit pas un juste équilibre entre ses objectifs et les solutions proposées. En outre, le Comité estime que les solutions mises en avant dans la directive devraient se concentrer davantage sur l’impact de la numérisation, l’augmentation de l’utilisation des appareils numériques et la fourniture de prêts à la consommation écologiques pour aider les consommateurs à effectuer des achats plus durables.

1.2.

Le CESE apprécie les efforts déployés par la Commission européenne pour encourager les campagnes visant à favoriser l’’éducation financière et l’habileté numérique, de telles initiatives ne pouvant qu’être bénéfiques aux consommateurs et aux prêteurs.

1.3.

Le CESE note qu’il ressort des données relatives à l’origine du surendettement que fixer un plafonnement des taux d’intérêt visant à éviter des pratiques tarifaires extrêmes pourrait procurer des avantages tangibles aux consommateurs vulnérables, à condition que ce plafonnement soit correctement calibré après une analyse approfondie du marché et de l’impact potentiel qu’il pourrait avoir à l’avenir. Par conséquent, le Comité fait remarquer que la directive relative aux crédits aux consommateurs devrait fournir une méthodologie claire et harmonisée que les États membres pourraient envisager en vue d’appliquer un tel plafonnement pour prévenir et décourager ces pratiques extrêmes qui pourraient conduire au surendettement. Cela garantirait également des conditions de concurrence équitables pour les prêteurs de différents pays.

1.4.

Le CESE juge utile de préciser davantage l’obligation faite à tous les prêteurs de procéder à une évaluation approfondie de la solvabilité des consommateurs. À cet égard, il approuve l’approche de la Commission concernant le type de données à utiliser dans le cadre de cette évaluation, y compris l’exception concernant les données à caractère personnel sensibles, telles que les données relatives à la santé. Il est en effet essentiel de garantir dans ce processus une approche équilibrée. Néanmoins, il est de la plus haute importance de bien insister dans la directive sur le fait que même une évaluation approfondie de la solvabilité n’équivaut nullement à une garantie que le prêt sera remboursé.

1.5.

Le CESE estime que le texte de la directive relative aux crédits aux consommateurs devrait être révisé de manière à garantir l’égalité de traitement entre tous les prêteurs, depuis la procédure d’autorisation jusqu’aux règles et obligations opérationnelles, et ce afin d’assurer des conditions de concurrence équitables pour tous les concurrents.

1.6.

Le CESE est d’avis que la Commission devrait approfondir son analyse des obligations relatives à l’information précontractuelle pour trouver un juste équilibre entre la nécessité et la pertinence de l’information destinée aux consommateurs, ainsi que la manière la plus efficace et la plus souple de la présenter, tout en tenant compte de la numérisation de l’ensemble du processus.

1.7.

Le CESE recommande à la Commission de clarifier le texte de la directive relative aux crédits aux consommateurs en ce qui concerne le remboursement anticipé.

2.   Introduction

2.1.

Le présent avis porte sur la proposition de directive de la Commission relative aux crédits aux consommateurs abrogeant la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil (1) concernant les contrats de crédit aux consommateurs.

2.2.

Comme indiqué dans l’exposé des motifs, la nécessité de la nouvelle directive se justifie par le fait que, depuis 2008, la numérisation s’est intensifiée et a profondément modifié à la fois les habitudes en matière de prêt (avec, par exemple, l’apparition de nouveaux moyens de publier des informations sous forme numérique, d’évaluer la solvabilité des consommateurs grâce à des systèmes automatisés de prise de décision et des données non conventionnelles) et le profil des prêteurs. Dans le contexte de la crise de la COVID-19, il est également devenu nécessaire de proposer des instruments législatifs propres à alléger la charge financière qui pèse sur les citoyens et les ménages les plus vulnérables sur le plan financier.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission visant à actualiser le cadre juridique relatif aux crédits à la consommation. Le marché a effectivement évolué depuis 2008 et les dispositions actuelles ne couvrent pas correctement tous les types d’acteurs et de produits, ce qui signifie que, dans certains domaines, les consommateurs ne bénéficient pas d’une protection adéquate ou encore que les règles en vigueur peuvent être améliorées.

3.2.

Le CESE estime que les deux principaux objectifs à la base de l’élaboration de la directive, à savoir i) atténuer le préjudice subi par les consommateurs qui souscrivent des prêts sur un marché en pleine évolution et ii) faciliter l’octroi transfrontière de crédits à la consommation et stimuler la compétitivité du marché intérieur, sont étroitement liés et qu’ils sont essentiels pour garantir un niveau adéquat de couverture et une application uniforme de la nouvelle directive. Par exemple, une proposition visant à imposer des plafonds obligatoires aux coûts des crédits à la consommation devrait être davantage détaillée et harmonisée dans le cadre de la directive relative aux crédits à la consommation, en suivant une méthodologie claire. Cela est nécessaire pour assurer un niveau uniforme de protection des consommateurs, en empêchant efficacement les pratiques de prêt irresponsables dans l’ensemble de l’UE et le développement de produits de crédit à la consommation à des taux usuraires ou très onéreux, qui ciblent souvent les consommateurs les plus vulnérables et peuvent dans de nombreux cas conduire à des situations de surendettement. Une telle méthodologie harmonisée est également nécessaire pour garantir des conditions de concurrence équitables pour des prêteurs de différents pays.

3.3.

Étendre le champ d’application de la directive et clarifier les définitions de plusieurs termes ne peut qu’être bénéfique, tant pour les consommateurs que pour les prêteurs, et rendre plus explicites les droits et les obligations connexes. En outre, le CESE estime que la proposition visant à imposer aux États membres l’obligation de mettre à la disposition des consommateurs surendettés ou vulnérables des services indépendants de conseil en matière de gestion de dettes devrait également aider les consommateurs qui se trouvent dans des situations difficiles. De plus, le Comité souhaiterait suggérer que la directive encourage les prêteurs à adopter des politiques facilitant la détection précoce des difficultés financières, qui incluront également des dispositions relatives aux mesures de restructuration. Mises en œuvre, ces deux mesures permettraient de prévenir les situations de surendettement et encourageraient les prêteurs à trouver des solutions pour les emprunteurs en difficulté.

3.4.

Le CESE apprécie les efforts déployés par la Commission pour encourager les initiatives en matière d’éducation financière et d’habileté numérique visant à s’assurer que les consommateurs comprennent bien les produits de prêt et les risques qu’ils prennent lorsqu’ils souscrivent un crédit. Le Comité y voit la méthode la plus efficace pour préserver leur santé financière. À cet égard, il estime nécessaire d’adapter le passage de la directive relatif à la communication entre prêteurs et consommateurs à tous les stades de leur relation contractuelle, de manière à tenir compte de la transition numérique et de l’utilisation accrue des appareils numériques.

3.5.

Le CESE apprécie également les efforts de la Commission visant à instaurer des règles claires en matière de services de conseil financier concernant les contrats de crédit. Il souhaiterait toutefois qu’une vision juridique claire soit établie quant à la manière dont ces services peuvent être proposés.

3.6.

Le CESE se félicite de l’initiative visant à préciser davantage l’obligation faite à tous les prêteurs de procéder à une évaluation approfondie du degré de solvabilité des consommateurs, afin de vérifier s’ils sont en mesure d’assumer les crédits en question et si leurs besoins financiers sont protégés, tout en évitant les pratiques irresponsables en matière de prêts ou le surendettement. Cependant, la Commission devrait garder à l’esprit que les nouvelles règles ne peuvent, et ne devraient pas, transférer sur les prêteurs la responsabilité de la capacité réelle de remboursement des consommateurs, étant donné qu’il appartient à ces derniers de faire tout leur possible pour honorer leurs obligations de remboursement de leur dette et pour gérer leurs dépenses personnelles avec prudence. Le Comité invite la Commission à poursuivre l’analyse du texte de la directive pour éviter toute ambiguïté sur le fait qu’une évaluation approfondie de la solvabilité ne constitue en rien une garantie de remboursement du prêt. Par ailleurs, pour garantir une protection adéquate des consommateurs, le CESE invite la Commission à préciser les situations où, dans des circonstances spécifiques et dûment justifiées, les prêteurs ont le droit, sans aucune obligation à cet égard, d’accorder des prêts à des consommateurs même si ces derniers ne satisfont pas à l’évaluation de solvabilité.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE invite la Commission à approfondir son analyse de certaines des nouvelles définitions dans l’optique de garantir la clarté du texte. Par exemple, la définition du prêteur devrait être révisée de manière à s’assurer que toutes les sociétés de crédit seront couvertes par le champ d’application de la directive et soumises aux mêmes conditions en matière de surveillance ou d’octroi d’une licence lorsqu’elles exercent un même type d’activité. De plus, afin de garantir des conditions de concurrence équitables et d’offrir effectivement aux consommateurs le même niveau de protection, tous les prêteurs, quel que soit leur statut juridique, devraient appliquer les mêmes règles et être soumis aux mêmes obligations, y compris en matière de déclaration, sauf dans les cas des prêts à titre gratuit pour peu que l’ensemble des dispositions visant à assurer la protection des consommateurs aient été respectées.

4.2.

En ce qui concerne les obligations découlant de l’activité de crédit aux consommateurs, la directive devrait être plus ambitieuse en établissant que cette activité nécessite une autorisation ou une licence émise par l’autorité compétente pour garantir une protection adéquate des consommateurs, un suivi efficace et des conditions de concurrence équitables dans le domaine du crédit à la consommation. Le système actuellement proposé semble être un régime hybride entre l’autorisation et l’enregistrement, mais cela n’est absolument pas clair.

4.3.

Concernant la disposition spécifique relative à la conversion dans les devises nationales des prêts libellés en euros, le CESE invite la Commission à revoir l’article 4 de la directive afin d’en clarifier l’applicabilité. La solution proposée, outre le fait qu’elle ne s’aligne pas sur l’article 23 de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil (2) sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, manque de clarté quant à son intention ou son applicabilité et quant à la méthode concrète de conversion proposée.

4.4.

En ce qui concerne le principe de non-discrimination (article 6 de la directive), le CESE craint qu’il soit extrêmement difficile à mettre en œuvre pour plusieurs raisons liées principalement à la diversité des exigences au niveau national ou encore à la difficulté d’obtenir toutes les vérifications nécessaires dans le cadre du processus d’évaluation de la solvabilité. S’agissant de l’accès aux bases de données, le Comité craint que, dans certaines circonstances, il soit peu pratique ou non rentable pour les prêteurs de bénéficier d’un accès direct aux bases de données d’autres États membres, pour un certain nombre de raisons (par exemple, l’absence de demande de crédit transfrontière, des exigences différentes au niveau national ou la difficulté d’obtenir toutes les vérifications dans le cadre du processus d’évaluation de la solvabilité). Par conséquent, le CESE invite la Commission à se pencher plus avant sur le principe — notamment en étudiant l’hypothèse d’un accès indirect auxdites bases de données —, selon lequel les prêteurs pourraient, par exemple, demander les documents requis pour l’évaluation de la solvabilité via leur base de données locale ou leurs autorités fiscales nationales.

4.5.

En ce qui concerne les bases de données nationales contenant les rapports, le CESE note que le traitement des données sur le crédit pendant la pandémie de COVID-19 ou dans toute situation exceptionnelle similaire pourrait avoir une incidence sur l’intégrité du système d’information en matière de crédit et, à terme, sur l’octroi de crédits à la consommation. Par conséquent, il invite la Commission à insister dans la directive sur l’importance de continuer à partager pleinement les informations en matière de crédit, y compris la déclaration des défauts de paiement et des moratoires en période de crise comme en temps normal. En outre, conformément aux orientations de l’Autorité bancaire européenne sur l’octroi de crédit, le CESE recommande également à la Commission de préciser que les bases de données des rapports devraient contenir au moins des informations sur le comportement des consommateurs en matière de remboursement dans le cadre des contrats de prêt existants, y compris les arriérés éventuels.

4.6.

Le CESE apprécie les efforts déployés par la Commission pour rendre les informations précontractuelles plus accessibles aux consommateurs. Toutefois, de son point de vue, la solution appropriée ne devrait pas consister à créer un document supplémentaire, à savoir la fiche récapitulative européenne normalisée en matière de crédit aux consommateurs, qui serait susceptible d’entraîner une charge supplémentaire pour les consommateurs et les prêteurs, et d’induire les consommateurs en erreur, dans la mesure où ils pourraient être amenés à limiter leur analyse aux seules informations fournies dans la fiche, sans tenir compte comme il se doit de toutes les autres informations figurant dans le document «Informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs». Une meilleure solution consisterait à envisager, compte tenu de la nécessité de s’adapter aux nouvelles méthodes numériques, de simplifier le processus d’établissement (et d’exécution) de la relation contractuelle avec les consommateurs, y compris en prévoyant spécifiquement des moyens numériques pour satisfaire à l’obligation de fournir le document «Informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs».

4.7.

En ce qui concerne la dérogation aux règles en matière de ventes liées et de ventes groupées relatives à l’ouverture ou à la tenue d’un compte courant ou d’un compte d’épargne, il est très peu probable qu’il soit effectivement dans l’intérêt du consommateur de la limiter aux seuls comptes dont l’unique finalité relève d’exigences liées au crédit. Selon le texte, les prêteurs devraient interdire aux consommateurs d’utiliser les comptes en question à des fins personnelles, en dehors des exigences liées au crédit. Le CESE convient que le consommateur ne devrait pas être contraint d’ouvrir un compte qui n’est pas nécessaire au déploiement ou au remboursement du crédit, mais que, si un tel compte était ouvert, il devrait pouvoir l’utiliser comme bon lui semble.

4.8.

En ce qui concerne les droits des consommateurs lorsque l’évaluation de la solvabilité implique l’utilisation du profilage ou d’un autre traitement automatisé de données à caractère personnel, le CESE estime que la solution proposée présente le risque de compromettre la capacité des établissements financiers à établir des conditions d’évaluation en fonction de leur propre appétence au risque, réduisant ainsi la flexibilité du processus. Le Comité est d’avis que l’ensemble du paragraphe 6 de l’article 18 devrait être reformulé conformément aux exigences du règlement général sur la protection des données (RGPD). En effet, le consommateur jouit des droits que le règlement général confère lorsque l’évaluation de la solvabilité est effectuée exclusivement automatiquement et produit des effets qui concernent un particulier.

4.9.

Le CESE estime que le remboursement anticipé des prêts constitue une disposition centrale de la directive car il vise à promouvoir la compétitivité du marché et à s’attaquer aux situations de surendettement. Il apprécie l’intention générale de la proposition. Toutefois, le Comité souligne qu’il est nécessaire de réviser le texte de la directive relative aux crédits aux consommateurs afin i) de faciliter réellement l’exercice de ce droit et ii) d’éviter les litiges survenus concernant la définition de «tous les coûts».

4.10.

Le CESE note qu’il ressort des données relatives à l’origine du surendettement que fixer un plafonnement des taux d’intérêt visant à éviter des pratiques tarifaires extrêmes pourrait procurer des avantages tangibles aux consommateurs vulnérables, à condition que ce plafonnement soit correctement calibré après une analyse approfondie du marché et de son impact potentiel. Une telle approche devrait garantir que les mesures sont effectivement bénéfiques pour les consommateurs tout en évitant tout effet inverse.

4.11.

Conformément à la dernière directive en date sur la protection des consommateurs, l’article 44 de la directive à l’examen précise que les États membres doivent introduire dans leur droit national des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de violation des règles de transposition de la directive. Le CESE se félicite de ces dispositions, mais demande à la Commission de faire en sorte que la directive établisse clairement que les sanctions administratives ne pourront porter atteinte au droit des consommateurs d’obtenir une indemnisation ou un remboursement, selon le cas.

Bruxelles, le 21 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO L 133 du 22.5.2008, p. 66).

(2)  Directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 (JO L 60 du 28.2.2014, p. 34).


ANNEXE

Les textes ci-après, qui figuraient dans l’avis de la section, ont été écartés en faveur d’amendements adoptés par l’assemblée, mais ont recueilli au moins un quart des voix exprimées:

AMENDEMENT 2

Déposé par:

Reet TEDER

INT/956 — Contrats de crédit aux consommateurs

Paragraphe 4.1

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Le CESE invite la Commission à approfondir son analyse de certaines des nouvelles définitions dans l’optique de garantir la clarté du texte. Par exemple, la définition du prêteur devrait être révisée de manière à s’assurer que toutes les sociétés de crédit seront couvertes par le champ d’application de la directive et soumises aux mêmes conditions en matière de surveillance ou d’octroi d’une licence lorsqu’elles exercent un même type d’activité. De plus, afin de garantir des conditions de concurrence équitables et d’offrir effectivement aux consommateurs le même niveau de protection, tous les prêteurs, quel que soit leur statut juridique, devraient appliquer les mêmes règles et être soumis aux mêmes obligations, y compris en matière de déclaration.

Le CESE invite la Commission à approfondir son analyse de certaines des nouvelles définitions dans l’optique de garantir la clarté du texte. Par exemple, la définition du prêteur devrait être révisée de manière à s’assurer que toutes les sociétés de crédit seront couvertes par le champ d’application de la directive et soumises aux mêmes conditions en matière de surveillance ou d’octroi d’une licence lorsqu’elles exercent un même type d’activité. De plus, afin de garantir des conditions de concurrence équitables et d’offrir effectivement aux consommateurs le même niveau de protection, tous les prêteurs, quel que soit leur statut juridique, devraient appliquer les mêmes règles et être soumis aux mêmes obligations, y compris en matière de déclaration , sauf dans les cas des prêts à titre gratuit pour peu que l’ensemble des dispositions visant à assurer la protection des consommateurs aient été respectées .

Résultat du vote:

Voix pour:

88

Voix contre:

79

Abstentions:

21

COMPROMIS SUR L’AMENDEMENT 3

Déposé par:

Bogdan PREDA

INT/956 — Contrats de crédit aux consommateurs

Paragraphe 4.10

Avis section

Amendement de compromis

Le CESE note qu’il ressort clairement des données relatives à l’origine du surendettement qu’un plafonnement des taux d’intérêt procure des avantages tangibles aux consommateurs , en particulier aux consommateurs vulnérables.

Le CESE note qu’il ressort des données relatives à l’origine du surendettement que fixer un plafonnement des taux d’intérêt visant à éviter des pratiques tarifaires extrêmes pourrait procurer des avantages tangibles aux consommateurs vulnérables, à condition que ce plafonnement soit correctement calibré après une analyse approfondie du marché et de l’impact potentiel qu’il pourrait avoir à l’avenir . Une telle approche devrait garantir que les mesures sont effectivement bénéfiques pour les consommateurs tout en évitant les effets opposés .

Résultat du vote:

Voix pour:

82

Voix contre:

79

Abstentions:

17

COMPROMIS SUR L’AMENDEMENT 4

Proposé par:

Bogdan PREDA

INT/956 — Contrats de crédit aux consommateurs

Paragraphe 1.3

Avis de section

Amendement de compromis

Le CESE note qu’il ressort clairement des données relatives à l’origine du surendettement qu’ un plafonnement des taux d’intérêt procure des avantages tangibles aux consommateurs, en particulier aux consommateurs vulnérables. Toutefois, une proposition visant à imposer des plafonds aux coûts des crédits à la consommation devrait être davantage détaillée et harmonisée dans le cadre de la directive relative aux crédits aux consommateurs, en suivant une méthodologie claire, afin de garantir des conditions de concurrence équitables pour des prêteurs de différents pays.

Le CESE note qu’il ressort des données relatives à l’origine du surendettement que fixer un plafonnement des taux d’intérêt visant à éviter des pratiques tarifaires extrêmes pourrait procurer des avantages tangibles aux consommateurs vulnérables , à condition que ce plafonnement soit correctement calibré après une analyse approfondie du marché et de l’impact potentiel qu’il pourrait avoir à l’avenir . Par conséquent, le CESE note que la directive sur le crédit à la consommation devrait fournir une méthodologie claire et harmonisée que les États membres devraient envisager afin d’appliquer de tels plafonds afin de prévenir et de décourager les pratiques extrêmes susceptibles d’entraîner un surendettement . Cela garantirait également des conditions de concurrence équitables pour les prêteurs de différents pays.

Résultat du vote:

Voix pour:

88

Voix contre:

77

Abstentions:

15


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/99


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la sécurité générale des produits, modifiant le règlement (UE) no 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/357/CEE du Conseil et la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil

[COM(2021) 346 final — 2021/0170 (COD)]

(2022/C 105/15)

Rapporteur:

Mordechaj Martin SALAMON

Consultation

Parlement européen, 13.9.2021

Conseil, 23.8.2021

Base juridique

Article 114, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

30.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

231/0/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la proposition d’un règlement relatif à la sécurité générale des produits, lequel met à jour et peut améliorer la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil (1) en vigueur relative à la sécurité générale des produits, au regard notamment des défis et des nouvelles évolutions que connaissent les marchés et les technologies.

1.2.

Le CESE relève que le cadre proposé intègre nombre des enseignements tirés de 20 années de mise en œuvre de ladite directive, permettant ainsi d’espérer que les consommateurs bénéficieront d’une meilleure protection notamment lorsque les produits s’avèrent dangereux. Dans le même temps, il est plus que probable que les opérateurs économiques et les places de marché en ligne tireront profit de règles plus claires et harmonisées.

1.3.

Le CESE approuve la proposition de règlement à l’examen car elle reconnaît la nécessité d’égaliser les conditions de concurrence entre divers opérateurs économiques, notamment entre les fabricants et les PME de l’Union et des entreprises de pays tiers dans le domaine des ventes en ligne.

1.4.

Le CESE relève que les définitions des notions de «sécurité» et de «produit» ont été mises à jour afin de tenir compte du caractère évolutif des marchés et des technologies, de manière à pouvoir à présent atténuer les menaces pour la sécurité qui découlent de biens connectés susceptibles d’être piratés, d’une absence de mise à jour de logiciels et de substances nocives. Afin d’accroître la sécurité juridique, le CESE propose de renforcer la définition des produits sûrs ainsi que certains des critères utilisés pour en évaluer la sécurité.

1.5.

Le CESE approuve les nouvelles obligations imposées aux places de marché en ligne mais il doute fortement que la protection des consommateurs sera suffisante si l’effort pour mettre celle-ci en œuvre continue de reposer en premier lieu sur les autorités nationales de contrôle plutôt que sur les plateformes.

1.6.

Le CESE met en relief la nécessité d’assurer une interaction harmonieuse avec les autres principaux éléments de la législation qui portent sur des thèmes identiques ou connexes, tels que la législation sur les services numériques et celle sur les marchés numériques, ainsi que la directive sur la responsabilité du fait des produits, laquelle fera prochainement l’objet d’une révision, s’agissant notamment de la question de faire valoir la responsabilité de diverses sortes de places de marché en ligne.

1.7.

Le CESE déplore que la proposition de règlement à l’examen ne précise pas si les places de marché en ligne sont des importateurs ou des distributeurs de produits en fonction de leur activité et de leur rôle dans la chaîne d’approvisionnement (numérique) et qu’elle ne prévoie pas à leur égard des obligations et responsabilités similaires à celles qui pèsent sur les magasins physiques. Le CESE se féliciterait de davantage de clarté concernant d’éventuelles failles en matière de responsabilité.

1.8.

Le CESE estime qu’il s’impose d’étendre le travail de surveillance du marché afin de couvrir l’ensemble des biens de consommation et que ce travail devrait résulter d’efforts partagés, coordonnés, correctement financés et rationalisés partout en Europe.

1.9.

Le CESE déplore l’absence d’obligation pour les États membres de collecter et de fournir de meilleures données sur les accidents et les blessures. Faute d’une base de données sur les blessures à l’échelon de l’Union, il sera difficile de garantir une mise en œuvre d’un bon rapport coût-efficacité du règlement à l’examen et d’en effectuer par la suite des évaluations correctes. Le règlement proposé devrait donc exiger des États membres qu’ils collectent et diffusent des données sur les blessures liées aux produits de consommation en s’appuyant sur une méthodologie commune.

1.10.

Le CESE se féliciterait de l’adoption de mesures visant à soutenir les PME, et tout spécialement les microentreprises, au titre de leurs obligations, notamment une période de soutien financier, en fournissant des lignes directrices claires et utiles, des conseils et des formations adéquates afin de s’assurer que les PME ne soient pas désavantagées dans leurs efforts de mise en conformité par rapport à des opérateurs de plus grande taille disposant de davantage de ressources.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

Le règlement relatif à la sécurité générale des produits (2) est conforme au nouvel agenda du consommateur de 2020 (3) et vise:

à actualiser et moderniser le cadre juridique général en matière de sécurité des produits de consommation non alimentaires,

à préserver son rôle de filet de sécurité pour le consommateur,

à adapter les dispositions aux défis que posent les nouvelles technologies et la vente en ligne, et

à garantir des conditions de concurrence égales pour les entreprises.

2.2.

Si la proposition à l’examen remplace (4) la directive relative à la sécurité générale des produits, elle continuera de s’appliquer aux produits de consommation non alimentaires manufacturés. Le règlement proposé assurera la continuité avec la directive qu’il remplace:

en exigeant que les produits de consommation soient «sûrs»,

en créant certaines obligations pour les opérateurs économiques, et

en intégrant des dispositions relatives à l’élaboration de normes renforçant l’obligation générale de sécurité.

2.3.

La proposition de règlement vise donc à mettre à jour les règles actuellement définies dans la directive 2001/95/CE afin de garantir un filet de sécurité pour tous les produits et, parallèlement, à faire en sorte que le régime assure une plus grande cohérence en alignant également les règles de surveillance du marché pour les produits ne relevant pas du champ d’application de la législation d’harmonisation de l’Union européenne («produits non harmonisés») sur celles qui s’appliquent aux produits relevant du champ d’application de la législation d’harmonisation de l’Union («produits harmonisés»), comme le prévoit le règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil (5).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission de réviser et de moderniser la directive relative à la sécurité générale des produits dans le cadre du nouvel agenda du consommateur pour la période 2020-2025. Cette directive a fait date dans la législation relative à la protection des consommateurs au sein du marché unique en exigeant que seuls des produits sûrs soient mis sur le marché et en agissant comme filet de sécurité pour les consommateurs qui ne bénéficient pas d’une législation plus appropriée concernant un secteur donné. Le règlement sur la sécurité générale des produits conserve ce rôle essentiel.

3.2.

Au regard des enseignements tirés de la mise en œuvre de ladite directive et des changements fondamentaux qu’ont connus les produits et les marchés depuis qu’elle a été adoptée en 2001, il était devenu plus que nécessaire de la réviser. Le CESE approuve cette révision dans la mesure où si la directive constituait un instrument important en vue d’établir des conditions équitables de concurrence entre les fabricants et les PME européens vis-à-vis d’entreprises de pays tiers, il est néanmoins nécessaire de poursuivre les efforts visant à égaliser ces conditions, notamment pour ce qui est des ventes en ligne, sachant que le règlement proposé reconnaît cette nécessité.

3.3.

La nature des produits vendus aux consommateurs a évolué dans une telle mesure que les anciennes définitions des notions de «sûreté» et de «produit» sont à présent galvaudées. Une définition de la sûreté qui ne couvre que la «santé» et l’«intégrité physique» ne correspond plus aux risques réels auxquels peuvent être exposés les consommateurs. Le CESE approuve l’insertion à l’article 7 d’un certain nombre d’éléments d’évaluation de la sécurité des produits. Il déplore toutefois que les dispositions de l’article 3, paragraphe 2, ne mettent pas clairement en évidence leur lien avec l’article 7, ce qui permettrait d’accroître la sécurité juridique.

3.4.

Le CESE se félicite de l’accent mis sur la notion de «sécurité» et de la prise en compte de la «cybersécurité» parmi les exigences pour considérer un produit comme «sûr». Toutefois, afin d’accroître la sécurité juridique, il propose de prévoir expressément d’évaluer la cybersécurité du produit en toute circonstance et durant sa durée de vie. En outre, lorsque des substances nocives sont présentes dans des produits du quotidien, la directive actuelle peine à protéger les consommateurs. Le CESE tient pour évidente et inéluctable la nécessité pour tout futur cadre réglementaire de protéger les consommateurs face aux menaces que font peser sur leur sécurité des biens connectés susceptibles d’être piratés, l’absence de mises à jour de logiciel et les substances nocives; aussi se félicite-t-il des changements proposés à cet égard.

3.5.

Bien qu’il existe des initiatives d’autoréglementation visant à améliorer la protection contre les produits dangereux vendus en ligne, une récente étude de 2020 (6) a montré que les deux tiers de 250 produits testés n’étaient pas conformes à la législation sur la sécurité ni aux normes techniques de l’Union européenne, et mettaient ainsi en danger les consommateurs. Cette situation met ici en évidence la nécessité d’une réglementation efficace plutôt que d’une autoréglementation. Le CESE approuve l’adoption d’un règlement en la matière et se félicite des nouvelles obligations imposées aux places de marché en ligne, tout en mettant en garde contre la possibilité qu’elles ne soient pas pleinement aptes à protéger les consommateurs, sachant qu’une large part de la détection et du contrôle continue de relever de la responsabilité des autorités de contrôle plutôt que des plateformes. Le CESE déplore également que la proposition de règlement à l’examen ne précise pas si les places de marché en ligne sont des importateurs ou, le cas échéant, des distributeurs de produits en fonction de leur activité et de leur rôle dans la chaîne d’approvisionnement (numérique) et qu’elle ne prévoie pas à leur égard des obligations et responsabilités similaires à celles qui pèsent sur les magasins physiques. Le CESE demande de clarifier la responsabilité des plateformes dans le cas où aucun autre acteur de la chaîne d’approvisionnement ne prend la moindre mesure à l’encontre d’un produit dangereux.

3.6.

De plus en plus souvent, les consommateurs achètent en ligne, par-delà les frontières et dans le cadre de chaînes d’approvisionnement de plus en plus compliquées. Le système actuel de contrôle des marchés ne dispose que de peu de pouvoirs à l’échelon international et transfrontalier et il se présente sous la forme d’un réseau disparate médiocrement financé qui ne couvre que certains types de biens, ce qui met en évidence la nécessité d’agir. Le CESE est d’avis qu’il s’impose d’étendre le travail de surveillance du marché afin de couvrir l’ensemble des biens de consommation et que ce travail devrait résulter d’efforts partagés, coordonnés, correctement financés et rationalisés partout en Europe. Le CESE se félicite de la création d’un mécanisme d’arbitrage, ainsi que du rôle qu’y joue la Commission, pour résoudre toute différence d’interprétation et/ou de mise en œuvre qui persisterait entre États. Le CESE approuve également le développement de liens solides de coopération dans le monde entier et il encourage la participation à des initiatives internationales.

3.7.

Le règlement relatif à la sécurité générale des produits ne répondra à sa finalité de protéger les consommateurs que s’il interagit harmonieusement avec les autres principaux éléments de la législation qui portent sur des thèmes identiques ou connexes. S’agissant notamment de la question de faire valoir la responsabilité de diverses sortes de places de marché en ligne, le règlement proposé, quelle qu’en sera la forme définitive, devra pour réussir être coordonné avec la législation sur les services numériques et la directive sur la responsabilité du fait des produits et exiger qu’elles soient ajustées en conséquence. Il convient également de s’assurer de sa cohérence avec la proposition législative sur l’intelligence artificielle, la stratégie dans le domaine des produits chimiques et le plan d’action pour une économie circulaire. Si le règlement proposé reconnaît clairement l’existence de ces liens, le CESE souhaiterait néanmoins davantage de précisions détaillées sur l’interopérabilité des différents éléments de la législation afin de garantir une protection effective sur le terrain. Il serait inacceptable de laisser subsister des lacunes. Le CESE invite également à prêter attention à des initiatives en matière de coopération internationale, telles que celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques, de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement et de l’Organisation mondiale du commerce, et il encourage l’Union européenne à jouer un rôle de premier plan dans ce domaine.

3.8.

La directive relative à la sécurité générale des produits s’appuie sur le principe de précaution et le CESE se félicite que celui-ci demeure un élément fondamental de l’architecture du règlement proposé. Ce principe permet d’adopter les degrés les plus élevés de protection des consommateurs. Le CESE estime qu’il est essentiel d’ancrer le principe de précaution pour garantir la protection des consommateurs tout en offrant une notion souple qui permet au règlement proposé de s’adapter aux nouveaux défis. Par conséquent, il convient systématiquement de prendre des mesures dès lors que les données scientifiques concernant un danger pour la santé humaine ou pour l’environnement demeurent incertaines mais que les enjeux sont élevés. Cela permet également au règlement proposé de jouer plus efficacement son rôle de filet de protection, c’est-à-dire d’offrir des solutions lorsque des consommateurs sont exposés à un risque et que la législation sectorielle présente des failles. Appliquer le principe de précaution permet également de rendre la surveillance du marché plus complète.

