ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 517

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

64e année
22 décembre 2021


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

563e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 22.9.2021-23.9.2021

2021/C 517/01

Avis du Comité économique et social européen sur le rôle de la politique de cohésion dans la lutte contre les inégalités durant la nouvelle période de programmation après la crise de la COVID-19 — Complémentarités et chevauchements éventuels avec la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) et les plans de relance nationaux (avis d’initiative)

1

2021/C 517/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe (avis d’initiative)

9

2021/C 517/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Mesures d’urgence pour soutenir l’emploi et les revenus durant la crise pandémique (avis d’initiative)

16

2021/C 517/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise (avis exploratoire à la demande de la présidence slovène)

23

2021/C 517/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitable (avis exploratoire)

38


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

563e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 22.9.2021-23.9.2021

2021/C 517/06

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une meilleure réglementation: unir nos forces pour améliorer la législation [COM(2021) 219 final]

45

2021/C 517/07

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2013/34/UE, 2004/109/CE et 2006/43/CE ainsi que le règlement (UE) no 537/2014 en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises [COM(2021) 189 final — 2021/104 (COD)]

51

2021/C 517/08

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Favoriser une approche européenne en matière d’intelligence artificielle [COM(2021) 205 final]

56

2021/C 517/09

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle (législation sur l’intelligence artificielle) et modifiant certains actes législatifs de l’union [COM(2021) 206 final — 2021/106 (COD)]

61

2021/C 517/10

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les machines et produits connexes [COM(2021) 202 final — 2021/0105 (COD)]

67

2021/C 517/11

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Taxinomie de l’UE, publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, préférences en matière de durabilité et devoirs fiduciaires: orienter la finance dans le sens du pacte vert pour l’Europe[COM(2021) 188 final]

72

2021/C 517/12

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à la stratégie de l’UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025 [COM(2021) 171 final]

78

2021/C 517/13

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — La stratégie de l’UE en matière de retour volontaire et de réintégration[COM(2021) 120 final]

86

2021/C 517/14

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à la stratégie de l’UE visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025) [COM(2021) 170 final]

91

2021/C 517/15

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres [COM(2021) 282 final — 2021/0137 (NLE)]

97

2021/C 517/16

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Orientations stratégiques pour une aquaculture plus durable et compétitive dans l’Union européenne pour la période 2021-2030[COM(2021) 236 final]

103

2021/C 517/17

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à une nouvelle approche pour une économie bleue durable dans l’Union européenne — Transformer l’économie bleue de l’Union européenne pour assurer un avenir durable [COM(2021) 240 final]

108

2021/C 517/18

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions concernant un plan d’action pour le développement de la production biologique [COM(2021) 141 final]

114

2021/C 517/19

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2020/2222 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’infrastructure transfrontalière reliant l’Union et le Royaume-Uni par la liaison fixe transmanche [COM(2021) 402 final — 2021/0228(COD)]

120

2021/C 517/20

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l’Union européenne, au sein du comité de direction régional de la Communauté des transports en ce qui concerne l’adoption du budget de la Communauté des transports pour 2022 [COM(2021) 479 final — 2021/0272 (NLE)]

121

2021/C 517/21

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant certaines dispositions relatives à la pêche dans la zone couverte par l’accord de la CGPM (Commission générale des pêches pour la Méditerranée) (refonte) [COM(2021) 434 final — 2021/0248 (COD)]

122

2021/C 517/22

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 en ce qui concerne les restrictions d’accès aux eaux de l’Union [COM(2021) 356 final — 2021/0176 (COD)]

123


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

563e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 22.9.2021-23.9.2021

22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/1


Avis du Comité économique et social européen sur le rôle de la politique de cohésion dans la lutte contre les inégalités durant la nouvelle période de programmation après la crise de la COVID-19 — Complémentarités et chevauchements éventuels avec la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) et les plans de relance nationaux

(avis d’initiative)

(2021/C 517/01)

Rapporteur:

Ioannis VARDAKASTANIS

Corapporteure:

Judith VORBACH

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

8.9.2021

Adoption en session plénière

23.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/0/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Next Generation EU est un instrument qui, non seulement repose sur la solidarité entre les États membres de l’Union, mais qui symbolise aussi la vision commune de l’avenir qui est la leur. En stimulant la confiance, cet instrument a déjà contribué à réduire la probabilité qu’une crise profonde survienne dans certains pays, et ses effets positifs se feront pleinement sentir lorsque les dépenses commenceront à être réellement engagées. Si le CESE se félicite vivement que l’Union ait réussi à concevoir et à adopter un mécanisme d’une telle envergure dans un laps de temps aussi court, il demande par ailleurs que tout soit mis en œuvre pour le perfectionner encore et remédier à ses éventuelles lacunes.

1.2.

De manière générale, le CESE plaide en faveur d’une politique économique et sociale axée sur la prospérité, qui donne la priorité au bien-être des citoyens et ne laisse personne pour compte. Dans le présent avis, le Comité se penche avant tout sur la manière dont la politique de cohésion et Next Generation EU, principalement par l’intermédiaire de son instrument phare qu’est la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) (1), peuvent permettre de vaincre les inégalités. Next Generation EU contribuera en réalité à une convergence ascendante entre les États membres, et il pourrait également renforcer la marge de manœuvre budgétaire leur permettant de prendre des mesures de politique sociale. Cependant, le défi majeur pour les années à venir sera de savoir, en définitive, dans quelle mesure et par quels moyens Next Generation EU saura corriger les inégalités au sein de chaque pays ainsi que les déséquilibres entre régions.

1.3.

Avant la pandémie de COVID-19, un grave problème d’inégalités se posait déjà. La crise a mis en évidence et creusé les fractures existant de longue date dans nos sociétés, en ce qui concerne notamment la répartition inégale des revenus et des richesses ou l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Ces inégalités varient en fonction du sexe, de l’âge, du niveau d’éducation et du handicap, ainsi que selon les régions, les secteurs et les professions. La pandémie a touché de manière disproportionnée les femmes et les jeunes. L’incidence des infections à la COVID-19 a été la plus élevée chez les personnes les plus démunies, ce qui peut, par ricochet, avoir des conséquences défavorables sur leurs revenus. Les personnes les plus pauvres sont également moins susceptibles de pouvoir effectuer du télétravail, ce qui s’est avéré être un facteur décisif de perte d’emploi.

1.4.

L’Union européenne devrait profiter de l’occasion unique que représente Next Generation EU pour corriger les lacunes des politiques sociales, économiques et environnementales, et mettre en œuvre une approche axée sur la prospérité. Le CESE se félicite que les objectifs sociaux, et tout particulièrement l’objectif de cohésion économique, sociale et territoriale, soient intégrés dans les six piliers de la FRR, et que les critères d’évaluation des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) incluent leur impact sur le plan social. À juste titre, les États membres sont aussi tenus d’expliquer comment les PNRR contribuent à l’égalité entre les hommes et les femmes, et à l’égalité des chances pour tous. Le CESE estime toutefois qu’il faudrait accorder une attention plus grande et plus ciblée à une répartition équitable dans le cadre des PNRR et de Next Generation EU dans son ensemble.

1.5.

Afin de veiller à ce que lesdits plans revêtent une dimension sociale plus forte, le CESE suggère à la Commission non seulement de concevoir une méthode de déclaration des dépenses sociales, comme le prévoit l’article 29, paragraphe 4, du règlement établissant la facilité pour la reprise et la résilience, mais aussi de mettre au point une méthode visant à évaluer les conséquences sociales des réformes structurelles proposées dans les PNRR. Dans ce contexte, le fait que l’acte délégué définissant les spécifications relatives à la dimension sociale ne sera rendu disponible qu’après l’élaboration des plans, voire après leur approbation, est résolument contestable.

1.6.

L’un des grands défis à relever consiste à garantir une cohérence et des synergies entre la politique de cohésion et Next Generation EU, en particulier la FRR et REACT-EU. S’il importe d’éviter les chevauchements et la confusion dans la mise en œuvre des programmes, il est également essentiel de veiller à ce que ceux-ci n’entrent pas en contradiction l’un avec l’autre ni ne se nuisent mutuellement. De plus, l’éventualité d’une priorisation du financement de la FRR par rapport à la politique de cohésion, en raison de la pression en faveur d’une absorption rapide, est susceptible d’affaiblir la capacité à gérer la programmation et la mise en œuvre du financement de la politique de cohésion pour la période 2021-2027, de même que l’attention qui y est portée, au risque d’occasionner des retards et des problèmes supplémentaires dans l’absorption des ressources de cohésion.

1.7.

Le CESE exprime sa crainte que les dispositions visant à réduire les inégalités inscrites dans la politique de cohésion ne se reflètent pas correctement dans les règles régissant l’utilisation de Next Generation EU et de la FRR, puisqu’elles reposent sur une autre base juridique (voir paragraphe 3.4). Il importe que la dimension sociale conférée à la politique de cohésion, dans toute son ampleur et sa clarté, serve de modèle à l’instrument Next Generation EU et à la FRR. En outre, les procédures de ladite facilité devraient tout au moins reprendre comme schéma directeur les règles strictes de la politique de cohésion en matière de consultation des parties prenantes, et en particulier le principe de partenariat, afin d’orienter efficacement les investissements vers des mesures d’inclusion sociale et de combattre les inégalités.

1.8.

Étant donné que le versement des fonds est conditionné par la mise en œuvre des recommandations par pays, il est d’autant plus important de réformer le semestre européen, en y incluant notamment des normes minimales relatives à la consultation des partenaires sociaux et de la société civile, comme le fait valoir le CESE dans sa résolution sur la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience (2). Dans le contexte de la politique de cohésion, de Next Generation EU et des recommandations par pays, le CESE recommande vivement d’examiner en détail tous les différents aspects de l’inégalité et d’œuvrer en faveur d’une croissance durable et inclusive, ainsi que de contrôler étroitement la manière dont les fonds sont dépensés.

1.9.

En outre, le CESE plaide pour que le socle européen des droits sociaux et le tableau de bord social soient intégrés de façon systématique dans Next Generation EU et dans l’évaluation des PNRR. Dans le cadre de cette intégration, il faut s’assurer que le déploiement de Next Generation EU va de pair avec la création d’emplois décents. Par conséquent, le versement des fonds de la FRR aux entreprises devrait être subordonné à certains critères tels que l’application de conventions collectives ou au fait qu’elles fournissent des emplois de qualité sur la base de la législation nationale et de la réglementation découlant d’un accord entre les partenaires sociaux. Il convient de veiller à ce que tous les citoyens vivant au sein de l’Union européenne bénéficient en même temps de la reprise et des transitions écologique et numérique.

2.   Observations générales

2.1.

L’Union européenne s’appuie depuis longtemps sur sa politique de cohésion, et en particulier sur des fonds tels que le Fonds européen de développement régional et le Fonds social européen, pour réduire les inégalités qui existent à la fois entre les États membres et en leur sein. En 2020, la pandémie de COVID-19 a provoqué un choc économique et systémique extraordinaire et exacerbé les déséquilibres existant entre les États membres, de sorte que les Fonds de cohésion n’ont pas été en mesure, à eux seuls, d’y remédier. Il s’en est ensuivi la création d’une nouvelle initiative de financement appelée Next Generation EU, un plan de relance d’un montant de 750 milliards d’euros à répartir entre les États membres.

2.2.

Next Generation EU ne repose pas seulement sur la solidarité entre les États membres, mais constitue également un progrès majeur dans le processus d’intégration européenne, notamment pour ce qui est de la mutualisation de la dette, par exemple, laquelle signifie une émission commune d’obligations et un endettement collectif. En favorisant la confiance, Next Generation EU a déjà contribué à réduire la probabilité qu’une crise profonde survienne dans certains pays, et ses effets positifs se feront pleinement sentir lorsque les premières dépenses seront vraiment engagées. L’effet de levier qu’il produira sur la croissance économique permettra de diminuer le chômage. À long terme, Next Generation EU devrait concourir de manière considérable à la durabilité environnementale, économique et sociale. Le CESE estime que cet instrument constitue une occasion unique de renforcer le modèle social européen et de bâtir une Union compétitive et intégrée en œuvrant à une reprise économique rapide, équitable et durable. En fin de compte, il est probable que tous les États membres en deviennent des bénéficiaires nets (3). Enfin, le CESE estime que les fonds européens ne représentent pas uniquement des chiffres, des objectifs et des délais: ils symbolisent aussi la vision commune de l’avenir que partagent les États membres de l’Union.

2.3.

La facilité pour la reprise et la résilience est la pièce maîtresse de Next Generation EU, avec 672,5 milliards d’euros de prêts et de subventions disponibles pour soutenir les réformes et les investissements entrepris par les États membres de l’Union. L’objectif est d’amortir le contrecoup économique et social de la pandémie de COVID-19, de rendre les économies et les sociétés européennes plus durables, inclusives et résilientes, et de mieux les préparer aux défis posés par les transitions écologique et numérique ainsi qu’aux perspectives que celles-ci peuvent offrir.

2.3.1.

La FRR s’articule autour de six «piliers», parmi lesquels figurent la cohésion économique, sociale et territoriale, la santé et la résilience sociale, ainsi que les politiques pour la prochaine génération, les enfants et les jeunes. Les États membres sont tenus de favoriser les synergies et de promouvoir une coordination étroite entre les plans nationaux pour la reprise et la résilience et la programmation de la politique de cohésion. Les PNRR devraient en sus remédier efficacement aux problèmes causés par des évolutions économiques de plus en plus divergentes et des trajectoires de reprise différentes, et qui n’ont pas été directement recensés dans le cadre du semestre européen. Les recommandations par pays formulées en 2019 et en 2020 sont particulièrement pertinentes à cet égard.

2.4.

Outre la facilité pour la reprise et la résilience, Next Generation EU comprend également le soutien à la reprise en faveur de la cohésion et des territoires de l’Europe (REACT-EU), doté de 47,5 milliards d’euros. Il s’agit d’une nouvelle initiative visant à étendre les mesures prises pour réagir à la crise et en réparer les dommages, prévues par l’initiative d’investissement en réaction au coronavirus et l’initiative d’investissement+ en réaction au coronavirus. En comparaison avec d’autres mesures, le budget disponible est néanmoins relativement faible. Sa contribution à une relance verte, numérique, durable, inclusive et résiliente de l’économie s’en trouve ainsi limitée. Les fonds provenant de REACT-EU seront mis à la disposition du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD).

2.5.

De plus, au titre des programmes de cohésion pour la période de programmation 2021-2027, un montant total de 377,8 milliards d’euros sera alloué aux États membres par l’intermédiaire des fonds suivants:

le Fonds européen de développement régional (FEDER), qui vise à corriger les déséquilibres de développement entre les régions;

le Fonds de cohésion, qui soutient les projets menés par l’Union dans les réseaux transeuropéens de transport et les infrastructures environnementales, ainsi que les projets entrepris dans le domaine de l’efficacité énergétique, de l’utilisation des énergies renouvelables ou de la mobilité urbaine durable;

le Fonds social européen (FSE); et

le Fonds pour une transition juste, nouvellement créé.

3.   Complémentarités, synergies et écarts entre la FRR et la politique de cohésion

3.1.

De manière générale, le CESE plaide en faveur d’une politique économique et sociale axée sur la prospérité, qui donne la priorité au bien-être des citoyens et ne laisse personne pour compte. Parmi ses principaux objectifs stratégiques doivent figurer, entre autres, la croissance durable et inclusive, la qualité de vie et la réduction des inégalités. Le CESE demande que ces objectifs soient intégrés dans différents domaines d’action, notamment ceux relevant de la fiscalité, du marché du travail et de la politique industrielle et monétaire. Dans le contexte du semestre européen, du cadre de gouvernance économique et du cadre financier pluriannuel, il est vivement recommandé de s’attacher davantage à résoudre le problème de l’accroissement des inégalités. Dans le présent avis, le Comité se penche avant tout sur la manière dont la politique de cohésion et Next Generation EU, principalement par l’intermédiaire de son instrument phare qu’est la facilité pour la reprise et la résilience, peuvent permettre de remédier à ces inégalités.

3.2.

Les critères sur lesquels reposent les versements bruts au titre de Next Generation EU manquent de clarté. Ainsi, Next Generation EU permettra très probablement aux économies européennes les plus faibles de se remettre plus rapidement et de contribuer à une véritable convergence vers le haut, ce dont le CESE se félicite amplement. Cependant, il est plus difficile de savoir dans quelle mesure et par quels moyens Next Generation EU servira à corriger les inégalités au sein des pays et les déséquilibres entre les régions. En tout état de cause, il est très probable que les chevauchements entre la politique de cohésion et Next Generation EU provoquent même des effets négatifs.

3.2.1.

Il importe tout particulièrement que les politiques sociales et de l’emploi garantissent des conditions de concurrence équitables, et les dispositions de Next Generation EU devraient exiger des réformes en ce sens. Le CESE renvoie aux différentes propositions qu’il a formulées en vue de lutter contre les inégalités au sein des pays, par exemple l’application de certains critères au système de passation des marchés publics et les programmes de soutien aux groupes vulnérables (comme la garantie pour la jeunesse). À cet égard, il convient aussi de promouvoir la qualité des emplois et les systèmes de négociation collective.

3.2.2.

L’aide fournie par les fonds de Next Generation EU peut alléger la pression qui pèse sur les budgets des pouvoirs publics et accroître la marge de manœuvre budgétaire des pays les plus endettés en particulier, leur donnant ainsi la possibilité de renforcer les mesures de politique sociale dans le but d’atténuer les inégalités. Le CESE recommande par ailleurs d’analyser les facteurs ayant participé de manière significative à détériorer l’état des finances publiques dans certains États membres, dans le contexte de la crise de la COVID-19.

3.3.

L’un des grands défis à relever consiste à garantir une cohérence et des synergies entre la politique de cohésion et Next Generation EU, en particulier la FRR et REACT-EU. D’après les plans nationaux pour la reprise et la résilience qui ont été présentés et publiés dans le cadre du processus de la FRR, les programmes de la FRR et de la politique de cohésion semblent poursuivre, à première vue, un certain nombre d’objectifs communs (4). Néanmoins, les processus utilisés pour déterminer dans quels domaines les investissements seront réalisés apparaissent très différents, ce qui soulève la question de savoir si les deux programmes peuvent fonctionner en toute harmonie. S’il importe d’éviter les chevauchements et la confusion dans la mise en œuvre des programmes, il est également essentiel de veiller à ce que ceux-ci n’entrent pas en contradiction l’un avec l’autre ni ne se nuisent mutuellement. Les procédures de la FRR devraient reprendre les principes de la politique de cohésion, dont ses règles strictes en matière de consultation des parties prenantes, afin d’orienter efficacement les investissements vers des mesures d’inclusion sociale.

3.4.

La politique de cohésion s’inscrit dans une longue tradition en matière d’affectation stratégique de fonds et de ressources en faveur d’objectifs sociaux, ainsi que de partenariat et d’obligation de créer des comités de suivi représentant un large éventail de parties prenantes et de partenaires sociaux lors de la sélection des projets. L’efficacité de ces principes, bien qu’elle ne garantisse pas de manière indéfectible des investissements de qualité, a néanmoins été généralement avérée au fil du temps par des audits et des évaluations ex post. Malheureusement, ces pratiques éprouvées n’ont été que partiellement utilisées lors de l’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Le CESE invite les États membres à adopter des pratiques telles que la création de comités de suivi au cours de la phase de mise en œuvre des PNRR. Ces comités de suivi devraient comprendre des représentants des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

3.5.

Dans le tout dernier règlement portant dispositions communes (RDC) (5), qui régit l’utilisation des Fonds de cohésion, les règles déterminant les actions éligibles à un financement sont tout à fait claires. Par exemple, l’article 73 dispose que «[pour] la sélection des opérations, l’autorité de gestion établit et applique des critères et procédures qui sont non discriminatoires et transparents, assurent l’accessibilité pour les personnes handicapées [et] l’égalité entre les femmes et les hommes». Le CESE exprime sa crainte que les dispositions visant à réduire les inégalités inscrites dans la politique de cohésion ne se reflètent pas correctement dans les règles régissant l’utilisation de Next Generation EU et de la FRR, puisqu’elles reposent sur une autre base juridique (voir paragraphe 3.4). Il importe que la dimension sociale conférée à la politique de cohésion, dans toute son ampleur et sa clarté, serve de modèle à l’instrument Next Generation EU et à la FRR.

3.6.

En ce qui concerne le partenariat, l’article 8 dispose que «[pour] l’accord de partenariat et chaque programme, chaque État membre organise et met en œuvre un partenariat global», lequel associe «les organismes concernés représentant la société civile, tels que les partenaires environnementaux et les organisations non gouvernementales, ainsi que les organismes chargés de promouvoir l’inclusion sociale, les droits fondamentaux, les droits des personnes handicapées, l’égalité entre les femmes et les hommes et la non-discrimination». Les conditions favorisantes exposées en annexe du règlement précisent en outre formellement que les fonds de l’Union ne doivent aucunement contribuer à la ségrégation des personnes résidant dans des établissements de soins.

3.7.

Tout comme dans la politique de cohésion, la cohésion économique, sociale et territoriale est mentionnée explicitement dans le champ d’application et les objectifs de la facilité pour la reprise et la résilience. Cependant, sachant que Next Generation EU est basé sur l’article 122 du TFUE applicable en cas de difficultés économiques graves et imprévisibles, le principe majeur invoqué ici est celui de la solidarité. La FRR étant quant à elle fondée sur l’article 175 du TFUE, la cohésion devrait être inscrite comme un objectif dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience (6). Des PNRR comportant une dimension territoriale faible peuvent avoir des répercussions éventuelles sur la politique de cohésion et la cohésion territoriale, notamment en ce qui concerne la réduction des disparités internes, le rôle des échelons infranationaux et le principe de gouvernance à plusieurs niveaux.

3.8.

Le chevauchement entre la politique de cohésion et la FRR dans certains domaines, notamment pour ce qui est des transitions écologique et numérique, est particulièrement préoccupant. En outre, étant donné que le vaste champ d’application de la FRR couvre différents domaines thématiques, il est plus difficile de définir une priorité claire et d’assurer la coordination avec les interventions de la politique de cohésion quant à sa démarcation par rapport aux diverses sources, laquelle est fondamentale pour les raisons exposées ci-après. Il s’agit d’une raison supplémentaire pour laquelle le suivi et la participation de la société civile organisée revêtent tant d’importance.

3.9.

L’éventualité d’une priorisation du financement de la FRR par rapport à la politique de cohésion, du fait de la pression en faveur d’une mise en œuvre ou d’une absorption rapide (caractère d’urgence, durée de vie plus courte ou encore calendrier serré pour les PNRR), est susceptible d’affaiblir la capacité à gérer la programmation et la mise en œuvre du financement de la politique de cohésion pour la période 2021-2027, de même que l’attention qui y est portée, ce qui peut occasionner des retards supplémentaires et des problèmes dans l’absorption des ressources de cohésion.

3.10.

La société civile et les partenaires sociaux ont œuvré sans relâche pour veiller à ce que le règlement portant dispositions communes, qui régit l’utilisation des Fonds de cohésion et d’autres financements de l’Union, soit libellé en des termes forts. Le règlement pour la période 2021-2027 définit clairement la manière dont les ressources devraient être utilisées pour favoriser l’inclusion sociale des groupes marginalisés et ne pas créer davantage de ségrégation à leur égard. Il fixe aussi des règles claires concernant la participation de la société civile et des partenaires sociaux à la sélection, à la gouvernance et au suivi des opérations financées par l’Union. Le contraste est donc saisissant avec le règlement établissant la facilité pour la reprise et la résilience, dont l’article 18, paragraphe 4, point q), requiert simplement que les autorités nationales fournissent une synthèse du processus de consultation. Dans la pratique, l’absence de dispositions juridiques plus détaillées encadrant la participation des partenaires sociaux et de la société civile s’est traduite par une consultation publique totalement insuffisante de la part des États membres et par un niveau de transparence extrêmement faible — nombre d’entre eux ayant totalement négligé de rendre publics leurs projets de plans nationaux pour la reprise et la résilience.

3.10.1.

Le CESE reconnaît que le délai entre l’approbation de Next Generation EU et la date limite de soumission des PNRR était très court. Il estime toutefois que les États membres auraient dû voir la consultation pleine et significative de la société civile et des partenaires sociaux comme une possibilité de faciliter l’élaboration de plans de qualité plutôt que comme une charge qu’ils ont été nombreux à refuser.

3.11.

L’absence de contrôle public au cours de la période d’élaboration a suscité la crainte que les États membres ne se servent de la FRR pour contourner les règles qui les empêchent d’utiliser les Fonds de cohésion pour effectuer certains types d’investissements. Tel a déjà été le cas dans certains des rares projets de PNRR mis à la disposition du public, notamment en ce qui concerne les règles d’investissement en faveur de l’inclusion sociale. Les règles énoncées dans le RDC, en particulier dans ses conditions favorisantes, ont été introduites à la demande de la société civile et des partenaires sociaux. Si, en vue de leur approbation, il n’est nul besoin de démontrer que les actions financées en parallèle par la FRR se conformeront aux principes stricts énoncés dans le règlement portant dispositions communes, le respect de ces principes ne saurait être pleinement garanti. S’il faut admettre que le RDC lui-même n’a pas toujours suffi à empêcher une utilisation abusive des fonds, il offre pour le moins une base sur laquelle il est possible de contester un financement qui ne remplit pas les conditions favorisantes voire d’en demander l’interruption. Dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience, la capacité de contester une utilisation abusive des fonds ou d’y mettre un terme demeure incertaine.

3.12.

Le CESE déplore que le principe de partenariat n’ait pas été respecté lors de l’élaboration de nombreux plans nationaux pour la reprise et la résilience. Il considère ledit principe et la participation de la société civile organisée comme des facteurs essentiels de l’efficacité des politiques et de leur appropriation. Le principe de partenariat est inscrit dans l’ADN de la politique de cohésion. Nous avons constaté des exemples positifs de participation active des citoyens, des collectivités locales et de la société civile. Pour la mise en œuvre et une éventuelle refonte des PNRR, il conviendrait d’établir un système de consultation des parties prenantes plus ambitieux, dont le principe de partenariat serait le schéma directeur. En ce qui concerne les affaires locales, les stratégies de développement menées par les acteurs locaux (DLAL), les investissements territoriaux intégrés dans les villes, les actions innovatrices urbaines et la coopération transfrontalière au titre d’Interreg sont sources de nombreux exemples de projets réalisés dans toute l’Union, ce qu’il faudrait aussi prendre en compte lors de la mise en œuvre des PNRR.

4.   Combattre les inégalités au moyen de la politique de cohésion, de Next Generation EU et de la FRR

4.1.

Les responsables politiques font encore face à un niveau élevé d’incertitude quant à l’évolution de la pandémie. Dans plusieurs pays, les prévisions de croissance pour la période 2019-2023 ont été revues à la baisse. L’Union européenne connaîtra une divergence profonde et grandissante en matière de croissance, laquelle peut en grande partie s’expliquer par les effets hétérogènes de la pandémie sur les différents secteurs économiques. Par exemple, les pays où le tourisme occupe une place importante ont beaucoup souffert, et les secteurs des arts et du divertissement, des échanges commerciaux, des voyages et de l’hébergement, du commerce de détail et des transports ont eux aussi été durement touchés (7).

4.1.1.

Par ailleurs, la pandémie a creusé les fossés existant de longue date dans nos sociétés, notamment la répartition inégale des revenus et des richesses, l’inégalité d’accès aux soins de santé et à l’éducation, ainsi que la différence d’exposition aux dommages environnementaux, tout en étant aussi une source d’exclusion sociale et financière. En Allemagne, par exemple, le nombre de chômeurs de longue durée a dépassé le million. Ce sont en particulier les travailleurs précaires, pour la plupart des jeunes et des femmes, qui ont perdu leur emploi: le taux de chômage a en effet augmenté de 40 % dans cette catégorie. En général, les inégalités varient en fonction du sexe, de l’âge et du niveau d’éducation, ainsi que selon les régions, les secteurs et les professions. Les groupes vulnérables, tels que les personnes handicapées et les migrants, sont ceux qui souffrent le plus des conséquences de la crise sanitaire.

4.2.

En général, les pertes de revenus provoquées par les récessions entraînent davantage de souffrances pour les personnes les plus pauvres que pour les plus aisées. Toutefois, lorsque vient la reprise économique, les personnes les plus pauvres ne sont pas les premières à profiter du rebond, ce qui signifie que les inégalités sociales causées, par exemple, par une crise financière peuvent se faire sentir durant des décennies. L’accroissement des inégalités due à la crise actuelle pourrait être encore plus marqué en raison des incidences négatives de la pandémie. Nous avons vu que l’incidence des infections à la COVID-19 est la plus élevée chez les personnes les plus démunies, ce qui peut, par ricochet, avoir des conséquences défavorables sur leurs revenus. Les personnes les plus pauvres sont aussi moins susceptibles d’exercer en télétravail, ce qui s’est avéré être un facteur décisif de perte d’emploi.

4.2.1.

En outre, les secteurs employant majoritairement des travailleurs à faibles revenus (par exemple, la restauration, les voyages ou le divertissement) ont été particulièrement touchés (8). Alors que la pandémie a accéléré l’automatisation et la numérisation, y compris l’essor de l’intelligence artificielle, la demande de main-d’œuvre hautement qualifiée a augmenté, tandis que les travailleurs peu qualifiés ont décroché du marché du travail (9). Le chômage de longue durée est par ailleurs susceptible d’avoir des effets durables, tels qu’une perte de compétences, et il pourrait entraver la réinsertion professionnelle des travailleurs concernés. De surcroît, les groupes vulnérables au sein de la société sont ceux qui ont été les plus affectés par les fermetures des écoles et des universités.

4.3.

Le CESE tient également à souligner, outre les effets de la pandémie sur le bien-être matériel, l’incidence disproportionnée qu’elle a eu sur la sécurité des personnes et l’exercice de leurs droits fondamentaux. Nul n’ignore que les établissements de santé et de soins sont devenus des foyers d’infections, enregistrant un nombre élevé de décès, en particulier parmi les personnes âgées ou handicapées.

4.3.1.

Dans certains États membres, des hôpitaux submergés ont également dû recourir à un système de tri pour déterminer qui pourrait ou non recevoir des soins d’urgence, ce qui a parfois engendré de fortes discriminations. L’âge et le handicap ont servi de motif pour refuser la prise en charge des patients, révélant clairement les priorités des gouvernements lorsqu’il s’agit de mesurer la valeur de chaque citoyen. Il est primordial d’empêcher qu’une telle situation se reproduise, et que les personnes vulnérables soient traitées comme des citoyens de seconde zone.

4.4.

Le CESE relève en outre le manque de données de qualité concernant la répartition des richesses. Dès 2016, dans son enquête sur les finances et la consommation des ménages, la BCE concluait toutefois que la répartition de la richesse nette des ménages dans la zone euro était fortement déséquilibrée, puisque les 10 % les plus riches possédaient 51,2 % du total des actifs nets (10). Selon d’autres projections, la répartition de la richesse serait encore plus inégale, 1 % des ménages les plus riches détenant, d’après les estimations, jusqu’à 32 % de la richesse totale. Il est fort probable que la COVID-19 creusera encore les inégalités de richesse. Plus globalement, elle semble avoir entraîné une augmentation de l’épargne. Cependant, les ménages à faibles revenus ont réduit leurs dépenses dans une moindre mesure par comparaison avec les catégories à hauts revenus. En raison de la nécessité de satisfaire leurs besoins de subsistance, les ménages à faibles revenus ont retrouvé leurs niveaux de dépenses d’avant la crise plus rapidement que ceux dont les revenus sont plus élevés (11).

4.5.

La pandémie a touché de manière disproportionnée les femmes. La probabilité pour elles d’être licenciées, placées au chômage technique ou contraintes de réduire leur temps de travail formel a été la plus forte, et ce pour plusieurs raisons. Les femmes sont davantage représentées dans certaines professions parmi les plus durement touchées par les mesures de confinement, et elles étaient plus nombreuses à être employées à temps partiel ou sous d’autres types de contrats de travail. Les entreprises ont été plutôt enclines à protéger les travailleurs sous contrat de travail à durée indéterminée. En outre, les femmes ont dû quitter leur emploi ou réduire leur temps de travail, sachant que, les écoles étant fermées, elles devaient s’occuper davantage de leurs enfants. La pandémie a de surcroît accentué l’écart entre les hommes et les femmes pour ce qui est des tâches domestiques non rémunérées (12).

4.6.

Next Generation EU entend devenir l’un des principaux outils de l’Union européenne pour atténuer les conséquences négatives de la crise sur le plan social, renforcer la résilience sociale et encourager l’emploi. Toutefois, son succès dépendra de la manière dont il sera mis en œuvre. Il importe que les différentes ressources soient dépensées de manière efficace et en temps utile pour que la reprise puisse se concrétiser. Par ailleurs, une utilisation efficace des ressources instaurera aussi un climat de confiance entre les États membres. De façon générale, il sera essentiel que Next Generation EU ne soit pas simplement utilisé pour poursuivre les investissements déjà planifiés avant la pandémie, mais bien pour réagir sans détour et engager des réformes visant à empêcher que les effets les plus graves de la COVID-19 sur nos sociétés ne se reproduisent.

4.7.

Le CESE se félicite que les objectifs sociaux, et tout particulièrement l’objectif de cohésion économique, sociale et territoriale, soient intégrés dans les six piliers de la FRR, que l’un des critères d’évaluation des plans pour la reprise et la résilience soit leur impact social, et que les États membres aient pour obligation d’expliquer comment les PNRR contribuent à l’égalité entre les hommes et les femmes et à l’égalité des chances pour tous. Il craint toutefois que lesdits plans ne tiennent pas suffisamment compte de la dimension sociale, ou que certaines mesures soient qualifiées de «sociales» sans contribuer pour autant aux objectifs sociaux définis dans le règlement. À ce stade, il semble peu probable que les PNRR puissent corriger efficacement les disparités sociales. Afin de veiller à ce que chaque plan revête une forte dimension sociale, le CESE suggère à la Commission non seulement de concevoir une méthode de déclaration des dépenses sociales, comme le prévoit l’article 29, paragraphe 4, du règlement établissant la facilité pour la reprise et la résilience, mais aussi de mettre au point une méthode permettant d’évaluer les conséquences sociales des réformes structurelles proposées dans les PNRR. Qui plus est, il conviendrait d’accorder une attention plus grande et plus ciblée à la répartition équitable.

4.8.

La facilité pour la reprise et la résilience devrait être utilisée pour mener des réformes qui aideraient les États membres à surmonter les effets de la pandémie. Le CESE demande que les investissements parviennent en tout premier lieu aux groupes qui ont été les plus durement touchés par la COVID-19, et que des enseignements soient tirés de la situation où se trouvaient les personnes ayant le plus souffert de cette crise sanitaire. Des investissements spécifiques devraient être réalisés pour notamment aider les personnes à retrouver un emploi de qualité, en particulier les femmes, les jeunes, les chômeurs de longue durée, les personnes issues de minorités ethniques, les personnes handicapées et les personnes âgées, lesquelles seront, selon toute vraisemblance, toujours plus nombreuses au sein de la société en général. Enfin, il est essentiel de préserver la viabilité des régimes de retraite.

4.8.1.

Il est impératif de renforcer les services publics de santé et de soins, en particulier dans les États membres où la crise de la COVID-19 a mis au jour de graves carences. Le CESE est d’avis que la FRR constitue une occasion unique pour les États membres de réformer ces types de services et de créer des offres de soutien personnalisé à l’intention de leurs populations, notamment en matière d’assistance individuelle et d’aide à domicile.

4.9.

Il faut de plus s’assurer que le déploiement de Next Generation EU va de pair avec la création d’emplois décents. Le CESE recommande de mettre en œuvre une approche politique déjà éprouvée dans le contexte des Fonds structurels européens, à savoir subordonner le versement des fonds de la FRR à certains critères. Par exemple, les entreprises ne devraient bénéficier des ressources de la FRR que si elles appliquent des conventions collectives, ou si elles fournissent des emplois de qualité sur la base de la législation nationale et de la réglementation découlant d’un accord entre les partenaires sociaux, si elles acceptent de réduire le nombre d’emplois précaires (par exemple les contrats à durée déterminée ou le travail temporaire imposés unilatéralement par l’employeur) ou encore si elles disposent d’institutions efficaces en matière de cogestion.

4.10.

Les actes délégués relatifs au tableau de bord de la reprise et de la résilience et à la méthode de déclaration des dépenses sociales, y compris en faveur des enfants et des jeunes, n’ont pas encore été publiés. Le CESE soutient expressément la demande du Parlement européen invitant la Commission à «faire preuve de transparence complète en ce qui concerne le calendrier d’approbation» de ces actes, et préconisant «l’approbation rapide de ces actes délégués avant la pause estivale» (13). Le fait que les spécifications relatives à la dimension sociale seront définies après l’élaboration des PNRR, voire après leur approbation, est résolument contestable.

4.11.

Malheureusement, l’absence de condition spécifique requérant qu’un certain montant des ressources de la FRR soit affecté à des projets sociaux est également à déplorer. En effet, la part des dépenses directement liées aux objectifs sociaux n’est pas clairement définie et semble assez modeste. Le CESE réclame un rapport exposant sans ambages la conception des programmes de dépenses et des projets censés permettre d’atteindre les objectifs sociaux en général, et la cohésion sociale en particulier, ainsi que la part qu’ils représentent. Il convient également de veiller à ce que les investissements en faveur de l’écologie et de la numérisation, ainsi que toutes les autres dépenses engagées au titre de Next Generation EU, soient effectués conformément à l’objectif de durabilité sociale. Là encore, un aperçu plus clair des investissements envisagés s’impose.

4.12.

Le fait que les plans nationaux pour la reprise et la résilience reposent sur le processus du semestre européen, les recommandations par pays et les conditionnalités pose problème, étant donné qu’un certain nombre de recommandations formulées ces dernières années étaient discutables, par exemple pour ce qui concerne les dépenses de santé ou les retraites. Au lieu de relier la FRR au semestre européen, il aurait été plus approprié de définir une affectation claire des fonds en tant que condition stricte garantissant une absorption efficace des fonds de l’Union. Dans la mesure où le versement des fonds est conditionné par la mise en œuvre des recommandations par pays, il est d’autant plus important de réformer le semestre européen, en y incluant notamment des normes minimales relatives à la consultation des partenaires sociaux et de la société civile, comme le fait valoir le CESE dans sa résolution sur la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience (14). Il y a également lieu d’associer de manière effective les parlements nationaux et le Parlement européen.

4.12.1.

Dans le contexte de la politique de cohésion, de Next Generation EU et des recommandations par pays, le CESE recommande vivement d’examiner en détail tous les différents aspects de l’inégalité et d’œuvrer en faveur d’une croissance durable, résiliente et inclusive, ainsi que de contrôler étroitement la manière dont les fonds sont dépensés. Il convient de veiller à ce que tous les européens bénéficient tant de la reprise que des transitions écologique et numérique, tout en n’oubliant pas d’œuvrer pour lutter contre l’exclusion numérique et la précarité énergétique, lesquelles pourraient se trouver exacerbées par cette transformation.

4.12.2.

Le CESE se félicite qu’une attention particulière soit accordée au socle européen des droits sociaux et au tableau de bord social dans le processus du semestre européen et, partant, à l’instrument Next Generation EU. Néanmoins, il plaide expressément pour qu’ils soient intégrés de façon systématique dans Next Generation EU et l’évaluation des PNRR. Le CESE note tout particulièrement le signal positif envoyé lors du sommet de Porto indiquant que la mesure de la prospérité devrait aller au-delà du PIB. Il conviendrait non seulement d’évaluer Next Generation EU sur la base de son interaction avec le semestre européen, mais aussi de le considérer comme un moyen d’assurer la cohésion territoriale et sociale et de mettre en œuvre les programmes respectifs.

4.13.

Dans l’ensemble, le CESE invite l’Union européenne à profiter de l’occasion unique que représente Next Generation EU pour accélérer et favoriser les réformes structurelles qui sont absolument indispensables, corriger les lacunes des politiques sociales, économiques et environnementales, et mettre en œuvre une approche axée sur la prospérité. Sachant que ce Fonds sera déployé sur la durée et produira des effets à long terme, le CESE recommande qu’un consensus soit formé entre les partis politiques, les acteurs sociaux, les entrepreneurs, les syndicats et la société civile, pour garantir que cette occasion aboutisse à la plus grande réussite possible. Il estime que les fonds européens ne représentent pas uniquement des chiffres, des objectifs et des délais, mais qu’ils symbolisent aussi la vision commune de l’avenir que nourrit l’Union européenne.

Bruxelles, le 23 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (JO L 57 du 18.2.2021, p. 17).

(2)  Participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas? Comité économique et social européen (CESE) (JO C 155 du 30.4.2021, p. 1).

(3)  The nonsense of Next Generation EU net balance calculations, Bruegel («L’absurde calcul des soldes nets de l’instrument Next Generation EU»).

(4)  Facilité pour la reprise et la résilience, Commission européenne.

(5)  Règlement (UE) 2021/1060 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion, au Fonds pour une transition juste et au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds «Asile, migration et intégration», au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas (JO L 231 du 30.6.2021, p. 159).

(6)  Facilité pour la reprise et la résilience, Commission européenne.

(7)  The great COVID-19 divergence: managing a sustainable and equitable recovery in the European Union, Bruegel («La grande divergence de la COVID-19: réussir une relance durable et équitable dans l’Union européenne»).

(8)  WP-2021-06_30032021.pdf

(9)  Stantcheva_covid19_policy.pdf

(10)  Banque centrale européenne, The Household Finance and Consumption Survey: results from the Second wave («Enquête sur les finances et la consommation des ménages: résultats de la deuxième vague»), no 18, décembre 2016.

(11)  Stantcheva_covid19_policy.pdf

(12)  Stantcheva_covid19_policy.pdf

(13)  Proposition de résolution sur le droit du Parlement d’être informé au sujet de l’évaluation en cours des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

(14)  Participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas? Comité économique et social européen (CESE).


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/9


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe»

(avis d’initiative)

(2021/C 517/02)

Rapporteur:

Christian MOOS

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

7.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

 

(pour/contre/abstentions)

223/2/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le pluralisme et la liberté des médias, y compris la sûreté et la sécurité des journalistes, constituent des principes fondamentaux de la démocratie libérale, qui, dans les traités de l’Union européenne, ont reçu l’approbation de tous ses États membres.

1.2.

Si, dans l’ensemble, l’Europe reste un continent où les médias sont libres et pluralistes, l’évolution de sa situation au sein de l’Union européenne n’en est pas moins préoccupante. Certains de ses États membres, n’étant plus des démocraties libérales, exercent un contrôle politique sur les médias indépendants et restreignent activement leur pluralisme.

1.3.

Loin de ne concerner qu’un petit nombre d’États membres, les menaces contre la liberté des médias et l’amenuisement de leur pluralisme sont une tendance générale, qui s’observe dans l’ensemble de l’Union européenne. Il faut que tous les pays qui la composent prennent d’urgence des mesures pour préserver la liberté et le pluralisme des médias.

1.4.

Dès lors que certains États membres rechignent à adopter les mesures qui s’imposent, les institutions de l’Union ont l’obligation de faire respecter les valeurs européennes et de garantir le fonctionnement de la démocratie libérale et de l’état de droit dans chacun d’entre eux.

1.5.

Les principaux défis à relever consistent notamment à garantir à tout moment la sûreté, la sécurité et l’indépendance des journalistes dans chaque État membre, protéger les médias indépendants de toute influence politique et prendre les mesures nécessaires pour contrer une réduction du pluralisme médiatique qui est motivée par des impératifs politiques ou économiques.

1.6.

Si le CESE se félicite du large éventail d’initiatives prévues ou adoptées par le Parlement européen (1) et la Commission européenne, il souligne toutefois que le principal chantier qui s’ouvre consiste à améliorer concrètement la liberté et le pluralisme des médias au niveau national, comme l’a souligné l’édition de 2021 du rapport annuel qu’ont adressé au Conseil de l’Europe les organisations partenaires de sa Plateforme visant à promouvoir la protection du journalisme et la sécurité des journalistes (2).

1.7.

Le CESE invite la Commission à recourir sans délai au règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil (3) relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union afin de lutter contre les menaces sérieuses qui pèsent dans certains États membres sur la liberté et le pluralisme des médias.

1.8.

Le CESE salue l’intention de la Commission de proposer des mesures destinées à renforcer la sécurité des journalistes et souligne la nécessité d’interdire légalement les poursuites stratégiques altérant le débat public («SLAPP» ou «poursuites-bâillons»).

1.9.

Le CESE invite la Commission à faire en sorte que les marchés publics dans le secteur des médias et les aides publiques aux entreprises médiatiques soient plus transparents et plus équitables.

1.10.

Le CESE soutient fermement le projet de la Commission visant à l’adoption d’une «législation européenne sur la liberté des médias», grâce auquel elle sera dotée d’instruments juridiques efficaces pour faire respecter la liberté et le pluralisme des médias au sein du marché intérieur.

1.11.

Le CESE considère qu’un soutien impartial des pouvoirs publics aux entreprises médiatiques représente un investissement dans un journalisme de qualité, tout comme des sociétés publiques de radiodiffusion caractérisées par leur indépendance et leur impartialité sont indispensables pour garantir le pluralisme des médias.

1.12.

Le CESE préconise la création d’un service public européen de radiodiffusion totalement indépendant.

1.13.

Le CESE souligne qu’il importe de continuer à étendre l’éducation aux médias, et soutient la proposition de créer une agence européenne pour l’éducation à la citoyenneté pour renforcer les compétences médiatiques des citoyens de l’Union européenne au moyen de programmes éducatifs.

2.   La liberté et le pluralisme des médias en tant que conditions préalables à la démocratie

2.1.

L’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), l’article 10, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et l’article 11, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDF) garantissent le droit de demander, de recevoir et de communiquer des informations et des idées sans ingérence des autorités publiques, ni considération de frontières. L’indépendance et le pluralisme des médias jouent un rôle essentiel pour garantir cette liberté d’information.

2.2.

La liberté et le pluralisme des médias garantis par l’article 11, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux sont également un préalable obligé de la démocratie. Ils doivent être respectés à tous les niveaux de gouvernance, pour que les citoyens de l’Union puissent réellement exercer leur droit de participer à sa vie démocratique, tel que consacré par l’article 10, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (TUE).

2.3.

Au même titre que l’existence de partis politiques et d’une société civile, un paysage médiatique pluraliste apporte une contribution indispensable pour que dans le cadre de processus décisionnels démocratiques, les positions et les intentions puissent se dessiner.

2.4.

Les médias indépendants jouent un rôle irremplaçable dans la mise en œuvre du principe de transparence que les institutions et autres organes de l’Union sont tenus de respecter en vertu de l’article 15 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

2.5.

En ce qu’ils représentent le «quatrième pouvoir», les journalistes d’investigation exercent une mission de vigilance concernant l’action des pouvoirs publics, dans leur branche exécutive, législative et judiciaire, ainsi que des entités privées. À ce titre, ils renforcent l’obligation de rendre des comptes faite aux élus qui prennent les décisions, à tous les niveaux de gouvernance.

2.6.

Les États membres qui restreignent la liberté ou la pluralité des médias ne sont pas des démocraties et violent les valeurs de l’Union européenne (article 2 du traité sur l’Union européenne) et ses objectifs (article 3 du traité sur l’Union européenne).

2.7.

Bien que certains de ses États membres continuent d’être, à l’échelle mondiale, des champions en matière de garantie de la liberté et de la pluralité des médias, les menaces qui pèsent sur cette liberté et ce pluralisme au sein de l’Union européenne ne sont pas le fait que de l’un ou l’autre des pays qui la composent: cette dégradation est une tendance qui s’observe, à des degrés divers, sur tout son territoire.

2.8.

Le déclin de la liberté et du pluralisme des médias au sein de l’Union européenne sape sa capacité à soutenir la démocratie dans son voisinage, où les récentes crises survenues dans certains pays ont révélé une situation plus grave encore dans ce domaine, ainsi qu’en ce qui concerne la sécurité des journalistes.

2.9.

Certains États membres de l’Union européenne ont désormais quitté le cercle des démocraties, et au cours de la décennie écoulée, se sont transformés, avec une rapidité inédite au niveau mondial, en autocraties. Les restrictions imposées à la liberté et au pluralisme des médias sont l’une des caractéristiques de cette évolution.

2.10.

La pandémie a contribué à accélérer encore ce glissement, ou a été utilisée pour légitimer de nouvelles attaques contre la liberté des médias.

2.11.

Le «classement mondial de la liberté de la presse 2021» établi par Reporters sans frontières, ainsi que les rapports annuels de l’organisation Freedom House consacre au thème de la «liberté des médias» et de la «liberté sur l’internet», montrent clairement que «l’Union européenne peine à défendre ses valeurs sur son propre sol» (4).

3.   Menaces sur la liberté et le pluralisme des médias

3.1.   Menaces à l’encontre des journalistes

3.1.1.

Pour que les médias remplissent leur mission, les journalistes doivent pouvoir travailler sans entrave et avoir la certitude qu’à tout moment, ils disposent à titre individuel de la protection pleine et entière de l’Union européenne et de tous ses États membres. Aujourd’hui, tel n’est plus le cas.

3.1.2.

Depuis 2015, au moins 16 journalistes ont été tués dans l’Union européenne alors qu’ils exerçaient leurs fonctions, ou parce qu’ils avaient effectué leur travail. Nous ne pouvons oublier les noms de Daphne Caruana Galizia, Giorgos Karaivaz, Ján Kuciak et sa fiancée Martina Kušnírová, Lyra McKee, Peter de Vries et de leurs collègues.

3.1.3.

Les journalistes sont de plus en plus exposés à des agressions verbales et physiques, et, en particulier, il devient toujours plus périlleux de couvrir les mouvements de protestation et manifestations, le danger venant à la fois des manifestants et des forces de l’ordre. Avec plus d’une centaine de cas dans le contexte de la pandémie, ces menaces ont atteint de nouvelles proportions en Europe (5).

3.1.4.

Dans certains pays européens non membres de l’Union européenne, la situation des journalistes est catastrophique: un exemple extrêmement alarmant en est fourni par les atteintes brutales à l’encontre des journalistes indépendants en Biélorussie.

3.1.5.

Les médias sociaux et la dynamique de groupe qui s’y déploie abaissent les barrières en matière de harcèlement et de menaces. Plusieurs campagnes coordonnées ont été lancées pour entraver le travail des médias ou des journalistes indépendants. Elles amènent à se demander s’il ne serait pas nécessaire de réglementer les plateformes de médias sociaux, sans restreindre les libertés fondamentales.

3.1.6.

Les femmes journalistes sont plus susceptibles que leurs collègues masculins d’être la cible d’attaques verbales et physiques, ainsi que de harcèlement et de menaces en ligne, qui présentent souvent un caractère misogyne, sexiste ou machiste.

3.1.7.

Dans certains États membres, les mesures destinées à lutter contre la désinformation et l’interdiction de la diffamation sont conçues de manière à pouvoir être utilisées pour criminaliser les reportages critiques et menacer les journalistes de peines d’emprisonnement ou de lourdes amendes.

3.1.8.

Les poursuites stratégiques altérant le débat public («Strategic Lawsuits Against Public Participation», ou SLAPP) sont un instrument de plus en plus employé pour réduire au silence les acteurs de la société civile et les journalistes.

3.1.9.

Les défis économiques auxquels sont actuellement confrontées les entreprises de médias ont entraîné une réduction du nombre de journalistes employés sous contrat fixe. Même si les plaintes déposées contre eux sont sans fondement, les litiges juridiques à l’encontre des journalistes indépendants mettent en péril leurs moyens de subsistance et leur situation se fait de plus en plus précaire et vulnérable.

3.1.10.

Au niveau local en particulier, on constate le phénomène inédit des «déserts de l’information», et il est fréquent que les médias indépendants soient remplacés par des informations dites «municipales», c’est-à-dire des journaux gratuits qui appartiennent aux élites économiques et politiques du cru et sont susceptibles de compromettre la liberté et le pluralisme des médias.

3.1.11.

Ces menaces visent à induire une autocensure. Elles sapent la liberté des médias en Europe.

3.2.   Menaces sur la liberté des médias

3.2.1.

Pour que les médias fonctionnent librement, le cadre juridique qui garantit leur liberté et leur pluralisme doit garantir que les journalistes et les entreprises médiatiques puissent effectuer leur travail sans ingérence politique.

3.2.2.

Dans plusieurs États membres, de vives inquiétudes se font jour concernant l’indépendance des autorités de régulation des médias, lesquelles, dans certains cas, sont de fait instrumentalisées par les gouvernements pour exercer une influence sur le paysage médiatique. Des organismes réellement indépendants d’autorégulation volontaire peuvent être un des moyens de protéger les médias de toute ingérence politique.

3.2.3.

Certains États membres cherchent à exercer un ascendant sur les médias en recourant à une législation fiscale discriminatoire et utilisant les budgets publicitaires de manière ciblée.

3.2.4.

D’autres ont tiré prétexte du risque de diffusion de la désinformation concernant la pandémie pour légitimer des restrictions à la liberté de la presse, qui empêchent toute couverture critique de la gestion de la crise.

3.2.5.

La liberté des médias est gravement mise en péril par ceux qui, placés sous le contrôle du pouvoir politique, de manière directe ou indirecte, par l’intermédiaire d’organes de surveillance, ne sont pas gérés dans le plein respect de la liberté journalistique. Les manœuvres tentées pour exercer une influence politique directe sur la couverture des médias indépendants sont en augmentation, de même que les attaques verbales émanant de responsables politiques ou les actions en justice contre des médias et des journalistes critiques.

3.2.6.

Dans plusieurs États membres, la liberté et le pluralisme des médias sont largement mis à mal du fait que leurs patrons sont trop proches du pouvoir ou ont été nommés à des postes publics, ou encore parce que des partis politiques ou les autorités nationales détiennent certains organes médiatiques, qui possèdent des parts de marché dont l’ampleur n’est pas justifiée.

3.2.7.

Même dans des démocraties libérales qui fonctionnent correctement, on assiste à une remise en cause de l’existence d’un service public de radiodiffusion indépendant et impartial, garant du pluralisme, et des appels sont lancés pour que le pouvoir politique influe sur la grille des programmes et les contenus diffusés.

3.3.   Menaces sur le pluralisme des médias

3.3.1.

Selon l’instrument de surveillance du pluralisme des médias de 2020 (6), on a assisté au cours de ces trois dernières années à un renforcement considérable de la concentration sur le marché européen des médias, y compris sur celui de la publicité et sur les canaux de distribution, et cette situation représente, pour la liberté des médias dans l’ensemble de l’Union européenne, un danger d’ampleur moyenne à élevée.

3.3.2.

Dans le sillage de la révolution numérique, les schémas d’utilisation des médias ont connu des évolutions qui remettent en question les modèles économiques des organes médiatiques traditionnels. La presse et les petits médias locaux, qui constituent l’épine dorsale du pluralisme médiatique dans l’Union européenne, sont particulièrement touchés par ces bouleversements. Ils deviennent des proies faciles pour une concentration du marché motivée par des raisons politiques.

3.3.3.

L’importance grandissante des médias numériques accroît le pouvoir de marché, et, de ce fait, l’influence sur les opinions, que détiennent les grandes plateformes, lesquelles profitent souvent de leur statut d’entreprises étrangères pour se soustraire à la réglementation européenne.

3.3.4.

Les conséquences économiques de la pandémie, en particulier la baisse des recettes publicitaires, accélèrent les changements en cours sur le marché des médias et portent un coup supplémentaire à leur pluralisme.

4.   Recommandations visant à renforcer la liberté et le pluralisme des médias en Europe

4.1.   Recommandations générales

4.1.1.

Le CESE fait observer que les personnes et les gouvernements qui, par leurs paroles ou leurs actes, mettent en cause la liberté ou le pluralisme des médias ne sont aptes ni à assurer la présidence des institutions de l’Union européenne ou de leurs organes auxiliaires, ni à la représenter.

4.1.2.

Le CESE se félicite que le règlement (UE, Euratom) 2020/2092 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union ait renforcé le volet correctif de l’instrument garantissant l’état de droit, dont la liberté et le pluralisme des médias.

4.1.3.

Le CESE se réjouit que le rapport de la Commission sur l’état de droit, y compris le suivi par pays qu’il effectue du pluralisme et de la liberté des médias, tout comme le débat au sein du Conseil de l’Union européenne, aient également conforté le volet préventif de l’instrument garantissant l’état de droit dans l’Union européenne.

4.1.4.

Le CESE demande que l’on entreprenne d’augmenter l’efficacité de ce volet préventif, en intégrant dorénavant, dans les chapitres par pays du rapport sur l’état de droit, des recommandations de réforme spécifiques à chaque État membre, dont la mise en œuvre sera évaluée dans la version de ce même rapport de l’année suivante.

4.1.5.

Le CESE est déterminé à faire de la protection de la liberté et du pluralisme des médias une priorité de la conférence sur l’avenir de l’Europe, afin que chacun prenne conscience de l’importance de ce problème et que le débat s’approfondisse encore quant aux mesures qui s’imposent.

4.2.   Recommandations sur la protection des journalistes

4.2.1.

Le CESE souligne que le meilleur moyen de protéger les journalistes consiste à poursuivre systématiquement tous les cas de harcèlement, menaces et attaques à leur encontre.

4.2.2.

Le CESE invite la Commission à recourir sans délai au règlement (UE, Euratom) 2020/2092 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union afin de lutter contre les graves dangers qui pèsent dans certains États membres sur la liberté et le pluralisme des médias. Cette démarche implique clairement que l’accès aux financements européens soit refusé aux États membres qui violent la liberté des médias.

4.2.3.

Le CESE soutient la position du Parlement européen (7), qui entend introduire un recours au titre de l’article 256 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en cas de carence de la Commission.

4.2.4.

Le CESE se réjouit que la Commission ait l’intention de formuler des propositions concrètes pour mettre en œuvre, d’une façon cohérente dans l’ensemble des États membres, la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias (8) et pour en contrôler le respect, dans le cadre de son rapport sur l’état de droit.

4.2.5.

Le CESE se félicite que la Commission se soit engagée à soutenir financièrement des projets relatifs à la protection juridique et pratique des journalistes et il préconise, en outre, d’envisager des dispositions qui donnent la garantie que les systèmes de sécurité sociale des États membres couvrent les risques professionnels des journalistes, en particulier lorsqu’ils exercent leur métier en indépendants.

4.2.6.

Le CESE souligne que les autorités de sécurité des États membres sont tenues de protéger les journalistes. Il propose de renforcer la formation de la police concernant les relations avec eux, en coopération avec les agences de presse et leurs associations professionnelles, afin de promouvoir l’échange de bonnes pratiques.

4.2.7.

S’agissant de la protection des journalistes contre le harcèlement et les menaces en ligne, le CESE attire l’attention sur son avis consacré à la lutte contre les contenus illicites en ligne (9) et souligne qu’en raison du rôle public très visible qu’ils jouent, ces professionnels sont particulièrement vulnérables.

4.2.8.

Le CESE souligne que toutes les mesures à adopter doivent prêter attention à l’égalité entre les hommes et les femmes et à la protection des journalistes appartenant à des minorités.

4.2.9.

Le CESE reconnaît que s’agissant de respecter le principe de transparence et du droit à la liberté d’information, des progrès ont été accomplis au niveau de l’Union européenne, mais non dans l’ensemble de ses États membres. Il les invite tous à se conformer scrupuleusement aux normes de l’Union en la matière, et souligne qu’à son niveau, elle doit réaliser des améliorations supplémentaires (10).

4.2.10.

Le CESE se félicite de la création du groupe d’experts contre les «poursuites-bâillons» (SLAPP, «poursuites stratégiques altérant le débat public») et salue l’intention de la Commission de présenter, d’ici la fin de 2021, une proposition visant à protéger les journalistes et la société civile contre de tels procédés. Il considère que leur interdiction légale doit avoir la priorité par rapport à l’adoption de mesures complémentaires en soutien aux personnes concernées.

4.2.11.

Le CESE souligne l’importance que revêtent les initiatives émanant de la société civile, telles que la coalition contre les poursuites-bâillons en Europe (CASE) (11), dont le but est de protéger les journalistes contre ces menées, et il invite l’Union européennes à soutenir davantage les actions de ce type.

4.2.12.

Le CESE note qu’en ce qui concerne les poursuites-bâillons, les dispositions des règlements Bruxelles I (12) et Rome II (13) ne doivent pas aboutir à ce que la protection juridique soit diminuée par le «tourisme diffamatoire», c’est-à-dire le choix de la juridiction la plus favorable dans les affaires de diffamation. Il souligne qu’il conviendra de garder cette question à l’esprit lors de la prochaine révision des deux règlements.

4.3.   Recommandations visant à renforcer l’indépendance des médias

4.3.1.

Le CESE invite la Commission à compléter l’approche suivie par le rapport sur l’état de droit en procédant à une évaluation de l’indépendance de la radiodiffusion publique.

4.3.2.

Le CESE souligne qu’engager des poursuites effectives contre la corruption offre une certaine protection contre l’ingérence du pouvoir politique dans les médias et il appelle dès lors la Commission à prendre, en plus de la mise en œuvre des normes anticorruption et indépendamment de toute visée politique, toutes les mesures nécessaires pour garantir qu’aucun euro en provenance du nouveau cadre financier pluriannuel et de l’instrument de relance Next Generation EU ne serve à restreindre le pluralisme des médias ou à pratiquer d’autres formes de concussion.

4.3.3.

Le CESE lance un appel pour que tous les États membres mettent en place des registres nationaux de transparence sur le modèle de celui de l’Union européenne en la matière, étant donné que ces dispositifs assurent notamment la transparence des contacts entre responsables politiques et patrons de médias. Il convient de les intégrer dans un registre de transparence à niveaux multiples couvrant l’ensemble de l’Union.

4.3.4.