4.   Observations particulières

Le CESE:

4.1.

approuve la transformation en règlement de la directive relative à la sécurité générale des produits car le choix de cet instrument permet d’accroître la vitesse et la cohérence de sa mise en œuvre dans toute l’Union. Si le choix d’une directive aurait permis d’en adapter les prescriptions à la législation locale, il augmenterait les coûts de mise en conformité et l’insécurité pour les entreprises commerçant par-delà les frontières ou produisant à destination de plusieurs marchés. Jusqu’à présent, l’expérience a montré que deux entreprises sur cinq font état de coûts supplémentaires liés à la disparité de la mise en œuvre de la directive relative à la sécurité générale des produits (7);

4.2.

se félicite de la clarification et de l’élargissement du champ d’application de la législation, notamment de la clarification concernant les marchés secondaires et leur prise en compte (considérant 16), de la clarification concernant l’exigence de prendre en compte le risque pour l’environnement dans l’évaluation de la sécurité d’un produit (considérant 11), et de l’élargissement du champ d’application du règlement aux prestataires de services d’exécution des commandes, permettant une surveillance plus efficace du marché;

4.3.

approuve les obligations spécifiques qu’impose le règlement aux places de marché en ligne. Le CESE signale toutefois la nécessité de combler les lacunes. Il convient de préciser plus avant ces obligations et, en particulier, d’envisager de soumettre les places de marché à l’article 5 et de porter leur responsabilité au niveau de celle d’un importateur ou, le cas échéant, d’un distributeur afin d’éviter que les plateformes ne contournent le règlement proposé et la proposition de législation sur les services numériques dans sa forme actuelle. Le CESE recommande que les places de marché en ligne aient également l’obligation de suivre (notifier et retirer) les produits vendus par leurs intermédiaires, comme le prévoit la législation sur les services numériques, afin de décharger les autorités nationales de contrôle du fardeau des actions de notification et de retrait. Il serait également souhaitable de clarifier la manière dont les obligations posées par la législation sur les services numériques s’ajouteront ou compléteront le règlement proposé;

4.4.

approuve le renforcement des exigences en matière de traçabilité et souligne que les États membres doivent disposer des instruments corrects pour assurer une traçabilité effective. À cet égard, les nouveaux pouvoirs dont dispose la Commission pour adopter des mesures d’application et mettre en place des exigences spécifiques en matière de traçabilité sont également susceptibles de renforcer la protection des consommateurs;

4.5.

approuve le renforcement des procédures de rappel mais estime qu’il devrait être obligatoire de publier systématiquement les avis de rappel. Lorsque des consommateurs ont acheté un article pour en faire cadeau ou l’ont acheté sur une place de marché de l’occasion, le système d’avis de rappel directement auprès des acheteurs, qui en soi fonctionne correctement par ailleurs, serait mis en échec dans la mesure où l’utilisateur réel du produit n’est pas le destinataire de l’avis direct de rappel;

4.6.

déplore l’absence d’obligation pour les États membres de collecter et de fournir de meilleures données sur les accidents et les blessures, alors qu’une base de données sur les blessures à l’échelon de l’Union faciliterait une mise en œuvre d’un bon rapport coût-efficacité du règlement à l’examen et par la suite, ses évaluations correctes. Le recours aux données du système d’échange rapide d’informations de l’Union européenne «RAPEX» pose problème pour mesurer le nombre de blessures subies par les consommateurs, sachant que les groupes de produits liés au plus grand nombre de blessures ne présentent guère de corrélation avec les notifications dans le cadre de RAPEX. Ce problème est de surcroît mis en relief dans le cadre de l’étude contextuelle d’évaluation des incidences, laquelle conclut qu’«il n’est tout simplement pas possible d’utiliser les données de RAPEX pour obtenir une approximation des tendances de la sécurité des produits pour les consommateurs […]» (8). Le règlement proposé devrait donc exiger des États membres qu’ils collectent et diffusent des données sur les blessures liées aux produits de consommation en s’appuyant sur une méthodologie commune, afin de constituer une base de données représentatives qui couvrent le marché unique. Le programme en faveur du marché unique pourrait offrir une base financière raisonnable pour une surveillance à l’échelle de l’Union des blessures liées aux produits. Faire peser, comme le prévoit la proposition à l’examen, le fardeau correspondant sur les opérateurs économiques en l’absence d’une stratégie claire de contrôle de l’application dans toute l’Europe risque de produire des résultats insatisfaisants;

4.7.

estime que le règlement proposé devrait permettre d’établir des critères de sécurité chimique pour les produits qui ressortent à la législation. Pour ce qui est des substances chimiques, la directive en vigueur n’établit pas ce qu’est un produit «sûr». Il n’apparaît pas clairement si le règlement dissipera plus avant le flou à cet égard. Par exemple, l’Union européenne interdit les substances cancérigènes dans les jouets, mais non dans les produits de puériculture, quand bien même l’exposition au risque est souvent la même. L’objectif de la Commission d’évoluer vers un environnement exempt de substances toxiques, tel qu’elle l’a exprimé dans sa stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques et tel que soutenu le CESE (9), devrait être réalisé dans le cadre de la mise en œuvre du règlement proposé (10);

4.8.

approuve le fait que la notion de sécurité englobera à présent les risques liés à la cybersécurité qui touchent la sécurité du consommateur. Il s’agit notamment de l’instauration opportune de la notion de «conformité en service», qu’il convient donc de surveiller au fil du temps étant donné que les mises à jour logicielles changent le produit. Cet aspect ne cesse de gagner en importance sachant que davantage de produits de consommation sont connectés, ce qui augmente les risques de leur piratage et de leur utilisation abusive et conduit à des risques potentiels pour la sécurité. Toutefois, les définitions d’un produit sûr devraient se référer clairement à ces exigences et ces critères;

4.9.

estime que la surveillance du marché devrait autant que possible atteindre le même niveau dans l’ensemble des différents secteurs. Il convient de surveiller très attentivement les changements en ce domaine afin de faire en sorte que les autorités de contrôle, dans l’ensemble des secteurs couverts, disposent d’une boîte à outils adéquate; en l’occurrence, cette question est également étroitement liée à l’union douanière. Si l’on peut se féliciter de l’accent mis sur la surveillance du marché fondée sur le risque, il sera essentiel que les autorités effectuent également des contrôles aléatoires afin d’optimiser la protection et de prévenir les dommages aux consommateurs. Dans le cas contraire, des produits dangereux, sans que cette caractéristique soit connue, ne seront détectés qu’après avoir causé des dommages aux consommateurs;

4.10.

est d’avis qu’il s’impose d’assurer la cohérence des définitions, des termes et des systèmes dans le cadre des différents instruments concernant la sécurité des produits, tout en permettant de nécessaires variations en fonction de la catégorie individuelle de produits (jouets, cosmétiques, équipements électroniques, etc.);

4.11.

se félicite du renforcement des définitions de normes de sécurité tout au long de la procédure de normalisation de manière à élaborer les normes en temps opportun et à ouvrir aux États membres la possibilité de s’opposer à des normes qui ne garantissent pas la sécurité des consommateurs et qui ne répondent donc pas à la finalité qui leur a été assignée. Afin de s’assurer que la normalisation réponde aux besoins des consommateurs et ne soit pas utilisée pour évincer du marché les acteurs de petite taille, il importe grandement de continuer à soutenir la représentation effective des consommateurs et du secteur des PME dans le cadre de la normalisation européenne (11);

4.12.

se félicite que les obligations posées par le règlement proposé s’appliquent à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, asseyant ainsi le principe selon lequel la sécurité ne saurait être soumise à des régimes «allégés» et tout produit de consommation doit être sûr. Le CESE regrette toutefois la sous-représentation des points de vue des PME au stade de la consultation, ce qui aggrave les distorsions qui prévalent déjà sur le marché. Il note en outre que les chiffres présentés au chapitre 3 «Incidence financière» de l’analyse d’impact ne constituaient que des approximations. Afin d’éviter toute distorsion future, le CESE recommande que les principaux indicateurs de réalisation clés prévus au titre des communications annuelles des États membres (en vertu de l’article 22, paragraphe 1) quantifient les incidences sur les PME et les microentreprises;

4.13.

reconnaît que ces mesures peuvent frapper de manière disproportionnée les PME, et en particulier les microentreprises, du fait de leur chiffre d’affaires moins important et du moindre capital humain dont elles disposent pour appliquer les obligations (12). Il se félicite que le cadre législatif en vigueur traite de certains de leurs besoins spécifiques grâce notamment à un régime de sanctions qui, pour infliger celles-ci, prend en compte la taille de l’entreprise [article 40, paragraphe 2, point h)] et plaide à cet égard en faveur de sanctions proportionnelles, ainsi que grâce à un système de surveillance du marché fondé sur les risques qui ne désavantage pas les entreprises de moindre taille (13). Toutefois, le CESE se féliciterait de l’adoption de mesures visant à soutenir les PME, et tout spécialement les microentreprises, au titre de leurs obligations, notamment une période de soutien financier, en fournissant des lignes directrices claires et utiles, des conseils et des formations adéquates afin de s’assurer que les PME ne soient pas désavantagées dans leurs efforts de mise en conformité par rapport à des opérateurs de plus grande taille disposant de davantage de ressources;

4.14.

se félicite que tous les consommateurs pourront avoir accès aux informations relatives à la notification du produit, à la nature du risque et aux mesures prises (14), notamment en consultant le portail «Safety Gate» (15), mais il met en garde contre le fait que cette possibilité n’amène à exiger des consommateurs d’atténuer leurs risques en acquérant cette connaissance préalablement à un achat [dans le contexte de ce qu’il serait possible d’interpréter comme «la sécurité à laquelle les consommateurs peuvent raisonnablement s’attendre», selon les termes de l’article 7, paragraphe 3, point i)]. En outre, les consommateurs en situation de vulnérabilité ou de handicap devraient pouvoir accéder aisément à ces bases de données et à ces notifications;

4.15.

relève que l’article 8, paragraphe 11, requiert des fabricants qu’ils utilisent la «Safety Business Gateway» pour alerter immédiatement les consommateurs des risques pour leur santé et leur sécurité et pour informer les autorités de surveillance du marché. Le CESE réaffirme que le règlement devrait faire systématiquement en sorte que la mise à disposition de cette information ne fasse pas peser directement ou indirectement sur les consommateurs l’obligation de consulter la base de données, laquelle obligation pouvant influencer la détermination d’un produit comme étant dangereux. En outre, les consommateurs en situation de vulnérabilité ou de handicap devraient pouvoir accéder aisément à ces notifications;

4.16.

souhaiterait obtenir une meilleure délimitation et davantage de précisions sur les différences entre le portail «Safety Gate» prévu à l’article 24, où les États membres procèdent à la notification, et la «Safety Business Gateway» prévue à l’article 25, où les opérateurs économiques fournissent aux autorités de contrôle et aux consommateurs les informations relatives à la sécurité de leurs produits, ainsi que sur la manière dont ces portails pourraient interagir;

4.17.

se félicite de la possibilité donnée aux consommateurs de présenter des réclamations aux autorités nationales compétentes (16) et d’informer le portail «Safety Gate» de risques (17), ce qui doit faire l’objet d’un suivi approprié. Le CESE demande de fournir un financement adéquat de manière que toutes ces réclamations puissent faire l’objet d’une enquête appropriée afin de contribuer à protéger efficacement les consommateurs. Il se félicite que ce mécanisme de réclamation se conjugue avec la nécessité pour les fabricants d’examiner les réclamations reçues (article 8, paragraphe 2) et de prendre des mesures correctives lorsqu’ils considèrent ou ont des raisons de croire qu’un produit qu’ils ont mis sur le marché n’est pas sûr (article 8, paragraphe 10).

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits (JO L 11 du 15.1.2002, p. 4).

(2)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la sécurité générale des produits, modifiant le règlement (UE) no 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/357/CEE du Conseil et la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil [2021/0170 (COD)].

(3)  Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Nouvel agenda du consommateur visant à renforcer la résilience des consommateurs en vue d’une reprise durable [COM(2020) 696 final].

(4)  Proposition de règlement sur la sécurité générale des produits, considérant 2.

(5)  Règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) no 765/2008 et (UE) no 305/2011 (JO L 169 du 25.6.2019, p. 1).

(6)  https://www.beuc.eu/publications/beuc-x-2021-004_is_it_safe_to_shop_on_online_marketplaces.pdf, p. 15.

(7)  Règlement sur la sécurité générale des produits, p. 13.

(8)  https://ec.europa.eu/info/files/study-support-preparation-evaluation-gpsd-well-impact-assessment-its-revision-part-1-evaluation_en, p. 40.

(9)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 181.

(10)  https://webapi2016.eesc.europa.eu/v1/documents/eesc-2020-05343-00-00-ac-tra-fr.docx/content

(11)  JO L 316 du 14.11.2012, p. 12, annexe III.

(12)  Study to support the preparation of an evaluation of the General Product Safety Directive as well as of an impact assessment on its potential revision («Étude à l’appui de la préparation d’une évaluation de la directive relative à la sécurité générale des produits ainsi que d’une analyse d’impact sur sa révision éventuelle»), p. 11 et 320. Voir également la proposition de règlement [COM(2021) 346 final], p. 13.

(13)  JO L 316 du 14.11.2012, p. 12, annexe III.

(14)  Article 31.

(15)  Article 32, paragraphe 1.

(16)  Article 31, paragraphe 4.

(17)  Article 32, paragraphe 2.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/105


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun lors de l’importation d’un certain nombre de produits industriels aux Îles Canaries

[COM(2021) 392 final — 2021/0209 (CNS)]

(2022/C 105/16)

Rapporteur:

Tymoteusz Adam ZYCH

Consultation

Conseil, 15.9.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

21.9.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

101/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient la proposition de la Commission européenne compte tenu de la haute importance qu’elle revêt pour la région sur le plan social et économique, et sachant que son adoption relève des compétences de l’Union dans le cadre de ses prérogatives en matière de réglementation des droits de douane.

1.2.

La proposition à l’examen prévoit d’étendre le règlement (UE) no 1386/2011 du Conseil (1), outre les catégories de produits déjà couvertes, à sept nouvelles catégories de produits relevant des codes NC 3903 19, 5603 94, 5604 10, 7326 90, 7607 20, 8441 40 et 8479 90 (machines à usage industriel et matières premières).

1.3.

Il est estimé que le maintien de la suspension tarifaire lors de l’importation de produits industriels tout comme l’élargissement des catégories de produits qu’elle concerne favoriseront le développement de l’économie des Îles Canaries, qui ont subi un préjudice économique considérable en raison de la pandémie de COVID-19, en comparaison avec d’autres régions de l’Union, surtout en termes de volume du PIB.

1.4.

L’imposition de contrôles de la destination particulière conformément aux dispositions du code des douanes de l’Union et de ses dispositions d’application est une procédure établie dans ce contexte et n’engendre pas de charges administratives supplémentaires importantes pour les autorités régionales et locales ni pour les opérateurs économiques.

1.5.

Le CESE souligne que l’introduction de nouveaux dispositifs juridiques visant à soutenir les régions ultrapériphériques aussi bien que le maintien de ceux déjà existants revêtent une importance primordiale pour y générer de la croissance économique, garantir l’équilibre du marché intérieur et créer des emplois localement.

1.6.

De l’avis du CESE, si l’on veut s’assurer que les entreprises puissent prendre des décisions d’investissement à long terme, la suspension proposée doit être établie pour une période de plusieurs années.

2.   Introduction

2.1.

Les Îles Canaries sont une communauté autonome de l’Espagne formant un archipel dans l’océan Atlantique d’une superficie totale de quelque 7 446,95 km2, composé de treize îles situées à environ 1 000 km des côtes de la péninsule Ibérique. Il s’agit de l’une des régions périphériques de l’Union européenne appartenant à la catégorie de celles dites ultrapériphériques, qui forme avec les îles Selvagens, Cabo Verde, Madère et les Açores l’entité géographique appelée Macaronésie.

2.2.

La population de l’archipel s’élève actuellement à quelque 2 175 952 habitants. Les deux îles les plus peuplées sont Ténérife (904 713) et Grande Canarie (846 717), qui abritent plus de 80 % de la population totale. Une telle concentration démographique sur deux îles seulement parmi les treize que compte l’archipel est à l’origine d’une partie des problèmes socio-économiques qui se font jour dans la région, notamment le taux élevé d’émigration.

3.   Objet de la proposition de la Commission

3.1.

Le CESE note que, sur la base de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), le règlement (UE) no 1386/2011 prévoit des mesures douanières spécifiques pour les Îles Canaries au motif qu’elles font partie des régions ultrapériphériques de l’Union, en l’occurrence la suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun lors de l’importation d’un certain nombre de produits industriels.

3.2.

Les mesures prévues par le règlement (UE) no 1386/2011, dont le but était de renforcer la compétitivité des opérateurs économiques locaux et, partant, de garantir une plus grande stabilité de l’emploi dans ces îles, arrivent à expiration le 31 décembre 2021. En avril 2021, les autorités espagnoles ont demandé la prolongation de la suspension des droits autonomes du tarif douanier commun pour un certain nombre de produits. D’après la demande, les contraintes auxquelles la région est confrontée, qu’elles soient structurelles ou permanentes, sont toujours liées à l’isolement, à la dimension réduite du marché et à la fragmentation de celui-ci. Il leur est également impossible de tirer parti de l’intégration européenne dans la même mesure que les régions d’Europe continentale. Le régime de suspension dont il est question vise à réduire ces contraintes sur le marché des Îles Canaries. Par ailleurs, en raison de la crise économique provoquée par la pandémie de COVID-19, les autorités espagnoles ont également demandé la suspension des droits du tarif douanier commun pour sept nouvelles catégories de produits.

3.3.

La proposition de la Commission a pour objectif d’aider la région ultrapériphérique espagnole à tirer le meilleur parti possible de ses atouts afin de favoriser la croissance et la création d’emplois au niveau local. Elle vient compléter le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI), qui vise à soutenir le secteur primaire et la production de matières premières, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) et le financement de l’allocation spécifique supplémentaire du Fonds européen de développement régional (FEDER).

3.4.

La proposition de la Commission est conforme aux politiques de l’Union, notamment en ce qui concerne la politique globale à l’égard des régions ultrapériphériques et les politiques dans les domaines du commerce international, de la concurrence, de l’environnement, des entreprises, du développement et des relations extérieures.

3.5.

La proposition à l’examen permettra aux opérateurs économiques d’importer en franchise de droits, du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2031, une série de matières premières, pièces, composants et biens d’investissement moyennant la suspension temporaire des droits de douane.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de modification du règlement du Conseil et considère que les mesures spécifiques qu’elle prévoit peuvent être adoptées sans risque de nuire à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique de l’Union, y compris le marché intérieur et les politiques communes. Il estime que cette modification contribuera à améliorer l’équilibre du marché intérieur.

4.2.

Le CESE a signalé à de multiples occasions combien la situation des régions insulaires est significativement plus défavorable que celle des autres territoires de l’Union situés sur le continent. Elles souffrent de handicaps géographiques, démographiques ou environnementaux graves et permanents tels que: l’éloignement du continent; une étendue terrestre limitée; la dépendance aux transports maritimes et aériens, qui coûtent par ailleurs plus cher; le déclin démographique et une situation difficile sur le marché du travail; la concentration de la production dans des petites entreprises et microentreprises qui résistent moins bien que les grandes à la dynamique de transformation de l’économie; une capacité limitée à tirer parti du marché unique européen et des rapports économiques concurrentiels.

4.3.

En raison des solutions de transport limitées et des coûts plus élevés d’acheminement des biens, il y revient plus cher pour une entreprise de fabriquer un produit que si elle exerçait son activité sur le continent, ce qui se traduit directement par une compétitivité réduite. En conséquence, les entreprises locales éprouvent des difficultés à trouver des clients en dehors de leur territoire et le secteur industriel est contraint de concentrer sa production sur le marché local. Le CESE estime que l’Union devrait tenir compte, dans sa politique douanière, de cette situation difficile des régions insulaires sur le plan économique, et prendre des mesures appropriées afin de les mettre sur un pied d’égalité, du point de vue des possibilités qui s’offrent à elles comme de leur compétitivité, avec les territoires situés sur le continent.

4.4.

Le CESE fait observer que le tourisme est un facteur essentiel de stabilité économique dans de nombreuses régions insulaires, et que dans les Îles Canaries aussi, il est la première source de revenus. La part du tourisme entrant dans le PIB des Îles Canaries atteignait 28 % en 2018 et affichait une tendance à la hausse. En 2017, le nombre de touristes entrant dans l’archipel a manqué de peu de dépasser la barre des 16 millions de visiteurs, soit environ un million de plus qu’en 2016. En 2019, en revanche, ce sont 15,11 millions de personnes qui ont effectué un voyage touristique dans les Îles Canaries.

4.5.

Si l’arrivée de flux touristiques a permis de générer de la croissance économique, il ne faut pas oublier pour autant qu’il existe des aspects négatifs à faire reposer l’économie sur cette base, lesquels ont été mis en évidence avec l’apparition de la pandémie de COVID-19. D’après les données publiées par l’institut national de statistique espagnol, en 2020, le nombre de touristes étrangers dans les Îles Canaries a chuté de plus de 70 %, à peine 3,78 millions de personnes ayant visité l’archipel cette année-là. Les revenus de la région, qui a encaissé environ 4 milliards d’EUR de recettes touristiques l’an passé, se sont effondrés dans la même proportion. C’est sur l’île de Lanzarote que la chute a été la plus marquée (73,7 %), et à l’inverse c’est celle de Ténérife qui a été la plus épargnée (66,4 %). Le recul de l’activité touristique dans les Îles Canaries a entraîné une baisse du PIB d’environ 20 % en 2020, selon les estimations. De plus, l’activité dans les secteurs de la construction et de l’industrie a diminué, enregistrant une baisse estimée de 13 % par rapport à 2019. Il convient de souligner que la crise sanitaire mondiale aura des conséquences à long terme, et que les chiffres du tourisme en Europe devraient rester inférieurs à leur niveau de 2019 jusqu’en 2023 (2).

4.6.

Sous l’effet de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19 dans les Îles Canaries, le taux de chômage a lui aussi augmenté de manière significative. Il s’élevait à 18,89 % au premier trimestre 2020, mais il a grimpé en cours d’année jusqu’à atteindre 25,42 %, soit un niveau sensiblement supérieur aux moyennes nationale et européenne, s’établissant respectivement à 15,5 % et 7,1 % (Eurostat, 2021).

4.7.

Le CESE fait observer que la proposition à l’examen est conforme aux politiques de l’Union, qui a fait de la cohésion territoriale, économique et sociale l’un de ses objectifs premiers et qui s’efforce, en menant des politiques économiques appropriées, de renforcer le bloc qu’elle constitue de manière que les régions ultrapériphériques bénéficient des mêmes possibilités de développement et d’un accès égal à de meilleures conditions de vie. De fait, l’article 174 du TFUE reconnaît que les régions insulaires souffrent de handicaps nécessitant qu’une attention particulière leur soit portée.

4.8.

Le CESE fait par ailleurs observer que la hausse des prix de l’énergie ces deux dernières années et son impact sur les coûts du transport au niveau mondial ont sans aucun doute contribué à un recul plus important de la compétitivité du secteur industriel dans les îles. En outre, les avantages induits par la suspension tarifaire autonome, mise en place en 1991, ont perdu de leur efficacité. Il en résulte une dégradation de la compétitivité de l’industrie locale par rapport à la concurrence située en Espagne et dans les autres États membres d’Europe continentale. À la lumière des particularités d’ordre géographique et économique qui sont celles de la région des Îles Canaries, le CESE estime qu’il y a lieu de soutenir les mesures visant à compenser les effets négatifs découlant de sa situation.

4.9.

Le CESE note que le dispositif proposé pourrait apporter une contribution essentielle en vue de garantir la stabilité économique de ce territoire de l’Union européenne, et que sa disparition aurait un effet inflationniste sur le marché, compromettant à plus long terme une base industrielle déjà modeste dans les îles et creusant ainsi les disparités par rapport aux autres régions de l’Union.

4.10.

Le CESE considère qu’il y a lieu de soutenir également la solution déjà éprouvée consistant à subordonner le bénéfice des mesures tarifaires à la destination finale des produits, de sorte que les opérateurs économiques établis aux Îles Canaries en soient les seuls bénéficiaires.

4.11.

Le CESE signale cependant que l’absence de définition donnée au terme «détournement des échanges», employé à l’article 4, paragraphe 1, de l’acte à l’examen, pourrait faire apparaître des difficultés dans le circuit économique de la région des Îles Canaries, voire au-delà, dans toute l’Union européenne. En cas de tel «détournement des échanges», la Commission est habilitée à annuler provisoirement la suspension tarifaire autonome, avec à la clé toute une série de répercussions économiques pour la région et les entreprises locales. Le CESE souhaiterait attirer l’attention sur la nécessité de définir précisément cette notion, en termes tant qualitatifs que quantitatifs.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) no 1386/2011 du Conseil du 19 décembre 2011 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun lors de l’importation d’un certain nombre de produits industriels aux îles Canaries (JO L 345 du 29.12.2011, p. 1).

(2)  https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/126/tourism


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/108


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — «Stratégie pour un espace Schengen pleinement opérationnel et résilient»

[COM(2021) 277 final]

et sur la proposition de règlement du Conseil relatif à la création et au fonctionnement d’un mécanisme d’évaluation et de contrôle destiné à vérifier l’application de l’acquis de Schengen et abrogeant le règlement (UE) no 1053/2013

[COM(2021) 278 final — 2021/0140 (CNS)]

(2022/C 105/17)

Rapporteur:

Ionuț SIBIAN

Consultation

Commission européenne, 10.8.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

6.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

232/1/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la stratégie de la Commission européenne pour un espace Schengen pleinement opérationnel et résilient.

1.2.

Le CESE réaffirme le soutien sans réserve qu’il a apporté, dans sa résolution du 17 février 2016, aux principes qui sous-tendent la coopération Schengen, à savoir l’exercice sans entrave des libertés fondamentales prévues par les traités au sein d’un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, et la nécessité de renforcer la responsabilité conjointe et la solidarité concernant la gestion des frontières extérieures.

1.3.

Le CESE rappelle que, s’agissant de la conception et de la mise en œuvre de la politique de l’Union relative à la gestion des frontières, à l’interopérabilité, à la migration, à l’asile et à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, l’Union et ses États membres sont à tout moment liés par la charte des droits fondamentaux et tenus non seulement de respecter ses dispositions, mais aussi de les promouvoir.

1.4.

Le CESE est profondément préoccupé par les violations des droits fondamentaux signalées aux frontières extérieures de l’Union; il invite la Commission et l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) à prendre sans délai des mesures pour remédier à la situation, la contrôler, assurer le suivi des signalements et veiller à ce que les mécanismes de responsabilité prévus par le règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes soient effectivement mis en œuvre. Il demande en outre que le forum consultatif sur les droits fondamentaux soit renforcé et que la société civile organisée puisse y participer par le truchement du Comité.

1.5.

Le CESE s’inquiète du rétablissement semi-permanent des contrôles sur certaines portions des frontières intérieures des États membres et des répercussions économiques et sociales négatives que ces contrôles ont eues dans l’Union pour les entreprises, les citoyens, et plus particulièrement les travailleurs frontaliers, les communautés frontalières et les eurorégions. Il invite la Commission à contrôler et à évaluer soigneusement et à intervalles réguliers le caractère nécessaire et proportionné de ces contrôles et à prendre des mesures, le cas échéant. Il se félicite que la Commission ait l’intention de faire preuve de davantage de diligence concernant l’exercice de ses compétences d’exécution lorsque les évaluations de Schengen sont de nature à déclencher une action de sa part.

1.6.

Le CESE se déclare préoccupé par le fait que l’acquis de Schengen ne s’applique toujours pas dans son intégralité dans certains États membres, à savoir Chypre, la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie. Il se joint à la Commission pour inviter le Conseil à prendre rapidement des mesures décisives à cet égard.

1.7.

Le CESE constate que bon nombre des éléments constitutifs de la stratégie restent des propositions législatives. Il souligne qu’il a adopté des avis spécifiques sur certaines de ces propositions, notamment celles relatives au nouveau pacte sur la migration et l’asile ainsi qu’à l’interopérabilité, et invite la Commission à tenir dûment compte de ces avis.

1.8.

Le CESE fait observer que de nombreux aspects du pacte reposent sur une mise en œuvre en temps utile de la législation récemment adoptée, en particulier le règlement relatif à l’interopérabilité et le règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes 2.0. Le CESE s’inquiète de l’évolution de la situation en la matière et invite la Commission à suivre de près les éventuels retards et dépassements de budgets et à prendre des mesures efficaces pour y remédier.

1.9.

Le CESE approuve les propositions visant à améliorer le fonctionnement du mécanisme d’évaluation de Schengen, en particulier celles portant sur l’accélération du suivi, le renforcement des synergies avec le mécanisme d’évaluation de la vulnérabilité et l’attention accrue et plus horizontale accordée aux droits de l’homme, y compris le rôle envisagé pour l’Agence des droits fondamentaux. Il convient toutefois de veiller à ce que le mécanisme d’évaluation de Schengen ne politise pas des questions de nature plus technique.

1.10.

Le CESE est d’avis que le forum Schengen est en mesure d’imprimer une impulsion politique à la sauvegarde et au développement de l’espace Schengen, mais insiste pour qu’il n’entraîne pas un retour à l’approche intergouvernementale des débuts qui, conjuguée à un manque de transparence, avait compromis son fonctionnement. Les autres institutions de l’Union, ainsi que le CESE, devraient demeurer informés à tout moment et pouvoir participer à ce forum.

1.11.

Le CESE est conscient que les secteurs connexes que sont la coopération policière et la coopération judiciaire en matière pénale, y compris la coopération renforcée aux fins de la prévention du terrorisme, sont de la plus haute importance pour garantir la confiance des citoyens de l’Union et des États membres dans l’espace Schengen. Cette coopération devrait toutefois s’exercer en veillant à ce que les droits fondamentaux, y compris la sauvegarde d’un système judiciaire indépendant, soient à tout moment pleinement respectés dans l’ensemble des États membres afin que les instruments de confiance réciproque, tels que le mandat d’arrêt européen, puissent fonctionner correctement.

1.12.

Le CESE est fermement convaincu que la coopération avec les pays tiers ne devrait pas se cantonner au contrôle des migrations et de l’asile, mais plutôt prendre la forme d’un véritable partenariat ayant également pour visée l’amélioration de la situation des migrants et des réfugiés dans les pays tiers, et plus particulièrement celle des victimes de la traite des êtres humains; il s’agit également de lutter contre les causes profondes de la migration et de favoriser une migration sûre et ordonnée.

1.13.

Comme l’a souligné Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, dans son discours sur l’état de l’Union de 2021, il est crucial de convenir d’un système européen commun en matière de gestion de nos frontières extérieures, de migration et d’asile afin de ne pas permettre à des pays tiers de tirer parti d’un manque d’unité.

2.   Contexte de l’avis

2.1.

En 1985, un certain nombre d’États membres ont adopté l’accord international de Schengen et décidé d’abolir l’ensemble des contrôles aux frontières intérieures. La convention d’application de l’accord de Schengen de 1990 prévoyait les «mesures d’accompagnement» nécessaires destinées à compenser les effets externes de la levée de ces contrôles.

2.2.

Le traité d’Amsterdam a intégré l’acquis de Schengen dans l’ordre juridique de l’Union et réglé la situation particulière du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark.

2.3.

La conclusion d’accords bilatéraux avec la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenstein a permis à ces pays de participer à la coopération menée dans le cadre de Schengen.

2.4.

La Bulgarie, la Roumanie et la Croatie appliquent certaines parties de l’acquis de Schengen, mais la levée des contrôles à leurs frontières intérieures nécessite que le Conseil prenne une décision en ce sens à l’unanimité, ce qu’il a refusé de faire même si la Commission a estimé que ces pays étaient techniquement prêts.

2.5.

Depuis que l’acquis de Schengen a été intégré dans l’ordre juridique de l’Union, il s’est progressivement étoffé, notamment avec l’adoption du code frontières Schengen, du code des visas et du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. La coopération en matière de frontières, de visas, de migration et d’asile est soutenue par une série de bases de données informatiques à grande échelle pour l’échange d’informations, qui sont aujourd’hui interopérables. Il s’agit du système d’information Schengen (SIS), du système d’information sur les visas (VIS), du système européen de comparaison des empreintes digitales (Eurodac), du système d’entrée/de sortie (EES), du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) et du système européen d’information sur les casiers judiciaires pour les ressortissants de pays tiers (ECRIS-TCN).

2.6.

Bien que la responsabilité des frontières extérieures soit partagée entre l’ensemble des États membres, chacun d’eux reste responsable de sa portion de frontière extérieure; toute gestion lacunaire des frontières extérieures d’un État membre est par conséquent susceptible d’avoir de graves répercussions sur l’ensemble de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

2.7.

Au cours de ces cinq dernières années, l’espace Schengen a été soumis à une pression considérable en raison du rétablissement répété et continu des contrôles aux frontières intérieures par certains États membres. Ces mesures ont été adoptées en réponse à la crise des réfugiés et des migrants de 2015 et à la menace terroriste en Europe.

2.8.

La pandémie de COVID-19 a entraîné de nouvelles fermetures des frontières et restrictions à la libre circulation des personnes.

2.9.

En 2016, en réponse à la crise des réfugiés et des migrants de 2015, Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle entre les États membres aux frontières extérieures, a été réformée et est devenue l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. En 2019, elle a fait l’objet d’un nouveau renforcement.

2.10.

Dans son nouveau pacte sur la migration et l’asile, la Commission européenne a affirmé que «la gestion intégrée des frontières est un instrument d’action indispensable» pour assurer l’intégrité de l’espace Schengen ainsi qu’«une composante essentielle de toute politique migratoire globale». Elle a annoncé l’élaboration d’une stratégie distincte sur l’avenir de Schengen, qui a été publiée le 2 juin 2021.

2.11.

La stratégie, qui vise à rendre l’espace Schengen plus fort et plus résilient, dresse le bilan des défis auxquels celui-ci a été confronté ces dernières années, y compris pendant la crise pandémique, et définit une trajectoire qui préserve les avantages de Schengen.

2.12.

La stratégie poursuit les objectifs suivants:

1)

assurer une gestion efficace des frontières extérieures de l’Union;

2)

renforcer l’espace Schengen au niveau interne;

3)

améliorer la préparation et la gouvernance;

4)

achever l’espace Schengen.

2.13.

La nouvelle stratégie est accompagnée de la proposition de règlement du Conseil relatif à la création et au fonctionnement d’un mécanisme d’évaluation et de contrôle destiné à vérifier l’application de l’acquis de Schengen, et abrogeant le règlement (UE) no 1053/2013 (1).

2.14.

La Commission propose une révision du mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen. Les modifications présentées comprennent notamment l’accélération du processus d’évaluation ainsi qu’une procédure accélérée en cas de manquements importants susceptibles de mettre en péril l’ensemble de l’espace Schengen.

3.   Observations générales

3.1.   Une gestion moderne et efficace des frontières extérieures

3.1.1.

Le CESE est favorable à l’adoption rapide d’une politique stratégique pluriannuelle pour la gestion européenne intégrée des frontières dans le cadre du système de gestion intégrée prévu à l’article 77, paragraphe 2, point d), du TFUE. Il demande à être consulté sur cette stratégie avant qu’elle ne soit adoptée (2).

3.1.2.

Si le CESE reste favorable à une Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes qui soit efficace et à la mise en place de son bras opérationnel, il est toutefois préoccupé par l’évolution de la situation en la matière. En particulier, il attire l’attention sur les récentes conclusions de la Cour des comptes de l’Union européenne, selon lesquelles l’Agence ne s’est pas pleinement acquittée du mandat qui lui a été confié en 2016 et plusieurs risques et lacunes ont été constatés en lien avec l’exécution de son mandat de 2019 (3).

3.1.3.

Le CESE est particulièrement préoccupé par les violations des droits fondamentaux qui ont été signalées dans le cadre des activités opérationnelles coordonnées de Frontex et par le fait que l’Agence en aurait eu connaissance, une situation dont différents médias et différentes ONG se sont fait l’écho et sur laquelle s’est penché le rapport du groupe de travail de la commission LIBE du Parlement européen sur le contrôle de Frontex. Le Comité se félicite de la nomination récente d’un nouvel officier aux droits fondamentaux et du recrutement en cours de contrôleurs des droits fondamentaux, mais souligne que le bureau des droits fondamentaux doit disposer de ressources suffisantes pour s’acquitter de ses tâches en toute indépendance. Il invite l’Agence à mettre pleinement en œuvre les mécanismes et structures prévus dans son règlement fondateur en matière de responsabilité.

3.1.4.

Le CESE regrette que la stratégie mette l’accent sur le système de filtrage préalable à l’entrée; si, dans son avis sur le pacte sur la migration et l’asile, le Comité voyait ce système comme une contribution novatrice méritant d’être prise en considération, il nourrissait toutefois également des doutes quant à son application dans la pratique et le considérait comme inadéquat du point de vue des droits fondamentaux (4). Le Comité souligne qu’il y a lieu de mettre en place un mécanisme de contrôle indépendant par les États membres, comme le prévoit le règlement sur le filtrage.

3.1.5.

Le CESE a toujours considéré que des systèmes informatiques pleinement interopérables étaient une étape nécessaire pour élaborer une politique européenne cohérente et efficace. Dans cette optique, il soutient également la poursuite des efforts de numérisation des procédures en matière de visa et de dématérialisation des documents de voyage.

3.1.6.

Le CESE est préoccupé par la déclaration de la Commission selon laquelle les retards enregistrés dans certains États membres risquent d’entraver la mise en œuvre de l’interopérabilité des systèmes à l’échelle européenne. Compte tenu de l’expérience acquise avec la mise en œuvre du SIS II et de l’état d’avancement des travaux relatifs à la mise en œuvre du système d’entrée/de sortie et du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (5), le Comité souhaiterait savoir quelles mesures concrètes la Commission prévoit d’adopter pour garantir une mise en œuvre rapide de l’interopérabilité dans le cadre du budget envisagé.

3.1.7.

Le CESE souligne que la poursuite du développement technologique et l’interopérabilité complète des systèmes doivent être assurées en respectant pleinement la protection des données à caractère personnel et les droits fondamentaux. S’agissant de la proposition de révision du système Eurodac et de l’utilisation des bases de données à grande échelle en général, le CESE réaffirme que la protection des droits fondamentaux doit être dûment prise en considération au moment d’assurer l’interopérabilité complète des systèmes. Compte tenu du caractère sensible des données, en particulier en ce qui concerne les personnes qui sollicitent une protection internationale et la confidentialité de la procédure, les mesures doivent être strictement nécessaires et proportionnées. Il convient de souligner que les données à caractère personnel traitées dans le cadre de la gestion des frontières et des retours relèvent du règlement général sur la protection des données et ne sont pas considérées comme des données opérationnelles à caractère personnel au sens du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil (6).

3.1.8.

Le CESE souligne que dans le cadre de la coopération avec les pays tiers, en particulier lorsque Frontex opère sur le territoire de ces pays, les droits fondamentaux, y compris le droit à la protection des données à caractère personnel, doivent être pleinement respectés et des mécanismes appropriés de responsabilité doivent être établis.

3.2.   Mesures de renforcement de l’espace Schengen au niveau interne

3.2.1.

Le CESE se félicite de l’attention accordée aux mesures qui, bien qu’elles ne concernent pas à proprement parler le développement de l’acquis de Schengen, sont néanmoins liées au fonctionnement de l’espace Schengen.

3.2.2.

Une coopération accrue et renforcée entre services répressifs apporte une réponse plus efficace aux préoccupations sécuritaires des États membres que le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures.

3.2.3.

Le CESE souligne que toute forme de coopération policière et judiciaire en matière pénale doit respecter pleinement les droits fondamentaux, y compris les droits de la défense (7) et ceux des victimes (8). Cela signifie également qu’en cas de violation des droits fondamentaux, le partage des responsabilités entre les différents acteurs (au niveau de l’Union et des États membres) ne doit pas déboucher sur un déficit de responsabilité.

3.2.4.

Il convient de respecter à tout moment la protection des données à caractère personnel conformément aux cadres juridiques appropriés, en particulier lorsqu’il s’agit de données hautement sensibles telles que celles relevant des décisions Prüm.

3.2.5.

S’agissant de l’utilisation de l’intelligence artificielle à des fins de coopération policière transfrontière, le CESE renvoie à son avis sur le règlement sur l’intelligence artificielle (9).

3.2.6.

Le CESE souligne que l’annexe à la proposition relative à une législation sur l’intelligence artificielle (10) prévoit la possibilité d’utiliser celle-ci dans le cadre de la gestion des migrations, de l’asile et des contrôles aux frontières. Le CESE s’inquiète plus particulièrement de la référence à l’utilisation de «polygraphes et outils similaires, ou [d’outils] pour analyser l’état émotionnel d’une personne physique», la fiabilité de ces méthodes n’étant pas prouvée scientifiquement.

3.2.7.

S’agissant des mesures spécifiques proposées dans le nouveau pacte sur la migration et l’asile, le CESE renvoie à son avis du 17 décembre 2020 (11).

3.2.8.

Le CESE s’interroge sur la valeur ajoutée d’une utilisation accrue des informations préalables sur les passagers combinées aux dossiers passagers et estime que la Commission n’a pas présenté d’arguments convaincants en faveur de l’échange systématique et massif de données à caractère personnel au sein de l’espace Schengen, lequel concernerait par défaut également les citoyens de l’Union qui exercent leur droit à la libre circulation.

3.2.9.

S’agissant de l’utilisation du mandat d’arrêt européen et d’autres instruments qui facilitent la coopération en matière répressive, tels que la décision d’enquête européenne, le CESE souligne que la confiance mutuelle est indispensable au bon fonctionnement de ces instruments de reconnaissance réciproque. À cette fin, les institutions de l’Union doivent surveiller encore plus efficacement l’état de droit et les États membres prendre la responsabilité de le défendre, en particulier pour ce qui est du droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après dénommée la «charte») et à l’article 19, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne.

3.3.   Une gouvernance améliorée

3.3.1.

Le CESE se félicite que le forum Schengen puisse offrir aux États membres une enceinte de discussion pour examiner des questions politiques importantes liées à la coopération Schengen. Toutefois, les autres institutions de l’Union, ainsi que le Comité, devraient être tenus au courant et avoir le droit de participer à ces discussions. Le forum et ses initiatives devraient être aussi transparents que possible et les documents élaborés dans ce contexte devraient être accessibles. À cet égard, si le CESE salue la décision de relancer l’adoption du rapport sur la situation dans l’espace Schengen, il considère toutefois que cette mesure n’est pas suffisante.

3.3.2.

Le CESE soutient l’idée selon laquelle le code frontières Schengen doit être modifié pour y intégrer certains des enseignements tirés de la pandémie de COVID-19. Il souligne que ces enseignements dépassent la question des frontières intérieures et concernent le fonctionnement du marché intérieur lui-même. Toute modification de ce type devrait dès lors faire partie d’un examen plus vaste portant sur la pertinence du cadre réglementaire européen en matière de libre circulation dans un monde où la COVID-19 est susceptible de rester une réalité. Le CESE soutient l’idée qu’une telle démarche devrait également s’intéresser aux règles concernant les voyages à destination de l’Union, qui ne sont actuellement pas couverts par le code frontières Schengen. Il souhaiterait en outre que la Commission lui indique si elle a l’intention de modifier le règlement relatif au petit trafic frontalier.

3.3.3.

Le CESE estime que la Commission devrait adopter une position plus ferme en faveur des voyages sans frontières en Europe. Le traité sur l’Union européenne dispose clairement que l’Union doit offrir un espace sans frontières à ses citoyens. Le droit des États membres de rétablir des contrôles aux frontières constitue une dérogation à ce droit, laquelle doit faire l’objet d’une interprétation restrictive. Le rétablissement des contrôles ne peut être considéré comme une prérogative souveraine étant donné qu’il est soumis aux règles du code frontières Schengen. Toute révision du code doit tenir pleinement compte du caractère exceptionnel du rétablissement des contrôles aux frontières.

3.3.4.

Le CESE se félicite des propositions visant à améliorer le fonctionnement du mécanisme d’évaluation de Schengen, en particulier celles qui ont pour but d’assurer un suivi plus rapide et de renforcer les synergies avec le mécanisme d’évaluation de la vulnérabilité, et celles qui accordent une attention accrue aux droits de l’homme et adoptent une approche transversale en la matière. Il convient toutefois de veiller à ce que le mécanisme d’évaluation de Schengen ne politise pas des questions de nature plus technique.

3.3.5.

Le CESE encourage la Commission à exercer activement les compétences d’exécution que lui confèrent les traités pour faire respecter la législation lorsque aucune suite n’est donnée aux manquements constatés dans le cadre des évaluations de Schengen. À cet égard, il convient de lutter en priorité contre les pratiques d’ordre systémique qui constituent une violation des règles en matière de droits fondamentaux. Il importe que la Commission ne se fonde pas uniquement sur les conclusions du mécanisme d’évaluation de Schengen, mais qu’elle surveille aussi activement, de sa propre initiative, la situation en matière de droits fondamentaux.

3.4.   Achèvement de l’espace Schengen

3.4.1.

Le CESE se félicite de la position adoptée par la Commission concernant l’achèvement de l’espace Schengen et met l’accent sur le lien qui existe entre libre circulation, citoyenneté de l’Union et absence de contrôles aux frontières. Actuellement, les citoyens bulgares, croates et roumains ne jouissent pas pleinement de leurs droits de citoyens européens consacrés par les traités.

3.4.2.

Le CESE souligne que ces États membres contrôlent déjà leurs frontières extérieures conformément au code frontières Schengen. Leur entrée pleine et entière dans l’espace Schengen renforcerait le fonctionnement et la sécurité de l’Union européenne grâce à leur pleine participation à l’ensemble des bases de données à grande échelle dans le secteur de la justice et des affaires intérieures (JAI).

3.4.3.

Le CESE invite la Commission à présenter une feuille de route plus détaillée en vue d’une totale intégration de ces États membres à l’espace Schengen, et invite le Conseil à y donner suite dans les meilleurs délais.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2021) 278 final.

(2)  Voir paragraphe 4.8: JO C 110 du 22.3.2019, p. 62.

(3)  Rapport spécial de la Cour des comptes européenne intitulé «Soutien de Frontex à la gestion des frontières extérieures: pas assez efficace jusqu’ici», 2021.

(4)  Avis du CESE sur la migration, JO C 123 du 9.4.2021, p. 15, JO C 155 du 30.4.2021, p. 58, et JO C 155 du 30.4.2021, p. 64.

(5)  Note de la Commission européenne sur la «Mise en œuvre de l’interopérabilité: état d’avancement de la mise en œuvre du système d’entrée/de sortie et du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages», juin 2021.

(6)  Règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO L 295 du 21.11.2018, p. 39).

(7)  Conformément au titre VI de la charte des droits fondamentaux et au droit dérivé applicable.

(8)  Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (JO L 315 du 14.11.2012, p. 57), ainsi que la législation applicable à certaines catégories de victimes de la traite des êtres humains, de l’exploitation sexuelle et de la pédopornographie, ainsi que du terrorisme.

(9)  INT/940 (JO C 517 du 22.12.2021, p. 61).

(10)  COM(2021) 206 final, p. 4 et 5.

(11)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 15.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/114


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 — Sécurité et santé au travail dans un monde du travail en mutation»

[COM(2021) 323 final]

(2022/C 105/18)

Rapporteur:

Carlos Manuel TRINDADE

Consultation

Commission, 10.8.2021

Base juridique

Article 153, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

6.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

153/25/41

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient que la protection des travailleurs contre les risques pour la santé et la sécurité au travail (SST) est essentielle afin de garantir dans la durée des conditions de travail décentes; consacrée par les traités et par la charte des droits fondamentaux, cette protection est un droit inscrit dans le principe 10 du socle européen des droits sociaux et est fondamental pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies (1).

1.2.

Le CESE adhère totalement à l’affirmation de la Commission selon laquelle «des conditions de travail saines et sûres constituent une condition préalable à la bonne santé et à la productivité de la main-d’œuvre. Personne ne devrait souffrir de maladies ou d’accidents liés au travail. Il s’agit également d’un aspect important pour la viabilité et la compétitivité de l’économie de l’Union» (2). Le CESE partage également le constat que «la qualité de la SST restreint également les coûts des soins de santé et d’autres charges pour la société, alors qu’un faible niveau de SST aura un coût élevé pour les particuliers, les entreprises et la société» (3).

1.3.

De manière générale, le CESE approuve la vision stratégique et les actions envisagées dans le cadre stratégique, sans préjudice des observations, propositions et recommandations exposées dans le présent avis, à savoir les éléments suivants:

1.3.1.

Le CESE prend acte en particulier de l’intention de la Commission de présenter «fin 2021 une initiative visant à améliorer les conditions de travail des personnes œuvrant via des plateformes numériques […] [pour] garantir des conditions de travail adéquates, y compris du point de vue de la santé et de la sécurité», si les partenaires sociaux ne sont pas disposés à négocier entre eux (4).

1.3.2.

Le CESE soutient i) l’approche «Vision zéro» à l’égard des décès liés au travail; ii) les mesures prévues pour lutter contre le cancer; iii) la ratification de la convention (no 190) de l’OIT sur la violence et le harcèlement de 2019; iv) la présentation, avant fin 2021, d’une initiative législative visant à prévenir et à combattre la violence sexiste à l’égard des femmes et la violence domestique; v) l’objectif de la Commission d’intégrer les risques psychosociaux et ergonomiques dans la campagne pour des lieux de travail sains.

1.3.3.

Le CESE, de manière générale, convient notamment: i) qu’il est «essentiel de tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19 et d’améliorer la préparation aux éventuelles crises sanitaires futures […], et [d’]approfondir les synergies entre la SST et la santé publique»; ii) que la COVID-19 doit être incluse dans la recommandation concernant la liste européenne des maladies professionnelles (5).

1.3.4.

Le CESE, de manière générale, convient notamment de la nécessité: i) d’«enrayer la tendance à la baisse du nombre d’inspections du travail dans certains États membres»; ii) d’organiser, en 2023, un sommet de bilan en matière de SST, qui fera en particulier le point sur les progrès accomplis dans la réalisation de l’approche «Vision zéro» en matière de décès liés au travail; iii) d’introduire un nouvel indicateur sur les accidents du travail mortels, déjà proposé dans le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux; iv) d’améliorer les activités des inspecteurs du travail au moyen d’orientations et de formations au niveau européen et national; v) de promouvoir la coopération au niveau de l’UE et des États membres pour assurer une mise en œuvre cohérente de la législation; vi) d’aider les employeurs, en particulier les microentreprises et les petites entreprises, à se conformer à la législation en matière de SST (6).

1.3.5.

Le CESE, de manière générale, approuve notamment: i) la coopération entre l’UE, l’OIT et l’OMS en matière de données et de connaissances; ii) le fait que l’UE soutiendra, en collaboration avec les États membres, la création d’un nouvel indicateur sur la mortalité due aux maladies attribuées aux facteurs de risque professionnels (dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies); iii) le fait que l’UE soutiendra l’intégration du droit à des conditions de travail sûres et saines dans le cadre de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail; iv) l’intention de l’UE d’encourager la SST dans les chaînes d’approvisionnement mondiales; v) l’intention de l’UE de veiller à ce que les normes en matière de SST soient dûment intégrées aux engagements contraignants sur les normes sociales et du travail, et de promouvoir la question du travail décent dans les futurs accords commerciaux; vi) le soutien aux pays candidats pour leur permettre d’intégrer dans leurs législations l’acquis de l’UE en matière de SST (7).

1.4.

En particulier, le CESE propose à la Commission d’intégrer les actions, mesures ou initiatives suivantes dans le cadre stratégique de l’UE pour la période 2021-2027:

1.4.1.

Section 2.1: i) en ce qui concerne les personnes qualifiées de travailleurs indépendants, auxquelles les règles en matière de SST ne devraient pas s’appliquer, selon le cadre stratégique, le Comité recommande qu’une étude soit menée en temps utile, avec la participation de la Commission, d’experts et des partenaires sociaux, en vue de trouver la meilleure solution en accordant toute l’attention appropriée aux travailleurs indépendants, qui doivent eux aussi pouvoir travailler dans un environnement sûr et sain, et que les conclusions de cette étude soient présentées lors du sommet sur la SST de 2023; ii) en ce qui concerne l’initiative non législative relative à la santé mentale au travail que la Commission prévoit de lancer au niveau de l’UE, le Comité propose, précisément en raison de la pertinence des motifs invoqués dans le cadre stratégique, d’opter pour une initiative législative.

1.4.2.

Section 2.2: i) le Comité invite la Commission à inclure les cancers d’origine professionnelle dans le futur plan européen pour vaincre le cancer, et à élargir le champ d’application de la directive sur les agents cancérigènes et mutagènes (DCM) aux substances reprotoxiques et aux médicaments dangereux, en garantissant un suivi sur le long terme des travailleurs exposés à ces agents, y compris lorsqu’ils n’exercent plus leur travail dans les mêmes conditions; ii) il recommande que l’intention de la Commission d’évaluer «les moyens de renforcer l’efficacité de la directive relative aux sanctions à l’encontre des employeurs (2009/52/CE)» aboutisse à une révision prévoyant des sanctions plus sévères pour les employeurs contrevenants; iii) il estime urgent, comme le démontrent les enseignements tirés récemment de la COVID-19, d’élaborer une initiative législative sur la prévention des risques psychosociaux; iv) il considère que l’expérience acquise et les recherches sur les troubles musculo-squelettiques justifient la nécessité d’une initiative législative en la matière.

1.4.3.

Section 2.3: i) le Comité préconise de transformer en directive la recommandation concernant la liste européenne des maladies professionnelles; ii) il suggère d’améliorer la directive sur les agents biologiques compte tenu des expériences récentes; iii) s’agissant des inspections nationales du travail, il propose de fixer comme objectif que, d’ici à la fin de la période couverte par le cadre stratégique, les États membres respectent le ratio fixé dans les normes de l’OIT, à savoir un inspecteur du travail pour 10 000 travailleurs. Si cet objectif n’est pas atteint au cours de la période couverte par le cadre stratégique, la Commission devrait présenter une initiative législative à cette fin.

1.4.4.

Chapitre 3: le Comité recommande que les actions en matière d’inspection de l’Autorité européenne du travail (AET) soient correctement intégrées et promues dans le cadre stratégique, compte tenu du rôle important que joue cette autorité dans la coordination des inspections transfrontalières.

1.5.

Le CESE relève qu’en dépit de certaines améliorations au cours des dernières années, les données et les connaissances sur la réalité de l’UE et des États membres en matière de SST font toujours cruellement défaut. Le CESE est convaincu que ces connaissances sont indispensables pour pouvoir mieux recenser les difficultés et prévenir les risques, élaborer des politiques appropriées et suivre la mise en œuvre et les progrès réalisés au niveau de l’UE et dans les différents États membres, en particulier en ce qui concerne les objectifs et les actions découlant du cadre stratégique en matière de SST pour la période 2021-2027.

1.6.

Le CESE souligne qu’il convient de prendre en compte, lors de la révision des législations européenne et nationales existantes en matière de SST, les transformations écologique, numérique, démographique et sociale de l’économie européenne, en particulier dans le monde du travail, afin de protéger les travailleurs tant salariés qu’indépendants, pour ces derniers conformément au paragraphe 1.4.1, point i) du présent avis.

1.7.

Il incombe en particulier aux États membres de faire respecter la législation en matière de SST et de garantir des conditions de travail saines et sûres à tous les travailleurs européens, en particulier les travailleurs saisonniers et les groupes les plus vulnérables tels que les jeunes, les personnes âgées, les femmes, les personnes handicapées, les migrants et les travailleurs précaires. Le renforcement des ressources techniques et humaines des inspections du travail, qui ont diminué ces dernières années dans de nombreux États membres, ainsi que l’amélioration de la coordination, de la coopération et de la formation au niveau européen, sont des facteurs essentiels pour améliorer sensiblement l’application de la législation en matière de SST. Les orientations et les aides visant à permettre aux PME, en particulier les microentreprises, de se conformer à la législation en matière de SST devraient également constituer une priorité pour les différents États membres. En tant que gardienne des traités, la Commission européenne a la responsabilité de veiller à ce que les États membres respectent comme il se doit la législation en matière de SST.

1.8.

Le CESE recommande à la Commission et aux États membres de prendre, lors de la mise à jour des stratégies nationales en matière de SST, des initiatives en vue de promouvoir un dialogue social permanent entre les partenaires sociaux sur les conditions de santé et de sécurité dans les différents secteurs, dans les entreprises et sur les lieux de travail. La participation des syndicats et des représentants des travailleurs et leur consultation permanente sur l’évaluation et la prévention des risques sont essentielles pour promouvoir des environnements de travail sûrs et sains, ayant une incidence directe sur la santé des travailleurs, la productivité des entreprises et les services de santé publique.

1.9.

Eu égard aux défis de la mondialisation et à l’ambition européenne de «relever les normes en matière de SST à l’échelle mondiale», le CESE recommande à la Commission et aux États membres de coopérer étroitement avec l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour promouvoir l’intégration du droit à des conditions de travail sûres et saines dans le cadre de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail, ainsi que le respect de ces principes dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

2.   Contexte général

2.1.

Le CESE relève que, «depuis près de 20 ans, les cadres stratégiques de l’UE en matière de SST orientent la manière dont les autorités nationales et les partenaires sociaux décident des objectifs de SST» (8). Toutefois, le CESE souligne que, bien qu’ils revêtent une importance indéniable dans les plans nationaux, ces cadres stratégiques manquent de visibilité et que, dans plusieurs États membres, les organisations syndicales et patronales n’ont pas été suffisamment associées à leur élaboration et à leur suivi.

2.2.

Le CESE prend acte de l’évaluation du cadre stratégique de l’UE en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2014-2020, notamment la mise en lumière d’aspects importants tels que: i) les contraintes des États membres en matière de ressources; ii) la nécessité de mettre davantage l’accent sur les maladies professionnelles, l’évolution démographique, les risques psychosociaux et les troubles musculo-squelettiques; et iii) la nécessité d’aider tant les inspections du travail que les entreprises à améliorer leurs normes en matière de SST (9).

2.3.

Le CESE constate que la législation européenne a permis de réduire ces risques et contribué à l’amélioration des normes en matière de SST dans tous les secteurs d’activité économique, dans l’ensemble des États membres. Pourtant, des défis subsistent et la pandémie de COVID-19 a exacerbé les risques, qu’il convient de prendre en compte.

2.4.

Le CESE reconnaît les progrès significatifs accomplis ces dernières années dans l’UE dans le domaine de la SST: les accidents du travail mortels ont diminué d’environ 70 % entre 1994 et 2018. Si la désindustrialisation de l’Europe et l’amélioration des soins médicaux ont contribué à cette diminution, il est également vrai que le système de SST de l’UE a lui aussi joué un rôle important (10).

2.5.

Le CESE relève que malgré ces progrès, plus de 3 300 accidents mortels et 3,1 millions d’accidents non mortels ont encore eu lieu dans l’EU-27 en 2018, et plus de 200 000 travailleurs meurent chaque année de maladies professionnelles. Cette situation à l’origine d’immenses souffrances humaines exige le maintien et l’amélioration des normes de protection des travailleurs, qui constituent un défi permanent et une nécessité constante (11).

2.6.

Le CESE souligne que, chaque année, les accidents et maladies liés au travail coûtent à l’économie de l’Union plus de 3,3 % du PIB (environ 460 000 000 000 EUR en 2019), et que selon les estimations, chaque euro investi dans la SST entraîne pour l’employeur un gain environ deux fois plus élevé (12).

2.7.

La pandémie de COVID-19 a montré à quel point la SST est essentielle pour protéger la santé des travailleurs, pour le fonctionnement de notre société et pour la continuité des activités économiques essentielles. Le CESE adhère au constat selon lequel la pandémie a également mis en évidence la nécessité d’une stratégie s’articulant autour de la SST et des politiques de santé publique, en créant des synergies entre ces deux dimensions qui ont une incidence directe sur «le fonctionnement de notre société et […] la continuité des activités économiques et sociales essentielles» (13).

3.   Le cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027

3.1.

C’est dans ce contexte général que la Commission présente le nouveau cadre stratégique de l’UE en matière de SST pour la période 2021-2027 (14) (ci-après dénommé «cadre stratégique»), annoncé dans le socle européen des droits sociaux, qui se concentre sur les trois grands objectifs suivants:

anticiper et gérer les changements dans le nouveau monde du travail, résultant des transitions écologique, numérique et démographique,

améliorer la prévention des accidents et des maladies professionnels,

améliorer la préparation à d’éventuelles crises sanitaires futures.

3.2.

Le CESE partage l’avis de la Commission européenne selon lequel la réalisation de ces objectifs passera par:

i)

un dialogue social renforcé;

ii)

l’augmentation des capacités de recherche et de collecte de données au niveau des États membres et de l’Union;

iii)

une meilleure mise en application de la législation;

iv)

la sensibilisation;

v)

une mobilisation accrue des financements.

3.3.

Le CESE relève que le cadre stratégique prévoit, au cours de la période couverte, la mise en œuvre de 36 actions, dont 17 relèvent de la responsabilité directe de la Commission, 16 des États membres et 3 des partenaires sociaux.

4.   Observations sur le cadre stratégique

4.1.   Section 2.1: Anticiper et gérer le changement

4.1.1.

Dans le contexte des transitions écologique et numérique, la nature des fonctions ainsi que des modes et des lieux de travail évolue, ce qui place les États membres et les entreprises face à d’importants défis pour garantir la santé et le bien-être des travailleurs.

4.1.2.

Le vieillissement de la main-d’œuvre exige d’adapter l’environnement de travail et les tâches aux besoins spécifiques des travailleurs plus âgés afin de réduire les risques au minimum, la SST jouant ainsi un rôle essentiel pour répondre de manière adéquate à l’évolution démographique.

4.1.3.

Les technologies numériques peuvent également offrir aux travailleurs, y compris les travailleurs handicapés ou plus âgés, de nouvelles possibilités d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, tant pour les femmes que pour les hommes, et soutenir la mise en œuvre de la SST par des outils accessibles, des mesures de sensibilisation et des inspections plus efficaces.

4.1.4.

Le CESE estime que la robotisation et le recours à l’intelligence artificielle peuvent réduire les risques associés aux tâches dangereuses, comme celles se déroulant dans des zones fortement contaminées, tels les systèmes d’eaux usées, les décharges ou les zones de fumigation agricole, et peuvent aussi offrir de nouvelles possibilités aux travailleurs et aux entreprises. Il est cependant vrai que les nouvelles technologies posent également de grandes difficultés en raison de l’irrégularité accrue du moment et du lieu d’exécution du travail, de la possibilité de surveiller les travailleurs et des risques liés aux nouveaux outils et machines, qui augmentent le stress psychologique, entraînant ainsi un nombre croissant de maladies psychosomatiques contre l’apparition desquelles des mesures appropriées doivent être trouvées.

4.1.5.

Alors que la législation de l’UE en matière de SST couvre déjà un grand nombre des risques découlant de l’évolution des industries, des équipements et des lieux de travail, le CESE partage l’idée de la Commission européenne selon laquelle les évolutions technologiques, le vieillissement de la main-d’œuvre et l’évolution des formes de travail appellent de nouvelles propositions législatives.

4.1.6.

Dans ce contexte, le CESE recommande à la Commission de réviser la directive-cadre sur la SST afin de l’adapter aux réalités du travail ainsi qu’aux nouveaux risques et défis liés au changement climatique (par exemple, le fait de travailler par des températures élevées ou à l’air libre), au changement démographique et à la numérisation.

4.1.7.

Le CESE estime que les risques psychosociaux, déjà très élevés avant la pandémie, ont considérablement augmenté en conséquence de la COVID-19 et de l’introduction massive, non planifiée, du travail à distance non volontaire, avec ses corollaires tels que la disparition de la frontière entre travail et vie privée, la connectivité permanente, le manque d’interactions sociales et l’utilisation accrue des TIC.