Le CESE demande à la Commission d’étudier s’il est possible que le projet pilote relatif à la création d’une base de données, accessible au public, qui recueillera des informations sur les entités détentrices de propriété dans le monde des médias soit conçu de manière à comporter des informations sur les actions de promotion et de passation de marchés qui sont réalisées au profit de sociétés médiatiques par l’Union européenne, ses États membres, leurs pouvoirs régionaux et locaux, leurs organismes de droit public, leurs entreprises publiques et les entreprises privées dans lesquelles une ou plusieurs de ces entités détiennent la majorité des actions avec droit de vote.

4.3.5.

Le CESE invite la Commission à présenter une proposition établissant des normes minimales européennes concernant l’ensemble des marchés publics passés avec des entreprises de médias et les aides que leur accordent les acteurs mentionnés ci-dessus, au paragraphe 4.3.4.

4.3.6.

Le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission qui visent à combattre la désinformation sur les médias sociaux, qu’elle soit d’ordre général (14) ou en lien avec la COVID-19 (15), mais relève néanmoins que des États membres risquent d’utiliser cette lutte comme prétexte pour justifier des restrictions à la liberté des médias. Le phénomène de la désinformation et des discours de haine devront, d’urgence, faire l’objet d’un examen approfondi, notamment dans le cadre d’autres avis du CESE.

4.4.   Recommandations visant à renforcer le pluralisme des médias

4.4.1.

Le CESE regrette que le rapport de la Commission sur l’état de droit réduise la problématique du pluralisme du marché des médias à la question de la transparence concernant leur propriété et qu’il ne s’intéresse nullement à la forte concentration qui s’y opère. Il invite la Commission à adapter la méthodologie suivie dans le rapport afin qu’il reflète mieux, à l’avenir, la menace qui pèse sur le pluralisme des médias dans tous les États membres.

4.4.2.

Le CESE salue le plan d’action de la Commission intitulé «Les secteurs des médias et de l’audiovisuel de l’UE au cours de la décennie numérique» (16) et de l’objectif qu’il s’assigne de préserver les médias d’information en tant que bien public, et il se félicite plus particulièrement de l’octroi une aide européenne destinées à éviter que les retombées de la pandémie ne mettent en péril le pluralisme médiatique.

4.4.3.

Le CESE souligne qu’un journalisme de qualité requiert une base économique durable, et il plaide pour que l’Union européenne continue à apporter son soutien aux entreprises de médias à titre d’investissement pour un travail journalistique de bon niveau. Cet apport doit servir à mettre un terme au processus de concentration du secteur médiatique, qui menace le pluralisme sur ce marché. Sachant que la viabilité économique des entreprises médiatiques est garante de leur indépendance, cette démarche n’exclut aucunement qu’elles puissent, en tout légitimité, acheter d’autres médias ou nouer des alliances stratégiques, pour autant que le principe de transparence soit respecté et qu’aucun monopole ne soit ainsi créé.

4.4.4.

Le CESE note que la valeur des entreprises médiatiques réside dans leur pluralité et que la création de «champions nationaux» détruit cette caractéristique, par laquelle les industries des médias et de la création se démarquent des autres secteurs de l’économie.

4.4.5.

Face au rétrécissement de l’espace dévolu aux médias indépendants, il s’impose, d’urgence, de mettre en place des mécanismes d’aide publics et privés afin de soutenir le journalisme en tant qu’il constitue un bien public. Il convient de mener davantage de recherches afin d’instaurer des mécanismes efficaces de soutien public qui garantissent le respect des critères d’une concurrence menée en pleine autonomie, ainsi que de mettre en place des modèles nouveaux d’activité, originaux et durables, pour le journalisme d’intérêt public.

4.4.6.

Le CESE soutient fermement le projet de la Commission d’adopter une «législation européenne sur la liberté des médias» qui la doterait d’instruments juridiques efficaces pour faire respecter la liberté et le pluralisme des médias dans tous ses États membres. Le CESE invite la Commission à examiner comment il est possible d’appliquer et développer encore le droit européen de la concurrence pour faire pièce à toute concentration supplémentaire sur le marché des médias, en particulier lorsqu’elle s’effectue sous l’impulsion d’exécutifs d’États membres, le but étant d’empêcher que des monopoles médiatiques ne se créent sur les marchés médiatiques nationaux au sein de l’Union européenne, en particulier à l’initiative de certains gouvernements ou d’acteurs de leur entourage.

4.4.7.

Le CESE attire l’attention sur l’avis qu’il a consacré à l’initiative de la Commission concernant le système commun de taxe sur les services numériques applicable aux produits tirés de la fourniture de certains services numériques (17) et fait observer que cette taxe (TSN) serait susceptible de compenser les distorsions de concurrence entre les médias traditionnels et ceux de type numérique, en particulier ceux qui sont basés à l’étranger.

4.4.8.

Le CESE pense qu’il importe de disposer d’un service public de radiodiffusion impartial et indépendant si l’on veut garantir le pluralisme des médias, et il attire l’attention sur l’accord figurant dans le protocole no 29 du traité sur l’Union européenne.

4.4.9.

Constatant que le marché libre est incapable de fournir des services de médias d’échelle européenne dans le domaine de la radiodiffusion, le CESE demande par conséquent la création d’un service public européen de radiodiffusion indépendant et impartial.

4.4.10.

Dans tous les cas où le marché libre n’est pas capable de garantir le pluralisme des médias, le CESE considère qu’un service public de radiodiffusion caractérisé par son indépendance et son impartialité offre un modèle pour assurer cette mission, y compris dans les secteurs des médias en ligne ou de la presse écrite.

4.4.11.

Le CESE souligne qu’un élément fondamental de la liberté des médias est de pouvoir y accéder sans entraves et il constate avec inquiétude que les formes de discrimination, directe ou indirecte, qui sont fondées sur le handicap sont en augmentation dans le monde médiatique. Il préconise l’adoption d’une législation qui vise à supprimer les pratiques restrictives ayant pour effet d’entraver ou de réduire à néant la participation des individus à la liberté et au pluralisme des médias.

4.5.   Recommandations visant à renforcer l’éducation aux médias

4.5.1.

Le CESE accueille favorablement les nombreuses propositions de la Commission qui s’attachent à renforcer l’éducation des citoyens aux médias (18), en mettant tout particulièrement l’accent sur leurs compétences numériques. Cette approche est de la plus haute importance pour accroître leur capacité à réagir à la désinformation.

4.5.2.

Le CESE soutient la proposition de création d’une «Agence européenne pour l’éducation à la citoyenneté», qui renforcerait les compétences médiatiques des citoyens européens au moyen de programmes éducatifs. Il invite la Commission à examiner la possibilité de créer sans tarder un organisme central de ce type et à veiller à ce que ses missions consistent notamment à dispenser des formations concernant les relations avec les médias, en particulier numériques.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Rapport de Magdalena Adamowicz, députée au Parlement européen — Résolution du Parlement européen du 25 novembre 2020«Renforcement de la liberté des médias: la protection des journalistes en Europe, les discours de haine, la désinformation et le rôle des plateformes» (JO C 425 du 20.10.2021, p. 28).

(2)  https://www.coe.int/fr/web/media-freedom

(3)  Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO L 433 I du 22.12.2020, p. 1).

(4)  Reporters sans frontières, Classement mondial de la liberté de la presse 2021, https://rsf.org/fr/ranking (consulté le 24 mai 2021).

(5)  Institut international de la presse, Nombre de violations de la liberté des médias selon la région, https://ipi.media/covid19-media-freedom-monitoring/ (consulté le 8 avril 2021).

(6)  Elda Brogi et al. 2020: Monitoring Media Pluralism in the Digital Age. Application of the Media Pluralism Monitor in the European Union, Albania and Turkey in the years 2018-2019 (Veiller au pluralisme des médias à l’ère numérique. Application de l’instrument de surveillance du pluralisme des médias — Union européenne, Albanie, Turquie, 2018-2019), Fiesole, p. 50.

(7)  P9_TA(2021)0103.

(8)  CM/Rec(2016)4.

(9)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 19.

(10)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 51, et JO C 13 du 15.1.2016, p. 192.

(11)  https://www.the-case.eu

(12)  Règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 351 du 20.2.2012, p. 1).

(13)  Règlement (CE) no 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) (JO L 199 du 31.7.2007, p. 40).

(14)  COM(2020) 790 final.

(15)  JOIN(2020) 8 final.

(16)  COM(2020) 784 final.

(17)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 73.

(18)  JOIN(2020) 8 final, COM(2020) 624 final, COM(2020) 784 final et COM(2020) 790 final.


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/16


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Mesures d’urgence pour soutenir l’emploi et les revenus durant la crise pandémique»

(avis d’initiative)

(2021/C 517/03)

Rapporteure:

Cinzia DEL RIO

Décision de l’assemblée plénière

26.4.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

7.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE approuve la stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre la crise pandémique, à revitaliser et renforcer les structures économiques, sociales et sanitaires des États membres et à préserver le système productif, l’emploi et le soutien aux revenus des personnes.

1.2.

Le CESE est favorable à l’adoption de SURE en tant qu’il constitue un instrument financier novateur de solidarité européenne visant à maintenir l’emploi et à soutenir les revenus des travailleurs et les entreprises, ainsi qu’un outil d’intégration et de résilience socio-économique pour l’Union européenne.

1.3.

Le CESE souligne la valeur sociale de SURE qui, grâce à l’émission d’obligations destinées à financer des initiatives à des fins sociales, anticipe sur le mécanisme du programme Next Generation EU.

1.4.

Le CESE accueille favorablement l’action réalisée par SURE, qui, par le financement des dispositifs de chômage partiel, les formules d’aide au revenu et le soutien aux entreprises, a protégé un quart de toute la population active, en préservant des emplois et la capacité de production des entreprises, tout en exerçant un effet positif sur l’économie et le marché du travail. On constate toutefois que ces données ne mettent pas suffisamment en évidence les mesures spécifiques financées par chaque pays, les montants afférents et les catégories de travailleurs couvertes par ces aides.

1.5.

Le CESE propose de créer un observatoire sur le fonctionnement de SURE qui, couvrant toute la période où le dispositif sera opérationnel et donnant lieu à une participation active des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile, aurait pour but de suivre et d’évaluer l’impact des mesures financées dans les différents pays, notamment afin de déceler des modèles, valables pour l’avenir, de dispositifs de réduction du temps de travail et d’aide au revenu dans des situations de crise analogues.

1.6.

En temps de crise économique, la rapidité avec laquelle les décisions sont prises et les choix sont opérés représente un facteur déterminant. C’est la raison pour laquelle le CESE se félicite de la promptitude avec laquelle la Commission a mis en place SURE et a conclu les négociations avec les États membres, sur un laps de temps très court, démontrant ainsi sa capacité à répondre à la gravité de la crise.

1.7.

Le CESE recommande de combiner l’utilisation de SURE avec des politiques publiques actives du marché du travail et des dispositifs de formation et de reconversion professionnelles visant à créer des emplois stables et de qualité, en luttant contre les formes de pauvreté au travail et de morcellement ou d’instabilité de l’activité professionnelle qui n’offrent aucune garantie quant à une couverture sociale adéquate et ont également des répercussions sur les systèmes publics de protection sociale.

1.8.

Le CESE estime que SURE constitue l’un des instruments appropriés pour inciter les employeurs à garder leurs travailleurs malgré la baisse de l’activité productive. Par voie d’accords collectifs, il est possible d’encourager à prendre des mesures visant à ce qu’une partie du temps de travail soit affectée à la formation. Un tel dispositif donne aux entreprises la possibilité d’adapter les compétences de leurs travailleurs, en consacrant une partie de leurs heures de travail à les former, la rémunération du personnel durant ces temps de formation étant prise en charge par SURE.

1.9.

Le CESE souligne qu’il est nécessaire de définir plus avant la dimension sociale de l’Union et de la compléter sur un mode plus abouti et cohérent, tout en garantissant la compétitivité de l’Europe sur la scène mondiale, notamment dans la perspective des nouveaux défis de la transition verte et numérique, en tenant compte des mesures recensées dans le plan d’action relatif au socle européen des droits sociaux, dont les interventions et les investissements en faveur de l’emploi, de la formation et des politiques actives du marché du travail.

1.10.

Le CESE adhère à la communication de la Commission européenne concernant la désactivation de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance et demande qu’un «tournant» soit pris en faveur d’un cadre revu et rééquilibré de gouvernance économique, qui soit axé sur la promotion des investissements productifs. Il sera primordial d’aider les États membres à asseoir leurs finances publiques sur une base viable et de renforcer ainsi la confiance dans les investissements.

1.11.

Le CESE estime que le soutien et la mobilisation des partenaires sociaux apportent une valeur ajoutée aux politiques européennes et nationales, et qu’il est dès lors essentiel de les associer aussi aux actions cofinancées par SURE, y compris en mettant l’accent sur la négociation collective dans les secteurs spécifiques les plus touchés par la crise. Toutefois, cette participation des partenaires sociaux doit absolument avoir de la consistance et se caractériser par sa légitimité, et non revêtir un caractère purement formel.

1.12.

Le CESE reconnaît pleinement les résultats positifs produits par SURE, tels que le rapport de la Commission de mars 2021 les a mis en évidence, et il approuve la proposition préconisant que, notamment après le suivi et l’évaluation de son fonctionnement effectués par l’observatoire que le CESE propose de créer, il soit pérennisé pour soutenir les travailleurs et les entreprises, car il constitue un outil en faveur de l’intégration et de la résilience socio-économique de l’Union européenne dans les périodes de crise comme celle que nous connaissons actuellement.

1.13.

Le CESE accueille favorablement la recommandation (UE) 2021/402 de la Commission (1) concernant un soutien actif et efficace à l’emploi (EASE), qui adopte l’approche stratégique consistant à passer progressivement des mesures d’urgence déployées pendant la pandémie aux nouvelles dispositions nécessaires pour assurer une reprise génératrice d’emplois, notamment des politiques actives du marché du travail telles que les incitations temporaires à l’embauche pour les groupes vulnérables, les dispositifs pour le perfectionnement et la reconversion sur le plan professionnel, ainsi que le soutien à l’entrepreneuriat, y compris pour l’économie sociale.

2.   Introduction

2.1.

L’économie européenne a été gravement mise à mal par la pandémie de COVID-19, qui se poursuit encore. Le CESE se félicite des mesures économiques et sociales que l’Union européenne a mises en place sous la forme de dispositifs exceptionnels destinés à faire face aux effets de la crise pandémique, en tant qu’elles offrent une excellente occasion de remodeler l’Europe en vue de la rendre plus juste et plus solidaire, de mettre en place une économie sociale de marché compétitive et de relever les nouveaux défis en rapport avec la transition écologique et numérique. Outre le plan Next Generation EU, ces outils sont notamment les suivants:

les mesures adoptées au niveau national grâce à l’assouplissement des règles budgétaires de l’Union européenne,

les dispositions nationales d’aide à la liquidité, autorisées au titre des règles assouplies, de nature temporaire, qui sont applicables en matière d’aides d’État,

le renforcement des lignes de crédit garanties par la Banque européenne d’investissement (BEI) qui sont accordées aux entreprises, grâce à la création d’un nouveau fonds de garantie,

le mécanisme européen de stabilité (MES), qui avait été mis en place moyennant un amendement au traité de Lisbonne, et permet l’octroi de prêts sans conditions dans le domaine de la santé,

l’instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE).

2.2.

L’objectif du présent avis est d’analyser l’impact des mesures d’urgence visant à contenir le chômage, soutenir les revenus et aider les entreprises, en mettant particulièrement l’accent sur l’instrument SURE.

2.3.

En avril 2020, plus de 50 millions de travailleurs, dans différents pays européens, relevaient de programmes de chômage partiel (2) ou de mesures similaires mises en place au cas par cas pour faire face à la perte temporaire partielle ou totale d’heures de travail. La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) a recensé quelque 500 mesures de ce type, dont la plupart visent à aider les entreprises (35 %), à soutenir les revenus, en complément des mesures de chômage partiel (20 %), et à protéger l’emploi (13 %) (3). Les entreprises les plus touchées par la crise sont celles du secteur manufacturier, du commerce, des services, du tourisme et de la culture (4).

2.4.

Les différentes formes de chômage partiel qui existent dans la plupart des pays européens afin de dispenser une aide financière pour compenser les heures de travail non effectuées constituent l’outil le plus utilisé pour protéger l’emploi en période de crise économique, en raison de leurs effets positifs pour les travailleurs comme pour les entreprises. Dans un document de 2020 présentant le programme SURE, la Commission européenne souligne qu’«en permettant d’éviter les licenciements inutiles, les dispositifs de chômage partiel peuvent limiter la gravité et la durée d’un choc temporaire sur l’économie et le marché du travail des États membres. Ils contribuent à maintenir les revenus des ménages et à préserver la capacité de production et le capital humain des entreprises ainsi que l’économie dans son ensemble» (5).

2.5.

Dans les pays où de tels programmes existaient déjà, les gouvernements ont pris des mesures ad hoc pour en faciliter l’accès, définir les critères habilitant à y accéder, en étendre la couverture et accroître le soutien économique apporté, mais, dans cette action, on relève de fortes disparités d’un État à l’autre (6).

2.6.

Grâce à ces mesures, les entreprises ont pu supporter, à des coûts limités ou nuls, le chômage partiel lié à la baisse de l’activité économique, réduisant ainsi considérablement le nombre d’emplois menacés en raison du manque de liquidités. Dans plusieurs pays de l’Union européenne, certaines catégories de travailleurs exerçant des formes d’emploi atypiques sont restées exclues des différentes formes d’aide, en particulier ceux travaillant sous contrat occasionnel, et même, dans certains cas, les intérimaires et ceux employés sous contrat à durée déterminée, tandis que dans d’autres, l’aide publique a été étendue à certaines formules d’emploi indépendant (7). Il existe également des différences entre les pays pour ce qui est des modalités et critères d’accès à ces subventions, en ce qui concerne, par exemple, leur couverture, leurs bénéficiaires ou leur durée (8).

2.7.

Les dispositifs de chômage partiel ont contribué à prévenir la rupture des relations de travail, qui est très coûteuse pour les entreprises et les travailleurs. Ces mesures de maintien de l’emploi ont, au deuxième trimestre 2020, considérablement réduit les pertes d’emplois, à 4 % contre une estimation initiale de 12 % dans les pays de l’OCDE. Pour l’Union européenne, les données montrent qu’au deuxième trimestre 2020, le pourcentage des travailleurs qui étaient employés officiellement mais n’effectuaient aucune heure de travail, a doublé par rapport à la même période de 2019, pour atteindre 17 % (9).

2.8.

Il convient d’examiner l’incidence de la crise de l’emploi sur les femmes et les jeunes, lesquels, bien souvent, sont employés sous des contrats atypiques et sont plus exposés à l’instabilité de l’emploi, sans aucune garantie de bénéficier d’une couverture adéquate de sécurité sociale. En outre, ces deux catégories représentent une part très élevée de la main-d’œuvre dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, qui ont été particulièrement touchés, ainsi que dans ceux de la culture, des loisirs et du non-marchand investi dans les services sociaux. La reprise économique devra comprendre aussi des réformes et mesures spécifiques, arrêtées avec les partenaires sociaux, qui viseront à lutter contre les inégalités fondées sur le sexe ou sur l’âge qui existaient déjà avant la crise actuelle et à mettre en place des mesures à court, moyen et long terme (10).

2.9.

En plus des dispositifs de soutien à la réduction du temps de travail, plusieurs pays ont adopté des mesures de protection contre les licenciements dans les entreprises bénéficiant d’un soutien public au titre du dispositif de chômage partiel, que ce soit pour éviter les abus pendant la période de crise ou pour fixer des conditions concernant l’utilisation des aides publiques nationales et européennes, dont la vocation est d’éviter les licenciements et de soutenir temporairement les entreprises jusqu’à la reprise. Dans certains pays, les conventions collectives prévoient elles-mêmes l’interdiction des licenciements en cas d’aide publique (11).

2.10.

Les négociations collectives ont joué un rôle important, en mettant en place des accords et protocoles spécifiques tant pour affronter et gérer l’urgence sanitaire sur le lieu de travail que pour introduire des dispositions contractuelles ad hoc pendant la pandémie, par des modifications apportées dans l’organisation de l’activité et les conditions de travail, par exemple, en Allemagne, en France, en Italie, en Suède, en Espagne, en Autriche ou au Danemark. Par ailleurs, certains pays ont adopté d’autres formes d’aide aux entreprises, dont on peut citer pour exemples les moratoires sur les crédits, ainsi que le report ou la suspension du paiement des impôts, des loyers ou des cotisations sociales, et qui ont consisté à retarder des échéances de paiement et été conçues pour soutenir les entreprises, en particulier les PME, ou les travailleurs indépendants, dans le but de maintenir des emplois et de leur assurer des liquidités à court terme.

3.   L’instrument SURE: caractéristiques, règlement et premiers résultats

3.1.

L’instrument européen SURE est un fonds de nature temporaire qui dispense une assistance financière, à concurrence d’une enveloppe totale de 100 milliards d’euros, sous la forme de prêts accordés aux États membres à des conditions préférentielles, pour lutter contre le chômage et contribuer à la prise en charge du chômage partiel et soutenir les revenus de tous les travailleurs. Il restera opérationnel jusqu’au 31 décembre 2022.

3.2.

Les obligations émises au titre de l’instrument SURE par la Commission européenne, qui posait ainsi une première, sont des «obligations sociales», donnant aux investisseurs la garantie que les fonds mobilisés sont effectivement affectés à des fins sociales. La demande a été dix fois supérieure à l’offre et a assuré des rendements compétitifs sur le marché.

3.3.

Depuis l’introduction de l’instrument, le Conseil a alloué plus de 90 % de l’enveloppe totale à 19 États membres (12), sur la base de propositions de la Commission. Parmi ces pays, quinze ont utilisé les montants reçus pour contribuer au financement des dispositifs de chômage partiel ou de mesures similaires, et quatorze ont également financé des mesures visant à soutenir les travailleurs indépendants.

3.4.

Certains pays n’ont pas demandé à bénéficier de fonds au titre de SURE. Leurs gouvernements ont invoqué diverses raisons à cet égard: dans certains États, les fonds nationaux disponibles étaient suffisants pour couvrir les dépenses publiques supplémentaires liées à l’augmentation du chômage; d’autres avaient la possibilité de se procurer sur le marchés des ressources supplémentaires à des taux tout aussi avantageux; d’autres encore se sont abstenus de recourir à SURE à cause des coûts liés aux procédures administratives régissant son accès; enfin, d’aucuns ont tiré parti des mesures temporaires d’assouplissement arrêtées par la Commission européenne en matière budgétaire ou pour les aides d’État (13).

3.5.

Sur la base des rapports présentés par les États membres, la Commission estime, dans son rapport de mars 2021 (14), que l’instrument SURE a soutenu en 2020 de 25 à 30 millions de travailleurs, soit un quart de la population active totale des États membres bénéficiaires. Ce soutien a concerné quelque 21,5 millions de salariés et 5 millions d’indépendants. Par ailleurs, les entreprises qui ont bénéficié de cet instrument sont au nombre de 1,5 à 2,5 millions, soit entre 12 et 16 % de celles présentes dans les États membres (15).

3.6.

Le rapport souligne que les régimes d’aide publique qui sont financés par l’instrument SURE ont pour effet de réduire le coût de la main-d’œuvre pour les entreprises et d’offrir aux ménages une autre forme d’aide au revenu, qui produit de meilleurs résultats que les prestations de chômage traditionnelles. En outre, la Commission souligne que les programmes d’aide à l’emploi sont plus efficaces dans les pays qui disposaient déjà de régimes nationaux de soutien visant à atténuer les effets du chômage.

3.7.

Fin 2020, les dépenses publiques totales prévues pour la mise en œuvre des mesures pouvant prétendre à bénéficier du dispositif avaient déjà été engagées dans une proportion de 80 %. La quasi-totalité des États membres ont d’ores et déjà dépensé la totalité du montant reçu au titre de SURE ou prévoient de le faire.

3.8.

Grâce à la notation de crédit élevée dont jouit la Commission, les États membres qui ont eu recours à SURE ont économisé quelque 5,8 milliards d’euros en paiements d’intérêts par rapport aux montants qu’ils auraient dû verser s’ils avaient émis eux-mêmes de la dette souveraine. Il est probable que les décaissements à venir généreront eux aussi de nouvelles économies.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE approuve la stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre la crise pandémique, à revitaliser et renforcer les systèmes économiques, sociaux et sanitaires des États membres et à préserver l’emploi, et il estime qu’elle est propre à définir et compléter plus avant la dimension sociale de l’Union, tout en assurant la compétitivité de l’Europe sur la scène mondiale. Le plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux définit les mesures à prendre pour encourager les investissements nécessaires à une croissance durable et inclusive.

4.2.

Le CESE a souligné à plusieurs reprises qu’il est nécessaire de parvenir à une plus grande convergence économique et sociale au sein de l’Union européenne, afin de renforcer la compétitivité de l’économie sociale de marché européenne, de garantir que tous les citoyens puissent jouir pleinement de leurs droits et de soutenir la construction d’un marché du travail capable de tenir compte des changements en cours au moyen d’actions et de stratégies qui s’inscrivent dans un rapport de cohérence avec le socle européen des droits sociaux et la transition verte et numérique. Il est essentiel que les États membres fassent bon usage du soutien qu’ils reçoivent au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (16).

4.3.

Il est important de soutenir la croissance et la productivité des entreprises viables, y compris les PME et les micro entreprises. SURE est l’un des instruments appropriés pour inciter les employeurs à garder leurs travailleurs malgré la baisse de l’activité productive. Il convient également d’encourager des conventions collectives qui portent sur de nouvelles formes d’aménagement du temps de travail, ayant pour visée de donner accès à des parcours de formation, ainsi que des mesures destinées à aider les entreprises à maintenir l’emploi et les compétences et à garantir la continuité de revenu.

4.4.

SURE constitue un instrument essentiel pour protéger les travailleurs et atténuer les graves répercussions socio-économiques de la pandémie sur le monde de l’emploi, d’une part en soutenant financièrement les dispositifs nationaux de chômage partiel et les mesures similaires, notamment dans la perspective d’assurer la continuité des relations d’emploi, par la protection des postes de travail et la lutte contre le chômage et la perte de revenus des travailleurs, et, d’autre part, en aidant les entreprises à faire face aux coûts des prestations de chômage et des cotisations sociales, qui sont en grande partie couverts par des ressources publiques via les mesures d’urgence.

4.5.

Le CESE apprécie la rapidité avec laquelle la Commission a élaboré sa proposition destinée à mettre en place SURE et se félicite que les négociations afférentes avec les États membres aient été engagées sur-le-champ et menées à bien en l’espace de quelques semaines. L’instrument SURE met en évidence l’importance que revêtent les programmes de chômage partiel et d’aide au revenu à court terme, et il est donc recommandé aux États membres de les utiliser. Un des objectifs du semestre européen, pour le moyen et le long terme, consiste à encourager des investissements qui visent à atteindre un plein emploi de nature durable et à lutter contre les nouvelles formes de pauvreté, notamment grâce à des réformes structurelles placées sous le signe de la durabilité sociale.

4.6.

Le CESE attache beaucoup d’importance au soutien financier qui a été apporté sous la forme de prêts préférentiels accordés par l’Union européenne aux États membres et se félicite que les obligations émises par la Commission soient des «obligations sociales», répondant à des fins spécifiques.

4.7.

Le financement des dispositifs de chômage partiel et les formes d’aide au revenu exercent un effet positif sur l’économie dans son ensemble, en ce qu’ils maintiennent le lien des travailleurs avec leur employeur, contribuent à préserver leurs compétences et les capacités de production des entreprises et évitent que les effets de la pandémie n’aient d’autres conséquences négatives et persistantes sur l’économie et le marché du travail.

4.8.

Le CESE estime que la mise en place de l’instrument SURE pose un nouveau jalon pour créer, au sein de l’Union européenne, un système solidaire respectueux des principes de subsidiarité et de proportionnalité, étant donné qu’il représente une forme d’«actif sûr européen», qu’il est possible de renforcer grâce aux obligations européennes qui seront utilisées pour financer le programme Next Generation EU (17). Le CESE souligne qu’un des grands avantages de SURE est de démontrer qu’en cas de nécessité, l’Union européenne est à même de créer une capacité de prêt et d’émettre un «actif sûr commun» en recourant à la méthode communautaire, plutôt qu’à des accords intergouvernementaux comme dans le cas du mécanisme européen de stabilité (MES) et du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

4.9.

Le CESE préconise de revoir les procédures d’assistance et d’accès aux financements au titre de SURE, dans le sens d’une simplification des procédures administratives et des mécanismes de notification.

4.10.

Le CESE recommande de combiner l’utilisation de SURE avec des politiques publiques actives et des dispositifs de formation et de reconversion professionnelle qui répondent aux intérêts des travailleurs comme des entreprises (18). Ce contexte ramène à l’avant-plan le débat sur les moyens de conférer davantage d’efficacité aux services de l’emploi, y compris en temps de crise. Pendant les périodes de réduction non volontaire du temps de travail, il convient d’encourager les parcours de formation qui sont axés sur la reconversion ou visent à accompagner la transition vers de nouvelles possibilités d’emploi qualifié et stable. Malheureusement, les exemples de politiques actives dont on dispose à cet égard sont assez modestes (19).

4.11.

Le CESE estime que les interventions effectuées dans chaque pays au titre de l’instrument SURE devraient veiller à couvrir l’ensemble des salariés et toutes les formules de travail indépendant et atypique, touchant en particulier les jeunes.

4.12.

À partir des quelques données disponibles, il apparaît que ni les institutions européennes, ni les pouvoirs publics nationaux n’ont mobilisé activement les partenaires sociaux pour améliorer l’utilisation qui a été faite de SURE; le CESE recommande de prévoir un mécanisme adapté de consultation permanent en la matière.

4.13.

Le CESE a pris note des estimations concernant les personnes et les entreprises bénéficiaires du soutien au titre de l’instrument SURE (20), mais il constate que ces données ne mettent suffisamment en évidence ni les différentes mesures financées par chaque pays et les montants y consacrés, ni les effets qu’elles ont produits quant à la capacité à atténuer les risques de chômage et préserver les revenus.

5.   Observations particulières — Quels effets?

5.1.

La crise pandémique a mis les systèmes économiques, sociaux et de santé de l’Union européenne à rude épreuve et affecté la vie des citoyens et l’activité des entreprises, en augmentant les inégalités au sein des États membres, comme aussi, dans certains cas, de l’un à l’autre d’entre eux. Le CESE souligne dès lors qu’il s’impose de définir et compléter de manière plus aboutie et cohérente la dimension sociale de l’Union européenne, en tenant compte des mesures recensées dans le plan d’action relatif au socle européen des droits sociaux, tout en assurant la compétitivité de l’Europe sur la scène mondiale.

5.2.

Le CESE a déjà mis en évidence (21) qu’il est nécessaire de réactiver le processus de révision concernant le cadre de gouvernance économique de l’Union européenne, qui a été suspendu jusqu’en 2022 par la communication de la Commission du 20 mars 2020 (22). Il adhère à la position prise par ce texte, quand il exprime l’intention que la décision concernant une future désactivation de la clause dérogatoire générale au pacte de stabilité et de croissance soit prise sur la base d’une évaluation globale des performances de l’économie, fondée sur des critères quantitatifs. En conséquence, il demande qu’un «tournant» soit pris en direction d’un cadre de gouvernance revu et rééquilibré, qui soit axé sur la prospérité et qui, de préférence, soit doté de règles simplifiées et présente un caractère moins procyclique, en phase avec le contexte de l’après-pandémie. Il sera essentiel d’aider les États membres à asseoir leurs finances publiques sur une base viable et à renforcer ainsi la confiance dans les investissements.

5.3.

Parmi les mesures figurant dans le train de mesures économiques et sociales destinées à contrer les effets de la pandémie, le CESE marque son accord avec l’instauration de SURE, en tant qu’il constitue un outil financier novateur de solidarité européenne qui, anticipant le mécanisme du programme Next Generation EU, est le premier à avoir émis des obligations à des fins sociales.

5.4.

SURE s’est avéré être un filet de sécurité et un dispositif de sauvegarde des emplois existants, ainsi qu’un moyen de préserver les entreprises, dans le respect de leurs différentes formes et des prérogatives nationales en matière de garanties sociales. Il convient toutefois que les mesures de protection sociale qui ont été adoptées dans le cadre de l’instrument SURE s’accompagnent de politiques actives du marché du travail qui visent à créer des emplois stables et de qualité, ainsi que de dispositifs qui induisent une adaptation des compétences, en luttant contre les formes de pauvreté au travail et de morcellement ou d’instabilité de l’activité professionnelle, qui n’offrent aucune garantie quant à une couverture sociale adéquate et ont également des répercussions sur les systèmes publics de protection sociale.

5.5.

Le CESE accueille favorablement la recommandation de la Commission européenne concernant un soutien actif et efficace à l’emploi (EASE), qui a été adoptée dans le cadre de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et vise à soutenir efficacement et activement l’emploi dans le sillage de la crise de la COVID-19. Il met en exergue l’approche stratégique qu’elle adopte, grâce à laquelle les mesures d’urgence prises pendant la pandémie cèdent progressivement la place à de nouvelles dispositions, nécessaires pour favoriser une reprise génératrice d’emplois, en particulier dans les secteurs de l’écologie et du numérique. Des politiques efficaces favorisant la création de postes de travail de qualité et le passage d’un emploi à un autre devraient pouvoir s’appuyer sur des services de l’emploi performants, fournissant un soutien sur mesure aux demandeurs d’emploi, en particulier aux jeunes, aux femmes et aux entrepreneurs sociaux.

5.6.

Pour le CESE, le soutien et la mobilisation des partenaires sociaux représentent une valeur ajoutée, et il est dès lors primordial que, s’agissant de débattre des actions cofinancées par SURE, de s’y impliquer et de les négocier, au niveau tant européen que national, ils soient parties prenantes à la démarche et que l’accent soit également mis sur la négociation collective dans les secteurs spécifiques les plus frappés par la crise. Toutefois, cette participation des partenaires sociaux doit absolument avoir de la consistance et se caractériser par sa légitimité, et non revêtir un caractère purement formel.

5.7.

Le CESE juge opportun de souligner combien il importe que les ressources allouées au titre de SURE soient également utilisées pour financer des mesures qui, en réduisant les coûts supportés par les entreprises pour adapter leur production aux protocoles de sécurité, s’attachent à enrayer la propagation du virus sur les lieux de travail par des interventions et des actions de prévention et de protection en matière sécuritaire et sanitaire.

5.8.

Le CESE propose de créer un observatoire sur le fonctionnement de SURE qui, couvrant toute la période où le mécanisme sera opérationnel et étant ouvert à une participation active des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile, aurait pour but de suivre et d’évaluer l’impact des mesures financées dans les différents pays, en procédant à une analyse et une évaluation des bonnes pratiques et des systèmes de protection mis en place dans chaque État membre, afin de déceler des modèles, valables pour l’avenir, de dispositifs de réduction du temps de travail et d’aide au revenu dans des situations de crise.

5.9.

Le CESE reconnaît pleinement les résultats positifs qu’a produit le dispositif SURE, tels que la Commission les a mis en avant dans son rapport de mars 2021. Le programme répond à des impératifs concernant un soutien accordé aux États membres, à titre temporaire, afin d’aider les travailleurs et les entreprises à surmonter la crise, de préserver des emplois et d’ouvrir la voie à la reprise économique et sociale. Le CESE approuve la proposition voulant que SURE, notamment après le suivi et l’évaluation de son fonctionnement qu’en aura faits l’observatoire susmentionné, soit pérennisé pour soutenir les travailleurs et les entreprises, car il constitue un outil en faveur de l’intégration et de la résilience socio-économique de l’Union européenne dans les périodes de crise comme celle que nous connaissons actuellement: telle est la préconisation qui est ressortie du débat dans lequel les pouvoirs publics, les partenaires socio-économiques, les organisations de la société civile, des universitaires et des experts des différents pays européens ont pu s’exprimer et qui s’est également déroulé au sein même de la Commission (23).

5.10.

Dans l’éventualité d’une crise économique, le CESE appelle les institutions européennes à jouer, en matière sociale, un rôle qui soit plus efficace et apporte davantage de soutien, notamment en instaurant et finançant des mesures en faveur des travailleurs et des entreprises. Elles devraient encourager un débat public en faveur de la création d’un régime européen permanent d’assurance chômage fondé sur une base juridique différente, qui tienne compte des avis que le CESE a consacrés à cette question (24).

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Recommandation (UE) 2021/402 de la Commission du 4 mars 2021 concernant un soutien actif et efficace à l’emploi (EASE) à la suite de la crise de la COVID-19 (JO L 80 du 8.3.2021, p. 1).

(2)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, COVID-19: conséquences sur l’emploi et la vie professionnelle, mars 2021.

(3)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Covid-19: Policy responses across Europe («COVID-19: les politiques pour y faire face en Europe»), juin 2020.

(4)  Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2021, chapitre 2.

(5)  COM(2021) 148 final. SURE: inventaire après six mois, 22 mars 2021; voir aussi la note d’information du Parlement européen SURE Implementation («Mise en œuvre de SURE»), d’avril 2021.

(6)  Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2021, chapitre 2, graphique 2.1, Job retention schemes in OECD countries («Régimes de maintien de l’emploi dans les pays de l’OCDE») — ibidem, Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail.

(7)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Covid-19: Policy responses across Europe («COVID-19: les politiques pour y faire face en Europe»), juin 2020.

(8)  Sources: OCDE, Institut syndical européen (ETUI), Commission européenne, fiche d’information du Parlement européen.

(9)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Covid-19: Policy responses across Europe («COVID-19: les politiques pour y faire face en Europe»), juin 2020, données Eurostat compilées par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail.

(10)  Analyse de la Commission européenne et Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail; voir également le Programme commun: ONU Femmes — OIT et l’Évaluation de l’impact de la COVID-19 sur l’emploi en fonction du genre et soutien d’une aide au redressement tenant compte du genre, mars 2021.

(11)  Institut syndical européen (ETUI) — Note d’orientation no 7, 2020.

(12)  Voir COM(2021) 148 final. SURE: inventaire après six mois, 22 mars 2021; voir aussi la note d’information du Parlement européen SURE Implementation («Mise en œuvre de SURE»), d’avril 2021, et, pour la mise à jour concernant les dotations aux États membres, les pages internet de la Commission européenne sur l’instrument SURE.

(13)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, ibidem, chapitre 3, 2021.

(14)  COM(2021) 105 final, communication de la Commission au Conseil «Un an après le début de la pandémie de COVID-19: la réponse apportée en matière de politique budgétaire».

(15)  COM(2021) 148 final. SURE: inventaire après six mois, 22 mars 2021; voir aussi la note d’information du Parlement européen SURE Implementation («Mise en œuvre de SURE»), d’avril 2021.

(16)  Résolution du CESE: Contribution du Comité économique et social européen au programme de travail de la Commission européenne pour 2022, juin 2021 (JO C 341 du 24.8.2021, p. 1).

(17)  Christina Kattami, Protecting employment in 2021 and beyond: what can the new SURE instrument do? («Protéger l’emploi en 2021 et au-delà: quelles sont les possibilités du nouvel instrument SURE?»), note d’orientation de la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère (ELIAMEP), 2021; L. Andor, Protecting Jobs and Incomes in Europe: Towards an EU Capacity for Employment Stabilisation in the Pandemic Period («Protéger les emplois et les revenus en Europe: vers une capacité européenne de stabilisation de l’emploi en période pandémique»), 2021, in J. Caetano, I. Vieira, A. Caleiro, New Challenges for the Eurozone Governance («Nouveaux défis pour la gouvernance de la zone euro»).

(18)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, COVID-19: conséquences sur l’emploi et la vie professionnelle, mars 2021.

(19)  Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2021, chapitre 2.5 Combining job retention policies with job reallocation («Combiner les mesures de maintien de l’emploi et la réaffectation des postes de travail»), et Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, ibidem, avec des exemples de mesures adoptées dans divers pays.

(20)  COM(2021) 148 final.

(21)  Résolution du CESE sur la «Contribution du Comité économique et social européen au programme de travail de la Commission européenne pour 2022», juin 2021 (JO C 341 du 24.8.2021, p. 1).

(22)  COM(2021) 123 final.

(23)  Voir Christina Kattami, Protecting employment in 2021 and beyond: what can the new SURE instrument do? («Protéger l’emploi en 2021 et au-delà: quelles sont les possibilités du nouvel instrument SURE?»), note d’orientation de la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère (ELIAMEP), 2021; L. Andor, Protecting Jobs and Incomes in Europe: Towards an EU Capacity for Employment Stabilisation in the Pandemic Period («Protéger les emplois et les revenus en Europe: vers une capacité européenne de stabilisation de l’emploi en période pandémique»), 2021, in J. Caetano, I. Vieira, A. Caleiro, New Challenges for the Eurozone Governance («Nouveaux défis pour la gouvernance de la zone euro»), ainsi que le rapport de la Commission européenne et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, ainsi que l’OCDE [Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, COVID-19: conséquences sur l’emploi et la vie professionnelle, mars 2021; COM(2021) 148 final. SURE: inventaire après six mois, 22 mars 2021; voir aussi la note d’information du Parlement européen SURE Implementation («Mise en œuvre de SURE»), d’avril 2021].

(24)  Avis du CESE sur «Des normes minimales communes de l’Union européenne en matière d’assurance chômage dans les États membres» (JO C 97 du 24.3.2020, p. 32); Beblavy Miroslav, Lenaerts Karolien, Feasibility and added value of a European Unemployment Benefits Scheme («Faisabilité et valeur ajoutée d’un régime européen de prestations de chômage»), CEPS, 2017.


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/23


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise»

(avis exploratoire à la demande de la présidence slovène)

(2021/C 517/04)

Rapporteur:

Andrej ZORKO

Saisine du Comité par la présidence slovène du Conseil

Lettre du 19.3.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

7.9.2021

Adoption en session plénière

23.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

146/24/54

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Un emploi de qualité constitue une des composantes essentielles de la qualité de vie. Il y a lieu de respecter le principe de la qualité de l’emploi pour une vie de qualité, s’agissant d’un préalable obligé pour un développement social durable. En conséquence, le Comité est fermement persuadé que cette question doit recevoir toute l’attention voulue dans le cadre des politiques de l’Union européenne, car elle est appelée à prévenir les risques d’inégalité, de pauvreté, d’exclusion sociale et de concurrence déloyale.

1.2.

La conviction du CESE est que pour résoudre les problèmes qui se posent pour assurer un travail de qualité, il est nécessaire de se placer dans l’optique des principes du socle européen des droits sociaux et des objectifs de développement durable du programme des Nations unies à l’horizon 2030. Il convient également de tenir compte des normes internationales de l’OIT pour un travail décent (1), ainsi que de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2). En conséquence, le Comité encourage les États membres et les partenaires sociaux à rechercher et définir, dans le cadre du dialogue social et des conventions collectives, des solutions pour faire face aux changements accélérés que la pandémie a provoqués sur le marché du travail, et ce aux niveaux appropriés, et en tenant compte des circonstances prévalant à l’échelle nationale.

1.3.

Le CESE estime que l’Union européenne et les États membres devraient adopter une approche plus ambitieuse pour soutenir, coordonner et concrétiser les efforts visant à déployer des politiques actives du marché du travail tout en protégeant les droits fondamentaux des travailleurs et en garantissant aux entreprises qui opèrent dans l’économie mondiale un environnement économique durable et compétitif. Il conviendrait que le socle européen des droits sociaux serve de balise pour mettre en œuvre les principes de l’Europe sociale, de la justice en la matière et d’une reprise durable.

1.4.

En s’appuyant sur les leçons qui auront été tirées de la pandémie dans le domaine du travail, la Commission européenne et les États membres pourraient, en associant activement les partenaires sociaux et les autres parties prenantes à leur démarche, surveiller le fonctionnement des dispositions en vigueur ou, le cas échéant, procéder à leur réexamen ou à leur modification, et élaborer des politiques appropriées afin d’assurer des emplois décents et un travail durable et de qualité, y compris du point de vue de la protection des travailleurs et d’une organisation appropriée du travail, afin d’augmenter la productivité et la capacité d’innovation tout en encourageant la numérisation dans ses aspects positifs, parmi lesquels figure la nécessité que les travailleurs se forment au numérique afin de promouvoir leur employabilité (3). Il convient de mettre particulièrement l’accent sur la législation et les politiques relatives à l’intelligence artificielle et de veiller à ce que toute les parties prenantes aient la possibilité d’être associées à la mise en place de nouveaux dispositifs, grâce à des consultations et des négociations menées avec les travailleurs et les employeurs.

1.5.

Le Comité engage la Commission européenne à mettre en place, notamment par le truchement du semestre européen renforcé et d’autres dispositifs existants, de nouveaux mécanismes, ou encore (4) à poursuivre ses efforts visant à cerner les besoins du marché du travail à moyen et long terme. Par cette démarche, les États membres auraient la possibilité, en collaborant activement avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile, de planifier et mettre en œuvre des politiques de l’emploi à plus longue échéance et notamment d’organiser la formation et l’apprentissage tout au long de la vie des travailleurs et de fournir des solutions pour combler le déficit de compétences. Il importe aussi de renforcer les services publics de l’emploi et leur coopération avec le secteur privé, afin de contribuer plus efficacement à intégrer dans le marché du travail les groupes de population qui sont les plus vulnérables.

1.6.

Le CESE réaffirme que les politiques actives du marché du travail (PAMT) doivent être efficaces et ciblées afin d’obtenir de bons résultats en matière d’emploi (5), et souligne que les États membres et les partenaires sociaux doivent s’employer à élaborer des politiques actives du marché du travail favorisant des emplois de qualité. Le CESE met également en exergue son soutien à une approche graduelle concernant des normes minimales communes dans le domaine de l’assurance chômage, afin de garantir des emplois de qualité dans les États membres (6).

1.7.

Les États membres doivent créer les conditions nécessaires pour garantir une participation adéquate, sous la forme d’une gouvernance collective, aux processus d’élaboration des politiques en matière d’emploi ou de marché du travail, tout comme à leur mise en œuvre.

1.8.

Le CESE encourage les États membres et les partenaires sociaux à renforcer le dialogue social mené au niveau national. Il recommande également de s’appuyer sur les thématiques qui y sont ordinairement discutées pour l’enrichir d’autres contenus plus stratégiques, axés sur la durabilité et la recherche de solutions. Cette démarche consisterait, par exemple, à entreprendre de prévoir les besoins futurs des entreprises et ceux des salariés dotés de compétences et connaissances spécifiques, à mener des activités communes de formation des travailleurs, à assurer une transition équitable vers l’économie numérique et verte, et à réglementer et développer des solutions équilibrées pour le travail sur plates-formes, entre autres grandes thématiques tout aussi importantes du point de vue du développement.

1.9.

Le CESE est conscient que les partenaires sociaux et les conventions collectives jouent un rôle important pour maintenir un équilibre sur le marché du travail. Si l’on veut que le dialogue social puisse se développer plus avant, il est primordial que les partenaires sociaux disposent de la formation voulue (7), car il s’agit là d’un point tout à la fois sensible et essentiel afin de déployer une concertation sociale qui s’attache aussi à assurer durablement un emploi de qualité.

1.10.

Le CESE estime que la Commission européenne et les États membres devraient renforcer les capacités des partenaires sociaux et de la société civile. Il s’impose de créer un climat de confiance dans le dialogue social, de reconnaître l’importance qu’il revêt et d’inclure en temps voulu les partenaires sociaux et les autres acteurs concernés dans la démarche d’élaboration des mesures, ainsi que dans le processus décisionnel lui-même, lorsqu’il est judicieux de le faire et que cette approche répond aux besoins du développement économique. Il est nécessaire de disposer d’un cadre solide pour l’information et la consultation des travailleurs, afin de gérer correctement la transition écologique et numérique tout en garantissant la qualité du travail (8).

1.11.

Le CESE reconnaît que la facilité pour la reprise et la résilience pourrait apporter une contribution positive, s’agissant de renforcer et de garantir la qualité du travail et le rôle des partenaires sociaux dans sa mise en œuvre. C’est pourquoi il propose que la Commission européenne organise chaque année des rencontres avec eux, afin qu’ils lui donnent leur avis concernant cette mise en œuvre. Eu égard à la diversité des situations qui prévalent dans les États membres, il serait judicieux de commencer par procéder à des consultations séparées et, ensuite, de passer à la rédaction en commun des orientations et recommandations, en vue de continuer à mettre en œuvre la facilité avec succès.

1.12.

Le CESE fait observer que la facilité pour la reprise et la résilience est dépourvue de lien direct avec les éléments constitutifs d’un emploi de qualité, et il invite dès lors la Commission européenne à la compléter à cet égard. Pour atteindre les objectifs qu’elle fixe, un travail d’un bon niveau qualitatif représente un facteur clé. Il conviendrait de ne pas négliger les groupes vulnérables, tels que les travailleurs précaires ou jeunes, qui ont été les plus durement touchés par l’épidémie.

1.13.

Le CESE plaide pour que soient menées des recherches qui visent à suivre au plus près l’évolution du marché du travail lors de la reprise. Il s’impose également de tenir compte des changements intervenus dans les modèles entrepreneuriaux, qui ont une incidence sur la manière dont le travail s’effectue et sur les droits fondamentaux des travailleurs, ainsi que du déploiement de la numérisation et des nouvelles technologies, en accordant une attention particulière aux déficits de compétences et à la transition sur le marché du travail. Il est nécessaire d’étudier et d’examiner soigneusement les effets que ces évolutions produisent sur l’organisation du travail et les autres aspects essentiels de la qualité de l’emploi, en prenant en considération, tout à la fois, les développements positifs et les risques qu’induit une numérisation rapide. Le CESE souligne qu’il y a lieu de porter attention aux disparités entre les États, comme aux effets que la pandémie a produits tant dans la société que sur le marché du travail. L’évaluation des changements doit s’effectuer selon une approche globale.

2.   Contexte

2.1.

Le CESE reconnaît que la notion d’emploi durable et de qualité se prête à plusieurs interprétations et présente de nombreux tenants et aboutissants, et il fait observer qu’elle se compose de divers éléments, qui influent, de manière directe ou indirecte, sur la qualité de vie de la population, les droits des travailleurs et leur protection sociale. Dans le même temps, le Comité reconnaît également que les employeurs et les États membres ont un rôle central à jouer pour garantir la qualité de l’emploi, et notamment pour ce qui est de promouvoir les compétences, l’emploi de qualité, des formes de travail nouvelles et variées, la sécurité, le bien-être des travailleurs et la compétitivité des entreprises. Il semble que la Commission européenne en soit consciente, puisque bon nombre des programmes et dispositifs d’assistance financière qu’elle a lancés lors de la pandémie de COVID-19, notamment l’instrument SURE, sont axés tout à la fois sur la reprise économique et la préservation de la couverture sociale de la population. Le CESE a la conviction que si elle échoue à préserver et étendre la protection sociale tout en assurant un environnement concurrentiel pour les entreprises européennes actives à l’échelle mondiale, l’économie européenne n’arrivera pas à relancer son activité et à se développer, et que la reprise économique doit s’effectuer en concomitance avec une relance sociale.

2.2.

De l’avis du CESE, il est de la responsabilité de la Commission européenne, des États membres et des partenaires sociaux, au niveau européen et national, de concevoir et mettre à exécution les mesures qui assureront durablement la qualité de l’emploi. Pour ce faire, il y a lieu d’élaborer et de mettre en œuvre au plus vite une stratégie et des mesures destinées à garantir de manière durable un emploi de qualité, grâce à des efforts conjoints devant être consentis par l’ensemble des acteurs concernés.

2.3.

Assurer des conditions de concurrence équitable pour l’économie européenne, investir dans l’innovation et le développement, prévenir le moins-disant social, encourager la création d’emplois et promouvoir des conditions de travail équitables et des mesures d’incitation appropriées devraient constituer des éléments essentiels des stratégies de l’Union européenne et des États membres et contribuer de manière substantielle à l’amélioration de l’emploi sur le plan qualitatif.

2.4.

Pour peu que les conditions adéquates soient réunies, les entreprises européennes peuvent contribuer à une prospérité durable, à la création d’emplois de qualité ainsi qu’à une protection sociale renforcée. Il convient pour ce faire de mettre en place les conditions-cadres propices, et en particulier un approvisionnement énergétique fiable, des travailleurs qualifiés, de bonnes infrastructures de transport et des marchés du travail efficaces.

2.5.

La notion d’emploi durable et de bonne qualité constitue l’une des composantes essentielles de la qualité de vie, et il convient de l’envisager en combinaison avec le concept de développement durable, dans la perspective plus large d’une croissance et d’emplois durables, en particulier s’agissant de la transition vers une économie verte et la numérisation, qui doivent être équitables pour toutes les parties prenantes. Sur ce point, le Comité attire particulièrement l’attention sur les avis afférents qu’il a déjà adoptés.

2.6.

Le CESE a la conviction que s’agissant d’assurer la durabilité et la qualité de l’emploi tout en tenant compte de la croissance économique et du plein-emploi productif, une contribution substantielle peut venir de la réalisation des objectifs de développement durable, le huitième en particulier, qui figurent dans le programme à l’horizon 2030, adopté en 2015 (9) par les 193 États membres des Nations unies. Il conviendrait que la Commission européenne, notamment durant la phase de relance, insiste davantage sur leur réalisation et encourage les États membres à les atteindre.

2.7.

De même, le CESE souligne que pour assurer durablement un emploi de qualité, il est de la plus haute importance de concrétiser les principes du socle européen des droits sociaux et du plan d’action adopté sur la base de ce texte, ainsi que les normes juridiques internationales pertinentes (10). Il a déjà procédé à l’adoption de bon nombre d’avis sur ces questions, et, s’agissant de leur donner une traduction concrète, il recommande aux institutions européennes et aux États membres, en fonction des compétences qui leur reviennent, de s’engager activement, aux côtés des partenaires sociaux et des autres parties prenantes.

2.8.

Lors de l’élaboration des mesures destinées à garantir des emplois durables et de qualité, il y a lieu de prendre en considération les différents facteurs qui ont une incidence sur la qualité de la vie, qu’il s’agisse de garantir un travail décent, de réduire les inégalités, de faire reculer l’exclusion sociale, de prévenir la pauvreté ou d’assurer la compétitivité de l’économie européenne, tout en favorisant une transition en douceur vers une société et une économie numériques et écologiques. Tous ces paramètres doivent respecter les objectifs de développement durable, et il convient d’élaborer les actions afférentes avec la participation active des partenaires sociaux et des organisations de la société civile. Sur ce point, le Comité souligne qu’il importe de dégager un consensus social élargi.

2.9.

Le CESE a conscience de toute la diversité des éléments, facteurs et circonstances qui exercent une influence pour assurer que l’emploi présente une bonne qualité, et qu’elle soit garantie de manière durable, comme il l’a reconnu dans son avis (11). Ces facteurs sont, pour ne prendre que quelques exemples, le niveau des rémunérations des travailleurs et leur prévisibilité, les formules et méthodes de travail, l’environnement professionnel, la sécurité et la santé sur les lieux d’activité, la stabilité de l’emploi, l’apprentissage tout au long de la vie, la formation des salariés, les horaires, qui doivent être réguliers et prévisibles, la protection des droits des personnels, l’équilibre entre vie professionnelle et privée, ou encore un dialogue social actif et efficace.

2.10.

Le CESE relève que la garantie d’un travail décent constitue un des paramètres qui sont d’une importance capitale pour réussir à ce que l’emploi soit de qualité. Aussi encourage-t-il la Commission européenne, les États membres et les partenaires sociaux à accorder plus d’attention à cet enjeu de parvenir à ce que les emplois soient décents et d’un bon niveau qualitatif.

2.11.

Le CESE est conscient que la mise en œuvre d’un travail de qualité est également tributaire de la résilience des entreprises européennes sur la scène mondiale, ainsi que des conditions qui prévalent sur le marché intérieur, des différents modèles entrepreneuriaux et des politiques économiques. En conséquence, il exhorte la Commission européenne et les États membres à instaurer, en coopération avec les partenaires sociaux, les conditions qui encourageront les investissements et grâce auxquelles les employeurs seront en mesure de fournir durablement des emplois de qualité et de lutter contre les pratiques déloyales. En déployant tout un éventail de mesures incitatives, de politiques et de dispositions appropriées, les États membres devraient contribuer à ce qu’un tel environnement émerge plus rapidement.

3.   COVID-19

3.1.

Le CESE reconnaît que la baisse de l’activité économique durant la pandémie a été hétérogène et que le mécanisme SURE que la Commission européenne a instauré lors de cette période a contribué à préserver un grand nombre d’emplois. Afin d’éviter que les entreprises ne licencient leurs travailleurs et que la population ne soit affectée en ce qui concerne la sécurité de ses revenus, les États membres ont adopté divers régimes de travail à temps partiel, de soutien financier à l’emploi ou de chômage technique, prévoyant des réductions de salaires d’un certain taux, par exemple pour des activités dont l’exercice n’était plus autorisé, de même qu’ont été mis en place différentes mesures en rapport avec la politique active de l’emploi et la protection des jeunes et des personnes âgées, des subventions qui ont compensé en partie les pertes de ressources, ou encore un revenu de base pour certaines catégories de citoyens. Néanmoins, le CESE souligne que ces mesures temporaires ne sauraient éclipser la nécessité, pour l’Union européenne et ses États membres, de mettre en place des politiques économiques saines et durables en vue de susciter un renouveau de la croissance et de l’emploi.

3.1.1.

Le CESE regrette que la Commission européenne n’ait pas, de manière volontariste, fait de la participation appropriée des partenaires sociaux et des autres parties prenantes un des principaux critères à respecter pour pouvoir bénéficier des ressources de ces dispositifs. Dans certains États membres, en effet, les partenaires sociaux n’ont pas été associés activement à l’élaboration des mesures et des politiques en matière de marché du travail, et la reprise s’y avérera plus laborieuse, tout comme il sera plus ardu d’y assurer la qualité de l’emploi.

3.2.

Le CESE reconnaît que durant la pandémie, les manières de travailler de certains secteurs d’activité se sont tellement modifiées que ces changements se maintiendront durablement lors de la reprise et au-delà. Il est donc essentiel de reconnaître ces mutations, de les traiter de manière appropriée, de les accompagner et de les déployer de façon à parvenir à un emploi durable et de qualité, qui ouvre des possibilités supplémentaires aux entreprises comme aux travailleurs. Il y a lieu d’accorder une attention particulière à l’impact et aux conséquences que la numérisation et le déploiement de l’intelligence artificielle produisent sur l’emploi.

3.3.

Le CESE souligne que la pandémie a mis en lumière un certain nombre de modèles économiques et entrepreneuriaux et de formes et modalités en matière d’exercice de l’activité qui, avant le début de la crise sanitaire, avaient été négligés ou n’avaient pas reçu l’attention voulue. Il convient toutefois que ces formes d’entrepreneuriat et modes de réalisation d’une activité désormais plus répandus ne produisent pas d’effets dommageables pour le marché de l’emploi et la qualité du travail et qu’ils ne constituent pas des pratiques déloyales.

3.4.

Le CESE exprime son appui à la «recommandation de la Commission concernant un soutien actif et efficace à l’emploi (EASE) à la suite de la crise de la COVID-19» et exhorte les États membres à privilégier, dans leurs politiques du marché du travail des configurations telles que l’un des éléments clés pour surmonter la crise soit un investissement dans les personnes, prenant en compte les besoins de la transition verte et numérique. Dans leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience, les États membres devraient inclure des mesures concernant un soutien actif et efficace à l’emploi, qu’ils auront arrêtées en concertation avec les partenaires sociaux.

3.5.

Le CESE constate avec inquiétude que le bien-être mental des travailleurs européens s’est considérablement détérioré au cours de la pandémie, en particulier chez les jeunes et ceux qui ont perdu leur emploi (12). Par conséquent, il plaide en faveur d’une approche globale et commune, qui s’attache à combiner des politiques ambitieuses en matière de santé, de sécurité et de bien-être mental.

3.6.

Le CESE réitère les positions qu’il a prises et les propositions qu’il a formulées dans différents avis (13) consacrés à des questions concernant l’avenir du travail, la numérisation, le télétravail, l’organisation du temps de travail, l’apprentissage tout au long de la vie ou l’équilibre entre vie professionnelle et privée. Toutes les déclarations formulées ici sur les emplois de qualité sont valables pour tous ceux qui travaillent, quelle que soit leur nationalité. C’est pourquoi l’immigration et l’intégration des ressortissants de pays tiers revêtent une importance certaine.

3.7.

Eu égard aux bouleversements provoqués par la pandémie, aux avancées effectuées, en parallèle, par la numérisation et à la multiplicité des facteurs qui influent sur la qualité de l’emploi, le présent avis ne développe que certains aspects, sur lesquels la présidence slovène a mis l’accent et qui requièrent une attention particulière pour favoriser un travail de qualité, à savoir 1) l’adaptation de l’environnement de travail en réponse au vieillissement de la population, 2) la formation et l’apprentissage tout au long de la vie, 3) la garantie de l’équité, 4) la prise en compte des avantages et des écueils de la numérisation et de l’intelligence artificielle et 5) le rôle des partenaires sociaux.

4.   L’adaptation de l’environnement de travail en réponse au vieillissement de la population

4.1.

Dans la majeure partie des États membres, le vieillissement de la population européenne va de pair avec un allongement de la vie active, et l’âge effectif du départ à la retraite augmente lui aussi, cette évolution nécessitant à son tour d’établir des conditions de travail adaptées pour les travailleurs plus âgés. L’enjeu consiste en premier lieu à soutenir les capacités physiologiques et psychologiques qui sont les leurs, tout en veillant également à ce que leur palette de compétences reste à jour par rapport aux besoins du marché du travail. Pour qu’ils aient l’assurance de travailler dans de bonnes conditions, il est cependant tout aussi indispensable d’améliorer la protection de la santé au travail et de leur donner accès à l’apprentissage tout au long de la vie.

4.2.