4.2.   Section 2.2: Améliorer la prévention des maladies et accidents professionnels

4.2.1.

Le CESE partage l’approche de la Commission, et notamment sa «“Vision zéro” à l’égard des décès liés au travail» et l’idée de renforcer la culture de la prévention, et convient que «la seule manière de prévenir les décès liés au travail est: i) d’enquêter de manière approfondie sur les accidents et les décès sur le lieu de travail, ii) de repérer et de combattre les causes de ces accidents et décès, iii) de sensibiliser davantage aux risques liés aux accidents, blessures et maladies professionnels et iv) de renforcer le contrôle de l’application des règles et lignes directrices existantes».

4.2.2.

Le CESE juge inacceptable la centaine de milliers de décès liés à des cancers d’origine professionnelle et invite les États membres à mettre rapidement en œuvre la stratégie de la feuille de route relative aux substances cancérigènes et à faire appliquer les valeurs limites et les autres dispositions adoptées au niveau de l’Union, limitant l’exposition de quelque 40 millions de travailleurs à 26 substances dangereuses et améliorant ainsi leurs conditions de travail. Le CESE estime qu’il convient de revoir et de compléter la liste des substances dangereuses, notamment en y intégrant les nanomatériaux et leurs effets cancérigènes, et recommande que le nombre des agents cancérigènes soumis à des valeurs limites d’exposition soit porté à 50.

4.2.3.

Le CESE invite la Commission et les États membres à promouvoir la santé au travail et à accorder la priorité à l’amélioration de la recherche et de la collecte de données, tant au niveau de l’UE qu’à l’échelon national. Leurs actions devraient porter en particulier sur les maladies cardiovasculaires d’origine professionnelle, les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux.

4.2.4.

Le CESE soutient la proposition d’actualiser en permanence la méthode pour traiter le problème des substances dangereuses afin de déterminer les gains d’efficacité possibles dans l’établissement des valeurs limites en matière de SST. Il souligne et soutient le processus qui consiste à traiter le problème des substances dangereuses sur la base d’une évaluation scientifique, conformément au principe «une substance, une évaluation». La consultation du Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail (CCSS) tripartite et la participation étroite de toutes les parties prenantes sont considérées comme ayant été fructueuses.

4.2.5.

Il estime, dans le contexte des positions du Parlement européen et des acteurs concernés sur la nécessité de protéger le personnel de santé exposé à des médicaments dangereux et à d’autres risques, qu’il y a lieu d’approfondir la question, non seulement grâce à la formation, l’éducation et l’orientation, mais aussi par l’adoption d’une législation contraignante.

4.2.6.

Le CESE considère qu’il est essentiel de reconnaître la diversité, y compris les différences et les inégalités entre les hommes et les femmes, et de lutter contre la discrimination au sein de la main-d’œuvre pour garantir la sécurité et la santé tant des femmes que des hommes, notamment dans l’évaluation des risques au travail, et qu’il y a lieu de prévoir des mesures destinées à éviter les préjugés sexistes. En tout état de cause, il convient de garder à l’esprit que l’aptitude au travail peut être affectée par l’état biologique (allaitement, grossesse).

4.2.7.

Il convient également d’améliorer les perspectives des personnes handicapées sur le marché du travail, y compris en ce qui concerne l’application concrète de la santé et de la sécurité au travail et les programmes de réadaptation professionnelle pour les personnes souffrant de maladies chroniques ou ayant été victimes d’accidents.

4.2.8.

La protection des groupes de travailleurs particulièrement vulnérables doit être améliorée. Dans ce contexte, tous les États membres devraient accorder une attention particulière aux organismes d’inspection du travail et à la ratification de la convention de 2019 sur la violence et le harcèlement. Le CESE invite instamment tous les États membres à ratifier cette convention pendant la période de mise en œuvre de la stratégie.

4.3.   Section 2.3: Améliorer la préparation — réagir rapidement aux menaces

4.3.1.

La crise de la COVID-19 a montré que la sécurité et la santé au travail sont primordiales pour aider les travailleurs, les entreprises et les États membres à protéger des vies et à gérer les risques pour garantir le bien-être, la continuité des activités et la viabilité des entreprises.

4.3.2.

L’un des enseignements à tirer pour l’avenir est l’importance des synergies entre la SST et la santé publique, qui ont permis de réagir efficacement pendant la crise. Cette interaction doit être renforcée dans tous les États membres afin que l’UE soit prête à faire face à de futures crises sanitaires.

4.3.3.

Le CESE reconnaît l’importance des travaux de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) pour la création, en coopération avec les États membres et les partenaires sociaux, d’outils d’orientation qui ont permis aux entreprises, en particulier aux PME, de réagir de manière adéquate aux différentes phases de la pandémie.

4.3.4.

La classification du virus SARS-CoV-2 en vertu de la directive sur les agents biologiques a contribué à assurer la protection des travailleurs dans les installations où le virus est manipulé pour la production, la distribution et l’administration de vaccins.

4.3.5.

La pandémie a fait apparaître que les travailleurs mobiles et frontaliers — y compris les travailleurs saisonniers, migrants et précaires — sont davantage exposés à des conditions de vie et de travail malsaines ou dangereuses, par exemple parce qu’ils occupent des logements insalubres ou surpeuplés ou parce qu’ils ignorent leurs droits. Le CESE invite les États membres à remplir leurs obligations en matière de SST et à renforcer leurs campagnes de sensibilisation sur la nécessité de promouvoir des conditions de travail et de vie équitables et sûres pour les travailleurs saisonniers, mobiles et frontaliers.

4.3.6.

Le CESE relève l’importance, soulignée par la Commission, de soutenir les travailleurs infectés par la COVID-19 et les familles endeuillées à la suite de l’exposition d’un proche au SARS-CoV2 sur le lieu de travail, et constate que 25 États membres ont déjà pris des mesures dans ce sens, notamment en reconnaissant la COVID-19 comme maladie professionnelle (15).

4.4.   Chapitre 3: Mise en œuvre du cadre stratégique actualisé

4.4.1.

Le CESE rejoint la Commission lorsqu’elle affirme que «les partenaires sociaux sont particulièrement bien placés pour trouver des solutions adaptées aux circonstances propres à une activité ou à un secteur spécifique» (16).

4.4.2.

Le CESE souligne que la pandémie a montré le rôle majeur des entreprises et des lieux de travail dans la propagation des contaminations; il est dès lors d’autant plus important de prendre des mesures en matière de SST qui soient adaptées à chaque unité économique spécifique.

4.4.3.

Le CESE recommande à la Commission de prendre des initiatives à cet égard, au titre du cadre stratégique, en vue de promouvoir un dialogue social permanent entre les partenaires sociaux sur les conditions de santé et de sécurité dans les différents secteurs d’activité, et en particulier dans les entreprises. La participation des syndicats et des représentants des travailleurs et leur consultation permanente sur la situation, en étroite coordination avec la négociation et les conventions collectives, ainsi que l’évaluation, la prévention et la gestion des risques, l’exploitation des possibilités et la création d’environnements de travail sûrs et sains ont une incidence directe sur la santé des travailleurs, la productivité et la compétitivité des entreprises et la société elle-même, en particulier sur les services de santé publique.

4.4.4.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel seule une connaissance exacte et actualisée de la réalité en matière de SST, tant au niveau de l’UE qu’à celui des États membres, permet de recenser les enjeux et de prévenir les risques, de définir des politiques appropriées, de suivre leur mise en œuvre et d’analyser leurs résultats. La connaissance des innovations scientifiques et technologiques et leur intégration constante dans les décisions politiques permettent également de faire évoluer ces dernières en permanence.

4.4.5.

Le CESE souscrit à la nécessité de disposer, au niveau de l’UE et des États membres, de bases de données actualisées et appropriées en matière de SST, avec de nouveaux indicateurs sociaux permettant la recherche et l’établissement de rapports, d’analyses et d’études sur la SST dans toutes ses dimensions (17).

4.4.6.

Le CESE relève que «le succès de ce cadre stratégique dépend en grande partie de sa mise en œuvre au niveau national et local» (18). Cette approche confère aux États membres une plus grande responsabilité en matière de respect et de mise en œuvre de la législation, de promotion du dialogue social entre les partenaires sociaux et de suppression des obstacles à ce dialogue, étant donné que l’une des conditions de base du succès du cadre stratégique est l’intervention des inspections du travail au niveau des États membres, l’action des techniciens et des médecins du travail et la participation des syndicats et des représentants des travailleurs en matière de SST.

4.4.7.

Pour que les objectifs du cadre stratégique soient réalisés, le CESE rappelle que les entreprises ont une responsabilité globale en matière de santé et de sécurité au travail, que ce soit sur le lieu de travail ou lorsque le travailleur travaille à distance. Il estime toutefois que cela pose problème lorsque le travailleur effectue son travail depuis son domicile ou un autre endroit que l’employeur ne peut contrôler ou auquel il n’a pas accès.

4.4.8.

Le CESE partage l’avis selon lequel la sensibilisation aux risques liés aux accidents, blessures et maladies professionnels est essentielle pour atteindre les objectifs du cadre stratégique, en mettant l’accent sur la «Vision zéro» à l’égard des décès dus aux accidents du travail. Le CESE estime que la sensibilisation est effectivement l’une des mesures fondamentales pour l’application de la législation, mais que la clé du succès réside dans l’existence préalable de cette législation, conjuguée, a posteriori, à la participation et au contrôle. Le CESE est convaincu que, pour atteindre les objectifs de cette stratégie, il est essentiel de mettre l’accent sur la prévention et le respect des directives en matière de SST.

4.4.9.

Selon le CESE, cette sensibilisation dépend largement de la participation active des partenaires sociaux et de toutes les parties prenantes. C’est dans ce contexte qu’il valorise le rôle du CCSS et recommande à la Commission de mieux le mettre en avant.

4.4.10.

Le CESE considère que, si toutes les parties prenantes — États membres, entreprises, inspections du travail et travailleurs — s’accordent sur la nécessité d’atteindre ces objectifs, le degré de responsabilité varie, et ce sont les travailleurs, qui sont les plus vulnérables et ont le moins de pouvoir, qui devraient donc bénéficier de la plus grande protection.

4.4.11.

Le CESE estime dès lors que le travailleur, lorsqu’il constate un risque d’accident ou de maladie grave sur son lieu de travail, et en particulier un risque mortel, devrait pouvoir refuser de travailler et, en dernière instance, avoir le droit de mettre fin à son contrat en bénéficiant d’une indemnisation si sa vie est mise en danger parce que l’entreprise ne respecte pas les règles en matière de SST.

4.4.12.

Le CESE note qu’il existe un total de 11 fonds et mécanismes financiers européens qui permettent de financer des actions dans les différents domaines de la SST (19). Le CESE souligne que le soutien financier aux actions en matière de SST est l’une des clés de la réussite du cadre stratégique lui-même. Le CESE recommande à la Commission de fournir des informations plus détaillées aux États membres et, en particulier, aux partenaires sociaux, afin de faciliter leur accès aux projets en matière de SST et d’améliorer leur mise en œuvre.

4.5.   Chapitre 4: Promouvoir des normes efficaces en matière de SST dans le monde entier

4.5.1.

Le CESE souscrit à l’affirmation selon laquelle «à l’ère de la mondialisation, les menaces pour la santé et la sécurité ne s’arrêtent pas aux frontières» et est également d’avis que l’objectif du cadre stratégique est «de relever les normes en matière de SST à l’échelle mondiale» (20).

4.5.2.

Le CESE appuie également la position de la Commission consistant à collaborer avec l’OIT pour mettre en œuvre et suivre l’application de la déclaration du centenaire pour l’avenir du travail (2019), en soutenant l’intégration du droit à des conditions de travail sûres et saines dans le cadre de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Communication de la Commission [COM(2021) 323 final].

(2)  Ibidem.

(3)  Ibidem.

(4)  Ibidem.

(5)  Ibidem.

(6)  Ibidem.

(7)  Ibidem.

(8)  Ibidem.

(9)  Ibidem.

(10)  Communication de la Commission [COM(2021) 323 final].

(11)  Ibidem.

(12)  Ibidem.

(13)  Communication de la Commission [COM(2021) 323 final].

(14)  Ibidem.

(15)  Ibidem.

(16)  Ibidem.

(17)  Ibidem.

(18)  Ibidem.

(19)  Ibidem.

(20)  Ibidem.


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

AMENDEMENT 1

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 4.1.5

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Alors que la législation de l’UE en matière de SST couvre déjà un grand nombre des risques découlant de l’évolution des industries, des équipements et des lieux de travail, le CESE partage l’idée de la Commission européenne selon laquelle les évolutions technologiques, le vieillissement de la main-d’œuvre et l’évolution des formes de travail appellent de nouvelles propositions législatives.

Alors que la législation de l’UE en matière de SST couvre déjà un grand nombre des risques découlant de l’évolution des industries, des équipements et des lieux de travail, le CESE partage l’idée de la Commission européenne selon laquelle les évolutions technologiques, le vieillissement de la main-d’œuvre et l’évolution des formes de travail pourraient appeler de nouvelles propositions législatives.

Résultat du vote:

Voix pour:

70

Voix contre:

118

Abstentions:

11

AMENDEMENT 2

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 4.1.6

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Dans ce contexte, le CESE recommande à la Commission de réviser la directive-cadre sur la SST afin de l’adapter aux réalités du travail ainsi qu’aux nouveaux risques et défis liés au changement climatique (par exemple, le fait de travailler par des températures élevées ou à l’air libre), au changement démographique et à la numérisation.

Dans ce contexte, le CESE recommande à la Commission de continuer à suivre de près la mise en œuvre de la directive-cadre sur la SST et, le cas échéant, de réviser celle-ci , afin de veiller à ce qu’elle couvre également les nouveaux risques et défis liés au changement climatique (par exemple, le fait de travailler par des températures élevées ou à l’air libre), au changement démographique et à la numérisation.

Résultat du vote:

Voix pour:

68

Voix contre:

124

Abstentions:

12

AMENDEMENT 3

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 4.2.2

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Le CESE juge inacceptable la centaine de milliers de décès liés à des cancers d’origine professionnelle et invite les États membres à mettre rapidement en œuvre la stratégie de la feuille de route relative aux substances cancérigènes et à faire appliquer les valeurs limites et les autres dispositions adoptées au niveau de l’Union, limitant l’exposition de quelque 40 millions de travailleurs à 26 substances dangereuses et améliorant ainsi leurs conditions de travail. Le CESE estime qu’il convient de revoir et de compléter la liste des substances dangereuses, notamment en y intégrant les nanomatériaux et leurs effets cancérigènes, et recommande que le nombre des agents cancérigènes soumis à des valeurs limites d’exposition soit porté à 50 .

Le CESE juge inacceptable la centaine de milliers de décès liés à des cancers d’origine professionnelle et invite les États membres à mettre rapidement en œuvre la stratégie de la feuille de route relative aux substances cancérigènes et à faire appliquer les valeurs limites et les autres dispositions adoptées au niveau de l’Union, limitant l’exposition de quelque 40 millions de travailleurs à 26 substances dangereuses et améliorant ainsi leurs conditions de travail. Le CESE estime qu’il convient de revoir et de compléter la liste des substances dangereuses, notamment en y intégrant les nanomatériaux précis qui présentent des effets cancérigènes prouvés, et recommande d’accroître au maximum le nombre des agents cancérigènes soumis à des valeurs limites d’exposition.

Résultat du vote:

Voix pour:

68

Voix contre:

135

Abstentions:

6

AMENDEMENT 4

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 4.2.5

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Il estime, dans le contexte des positions du Parlement européen et des acteurs concernés sur la nécessité de protéger le personnel de santé exposé à des médicaments dangereux et à d’autres risques, qu’il y a lieu d’approfondir la question, non seulement grâce à la formation, l’éducation et l’orientation, mais aussi par l’adoption d’une législation contraignante .

Il estime, dans le contexte des positions du Parlement européen et des acteurs concernés sur la nécessité de protéger le personnel de santé exposé à des médicaments dangereux et à d’autres risques, qu’il y a lieu d’approfondir la question, non seulement grâce à la formation, l’éducation et l’orientation, mais aussi par une application efficace de la législation en vigueur .

Résultat du vote:

Voix pour:

71

Voix contre:

133

Abstentions:

9

AMENDEMENT 5

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 4.3.5

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

La pandémie a fait apparaître que les travailleurs mobiles et frontaliers — y compris les travailleurs saisonniers, migrants et précaires  — sont davantage exposés à des conditions de vie et de travail malsaines ou dangereuses, par exemple parce qu’ils occupent des logements insalubres ou surpeuplés ou parce qu’ils ignorent leurs droits. Le CESE invite les États membres à remplir leurs obligations en matière de SST et à renforcer leurs campagnes de sensibilisation sur la nécessité de promouvoir des conditions de travail et de vie équitables et sûres pour les travailleurs saisonniers, mobiles et frontaliers.

La pandémie a fait apparaître que les travailleurs mobiles et frontaliers — y compris les travailleurs saisonniers et migrants en situation d’emploi précaire  — pourraient être davantage exposés à des conditions de vie et de travail malsaines ou dangereuses, par exemple parce qu’ils occupent des logements insalubres ou surpeuplés ou parce qu’ils ignorent leurs droits. Le CESE invite les États membres à remplir leurs obligations en matière de SST et à renforcer leurs campagnes de sensibilisation sur la nécessité de promouvoir des conditions de travail et de vie équitables et sûres pour les travailleurs saisonniers, mobiles et frontaliers.

Résultat du vote:

Voix pour:

72

Voix contre:

125

Abstentions:

11

AMENDEMENT 6

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 4.4.11

Supprimer:

Avis de section

Amendement

Le CESE estime dès lors que le travailleur, lorsqu’il constate un risque d’accident ou de maladie grave sur son lieu de travail, et en particulier un risque mortel, devrait pouvoir refuser de travailler et, en dernière instance, avoir le droit de mettre fin à son contrat en bénéficiant d’une indemnisation si sa vie est mise en danger parce que l’entreprise ne respecte pas les règles en matière de SST.

 

Résultat du vote:

Voix pour:

69

Voix contre:

135

Abstentions:

8

AMENDEMENT 7

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 1.4.1

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Section 2.1: i) en ce qui concerne les personnes qualifiées de travailleurs indépendants, auxquelles les règles en matière de SST ne devraient pas s’appliquer, selon le cadre stratégique, le Comité recommande qu’une étude soit menée en temps utile, avec la participation de la Commission, d’experts et des partenaires sociaux, en vue de trouver la meilleure solution en accordant toute l’attention appropriée aux travailleurs indépendants, qui doivent eux aussi pouvoir travailler dans un environnement sûr et sain, et que les conclusions de cette étude soient présentées lors du sommet sur la SST de 2023; ii) en ce qui concerne l’initiative non législative relative à la santé mentale au travail que la Commission prévoit de lancer au niveau de l’UE, le Comité propose, précisément en raison de la pertinence des motifs invoqués dans le cadre stratégique, d’opter pour une initiative législative .

Section 2.1: i) en ce qui concerne les personnes qualifiées de travailleurs indépendants, auxquelles les règles en matière de SST ne devraient pas s’appliquer, selon le cadre stratégique, le Comité recommande qu’une étude soit menée en temps utile, avec la participation de la Commission, d’experts et des partenaires sociaux, en vue de trouver la meilleure solution en accordant toute l’attention appropriée aux travailleurs indépendants, qui doivent eux aussi pouvoir travailler dans un environnement sûr et sain, et que les conclusions de cette étude soient présentées lors du sommet sur la SST de 2023; ii) en ce qui concerne l’initiative non législative relative à la santé mentale au travail que la Commission prévoit de lancer au niveau de l’UE, le Comité approuve l’approche ainsi adoptée .

Résultat du vote:

Voix pour:

66

Voix contre:

135

Abstentions:

8

AMENDEMENT 8

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 1.4.2

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Section 2.2: i) le Comité invite la Commission à inclure les cancers d’origine professionnelle dans le futur plan européen pour vaincre le cancer , et à élargir le champ d’application de la directive sur les agents cancérigènes ou mutagènes (DCM) aux substances reprotoxiques et aux médicaments dangereux, en garantissant un suivi sur le long terme des travailleurs exposés à ces agents, y compris lorsqu’ils n’exercent plus leur travail dans les mêmes conditions ; ii) il recommande que l’intention de la Commission d’évaluer «les moyens de renforcer l’efficacité de la directive relative aux sanctions à l’encontre des employeurs (2009/52/CE)» aboutisse à une révision prévoyant des sanctions plus sévères pour les employeurs contrevenants ; iii) il estime urgent, comme le démontrent les enseignements tirés récemment de la COVID-19, d’élaborer une initiative législative sur la prévention des risques psychosociaux ; iv) il considère que l’expérience acquise et les recherches sur les troubles musculo-squelettiques justifient la nécessité d’une initiative législative en la matière .

Section 2.2: i) le Comité soutient la proposition présentée dans le cadre stratégique en matière de SST relative à l’établissement d’une liste prioritaire des produits reprotoxiques à traiter, sur la base de l’avis adopté au sein du Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail concernant une liste des substances prioritaires pour lesquelles des valeurs limites d’exposition professionnelle doivent être fixées, et invite la Commission à inclure les cancers d’origine professionnelle dans le futur plan européen pour vaincre le cancer; ii) il recommande que l’intention de la Commission d’évaluer «les moyens de renforcer l’efficacité de la directive relative aux sanctions à l’encontre des employeurs (2009/52/CE)» aboutisse à une mise en œuvre et une application efficaces ; iii) il se félicite de l’intention de la Commission de· préparer au niveau de l’UE, en coopération avec les États membres et les partenaires sociaux, une initiative non législative relative à la santé mentale au travail qui évaluera les problèmes émergents liés à la santé mentale des travailleurs ; iv) il appuie l’objectif de la Commission d’intégrer les risques psychosociaux et ergonomiques dans la campagne pour des lieux de travail sains .

Résultat du vote:

Voix pour:

70

Voix contre:

140

Abstentions:

7

AMENDEMENT 9

Proposé par:

LE BRETON Marie-Pierre

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

VERNICOS George

SOC/698 — Santé et sécurité au travail — cadre stratégique de l’UE (2021-2027)

Paragraphe 1.4.3

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Section 2.3: i) le Comité préconise de transformer en directive la recommandation concernant la liste européenne des maladies professionnelles; ii)  il suggère d’améliorer la directive sur les agents biologiques compte tenu des expériences récentes ; iii) s’agissant des inspections nationales du travail, il propose de fixer comme objectif que, d’ici à la fin de la période couverte par le cadre stratégique, les États membres respectent le ratio fixé dans les normes de l’OIT, à savoir un inspecteur du travail pour 10 000  travailleurs . Si cet objectif n’est pas atteint au cours de la période couverte par le cadre stratégique, la Commission devrait présenter une initiative législative à cette fin.

Section 2.3: le Comité relève que i)  la recommandation concernant la liste européenne des maladies professionnelles devrait faire l’objet d’un suivi approprié au sein des États membres ; ii) la directive sur les agents biologiques a été améliorée compte tenu des expériences récentes.

Résultat du vote:

Voix pour:

70

Voix contre:

133

Abstentions:

7


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/128


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil sur l’apprentissage mixte pour une éducation primaire et secondaire inclusive et de haute qualité

[COM(2021) 455 final]

(2022/C 105/19)

Rapporteure générale:

Tatjana BABRAUSKIENĖ

Rapporteur général:

Michael MCLOUGHLIN

Saisine

Conseil, 30.8.2021

Base juridique

Article 165, paragraphe 4, et article 166, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

654

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

152/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite que la proposition pose d’emblée que «l’éducation est un droit humain fondamental et un droit de l’enfant». Le CESE se réjouit également que la proposition affiche l’intention de mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux (SEDS) et d’autres initiatives européennes de grande importance (1) qui visent à renforcer la coopération entre les États membres afin qu’une éducation inclusive et de qualité devienne une réalité dans le contexte des transitions écologique et numérique de la vie sociale et économique et du marché du travail.

1.2.

Le CESE invite à nouveau «la Commission européenne et les États membres à mettre en œuvre le premier principe du socle européen des droits sociaux (SEDS), qui est de faire en sorte qu’une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité soient un droit pour tous en Europe» (2), et souhaite que ledit principe soit appliqué d’une manière qui améliore l’offre de compétences numériques en apportant le soutien requis pour que chacun puisse accéder en toute équité à l’apprentissage mixte et que soient garantis des financements publics durables, convenus en concertation avec les partenaires sociaux et la société civile.

1.3.

Le CESE invite à se référer à son avis (3) où il souligne que «la mise en œuvre du plan d’action en matière d’éducation numérique pour la période 2021-2027 doit garantir un dialogue social et une consultation effectifs des acteurs concernés, le respect et l’application des droits des travailleurs et l’information, la consultation et la participation des travailleurs dans le développement des compétences numériques et entrepreneuriales, notamment dans le cadre de l’enseignement et de la formation professionnels, de la formation des adultes et de la formation des travailleurs, afin de combler les déficits de compétence auxquels se heurtent les entreprises».

1.4.

Le CESE prie instamment les États membres de s’appuyer sur l’expérience tirée en matière éducative durant la crise de la COVID-19, et de veiller à ce que l’apprentissage mixte soit intelligemment conçu et mis en pratique dans des programmes équilibrés avec à l’appui des outils pédagogiques appropriés, dans le but de garantir que chaque enfant ait accès à un environnement et à des outils d’apprentissage judicieux et novateurs. Il appartient aux États membres de veiller à ce que la mise en place de l’apprentissage mixte vise à soutenir la qualité de l’éducation et son caractère inclusif, en particulier pour les enfants dans le besoin. En dépit de sa propagation rapide et de l’attention accrue dont il bénéficie, le concept d’apprentissage mixte doit encore faire l’objet de recherches et d’études supplémentaires, notamment du point de vue du handicap éducatif ou encore pour ce qui est des écoles primaires et des premiers cycles du secondaire.

1.5.

Le CESE note que, pour garantir aux apprenants une plus grande autonomie dans le processus de formation, il importe que l’apprentissage mixte soit accessible à tous, et non pas seulement aux élèves qui résident dans des zones rurales où l’accès à l’école n’est pas possible, ou encore aux étudiants de l’enseignement supérieur lorsqu’ils doivent étudier de façon indépendante.

1.6.

Le CESE fait observer que, dans les cas de formation non scolaire fondée sur des projets, il est nécessaire que santé et sécurité soient garanties, en particulier aux élèves de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP). En s’installant dans la durée, l’enseignement à distance mis en place pendant la crise de la COVID-19 a eu des effets négatifs non seulement sur le bien-être mental et physique des apprenants et des enseignants, mais aussi sur les acquis d’apprentissage des jeunes en formation. Le CESE se déclare satisfait que la proposition insiste sur la nécessité que des professionnels qualifiés de la santé mentale viennent apporter une assistance appropriée pour garantir le bien-être des apprenants et des enseignants.

1.7.

Le CESE invite les États membres à s’assurer qu’au terme d’un dialogue authentique avec les partenaires sociaux concernés du secteur de l’enseignement et les parties prenantes de l’éducation, l’apprentissage mixte soit intégré à leur stratégie éducative, d’une façon qui contribue positivement à un apprentissage inclusif et de qualité pour les apprenants, qui garantisse l’accès à des environnements de formation et d’apprentissage de bon niveau qualitatif, ainsi qu’aux outils et au soutien nécessaires aux enseignants, et ce, avec le souci qu’aucun élève ne soit laissé sans aide.

1.8.

Le CESE suggère en outre aux États membres de se montrer vigilants pour éviter que l’apprentissage mixte ne porte atteinte à la valeur sociale de l’éducation ou à la pertinence de l’enseignement en présentiel dans les programmes d’enseignement. Lancée dans l’urgence durant la pandémie de COVID-19, l’expérience de l’enseignement et de l’apprentissage en ligne l’a mis en lumière la valeur irremplaçable de l’enseignement en présentiel ainsi que de l’interaction et de l’échange continus entre enseignants et apprenants, pour garantir une éducation qui soit à la fois inclusive et de qualité. Les interactions entre les apprenants et les enseignants sont un facteur clé de la motivation et de l’apprentissage, et l’apprentissage mixte ne doit en aucune façon les compromettre.

1.9.

Le CESE demande aux États membres de veiller à ce que l’élaboration de plans éducatifs individualisés prennent en considération les besoins des étudiants en matière de technologies d’assistance. Par ailleurs, le CESE rappelle qu’à cette fin, il faut que les enseignants bénéficient eux même d’une assistance adéquate de la part d’un personnel de soutien, qu’ils soient familiarisés avec ces technologies et soient à même de les utiliser efficacement pour répondre aux besoins des élèves handicapés.

1.10.

Le CESE souligne le rôle central des enseignants dans l’apprentissage mixte. Les échanges de professionnels, les projets collaboratifs et l’enseignement individualisé ne sont possibles que si suffisamment de temps est prévu à cette fin dans l’emploi du temps des enseignants et que les instances de direction leur apportent leur soutien. Il est extrêmement important de veiller à l’épanouissement d’une communauté de l’apprentissage mixte dans l’optique de promouvoir la valeur des technologies de l’enseignement et de la formation.

1.11.

Par ailleurs, le CESE tient à souligner que, pour garantir l’inclusion et la qualité de l’éducation, l’apprentissage mixte devrait contribuer à la mise en œuvre des «conclusions du Conseil sur les enseignants et les formateurs européens de demain». À ce propos, le CESE invite les États membres à épauler de façon concrète les enseignants pour qu’ils puissent dispenser une assistance aux apprenants dans un contexte d’apprentissage mixte de qualité, en améliorant leur formation professionnelle initiale, en la mettant à jour et en la rendant plus pertinente et mieux adaptée, tant à leurs besoins qu’à ceux des élèves.

1.12.

Le CESE juge favorablement les mesures proposées pour affermir les compétences informatiques des enseignants, telles que des cours, programmes et outils de renforcement de celles de ces compétences qui sont spécifiques à l’enseignement, ainsi que le développement et la diffusion de modules et de ressources pédagogiques, aussi bien en ligne que sur site. En outre, la proposition devrait appuyer le droit des enseignants à bénéficier d’un perfectionnement professionnel continu actualisé et accessible, lequel devrait être dûment reconnu dans le cadre du dialogue social et des négociations collectives au niveau national, régional et local, et bénéficier de la participation significative des partenaires sociaux du secteur de l’éducation.

1.13.

Le CESE tient à relever que les cours en ligne ouverts et massifs (CLOM) ne sont pas nécessairement interactifs ou assis sur une pédagogie digne de ce nom. Il invite par conséquent la Commission à apporter, sur la plateforme en ligne pour l’enseignement scolaire (School Education Gateway), une aide de formation plus diversifiée aux enseignants, aux formateurs, aux chefs d’établissement ou encore aux formateurs d’enseignants en matière d’apprentissage mixte, en ayant en ligne de mire une certification. Les ressources techniques et le matériel qui ont été mis au point avec le soutien de la Commission pour être employés dans l’apprentissage mixte doivent être fiables, faciles à utiliser, traduits dans toutes les langues officielles de l’Union et bénéficier d’une adhésion unanime de la part de toutes les parties prenantes du processus d’apprentissage. Le CESE recommande que les projets d’académies européennes des enseignants soient également invités à élaborer des programmes communs accrédités de formation des enseignants portant sur l’amélioration pédagogique de l’apprentissage mixte. Il convient d’étudier le rôle des microqualifications en matière d’apprentissage mixte.

1.14.

Le CESE se félicite que la proposition mette l’accent sur le bien-être des enseignants et l’attrait de leur profession, et il suggère que les États membres étoffent leurs rangs, pour soutenir le bien-être de ceux qui sont en exercice. Le CESE fait le constat que la pénurie aiguë d’enseignants et le manque d’attractivité des conditions de travail et des salaires (4) ont un effet négatif sur la qualité de l’enseignement. Cet état de fait peut constituer un obstacle au développement de systèmes d’apprentissage mixte inclusifs et de qualité.

1.15.

Le CESE tient à souligner que la combinaison d’un apprentissage en présentiel et d’un apprentissage à distance requiert que les enseignants fassent preuve de créativité et de sens de l’innovation (5) et qu’ils possèdent de solides compétences pédagogiques. Il est essentiel de concevoir l’apprentissage mixte de telle sorte qu’il respecte la charge de travail et les horaires d’activité des enseignants, leur assure des conditions de travail décentes et leur garantisse un environnement professionnel qui les encourage.

1.16.

Le CESE préconise de garantir un mode de direction démocratique de l’école qui permette tant aux apprenants qu’aux enseignants de disposer d’une indépendance réelle pour orienter à leur gré le processus d’apprentissage et d’enseignement. Le CESE insiste une nouvelle fois sur l’importance de garantir et de renforcer la gouvernance démocratique des systèmes d’éducation et de formation, cette démarche supposant une réelle consultation de la société civile organisée (6).

1.17.

Le CESE fait observer que les formations mixtes se situant en dehors du cadre de l’éducation formelle, par exemple l’apprentissage informel et non formel, doivent être reconnues, par une mise en œuvre effective de la recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel. L’apprentissage informel et non formel joue un rôle important pour soutenir le développement des compétences interpersonnelles, cognitives et de communication, dont la créativité, la citoyenneté active et les savoir-faire nécessaires à la vie professionnelle. La participation aux processus de validation doit être accessible à tous et soutenue par des investissements publics durables.

1.18.

Le CESE tient à faire remarquer que pour pouvoir être dûment développé, l’apprentissage mixte doit être convenablement soutenu par des investissements publics durables, figurer en bonne place dans le cadre du Semestre européen et recevoir l’appui d’autres fonds européens, notamment la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), Erasmus+ et le FSE+. Il est essentiel que tout apprenant bénéficie d’une assistance pour accéder à des programmes d’apprentissage en ligne de qualité. Des investissements supplémentaires s’imposent, au premier chef, pour garantir aux élèves de l’enseignement et la formation professionnels une formation à distance d’excellence et pour leur assurer d’accéder aux outils et aux simulateurs qui les aideront à acquérir un apprentissage pratique indépendant dans un environnement sûr, ainsi que pour mettre à disposition dans les territoires des centres d’apprentissage tout au long de la vie et des bibliothèques (7).

1.19.

Le CESE dresse le constat que l’utilisation croissante des outils numériques dans le cadre de l’apprentissage mixte met de plus en plus en péril la sécurité des données des apprenants et des enseignants, ainsi que les droits de propriété intellectuelle des professeurs. Par conséquent, la Commission et les États membres devraient prévoir un financement public durable et mettre en place, en concertation avec les partenaires sociaux du secteur de l’éducation et les parties prenantes du monde éducatif, un cadre juridique approprié garantissant la protection des données et des droits de propriété intellectuelle en matière d’éducation. Le CESE se déclare préoccupé que la recommandation puisse affirmer qu’aucune ressource supplémentaire n’est nécessaire pour mettre en œuvre les plans contenus dans la proposition. Le financement peut être un moyen de stimuler la coopération dans des domaines où l’Union européenne ne bénéficie pas de compétence forte. Les moyens alloués pourraient couvrir, par exemple, les frais d’hébergement, la maintenance et les coûts d’équipement pour l’intégration d’une plateforme, l’hébergement des ressources pédagogiques, la sécurité des données ou encore l’équipement des enseignants et des apprenants, sachant que les élèves les plus défavorisés sont ceux qui pâtiraient le plus d’un défaut de ressources adéquates.

1.20.

Le CESE prie la Commission et les États membres de se saisir de la question de la multiplication des prestataires de services éducatifs et de l’expansion du secteur des technologies éducatives, lequel sera de plus en plus favorisé par l’introduction de l’apprentissage mixte dans les programmes éducatifs. Le CESE invite les États membres à élaborer des réglementations nationales, y compris d’envisager la possibilité de mettre en place des plateformes publiques pour l’enseignement et l’apprentissage en ligne, de manière à protéger la dimension publique de l’éducation. Par ailleurs, des plateformes publiques devraient être mises en œuvre, au terme d’une consultation substantielle des partenaires sociaux du secteur de l’éducation et des parties prenantes du monde éducatif, dans le plein respect de l’autonomie professionnelle des enseignants et du personnel éducatif, ainsi que de la liberté académique et de l’autonomie des établissements d’enseignement, sans qu’aucune pression soit exercée sur les enseignants ou le personnel éducatif quant au matériel pédagogique et aux méthodes pédagogiques qu’ils utilisent.

1.21.

Au vu de l’importance accordée à l’ensemble du champ des formations mixtes, le CESE suggère de réaliser, aux fins de la recommandation à l’examen, des évaluations individualisées et une collecte différenciée des données en fonction de l’âge, en faisant droit aux différences de besoins qui existent, parmi les enfants et les jeunes, en ce qui concerne le développement, une telle approche donnant par ailleurs la possibilité de recueillir des données chiffrées sur des questions de handicaps scolaires, comme le harcèlement ou le décrochage. Les outils de mesure précis nécessaires à cette fin peuvent être élaborées en collaboration avec les partenaires concernés. De la même façon, il va de soi que les effets de la recommandation doivent faire l’objet de rapports circonstanciés et d’un suivi précis.

2.   Observations générales

2.1.

Le présent avis a pour objet d’examiner la proposition de recommandation du Conseil sur l’apprentissage mixte pour un enseignement primaire et secondaire inclusif et de qualité. Il s’intéresse également à l’enseignement professionnel initial de niveau secondaire. La proposition de recommandation ne préconise pas de généraliser une moindre présence des éducateurs pas plus qu’elle n’encourage une augmentation du nombre d’heures passées face à l’écran. Le CESE se félicite de la participation des jeunes à la démarche, qu’il convient de maintenir et d’étendre tout au long du processus.

2.2.

Selon une étude de la Commission européenne (8), l’apprentissage mixte s’entend comme une approche hybride combinant l’apprentissage en classe et à distance, y compris en ligne. L’apprentissage mixte est un modèle flexible qui peut venir en appui pour permettre à un projet ou à un cycle d’études de progresser, sans exiger des enseignants et des apprenants qu’ils se trouvent réunis à tout moment dans un même espace physique.

2.3.

Si l’apprentissage en milieu scolaire améliore les compétences sociales des apprenants, leur bien-être, leur sentiment d’appartenance, leur sens du collectif, une meilleure interaction personnelle, tant entre eux qu’avec l’enseignant, un apprentissage mixte bien organisé peut les aider à accéder à un apprentissage plus indépendant, individualisé et autonome (9). Il peut s’avérer particulièrement prometteur pour l’initiation aux disciplines artistiques, avec notamment du matériel vidéo.

2.4.

Si la proposition décrit l’apprentissage mixte comme une approche hybride, soulignant sa flexibilité et sa capacité à inciter à l’étude indépendante, il est impératif de mieux clarifier le rôle des enseignants et des formateurs dans sa mise en œuvre. À cet égard, il est essentiel de veiller à ce qu’elle soit transposée dans les programmes d’enseignement selon une approche qui aborde l’école dans sa globalité, en tenant compte des besoins des enseignants, des apprenants et de leurs familles. Il est aussi indispensable que l’apprentissage mixte se déploie dans les limites du temps scolaire, et n’entraîne ni surcharge insoutenable pour les enseignants ni fardeau supplémentaire pour les familles.

3.   Observations particulières

3.1.

La crise de la COVID-19 a poussé les élèves des cycles primaire et secondaire, ainsi que de l’enseignement et la formation professionnels à devenir des apprenants plus autonomes. Les établissements scolaires et les enseignants, pour la plupart sans aucune préparation adéquate, ont été contraints de s’adapter dans l’urgence à l’apprentissage en ligne et à distance, en utilisant la messagerie numérique, les courriels, les conversations vidéo en ligne et d’autres moyens de rester en contact avec les enfants, afin de leur dispenser un enseignement adéquat lors du confinement. Le défi s’est révélé tout autant considérable pour les enfants handicapés, dont le désavantage se trouve encore accru lorsqu’il s’agit d’interagir par le truchement de médias numériques. Les pouvoirs publics, les programmes télévisés, les partenaires sociaux, les prestataires d’enseignement et de formation, les ONG et nos concitoyens à titre individuel, ont réagi avec une extrême rapidité pour aider les enseignants à mettre sur pied des classes virtuelles et des plateformes de collaboration, mais le chemin qui reste à parcourir est encore plus considérable.

3.2.

Par ailleurs, au vu des effets énormes que la crise de la COVID-19 a produits tant sur la jeunesse que sur le système éducatif, il nous faut aussi rester extrêmement prudents quant au calendrier du changement. Il va falloir du temps pour effectuer le retour à l’école en réel, et de nombreux jeunes vont devoir s’habituer à ce «retour à la normale»: il risque d’être déstabilisant de devoir absorber trop de changements dans un laps de temps trop bref. Les enfants et les jeunes ont été touchés de plein fouet par la crise de la COVID-19. La pandémie a très gravement affecté leur éducation, leur socialisation, leurs perspectives économiques et leur santé mentale. La priorité pour la période qui s’ouvre devrait être celle de la normalisation, avec une attention particulière accordée au bien-être, à la santé mentale et à l’apprentissage formel.

3.3.

Le CESE se dit perplexe quant à la capacité de l’enseignement primaire et des premiers cycles du secondaire à intégrer un apprentissage mixte, sachant que, dans les tranches d’âge concernées, les enfants sont souvent dépourvus des compétences nécessaires pour être des apprenants actifs dans ce type d’apprentissage. Généralement, ils n’ont pas encore suffisamment d’autonomie, de savoir-faire collaboratifs, de compétences numériques, de capacités à construire un savoir et à s’autoévaluer et de plusieurs autres compétences dites «du XXIe siècle», lesquelles sont nécessaires pour un apprentissage réussi dans un environnement mixte: lorsqu’elles sont absentes chez une catégorie d’apprenants, la fourniture d’un apprentissage mixte de qualité s’en trouve bel et bien menacée. Il convient de poser en principe que les expériences d’introduction de l’apprentissage mixte dans l’enseignement doivent commencer par viser les apprenants les plus âgés plutôt que les plus jeunes.

3.4.

Le CESE relève que, lors de la COVID-19, les élèves de l’enseignement et la formation professionnels ont été privés de l’essentiel de leur expérience d’apprentissage par la pratique. Le déficit d’accès à l’internet à haut débit et aux outils informatiques, des interactions inadéquates entre les enseignants et les apprenants et une absence d’environnements d’apprentissage appropriés ont contribué à provoquer un décrochage plus massif, en particulier chez les filles et les jeunes défavorisés sur le plan socio-économique. Il convient donc que l’apprentissage mixte soit soigneusement conçu et déployé, pour garantir qu’il offre à tous les jeunes un environnement et des outils d’apprentissage inclusifs. Bien que la recommandation cible pour l’essentiel l’enseignement primaire et secondaire, ainsi que l’enseignement et la formation professionnels de type initial au niveau secondaire, il y aurait lieu d’explorer les possibilités que l’apprentissage mixte offre aux apprentis.

3.5.

Parmi ses mesures, la proposition entend une réponse directe à la crise, en préconisant de «donner la priorité au bien-être physique et mental des apprenants et de leurs familles», ainsi que de «stimuler le développement des compétences numériques des apprenants et des familles». À cet égard, le CESE souligne qu’il importe d’élargir la portée de cette garantie de bien-être et d’amélioration des compétences numériques, afin qu’elle s’applique à l’ensemble du système éducatif, y compris les enseignants, les formateurs et les chefs d’établissement.

3.6.

Le CESE se félicite que la Commission propose d’élaborer, en coopération avec les États membres, des documents d’orientation spécifiques, des manuels et d’autres éléments concrets, fondés sur des éléments objectifs, des activités d’apprentissage par les pairs et de bonnes pratiques. Cette initiative comblera les lacunes qui ont été cernées en soutenant le développement d’une approche d’apprentissage mixte au niveau de l’école et du système éducatif. Il conviendrait que les partenaires sociaux et les autres parties prenantes concernées trouvent également leur place dans cette coopération. S’agissant de faire évoluer les systèmes éducatifs, de les modifier ou de les adapter, de quelque manière que ce soit, la plus grande circonspection est de mise. Il importe d’avoir l’absolue certitude que de tels changements n’aggraveront aucunement ni les inégalités en matière d’éducation ni le décrochage scolaire, qui représentent probablement les plus grands défis auxquels notre système éducatif se trouve confronté.

3.7.

Le CESE est d’avis que l’apprentissage mixte est susceptible de transformer complètement tant l’enseignement que l’apprentissage. Toutefois, là où la proposition met en avant les «opportunités créées par l’apprentissage mixte, y compris l’amélioration de la qualité et du caractère inclusif de l’éducation et de la formation, ainsi que le développement général des compétences et le bien-être des apprenants», le CESE insiste avec force sur la nécessité d’examiner soigneusement les garde-fous dont il convient d’assortir l’introduction de l’apprentissage mixte, en particulier dans les zones rurales et les territoires marqués par la pauvreté, où les carences des infrastructures, du fait d’un manque d’accès à l’internet à haut débit et aux outils informatiques, et l’absence d’un environnement favorable, du point de vue familial ou financier, par exemple, empêchent les apprenants de pouvoir tirer parti d’un apprentissage mixte de qualité bénéficiant aux apprenants. Il est capital qu’ils puissent se connecter à des réseaux puissants et fiables, en particulier lorsque tous les autres membres de la famille doivent faire de même pour leurs activités respectives. En outre, les élèves ne disposent pas tous, en matière de compétences numériques, ou encore d’autodiscipline ou d’autonomie, du niveau requis pour suivre des cours de manière indépendante et exécuter des tâches sans interaction directe avec les enseignants. En général, le succès de l’apprentissage mixte dépend fortement du suivi et de l’assistance que peuvent apporter les parents, en particulier pour les jeunes apprenants. Le risque est réel de créer ou de creuser des inégalités en ce qui concerne les acquis d’apprentissage des élèves, et de contribuer à augmenter le taux de décrochage scolaire, sachant que tous les parents ne sont pas à même ou suffisamment disponibles pour remplir efficacement ce rôle.

3.8.

Dans un contexte où, ces dernières années, les systèmes éducatifs ont connu une évolution tendant vers une privatisation accrue, l’apprentissage mixte devrait être introduit dans les programmes éducatifs d’une manière qui préserve la responsabilité et la transparence dans la gouvernance des systèmes d’enseignement public face à l’influence des intérêts et des acteurs privés et commerciaux. L’apprentissage mixte ne doit en aucune façon compromettre le caractère de bien public que revêt l’éducation.

3.9.

Avant la pandémie de COVID-19, les éducateurs étaient confrontés au défi d’écarts qui, sous l’effet de diverses pressions socio-économiques, se creusaient entre les élèves sur le terrain de l’apprentissage. Il s’y ajoute d’autres facteurs, dont le racisme, la ségrégation, le déclin général de la promotion sociale ou encore le ralentissement de l’économie mondiale. De manière générale, on constate également un recours accru aux devoirs à domicile, par exemple, lesquels ne font que creuser les écarts de performances. L’isolement et l’auto-apprentissage ont également des effets psychologiques néfastes. Pour de nombreux étudiants, en particulier issus de milieux socio-économiques défavorisés, l’interaction directe avec les enseignants comme avec leurs condisciples offre une source de soutien et contribue à réduire le déficit d’apprentissage. La pandémie actuelle de COVID-19 a aggravé cette fracture éducative, y compris en matière de compétences numériques, exposant un plus grand nombre d’élèves au risque de subir des pertes dans leur apprentissage.

3.10.

Le CESE entend souligner que la formation initiale et continue des enseignants n’est pas suffisante pour les doter des qualifications appropriées, y compris pour ce qui est des compétences numériques, des méthodes pédagogiques ou du matériel didactique qui sont pertinents pour dispenser un enseignement dans un contexte de l’apprentissage mixte. Ce constat vaut tout particulièrement lorsqu’il s’agit de travailler avec des élèves ayant des besoins particuliers, dans un environnement multiculturel, ou avec des jeunes défavorisés, la tâche apparaissant encore plus problématique que d’ordinaire, dans la mesure où la situation actuelle pénalise précisément ces groupes d’apprenants, au moment même où ils ont besoin d’un soutien supplémentaire. Le Forum européen des personnes handicapées revendique l’égalité d’accès aux services éducatifs pour les salariés et les étudiants handicapés, ainsi que la mise en place de mesures telles que l’interprétation en langue des signes, le sous-titrage en direct et le travail adapté.

3.11.

Les instrument d’autoévaluation mentionnés dans la proposition, tels que le futur outil SELFIE destiné aux enseignants, peuvent aider à la mise en place de l’apprentissage mixte. Toutefois, le CESE entend faire valoir que l’introduction de ces dispositifs risque de donner lieu à des comparaisons entre les établissements en fonction de leurs performances, débouchant sur des classements, palmarès et compétitions entre écoles. Il importe que la mise en œuvre de l’apprentissage mixte respecte les spécificités de chaque établissement d’enseignement et ses priorités en ce qui concerne l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC), qui devraient être soumises à l’accord des enseignants, des formateurs et des chefs d’établissement.

3.12.

De plus en plus, le travail avec les enfants et les jeunes doit reposer sur une véritable participation permanente des intéressés, conformément à l’article 12 de la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Mis à part une isolée consultation, la recommandation n’insiste pas suffisamment sur les points de vue des enfants. Cette lacune doit être corrigée. De nombreux États membres sont en train d’élaborer des modèles de bonnes pratiques, et l’Union développe actuellement sa propre stratégie en matière de droits de l’enfant. Un changement de cette nature devrait, à terme, se traduire clairement dans la gestion et l’évaluation des établissements scolaires.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2020) 625 final, COM(2020) 624 final, JO C 66 du 26.2.2021, p. 1, JO C 221 du 10.6.2021, p. 3.

(2)  JO C 56 du 16.2.2021, p. 1.

(3)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 27.

(4)  Teachers in Europe — Careers, Development and Wellbeing (Les enseignants en Europe: carrières, développement professionnel et bien-être), Commission européenne, 2021.

(5)  Blended learning in school education — guidelines for the start of the academic year 2020/21 (L’apprentissage mixte dans l’enseignement primaire — orientations pour l’année scolaire 2020/21), Commission européenne.

(6)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 27.

(7)  Downes, P. (2011), Multi/Interdisciplinary Teams for Early School Leaving Prevention: Developing a European Strategy Informed by International Evidence and Research (Équipes pluridisciplinaires/interdisciplinaires pour la prévention du décrochage scolaire: développer une stratégie européenne structurée par des faits probants et des recherches à l’échelle internationale), Commission européenne, NESET (réseau d’experts sur les aspects sociaux de l’éducation et de la formation), direction générale de l’éducation et de la culture, Bruxelles.

(8)  Blended learning in school education — guidelines for the start of the academic year 2020/21 (L’apprentissage mixte dans l’enseignement primaire — orientations pour l’année scolaire 2020/21), Commission européenne.

(9)  Ibid.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/134


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable

[COM(2021) 561 final — 2021/0205 (COD)]

(2022/C 105/20)

Rapporteur:

Thomas KROPP

Consultation

Parlement européen: 13.9.2021

Conseil de l’Union européenne, 14.9.2021

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

7.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

231/0/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) rappelle que le marché européen de l’aviation est essentiel pour le commerce et le tourisme dans l’Union européenne, ainsi que pour la compétitivité internationale de l’économie européenne (1).

L’aviation étant toutefois l’un des secteurs dont les émissions de CO2 augmentent le plus rapidement, le CESE soutient les initiatives réglementaires prises par les institutions de l’Union pour atténuer son impact sur l’environnement (2).

1.2.

Le paquet «Ajustement à l’objectif 55» de la Commission doit permettre à l’Union de réaliser son objectif ambitieux consistant à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, en alignant la politique de l’Union sur les mandats politiques ambitieux du pacte vert et de la loi européenne sur le climat. Le CESE soutient cette politique extrêmement ambitieuse qui contient plusieurs propositions législatives ayant une incidence sur l’aviation, dont un élément essentiel est la promotion des carburants durables d’aviation (CDA). Bien que la Commission ait évalué la complémentarité de cette proposition avec d’autres propositions pertinentes, le CESE est d’avis qu’elle devrait également prendre en considération les implications financières cumulées de toutes les mesures réglementaires en la matière.

1.3.

Dans le contexte des initiatives réglementaires visant à accélérer la transition vers la neutralité carbone, la proposition «RefuelEU Aviation» revêt une importance capitale pour l’aviation. Contrairement à d’autres secteurs, l’aviation dépend des combustibles fossiles en tant que source d’énergie. Pour permettre au secteur de se développer tout en réduisant ses émissions de CO2, la proposition de règlement «RefuelEU Aviation» vise à accélérer la production, la distribution et l’utilisation des CDA en obligeant les fournisseurs de carburants d’aviation à fournir une part croissante de carburant d’aviation mélangé à des CDA dans tous les aéroports de l’Union, et en imposant aux compagnies aériennes d’accroître leur utilisation de CDA par étapes progressives prédéfinies.

Conformément à son approche en matière de promotion d’une aviation durable, le CESE soutient la proposition de la Commission dans ses grandes lignes mais propose certaines modifications pour qu’elle puisse être mise en œuvre de manière effective et sans générer de distorsions.

1.4.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission visant à accélérer le développement d’un marché pour les CDA. Pour peu qu’ils soient produits en quantités suffisantes et soient accessibles à l’ensemble des compagnies aériennes, ceux-ci réduiraient en effet sensiblement les émissions de CO2 du secteur. Il n’est toutefois pas certain que l’approche suivie par la Commission empêcherait les distorsions de concurrence.

1.5.

L’aviation est un secteur de services de nature internationale, couvrant dans les faits deux marchés distincts ayant chacun leur propre dynamique: d’un côté, le marché unique européen correspondant à l’Espace économique européen (EEE) et, de l’autre, le marché réglementé à l’échelon international. Le CESE estime que le projet de proposition devrait refléter clairement cette différence; il invite la Commission à maintenir des conditions de concurrence équitables au sein de l’EEE et à promouvoir de manière proactive des normes de durabilité qui s’appliqueraient à l’échelle mondiale.

1.6.

Le règlement proposé couvrira l’ensemble des opérations de toutes les compagnies aériennes de l’Union, qu’elles opèrent au sein de l’EEE ou à l’international; les réseaux de compagnies aériennes extérieures à l’Union ne seront cependant couverts que dans la mesure où ils incluent des services fournis depuis un aéroport de l’Union. Tous les autres services mondiaux fournis par des compagnies aériennes de pays tiers ne seraient pas concernés par l’obligation d’utiliser un minimum de carburant d’aviation mélangé à des CDA. L’écart de prix attendu entre le carburant d’aviation et les CDA pourrait donc conférer un avantage concurrentiel aux compagnies aériennes des pays tiers. Alors que l’ensemble du secteur mondial de l’aviation peine à se remettre de la pire crise de son histoire d’après-guerre, les compagnies aériennes de l’Union ne devraient pas avoir à supporter unilatéralement des coûts supplémentaires. En outre, si l’écart de prix était répercuté sur les passagers, les vols moins respectueux de l’environnement assurés par des compagnies aériennes de pays tiers deviendraient plus attrayants pour les passagers de l’Union.

1.7.

Le CESE recommande que la mise en œuvre effective du règlement à l’examen soit précédée d’une phase pilote durant laquelle les dispositions internes à l’EEE en matière d’atténuation de l’impact de l’aviation sur l’environnement pourraient être alignées, tandis que la Commission s’attellerait en particulier à coordonner étroitement la promotion par l’Union des CDA avec les initiatives similaires entreprises au niveau international. Une fois les CDA produits et mis à la disposition des transporteurs de l’Union et des pays tiers en quantités suffisantes, le règlement serait pleinement appliqué en ce qu’il imposerait également des obligations aux compagnies aériennes de pays tiers opérant au départ d’aéroports de l’Union. Une telle approche échelonnée réduirait au minimum les risques de pénaliser les précurseurs, limiterait le risque de fuite de carbone, assurerait la rentabilité du processus de mise en œuvre et instaurerait une stabilité de planification pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les producteurs de CDA. Elle faciliterait en outre une approche cohérente des biocarburants.

1.8.

Les liaisons internationales long-courriers étant responsables d’une proportion sensiblement plus élevée d’émissions de CO2 que les vols court-courriers et moyen-courriers effectués au sein de l’EEE (3), le CESE estime que la Commission devrait mettre davantage l’accent sur les moyens de parvenir à une coordination des mesures réglementaires internationales. Ces mesures prises par des tiers, associées aux mécanismes de compensation déjà convenus tels que le régime CORSIA (4), créeront un nouvel élan au service de la production, de la diffusion et de l’utilisation des CDA à l’échelle internationale, accélérant ainsi la hausse de la demande en CDA et réduisant le risque de fuite de carbone (5).

Le CESE partage l’analyse de la Commission selon laquelle il faudra du temps pour créer un marché pour les CDA. Il invite la Commission à élaborer une feuille de route réaliste et exhaustive pour l’augmentation progressive de l’utilisation des CDA, afin d’assurer une stabilité de planification pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les producteurs de tels carburants, et de fournir des orientations pour le processus de suivi politique.

2.   Observations générales

2.1.

Il y a lieu d’adopter une approche réglementaire exhaustive et efficace pour promouvoir le développement d’une aviation durable.

2.1.1.

Le projet de proposition «RefuelEU Aviation» est ancré dans plusieurs autres propositions réglementaires du paquet «Ajustement à l’objectif 55», toutes destinées à atténuer les effets de l’aviation sur l’environnement (6). Au moment d’évaluer son incidence et sa faisabilité, il convient donc de prendre dûment en considération l’interdépendance de ces propositions et leur effet cumulatif sur le marché de l’aviation.

2.1.2.

Une directive révisée sur la taxation de l’énergie introduirait un taux minimum de taxation pour les vols effectués à l’intérieur de l’Union; les CDA bénéficieraient d’un taux minimum de taxation nul, tandis que ces taux minima devraient augmenter progressivement sur une période de dix ans pour atteindre 10,75 EUR par gigajoule. L’objectif déclaré de cette proposition est d’«encourager l’utilisation de carburants d’aviation plus durables», d’«inciter […] les compagnies aériennes à utiliser des aéronefs plus efficaces et moins polluants» et d’«éviter une perte potentielle de revenus de 32 %». Si les États membres dépassaient individuellement le taux minimum, ces taxes nationales supplémentaires sur le CO2 augmenteraient sensiblement la charge financière pesant sur les compagnies aériennes, à moins que les CDA ne soient produits en quantités suffisantes. Il semble essentiel d’établir un tel lien avec la disponibilité des CDA, faute de quoi les règles pourraient avoir un effet punitif au lieu de fournir davantage d’incitations à produire et à utiliser ces carburants.

2.1.3.

Dans les faits, la question se pose de savoir si des taxes supplémentaires pourront encourager la transition des combustibles fossiles vers les CDA si ces derniers ne sont pas disponibles en quantités suffisantes.

2.1.4.

En l’absence de dispositions antidumping significatives, les conditions du marché permettent actuellement aux compagnies aériennes concurrentes de proposer des prix de billets inférieurs à leurs coûts d’exploitation marginaux, et même aux coûts cumulés des redevances aéroportuaires et de gestion du trafic aérien. Une nouvelle taxe n’aurait pas d’incidence sur des niveaux de prix aussi marginaux et n’inciterait donc aucunement à tirer parti des CDA pour soutenir la compétitivité; une telle taxe minimale à l’échelle de l’Union priverait simplement les compagnies aériennes de ressources financières dont elles ont besoin pour investir dans des aéronefs plus efficaces. En outre, les recettes issues de ces taxes supplémentaires ne peuvent, par définition, pas servir à la réalisation d’objectifs prédéfinis (au service de l’environnement) mais iront alimenter les caisses des États membres. Elles ne permettraient donc pas d’étoffer l’offre pour répondre à une demande croissante de transport aérien.

2.1.5.

Le CESE estime dès lors qu’il y a lieu d’évaluer la dynamique du marché de façon plus différenciée, en mettant particulièrement l’accent sur la nécessité éventuelle de répondre, en tant que mesure réglementaire supplémentaire, à la nécessité d’une législation antidumping ciblée imposant concrètement un niveau de prix minimal pour couvrir les coûts exogènes (7).

La Commission propose également, comme mesure supplémentaire dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55», de réviser les règles du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) dans le secteur de l’aviation. Le SEQE couvrait précédemment quelque 40 % des émissions totales de l’Union; dans sa version révisée, cette proportion a augmenté en raison de l’inclusion de nouveaux secteurs, tels que le secteur maritime. L’obligation de réduction des émissions pour les secteurs couverts par le SEQE est également passée de 40 % à 61 % d’ici à 2030 sur la base des niveaux de 2005, tandis que les quotas alloués à titre gratuit dans le secteur de l’aviation doivent être progressivement supprimés entre 2023 et 2025.

2.1.6.

L’échange de droits d’émission est en effet un mécanisme de réduction des émissions fondé sur le marché, et de nouveaux ajustements des paramètres de cet instrument sont susceptibles de le renforcer. Au moment d’évaluer les effets de telles mesures sur la dynamique du marché, comme suggéré ci-dessus, il faut garder à l’esprit que la réduction progressive des quotas gratuits entraîne une charge financière qui s’ajoute au coût supplémentaire qu’il est déjà prévu d’imposer au titre de la taxe minimale applicable à l’échelle de l’Union. En outre, la directive sur la taxation de l’énergie, la directive SEQE et le règlement «RefuelEU Aviation» nécessitent chacun des données sur l’utilisation et la consommation de carburants d’aviation ainsi que sur l’utilisation des CDA. Il convient de se pencher davantage sur la rationalisation des dispositions relatives à la collecte, à la déclaration et à la vérification des données, afin d’éviter toute complexité inutile et de garantir la faisabilité des différents processus.

La proposition de règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs vise à faire en sorte que les infrastructures appropriées soient en place dans les aéroports pour permettre l’accès aux CDA dans tous les aéroports de l’Union. S’il est évidemment essentiel d’assurer une logistique efficace pour la diffusion des CDA, le règlement a lui-même besoin d’être davantage clarifié; selon son libellé actuel, les véhicules utilisés pour la fourniture de carburants écologiques au secteur de l’aviation pourraient être considérés comme non écologiques (8). En l’absence de telles clarifications, il est difficile d’évaluer dans quelle mesure d’autres coûts au niveau des aéroports pourraient se concrétiser et potentiellement être répercutés sur les compagnies aériennes.

2.2.

La proposition de règlement «RefuelEU Aviation» est essentielle pour garantir un avenir durable au secteur de l’aviation, mais elle doit éviter les effets de distorsion sur ce marché.

2.2.1.

La Commission reconnaît que la production et la diffusion des CDA à un niveau industriel nécessiteront des investissements considérables, en temps comme en argent, pour parvenir à un déploiement significatif. Ses compétences étant limitées juridiquement au trafic aérien à l’intérieur de l’Union, et concrètement à celui qui a lieu au sein de l’EEE, la Commission propose deux mesures pour limiter au maximum les distorsions de concurrence au niveau international: garantir l’utilisation de carburants d’aviation mélangés à des CDA pour tous les vols au départ des aéroports de l’Union, quelle que soit leur destination, et imposer l’embarquement d’une quantité minimale de carburant d’aviation dans les aéroports de l’Union. La première cible le fournisseur et n’est pas discriminatoire à l’égard des compagnies aériennes. On peut toutefois se demander si la seconde est réalisable et si elle est efficace pour prévenir toute distorsion sur le marché.

2.2.2.

L’article 7 impose notamment à toutes les compagnies aériennes l’obligation de fournir des données sur la quantité de carburant d’aviation embarquée dans un aéroport donné de l’Union, ainsi que de communiquer la quantité totale de carburant d’aviation mélangé à des CDA achetée auprès de leurs fournisseurs. Les compagnies aériennes communiquent déjà actuellement la quantité de carburant d’aviation qu’elles embarquent et consomment par vol dans le contexte des obligations de déclaration découlant du SEQE de l’Union. Ce régime ne s’applique qu’aux vols effectués au sein de l’Union (9). Le règlement proposé étend les obligations de déclaration aux vols internationaux au départ d’aéroports de l’Union. Ceux-ci sont également exploités par des transporteurs de pays extérieurs à l’Union, qui sont donc eux aussi soumis à ces obligations. Il est admis au niveau international que les compagnies aériennes étrangères puissent être incluses dans les obligations de déclaration, pour permettre aux autorités nationales de contrôler le respect des règles. Cette obligation ne devrait donc pas rencontrer d’opposition sur la scène internationale.