Bien qu’au premier chef, ce soit aux employeurs qu’il incombe d’assurer des conditions de travail appropriées, la coopération tripartite entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics a également un rôle important à jouer à cet égard, car dans le contexte d’un dialogue social et de conventions collectives noués à un niveau approprié, la connaissance que ces acteurs ont des tâches exécutées et des travailleurs eux-mêmes peut apporter une contribution utile pour créer l’environnement de travail qui mettra les actifs âgés en mesure de s’acquitter correctement de leur tâche.

4.3.

Les États membres ont également un rôle important à jouer en la matière. En assurant un degré approprié de protection sociale, en donnant la possibilité d’accéder à des services de santé qui soient de bonne qualité et en établissant différentes mesures incitatives et subventions en faveur des employeurs, ils peuvent concourir à créer un environnement de travail dans lequel les actifs, tout en prenant de l’âge, pourront continuer à travailler en toute sécurité et de manière productive.

4.4.

Le CESE préconise que dans le cadre du semestre européen, une plus grande attention soit portée à la mise en œuvre de politiques du marché du travail qui tiennent compte des enjeux démographiques. Les partenaires sociaux doivent absolument être associés de manière active aux stratégies et aux politiques et mesures de mise en œuvre concernant la présence des personnes âgées dans le monde du travail, notamment en ce qui concerne leur intégration appropriée sur le marché de l’emploi.

4.5.

Pour la collaboration entre la jeune génération et les plus âgés, il y a lieu de concevoir des dispositifs modernes et novateurs, qui devront réserver une place centrale à un transfert approprié, dans l’un et l’autre sens, des savoirs et de l’expérience.

5.   La formation et l’apprentissage tout au long de la vie

5.1.

Dans ses avis, le CESE a déjà insisté, à maintes reprises, sur l’importance que l’apprentissage tout au long de la vie et la formation revêtent pour les chômeurs comme pour les travailleurs salariés (14).

5.2.

Le CESE souligne en particulier qu’il importe de prévoir en temps utile quels seront les besoins en matière de compétences des travailleurs et des employeurs et d’appliquer une planification stratégique en la matière. À cette fin, il est nécessaire de nouer une collaboration avec les partenaires sociaux, en particulier au niveau des branches d’activité et des entreprises.

5.3.

Une attention particulière doit être accordée aux chômeurs de longue durée et aux autres personnes absentes de longue date du marché du travail. Quand elle se prolonge, en effet, cette absence nuit grandement à leur employabilité, compte tenu, en particulier, de la vitesse à laquelle s’effectuent les transformations numériques (15). Avec la fermeture de certaines activités et le renvoi chez eux des travailleurs concernés, la pandémie a aggravé le problème. C’est pourquoi des politiques actives de l’emploi efficaces sont nécessaires dans ces situations.

5.4.

Les activités menées dans le domaine de la formation doivent viser à sensibiliser dûment les employeurs à l’enjeu que constitue la planification en temps voulu des besoins en connaissances et compétences qui leur seront nécessaires pour mener leur activité dans le futur. À cet égard, le CESE recommande d’accorder une attention particulière aux plans de formation numérique pour les travailleurs.

5.5.

Pour stimuler la formation des travailleurs auprès de leurs employeurs, le CESE conseille aux États membres d’envisager également d’établir des incitations d’ordre financier ou fiscal, qu’elles prennent la forme d’un financement direct ou de réductions d’impôts pour les entreprises concernées.

6.   Assurer l’équité

6.1.

Le CESE défend l’idée que pendant et après la reprise, il sera absolument nécessaire de préserver l’équité, sur la base des différentes situations individuelles, et d’éviter toute forme de pratiques discriminatoires. Tout en reconnaissant les possibilités offertes par les formes diverses de travail, il existe également un risque que cette diversité accroisse les inégalités entre les travailleurs, notamment entre les hommes et les femmes (16). Il est nécessaire de garantir l’égalité de traitement entre les travailleurs, par tous les canaux appropriés, notamment au niveau de la législation comme des conventions collectives.

6.2.

Le CESE constate que l’égalité n’a pas été assurée durant la pandémie, car les mesures prises ne couvraient ni la totalité des travailleurs, ni l’ensemble des entreprises. Bien souvent, les PME, les travailleurs œuvrant dans des types d’emploi précaires, les indépendants, les migrants, les jeunes et les femmes n’ont pas eu la possibilité d’accéder aux mesures destinées à compenser les pertes de revenus ou n’entraient pas dans le champ d’application des dispositions prévues. De ce fait, la pauvreté et l’exclusion sociale se sont étendues durant l’épidémie, d’autant que, par ailleurs, nombre d’entreprises ont cessé leurs activités, et provoqué ainsi des pertes d’emplois.

6.3.

Le CESE relève que la situation des femmes sur le marché du travail s’est considérablement détériorée lors de la pandémie (17): elles ont été nombreuses à perdre leur emploi, l’équilibre entre vie professionnelle et privée a été mis à mal et, en fin de compte, la précarité a augmenté.

6.4.

Sur ce même marché de l’emploi, la position des migrants et des jeunes s’est également dégradée: ils éprouvent des difficultés croissantes dans la recherche d’un travail, et, en outre, sont confrontés, plus encore que par le passé, à des formes d’activité précaires qui ne leur garantissent pas une vie de qualité.

6.5.

C’est au niveau du montant des rémunérations et de la stabilité de l’emploi que les inégalités sont les plus flagrantes. Aussi le CESE est-il convaincu que dans le cadre des politiques du marché du travail, il s’impose de traiter la question des disparités salariales, tout en prenant des mesures qui favorisent la transparence en la matière, s’attaquent à la ségrégation horizontale et verticale sur ce marché, encouragent le travail à temps plein pour les femmes, traitent le problème des contraintes liées aux soins non rémunérés et promeuvent la mise en œuvre du principe du salaire identique pour tout travail de même valeur. En outre, il y a lieu d’adopter des mesures qui assureront le respect des droits des travailleurs. De même, il conviendrait d’encourager un dialogue social qui mettrait l’accent sur la négociation collective dans les activités atypiques, comme, entre autres exemples, les tâches de soins aux personnes, les prestations de services aux personnes ou le travail sur plate-forme.

7.   La numérisation et l’intelligence artificielle

7.1.

La numérisation peut avoir une forte incidence sur les relations sociales et, en la matière, il convient de tenir compte des effets, positifs ou négatifs, que sa mise en œuvre est susceptible de produire sur les processus de travail des entreprises.

7.2.

Les processus du numérique suscitent également des inquiétudes en ce qui concerne les relations contractuelles entre les travailleurs et les employeurs. Pour garantir la pérennité des paramètres qui déterminent la qualité du travail, il y a lieu d’effectuer un suivi des évolutions du marché de l’emploi et de veiller à ce que les droits fondamentaux des travailleurs soient assurés par des mécanismes adéquats, sans entraver le développement des solutions numériques. L’Union européenne, les États membres, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes devraient tous jouer un rôle dans la recherche de solutions équitables pour répondre aux préoccupations des citoyens. Le CESE souligne qu’une numérisation accrue dans la vie professionnelle peut apporter des avantages, tout en suscitant des défis. À cet égard, le CESE est d’avis qu’une mise en œuvre rapide de l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation peut jouer un rôle important (18).

7.3.

Il apparaît aussi urgent que nécessaire d’assurer un contrôle sur l’intelligence artificielle déployée dans les lieux de travail, en particulier pour ce qui est de prévenir les pratiques discriminatoires, la surveillance illégale des employés, y compris s’agissant de leur droit à la déconnexion, ou toute autre forme de traitement défavorable à leur encontre. Les partenaires sociaux doivent être associés aux processus d’adoption et de mise en œuvre de la législation sur l’intelligence artificielle.

Bruxelles, le 23 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://www.ilo.org/global/topics/decent-work/lang--fr/index.htm

(2)  JO C 326 du 26.10.2012, p. 391.

(3)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 16.

(4)  En fonction de la situation qui prévaut dans chaque État membre.

(5)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphe 3.19.

(6)  JO C 97 du 24.3.2020, p. 32; JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.6.

(7)  Voss, Eckhard, Broughton, Andrea, Pulignano, Valeria, Franca, Valentina, Rodriguez Contreras, Ricardo, Analyse des liens entre le dialogue social à l’échelle de l’UE et à l’échelle nationale, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2018.

(8)  Par exemple, la résolution du CESE sur le sommet de Porto (JO C 286 du 16.7.2021, p. 6, et JO C 341 du 24.8.2021, p. 23).

(9)  Transformer notre monde: le programme de développement durable à l’horizon 2030.

(10)  Normes de l’OIT et articles 151 et 156 du TFUE.

(11)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphe 3.4.

(12)  Fondation pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (2021), Vivre, travailler et COVID-19 (mise à jour avril 2021): la santé mentale et la confiance se dégradent dans l’ensemble de l’UE tandis que la pandémie entame sa deuxième année d’existence, p. 4.

(13)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 44, JO C 197 du 8.6.2018, p. 45, JO C 237 du 6.7.2018, p. 8, JO C 367 du 10.10.2018, p. 15, JO C 440 du 6.12.2018, p. 37, et JO C 232 du 14.7.2020, p. 18.

(14)  Comme exprimé dans le JO C 374 du 16.9.2021, p. 38.

(15)  Les compétences numériques des travailleurs et leur formation en la matière varient considérablement d’un État membre à l’autre, de sorte que les disparités dans leur situation n’en sont que plus accentuées. En 2019, moins de 25 % des entreprises de l’Union européenne ont, en moyenne, formé leur personnel au numérique, mais ce pourcentage recouvre une fourchette de taux qui va de 6 % en Roumanie à 37 % en Finlande.

(16)  JO C 220 du 9.6.2021, p. 13.

(17)  https://eige.europa.eu/news/covid-19-derails-gender-equality-gains

(18)  The European Social Partners framework agreement_and_studies/2020-06-22_agreement_on_digitalisation_-_with_signatures.pdf


ANNEXE

Les propositions d’amendements suivantes, qui ont recueilli plus d’un quart des suffrages exprimés, ont été rejetées au cours des débats (conformément à l’article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

AMENDEMENT 3

Déposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 2.9

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Le CESE a conscience de toute la diversité des éléments, facteurs et circonstances qui exercent une influence pour assurer que l’emploi présente une bonne qualité, et qu’elle soit garantie de manière durable, comme il l’a reconnu dans son avis (11). Ces facteurs sont, pour ne prendre que quelques exemples, le niveau des rémunérations des travailleurs et leur prévisibilité, les formules et méthodes de travail, l’environnement professionnel, la sécurité et la santé sur les lieux d’activité, la stabilité de l’emploi, l’apprentissage tout au long de la vie, la formation des salariés, les horaires, qui doivent être réguliers et prévisibles, la protection des droits des personnels, l’équilibre entre vie professionnelle et privée, ou encore un dialogue social actif et efficace.

Le CESE a conscience de toute la diversité des éléments, facteurs et circonstances qui exercent une influence pour assurer que l’emploi présente une bonne qualité, et qu’elle soit garantie de manière durable, comme il l’a reconnu dans son avis (11). Ces facteurs sont, pour ne prendre que quelques exemples, le niveau des rémunérations des travailleurs et leur prévisibilité, les formules et méthodes de travail , notamment le besoin de diversité des formes de travail et de flexibilité dans le cadre du dialogue social , l’environnement professionnel, la sécurité et la santé sur les lieux d’activité, la stabilité de l’emploi, l’apprentissage tout au long de la vie, la formation des salariés, les horaires, qui doivent être réguliers et prévisibles, la protection des droits des personnels, l’équilibre entre vie professionnelle et privée, ou encore un dialogue social actif et efficace.

Résultat du vote:

Voix pour

92

Voix contre:

120

Abstentions:

15

AMENDEMENT 4

Déposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 3.3

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Le CESE souligne que la pandémie a mis en lumière un certain nombre de modèles économiques et entrepreneuriaux et de formes et modalités en matière d’exercice de l’activité qui, avant le début de la crise sanitaire, avaient été négligés ou n’avaient pas reçu l’attention voulue. Il convient toutefois que ces formes d’entrepreneuriat et modes de réalisation d’une activité désormais plus répandus ne produisent pas d’effets dommageables pour le marché de l’emploi et la qualité du travail et qu’ils ne constituent pas des pratiques déloyales.

Le CESE souligne que la pandémie a mis en lumière un certain nombre de modèles économiques et entrepreneuriaux et de formes et modalités en matière d’exercice de l’activité qui, avant le début de la crise sanitaire, avaient été négligés ou n’avaient pas reçu l’attention voulue. S’il est important de renforcer l’esprit d’entreprise et les politiques favorables à l’auto-entrepreneur, tant au niveau européen qu’à l’échelon national, et de promouvoir le développement durable de ces formes d’entrepreneuriat et modes de réalisation d’une activité désormais plus répandus , il convient de veiller à ce qu’elles ne produisent pas d’effets dommageables pour le marché de l’emploi et la qualité du travail et qu’ils ne constituent pas des pratiques déloyales.

Résultat du vote:

Voix pour:

90

Voix contre:

125

Abstentions:

16

AMENDEMENT 5

Déposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 6.2

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Le CESE constate que l’égalité n’a pas été assurée durant la pandémie, car les mesures prises ne couvraient ni la totalité des travailleurs, ni l’ensemble des entreprises. Bien souvent, les PME, les travailleurs œuvrant dans des types d’emploi précaires , les indépendants, les migrants, les jeunes et les femmes n’ont pas eu la possibilité d’accéder aux mesures destinées à compenser les pertes de revenus ou n’entraient pas dans le champ d’application des dispositions prévues. De ce fait, la pauvreté et l’exclusion sociale se sont étendues durant l’épidémie, d’autant que, par ailleurs, nombre d’entreprises ont cessé leurs activités, et provoqué ainsi des pertes d’emplois.

Le CESE constate que l’égalité n’a pas été assurée durant la pandémie, car les mesures prises ne couvraient ni la totalité des travailleurs, ni l’ensemble des entreprises. Bien souvent, les PME, les travailleurs œuvrant dans des types d’emploi moins stables et sûrs , les indépendants, les migrants, les jeunes et les femmes n’ont pas eu la possibilité d’accéder aux mesures destinées à compenser les pertes de revenus ou n’entraient pas dans le champ d’application des dispositions prévues. De ce fait, la pauvreté et l’exclusion sociale se sont étendues durant l’épidémie, d’autant que, par ailleurs, nombre d’entreprises ont cessé leurs activités, et provoqué ainsi des pertes d’emplois.

Résultat du vote:

Voix pour:

88

Voix contre:

138

Abstentions:

14

AMENDEMENT 6

Déposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 6.3

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Le CESE relève que la situation des femmes sur le marché du travail s’est considérablement détériorée lors de la pandémie (17): elles ont été nombreuses à perdre leur emploi, l’équilibre entre vie professionnelle et privée a été mis à mal et, en fin de compte, la précarité a augmenté .

Le CESE relève que la situation des femmes sur le marché du travail s’est considérablement détériorée lors de la pandémie (17): elles ont été nombreuses à perdre leur emploi, l’équilibre entre vie professionnelle et privée a été mis à mal et, en fin de compte, il est devenu plus difficile de trouver un emploi plus stable et sûr .

Résultat du vote:

Voix pour:

80

Voix contre:

143

Abstentions:

10

AMENDEMENT 7

Déposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 6.4

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Sur ce même marché de l’emploi, la position des migrants et des jeunes s’est également dégradée: ils éprouvent des difficultés croissantes dans la recherche d’un travail, et, en outre, sont confrontés, plus encore que par le passé, à des formes d’activité précaires qui ne leur garantissent pas une vie de qualité .

Sur ce même marché de l’emploi, la position des migrants et des jeunes s’est également dégradée: ils éprouvent des difficultés croissantes dans la recherche d’un travail, et, en outre, sont confrontés, plus encore que par le passé, à des difficultés pour trouver des formes plus stables et sûres d’activité.

Résultat du vote:

Voix pour:

80

Voix contre:

143

Abstentions:

10

AMENDEMENT 8

Déposé par:

BARRERA CHAMORRO Maria del Carmen

MEYNENT Denis

SALIS-MADINIER Franca

ZORKO Andrej

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 6.5

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

C’est au niveau du montant des rémunérations et de la stabilité de l’emploi que les inégalités sont les plus flagrantes. Aussi le CESE est-il convaincu que dans le cadre des politiques du marché du travail, il s’impose de traiter la question des disparités salariales, tout en prenant des mesures qui favorisent la transparence en la matière, s’attaquent à la ségrégation horizontale et verticale sur ce marché, encouragent le travail à temps plein pour les femmes, traitent le problème des contraintes liées aux soins non rémunérés et promeuvent la mise en œuvre du principe du salaire identique pour tout travail de même valeur. En outre, il y a lieu d’adopter des mesures qui assureront le respect des droits des travailleurs. De même, il conviendrait d’encourager un dialogue social qui mettrait l’accent sur la négociation collective dans les activités atypiques, comme, entre autres exemples, les tâches de soins aux personnes, les prestations de services aux personnes ou le travail sur plate-forme.

C’est au niveau du montant des rémunérations et de la stabilité de l’emploi que les inégalités sont les plus flagrantes. Aussi le CESE est-il convaincu que dans le cadre des politiques du marché du travail, il s’impose de traiter la question des disparités salariales, tout en prenant des mesures contraignantes qui favorisent la transparence en la matière, s’attaquent à la ségrégation horizontale et verticale sur ce marché, encouragent le travail à temps plein pour les femmes, traitent le problème des contraintes liées aux soins non rémunérés et promeuvent la mise en œuvre du principe du salaire identique pour tout travail de même valeur. En outre, il y a lieu d’adopter des mesures qui assureront le respect des droits des travailleurs. De même, il conviendrait d’encourager un dialogue social qui mettrait l’accent sur la négociation collective dans les activités atypiques, comme, entre autres exemples, les tâches de soins aux personnes, les prestations de services aux personnes ou le travail sur plate-forme.

Résultat du vote:

Voix pour:

102

Voix contre:

113

Abstentions:

16

AMENDEMENT 10

Déposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 7.3

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Il apparaît aussi urgent que nécessaire d’assurer un contrôle sur l’intelligence artificielle déployée dans les lieux de travail, en particulier pour ce qui est de prévenir les pratiques discriminatoires, la surveillance illégale des employés , y compris s’agissant de leur droit à la déconnexion, ou toute autre forme de traitement défavorable à leur encontre. Les partenaires sociaux doivent être associés aux processus d’adoption et de mise en œuvre de la législation sur l’intelligence artificielle.

Afin de garantir un développement transparent et équilibré de l’intelligence artificielle, il apparaît aussi urgent que nécessaire d’ en assurer le contrôle dans les lieux de travail, en particulier pour ce qui est d’atténuer les préoccupations infondées, de promouvoir l’autonomie des travailleurs et de prévenir les pratiques discriminatoires, la surveillance illégale des employés ou toute autre forme de traitement défavorable à leur encontre. Les partenaires sociaux doivent être associés aux processus d’adoption et de mise en œuvre de la législation sur l’intelligence artificielle.

Résultat du vote:

Voix pour:

88

Voix contre:

136

Abstentions:

10

AMENDEMENT 11

Déposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 1.1

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Un emploi de qualité constitue une des composantes essentielles de la qualité de vie. Il y a lieu de respecter le principe de la qualité de l’emploi pour une vie de qualité, s’agissant d’un préalable obligé pour un développement social durable . En conséquence, le Comité est fermement persuadé que cette question doit recevoir toute l’attention voulue dans le cadre des politiques de l’Union européenne, car elle est appelée à prévenir les risques d’inégalité, de pauvreté, d’exclusion sociale et de concurrence déloyale.

Un emploi de qualité constitue une des composantes essentielles de la qualité de vie et il convient de l’envisager en combinaison avec le concept de développement durable, dans la perspective plus large d’une croissance et d’emplois durables, en particulier s’agissant de la transition vers une économie verte et la numérisation . Dans le même temps, le CESE reconnaît le rôle des employeurs s’agissant de promouvoir les compétences, l’emploi , la diversité des formes de travail, la sécurité, le bien-être des travailleurs et la compétitivité des entreprises . En conséquence, le Comité est fermement persuadé que la qualité de l’emploi en tant que composante de la croissance économique et de l’emploi doit recevoir toute l’attention voulue dans le cadre des politiques de l’Union européenne, car elle est de nature à apporter une contribution significative, sous un double aspect, en vue de renforcer la croissance durable, l’emploi et la productivité tout en luttant contre les risques d’inégalité, de pauvreté, d’exclusion sociale et de concurrence déloyale.

Résultat du vote:

Voix pour:

79

Voix contre:

136

Abstentions:

11

AMENDEMENT 12

Proposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 1.2

Insérer un nouveau paragraphe:

Position: après le paragraphe existant — même niveau

Avis section

Amendement

 

Le CESE souligne qu’il est nécessaire, en conséquence notamment de la pandémie, de mener une action globale et bien ciblée pour faire en sorte que les marchés du travail dans les États membres soient réactifs, résilients et inclusifs, une attention particulière devant être portée à l’offre d’emplois flexibles. Il fait toutefois observer que les évolutions qui s’opèrent sur les marchés du travail doivent certes être accompagnées, mais sans être réglementées à l’excès ni entravées. Pour ce qui concerne les compétences revenant à l’Union européenne ou à ses États membres et les divers instruments qui sont à leur disposition, il convient d’être particulièrement attentif aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. S’agissant enfin d’établir une base économique solide à l’appui de transitions justes en Europe, la priorité devrait être de mettre en place un cadre réglementaire équitable, stable et prévisible pour les entreprises, en évitant notamment de leur imposer des charges administratives.

Résultat du vote:

Voix pour:

79

Voix contre:

144

Abstentions:

7

AMENDEMENT 15

Déposé par:

ARDHE Christian

HOŠTÁK Martin

KONTKANEN Mira-Maria

LE BRETON Marie-Pierre

SOC/685

Les principales composantes d’un emploi durable et de qualité pendant et après la reprise

Paragraphe 1.12

Modifier comme suit:

Avis section

Amendement

Le CESE fait observer que la facilité pour la reprise et la résilience est dépourvue de lien direct avec les éléments constitutifs d’un emploi de qualité, et il invite dès lors la Commission européenne à la compléter à cet égard . Pour atteindre les objectifs qu’elle fixe, un travail d’un bon niveau qualitatif représente un facteur clé. Il conviendrait de ne pas négliger les groupes vulnérables , tels que les travailleurs précaires ou jeunes , qui ont été les plus durement touchés par l’épidémie.

Le CESE fait observer que la facilité pour la reprise et la résilience est dépourvue de lien direct avec les éléments constitutifs d’un emploi de qualité, et il invite dès lors la Commission européenne à veiller à ce que ces éléments soient pris en compte comme il se doit dans le cadre de la mise en œuvre de la facilité . Pour atteindre les objectifs qu’elle fixe, un travail d’un bon niveau qualitatif représente un facteur clé. Il conviendrait de ne pas négliger les groupes vulnérables, qui ont été les plus durement touchés par l’épidémie.

Résultat du vote:

Voix pour:

82

Voix contre:

140

Abstentions:

8


(11)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphe 3.4.

(11)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphe 3.4.

(17)  https://eige.europa.eu/news/covid-19-derails-gender-equality-gains

(17)  https://eige.europa.eu/news/covid-19-derails-gender-equality-gains


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/38


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitable»

(avis exploratoire)

(2021/C 517/05)

Rapporteur:

Branko RAVNIK

Corapporteur:

Peter SCHMIDT

Consultation

Lettre de la présidence slovène du Conseil, 19.3.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

9.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/1/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la directive de l’Union européenne sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire, car elle marque une avancée dans la lutte contre le déséquilibre des rapports de force tout au long de cette chaîne. Les pratiques commerciales déloyales (PCD) constituent un phénomène complexe, aux vastes implications pour la société et, dans ce contexte, la réglementation joue un rôle essentiel. Le Comité invite instamment les États membres à transposer la directive, à la mettre en œuvre et à lutter contre les pratiques commerciales déloyales, ce de toute urgence.

1.2.

La chaîne d’approvisionnement alimentaire européenne s’est révélée particulièrement résiliente pendant la pandémie de COVID-19. Tout au long de cette crise, les consommateurs ont ainsi eu accès à la quasi-totalité des denrées alimentaires. Bien qu’exposés aux risques d’infection, les travailleurs de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement alimentaire ont effectué un travail remarquable.

1.3.

Néanmoins, les premières observations montrent également une évolution notable des comportements en matière de production, de distribution et de consommation. Le CESE préconise de soutenir la transformation des systèmes alimentaires européens de manière à les rendre plus durables, plus résilients, plus équitables et plus inclusifs sur les plans environnemental, économique et social et, surtout, afin qu’ils fournissent aux consommateurs européens des aliments sûrs qui soient sains et produits de manière durable. Le CESE relève qu’il est essentiel que les opérateurs de la filière alimentaire coopèrent (plutôt que de se faire concurrence) afin de favoriser davantage de résilience et de durabilité au sein du système alimentaire, dans l’optique d’assurer une répartition équitable envers les opérateurs et d’éviter le dénigrement.

1.4.

Le CESE recommande à nouveau le paiement d’un prix juste et équitable aux opérateurs les plus faibles, notamment aux agriculteurs, qui leur permette de percevoir des revenus adéquats pour investir, innover et produire durablement (1). Il conviendrait de mettre en place un mécanisme permettant de surveiller la répartition de la valeur ajoutée brute au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Selon les chiffres de la Commission, la part de la valeur ajoutée brute qui, dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, revient aux producteurs primaires est passée de 31 % en 1995 à 23,4 % en 2015 (derniers chiffres disponibles).

1.5.

Le CESE réitère également sa recommandation de lutter contre les PCD qui ne sont pas prises en compte dans le cadre des exigences minimales de la directive (2) et salue les efforts déployés par plusieurs États membres en vue de résoudre des problèmes tels que l’achat à des prix inférieurs aux coûts de production, les enchères inversées «à deux tours» (double-race auctions) ou la protection de tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, quelle que soit leur taille ou leur position au sein de la chaîne agroalimentaire. Le CESE accueille favorablement la décision prise par la Commission de réglementer les PCD au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Il regrette toutefois que celle-ci n’ait pas préconisé une approche harmonisée afin d’éviter la fragmentation du marché unique. Le CESE estime que les mesures supplémentaires qui seront prises ultérieurement devraient être compatibles avec le marché unique et faire l’objet d’une analyse d’impact appropriée. Néanmoins, il se félicite que les États membres transposent et mettent en œuvre la directive, ce qui garantit une plus grande équité dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, et il plaide en faveur d’une approche plus harmonisée à l’avenir.

1.6.

Le CESE exhorte les États membres à mettre en place des lois qui protègent l’ensemble des acteurs économiques. Le pouvoir de marché n’est pas nécessairement lié à la taille: tous les opérateurs commerciaux, grands comme petits, devraient donc être protégés contre les PCD.

1.7.

Le CESE encourage également les États membres à instaurer des mécanismes leur permettant de suivre, d’évaluer et de faire respecter la mise en œuvre des lois de transposition, ainsi qu’à créer des forums de dialogue en coopération avec les parties prenantes.

1.8.

À l’heure actuelle, les déséquilibres en matière de puissance économique et de pouvoir de négociation au sein des systèmes alimentaires européens (mais aussi mondiaux) pèsent sur la rentabilité du secteur agricole et les salaires, et contribuent à la diminution du potentiel d’investissement des petites et moyennes entreprises alimentaires et à l’abandon du commerce familial de proximité. Des mécanismes de correction fondés sur des données probantes s’imposent donc, afin d’assurer un développement équilibré des acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire européenne et de soutenir une juste répartition des avantages économiques de la production et de la distribution alimentaires à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne, et, partant, de favoriser des systèmes alimentaires durables. La Commission n’a pas tiré les conclusions des études d’impact de la stratégie «De la ferme à la table».

1.9.

Le CESE souligne qu’il importe que toutes les parties prenantes disposent des outils et informations appropriés pour tirer parti de la directive. Le Comité invite par conséquent la Commission européenne, les États membres et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) à veiller à ce que les parties prenantes connaissent leurs droits et les procédures permettant de les faire valoir, y compris dans le domaine du commerce transnational, tant au sein de l’Union européenne qu’avec des pays tiers.

1.10.

Le CESE réaffirme que la promotion de pratiques commerciales plus équitables devrait s’inscrire dans une politique alimentaire et commerciale globale de l’Union, englobant l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et garantissant la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.

2.   Introduction

2.1.

Les pratiques commerciales déloyales (PCD) sont définies comme «des pratiques [interentreprises] qui s’écartent […] de la bonne conduite commerciale, sont contraires à la bonne foi et à la loyauté et sont imposées de manière unilatérale par un partenaire commercial à un autre» (3). La chaîne d’approvisionnement alimentaire est particulièrement vulnérable aux PCD, en raison de forts déséquilibres de pouvoir entre opérateurs. Des PCD peuvent avoir cours à tous les étages de la chaîne d’approvisionnement, et celles qui apparaissent sur l’un des maillons de la chaîne peuvent avoir des effets sur d’autres de ses segments, en fonction du pouvoir de marché des acteurs concernés (4).

2.2.

Comme décrit en détail dans les deux avis du CESE intitulés Des chaînes d’approvisionnement alimentaire plus équitables (5) et Améliorer la chaîne d’approvisionnement alimentaire (6), adoptés respectivement en 2016 et en 2018, la concentration du pouvoir de négociation a abouti à des abus de position dominante, qui ont accru la vulnérabilité des opérateurs les plus faibles face aux PCD. Cette évolution a eu pour effet de transférer le risque économique de marché vers l’amont de la chaîne d’approvisionnement et a eu des répercussions particulièrement négatives sur les consommateurs et certains opérateurs tels que les agriculteurs, les travailleurs et les PME. Selon les chiffres de la Commission, la part de la valeur ajoutée brute qui, dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, revient aux producteurs primaires est passée de 31 % en 1995 à 23,4 % en 2015 (derniers chiffres disponibles). D’après la Commission européenne, le problème des PCD a été reconnu par l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, et il a été rapporté qu’une majorité d’opérateurs ont eu à subir des PCD (7).

2.3.

La directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil (8) sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire a été adoptée en avril 2019. Cette directive, courte et concise, repose sur un petit nombre de principes clés. Les États membres étaient tenus de transposer la directive en droit national avant le 1er mai 2021 et de la mettre en œuvre six mois plus tard. Cette démarche s’inscrit dans un programme de gouvernance plus large, qui vise à rendre la chaîne d’approvisionnement alimentaire plus efficace et plus équitable, et prévoit une coopération entre producteurs ainsi que des mesures destinées à améliorer la transparence du marché. La stratégie «De la ferme à la table» (9) vise également à contribuer à renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

2.4.

La présidence slovène du Conseil a demandé au CESE d’élaborer un avis exploratoire concernant la réalisation effective, sur le terrain, des objectifs de la directive, ainsi que sur les bonnes pratiques des États membres en matière de réglementation de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et les mesures requises pour que rien ne vienne interrompre ce processus.

3.   Position du CESE sur les PCD

3.1.

Dans son avis de 2018 (10), le CESE a accueilli favorablement la proposition de la Commission visant à réduire la fréquence des PCD, en ce qu’elle représente une première étape nécessaire pour protéger les opérateurs plus faibles, en particulier les agriculteurs, les travailleurs et certains opérateurs, et améliorer la gouvernance au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Une approche réglementaire et un cadre législatif assortis de mécanismes d’application des règles solides et efficaces constituent la solution pour remédier efficacement aux PCD au niveau de l’Union. Le Comité a réaffirmé ce point de vue dans son avis de 2020 (11) relatif à la stratégie «De la ferme à la table».

3.2.

Le CESE disait toutefois regretter que la Commission se soit contentée d’instaurer une norme commune de protection minimale dans toute l’Union, en interdisant uniquement un nombre limité de PCD. De son point de vue, il est nécessaire d’interdire toutes les pratiques abusives.

3.3.

Concernant les dispositifs d’application des règles, le CESE se félicitait de la proposition de la Commission visant à créer un cadre harmonisé à l’échelle de l’Union pour les autorités d’application.

3.4.

Au-delà de la lutte contre les PCD, le CESE recommandait à la Commission d’encourager et de soutenir les modèles d’entreprise qui jouent un rôle s’agissant de rendre la chaîne d’approvisionnement plus durable, de la rééquilibrer et d’en améliorer l’efficacité, afin de renforcer la position des opérateurs plus faibles.

4.   Transposition et mise en œuvre de la directive sur les PCD — état des lieux

4.1.

Le processus de transposition et de mise en œuvre de la directive est en cours dans les États membres (12). La plupart des associations d’agriculteurs, des syndicats et des entreprises de transformation de denrées alimentaires estiment que les mesures prévues ne suffisent pas à les protéger. Néanmoins, ces acteurs ont soutenu les mesures proposées pour la mise en œuvre de la directive sur les PCD et ont même appelé de leurs vœux des ambitions plus élevées, même si dans certains cas les détaillants ont fait part de points de vue divergents.

4.2.

D’ici novembre 2021, la Commission soumettra un rapport intermédiaire sur la transposition de la directive; en 2025, elle présentera une évaluation de l’efficacité de la directive. Cette évaluation reposera sur les rapports annuels des États membres et les résultats des enquêtes menées par la Commission auprès des parties prenantes pour faire le point sur les PCD dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire (13). Le CESE suggère à la Commission de consulter également les acheteurs et de recueillir leur expérience concernant la directive. Le mécanisme de coopération institué par la directive devrait offrir aux autorités chargées de faire appliquer la législation et à la Commission un forum approprié pour débattre de l’efficacité de la directive, sur la base des rapports annuels des États membres. Ces rencontres régulières permettront de recenser les bonnes pratiques comme les lacunes, et de comparer les approches des États membres.

4.3.

Le CESE accueille favorablement la décision prise par la Commission de réglementer les pratiques commerciales déloyales au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Il regrette toutefois que celle-ci n’ait pas préconisé une approche harmonisée, faute de quoi le marché unique s’en trouve fragmenté. Néanmoins, le CESE se félicite que les États membres transposent et mettent en œuvre la directive, ce qui garantit une plus grande équité dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, et il plaide en faveur d’une approche plus harmonisée à l’avenir.

5.   Bonnes pratiques relatives aux processus de transposition et de mise en œuvre

5.1.

Le CESE se félicite du caractère ambitieux des lois nationales de transposition (ci-après dénommées «bonnes pratiques») qui interdisent certaines PCD pourtant autorisées sous conditions dans la directive. En Allemagne, par exemple, la loi de transposition prévoit une interdiction de renvoyer des produits invendus au fournisseur sans les payer, ou de répercuter sur le fournisseur les frais de stockage qui incombent à l’acheteur (14).

5.2.

Le CESE se félicite que certaines lois de transposition introduisent des articles interdisant à tous les opérateurs tout achat en deçà du coût de production. C’est le cas de la loi espagnole (15), qui ne se contente pas d’interdire à tous les opérateurs d’acheter à des prix inférieurs aux coûts de production, mais prohibe également toute destruction de valeur au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, à quelque maillon que ce soit. De même, en Italie, le législateur a été chargé de régler la question dans la loi de transposition (16). En Allemagne, dans le cadre de l’évaluation réalisée deux ans après l’entrée en vigueur, le parlement fédéral procédera à un audit sur l’éventuelle interdiction d’acheter à des prix inférieurs aux coûts de production.

5.3.

Ces mesures s’inscrivent dans un ensemble plus large d’initiatives promues par la Commission européenne, prévoyant par exemple des observatoires des prix du marché (17), instruments essentiels pour promouvoir la transparence et l’équité du secteur. Il convient en outre de mentionner l’importance de la réciprocité dans le commerce international (18).

5.4.

Le CESE accueille favorablement les lois qui prévoient la mise en place d’un médiateur chargé de contrôler leur application. En Espagne, une agence indépendante (Agence d’information et de contrôle alimentaire — AICA) a été créée dans le but de suivre la mise en œuvre de la loi, tandis qu’un médiateur est chargé d’encourager les codes de conduite volontaires. En Allemagne, les personnes concernées par des PCD pourront s’adresser à un médiateur indépendant pour introduire des plaintes anonymes, notamment pour signaler des pratiques déloyales non reprises dans la législation. Ce médiateur pourra également ouvrir des enquêtes, communiquer les infractions à l’Office fédéral allemand pour l’agriculture et l’alimentation (Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung — BLE), et surveiller l’évolution des coûts de production et des prix (19).

5.5.

Le pouvoir de marché n’est pas nécessairement lié à la taille: tous les opérateurs commerciaux, grands comme petits, devraient donc être protégés contre les PCD. Le CESE exhorte les États membres à mettre en place des lois qui protègent l’ensemble des acteurs économiques. Il reconnaît le mérite des pays qui, s’ils n’atteignent pas ce niveau d’ambition, se dotent de lois qui couvrent des acteurs de plus grande taille, au moins dans des secteurs clés. En Allemagne, par exemple, une protection est accordée aux entreprises produisant des produits agricoles, des produits de la pêche ou des denrées alimentaires et dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 350 millions d’EUR, mais ce seuil est relevé à 4 milliards d’EUR pour la viande, les fruits, les légumes et les produits horticoles, ce qui permettra à davantage d’acteurs de bénéficier de cette protection par la loi (20). L’avant-projet de loi belge supprime l’«approche par paliers» qui assure une protection contre les PCD à tous les acteurs économiques dont le chiffre d’affaires est inférieur au seuil de 350 millions d’EUR, quel que soit leur rapport de taille avec l’acheteur. En Espagne, les producteurs primaires bénéficient d’une protection spéciale, mais tous les opérateurs sont protégés par la loi, sans distinction de taille et/ou de position sur le marché.

5.6.

Il a été montré que les enchères inversées «à deux tours» (21) avaient de graves répercussions pour les agriculteurs (22), contraints de facto de prendre part à cette pratique, en raison du rapport de force déséquilibré entre acheteurs et vendeurs. Une interdiction de ce type d’enchères contribuerait à éviter les cas où les fournisseurs sont poussés à vendre à perte. Bien que le processus de transposition de la directive ne soit pas encore finalisé en Italie, le CESE suit avec intérêt les discussions en cours quant à la possibilité d’interdire les enchères inversées «à deux tours» dans le pays, où le législateur a été mandaté pour traiter la question dans la loi de transposition.

5.7.

Le CESE considère également comme une bonne pratique l’obligation de disposer de contrats écrits pour toutes les opérations et de les enregistrer dans une base de données pour plus de transparence et de contrôle. La loi espagnole prévoit une telle obligation, qui produit des effets très positifs sur les relations commerciales. Le contrat devrait comprendre des notions de qualité, de durée, de prix, d’indicateur de prix, de renégociation, de renouvellement et de sortie avec préavis, entre autres.

5.8.

Le CESE se félicite de la clause de la loi allemande qui prévoit une première évaluation deux ans après l’entrée en vigueur de ladite loi, et du fait que le parlement fédéral allemand puisse non seulement contrôler le respect des interdictions existantes, mais aussi étendre la liste des PCD prohibées (23); il prend également acte de l’avant-projet de loi belge qui prévoit la possibilité d’ajouter des PCD à la liste à tout moment, au moyen d’un arrêté royal et après consultation des parties prenantes.

6.   Lacunes recensées

6.1.

Le CESE insiste sur le fait que toutes les PCD citées dans la directive, même les pratiques dites «grises», peuvent avoir une incidence négative sur les acteurs les plus faibles de la chaîne. Face à un acheteur plus puissant, un fournisseur en position de faiblesse peut se sentir obligé de signer un contrat dont les clauses vont à l’encontre de ses intérêts. Si la possibilité d’une «interdiction générale» portant sur toutes les PCD a été discutée dans plusieurs États membres, il s’est avéré difficile d’atteindre ce niveau d’ambition sans intervention de l’Union européenne. De même, dans son avis de 2018, le CESE demandait une interdiction de toutes les PCD et la possibilité pour les États membres d’étendre la liste des PCD initialement interdites. Reste à savoir quels seront les mécanismes de révision introduits par les lois de transposition.

6.2.

Conformément à la directive, les fournisseurs, les organisations de fournisseurs et les organisations sans but lucratif représentant des fournisseurs ont le droit de déposer des plaintes. Toutefois, le CESE craint qu’il puisse y avoir des cas où une PCD illégale existe, où une partie concernée (par exemple, un travailleur) obtient des informations pertinentes, mais où les autorités chargées de faire appliquer la législation ne sont pas en mesure de résoudre le problème, parce que ni l’opérateur concerné ni l’organisation à laquelle il appartient n’ont officiellement déposé plainte. Sachant que, même lorsque leurs droits ne sont pas respectés, les opérateurs concernés peuvent se montrer réticents à introduire des plaintes, le CESE invite la Commission à assurer un suivi attentif et à évaluer dans quelle mesure des changements pourraient se révéler nécessaires en vue de mieux protéger les parties les plus vulnérables qui dépendent de ces opérateurs, telles que les travailleurs, les agriculteurs et les pêcheurs. Si la directive sur les PCD ne suppose pas l’établissement préalable d’un contrat écrit, elle présuppose néanmoins l’existence de relations de vente. Par conséquent, le CESE souligne sa proposition d’étendre la protection aux cas dans lesquels une PCD existe, mais où aucun contrat (écrit) n’a été conclu. Le CESE a déjà demandé que soit introduit le droit de déposer des recours collectifs (24).

6.3.

L’«approche par paliers» de la directive implique que, dans certaines situations, un opérateur qui présente un faible pouvoir de marché mais un important chiffre d’affaires n’est pas protégé par la loi. Cela génère des incertitudes pour les fournisseurs qui ignorent le chiffre d’affaires annuel de leurs partenaires commerciaux. Le CESE invite la Commission et les États membres de l’Union à surveiller et à pallier les conséquences négatives de cette «approche par paliers», et à envisager de protéger l’ensemble des acteurs commerciaux, quelle que soit leur taille.

6.4.

Des rapports commerciaux à long terme, stables et équilibrés entre les opérateurs de la filière alimentaire peuvent aider les agriculteurs à tirer davantage parti de la valeur ajoutée des produits, alors que le pourcentage du prix final qui leur revient ne cesse de diminuer avec le temps. Les notions de terroir et de qualité permettent de conserver la valeur ajoutée au sein des régions, contrairement aux importations de matières premières issues de pays tiers, où les normes de production sont généralement moins strictes que dans l’Union. Un meilleur étiquetage de la provenance des produits conférerait davantage de transparence aux chaînes d’approvisionnement alimentaire.

7.   Vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire révélées par la crise de la COVID-19

7.1.

Dans l’ensemble, la chaîne d’approvisionnement alimentaire européenne s’est révélée particulièrement résiliente pendant la crise de la COVID-19. Tout au long de cette crise, les consommateurs ont ainsi eu accès à la quasi-totalité des denrées alimentaires. Bien qu’exposés aux risques d’infection, les travailleurs de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement alimentaire ont effectué un travail remarquable. Néanmoins, la pandémie a des répercussions sur l’ensemble du système agroalimentaire mondial. Cette crise est à l’origine d’un choc symétrique mais asynchrone sur les systèmes alimentaires mondiaux et nationaux, qui touche: 1) les canaux de l’offre et de la demande, à des moments différents; 2) tous les éléments du système alimentaire, aussi bien la production primaire que la transformation des aliments, le commerce de détail et la restauration, le commerce international, les systèmes logistiques, ou encore les demandes intermédiaire et finale; 3) les marchés des facteurs (main-d’œuvre et capital) et les biens intermédiaires de production. Ces répercussions se font sentir notamment à travers de nombreux facteurs macroéconomiques (par exemple, les taux de change, les prix de l’énergie, l’accès aux marchés financiers) et, surtout, par la contraction de l’activité économique globale et la hausse du chômage.

7.2.

Les restrictions à la libre circulation des travailleurs entre États membres (la Commission a publié des lignes directrices concernant les voyageurs exerçant des fonctions essentielles, tels que les travailleurs saisonniers) ont perturbé de nombreux secteurs liés à la production et à la transformation des denrées alimentaires (par exemple, la récolte des fruits et légumes, ou la transformation de la viande et des produits laitiers) qui dépendent de la main-d’œuvre saisonnière venue d’autres États membres ou de pays tiers. En outre, les travailleurs migrants vivent et travaillent souvent dans des conditions médiocres et sont plus exposés aux risques d’infection, comme l’ont montré les foyers de contamination dans les abattoirs et les usines de conditionnement de viande à travers le monde. Cette situation provoque à la fois un grave problème de santé publique et une rupture dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

7.3.

En outre, les mesures de confinement et les perturbations logistiques ayant bouleversé le transport des denrées alimentaires, cette pandémie a également entraîné un protectionnisme en matière d’importations et d’exportations alimentaires. Dans le même temps, nombreux sont ceux à avoir souligné l’importance des denrées produites à l’échelle régionale dans l’Union et les atouts classiques des circuits d’approvisionnement courts ainsi que des activités de production et de commerce locales. Ces circuits courts, de même que les activités de production et de commerce locales, se sont révélés encore plus attrayants pendant cette crise, car les gens étaient à la recherche de nouveaux moyens plus directs d’acheter leurs aliments, et que les producteurs trouvaient ainsi de nouveaux débouchés pour leurs produits. Toutefois, l’un des aspects principaux consiste en la prise de conscience de la nécessité de poursuivre le commerce durable et équitable à l’échelle régionale et internationale. Les restrictions commerciales peuvent mettre en péril la stabilité, ce qui affecterait particulièrement les populations à faibles revenus.

7.4.

Le confinement a mis à genoux l’industrie hôtelière et une partie de l’industrie alimentaire (par exemple, la branche de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi que d’autres secteurs «hors foyer», les services de livraison de nourriture, les grossistes et détaillants situés dans des zones touristiques), avec des conséquences considérables. La perturbation des activités n’a pas seulement touché les établissements eux-mêmes, elle a également endommagé le système d’approvisionnement alimentaire consolidé dont dépendaient nombre d’agriculteurs et de fournisseurs de produits agricoles. Les fournisseurs de produits frais ont été durement frappés; le vin haut de gamme, le fromage et les pièces nobles habituellement vendus dans les restaurants ont été remplacés par des produits standard achetés dans les supermarchés et consommés à la maison (FAO, 2020; OCDE, 2020). Certains producteurs ont réagi en se rapprochant des marchés de détail ou en ligne, sur lesquels ils sont parvenus à de très bons compromis et accords dans bien des cas, mais beaucoup n’ont pas pu s’adapter et ont perdu des clients et des revenus. L’agrotourisme, qui aide souvent les agriculteurs à diversifier leurs sources de revenus, a également subi de plein fouet les restrictions de la COVID-19.

7.5.

La crise de la COVID-19 a considérablement accéléré le virage numérique et cette tendance devrait se poursuivre. D’après une récente étude du cabinet McKinsey (25), au cours de l’année 2020, la distribution en ligne de produits d’épicerie a progressé de 55 % en Europe, et cette évolution devrait s’inscrire dans la durée, puisque 50 % des consommateurs ayant eu recours aux canaux en ligne pendant la pandémie comptent encore les utiliser à l’avenir.

7.6.

L’apparition de la COVID-19 et sa propagation rapide à l’échelle planétaire constituent un choc majeur pour l’Union et l’économie mondiale. Des mesures immédiates et globales en matière de budget, de liquidités et de stratégie ont été adoptées pour venir en aide aux secteurs les plus touchés. L’Union dispose d’un vaste arsenal de mesures d’intervention sur le marché, dont plusieurs ont été activées au cours de la crise pandémique afin de soutenir les revenus agricoles. Cependant, la réponse est restée limitée, car pendant la dernière année de la période budgétaire 2014-2020, le budget de l’Union ne disposait pratiquement pas de fonds pour financer des mesures d’urgence supplémentaires de soutien à l’agriculture.

7.7.

Enfin, la Commission a lancé un pacte vert pour l’Europe ayant aussi des implications pour l’agriculture (avec la stratégie «De la ferme à la table» et celle en faveur de la biodiversité), tandis que le plan de relance «Next Generation EU» a alloué 7,5 milliards d’EUR supplémentaires au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Les études d’impact de la stratégie «De la ferme à la table» sont inquiétantes pour l’Union européenne. Néanmoins, le CESE appelle à un soutien stratégique plus équilibré en faveur du secteur agroalimentaire, en comparaison avec certaines branches de l’économie dont la structure économique est beaucoup plus résiliente et où les niveaux de rentabilité sont bien plus élevés.

8.   Prochaines étapes

8.1.

La directive laisse aux États membres de la latitude pour élaborer les lois visant à la mettre en œuvre, ce qui a permis à chacun d’entre eux de se doter d’une législation sur mesure, adaptée à leur contexte national. Comme indiqué précédemment, certains États membres ont relevé le niveau d’ambition pour aller au-delà des normes d’harmonisation minimales de la directive et ont mis en place des lois qui offrent une protection supplémentaire aux fournisseurs de l’Union et des pays tiers.

8.2.

Si les fournisseurs d’un État membre donné devraient facilement avoir accès aux spécificités de leur loi nationale de transposition (y compris le mécanisme de plainte et l’autorité compétente), il se pourrait que cela ne soit pas le cas pour les fournisseurs exportant vers d’autres États membres de l’Union et les fournisseurs de pays tiers exportant vers l’Union. Le CESE se félicite de l’effort de diffusion que la Commission a entrepris avec la publication de la brochure intitulée La directive sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire (26), mais souligne que ce document reprend uniquement des informations relatives aux normes d’harmonisation minimales. En vue d’offrir aux exportateurs les bons outils pour leur permettre de bénéficier des lois de transposition nationales, le CESE invite la Commission à veiller à ce qu’ils aient facilement accès à toutes les informations les plus pertinentes sur chacune de ces lois.

8.3.

Le CESE fait valoir qu’il est dans l’intérêt de toutes les parties prenantes que la directive s’applique à toute relation commerciale dans laquelle l’acheteur, le vendeur, ou les deux sont des entreprises de l’Union, et ce, même lorsque le fournisseur n’est pas un acteur de l’Union. Le CESE invite la Commission et le SEAE à tirer parti de la capacité des délégations de l’Union à diffuser des renseignements dans les pays tiers pour informer les fournisseurs non européens. Ces indications ne peuvent se contenter de reprendre les grandes lignes de la directive, mais doivent inclure des informations pratiques concernant les particularités de la législation et les autorités chargées de la faire appliquer dans chaque État membre.

8.4.

Le CESE se félicite que la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire soit considérée comme un écosystème stratégique dans le cadre de la relance européenne; le Comité plaide en faveur d’une coopération accrue au sein de la chaîne d’approvisionnement et d’un dialogue renforcé avec les parties prenantes en vue de faciliter une transition aussi inclusive que possible vers des systèmes alimentaires plus durables. À cet égard, le CESE note l’importance, la variété et l’ampleur des initiatives prises tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire pour accompagner la transition vers un modèle durable en investissant dans la promotion d’une production locale et durable.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du CESE intitulé «Améliorer la chaîne d’approvisionnement alimentaire» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 165).

(2)  Avis du CESE intitulés «Des chaînes d’approvisionnement alimentaire plus équitables» (JO C 34 du 2.2.2017, p. 130), et «Améliorer la chaîne d’approvisionnement alimentaire» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 165).

(3)  Commission européenne, 2014.

(4)  Groupe de travail sur les marchés agricoles, 2016.

(5)  Avis du CESE sur le thème «Des chaînes d’approvisionnement alimentaire plus équitables» (JO C 34 du 2.2.2017, p. 130).

(6)  Avis du CESE intitulé «Améliorer la chaîne d’approvisionnement alimentaire» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 165).

(7)  Communication de la Commission, 2014.

(8)  Directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire (JO L 111 du 25.4.2019, p. 59).

(9)  Stratégie «De la ferme à la table».

(10)  Avis du CESE intitulé «Améliorer la chaîne d’approvisionnement alimentaire» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 165).

(11)  Avis du CESE sur le thème «Une stratégie alimentaire durable “de la ferme à la table”» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).

(12)  Transposition nationale par les États membres.

(13)  Site internet de la Commission européenne.

(14)  Cette loi, en attente d’approbation par la deuxième chambre, n’a pas encore été officiellement communiquée à la Commission. Le texte a été examiné le 28.5.2021.

(15)  Ley 12/2013, de 2 de agosto, de medidas para mejorar el funcionamiento de la cadena alimentaria. Cette loi sera modifiée par un projet de loi en cours de négociation, intitulé en espagnol Proyecto de Ley por el que se modifica la Ley 12/2013 de medidas para mejorar el funcionamiento de la cadena alimentaria («projet de loi modifiant la loi 12/2013 visant à améliorer le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire»).

(16)  Gazzetta Ufficiale della Repubblica Italiana (Journal officiel de la République italienne), 23.4.2021.

(17)  Observatoires des marchés de la Commission européenne. Voir aussi l’exemple de l’Observatoire français de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

(18)  Avis du CESE sur le thème «Compatibilité de la politique commerciale de l’UE avec le pacte vert pour l’Europe» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 66).

(19)  Site internet de l’Office fédéral allemand pour l’agriculture et l’alimentation.

(20)  Cette clause s’applique uniquement jusqu’en mai 2025; le seuil sera ensuite ramené à 350 millions d’EUR.

(21)  Les enchères inversées à deux tours sont des mécanismes utilisés par les acheteurs afin de mettre en concurrence des fournisseurs dans le cadre d’enchères en ligne de courte durée, en les incitant à offrir leurs produits au prix le plus bas possible.

(22)  Étude de cas d’Oxfam.

(23)  L’évaluation pourrait également inclure les conclusions de l’examen d’une éventuelle interdiction d’acheter les produits alimentaires et agricoles à des prix inférieurs à leurs coûts de production.

(24)  Avis du CESE sur le thème «Des chaînes d’approvisionnement alimentaire plus équitables» (JO C 34 du 2.2.2017, p. 130).

(25)  https://www.mckinsey.com/industries/retail/our-insights/disruption-and-uncertainty-the-state-of-european-grocery-retail-2021

(26)  Brochure de la Commission européenne.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

563e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 22.9.2021-23.9.2021

22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/45


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une meilleure réglementation: unir nos forces pour améliorer la législation

[COM(2021) 219 final]

(2021/C 517/06)

Rapporteur:

Heiko WILLEMS

Consultation

Lettre de la Commission, 1.7.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

231/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite que l’amélioration de la réglementation demeure une priorité pour la nouvelle Commission. Il invite celle-ci et les législateurs de l’Union à approfondir et à faire progresser de manière cohérente le système européen d’amélioration de la réglementation sous tous ses aspects et à utiliser systématiquement les outils et lignes directrices pour une meilleure réglementation dans le cadre de leurs travaux.

1.2.

Le CESE souligne que l’amélioration de la réglementation est un élément essentiel de la bonne gouvernance et du «bien légiférer». Elle peut contribuer à garantir des processus d’élaboration des politiques transparents, responsables et participatifs, qui débouchent sur des règles fondées sur des données probantes, examinées de manière indépendante, simples, claires, cohérentes, efficaces, durables, adaptées à l’objectif poursuivi, proportionnées, à l’épreuve du temps et facilement applicables. Il s’agit là d’une condition préalable essentielle pour asseoir la légitimité démocratique de l’Union européenne et de ses institutions, ainsi que la confiance des citoyens à leur égard.

1.3.

Le CESE fait valoir que les instruments pour une meilleure réglementation doivent rester neutres sur le plan politique et clairement séparés du processus décisionnel politique, qui doit être laissé aux instances politiques désignées et légitimes. Il convient de toujours considérer les aspects économiques, environnementaux et sociaux de la législation de l’Union sur un pied d’égalité tout en s’appuyant sur une analyse à la fois quantitative et qualitative pour en évaluer les incidences.

1.4.

Le CESE attire l’attention sur le fait que la pandémie de COVID-19 est une crise sanitaire, sociale et économique sans précédent dans l’Europe de l’après-1945. Il invite donc la Commission à accorder une attention particulière, dans les circonstances exceptionnelles actuelles, aux multiples incidences des mesures qu’elle propose sur les différentes dimensions de cette crise, afin de favoriser une sortie rapide et totale de celle-ci.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE prend acte du retard important pris dans la publication de la communication. Il invite instamment la Commission à rattraper le temps perdu, à clarifier ses propositions conformément aux observations ci-après et à mettre en œuvre le plus rapidement possible les actions qu’elle propose.

2.2.

Le CESE souligne qu’une meilleure réglementation peut contribuer à créer les meilleurs cadres réglementaires possibles pour les citoyens, les travailleurs, les entreprises et les administrations publiques. Il attire l’attention sur le fait que l’amélioration de la réglementation devrait contribuer à l’achèvement du marché unique dans tous les domaines, améliorer son fonctionnement et renforcer sa résilience et sa compétitivité, permettre la recherche et l’innovation, stimuler la croissance durable et la création d’emplois de qualité, soutenir les transitions écologique et numérique et renforcer sa dimension sociale, ainsi que l’économie sociale de marché, comme le prévoit l’article 3 du TFUE.

2.3.

Le CESE encourage la Commission à continuer de promouvoir les principes et les outils d’amélioration de la réglementation dans l’ensemble de ses services, notamment par la formation régulière du personnel à tous les niveaux, afin d’assurer la sensibilisation à ces principes et outils ainsi que leur respect.

2.4.

Se référant à ses précédents avis (1), le CESE rappelle que «l’objectif n’est pas de réglementer “plus”, de réglementer “moins” ou de déréglementer certains domaines politiques ou de les reléguer derrière d’autres priorités et, partant, de remettre en question les valeurs que défend l’Europe, à savoir la protection sociale, la protection de l’environnement et les droits fondamentaux» (2). Il souligne en outre que l’amélioration de la réglementation ne doit pas se traduire par une bureaucratisation excessive de l’élaboration des politiques de l’UE ni remplacer les décisions politiques par des procédures techniques.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE est la voix institutionnelle de la société civile organisée européenne et sert d’intermédiaire entre, d’une part, les législateurs de l’UE et, d’autre part, les organisations de la société civile et les partenaires sociaux. Le Comité a une longue expérience et une grande expertise sur toutes les questions ayant trait au programme pour une meilleure réglementation. Il présente ci-après son évaluation relative aux aspects spécifiques couverts par la communication ainsi qu’aux autres aspects non couverts par celle-ci qu’il juge nécessaire de souligner.

3.2.   Subsidiarité et proportionnalité

3.2.1.

Le CESE rappelle les recommandations qu’il a formulées en matière de subsidiarité et de proportionnalité dans ses précédents avis (3). Il réaffirme que l’Union ne doit intervenir que dans la mesure où les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont pleinement respectés et où une action commune apporte une valeur ajoutée pour tous. À cette fin, le Comité encourage la Commission à mettre pleinement en œuvre les suggestions formulées par la task-force «Subsidiarité, proportionnalité et “faire moins mais de manière plus efficace”» (4).

3.3.   Collecte des données probantes et consultations publiques

3.3.1.

Le CESE se félicite de l’annonce faite par la Commission concernant la nécessité de rationaliser et de faciliter la collecte de données probantes. Il se félicite également de l’objectif visant à associer davantage les parties prenantes concernées et la communauté scientifique à l’élaboration des politiques et à faciliter l’accès du public aux données étayant les propositions.

3.3.2.

En ce qui concerne la consultation des parties prenantes, le CESE renvoie à son avis (5) et à l’avis de la plateforme REFIT (6), qu’il a contribué à élaborer. Il souligne que les consultations publiques constituent un élément essentiel de la collecte de données factuelles et qu’elles ne doivent jamais être organisées «pour la forme», sur la base de résultats prédéterminés. La Commission devrait toujours s’efforcer de consulter les personnes les plus directement concernées par les mesures proposées et garantir la représentativité. En outre, les consultations publiques ne devraient pas porter atteinte au rôle consultatif du CESE, ni à l’autonomie ni aux prérogatives des partenaires sociaux prévues par les traités, notamment en ce qui concerne les questions sociales et d’emploi (le dialogue social).

3.3.3.

Le CESE encourage la Commission à appliquer scrupuleusement les lignes directrices du chapitre VII de la boîte à outils pour une meilleure réglementation sur les consultations des parties prenantes (7) lors de la planification et de la mise en œuvre des consultations. Il souligne en particulier que les questionnaires doivent toujours être clairs, simples et faciles à utiliser, être fournis dans un format modifiable, permettre une réponse ouverte et des commentaires, ainsi que le téléchargement de documents supplémentaires, et éviter les questions orientées.

3.3.4.

Le CESE rappelle à la Commission que, compte tenu de son rôle représentatif, il est bien placé pour aider à identifier les parties prenantes les plus touchées par les mesures proposées. Il invite la Commission à le consulter plus étroitement lors de l’élaboration de stratégies de consultation et dans le cadre de l’identification des groupes cibles concernés.

3.3.5.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de mieux informer les parties prenantes sur la manière dont leurs contributions ont été utilisées. Un retour d’information approprié sur la façon dont les contributions ont guidé la prise de décision est essentiel pour préserver la confiance du public dans le processus d’élaboration des politiques et sa participation continue à celui-ci.

3.3.6.

Le CESE presse la Commission de répondre à sa demande de longue date d’expliquer, en pratique et en détail, comment elle pondère les contributions reçues lors des consultations publiques en fonction de leur représentativité. Dans un contexte marqué par la désinformation, les campagnes de masse (notamment via les médias sociaux) et l’utilisation de robots, cette pondération devient de plus en plus importante.

3.4.   Analyses d’impact

3.4.1.

Le CESE rappelle son avis (8) relatif à la manière d’améliorer l’écosystème européen en matière d’analyse d’impact.

3.4.2.

Le CESE souligne que, par défaut, la Commission devrait étayer chaque proposition législative par une analyse d’impact pleinement élaborée. Si elle ne le fait pas, elle doit expliquer en détail les raisons de sa décision et fournir toutes les informations et données qui sous-tendent et/ou soutiennent ladite proposition.

3.4.3.

Le CESE invite le Parlement européen et le Conseil à respecter l’engagement pris dans l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» (9) et à mener leurs propres analyses d’impact sur les modifications substantielles apportées au cours du processus législatif, y compris lors des négociations en trilogue. Il suggère que la Commission et les législateurs élaborent, conjointement avec le comité d’examen de la réglementation, un ensemble commun de critères permettant de définir ce qu’on entend par «substantiel» et de mieux déterminer quand des modifications nécessitent une analyse d’impact supplémentaire.

3.4.4.

Le CESE rappelle qu’il a invité la Commission à mettre en place une matrice intelligente d’évaluation (10) qui permette une modélisation dynamique de l’impact des amendements substantiels des colégislateurs en objectivant l’impact de certains paramètres mais aussi de données qualitatives. À cet égard, le Comité plaide pour l’établissement d’un projet pilote sur la modélisation intelligente.

3.4.5.

Le CESE prend note avec inquiétude des conclusions du rapport annuel 2020 du comité d’examen de la réglementation (11) sur la qualité des analyses d’impact de la Commission, dans lequel il indique qu’«en 2020, le comité a émis beaucoup moins d’avis favorables (12 % des avis) et davantage d’avis défavorables (46 % des avis)». Le rapport poursuit: «la note qualitative moyenne des projets soumis initialement était également sensiblement inférieure à celles des années précédentes. […] Dans de nombreux cas, la moindre qualité était due à un manque de temps pour préparer les analyses d’impact, compte tenu de délais politiques ambitieux de mise en œuvre des priorités de la nouvelle Commission». Par conséquent, le CESE invite instamment la Commission à fixer des délais réalistes, de manière à toujours permettre à ses services de mener des analyses d’impact pleinement élaborées.

3.4.6.

Le CESE prend acte avec préoccupation des conclusions du rapport du comité d’examen de la réglementation concernant les informations de la Commission relatives aux scénarios, qui constatent que: «L’ensemble des scénarios envisagés était souvent incomplet, marqué par une tendance à se concentrer uniquement sur le choix (politique) privilégié, sans inclure d’autres scénarios soutenus par les principaux groupes de parties prenantes. D’autres analyses d’impact ont omis des choix importants parce que les services considéraient qu’ils devaient d’abord recevoir des orientations politiques». Le CESE souligne que l’objectif des analyses d’impact est de présenter des éléments factuels et des analyses en vue d’opérer des choix politiques et non de justifier le choix privilégié par la Commission. Il demande instamment à celle-ci de s’abstenir d’établir des rapports biaisés.

3.4.7.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission d’«intégrer les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies», ce qui est conforme à une demande antérieure du Comité (12), et d’axer les analyses d’impact sur le soutien à la «double transition». Dans le même ordre d’idées, le Comité insiste sur le fait que les analyses d’impact doivent rester un exercice factuel, fondé sur des données probantes et neutre sur le plan politique, et que le processus d’analyse d’impact ne doit pas viser à justifier un résultat privilégié sur le plan politique ni remplacer la prise de décision politique par les organes compétents. Les impacts pertinents ne doivent pas être classés en fonction des préférences politiques, mais toujours être analysés sur un pied d’égalité. Le CESE restera particulièrement vigilant quant à la mise en œuvre concrète de cette intégration dans le cadre de la révision de la boîte à outils pour une meilleure réglementation, qu’il examinera si nécessaire dans un avis complémentaire.

3.4.8.

Le CESE insiste sur la nécessité de systématiquement «penser en priorité aux PME» et d’appliquer pleinement le «test PME» dans les analyses d’impact. Il rappelle à la Commission les dix principes qui guident l’élaboration des politiques en faveur des PME, tels qu’énoncés dans le «Small Business Act» pour l’Europe (SBA). Le Comité souligne que, pour les PME, et en particulier pour les microentreprises, la législation de l’Union doit être efficace et facilement applicable. Il salue l’intention de la Commission de consulter le représentant de l’UE pour les PME au cours de ses travaux liés aux analyses d’impact et invite ce dernier à maintenir un dialogue et une collaboration structurés avec les organisations nationales concernées par les intérêts des PME. Enfin, le CESE demande à la Commission de limiter les charges pesant sur les PME, y compris les microentreprises, et d’évaluer de manière plus systématique les possibilités de régimes moins contraignants, sur la base d’une évaluation au cas par cas afin de déterminer si toutes les PME sont concernées ou uniquement les micro-entreprises, comme le prévoit l’outil no 22 de la boîte à outils pour une meilleure réglementation, sans compromettre la réalisation des objectifs définis par la législation ou les règles et les normes établies.

3.4.9.

Le CESE rappelle son précédent avis (13) dans lequel il indique que des analyses d’impact peuvent et doivent également être menées systématiquement pour les actes délégués et les actes d’exécution. Il rappelle à la Commission que «le fait d’avoir procédé à une analyse d’impact pour le texte législatif dont découlent les actes délégués et les actes d’exécution ne saurait suffire pour justifier l’absence d’analyse d’impact concernant les actes dérivés. Chaque acte doit être évalué selon des critères qui lui sont propres […].»

3.4.10.

Le CESE se félicite de l’annonce de la Commission indiquant son intention d’intégrer la prospective stratégique dans l’élaboration des politiques de l’UE et renvoie à son propre avis sur cette question (14). En tant que représentant d’un très large éventail de points de vue provenant de tous les États membres et en sa qualité de membre observateur du système européen d’analyse stratégique et politique (ESPAS), il est prêt à apporter une contribution et des informations importantes dans le cadre du processus de prospective.

3.5.   Le comité d’examen de la réglementation

3.5.1.

Le CESE se félicite tout particulièrement des travaux du comité d’examen de la réglementation visant à assurer un contrôle réglementaire. Afin de garantir que ce comité puisse mener pleinement à bien son mandat, le CESE invite la Commission à veiller à ce qu’il dispose de ressources et de capacités suffisantes.

3.5.2.

Le CESE souligne que le comité d’examen de la réglementation n’est pas formellement indépendant. Parmi ses sept membres, quatre sont membres de la Commission. Afin de garantir un meilleur équilibre, le CESE suggère d’élargir le comité d’examen de la réglementation à un membre externe supplémentaire.

3.6.   Réduction de la charge administrative et approche «un ajout, un retrait»

3.6.1.

Le CESE prend acte de l’intention de la Commission de limiter le flux des coûts et charges réglementaires découlant des nouvelles réglementations et de réduire les coûts et charges existants inutiles pour les citoyens, les entreprises et les administrations publiques. Dans le même ordre d’idées, le Comité rappelle qu’il plaide pour une approche qualitative qui fonctionne à part égale avec l’analyse quantitative et prenne également en compte les bénéfices attendus de la législation (15). Comme l’a indiqué le Comité dans son avis (16), «les coûts de la réglementation doivent être proportionnels aux bénéfices qu’ils engendrent». Il insiste donc sur l’importance capitale que revêt le principe de proportionnalité lors de l’adoption d’une nouvelle législation. En outre, la Commission devrait toujours évaluer le coût de l’absence d’action, par exemple en ce qui concerne l’approfondissement du marché unique ainsi que les défis sociaux et environnementaux.

3.6.2.

Dans le même ordre d’idées, le CESE souligne que la réduction des charges ne doit pas conduire à une désharmonisation au sein du marché unique ni créer une pression poussant à la déréglementation. Elle ne doit pas non plus compromettre les objectifs stratégiques, abaisser les normes économiques, sociales et environnementales élevées de l’UE, ni empêcher l’adoption de nouvelles initiatives lorsque celles-ci apportent une valeur ajoutée manifeste. Toutefois, les charges doivent être réduites lorsqu’il est démontré qu’elles ne sont pas nécessaires à la réalisation de l’objectif politique.

3.6.3.

Concernant l’approche «un ajout, un retrait», au titre de laquelle chaque proposition législative qui génère une nouvelle charge doit délester les citoyens et les entreprises d’une charge équivalente au niveau de l’Union dans le même domaine d’action, le CESE constate avec inquiétude que, contrairement aux annonces de la Commission, la communication ne présente pas les détails opérationnels et méthodologiques de son application. Cela complique la capacité du CESE à examiner les avantages et les défis éventuels liés à celle-ci. Le Comité demande dès lors à la Commission de fournir ces détails sans plus attendre et se réserve le droit de réaliser une évaluation supplémentaire de la méthodologie d’application de l’approche «un ajout, un retrait» une fois celle-ci publiée.

3.6.4.

Le CESE souligne que, bien que l’approche «un ajout, un retrait» puisse être un instrument d’amélioration de la réglementation, elle ne peut en aucun cas être considérée comme un instrument «autosuffisant» de réduction des charges. Cette approche constitue plutôt un outil complémentaire qu’il convient d’utiliser en synergie avec les outils existants de l’UE en matière d’amélioration de la réglementation, tels que les analyses d’impact, les consultations publiques, les évaluations et le contrôle réglementaire. Le CESE se félicite de l’assurance donnée par la Commission que l’approche «un ajout, un retrait» ne sera pas appliquée mécaniquement ou sur la base d’objectifs chiffrés déterminés ex ante, mais bien sur celle d’une évaluation au cas par cas, qui précisera spécifiquement ce qu’il est possible de simplifier, de rationaliser ou de supprimer, sans perdre de vue les avantages que procure la législation en question. Le Comité restera particulièrement vigilant à ce que la Commission respecte effectivement cet engagement. En outre, il attire l’attention sur le rôle de la plateforme «Prêts pour l’avenir», dont il est membre, s’agissant de conseiller la Commission en matière de simplification de la législation de l’Union et de réduction des charges inutiles, tout en veillant à ce que les politiques de l’Union soient tournées vers l’avenir et pertinentes à la lumière des nouveaux défis que sont notamment les évolutions sociales, environnementales, géopolitiques, technologiques et numériques.

3.6.5.

Le CESE souligne que la mise en œuvre de l’approche «un ajout, un retrait» doit être considérée comme un effort institutionnel conjoint nécessitant une coopération étroite entre toutes les institutions de l’UE tout au long du cycle législatif. Conformément au paragraphe 3.4.3 du présent avis, le CESE invite le Parlement européen et le Conseil à veiller à ce que la législation de l’Union atteigne ses objectifs de la manière la plus rentable possible. Cela requiert une coopération étroite entre les législateurs et la Commission à tous les stades du processus politique, ainsi que le partage d’informations entre les États membres et la Commission concernant les coûts et les bénéfices découlant de la législation de l’UE une fois celle-ci mise en œuvre.

3.6.6.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de fournir, dans chaque analyse d’impact, une estimation des coûts administratifs et d’ajustement découlant de l’intervention qu’elle propose. Il note toutefois que seuls les coûts administratifs seront compensés par l’approche «un ajout, un retrait», tandis que les coûts d’ajustement le seront par d’autres instruments tels que la facilité pour la reprise et la résilience, la politique de cohésion et les fonds agricoles, ainsi que le mécanisme pour une transition juste. Les coûts d’ajustement pouvant imposer une charge importante aux entreprises, en particulier aux PME et aux microentreprises, le Comité invite la Commission à inclure, parallèlement à l’estimation des coûts, des propositions concrètes de mesures visant à aider les entreprises à s’adapter aux nouveaux cadres réglementaires et à s’y conformer, ainsi qu’à maintenir la stabilité de l’emploi et à assurer aux travailleurs leur formation et leur reconversion professionnelles.

3.6.7.

Le CESE note l’intention de la Commission d’envisager de substituer un cadre harmonisé unique aux 27 réglementations nationales et de comptabiliser automatiquement les gains d’efficacité comme «retraits». Il s’agit là d’une approche mécanique dont la Commission prétend par ailleurs s’abstenir. L’harmonisation n’entraîne pas automatiquement de gains d’efficacité; ses incidences doivent être évaluées au cas par cas. Le Comité invite donc la Commission à toujours définir les «retraits» sur la base d’une analyse coûts-bénéfices individuelle.

3.6.8.

En ce qui concerne les dispositions en matière de flexibilité dans le cadre de l’approche «un ajout, un retrait», le CESE demande à la Commission de préciser les critères sur la base desquels elle décidera des exemptions et déterminera les «circonstances exceptionnelles» dans lesquelles les «échanges» entre domaines d’action sont possibles.

3.6.9.

Le CESE constate que l’approche «un ajout, un retrait» ne s’appliquera qu’aux initiatives figurant dans le programme de travail annuel de la Commission pour 2022, excluant ainsi les grandes initiatives politiques présentées au cours de la première moitié du mandat de la Commission. À cet égard, la Commission ne tient donc pas compte de l’engagement pris par sa présidente, Ursula von der Leyen, lors de la présentation des méthodes de travail de la Commission (17) ainsi que dans ses lettres de mission aux commissaires, selon laquelle: «Le collège appliquera le principe “pas de nouvel acte sans abrogation préalable d’un acte existant” (règle du “one in, one out”) [pour] chaque proposition législative qui génère une nouvelle charge[…].»

3.6.10.

Le CESE invite la Commission à mettre en place un cadre approprié pour l’établissement de rapports sur la mise en œuvre de l’approche «un ajout, un retrait», de manière à garantir une évaluation adéquate dans les années à venir.

3.7.   Plateforme «Prêts pour l’avenir» (Fit for Future)

3.7.1.

Le CESE se félicite de la création de la plateforme «Prêts pour l’avenir» (ci-après «la plateforme»). Il rappelle que le mandat de la plateforme porte sur l’évaluation ex post et ne couvre pas la proposition de nouvelle législation. Le Comité participera activement à ses travaux.

3.7.2.

Le CESE souligne que les contributions apportées par l’intermédiaire du portail «Donnez votre avis — Simplifions!» doivent continuer à contribuer au programme de travail annuel de la plateforme, même si elles ne sont pas couvertes par l’annexe II du programme de travail de la Commission. En outre, la plateforme devrait pouvoir toujours conseiller la Commission sur les flux de travail horizontaux de l’amélioration de la réglementation.

3.7.3.

Le CESE suggère que la personne ou l’organisation qui apporte une contribution à la plateforme reçoive un retour d’information motivé de la Commission sur la manière dont le dossier a été traité.

3.8.   Suivi et évaluations ex post

3.8.1.

Le CESE soutient résolument le principe «évaluer avant d’agir» et encourage la Commission à veiller à son application systématique.

3.8.2.

Le Comité se félicite de la coopération fructueuse établie avec la Commission dans le cadre des travaux d’évaluation ex post, au cours desquels sa contribution s’est avérée utile pour améliorer les évaluations de la Commission grâce aux contributions de la société civile organisée. Le Comité appelle à un renforcement continu de cette coopération. Il demande également instamment que les évaluations du CESE soient incluses dans le registre commun des données, le «portail législatif commun».

3.8.3.

Concernant le suivi de la législation européenne mise en œuvre, le CESE prévient que les obligations de suivi et de déclaration en vue de recueillir les informations et les données nécessaires doivent toujours être proportionnées et ne pas peser indûment sur les citoyens, les entreprises ou les administrations publiques.

3.8.4.

Le CESE prend note avec inquiétude des conclusions du rapport du comité d’examen de la réglementation concernant les évaluations de la Commission. Selon ce rapport: «les conclusions des évaluations ne reflétaient pas correctement les constatations. Le comité a régulièrement fait part de ses préoccupations quant au fait que les conclusions sont des lectures sélectives des éléments probants ou ne sont pas suffisamment claires quant aux faiblesses des données factuelles recueillies. Cette lacune revêt une importance cruciale dans la mesure où elle empêche l’évaluation de remplir sa fonction principale d’exercice d’apprentissage». Le CESE demande instamment à la Commission de rendre compte de l’efficacité de la législation de l’Union de manière objective.

3.8.5.

Le CESE constate avec inquiétude que les services de la Commission ne sont pas tenus de soumettre à nouveau des rapports d’évaluation en cas d’avis défavorable du comité d’examen de la réglementation. Il suggère d’appliquer aux évaluations le même régime qu’aux analyses d’impact et d’obliger les services de la Commission à réviser les rapports en cas de premier avis défavorable et à obtenir officiellement un avis favorable du comité.

3.9.   Mise en œuvre et respect des règles

3.9.1.

Le CESE renvoie à ses recommandations sur la mise en œuvre et le respect des règles dans son avis (18).

3.9.2.

Le CESE accueille favorablement le plan d’action à long terme visant à mieux appliquer et faire respecter les règles du marché unique (19) et encourage la Commission à mettre en œuvre rapidement les actions qu’elle propose.

3.9.3.

Le CESE rappelle que la plus grande part de la charge réglementaire pesant sur les citoyens et les entreprises continue d’être générée au niveau national en raison de la procédure et de la méthode de transposition et de l’application inadéquate du droit de l’Union par les autorités nationales. Si les législateurs nationaux, exerçant leur pouvoir d’appréciation, décident d’ajouter des exigences au niveau national, ils devraient le faire en toute transparence, en informer la Commission et les autres autorités nationales et en expliquer les raisons, conformément à leur engagement dans le cadre de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer». Les États membres devraient également garder à l’esprit les incidences que pourraient avoir leurs ajouts sur l’intégrité et le bon fonctionnement du marché unique et, si possible, éviter de prendre des mesures susceptibles d’entraîner des distorsions et une fragmentation importantes.

3.9.4.

En outre, le CESE préconise, comme signalé dans ses avis (20), d’accorder la priorité aux règlements plutôt qu’aux directives afin d’éviter un manque de cohérence réglementaire dans l’UE et de soutenir l’intégration du marché unique. Toutefois, il note que les niveaux actuels de protection des citoyens, des consommateurs, des travailleurs et de l’environnement ne peuvent aucunement être revus à la baisse.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 192, JO C 262 du 25.7.2018, p. 22.

(2)  COM(2015) 215 final.

(3)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 51 et JO C 262 du 25.7.2018, p. 22.

(4)  C(2017) 7810.

(5)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 57.

(6)  «REFIT Platform Opinion on submissions XXII.4.a by the DIHK and XXII.4.b by a citizen on Stakeholder consultation mechanisms» [Avis de la plateforme REFIT sur les questions XXII.4 soulevées par la DIHK et par un citoyen, sur les mécanismes de consultation des parties prenantes], adopté le 7.6.2017.

(7)  Commission européenne, Boîte à outils pour une meilleure réglementation (site web europa.eu).

(8)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 11.

(9)  JO L 123 du 12.5.2016, p. 1 (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016Q0512(01)&from=FR).

(10)  JO C 14 du 15.1.2020, p. 72.

(11)  https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/rsb_report_2020_en_0.pdf

(12)  JO C 14 du 15.1.2020, p. 72.

(13)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 22.

(14)  JO C 220 du 9.6.2021, p. 67.

(15)  JO C 434 du 15.12.2017, p.11.

(16)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 51.

(17)  P(2019) 2.

(18)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 22.

(19)  https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/communication-enforcement-implementation-single-market-rules_en_0.pdf

(20)  JO C 18 du 19.1.2011, p. 95.


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/51


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2013/34/UE, 2004/109/CE et 2006/43/CE ainsi que le règlement (UE) no 537/2014 en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises

[COM(2021) 189 final — 2021/104 (COD)]

(2021/C 517/07)

Rapporteur:

Marinel Dănuț MURESAN

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 22.6.2021

Parlement européen, 23.6.2021

Base juridique

Articles 50 et 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

226/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition relative à la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (Corporate Sustainability Reporting directive, CSRD) et estime que la publication d’informations de qualité élevée en matière de durabilité constituera un élément essentiel de la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe et notamment des objectifs ambitieux du paquet «Ajustement à l’objectif 55».

1.2.

Plus particulièrement, l’extension du champ d’action de la CSRD à toutes les grandes entreprises remplissant certaines conditions, ainsi qu’aux PME cotées, soutiendra la transformation de l’économie européenne conformément à l’accord de Paris, tout comme le mandat confié à l’EFRAG d’élaborer des normes de l’Union cohérentes en matière d’information non financière.

1.3.

À la suite du plan d’action sur le financement de la croissance durable, le CESE se félicite de l’accent mis par la Commission européenne sur l’incitation à la publication de données de haute qualité en matière de durabilité par les entreprises et les institutions financières. Les secteurs public et privé doivent œuvrer de concert à ce résultat et le cadre législatif pour la finance durable et l’information des entreprises jouera un rôle crucial à cet égard.

1.4.

Le CESE encourage les colégislateurs à évaluer les coûts opérationnels et administratifs liés à l’inclusion progressive et volontaire des PME dans le champ d’application de la directive, et à envisager d’éventuelles mesures de soutien supplémentaires pour contribuer à compenser toute charge administrative et opérationnelle pour ce segment crucial de l’économie.

1.5.

Le CESE se félicite grandement de la clarification par la Commission européenne du principe de double importance relative (double materiality) et de son adhésion à ce principe, et accueille favorablement la description qui en est donnée au paragraphe 3 de la proposition.

1.6.

Le CESE soutient le mandat donné au Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG) de préparer l’avis technique en vue de l’élaboration de normes européennes pour la communication d’informations non financières. Ce processus de normalisation doit associer toutes les parties prenantes ayant un intérêt significatif à la préparation et à l’utilisation d’informations en matière de durabilité: il convient de s’assurer que les acteurs financiers et non financiers concernés du monde de l’entreprise, les partenaires sociaux et la société civile aient un rôle clair à jouer à tous les stades.

1.7.

Le CESE encourage la Commission européenne, les autorités européennes de surveillance et les colégislateurs à veiller à un alignement rigoureux, sur le plan du contenu et du séquençage, des différentes composantes du cadre de publication des informations en matière de durabilité, y compris celles qui concernent les établissements financiers.

1.8.

Le CESE encourage également la Commission européenne et l’EFRAG à réfléchir à la manière dont des exigences spécifiques en matière de publication d’informations pays par pays sur les risques et les incidences en matière de durabilité, pour toutes les entités relevant du champ d’application, pourraient encourager la publication d’informations plus détaillées et significatives.

1.9.

Enfin, le CESE invite la Commission européenne à envisager de renforcer l’éducation financière et l’éducation à la durabilité. Si la proposition à l’examen garantira que les entreprises et les établissements financiers seront en mesure de fournir des données précises aux utilisateurs finaux, aux futurs bénéficiaires et aux autres investisseurs finaux, un effort complémentaire est toutefois nécessaire pour permettre à ceux-ci de canaliser leur épargne vers des investissements durables avec une confiance suffisante. Le CESE se félicite donc des engagements pris à cet égard dans le cadre de la stratégie pour le financement de la transition vers une économie durable (1).

2.   Proposition de la Commission

2.1.

La directive sur la publication d’informations non financières 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil (2) portant modification à la directive comptable, a été adoptée en 2014. Les entreprises relevant du champ d’application de la directive ont dû faire rapport conformément à ses dispositions pour la première fois en 2018 (pour l’exercice 2017).

2.2.

Conformément à la directive sur la publication d’informations non financières, la Commission a publié en 2017 des lignes directrices non contraignantes sur le sujet à l’intention des entreprises (3). En 2019, elle a publié des lignes directrices supplémentaires relatives aux informations en rapport avec le climat (4). Ces lignes directrices n’ont pas permis d’améliorer suffisamment la qualité des informations publiées par les entreprises dans les conditions prévues par la directive sur la publication d’informations non financières.

2.3.

La Commission européenne s’est engagée à proposer une révision de la directive sur la publication d’informations non financières dans le cadre du pacte vert pour l’Europe et de son programme de travail pour 2020 (5).

2.4.

En mars 2018, la Commission européenne a publié le plan d’action sur le financement de la croissance durable (6), qui a réaffirmé la nécessité de poursuivre la normalisation des informations non financières que les entreprises sont tenues de communiquer et qui sont nécessaires pour orienter les décisions d’investissement. Après le plan d’action, la Commission a publié trois propositions législatives visant à préciser davantage la nature des données demandées aux entreprises à cette fin: le règlement sur la taxinomie (7), le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité (8) et le règlement relatif à l’indice de référence «bas carbone» (9).

2.5.

Dans son rapport d’initiative sur la finance durable de mai 2018, le Parlement européen a appelé à renforcer encore les obligations de déclaration dans le cadre de la directive sur la publication d’informations non financières (10). Dans sa résolution de décembre 2020 sur la gouvernance d’entreprise durable, il s’est félicité de l’engagement pris par la Commission de réviser la directive sur la publication d’informations non financières, a demandé une extension de son champ d’application afin d’y inclure d’autres catégories d’entreprises et a salué la volonté de la Commission d’élaborer des normes de l’Union en matière d’information non financière (11). Le Parlement européen a également estimé que les informations non financières publiées par les entreprises conformément à la directive devraient faire l’objet d’un audit obligatoire.

2.6.

La directive sur la publication d’informations non financières, ainsi que le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers et le règlement sur la taxinomie, sont les éléments centraux des exigences régissant la publication d’informations relatives à la durabilité qui sous-tendent la stratégie de l’UE en matière de finance durable.

2.7.

L’objectif de la présente proposition est par conséquent d’améliorer la publication d’informations sur la durabilité afin de mieux exploiter les possibilités qu’offre le marché unique européen de contribuer à la transition vers un système économique et financier totalement durable et inclusif, conformément au pacte vert pour l’Europe, et notamment au paquet «Ajustement à l’objectif 55», et aux objectifs de développement durable des Nations unies.

3.   Observations générales

3.1.

L’Europe sort actuellement d’une situation d’urgence sanitaire qui a mis en évidence la nécessité de disposer d’un système financier et économique résilient pour être en mesure à l’avenir de nous préserver des crises imprévues. Comme l’a soutenu la Banque centrale européenne, la pandémie constitue «un rappel brutal que, pour éviter que le changement climatique ne porte durablement préjudice à l’économie mondiale, des changements structurels fondamentaux s’imposent dans notre économie, lesquels passent par des modifications systématiques dans la manière dont l’énergie est produite et consommée» (12). Dans le même temps, la BCE souligne que ne pas agir avec l’urgence requise menace la vie humaine elle-même, particulièrement celle des plus pauvres et des plus vulnérables. La qualité des informations non financières communiquées par les entreprises est un élément crucial pour s’assurer que les deux dimensions du problème soient dûment prises en compte.

3.2.

Parallèlement, le fait de progresser sur la voie de l’union des marchés des capitaux (UMC) contribuera à ce que l’industrie européenne, dont les PME, qui concourent à plus de la moitié du PIB européen (13), constituent l’épine dorsale, puisse continuer de prospérer, de créer des emplois de qualité et de renforcer la compétitivité à long terme de l’Union européenne. Ces avancées sur la voie de l’UMC dépendent de l’allocation de capitaux aux entreprises en pleine transition pour leur permettre d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris et de soutenir ceux du pacte vert pour l’Europe, et de la garantie que l’éducation financière et l’éducation à la durabilité feront partie intégrante des engagements de l’Europe.

3.3.

Des données d’entreprise de grande qualité, comparables, pertinentes, répondant aux critères de la double importance relative (double materiality), constituent une condition préalable essentielle pour que le secteur financier soit en mesure d’évaluer le profil de durabilité des clients et contreparties non financiers et financiers, lui permettant d’aider ses clients à atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Le CESE invite les colégislateurs à s’assurer que la proposition à l’examen réponde à cet objectif clé, qui constituera la base d’une reprise durable après la pandémie de COVID-19 et garantira la compétitivité et la croissance à long terme du marché unique.

3.4.

Le Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG) est chargé d’élaborer les normes techniques (ci-après «les normes») qui mettront en pratique le texte législatif. À la suite du rapport final de l’EFRAG sur la question (14), le CESE encourage la plateforme de l’UE sur la finance durable et la plateforme internationale sur la finance durable à consulter étroitement l’EFRAG en vue de déterminer un niveau de détail approprié pour les normes, en veillant à ce que les entités communiquant les informations fournissent des données significatives et comparables. Compte tenu de l’évolution rapide de la situation au niveau international dans le domaine de la publication d’informations sur la durabilité, notamment l’utilisation généralisée, tant par les entreprises que par les institutions financières, des cadres de la GRI, du SASB et du groupe de travail sur la divulgation d’informations financières en rapport avec le climat, le CESE recommande que les normes s’inspirent des principales dispositions de ces cadres. Comme l’a également souligné l’EFRAG, la coopération internationale dans ce domaine ne devrait toutefois pas entraver l’ambition de l’Union en tant que chef de file mondial en matière de durabilité en ce qui concerne la portée du cadre réglementaire européen et le rythme de son élaboration. Garantir une représentation équilibrée des principaux groupes de parties prenantes, y compris les partenaires sociaux, dans la structure de gouvernance de l’EFRAG permettra de s’assurer que ce processus soit mis en œuvre aussi résolument que possible.

3.5.

Pour garantir la fourniture de données comparables et de haute qualité, il sera crucial de veiller à la cohérence dans l’adoption des pratiques en matière de communication d’informations relatives à la durabilité dans l’ensemble de l’Union à 27. Le CESE encourage les colégislateurs à veiller à ce que les négociations aboutissent à un résultat suffisamment souple pour que les dispositions de la directive ne fassent pas l’objet de modifications importantes au cours du processus de transposition, en raison du fait qu’un règlement n’aurait pas été adopté. Cela revêt en effet une importance cruciale pour garantir la cohérence des obligations de déclaration dans l’ensemble de l’Union à 27, prévenir la fragmentation du marché et encourager la circulation sans entrave des capitaux de manière égale dans toutes les juridictions. Si le CESE ne doute pas que les normes à venir seront appliquées de manière cohérente dans toute l’Union à 27, il est essentiel de souligner l’importance de s’assurer que les résultats de la transposition de la directive CSRD et du processus de normalisation rendent possible, sur l’ensemble du territoire de l’Union à 27, une communication d’informations en matière de durabilité qui soit de grande qualité, comparable et significative. Des études empiriques réalisées antérieurement par la société civile ont mis en évidence d’importantes différences régionales, qui sont susceptibles de compromettre cet objectif (15).

4.   Observations particulières

4.1.   Champ d’action

4.1.1.

Le CESE se félicite de l’élargissement du champ d’application de la directive aux PME cotées — à l’exclusion de celles cotées dans le cadre de systèmes multilatéraux de négociation (MTF) ou sur les marchés de croissance des PME — et des dispositions relatives aux déclarations volontaires pour les PME non cotées, ainsi que de la période de transition de trois ans et de la norme simplifiée pour les PME cotées. En raison des contraintes administratives et opérationnelles considérables auxquelles sont soumises les PME pour obtenir les données appropriées et préparer leurs rapports, contraintes encore exacerbées par les effets de la pandémie de COVID-19, le CESE soutient le champ d’application actuel de la proposition à cet égard. Cette approche équilibrée permet aux PME de répondre de manière prévisible aux attentes croissantes en matière d’information sur la durabilité de leurs investisseurs et des parties prenantes au sens large, tout en leur laissant la souplesse et le temps nécessaires pour satisfaire progressivement et volontairement à ces exigences.

4.1.2.

Le CESE recommande à la Commission européenne de réaliser sans délai une analyse d’impact et une analyse coûts-avantages spécifiquement consacrées aux effets de la période d’introduction progressive et de la norme d’information simplifiée pour les PME cotées et non cotées. Il importe, dans le cadre de ces analyses, d’inclure des données empiriques concrètes et de formuler des recommandations concernant l’inclusion, dans un délai raisonnable, des PME cotées et non cotées opérant dans des secteurs à haut risque, dans le champ d’application de la directive. Le cas échéant, la Commission européenne devrait également envisager des mesures de soutien supplémentaires pour aider les PME dans le cadre de leurs futures obligations de déclaration.

4.2.   Communication d’informations sur les risques et les incidences tout au long des chaînes de valeur

4.2.1.

Le CESE salue l’approche privilégiée dans la directive proposée, qui consiste à inclure des obligations de déclaration couvrant la chaîne de valeur des entités relevant du champ d’application. Compte tenu de la complexité des chaînes de valeur modernes, le CESE recommande des critères plus clairs et plus détaillés pour déterminer quand il y a lieu d’appliquer l’approche portant sur l’ensemble de la chaîne de valeur en matière de déclaration, conformément à la disposition de la directive proposée qui prévoit de la privilégier «le cas échéant», comme indiqué au considérant 29. Étant donné que des risques et impacts significatifs en matière environnementale, sociale et de gouvernance découlent d’activités menées dans les chaînes de valeur, le CESE tient à souligner que ces spécifications supplémentaires ne devraient pas remettre en question l’obligation de faire rapport d’une manière qui favorise une transparence totale concernant les incidences des activités menées dans les chaînes de valeur.

4.3.   Alignement des obligations de déclaration sur le plan du calendrier et du contenu

4.3.1.

Le CESE tient à souligner que le succès de la proposition à l’examen dépend d’un séquençage et d’un alignement minutieux des obligations de déclaration entre la directive CSRD et d’autres cadres législatifs. Étant donné que la proposition répond aux besoins des entreprises relevant du champ d’application qui sont à la fois utilisatrices et préparatrices d’informations non financières, il sera particulièrement important de veiller à ce qu’un délai suffisant soit prévu pour la collecte, l’évaluation et la publication des données pertinentes. Dans le cadre de cette coordination, il s’agira de veiller à ce que les clients non financiers des entités financières relevant du champ d’application de la directive soient tenus de publier les données nécessaires dans un premier temps, afin de permettre ensuite aux entités financières de les évaluer et de préparer leurs propres publications.

4.3.2.

La Commission européenne et les colégislateurs devraient évaluer ces exigences de séquençage, notamment parce qu’elles influencent les entités relevant du champ d’application qui seront soumises à des obligations de déclaration en matière de durabilité en vertu du règlement sur les exigences de fonds propres (16), de l’article 8 du règlement sur la taxinomie, des actes délégués en lien avec le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (17) et de toute norme à venir relative au développement de la taxinomie sociale, ainsi que d’autres taxinomies. Le respect de ces exigences dépendra de la disponibilité de données de qualité fournies sur la base de la proposition à l’examen. Les informations requises dans le cadre de la publication d’informations au titre de la directive CSRD devraient avoir une portée similaire aux données à publier en vertu de ces obligations connexes, y compris celles prévues par les actes délégués du règlement sur la taxinomie, un point qui peut être clarifié davantage dans la proposition de directive et dans les travaux de l’EFRAG lors de l’élaboration des normes, le cas échéant.

4.4.   Assurance

4.4.1.

Le CESE reconnaît l’importance de garantir la qualité et le caractère vérifiable des données non financières publiées au titre de la directive proposée. Le rôle de l’assurance est essentiel à cet égard, et le CESE se félicite de la recommandation de la proposition de recourir à une assurance limitée pour vérifier les données non financières des entités relevant du champ d’application.

4.4.2.

En raison de l’absence d’un cadre convenu d’un commun accord pour l’assurance raisonnable des informations sur la durabilité et la qualité prématurée de certaines formes de données non financières, il est recommandé que les exigences en matière d’assurance restent au niveau d’évaluation requis pour une assurance limitée.

4.5.   Droits de l’homme

4.5.1.

Le CESE se félicite de l’identification plus détaillée des thèmes en lien avec la durabilité sur lesquels des données doivent être publiées, y compris ceux qui ont trait aux incidences sur les communautés et les travailleurs vulnérables. En combinaison avec les progrès prévus dans le cadre de la publication d’une proposition sur la gouvernance d’entreprise durable, le CESE estime que la proposition à l’examen offre une bonne occasion d’élaborer un cadre pratique pour l’évaluation des risques financiers découlant des opérations commerciales qui influencent les communautés, tout en favorisant une bonne compréhension de l’impact des opérations commerciales sur ces mêmes communautés. La définition plus précise des exigences en matière de rapports et de diligence raisonnable devrait soigneusement équilibrer les besoins des partenaires sociaux, en s’appuyant sur un droit de consultation officiel.

4.5.2.

Le CESE encourage les colégislateurs à envisager de définir plus clairement les parties prenantes à prendre en considération et à consulter dans le cadre de ce processus, et à s’assurer que ces exigences soient pleinement alignées sur les dispositions de la future proposition sur la gouvernance d’entreprise durable. Il conviendrait, d’une part, de mettre en évidence le processus que les entreprises devraient entreprendre pour se conformer aux exigences en matière de consultation des parties prenantes, en recensant uniquement les parties prenantes les plus pertinentes, et, d’autre part, de veiller à ce que ce processus soit simple, conçu de manière appropriée et ne rende pas les choses inutilement plus complexes pour les entreprises relevant du champ d’application élargi de la directive proposée.

4.6.   Planification de la transition

4.6.1.

Le CESE reconnaît la nécessité pour les entreprises en transition d’attirer des financements. L’accent mis par la proposition de directive sur l’importance de rendre compte de la compatibilité des modèles et stratégies économiques avec la transition vers une économie durable et la limitation du réchauffement de la planète à 1,5 oC revêt dès lors une importance cruciale. Compte tenu du rapport de l’Agence internationale de l’énergie sur l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 (18), la fourniture de données solides et de haute qualité pour satisfaire à cette exigence de la directive proposée constituera un facteur essentiel pour garantir que les entreprises disposent de plans de transition crédibles et que les banques et les marchés des capitaux puissent les aider à atteindre leurs objectifs. Le CESE est favorable à ce que les exigences relatives à cette compatibilité soient définies de manière plus précise et proportionnée. Ces exigences devraient comprendre des informations supplémentaires sur les scénarios de transition adoptés par les entreprises, ainsi que sur les éléments déterminant leur compatibilité avec les objectifs de la transition juste.

4.7.   Élaboration des normes de l’UE en matière d’information non financière

4.7.1.

Le CESE réitère son soutien au mandat donné à l’EFRAG de fournir des conseils techniques concernant l’élaboration de normes de l’UE en matière d’information non financière. Le Comité souhaite attirer l’attention sur le fait que son mandat requiert «[des] procédures, [un] contrôle public et [une] transparence appropriés», et notamment la consultation d’un large éventail de parties prenantes dans le cadre de l’élaboration des normes, et souligne l’importance de s’assurer que les syndicats, les partenaires sociaux au sens large, les PME et les autres parties prenantes ayant un intérêt significatif à l’élaboration des normes, y compris les entreprises financières et non financières et les organisations de la société civile, soient associés et consultés tout au long de l’élaboration des conseils techniques. À cet égard, il soutient les efforts entrepris par l’EFRAG pour recueillir l’avis des parties prenantes sur l’évolution de sa procédure formelle (19), et espère un résultat final qui garantira l’inclusion de toutes les parties prenantes susmentionnées.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2021) 390 final.

(2)  Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes (JO L 330 du 15.11.2014, p. 1).

(3)  Communication de la Commission C(2017) 4234 final (JO C 215 du 5.7.2017, p. 1).

(4)  Communication de la Commission C(2019) 4490 final (JO C 209 du 20.6.2019, p. 1).

(5)  Communication de la Commission sur le pacte vert pour l’Europe [COM(2019) 640 final]; Remaniement du programme de travail de la Commission pour 2020 [COM(2020) 440 final].

(6)  COM(2018) 97 final.

(7)  Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (JO L 198 du 22.6.2020, p. 13).

(8)  Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (JO L 317 du 9.12.2019, p. 1).

(9)  Règlement (UE) 2019/2089 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne les indices de référence transition climatique de l’Union, les indices de référence accord de Paris de l’Union et la publication d’informations en matière de durabilité pour les indices de référence (JO L 317 du 9.12.2019, p. 17).

(10)  Résolution du Parlement européen du 29 mai 2018 sur la finance durable [2018/2007(INI)] (JO C 76 du 9.3.2020, p. 23).

(11)  Résolution du Parlement européen du 17 décembre 2020 sur la gouvernance d’entreprise durable [2020/2137(INI)] (JO C 445 du 29.10.2021, p. 94).

(12)  https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2020/html/ecb.sp200717~1556b0f988.en.html

(13)  https://ec.europa.eu/growth/smes_fr

(14)  https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/210308-report-efrag-sustainability-reporting-standard-setting_en.pdf

(15)  https://www.allianceforcorporatetransparency.org/assets/Research_Report_EUKI_2020.pdf, p. 51.

(16)  Règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO L 176 du 27.6.2013, p. 1).

(17)  C(2021) 2800 final.

(18)  https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050

(19)  https://www.efrag.org/Assets/Download?assetUrl=%2fsites%2fwebpublishing%2fSiteAssets%2fEFRAG%2520Due%2520Process%2520Procedures_V04.pdf


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/56


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Favoriser une approche européenne en matière d’intelligence artificielle

[COM(2021) 205 final]

(2021/C 517/08)

Rapporteure:

Marie-Françoise GONDARD-ARGENTI

Consultation

Commission européenne, 1.7.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Adoption en section

2.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

235/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la présente révision du plan coordonné sur l’intelligence artificielle (IA), résultant du travail conjoint de la Commission européenne et des États membres. Il invite à son exécution accélérée grâce à la mobilisation de tous les acteurs concernés.

1.2.

Le CESE soutient l’approche holistique de la Commission présidant à sa stratégie en vue d’une IA inclusive et durable, fondée sur la création d’un écosystème d’excellence et de confiance. Les propositions de plan et de réglementation, faisant chacune l’objet d’un avis séparé, en sont les deux piliers pour positionner l’Europe comme acteur mondial de l’IA.

1.3.

Afin d’obtenir les bénéfices attendus en matière économique, sociale, environnementale et de santé publique pour l’ensemble des citoyens européens sans discrimination, le plan doit insuffler une nouvelle dynamique à l’éducation en intégrant les sujets éthiques et environnementaux, la formation et le développement des compétences tout au long de la vie, ainsi que les enjeux liés à l’innovation et le soutien aux travailleurs et aux entreprises, y compris aux plus petites.

1.4.

Dans le monde du travail, la confiance est la clef de la réussite. L’IA ne fait pas exception à cette règle. Le CESE estime légitime que ce nouveau plan réserve au dialogue social et aux partenaires sociaux un rôle-clé tout au long du processus. Si la question des compétences est essentielle, la réflexion doit englober toutes les problématiques relatives à l’automatisation dans le monde du travail.

1.5.

Le CESE recommande à la Commission, dans le cadre politique qu’elle entend établir, d’inciter fortement les États membres à renforcer le dialogue social et citoyen concernant les problématiques et les outils relatifs à l’IA.

1.6.

Le CESE rappelle que la confiance passe par le droit de tout travailleur, consommateur ou citoyen à l’explicabilité des processus algorithmiques dans la mesure où ceux-ci ont un impact sur sa vie et son environnement. Le nouveau plan coordonné doit s’inscrire dans cette exigence de transparence et d’explicabilité, inséparable du droit, pour chaque citoyen, de contester des décisions prises uniquement par un algorithme.

1.7.

Le CESE considère que l’Union peut s’imposer comme leader mondial crédible de l’IA à condition de mettre en place une coordination sans faille entre institutions de l’Union, États membres et société civile organisée — partenaires sociaux, consommateurs et citoyens –, accompagnée d’une définition claire des responsabilités de chacun. En se déployant entre institutions européennes, entre celles-ci et les États membres et entre États membres, celle-ci maximisera l’impact global tout en assurant l’exécution rapide et cohérente des politiques et programmes d’investissements.

1.8.

Intrinsèquement globale, l’IA est en revanche sensible à l’échelle de son déploiement, elle en est une fonction directe. En érigeant les États membres en acteurs-clés du concert mondial de l’IA, le plan coordonné a valeur de pierre angulaire pour la stratégie européenne de l’IA.

1.9.

Le CESE se félicite que le plan coordonné révisé propose des actions concrètes pour stimuler l’exécution des stratégies nationales et multiplier les synergies. Il ne prend cependant tout son sens qu’en articulation étroite avec la stratégie européenne des données — création d’un espace européen des données et de leur protection — et de cybersécurité.

1.10.

Pour pallier l’absence de coordination contraignante, le CESE préconise d’instaurer un dispositif de suivi permanent des progrès accomplis au moyen d’indicateurs de performance élaborés par toutes les parties prenantes.

1.11.

Le CESE encourage les États membres à utiliser la facilité pour la reprise et la résilience — ainsi que d’autres instruments financiers tels qu’«Horizon Europe», le programme pour une Europe numérique et InvestEU — pour soutenir le développement et l’adoption de l’IA, en particulier auprès des petites entreprises. Un récent rapport de la BEI éclaire le chemin à parcourir (1).

2.   Observations générales

2.1.

La Commission entend faire de l’Union le moteur mondial d’une IA centrée sur l’humain, inclusive, sûre, durable et digne de confiance. Tirant les enseignements de la crise sanitaire, elle veut accélérer l’investissement, renforcer les mesures actuelles et les aligner rigoureusement pour favoriser synergies et agilité (2). Le CESE soutient l’application urgente et décisive de cette approche pour renforcer l’excellence interne et internationale de l’Union.

2.2.

Le CESE prend acte des progrès réalisés depuis le premier plan coordonné de 2018. Le plan actualisé identifie clairement les priorités: investir dans les infrastructures et le partage des données, favoriser l’excellence en mobilisant innovation et compétences, garantir la fiabilité et la transparence tout au long de la chaîne de valeur. L’investissement de 7 milliards d’euros en 2019 (+ 30 %) est jugé encourageant.

2.3.

Le plan coordonné s’inscrit dans le respect des droits fondamentaux et sociaux et de non-discrimination par les algorithmes. Cet avis est indissociable de celui sur la proposition conjointe de règlement, traitant des aspects éthiques et établissant des règles harmonisées (3).

2.4.

Le CESE estime que l’encadrement éthique et une norme reconnue et partagée assortis d’un plan coordonné sont les catalyseurs déterminants et structurants, gages de confiance pour l’adhésion des européens à l’IA tout en assurant un avantage concurrentiel et un atout au niveau mondial.

2.5.

Cette confiance des citoyens est indissociable d’un droit à l’explicabilité des algorithmes et de la possibilité de contestation de toute décision affectant leur vie. La vigilance doit s’imposer aux développeurs d’IA et de ses applications et aux utilisateurs et se traduire par des audits et tests réguliers. L’humain doit rester maître de la décision.

2.6.

Le CESE s’inquiète du risque de fragmentation lié aux différentes stratégies nationales et appelle les États à intensifier leur coopération, notamment en matière de cybersécurité, prérogative régalienne, qui forme cependant l’ossature du plan, et ce dans l’intérêt de l’Union.

2.7.

Le CESE appelle de ses vœux une IA durable dans ses objectifs économiques, sociaux et environnementaux, dans le respect des responsabilités économiques, sociales et environnementales.

3.   Observations spécifiques

3.1.

Pleinement justifiées, les ambitions de la Commission lui dictent de travailler de concert avec les États membres, le secteur privé et la société civile organisée pour:

accélérer l’investissement dans l’IA en vue d’une reprise économique et sociale rapide et résiliente, fondée sur des solutions numériques avancées,

déployer à temps les structures et les programmes prévus pour recueillir la légitime récompense revenant aux pionniers de la production ou de l’adoption technologique,

optimiser la cohésion des politiques pour éviter la dispersion et relever ensemble ce défi mondial.

3.2.

Le CESE approuve la volonté de la Commission d’utiliser le programme pour une Europe numérique et «Horizon Europe» à hauteur d’au moins 1 milliard d’euros par an entre 2021 et 2027: l’effet de levier attendu propulsera l’investissement public et privé dans l’IA à hauteur de 20 milliards d’euros annuels durant cette même période. La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) renforcera cet effet de levier.

3.3.   Créer les conditions favorables — Données et infrastructures

3.3.1.

Le CESE appelle la Commission et les États membres à intensifier la coopération et la coordination dans la gouvernance de l’IA: application des stratégies nationales, partage des connaissances, de l’expertise et des bonnes pratiques pour accélérer le développement et l’adoption de l’IA et relever les défis mondiaux de l’IA.

3.3.2.

Disponibilité, accessibilité et libre circulation des données sont les conditions préalables au développement de l’IA, assortie de la stratégie relative aux données, à leur protection et à la cybersécurité. Le CESE rappelle que la fluidité des échanges de données personnelles dépend d’une étroite coordination et du respect absolu du RGPD. Comme la sécurité et la transparence des données, la norme peut présenter un avantage compétitif dans la concurrence mondiale (4). Le CESE approuve le développement de l’espace européen des données et des espaces sectoriels spécifiques.

3.3.3.

Mis à part certains systèmes d’IA qui ne dépendent pas des données, les performances de l’IA dépendent directement du volume, de la pertinence et de la qualité des données disponibles. Le CESE juge donc essentiel un potentiel optimisé qui facilitera des échanges de données souples, interopérables et sûrs. Le CESE approuve l’identification de secteurs clés tels que la production industrielle, le pacte vert, la mobilité, la santé, la finance, l’énergie, afin de suivre précisément les évolutions et d’évaluer les progrès effectués.

3.3.4.

Le CESE soutient:

les objectifs d’augmenter considérablement la puissance de calcul disponible en Europe pour exploiter et valoriser les données en temps réel et de créer et produire dans l’Union les processeurs indispensables, assortis d’un programme de développement durable,

la notion de données d’intérêt général entendue comme l’ouverture des données par la puissance publique en vue d’aider celle-ci ou de favoriser le partage de données jugées essentielles (5), en y associant celles provenant d’acteurs opérant sur le territoire européen mais ne participant pas pour autant à sa politique industrielle.

3.3.5.

Le CESE attend un engagement accru des États membres dans la recherche et l’innovation pour développer les structures, infrastructures et instruments nécessaires au bien commun et concourir à la souveraineté de l’Union en matière d’IA.

3.4.   Favoriser l’excellence du laboratoire au marché — Innovation et partenariats

3.4.1.

Le CESE soutient l’approche holistique visant à faire de l’Union un espace d’excellence, depuis la recherche fondamentale et l’innovation jusqu’à la mise sur le marché. Le CESE juge essentiel que l’Union et les États membres accélèrent leur coopération pour créer les conditions propices à l’innovation, aux perspectives commerciales de l’IA, et au développement des talents et compétences en harmonie avec la vision européenne centrée sur l’humain et la confiance. Le CESE se félicite de constater que les structures de collaboration horizontales soutiennent ces ambitions.

3.4.2.

Le CESE salue les ambitions de la Commission pour favoriser les expérimentations, accentuer les pôles d’innovation numériques régionaux en coopération avec les initiatives nationales et régionales et partager les expériences. Ces pôles d’innovation et les plateformes à la demande, facilitent aux TPE et PME leur appropriation de l’IA en complément d’un soutien financier ciblé. Le CESE estime important de soutenir les start-ups, les scale-ups et les PME traditionnelles dans le développement de l’IA.

3.4.3.

Le CESE souligne toutefois que cette politique de pôles d’excellence ne doit pas nuire au financement normal et pérenne des laboratoires de recherche «standards», de peur de retarder l’apparition de technologies de rupture.

3.4.4.

Le CESE souhaite favoriser les programmes d’acculturation pour les organisations et les MPME en développant des réseaux d’accompagnement ciblés. Il serait souhaitable que les initiatives mises en place pour soutenir l’accès des MPME à l’IA (Testing and experimentation facilities (TEFs), Digital Innovation Hubs (DHI) et AI-on demand platforms) soient renforcées et évaluées dans leurs effets pratiques auprès de ces dernières, à des fins d’amélioration.

3.4.5.

Une étude récente, commandée par le CESE, montre combien le «scaling up» est un passage obligé, qu’il s’agisse de l’accès aux compétences requises, aux bassins de données pour les algorithmes, ou aux financements indispensables, ou bien du ciblage d’un marché suffisamment étoffé pour assurer l’amortissement rapide d’infrastructures coûteuses. Les décideurs politiques doivent donc accorder la priorité aux MPME et proposer des politiques adaptées. Au regard des dommages économiques causés par la pandémie, le soutien des start-ups, des scale-ups et des PME traditionnelles dans le développement de l’IA fait désormais figure d’ardente obligation.

3.4.6.

Le CESE approuve le développement de «bacs à sable» pour expérimenter les nouvelles idées dans des conditions proches de la réalité et favoriser une agilité. Le CESE préconise un meilleur partage des résultats et leur reconnaissance mutuelle sans frontières.

3.4.7.

L’excellence de la recherche reflète les talents et compétences qui peuplent les laboratoires, mais aussi la confiance des utilisateurs envers l’IA. C’est pourquoi le CESE souhaite que les programmes d’enseignement supérieur génèrent des talents de classe mondiale dans l’innovation et le développement commercial. Il demande à l’Union d’offrir les conditions qui permettent de garder les talents et d’attirer les compétences de l’étranger. Le CESE souhaite un environnement commercial global stable et de confiance, qui permettra aux entreprises et aux travailleurs de mieux s’approprier l’IA au profit de la recherche et de l’innovation.

3.4.8.

Les organisations de la société civile méritent d’être soutenues dans la mise en œuvre de solutions d’IA et de compter parmi les bénéficiaires des fonds et ressources dédiés à l’IA. Cela est particulièrement vrai pour les services sociaux, dans le plein respect du droit à la vie privée et des règles sur le traitement et le stockage des données, y compris biométriques.

3.5.   Faire en sorte que l’IA fonctionne pour les citoyens — Compétences et confiance

3.5.1.

Le CESE soutient la stratégie de la Commission fondée sur la création d’un écosystème d’excellence et d’un écosystème de confiance. Cette approche fait l’objet du Livre blanc adopté en 2019 (6). L’éducation et la formation offrant les clés qui permettront de favoriser l’excellence et d’augmenter la confiance dans l’IA, il revient aux systèmes éducatifs et de formation de pourvoir à un vaste ensemble de besoins, depuis les connaissances de base et la compréhension générale jusqu’à l’acquisition de savoir-faire spécialisés et de compétences de haut niveau (7).

3.5.2.

Le CESE salue l’adoption du nouveau plan d’action en matière d’éducation numérique adopté par la Commission pour la période 2020-2027. Il permettra une meilleure compréhension de la nature et du fonctionnement de l’IA dès l’école primaire jusqu’à l’université ainsi que le renouvellement des compétences.

3.5.3.

Le CESE souhaite que les États membres développent une offre d’enseignement de l’IA qui intègre également les sujets éthiques et environnementaux connexes, et encourage l’échange de bonnes pratiques afin de promouvoir la diversité dans l’accès à la formation, le développement et l’utilisation de l’IA. L’essor de l’IA et de son utilisation au bénéfice de tous exige une approche multidisciplinaire ainsi que des passerelles.

3.5.4.

Le CESE considère que les partenaires sociaux sont des acteurs essentiels pour anticiper l’évolution des compétences et les mutations des emplois. Le dialogue social est essentiel pour contribuer à l’accompagnement des travailleurs touchés par l’automatisation de leurs tâches.

3.5.5.

Le CESE souligne l’importance de la coopération entre gouvernements, établissements d’enseignement, partenaires sociaux et organisations de la société civile concernées pour concevoir et appliquer de nouveaux programmes d’éducation et de formation continue, destinés prioritairement aux personnes privées d’emploi. Des formations adaptées pour les MPME et les PME sont nécessaires, pour entrepreneurs et employés.

3.5.6.

Le CESE regrette que le plan néglige une possible réflexion en commun sur le monde et l’avenir du travail face à l’automatisation. Susciter la confiance des travailleurs dans les applications de l’IA passe par un dialogue social renforcé, indispensable pour introduire des systèmes d’IA ayant un impact sur les travailleurs, notamment dans le domaine du management ou des ressources humaines. Face aux potentielles destructions d’emplois, à l’augmentation des inégalités et à la recomposition des secteurs productifs, il apparaît nécessaire d’assurer une parfaite coordination entre États membres, en étroite collaboration avec entreprises, territoires, partenaires sociaux et corps intermédiaires, en vue de:

développer des capacités prospectives, pérennes et institutionnalisées en matière d’automatisation,

développer des dispositifs innovants et proactifs pour la transition des métiers et des compétences;

réfléchir à la complémentarité, non seulement pour «développer l’IA» dans les métiers mais aussi pour identifier le changement en termes de culture et de pratique et établir des standards de «bonne complémentarité» favorisant l’émancipation individuelle.

3.5.7.

La confiance étant la pierre angulaire d’une société numérisée, le CESE apprécie particulièrement l’approche de la Commission dans tous les domaines propres à assurer l’intérêt général et en particulier l’intérêt des citoyens, des consommateurs ainsi que des travailleurs et des entreprises, y compris celles du secteur de l’économie sociale, pour accroître le niveau de confiance général dans l’IA: protection des droits fondamentaux, cybersécurité, protection des données, propriété intellectuelle et utilisation durable et efficace des ressources, sans négliger les questions réglementaires liées à l’innovation. Il paraît important d’identifier précisément les dangers éventuels d’une utilisation abusive de l’IA et de proposer les remèdes adéquats. Le CESE soutient les mesures envisagées par la Commission pour renforcer la sécurité dans tous les domaines et adapter le cadre réglementaire aux défis posés par l’IA. Il rappelle, à cet égard, le rôle pionnier de la société civile organisée, par exemple dans l’évaluation des risques inhérents à la reconnaissance faciale.

3.5.8.

Le CESE soutient pleinement l’ambition de promouvoir à travers le monde la vision européenne d’une IA durable et digne de confiance en encourageant la définition de normes mondiales en matière d’IA et en développant des partenariats et des initiatives conjointes avec les pays tiers.

3.6.   Développer un leadership stratégique dans les secteurs à fort impact

3.6.1.

Le CESE apprécie l’approche réaliste de la Commission qui consiste à concentrer ses actions sur des secteurs où le leadership en matière d’IA est indispensable: climat et environnement, santé, robotique et automation, services publics, sécurité publique y compris anti-terrorisme et politiques de migrations, mobilité intelligente, agriculture et secteurs annexes.

3.6.2.

Le CESE tient la transition numérique pour un instrument clé de la décarbonation et de la gestion de l’environnement tout en veillant à limiter l’impact négatif éventuel des solutions à base d’IA sur le climat, l’environnement et la consommation d’énergie. Le recours à l’IA dans la gestion des systèmes d’énergie et de transport, de même que dans les processus industriels et l’agriculture, favorise le rendement énergétique, l’économie circulaire et la gestion durable des ressources naturelles; il s’agit d’un facteur de productivité et d’efficience économique. L’IA fournit en outre les moyens de mieux comprendre et maîtriser les phénomènes climatiques et environnementaux.

3.6.3.

Le CESE invite à exploiter les opportunités offertes par l’IA dans la recherche sur les origines des maladies, le développement de nouvelles molécules, d’équipements médicaux et de soins avancés, ou dans les domaines de l’investigation, du diagnostic et du traitement, par exemple dans la lutte contre le cancer. L’espace européen des données de santé envisagé dans le respect absolu de la vie privée et des données personnelles est une étape majeure vers la pleine exploitation du potentiel de l’IA. L’assistance quotidienne aux patients, aux personnes âgées ou handicapées par des robots illustre les bienfaits d’une excellence robotique moins soucieuse de prouesse technologique que de maîtrise de l’interface entre humains et robots.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Artificial intelligence, blockchain and the future of Europe.

(2)  JO C 240 du 16.7.2019, p. 51.

(3)  Avis du CESE sur le règlement sur l’IA (voir page 61 du présent Journal officiel).

(4)  «La norme sans la force: l’énigme de la puissance européenne», Zaki Laïdi, 2005.

(5)  Règlement sur la gouvernance européenne des données.

(6)  JO C 364, 28.10.2020, p. 87.

(7)  JO C 14, 15.1.2020, p. 46.


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/61


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle (législation sur l’intelligence artificielle) et modifiant certains actes législatifs de l’union

[COM(2021) 206 final — 2021/106 (COD)]

(2021/C 517/09)

Rapporteure:

Catelijne MULLER

Consultation

Parlement européen, 7.6.2021

Conseil, 15.6.2021

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

225/03/06

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite que la proposition de la Commission relative à la législation sur l’intelligence artificielle (IA) ne traite pas seulement des risques associés à l’IA, mais relève également de manière significative le niveau des exigences en ce qui concerne la qualité, la performance et la fiabilité de l’IA que l’Union est prête à autoriser. Il apprécie tout particulièrement que la législation sur l’intelligence artificielle accorde une place centrale à la santé, à la sécurité et aux droits fondamentaux et qu’elle ait une portée mondiale.

1.2.

Le CESE estime que des améliorations sont possibles en ce qui concerne le champ d’application, la définition et la clarté des pratiques d’IA interdites, les implications des choix de catégorisation portant sur la «pyramide des risques», l’effet d’atténuation des risques des exigences en matière d’IA à haut risque, l’applicabilité de la législation sur l’intelligence artificielle et le lien avec la réglementation existante et d’autres propositions réglementaires récentes.

1.3.

Le CESE souligne que l’IA n’a jamais fonctionné dans un désert juridique. En raison de son champ d’application étendu et de sa primauté en tant que règlement de l’Union, la législation sur l’intelligence artificielle pourrait créer des tensions avec les législations nationales et européennes existantes et des propositions réglementaires connexes. Le CESE préconise de modifier le considérant 41 pour refléter exactement et clarifier les rapports entre la législation sur l’intelligence artificielle et les textes législatifs existants et à venir.

1.4.

Le CESE recommande de préciser la définition de l’IA en supprimant l’annexe I, en modifiant légèrement l’article 3 et en élargissant le champ d’application de la législation sur l’intelligence artificielle afin d’y inclure les «systèmes hérités d’IA» et les éléments d’IA des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, tels qu’énumérés à l’annexe IX.

1.5.

Le CESE recommande de clarifier les interdictions concernant les «techniques subliminales» et l’«exploitation des vulnérabilités», pour qu’elles traduisent la prohibition des manipulations néfastes, ainsi que d’inclure également les «atteintes aux droits fondamentaux, à la démocratie et à l’état de droit» parmi les conditions donnant lieu à ces interdictions.

1.6.

Le CESE estime qu’il n’y a aucune place dans l’Union pour une quelconque évaluation de la fiabilité des citoyens en fonction de leur comportement social ou de leurs caractéristiques de personnalité, quel que soit l’acteur attribuant la note. Il recommande d’élargir le champ d’application de cette interdiction afin d’y inclure la notation sociale par des organisations privées ou des organismes semi-publics.

1.7.

Le CESE appelle à interdire l’utilisation de l’IA pour procéder à une reconnaissance biométrique automatisée à l’intérieur d’espaces accessibles au public, dans un cadre tant public que privé, sauf à des fins d’identification dans des circonstances spécifiques, tout comme pour réaliser une reconnaissance automatisée des signaux comportementaux humains à l’intérieur d’espaces accessibles au public, dans un cadre tant public que privé, exception faite de certaines situations très particulières, répondant par exemple à des impératifs de santé, où il peut s’avérer bénéfique de discerner les émotions d’un patient.