2.2.3.

L’article 5 oblige toutefois les compagnies aériennes (dans leur ensemble) à s’assurer que la quantité de carburant d’aviation qu’elles embarquent annuellement dans un aéroport donné de l’Union représente au moins 90 % du carburant d’aviation requis sur une base annuelle. Cette disposition vise à prévenir ce que l’on appelle le suremport («tankering»). La Commission définit le suremport comme une pratique par laquelle une compagnie aérienne embarque plus de carburant d’aviation que nécessaire dans le but d’éviter un ravitaillement dans l’aéroport de destination où le carburant est peut-être plus cher (10). Les plateformes aéroportuaires de certaines compagnies aériennes en réseau extérieures à l’Union européenne se situent à proximité de l’EEE (par exemple à Londres, Doha, Dubaï ou Istanbul), de sorte qu’un vol court-courrier suffit pour les rejoindre depuis un aéroport de l’EEE. Les destinations long-courriers pourraient dès lors être desservies en embarquant du carburant depuis la plateforme aéroportuaire extérieure à l’Union, sans recourir au suremport. Répercutés dans le prix du billet, les coûts supplémentaires imputables aux CDA pourraient inciter les passagers à atteindre leur destination finale long-courrier en empruntant l’aéroport de correspondance (moins cher) situé en dehors de l’Union (11). L’article 5 n’apporte cependant pas de réponse à la question des distorsions systémiques qu’entraîne la création de désavantages concurrentiels pour les plateformes aéroportuaires de l’Union et, partant, pour les compagnies aériennes en réseau de l’Union.

2.2.4.

Étant donné que les liaisons vers les plateformes situées à proximité de l’Union impliquent des vols court-courriers, l’utilisation de carburant pour ces vols quittant l’Union ne couvre qu’une petite partie du total des activités internationales des compagnies aériennes de pays tiers. Au fil du temps, au fur et à mesure que la part du carburant mélangé à des CDA augmentera, l’écart de prix entre celui-ci et le carburant d’aviation traditionnel se creusera également, renforçant ainsi l’attractivité concurrentielle des vols transitant par des plateformes extérieures à l’Union. Les voyageurs seront d’autant plus encouragés à éviter les itinéraires impliquant l’utilisation de CDA, ce qui nuirait à l’objectif affiché de la proposition de règlement à l’examen consistant à promouvoir l’utilisation des CDA et à réduire ainsi les émissions de CO2, y compris sur les vols quittant l’Union.

2.2.5.

Compte tenu de ce qui précède, le CESE recommande d’échelonner dans le temps l’application de cette proposition de règlement. Au cours d’une phase pilote, les activités devraient être axées sur l’alignement des dispositions existantes en matière de déclaration et de taxes liées au CO2 au niveau de l’Union et au niveau national. Plusieurs dispositions de ce type se côtoient actuellement et servent de base au calcul du niveau des quotas d’émission et des compensations, d’une part, et des taxes nationales à payer sur le CO2 et sur le carburant d’aviation, d’autre part. À l’heure actuelle, toutefois, elles ne sont pas traitées dans le même contexte, ce qui donne lieu à des procédures administratives parallèles pour les parties prenantes et les administrations. Dans sa forme actuelle, la proposition de règlement introduirait une exigence supplémentaire, qui consisterait à fournir encore plus de données sur l’embarquement de carburant dans tous les aéroports, y compris l’embarquement de CDA et celui de carburant à l’échelle de l’Union; l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) et Eurocontrol seraient également tenus de communiquer les données accumulées reçues conformément aux dispositions du règlement, mais pas nécessairement d’autres données.

2.2.6.

Il semble nécessaire, dans un premier temps, d’instaurer la transparence et de réduire les procédures inutilement complexes en rationalisant les mécanismes de déclaration, de vérification et de suivi au titre des règlements existants pour les compagnies aériennes de l’Union, et de mettre ainsi en place un ensemble cohérent et efficace de mesures qui pourraient également intégrer les diverses initiatives nationales, de façon à créer un cadre harmonisé. Au cours de cette phase pilote, les données fournies par les compagnies aériennes de l’Union refléteraient l’utilisation des CDA (uniquement) par les compagnies aériennes de l’Union pour les vols intérieurs à l’EEE. Cette approche semble réaliste compte tenu du temps nécessaire pour développer la production de CDA. Ces vols au sein du marché unique européen de l’aviation ne devraient pas, dans un premier temps, inclure les passagers internationaux.

2.2.7.

Cette phase pilote proposée ne retarderait pas nécessairement la mise en œuvre intégrale du règlement, son objectif étant de rationaliser les processus de déclaration et de vérification des données à l’intérieur de l’Union afin de garantir que les mesures du paquet «Ajustement à l’objectif 55» applicables à l’aviation n’entraînent pas de charges administratives inutilement complexes. Elle assurerait en outre une certaine transparence quant à l’effet financier cumulé des mesures sur le secteur européen de l’aviation. La phase pilote n’empêcherait pas la Commission d’aligner les processus sur ceux adoptés en dehors de l’EEE.

2.2.8.

L’application du présent règlement aux vols internationaux au départ des aéroports de l’Union devrait dépendre de la disponibilité des CDA pour répondre à l’augmentation de la demande. Un système efficace d’utilisation des CDA à l’échelle de l’EEE pourrait alors éventuellement servir de référence, de modèle et de norme au niveau international. Élargir progressivement le champ d’application du système proposé permettra en outre d’éviter une répétition de la controverse qu’a vécue la Commission au sujet de l’inclusion des vols au départ de l’Union dans le SEQE de l’Union. Le point essentiel est que la Commission mette en place des instruments réglementaires réalisables au niveau de l’EEE et négocie une approche harmonisée au niveau mondial.

2.2.9.

Dans le cadre de la coordination des étapes sur la voie d’un cadre international affiné et ciblé, la question du régime CORSIA peut et devra être abordée. En maintenant une distinction entre les jalons portant sur les mesures applicables au sein de l’EEE et ceux ayant trait au cadre international, le régime CORSIA peut être adapté de manière consensuelle à ce dernier sans générer de complexité supplémentaire pour les premières.

2.3.

Une feuille de route complète, claire et contraignante est nécessaire pour la mise en œuvre de toutes les propositions formulées et pour le suivi des différents jalons.

2.3.1.

Les objectifs climatiques qui ont fait l’objet d’un accord politique au sein de l’EEE pour l’ensemble des secteurs, et en particulier l’aviation, sont extrêmement ambitieux et, comme le confirme le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ils auraient dû être adoptés bien plus tôt. Toutefois, les spécificités de l’aviation, telles que décrites par la Commission et brièvement résumées ci-dessus, nécessitent d’encourager l’offre et la demande pour un marché (des CDA) actuellement négligeable sans miner la compétitivité internationale du secteur européen de l’aviation ou mettre en péril la sécurité de l’emploi en Europe. Pour relever ces défis propres au secteur, il sera essentiel de déployer des mesures efficaces en franchissant une par une des étapes clairement définies auxquelles les parties prenantes pourront raisonnablement adapter leurs produits et processus internes.

2.3.2.

Le processus législatif en cours porte en lui un certain degré d’incertitude quant au résultat final des paquets législatifs. Le CESE demande instamment à toutes les institutions de l’Union de s’efforcer de maintenir, et même d’améliorer encore, l’efficacité cumulée des mesures proposées, ainsi que de parvenir à un consensus sur la feuille de route relative à leur mise en œuvre.

2.3.3.

Cette feuille de route prévoira notamment l’alignement des mesures nationales existantes. Certains États membres ont déjà élaboré de telles feuilles de route après consultation des parties prenantes (12).

3.   Observations particulières

3.1.

Pour que la proposition soit mise en œuvre avec succès, il est essentiel de veiller à exclure toute erreur critique de conception dans le contexte d’une obligation d’utiliser des CDA. La Commission a imaginé huit options stratégiques qui diffèrent en ce qui concerne la partie obligée du règlement (fournisseur et/ou compagnie aérienne), la portée géographique (territoire de l’EEE avec ou sans les pays tiers), les obligations secondaires pour les futurs produits sophistiqués en lien avec les CDA (en particulier les carburants renouvelables d’origine non biologique), l’objectif poursuivi (volume de CDA/réduction des gaz à effet de serre) et les exigences logistiques (inclusion ou non d’un système de certificats négociables rendant superflu l’approvisionnement physique de chaque aéroport, pour ne pas avoir à garantir que chaque lot de carburant dans chaque aéroport doive contenir des CDA).

3.2.

Le CESE soutient l’approche de la Commission consistant à rendre obligatoires les biocarburants avancés et le kérosène de synthèse. La proposition de l’Union remplacerait certaines obligations nationales qui reposent en partie sur les carburants produits à partir de cultures. Dès lors, puisque la production de biocarburants revêt une importance primordiale pour de nombreux secteurs, et pas seulement pour l’aviation, il est essentiel de veiller à ce qu’elle soit toujours durable.

3.3.

La proposition de la Commission prévoit un mélange composé à 5 % de CDA d’ici à 2023, 4,3 % étant attribués aux biocarburants et 0,7 % au kérosène de synthèse. La Commission devrait revoir l’équilibre entre les biocarburants avancés et le kérosène de synthèse. Étant donné que les biocarburants avancés sont produits à partir de déchets et de résidus, les ressources disponibles constituent un frein à leur exploitation ambitieuse. À l’inverse, pour peu qu’il soit produit à partir d’électricité (verte) renouvelable et de CO2 capturé dans l’atmosphère, le kérosène de synthèse assurerait un approvisionnement en carburant en ne rejetant que des quantités négligeables de CO2. Le CESE estime qu’une nouvelle législation dérivée pourrait accélérer l’introduction de procédés de production avancés et faciliter la réalisation d’objectifs plus ambitieux à moyen et à long terme pour les mélanges contenant des CDA.

3.4.

Compte tenu de son potentiel, le CESE recommande de s’orienter vers un recours plus ambitieux au kérosène de synthèse. Il ne semble pas irréaliste de porter l’objectif minimal à 0,7 % en 2027 et à 5 % en 2030. Le Comité est d’avis que la Commission sous-estime la dynamique du marché du kérosène de synthèse. Les pays en développement d’Amérique du Sud et d’Afrique peuvent construire des centrales électriques, ainsi que stocker et transporter des carburants de synthèse vers les pays ayant besoin de tels carburants et de CDA. À mesure que les centrales se développeront, la production de carburants de synthèse deviendra de plus en plus abordable pour ces pays. Or, la formulation actuelle de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) n’assure pas une stabilité de planification suffisante pour permettre aux investisseurs d’investir dans de nouvelles technologies. Cette source d’énergie est toutefois si importante qu’il s’impose d’élaborer une feuille de route politique claire, telle qu’esquissée ci-dessus.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 99, et JO C 389 du 21.10.2016, p. 86.

(2)  Communication sur le pacte vert pour l’Europe [COM(2019) 640 final].

Stratégie de mobilité durable et intelligente, https://ec.europa.eu/transport/themes/mobilitystrategy_fr

Proposition de directive de l’UE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union [COM(2021) 552 final].

Proposition de directive en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables [COM(2021) 557 final].

Proposition de directive sur une infrastructure pour carburants alternatifs [COM(2021) 560 final].

(3)  La moitié des émissions de CO2 proviennent d’à peine 6 % des vols, à savoir les liaisons long-courriers, Data Snapshot on CO2 emissions and flight distance | EUROCONTROL (en anglais).

(4)  Le régime de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) est un régime mondial de mesures fondées sur le marché visant à compenser la part des émissions de CO2 provenant des vols internationaux dépassant leur niveau de 2020. Il est appliqué sur une base volontaire depuis le 1er janvier 2021 et jusqu’en 2026; 81 États (dont l’ensemble des États membres de l’Union), représentant 77 % de l’aviation internationale, y ont souscrit.

(5)  Plusieurs pays, tels que le Royaume-Uni et les États-Unis, prévoient également des mesures visant à promouvoir les CDA et à réduire les émissions de CO2, voir SWD(2021) 633 final (en anglais uniquement).

(6)  SWD(2021) 633 final, section 7.2.

(7)  Toute intervention réglementaire dans les mécanismes du marché va à l’encontre des objectifs de libéralisation du marché de l’aviation. La libéralisation n’est cependant pas un dogme, et elle montre ses limites lorsqu’elle empêche la réalisation des objectifs climatiques énoncés dans le pacte vert. Il s’impose donc de procéder à une analyse détaillée et différenciée des implications de telles interventions sur le marché dans un cadre réglementaire libéralisé. Cela est d’autant plus vrai si plusieurs initiatives réglementaires complémentaires sont interdépendantes et peuvent avoir des effets financiers cumulatifs sur les parties prenantes.

(8)  Avis du CESE sur le thème «Taxinomie de la finance durable — changement climatique», adopté le 22 septembre 2021, ECO/549 (JO C 517 du 22.12.2021, p. 72).

(9)  L’intention initiale d’étendre l’applicabilité du SEQE de l’Union aux vols au départ et à destination d’aéroports de l’Union a été abandonnée à la suite de l’opposition d’États non membres de l’Union, qui ont insisté sur le fait que leurs compagnies aériennes ne pouvaient pas être légalement incluses dans un régime réglementaire de l’Union s’apparentant à une taxe.

(10)  Exposé des motifs (1. Justification et objectifs de la proposition), p. 1.

(11)  Exemple: le prix du billet Stuttgart-Vienne-Kuala Lumpur serait influencé par le prix plus élevé qu’impliquent l’utilisation de carburant mélangé à des CDA pour la partie court-courrier Stuttgart-Vienne et l’utilisation obligatoire de CDA pour la liaison long-courrier Vienne-Kuala Lumpur. En revanche, un vol Stuttgart-Istanbul-Kuala Lumpur ne nécessiterait l’utilisation de carburant d’aviation mélangé à des CDA que pour la partie court-courrier Stuttgart-Istanbul.

Dans l’exemple ci-dessus, il pourrait être financièrement avantageux pour la compagnie aérienne exploitant la liaison Istanbul-Stuttgart d’embarquer suffisamment de carburant depuis Istanbul pour réduire la nécessité d’un nouvel embarquement de carburant pour le vol de retour Stuttgart-Istanbul, évitant ainsi complètement l’utilisation de carburant mélangé à des CDA. L’article 5 prévient l’apparition de tels cas de figure.

(12)  Par exemple, la feuille de route de l’Allemagne concernant la production de carburant de synthèse liquide à partir d’électricité (2021), https://www.bmvi.de/SharedDocs/DE/Anlage/LF/ptl-roadmap.pdf?__blob=publicationFile


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/140


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la notification de la compensation dans le cadre d’un mécanisme de marché mondial pour les exploitants d’aéronefs établis dans l’Union

[COM(2021) 567 final — 2021/0204 (COD)]

(2022/C 105/21)

Rapporteur:

Thomas KROPP

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 14.9.2021

Parlement européen, 13.9.2021

Base juridique

Articles 192 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Transports, énergie, infrastructures et société de l’information

Adoption en section

7.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

238/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) note qu’en raison de la pandémie de COVID-19, les émissions de CO2 dans le secteur de l’aviation ont diminué de 64 % en 2020 par rapport à 2019 (1). Selon une prévision d’Eurocontrol (Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne) qui sous-tend la proposition de la Commission, le volume du trafic ne devrait pas atteindre les niveaux de 2019 avant 2024 (2).

1.2.

Le Conseil de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale des Nations unies) a décidé en juillet 2020 que les émissions de 2019 devaient servir de base pour le calcul de la compensation (3) par les compagnies aériennes pour les années 2021-2022.

1.3.

Conformément à la proposition de modification de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (4), les États membres devraient être tenus de déclarer les compensations, comme l’exige le droit international, en 2022 pour 2021, même si l’augmentation des émissions en 2021 par rapport à 2019 devrait être négligeable, voire nulle.

1.4.

Le CESE approuve donc la proposition de la Commission (5) visant à modifier la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la notification de la compensation en 2021. La modification devrait être adoptée sans délai afin de garantir la sécurité juridique (6).

1.5.

Le CESE recommande d’envisager une prolongation de la nouvelle base de référence jusqu’à ce que le nombre moyen de passagers atteigne les niveaux de 2019, au moins pour les années 2022 et 2023; à l’heure actuelle, on estime que la relance devrait avoir lieu au cours de ces deux années. Dans le cas contraire, les exploitants d’aéronefs seraient tenus de compenser les émissions, même s’ils volent moins et génèrent moins d’émissions qu’au cours de l’année de référence.

1.6.

Le CORSIA (régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale) fait partie d’un ensemble de mesures visant à atténuer l’impact de l’aviation sur l’environnement. Le CESE encourage la Commission à réexaminer toutes les propositions réglementaires relatives à l’aviation dans le paquet «Ajustement à l’objectif 55» de sa politique du pacte vert en vue d’établir l’interdépendance des propositions pour évaluer leur impact financier cumulé et harmoniser leurs procédures respectives.

1.7.

En 2016, les États membres de l’OACI, notamment les États membres de l’Union, ont convenu de mettre en œuvre le CORSIA en tant qu’instrument de protection du climat dans le domaine de l’aviation internationale. Le CESE se félicite des mesures prises à l’échelle planétaire pour les industries mondiales. Il invite donc la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres à continuer de soutenir et d’approuver pleinement le CORSIA.

2.   Observations générales

2.1.

En 2016, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a adopté le CORSIA pour lutter contre les émissions de CO2 de l’aviation. Les normes et procédures de mise en œuvre de ce régime ont été adoptées en tant qu’annexe à la convention de Chicago, que tous les États membres de l’OACI doivent appliquer depuis janvier 2019.

2.2.

Un système de compensation ne réduit pas les émissions du secteur, mais les compagnies aériennes compenseront la croissance des émissions de l’aviation dans d’autres secteurs, afin que les émissions nettes de CO2 soient stabilisées. Une exigence fondamentale est que la réduction des émissions ailleurs soit permanente et ne donne pas lieu à des augmentations involontaires des émissions.

2.3.

La pertinence du CORSIA ne saurait être surestimée, car il s’agit d’un mécanisme convenu au niveau international au sein des Nations unies. Tous les États membres signataires de l’OACI doivent veiller à ce que leurs transporteurs déclarent leurs émissions sur une base annuelle; pour les vols internationaux, le contrôle a débuté au 1er janvier 2019. Les compagnies aériennes sont donc tenues d’établir des bases de données pour le carburant utilisé sur chaque vol afin de calculer les émissions de CO2 en appliquant l’une des méthodes de mesure de l’utilisation de carburant approuvées. Cependant, les membres de l’OACI ont convenu de mettre en œuvre le CORSIA en plusieurs phases; à partir de la période 2021-2026, seuls les vols entre les États qui ont volontairement choisi de prendre part à cette première phase feront l’objet de compensations (7). À partir de 2027, tous les vols internationaux seront couverts par le régime, avec une très faible exemption pour certains pays en développement. Les vols intérieurs relèvent de la compétence d’une autre agence des Nations unies, la CCNUCC (8), et sont couverts par l’accord de Paris.

2.4.

En raison de la crise sans précédent engendrée par la COVID-19 et de la forte baisse du volume du trafic et, partant, des émissions de CO2 en 2020, ainsi que de la longue durée de la période de relance qui suit, il est très peu probable que les exigences de compensation s’appliquent entre 2021 et 2023; ce qui viderait les obligations de déclaration de tout sens. La proposition actuelle instaure une obligation légale pour les États membres de l’Union de notifier le chiffre de la compensation aux compagnies aériennes établies dans l’Union au plus tard le 30 novembre 2022 en ce qui concerne les émissions de 2021, même si celles-ci sont nulles. Elle offrirait donc une sécurité juridique aux compagnies aériennes de l’Union comme aux États membres.

2.5.

Selon les prévisions, le CORSIA permettra de réduire les émissions d’environ 2,5 milliards de tonnes de CO2 entre 2021 et 2035, soit une moyenne annuelle de 165 millions de tonnes de CO2 (9). Toutefois, étant donné que le CORSIA ne réduit pas les émissions de l’aviation, il n’aura pas d’incidence sur les niveaux effectifs de CO2 émis par l’aviation. Le CORSIA doit donc être envisagé en lien avec d’autres mécanismes qui ont une incidence sur les niveaux d’émission de CO2 du secteur (10). Dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55» (11), trois autres mesures poursuivent cet objectif: la mise en place d’une taxation sur le kérosène uniquement au niveau de l’Union, l’instauration d’une obligation de mélange pour les carburants durables dans l’aviation (12) et la modification du système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE de l’UE).

2.6.

Bien que le CORSIA et le SEQE traitent tous deux des émissions de CO2, ils fonctionnent différemment. Le SEQE de l’UE réduit les émissions totales admissibles en obligeant les compagnies aériennes à acheter des quotas pour leurs émissions individuelles. Quant au CORSIA, il oblige les compagnies aériennes à acheter des compensations pour compenser la croissance collective des émissions sectorielles, afin que chaque tonne de CO2 émise par l’aviation soit évitée ou réduite dans un autre secteur. Le SEQE s’applique à l’aviation intra-européenne. Il inclut néanmoins les passagers qui ne sont qu’en transit depuis un aéroport de l’Union vers une plateforme aéroportuaire européenne afin d’accéder à une destination internationale; dans ce cas, les émissions de CO2 engendrées par chaque segment de transport incluant un aéroport européen seront évaluées. Un même passager pourrait transiter vers une même destination lointaine en passant par une plateforme aéroportuaire située à proximité de l’Union comme Londres, Istanbul, Dubaï, Doha ou Moscou; pourtant, les émissions de CO2 correspondant au vol long-courrier partant d’un aéroport non européen ne seraient alors pas couvertes par le SEQE de l’UE. Il convient de remédier à ces cas de fuite de carbone.

2.7.

La proposition «Carburants durables pour l’aviation» (ReFuelEU Aviation) pourrait également entraîner des distorsions de concurrence, car l’utilisation d’un carburant d’aviation durable mélangé serait (uniquement) obligatoire dans tous les aéroports de l’Union, mais pas sur les plateformes non européennes. Bien que les carburants durables pour l’aviation émettent moins de CO2, leurs coûts de production sont nettement plus élevés que ceux du carburant d’aviation. En l’absence de financement public de ces carburants durables pour l’aviation, les coûts supplémentaires engendrés par eux seraient en fin de compte répercutés sur les passagers, ce qui rendrait les vols internationaux au départ d’une plateforme de l’Union plus onéreux pour eux que le vol vers la même destination au départ d’une plateforme non européenne. Il y a lieu d’éviter des distorsions aussi significatives de la concurrence internationale, qui représenteraient au final une menace pour la réduction des émissions de CO2. Or, celle-ci est nécessaire d’un point de vue politique, commercial et, avant tout, environnemental.

2.8.

La taxation du kérosène n’aurait un effet sur le marché que si elle encourage la production de carburants durables pour l’aviation, ce qui n’est pas nécessairement le cas.

2.9.

Le CESE recommande à la Commission de dresser un tableau complet de toutes les mesures fondées sur le marché et de leurs effets escomptés sur le marché de l’aviation.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://ec.europa.eu/clima/news/emissions-trading-greenhouse-gas-emissions-reduced-2020_en

(2)  https://www.eurocontrol.int/publication/eurocontrol-five-year-forecast-2020-2024

(3)  La compensation est une initiative menée par une entreprise ou par un particulier pour compenser ses émissions en finançant une réduction des émissions ailleurs. Sur les marchés où la compensation est obligatoire, des crédits de réduction d’émissions certifiés sont délivrés pour les compensations obtenues grâce à des projets de réduction des émissions. Ces crédits peuvent être échangés entre des entreprises et des gouvernements pour se conformer aux accords internationaux qui plafonnent la quantité de CO2 pouvant être émise par un organisme ou une organisation.

(4)  Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275 du 25.10.2003, p. 32).

(5)  L’objet du présent avis: COM(2021) 567 final — 2021/0204 (COD).

(6)  Le CESE suit le raisonnement du considérant 9 de la proposition COM(2021) 567 final — 2021/0204 (COD).

(7)  Au moins 88 États représentant 77 % de l’aviation internationale sont couverts par le système à partir de 2021, y compris tous les États membres de l’Union.

(8)  Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Le protocole de Kyoto, signé en 1997, couvrait la période 2005 à 2020 et constituait la première mise en œuvre de mesures au titre de la CCNUCC. Le protocole de Kyoto a été remplacé par l’accord de Paris, entré en vigueur en 2016. La CCNUCC compte 197 États signataires et l’état d’avancement de la mise en œuvre de ses décisions fait l’objet d’un suivi par la conférence des parties (COP), qui se réunit chaque année.

(9)  Fiche d’information de l’IATA relative au CORSIA, 12 mai 2019.

(10)  Il s’agit par exemple de l’inclusion du secteur de l’aviation dans le SEQE de l’UE (2003/87/CE) ou de l’initiative «Carburants durables pour l’aviation» (ReFuelEU Aviation) [COM(2021) 561 final — 2021/0205 (COD)].

(11)  Le paquet «Ajustement à l’objectif 55» de la Commission européenne comprend plusieurs propositions réglementaires interdépendantes qui permettraient à l’Union européenne d’atteindre les objectifs que s’est fixés le continent en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (55 % des émissions nettes), et que le Conseil de l’Union a approuvés en 2020. Ils sont inscrits dans la loi européenne sur le climat. Les propositions de ce paquet ont également une incidence sur les écosystèmes européens de transport et de tourisme. Sans incitations efficaces, les propositions ne déboucheront sur aucune politique européenne durable en matière de tourisme et de transports. Au contraire, les mesures proposées pourraient entraîner d’importantes augmentations de coûts pour les entreprises de l’Union, qu’elles soient grandes ou petites, et nuire à leur compétitivité par rapport aux entreprises de transport et de tourisme de pays tiers situées autour des frontières européennes, mettant ainsi en péril les emplois de l’Union dans ces secteurs. Les régions de l’Union qui dépendent fortement du tourisme seraient donc particulièrement touchées. Une approche tournée vers l’avenir et durable, à l’instar de celle que propose la Commission, consiste en des mesures complémentaires; leur association doit cependant servir de catalyseur à un secteur neutre en ce qui concerne l’effet de serre; il faut donc tenir compte de l’incidence de leurs coûts cumulatifs sur les écosystèmes européens du transport et du tourisme, afin de garantir la stabilité nécessaire pour investir dans de nouveaux emplois.

(12)  Projet d’avis du CESE TEN/744 (voir page 136 du présent Journal officiel).


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/143


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Cap sur une planète en bonne santé pour tous — Plan d’action de l’UE: “Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols”»

[COM(2021) 400 final]

(2022/C 105/22)

Rapporteure:

Maria NIKOLOPOULOU

Consultation

Commission européenne, 31.5.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

4.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

105/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient le plan de la Commission visant à traiter de manière globale les différents types de pollution et à respecter les engagements de l’accord de Paris et les objectifs de développement durable. Pour que le plan soit véritablement ambitieux, ses objectifs doivent être pleinement alignés sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et il conviendrait de relever le niveau d’ambition dès le départ, c’est-à-dire maintenant.

1.2.

Le CESE invite instamment la Commission à commencer à collecter des données afin de pouvoir présenter sous peu des propositions législatives dans des domaines où elles font défaut, comme, entre autres exemples, la pollution lumineuse et vibratoire.

1.3.

Il se félicite de la mise en place de la plateforme des parties prenantes «zéro pollution» en vue d’accélérer la dépollution et souhaite collaborer avec elle, par l’intermédiaire de la plateforme européenne des acteurs de l’économie circulaire (1) ou par d’autres moyens.

1.4.

Le CESE regrette que la hiérarchie «zéro pollution» ait prêté un moindre degré d’attention à la réparation et l’indemnisation des dommages liés à la pollution. Il y a lieu de définir des actions à mener lorsqu’il n’est pas possible d’identifier les pollueurs ou qu’ils ne peuvent pas indemniser les dommages.

1.5.

Le CESE préconise que la législation et la surveillance de la pollution par les particules incluent dans le processus d’évaluation des particules leur potentiel d’oxydation, ainsi que les particules ultrafines.

1.6.

Pour lutter contre la pollution marine, tous les ports doivent disposer d’un système avancé de collecte et de gestion des déchets. En outre, l’Union européenne devrait encourager des actions en faveur de la collecte permanente des déchets marins, dans le double but de contribuer à la dépollution et d’assurer une activité complémentaire à la pêche.

1.7.

Une partie de la pollution plastique dans la mer provient des eaux intérieures. Le nettoyage de nos fleuves européens nécessite une coordination entre les pays concernés.

1.8.

Le CESE estime que la gestion des déchets devrait être harmonisée et qu’il conviendrait de les gérer et de les valoriser sur le territoire même où ils sont produits ou là où existent des installations de recyclage appropriées, afin d’éviter qu’ils n’aient un impact négatif sur des pays tiers.

1.9.

Bien que les objectifs soient fixés au niveau de l’Union européenne, le CESE recommande d’établir des seuils minimaux par pays, afin de garantir que tous les États membres progressent de manière satisfaisante, fût-ce à des rythmes différents.

1.10.

Le CESE invite instamment les États membres et la Commission à accélérer le processus de transition vers les sources d’énergie renouvelables, qui sont si importantes pour permettre aux entreprises de réaliser leur processus de décarbonation de la production.

1.11.

Le CESE félicite la Commission pour sa stratégie de «science citoyenne», qui vise à stimuler la participation et l’engagement des citoyens en les sensibilisant à la pollution, à la santé et au bien-être.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

Le plan d’action de l’Union européenne «Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols» constitue l’un des dernières clés de voûte du pacte vert. Il fixe comme objectif principal, pour 2050, de réduire la pollution à des niveaux qui ne nuisent ni à la santé humaine ni à l’environnement. La Commission intégrera et articulera toutes les actions en cours concernant simultanément des objectifs multiples en matière de pollution.

2.2.

En vertu de son droit et des ambitions du pacte vert, et en synergie avec d’autres initiatives, l’Union européenne devrait, d’ici à 2030, réduire:

de plus de 55 %, les incidences de la pollution atmosphérique sur la santé (décès prématurés),

de 30 %, la part des personnes souffrant de troubles chroniques dus au bruit des transports,

de 25 %, les écosystèmes de l’Union européenne où la pollution atmosphérique menace la biodiversité,

de 50 %, les pertes de nutriments, l’utilisation des pesticides chimiques et les risques qui leur sont associés, l’utilisation des plus dangereux de ces pesticides et la vente d’antimicrobiens pour les animaux d’élevage et dans l’aquaculture,

de 50 %, les déchets plastiques en mer et de 30 %, les microplastiques libérés dans l’environnement,

de façon significative, la production totale de déchets et de 50 %, les déchets municipaux résiduels.

2.3.

Les rapports, prévus pour 2022 et 2024, qui seront élaborés au titre du cadre de surveillance et de prospective «zéro pollution» viseront à évaluer le processus de réalisation des objectifs fixés pour 2030 et constitueront le point de référence pour décider quelles seront les mesures qu’il sera nécessaire de mettre en œuvre ou de renforcer afin de garantir que ces objectifs soient atteints. C’est sur cette base que seront présentées les prochaines étapes visant à atteindre l’objectif de zéro pollution d’ici à 2050.

2.4.

La Commission et le Comité européen des régions vont lancer une plateforme des acteurs concernés par l’ambition «zéro pollution».

2.5.

La directive-cadre sur la stratégie pour le milieu marin fera l’objet, d’ici à 2023, d’une révision visant à réduire le bruit sous-marin et à parvenir à une diminution en ce qui concerne les polluants.

2.6.

La révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires et de celle sur les boues d’épuration relèvera le niveau d’ambition en matière d’élimination des nutriments présents dans les eaux usées et de préparation des eaux et boues traitées en vue de leur réutilisation.

Le règlement sur le transport des déchets fera l’objet d’une révision, visant à mieux contrôler leurs exportations, assurer leur traitement durable et limiter ces exportations quand elles ont des incidences néfastes sur l’environnement et la santé dans les pays tiers.

3.   Observations générales

3.1.

Comme indiqué dans le plan d’action, la lutte contre la pollution est également un combat pour l’équité, étant donné que ses effets les plus nocifs pour la santé sont subis par les groupes qui présentent la vulnérabilité la plus forte, notamment les enfants, les personnes âgées ou atteintes de pathologies, celles qui sont handicapées et celles qui vivent dans des conditions socio-économiques plus défavorables (2). Au niveau mondial, ce sont les pays à revenu faible et intermédiaire qui sont les plus touchés par les maladies liées à la pollution, puisqu’ils comptabilisent environ 92 % des décès qui lui sont imputables (3).