1.8.

L’approche fondée sur des listes pour l’IA à haut risque pourrait aboutir à normaliser et à généraliser un certain nombre de systèmes et d’utilisations de l’IA qui font encore l’objet de vives critiques. Le CESE tient à faire observer que le respect des exigences fixées pour l’IA à moyen et à haut risque n’atténue pas nécessairement les risques de préjudice pour la santé, la sécurité et les droits fondamentaux pour toutes les IA à haut risque. Il recommande que la législation sur l’intelligence artificielle prévoie cette situation. À tout le moins, il convient d’ajouter les exigences des lignes directrices en matière d’éthique pour une IA digne de confiance concernant i) l’action humaine, ii) le respect de la vie privée, iii) la diversité, la non-discrimination et l’équité, iv) l’explicabilité et v) le bien-être environnemental et social.

1.9.

Conformément à l’approche, qu’il prône de longue date, d’une IA où «l’humain reste aux commandes», le CESE préconise vivement que la législation sur l’intelligence artificielle prévoie que certaines décisions demeurent la prérogative des êtres humains, en particulier dans les domaines où ces décisions comportent une composante morale et ont des conséquences juridiques ou une incidence sociétale, par exemple dans les domaines de la justice, de l’application de la loi, des services sociaux, des soins de santé, du logement, des services financiers, des relations de travail et de l’éducation.

1.10.

Le CESE recommande que les évaluations de la conformité par des tiers soient obligatoires pour toutes les formes d’IA à haut risque.

1.11.

Le CESE préconise d’inclure un mécanisme de plainte et de recours pour les organisations et les citoyens qui ont subi un préjudice du fait de tout système, pratique ou utilisation de l’IA qui relève du champ d’application de la législation sur l’intelligence artificielle.

2.   Proposition réglementaire sur l’intelligence artificielle — Législation sur l’intelligence artificielle

2.1.

Le CESE se félicite que la proposition de la Commission relative à la législation sur l’intelligence artificielle ne traite pas seulement des risques associés à l’IA, mais relève également de manière significative le niveau des exigences en ce qui concerne la qualité, la performance et la fiabilité de l’IA que l’Union est prête à autoriser.

3.   Observations générales — Législation sur l’intelligence artificielle

Objectif et champ d’application

3.1.

Le CESE approuve tout à la fois l’objectif et le champ d’application de la législation sur l’intelligence artificielle. Il se félicite tout particulièrement que la Commission place la santé, la sécurité et les droits fondamentaux au cœur de celle-ci. Il salue également la portée externe de cette législation, qui garantit que l’IA développée en dehors de l’Union doit répondre à ces mêmes normes juridiques lorsqu’elle est déployée sur son territoire ou qu’elle y exerce un impact.

Définition de l’IA

3.2.

La définition de l’IA (article 3, paragraphe 1, en liaison avec l’annexe I de la législation sur l’intelligence artificielle) a suscité un débat parmi les scientifiques spécialisés dans ce domaine, dont il ressort que l’annexe I contient plusieurs exemples ne relevant pas de l’IA aux yeux des experts et qu’à l’inverse, elle fait l’impasse sur diverses techniques importantes d’IA. Le CESE ne voit aucune valeur ajoutée dans l’annexe I et recommande qu’elle soit supprimée en totalité de la législation sur l’IA. Il recommande également de modifier comme suit la définition figurant à l’article 3, point 1):

«“système d’intelligence artificielle” (système d’IA), un logiciel qui peut, pour un ensemble donné d’objectifs définis par l’homme, générer, de manière automatisée, des résultats tels que des contenus, des prédictions, des recommandations ou des décisions influençant les environnements avec lesquels il interagit;».

Santé, sécurité et droits fondamentaux — La pyramide des risques

3.3.

La «pyramide des risques» qui est utilisée pour classer, sur une échelle progressive (risque faible/moyen, puis risque élevé, et enfin risque inacceptable), un certain nombre de pratiques générales en matière d’IA et de cas d’utilisation de cette dernière dans des domaines spécifiques reconnaît que les différents types d’IA ne sont pas tous porteurs de risques et que si risques il y a, ils ne sont pas tous identiques ou ne requièrent pas tous les mêmes mesures d’atténuation.

3.4.

L’approche retenue amène à se poser deux questions importantes. Premièrement, les mesures d’atténuation (pour l’IA à haut risque et à risque faible ou moyen) diminuent-elles réellement de manière suffisante les risques de préjudice pour la santé, la sécurité et les droits fondamentaux? Deuxièmement, sommes-nous prêts à autoriser l’IA à remplacer largement la prise de décision humaine, même dans des processus critiques tels que l’application de la loi et le domaine judiciaire?

3.5.

En ce qui concerne la première question, le CESE tient à faire observer que le respect des exigences fixées pour l’IA à moyen et à haut risque n’atténue pas nécessairement, dans tous les cas, les risques de préjudice pour la santé, la sécurité et les droits fondamentaux. Cet aspect sera évoqué de manière plus détaillée dans la section 4.

3.6.

En ce qui concerne la seconde question, la législation sur l’intelligence artificielle omet d’intégrer le principe selon lequel les perspectives qu’offre l’IA consistent à renforcer la prise de décision humaine et l’intelligence humaine et non à les remplacer. La législation sur l’intelligence artificielle part du principe qu’une fois que les exigences en matière d’IA à moyen et à haut risque sont respectées, l’IA peut, dans une large mesure, remplacer la prise de décision humaine.

3.7.

Le CESE préconise vivement que la législation sur l’intelligence artificielle prévoie que certaines décisions demeurent la prérogative des êtres humains, en particulier dans les domaines où ces décisions comportent une composante morale et ont des conséquences juridiques ou une incidence sociétale, par exemple dans les domaines de la justice, de l’application de la loi, des services sociaux, des soins de santé, du logement, des services financiers, des relations de travail et de l’éducation.

3.8.

Les systèmes d’IA ne fonctionnent pas dans un désert juridique. Un certain nombre de règles juridiquement contraignantes, de niveau européen, national et international, leur sont d’ores et déjà applicables ou sont pertinentes à leur égard. Ces sources de droit comprennent, sans que cette liste soit exhaustive, le droit primaire de l’Union (les traités de l’Union européenne et sa charte des droits fondamentaux), son droit dérivé (comme le règlement général sur la protection des données, la directive sur la responsabilité du fait des produits, le règlement sur la libre circulation des données à caractère non personnel, les directives de lutte contre les discriminations, le droit de la consommation et les directives sur la santé et la sécurité au travail), les traités des Nations unies en matière de droits de l’homme et les conventions du Conseil de l’Europe (à l’exemple de la convention européenne des droits de l’homme), ainsi que de nombreuses législations nationales d’États membres de l’Union. À ces dispositions d’application transversale s’ajoutent différentes réglementations propres à un secteur qui régissent des applications spécifiques d’IA, à l’instar du règlement sur les dispositifs médicaux dans le domaine des soins de santé. Le CESE recommande de modifier le considérant 41 pour tenir compte de cet état de fait.

4.   Observations particulières et recommandations — législation sur l’intelligence artificielle

Pratiques interdites en matière d’IA

4.1.

Le CESE convient que les pratiques en matière d’IA visées à l’article 5 n’apportent effectivement aucun avantage à la société et qu’il convient de les interdire. Toutefois, quelques formulations ne sont pas claires, de sorte que certaines interdictions pourraient être difficiles à interpréter et faciles à contourner.

4.2.

Il est avéré que les techniques subliminales peuvent non seulement entraîner des préjudices physiques ou psychologiques (qui constituent au stade actuel les conditions d’activation de cette interdiction particulière), mais qu’elles peuvent aussi, selon l’environnement dans lequel elles sont déployées, entraîner d’autres effets négatifs sur le plan personnel, sociétal ou démocratique, tels qu’une modification du comportement de vote. En outre, il est fréquent que ce ne soit pas la technique subliminale elle-même qui est mise en œuvre par l’IA, mais plutôt le choix des personnes ciblées par cette technique.

4.3.

Pour cerner la pratique que vise à interdire l’article 5, paragraphe 1, point a), de la législation sur l’intelligence artificielle, à savoir manipuler les gens pour les inciter à adopter des comportements préjudiciables, le CESE recommande de modifier le paragraphe comme suit: «[…] un système d’IA déployé, conçu ou utilisé pour altérer substantiellement le comportement d’une personne d’une manière qui porte ou est susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux de cette personne, d’un tiers ou d’un groupe de tiers, notamment en affectant leur santé ou leur sécurité physique ou psychique, ou à la démocratie et à l’état de droit».

4.4.

Le CESE recommande de modifier de la même manière la pratique interdite d’exploitation des vulnérabilités visée à l’article 5, paragraphe 1, point b), afin d’y inclure les atteintes, y compris physiques ou psychologiques, qui sont faites aux droits fondamentaux.

4.5.

Le CESE se félicite de l’interdiction de la «notation sociale» figurant à l’article 5, paragraphe 1, point c). Il recommande qu’elle s’applique également aux organisations privées et aux autorités semi-publiques, plutôt qu’aux seules autorités publiques. Quel que soit l’acteur attribuant la note, une évaluation de la fiabilité des citoyens en fonction de leur comportement social ou de leurs caractéristiques de personnalité n’a pas sa place dans l’Union européenne. Si tel était le cas, l’Union laisserait la porte ouverte à ce que la notation sociale soit autorisée dans de nombreux domaines, par exemple sur le lieu de travail. Il conviendrait de clarifier les conditions mentionnées aux points i) et ii), afin de tracer une ligne de démarcation nette entre les pratiques qui sont à ranger dans la catégorie de la «notation sociale» et celles qui peuvent être considérées comme une forme d’évaluation acceptable à certaines fins. En l’occurrence, il s’agira de déterminer à quel moment il conviendra de considérer que l’information utilisée pour procéder à ladite évaluation cesse d’être pertinente pour l’effectuer ou d’être raisonnablement liée à l’objectif qu’elle poursuit.

4.6.

La législation sur l’intelligence artificielle vise à bannir l’identification biométrique à distance en temps réel (avec reconnaissance faciale, par exemple) à des fins répressives et à la qualifier d’application «à haut risque» lorsqu’elle est utilisée à d’autres fins. De ce fait, la reconnaissance biométrique a posteriori ou en léger différé reste autorisée, tout comme celle qui ne vise pas à identifier une personne mais plutôt à évaluer le comportement d’un individu à partir de ses caractéristiques biométriques, telles que ses micro-expressions, sa démarche, sa température ou son rythme cardiaque. Du fait que son interdiction est limitée aux seules «fins répressives», l’utilisation de l’identification biométrique, comme de toutes les autres formes de reconnaissance biométrique qui ne visent pas à identifier les individus, dont tous les types mentionnés de «reconnaissance des émotions», est autorisée pour tous les autres buts, à l’initiative de tous les autres intervenants et en tout site, public ou privé, dont les lieux de travail, magasins, stades, salles de spectacles, etc. La porte est ainsi grande ouverte à un univers dans lequel nos émotions seraient évaluées en permanence pour satisfaire tout objectif que l’auteur de cette évaluation jugerait nécessaire.

4.7.

D’une manière générale, la législation sur l’intelligence artificielle classe la «reconnaissance des émotions» dans la catégorie de l’IA à faible risque, à l’exception de quelques domaines utilisateurs qui sont considérés comme étant à haut risque. Ce mode de reconnaissance biométrique est également connu sous le nom de «reconnaissance des affects», voire de «reconnaissance des comportements». Tous ces types de pratiques de reconnaissance biométrique effectuée par l’IA sont extrêmement invasifs, sont dénués de tout fondement scientifique solide et présentent un fort risque de violation de plusieurs droits fondamentaux inscrits dans la charte de l’Union, tels que le droit à la dignité humaine, le droit à l’intégrité de la personne (qui inclut l’intégrité mentale) et le droit à la vie privée.

4.8.

En s’inscrivant largement dans la logique de l’appel que le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) et le comité européen de la protection des données (EDPB) ont lancé le 21 juin 2021, demandant d’interdire l’utilisation de l’IA à des fins de reconnaissance automatique des caractéristiques humaines dans les espaces accessibles au public, de même que d’autres utilisations de l’IA susceptibles de déboucher sur des discriminations injustes, le CESE réclame:

l’interdiction de l’utilisation de l’IA pour la reconnaissance biométrique automatisée à l’intérieur d’espaces accessibles au public, dans un cadre tant public que privé, par exemple sous la forme de la reconnaissance des visages, de la démarche, de la voix et d’autres caractéristiques biométriques, sauf à des fins d’identification dans des circonstances spécifiques, par exemple pour donner accès à des espaces sensibles du point de vue de la sécurité;

l’interdiction de l’utilisation de l’IA pour la reconnaissance automatisée des signaux comportementaux humains à l’intérieur d’espaces accessibles au public, dans un cadre tant public que privé;

l’interdiction des systèmes d’IA utilisant la biométrie pour classer les individus en groupes fondés sur l’appartenance ethnique, le sexe, l’orientation politique ou sexuelle ou d’autres motifs pour lesquels la discrimination est interdite en vertu de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux;

l’interdiction de l’utilisation de l’IA aux fins de déduire les émotions, le comportement, les intentions ou les traits de personnalité d’une personne physique, sauf dans des cas très spécifiques, tels que certains objectifs de santé, pour lesquels la reconnaissance de l’émotion du patient est importante.

IA à haut risque

4.9.

Pour déterminer si une pratique ou une utilisation de l’IA qui représentent un risque pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux peuvent néanmoins être autorisées dans des conditions strictement définies, la Commission a pris en compte deux critères: i) la pratique ou l’utilisation en question peuvent-elles s’avérer bénéfiques pour la société? et ii) est-il possible, en imposant le respect de diverses exigences, d’atténuer le risque d’atteinte à la santé, à la sécurité ou aux droits fondamentaux que pose malgré tout l’utilisation de ces systèmes?

4.10.

Le CESE se félicite de l’harmonisation de ces exigences avec les éléments des «lignes directrices en matière d’éthique pour une IA digne de confiance». Cependant, cinq exigences majeures posées par ces lignes directrices ne sont pas expressément mentionnées par la législation sur l’intelligence artificielle au titre des exigences relatives à l’IA à haut risque, à savoir (i) l’action humaine, (ii) le respect de la vie privée, (iii) la diversité, la non-discrimination et l’équité, (iv) l’explicabilité et (v) le bien-être environnemental et social. Le CESE estime qu’il s’agit là d’une occasion manquée, car bon nombre des risques que représente l’IA sont liés au respect de la vie privée, aux préjugés, à l’exclusion, à l’inexplicabilité des résultats auxquels aboutissent les décisions de l’IA, ainsi qu’à l’affaiblissement du facteur humain et de l’environnement, et ils ont tous un impact sur nos droits fondamentaux.

4.11.

Le CESE recommande d’ajouter ces exigences à celles du chapitre 2 du titre III de la législation sur l’intelligence artificielle afin d’améliorer la capacité de ce texte à protéger efficacement notre santé, notre sécurité et nos droits fondamentaux contre les effets néfastes de l’IA, qu’elle soit utilisée par les pouvoirs publics ou des structures privées.

4.12.

Le CESE accueille favorablement les liens étroits tissés entre la législation sur l’intelligence artificielle et la législation d’harmonisation de l’Union. Il recommande d’étendre le champ d’application de la législation sur l’intelligence artificielle et les exigences relatives à l’IA à haut risque au-delà des «composants de sécurité de l’IA» ou de la situation dans laquelle le système d’IA est lui-même un produit couvert par un des actes de la législation d’harmonisation de l’Union, énumérés à l’annexe II. En effet, l’IA peut également présenter des risques dans des cas autres que ceux où elle est utilisée comme un composant de sécurité de ces produits, et le système d’IA lui-même n’est pas toujours un produit. Il en est ainsi, par exemple, lorsque l’IA est utilisée comme composante d’un outil de diagnostic ou de pronostic dans le domaine médical ou qu’elle pilote un thermostat régulant une chaudière.

4.13.

Le CESE tient toutefois à signaler que l’approche consistant à dresser une liste d’IA à haut risque, comme celle figurant à l’annexe III, peut aboutir à légitimer, normaliser ou généraliser bon nombre de pratiques la faisant intervenir qui sont encore fortement critiquées et pour lesquelles les avantages sociétaux sont discutables ou font défaut.

4.14.

En outre, les risques de préjudice pour la santé, la sécurité et les droits fondamentaux ne peuvent pas toujours être atténués par le respect des cinq exigences relatives à l’IA à haut risque, notamment en ce qui concerne des droits fondamentaux moins évoqués qu’elle pourrait affecter, comme le droit à la dignité humaine, la présomption d’innocence, le droit à des conditions de travail justes et équitables, la liberté d’association et de réunion ou le droit de grève, pour n’en citer que quelques-uns.

4.15.

Le CESE recommande vivement d’ajouter la gestion et le fonctionnement de l’infrastructure des télécommunications et de l’internet au point 2 de l’annexe III. Il préconise également que le champ d’application de ce point soit étendu au-delà des composants de sécurité de l’IA.

4.16.

Les systèmes d’IA visant à déterminer l’accès à l’éducation et à évaluer les étudiants exposent ceux-ci à un certain nombre de risques en matière de santé, de sécurité et de droits fondamentaux. Ainsi, les outils de surveillance en ligne, censés signaler les «comportements suspects» et les «indices de tricherie» lors des examens en ligne en utilisant divers types de biométrie et de suivi des comportements, sont véritablement invasifs et dépourvus d’assise scientifique.

4.17.

L’utilisation de systèmes d’IA pour la surveillance, le suivi et l’évaluation des travailleurs suscite de graves inquiétudes s’agissant de leurs droits fondamentaux à bénéficier de conditions de travail justes et équitables, à être informés et consultés et à recevoir une justification en cas de licenciement. L’ajout de ces systèmes d’IA à la liste des systèmes à haut risque est susceptible de créer des conflits avec les législations nationales du droit du travail et les conventions collectives en ce qui concerne le caractère justifié ou injustifié du licenciement, les conditions de travail saines et sûres et l’information des travailleurs. Le CESE réclame que les travailleurs et les partenaires sociaux aient la garantie d’être pleinement associés et informés dans le cadre des processus de prise de décision ayant trait à l’utilisation de l’IA sur les lieux de travail ainsi qu’au développement, à l’acquisition et à la mise en œuvre de tels systèmes.

4.18.

Le «contrôle humain» constitue un impératif particulièrement pertinent dans le cadre des relations professionnelles, car il sera effectué par un travailleur ou un groupe de travailleurs. Le CESE souligne que les intéressés devraient recevoir une formation sur la manière d’accomplir cette tâche. En outre, étant donné qu’ils sont censés être autorisés à ne pas tenir compte des résultats du système d’IA ou même à décider de ne pas l’utiliser, il conviendrait de prévoir des dispositions pour éviter qu’ils n’aient à craindre des conséquences négatives, comme une rétrogradation ou un licenciement, s’ils devaient prendre une telle décision.

4.19.

Le recours aux systèmes d’IA pour l’accès et le droit aux services publics est plus étendu que leur utilisation dans le cadre des services privés essentiels, pour lesquels seule la notation de crédit (solvabilité) par l’IA est considérée comme présentant un risque élevé. Le CESE recommande d’élargir le champ d’application du point 5, paragraphe b), de l’annexe III aux systèmes d’IA destinés à évaluer l’éligibilité aux services privés essentiels.

4.20.

L’IA utilisée par les autorités répressives et dans le cadre de la gestion des migrations, de l’asile et des contrôles aux frontières pour réaliser des évaluations des risques individuels, dans le domaine pénal ou celui de la sécurité, risque de porter atteinte à la présomption d’innocence, aux droits de la défense et au droit d’asile, tels qu’énoncés dans la charte de l’Union. En général, les systèmes d’IA se bornent à rechercher des corrélations qui reposent sur des caractéristiques constatées dans d’autres «cas». Dans ces circonstances, la suspicion ne se fonde pas sur un soupçon effectif qu’un crime ou un délit ait été commis par une personne en particulier, mais simplement sur des caractéristiques que cette personne partage avec des criminels condamnés, comme l’adresse, les revenus, la nationalité, les dettes, l’emploi, le comportement personnel ou celui d’amis et de membres de la famille, etc.

4.21.

L’utilisation de l’IA dans l’administration de la justice et les processus démocratiques revêt un caractère particulièrement sensible et devrait être abordée de manière plus nuancée et prudente qu’elle ne l’est aujourd’hui. Se contenter de recourir à des systèmes pour aider une autorité judiciaire à rechercher et à interpréter les faits et le droit et à appliquer la loi à un ensemble de faits concrets, c’est méconnaître que juger est un processus qui va bien au-delà de ce repérage de schémas dans les données historiques, auquel se résume en substance l’action des systèmes d’IA actuels. Le texte part également du principe que ces types d’IA se limiteront à aider le pouvoir judiciaire, excluant ainsi de son champ d’application la prise de décision judiciaire entièrement automatisée. Le CESE regrette également qu’il ne soit fait aucune mention des systèmes ou utilisations de l’IA dans le domaine des processus démocratiques, tels que les élections.

4.22.

Le CESE recommande d’ajouter, par exemple en modifiant l’article 16, point g), de la législation sur l’intelligence artificielle, une disposition qui régisse la situation dans laquelle soit il est évident, soit il s’avère à la lumière de l’évaluation préalable de conformité, que les six exigences mentionnées précédemment n’atténueront pas suffisamment le risque de préjudice pour la santé, la sécurité et les droits de l’homme.

Gouvernance et applicabilité

4.23.

Le CESE se félicite de la structure de gouvernance mise en place par la législation sur l’intelligence artificielle. Il recommande que le Comité européen de l’intelligence artificielle organise régulièrement des échanges de vues obligatoires avec la société au sens large, y compris les partenaires sociaux et les ONG.

4.24.

Le CESE préconise vivement d’élargir le champ d’application de la législation sur l’intelligence artificielle afin d’y inclure les «systèmes hérités d’IA», c’est-à-dire ceux qui se trouvaient déjà utilisés ou déployés avant l’entrée en vigueur de la législation, afin d’éviter que des systèmes d’IA interdits, à risque élevé ou moyen, ne soient activés en toute hâte par des déployeurs désireux de ne pas devoir se plier aux exigences de conformité. En outre, il recommande avec force que le champ d’application de la législation sur l’intelligence artificielle n’exclue pas l’IA qui constitue une composante des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice tels qu’énumérés dans l’annexe IX.

4.25.

La complexité des exigences et des activités en matière de responsabilité, de même que l’auto-évaluation, risquent de réduire ce processus à des listes de contrôle où cocher un simple «oui» ou «non» pourrait suffire à satisfaire aux exigences. Le CESE recommande que les évaluations par des tiers soient obligatoires pour toutes les formes d’IA à haut risque.

4.26.

Le CESE suggère de mettre en place des mesures appropriées de soutien, y compris financier, et des outils simples et accessibles pour que les organisations de taille très réduite ou modeste, ainsi que celles de la société civile, aient la capacité de comprendre l’objet et la signification de la législation sur l’intelligence artificielle et soient à même de se conformer à ses exigences. Ces mesures devraient aller au-delà du soutien aux pôles d’innovation numérique et consister à faciliter l’accès à une expertise de haut niveau en ce qui concerne la législation sur l’intelligence artificielle, les exigences et les obligations qu’elle énonce et, en particulier, les motivations qui les sous-tendent.

4.27.

Le CESE recommande d’inclure un mécanisme de plainte et de recours pour les organisations et les citoyens qui ont subi un préjudice dû à tout système, pratique ou utilisation de l’IA relevant du champ d’application de la législation sur l’intelligence artificielle.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/67


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les machines et produits connexes

[COM(2021) 202 final — 2021/0105 (COD)]

(2021/C 517/10)

Rapporteur:

Martin BÖHME

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 9.6.2021

Parlement européen, 7.6.2021

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

226/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le secteur des machines et des produits connexes est l’un des domaines centraux de l’économie de l’Union européenne. Les capacités et les domaines d’utilisation des machines se développent très rapidement sous l’effet des nouvelles possibilités qu’ouvrent la technique et les sciences de l’ingénierie. Il est grand temps d’accorder une attention accrue aux technologies numériques telles que l’intelligence artificielle, l’internet des objets et la robotique. Il convient par conséquent d’adapter également les prescriptions réglementaires garantissant la sécurité et la santé qui s’appliquent aux machines. Dans ce contexte, la proposition de règlement à l’examen présente également une grande pertinence pour le marché intérieur. Le CESE a déjà procédé en 2020 à un examen approfondi de la thématique de la directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil (1) (ci-après la «directive “Machines”») relative aux machines dans le rapport d’information qu’il a consacré à la révision de cette directive (2).

1.2.

Quelle que soit l’urgence d’élaborer pour les machines des normes valables dans toute l’Union, d’établir des règles juridiques contraignantes et de veiller à leur application cohérente, le CESE souligne qu’il s’impose de ne pas perdre de vue les entreprises de l’Union européenne, les fabricants et les exploitants de machines. Cela vaut pour les grandes entreprises mais aussi, et surtout, pour les petites et moyennes entreprises. La construction mécanique est une activité internationale; la réglementation de l’Union touchant à ses produits doit être à même d’en favoriser la qualité, la sécurité et la compétitivité et aider les entreprises lorsqu’elles développent des approches novatrices et non les en empêcher.

1.3.

Le CESE se félicite que les opérateurs de machines et de produits connexes, les travailleurs et les travailleuses continuent d’occuper une place centrale dans la proposition de règlement à l’examen car leur sécurité et leur santé demeure une préoccupation essentielle. En outre, il perçoit l’avantage que présente la transformation de l’instrument juridique de la directive «Machines» en un règlement pour accroître l’uniformité de son interprétation au sein des États membres. Il sera ainsi possible de discerner et d’éliminer plus aisément des manquements à la sécurité, ce qui sera particulièrement bénéfique pour les hommes et les femmes qui opèrent sur des machines.

1.4.

Le CESE adresse les recommandations suivantes à la Commission:

1.4.1.

Les dispositions transitoires vers le nouveau règlement «Machines» doivent être précisées afin de garantir la sécurité juridique pour tous les acteurs.

1.4.2.

Le CESE estime nécessaire d’adapter la structure et le contenu des annexes, qui font partie de la proposition de règlement. Leur numérotation, le classement des types de machines et les chevauchements avec la réglementation européenne connexe posent encore des questions.

1.4.3.

Selon le CESE, il doit être clair que les machines doivent être sûres au moment de leur mise sur le marché et tout au long de leur cycle de vie.

1.4.4.

Des machines de plus en plus complexes requièrent une formation spécifique des utilisateurs afin d’éviter que les travailleuses et les travailleurs ne soient exposés à des risques inutiles (3). Il est également nécessaire de disposer de structures permettant de déterminer clairement les responsabilités en cas d’accident. Les représentants des travailleurs devraient être associés aux procédures d’achat et d’installation de nouvelles machines.

1.4.5.

Il y a lieu de définir, pour le déploiement de l’intelligence artificielle, un cadre de sécurité spécifique balisant l’exploitation de ces systèmes.

1.4.6.

Le recours obligatoire à des organismes notifiants pour mener à bien l’évaluation de la conformité des machines et produits connexes doit continuer d’être abordable sur le plan financier pour les entreprises.

1.4.7.

Le CESE estime qu’il y a lieu d’assurer un suivi permanent de la législation sur les machines et produits connexes, en concertation avec les parties prenantes concernées, afin de pouvoir réagir aux innovations technologiques, aux difficultés auxquelles sont confrontés les fabricants et à la nécessité de protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

2.   Contexte de l’avis, y compris la proposition législative à l’examen

2.1.

En 2018, le secteur des machines a réalisé un chiffre d’affaires de 700 milliards d’EUR, une production d’une valeur de 670 milliards d’EUR et une valeur ajoutée de 230 milliards d’EUR. Les exportations de machines et d’équipement de l’Union s’élevaient au total à 517 milliards d’EUR, dont quelque 50 % étaient destinés aux États membres (au titre donc des échanges au sein de l’Union), et le solde à des États n’appartenant pas à l’Union (commerce avec des pays tiers) (4).

2.2.

La proposition de nouveau règlement relatif aux machines et aux produits connexes, présentée par la Commission, s’inscrit dans le cadre d’un train de mesures plus large consacré à l’intelligence artificielle. La proposition relative aux machines en tant que telles vise à réviser la directive «Machines». Cette révision entend aussi bien favoriser la transition numérique que renforcer le marché intérieur. La directive «Machines» fait partie de la législation relative à la sécurité des produits. Elle doit assurer un niveau élevé de protection pour les travailleurs, les consommateurs et d’autres personnes exposées, en plaçant la sécurité des machines en tant que telles au centre des préoccupations. Elle impose aux fabricants de machines de tenir également compte des aspects de sécurité dès la conception et la fabrication des machines («sûreté dès la conception»).

2.3.

La proposition pose six objectifs spécifiques:

1)

limiter les nouveaux risques liés aux nouvelles technologies numériques;

2)

garantir une interprétation cohérente du champ d’application et des définitions et améliorer la sécurité que présentent les technologies plus traditionnelles;

3)

requalifier les machines présentant un potentiel plus important de risques et réévaluer les procédures de conformité y afférentes;

4)

réduire les exigences relatives à la documentation sur support papier;

5)

assurer la cohérence avec d’autres prescriptions du nouveau cadre juridique;

6)

réduire d’éventuelles différences d’interprétation résultant de la transcription dans le droit national de chaque État membre.

2.4.

Dans le cadre d’une analyse d’impact, la Commission a soupesé différentes possibilités de traiter de la directive «Machines» dont les bases ont été jetées en 2006 et qui est donc en vigueur depuis 15 années déjà, prolongeant une réglementation qui remonte à 1989. À l’aune de la célérité du développement des sciences de l’ingénierie et des techniques, il s’agit d’un intervalle de temps très long. Dans ce contexte, il a été décidé d’entreprendre une révision qui a pour but d’accroître la compétitivité en réduisant autant que possible les charges qui pèsent sur les fabricants, et de renforcer la sécurité en clarifiant des exigences ou en en ajoutant le cas échéant. Ce faisant, l’on accepte des coûts supplémentaires au titre du respect des règles.

2.5.

Le choix de changer l’instrument juridique, en passant d’une directive à un règlement, devrait permettre d’éviter des applications divergentes au sein des États membres. La Commission escompte ainsi accroître et assurer généralement la cohérence de l’interprétation de l’acte juridique et de son application.

3.   Observations générales

3.1.

À la différence de nombreuses autres directives, celle relative aux machines en vigueur jusqu’à présent n’a pas encore été adaptée au «nouveau cadre juridique». Le CESE se félicite à cet égard de l’intention de procéder à une mise à jour de la réglementation et de l’adapter aux conditions modifiées du cadre de la réglementation de l’Union européenne. Il estime qu’il importe d’apporter des clarifications concernant le champ d’application, notamment lorsqu’il s’agit de le délimiter par rapport à celui des directives «Basse tension», «Équipements sous pression» et autres, et de concrétiser les définitions, pour ce qui est par exemple des «quasi-machines».

3.2.

Le CESE considère que la proposition de révision constitue une intervention dans un domaine d’importance pour nombre d’entreprises, de travailleurs et d’autres groupes intéressés au sein de l’Union européenne. Les règles proposées constituent la base juridique fondamentale pour toute entreprise qui conçoit, construit ou exploite des machines. La sécurité des travailleurs qui opèrent sur des machines est largement tributaire de la cohérence de l’application des règles et de son contrôle au sein des États membres.

3.3.

Il découle de l’esprit du principe d’égalité au sein de l’Union européenne que les exigences en matière de sécurité et de santé concernant les machines doivent être les mêmes dans tous les États membres et qu’elles s’appliquent obligatoirement de la même manière pour tous les fabricants, les responsables de la mise sur le marché et les exploitants au sein de ces États. Le CESE tient pour évident que lorsque ces exigences seront satisfaites, il sera alors permis d’échanger librement ces produits entre tous les États membres.

3.4.

Le CESE se félicite que la proposition de réglementation permette de continuer à faire valoir l’exigence principale de la directive en vigueur jusqu’à présent, à savoir de poser, pour ce qui est des machines, des règles fondamentales valables dans toute l’Europe en matière de sécurité, de santé et de libre circulation des marchandises. Ses objectifs primordiaux demeurent d’une part la sécurité et d’autre part l’élimination des obstacles aux échanges commerciaux, tout en prenant à présent en compte les innovations actuelles et futures en matière de sciences de l’ingénierie et de techniques à l’œuvre dans le secteur des machines.

3.5.

Le CESE insiste sur la nécessité de prévoir des dispositions transitoires transparentes, adaptées et compréhensibles pour le passage de la directive au nouveau règlement «Machines». L’article 50 de la proposition doit être précisé. Il manque de clarté quant aux règles qui doivent s’appliquer aux machines produites ou mises sur le marché pendant la période de transition de 30 mois, ainsi que sur la manière dont ces machines seront distinguées des produits datant d’avant la période de transition. Les fabricants et les importateurs ont besoin d’un délai de préparation raisonnable. Il serait judicieux, par exemple, de prévoir que les États membres ne doivent pas empêcher, jusqu’à 42 mois après l’entrée en vigueur du nouveau règlement, la mise sur le marché de machines fabriquées conformément à la directive 2006/42/CE avant la date d’abrogation de cette dernière.

3.6.

La proposition à l’examen concernant les machines et les produits connexes élargit encore la gamme de types très divers de machines dont il s’impose de traiter dans le cadre d’un tel règlement. Le CESE estime qu’il s’agit là d’une démarche conséquente afin d’établir un cadre réglementaire complet et compréhensible. C’est précisément pour les fabricants, les exportateurs mais aussi les acquéreurs de machines qu’il importe de réglementer en toute sécurité notamment l’intégration de systèmes d’intelligence artificielle dans le parc des machines. Seule l’approche réglementaire globale présentée permet aux entreprises de ne devoir procéder qu’une seule fois à une évaluation de la conformité.

3.7.

Le CESE estime nécessaire d’adapter la structure et le contenu des annexes, qui font partie de la proposition de règlement. Il n’y a aucune raison apparente de modifier la numérotation des annexes à la proposition de règlement (l’annexe IV devient l’annexe I, etc.). Les modifications devraient se limiter aux cas où elles sont clairement nécessaires. En outre, compte tenu de leur risque potentiellement élevé, il est judicieux que certains composants de sécurité repris à l’annexe II, tels que les structures de protection contre le retournement (ROPS) et les structures de protection contre les chutes d’objets (FOPS) ou les logiciels assurant des fonctions de sécurité, soient inclus également dans la liste des produits à haut risque figurant à l’annexe I. Il convient en outre d’éviter des chevauchements et des contradictions avec d’autres actes législatifs existants de l’Union applicables aux machines, tels que par exemple la directive basse tension. Les procédures d’évaluation de la conformité ne devraient être effectuées qu’une seule fois. Ceci serait par exemple pertinent pour certaines des exigences en matière de santé et de sécurité applicables énoncées à l’annexe III de la proposition à l’examen, qui sont liées à certains risques [par exemple dans le cas de la directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil (5) relative aux équipements radioélectriques (RED) ou de la directive 2014/68/UE du Parlement européen et du Conseil (6) relative aux équipements sous pression (PED)]. En l’occurrence, seules devraient s’appliquer les procédures d’évaluation de la conformité pour la mise sur le marché ou la mise en service prévues par la proposition de règlement à l’examen.

3.8.

Le CESE tient la sécurité et la santé des travailleurs pour un aspect essentiel. Les fabricants et les concepteurs de machines sont responsables de leur sécurité fondamentale. Si la sécurité d’une machine ne peut pas être garantie, elle ne doit pas être mise en service. Les hommes et les femmes qui opèrent quotidiennement sur des machines ne doivent en aucun cas être exposés à des risques évitables. Concrètement, cela signifie que les machines doivent être sûres au moment de leur mise sur le marché et tout au long de leur cycle de vie. Il convient de contrôler régulièrement le respect de la législation en matière de sécurité. Les machines doivent pouvoir être actionnées en toute sécurité et tous les dispositifs de sécurité et de protection doivent être conçus de telle manière qu’il ne soit pas facile de les contourner ou de les désactiver. En outre, un marquage et la documentation technique, notamment la notice d’instructions, doivent permettre aux utilisateurs ou aux exploitants de prendre clairement connaissance de l’ensemble des risques résiduels qu’il n’a pas été possible d’éliminer au stade de la conception. Le CESE recommande à la Commission d’inclure dans la proposition de règlement une recommandation sur la nécessité de consulter les représentants des travailleurs et les responsables de la sécurité sur le lieu de travail. En outre, il convient de déterminer sans équivoque les responsabilités des personnes physiques ou morales en cas d’accident, notamment dans le contexte de l’utilisation de l’intelligence artificielle.

3.9.

Le CESE renvoie au contenu de son avis de 2019 sur «Un plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle» (7). Il y avait déjà établi que, pour réduire les risques auxquels les personnes peuvent être exposées lors de l’utilisation de machines, les travailleurs doivent être formés à l’utilisation de l’intelligence artificielle et des robots afin de pouvoir travailler avec eux en toute sécurité et les arrêter en cas d’urgence («principe du freinage d’urgence»). C’est surtout vrai lorsque l’interaction entre les personnes et les machines est particulièrement étroite. À cet effet, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a adopté une norme sur les robots, à l’intention des fabricants, des responsables de la mise sur le marché et des utilisateurs. Cette norme fournit des orientations pour la conception et l’organisation des zones de travail afin de réduire les risques sur le lieu de travail.

3.10.

Le CESE donne la priorité à la notice d’instructions en format numérique. Si son client le souhaite, le fabricant peut mettre à disposition la notice d’instructions sur support papier. Les pratiques de l’industrie montrent toutefois qu’il est fréquent que les clients réclament d’emblée une notice d’instructions en format numérique.

3.11.

Il ressort du quotidien de l’exploitation des machines que des réglementations très générales et plus simples en apparence peinent à encadrer la diversité des finalités d’utilisation et des dangers qui en découlent, comme par exemple la simple «interdiction» de la présence d’arêtes métalliques coupantes, sachant que celles-ci peuvent relever de la fonction même d’une machine. Pour de nombreux types de machines, par exemple pour les presses ou les machines de découpe au laser, les risques pour les utilisateurs des machines sont indissociables de la fonction voulue de la machine. Il relève de la responsabilité des fabricants de limiter autant que possible les risques de blessure au moyen de mesures adéquates de protection.

3.12.

Le CESE estime positif que le projet de règlement à l’examen concerne dorénavant en particulier un type de machines plus avancées et, de ce fait, moins tributaires des opérateurs humains. Selon les prévisions, la part de ces technologies dans l’ensemble du marché européen des machines connaîtra une forte croissance au cours des prochaines années. Il est tout particulièrement nécessaire de disposer de normes uniformes pour des machines qui sont à même d’apprendre par elles-mêmes et ainsi de gagner en autonomie et d’exécuter également de nouvelles actions et opérations. En effet, il est pour ainsi dire évident que des technologies numériques telles que l’intelligence artificielle, l’internet des objets et la robotique poseront de nouveaux problèmes liés à la sécurité des produits. C’est précisément pour le déploiement de l’intelligence artificielle qu’il y a lieu de définir un cadre de sécurité spécifique balisant l’exploitation de ces systèmes.

3.13.

Le CESE souligne que lorsqu’il s’agit de juger de la sécurité d’une machine, il convient également de prendre en compte les aspects déterminants, en sus de celui de la santé (physique et mentale) des opérateurs, que sont l’environnement et les incidences sur le climat. La fabrication et l’utilisation d’une machine et la question de la durabilité doivent être considérées conjointement et évaluées en fonction des incidences humaines et environnementales. L’on ne peut guère tenir pour sûre une machine qui nuit durablement au climat. La proposition présentée aborde l’aspect des effets sur l’environnement. Il s’agit là notamment de la question de ce qui se passe lorsque des machines et des produits connexes sont modifiés ultérieurement par des interventions physiques ou de manière numérique, y compris éventuellement dans le cas où le fabricant ne l’avait pas prévu. Il pourrait en résulter que des exigences essentielles en matière de sécurité et de santé ne soient plus satisfaites, et que les évaluations de conformité ayant servi de référence perdent leur validité. Si l’on évalue de manière générale la fabrication et l’utilisation d’une machine sous l’angle de la protection de l’environnement et du climat, il convient d’établir un lien cohérent avec le reste de la législation de l’UE (par exemple en ce qui concerne la durabilité des produits).

3.14.

La proposition de la Commission prévoit, pour les machines à haut risque soumises à évaluation, de supprimer à l’avenir la possibilité pour le fabricant de procéder lui-même à l’ensemble de la procédure d’évaluation de la conformité, même lorsqu’il applique des normes harmonisées. Cependant, nombre des machines concernées sont produites en petites séries ou sous formes de pièces uniques; dans ces cas-là, la participation d’un organisme de contrôle externe n’est pas appropriée dans la pratique. Aussi le CESE conseille-t-il de maintenir la législation en vigueur dans des cas individuels dûment justifiés. Ceci vaut également par exemple dans le cas où la part d’intelligence artificielle ne concerne que des logiciels statiques qui ne peuvent pas se développer d’eux-mêmes ou prendre des décisions. En outre, la question se pose de savoir si le recours obligatoire à un organisme notifiant pour établir une évaluation de la conformité n’entraîne pas également des coûts considérables qui pèsent lourdement sur les petites et moyennes entreprises. C’est justement le cas lorsque seule une petite partie de la machine est équipée d’intelligence artificielle, et qu’elle doit de ce fait être vérifiée et notifiée en tant que machine à haut risque. L’on peut s’interroger sur l’efficacité d’un organisme notifiant externe lorsqu’il n’est pas possible d’appliquer une norme d’essai appropriée, précisément dans le cas des pièces uniques.

3.15.

Le CESE se félicite que la Commission puisse formuler ses propres spécifications techniques en l’absence de normes harmonisées appropriées. À cet égard, il convient au préalable d’associer toutes les parties prenantes concernées.

3.16.

En vue de garantir l’uniformité des procédures d’essai et de notification, le CESE recommande la mise en place d’un certificat européen pour les entreprises afin de prouver la fiabilité de systèmes d’intelligence artificielle dignes de confiance (8).

3.17.

La proposition prévoit que les machines et produits connexes ne sont mis à disposition sur le marché ou mis en service que s’ils sont installés et entretenus convenablement et utilisés conformément à leur destination. De surcroît, il convient de satisfaire aux exigences essentielles de santé et de sécurité énoncées à l’annexe III (article 7). Toutefois, les «quasi-machines» ne sont pas obligatoirement mises en service, aussi convient-il de les exclure des dispositions relatives à la mise en service. À cet égard, il serait possible de prévoir dans des dispositions distinctes que les quasi-machines ne pourraient être mises sur le marché que lorsqu’elles satisfont aux exigences essentielles de sécurité et de santé prévues par l’annexe III, avec lesquelles le fabricant a certifié la conformité dans la déclaration d’incorporation.

3.18.

Afin d’assurer une cohérence optimale de la mise en œuvre du règlement relatif aux machines, le CESE estime qu’un suivi permanent doit être prévu pour la Commission européenne et toutes les parties prenantes concernées. Cela nécessite une concertation coordonnée entre les directions générales «Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME», «Emploi, affaires sociales et inclusion» et «Réseaux de communication, contenu et technologies». En outre, l’on pourrait par exemple créer un organe que financerait la Commission, composé des groupes de coopération administrative (ADCO) dans le secteur des machines et du comité des hauts responsables de l’inspection du travail pour la sécurité et la santé au travail (CHRIT), en vue d’une coordination continue.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE (JO L 157 du 9.6.2006, p. 24).

(2)  Rapport d’information sur la «Révision de la directive relative aux machines».

(3)  Voir aussi JO C 240 du 16.7.2019, p. 51.

(4)  Source: https://ec.europa.eu/growth/sectors/mechanical-engineering/machinery_fr

(5)  Directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d'équipements radioélectriques et abrogeant la directive 1999/5/CE (JO L 153 du 22.5.2014, p. 62)

(6)  Directive 2014/68/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des équipements sous pression (JO L 189 du 27.6.2014, p. 164).

(7)  JO C 240 du 16.7.2019, p. 51.

(8)  Voir aussi JO C 240 du 16.7.2019, p. 51.


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/72


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Taxinomie de l’UE, publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, préférences en matière de durabilité et devoirs fiduciaires: orienter la finance dans le sens du pacte vert pour l’Europe»

[COM(2021) 188 final]

(2021/C 517/11)

Rapporteur:

Stefan BACK

Consultation

Commission européenne, 31.5.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

8.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

191/1/10

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement le paquet de mesures relatives à la finance durable et souligne le rôle clé que pourrait jouer le règlement délégué de la Commission (ci-après le «règlement délégué») (1) dans la création d’un cadre global, clair et cohérent pour permettre le développement ambitieux d’une économie plus verte sans effets de verrouillage, avec des critères techniques qui définissent clairement les investissements verts qui contribuent directement aux objectifs de l’Europe en matière de climat, et sur lesquels peuvent s’aligner les pratiques des secteurs d’activité concernés et du secteur financier.

1.2.

Le CESE souligne qu’à la lumière du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2), il est urgent de mettre en place les mesures efficaces de lutte contre le changement climatique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévues par la loi européenne sur le climat. C’est pourquoi il est essentiel d’utiliser des outils efficaces, faciles à utiliser, productifs et innovants afin de produire des résultats rapides et lisibles. L’évaluation du règlement délégué devrait être menée dans cette optique.

1.3.

Le CESE reconnaît le rôle crucial que joue le règlement délégué dans le renforcement de la transparence au moyen de critères clairs en ce qui concerne les investissements durables, afin d’aider ceux qui souhaitent investir dans de tels projets et, partant, de prévenir l’écoblanchiment, de sensibiliser le public aux projets durables et d’encourager les investissements en leur faveur. En tant que tel, le règlement délégué peut créer des conditions de concurrence équitables et transparentes pour la finance verte dans l’UE.

1.4.

Une définition claire et précise des critères techniques énoncés dans le règlement délégué, lesquels visent à concrétiser l’ambition d’une économie à faible intensité de carbone pour l’Europe, est donc la condition préalable essentielle pour un engagement raisonnable, réaliste et acceptable sans risque d’écoblanchiment. Étant donné le rôle central du règlement délégué dans la crédibilité de la taxinomie, qui est essentielle au succès de ce système essentiellement volontaire, il est particulièrement difficile d’obtenir un tel engagement.

1.5.

Par conséquent, le CESE est d’avis que les activités et projets économiques définis comme «durables» dans le règlement délégué doivent être attrayants pour les investisseurs de l’économie réelle et il part du principe que les investisseurs s’attendent à ce qu’un projet durable soit réaliste, réalisable, raisonnablement rentable et prévisible pour les acteurs du marché. En d’autres termes, ces projets doivent être attractifs sans créer de risque d’écoblanchiment.

1.6.

D’une manière générale, un niveau d’ambition élevé en ce qui concerne les mesures d’atténuation du changement climatique ou des exigences en matière d’informations détaillées assorties de projections à long terme en matière d’adaptation au changement climatique pourraient représenter un défi complexe et coûteux, en particulier pour les PME dans une économie de marché. Ces problèmes soulèvent également la question de la reconnaissance plus large des solutions transitoires comme une voie à emprunter pour une transition environnementale sans heurts. Il est toutefois impératif d’éviter les effets de verrouillage.

1.7.

Le CESE prend note des préoccupations des acteurs de l’économie réelle concernant les effets négatifs du règlement délégué sur les possibilités et les coûts de financement. Le Comité souligne par conséquent l’importance d’un suivi adéquat par les autorités de surveillance afin d’éviter les effets de distorsion sur les marchés financiers, compte tenu notamment de l’élargissement du champ d’application des critères de taxinomie pour inclure, par exemple, la publication d’informations non financières et la proposition de norme des obligations vertes européennes.

1.8.

Le CESE indique également que la mise en œuvre des critères de taxinomie prévus par le règlement délégué risque d’engendrer des coûts excessifs. C’est pourquoi le CESE insiste sur la nécessité de développer une assurance verte à l’intention des PME afin de réduire ce risque de coûts.

1.9.

Le règlement délégué fixe des normes environnementales souvent plus ambitieuses que celles de la législation sectorielle de l’UE. Compte tenu du besoin de clarté et d’attractivité exposé plus haut, il peut en résulter une confusion, s’accompagnant notamment de problèmes de financement pour les acteurs qui respectent les normes environnementales les plus élevées en vertu de la législation sectorielle de l’UE. Le CESE reconnaît qu’il y a lieu de faire preuve d’une grande ambition mais recommanderait néanmoins, pour des raisons pratiques et afin d’éviter toute confusion, que la taxinomie soit elle aussi soumise aux normes environnementales les plus strictes fixées dans la législation de niveau 1 de l’UE. En outre, le règlement délégué (un acte de niveau 2) semble contenir certaines dispositions incohérentes, peu claires et qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation complète. Ces problèmes, associés aux observations formulées par ailleurs, en particulier aux paragraphes 1.5 à 1.10, amènent le CESE à se demander si le règlement délégué dans sa forme actuelle, aussi louables qu’en soient les visées, est effectivement adapté à sa finalité. Le CESE recommande vivement à la Commission de présenter des propositions visant à renforcer les normes de la législation environnementale de l’Union.

1.10.

Le CESE serait favorable à l’adoption d’initiatives visant à améliorer le système de taxinomie selon les lignes directrices exposées ci-dessus, de manière à élargir son champ d’application et de le rendre plus utile en tant qu’instrument de soutien des objectifs de la politique climatique de l’UE, grâce à une mise en œuvre efficace de la législation environnementale de l’UE; le Comité invite dès lors la Commission à prendre de nouvelles initiatives allant dans ce sens. Le Comité note que la question importante de la taxinomie européenne des activités néfastes pour l’environnement et le climat reste ouverte. Il convient d’y répondre de toute urgence.

2.   Informations générales

2.1.

Le 21 avril 2021, la Commission européenne a publié un paquet de mesures relatives à la finance durable (ci-après le «paquet») comprenant:

la communication intitulée «Taxinomie de l’UE, publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, préférences en matière de durabilité et devoirs fiduciaires: orienter la finance dans le sens du pacte vert pour l’Europe» (3);

un règlement délégué complétant deux des six objectifs environnementaux énoncés aux articles 10 et 11 du règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil (4) (ci-après le «règlement sur la taxinomie») par des critères d’examen technique afin de déterminer les conditions dans lesquelles une activité économique contribue de manière substantielle à l’atténuation du changement climatique (article 10) et contribue de manière substantielle à l’adaptation au changement climatique (article 11), ainsi que des critères permettant de déterminer si une activité économique cause un préjudice important aux objectifs environnementaux (article 17). Ce règlement délégué a été formellement adopté le 4 juin 2021;

une proposition de nouvelle directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises;

des actes délégués modifiés au titre de la directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFID II) et de la directive sur la distribution d’assurances. Ces actes délégués introduisent le concept de durabilité comme faisant partie des informations à fournir aux clients avant la prise de décisions en matière d’investissement;

d’autres modifications des actes délégués relatifs aux devoirs fiduciaires ainsi que des actes délégués relatifs à la gestion d’actifs, à l’assurance, à la réassurance et aux investissements afin d’inclure les risques en matière de durabilité pouvant affecter la valeur des investissements.

3.   Observations générales

3.1.

Selon la communication, le paquet est conçu comme un moyen d’encourager l’investissement privé dans des projets durables, afin d’injecter les vastes ressources financières nécessaires pour atteindre l’objectif de neutralité climatique énoncé dans le pacte vert, au-delà des ressources destinées à aider l’économie européenne à se remettre de la crise de la COVID-19.

3.2.

La communication souligne l’importance du règlement délégué pour instaurer les critères définissant les activités économiques vertes qui contribueront de manière substantielle aux objectifs du pacte vert.

3.3.

Le CESE accueille favorablement le paquet de mesures relatives à la finance durable et souligne le rôle clé que pourrait jouer le règlement délégué dans la création d’un cadre global, clair et cohérent pour permettre le développement ambitieux d’une économie plus verte sans effets de verrouillage, avec des critères techniques clairs et transparents définissant les investissements verts qui contribuent directement aux objectifs de l’Europe en matière de climat, et sur lesquels peuvent s’aligner les pratiques des secteurs d’activité concernés et du secteur financier.

3.4.

Le CESE souligne qu’à la lumière du sixième rapport du GIEC (5), il est urgent de mettre en place les mesures efficaces de lutte contre le changement climatique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévues par la loi européenne sur le climat. C’est pourquoi il est essentiel d’utiliser des outils efficaces, faciles à utiliser, productifs et innovants afin de produire des résultats rapides et lisibles. L’évaluation du règlement délégué devrait être menée dans cette optique.

3.5.

Une définition claire et précise des critères techniques énoncés dans le règlement délégué, lesquels visent à concrétiser l’ambition d’une économie à faible intensité de carbone pour l’Europe, est donc la condition préalable essentielle pour un engagement raisonnable, réaliste et acceptable sans risque d’écoblanchiment. Étant donné le rôle central du règlement délégué dans la crédibilité de la taxinomie, qui est essentielle au succès de ce système essentiellement volontaire, il est particulièrement difficile d’obtenir un tel engagement.

3.6.

Le CESE se félicite néanmoins de l’ambition dont fait preuve la Commission dans le règlement délégué, visant à établir une norme européenne uniforme définissant les activités considérées comme contribuant de manière substantielle à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation à celui-ci. Les critères techniques devraient fournir un cadre clair pour les investissements verts afin de créer des conditions de concurrence équitables sur les marchés financiers et d’éviter les tentatives d’«écoblanchiment». Les avis divergent quant à la portée et à l’utilité des options transitoires. Le CESE estime que les critères techniques devraient offrir des possibilités plus larges pour reconnaître les solutions transitoires comme ouvrant la voie à une transition harmonieuse. Il est impératif d’éviter les effets de verrouillage.

3.7.

Le CESE prend également acte de l’observation formulée dans la communication selon laquelle le règlement délégué doit être considéré comme un document évolutif qui s’adaptera au fil du temps, tant en ce qui concerne son champ d’application que son niveau.

3.8.

Le CESE reconnaît dès lors le rôle important du règlement délégué pour veiller à la transparence en ce qui concerne les activités répondant aux critères fixés et attirant des acteurs désireux d’investir dans des projets durables. Celui-ci constitue dès lors une base permettant de déterminer si une activité économique peut être considérée comme durable sur le plan environnemental ainsi que d’appliquer les dispositions obligatoires en matière de transparence et de publication énoncées dans le règlement sur la taxinomie. Il pourrait aussi avoir son importance en ce qui concerne la sensibilisation et l’attraction d’investissements dans des projets durables, ainsi que pour prévenir l’écoblanchiment.

3.9.

Le règlement délégué est décrit comme un outil de transparence et fait partie d’un système volontaire, en ce sens que les opérateurs du marché ne sont pas tenus de respecter les normes qu’il établit et que les investisseurs ne sont pas tenus d’investir dans des activités économiques ou des projets qui satisfont à ces normes.

3.10.

Par conséquent, comme cela a déjà été souligné, les activités économiques et les projets définis comme durables conformément au règlement délégué doivent être clairs pour pouvoir attirer les investisseurs dans l’économie réelle. Il est également raisonnable de supposer que ces derniers investiront dans des projets écologiques durables, réalistes, rentables et prévisibles. Les perspectives de rentabilité peuvent varier et seront souvent plus faibles dans des situations impliquant un financement par des banques coopératives, locales ou régionales, à savoir entre 5 et 6 % au lieu des 11 à 15 % attendus généralement. Une plus grande rentabilité attirera généralement d’importants flux de capitaux, tandis qu’il sera généralement fait appel aux banques coopératives ou régionales pour des projets de moindre envergure.

3.11.

Il est primordial que les critères énoncés dans le règlement délégué régissant le caractère durable sur le plan environnemental d’une activité économique ou d’un projet apparaissent réalisables moyennant un coût raisonnable, rentables et raisonnablement prévisibles ou, en d’autres termes, commercialement attrayants pour les acteurs du marché. Dans ce contexte, il importe toutefois de garder à l’esprit que les PME, en particulier, peuvent souvent avoir besoin d’un soutien pour gérer la transition écologique. Nonobstant ce qui précède, la taxinomie en elle-même devrait se limiter à des critères techniques.

3.12.

Si la taxinomie ne répond pas aux critères énoncés aux deux paragraphes précédents, les perspectives de l’ensemble du projet peuvent être mises en doute. Pour réaliser la transformation voulue, un système volontaire se doit d’être attrayant.

3.13.

Sur la base des éléments essentiels exposés ci-dessus, un certain nombre de dispositions du règlement délégué semblent contestables. D’une manière générale, un niveau d’ambition élevé en ce qui concerne les mesures d’atténuation du changement climatique ou des exigences en matière d’informations détaillées assorties de projections à long terme en matière d’adaptation au changement climatique peuvent paraître trop difficiles à atteindre, trop complexes, trop coûteux ou pas suffisamment rentables dans une économie de marché, à l’exception d’un petit nombre de très grands acteurs, et peuvent sembler ne pas tenir suffisamment compte des conséquences dans la pratique, en particulier pour les PME. Cela empêcherait l’adoption à grande échelle de ces critères, un objectif que l’on cherche pourtant manifestement à atteindre, mais occasionnerait également des difficultés de financement pour les entreprises qui se conforment à la législation environnementale de l’UE en vigueur, mais pas au règlement délégué. C’est pourquoi le CESE insiste sur la nécessité de développer une assurance verte à l’intention des PME afin de réduire ce risque de coûts. Quelques exemples de ce manquement figurent ci-dessous, à la rubrique «Observations particulières».

3.14.

Les acteurs de l’économie réelle ont affirmé craindre que les critères techniques définis dans le règlement délégué n’entraînent des difficultés de financement pour les activités qui ne sont pas conformes au règlement. Le CESE reconnaît qu’un tel risque peut exister, étant donné que le champ d’application de la taxinomie s’élargit pour servir de base à la publication d’informations non financières au titre de l’article 8 du règlement relatif à la taxinomie, ainsi qu’à la proposition de norme des obligations vertes européennes (6).

3.15.

Le CESE souligne par conséquent qu’il importe que les autorités de surveillance contrôlent l’application du règlement délégué afin d’éviter les effets discriminatoires relatifs aux possibilités de crédit et aux coûts du crédit dans le cas des entreprises qui ne remplissent pas les critères de la taxinomie. Ces acteurs devraient toujours bénéficier d’un traitement équitable lorsqu’ils tentent d’obtenir les moyens financiers nécessaires.

3.16.

Dans ce contexte, le CESE renvoie à un rapport d’expert du Comité scientifique du ministère fédéral allemand des finances indiquant, d’une part, que tenter d’orienter l’utilisation des flux de capitaux dans l’économie réelle au moyen de la réglementation financière est très difficile et nécessiterait une législation ambitieuse, détaillée et très complète, et d’autre part, qu’une telle taxinomie risque d’engendrer un niveau de complexité élevé et des coûts bureaucratiques excessifs (7).

3.17.

Les seuls éléments obligatoires du paquet, au regard du présent avis, sont les dispositions relatives à la transparence énoncées aux articles 4 à 7 du règlement sur la taxinomie et les actes délégués modifiés relatifs aux marchés d’instruments financiers, à la distribution d’assurances et à divers devoirs fiduciaires. Ces dispositions visent à sensibiliser les acteurs aux possibilités et aux risques liés aux investissements durables et à veiller à ce que les clients et les clients potentiels soient suffisamment informés à cet égard.

3.18.

Les actes délégués relatifs aux marchés financiers semblent globalement adaptés à leur finalité et constituent donc des outils adéquats pour sensibiliser aux investissements durables et ouvrir ainsi la voie à l’affectation des ressources indispensables à ces investissements.

3.19.

Le règlement délégué fixe des normes environnementales souvent plus ambitieuses que celles de la législation sectorielle de l’UE. Compte tenu du besoin de clarté exposé au paragraphe 3.6, ces normes divergentes peuvent entraîner une confusion, s’accompagnant notamment de problèmes de financement pour les acteurs qui respectent les normes environnementales les plus élevées en vertu de la législation sectorielle de l’UE. Le CESE reconnaît qu’il y a lieu de faire preuve d’une grande ambition mais recommanderait néanmoins, pour des raisons pratiques et afin d’éviter toute confusion, que les normes environnementales les plus strictes établies par la législation de niveau 1 de l’UE soient également appliquées aux fins de la taxinomie, afin que cette dernière puisse remplir efficacement son obligation de garantir la transparence des produits financiers et de prévenir l’écoblanchiment. Ces problèmes, associés aux observations formulées ci-dessus, en particulier aux paragraphes 3.6 et 3.13 à 3.16, amènent le CESE à se demander si le règlement délégué (un acte de niveau 2) dans sa forme actuelle, aussi louables qu’en soient les visées, est effectivement adapté à sa finalité (8). Le CESE recommande vivement à la Commission de présenter des propositions visant à renforcer les normes de la législation environnementale de l’Union.

3.20.

Il est notoire que les produits financiers verts sont attrayants pour les marchés financiers. Le CESE se félicite dès lors de l’objectif fondamental de la taxinomie qui consiste à créer de la transparence, à prévenir l’écoblanchiment et à attirer l’attention sur les produits financiers écologiques, mais souligne toutefois le risque d’apparition de bulles néfastes sur les marchés financiers.

3.21.

Le CESE serait favorable à l’adoption d’initiatives visant à améliorer le système de taxinomie selon les lignes directrices exposées ci-dessus, de manière à élargir son champ d’application et de le rendre plus utile en tant qu’outil important de soutien des objectifs fixés au titre de la politique climatique de l’UE, grâce à une mise en œuvre efficace de la législation environnementale de l’UE; le Comité invite dès lors la Commission à prendre de nouvelles initiatives allant dans ce sens.

3.22.

Le Comité note que la question importante de la taxinomie européenne des activités néfastes pour l’environnement et le climat reste ouverte. Il convient d’y répondre de toute urgence.

4.   Observations particulières

Le règlement délégué

4.1.

Le CESE souligne le rôle clé des énergies renouvelables dans la transition vers la durabilité et attire l’attention sur la nécessité de mettre en place des solutions transitoires appropriées, entre autres, afin de garantir le bon fonctionnement des chaînes de valeur logistiques, tout en tenant compte de la nécessité impérative d’éviter les effets de verrouillage.

4.2.

Le paragraphe 6.3 de l’annexe 1 du règlement délégué prévoit que les autobus remplissant le critère d’émission nulle à l’échappement ne peuvent être considérés comme durables que s’ils sont exploités au sein du trafic urbain et suburbain, tandis que les autres cas d’exploitation d’autobus ne peuvent être considérés comme durables que pour des activités dites transitoires jusqu’au 31 décembre 2025, s’ils appartiennent à la catégorie la plus élevée de la classe EURO (EURO VI). À défaut, un critère d’émission nulle à l’échappement s’appliquera, mais il ressort du texte que les activités ne peuvent être réputées transitoires que sous réserve d’une réévaluation au moins tous les trois ans, conformément à l’article 19 du règlement sur la taxinomie. Il ne semble exister aucune référence aux normes fixées dans la directive sur les véhicules propres. Compte tenu de l’incertitude de la situation au-delà du 31 décembre 2025, qui oserait alors investir dans une entreprise exploitant des autobus? Qualifier de «transitoires» des activités répondant aux exigences environnementales les plus strictes de la législation de l’UE (les normes EURO VI) semble étrange et susceptible de créer de la confusion.

4.2.1.

Les poids lourds (catégories N2 et N3) utilisés dans le transport routier de fret (section 6.6) sont considérés comme durables s’ils font partie des «véhicules utilitaires lourds à émission nulle» au sens de l’article 3, paragraphe 11, du règlement (UE) 2019/1242 du Parlement européen et du Conseil (9), c’est-à-dire que leurs émissions de CO2 sont inférieures à 1 g/kWh ou, dans le cas des véhicules de plus de 7,5 tonnes qui ne peuvent, d’un point de vue technologique et économique, atteindre un niveau d’émission nul, s’ils correspondent aux normes de faibles émissions conformément à l’article 3, paragraphe 12, dans le cadre d’une activité transitoire. Les véhicules utilitaires légers dont le poids maximal en charge est inférieur ou égal à 3,5 tonnes (N1) sont tenus d’avoir des émissions nulles à l’échappement. Tous les autres services de transport routier de fret sont transitoires.

4.2.2.

Le traitement réservé aux poids lourds correspond à une approche pragmatique qui aurait dû être adoptée plus souvent dans le règlement délégué. L’obligation de nullité des émissions à l’échappement pour les véhicules utilitaires légers (catégorie N1) mentionnée dans la section 6.6 semble incompatible avec la section 6.5 relative au transport par motocycles, voitures et véhicules utilitaires légers, auquel des dispositions plus souples s’appliquent, sans raison évidente.

4.2.3.

Dans l’ensemble, les divergences entre les critères appliqués aux véhicules routiers dans différentes activités semblent entraîner des incohérences et des incertitudes, sans qu’aucune explication ne soit donnée quant aux approches très différentes adoptées selon les contextes.

4.3.

Une disposition récurrente figurant dans la section 6 de l’annexe 1 du règlement, consacrée aux transports, exclut les véhicules ou navires affectés au transport de combustibles fossiles, car il convient de ne pas faciliter l’accès à ces carburants. Toutefois, le considérant 35 indique que la possibilité de mise en œuvre de cette exigence dans la pratique pourrait faire l’objet d’une évaluation. Le fait d’insérer une exigence alors qu’une certaine incertitude règne quant à son utilité semble douteux. En outre, l’exigence formulée n’est pas claire. Un véhicule peut souvent transporter à la fois des carburants fossiles et des carburants de substitution. Il est difficile de savoir si ce critère fait référence à la construction ou à l’utilisation du véhicule ou du navire, de sorte que ni son interprétation ni son incidence ne sont claires.

4.4.

À ces exemples s’ajoutent les dispositions relatives aux analyses des avantages climatiques figurant aux paragraphes 1.1, 1.2 et 1.3 de l’annexe 1, qui complètent, entre autres, les plans de boisement, de restauration et de gestion des forêts et qui s’appliquent aux petites exploitations de 13 hectares. Les exigences semblent assez complexes et la mention de la disponibilité d’outils en ligne fournis par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ne sera probablement qu’une maigre consolation pour les petits exploitants. Cette rhétorique témoigne de la situation défavorable vécue par les plus petites entreprises en raison de l’approche descendante adoptée dans le règlement délégué.

4.5.

Si la préservation des forêts, y compris des puits de carbone, constitue un élément essentiel de la politique environnementale de l’UE, les obligations administratives doivent toutefois rester proportionnelles aux ressources des personnes ciblées. Les méthodes appliquées par le conseil de bonne gestion forestière sont un exemple de principes clairs et raisonnables en matière d’exploitation et de gestion forestière (10).

4.6.

En ce qui concerne l’adaptation au changement climatique, il peut être fait référence aux dispositions du paragraphe 1.3 de l’annexe 2 sur la gestion des forêts et du paragraphe 6.3 sur les transports routiers urbains, suburbains et interurbains de passagers, qui prévoit une analyse des effets sur le climat des grands investissements réalisés sur 10 à 30 ans.

4.7.

En affirmant que la taxinomie n’accepte pas les activités qui améliorent les niveaux actuels de performance environnementale, mais pas au point d’apporter une contribution substantielle, la communication contredit l’article 10, paragraphe 2, du règlement sur la taxinomie. Par conséquent, comme cela a déjà été suggéré, il convient d’accorder davantage d’espace aux solutions transitoires.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement délégué de la Commission complétant le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil par les critères d’examen technique permettant de déterminer à quelles conditions une activité économique peut être considérée comme contribuant substantiellement à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation à celui-ci et si cette activité économique ne cause de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux [C(2021) 2800 final].

(2)  Changement climatique 2021 — Les éléments scientifiques, 2021 [en anglais].

(3)  COM(2021) 188 final.

(4)  Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (JO L 198 du 22.6.2020, p. 13).

(5)  Changement climatique 2021 — Les éléments scientifiques, 2021 [en anglais].

(6)  Proposition de règlement de la Commission relative aux obligations vertes européennes [COM(2021) 391 final — 2021/0191 (COD)].

(7)  Comité scientifique du ministère fédéral allemand des finances, «Grüne Finanzierung und Grüne Staatsanleihen — Geeignete Instrumente für eine wirksame Umweltspolitik?» (La finance verte et les obligations souveraines vertes constituent-elles des instruments appropriés aux fins d’une politique efficace en faveur de l’environnement?), rapport d’expertise 01/2021 du 29 avril 2021.

(8)  CCI Munich et Haute-Bavière, Institut Leibniz de recherche économique de l’université de Munich, «Sustainable Finance — Eine kritische Würdigung der deutschen und europäischen Vorhaben» (Finance durable — Une évaluation critique des projets allemands et européens), 2020.

(9)  Règlement (UE) 2019/1242 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs et modifiant les règlements (CE) no 595/2009 et (UE) 2018/956 du Parlement européen et du Conseil et la directive 96/53/CE du Conseil (JO L 198 du 25.7.2019, p. 202).

(10)  www.fsc.org


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/78


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à la stratégie de l’UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025

[COM(2021) 171 final]

(2021/C 517/12)

Rapporteur:

Carlos Manuel TRINDADE

Saisine

Commission européenne, 31.5.2021

Base juridique

Article 304 du TFUE

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

7.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

215/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La traite des êtres humains constitue avant tout une violation grave des droits de l’homme. Elle viole des droits fondamentaux, tels que la liberté, la dignité et l’égalité, qui sont consacrés par de nombreux instruments, comme la déclaration universelle des droits de l’homme, la convention européenne des droits de l’homme, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

1.2.

Les causes profondes de la traite des êtres humains résident dans la vulnérabilité des victimes qui résulte de la pauvreté, des inégalités de genre et de la violence perpétrée contre les femmes et les enfants, de même que des situations de conflit et d’après-conflit, du manque d’intégration sociale, de perspectives et d’emplois, ainsi que des difficultés d’accès à l’éducation et du travail des enfants.

1.3.

Les trafiquants tirent parti de ces situations de vulnérabilité pour développer un modèle d’activité criminel, complexe et extrêmement lucratif qui, aujourd’hui encore, présente peu de risques et s’avère très rentable.

1.4.

La pandémie a aggravé la situation de vulnérabilité économique et sociale des personnes et entravé leur accès à la justice ainsi que la répression des crimes. Dans le même temps, un nouveau modèle économique a été mis au point, utilisant l’internet pour recruter les victimes et les exploiter.

1.5.

Le CESE soutient dans l’ensemble la stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025 (ci-après dénommée «la stratégie») qui a été présentée par la Commission européenne (ci-après dénommée «la Commission»), sans préjudice des observations, propositions et recommandations formulées dans le présent avis.

1.6.

Le CESE estime avec la Commission qu’il est nécessaire d’améliorer la qualité des données qui sont collectées sur ce phénomène, sous une forme harmonisée, dans les États membres (1). Si l’on veut que la lutte contre la traite des êtres humains gagne en efficacité, il est nécessaire, tout spécialement lors de l’élaboration de réponses adéquates, d’avoir connaissance de ce phénomène de manière approfondie et en temps utile, en particulier pour ce qui est de tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse de ses victimes, des trafiquants ou des utilisateurs, ainsi que du mode opératoire de ses réseaux. Agir autrement reviendrait à sous-estimer la dimension réelle de ce trafic et à ne pas l’appréhender dans toute son ampleur.

1.7.

Le CESE constate que les mesures de lutte contre la traite des êtres humains n’ont pas été suffisamment opérantes et qu’il y a lieu de renforcer cette action au moyen d’une stratégie plus globale, en prenant de nouvelles mesures (2).

1.8.

Le CESE est favorable à une éventuelle révision de la directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains, intervenant à la suite à l’évaluation de sa mise en œuvre, mais fait observer que s’agissant de lutter contre ce phénomène, l’amélioration des sanctions, bien que nécessaire, n’est pas suffisante.

1.9.

Le CESE relève, et s’en félicite, l’intention d’établir, au niveau de l’Union européenne, des normes minimales qui criminalisent les réseaux impliqués dans la traite et l’exploitation d’êtres humains et «l’utilisation de services fournis par des personnes exploitées dans le cadre de la traite des êtres humains». Cette criminalisation devra couvrir tous les maillons de la chaîne de contrats et de sous-traitance qui est mobilisée dans le processus de traite et d’exploitation des êtres humains.

1.10.

Le CESE estime que, pour être plus efficace, la lutte contre la traite des êtres humains doit reposer sur une analyse plus complète, qui tienne compte de la dimension sociale de l’environnement permettant l’expansion de ce phénomène, laquelle n’est prise en compte que de manière sporadique dans la conception de la stratégie.

1.11.

Le CESE note également (3) qu’il existe un lien entre le développement de la traite des êtres humains dans les pays à faibles revenus et le trafic des enfants: «dans les pays à faible revenu, la moitié des victimes de la traite des êtres humains sont des enfants et la majorité d’entre eux sont forcés à travailler», cette situation étant liée aux problèmes de subsistance que rencontrent les familles.

1.12.

Le CESE considère que les immenses souffrances des victimes devraient conduire à adopter une approche humaniste de leur situation à tous les stades. La perspective prédominante de la stratégie ne peut se réduire à les rapatrier ou à les inciter à retourner volontairement dans leur pays d’origine, en sous-estimant les conditions qu’elles y trouveraient et qui les rendraient plus vulnérables aux trafiquants, mais devrait également inclure la reconnaissance du droit à l’intégration dans la société d’accueil.

1.13.

Le CESE constate qu’il n’est prévu aucune mesure visant à reconnaître et à faire respecter les droits des victimes, ni à fournir immédiatement une assistance, un soutien et une protection, entre autres médicale et juridique, s’agissant notamment des punitions que leur infligent les personnes qui les exploitent. Il suggère à la Commission d’intégrer cette proposition dans la stratégie.

1.14.

Le CESE note que la stratégie prend acte des difficultés que rencontrent les victimes pour reconstruire leur vie et qu’elle reconnaît que leurs possibilités d’insertion sur le marché du travail sont rares, mais il fait observer que rien n’est envisagé pour changer cet état de fait (4). Pour remédier à cette situation, il propose d’accorder aux victimes le droit à l’intégration dans la société d’accueil au moyen d’un processus d’intégration approprié et rapide.

1.15.

Le droit de l’Union ne prévoit la possibilité d’octroyer un titre de séjour ou de résidence aux victimes que si elles coopèrent à l’enquête et aux poursuites à l’encontre des trafiquants. Le CESE fait observer que cette situation peut être extrêmement pénalisante pour les victimes, les obligeant à revivre toutes les expériences et traumatismes qu’elles ont subis, au mépris de leur santé physique et mentale. Il propose que ces situations soient examinées au cas par cas, en fonction des circonstances et du profil psychologique de chacune des victimes, et il estime qu’elles doivent bénéficier, notamment, d’un solide soutien psychologique afin de surmonter l’épreuve de devoir revivre les traumatismes qu’elles ont vécus et d’en témoigner.

1.16.

Le CESE se félicite que la Commission prône que les victimes ne soient pas sanctionnées pour les infractions qu’elles ont été contraintes de commettre, et qu’en ce qui concerne les titres de séjour pour ces victimes de la traite des êtres humains, la directive de 2004 soit révisée dans l’optique de les protéger.

1.17.

Le CESE propose à cet égard qu’un fonds public indemnise dûment toutes les victimes de la traite des êtres humains, en tenant compte de la gravité des souffrances qui leur ont été infligées. En cas d’exploitation par le travail, elles auront également le droit de recevoir les rémunérations correspondant aux prestations effectuées, étant entendu qu’il s’imposera d’établir la responsabilité du destinataire direct dudit travail, c’est-à-dire de l’employeur ultime ou, dans des cas spécifiques, de son bénéficiaire, lorsque les «chaînes d’approvisionnement» s’avèrent former un labyrinthe inextricable.

1.18.

Le CESE juge que la législation européenne en matière d’immigration ne tient pas compte de la situation des migrants économiques moins qualifiés et plus pauvres qui arrivent en Europe en quête de meilleures conditions de vie et de travail, alors qu’elle le fait déjà dans le cas des migrants plus qualifiés ou disposant de davantage de moyens financiers. Cette carence a contribué à ce que les migrants économiques se retrouvent impliqués dans des réseaux de traite des êtres humains, en raison de l’absence de mécanismes leur permettant d’immigrer de manière régulière. Le Comité recommande aux institutions européennes de mettre en place une législation de l’Union pour remédier à cette situation.

1.19.

Le CESE estime que l’intégration d’une dimension internationale (5) dans la stratégie a pour effet de conférer plus d’efficacité à la lutte contre la traite des êtres humains. Il note toutefois qu’elle n’accorde guère d’attention à la nécessité de créer des conditions économiques et sociales dignes et suffisantes (6) pour les populations, alors qu’il s’agirait là du principal facteur qui entraverait ou empêcherait le recrutement de victimes pour la traite des êtres humains. Il propose que la dimension de la coopération au développement et la réalisation des objectifs de développement durable et des Nations unies soient considérées comme les principaux moyens de créer de telles conditions structurelles et qu’elles soient intégrées dans la stratégie.

1.20.

Le CESE constate que sur le plan de l’activité économique et concernant la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail, la stratégie ne fait aucune référence à la concurrence déloyale que les entreprises utilisant cette main-d’œuvre mènent vis-à-vis des autres, qui exercent leur activité dans le respect de la législation. Cette situation de dumping social est incompatible avec la responsabilité sociale des entreprises et devrait être également abordée, au-delà de la sphère policière et juridique, dans le champ du dialogue social.

1.21.

Le CESE constate qu’il existe une tendance à recourir davantage à cette main-d’œuvre dans les secteurs d’activité où l’économie informelle est plus présente et dans lesquels l’absence de dialogue social, de négociation collective et de conventions collectives est généralisée. Le CESE propose que la Commission, afin de mieux lutter contre l’exploitation par le travail, prévoie dans la stratégie d’associer activement les partenaires sociaux à la lutte contre la traite des êtres humains, conformément à leurs compétences et dans le respect de leur autonomie, et, ce faisant de promouvoir le dialogue social, ainsi que les conventions collectives, en tant qu’instruments essentiels à cette fin.

1.22.

Le CESE se félicite de l’initiative que la Commission va prendre à propos de la gouvernance d’entreprise durable, visant en particulier à garantir que les marchés publics encouragent la transparence et soient socialement responsables (7). Il note que plusieurs conventions collectives ont déjà été conclues au niveau national dans le but de prévenir les abus et la traite des êtres humains sur le lieu de travail et de prévoir l’indemnisation des victimes (8). Il recommande que la stratégie intègre ces exemples de bonnes pratiques, qui devraient être encouragés et reproduits dans les États membres, en tant qu’ils constituent un moyen concret de garantir la transparence voulue.

1.23.

Le CESE salue l’engagement pris par la Commission d’étoffer la directive sur les sanctions à l’encontre des employeurs, lesquelles ne sont pas couvertes par la législation en vigueur, car elle permettra de durcir celles qui leur sont applicables (9).

1.24.

Le CESE constate que la stratégie ne fait aucune référence à l’enjeu important que représente la participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, en particulier des syndicats. Il y a lieu de relever et de mettre en valeur comme il se doit les activités que ces organisations mènent et le rôle qu’elles assument de longue date pour détecter, dénoncer et combattre la traite des êtres humains et pour apporter un soutien actif à ses victimes, en particulier pour ce qui est de ses formes liées à l’exploitation sexuelle et au travail des enfants. Le CESE propose que la stratégie intègre la question de la participation de ces organisations et qu’elles bénéficient d’un soutien adéquat, y compris sur le plan financier.

1.25.

Le CESE note également que la stratégie ne fait pas mention de l’importante action d’assistance que les organisations de la société civile, les réseaux de solidarité et les partenaires sociaux apportent pour protéger, accueillir et intégrer les victimes, ni du soutien financier qui est nécessaire pour mener à bien ces activités. Il propose à la Commission d’intégrer cette dimension dans sa proposition.

1.26.

Le CESE approuve l’orientation suivie quant à la nécessité d’associer dans cette lutte, outre Europol et Eurojust, l’Autorité européenne du travail (AET), en étroite collaboration avec les pouvoirs publics nationaux, particulièrement avec les inspections du travail, en renforçant leurs pouvoirs et en les dotant de moyens matériels, notamment numériques et formels. Aussi le CESE suggère-t-il à la Commission que la stratégie propose aux États membres de respecter les proportions fixées dans la convention no 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT) (10).

2.   Introduction

2.1.

Tout un chacun voit, entend et lit, et nul ne peut l’ignorer, que la traite des êtres humains entraîne d’énormes souffrances pour ses victimes, porte atteinte à leur dignité, les prive de liberté et détruit leur vie Le CESE et l’ensemble de ses membres, ainsi que tous les citoyens de l’Union européenne, ont pleinement conscience de la terrible réalité de la traite des êtres humains et des conséquences désastreuses qu’elle produit pour ses victimes, vis-à-vis desquelles ils sont solidaires, de sorte qu’ils soutiennent toutes les mesures visant à la combattre et à l’éliminer.

2.2.

Bien que les études et les rapports aient permis d’approfondir la connaissance de ce phénomène, contribuant ainsi à améliorer les stratégies de riposte, la traite des êtres humains, année après année, n’en met pas moins en danger des milliers de personnes, en particulier des femmes et des enfants. Ainsi, l’on a pu faire les constats suivants:

i)

entre 2017 et 2018, 14 000 nouvelles victimes ont été recensées, et ce nombre pourrait être plus élevé compte tenu des difficultés que présente un tel relevé;

ii)

près de la moitié des victimes sont des citoyens de l’Union européenne, les autres étant des ressortissants de pays tiers d’Afrique, des Balkans occidentaux et d’Asie (11);

iii)

la majorité sont des femmes et des filles, victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle;

iv)

l’exploitation par le travail concerne 15 % des victimes, mais la majeure partie des personnes concernées par cette forme de traite ne sont pas repérées;

v)

les principaux secteurs dans lesquels s’exerce la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail sont l’agriculture et la sylviculture, le bâtiment, l’hôtellerie et la restauration, les services de nettoyage, les travaux domestiques et les industries manufacturières, en l’occurrence le textile, l’habillement et l’alimentation (12);

vi)

la majorité des trafiquants sont des citoyens de l’Union européenne;

vii)

indépendamment des recettes découlant de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail (13), cette forme de criminalité génère pour les trafiquants des profits élevés, estimés à 29,4 milliards d’euros en 2015, dont environ 14 milliards proviennent de l’exploitation sexuelle (14);

viii)

en 2020, le coût économique de la traite des êtres humains s’est élevé à 2,7 milliards d’euros;

ix)

les trafiquants profitent des inégalités sociales ainsi que de la vulnérabilité socio-économique des personnes concernées;

x)

près d’un quart des victimes de la traite des êtres humains sont des enfants et sont utilisées à des fins d’exploitation sexuelle (15);

xi)

les principales formes d’exploitation des victimes de traite des êtres humains sont l’exploitation sexuelle, le travail forcé, la criminalité forcée, la mendicité forcée et la traite des enfants (16).

2.3.

La stratégie de lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2021-2025 (17) s’inscrit dans un contexte caractérisé, d’une part, par une prise de conscience croissante que pour l’Union européenne, la lutte contre la traite des êtres humains constitue un impératif, du fait de son engagement en faveur de la défense de la dignité humaine et des droits de l’homme, et, d’autre part, par la poursuite de la montée en puissance de ce phénomène.

2.4.

Depuis 2002, l’Union européenne suit une voie de plus en plus exigeante, dans laquelle la proposition de stratégie actuelle entend poursuivre (18).

2.5.

L’adoption de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil (19), qualifiée à juste titre de «directive anti-traite des êtres humains», a constitué une avancée majeure dans la lutte contre ce phénomène. L’acception donnée à la notion de «traite des êtres humains» a été étoffée et élargie.

2.6.

La directive en a adopté une définition plus large, afin de couvrir de nouvelles formes d’exploitation des personnes victimes de la traite. Le CESE attire tout particulièrement l’attention sur son article 2, portant sur les «infractions liées à la traite des êtres humains», qui trace les lignes de force de la lutte contre la traite des êtres humains.

2.7.

Le CESE renvoie à l’acquis pertinent que constitue la série d’avis qu’il a consacrés à la traite des êtres humains, dont les conclusions ont, d’une manière générale, contribué à la lutte contre ce fléau au moment où chacun d’entre eux a été élaboré (20).

2.8.

C’est dans ce contexte que la Commission présente la proposition de stratégie à l’examen, qui est structurée en six chapitres pour chacun desquels elle prend ses propres engagements, au nombre de 26, tandis que pour la mettre en œuvre dans le cadre de leur champ d’application, elle invite les États membres à arrêter 16 mesures, de sorte que la stratégie aboutit à un total de 42 initiatives et actions.

3.   Observations générales

3.1.   Sur la nécessité de disposer de données (connaissance de la réalité)

3.1.1.

Le CESE relève que la Commission reconnaît qu’en dépit des mesures prises, la traite des êtres humains continue de croître dans l’Union européenne, touchant un nombre croissant de victimes et infligeant des coûts humains, sociaux et économiques très élevés, qui sont dus, en particulier, au modèle de fonctionnement des organisations criminelles.

3.1.2.

Le CESE souligne que le nombre de victimes recensées et présumées reflète la gravité de la situation, mais qu’il est nécessaire d’améliorer la connaissance que nous avons de cette réalité, car il reste difficile d’obtenir des données, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19, qui entrave l’accès à certaines informations en raison de la situation de confinement strict qu’elle a imposée aux personnels des secteurs tant public que privé.

3.2.   Sur la lutte contre la traite des êtres humains

3.2.1.

Le CESE souligne que dans la lutte contre la traite des êtres humains en tant que forme de criminalité, la stratégie privilégie le volet pénal et sécuritaire, qu’elle place au cœur de son action, en abordant les différentes dimensions.

3.2.2.

Le CESE note que la stratégie met l’accent sur le rôle de la législation dans ce contexte, en insistant sur la directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains, mais relève que, malgré le suivi de sa mise en œuvre par la Commission, sa transposition est inégale et, surtout, que l’impunité des auteurs de ces crimes subsiste dans l’Union européenne et que le nombre de condamnations prononcées à l’encontre de trafiquants reste faible (21).

3.3.   Sur la dimension sociale de la lutte contre la traite des êtres humains

3.3.1.

Le CESE relève que, comme le reconnaît la communication (22), «les jeunes femmes et les mineurs des communautés roms sont particulièrement vulnérables à l’exploitation et à la traite en raison de plusieurs facteurs socio-économiques, tels que la pauvreté multidimensionnelle […]».

3.3.2.

Le CESE fait observer que les personnes qui se trouvent dans une situation où à la pauvreté multidimensionnelle s’ajoutent des caractéristiques qui leur sont propres, comme, entre autres, les personnes handicapées et LGBTI, sont aussi particulièrement exposées à l’exploitation et à la traite des êtres humains.

3.3.3.

Le CESE note également (23) qu’il existe un lien entre le développement de la traite des enfants dans les pays à faible revenu et que «la majorité d’entre eux sont forcés à travailler», cette situation étant liée aux problèmes de subsistance que rencontrent les familles.

3.3.4.

Le CESE note et juge très positif que l’Autorité européenne du travail, les inspections du travail dans les États membres, les partenaires sociaux, de nombreuses organisations de la société civile ainsi que beaucoup de médias et réseaux sociaux agissent en permanence en tant que lanceurs d’alerte et luttent contre la traite des êtres humains, notamment en partageant et en diffusant des informations, en signalant et en combattant certaines situations et en recherchant toutes sortes de solutions pour protéger les victimes et sanctionner les trafiquants. Il propose à la Commission d’inclure ces interventions dans la stratégie et de les mettre en valeur comme exemples de bonnes pratiques à reproduire.

3.3.5.

Le CESE rappelle que l’on a parfois criminalisé de nombreuses organisations de la société civile, qui ont mené une action des plus méritoires dans les différents volets de la lutte contre la traite des êtres humains et dans l’aide à ses victimes, notamment pour assurer le sauvetage de naufragés, accueillir les personnes qui subissent la traite ou contribuer à leur intégration. Il s’élève contre cette démarche de criminalisation et invite la Commission à aborder ce cas de figure dans la stratégie.

3.4.   Sur les droits des victimes

3.4.1.

Le CESE estime que la situation des victimes n’est pas abordée systématiquement de manière humaniste tout au long de la stratégie.

3.4.2.

Le CESE est d’avis que l’accès des victimes à leurs droits devrait être une préoccupation centrale, conformément à une approche qui s’attache toujours à privilégier la dignité humaine des victimes et leurs droits fondamentaux.

3.4.3.

Le CESE souligne que quand elles ne sont pas des ressortissants de l’Union européenne, la situation des victimes est encore plus difficile. Il rappelle que dans bien des cas, qu’elles soient des citoyennes de l’Union européenne ou de pays tiers, les trafiquants peuvent avoir accès à elles et qu’elles risquent d’être à nouveau soumises à la traite.

3.5.   Sur la portée de la stratégie et sa mise en œuvre

3.5.1.

Le CESE est conscient que, comme le souligne la Commission, les victimes sont acheminées vers l’Union dans le cadre de mouvements migratoires mixtes, empruntant tous les itinéraires et entretenus par des organisations relevant de la criminalité organisée (24). Toutefois, face à cette réalité, la réaction ne saurait se limiter à lutter contre les réseaux de passeurs, mais devrait être plus globale.

3.5.2.

Le CESE souligne que la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains ne saurait dès lors être dissociée ni du nouveau pacte sur l’immigration et l’asile, ni du plan d’action sur l’intégration et l’inclusion 2021-2027 (25). Il insiste sur la nécessité de prendre également en considération le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, en tant qu’il forme un cadre général de la stratégie sociale de l’Union européenne. Il recommande à la Commission de veiller à une bonne coordination avec les autres politiques sociales de l’Union européenne, en créant des synergies et en les rendant plus efficaces.

3.5.3.

Le CESE soutient l’élaboration de la déclaration commune d’engagement, à laquelle dix agences européennes procèdent, afin de travailler de concert, et il propose que soient présentés chaque année des rapports sur les travaux réalisés.

3.5.4.

Le CESE se félicite que la stratégie adopte la perspective de genre, et qu’elle formule plusieurs propositions visant à améliorer la lutte contre la traite des êtres humains lorsque les victimes en sont des enfants.

4.   Observations particulières

4.1.   Sur le chapitre 2

4.1.1.

Le CESE juge indispensable que la protection des victimes, à tous les stades, soit assurée de manière efficace, en particulier dans le cas des femmes et des enfants (26) et qu’à cette fin, les organisations de la société civile actives dans ce domaine et les partenaires sociaux doivent être associés à chaque étape du processus.

4.1.2.

Le CESE salue et soutient la position de la Commission lorsqu’elle estime que la mise en œuvre de la directive de l’Union relative à la lutte contre la traite des êtres humains doit être assurée dans tous les États membres, et qu’il y a lieu de fonder son réexamen sur une évaluation approfondie des carences qui auront été détectées et des évolutions qui auront été constatées en la matière, en particulier en ce qui concerne le recrutement et l’exploitation des victimes par l’internet.

4.1.3.

Le CESE estime que l’axe principal de la stratégie devrait être de donner aux victimes, le cas échéant, les moyens de retrouver la possibilité d’exercer pleinement leurs droits fondamentaux, en leur garantissant, en premier lieu, l’accès à la protection et à l’indemnisation des souffrances qu’elles ont subies, dont la possibilité d’exercer un travail, assorti des droits connexes, à l’endroit où elles se trouvent, plutôt que d’être rapatriées ou renvoyées d’une autre manière dans leur État d’origine. Qu’elles choisissent de rester dans le pays où elles se trouvent, ou optent librement pour le retour dans leur pays d’origine, leur intégration doit être une préoccupation bien présente. Le CESE rappelle qu’il faut accorder aux victimes le droit de s’insérer dans leur société d’accueil, au moyen d’un processus spécifique d’intégration rapide.

4.1.4.

Le CESE salue l’engagement pris par la Commission de garantir un financement adéquat afin de lutter contre la traite des êtres humains à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne (27).

4.2.   Sur le chapitre 3

4.2.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission invitant les États membres à envisager de criminaliser l’utilisation délibérée de services imposés aux victimes de la traite des êtres humains (28).

4.2.2.

Le CESE propose de promouvoir la participation des partenaires sociaux aux opérations nationales et transfrontalières de surveillance et de lutte concernant la traite des êtres humains et le travail forcé, en collaboration avec les inspections du travail des États membres et l’Autorité européenne du travail. Il note que plusieurs conventions collectives ont déjà été conclues au niveau national dans le but de prévenir les abus et la traite des êtres humains sur le lieu de travail et de prévoir l’indemnisation des victimes (29). Il recommande que la stratégie intègre ces exemples de bonnes pratiques, qui devraient être encouragés et reproduits dans les États membres.

4.2.3.

Le CESE avertit qu’en matière de traite des êtres humains, il est également nécessaire d’analyser les conséquences de la massification des nouvelles formules d’exercice du travail et ses répercussions pour ce qui est de formes inédites d’exploitation par le travail. La stratégie mentionne à juste titre l’utilisation des réseaux numériques, mais semble l’envisager dans la perspective de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle plutôt que par le travail, passant notamment par le recours aux plates-formes numériques. Le CESE recommande que la stratégie adopte une vision globale dans cette approche.

4.2.4.

Le CESE soutient l’engagement pris par la Commission de veiller à ce que les chaînes de valeur des entreprises européennes soient exemptes de travail forcé et à ce que leurs chaînes d’approvisionnement ne comportent pas de travail effectué par des enfants (30).

4.3.   Sur le chapitre 4

4.3.1.

Le CESE souscrit au constat de la Commission quant à la manière dont la criminalité organisée cherche à pénétrer l’activité économique légale et aux risques qui en découlent pour la société elle-même, et il convient que pour la combattre, il est dès lors nécessaire, entre autres, de recourir systématiquement aux investigations financières menées dans le cadre d’enquêtes policières, ainsi que d’élaborer et mettre en place un cadre solide pour détecter, saisir et confisquer les avoirs d’origine criminelle (31).

4.3.2.

Le CESE reconnaît qu’il y a lieu de renforcer les capacités de lutte contre la traite grâce à la formation systématique des professionnels de la justice et des services répressifs chargés de faire appliquer la loi, en gardant à l’esprit que ladite formation devrait toujours intégrer la perspective des victimes et de leur besoins (32). Il attire tout particulièrement l’attention sur la nécessité de renforcer les ressources humaines des services compétents en la matière.

4.3.3.

Le CESE estime que la lutte contre le modèle économique du recrutement et de l’exploitation des victimes en ligne impose de faire respecter les obligations légales auxquelles les plates-formes sont déjà tenues et de nouer un dialogue avec les entreprises technologiques et du secteur de l’internet en vue de réduire son utilisation aux fins de recruter des victimes pour les exploiter (33). Il est d’avis que l’Observatoire européen des médias numériques (34) pourrait fournir un outil utile afin de surveiller les filières illégales de recrutement en ligne pour le trafic d’êtres humains.

4.3.4.

Le CESE estime qu’il est essentiel de veiller à ce que les fournisseurs de services de l’internet et les entreprises qui y sont liées soutiennent la lutte contre la traite des êtres humains, en repérant et en éliminant les contenus liés à l’exploitation des victimes et aux abus commis à leur encontre.

4.3.5.

Le CESE fait observer en particulier que le succès de la lutte visant à démanteler le modèle criminel et à contrer l’exploitation des victimes de la traite des êtres humains dépendra dans une large mesure de la participation active de la société dans son ensemble et de l’engagement des citoyens, en particulier des pouvoirs publics locaux, du système éducatif, de celui des soins de santé, des partenaires sociaux, des organisations de la société civile et des messages diffusés par les médias et les réseaux sociaux. La société a une part de responsabilité à assumer dans la lutte contre la traite des êtres humains. Il propose que la stratégie envisage des programmes spécifiques d’information et de formation destinés à ces acteurs institutionnels et sociaux, étant donné que son efficacité sera directement liée à la participation et à l’efficience de chacun d’entre eux.

4.4.   Sur le chapitre 5

4.4.1.

Le CESE est d’avis qu’il y a lieu de promouvoir des mécanismes d’orientation plus efficaces pour les victimes de la traite des êtres humains afin de garantir leur protection et leurs droits au niveau de chaque État membre, grâce à des réponses coordonnées et par le recours à l’expertise d’organisations de la société civile, des partenaires sociaux et d’organisations non gouvernementales internationales, en tenant compte, entre autres, du partage des bonnes pratiques (35).

4.4.2.

Le CESE soutient la position de la Commission lorsqu’elle préconise que les victimes ne soient pas sanctionnées pour les infractions qu’elles ont été contraintes de commettre, et qu’en ce qui concerne les titres de séjour pour les victimes de la traite des êtres humains, la directive de 2004 soit révisée dans l’optique de les protéger.

4.4.3.

Le CESE souscrit à la position de la Commission sur le renforcement de la coopération en vue de la mise en place d’un mécanisme d’orientation européen.

4.4.4.

En ce qui concerne les enfants, le CESE attire l’attention sur la nécessité de tenir compte de leur parcours de vie, étant donné qu’un événement traumatisant subi pendant l’enfance aura des répercussions à l’adolescence et à l’âge adulte. Il estime que le suivi de leur développement doit faire partie de la stratégie d’aide aux victimes.

4.5.   Sur le chapitre 6

4.5.1.

Le CESE souligne que, sur la scène internationale, la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies constitue la base essentielle pour créer dans les pays d’origine des conditions qui, dans le domaine économique et social, en matière de droits de l’homme et sur le plan politique, donnent à leurs citoyens la possibilité de mener une existence digne, dans la paix et la sécurité. Les actions de coopération menées par l’Union européenne et les États membres en faveur du développement durable représentent l’un de ses principaux instruments en la matière, que le CESE met en avant, soutient et propose de prendre en considération dans la stratégie.

4.5.2.

Le CESE appuie les efforts que la Commission, dans le domaine de l’action extérieure, déploie avec les différentes agences des Nations unies et le Conseil de l’Europe pour lutter contre la traite des êtres humains, tout en soulignant que l’OIT dispose d’une expérience très ancienne et riche dans la lutte contre ce phénomène (36). L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a accumulé elle aussi un important capital d’expériences et de bonnes pratiques, qu’il y a lieu de prendre en compte. Le CESE recommande à la Commission d’inclure ces instances dans les relations interinstitutionnelles par lesquelles elle s’emploiera à mettre en œuvre la stratégie.

4.5.3.

Le CESE estime que l’existence de flux migratoires mixtes, par lesquels l’acheminement de migrants en Europe s’effectue en parallèle avec la traite d’êtres humains, ne doit pas être envisagée sous le seul angle de la lutte contre les réseaux de passeurs, et il se réfère à cet égard au nouveau pacte sur la migration (37).

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2021) 171 final, p. 10 et 14.

(2)  COM(2021) 171 final, notes de bas de page aux p. 4 (20), p. 9 (39) et p. 10 (41).

(3)  COM(2021) 171 final, chapitre 6 — Dimension internationale.

(4)  COM(2021) 171 final, p. 19.

(5)  COM(2021) 171 final, chapitre 6 — Dimension internationale.

(6)  COM(2021) 171 final, p. 17.

(7)  COM(2021) 171 final, p. 9.

(8)  Voir le rapport 2021 de l’OIT intitulé Accès à la protection et au recours pour les victimes de la traite à des fins d’exploitation du travail en Belgique et aux Pays-Bas.

(9)  COM(2021) 171 final, p. 9 et 10.

(10)  La convention no 81 de l’Organisation internationale du travail, sur l’inspection du travail, dispose de prévoir un inspecteur du travail pour 10 000 travailleurs.

(11)  COM(2021) 171 final, p. 3 et 20.

(12)  COM(2021) 171 final, p. 7.

(13)  COM(2021) 171 final, p. 7.

(14)  COM(2021) 171 final, p. 7.

(15)  COM(2021) 171 final, p. 15.

(16)  COM(2021) 171 final, p. 12.

(17)  COM(2021) 171 final.

(18)  Nous renvoyons à la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains (JO L 203 du 1.8.2002, p. 1), au plan de l’Union européenne sur les meilleures pratiques, normes et procédures pour prévenir et combattre la traite des êtres humains (2005), à la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (1er février 2008) et au «programme de Stockholm — Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens» (2010).

(19)  Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil (JO L 101 du 15.4.2011, p. 1).

(20)  «Lutte contre la traite des êtres humains» (JO C 51 du 17.2.2011, p. 50); «Mesures préventives visant à protéger les enfants contre les abus sexuels» (JO C 24 du 28.1.2012, p. 154); «Éradication de la traite des êtres humains» (JO C 44 du 15.2.2013, p. 115); «Programme européen en matière de sécurité» (JO C 177 du 18.5.2016, p. 51).

(21)  COM(2021) 171 final, p. 11.

(22)  COM(2021) 171 final, chapitre 5 — Protéger et soutenir les victimes, en particulier les femmes et les enfants, et leur donner des moyens d’agir.

(23)  COM(2021) 171 final, chapitre 6 — Dimension internationale.

(24)  COM(2021) 171 final, chapitre 6 — Dimension internationale.

(25)  COM(2021) 171 final, p. 19.

(26)  COM(2021) 171 final, chapitre 2.

(27)  COM(2021) 171 final, p. 5.

(28)  COM(2021) 171 final, p. 7.

(29)  Voir le rapport 2021 de l’OIT intitulé Accès à la protection et au recours pour les victimes de la traite à des fins d’exploitation du travail en Belgique et aux Pays-Bas.

(30)  COM(2021) 171 final, p. 9.

(31)  COM(2021) 171 final, p. 11.

(32)  COM(2021) 171 final, p. 12.

(33)  COM(2021) 171 final, p. 11 et 12.

(34)  Voir la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (DG CNECT) de la Commission européenne.

(35)  À cet égard, le nouveau dispositif adopté au Portugal, sous le nom de «système de réorientation national pour les enfants (présumés) victimes de la traite des êtres humains», constitue une bonne pratique.

(36)  Convention 29/1930 sur le travail forcé, convention 105/1957 concernant l’abolition du travail forcé et protocole de l’OIT de 2014 à la convention sur le travail forcé et l’abolition du travail forcé.

(37)  COM(2021) 171 final, p. 21.


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/86


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — «La stratégie de l’UE en matière de retour volontaire et de réintégration»

[COM(2021) 120 final]

(2021/C 517/13)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Saisine

Commission européenne, 31.5.2021

Base juridique

Article 304 du TFUE

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

7.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

219/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La stratégie en matière de retour volontaire et de réintégration à caractère durable entend instaurer une approche partagée pour la conception, le développement et la mise en œuvre des programmes promus par les États membres en matière de retour volontaire assisté et de réintégration, ou AVRR selon le sigle anglais, en définissant des objectifs communs et en favorisant la cohérence de ces dispositifs nationaux entre eux et avec ceux de l’Union européenne. Elle s’efforce également de susciter la création et la mise en œuvre d’outils conjoints entre les États membres et d’améliorer leur coopération dans ces domaines.

1.2.

En matière de retour volontaire, il existe aujourd’hui une multitude d’instruments et approches, formant ainsi tout un écheveau d’initiatives, programmes et projets qui, souvent, pâtissent d’un manque de cadres de référence communs, si bien qu’il est ardu non seulement de les évaluer mais, même, d’assurer leur mise en œuvre efficace. La stratégie à l’examen a pour objectif de poser des jalons sur la voie d’une harmonisation de ces cadres de référence et de stimuler la coopération menée entre les pays européens pour développer les programmes de retour volontaire et de réintégration.

1.3.

Le CESE accueille favorablement la stratégie, en ce qu’elle offre un instrument de gestion qui s’efforce d’améliorer la coordination entre les États membres et leurs objectifs communs dans le domaine de la gouvernance migratoire. Le CESE adhère à la logique de la Commission quand elle entend réaliser des avancées pour ce qui est de l’harmonisation des instruments, de la collecte de données et des mécanismes de conseil aux personnes concernées, de façon à surmonter le morcellement actuel des approches, diminuer le coût des retours, ou revaloriser les enveloppes financières des programmes afférents, pour ne citer que quelques-uns des défis qui se posent aujourd’hui.

1.4.

Toutefois, ainsi qu’il l’a déjà déploré en d’autres occasions, le CESE regrette que les mesures prises pour progresser en ce qui concerne les filières d’entrée régulières, soit celles qui intéressent la majorité de la population étrangère résidant dans l’Union européenne, soient déployées plus tardivement, et de manière plus limitée, que les propositions destinées à résoudre les problèmes en rapport avec les situations d’irrégularité. Une vision globale de la mobilité est indispensable pour offrir des pistes de substitution qui aillent au-delà du contrôle aux frontières et du retour.

1.5.

Le CESE souligne que la majeure partie des procédures de retour ne sont pas exécutées correctement, parce que les pays d’origine n’y prennent pas part et que, par ailleurs, les personnes en situation irrégulière n’y sont associées qu’à leur corps défendant. Sur ce point, et bien qu’il porte une appréciation positive sur les efforts de la Commission, le CESE ne peut qu’exprimer des doutes quant à l’efficacité de certaines des propositions qu’elle formule, comme le dispositif de la prise en charge des retours.

1.6.

Le rôle que Frontex est appelé à jouer inquiète également le CESE, en particulier dans la perspective de la publication du Parlement européen concernant les violations de droits commises par cette agence européenne (1). Pour le Comité, il est indispensable de mettre en place des mécanismes souples et agissants qui supervisent et contrôlent efficacement les activités de Frontex quant à sa responsabilité et qui garantissent que ses interventions sont menées dans le respect des droits de l’homme.

1.7.

Le CESE est favorable à ce que la coordination entre tous les acteurs concernés soit améliorée, et il soutient les avancées qui sont préconisées pour renforcer la solidarité entre les États membres et la coopération avec les pays tiers, tout comme il appuie les efforts d’amélioration concernant les conseils et orientations dispensés en matière de retour et la participation de la société civile dans les actions de rapatriement et, en particulier, de réintégration durable. De même, il juge favorablement que la proposition à l’examen s’attache à réaliser des progrès pour ce qui est de la disponibilité des ressources et de la collecte de données, ainsi que de l’échange de bonnes pratiques dans ces domaines.

1.8.

Le CESE fait part de ses inquiétudes concernant l’objectif susmentionné d’augmenter le nombre de retours volontaires rapides depuis les frontières extérieures, étant donné qu’ils sont susceptibles de se traduire par des déficiences en matière de garanties, et il s’alarme tout particulièrement que l’expression de «retour volontaire» puisse se muer en un simple euphémisme, employé pour désigner des expulsions ou ouvrir la possibilité d’accorder une compensation financière aux pays de destination, lesquels recevront les personnes soumises à une décision de retour sans tenir compte ni de leurs souhaits, ni même, de manière encore plus préoccupante, de leurs droits. En outre, le CESE tient à souligner qu’il est incohérent d’offrir de tels dispositifs incitatifs dans le cadre de programmes qui impliquent l’existence de personnes en situation irrégulière, étant donné que les pays d’origine risquent ainsi d’être dissuadés de faire le moindre effort pour faire baisser ces flux.

1.9.

À cet égard, le CESE reste d’avis qu’une des faiblesses stratégiques de la politique d’immigration et d’asile de l’Union européenne est d’être axée, de manière quasi exclusive, sur la lutte contre les situations irrégulières, qu’elle soit menée aux frontières ou s’exerce par les retours, volontaires ou forcés. C’est pour cette raison qu’une fois de plus, il invite la Commission à revoir son cadre de référence et à œuvrer réellement dans l’optique de conférer à cette politique une vision globale, qui favorise une mobilité ordonnée, régulière et sûre.

2.   Contexte

2.1.

Aux termes de la directive sur le retour et comme le prévoit le nouveau pacte sur la migration et l’asile, l’un des objectifs stratégiques de la politique migratoire de l’Union européenne consiste à faciliter les retours volontaires.

2.2.

L’expression de «retour volontaire» s’applique au dispositif qui permet à des migrants qui se trouvent en séjour irrégulier sur le territoire de l’Union européenne de retourner volontairement dans leur pays d’origine. Il suppose qu’il laisse aux personnes migrantes le choix de prendre cette décision en toute liberté, qu’il facilite leur réadmission dans leur État de départ et qu’il leur ouvre la possibilité de mieux se réinsérer dans leur société d’accueil que dans le cas des procédures de retour forcé. En 2019, sur les 491 195 ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui ont reçu l’ordre de quitter le territoire de l’Union européenne, seuls 142 320 ont effectivement regagné un pays tiers.

2.3.

La stratégie a pour objectif d’instaurer une approche partagée pour la conception, le développement et la mise en œuvre de programmes promus par les États membres en matière de retour volontaire assisté et de réintégration, ou AVRR selon le sigle anglais, en définissant des objectifs communs et en favorisant la cohérence de ces dispositifs nationaux entre eux et avec ceux de l’Union européenne. Son but consiste également à susciter la création et la mise en œuvre d’outils conjoints entre les États membres et améliorer leur coopération.

2.4.

La visée que poursuit l’aide au retour et à la réintégration est d’apporter une assistance aux migrants en situation irrégulière afin qu’ils retournent volontairement dans leur pays d’origine et commencent à y mener une existence autonome et que le risque qu’ils émigrent à nouveau irrégulièrement s’en trouve ainsi réduit. L’aide au retour peut consister, par exemple, à donner des conseils avant le départ, à dispenser une aide d’ordre psychosocial et une assistance pour organiser le voyage, à fournir un appui pour répondre à des besoins médicaux immédiats, ou encore à apporter une contribution financière pour faciliter le rapatriement du migrant et stabiliser ses conditions de vie après son arrivée. L’aide à la réintégration, quant à elle, vise à aider la personne rapatriée à se réintégrer avec succès dans la société et peut prendre la forme d’une assistance et de conseils, assurés immédiatement après son arrivée, d’un soutien pour la recherche ou la création d’activités qui lui procurent un revenu, ou encore d’initiatives menées avec les communautés locales.

2.5.

Par des voies directes ou par l’intermédiaire des programmes des États membres, l’Union européenne finance un grand nombre d’actions liées au retour volontaire et à la réintégration. Entre 2014 et 2018, les ressources du fonds «Asile, migration et intégration» (FAMI) ont financé quelque 60 programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration, tandis que d’autres l’ont été par le truchement du Fonds européen de développement et de dispositifs comme l’instrument de financement de la coopération au développement (ICD) et l’instrument d’aide de préadhésion (IAP). Par ailleurs, nombre d’États membres disposent de leur propre programme d’aide au retour volontaire et à la réintégration.

2.6.

De par leur multiplicité, ces instruments forment tout un écheveau d’initiatives, programmes et projets qui, souvent, pâtissent d’un manque de cadres de référence communs, si bien qu’il est ardu non seulement de les évaluer mais, même, d’assurer leur mise en œuvre efficace. La stratégie à l’examen a pour objectif de poser des jalons sur la voie d’une harmonisation de ces cadres de référence et de stimuler la coopération entre les pays européens pour développer les programmes de retour volontaire et de réintégration.

2.7.

La stratégie présentée par la Commission a dégagé les objectifs suivants: 1) augmenter l’adhésion aux retours volontaires parmi les personnes qui ont migré, ainsi que la part de ce dispositif dans le nombre total de retours, 2) créer un canal supplémentaire de coopération et de solidarité entre les États membres, en favorisant la prise en charge des retours, 3) améliorer l’efficacité de l’assistance individuelle et collective, en supprimant les lacunes et les doublons et en renforçant les synergies avec d’autres donateurs et avec les pays tiers, y compris par une meilleure protection des migrants vulnérables, 4) configurer les actions de retour et de réintégration durables de telle manière qu’elles prennent en compte les besoins individuels et y répondent, 5) favoriser la durabilité des retours et faire baisser la réimmigration irrégulière, notamment par le soutien aux communautés d’accueil, 6) rendre plus durables les actions de réintégration, au niveau des individus et des communautés, et leur contribution aux plans de développement des pays tiers, entre autres en les articulant avec d’autres activités financées en vue du développement au niveau national ou communautaire, 7) accroître les capacités et l’engagement des pays tiers vis-à-vis des processus de retour, de réadmission et de réintégration, 8) inscrire les buts énumérés ci-dessus dans une optique fondée sur les droits et centrée sur les personnes migrantes.

2.8.

Aux personnes qui optent pour lui, le retour volontaire ouvre un véritable horizon, et il tient compte de leurs besoins, de leurs attentes et de leurs perspectives une fois qu’elles sont revenues sur place. En outre, il peut s’appuyer, dans le cadre de la coopération de l’Union avec les pays tiers, sur un engagement de l’État dans lequel elles retournent. La réintégration, quant à elle, représente un facteur essentiel d’efficacité et de crédibilité des programmes de retour, dans la mesure où elle implique de développer des outils qui aideront les migrants à surmonter les difficultés, d’ordre socio-économique ou psychologique et social, rencontrées lors de leur réintégration dans leur communauté et auront pour effet que leur retour sera plus durable. La réintégration doit être conçue avec le concours des pouvoirs publics nationaux et territoriaux, des communautés locales d’accueil et de la société civile, afin de contribuer à offrir, à la personne rapatriée comme à son environnement sur place, des perspectives tangibles concernant son avenir.

2.9.

En soutien aux acteurs concernés par sa mise en œuvre, la stratégie proposera des moyens d’élaborer des méthodes pratiques pour atteindre les objectifs susmentionnés, ainsi qu’une panoplie d’outils qui iront des ressources d’intelligence artificielle, visant à combler les lacunes en matière d’information et à faciliter la gestion des données, à des dispositifs d’orientation, s’agissant de gérer les projets, programmer le développement et renforcer les capacités.

2.10.

La stratégie constitue l’aboutissement d’un processus de participation ouverte, auquel ont pris part différents intervenants clés, ainsi que les autorités nationales chargées des programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration, les acteurs qui sont engagés dans des projets de retour, les réseaux de services et bien d’autres partenaires.

3.   Observations concernant la présentation de la stratégie en matière de retour volontaire et de réintégration

3.1.

Le CESE accueille favorablement la stratégie européenne en matière de retour volontaire et de réintégration, en ce qu’elle offre un instrument de gestion qui s’efforce d’améliorer, dans le domaine de la gouvernance migratoire, la coordination entre les États membres, ainsi que leurs objectifs communs.

3.2.

Le CESE juge que la révision d’un dispositif tel que le retour volontaire et la réintégration donne bien lieu à des avancées du type de celles que la Commission met en évidence dans sa communication. Dépasser le morcellement actuel des approches, diminuer le coût des retours, améliorer la collecte d’information, réaliser des avancées dans le système de conseil aux personnes soumises à un retour, assurer une meilleure coordination entre les acteurs intéressés, favoriser la durabilité des projets de retour volontaire et de réintégration, ou encore revaloriser les enveloppes financières des programmes afférents sont autant d’aspects qu’il est nécessaire d’aborder, estime le CESE, si l’on veut augmenter l’efficacité de ces mécanismes. Il tient également pour indispensable de mieux collecter les données et repérer les bonnes pratiques, afin de partager les leçons qui en ont été tirées.

3.3.

Toutefois, ainsi qu’il l’a déjà déploré en d’autres occasions, comme dans son avis SOC/649 (2), le CESE regrette que les mesures visant à progresser en ce qui concerne les filières d’entrée régulières, soit celles qui intéressent la majorité de la population étrangère résidant dans l’Union européenne, soient déployées plus tardivement, et de manière plus limitée, que les propositions destinées à résoudre les problèmes en rapport avec les situations d’irrégularité. Il rappelle qu’une vision globale de la mobilité est indispensable pour offrir des pistes de substitution qui aillent au-delà du contrôle aux frontières et du retour.

3.4.

Le CESE a conscience des difficultés que la majeure partie des États membres éprouvent pour réaliser effectivement des retours, ainsi que de la volonté de la Commission de progresser vers un système européen efficace et commun pour y procéder. Il n’en entend pas moins rappeler que la majeure partie de ces procédures ne sont pas exécutées correctement, parce que les pays d’origine n’y prennent pas part et que, par ailleurs, les personnes en situation irrégulière n’y sont associées qu’à leur corps défendant. On ne peut considérer qu’effectuer un retour volontaire pour éviter d’être expulsé de force constituerait une action non contrainte.

3.5.

Le CESE réitère ses doutes concernant le dispositif de prise en charge des retours, car on ne voit pas bien pour quels motifs les États membres inclineraient à participer à ce mécanisme, qui continue à reposer sur la solidarité exercée à titre volontaire.

3.6.

Le CESE reconnaît les efforts que la Commission déploie en matière de retour, tant pour le suivi des programmes nationaux que dans le cadre des initiatives financées par l’Union elle-même. Sur ce point, il y a lieu de mettre à l’honneur le réseau européen pour le retour et la réintégration, qui facilite la coopération entre les autorités compétentes en matière de migration. Que la Commission ait prévu qu’à partir de 2022, Frontex reprendrait les activités dudit réseau ne peut que susciter une vive inquiétude au sein du CESE, eu égard au rapport du groupe de travail du Parlement européen sur les violations de droits commises par cette agence européenne. Pour le Comité, cette disposition nécessite de mettre en place des mécanismes souples et opérants qui supervisent et contrôlent efficacement les activités de Frontex quant à sa responsabilité et qui garantissent que ses interventions sont menées dans le respect de droits de l’homme (3). Il est indispensable de mettre l’accent sur ce point, car la protection de ces droits représente un élément clé dans toutes les actions de l’Union européenne, y compris la politique migratoire et les procédures de retour et de réintégration, et il convient que l’activité de Frontex puisse être suivie, et corrigée au besoin, en temps réel.

3.7.

Les programmes de retour et de réintégration font intervenir, dans les pays de départ comme d’arrivée, tout un éventail d’intervenants, prestataires de services, formations, échanges d’informations et ressources. La base de cette dynamique est la présence de personnes en situation irrégulière sur le territoire européen, et il est inquiétant de penser qu’elle puisse donner naissance à un secteur d’activité dont la pérennité nécessitera précisément l’existence desdites personnes et, qu’en conséquence, elle aboutisse à favoriser cette filière d’immigration, par les perspectives de retour, volontaire ou forcé, qui sont ainsi ouvertes.

4.   Observations complémentaires concernant l’approche de la stratégie

4.1.

Le CESE reste d’avis qu’une des faiblesses stratégiques de la politique d’immigration et d’asile de l’Union européenne est d’être axée, de manière quasi exclusive, sur la lutte contre les situations irrégulières, qu’elle soit menée aux frontières ou s’exerce par les retours, volontaires ou forcés. Pour remédier à cette lacune, il est nécessaire de mettre en place, en matière d’entrées, des mécanismes qui soient réguliers, souples, sûrs et efficaces, et qui, de surcroît, limitent les possibilités de créer des espaces où ils peuvent servir de base à une exploitation économique.

4.2.

Le CESE fait part de ses inquiétudes concernant l’objectif susmentionné d’augmenter le nombre de retours volontaires rapides depuis les frontières extérieures, étant donné qu’ils sont susceptibles de se traduire par des déficiences en matière de garanties. Si ce processus de «retour volontaire» est compris comme une décision qui est mûrement réfléchie par l’intéressé et s’accompagne d’actions visant à sa réinsertion, avec la participation des administrations des deux pays concernés, il est inconcevable que l’on fasse le pari de mettre ce modèle en œuvre aux frontières, car on pourrait alors comprendre que l’expression se ramène à un simple euphémisme, employé pour désigner des expulsions ou ouvrir la possibilité d’accorder une compensation financière aux pays de destination, lesquels recevront les personnes soumises à une décision de retour sans tenir compte ni de leurs souhaits, ni même, de manière encore plus préoccupante, de leurs droits.

4.3.

Une coordination efficace entre toutes les parties prenantes. Le CESE apporte bien évidemment son soutien aux améliorations proposées concernant la coordination entre les parties prenantes d’une politique publique. Il ne s’en inquiète pas moins de constater l’extension que va prendre le spectre des intervenants et acteurs intéressés, lesquels pourraient voir dans le retour volontaire l’occasion de faire des affaires, sans veiller dûment aux besoins des personnes soumises à cette procédure.

4.4.

Améliorer la solidarité et la coopération. Il convient que les actions de retour et d’intégration soient menées dans un cadre de coopération et de solidarité entre les États membres. L’enjeu est de renforcer les outils de coordination bien au-delà de la contribution financière, en fournissant également une assistance concernant les connaissances, les engagements et les retours d’expérience. En outre, la base sur laquelle il y a lieu de fonder toutes les actions doit être de respecter les pays tiers où elles se déroulent et de coopérer avec eux, en ne se limitant pas à encourager leurs institutions à y participer mais en incitant aussi leur société civile à y collaborer et y contribuer.

4.5.

L’aide au retour volontaire et à la réintégration de migrants à partir des pays tiers et de l’un à l’autre. De l’avis du CESE, la coopération avec les pays tiers revêt une importance capitale pour la gouvernance des migrations. Il ne semble pas que la manière la plus judicieuse de nouer pareille collaboration consiste à l’axer sur des instruments qui créent un lien entre l’octroi de ressources et les situations d’irrégularité.

4.6.

Des conseils et une orientation efficace en matière de retour. Les droits de la personne étant inaliénables et devant être garantis même dans le cadre d’une procédure d’expulsion, il est primordial d’améliorer l’information fournie aux migrants tout au long du processus. Pour cette raison précise, et du fait de la multiplicité des acteurs qui, dans un programme de retour volontaire, sont appelés à intervenir pour qu’il soit mené à bonne fin, dans le lieu d’origine ou de destination, au sein des diasporas ou ailleurs, il n’est pas possible de considérer ces dispositifs comme des outils qui revêtiraient un caractère expéditif et de ne pas les lier clairement à des projets de réinsertion.

4.7.

La garantie de la qualité de l’aide. Le CESE ne peut que souscrire à la nécessité de doter l’aide au retour volontaire d’un large éventail de services et prestations, qui vont du conseil et de l’aide médicale et psychologique à l’assistance financière, juridique et logistique pour la réalisation du voyage. Pour autant, il ne peut se dispenser de relever qu’on ne peut considérer les programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration comme des outils qui se prêtent à un usage massif et généralisé: en ce qui concerne les familles, par exemple, ce retour exige de porter aux mineurs, filles ou garçons, une attention spécifique, alors qu’il n’en va pas de même dans les autres cas de figure. Pour l’heure, le rôle joué par Frontex pour assurer et évaluer certains de ces services ne laisse pas d’inquiéter.

4.8.

La promotion de la durabilité de l’aide à la réintégration et de l’adhésion des pays partenaires. Cette action joue un rôle essentiel non seulement pour assurer l’avenir des personnes rapatriées mais également par rapport à l’objectif d’éviter qu’elles n’immigrent à nouveau de manière irrégulière dans l’Union européenne. Encore une fois, le CESE tient à souligner qu’il est incohérent d’offrir de tels dispositifs incitatifs dans le cadre de programmes qui, par nature, nécessitent l’existence de personnes en situation irrégulière, étant donné que les pays d’origine risquent ainsi d’être dissuadés de faire le moindre effort pour endiguer ces flux. En outre, une démarche qui fait dépendre une politique telle que celle des retours volontaires de la volonté des pays tiers peut créer une faille majeure dans la crédibilité et la cohérence de l’action menée par l’Union en matière migratoire.

4.9.