3.2.

Le CESE soutient le plan de la Commission et ses initiatives phares visant à traiter de manière globale les différents types de pollution et à respecter les engagements de l’accord de Paris et les objectifs de développement durable. Pour que le plan soit véritablement ambitieux, il convient que ses objectifs soient pleinement alignés sur les recommandations de l’OMS.

3.3.

Le CESE souscrit à l’approche qui consiste à renforcer la législation existante dans différents domaines et à l’adapter lorsqu’elle n’a pas été mise en œuvre avec succès, par exemple en ce qui concerne la qualité de l’air et de l’eau. Nous réaffirmons que la politique de l’Union européenne en matière d’environnement a révélé que, dans de nombreux États membres, l’application insuffisante, morcelée et inégale de la législation environnementale européenne constitue un problème sérieux (4). Qui plus est, là où le bât blesse, ce n’est pas de savoir ce qu’il conviendrait de faire, mais de mettre en œuvre de mesures bien connues, souvent décidées de longue date, ainsi que de faire preuve de la volonté politique (5).

3.4.

Le CESE invite instamment la Commission à commencer à collecter des données afin de pouvoir présenter sous peu des propositions législatives dans des domaines où elles font défaut, comme, entre autres exemples, la pollution lumineuse et vibratoire.

3.5.

Le degré de réalisation des objectifs sera évalué à l’aune des résultats obtenus au moyen du cadre de surveillance et de prospective «zéro pollution» en 2024. Cette démarche ouvrira le débat visant à évaluer le niveau d’ambition et, si nécessaire, revoir plus en profondeur les objectifs et la législation. Le CESE craint que ce processus ne soit trop long, compte tenu du peu de temps qui reste pour réaliser les objectifs fixés à l’horizon 2030, et il estime que le niveau d’ambition devrait être relevé dès le départ, c’est-à-dire maintenant.

3.6.

Les objectifs en matière de pollution atmosphérique établis pour 2030 sont fondés sur des années de référence bien trop anciennes, lesquelles diffèrent par ailleurs d’un objectif à l’autre car elles reposent sur des données et des législations différentes. Bien que de longues périodes de données cumulées facilitent les projections, le CESE estime qu’il conviendrait, pour tous les objectifs, d’unifier les points de départ chronologiques servant à évaluer les progrès accomplis dans leur mise en œuvre, afin d’obtenir une image réaliste quant à leur taux de réalisation.

3.7.

Ce cadre de référence devra aider les entreprises et les petites et moyennes entreprises (PME) à mettre en œuvre la législation en matière de lutte contre la pollution, tout en maintenant les charges administratives à un niveau aussi faible que possible. La pollution de l’Union européenne ne s’arrêtant pas aux frontières, il est également nécessaire d’établir un cadre réglementaire harmonisé au niveau international.

3.8.

Le CESE estime que le processus de coopération entre les secteurs revêt une importance essentielle pour assurer la transition. Par conséquent, il se félicite de la mise en place de la plateforme des parties prenantes «zéro pollution» et souhaite collaborer avec elle, par l’intermédiaire de la plateforme européenne des acteurs de l’économie circulaire ou par d’autres moyens. Il recommande également de mettre en place une coopération étroite avec les pays tiers et des espaces de coopération entre les sociétés civiles de régions différentes, étant donné que la pollution n’a pas de frontières.

4.   Observations particulières

4.1.

Le soutien de l’Union européenne à l’innovation, aux investissements et à la recherche sur de nouveaux équipements et technologies est important pour toutes les entreprises, ainsi que pour la création de nouveaux emplois de qualité. Toutefois, il convient d’investir dans la nature et la biodiversité (restauration des écosystèmes et agriculture réparatrice), la prospérité (infrastructures durables et transitions énergétiques vers les sources renouvelables, bâtiments et mobilité verte et publique) et les personnes (éducation et réduction de la fracture en matière numérique, recherche et développement, et réformes fiscales visant à ouvrir des perspectives sur une base plus juste et plus équitable dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’environnement).

4.2.

Le CESE regrette que la hiérarchie «zéro pollution» ait prêté un moindre degré d’attention à la réparation et l’indemnisation des dommages liés à la pollution. Le principe du pollueur-payeur ne s’est pas avéré très efficace, comme en atteste le nombre élevé de sites pollués qui subsistent dans l’Union européenne. Il y a lieu de définir des actions à mener lorsqu’il n’est pas possible d’identifier les pollueurs ou qu’ils ne peuvent pas indemniser les dommages.

4.3.

En ce qui concerne la pollution atmosphérique, le CESE souhaite attirer l’attention de la Commission sur les particules, qui sont en rapport avec des millions de décès prématurés dans le monde. Dans le cadre de l’évaluation des effets toxicologiques des particules sur la santé humaine, il conviendrait d’établir une mesure normalisée qui soit fondée non seulement sur leur concentration massique, mais aussi sur leur taille et leur composition chimique. Les sources des particules, leur potentiel d’oxydation et celles qui sont ultrafines constituent des éléments importants à évaluer, car ils influencent leur degré de dangerosité et devraient dès lors être inclus dans la législation et le suivi de la pollution qui leur est imputable.

4.4.

La législation sur l’eau fera l’objet d’un remaniement, visant à y réduire la présence des polluants chimiques et des microplastiques. Les déchets plastiques sont extrêmement préoccupants, étant donné qu’il est compliqué de les éliminer, qu’ils absorbent d’autres polluants et qu’il n’est pas tenu compte du puissant impact chimique et toxicologique de leurs additifs et des dérivés de leur fragmentation, les nanoplastiques (6). Les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques contribuent grandement à la production de déchets plastiques dans d’autres pays, de sorte qu’il convient de trouver des solutions à la pollution transfrontière et de fixer une nouvelle limite mondiale spécifique pour ces déchets. La prévention étant également essentielle, il faut encourager les formes de production répondant à une approche d’écoconception. L’industrie et la science de l’environnement devraient travailler de concert pour rechercher des solutions viables.

4.5.

Il importe, en particulier dans l’agriculture, d’investir dans l’innovation concernant des technologies et modèles d’exploitation qui facilitent la réutilisation de l’eau et en améliorent la qualité, ainsi que dans la mise en œuvre de démarches qui visent à réduire l’empreinte environnementale, par exemple pour ce qui est de l’irrigation fertilisante, de l’utilisation de pesticides ou des émissions de nitrates. Le renforcement des capacités des opérateurs et leur formation aux nouvelles technologies et solutions numériques faciliteront leur mise en œuvre et le respect de la réglementation sur l’eau.

4.6.

Il convient de gérer soigneusement les déchets provenant des activités halieutiques, dont, en particulier les filets de pêche. Compte tenu du fait que les déplacements des déchets plastiques en mer suivent des schémas aléatoires, il conviendrait qu’une législation soit mise en œuvre au niveau international, ou tout du moins d’une manière ventilée en fonction de la production et de la consommation de plastique de chaque pays, de sorte que celui qui pollue le plus doive payer davantage. Les organisations non gouvernementales (ONG) et certains pays ont démontré que les outils et le personnel qualifié existent, s’agissant de collecter les déchets marins, et qu’il est possible de créer les structures portuaires nécessaires à leur stockage et à leur recyclage (7). Toutefois, cette démarche n’est pas concrétisée parce que les pêcheurs ne tirent aucun avantage économique de la collecte et du tri des déchets et que les petits ports ne sont pas encore préparés à cette activité. En outre, tous les ports, y compris les plus petits, doivent disposer d’un système avancé de collecte et de gestion transparente des déchets (8). L’Union européenne devrait encourager sans relâche ces actions, tant pour contribuer à la dépollution que pour assurer une activité complémentaire à la pêche secondaire (9).

4.7.

80 % des déchets en mer proviennent des eaux intérieures (lacs et rivières) (10). La gestion et le contrôle du problème à la source sont plus efficaces. Le nettoyage de nos fleuves européens nécessite une coordination interétatique. Toutefois, les pays concernés ont des systèmes juridiques très différents et les différents niveaux de gouvernement n’ont pas des responsabilités identiques en ce qui concerne la gestion des bassins hydrographiques.

4.8.

Le CESE estime que la prise en compte des mélanges de substances chimiques constitue une avancée importante dans l’évaluation des risques liés à ces substances. La recherche et le développement sont essentiels pour progresser dans la connaissance de ces mélanges, leur évaluation et leur gestion (11).

4.9.

Pour orienter l’Union européenne vers une pollution zéro, il est nécessaire de prendre des mesures d’incitation qui faciliteront le changement, de renforcer les capacités dans le domaine des nouvelles technologies et des solutions numériques, de fournir une assistance technique, d’éduquer la société, ainsi que d’harmoniser et de mettre en œuvre des guides de bonnes pratiques en matière de production et de consommation. Les entreprises ont besoin de disposer d’énergies renouvelables en quantités suffisantes et à des prix abordables, ainsi que de combustibles gazeux à émissions nulles ou à faibles émissions de carbone, pour décarboner leurs procédés de fabrication. Le CESE invite instamment les États membres et la Commission à accélérer le processus de transition vers les sources d’énergie renouvelables.

4.10.

La révision de la directive relative aux émissions industrielles assure globalement un niveau élevé de protection de l’environnement. L’application des meilleures techniques disponibles n’entraînant pas de coûts excessifs constituerait une approche plus appropriée pour les petites et moyennes entreprises. La mise en œuvre de la directive relative aux émissions industrielles devrait couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur, y compris l’approvisionnement en matières premières en dehors de l’Union européenne. Les niveaux de conformité devraient être juridiquement contraignants pour les émissions industrielles. En outre, une méthode de surveillance normalisée et fiable est nécessaire pour assurer une comparaison de données éprouvées, de même qu’une évaluation harmonisée qui garantisse des conditions de concurrence équitables dans l’ensemble de l’industrie de l’Union européenne.

4.11.

Le CESE considère que la stratégie en matière de compétences constitue un élément clé pour le développement du marché du travail, en ce qu’elle oriente la formation des professionnels dans le sens d’une sensibilisation au climat, à l’environnement et à la santé. Il se félicite également de la formation qu’il est envisagé de dispenser aux professionnels des soins de santé et aux travailleurs du secteur de la protection sociale, car elle améliorera leur capacité à faire face aux risques environnementaux. Cette stratégie aidera les entrepreneurs, les entreprises, les PME, les indépendants et tous les travailleurs à s’adapter, en réduisant au minimum les pertes d’emplois.

4.12.

Les villes et les régions sont en pointe dans l’application des programmes de lutte contre la pollution. Leur réussite dépend des efforts déployés par les collectivités locales et régionales. Il est essentiel d’harmoniser les exigences et les mesures afférentes dans toutes les régions et de veiller à ce que l’application de ces programmes et les objectifs atteints en définitive se maintiennent de manière durable dans le temps, indépendamment des changements politiques. Bien que les objectifs soient fixés au niveau de l’Union européenne, le CESE recommande d’établir des seuils minimaux par pays, afin de veiller à ce que tous les États membres réalisent des progrès satisfaisants, fût-ce à des rythmes différents.

4.13.

Il importe d’harmoniser la manière de gérer les déchets, étant donné que leur tri et leur traitement ne s’effectuent de manière uniforme ni d’une région à l’autre de l’Union européenne, ni au niveau local dans chaque pays, de sorte que la gestion de la pollution et sa prévention perdent en efficacité. L’exportation de tout déchet non conforme aux normes de l’Union européenne devrait être interdite, quelles que soient les dispositions réglementaires en vigueur dans le pays vers lequel il est prévu de l’exporter. En outre, il conviendrait de gérer et de valoriser les déchets de l’Union européenne sur le territoire même où ils ont été produits ou là où existent des installations de recyclage appropriées afin d’éviter qu’ils n’aient un impact sur des pays tiers, à moins que les déchets ne soient utilisés comme matière première dans une production durable respectueuse de l’environnement.

4.14.

La Commission mettra au point un cadre intégré de surveillance et de prospective en rapport avec l’objectif «zéro pollution» pour évaluer les incidences de la pollution sur la santé, l’environnement, l’économie et la société. L’état des cours d’eau devrait également faire l’objet d’une surveillance. Les données collectées devront être obtenues à l’aide de méthodes normalisées et être transparentes, fiables, traçables et accessibles à tous. La base de données devrait intégrer les sources des principales institutions associées à la Commission, ainsi que de toute autre organisme reconnu souhaitant contribuer à la surveillance de la pollution et de ses effets.

4.15.

Le CESE félicite la Commission pour sa stratégie de «science citoyenne», qui vise à stimuler la participation et l’engagement des citoyens en les sensibilisant à la pollution, à la santé et au bien-être. Grâce à cette approche, les particuliers auront les moyens d’effectuer un suivi de la pollution et les données qu’ils auront collectées pourront entrer en ligne de compte aux fins de la prise de décision. Pour assurer le succès de la démarche, il faut veiller à une coordination entre les autorités, les ONG, les collectivités et le monde scientifique.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire.

(2)  Rapport no 22/2018 de l’Agence européenne pour l’environnement, Unequal exposure and unequal impacts («Une exposition et des impacts inégaux»).

(3)  PNUE/EA.4/3 (2018): Plan de mise en œuvre «Vers une planète sans pollution».

(4)  JO C 110 du 22.3.2019, p. 33.

(5)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 76.

(6)  Voir Sendra et al., 2020.

(7)  Directive (UE) 2019/883 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, modifiant la directive 2010/65/UE et abrogeant la directive 2000/59/CE (JO L 151 du 7.6.2019, p. 116).

(8)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 207.

(9)  www.etf-europe.org/can-fishermen-help-cleaning-the-sea-from-plastic-waste/

(10)  Programme des Nations unies pour l’environnement, Marine plastic debris and microplastics («Débris plastiques marins et microplastiques»), 2016.

(11)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 181.


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/148


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des procédures uniformes en matière de contrôle des transports de marchandises dangereuses par route

[COM(2021) 483 final — 2021/0275 (COD)]

(2022/C 105/23)

Consultation

Parlement européen, 13.9.2021

Conseil de l’Union européenne, 24.9.2021

Base juridique

Articles 91 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Transports, énergie, infrastructures et société de l’information

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

219/0/1

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 564e session plénière des 20 et 21 octobre 2021 (séance du 20 octobre), a décidé, par 219 voix pour, sans voix contre et 1 abstention, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/149


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1286/2014 en vue de proroger le régime transitoire appliqué aux sociétés de gestion, aux sociétés d’investissement et aux personnes qui fournissent des conseils sur les parts d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et d’OPCVM non coordonnés ou qui vendent ces parts

[COM(2021) 397 final — 2021/0215 (COD)]

(2022/C 105/24)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 29.7.2021

Parlement européen, 13.9.2021

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

216/0/7

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 564e session plénière des 20 et 21 octobre 2021 (séance du 20 octobre 2021), a décidé, par 216 voix pour et 7 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/150


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/65/CE en ce qui concerne l’utilisation de documents d’informations clés par les sociétés de gestion d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)

[COM(2021) 399 final — 2021/0219 (COD)]

(2022/C 105/25)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 1.9.2021

Base juridique

Article 53, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

218/0/11

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 564e session plénière des 20 et 21 octobre 2021 (séance du 20 octobre 2021), a décidé, par 218 voix pour et 11 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/151


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des mesures de conservation et de gestion pour la conservation du thon rouge du Sud

[COM(2021) 424 final — 2021/0242 (COD)]

(2022/C 105/26)

Consultation

Parlement européen, 13.9.2021

Conseil, 30.8.2021

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Agriculture, développement rural et environnement

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

221/0/1

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 561e session plénière des 20 et 21 octobre 2021 (séance du 20 octobre), a décidé, par 221 voix pour et 1 abstention, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/152


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — «Stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable»

[COM(2020) 575 final]

(supplément d’avis)

(2022/C 105/27)

Rapporteur:

Gonçalo LOBO XAVIER

Décision du bureau du Comité

26.4.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 1, du règlement intérieur et article 29, point a), des modalités d’application du règlement intérieur

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

5.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

168/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) reste préoccupé par le manque de clarté qui entoure dans la plupart des États membres les systèmes de gouvernance des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) et la répartition des responsabilités pour leur mise en œuvre entre les niveaux central, régional et local. De toute évidence, ce flou n’est pas moindre quant aux mécanismes appropriés pour associer les organisations de la société civile (OSC) et les partenaires sociaux aux phases de mise en œuvre, de suivi et d’ajustement des PNRR. Cela a été mentionné dans la résolution du CESE de février (1) et la situation reste inchangée malgré les efforts déployés par la Commission. Le CESE demande instamment que ces aspects essentiels de la relance de l’Union fassent l’objet d’un examen plus approfondi.

1.2.

Le CESE attire l’attention sur la nécessité de mesurer l’état d’avancement de la mise en œuvre des plans pour la reprise et la résilience (PRR). De bons indicateurs de suivi sont nécessaires, car ils serviront de boussole pour la marche à suivre afin de mener plus avant le développement et la relance. Les États membres doivent réagir comme il se doit à ce défi et il faut faire preuve de courage pour sensibiliser les citoyens aux énormes difficultés à venir.

1.3.

Le CESE est fermement convaincu de l’importance du prochain cycle du Semestre européen pour l’Union en tant qu’instrument clé pour la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Les plans nationaux comportent deux types d’outils: les États membres peuvent engager des changements radicaux, dans le cadre d’une double transition, d’une part, et en procédant à des investissements et à des réformes au bénéfice des citoyens (familles, travailleurs, entrepreneurs, etc.) les plus affectés par cette crise, d’autre part. Pour le CESE, ces deux options doivent être prises en considération. Elles nécessitent des outils différents qui, parfois, ne coïncident pas. La reprise est nécessaire pour rendre le système économique résilient.

1.4.

La crise de la COVID-19 a mis en lumière certaines des faiblesses les plus dangereuses de l’Europe: l’absence de politique de coordination pour l’industrie et la dépendance vis-à-vis d’autres zones économiques pour de nombreux produits et services. Le CESE comprend qu’il est difficile de modifier les habitudes et les politiques, et qu’il faut plusieurs années avant que les effets réels des nouvelles politiques se fassent sentir. Toutefois, le temps est compté si l’Union veut changer et assurer sa reprise. L’augmentation des prix des matières premières (et les difficultés rencontrées dans leur distribution), le manque de semi-conducteurs et le niveau élevé des prix de l’énergie sont également révélateurs de la dépendance de l’Union pour ce qui est des actifs stratégiques. Le CESE souhaite que tous les États membres prennent des mesures concrètes en matière d’investissement dans l’éducation, les infrastructures et la politique industrielle, qui puissent accroître l’emploi et encourager les citoyens à stimuler l’industrie européenne.

1.5.

Le CESE soutient les investissements dans une éducation de qualité, l’apprentissage tout au long de la vie et la R&D, qui sont primordiaux pour stimuler et compléter les changements économiques et sociaux que promeut l’instrument de l’Union européenne pour la relance NextGenerationEU. Il est clair que les investissements qui renforcent les systèmes de santé et les politiques de santé publique des sociétés durement touchées par la pandémie de COVID-19 sont essentiels. Ils doivent être associés à une politique industrielle véritablement forte, capable de promouvoir la production et le développement de produits et de services en Europe afin d’éviter une dépendance totale à l’égard d’autres régions économiques.

1.6.

Le CESE estime que le moment est venu de procéder à une réforme approfondie et radicale du pacte. Une recommandation forte est nécessaire dans le cadre de ce nouveau semestre révisé et d’un nouveau pacte comprenant certaines procédures et règles contraignantes pour les consultations des OSC et des autorités locales. Il est donc nécessaire de prendre des mesures en ce sens. Il est temps de formuler des règles contraignantes pour la participation à toutes les étapes, de la préparation à la mise en œuvre, afin d’éviter des problèmes structurels à l’avenir.

1.7.

De l’avis du CESE, une brève analyse des principales priorités des PRR met clairement l’accent sur les objectifs du pacte vert. Pour le CESE, cela est évidemment important mais la mise en œuvre et l’impact de certaines mesures qui semblent peu fondées suscitent des inquiétudes. Les citoyens, les travailleurs et les entreprises doivent être soutenus dans cette transition et les objectifs doivent être définis de manière claire et raisonnable afin d’éviter une situation dans laquelle nous aurions une rhétorique politique forte mais une mauvaise mise en œuvre dans la pratique avec, à la clé, des effets secondaires sous-jacents considérables.

1.8.

Le CESE attire l’attention sur le fait que l’un des apports les plus valables du processus du Semestre européen a été ignoré au fil des ans. En réalité, les recommandations par pays offrent une occasion de procéder à des améliorations et reposent sur des données cohérentes. Les États membres devraient revoir leur attitude quant à cet outil, en particulier à la suite de la crise de la COVID-19 et à la lumière de la possibilité qu’offre la FRR pour mettre en œuvre les réformes structurelles (dans l’éducation, les politiques budgétaires, la protection sociale et le marché du travail en accord avec le socle européen des droits sociaux et les recommandations du sommet de Porto) qui sont essentielles pour la plupart des États membres. Le CESE recommande vivement un changement de perspective des États membres et les organisations de la société civile devraient être très actives et agir en tant que superviseurs dans le processus.

1.9.

Le CESE attire également l’attention sur la capacité d’absorption des fonds de certains États membres, compte tenu de leur «bilan». La moitié des fonds structurels du cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2014-2020 n’avait pas été utilisée à la fin de 2020 et devrait être dépensée dans les années à venir. L’expérience de la Commission et les données dont elle dispose devraient lui servir à adresser des mises en garde aux États membres et à les aider à mieux réaffecter les fonds, pour ce qui est de leur distribution comme de son calendrier. Il est très important d’avertir les États membres que leurs choix politiques ne doivent pas compromettre le processus de relance et que certaines mesures doivent être prises afin d’éviter que des problèmes ne grippent le système. Cela inclut non seulement la nécessité d’éviter la bureaucratie, mais aussi celle d’apporter un soutien politique adéquat pour plus d’efficacité.

1.10.

Le CESE estime que le processus inévitable de numérisation, en particulier en ce qui concerne les services publics dans le domaine de la santé ou des systèmes sociaux, éliminera un certain nombre d’emplois. Cette numérisation peut également être source de problèmes pour les citoyens âgés moins aptes à faire face au processus de numérisation. Le CESE attire l’attention sur la nécessité de concevoir des programmes susceptibles de soutenir réellement les citoyens et de faciliter la transition. Les États membres doivent affecter des fonds d’investissement à la reconversion des personnes touchées par ce changement, et il faut du courage politique pour relever le défi, de même qu’une bonne communication avec les citoyens afin de clarifier les politiques et les objectifs.

1.11.

Le CESE accueille favorablement l’initiative du «tableau de bord de la reprise et de la résilience». Il estime qu’il se révélera être un outil très important, capable de stimuler le processus d’investissement et de mettre en place des mécanismes qui pourraient revêtir une importance cruciale pour l’Union. Le CESE soutient également le calendrier proposé, qui devrait être adopté par la Commission d’ici la fin du mois de septembre (2). Toutefois, il insiste sur la participation des OSC à ce processus également. Il ne s’agit pas seulement d’une question de visibilité mais aussi de vigilance, et il attire également l’attention sur la nécessité de donner à ces organisations les moyens d’agir et de les préparer à relever ce défi. Il est inutile de les appeler à agir si elles n’y sont pas préparées ou si elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour jouer un rôle actif. Il s’agit là pour elles d’une responsabilité et d’une occasion considérables.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE se félicite du lancement de la communication de la Commission intitulée «Coordination des politiques économiques en 2021: surmonter la COVID-19, soutenir la reprise et moderniser notre économie» (3). Le monde est confronté à une crise majeure qui semble saper tous les plans et stratégies de relance. La résilience et la force de l’Europe doivent toutefois prévaloir si nous voulons soutenir notre Union.

2.2.

L’Union européenne a pris des mesures sans précédent pour lutter contre la pandémie de COVID-19, atténuer les effets de la crise et placer notre économie sur la voie d’une croissance solide, durable et inclusive. Toutefois, de nombreuses incertitudes subsistent quant à l’efficacité des politiques de santé, et la crise sanitaire a eu un impact considérable sur la confiance des citoyens, qui est essentielle à la reprise économique et sociale. L’objectif de parvenir à un taux supérieur à 70 % de vaccination de la population européenne aura une forte influence sur la confiance des citoyens, et le CESE salue la coordination établie entre les États membres pour y parvenir. Le CESE attire également l’attention sur la nécessité de bien faire comprendre aux citoyens que ces réalisations sont importantes, mais il convient de rester prudents car ces mesures pourraient ne pas suffire à mettre un terme à la crise sanitaire.

2.3.

La possibilité qui a été donnée aux États membres de présenter les plans nationaux pour la reprise et la résilience est à cet égard un facteur très important auquel il convient d’accorder la priorité. Le CESE est fermement convaincu que les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre et le suivi de ces plans. Cela doit être clair pour tous les États membres. Selon les termes de la résolution du CESE, «le Comité est d’avis que toutes les réformes menées dans le cadre du processus de restructuration doivent se fonder sur les principes inhérents à l’Union, à savoir la protection des droits humains et sociaux, les valeurs démocratiques et l’état de droit. Les investissements dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience doivent viser à libérer tout le potentiel du marché unique, à renforcer la résilience économique de l’Union européenne, à réaliser les objectifs de développement durable des Nations unies, à mettre en place une économie circulaire, à réaliser la neutralité climatique dans l’Union au plus tard d’ici à 2050, à encourager l’innovation et la modernisation en lien avec la numérisation de l’économie et de la société, et à garantir l’application effective du socle européen des droits sociaux pour asseoir la cohésion sociale, éliminer la pauvreté et réduire les inégalités» (4).

2.4.

L’instrument de l’Union européenne pour la relance, NextGenerationEU, doté d’un budget de 750 milliards d’euros (dont 500 déjà alloués), est un outil essentiel pour qu’elle puisse stimuler les investissements et la reprise afin de sortir plus forte et plus résiliente de la crise actuelle.

2.5.

Le CESE estime que le plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux formule des mesures concrètes en vue de renforcer la dimension sociale dans toutes les politiques de l’Union, ce qui contribuera à garantir une reprise inclusive.

2.6.

Le CESE réaffirme également son point de vue selon lequel la durabilité environnementale, la productivité, l’équité dans la distribution et la stabilité macroéconomique demeurent les principes directeurs du programme économique de l’UE. Malgré tous les défis, le pacte vert reste une priorité à long terme et l’Europe doit saisir l’occasion qui lui est offerte de prendre l’initiative sur cette question.

2.7.

Le CESE est fermement convaincu que la garantie d’une coordination efficace des politiques dans le cadre du Semestre européen demeure cruciale pour placer l’économie de l’UE sur une trajectoire de croissance plus forte, durable et inclusive après la crise sanitaire. Il s’est exprimé en faveur de cette approche au cours des derniers mois, et elle demeure pour lui une priorité.

2.8.

Le CESE est d’avis que, dans l’ensemble, la participation de la société civile organisée reste faible au sein des États membres. Les organisations ont été informées et, dans de nombreux cas, entendues; toutefois, cela n’a donné que quelques résultats tangibles. Dans la majorité des États membres et à quelques exceptions près, il n’y a eu aucune consultation effective qui ait donné lieu à des modifications importantes des propositions initiales du gouvernement.

3.   Observations particulières

3.1.

Les mesures prises au niveau national et à l’échelle de l’UE ont permis de limiter les répercussions de la pandémie sur les marchés du travail européens. Des différences de points de vue et de situations subsistent néanmoins au sein de l’Union. Le CESE estime qu’il y a lieu dès lors d’adopter des approches différenciées pour assurer la reprise dans les États membres qui sont plus affectés par la crise que d’autres.

3.2.

Il partage le point de vue selon lequel la politique économique doit continuer à s’inscrire dans une optique de soutien tout au long de 2021 et 2022. Les États membres ont à mener un vaste combat qui est loin d’être terminé. L’Union doit prévaloir et prendre conscience qu’il faudra du temps avant que les plans de relance ne produisent leurs effets et la résilience est nécessaire pour obtenir des résultats. Le CESE plaide avec insistance en faveur de stratégies à court et moyen terme afin de s’attaquer comme il se doit aux effets négatifs de la crise et d’assurer dans la continuité une croissance forte et durable.

3.3.

Il existe une tendance intéressante des citoyens européens à économiser davantage. Cette tendance devrait également être saisie comme une occasion positive de stimuler une combinaison d’investissements privés et publics susceptibles d’influer sur la reprise de l’économie et les conditions sociales. Le CESE demande que des mesures spécifiques soient prises dans ce domaine et estime que la Commission devrait encourager tous les États membres à adopter une politique budgétaire forte. Il faut faire preuve de créativité pour adopter des stratégies visant à transformer ces économies en investissements intelligents et la responsabilité de ces investissements doit être partagée avec les gouvernements, les parties prenantes et les institutions financières.

3.4.

Le CESE, fort du soutien actif et du travail de son groupe «Semestre européen» (GSE), a l’intention de travailler sur sa prochaine résolution au cours des prochains mois, avec l’apport des contributions des 27 délégations composées de 3 membres mises en place dans ce cadre, et d’assurer un suivi de la participation de la société civile au processus de mise en œuvre tout en analysant le contenu des politiques du point de vue de la société civile. Pour l’instant, seule une légère amélioration a été enregistrée, principalement en ce qui concerne les réunions formelles d’information, avec des possibilités très limitées d’influencer les plans.

3.5.

Les OSC portent un regard plus positif sur les perspectives d’utilisation des fonds par les gouvernements dans le but de stimuler l’investissement que sur celles d’y recourir afin d’encourager des réformes propices à la croissance, de nombreux membres estimant que les plans nationaux de relance et de résilience de leur pays manquent d’ambition ou ne reflètent pas un engagement suffisant pour ce qui est des réformes, tandis que d’autres critiquent l’absence d’investissements supplémentaires qui n’avaient déjà pas été envisagés avant la crise de la COVID-19.

3.6.

L’Europe a été largement mise à mal avec la crise de la COVID-19 et cela a mis en lumière une grande faiblesse de l’Union: l’absence de politique de coordination pour l’industrie et sa dépendance vis-à-vis d’autres zones économiques pour de nombreux produits et services. Il convient de remédier à ce problème de manière coordonnée afin de faciliter la reprise. Une véritable politique industrielle est plus que jamais nécessaire, et il est temps d’agir. L’augmentation des prix des matières premières est également révélatrice de la dépendance de l’Union à l’égard des actifs stratégiques. Le CESE souhaite que tous les États membres prennent des mesures concrètes en matière d’investissement dans l’éducation, les infrastructures et la politique industrielle, qui puissent accroître l’emploi et encourager les citoyens à stimuler l’industrie européenne.

3.7.

Une grande majorité d’organisations de la société civile (71 %) estiment que leur participation à la conception des plans nationaux de relance et de résilience de leur pays allait de «quelque peu insuffisante» à «des plus limitées».

3.8.

Le CESE estime que le processus de numérisation est fondamental pour stimuler l’économie et la société, mais il faut absolument que les États membres élaborent des programmes et affectent des ressources en vue d’éliminer les obstacles à ce processus, en particulier pour certaines catégories de la population, les personnes âgées et les personnes peu qualifiées. La nécessité de mettre au point des programmes informatiques en correspondance avec des logiciels qui peuvent profiter à tous les citoyens est donc une priorité. Oui à la numérisation, mais pas à n'importe quel prix.

3.9.

Le CESE est très satisfait de l’initiative de la Commission en faveur d’un «tableau de bord de la reprise et de la résilience». Il s’agit d’une étape très importante pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la FRR, et le CESE estime qu’elle offre l’occasion de stimuler le processus d’investissement et de mettre en place des mécanismes qui pourraient revêtir une importance cruciale pour l’Union. Une fois de plus, les OSC peuvent jouer un rôle essentiel dans ce processus et sont prêtes à coopérer.

4.   Les plans pour la reprise et les différentes approches

4.1.

Le CESE estime qu’en ce qui concerne le cadre existant, la politique relative à une croissance durable et inclusive et aux équilibres budgétaires des États membres doit être une priorité. Il est évident qu’il faudra s’adapter à une nouvelle phase, une fois que le danger pour la santé résultant de la pandémie de COVID-19 aura été surmonté. Il devrait y avoir une alternative au déséquilibre excessif comme seule perspective envisageable suite à l’accroissement considérable de la dette et du déficit dans les États membres. Le CESE estime que l’heure est venue d’engager une réforme radicale et approfondie du cadre de gouvernance budgétaire et met fortement en garde contre un éventuel retour aux «anciennes» règles budgétaires. Nous avons besoin d’une recommandation ferme pour ce nouveau semestre révisé et d’un nouveau pacte comprenant certaines procédures et règles contraignantes en matière de consultation de la société civile organisée et des autorités locales, ce qui appelle des mesures. Il est temps de formuler des règles contraignantes pour leur participation à toutes les étapes, de la préparation à la mise en œuvre, et les États membres doivent envisager de nouveaux objectifs en matière de réduction du déficit, en mettant l’accent sur la croissance ainsi que sur la gouvernance.

4.2.

Il est urgent de moderniser le cadre budgétaire et économique, de mettre en œuvre une approche axée sur la prospérité et d’appliquer une règle d’or. La Commission examine actuellement le volet des dépenses, mais aussi, et à très juste titre, celui des recettes. Le CESE recommande d’orienter la fiscalité du travail vers des taxes environnementales tout en veillant à adopter aussi une approche régressive et à ne pas faire peser de charge sur les ménages à faibles revenus. Il appelle également à lutter contre la planification fiscale agressive et la fraude fiscale, qui pourraient compromettre la reprise économique et budgétaire des États membres et de l’UE dans son ensemble. Une approche intelligente s’impose à cet égard, ainsi qu’une plus grande convergence au sein de l’Union pour aller de l’avant. La politique monétaire et la politique fiscale, assorties éventuellement de taxes environnementales progressives et de réductions progressives d’impôts, doivent également être une option. Il est clair que la concurrence fiscale avec les pays tiers plutôt qu’au sein de l’UE peut changer la donne.

4.3.

Le CESE souligne qu’à la pandémie s’ajoute une pression sur le prix des matières premières. Il convient de faire preuve d’une grande prudence en s’attelant à ce problème. Le CESE croit fermement en une concurrence loyale et défend le point de vue selon lequel il est nécessaire de garantir des conditions de concurrence équitables, mais souligne que la situation est en train de s’aggraver, ce qui risque de nuire gravement à l’ensemble de l’Union. Les prix des matières premières ont enregistré une augmentation se situant entre 30 % et 120 % ces derniers mois et la pression ne faiblit pas.

4.4.

Les PNRR révèlent des points de vue divergents entre les États membres concernant la reprise en fonction de leurs économies et situations sociales respectives. Cela est également révélateur des inégalités dans les États membres. Le CESE demande des politiques plus coordonnées à même de renforcer l’Union. La coopération entre les États membres est nécessaire et les «bonnes pratiques» pourraient être partagées afin d’éviter les faux-pas. Renforcer les secteurs qui ont le plus souffert, comme le tourisme et l’industrie manufacturière, entre autres, devrait être une priorité. Cette démarche s’avérera très importante pour la création d’emplois et l’adaptation de la main-d’œuvre aux besoins réels de l’économie de même que pour associer les OSC au processus de mise en œuvre.

4.5.

Le CESE est préoccupé par le fait que les recommandations par pays formulées par la Commission ont jusqu’à présent été largement ignorées par certains États membres, ce qui a suscité un scepticisme quant à un éventuel changement d’attitude à l’avenir. En outre, il convient de s’interroger sur la capacité d’absorption de certains États membres et les effets transformateurs des investissements réalisés au titre de la FRR, car des doutes existent au sujet de leur efficience et de leur efficacité potentielles. Le CESE insiste dès lors sur la nécessité d’un suivi rigoureux.

4.6.

Il estime que la mise en œuvre des PNRR ne devrait pas se limiter à un exercice consistant à simplement cocher une case, mais se dérouler dans l’esprit originel de cet instrument, à savoir que le rôle des OSC devrait être reconnu et que les consultations devraient avoir lieu dans le cadre de forums publics et non à huis clos.

4.7.

La crise de la COVID-19 a mis en lumière et exacerbé des lacunes existant de longue date dans nos sociétés, et les plus vulnérables d’entre elles ont souvent été les plus touchées. C’est chez les personnes les plus démunies que l’incidence des infections par la COVID-19 était la plus élevée, et plusieurs pans de la société ont souvent été plus durement touchés par les effets des mesures de lutte contre la crise. En conséquence de la crise, les personnes peu qualifiées et/ou les jeunes, par exemple, ont été confrontés de manière disproportionnée à une plus forte baisse de l’emploi. En outre, l’éducation a été gravement perturbée pour nombre d’entre eux. Les risques d’inégalités sont aggravés pour les groupes de citoyens moins qualifiés.

5.   Le marché unique en tant que force du mode de vie européen

5.1.

La crise de la COVID-19 a été ressentie dans tous les États membres, mais les a affectés différemment. Une approche coordonnée de la vaccination a permis à l’Union d’obtenir de très bons résultats. L’objectif consistant à faire vacciner 70 % de la population de l’Union a représenté une tâche colossale et la réponse de l’UE a été très positive. Malgré certains problèmes (prévisibles pour un tel projet), la campagne de vaccination a été un succès et un bon exemple du «projet de paix» que l’Union n’a eu de cesse de porter depuis sa fondation.

5.2.

Plus que jamais, le marché unique et son intégration doivent être prioritaires et les conflits politiques doivent être évités. La rhétorique politique portant atteinte au marché unique qui a cours dans certains États membres a été contredite par les faits: ce n’est qu’avec une Union forte et une approche coordonnée qu’il a été possible de négocier et de rédiger les PRR dans un délai aussi court. La communication est essentielle pour promouvoir les valeurs européennes et le marché unique fait partie du processus. Tous les citoyens européens devraient bénéficier du marché intérieur, de sorte qu’ils puissent être fiers de la capacité de l’Europe à répondre à la crise, malgré tous les revers qu’a impliqués le défi d’une réponse coordonnée à cette crise.

5.3.

Le CESE comprend que les États membres ont adopté des approches différentes en ce qui concerne la situation sanitaire, mais il souligne également qu’il convient de promouvoir davantage la coordination et les bonnes pratiques à l’issue du processus de vaccination. L’Union doit tirer parti de ses atouts, en particulier de la libre circulation des citoyens, des produits et des capitaux. Le CESE souhaite que cette liberté soit défendue sans porter atteinte aux systèmes de santé des États membres, ce qui n’est possible qu’avec la coordination du marché unique. Les États membres ont montré à plusieurs reprises dans l’histoire que cela était possible. Le moment est venu d’apporter la bonne réponse.

5.4.

Le CESE défend le marché unique et les possibilités qu’il offre, conjugué à un marché social fort qui est essentiel et constitue une «marque» de l’Union. Il s’agit là d’une réalisation qui doit être protégée.

6.   Le point de vue des organisations de la société civile sur les plans pour la reprise

6.1.

Le CESE insiste sur le fait que la participation des organisations de la société civile est cruciale pour la relance dès lors qu’il nous faut accepter que les mesures d’urgence en faveur de la relance, tant au niveau national qu’à celui de l’UE pourraient se voir affecter un caractère permanent.

6.2.

Les OSC sont partisanes d’investissements de qualité dans l’éducation, l’apprentissage tout au long de la vie ainsi que la recherche et développement afin de guider et de compléter les changements économiques et sociaux que promeut l’instrument de relance NextGenerationEU, de même qu’elles préconisent d’investir pour renforcer les systèmes de santé et les politiques de santé publique de sociétés durement frappées par la pandémie de COVID-19. Plus que jamais, les organisations «sur le terrain» ont la capacité et la responsabilité de pointer du doigt les véritables défis et de proposer des moyens de les relever; les États membres doivent dès lors avoir le courage de les associer au processus décisionnel. Le CESE plaide en faveur de ce type d’approche, principalement en raison de l’expérience et des connaissances acquises par des décennies passées à servir différentes causes, et ce en engrangeant de très bons résultats.

6.3.

En temps de crise, la voix des OSC est plus importante que jamais, non seulement en raison de leur expérience, mais surtout parce qu’elles sont en prise directe avec la réalité, ce qui est essentiel pour assurer le suivi et la mise en œuvre de politiques avec un impact réel.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas (JO C 155 du 30.4.2021, p. 1).

(2)  Tableau de bord de la reprise et de la résilience et indicateurs communs, projet d’acte délégué: Tableau de bord de la reprise et de la résilience — indicateurs communs et éléments détaillés.

(3)  COM(2021) 500 final du 2.6.2021, «Coordination des politiques économiques en 2021: surmonter la COVID-19, soutenir la reprise et moderniser notre économie».

(4)  Participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas (JO C 155 du 30.4.2021, p. 1).


4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/158


Avis du Comité économique et social européen sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro

[COM(2020) 746 final]

(supplément d’avis)

(2022/C 105/28)

Rapporteure:

Kristi SÕBER

Décision du bureau

26.4.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 1, du règlement intérieur et article 29, point a), des modalités d’application du règlement intérieur

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

5.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

166/2/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) a bien conscience que la pandémie n’est pas encore derrière nous, que ses retombées économiques se feront sentir pendant plusieurs années et qu’elles appellent un nouvel arsenal spécifique de politiques économiques d’urgence. Il se réjouit des dernières prévisions en date de la Commission européenne, selon lesquelles les économies de l’Union européenne et de la zone euro renoueront avec une accélération rapide dès 2021 (ce que les données préliminaires confirment), grâce notamment à la reprise des investissements, fermement soutenue par le recours à l’instrument Next Generation EU et en particulier à sa facilité pour la reprise et la résilience.

1.2.

Dans le même temps, le CESE reconnaît que l’Union européenne traverse actuellement les circonstances les plus graves qu’elle ait connues dans l’histoire de son intégration économique, affectant aussi bien la consommation des ménages et les investissements que les résultats du commerce extérieur. Dans cette période critique, seules les dépenses publiques peuvent aider à redresser la situation.

1.3.

Face à la spécificité de cette situation et à son caractère unique, il a fallu concevoir un nouvel arsenal de politiques économiques d’urgence pour surmonter la crise. Le CESE apprécie la rapidité avec laquelle l’Union aussi bien que les États membres ont réagi, et il se félicite que le processus de double transition soit devenu un élément central des efforts et de la stratégie déployés en faveur de la reprise.

1.4.

C’est notamment au premier semestre 2020 que les «initiatives d’investissement en réaction au coronavirus» ont contribué à raffermir une conjoncture économique extrêmement difficile, principalement en stabilisant les marchés, l’emploi et les revenus des ménages. Cette première étape a été suivie du dispositif Next Generation EU, une vigoureuse contribution budgétaire à laquelle on a donné la forme la plus innovante pour traiter directement les effets de la pandémie. Le CESE accueille très favorablement ces deux initiatives, qui ont apporté une réponse rapide et flexible à la pandémie.

1.5.

Le CESE a bien conscience que l’hétérogénéité des positions et des incidences de la pandémie a eu pour effet d’accentuer les disparités entre les États membres. Il demande que l’on soit attentif au phénomène des divergences qui traversent la zone euro, et que l’on fasse preuve de prudence dans la réponse qui sera apportée face à la dégradation significative des résultats budgétaires. Le Comité se félicite de la flexibilité qui a été adoptée, au sein d’un cadre commun, dans les politiques économiques et les programmes de relance qui ont été spécialement conçus au niveau national eu égard aux besoins spécifiques des États membres. Il est également recommandé de faire preuve de la même flexibilité dans la mise en œuvre des programmes pour la reprise et la résilience.

1.6.

Le CESE souligne qu’il est nécessaire de trouver un nouvel équilibre entre la politique monétaire et la politique budgétaire, et d’éliminer dans la période à venir les déséquilibres macroéconomiques qui auront été constatés. Le CESE est conscient que les ratios dette/PIB ont significativement augmenté l’an passé. Une fois que la reprise économique se sera solidement installée, il conviendra de réduire les ratios dette/PIB de manière à promouvoir une croissance inclusive et à éviter les injustices sociales et des effets négatifs pour les entreprises et sur le marché du travail.

1.7.

Le CESE comprend et fait sien le constat que la reprise au lendemain de la crise de la COVID-19 s’accompagnera dans une large mesure d’interventions relevant des politiques structurelles (1) qui seront pour l’essentiel alignées sur le pacte vert pour l’Europe. À cet égard, il se félicite des liens qui sont établis entre le processus de relance, l’assainissement budgétaire et les pratiques de budgétisation environnementale.

1.8.

Le CESE a la ferme conviction que les enseignements tirés de la pandémie doivent être pris en compte dans l’effort global qui est consenti afin de contribuer sur le long terme à un développement de l’Union européenne et de la zone euro qui soit durable du point de vue de l’environnement, économiquement efficace et socialement juste.

1.9.

Le CESE se félicite que, contrairement à la crise précédente, de 2009 à 2011, dans laquelle les secteurs bancaire et financier avaient constitué l’un des déclencheurs de la récession qui s’en était suivie, ces deux secteurs affichent cette fois-ci une bonne santé, qui a contribué à surmonter plus aisément cette situation difficile.

1.10.

Le CESE appelle de ses vœux un marché unique à l’intégrité préservée, dans lequel on éviterait tout signe de fragmentation, en tant que condition fondamentale pour que les résultats futurs soient positifs dans les économies de l’Union et de la zone euro. Cette intégrité devrait par ailleurs être soutenue par des progrès satisfaisants dans le développement de l’union bancaire et de l’union des marchés de capitaux.

1.11.

Le CESE reconnaît que certains enseignements importants ont été tirés de la crise précédente et il en prend acte, comme du fait que ces leçons ont été mises à profit pour conforter la stabilité macroéconomique, et il invite les institutions compétentes de l’Union à améliorer la gouvernance des politiques économiques européennes ainsi qu’à faire en sorte que les enseignements tirés de la pandémie trouvent un écho dans les efforts continus de réforme qui sont déployés.

2.   Historique et contexte

Les résultats macroéconomiques actuels et les perspectives en la matière

2.1.

Même si la pandémie de COVID-19 a déclenché une soudaine et profonde récession économique, le recul du PIB en 2020 s’est en définitive avéré légèrement inférieur à ce qui avait été anticipé initialement. La baisse a été plus marquée que lors de la crise économique précédente — en 2020, l’économie de la zone euro s’est contractée de 6,5 % en glissement annuel, contre 4,5 % en 2009; dans l’ensemble de l’Union européenne, l’activité a reculé de 6,0 % en glissement annuel en 2020, contre 4,3 % en 2009; enfin, une croissance de 4,8 % est attendue en 2021, aussi bien dans les économies de l’Union que dans celles de la zone euro. Nous sommes donc confrontés à une situation économique exceptionnelle et à la plus mauvaise performance économique de l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

2.2.

En 2020, aussi bien la consommation des ménages que les investissements ont enregistré un recul significatif (de 7,4 % en glissement annuel dans les deux cas), et les échanges extérieurs ont eux aussi été sévèrement touchés. Il n’y a guère que les dépenses publiques qui aient légèrement augmenté en 2020, de 1,3 % en comparaison annuelle. Grâce aux mesures d’urgence déployées, il n’y a pas eu, pour le moment, de destructions massives d’emplois ni d’importantes pertes de revenus, en tout cas pas à l’échelle de ce qu’on a connu lors de la crise de 2008. Toutefois, vu l’ampleur du recul de l’activité économique, la productivité s’en est trouvée elle aussi réduite.

2.3.

On s’accorde généralement à considérer que 2021 sera une année de reprise (grâce notamment à la croissance des activités d’investissement, qui devrait atteindre 6,2 % selon les prévisions de la Commission européenne), mais l’incertitude continue néanmoins de régner face aux conséquences de la pandémie et quant à la manière dont les comportements des agents économiques évolueront.

La panoplie des mesures économiques d’urgence

2.4.

À cause de la pandémie, il a fallu concevoir une nouvelle panoplie de mesures économiques d’urgence pour réagir immédiatement, mais aussi à moyen terme, au choc subi. Leur objectif prioritaire consiste avant tout à gérer, éliminer et atténuer les incidences économiques et sociales de la pandémie, ainsi qu’à maintenir l’Europe sur une trajectoire de compétitivité et de durabilité.

2.5.

Un autre aspect faisant partie intégrante de la réaction à moyen et plus long termes qui a été opposée à la pandémie, ainsi que de l’effort de relance, de reconstruction et de résilience (stratégie des «3R»), est celui de la double transition (écologique et numérique) qui s’opère, dans laquelle l’accent est fortement mis sur les considérations sociales et sur le respect de l’état de droit et d’autres valeurs fondamentales de l’Union européenne. Qui plus est, le CESE demande que l’on soit plus attentif à lutter contre les inégalités et à remédier aux conséquences de la crise, en particulier pour les plus vulnérables.

La politique monétaire

2.6.

La BCE poursuit sa politique vigoureusement expansionniste, qui constitue sa réponse ciblée à la pandémie. Elle a toutefois annoncé récemment qu’il était possible de maintenir des conditions de financement favorables tout en ralentissant légèrement le rythme des achats nets d’actifs dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) par rapport aux deux trimestres précédents.

Le cap budgétaire et l’assainissement des finances

2.7.

Les initiatives d’investissement en réaction au coronavirus (CRII et CRII+), qui ont redirigé et réaffecté les fonds de la politique de cohésion, ont grandement contribué à compenser et contrebalancer les effets négatifs, à stabiliser les marchés et à protéger les emplois et les revenus des ménages.

2.8.

Le plus innovant des instruments conçus, élaborés et actuellement déployés en réaction directe à la pandémie de COVID-19 est sans aucun doute le programme Next Generation EU, dont le principal objectif est d’amortir les retombées négatives de la pandémie.

2.9.

L’orientation budgétaire expansionniste de cet instrument a bénéficié temporairement d’un soutien exceptionnel grâce à l’activation de la clause dérogatoire générale prévue par le pacte de stabilité et de croissance.

2.10.

Cependant, les engagements budgétaires qui ont été pris, doublés des mesures adoptées au niveau national, se sont avérés coûteux et ont entraîné la dégradation des indicateurs budgétaires.

2.11.

Il conviendra d’opérer une réduction praticable du ratio dette/PIB de manière à éviter les injustices sociales et des effets négatifs non désirés sur le marché du travail. Pour améliorer les indicateurs budgétaires, il est crucial de disposer d’une stratégie de croissance inclusive et durable.

Les mesures de politique structurelle et les mesures réglementaires

2.12.

La pandémie de COVID-19 a exposé au grand jour de graves failles structurelles dans le fonctionnement des économies et des sociétés européennes. Parmi les enseignements qu’il faudra en tirer par la suite, il ne sera donc pas uniquement question d’instaurer une «nouvelle normalité», mais aussi de mettre en œuvre des mesures à même d’accroître la résilience des systèmes économique et des sociétés — ce qui présuppose en premier lieu d’en réduire la fragilité et la vulnérabilité. Il s’agit non seulement de poser des jalons en vue d’opérer une double transition qui soit juste sur le plan social, et d’améliorer l’efficacité et l’articulation des systèmes de santé et de la fourniture des services médicaux dans toute l’Europe, mais aussi de soutenir une plus grande compétitivité de la zone euro, en Europe comme à l’international, y compris par des investissements stratégiques qui viennent appuyer l’industrie européenne et renforcer la position de l’Union sur l’échiquier mondial.

2.13.

Dans les premiers temps de la pandémie, le marché unique a été heurté de plein fouet et les flux d’échanges habituels entre les États membres de l’Union, et même au sein de ces États, ont été interrompus en raison des restrictions draconiennes qui ont été mises en place. Il a été remédié à cette situation grâce à l’intervention de la Commission européenne, qui a mis en place des «voies réservées».

L’intermédiation financière

2.14.

Le secteur bancaire et financier dans l’Union et dans la zone euro a apporté la preuve de sa solidité et de sa résilience, qu’il doit aux règles et dispositions qui ont été adoptées après la crise précédente. Le secteur est aujourd’hui plus solide du point de vue de sa dotation en capitaux et de la santé de son portefeuille. Certains risques pourraient toutefois se poser concernant la solvabilité de ses clients et déboucher sur une augmentation des prêts non productifs.

La gouvernance

2.15.

La crise actuelle nous a rappelé que l’architecture du cadre de gouvernance économique de l’Union est incomplète. La facilité pour la reprise et la résilience a fondamentalement changé la nature du semestre européen: le décaissement des fonds étant lié à la mise en œuvre des recommandations par pays, celles-ci revêtent désormais un caractère plus politiquement contraignant. Il conviendrait par ailleurs d’associer davantage la société civile au processus du semestre européen. Le principe de partenariat, qui est de tradition bien établie dans le cadre de la politique de cohésion, devrait servir de modèle à la création d’un outil efficace en matière de participation de la société civile.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE reconnaît que les scénarios de reprise dépendront fortement de l’intensité de la pandémie et du succès des campagnes de vaccination, ainsi que de certains aspects structurels (par exemple des résultats qu’obtiendront des secteurs qui ont été partiellement ou entièrement touchés, comme le tourisme, l’hôtellerie, les transports, la culture et les loisirs, et de leurs poids dans l’économie). La souplesse qui sera éventuellement accordée dans la conduite de la politique budgétaire pour permettre l’adoption de mesures de compensation ainsi que l’efficacité de ces mesures seront également d’une importance primordiale.

3.2.

Le CESE regrette que l’impact économique de la pandémie ait eu pour effet d’accentuer les divergences entre les économies de la zone euro sur le plan des résultats économiques, des indicateurs budgétaires, de l’inflation et du solde extérieur. Ces éléments sont susceptibles de peser lourdement sur la situation économique et sociale et sur la compétitivité des économies affectées et de la zone euro dans son ensemble, ainsi que sur les déséquilibres internes et externes.

3.3.

Le CESE apprécie la réaction très complète et assez souple qui a été opposée à la pandémie par les principaux acteurs de la politique économique de l’Union, à savoir la Banque centrale européenne (avec ses programmes d’achats et ses taux d’intérêt directeurs), le Mécanisme européen de stabilité (MES — avec ses instruments de soutien à la stabilité macroéconomique) et la Commission (avec sa très innovante initiative Next Generation EU, complétée par d’autres mesures d’urgence comme les dispositifs CRII, CRII+ et SURE, la souplesse accordée dans l’application des règles budgétaires, de celles relatives aux aides d’État et de la réglementation financière, et enfin d’autres mesures exceptionnelles qui ont offert aux États membres la flexibilité requise pour adopter les mesures de gestion de crise qui s’imposaient).

3.4.

Le CESE a la conviction que l’effet produit par cet arsenal de mesures économiques d’urgence sera d’une importance cruciale. Pour l’essentiel, il faudra concilier selon une approche commune et coordonnée les réponses apportées dans le cadre de la politique monétaire et de la politique budgétaire. Des réformes correspondantes devront être adoptées afin de soutenir une reprise durable (grâce, entre autres, à des mesures en faveur des énergies propres, de la numérisation, de l’innovation et de l’économie circulaire). L’impact de l’instrument Next Generation EU et son interaction avec les autres politiques économiques sont importants à cet égard, en particulier dans les pays qui bénéficieront largement de ses financements.

3.5.

Le CESE apprécie que cette panoplie de mesures économiques d’urgence prévoie aussi certaines limites afin de prévenir toutes les retombées qui seraient susceptibles dans l’avenir, à moyen et plus long termes, de nuire à la stabilité des prix et de dégrader les indicateurs de la discipline budgétaire en conséquence des politiques expansionnistes qui sont déployées actuellement. Des risques importants se posent en particulier quant à l’évolution ultérieure des finances publiques. Dans ce contexte, le CESE souligne qu’il est nécessaire de mener une politique fiscale juste et soutenable, en luttant notamment contre la fraude fiscale et la planification fiscale agressive.

3.6.

Le CESE attend du dispositif Next Generation EU, non seulement qu’il rétablisse les économies de la zone euro et de l’Union à leurs niveaux d’avant la pandémie, mais aussi qu’il vienne appuyer d’importantes mesures relevant des politiques structurelles, principalement pour progresser vers une transition écologique et numérique tout en tenant dûment compte des inquiétudes suscitées dans le domaine social et sur le terrain de l’emploi. S’agissant du dispositif Next Generation EU, si le CESE apprécie que l’Union européenne ait réussi à adopter une démarche d’une telle envergure en un laps de temps si bref, il n’en juge pas moins nécessaire de s’efforcer d’en corriger les possibles carences, par exemple la consultation insuffisante de la société civile dans l’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

3.7.

Le CESE n’oublie pas que le dispositif SURE constitue un autre outil innovant, conçu et mis en œuvre comme une réponse directe à la pandémie, qui vise à soutenir les gouvernements dans les efforts qu’ils déploient pour préserver les emplois et les revenus des ménages.

3.8.

Le CESE recommande que l’assainissement des finances à venir s’effectue dans le respect des pratiques de budgétisation environnementale (2) et à l’appui des investissements publics écologiques, afin de contribuer au pacte vert pour l’Europe et à une situation budgétaire plus saine dans l’Union. Le CESE n’est pas sans savoir que la crise actuelle a porté un préjudice considérable aux finances publiques.

3.9.

Si le CESE adresse une mise en garde contre une désactivation prématurée de la clause dérogatoire générale (3), il n’en sera pas moins nécessaire de se concentrer sur la viabilité de la situation budgétaire une fois que la pandémie sera clairement derrière nous et que la reprise sera bien engagée. À ce moment, il conviendra de recentrer les politiques et les instruments budgétaires afin d’adopter des stratégies appropriées à moyen et plus long termes. Le CESE se félicite de la décision prise par la Commission de redémarrer la révision du cadre de gouvernance économique de l’Union à l’automne 2021. Les règles budgétaires ne devraient s’appliquer pleinement qu’après avoir été révisées. Aussi, au lieu d’un «retour», le CESE recommande d’amorcer un «virage» vers un cadre de gouvernance économique révisé (4). Il estime qu’à l’avenir, le cadre budgétaire devra en tout état de cause être propice aux investissements, grâce à l’application d’une «règle d’or» pour les investissements publics, sans pour autant compromettre la stabilité budgétaire et financière à moyen terme, et qu’il devra favoriser la croissance et permettre aux États membres de mettre en œuvre une politique contracyclique en cas de ralentissement économique.

3.10.

Le CESE est favorable à des réformes qui rendraient les systèmes de perception des recettes publiques plus efficaces et plus équitables en réorientant la charge fiscale de manière à alléger celle qui pèse sur le travail et les investissements productifs, et à insister davantage sur les taxes environnementales et la prise en compte des externalités, ainsi que sur un système d’incitations amélioré et plus efficace pour limiter les pratiques d’évasion fiscale.

3.11.

Le CESE se félicite que le secteur bancaire et le secteur financier dans l’Union et la zone euro se trouvent en bien meilleure condition que lors de la crise précédente, et plus précisément qu’ils soient moins vulnérables et plus résilients. Pour autant, il recommande dans le même temps de ne pas sous-estimer certains des risques de solvabilité qui pourraient découler des pertes de revenus que les clients de ces secteurs ont déplorées. Ces risques pourraient aboutir à une augmentation des prêts non productifs dans les bilans des banques. Le CESE se félicite que le secteur bancaire de la zone euro ait apporté la preuve de sa stabilité et qu’il n’ait pas, jusqu’à présent, été significativement affecté par la crise.

3.12.

Le CESE est fermement convaincu que le fonctionnement ordonné du marché intérieur va aussi de pair avec des économies globalement plus résilientes et efficaces dans la zone euro et dans l’Union. Il estime par ailleurs qu’il est particulièrement important de parachever le marché unique afin de limiter les rigidités et les imperfections économiques.

3.13.

Le CESE accueille favorablement la panoplie de politiques économiques qui a été spécialement adoptée l’année passée pour apporter une réponse immédiate à la pandémie, et qui a été constamment ajustée pour refléter l’évolution de la situation. Le CESE considère que les mesures prises par l’Union pour faire face à la crise pourraient atténuer efficacement les retombées négatives que cette dernière serait susceptible d’avoir à plus long terme sur les résultats économiques de la zone euro et de l’Union ainsi que sur les marchés du travail européens, et qu’elles pourraient tempérer le creusement des disparités économiques et sociales. Dans le même temps, il est crucial de résorber les déséquilibres considérables qui se présentent afin de se prémunir efficacement contre des risques macroéconomiques significatifs, y compris celui d’une aggravation des inégalités.

3.14.

Le CESE a la ferme conviction que le bon ordre de marche des systèmes de santé, de protection sociale et d’urgence est crucial pour un développement économique durable dont l’évolution serait positive à long terme. La pandémie a mis au jour ce lien et elle l’a renforcé, ce qui devrait dès lors être pris en compte également dans la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux.

3.15.

Le CESE recommande vivement de poursuivre les efforts visant à parachever l’architecture de l’Union économique et monétaire, notamment par l’adaptation du semestre européen au programme Next Generation EU, l’achèvement de l’union bancaire et de l’union des marchés de capitaux et la révision du cadre de gouvernance économique. L’on devrait examiner l’opportunité qu’il y aurait aussi de s’inspirer du dispositif Next Generation EU comme d’un modèle suivant lequel les ressources financières de l’Union pourraient être mobilisées et utilisées à l’avenir.

3.16.

Le CESE fait observer que l’arsenal des mesures visant à parer les incidences négatives de la pandémie a été conçu en majeure partie au premier semestre 2020, c’est-à-dire juste avant que les effets les plus graves de la pandémie ne se soient fait sentir dans la plupart des États membres. L’on pourrait par conséquent envisager d’évaluer la pertinence et l’opportunité des mesures qui ont été adoptées. La planification joue un rôle essentiel dans l’anticipation des événements, grâce à laquelle on pourra rester en mesure de réagir face à la réalité nouvelle que nous impose une pandémie qui est loin d’être résolue. Une planification permanente est dès lors nécessaire.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE se félicite que la Commission ait publié sept initiatives phares destinées à servir de lignes directrices pour la mise en œuvre pratique de la facilité pour la reprise et la résilience dans les différents États membres. Il est très important que ces initiatives soient cohérentes au regard des difficultés et des priorités qui seront celles de la relance dans l’après-COVID-19, telles qu’elles auront été mises en évidence dans la recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro.

4.2.

Le CESE reconnaît le soutien très précieux qu’a apporté le Fonds de garantie paneuropéen de la Banque européenne d’investissement pour protéger et encourager les entreprises dans la zone euro et dans l’ensemble de l’Union.

4.3.

Pour ce qui concerne la relance, le CESE propose de se concentrer sur la croissance économique et la justice sociale, ce qui se traduira par une hausse des revenus et du PIB. Une orientation budgétaire soutenable, visant à réduire la charge que les générations futures devront assumer et à limiter le risque associé à une augmentation des taux d’intérêt ou à une baisse de la production, nécessite une croissance plus importante de l’activité économique, qui pourrait être rendue possible grâce à a) un renforcement des investissements publics et b) des réformes venant appuyer la transition vers une économie écologique et numérique.

4.4.

Le CESE reconnaît que certains enseignements importants ont été tirés de la crise précédente et il en prend acte, comme du fait que ces leçons ont été mises à profit pour conforter la stabilité macroéconomique, et il a la ferme conviction que les enseignements tirés de la pandémie devraient par conséquent trouver un écho dans les efforts continus de réforme visant spécifiquement à réduire la charge administrative des entreprises, grâce à la numérisation de l’administration publique, des PME et des entreprises en général, à l’identification électronique et à des systèmes judiciaires plus efficaces.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Dans le document de juin 2018 sur «les politiques structurelles dans la zone euro» qu’elle a publié dans sa série d’études concernant des sujets spécifiques (occasional papers), la BCE définit la politique économique structurelle comme les mesures de politique économique adoptées à l’égard des marchés du travail, des marchés de produits et des marchés financiers pour améliorer le cadre institutionnel et réglementaire, en vue de renforcer les conditions d’une croissance à long terme et de garantir les effets distributifs souhaités.

(2)  Document de réflexion, Elva Bova (2021), Green Budgeting Practices in the EU: A First Review (Les pratiques de budgétisation environnementale dans l’UE: un premier examen).

(3)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227.

(4)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 227, et avis d’initiative du CESE sur le thème «Repenser le cadre budgétaire de l’Union européenne pour une reprise durable et une transition juste» (ECO/553), voir page 10 du présent Journal officiel.