Le financement du retour volontaire et de la réintégration. Il va de soi que l’Union européenne est l’un des intervenants clés du financement des programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration, dans leurs différentes facettes. Il est indispensable que la coopération avec des pays tiers, en quelque domaine que ce soit, soit attentive à l’engagement qu’ils ont pris de respecter le droit public international, ainsi que d’assurer la protection des droits de l’homme et des libertés individuelles fondamentales. Le Parlement européen devrait réserver bon accueil à tout espace de coopération avec des pays tiers, quel qu’il soit, au sein duquel il est possible de traiter de questions en rapport avec les droits de l’homme. Inversement, il apparaît que faire de la coopération en matière de retour un rouage essentiel de l’action extérieure et de la politique de voisinage de l’Union européenne, bien loin de mettre un frein aux situations d’irrégularité, a pour effet de les encourager encore davantage.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Voir le Report on the fact-finding investigation on Frontex concerning alleged fundamental rights violations («Rapport sur l’enquête Frontex relative aux violations présumées des droits fondamentaux par Frontex») de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, en date du 14 juillet 2021, https://www.europarl.europa.eu/cmsdata/238156/14072021%20Final%20Report%20FSWG_en.pdf (en anglais).

(2)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 15.

(3)  Voir les recommandations en ce sens qui sont reprises dans le Report on the fact-finding investigation on Frontex concerning alleged fundamental rights violations («Rapport sur l’enquête Frontex relative aux violations présumées des droits fondamentaux par Frontex») de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, en date du 14 juillet 2021, https://www.europarl.europa.eu/cmsdata/238156/14072021%20Final%20Report%20FSWG_en.pdf (en anglais).


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/91


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à la stratégie de l’UE visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025)

[COM(2021) 170 final]

(2021/C 517/14)

Rapporteur:

M. Rafał Bogusław JANKOWSKI

Saisine

Commission européenne, 31.5.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

7.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

226/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE salue la proposition de la Commission européenne relative à la stratégie de l’Union visant à lutter contre la criminalité organisée pour la période 2021-2025, qui définit les priorités, les actions et les objectifs à réaliser au cours des cinq prochaines années. Ce texte est d’autant plus important qu’il constitue la première stratégie consacrée à la criminalité organisée depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, définissant des missions spécifiques à réaliser à moyen et long terme, dans le plein respect des droits fondamentaux.

1.2.

Le CESE note que les bases essentielles de la stratégie consistent, d’une part, à renforcer les instruments qui existent pour appuyer la coopération transfrontière, s’agissant notamment de déployer une coopération internationale, de lutter contre les crimes hautement prioritaires et d’agir pour contrecarrer le financement des activités criminelles et les méthodes visant, notamment par le recours à la corruption, à infiltrer l’économie, et, d’autre part, à encourager des actions qui combattent l’utilisation des nouvelles technologies par les criminels.

1.3.

Le CESE estime que l’Union et ses États membres doivent se ménager la capacité d’anticiper les agissements des organisations criminelles, afin de les prendre de vitesse, en mettant l’accent sur la surveillance, l’infiltration des milieux dangereux, la collecte et l’analyse de données, ainsi que les mesures préventives. Dans ce contexte, il convient de s’attacher en particulier à développer des formes modernes et globales de coopération internationale, à étendre les capacités fonctionnelles des systèmes et bases de données en usage, ainsi que la coopération avec les organisations de la société civile, et à investir dans des instruments relevant des nouvelles technologies;

1.4.

Le CESE accueille favorablement l’idée de poursuivre le développement d’activités qui entrent dans le cadre du cycle politique de l’Union européenne au titre de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT). Il considère que l’annonce d’une augmentation de l’enveloppe destinée à cette initiative est totalement justifiée, tout comme l’appui donné au développement de la coopération avec des pays tiers dans ce domaine.

1.5.

Le CESE a la conviction qu’il y a lieu d’accorder également une attention particulière:

à l’assistance et au soutien qu’Europol et l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) apportent pour l’analyse des risques que pose la criminalité liée à la drogue,

à l’extension et à l’amélioration du fonctionnement des dispositifs existants, tels que le système d’information Schengen (SIS), le cadre de Prüm, les dossiers passagers (PNR) et les informations préalables sur les passagers (données API),

à l’enjeu de taille qui consiste à développer et améliorer les réseaux de coopération et l’action internationale visant à lutter efficacement contre les groupes criminels organisés, par exemple sous la forme d’une plateforme pour les équipes communes d’enquête (ECE) ou encore en ce qui concerne les «cibles de grande importance».

1.6.

Le CESE tient à signaler qu’il est favorable à ce que des moyens supplémentaires soient alloués pour soutenir les États membres dans le domaine des dispositifs informatiques avancés servant à acquérir des informations électroniques, à sécuriser les preuves conservées dans ce même format et à donner accès à des équipements matériels et logiciels spéciaux, en vue de leur utilisation active lors d’opérations et d’enquêtes transfrontières.

1.7.

Le CESE reconnaît que, dans le contexte de la lutte contre la criminalité organisée, il est essentiel de renforcer les mesures destinées à recouvrer des avoirs et prévenir le blanchiment de capitaux, ainsi que d’encourager les enquêtes financières afin de tarir les profits générés par la criminalité organisée et d’empêcher qu’elle ne s’infiltre dans les rouages de l’économie légale et de la société (1).

1.8.

Le CESE relève que la criminalité organisée peut avoir un lourd impact sur les communautés locales, les services publics et municipaux, la protection des groupes vulnérables, l’environnement dans lequel les entreprises en général et les PME en particulier mènent leurs activités à l’échelle du local, ainsi qu’en ce qui concerne les actions entreprises en rapport avec la neutralité climatique. Dans la lutte contre la criminalité organisée au sens large, et, plus particulièrement, en matière de prévention, le CESE préconise de donner un rôle plus étendu aux organisations non gouvernementales, à celles de la société civile, aux milieux universitaires, aux mouvements de jeunesse, aux institutions de suivi social et aux lanceurs d’alerte.

1.9.

Le CESE encourage les États membres à mener des campagnes publiques au sujet de la criminalité organisée, de manière que les citoyens reçoivent les informations indispensables concernant le mode opératoire des groupes criminels organisés et les moyens de s’en prémunir. Une coopération avec le réseau européen de prévention de la criminalité offre le parfait complément à ce type d’opérations. Chacun des États membres devrait s’efforcer, dans toute la mesure de ses possibilités, de mettre en place un système, lisible, sûr et garantissant l’anonymat, pour signaler des situations et incidents susceptibles de présenter un lien avec la criminalité organisée.

1.10.

Le CESE tient à souligner que l’un des aspects primordiaux de la lutte contre la criminalité organisée consiste à adapter les services répressifs et l’appareil judiciaire à l’ère du numérique, en garantissant notamment que les éléments de preuve et les indices soient accessibles sous forme numérique.

1.11.

Afin d’améliorer l’accès de la société civile à l’information, le CESE propose de créer un mécanisme qui, sur la base des informations transmises par la Commission européenne, procéderait en milieu et fin de parcours à une évaluation afin d’examiner la mise en œuvre de la stratégie européenne de lutte contre la criminalité organisée pour la période 2021-2025.

1.12.

Le CESE fait observer que si l’on veut juguler et combattre efficacement les agissements des groupes ressortissant à la criminalité organisée et garantir que la priorité soit donnée à la sécurité et à la sûreté des citoyens de l’Union européenne, il est nécessaire que les services répressifs aient, dans le plein respect des droits fondamentaux, accès aux informations requises. Le traitement des données ne devrait susciter aucune inquiétude quant à la protection de la vie privée et des droits fondamentaux. Le traitement des informations à caractère personnel fait d’ores et déjà l’objet d’une réglementation très stricte, et la mise à jour et l’harmonisation de la législation devraient donner la possibilité d’examiner plus efficacement les problèmes qui se posent pour ce qui est de protéger les données.

1.13.

Le CESE approuve et soutient l’initiative de développer la coopération avec les pays tiers, notamment pour ce qui est:

de commencer à négocier en vue de conclure des accords de coopération entre Eurojust et les pays tiers,

d’intensifier les négociations concernant la collaboration entre Europol et les pays tiers,

de renforcer, en partenariat avec le Service européen pour l’action extérieure, la coopération menée internationalement avec les pays tiers et les organisations internationales.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

Dans sa proposition relative à la stratégie de l’Union visant à lutter contre la criminalité organisée pour la période 2021-2025, la Commission européenne s’efforce d’appréhender dans sa globalité le problème vaste et complexe que représente la criminalité organisée. La stratégie définit les priorités, les actions et les objectifs à réaliser au cours des cinq prochaines années. Elle est d’autant plus importante qu’elle constitue la première stratégie consacrée à la criminalité organisée depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, définissant des missions spécifiques qu’il conviendra de réaliser à moyen et long terme, dans le plein respect des droits fondamentaux.

2.2.

La Commission européenne fait observer que la criminalité organisée représente une menace majeure pour la sécurité des personnes dans toute l’Union européenne. Les groupes criminels organisés sont toujours plus nombreux à opérer sur son territoire et y dégagent d’immenses profits qu’ils utilisent pour étendre leurs activités propres, mais aussi pour s’insinuer dans l’économie légale.

2.3.

Dans les priorités qu’elle a fixées, la Commission européenne relève qu’il est nécessaire que les actions menées au niveau de l’Union afin de soutenir les États membres dans la lutte contre la criminalité organisée soient confortées par les démarches suivantes:

renforcer l’application du droit et la coopération judiciaire,

désorganiser les structures de la criminalité organisée et lutter contre les formes de criminalité hautement prioritaires,

éliminer les profits générés par la criminalité organisée et prévenir l’infiltration de l’économie légale et de la société,

adapter les services répressifs et l’appareil judiciaire à l’ère numérique.

2.4.

Toutes les initiatives qui détectent et intensifient les actions à mener dans le cadre de la coopération opérationnelle, extra-opérationnelle ou liée à la formation revêtent une haute importance, tout comme celles (différentes et variées) qui semblent indiquer que, dans la situation actuelle et face à tout l’éventail des menaces posées par la grande criminalité organisée, aucune autre voie ou option n’existe pour progresser que celle de la coopération, de l’action conjointe, de l’échange des bonnes pratiques avec les partenaires internationaux, d’une amélioration apportée au fonctionnement des systèmes existants et d’investissements dans le développement de nouvelles technologies.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

La grande criminalité organisée qui sévit au niveau international compte parmi les principales menaces qui, à l’échelle du monde, compromettent le développement des sociétés modernes. Sachant que les groupes criminels organisés font preuve d’une grande mobilité et que, le plus souvent, ils opèrent à un échelon international, les États, s’ils agissent isolément, sont dans l’impossibilité de les combattre avec efficacité. De par son caractère transfrontière, la criminalité organisée appelle nécessairement une coopération étroite des services et institutions avec leurs homologues dans d’autres pays, dans le cadre de l’Union européenne et des organismes internationaux. En conséquence, le CESE considère que la stratégie de la Commission arrive en temps opportun et revêt une haute importance.

3.2.

Les menaces actuelles font apparaître qu’il est non seulement nécessaire de délimiter de nouveaux terrains de coopération afin de conjuguer les compétences que se partagent les divers acteurs traitant des questions de sécurité, de manière aussi à renforcer les mécanismes de prévention et de lutte contre la criminalité, mais qu’il y a également lieu de recourir à d’autres instruments et technologies. Le CESE estime que dans ce domaine, il est par conséquent nécessaire d’instaurer une coopération étroite entre les institutions et les États membres de l’Union, de même que d’assurer leur coordination et d’offrir la possibilité de bénéficier d’un soutien opérationnel de la part d’Europol.

3.3.

De l’avis du CESE, il est crucial que le plan d’action soit développé plus avant, sous la forme de cellules d’intervention, ou task-forces opérationnelles (OTF), de projets internationaux et d’initiatives régionales, afin de lutter contre les groupes criminels organisés et cibles de grande importance, dont émanent les risques les plus élevés. Il y a lieu de voir dans les opérations menées contre ces cibles dites «de grande importance», tout comme dans les cellules d’intervention, des exemples d’un soutien pratique et concret apporté aux États membres de l’Union.

3.4.

Les activités criminelles telles qu’elles peuvent être observées actuellement dans le cyberespace font un usage exclusif de technologies avancées pour commettre des infractions traditionnelles comme le trafic illicite d’armes à feu et de munitions, de substances utilisées dans la fabrication d’explosifs, de stupéfiants ou de nouvelles drogues de synthèse. L’obstacle le plus considérable qui se pose pour détecter efficacement ce type de criminalité tient sans doute à ce qu’elle utilise des outils qui anonymisent les activités criminelles. Les communications cryptées à l’aide des diverses applications et messageries en ligne qu’emploient les auteurs d’infractions criminelles posent un sérieux problème pour procéder à leur détection.

3.5.

Il y a lieu de penser que l’accès déficient des services répressifs aux communications cryptées qu’utilisent les groupes criminels organisés constitue l’une des principales failles à combler, car il est impossible d’intervenir en temps utile si l’on ne peut accéder efficacement à l’information. De l’avis du CESE, il convient en conséquence de considérer comme éminemment utile et nécessaire le nouveau dispositif de décryptage d’Europol qui a été lancé par la Commission et qui contribuera à relever ces défis. Pour autant, il reste indispensable d’engager des travaux supplémentaires dans ce domaine, compte tenu de la rapidité avec laquelle se développent les nouvelles technologies.

3.6.

Un autre terrain sur lequel il faut affronter la cybercriminalité est celui de l’internet invisible, c’est-à-dire le pan de l’internet qui est accessible par le réseau Tor, protégeant efficacement l’anonymat des criminels actifs sur le marché clandestin, et où se commettent, dans le cadre de services fournis de manière souterraine, des crimes liés au trafic d’armes, de stupéfiants, de données dérobées de cartes bancaires et de logiciels malveillants, tandis que des tueurs à gage y proposent même leurs services. Les transactions y sont réglées à l’aide de monnaies virtuelles, comme le bitcoin, qui offrent un instrument grâce auquel il est aussi possible de blanchir des capitaux d’origine criminelle, puisqu’il permet le transfert anonyme des fonds qui ont été tirés d’activités criminelles conduites dans le cyberespace. Les services répressifs ne disposent pas des outils juridiques adéquats qui obligeraient les fournisseurs à leur fournir les clés de cryptage pour accéder au contenu des communications, à leur transmettre gratuitement des données aux fins des procédures dont ils sont saisis ou à enregistrer les données des utilisateurs et les activités de protocole IP se rapportant à des appels téléphoniques et à l’envoi de messages écrits.

3.7.

Le CESE presse les institutions de l’Union européenne d’améliorer le cadre juridique en la matière, afin de soutenir et renforcer les capacités dont les instances spécialisées des États membres disposent pour lutter efficacement contre ces dangers. Il convient de saluer, en tant qu’elle témoigne d’un très haut niveau d’ambition, l’annonce qu’un outil de suivi va être créé, par l’intermédiaire du Centre commun de recherche, pour collecter des renseignements concernant les activités illégales qui sont menées sur l’internet invisible. Parallèlement, on peut estimer que le développement d’un tel instrument représentera une grande avancée pour lutter contre la criminalité organisée dans le cyberespace.

3.8.

La pratique des services répressifs et l’expérience qu’ils ont accumulée font entrevoir une montée en puissance des risques liés à l’utilisation de cryptomonnaies aux fins d’actes criminels, parmi lesquels figurent notamment le blanchiment de capitaux et la fraude, en particulier via les réseaux informatiques et dans le cadre de mouvements financiers liés à des extorsions de fonds commises au moyen de logiciels rançonneurs. Un autre danger, tout aussi grave et prévisible, tient à ce que les criminels peuvent utiliser les cryptomonnaies pour écarter le risque qu’une saisie des biens qu’ils ont acquis illégalement soit effectuée par les services répressifs. Le CESE recommande de prendre des mesures supplémentaires pour développer une réglementation qui assure un suivi et un contrôle des transactions financières recourant à ce type d’instruments.

3.9.

Le CESE considère que dans le soutien apporté aux États membres, les questions techniques constituent un autre aspect dont il convient de se féliciter largement. L’accès donné à des infrastructures de pointe rendra les actions menées plus opérantes et allégera considérablement la charge financière supportée par chaque institution, augmentant ainsi l’efficacité des ressources engagées au niveau national. De fait, le défi qui se pose pour les États membres consiste à moderniser les outils matériels et logiciels grâce auxquels ils pourront lutter efficacement contre la cybercriminalité, étant donné que cette mise à jour représente, dans un marché qui évolue et se développe rapidement, une charge financière conséquente pour les différentes instances prises individuellement. En conséquence, le CESE recommande à la Commission et aux États membres de mieux évaluer les besoins de chacune des institutions et de leur allouer des ressources suffisantes pour qu’elles puissent agir efficacement face à ces menaces.

3.10.

Le CESE soutient, en lui attachant beaucoup de prix, le plan de la Commission européenne qui entend proposer une législation pour améliorer la protection des enfants contre les abus sexuels commis à leur encontre, notamment en exigeant des prestataires de services en ligne qu’ils détectent les contenus à caractère pédopornographique connus et qu’ils les signalent aux autorités publiques (2).

3.11.

La panoplie d’outils de l’Union pour la lutte contre la contrefaçon, qui doit définir les principes d’action commune, de coopération et de partage de données entre les autorités répressives, les titulaires de droits et les intermédiaires, acquiert tout particulièrement une importance nouvelle face à la contrefaçon de produits médicaux et sanitaires à laquelle a donné lieu la pandémie de COVID-19, durant laquelle, en effet, la criminalité organisée s’est tournée vers la production et la distribution d’équipements de protection, trousses de dépistage et médicaments qui étaient contrefaits. Parce qu’il considère que la coopération et l’échange de données constituent un facteur essentiel en la matière, le CESE exprime son soutien au développement plus poussé de cet outil.

3.12.

Le CESE, étant le porte-voix de la société civile européenne, juge qu’il est nécessaire de dispenser un soutien approprié aux actions menées pour protéger l’environnement et les biens culturels, notamment en renforçant les capacités des experts et la coopération structurelle.

3.13.

De l’avis du CESE, il importe que les États membres fassent usage des possibilités offertes par le réseau opérationnel de lutte contre le blanchiment de capitaux (AMON), un maillage international informel de services répressifs chargés de la lutte contre le blanchiment de capitaux, ainsi que par le réseau Camden, qui rassemble des autorités compétentes en matière de recouvrement des avoirs (CARIN) et constitue un groupement, informel lui aussi, fédérant des praticiens de la justice spécialisés dans la détection, le gel, la saisie et la confiscation des avoirs.

3.14.

Le CESE soutient la proposition de la Commission de mettre en place un dispositif de formation sur la cybercriminalité, et il recommande en particulier d’établir un système de certification ou d’accréditation pour les experts en enquêtes numériques, car cette démarche introduira une dimension très concrète dans la lutte contre ce type d’activités criminelles.

3.15.

La grande criminalité organisée compte parmi les principales menaces qui, à l’échelle du monde, compromettent le développement des sociétés modernes. Il n’a jamais été aussi difficile qu’aujourd’hui de lutter contre ce phénomène. Les criminels emploient des modes opératoires sans cesse plus sophistiqués, spécialisés, camouflés et déguisés sous d’autres activités de diverses formes. À la lumière de tout cela, le CESE tient pour hautement importantes toutes les initiatives qui détectent et intensifient les actions à mener dans le cadre de la coopération opérationnelle, extra-opérationnelle ou liée à la formation, tout comme celles qui démontrent que, dans la configuration géopolitique actuelle et face à tout l’éventail des menaces posées par la grande criminalité organisée, aucune autre voie ou option n’existe pour progresser que celle de la coopération, de l’action conjointe et de l’échange des bonnes pratiques sur la scène internationale.

3.16.

La lutte contre le financement des activités criminelles ainsi que le recouvrement et la confiscation des avoirs revêtent une importance décisive pour percer à jour ces agissements, mais aussi pour désorganiser les structures de cette criminalité, briser la loi du silence et contrecarrer les nouvelles entreprises de ce type. De telles démarches font également barrage à l’infiltration de l’économie légale et de la société. Toutefois, malgré le développement du cadre juridique dans ce domaine et l’étoffement des tactiques employées par les services répressifs dans leurs interventions, 1 % seulement des avoirs d’origine criminelle sont confisqués. Pour le CESE, les défis liés à la lutte contre le phénomène du trafic de stupéfiants sur l’internet invisible résultent avant tout de la vitesse à laquelle évolue ce marché, dont les segments ont une durée de vie très brève, et de la complexité que présente le mécanisme de détection des transactions qui sont effectuées au moyen de cryptomonnaies. Un autre point faible, qu’il sera possible d’éliminer si les propositions de la Commission sont mises en œuvre, réside dans le bagage limité dont les agents des services répressifs disposent en matière de cybercriminalité, notamment en ce qui concerne le trafic de stupéfiants effectué par le canal de l’internet, classique ou invisible.

3.17.

Le CESE propose d’envisager des actions de prévention de la criminalité qui prennent la forme d’une sensibilisation de la population. Il pourrait s’agir de campagnes officielles qui s’adressent à l’opinion publique afin qu’elle prenne mieux conscience des nouvelles menaces posées par la criminalité organisée, ainsi que de ses champs d’activité et de ses modes opératoires, car bien souvent, la société et les citoyens méconnaissent la nature criminelle des actions perpétrées par des groupes de ce type.

Le sentiment de sécurité de la population et l’efficacité de la lutte contre la criminalité organisée auraient beaucoup à gagner de la mise en place d’un système grâce auquel les particuliers pourraient, quand ils détectent des signes d’une éventuelle activité criminelle, alerter facilement les services répressifs, moyennant l’anonymisation des signalements.

3.18.

Le plus souvent, les services répressifs et les forces de police du monde entier agissent en réaction aux crimes, après qu’ils ont été commis, et ils sont généralement incapables d’intervenir à titre préventif, avant qu’ils ne soient perpétrés. Le CESE considère que l’approche idéale vis-à-vis des activités criminelles consisterait tout à la fois à y réagir et à les prévenir, mais chacun doit bien se rendre compte qu’il est extrêmement difficile de prendre de vitesse les groupes criminels. Ne se heurtant à aucune restriction d’ordre budgétaire ou légal et n’ayant cure du politiquement correct, les criminels exploitent avec aisance les nouvelles technologies, et à leurs yeux, le profit prime sur la vie humaine. Ils s’adaptent très promptement à des conditions nouvelles, inventent des modes opératoires inédits et investissent des terrains sur lesquels ils n’avaient encore jamais sévi jusqu’à présent. La pandémie de COVID-19 pourrait avoir valeur d’exemple à cet égard.

3.19.

Dans le cadre de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT), un groupe de travail élabore chaque année des plans d’action opérationnels pour réagir aux tendances les plus récentes qui sont apparues au niveau européen et mondial en matière de criminalité. Il importe de noter que chacun de ces plans reflète les problèmes rencontrés par les États membres de l’Union européenne et les pays tiers avec lesquels elle coopère, comme l’Islande, la Norvège ou la Suisse. Grâce à leur travail, il devient possible non seulement de repérer rapidement les problèmes mais aussi de mettre au point un mode d’intervention approprié. Il est également nécessaire d’apporter un soutien financier aux activités opérationnelles de lutte contre la criminalité organisée.

3.20.

Le CESE souhaite insister sur l’importance que revêtent les nouveaux instruments destinés à combattre la criminalité organisée, tels que a) le système d’information Schengen (SIS), le cadre de Prüm, les dossiers passagers (PNR) et les informations préalables sur les passagers (API), b) la plateforme pour les équipes communes d’enquête (ECE), qui vise à améliorer la communication et l’échange d’informations, mais aussi à resserrer, dans ce même contexte, la coopération entre Eurojust et les pays tiers, et c) les «cibles de grande importance», le recours aux cellules opérationnelles d’intervention, les projets internationaux et les initiatives régionales, s’agissant de développer des réseaux de coopération et d’action internationale pour lutter efficacement contre la criminalité organisée.

3.21.

Les disparités de législations ou de procédures entre les États membres sont souvent invoquées pour expliquer les carences de la coopération internationale, voire son inexistence. L’initiative consistant à établir un code de coopération policière européen apparaît dès lors d’autant plus louable. L’étude externe que la Commission européenne a déjà lancée pour évaluer la décision-cadre du Conseil de 2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée apportera, à n’en pas douter, un éclairage utile à cet égard.

3.22.

Pour ce qui est de promouvoir la dimension locale, articulée avec une approche administrative de la lutte contre la criminalité organisée, un rôle de premier plan revient à la méthode par laquelle les collectivités locales, afin d’empêcher qu’elle ne s’infiltre dans les entreprises et les infrastructures de gouvernance légales, mettent en œuvre des outils du domaine de l’administration en coopération avec les services répressifs et la société civile.

3.23.

La problématique qui se pose dans la lutte contre la criminalité organisée, qui a fait l’objet d’un examen approfondi dans la stratégie de la Commission européenne pour la période 2021-2025, est celle d’un phénomène en évolution constante, qui s’insinue sous des formes variées dans tous les aspects de nos existences et de la sphère du politique et du social. Tout en exploitant les avancées les plus récentes de l’ère numérique, elle continue, comme elle l’a toujours fait, à se nourrir de la pauvreté et des instincts les plus vils, en plaçant sous sa coupe des individus désespérés qu’elle contraint, par la terreur, à accomplir des activités criminelles. Le CESE a conscience que pour affronter ce problème, il est nécessaire que l’Union européenne et les États membres agissent de concert et que l’on comprenne qu’il est indispensable de toujours avoir de l’avance sur les organisations criminelles, en repérant les nouvelles tendances qui émergent dans les groupes de la criminalité organisée, dont l’action se joue des frontières politiques et administratives.

3.24.

Des avis et un rapport d’information récemment élaborés par le CESE ont abordé la question de la lutte antiterroriste en combinaison avec le combat contre la criminalité organisée. Au nom de la société civile, le Comité continuera à effectuer un suivi des prochains jalons qui seront posés pour contrer les groupes de la criminalité organisée, et il fait part de sa satisfaction de constater que la Commission a suggéré au Conseil et au Parlement européen d’associer le Service européen pour l’action extérieure, Eurojust et Europol à cette initiative commune des négociations menées avec des pays tiers sur ce point (3).

3.25.

Le CESE souligne que le mécanisme de lutte contre la criminalité organisée doit garantir que les organisations de la société civile, les instances indépendantes de contrôle et les lanceurs d’alerte soient dûment consultés et qu’ils soient associés à sa démarche, avec la garantie d’une totale protection, de manière à assurer une sauvegarde efficace des citoyens, de l’économie européenne et de la collectivité à l’échelle locale, ainsi que la préservation de l’état de droit et des droits fondamentaux.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 6.

(2)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 58.

(3)  SOC/673: «Renforcement du mandat d’Europol» (JO C 341 du 24.8.2021, p. 66), SOC/675: «Évaluation de la directive relative à la lutte contre le terrorisme»; SOC/676: «Programme de lutte antiterroriste pour l’UE», (JO C 341 du 24.8.2021, p. 71).


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/97


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres

[COM(2021) 282 final — 2021/0137 (NLE)]

(2021/C 517/15)

Rapporteure:

Marina Elvira CALDERONE

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 11.6.2021

Base juridique

Article 148, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

7.9.2021

Adoption en session plénière

23.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

185/1/16

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres, lesquelles forment une base utile pour imprimer aux politiques de l’emploi une orientation à même de soutenir la sortie progressive et souhaitée de la crise pandémique et de faire en sorte que les différentes formes d’aide économique débouchent sur des résultats favorables en matière d’emploi. Ces lignes directrices constitueront en outre un cadre de référence valable pour s’assurer que les mesures de résilience et de relance établissent les fondements requis pour créer des emplois de qualité au sein d’une économie durable sur les plans environnemental et social. Assurer la coordination de politiques de l’emploi efficaces est essentiel pour améliorer la cohésion entre les États membres et réduire les inégalités sociales et économiques.

1.2.

Les lignes directrices pour l’emploi doivent tenir compte des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur le marché du travail, comme du plan d’action sur le socle européen des droits sociaux et des conclusions du sommet social de Porto qui fixent des objectifs sociaux ambitieux en matière d’emploi, de lutte contre la pauvreté et d’accès aux compétences. Il conviendra par ailleurs de surveiller l’incidence sur l’emploi des instruments d’aide tels que le programme SURE et Next Generation EU, qui reposent sur des émissions obligataires «communautaires» en tant que forme de mutualisation de la dette générée pour soutenir notamment les politiques de l’emploi. Les plans nationaux pour la reprise et la résilience mettront en outre des ressources à disposition des politiques de l’emploi des États membres moyennant le respect de conditions spécifiques concernant les objectifs, volets d’action et modes de dépenses, et accorderont une attention particulière aux politiques actives de l’emploi.

1.3.

Il y a lieu de coordonner les politiques européennes avec les objectifs des lignes directrices pour l’emploi, de renforcer le marché du travail, de soutenir la productivité et la compétitivité des entreprises ainsi que l’économie sociale de marché dans l’Union européenne, et de renforcer les mesures structurelles de transition en adoptant des mesures temporaires de protection de l’emploi et en créant des emplois de qualité. Dans le cadre de ces processus, il convient de promouvoir le dialogue social, la négociation collective et la participation des partenaires sociaux et des représentants de la société civile aux choix opérés.

1.4.

S’agissant de la ligne directrice no 5 «Stimuler la demande de main-d’œuvre», le CESE considère que le processus de relance de la demande doit s’accompagner de mesures visant à accroître la demande elle-même, à favoriser l’accès au marché du travail, à promouvoir la durabilité économique et sociale des entreprises, la professionnalisation des travailleurs et l’amélioration des conditions de travail. Cet objectif peut être atteint en tirant pleinement parti des possibilités de transformation des systèmes de production, en adoptant des technologies et des outils favorisant la durabilité environnementale ainsi qu’en promouvant l’apprentissage tout au long de la vie. Les mesures de politique économique doivent être étroitement coordonnées avec les politiques visant à stimuler la demande de main-d’œuvre.

1.5.

S’agissant de la ligne directrice no 6, qui vise à renforcer l’offre de main-d’œuvre et à améliorer l’accès à l’emploi, les qualifications et les compétences, le CESE souligne qu’il est essentiel que chaque État membre parvienne à coordonner efficacement les mesures d’investissement en faveur de la formation et du marché du travail prévues par les plans nationaux pour la reprise et la résilience et par les Fonds structurels. La crise actuelle a souligné encore plus nettement la nécessité de reconnaître et de garantir le droit à la formation continue et un accès effectif à une éducation et une formation de qualité ainsi qu’à l’adaptation des compétences, et de réduire les disparités qui subsistent en matière de mise à niveau des compétences, tant entre secteurs qu’entre États membres; l’objectif portant sur l’accès à la formation défini dans le plan d’action du socle social évaluera la capacité des États membres à se doter de nouveaux instruments capables de réduire les disparités en matière d’accès au marché du travail et de répondre aux exigences de celui-ci concernant les nouvelles compétences requises.

1.6.

S’agissant de la ligne directrice no 7 «Améliorer le fonctionnement des marchés du travail et l’efficacité du dialogue social», le CESE soutient la création d’une plateforme numérique européenne facilitant l’adéquation entre l’offre et la demande de main-d’œuvre. Cette plateforme, qui serait un point de référence commun pour l’ensemble des États membres et des services de l’emploi, permettrait de promouvoir les politiques actives et la mobilité européenne, notamment en renforçant les services publics et privés de l’emploi. Il est indispensable que chaque État membre adopte des mesures fortes en matière de sécurité et de prévention des risques afin d’encourager une culture de prévention plus étendue, laquelle est un élément essentiel pour la diffusion et le partage d’une «culture du travail» qui tire parti du potentiel de tout un chacun, favorise le bien-être et élimine toute situation de danger et de risque sur le lieu de travail. Si le dialogue social et la négociation collective sont un pilier important de la durabilité et de la résilience des économies européennes, il reste toutefois nécessaire de disposer, au niveau national, dans certains États membres, d’un cadre réglementaire et institutionnel qui facilite et soutienne les systèmes de relations du travail.

1.7.

Outre le renforcement des politiques de l’emploi relatives aux emplois salariés, le CESE estime qu’il importe aussi de renforcer la capacité des États membres à promouvoir des mesures de soutien en faveur des activités indépendantes et libérales, en particulier pour les jeunes.

1.8.

La ligne directrice no 8 vise à promouvoir l’égalité des chances pour tous, favoriser l’inclusion sociale et combattre la pauvreté. Le CESE souscrit à cet objectif car il apparaît essentiel d’élaborer une stratégie en matière de politique de l’emploi qui garantisse l’égalité en matière d’accès au marché du travail et dans le domaine des relations de travail. La relation entre protection sociale, marché du travail, fonctionnement de l’économie et lutte contre les inégalités et la pauvreté constitue une orientation fondamentale et un fil rouge pour des politiques de l’emploi capables de conjuguer croissance économique et développement social. Le CESE rappelle en outre qu’il importe de concevoir des politiques d’inclusion efficaces, qui devraient être considérées comme des investissements indispensables pour la croissance et l’amélioration des systèmes économiques et productifs. Il est par ailleurs essentiel de mettre en place, en combinaison avec d’autres stratégies cohérentes de lutte contre la pauvreté, les mécanismes requis pour ne pas risquer de créer de nouvelles formes de pauvreté chez les travailleurs à faible revenu.

2.   Contexte

2.1.   Introduction

2.1.1.

Les lignes directrices pour l’emploi ont été adoptées en 2019 et adaptées dès 2020 afin de prendre en compte les aspects liés à la crise de la COVID-19, la transition écologique et numérique et les objectifs de développement durable. Si le CESE confirme les analyses et évaluations présentées dans son précédent avis SOC/646 (1), il formule toutefois, dans le présent avis, un certain nombre d’observations inspirées par les répercussions de la crise pandémique sur les conditions de vie et de travail des citoyens européens et la nécessité de reformuler les priorités stratégiques des États membres et des institutions européennes.

2.1.2.

La proposition de la Commission prévoit que les lignes directrices pour l’emploi, qui figurent à l’annexe de la décision (UE) 2020/1512 du Conseil (2), soient maintenues en 2021 et servent de référence aux États membres pour élaborer leurs politiques de l’emploi et leurs programmes nationaux de réforme. Désormais, l’objectif prioritaire consiste à veiller à ce que les mesures en faveur de la résilience et de la reprise de l’économie et de la production aient une incidence positive sur le plan social.

2.2.

Les lignes directrices proposées sont les suivantes:

ligne directrice no 5: stimuler la demande de main-d’œuvre,

ligne directrice no 6: renforcer l’offre de main-d’œuvre et améliorer l’accès à l’emploi, les qualifications et les compétences,

ligne directrice no 7: améliorer le fonctionnement des marchés du travail et l’efficacité du dialogue social,

ligne directrice no 8: promouvoir l’égalité des chances pour tous, favoriser l’inclusion sociale et combattre la pauvreté.

2.3.

Dans sa proposition, la Commission souligne par ailleurs que l’Union et ses États membres devraient:

2.3.1.

combattre l’exclusion sociale et la discrimination et promouvoir la justice et la protection sociales, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant: lors du sommet social de Porto, les États membres se sont engagés à mettre en œuvre les objectifs sociaux ambitieux en matière d’élaboration de politiques nationales et de nouveaux instruments européens visant à soutenir la transition écologique et numérique ainsi qu’à réaliser une convergence économique et sociale qui renforce la compétitivité de l’économie sociale de marché de l’Union;

2.3.2.

veiller à la coordination des politiques économiques et de l’emploi dans le but de réaliser la neutralité climatique au sein de l’Union, d’accompagner la transition de l’Europe vers une économie numérique et verte durable, de perfectionner les compétences, d’améliorer la compétitivité, de garantir des conditions de travail adéquates, de stimuler l’innovation, de promouvoir la justice sociale et l’égalité des chances ainsi que de lutter contre les inégalités et les disparités au niveau régional. L’adoption de politiques et la mise en œuvre de stratégies de l’emploi efficaces et homogènes sont essentielles pour passer de la gestion des situations de crise à une reprise qui favorise un développement durable sur les plans environnemental et social et crée de nouveaux emplois et de meilleures conditions de travail;

2.3.3.

unir leurs efforts pour faire face aux facteurs structurels tels que le changement climatique et les défis environnementaux, la mondialisation, la numérisation, l’intelligence artificielle, le télétravail, l’économie des plateformes et l’évolution démographique, en adaptant, le cas échéant, les structures existantes;

2.3.4.

adopter les mesures et les politiques nécessaires afin de stimuler la croissance durable de l’économie, l’emploi de qualité et la productivité tout en renforçant la cohésion sociale et territoriale, en favorisant une convergence ascendante et la résilience des économies et en promouvant la responsabilité budgétaire des États membres;

2.3.5.

faire en sorte que les réformes du marché du travail, y compris les mécanismes nationaux de fixation des salaires, respectent les pratiques nationales en matière de dialogue social et de négociation collective, dans le but de garantir des salaires équitables et des conditions de vie et de travail décentes;

2.3.6.

veiller à atténuer, au moyen de politiques et instruments efficaces, les conséquences économiques, sociales et sur l’emploi de la crise liée à la COVID-19.

2.4.

L’Union et ses États membres doivent s’attacher à élaborer une stratégie coordonnée en faveur de l’emploi, qui vise plus particulièrement à promouvoir une main-d’œuvre qualifiée, formée et dotée des compétences nécessaires pour s’adapter aux changements en cours (ainsi que des marchés du travail tournés vers l’avenir et aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie). Les États membres devraient considérer la promotion de l’emploi comme une question d’intérêt commun et coordonner leur action à cet égard au sein du Conseil. L’article 148 du TFUE charge le Conseil d’adopter des lignes directrices pour l’emploi, lesquelles déterminent le champ d’action de la coordination des politiques des États membres et la direction à suivre à cet égard et servent de base aux recommandations par pays définies dans le cadre du semestre européen.

2.5.

Il importe de souligner qu’en présence de facteurs de risque, il est nécessaire de recourir à des instruments de soutien, y compris financiers, qui permettent aux États membres d’adopter des initiatives communes visant à contrer les conséquences des crises sur les conditions de vie et de travail des citoyens européens. Cette nécessité a clairement été mise en évidence par les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les systèmes économiques et sociaux.

2.6.

Le CESE considère que les décisions prises ces derniers mois par la Commission européenne et qui ont mené à l’adoption des plans nationaux pour la reprise et la résilience sont appropriées et qu’elles vont dans le sens du soutien à un modèle de développement équitable et durable. Il convient en outre d’éviter de se retrouver, au sortir de la crise provoquée par la pandémie, devant un risque accru d’exclusion sociale et d’une accélération du déséquilibre territorial qui s’est aggravé ces dernières années, notamment entre les régions européennes, comme le montre, depuis 2013 déjà, l’indice de compétitivité régionale de la Commission européenne, qui mesure la capacité concurrentielle des régions.

2.7.

La mise en place d’un modèle économique et de développement inclusif nécessite d’assortir les politiques et investissements visant à renforcer les infrastructures pour la productivité, la numérisation et la logistique de mesures en faveur de la cohésion territoriale, de la promotion du capital humain, de la formation de la main-d’œuvre et du renforcement des instruments de soutien au marché du travail et au système des services sociaux et à la personne. Une Europe où les divergences sont excessives et où l’accès aux possibilités est inégal est une Europe affaiblie; le CESE estime que la cohésion doit rester le socle de référence, y compris pour les politiques axées sur la croissance.

2.8.

La crise provoquée par la pandémie a exacerbé certains problèmes structurels du marché du travail européen et mis en lumière d’autres problèmes qui nécessitent l’adoption d’une politique globale capable de remédier à la fois à la situation des groupes les plus vulnérables et aux difficultés que rencontrent certains secteurs du marché du travail. La transition à laquelle les États membres sont confrontés requiert des politiques, actions et mesures largement acceptées et étroitement coordonnées, ainsi qu’un soutien continu au dialogue social.

2.9.

Tous les travailleurs devraient avoir accès à la protection sociale, y compris dans le cadre du télétravail et des nouvelles formes de travail, dont les plateformes, moyennant le renforcement des systèmes prévus en la matière. Il convient d’encourager l’inclusion des groupes les plus vulnérables de la société et de tirer pleinement parti de la participation des femmes au marché du travail, afin d’éviter toute forme de discrimination et d’éliminer l’écart de rémunération qui existe entre les hommes et les femmes.

3.   Observations générales

3.1.

Se référant notamment aux observations formulées dans de précédents avis sur les lignes directrices pour l’emploi, le CESE souligne plus particulièrement les éléments suivants.

3.1.1.

La lutte contre la discrimination coïncide avec les efforts déployés pour améliorer la qualité du travail, ce qui implique que les États membres conviennent de stratégies visant à articuler la productivité et la capacité concurrentielle avec des mécanismes susceptibles de promouvoir le capital humain et de garantir les meilleures conditions de travail aux travailleurs.

3.1.2.

Les situations de crise ont tendance à accroître les facteurs de risque social et, en particulier, les inégalités. C’est la raison pour laquelle les investissements et les différentes formes d’aide à la reprise économique doivent être étayés par un système d’investissement solide dans les infrastructures sociales et de travail qui soit à même d’améliorer, au moyen de politiques et de mesures appropriées, les normes de protection sociale en vigueur dans les États membres.

3.1.3.

L’amélioration des structures économiques et sociales européennes passe par des mesures fortes et communes visant à prévenir le dumping social entre États membres, lequel consiste à réduire les acquis des travailleurs en matière de protection, de garanties et de sécurité, ainsi que par la promotion d’une concurrence équitable qui tienne compte de l’innovation et s’appuie sur la valorisation de la main-d’œuvre et la durabilité de la production et des services. Des politiques actives du marché du travail sont nécessaires, telles que des mesures d’incitation temporaire à l’embauche pour les groupes vulnérables, des possibilités en matière de renforcement des compétences et de reconversion professionnelle ainsi qu’un soutien à l’entrepreneuriat, y compris en faveur de l’économie sociale.

3.1.4.

L’innovation a fondamentalement besoin de la contribution de la nouvelle génération, laquelle doit avoir accès à des emplois stables et de qualité; il convient par ailleurs d’encourager la mobilité des travailleurs entre États membres. Le CESE souscrit au contenu de la déclaration de Porto, selon laquelle «les jeunes représentent une source indispensable de dynamisme, de talent et de créativité pour l’Europe». Dans cet esprit, il importe de soutenir l’activité indépendante, intellectuelle et libérale, ainsi que les nouvelles activités entrepreneuriales et les jeunes entreprises innovantes.

3.1.5.

Compte tenu de la nécessité d’assurer la qualité sociale de la croissance, il convient de mettre davantage l’accent sur le travail non productif, en particulier sur les services à la personne, les services sur le territoire et les activités économiques et sociales coopératives, dans un contexte où les liens sociaux sont considérés comme un élément clé du développement et de la croissance.

3.1.6.

À cet égard, il est essentiel que les lignes directrices soient axées sur la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, qui constitue la référence pour veiller à ce que les mesures visant à surmonter la crise économique et sociale aient un impact adéquat et positif sur la société à un moment où l’urgence sanitaire s’accompagne d’un risque accru d’exclusion (3). Les trois nouveaux objectifs fixés dans le plan d’action du socle, qui portent sur le taux d’emploi, l’accès à la formation et l’adéquation des compétences ainsi que sur la lutte contre la pauvreté, à commencer par la pauvreté des enfants, imposent aux États membres de définir, dans le cadre du semestre européen, des politiques et des instruments qui posent les jalons pour la réalisation desdits objectifs. En outre, le Comité a déjà souligné la nécessité de définir de nouveaux indicateurs sociaux permettant de mesurer les progrès accomplis en la matière par les États membres.

3.1.7.

La mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience et la réalisation des objectifs du plan d’action requièrent la participation active et structurée des partenaires sociaux et des organisations de la société civile. Le Comité rappelle qu’il est nécessaire de définir des procédures de consultation formelles qui facilitent les échanges réels avec les institutions et gouvernements nationaux et lèvent les obstacles s’opposant à une consultation et une participation efficaces de la société civile. Il convient en outre de définir des instruments visant à renforcer les négociations collectives et à favoriser la couverture contractuelle.

3.1.8.

Il ne fait aucun doute que les systèmes de formation et l’apprentissage tout au long de la vie constituent le lien entre les politiques sociales, économiques et de l’emploi. Le caractère central et transversal des compétences est aussi déterminant pour l’efficacité des politiques actives et devrait constituer le fil conducteur des lignes directrices.

3.1.9.

Il y a lieu de considérer l’amélioration de la qualité des systèmes de formation comme un objectif prioritaire en ce qui concerne non seulement la promotion des compétences transversales liées au numérique et à la durabilité environnementale, mais aussi le renforcement des compétences non techniques et de la capacité des travailleurs à coopérer entre eux.

3.1.10.

Pendant la pandémie, des formes spécifiques de soutien ont été activées pour gérer les crises et atténuer le risque de chômage. L’une d’entre elles est le programme SURE. Compte tenu de la ligne directrice no 5, il importe que la Commission maintienne, pendant le processus de reprise, des instruments de financement et de soutien destinés à lutter contre la crise ainsi que des outils et des politiques ayant pour visée d’aider les chômeurs à retrouver un emploi.

3.1.11.

Ces interventions devraient permettre de soutenir financièrement des mesures telles que les dispositifs de chômage partiel, les mécanismes de compensation salariale et autres mesures destinées à prévenir le chômage, jusqu’à ce que la crise actuelle liée à la COVID-19 soit surmontée.

3.1.12.

Dans cette optique, il est essentiel de poursuivre, en 2021, les mesures mises en place en 2020, en utilisant des instruments de solidarité visant à atténuer les situations les plus délicates en matière d’emploi et en les assortissant de politiques actives du marché du travail.

3.1.13.

Il est par conséquent essentiel de promouvoir l’accès au crédit, de soutenir les investissements novateurs et productifs et, d’une manière générale, de créer des conditions territoriales, fiscales et infrastructurelles propices à l’innovation et à la promotion d’initiatives économiques, en particulier pour les PME, les entreprises de l’économie sociale, le travail indépendant et les professions libérales, le but étant d’exercer un effet positif sur l’emploi.

4.   Observations particulières

4.1.

Si le CESE confirme la position qu’il avait adoptée dans son avis SOC/646, il souhaite toutefois aussi attirer l’attention sur d’autres aspects, eu égard aux répercussions de la pandémie, qui ont mis en lumière l’existence d’un certain nombre de problèmes, mais aussi sur des mesures à adopter et des actions à mener en priorité. Face à l’augmentation des disparités que l’on observe depuis plus de dix ans et qui se sont creusées en raison de la crise liée à la COVID-19, le CESE considère qu’il est essentiel d’élaborer des politiques efficaces permettant d’aligner la croissance économique sur le développement social, au moyen de mesures visant à soutenir la capacité concurrentielle et capables de renforcer la qualité des structures de travail et des politiques de l’emploi. À cette fin, il convient que les États membres concrétisent les investissements liés à leur plan national pour la reprise et la résilience et les vérifient au regard des objectifs prévus par les lignes directrices pour 2021, en accordant une attention particulière au renforcement de l’offre et de la demande de main-d’œuvre et à la promotion des conditions requises pour assurer l’égalité des chances, le fonctionnement du marché du travail et l’inclusion. Il y a lieu d’assurer une coordination étroite et cohérente entre les politiques définies pour faire face à la crise, les différentes formes de soutien prévues dans le cadre du programme SURE, les actions et investissements préconisés par le plan de relance en faveur de la reprise d’une part, ainsi que les mesures définies et les financements consentis dans le cadre de la programmation des Fonds structurels 2021-2027 d’autre part.

4.2.

La reprise économique qui est attendue en 2021 et rendue possible, notamment, par les projets d’investissement liés aux plans nationaux pour la reprise et la résilience, peut susciter une relance généralisée de l’emploi pour autant qu’elle s’accompagne d’une action ciblée des États membres dans le secteur social et de l’emploi en réponse aux défis posés par les changements en cours.

4.3.

À cet égard, il importe de rappeler les objectifs du socle européen des droits sociaux et du programme de développement durable. Les décisions qui s’imposent doivent inciter la Commission et les États membres à opérer des choix qui ne peuvent être retardés et que la pandémie a rendus encore plus évidents et nécessaires au regard du modèle de développement à promouvoir. En particulier, les objectifs fixés dans l’agenda pour la durabilité économique, sociale et environnementale et le caractère central du bien-être humain définissent une orientation extrêmement importante et inspirent certains des choix fondamentaux énoncés à la fois dans le plan de relance et dans les principales orientations des Fonds structurels européens.

4.4.

Le CESE partage l’avis selon lequel il est nécessaire de redynamiser la demande de main-d’œuvre, comme le prévoit la ligne directrice no 5, de garantir un salaire minimum adéquat et équitable à tous les travailleurs en Europe, conformément aux pratiques et législations nationales, et d’étendre la protection sociale et l’accès aux systèmes de protection sociale à tous les travailleurs, y compris dans le cadre des nouvelles formes de travail. Afin de passer de la gestion de crise à la reprise, il convient de mettre l’accent sur des mesures de protection sociale durables et des aides à l’embauche efficaces, en particulier pour les PME. À cet égard, les mesures de reconversion devraient également être encouragées lors des périodes de travail à temps partiel dues à la pandémie. Il convient de promouvoir le dialogue social et d’associer les partenaires sociaux à un processus de relations de travail solide, dans le respect de leur autonomie. La réduction de la charge fiscale qui pèse sur le travail ne doit pas se traduire par une diminution de la couverture sociale, laquelle aurait une incidence négative sur les systèmes de protection sociale et leur viabilité. À cet égard, le CESE estime qu’il convient de renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

4.5.

S’agissant de la ligne directrice no 6, qui vise à renforcer l’offre de main-d’œuvre et à améliorer l’accès à l’emploi, les qualifications et les compétences, le CESE fait observer qu’il est essentiel que chaque État membre puisse coordonner efficacement les mesures d’investissement en faveur de la formation et du marché du travail prévues par les plans nationaux pour la reprise et la résilience et par les Fonds structurels. En particulier, il convient d’assurer la coordination entre le FSE+ et les mesures de protection sociale et de l’emploi prévues par le programme SURE et d’autres instruments jusqu’au 31 décembre 2022 afin de faciliter la mise en place de structures nationales efficaces en matière d’activation de l’emploi, qui permettent l’insertion, la reconversion professionnelle et la relocalisation des travailleurs. Il y a lieu d’envisager des aides efficaces à l’embauche et à la reconversion professionnelle pour soutenir la création d’emplois pendant la reprise.

4.6.

La diffusion du télétravail pendant la pandémie n’a fait que confirmer la nécessité de définir des règles et outils visant à rendre plus vertueuse la relation entre organisation du travail, bien-être en entreprise et utilisation des technologies numériques. Le CESE rappelle qu’il importe d’exploiter le plein potentiel que recèle le télétravail en tant qu’outil visant à améliorer les conditions de travail et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et d’éviter qu’il ne devienne une source possible de discrimination et de difficultés (4).

4.7.

La crise actuelle a souligné encore plus nettement la nécessité de reconnaître et de garantir le droit à la formation continue et un accès effectif à une éducation et une formation de qualité ainsi qu’à l’adaptation des compétences, et de réduire les disparités qui subsistent en matière de mise à niveau des compétences, tant entre secteurs qu’entre États membres; l’objectif portant sur l’accès à la formation défini dans le plan d’action du socle social évaluera la capacité des États membres à se doter de nouveaux instruments capables de réduire les disparités en matière d’accès au marché du travail et de répondre aux exigences de celui-ci concernant les nouvelles compétences requises.

4.8.

S’agissant de la ligne directrice no 7, qui vise à améliorer le fonctionnement des marchés du travail et l’efficacité du dialogue social, le CESE note que les objectifs de soutien à la mobilité et à l’employabilité des travailleurs pourraient être atteints par la création d’une plateforme numérique européenne visant à gérer l’adéquation entre les offres et les demandes d’emploi. Cette plateforme serait un point de référence commun pour l’ensemble des États membres et des services de l’emploi et permettrait de promouvoir les politiques actives et la mobilité européenne.

4.9.

Si le dialogue social et la négociation collective constituent un pilier important de la durabilité et de la résilience des économies européennes, il reste toutefois nécessaire de disposer, au niveau national, dans certains États membres, d’un cadre réglementaire et institutionnel (5) qui facilite et soutienne les relations entre employeurs et travailleurs; l’application des plans nationaux pour la reprise et la résilience mettra à l’épreuve la volonté réelle des États membres d’associer et de faire participer la société civile aux mesures et choix nationaux en matière de développement.

4.10.

S’agissant de la ligne directrice no 8, qui vise à promouvoir l’égalité des chances pour tous, à favoriser l’inclusion sociale et à combattre la pauvreté, le CESE rappelle qu’il importe désormais de concevoir des politiques d’inclusion efficaces, qui devraient être considérées comme des investissements essentiels pour la croissance des structures économiques et productives. Le CESE affirme en outre que l’activation de l’emploi est un outil d’inclusion et de lutte contre la pauvreté en ce qu’elle évite le recours à des mesures relevant de l’assistanat et promeut l’inclusion par l’employabilité et l’intégration au travail. À cet égard, il est toutefois essentiel de mettre en place, en combinaison avec d’autres stratégies cohérentes de lutte contre la pauvreté, les mécanismes requis pour ne pas risquer de créer de nouvelles formes de pauvreté chez les travailleurs à faible revenu.

4.11.

Enfin, l’adoption de normes communes en matière de politiques d’égalité entre les sexes, d’intégration des personnes handicapées et des personnes vivant dans des conditions précaires, ainsi que la mise en place de systèmes de promotion sociale capables de favoriser le vieillissement actif et le transfert intergénérationnel des compétences, sont autant d’éléments clés de la stratégie pour l’égalité des chances.

4.12.

La pandémie a montré combien il était essentiel d’investir pour protéger la santé et la sécurité sur le lieu de travail et urgent de renforcer les inspections du travail dans les États membres pour effectuer des contrôles destinés à protéger les travailleurs. En concluant, avec les partenaires sociaux, des protocoles visant à lutter contre la propagation du virus sur le lieu de travail, plusieurs États membres ont fait preuve de responsabilité et de réactivité face à une situation de crise.

Bruxelles, le 23 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 232 du 14.7.2020, p. 18.

(2)  Décision (UE) 2020/1512 du Conseil du 13 octobre 2020 relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres (JO L 344 du 19.10.2020, p. 22).

(3)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 38.

(4)  JO C 220 du 9.6.2021, p. 13 et JO C 220 du 9.6.2021, p. 1.

(5)  JO C 10 du 11.1.2021, p. 14.


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/103


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Orientations stratégiques pour une aquaculture plus durable et compétitive dans l’Union européenne pour la période 2021-2030»

[COM(2021) 236 final]

(2021/C 517/16)

Rapporteur:

Anastasis YIAPANIS

Saisine du Comité

Commission européenne, 31.5.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

9.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

233/2/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient les efforts et initiatives déployés par la Commission européenne pour aider le secteur à se développer et à devenir plus durable. Malgré cela, le secteur aquacole de l’Union européenne n’atteint pas son véritable potentiel de croissance. Le CESE est préoccupé par le fait que 65 % des produits aquatiques consommés en Europe proviennent d’importations (1).

1.2.

Les choix des consommateurs ont évolué vers un mode de vie qui accorde davantage d’importance à la nutrition, le poisson et les produits de l’aquaculture figurant en tête de leurs préférences. Il s’agit là d’une opportunité de croissance importante pour le secteur, mais aussi d’une responsabilité pour assurer la sécurité alimentaire future de l’Union européenne. La garantie d’une alimentation sûre, saine et durable dans l’Union devrait être l’une des principales priorités.

1.3.

Un effort coordonné de la Commission européenne et des États membres est nécessaire pour renforcer la capacité de production et la rentabilité du secteur. La simplification immédiate des procédures administratives doit être complétée par des normes environnementales élevées, afin de préserver les écosystèmes et la biodiversité et d’améliorer la qualité de l’eau. Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de mettre en place des guichets uniques pour les licences aquacoles dans tous les États membres.

1.4.

Le CESE considère qu’il convient de trouver un juste équilibre entre la préservation de la biodiversité de la Terre et le respect des exigences alimentaires nécessaires, en tenant compte des incidences sociales, d’une vie saine et de la protection de l’environnement. Il s’impose de préserver et de protéger les eaux marines et intérieures, tout en promouvant des activités aquacoles durables, susceptibles de garantir la nourriture dont la population de l’Union a besoin.

1.5.

La disponibilité d’espace constitue un obstacle important au développement du secteur. Le CESE estime qu’il convient de développer davantage les installations aquacoles, en particulier dans les zones côtières et rurales de l’Union, là où d’autres activités économiques ne sont pas appropriées. Le CESE invite les États membres à mettre en place des projets coordonnés d’aménagement du territoire, y compris la planification au niveau des bassins maritimes, la restauration des installations aquacoles abandonnées et les systèmes d’analyse des mégadonnées.

1.6.

Le CESE estime que la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile concernées à la future stratégie de développement du secteur créera une valeur ajoutée pour l’Union. Ils peuvent fournir à la fois une expertise de haut niveau et d’excellentes possibilités de communication.

1.7.

Le CESE considère que la relation entre les parties prenantes tout au long des chaînes de valeur doit être une relation éthique. Il s’impose d’accorder aux PME et aux start-up un soutien sans faille afin qu’elles puissent se développer et créer des emplois de qualité et de nouveaux modèles économiques durables, et de doter les partenariats public-privé d’instruments de financement qui couvrent les engagements à long terme.

1.8.

Les programmes d’éducation et de formation professionnelle peuvent contribuer à répondre aux besoins du secteur en termes de main-d’œuvre hautement qualifiée. À cet égard, les appels à propositions pour le secteur de l’aquaculture peuvent être financés par le Fonds social européen.

1.9.

Les exigences en matière d’étiquetage jouent un rôle très important dans l’information des consommateurs sur la qualité des produits de l’aquaculture. Il convient de fournir aux citoyens européens des informations fiables, en particulier sur les produits provenant de pays dont le cadre législatif est faible ou inexistant. Les exigences en matière de traçabilité devraient être traitées en amont, jusqu’aux couvoirs, pour tous les produits du marché intérieur. L’objectif final devrait être de créer des conditions de concurrence égales à 100 % dans le marché unique.

1.10.

Une communication sur les efforts et les progrès réalisés par le secteur en matière de performance environnementale et climatique est primordiale pour garantir l’acceptation sociale et familiariser les consommateurs avec les efforts déployés. Des systèmes de gestion des déchets sont nécessaires de toute urgence s’agissant d’un secteur qui possède un fort potentiel de réduction de son empreinte environnementale. Le secteur dispose également d’un potentiel considérable pour intégrer la circularité et les ressources aquatiques renouvelables, tout en s’efforçant de réduire la consommation d’énergie et les émissions de carbone.

1.11.

Des investissements publics et privés rapides et à grande échelle sont nécessaires, en particulier dans les activités de recherche et de développement. La Commission devrait promouvoir tous les fonds pertinents disponibles de l’Union et les possibilités de partenariat par l’intermédiaire des réseaux de partenaires sociaux et d’organisations de la société civile, dans l’objectif final d’atteindre tous les producteurs, en particulier les PME.

1.12.

Le CESE approuve et soutient la proposition visant à créer un dispositif d’assistance à l’aquaculture dans l’Union doté d’une plateforme en ligne spécifique, et estime qu’il est urgent de mettre en place, au niveau européen, une stratégie de croissance de l’aquaculture qui renforcerait le potentiel du secteur.

2.   Contexte

2.1.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la population mondiale pourrait augmenter de plus de deux milliards de personnes par rapport aux niveaux actuels, pour atteindre 9,15 milliards d’ici à 2050. Les revenus augmenteront encore plus vite. Pour répondre à l’augmentation de la demande, la FAO prévoit que la production agricole mondiale en 2050 sera supérieure de 60 % à celle de 2005 (2). Le secteur de l’aquaculture a le potentiel de se développer et de répondre à une grande partie de cette demande et de libérer une partie de la pression qui a été exercée sur le secteur agricole.

2.2.

La production aquacole est largement dominée par les pays d’Asie, avec une part d’environ 89 % au cours des deux dernières décennies (3). Dans l’Union européenne, la production aquacole varie de cuves et lagunes traditionnelles à l’utilisation de cages et de réservoirs en haute mer ou dans des systèmes de recirculation. Le secteur emploie directement plus de 74 000 personnes dans plus de 12 000 entreprises (4).

2.3.

L’Union européenne est le deuxième opérateur mondial de produits de la pêche et de l’aquaculture, après la Chine. En tant qu’importateur net, elle affichait un déficit de la balance commerciale de 21 milliards d’EUR en 2019. Selon les chiffres les plus récents, la production aquacole de l’Union ne représente que 1,15 % de la production mondiale totale (5). Une étude Eurobaromètre de 2017 (6) a montré que la grande majorité des citoyens de l’Union consomment des produits de la mer au moins une fois par mois, les consommateurs plus âgés étant ceux qui en consomment le plus souvent.

2.4.

La communication de la Commission européenne intitulée «Orientations stratégiques pour une aquaculture plus durable et plus compétitive dans l’Union européenne» (7) constitue une analyse très complète de la situation actuelle dans le secteur de l’aquaculture et présente de nombreuses pistes d’action valables pour rendre le secteur plus durable et plus compétitif. L’Union s’est clairement engagée à poursuivre la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie «De la ferme à la table».

3.   Observations générales

3.1.

Les poissons et autres produits aquatiques ont une grande valeur nutritionnelle et sont fortement recommandés pour se maintenir en bonne santé. Les consommateurs ont accru leur demande et leurs attentes en ce qui concerne des produits durables de haute qualité contribuant à une alimentation saine. L’excellente qualité des aliments aquatiques de l’Union reste un avantage concurrentiel majeur. Toutefois, le secteur n’atteint pas son véritable potentiel de croissance et diminue en termes de pourcentage de la production mondiale par rapport à d’autres parties du monde.

3.2.

Le CESE estime que le secteur européen de l’aquaculture devrait fournir beaucoup plus de produits pour répondre à la demande sur le marché intérieur. Il est inconcevable que 65 % des produits aquatiques consommés en Europe proviennent d’importations. En l’état, l’Union européenne met en péril sa sécurité alimentaire future. Le CESE a déjà relevé par le passé que «le déséquilibre de la balance du commerce extérieur de l’Union européenne en ce qui concerne les produits aquatiques n’est pas acceptable, ni d’un point de vue économique, en raison du déficit commercial qu’il induit, ni d’un point de vue social, compte tenu des possibilités d’emploi qui restent ainsi inexploitées» (8). Le CESE est très déçu que cinq ans plus tard, la situation soit la même et que les résultats escomptés n’aient pas été atteints.

3.3.

L’aquaculture continentale a un potentiel de croissance exceptionnel. La pisciculture en étang est certainement la forme d’aquaculture en eau douce la plus respectueuse de l’environnement, mais sa productivité est faible. L’Union dispose toutefois d’une expérience pratique suffisante pour gérer la pisciculture en étang et la pisciculture intensive de manière pleinement respectueuse de l’environnement et du climat tout en tenant compte des principes de l’économie circulaire. Il est nécessaire d’assurer la pleine intégration des technologies respectueuses du climat dans la taxinomie des investissements verts afin de garantir un financement continu. Enfin, le développement de la transformation des denrées alimentaires, tant verticalement qu’horizontalement, y compris de nouvelles espèces, est utile pour améliorer la valeur ajoutée, l’acceptation par les consommateurs, l’emploi et le recyclage des denrées alimentaires et des déchets.

3.4.

Il convient de répondre à la demande croissante de denrées alimentaires dans les années à venir au moyen de projets durables qui fournissent des aliments de qualité tout en protégeant l’environnement. L’Union européenne est le chef de file s’agissant de la mise en œuvre des ODD et le CESE estime qu’il s’agit là de la voie qu’il convient de suivre. Le secteur de l’aquaculture est extrêmement important pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies, en particulier l’ODD 2 — Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire et améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable, l’ODD 12 — Garantir une consommation et une production durables, et l’ODD 15 — Protéger, restaurer et promouvoir l’utilisation durable des écosystèmes terrestres.

3.5.

Le CESE estime que le secteur dispose d’un vaste potentiel pour intégrer la circularité et les ressources aquatiques renouvelables tout en s’efforçant de réduire la consommation d’énergie et les émissions de carbone. Une communication sur les efforts et les progrès réalisés par le secteur pour améliorer les performances environnementale et climatique est primordiale pour garantir l’acceptation sociale de la croissance ultérieure du secteur et de la demande des consommateurs.

3.6.

Les attentes des citoyens ont évolué vers un régime alimentaire plus nutritionnel, les produits de la pêche et de l’aquaculture faisant partie des plus demandés (9). Par ailleurs, l’empreinte environnementale et les coûts élevés associés à la production alimentaire sont considérables. Il est très clair que le maintien du statu quo ne peut être perçu comme durable et qu’il s’impose d’élaborer de nouveaux modèles économiques.

3.7.

Selon ce même rapport, «il n’y a qu’un moyen d’obtenir beaucoup plus de nourriture et de biomasse de l’océan: récolter des produits de la mer qui, en moyenne, ont un niveau trophique moins élevé qu’aujourd’hui. L’aquaculture en eau marine est la solution qui semble permettre de s’approcher au plus de cet objectif». Cela impliquerait en fait un nouveau modèle économique axé sur la capture d’espèces qui ne sont pas du tout exploitées aujourd’hui, ou uniquement dans une mesure limitée.

3.8.

Les mollusques et les algues ont un rôle important à jouer, car ils se trouvent au bas de la chaîne alimentaire et extraient directement leurs nutriments de l’eau. Alors que les algues sont cultivées et consommées à grande échelle dans de nombreux pays asiatiques, dans l’Union, elles peuvent être considérées comme un nouveau produit et leur culture reste limitée. Bien qu’elles ne soient pas riches en calories, les algues sont riches en fibres qui offrent divers avantages pour la santé. Le CESE se félicite de l’intention de la Commission européenne de préparer une initiative spécifique pour soutenir la consommation d’algues.

3.9.

Le CESE estime qu’il est possible d’améliorer grandement la compétitivité du secteur tout en créant des emplois de qualité dans les zones côtières et rurales de l’Union, où le développement d’autres activités économiques est assez difficile. Il est d’avis que l’élaboration de nouvelles normes sociales, la garantie de conditions de travail décentes et l’élimination des pratiques inacceptables sont extrêmement importantes pour la capacité à créer des emplois, mais aussi pour les chaînes d’approvisionnement. Pour ce qui est d’assurer la sécurité alimentaire, il faut établir un équilibre entre les trois aspects du développement durable: environnemental, social et économique.

4.   Observations particulières

4.1.

Étant donné que l’aquaculture est gérée dans le cadre d’une compétence partagée entre la Commission européenne et les États membres, un effort coordonné est nécessaire pour améliorer la durabilité et la rentabilité du secteur. Il s’agit notamment de simplifier les procédures administratives et de mettre en œuvre une pleine coopération entre la Commission et les administrations publiques nationales et régionales. La réduction de la charge administrative inutile existant de longue date dans le secteur doit également être complétée par des normes environnementales élevées, afin de préserver les écosystèmes et la biodiversité et d’améliorer la qualité de l’eau.

4.2.

Le CESE a déjà fait remarquer que «la lenteur des démarches administratives pour la pratique de l’aquaculture et l’indisponibilité de sites sont principalement imputables à la complexité de la mise en œuvre des normes environnementales de l’Union européenne, essentiellement la directive-cadre sur l’eau, la directive-cadre “Stratégie pour le milieu marin” et les directives relatives au réseau Natura 2000, par les administrations publiques des États membres et de leurs régions. Cette situation entraîne l’imposition aux entreprises d’aquaculture d’exigences qui les pénalisent très lourdement sur le plan économique et qui, paradoxalement, n’assurent pas une protection accrue de l’environnement» (10).

4.3.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de mettre en place des guichets uniques pour les licences aquacoles dans tous les États membres. Cela permettrait de raccourcir considérablement les procédures d’agrément actuelles, qui sont incroyablement longues.

4.4.

Il est extrêmement important de fournir un financement adéquat, tant privé que public, pour les initiatives d’aquaculture durable. Le CESE estime que la Commission devrait promouvoir tous les fonds pertinents de l’Union disponibles par l’intermédiaire des partenaires sociaux et des réseaux d’organisations de la société civile, dans l’objectif final d’atteindre tous les producteurs, en particulier les PME. Il s’impose d’accorder aux start-up un soutien sans faille afin qu’elles puissent se développer et créer des emplois de qualité, et de doter les nouveaux partenariats public-privé d’instruments de financement qui couvrent les engagements à long terme. Le CESE estime également que les relations entre les producteurs, les détaillants et les autres parties prenantes dans toutes les phases de transformation, de manutention et de distribution doivent être éthiques afin de garantir l’accès au marché pour les petits producteurs et d’éliminer les pratiques déloyales.

4.5.

Des investissements rapides et à grande échelle dans la R&D sont nécessaires pour un secteur qui souhaite se développer et qui est capable de fournir une alimentation à la fois saine et durable. L’Union européenne doit mettre en place une stratégie de croissance de l’aquaculture qui renforcerait le potentiel du secteur. La sensibilisation des producteurs aux possibilités de financement de l’Union est extrêmement importante dans un secteur dominé par les PME.

4.6.

Le CESE estime que le marché intérieur a la capacité d’absorber au moins trois fois la capacité de production actuelle. Garantir une alimentation sûre, saine et durable dans l’Union devrait être l’une des principales priorités. En outre, la nouvelle approche en matière d’aquaculture durable devrait tenir compte de l’incidence du Brexit, étant donné que le secteur aquacole européen a été considérablement affecté par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

4.7.

Le CESE demande à la Commission européenne de veiller à ce que les produits importés respectent les mêmes exigences et normes que celles imposées aux producteurs locaux. Le CESE a déjà estimé que «les pouvoirs publics [doivent] exiger, pour les importations, le même niveau de sécurité sanitaire que celui imposé à la production européenne, avec une traçabilité complète “de la ferme à l’assiette”» (11). La traçabilité doit être traitée en amont, jusqu’aux couvoirs, pour tous les produits entrant sur le marché unique. Il est essentiel de garantir des conditions de concurrence équitables pour les producteurs européens ainsi que des produits de qualité et sûrs pour les consommateurs.

4.8.

Les exigences en matière d’étiquetage jouent un rôle très important dans l’information des consommateurs européens sur la qualité des produits de l’aquaculture durable. La législation de l’Union fournit le cadre juridique nécessaire pour garantir des conditions de concurrence équitables, mais elle n’est pas toujours ou pleinement respectée. Les activités de contrôle de la qualité et d’étiquetage doivent être intensifiées afin de protéger à la fois les consommateurs et les entreprises légitimes, et de fournir des informations fiables, en particulier sur les produits provenant de pays où n’existe pas de cadre législatif, ou au sein desquels il est réduit à la portion congrue.

4.9.

Le CESE estime que l’objectif ultime de la Commission et des États membres devrait être de garantir des conditions de concurrence en tous points égales sur le marché intérieur. Cet objectif ne peut être atteint qu’en garantissant le plein respect des normes de l’Union pour tous les produits vendus sur le marché intérieur, qu’ils soient fabriqués localement ou importés. Le CESE plaide en faveur d’une traçabilité complète des produits qui respectent les normes environnementales et de qualité. Le Comité estime que la traçabilité des produits de l’aquaculture et la transparence au niveau de la chaîne d’approvisionnement sont très importantes, en particulier pour les espèces menacées.

4.10.

Les PME sont touchées de manière disproportionnée par les lourdeurs administratives et les coûts administratifs élevés liés à la création et à la gestion des entreprises aquacoles. Le secteur étant dominé par les PME et les petites entreprises familiales, le CESE demande la création de centres d’information à guichet unique dans tous les États membres. Ces centres devraient être entièrement numérisés et fournir des informations en temps réel et à jour aux producteurs, aux investisseurs et aux consommateurs. En outre, le CESE estime qu’il convient de créer davantage d’organisations de producteurs, étant donné qu’elles sont extrêmement importantes pour la compétitivité du secteur, en particulier des PME. Le CESE considère qu’il est également nécessaire de mettre en place une plateforme spécifique qui soutienne la poursuite et la reprise des activités.

4.11.

Le CESE plaide en faveur d’un cadre d’incitations spécifique qui soutienne le secteur et l’oriente vers la durabilité. Il recommande la mise en place immédiate d’un système d’incitations fondé sur la durabilité, dans le cadre de l’ODD 14. Les incitations fiscales en faveur d’une production aquacole durable constituent une autre piste à suivre.

4.12.

La disponibilité de l’espace représente un autre défi pour le secteur de l’aquaculture, étant donné qu’il est souvent en concurrence avec d’autres secteurs tels que les chantiers navals, les énergies renouvelables, les activités récréatives, l’extraction, etc. Les États membres devraient mettre en place des projets coordonnés d’aménagement du territoire, y compris la planification au niveau des bassins maritimes, la restauration des installations aquacoles abandonnées et les systèmes d’analyse des mégadonnées.

4.13.

La collecte et l’évaluation des données peuvent jouer un rôle important dans le développement du secteur et le CESE demande que des mesures soient prises à cet égard le plus rapidement possible. Les résultats dépendront de la mise à disposition des fonds nécessaires et de la participation directe des autorités publiques et des entités privées. En outre, le transfert des bonnes pratiques des groupes d’action locale (GAL) vers les groupes d’action locale de la pêche (GALP) et l’augmentation des fonds destinés à ces derniers amélioreront la capacité des petits producteurs.

4.14.

Les programmes d’éducation et de formation professionnelle peuvent contribuer à répondre aux besoins du secteur aquacole, tout en sensibilisant les jeunes générations aux possibilités d’emploi et de carrières dans l’aquaculture. Le CESE plaide également en faveur de cours de formation tout au long de la vie sur les pratiques aquacoles durables. À cet égard, les appels à propositions peuvent être financés par le Fonds social européen et être spécifiquement conçus pour le secteur aquacole.

4.15.

Des systèmes de gestion des déchets sont nécessaires de toute urgence s’agissant d’un secteur qui possède un fort potentiel de réduction de son empreinte environnementale, assortis d’un contrôle de la qualité et de normes en matière de santé et de sécurité alimentaire. Cela serait particulièrement important pour la viabilité future du secteur.

4.16.

Les mesures qui seront prises pour soutenir le secteur de l’aquaculture au cours des cinq prochaines années seront décisives pour son avenir et joueront un rôle essentiel dans la détermination du degré de dépendance à l’égard des importations. Le CESE estime que la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile aux processus de conception et de mise en œuvre est extrêmement importante et créera une valeur ajoutée pour l’Union, en stimulant la productivité durable et la compétitivité du secteur.

4.17.

Le CESE estime qu’il s’impose de préserver et de protéger les eaux marines et intérieures, tout en promouvant des activités aquacoles durables, susceptibles de garantir les denrées alimentaires dont la population de l’Union a besoin. Il convient de trouver un juste équilibre entre la préservation de la biodiversité de la Terre et le respect des exigences alimentaires nécessaires, en tenant compte des incidences sociales, d’une vie saine et de la protection de l’environnement. L’eau, les nutriments, la localisation de l’exploitation et l’énergie comptent parmi les aspects les plus importants qui déterminent la durabilité écologique des exploitations aquacoles.

4.18.

Enfin, le CESE apprécie tous les efforts et les initiatives déployés par la Commission européenne pour aider le secteur à se développer et à devenir plus durable. La proposition de créer un mécanisme européen d’aide à l’aquaculture doté d’une plateforme en ligne spécifique est extrêmement importante pour les producteurs. L’échange des bonnes pratiques entre les États membres doit également être renforcé.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://www.eumofa.eu/documents/20178/415635/FR_Le+march%C3%A9+europ%C3%A9en+du+poisson_2020.pdf/c6bda09e-0e1f-2bfc-c116-d92a81b3cf9e?t=1604671152590

(2)  http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/esag/docs/AT2050_revision_summary.pdf (en anglais uniquement).

(3)  Groupe d’experts sur le secteur aquacole de l’UE — Rapport économique (en anglais).

(4)  https://stecf.jrc.ec.europa.eu/reports/economic/-/asset_publisher/d7Ie/document/id/2871698

(5)  https://www.eumofa.eu/documents/20178/415635/FR_Le+march%C3%A9+europ%C3%A9en+du+poisson_2020.pdf/c6bda09e-0e1f-2bfc-c116-d92a81b3cf9e?t=1604671152590

(6)  Eurobaromètre spécial 450: habitudes des consommateurs de l’UE en ce qui concerne les produits de l’aquaculture et de la pêche.

(7)  Orientations stratégiques pour une aquaculture plus durable et plus compétitive dans l’Union européenne.

(8)  Avis du CESE sur le thème «Supprimer les obstacles à l’aquaculture durable en Europe» (JO C 34 du 2.2.2017, p. 73).

(9)  Science Advice for Policy by European Academies — Food from the Oceans.

(10)  Avis du CESE sur le thème «Supprimer les obstacles à l’aquaculture durable en Europe» (JO C 34 du 2.2.2017, p. 73).

(11)  Avis du CESE sur les «Orientations stratégiques pour le développement durable de l’aquaculture dans l’Union européenne» (JO C 67 de 6.3.2014, p. 150).


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/108


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à une nouvelle approche pour une économie bleue durable dans l’Union européenne — Transformer l’économie bleue de l’Union européenne pour assurer un avenir durable

[COM(2021) 240 final]

(2021/C 517/17)

Rapporteur:

Simo TIAINEN

Consultation

Commission européenne, 31.5.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

9.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

229/0/11

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’économie bleue joue un rôle considérable et recèle un potentiel qui s’affirme chaque jour davantage pour l’économie européenne et mondiale, la création d’emplois et le bien-être des citoyens. Le CESE estime qu’il est extrêmement important de tirer le meilleur parti de ces possibilités, tout en réduisant au minimum les effets négatifs sur le climat, la biodiversité et l’environnement. Une bonne qualité de l’eau et des écosystèmes aquatiques sains constituent une condition préalable à l’essor d’une l’économie bleue durable.

1.2.

Outre les problèmes environnementaux, les acteurs de l’économie bleue doivent affronter des défis tels qu’une concurrence mondiale déloyale et une évolution technologique rapide. De nombreux secteurs d’activité, en particulier celui du tourisme, ont été durement touchés par la pandémie de COVID-19. Une reprise fructueuse et sans heurts est donc primordiale pour l’économie bleue.

1.3.

L’économie bleue couvre un large éventail de secteurs et d’activités, traditionnels ou nouveaux, dont la diversité toujours plus grande des activités relevant de l’économie bleue pose des problèmes de compatibilité mutuelle et entraîne une concurrence pour l’accès à l’espace maritime et aux ressources marines. Le CESE insiste sur l’importance d’aménager l’espace maritime, aussi bien pour permettre la coexistence d’activités diverses que pour préparer l’adaptation au changement climatique.

1.4.

Le CESE invite l’Union européenne à soutenir activement, dans le domaine des activités maritimes, le développement et l’introduction de technologies et de solutions numériques et écologiques, en vue de dégager des avantages aussi bien économiques, sociaux qu’environnementaux. Il fait aussi valoir l’importance de la recherche océanographique, en parallèle des recherches sur les incidences socio-économiques et environnementales des activités relevant de l’économie bleue.

1.5.

Le CESE demande instamment à l’Union européenne de créer un environnement prévisible, propice à l’innovation et aux investissements, encadré par des procédures administratives rationalisées et des conditions réglementaires et financières sûres. Le Comité se félicite que l’Union mette à disposition des fonds importants à l’appui d’une économie bleue durable, et il souligne qu’il est essentiel de faciliter l’accès aux financements pour les acteurs opérant aux niveaux national et local.

1.6.

Le CESE insiste sur la nécessité de prendre en considération l’économie bleue de l’Union et le potentiel qui est le sien dans un contexte mondial, y compris les relations extérieures et les affaires commerciales. Il invite l’Union à assurer aux entreprises européennes des conditions de concurrence équitables par rapport à leurs concurrents internationaux, et à améliorer la mise en œuvre, à l’échelle mondiale, des conventions et accords internationaux ayant trait à la coopération économique, aux conditions de travail et à l’environnement.

1.7.

Le CESE souligne que les partenaires sociaux jouent un rôle cardinal pour ce qui est d’anticiper les évolutions du travail, d’accompagner le développement des compétences et d’améliorer l’employabilité des travailleurs actifs dans l’économie bleue. En outre, le dialogue social au niveau national, dans chaque secteur et sur le lieu de travail est essentiel pour garantir des conditions de travail adéquates.

1.8.

En raison de sa nature horizontale, il convient de tenir compte de l’économie bleue d’une manière globale et cohérente dans l’élaboration des politiques. Aussi une coopération harmonieuse est-elle nécessaire entre les responsables politiques à tous les niveaux: entre l’Union et les États membres, entre les États membres situés dans diverses régions, tout comme entre les différents domaines d’action que sont par exemple l’industrie, la pêche, le commerce, les transports, l’énergie, l’emploi et l’environnement.

1.9.

Le CESE met en avant la nécessité que les politiques ressortissant à l’économie bleue reposent sur des connaissances scientifiques solides et une base de données stable, et qu’elles reflètent pleinement les besoins et les points de vue des acteurs et des parties prenantes de l’économie bleue. Le Comité demande que les employeurs, les travailleurs et les autres segments de la société civile soient étroitement associés à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques européennes et nationales relevant de l’économie bleue.

1.10.

S’il est pertinent et même nécessaire d’envisager l’économie bleue selon une approche globale et horizontale, il importe également d’examiner les différents secteurs et activités sous l’angle des possibilités et des défis spécifiques qu’ils présentent, de manière à pouvoir contribuer aux politiques de l’économie bleue en partant de la base.

1.11.

Le CESE souligne par ailleurs la nécessité de prévoir une éducation et des mesures propres à sensibiliser le public à l’importance de l’économie bleue quant aux perspectives qu’elle ouvre, outre les emplois et la prospérité, en matière de régimes alimentaires sains, de mobilité et de loisirs, et rappelle qu’il est primordial de protéger le milieu marin, par exemple contre les déchets plastiques.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission européenne relative à une nouvelle approche pour une économie bleue durable dans l’Union européenne, et souscrit aux objectifs qui y sont définis consistant à soutenir la transition vers une économie neutre pour le climat, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive, comme le prévoit le pacte vert pour l’Europe.

2.2.

Le CESE défend avec ferveur une approche intégrée de l’économie bleue quant aux différentes dimensions du développement durable, et souligne que celle-ci contribue à la plupart des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, en particulier ceux liés aux océans, aux mers et aux ressources marines, ainsi qu’à l’action pour le climat, à la réduction de la pauvreté et de la faim, à la promotion de la santé et du bien-être, à une consommation et une production responsables, au travail décent et à la croissance économique (1).

2.3.

L’économie bleue joue un rôle considérable et recèle un potentiel qui s’affirme chaque jour davantage pour renforcer l’économie européenne et mondiale, créer des emplois de qualité et assurer le bien-être des citoyens dans des types d’endroits très divers, sachant qu’elle apporte des bénéfices particuliers à des régions rurales et côtières. Le CESE estime qu’il est extrêmement important de tirer le meilleur parti de ces possibilités.

2.4.

Dans le même temps, le CESE juge essentiel de limiter autant que possible la pollution de l’eau et de l’air, la production de déchets et les effets néfastes sur le climat et la biodiversité. Une telle démarche est capitale non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi pour le caractère essentiel de la bonne qualité de l’environnement et des écosystèmes sains pour garantir que l’économie bleue elle-même bénéficie de conditions adéquates et de ressources suffisantes. Il y a donc lieu de considérer la gestion des aspects environnementaux comme faisant partie intégrante de toute activité économique.

2.5.

L’économie bleue couvre un large éventail d’activités indispensables à la vie quotidienne des citoyens et concerne une grande diversité d’entreprises allant des grandes sociétés internationales aux PME locales. Si la production de denrées alimentaires et d’énergie, l’industrie extractive, les industries maritimes, le transport et le tourisme représentent les principaux secteurs liés au milieu marin, d’autres secteurs émergent également, tels que la production de nouveaux types de produits issus de la bioéconomie bleue. L’économie circulaire et les activités de protection de l’eau sont elles aussi intrinsèquement liées à l’économie bleue.

2.6.

Étant donné que la définition de l’économie bleue se rapporte aux océans, aux mers et aux côtes, elle concerne au premier chef les pays situés en bord de mer. Cependant, les chaînes d’approvisionnement transfrontières et les marchés communs, de même qu’un climat et un environnement communs, font de l’économie bleue une question digne d’intérêt pour l’ensemble de l’Union et des États membres, de la mer Méditerranée à la mer Baltique et à l’océan Arctique, ou encore de la mer Noire à l’océan Atlantique et à la mer du Nord.

2.7.

Le CESE relève par ailleurs que le concept d’économie bleue ne devrait pas se limiter aux seuls océans et mers, puisqu’il existe des activités économiques analogues fondées sur les ressources en eau douce et que, bien entendu, les cours d’eau intérieurs finissent tous par se jeter dans les mers et les océans, d’où l’importance de la coopération régionale pour contrôler la pollution de l’eau.

2.8.   Défis et perspectives

2.8.1.

La diversité toujours plus grande des activités relevant de l’économie bleue entraîne des problèmes de compatibilité mutuelle ainsi qu’une concurrence pour l’accès à l’espace maritime et aux ressources marines. Le CESE insiste dès lors sur le rôle que peut tenir l’aménagement de l’espace maritime, et notamment de la gestion intégrée et de l’évaluation des impacts cumulés; invite les États membres à rechercher des espaces adéquats, qu’ils affecteront à des activités diverses, afin que celles-ci puissent prospérer et coexister en produisant l’incidence négative la plus réduite qui soit sur les autres acteurs et sur le milieu marin.

2.8.2.

Tandis que les océans et les mers jouent un rôle nullement négligeable en tant que puits de carbone, les écosystèmes marins et les zones côtières sont vulnérables au changement climatique et à ses effets, notamment au réchauffement des eaux, à l’élévation du niveau des mers et aux phénomènes météorologiques extrêmes. L’économie bleue doit donc être bien préparée pour une adaptation au changement climatique, et le CESE invite instamment les États membres à considérer cette adaptation comme un élément essentiel de l’aménagement de l’espace maritime, en privilégiant les mesures qui contribuent aussi à la préservation de la biodiversité. En outre, les périodes de sécheresse toujours plus fréquentes et la raréfaction croissante de l’eau douce impliquent de trouver de nouvelles solutions pour garantir la sécurité alimentaire.

2.8.3.

Le CESE souligne que les acteurs de l’économie bleue doivent également affronter de nombreux autres défis, tels qu’une concurrence mondiale déloyale ou une évolution technologique rapide. De surcroît, nombre d’activités ont été durement touchées par la pandémie de COVID-19, et il faut s’employer à en amortir les effets. C’est tout particulièrement le cas du tourisme et des services qui en dépendent. Une reprise fructueuse et sans heurts, s’inscrivant dans le cadre des transitions écologique et numérique, est donc primordiale pour l’économie bleue.

2.8.4.

Dans l’ensemble, l’économie bleue ouvre une multitude de perspectives pour ce qui concerne les transitions numérique et écologique. Des efforts soutenus dans le domaine de la recherche et de l’innovation seront indispensables pour saisir ces opportunités. Une démarche en ce sens est primordiale, tant pour le développement des activités traditionnelles que pour la création de nouveaux débouchés, ce qui contribuerait aussi à attirer les jeunes et à diversifier le spectre d’activités de l’économie bleue.

2.8.5.

Le CESE invite l’Union européenne à soutenir activement, dans le domaine des activités maritimes, la conception et l’introduction de solutions numériques, y compris leur utilisation pour la cartographie marine ainsi que le suivi, l’étude, la modélisation et les prévisions en ce qui concerne l’état de l’environnement marin et de ses ressources. L’innovation est également nécessaire pour améliorer l’efficacité énergétique et matérielle, et contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre, la pollution de l’air et de l’eau, ou encore la quantité de déchets. Une attention particulière devrait être accordée au soutien à apporter aux petites entreprises dans la transition verte et numérique. Il appelle par ailleurs avec force à partager les bonnes pratiques et à amplifier les innovations sociales créées par les acteurs et les parties prenantes de l’économie bleue, notamment en vue de renforcer l’interconnectivité, la résilience, la transparence et l’équité des chaînes de valeur.

2.8.6.

Le développement d’une économie bleue durable passe par une bonne compréhension des phénomènes physiques, chimiques et biologiques liés à la mer ainsi que de leur évolution. Le CESE fait valoir l’importance de la recherche océanographique, en parallèle des recherches sur les incidences socio-économiques et environnementales des activités relevant de l’économie bleue, en suivant l’approche de la science ouverte, et en faisant appel à des projets de «science citoyenne».

2.8.7.

L’exploitation du potentiel de l’économie bleue en matière de création d’emplois doit s’accompagner d’une augmentation des emplois de qualité élevée qui favorisent le bien-être des citoyens. Le développement d’une formation poussée et de compétences transférables, la reconnaissance mutuelle des qualifications, la mobilité transsectorielle et l’adaptabilité aux transformations du marché du travail est également nécessaire. Le CESE invite les États membres et les prestataires d’enseignement, en coopération avec les représentants des opérateurs de l’économie bleue et des partenaires sociaux, à prendre en compte ces besoins dans l’élaboration des programmes d’éducation et de formation, y compris s’agissant de perfectionnement et de reconversion professionnels, et pour ce faire, de recourir au Fonds social européen Plus, entre autres ressources.

2.8.8.

Le CESE souligne aussi que les partenaires sociaux jouent un rôle crucial pour ce qui est d’anticiper les évolutions du travail, d’accompagner le développement des compétences et d’améliorer l’employabilité des travailleurs actifs dans l’économie bleue. Par ailleurs, le dialogue social au niveau national, dans chaque secteur et sur le lieu de travail, et notamment la négociation collective, sont essentiels non seulement pour garantir des normes minimales, mais également pour améliorer les conditions de travail dans tous les secteurs de l’économie bleue.

2.9.   Investissement, financement et cadre international

2.9.1.

En vue de réaliser le potentiel de l’économie bleue durable, le CESE demande instamment à l’Union européenne de créer un environnement opérationnel et prévisible, propice à l’innovation et aux investissements, comprenant des procédures administratives rationalisées ainsi que des conditions réglementaires et financières sûres. En définissant une vision à long terme et un cadre global, la communication de la Commission constitue un outil précieux à même de garantir la prévisibilité.

2.9.2.

Le CESE se félicite que l’Union mette à disposition des fonds importants à l’appui d’une économie bleue durable, qu’il s’agisse de financements spécifiquement liés au milieu marin, ou d’instruments généraux tels que le programme Horizon Europe, les Fonds structurels et d’investissement et la facilité pour la reprise et la résilience. Le CESE souligne qu’il est essentiel de faciliter l’accès aux financements pour les acteurs opérant aux niveaux national et local.

2.9.3.

Pour donner plus d’ampleur à l’économie bleue, il importe également de mobiliser des financements privés — d’où la nécessité que les projets attirent les investisseurs et les bailleurs de fonds privés, et qu’ils soient guidés par les principes et les normes de la finance durable. Le CESE plaide de surcroît en faveur du renforcement, sur le terrain, des projets de partenariat entre le secteur public, les entreprises et les citoyens.

2.9.4.

Le CESE insiste sur la nécessité de considérer l’économie bleue de l’Union et le potentiel qu’elle recèle dans un contexte mondial, sachant que la plupart des activités qui s’y rapportent se trouvent reliées à l’international par l’intermédiaire des chaînes d’approvisionnement et de commercialisation ou des zones marines partagées. Une coopération internationale et des règles communes sont dès lors indispensables pour garantir des conditions de concurrence équitables ou pour éviter les conflits liés aux ressources marines. Le CESE encourage l’Union à améliorer la mise en œuvre, à l’échelle mondiale, des conventions et accords internationaux conclus dans des domaines tels que le commerce, les transports, les conditions de travail, le climat et l’environnement, en sus de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

2.9.5.

Le CESE invite instamment l’Union européenne à veiller à ce que l’économie bleue bénéficie, sur son territoire, de conditions compétitives par rapport à celles d’autres acteurs internationaux comme la Chine. Les entreprises européennes en ont besoin pour pouvoir exporter sur les marchés internationaux des produits, des technologies et des solutions issus de l’économie bleue durable, et réussir à concurrencer les importations en provenance de pays tiers.

2.9.6.

Le CESE attire également l’attention sur les possibilités qui découlent de la coopération avec les pays en développement, et il encourage l’Union à accorder une plus grande place à l’économie bleue dans le cadre du partenariat avec l’Afrique.

2.10.   Élaboration cohérente et inclusive des politiques

2.10.1.

En raison de la nature horizontale de l’économie bleue, il convient d’en tenir compte d’une manière globale et cohérente dans l’élaboration des politiques. Aussi une coopération harmonieuse est-elle nécessaire entre les responsables politiques à tous les niveaux, tant horizontalement que verticalement: entre l’Union et les décideurs nationaux, entre les différents États membres, et entre divers domaines d’action comme l’industrie, la pêche, le commerce, les transports, l’énergie, l’emploi et l’environnement.

2.10.2.

La coopération régionale entre les États membres, de même qu’avec les pays tiers, revêt une importance toute particulière (2) puisque les zones marines et de nombreux cours d’eau intérieurs sont de nature transfrontière. La coopération est également essentielle pour garantir la sécurité des activités liées au milieu marin et protéger les droits humains et l’environnement face à une multitude de menaces intérieures et extérieures, qui vont des risques géopolitiques à la piraterie, en passant par les atteintes à l’environnement et la cybercriminalité.

2.10.3.

Le CESE fait valoir la nécessité que les politiques et les mesures relevant de l’économie bleue reposent sur des données factuelles tirées de connaissances scientifiques solides et sur une base de données stable. Par ailleurs, étant donné le rôle primordial que jouent les acteurs de la société civile pour mettre en place une économie bleue durable dans la pratique, le Comité demande que les organisations d’employeurs et de travailleurs, tout comme les organisations de défense de l’environnement et les autres structures concernées, soient étroitement associées à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques européennes et nationales.

2.10.4.

Le CESE invite la Commission à poursuivre les travaux en vue de l’élaboration d’une feuille de route plus spécifique sur les actions à mener, sur la base des retours d’information et des contributions transmis par différents acteurs et parties prenantes de l’économie bleue, ainsi que du dialogue qui doit se tenir dans le cadre du forum bleu pour les utilisateurs de la mer.

2.10.5.

Le CESE souligne aussi la nécessité de prévoir une éducation et des mesures propres à sensibiliser le public à l’importance de l’économie bleue quant aux perspectives qu’elle ouvre, outre les emplois et la prospérité, en matière de régimes alimentaires sains ainsi que de mobilité et de loisirs, et rappelle qu’il est primordial de protéger le milieu marin, par exemple contre les déchets plastiques.

3.   Observations particulières

3.1.

S’il apparaît bel et bien pertinent et même nécessaire d’envisager l’économie bleue selon une approche globale et horizontale, il importe également d’examiner les différents secteurs et activités sous l’angle des possibilités et des défis spécifiques qu’ils présentent. Ainsi, il est possible d’apporter une contribution émanant de la base et de la combiner avec l’approche descendante de la communication en objet.

3.2.   Transports et infrastructures portuaires

3.2.1.

Le transport maritime est essentiel pour la logistique du transport de marchandises et le transport de passagers, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union européenne. Le CESE invite l’Union à conforter les conditions qui permettront d’accroître la compétitivité internationale, la numérisation et l’écologisation du transport maritime, et à œuvrer à l’élimination des pratiques qui conduisent à une concurrence déloyale, telles que les pratiques abusives dans le cadre de la navigation sous pavillon étranger. Au-delà des évolutions technologiques prises isolément, les solutions numériques déployées au niveau du système contribuent à améliorer les performances économiques et environnementales des transports, par exemple en permettant une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. Il conviendrait aussi d’exploiter sans réserve les avantages du transport maritime à courte distance pour réduire les incidences du transport sur l’environnement. Le CESE attire en outre l’attention sur les possibilités qu’offrent les nouvelles voies de transport mondiales telles que le passage du Nord-Est dans la région arctique.

3.2.2.

Le CESE souligne le rôle déterminant que jouent les ports en tant que pôles de l’économie bleue, notamment dans les transitions écologique et numérique. Si le rôle traditionnel des ports en tant que vecteurs du transport maritime et points de débarquement des captures de la pêche subsiste, il s’étend désormais à de nouvelles activités comme la promotion des énergies renouvelables ou l’économie circulaire. Cette évolution nécessite des investissements dans les infrastructures ainsi qu’un nouveau type de gestion globale. Ces nouveaux rôles sont également susceptibles d’accroître l’importance des ports de moindre taille dans les régions concernées.

3.3.   Pêche, aquaculture et nouveaux bioproduits

3.3.1.

Le CESE souligne le rôle essentiel de la pêche, de l’aquaculture et des industries connexes pour fournir aux européens une alimentation saine et à faible intensité de carbone. La quantité considérable de poissons et de fruits de mer importés dans l’Union constitue une raison manifeste de réduire la dépendance de l’Union vis-à-vis des importations de denrées alimentaires et de créer pour la pêche, l’aquaculture et les industries connexes des conditions de concurrence permettant à ces activités de garantir la sécurité et la souveraineté alimentaires. Compte tenu du vieillissement de la flotte de pêche de l’Union européenne, il convient de lui allouer des fonds au titre du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture afin de la moderniser et d’améliorer tant ses performances sur le plan environnemental que les conditions de travail et l’attractivité des métiers du secteur. Le Comité reconnaît les efforts déployés par les pêcheries pour maintenir les stocks halieutiques à des niveaux durables et protéger les écosystèmes marins, et il les encourage à poursuivre en ce sens. Il préconise également le partage de pratiques concrètes telles que la participation des chalutiers à la collecte des déchets plastiques.

3.3.2.

En ce qui concerne l’aquaculture, le CESE renvoie à un autre avis, qui met l’accent sur les nouvelles orientations stratégiques pour l’aquaculture dans l’Union européenne (3). Le CESE approuve par ailleurs le développement de nouveaux bioproduits comme les produits pharmaceutiques, les denrées et additifs alimentaires, les aliments pour animaux, les cosmétiques et les nouveaux matériaux à base d’algues et d’autres organismes marins. Ces bioproduits complètent le spectre de la bioéconomie bleue, que le CESE a traitée dans un avis (4) antérieur couvrant également la question des eaux douces.

3.4.   Tourisme et services y afférents

3.4.1.

Le tourisme maritime et côtier, qui comprend plusieurs activités connexes telles que les services de transport, d’hôtellerie et de restauration, est vital pour de nombreuses régions de l’Union européenne. Pour ce qui est des mesures visant à traiter les problèmes causés par la pandémie, le CESE renvoie à l’avis qu’il a consacré au tourisme et aux transports (5). Au sortir de la pandémie, le tourisme devrait recouvrer son rôle de premier plan en contribuant aux économies et aux emplois de qualité locaux, lesquels reposent souvent sur les PME, d’une manière qui garantisse sa durabilité globale. Le CESE fait observer que le tourisme durable est un moyen essentiel pour permettre aux citoyens non seulement d’accéder à des loisirs, mais aussi de connaître et de découvrir la diversité des cultures et des environnements qu’offre l’Union européenne.

3.5.   Construction navale et technologie maritime

3.5.1.

Si la construction navale est une industrie maritime traditionnelle au service du transport de marchandises et de passagers, toute une série d’approches et éléments nouveaux y sont néanmoins introduits actuellement dans l’optique des transitions numérique et écologique. L’automatisation poussée des navires, par exemple, contribue à améliorer l’efficacité énergétique et la sécurité des transports, tandis que le développement et l’adoption de techniques de propulsion propres et de carburants renouvelables sont essentiels pour limiter autant que possible les émissions atmosphériques. Les technologies et pratiques liées à la réparation, à l’entretien et à la démolition navale qui favorisent l’économie circulaire sont aussi une composante majeure de cette évolution. Le CESE invite dès lors l’Union à créer des conditions favorables au développement des technologies marines et aux investissement dans ce secteur, y compris en ce qui concerne les équipements, les logiciels et la main d’œuvre.

3.6.   Énergie

3.6.1.

Tandis qu’elles mettaient traditionnellement l’accent sur l’exploitation des combustibles fossiles, les activités énergétiques liées au milieu marin s’orientent désormais vers les énergies renouvelables, au premier rang desquelles l’énergie éolienne et l’énergie océanique. L’introduction des énergies renouvelables est déterminante pour progresser vers la neutralité climatique, et celles qui parmi elles sont issues du milieu marin peuvent contribuer de manière tout à fait conséquente au futur bouquet énergétique et à la réduction des émissions de carbone. En même temps, il convient de trouver des solutions pour régler les conflits d’intérêt résultant des différentes utilisations des zones marines. Le Comité a exprimé son point de vue sur les énergies renouvelables en mer dans l’avis qu’il a récemment élaboré sur la stratégie pour les énergies renouvelables en mer (6).

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/oceans/

(2)  Avis du CESE sur «L’initiative pour le développement durable de l’économie bleue en Méditerranée occidentale» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 82).

(3)  Avis NAT/816 du CESE sur les «Orientations stratégiques pour le développement durable de l’aquaculture dans l’Union européenne» (voir page 103 du présent Journal officiel).

(4)  Avis du CESE sur «La bioéconomie bleue» (JO C 47 du 11.2.2020, p. 58).

(5)  Avis du CESE sur le thème «Tourisme et transport en 2020 et au-delà» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 219).

(6)  Avis du CESE sur «Une stratégie de l’UE pour exploiter le potentiel des énergies renouvelables en mer» (JO C 286 du 16.7.2021, p. 152).


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/114


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions concernant un plan d’action pour le développement de la production biologique

[COM(2021) 141 final]

(2021/C 517/18)

Rapporteur:

Andreas THURNER

Consultation

Commission européenne, 21.4.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

9.9.2021

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

5/63

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

185/3/4

1.   Conclusions et recommandations

Le Comité économique et social européen (CESE):

1.1.

reconnaît le rôle qu’assume l’agriculture biologique pour réaliser les objectifs du pacte vert pour l’Europe, et accueille favorablement la communication de la Commission européenne concernant un plan d’action en faveur du développement de la production biologique qui fait l’objet du présent avis, et constitue, à son estime, une base solide pour que le secteur biologique continue à se développer durablement;

1.2.

considère que l’objectif fixé dans le pacte vert pour l’Europe, à savoir consacrer 25 % des terres agricoles de l’Union européenne à l’agriculture biologique d’ici à 2030, est «très ambitieux»;

1.3.

se félicite de l’approche de la Commission, axée sur le marché, qui consiste à renforcer encore la demande et la confiance des consommateurs dans les produits biologiques. Un équilibre entre cette demande et l’offre est essentiel pour que le secteur puisse poursuivre son développement;

1.4.

recommande, en raison de la diversité des situations de départ entre les États membres, et dans l’optique de renforcer l’échange d’expériences entre les États membres, de mettre en place une sorte de «mécanisme de jumelage». Il y aurait également lieu d’appuyer les échanges entre agriculteurs. Le CESE sera très heureux de participer à d’éventuelles activités de sensibilisation à la production biologique, par exemple dans le cadre d’une journée européenne annuelle de l’agriculture biologique;

1.5.

invite les États membres à élaborer, avec la participation des parties prenantes concernées, des plans d’action nationaux ou régionaux en matière de bioénergie, et à exploiter les possibilités offertes par la politique agricole commune pour soutenir l’agriculture biologique. Il faudra notamment montrer une grande vigilance lors de la phase délicate de la conversion à l’agriculture biologique;

1.6.

signale l’importance des dispositions proposées pour améliorer la transparence du marché et des jeux de données dans le secteur biologique; suggère, dans ce contexte, que la conférence annuelle sur les perspectives agricoles de la direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission (DG AGRI) rende elle aussi compte comme il se doit de l’évolution du secteur biologique;

1.7.

rappelle que les consommateurs attachent de plus en plus d’importance aux produits alimentaires régionaux; estime que des chaînes de production et de commercialisation biologiques qui, tout à la fois, soient plus courtes et locales, et tiennent compte de la saisonnalité, apparaissent particulièrement prometteuses pour créer davantage de valeur tout au long de la chaîne alimentaire. En outre, le CESE voit dans ce secteur un potentiel de création d’emplois supplémentaires dans les zones rurales;

1.8.

fait observer que les produits biologiques sont en général plus chers que ceux de type conventionnel, et que cet écart de prix constitue un obstacle pour certains groupes sociaux à faibles revenus; préconise dès lors de mettre en place des mesures d’accompagnement appropriées pour que les produits biologiques soient également accessibles aux groupes vulnérables;

1.9.

juge en particulier que les pouvoirs publics, à l’échelle des villes et des communes, des régions ou du pays tout entier, doivent cibler plus étroitement les produits alimentaires biologiques régionaux pour tout ce qui concerne les marchés publics, par exemple, les cantines, étant entendu qu’il y a aussi lieu d’être attentif à la dimension de saisonnalité de la démarche;

1.10.

insiste sur la nécessité d’allouer des ressources financières suffisantes à la recherche et à l’innovation pour soutenir le secteur biologique.

2.   Contexte

2.1.

En adoptant la stratégie «De la ferme à la table» et la stratégie en matière de biodiversité, la Commission, agissant dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, s’est fixé un objectif ambitieux en matière de production biologique: consacrer au moins 25 % des terres agricoles de l’Union européenne à l’agriculture biologique d’ici à 2030. Le 25 mars 2021, elle a publié à cet effet un plan d’action en faveur du développement de la production biologique (1), destiné à aider les États membres à atteindre cet objectif.

2.2.

Selon les indications de la Commission, le nouveau plan d’action en faveur de la production biologique s’appuie sur les progrès réalisés grâce au plan d’action pour la période 2014-2020, et tient compte des résultats d’une consultation publique sur l’agriculture biologique qui s’est tenue de septembre à novembre 2020 (2). Ce plan d’action s’articule autour des trois axes prioritaires interdépendants suivants:

Axe 1: stimuler la demande et garantir la confiance des consommateurs

Axe 2: encourager la conversion et renforcer l’ensemble de la chaîne de valeur

Axe 3: améliorer la contribution de l’agriculture biologique à la durabilité environnementale

2.3.

Ces trois axes prioritaires se déclinent en 23 actions. Plusieurs sources de financement seront mobilisées aux fins de leur déploiement. Le soutien financier en faveur de l’agriculture biologique continuera d’être fourni dans le cadre d’engagements en matière de développement rural, au titre du second pilier de la politique agricole commune, tandis qu’un flux de financement supplémentaire pourra être mis à disposition au moyen de programmes écologiques, ressortissant au premier pilier. En outre, un budget ambitieux dans le cadre de la politique de promotion de l’UE sera destiné à stimuler la consommation de produits biologiques.

2.4.

Les services de conseil agricole seront renforcés afin de favoriser l’échange de connaissances sur l’agriculture biologique. Pour soutenir les ambitions du plan d’action, la Commission entend qu’au moins 30 % du budget destiné aux actions de recherche et d’innovation dans les domaines de l’agriculture, de la sylviculture et des zones rurales soit alloué à des thèmes qui concernent spécifiquement le secteur biologique ou sont pertinents pour lui, tels que l’augmentation des rendements des cultures, la diversité génétique et les substituts aux produits controversés.

2.5.

Plus précisément, les actions proposées dans le cadre des trois axes viseront les objectifs ci-après.

Axe 1: stimuler la demande et garantir la confiance des consommateurs

a)

Promouvoir l’agriculture biologique et le logo de l’UE

b)

Promouvoir les cantines biologiques et accroître le recours aux marchés publics écologiques

c)

Renforcer les produits biologiques dans les programmes à destination des écoles

d)

Prévenir la fraude alimentaire et renforcer la confiance des consommateurs

e)

Améliorer la traçabilité

f)

Faciliter la contribution du secteur privé

Axe 2: encourager la conversion et renforcer l’ensemble de la chaîne de valeur

a)

Encourager la conversion, les investissements et les échanges de bonnes pratiques

b)

Développer l’analyse sectorielle afin d’accroître la transparence du marché

c)

Soutenir l’organisation de la chaîne alimentaire

d)

Renforcer la transformation au niveau local et à petite échelle, et promouvoir le circuit commercial court

e)

Améliorer l’alimentation animale conformément aux règles de l’agriculture biologique

f)

Renforcer l’aquaculture biologique

Axe 3: améliorer la contribution de l’agriculture biologique à la durabilité environnementale

a)

Réduire l’empreinte écologique et atténuer la contribution au changement climatique

b)

Renforcer la diversité génétique et augmenter les rendements

c)

Développer des solutions pour remplacer les intrants controversés et autres produits phytopharmaceutiques

d)

Améliorer le bien-être des animaux

e)

Utiliser les ressources de manière plus efficace

2.6.

Pour la mise en œuvre de ce plan d’action, la Commission recommande aux États membres d’élaborer des plans d’action nationaux appropriés en matière de bioénergie, assortis d’objectifs clairs et tenant compte des spécificités régionales, et de les prendre en considération dans leurs plans stratégiques nationaux relevant de la politique agricole commune.

2.7.

Le présent avis doit être lu dans le contexte de ceux que le CESE a consacrés précédemment à la production et à la consommation durables de denrées alimentaires, notamment ceux qui ont pour thème la «Compatibilité de la politique commerciale de l’UE avec le pacte vert pour l’Europe» (3), «Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» (4), «Promouvoir des chaînes alimentaires courtes et alternatives dans l’Union européenne: le rôle de l’agroécologie» (5) et, enfin, les «Régimes alimentaires sains et durables» (6).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE estime que l’objectif fixé dans le pacte vert pour l’Europe, à savoir consacrer 25 % des terres agricoles de l’Union européenne à l’agriculture biologique d’ici à 2030, est «très ambitieux». Dans l’Union, en moyenne, quelque 8,5 % des surfaces agricoles sont actuellement cultivées de manière biologique. Le but visé, consiste donc, grosso modo, à tripler, d’ici à 2030, la superficie agricole exploitée de cette manière. À titre de comparaison: entre 2009 et 2019, les aires consacrées à l’agriculture biologique sont passées d’environ 8,3 à quelque 13,8 millions d’hectares, soit une augmentation de 70 %, qui s’inscrit dans une tendance à la hausse. L’objectif de 25 % suppose de les porter aux alentours de 40 millions d’hectares, soit un niveau qui excède nettement celui que permettrait d’atteindre l’évolution en cours.

3.2.

Le CESE se félicite de l’approche de la Commission, axée sur le marché, consistant à renforcer encore la demande et la confiance des consommateurs dans les produits biologiques. Un équilibre entre cette demande et l’offre est essentiel pour que le secteur puisse poursuivre son développement;

3.3.

L’expansion de la production biologique doit également être axée sur la demande. Il convient de veiller à ce que l’augmentation de l’offre soit également anticipée par une évolution correspondante du côté de la demande. Si la production de denrées alimentaires biologiques se développe plus fortement que cette demande, il en résultera inévitablement une concurrence dommageable sur le marché et, par conséquent, une baisse des prix accordés aux producteurs.

3.4.

Le modèle d’exploitation biologique implique généralement un coût de production par unité de produit plus élevé que dans la filière conventionnelle, en raison de charges plus lourdes et de rendements moins élevés. Si l’on veut assurer le développement durable du secteur biologique, ces surcoûts doivent également être compensés par un surcroît adéquat de recettes provenant du marché. Toutefois, à mesure que la professionnalisation progresse d’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire biologique, son rapport coûts-bénéfices est appelé à évoluer positivement.

3.5.

La situation de départ varie considérablement d’un État membre à l’autre. Dans certains d’entre eux, l’agriculture biologique et sa commercialisation sont déjà bien implantées. Dans d’autres, en revanche, le pourcentage de terres exploitées selon le mode de production biologique est faible, se situant largement en dessous des 10 %. Ces différences entre régions en ce qui concerne les situations initiales devront être dûment prises en compte lors de la planification des mesures. Le CESE recommande de mettre en place une sorte de «mécanisme de jumelage», dans l’optique de renforcer l’échange d’expériences entre les États membres. Ceux qui disposent d’un secteur biologique bien établi ont souvent adopté une approche d’«incitation-attraction», mettant en place des mesures visant à stimuler à la fois la production et la demande de produits biologiques. Le commerce de détail de produits alimentaires joue également un rôle essentiel dans le développement du secteur biologique.

3.6.

Dans la mise en œuvre des dispositions du règlement de l’Union relatif à l’agriculture biologique, la diversité des structures et l’ampleur des disparités régionales en Europe soulèvent souvent des problèmes et des questionnements complexes. Dans l’optique d’un développement harmonieux du secteur, il y a lieu de rechercher, pour mettre en œuvre ce règlement, un équilibre qui, tout à la fois, réponde à l’exigence d’une application uniforme des règles dans l’ensemble de l’Union et aux attentes des consommateurs, et, dans la mesure où il le permet, offre la souplesse nécessaire pour tenir dûment compte des différences et situations locales.

3.7.

Le plan d’action de la Commission européenne à l’examen pour le développement de la production biologique, qui s’articule autour de trois domaines prioritaires, à savoir la promotion de la consommation, le développement de la production et le renforcement de la durabilité, constitue une base solide pour le développement durable de ce secteur. Sa mise en œuvre dans les États membres devrait s’accompagner d’un processus continu de suivi et d’évaluation.

3.8.

Avec la participation des parties prenantes concernées, les États membres devraient élaborer des plans d’action nationaux ou régionaux en matière de production biologique, et tirer parti, pour soutenir l’agriculture biologique, des possibilités offertes par la politique agricole commune, notamment lors de l’élaboration des plans stratégiques nationaux relatifs à cette politique.

4.   Observations particulières

4.1.

Le succès de l’agriculture biologique passe par un niveau élevé de confiance des consommateurs. Ils doivent pouvoir compter sur le respect des normes de production en vigueur tout au long de la chaîne alimentaire, depuis la production jusqu’à la consommation, en passant par la transformation. Les mesures prévues pour prévenir la fraude et améliorer la traçabilité sont dès lors particulièrement importantes. À cette fin, il convient notamment de tirer parti des possibilités offertes par la numérisation.

4.2.

Les dispositions envisagées pour améliorer la transparence du marché et des jeux de données dans le secteur biologique aideront les opérateurs économiques à faire les bons choix. Jusqu’à présent, les statistiques européennes n’ont généralement pas fait de distinction entre les segments de produits conventionnels et biologiques. La prise en compte de la production biologique dans les analyses des observatoires du marché de la direction générale de l’agriculture et du développement rural (AGRI) constitue un pas dans la bonne direction. À cet égard, il est suggéré que la conférence annuelle sur les perspectives agricoles de cette direction générale rende compte elle aussi comme il se doit de l’évolution du secteur biologique.

4.3.

Le renforcement qu’il est prévu d’apporter aux services de conseil agricole, ainsi que les mesures visant à promouvoir l’échange de connaissances sur l’agriculture biologique constituent des actions d’accompagnement importantes. Il convient d’intensifier les échanges entre la science, les structures de conseil, l’éducation, les agriculteurs et la société. Les programmes d’échanges régionaux et internationaux peuvent être fort profitables, au premier chef pour les jeunes agriculteurs.

4.4.

Les consommateurs doivent eux aussi être informés des atouts des produits biologiques, grâce à des mesures éducatives et de sensibilisation appropriées, et ce, idéalement dès le stade scolaire. Le programme de l’Union européenne à destination des écoles, en faveur de la consommation de fruits, les légumes et de lait (7), offre de bons éléments de référence à cet égard.

4.5.

Pour sensibiliser l’opinion publique à la production biologique, la Commission prévoit notamment de mettre en place une journée européenne annuelle de l’agriculture biologique et d’organiser des cérémonies de remise de prix pour des prestations d’excellence dans tous les secteurs de la chaîne alimentaire biologique. Le CESE se dit tout disposé à être partenaire de cette initiative.

4.6.

Les consommateurs attachent de plus en plus d’importance aux denrées alimentaires régionales. En raison de la pandémie de COVID-19, la population se montre encore plus sensible à la qualité de ses aliments. Combinées, les chaînes de production et de commercialisation biologiques, à la fois plus courtes et locales, apparaissent dès lors particulièrement prometteuses pour créer davantage de valeur. Sous l’angle de la durabilité également, il apparaît nécessaire d’examiner en concomitance, dans toute la mesure du possible, les problématiques de la production biologique, de son caractère régional et de sa saisonnalité. Un renforcement supplémentaire du logo biologique de l’Union européenne doit pouvoir s’effectuer d’une manière compatible avec celui des labels biologiques nationaux ou régionaux reconnus. L’information sur la provenance des denrées alimentaires, s’agissant des matières premières utilisées, devrait être aussi concrète que possible, ne pas se limiter à l’indication «agriculture UE» ou «agriculture non UE» et, autant que faire se peut, mentionner le pays ou la région d’origine.

4.7.

Le tourisme et la restauration recèlent de grands potentiels pour les produits biologiques. Leur exploitation passe par la transparence et des systèmes de certification crédibles.

4.8.

L’agriculture biologique induit souvent une utilisation accrue de forces de travail, en raison de ses modes de production plus variés, et, de ce fait, elle ouvre aussi la voie à de nouvelles possibilités d’emploi dans les zones rurales. À contrario, elle doit supporter des coûts de main-d’œuvre plus élevés, qui peuvent à leur tour devenir un frein pour le développement du secteur.

4.9.

Les produits biologiques coûtent généralement plus cher que ceux de type conventionnel, mais les écarts de prix ont tendance à s’atténuer, sous le double effet d’une productivité accrue de l’agriculture biologique et des exigences environnementales croissantes qui sont imposées aux autres formes d’agriculture dans le contexte de l’évolution de la politique agricole commune. Cet écart de prix constitue un obstacle pour certains groupes sociaux à faibles revenus, tels que les retraités, les jeunes ou les familles issues de catégories sociales défavorisées. Le CESE préconise dès lors de mettre en place des mesures appropriées pour que les produits biologiques soient aussi accessibles à ces différents groupes de la population.

4.9.1.

Par exemple, les défenseurs des consommateurs font observer que, en pourcentage, les marges sur les produits biologiques dans le commerce de détail sont parfois considérablement plus élevées que sur ceux de type non biologique, et que ce différentiel pourrait avoir une incidence sur les prix des denrées biologiques par rapport à ceux pratiqués pour les productions conventionnelles. Il conviendrait que les marges commerciales soient raisonnables.

4.9.2.

Dans certains États membres, ces écarts de prix, parfois fort importants par rapport aux produits ordinaires constituent un obstacle majeur pour augmenter le réservoir de consommateurs de productions biologiques. Il convient en outre de signaler que les prix des produits alimentaires biologiques incluent également des prestations plus élevées en faveur de certains biens publics, tels que la biodiversité sur les terres arables ou le bien-être animal. Dans ce contexte, l’intégration des externalités dans chaque produit, par la transparence des coûts, pourrait être un moyen de soutenir le secteur de l’agriculture biologique.

4.9.3.

Le CESE juge en particulier que les pouvoirs publics, à l’échelle des villes, des communes, des régions ou du pays entier, doivent montrer l’exemple en insistant davantage sur les produits alimentaires biologiques régionaux et de saison pour tout ce qui concerne les marchés publics, par exemple pour l’approvisionnement des cantines. De nombreuses villes européennes (8), comme Copenhague, Vienne ou Nuremberg, ont déjà mis en œuvre des approches très fructueuses à cet égard.

4.9.4.

Des chaînes alimentaires plus courtes et des possibilités de commercialisation directe ouvrent la possibilité de fixer des prix équitables tant pour les producteurs que pour les consommateurs.

4.10.

L’augmentation de la part des terres agricoles cultivées de manière biologique posera de nouveaux défis. L’évolution de la pression parasitaire et des maladies végétales devrait faire l’objet d’un suivi attentif, effectué en concomitance avec l’analyse du changement climatique en cours. Il est nécessaire d’allouer des ressources suffisantes à la recherche appliquée pour élaborer des variétés adaptées à l’agriculture biologique, ainsi que des mesures phytosanitaires efficaces et des démarches novatrices. Sur ce point, le CESE souligne la nécessité de continuer à garantir un libre accès aux variétés et aux semences.

4.11.

Dans le domaine de l’alimentation animale, des difficultés se posent depuis plusieurs années en ce qui concerne un approvisionnement suffisant en aliments protéiques et acides aminés essentiels (vitamine B) qui sont produits de manière biologique. L’intensification qu’il est prévu d’apporter à la recherche de solutions de remplacement est absolument nécessaire, et le CESE s’en félicite expressément.

4.12.

La période de conversion à l’agriculture biologique est particulièrement délicate pour les agriculteurs concernés, sachant qu’à ce moment, ils sont déjà contraints d’engager davantage de dépenses, par exemple, pour les frais d’inspection ou les intrants biologiques, alors que leurs productions ne peuvent pas encore être commercialisées sous le label biologique. Dans ce domaine, les États membres devraient prévoir des mesures de soutien appropriées. Il conviendrait d’étudier la possibilité de créer un marché pour les «produits de la phase de conversion», à mi-chemin entre agriculture biologique et conventionnelle.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/farming/organic-farming/organic-action-plan_fr

(2)  https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12555-Agriculture-biologique-plan-d%E2%80%99action-pour-le-developpement-de-la-production-biologique-dans-l%E2%80%99UE_fr

(3)  Avis du CESE sur le thème «Compatibilité de la politique commerciale de l’UE avec le pacte vert pour l’Europe» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 66).

(4)  Avis du CESE sur «Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).

(5)  Avis du CESE «Promouvoir des chaînes alimentaires courtes et alternatives dans l’Union européenne: le rôle de l’agroécologie» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 65).

(6)  Avis du CESE «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).

(7)  https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/market-measures/school-fruit-vegetables-and-milk-scheme_fr

(8)  https://www.organic-cities.eu/


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/120


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2020/2222 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’infrastructure transfrontalière reliant l’Union et le Royaume-Uni par la liaison fixe transmanche

[COM(2021) 402 final — 2021/0228(COD)]

(2021/C 517/19)

Consultations

Conseil de l’Union européenne, 15.7.2021

Parlement européen, 13.9.2021

Base juridique

Articles 91, paragraphe 1, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

239/1/5

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 563e session plénière des 22 et 23 septembre 2021 (séance du 22 septembre), a décidé, par 239 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/121


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l’Union européenne, au sein du comité de direction régional de la Communauté des transports en ce qui concerne l’adoption du budget de la Communauté des transports pour 2022

[COM(2021) 479 final — 2021/0272 (NLE)]

(2021/C 517/20)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 25.8.2021

Base juridique

Article 218, paragraphe 9, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

238/0/7

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 563e session plénière des 22 et 23 septembre 2021 (séance du 22 septembre), a décidé, par 238 voix pour, 0 voix contre et 7 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/122


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant certaines dispositions relatives à la pêche dans la zone couverte par l’accord de la CGPM (Commission générale des pêches pour la Méditerranée) (refonte)

[COM(2021) 434 final — 2021/0248 (COD)]

(2021/C 517/21)

Consultation

Parlement européen, 13.9.2021

Conseil, 3.9.2021

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

235/1/2

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 563e session plénière des 22 et 23 septembre 2021 (séance du 22 septembre), a décidé, par 235 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


22.12.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 517/123


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 en ce qui concerne les restrictions d’accès aux eaux de l’Union

[COM(2021) 356 final — 2021/0176 (COD)]

(2021/C 517/22)

Consultation

Parlement européen, 8.7.2021

Conseil, 16.7.2021

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

22.9.2021

Session plénière no

563

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

232/0/5

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 563e session plénière des 22 et 23 septembre 2021 (séance du 22 septembre), a décidé, par 232 voix pour, 0 voix contre et 5 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 22 septembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG