ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 220

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

64e année
9 juin 2021


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

559e session plénière du Comité économique et social européen — INTERACTIO, 24.3.2021-25.3.2021

2021/C 220/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Les défis du télétravail: organisation du temps de travail, équilibre entre vie professionnelle et vie privée et droit à la déconnexion (avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise)

1

2021/C 220/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Télétravail et égalité entre les hommes et les femmes — conditions pour que le télétravail n’exacerbe pas la répartition inégale des tâches domestiques et de soins non rémunérées entre les femmes et les hommes, et pour que celui-ci soit un moteur de promotion de l’égalité entre les genres[avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise]

13

2021/C 220/03

Avis du Comité économique et social européen sur L’espace ferroviaire unique européen[avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise]

26


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

559e session plénière du Comité économique et social européen — INTERACTIO, 24.3.2021-25.3.2021

2021/C 220/04

Avis du Comité économique et social européen sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport 2020 sur l’état de l’union de l’énergie en vertu du règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat[COM(2020) 950 final] et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Évaluation à l’échelle de l’UE des plans nationaux en matière d’énergie et de climat: Une planification intégrée dans le domaine de l’énergie et du climat pour faire progresser la transition verte et promouvoir la reprise économique[COM(2020) 564 final]

38

2021/C 220/05

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie de l’UE pour réduire les émissions de méthane[COM(2020) 663 final]

47

2021/C 220/06

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, et abrogeant le règlement (UE) no 347/2013 [COM(2020) 824 final — 2020/0360 (COD)]

51

2021/C 220/07

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Faire passer l’union douanière à l’étape supérieure: un plan d’action[COM(2020) 581 final]

56

2021/C 220/08

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’environnement de guichet unique de l’Union européenne pour les douanes et modifiant le règlement (UE) no 952/2013 [COM(2020) 673 final — 2020/306 (COD)]

62

2021/C 220/09

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Rapport de prospective stratégique 2020 — Prospective stratégique — Tracer la voie vers une Europe plus résiliente[COM(2020) 493 final]

67

2021/C 220/10

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie en matière de paiements de détail pour l’UE [COM(2020) 592 final]

72

2021/C 220/11

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un nouvel EER pour la recherche et l’innovation[COM(2020) 628 final]

79

2021/C 220/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant prorogation de la durée de la protection communautaire des obtentions végétales pour les espèces d’asperges ainsi que pour les groupes d’espèces des bulbes à fleurs, des plantes ligneuses à petits fruits et des plantes ligneuses ornementales [COM(2021) 36 final — 2021/0019 (COD)]

86

2021/C 220/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/2397 en ce qui concerne les mesures transitoires pour la reconnaissance des certificats de pays tiers [COM(2021) 71 final — 2021/0039 (COD)]

87

2021/C 220/14

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer le processus d’adhésion — Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux[COM(2020) 57 final], sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des région — Un plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux[COM(2020) 641 final] et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Communication de 2020 sur la politique d’élargissement de l’UE[COM(2020) 660 final]

88

2021/C 220/15

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne — Lutter contre les prêts non performants à la suite de la pandémie de COVID-19[COM(2020) 822 final]

98

2021/C 220/16

Avis du Comité économique et social sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne [COM(2020) 682 final — 2020/0310 (COD)]

106

2021/C 220/17

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — La résilience des matières premières critiques: la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité[COM(2020) 474 final]

118

2021/C 220/18

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Exigences de durabilité pour les batteries dans l’Union européenne[COM(2020) 798 final — 2020/353 (COD)]

128


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

559e session plénière du Comité économique et social européen — INTERACTIO, 24.3.2021-25.3.2021

9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les défis du télétravail: organisation du temps de travail, équilibre entre vie professionnelle et vie privée et droit à la déconnexion»

(avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise)

(2021/C 220/01)

Rapporteur:

Carlos Manuel TRINDADE

Demande de la présidence portugaise du Conseil

26.10.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

11.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

221/15/20

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE reconnaît que dans le contexte de la pandémie de COVID-19, le télétravail a contribué à la continuité du fonctionnement de l’économie et à la défense de l’emploi dans les différents États membres, en limitant les pertes d’activité. En Europe, ce sont plusieurs millions de travailleurs qui ont commencé à travailler à domicile: environ 40 % d’entre eux, selon les estimations d’Eurofound.

1.2.

Si l’on regarde la situation en Europe avant la pandémie, l’on constate que le télétravail y était beaucoup moins présent qu’aux États-Unis où au Japon (moins de la moitié de leur pourcentage de télétravailleurs par rapport aux travailleurs). D’autre part, la pandémie a accéléré le passage au télétravail, qui est devenu un facteur irremplaçable dans la lutte contre la maladie. Il s’ensuit que les entreprises, les travailleurs et la société dans son ensemble sont confrontés à d’énormes défis. Bien entendu, il y aura de nombreux enseignements à tirer de cette pandémie, ce qui permettra d’accroître les possibilités et d’éliminer les risques liés au télétravail.

1.3.

Dans ce contexte, le CESE reconnaît la clairvoyance dont ont fait preuve les partenaires sociaux européens dans le cadre de l’accord sur le télétravail de 2002. Il appelle les partenaires sociaux des États membres à poursuivre le dialogue social et la négociation collective et à définir des règles et des processus adaptés à chaque État membre ainsi qu’à la situation de chaque secteur.

1.4.

Le CESE estime qu’il convient de trouver des solutions qui tiennent compte de la transition économique vers la numérisation, un développement plus durable et la diminution des inégalités.

1.5.

Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à suivre la mise en œuvre de l’accord de 2002 sur le télétravail et de celui de 2020 en matière de numérisation. En se fondant sur l’expérience de la pandémie, l’on pourrait modifier les réglementations en vigueur dans l’UE et dans les États membres et en élaborer de nouvelles afin de promouvoir les éléments positifs du télétravail et de protéger les droits fondamentaux des travailleurs. Le CESE fait observer que l’organisation du temps de travail, les risques pour la santé et la sécurité au travail, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le droit à la déconnexion et l’effectivité des droits du travail dans le cadre du télétravail devront faire l’objet d’une attention particulière. L’évolution de la technologie et des méthodes de travail s’accélère et il est nécessaire de veiller à ce que les règles et les pratiques soient adaptées aux nouvelles conditions qui prévaudront dans l’avenir.

1.6.

Le CESE attire l’attention sur la nécessité pour les États membres de veiller, avec la participation des partenaires sociaux, à ce qu’il existe un cadre national approprié pour le télétravail, qui définisse les règles du jeu pour les entreprises et les travailleurs intéressés par son adoption.

1.7.

Le CESE invite les États membres à transposer et à mettre en œuvre correctement la directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

1.8.

Le CESE souligne que les accords conclus en 2002 et 2020 entre les partenaires sociaux européens comprennent les principes clés qui permettent de tirer parti des effets positifs du télétravail et de réduire au minimum ses effets négatifs.

1.9.

Le CESE est d’avis qu’en ce qui concerne la réglementation, les principaux enjeux consistent à veiller à ce que le télétravail soit volontaire et réversible et que les télétravailleurs aient les mêmes droits individuels et collectifs que les travailleurs comparables de l’entreprise pour laquelle ils exercent leurs activités. Cela doit entre autres être le cas pour l’organisation du travail, de manière à garantir que les charges de travail soient comparables. Il y a lieu que le régime de télétravail soit établi par écrit et que des mesures spécifiques soient prises, le cas échéant, pour assurer l’effectivité des droits des télétravailleurs et l’égalité de traitement avec les autres travailleurs, notamment sur le plan de la santé et de la sécurité au travail.

1.10.

Le CESE reconnaît qu’il importe de définir clairement, avant de mettre en place le télétravail, toutes les questions relatives aux équipements, aux responsabilités et aux coûts. Il estime qu’en règle générale, les employeurs sont responsables de la fourniture, de l’installation et de l’entretien des équipements nécessaires au télétravail. L’employeur devrait prendre directement en charge les frais encourus en télétravail, en particulier ceux liés à la communication (consommables, téléphonie mobile, internet).

1.11.

Le CESE propose d’imposer aux entreprises, dans le respect de la législation européenne et nationale en matière de télétravail et des conventions collectives au niveau national, régional, sectoriel ou de l’entreprise, l’utilisation de mécanismes appropriés pour mesurer les heures de travail normales et supplémentaires prestées dans le cadre du télétravail.

1.12.

Le CESE estime que les méthodes de contrôle et d’enregistrement du temps de travail devraient viser strictement cet objectif, être connues des travailleurs, et ne pas être intrusives ni violer la vie privée du travailleur, compte tenu des principes applicables en matière de protection des données.

1.13.

Le CESE souligne que les travailleurs en régime de télétravail ne peuvent être désavantagés dans leur vie professionnelle, notamment en ce qui concerne le développement de leur carrière professionnelle, la formation continue, l’accès à l’information interne de l’entreprise, la participation et la représentation syndicales, les droits du travail spécifiques (médecine du travail, assurances, etc.) et l’accès à d’autres droits spécifiques prévus dans l’entreprise.

1.14.

Le CESE considère qu’un processus conjoint de la Commission européenne, de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) devrait être lancé sur la base d’études relatives aux conséquences du télétravail, en vue de l’élaboration d’une convention de l’OIT sur le télétravail. Il estime également que des conditions de télétravail décentes devraient faire partie de l’agenda du travail décent de l’OIT et des programmes nationaux correspondants.

2.   Aspects conceptuels et contexte du télétravail

2.1.

Le présent avis répond aux questions soulevées par la présidence portugaise sur les défis du télétravail en matière d’organisation du temps de travail, d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et de droit à la déconnexion, dans la perspective de promouvoir le modèle social européen. Ces questions comprennent une perspective de genre, laquelle est développée dans un avis distinct (SOC/662) — un avis exploratoire, comme le présent avis.

2.2.

Le CESE apprécie le travail accompli par l’OIT et Eurofound sur les méthodes et concepts du télétravail, qui permettent de comparer les données aux niveaux européen et international (1).

2.3.

Dans le cadre du présent document, le CESE utilise le terme «télétravail» pour désigner une activité professionnelle effectuée à distance par les salariés, en dehors des locaux de l’entreprise et par l’intermédiaire des TIC. Le lieu où le travail est effectué et le recours aux TIC constituent donc deux des aspects essentiels du télétravail. Le CESE reconnaît qu’il existe différentes formes d’exercice du télétravail, qui dépendent des législations et des pratiques existant dans les différents pays. Le présent avis porte sur le télétravail dans le cas des salariés; il n’aborde pas la problématique des travailleurs indépendants, qui devra être traitée, dans l’avenir, dans le cadre d’un avis spécifique.

2.4.

Le télétravail a fait l’objet de politiques visant à le réglementer. Si, sur le plan européen et international, il n’existe pas de directives ou de normes spécifiques pour le télétravail, l’UE dispose cependant d’instruments applicables, à savoir la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil sur l’aménagement du temps de travail (2), la directive 89/391/CEE du Conseil concernant la sécurité et la santé au travail (3), la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne (4), et la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée (5). Le CESE invite les États membres à procéder à la transposition efficace de ces directives.

2.5.

Les partenaires sociaux européens ont également accordé une attention particulière à ce domaine. En 2002, ils ont signé un accord-cadre sur le télétravail (accord autonome), mais celui-ci a été mis en œuvre de manière non homogène dans les différents pays d’Europe. Plusieurs aspects y sont soulignés, notamment: le caractère volontaire du télétravail; l’égalité de traitement par rapport aux travailleurs comparables dans l’entreprise, avec des références spécifiques à la charge de travail, à l’accès à la formation et aux droits collectifs; la réversibilité; le fait que le passage au télétravail ne modifie pas le statut d’emploi du travailleur; le respect de la vie privée du télétravailleur; la protection des données; et le respect des normes de santé et de sécurité au travail. Afin de vérifier que les normes de santé et de sécurité sont correctement appliquées, l’employeur, le syndicat/les représentants du travailleur et les autres autorités compétentes ont accès au lieu de travail, dans les limites des législations et des conventions collectives nationales. Si le télétravailleur travaille à son domicile, cet accès est subordonné à une notification et à son accord préalables. Le télétravailleur a le droit de demander des visites d’inspection.

2.6.

En juin 2020, les partenaires sociaux européens ont conclu un accord-cadre de même nature (accord autonome) sur la numérisation, qui couvre quatre domaines spécifiques en particulier: les compétences numériques et la sécurisation de l’emploi; les modalités de connexion et de déconnexion; l’intelligence artificielle et le maintien du contrôle humain; le respect de la dignité humaine et la question de la surveillance. Le CESE estime nécessaire de procéder dès que possible à une évaluation des résultats de la mise en œuvre des dispositions de cet accord. Il invite la Commission, les États membres et les partenaires sociaux à promouvoir la mise en œuvre rapide et correcte dudit accord. Une initiative législative pourrait éventuellement être lancée au titre du TFUE en matière de politique sociale (article 151 et suivants), et/ou au niveau des États membres, afin de protéger et de mettre en œuvre le droit des travailleurs à se déconnecter.

2.7.

Au niveau des partenaires sociaux européens, un important travail a également été mené, et continue de se poursuivre, dans un nombre significatif de secteurs. La liste des accords conclus en matière de télétravail et de numérisation figure en annexe du présent document. Quoique non exhaustive, cette liste témoigne de l’effort de dialogue social déployé en la matière.

2.8.

Au niveau des États membres, la législation du travail réglemente certains aspects pertinents pour le télétravail, tels que la durée et l’organisation du temps de travail, la relation de travail subordonnée et la santé et la sécurité au travail, en prévoyant des dispositions spécifiques telles que l’exigence d’un contrat de travail écrit. L’accord-cadre sur le télétravail a eu une influence sur le contenu des normes approuvées.

2.9.

Le télétravail a fait et continue de faire l’objet de négociations collectives et de conventions (parfois tripartites) établies au niveau national, sectoriel ou de l’entreprise, dont le contenu a également été influencé par l’accord européen de 2002. Les négociations ayant souvent lieu au niveau de l’entreprise, le contenu des accords est moins connu (6).

2.10.

Les États membres d’Europe orientale constituent une exception à cette réalité. Le CESE invite les partenaires sociaux de ces pays à négocier des conventions sur le télétravail, ou à les actualiser le cas échéant.

2.11.

Selon les données de l’enquête européenne sur les conditions de travail de 2015, la proportion de travailleurs pratiquant le télétravail était élevée dans deux pays nordiques — Danemark (37 %) et Suède (33 %) — et aux Pays-Bas (30 %), moyenne dans des pays tels que le Luxembourg (26 %), la France (25 %), l’Estonie (24 %), la Belgique (24 %) et la Finlande (24 %) et faible dans la moitié des pays de l’UE, allant de 12 à 13 % (Allemagne, Espagne, Bulgarie, Lituanie, Roumanie), voire de 7 à 11 % (Italie, Tchéquie, Pologne, Slovaquie, Portugal et Hongrie). Il convient de noter que, de manière générale, la catégorie «télétravail occasionnel» concerne la moitié des télétravailleurs et un peu moins d’un quart d’entre eux pratique le «télétravail régulier» (à domicile) (7).

2.12.

Citons quelques résultats de recherches récentes (8):

2.12.1.

En 2019, seuls 5,4 % des salariés dans l’UE-27 travaillaient habituellement depuis leur domicile, ce pourcentage n’ayant pratiquement pas changé au cours de la dernière décennie; toutefois, entre 2009 et 2019, la proportion de télétravailleurs occasionnels est passée de 5,2 % en 2009 à 9 % en 2019. Selon des études de l’OIT, l’incidence du télétravail (y compris le télétravail «mobile») est de 8 % de l’ensemble de la main-d’œuvre de l’UE, contre 20 % aux États-Unis et 16 % au Japon (9).

2.12.2.

La prévalence du télétravail varie considérablement selon les secteurs et les professions, et est particulièrement élevée dans les secteurs de l’information et des technologies et dans les secteurs à forte intensité de connaissances, ainsi que parmi les professionnels hautement qualifiés. La structure industrielle des États membres, la répartition de l’emploi par taille d’entreprise, le taux d’emploi indépendant et les compétences numériques des travailleurs sont quelques-uns des facteurs expliquant les différences et les variations de l’incidence du télétravail entre les États membres.

2.12.3.

Les disparités en matière d’accès au télétravail et de protections dont bénéficient les travailleurs sont susceptibles d’accroître les inégalités entre les travailleurs, y compris en ce qui concerne la dimension de genre abordée dans l’avis SOC/662. Il est nécessaire de trouver une solution pour y remédier.

2.12.4.

Le développement des compétences numériques des travailleurs est essentiel pour relever les défis de l’évolution technologique et des nouveaux modes de travail (en 2019, la formation aux compétences numériques concernait moins de 25 % des entreprises de l’UE en moyenne — ce pourcentage variant de 6 % en Roumanie à 37 % en Finlande).

2.13.

En raison de l’épidémie de COVID-19, plusieurs millions de travailleurs en Europe ont commencé à travailler à domicile, Eurofound estimant qu’environ 40 % des travailleurs ont commencé à télétravailler à temps plein en raison de la pandémie. Dans la plupart des cas, cela est obligatoire à la suite de décisions prises par les autorités publiques pour des raisons de contrôle sanitaire.

2.14.

Le CESE réaffirme le point de vue qu’il a exprimé dans ses différents avis (10) sur les questions relatives à l’avenir du travail, à la numérisation, à l’organisation du temps de travail et à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

3.   Possibilités et risques liés au télétravail

3.1.

S’agissant des entreprises, le télétravail peut entraîner une augmentation de la productivité, mais poser des difficultés pour la culture d’entreprise et l’organisation du travail. Du point de vue des entreprises, le recours au télétravail est assorti d’objectifs multiples, notamment (11):

i.

Organiser le travail sur la base des résultats, en donnant aux travailleurs davantage d’autonomie et une plus grande responsabilité en matière de résultats.

ii.

Accroître la productivité et l’efficacité (moins d’interruptions).

iii.

Réaliser des économies d’espace dans les locaux et/ou les bureaux et réduire les coûts associés.

iv.

Faciliter l’accès à l’emploi pour certaines catégories de travailleurs (ayant des responsabilités familiales ou souffrant d’un handicap moteur).

3.2.

S’agissant des travailleurs, le télétravail peut faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée et réduire les coûts liés aux déplacements domicile-travail. D’une manière générale, le télétravail peut permettre une plus grande autonomie, une meilleure concentration et une productivité accrue (12). Toutefois, l’autonomie ne compense pas toujours les effets négatifs sur la santé et le bien-être et peut même accroître l’intensité du travail lorsqu’elle est associée à une charge de travail excessive et à des cultures d’entreprise axées sur la concurrence, qui imposent des performances élevées entraînant une surcharge de travail (non rémunérée) et des périodes de repos insuffisantes (13).

3.3.

Le CESE souligne que le télétravail constitue un facteur positif pour le développement durable et la décarbonation de l’économie, ainsi que pour faciliter la mobilité urbaine.

3.4.

Le CESE constate que grâce au télétravail, l’impact négatif de la pandémie de COVID-19 a été considérablement réduit. Son augmentation significative a permis de maintenir en vie de nombreux secteurs de l’économie.

3.5.

Le CESE relève que l’estompement des frontières entre les temps de travail et de repos peut conduire à une augmentation du nombre d’heures effectivement travaillées, à une plus grande intensité de travail et à des difficultés de déconnexion professionnelle, et porter atteinte à la vie familiale. La mesure et le contrôle du temps de travail constituent un défi majeur pour les administrations des inspections du travail des États membres, auquel il convient d’apporter une réponse appropriée.

3.6.

La recherche met en évidence certains risques pour les travailleurs: il s’agit non seulement des risques associés aux différentes formes d’isolement, comme le stress et la dépression, l’anxiété, mais aussi des troubles musculo-squelettiques, des maux de tête, de l’épuisement, des troubles du sommeil et des nouveaux phénomènes numériques tels que le «présentéisme virtuel». L’effet du présentéisme sur la vie professionnelle varie. Selon Eurofound, certains travailleurs le ressentent comme une expérience négative, tandis que d’autres apprécient de pouvoir travailler depuis leur domicile lorsqu’ils ne se sentent pas bien plutôt que de devoir se rendre dans les locaux de leur employeur. Toutefois, ce phénomène ne doit pas empiéter sur le droit au congé de maladie. En outre, le télétravail peut entraîner des difficultés importantes concernant la participation aux activités syndicales ou leur organisation, l’invisibilité, l’invasion de la vie privée, ou la dispersion des télétravailleurs.

3.7.

Le CESE constate qu’il existe d’autres risques pour le télétravail, tels que ceux liés à la cybersécurité, qui devraient être traités de manière adéquate de sorte à défendre les entreprises et protéger la vie privée des télétravailleurs. Un autre risque lié au télétravail est l’incidence potentiellement négative sur les cultures organisationnelles existantes, dans des unités produisant des biens ou services ou dans des structures associatives et/ou liées au volontariat.

3.8.

Le télétravail suppose des compétences en matière de TIC et un accès aux équipements et services, ainsi que des conditions de logement et d’autres conditions propices au télétravail, ce qui soulève la question des inégalités économiques et sociales.

3.9.

Le CESE reconnaît que le télétravail peut faciliter l’intégration sur le marché du travail de certains groupes discriminés, en particulier les personnes handicapées, les femmes enceintes et les parents isolés, qui sont souvent confrontés à des obstacles structurels pour accéder à l’emploi.

3.10.

Le CESE est d’avis qu’en ce qui concerne la réglementation, les principaux enjeux consistent à veiller à ce que le télétravail soit volontaire et réversible — sauf dans des cas exceptionnels, comme la pandémie, où il est imposé par les pouvoirs publics — et que les télétravailleurs aient les mêmes droits individuels et collectifs que les travailleurs comparables de l’entreprise pour laquelle ils exercent leurs activités; à ce que le régime de télétravail soit établi par écrit; et à ce que des mesures spécifiques soient prises, le cas échéant, pour assurer l’effectivité des droits des télétravailleurs et l’égalité de traitement avec les autres travailleurs.

3.11.

Le CESE estime que la réglementation du télétravail pourrait garantir des conditions de travail décentes et contribuer à réduire les inégalités et la pauvreté au travail (14).

3.12.

Le CESE estime que les employeurs sont responsables de la formation et de la fourniture, de l’installation et de l’entretien des équipements nécessaires au télétravail. L’employeur devrait prendre directement en charge les frais encourus en télétravail, en particulier ceux liés à la communication (consommables, téléphonie mobile, internet).

3.13.

Il convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les données relatives au télétravail, et en particulier les données privées des télétravailleurs.

3.14.

Le CESE constate qu’il y a eu, dans la grande majorité des entreprises, une forte croissance des systèmes de surveillance, de contrôle et de suivi de l’activité des télétravailleurs. Il recommande que l’utilisation de ces outils de contrôle tienne compte des principes de protection des données et soit encadrée, le cas échéant, par une future législation européenne et/ou des négociations collectives menées au niveau national, régional, sectoriel et des entreprises entre les partenaires sociaux des États membres.

4.   Les défis du télétravail

4.1.   Aménagement du temps de travail

4.1.1.

Le CESE constate que les recherches sont unanimes quant aux effets du télétravail sur le temps de travail — signalant les longues heures de travail comme le principal inconvénient de cette forme de travail (15). Le télétravail permet au travailleur de structurer sa journée de travail et d’éviter les déplacements entre son domicile et son entreprise, mais entraîne en contrepartie un allongement du travail le soir et le week-end.

4.1.2.

Le CESE note avec satisfaction que les partenaires sociaux européens ont récemment convenu que des échanges réguliers entre les cadres et les travailleurs et/ou leurs représentants sur la charge de travail et les processus de travail (16) font partie des mesures devant être considérées comme relevant du processus de partenariat commun qui forme la base de l’accord.

4.1.3.

De fait, une étude d’Eurofound (17) indique que:

4.1.3.1.

Dans le cadre du télétravail «régulier», environ 30 % des travailleurs travaillent chaque jour ou plusieurs fois par semaine pendant leur temps libre; environ 50 % des travailleurs sont interrompus pour effectuer des tâches imprévues et quelque 20 % travaillent plus de 48 heures par semaine (ce pourcentage avoisine les 30 % pour les télétravailleurs «mobiles» et 10 % pour les télétravailleurs «occasionnels»).

4.1.3.2.

Dans le cadre du télétravail «régulier», environ 40 % des travailleurs ont un temps de repos inférieur à 11 heures (cela concerne environ 25 % des télétravailleurs «occasionnels» et environ 60 % des télétravailleurs «mobiles»).

4.1.4.

Les enquêtes d’Eurofound montrent que l’intensité du travail est un problème commun dans les pays européens (par exemple, 37 % des travailleurs déclarent être soumis à des délais serrés) et qu’il est plus fréquent parmi les télétravailleurs, en particulier les télétravailleurs mobiles (18).

4.1.5.

Il convient d’évaluer les incidences sur la santé et le bien-être du recours intensif aux TIC, comme le travail sur écran ou au moyen de smartphones. Les effets négatifs, qui peuvent être amplifiés par le télétravail, sont la pression psychologique (stress), la fatigue oculaire, l’anxiété, les maux de tête, l’épuisement, les troubles du sommeil et les troubles musculo-squelettiques (19).

4.1.6.

Bien qu’il existe des normes européennes applicables au télétravail, il y a lieu d’évaluer si la directive sur le temps de travail, de même que les autres directives mentionnées au paragraphe 2.4, ou encore l’accord sur le télétravail (de 2002) et l’accord sur la numérisation (de 2020) suffisent à protéger ces travailleurs (20). À cet égard, le CESE relève l’importance de la jurisprudence européenne, selon laquelle «les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (21). Le CESE note qu’il appartient aux États membres de déterminer les modalités spécifiques de mise en œuvre d’un tel système, en tenant compte, entre autres, des disparités qu’il peut y avoir entre différents secteurs ou activités (22).

4.1.7.

Dans cette perspective, le CESE propose d’imposer aux entreprises, dans le cadre du télétravail et dans le respect de la législation européenne et nationale et des conventions collectives au niveau régional, sectoriel ou de l’entreprise, l’utilisation de mécanismes appropriés pour mesurer les heures de travail normales et supplémentaires.

4.1.8.

Le CESE estime que l’égalité de traitement avec des travailleurs comparables au sein d’une même entreprise s’applique aussi à la santé et la sécurité au travail, à l’organisation du travail de manière à garantir des charges de travail comparables et au droit des syndicats/des représentants des travailleurs d’accéder au lieu du télétravail, dans les limites des législations et des conventions collectives nationales.

4.1.9.

Les télétravailleurs ne peuvent pas être désavantagés dans leur vie professionnelle, notamment en ce qui concerne le développement de leur carrière professionnelle, la formation continue, l’accès à l’information interne de l’entreprise, la participation et la représentation syndicales, les droits du travail spécifiques (médecine du travail, assurances, etc.) et l’accès à d’autres droits spécifiques prévus dans l’entreprise.

4.2.   Équilibre entre vie professionnelle et vie privée

4.2.1.

L’un des moteurs du développement du télétravail est qu’il s’avère que cette forme de travail permet un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, une productivité et une loyauté accrues du personnel, et une rotation moindre. Toutefois, en raison de la difficulté de tirer des conclusions définitives concernant les effets du télétravail sur le monde du travail en s’appuyant sur l’état actuel des recherches portant sur cette thématique, la réalité pourrait être beaucoup plus complexe et ambiguë que cette réciprocité potentielle gagnante pour les travailleurs et les employeurs, et peut-être même la contredire (23).

4.2.2.

Le CESE relève qu’il existe une contradiction entre la flexibilité croissante des horaires de travail et l’objectif de travail décent préconisé par l’OIT.

4.2.3.

Pour ce qui est de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, le CESE estime que les effets négatifs sont amplifiés pour les télétravailleurs. Ils varient également en fonction des caractéristiques individuelles du travailleur, de la culture et de l’organisation du travail (24). Le CESE estime que la transposition efficace de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée contribuera sans nul doute à l’amélioration des conditions de travail des télétravailleurs (25). Le CESE invite les États membres à transposer et à mettre en œuvre correctement cette directive.

4.2.4.

Le CESE constate que les effets du télétravail sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont extrêmement ambigus, voire contradictoires, et requièrent des recherches plus approfondies sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée (26).

4.2.5.

Le CESE attire l’attention sur la nécessité d’une formation adéquate des travailleurs et des cadres de base sur les bonnes pratiques de gestion du télétravail et sur le respect des règles juridiques et contractuelles, en particulier en ce qui concerne la promotion de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

4.2.6.

Le CESE invite les États membres à réaliser des investissements adéquats dans la création et/ou le développement de services sociaux de qualité et d’accès universel à destination des personnes âgées et des enfants, services à même de contribuer à assurer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

4.3.   Droit à la déconnexion

4.3.1.

Le CESE est conscient que la culture de la «connexion permanente» et le manque de repos pour les télétravailleurs engendrent d’importants risques physiques et psychosociaux (27). En raison de la connexion, il devient difficile de respecter les limites entre le travail rémunéré et la vie privée.

4.3.2.

Concernant le droit à la déconnexion, des politiques des États membres– bien qu’elles suivent des approches différentes –et/ou des actions des partenaires sociaux et des entreprises ont récemment été lancées pour limiter ces effets négatifs et protéger les travailleurs pendant leur temps libre.

4.3.3.

Le fait d’être connecté en permanence a des conséquences négatives. Ce sont les femmes qui en pâtissent le plus dans la mesure où elles s’occupent généralement des tâches domestiques non rémunérées et de la prise en charge des enfants, des personnes âgées ou encore de malades alités (28).

4.3.4.

La législation couvre la plupart des sujets liés au télétravail, de sorte que sa mise en œuvre effective reste très pertinente. L’accord-cadre sur la numérisation signé au niveau européen en juin 2020 porte notamment sur les modalités du droit à la déconnexion, le respect des dispositions relatives au temps de travail dans la législation et les conventions collectives, ainsi que d’autres dispositions contractuelles, et le travailleur n’est pas tenu d’être joignable par son employeur en dehors des heures de travail. Le CESE fait observer que cet accord est en phase de mise en œuvre par les partenaires sociaux au niveau des États membres. Il reste toutefois envisageable de lancer une initiative législative au titre du TFUE en matière de politique sociale (article 151 et suivants), afin de protéger et de mettre en œuvre le droit des travailleurs à se déconnecter et de prévenir ainsi la détérioration de leurs conditions de travail.

4.3.5.

Les États membres ont des points de vue différents quant à l’établissement d’un droit à la déconnexion (29). Quatre pays (Belgique, Espagne, France et Italie) ont adopté une législation spécifique. Dans deux pays, soit un projet de loi a été examiné (Portugal), soit un processus de consultation a été lancé (Pays-Bas), mais aucune législation spécifique n’a été adoptée. Dans les autres États membres, les approches divergent: dans certains cas, les syndicats plaident en faveur d’une législation spécifique parce que la législation existante n’est pas jugée suffisante; dans d’autres, ils estiment que la négociation collective est la meilleure forme de réglementation; dans d’autres encore, ils font valoir que la législation régissant le temps de travail est satisfaisante.

4.3.6.

Au vu de cette situation, le CESE accueille favorablement la résolution adoptée par le Parlement européen le 21 janvier 2021 telle que prise en considération par la Commission européenne dans son plan d’action du 4 mars sur le socle européen des droits sociaux, dans le chapitre traitant du télétravail et du droit à la déconnexion (30). Dans ce contexte, le CESE estime que le droit à la déconnexion devrait être dûment pris en compte dans ledit plan d’action relatif au socle européen des droits sociaux.

4.3.7.

Le CESE souligne qu’en ce qui concerne le droit à la déconnexion, les heures supplémentaires ne constituent pas en soi un problème, pour autant qu’elles respectent les règles fixées, en particulier concernant leur nombre maximal autorisé, et qu’il soit garanti que tous les travaux effectués soient rémunérés conformément au cadre juridique de chaque pays.

5.   Actions de la Commission européenne, des États membres et des partenaires sociaux

5.1.

Le CESE insiste sur la nécessité de disposer d’informations statistiques plus nombreuses et de meilleure qualité, ainsi que de davantage de recherches, sur le télétravail, afin de recenser les meilleures pratiques et d’analyser son incidence sur la vie des travailleurs, des entreprises et de la société. Le CESE invite la Commission à améliorer la recherche dans le domaine du télétravail et de ses effets, à promouvoir l’échange de bonnes pratiques entre États membres sur l’organisation du temps de travail, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et le droit à la déconnexion et, enfin, à soutenir le développement de la transition nécessaire en matière de compétences, dans le respect du dialogue social et des négociations collectives entre partenaires sociaux aux différents niveaux.

5.2.

Le CESE souligne que les accords de 2002 et de 2020 comprennent les principes clés qui permettent de tirer parti des effets positifs du télétravail et de réduire au minimum ses effets négatifs.

5.3.

Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à suivre la mise en œuvre des accords de 2002 et de 2020, à adapter, le cas échéant, la réglementation existante en se fondant sur l’expérience de la pandémie, et à en élaborer une nouvelle afin de promouvoir les éléments positifs du télétravail et de protéger les droits fondamentaux des travailleurs. L’évolution de la technologie et des méthodes de travail s’accélère et il peut s’avérer nécessaire d’adapter les règles et les pratiques aux nouvelles conditions qui prévaudront dans l’avenir.

5.4.

Le CESE attire l’attention sur la nécessité pour les États membres de veiller, avec la participation des partenaires sociaux, à ce qu’il existe un cadre national approprié pour le télétravail, qui définisse les règles du jeu pour les entreprises et les travailleurs intéressés par son adoption, en tenant compte des accords susnommés.

5.5.

En particulier, l’organisation du temps de travail, les risques pour la santé et la sécurité au travail, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le droit à la déconnexion et l’effectivité des droits du travail dans le cadre du télétravail devront faire l’objet d’une attention particulière.

5.6.

Le CESE est convaincu que les problèmes liés au télétravail devraient être abordés dans le cadre des principes du socle européen des droits sociaux et des objectifs de développement durable des Nations unies.

5.7.

Le CESE estime que la participation et l’association des partenaires sociaux à tous les niveaux, y compris par la négociation collective, sont essentielles pour trouver des solutions équilibrées, dignes et équitables.

5.8.

Le CESE considère qu’un processus conjoint de la Commission européenne, de l’OIT et de l’OCDE devrait être lancé sur la base d’études relatives aux conséquences du télétravail, en vue de l’élaboration d’une convention de l’OIT sur le télétravail. Il estime également que des conditions de télétravail décentes devraient faire partie de l’agenda du travail décent de l’OIT et des programmes nationaux correspondants.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Soojung-Kim Pang, A. (2017), Et si on se reposait? Comment en faire plus en travaillant moins (Katelan, J.-Y., trad.), De Boeck Supérieur, Louvain-la-Neuve, 2019.

(2)  JO L 299 du 18.11.2003, p. 9.

(3)  JO L 183 du 29.6.1989, p. 1.

(4)  JO L 186 du 11.7.2019, p. 105.

(5)  JO L 188 du 12.7.2019, p. 79.

(6)  Eurofound et OIT, Working anytime, anywhere: The effects on the world of work, 2017, p. 51-54. (Il est ci-après fait référence à ce document sous la forme «Eurofound et OIT (2017)».)

(7)  Commission européenne (2020), Telework in the EU before and after the COVID-19: where we were, where we head to, Science for Policy Briefs.

(8)  Ibid.

(9)  OIT (2019), Telework in the 21st century, p. 294.

(10)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 44, JO C 197 du 8.6.2018, p. 45, JO C 237 du 6.7.2018, p. 8, JO C 367 du 10.10.2018, p. 15, JO C 440 du 6.12.2018, p. 37, JO C 232 du 14.7.2020, p. 18.

(11)  Eurofound et OIT (2017), p. 51.

(12)  Eurofound, Telework and ICT-based mobile work: flexible working in the digital age, 2020, p. 53. (Il est fait ci-après référence à ce document sous la forme «Eurofound (2020)».)

(13)  Eurofound et OIT (2017), p. 40.

(14)  Voir la résolution récemment adoptée par le Parlement européen.

(15)  OIT (2019), Telework in 21st century, p. 298.

(16)  Accord-cadre entre les partenaires sociaux européens sur la numérisation, juin 2020, p. 10.

(17)  Further exploring the working conditions of ICT-based mobile workers and home-based teleworkers, document de travail, p. 23-33.

(18)  Eurofound (2016), 6th European Working Conditions Survey, Overview report, p. 47-51. Voir également la note de bas de page précédente.

(19)  À propos des conséquences du télétravail pour la santé et le bien-être, voir: Eurofound (2020), p. 27-35.

(20)  Eurofound (2020), p. 54.

(21)  Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, affaire C-55/18, ECLI:EU:C:2019:402, point 60. Concernant le télétravail, voir aussi le reste de la jurisprudence: C-518/15; C-344/19; C-580/19; C-214/20; C-84/94.

(22)  Voir à nouveau l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, affaire C-55/18, ECLI:EU:C:2019:402, point 63.

(23)  OIT (2019), Telework in the 21st century, p. 302.

(24)  Source principale: Eurofound (2020), p. 13-26.

(25)  Eurofound (2020), p. 54.

(26)  Eurofound et OIT (2017), p. 33 et p. 40.

(27)  Eurofound et OIT (2017), p. 37.

(28)  Voir avis du CESE SOC/662 (voir page 13 du présent Journal officiel).

(29)  Source principale: Eurofound (2020), p. 13-26.

(30)  Voir la résolution récemment adoptée par le Parlement européen.


ANNEXE I

EUROPEAN SECTORAL SOCIAL DIALOGUE JOINT TEXTS ON TELEWORK AND DIGITALISATION (1)

Telework

Eurocommerce and UNI, Europa, European agreement on guidelines on Telework and ICT-mobile work in commerce, 25 May 2018 (commerce)

EACB, EBF-FBE, ESBG and UNI Global Union, Declaration on Telework in the European Banking Sector, 17 November 2017 (banking)

ETNO and UNI Europa, Joint Declaration on ICT-based mobile work, 2 February 2017 (telecommunications)

ETNO and UNI Europa, Joint declaration on telework, 9 June 2016 (telecommunications)

ACME, BIPAR, CEA and UNI-Europa, Joint declaration on telework by the European social partners in the insurance sector, 10 February 2015 (insurance)

CEMR-CCRE and EPSU, CEMR-EP/EPSU joint statement on telework, 13 January 2004 (local and regional government)

Eurelectric and EPSU, EMCEF, Joint declaration on telework, 13 November 2002 (electricity)

Eurocommerce and UNI Europa, European Agreement on Guidelines on Telework in Commerce, 26 April 2001 (Commerce)

ETNO and UNI Europa, Guidelines for Telework in Europe, 7 February 2001 (telecommunications)

Joint Committee, Opinion on telework, 23 November 1998 (telecommunications)

Digitalisation

ETNO and UNI-Europa, Joint Declaration on Artificial Intelligence, 30 November 2020 (telecommunications)

CEEMET and IndustriAll, Joint opinion on the impact of digitalisation on the world of work in the met industries, 9 November 2020 (metal industry)

EFIC and EFBWW, European Social Partners joint statement on Digital Transformation in workplaces of the European Furniture Industry, 6 July 2020 (Furniture)

Federation of European Social Employers and EPSU, Joint Position Paper on Digitalisation in the Social Services Sector — Assessment of Opportunities and Challenges, 6 June 2020 (social services)

Eurelectric and EPSU, IndustriAll, Digitalisation at the heart of social partners' commitment to keep the lights on, 9 April 2020 (electricity)

Eurelectric and EPSU, IndustriAll, A Social Partners' Framework of Actions — Challenges and opportunities of the digitalisation for the workforce in the European Electricity Sector, 9 April 2020 (electricity)

PostEurop and UNI Europa, Joint Declaration on Training in the Digital Era, 6 December 2019 (postal services)

ECEG and IndustriAll, Joint recommendations on digital transformations in the workplace for the European chemicals, pharmaceuticals, rubber and plastics sectors, 8 November 2019 (chemical industry)

EFCI/FENI and UNI Europa, Joint Statement on the Impact of Digitalization on Employment in the Cleaning and Facility Services Industry, 29 October 2019 (industrial cleaning)

INTERGRAF and UNI-Europa, Print is vital for the future of reading — INTERGRAF and UNI Europa Graphical & Packaging joint statement, 21 October 2021 (graphical industry)

FEPORT, ESPO and ETF, Joint statement «Market based and technological developments in the shipping sector and technological innovation represent major challenges for the port sector», 24 June 2019 (ports)

AMICE, BIPAR, Insurance Europe and UNI Europa, Follow-up statement on the social effects of digitalization, 15 February 2019 (insurance)

IRU and ETF, Joint statement from Social partners for better regulation and digital enforcement, 7 December 2018 (road transport)

EBF-FBE and UNI Europa, Joint Declaration on the Impact of Digitalisation on Employment, 30 November 2018 (banking)

CEPI and IndustriAll, A social partner resolution addressing the ongoing digitalisation in the European pulp and paper sector and its potential impact on industry and employment, 6 July 2018 (paper industry)

CEEMET and IndustriAll, The impact of digitalisation on the world of work in the metal, engineering and technology-based industries, 8 December 2016 (metal industry)

AMICE, BIPAR, Insurance Europe and UNI Europa, Joint declaration on the social effects of digitalisation by the European social partners in the insurance sector, 12 October 2016 (Insurance)

EPSU and CEMR, Joint Declaration on the opportunities and challenges of digitalisation in local and regional administration, 11 December 2015 (local and regional administration)


(1)  Based on the European Commission EU social dialogue texts database, the European Trade Union Institute (ETUI) EU Social Dialogue texts database (not yet publicly available) and own research.


ANNEXE II

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

Paragraphe 1.14 (lié au paragraphe 5.8)

Modifier comme suit:

 

1.14.

Le CESE considère qu’un processus conjoint de la Commission européenne, de l’OIT et de l’OCDE devrait être lancé important que, sur la base d’études relatives aux conséquences du télétravail, de bonnes conditions de télétravail deviennent partie intégrante de l’agenda du travail décent en général et des programmes par pays de promotion du travail décent en particulier. Un processus conjoint de la Commission européenne, de l’OIT et de l’OCDE devrait être lancé en vue de déterminer si l’élaboration d’une convention de l’OIT sur le télétravail est nécessaire.

Résultat du vote:

Voix pour:

109

Voix contre:

130

Abstentions:

14

Paragraphe 4.1.1

Modifier comme suit:

 

4.1.1.

Le CESE constate qu’il est difficile, sur la base des recherches disponibles actuellement, de parvenir à des conclusions définitives concernant les effets du télétravail sur le monde du travail que les recherches sont unanimes quant aux effets du télétravail sur le temps de travail — signalant les longues heures de travail comme le principal inconvénient de cette forme de travail (15). Le télétravail permet au travailleur de structurer sa journée de travail et d’éviter les déplacements entre son domicile et son entreprise, mais entraîne en contrepartie un allongement du travail le soir et le week-end.

Résultat du vote:

Voix pour:

111

Voix contre:

120

Abstentions:

18

Paragraphe 5.8 (lié au paragraphe 1.14)

Modifier comme suit:

 

5.8.

Le CESE considère qu’un processus conjoint de la Commission européenne, de l’OIT et de l’OCDE devrait être lancé important que, sur la base d’études relatives aux conséquences du télétravail, de bonnes conditions de télétravail deviennent partie intégrante de l’agenda du travail décent en général et des programmes par pays de promotion du travail décent en particulier. Un processus conjoint de la Commission européenne, de l’OIT et de l’OCDE devrait être lancé en vue de déterminer si l’élaboration d’une convention de l’OIT sur le télétravail est nécessaire.

Résultat du vote:

Voix pour:

109

Voix contre:

130

Abstentions:

14


(15)   OIT (2019), Telework in the 21st century, p. 298.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/13


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Télétravail et égalité entre les hommes et les femmes — conditions pour que le télétravail n’exacerbe pas la répartition inégale des tâches domestiques et de soins non rémunérées entre les femmes et les hommes, et pour que celui-ci soit un moteur de promotion de l’égalité entre les genres»

[avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise]

(2021/C 220/02)

Rapporteure:

Milena ANGELOVA

Corapporteure:

Erika KOLLER

Saisine du Comité par la présidence

portugaise du Conseil

Lettre du 26.10.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

11.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

219/10/18

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Bien que le télétravail soit une forme de travail bien connue, son adoption a été fortement stimulée par la pandémie de COVID-19, en raison de laquelle plus d’un tiers des salariés travaillent à domicile, dont une plus grande proportion de femmes que d’hommes (1). Étant donné que les femmes assument généralement la plupart des tâches familiales et ménagères, elles voyaient dans le télétravail la seule possibilité de combiner ces tâches non rémunérées et leur emploi salarié. Le Comité économique et social européen (CESE) souhaite attirer l’attention sur les risques inhérents à l’usage du télétravail comme une possibilité d’assumer la double charge que représentent le travail salarié et les tâches non rémunérées. Il se félicite dès lors de la campagne de la Commission européenne sur la lutte contre les stéréotypes sexistes (2), réaffirme la nécessité d’un changement culturel et de la suppression de tout obstacle structurel afin de parvenir à une répartition plus équitable du travail domestique non rémunéré et invite instamment les États membres à mettre en œuvre rapidement et efficacement la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

1.2.

Étant donné que les conditions de la pandémie sont exceptionnelles, il est nécessaire d’évaluer les liens entre le télétravail et l’égalité entre les hommes et les femmes en adoptant une perspective plus générale et à plus long terme. Pendant la pandémie, le télétravail a été obligatoire, dans la mesure du possible, en tant que mesure de protection de la santé, et assorti de nombreuses dispositions exceptionnelles et restrictives. Dans des conditions normales, le télétravail est généralement effectué sur une base volontaire, afin de permettre que le travail soit organisé de manière à répondre au mieux aux objectifs généraux et aux besoins des entreprises et des organisations, en couvrant à la fois les besoins des employeurs et des travailleurs et en respectant le cadre juridique et normatif européen et national (3), ainsi que les réalisations du dialogue social, toutes les modalités pratiques étant établies dans le cadre des conventions du travail et des conventions collectives.

1.3.

Le télétravail offre de nombreuses possibilités de contribuer à l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en: améliorant la participation au marché du travail; renforçant la flexibilité de l’organisation du temps de travail et la conciliation des responsabilités familiales non rémunérées avec un travail rémunéré, ce qui peut permettre de mieux participer au marché du travail; réalisant des gains de productivité grâce à de meilleures performances; améliorant l’adéquation géographique entre l’offre et la demande de main-d’œuvre sans qu’il soit nécessaire de s’installer dans un autre lieu; économisant du temps et des coûts grâce à l’élimination ou à la diminution des trajets entre le domicile et le lieu de travail, etc. Dans le même temps, le télétravail comporte des risques et engendre des difficultés tels que: le fait, pour le travailleur, de devenir invisible dans la sphère professionnelle; le fait d’être privé de structures de soutien formelles et informelles, de contacts personnels avec les collègues et d’accès aux informations ainsi qu’aux possibilités de promotion et de formation; la potentielle aggravation des inégalités entre les femmes et les hommes et l’augmentation des risques de violences et de harcèlement. Pour les femmes, cela peut exacerber les inégalités qui existent à leur détriment. Pour parvenir à limiter ces risques, il est nécessaire de procéder à une analyse en bonne et due forme de la dimension hommes-femme, étant donné que même les politiques qui sont en apparence neutres du point de vue du genre peuvent, en réalité, ignorer la dimension de genre et avoir une incidence négative sur les femmes, l’objectif étant de mettre tout en œuvre pour obtenir un impact positif.

1.4.

Le CESE prend note du cadre juridique et complémentaire qui régit actuellement le télétravail. Il s’agit notamment de la directive sur le temps de travail, de la directive sur la sécurité et la santé des travailleurs au travail, de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et des accords-cadres autonomes sur le télétravail de 2002 et sur la numérisation de 2020 conclus par les partenaires sociaux européens. Le Comité fait par ailleurs observer qu’il n’existe pas de cadre européen consolidé en matière de télétravail. Le Parlement européen a indiqué qu’il «est nécessaire de mettre en place un cadre législatif visant à réglementer les modalités de télétravail dans l’ensemble de l’Union pour garantir des conditions de travail et d’emploi décentes au sein de l’économie numérique, contribuant ainsi à réduire les inégalités et à s’attaquer à la question de la pauvreté des travailleurs». Le CESE recommande dès lors de procéder à une évaluation des règles existantes afin de déterminer leur efficacité à la lumière de l’expansion rapide du télétravail, de la sensibilisation aux nouveaux risques et des enseignements tirés. Il encourage en particulier les partenaires sociaux à revoir l’accord-cadre de 2002 sur le télétravail et à lui imprimer un nouvel élan.

1.5.

Les partenaires sociaux peuvent jouer un rôle important dans la promotion du télétravail d’une manière qui contribue à l’égalité entre les hommes et les femmes, en promouvant le bien-être au travail et la productivité, par exemple au moyen de négociations collectives. Compte tenu de la grande diversité des lieux de travail, les meilleurs résultats peuvent être obtenus grâce à des mesures adaptées à l’entreprise et au lieu de travail. S’il appartient aux employeurs de décider de l’organisation du travail, le dialogue social est un instrument essentiel sur les lieux de travail pour traiter de questions telles que les salaires, le temps de travail, les modalités de connexion, la santé et la sécurité, ainsi que la formation et le développement des compétences dans le cadre du télétravail.

1.6.

Parmi les conditions de base d’un télétravail neutre du point de vue du genre figurent l’accessibilité des technologies, du matériel et des compétences nécessaires. Le CESE réitère son appel en faveur d’investissements dans les infrastructures et les connexions numériques pour tous, y compris les espaces partagés locaux qui facilitent le télétravail en dehors du domicile, ainsi que dans le renforcement des compétences numériques, en accordant une attention particulière aux femmes, afin de leur permettre de participer pleinement aux marchés du travail et de remédier à toute forme de fracture numérique (4).

1.7.

La disponibilité, l’accessibilité et le caractère abordable des infrastructures et des services d’accueil et de soin pour les enfants, les personnes ayant des besoins particuliers et les personnes âgées constituent une autre condition préalable essentielle à l’égalité entre les hommes et les femmes en matière de télétravail et de travail en général. Le CESE plaide en faveur d’un «accord sur les soins pour l’Europe», garantissant la fourniture de services de meilleure qualité pour tous tout au long de la vie. Il invite instamment les États membres à garantir et à financer la disponibilité de services de soins de qualité, abordables, accessibles et diversifiés afin de répondre à des demandes et à des situations diverses.

1.8.

Le télétravail risque de rendre le travailleur invisible pour la communauté du travail et de le priver des structures de soutien formelles et informelles, des contacts personnels avec ses collègues et de l’accès aux informations. Le télétravailleur est dès lors susceptible de ne pas être pris en compte concernant les possibilités de promotion et de formation et de ne pas disposer d’informations importantes sur les salaires et les droits des travailleurs en vigueur. Pour les femmes, cette situation peut exacerber les inégalités existantes entre les sexes, telles que l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. La proposition de directive sur la transparence salariale, publiée par la Commission européenne le 4 mars 2021, pourrait constituer un moyen important de remédier au manque d’informations dû à l’invisibilité.

1.9.

Pour permettre au secteur privé d’innover et d’investir dans de nouvelles méthodes, ainsi que de créer de nouveaux emplois inclusifs, et de l’encourager à le faire, il est essentiel que l’UE mette en place des conditions favorables à l’entrepreneuriat et à l’activité économique et qu’elle favorise la numérisation, en particulier dans les micro-entreprises et les PME. Par ailleurs, le secteur public est un employeur important et des investissements adéquats doivent être consentis pour garantir des conditions de travail décentes et moderniser les infrastructures afin de réaliser les objectifs de la transformation numérique. Une coopération étroite et harmonieuse entre le secteur public et le secteur privé est également nécessaire sur le plan pratique, dans les domaines des infrastructures numériques, de l’éducation et de la formation, des services sociaux et de santé, ainsi que de la recherche et de l’innovation.

1.10.

Le CESE demande que des recherches soient menées sur les implications et les conditions préalables du télétravail en matière d’égalité entre les hommes et les femmes dans des conditions qui ne sont pas dominées par la pandémie, en tenant compte des évolutions à long terme dans différents secteurs de l’économie et de la société, ainsi que de la collecte et la diffusion des bonnes pratiques existantes dans l’ensemble de l’UE. Cela permettrait d’adopter une approche qui tienne compte de la dimension de genre lors de la mise en place de l’innovation technologique et sociale nécessaire de manière à s’assurer que le télétravail contribue à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes (5).

1.11.

Étant donné que les traditions et les attitudes sociétales des individus déterminent les conséquences du télétravail sur l’égalité entre les hommes et les femmes, le CESE plaide en faveur d’actions et de campagnes ciblées visant à faire reculer et à briser la pensée stéréotypée. Le CESE encourage les partenaires sociaux et les organisations de la société civile (OSC) aux niveaux européen et national à jouer un rôle actif dans la promotion de rôles familiaux et de choix des femmes et des hommes en matière d’études, de professions et d’emploi non stéréotypés.

1.12.

Le CESE invite les décideurs européens et nationaux, dans le cadre du dialogue et de la coopération avec les partenaires sociaux, à tout mettre en œuvre pour lutter contre toute forme de violence à l’égard des femmes, y compris sur le lieu de travail, à la maison et en ligne. Il demande aux États membres de ratifier rapidement la convention (no 190) sur la violence et le harcèlement adoptée en 2019 par l’Organisation internationale du travail (OIT), ainsi que la convention d’Istanbul.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE se félicite que la présidence portugaise ait décidé de demander deux avis exploratoires qui se complèteront mutuellement, et qui ont pour objectif d’analyser plus en profondeur le télétravail, tout en faisant le point sur les leçons tirées de la pandémie. Cela pourrait également mieux guider la mise en œuvre de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et encourager la mise en place des conditions nécessaires à la diffusion des meilleures pratiques en matière de recours au télétravail. Ces avis contribueront au futur projet de conclusions du Conseil au cours du premier semestre de 2021.

2.2.

La numérisation rapide de l’économie et de la société, considérablement accélérée par la pandémie de COVID-19, a stimulé le recours au télétravail, ce qui a conduit 34 % des salariés à travailler exclusivement et 14 % en partie depuis leur domicile en juillet 2020 (6). Si la pandémie permet de comprendre l’important essor du télétravail, il convient d’accorder une attention particulière aux conditions de travail normales du télétravail qui ne sont pas affectées par la pandémie.

2.3.

Alors que l’égalité entre les femmes et les hommes dépend de nombreux facteurs et que le télétravail a diverses incidences économiques et sociales autres que celles qui concernent cet enjeu, le présent avis exploratoire examine spécifiquement les liens entre le télétravail et l’égalité entre les femmes et les hommes, conformément à la demande de la présidence portugaise. L’objectif est de trouver des moyens de faire du télétravail un des moteurs de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et d’éviter d’exacerber la répartition inégale des soins non rémunérés et des tâches domestiques entre les femmes et les hommes. En effet, le télétravail peut comporter à la fois des avantages et des risques en ce qui concerne l’égalité des genres. Le CESE insiste sur la nécessité d’intégrer la dimension de genre dans l’élaboration des politiques afin de contribuer à atténuer les risques et à saisir les possibilités offertes.

2.4.

Exploiter le potentiel du télétravail tout en atténuant les risques qui y sont liés contribue à préserver les avancées mondiales en matière d’égalité entre les femmes et les hommes (7). Même si les hommes sont plus susceptibles que les femmes de travailler de manière mobile en-dehors des locaux de leur employeur, les femmes pratiquent un télétravail à domicile plus régulier que les hommes. Cela peut s’expliquer, dans une certaine mesure, par les rôles et modèles de vie professionnelle et familiale propres à chaque pays et chaque culture (8). Les femmes assument généralement la plupart des tâches de soins non rémunérées dans les ménages (9), et bien qu’il s’agisse d’un élément essentiel de la vie socio-économique, il n’est pas reconnu comme tel. Si le télétravail peut contribuer à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il risque également d’accroître la charge qui pèse sur les femmes pour qu’elles accomplissent une part encore plus importante du travail domestique non rémunéré, tout en étant exposées à d’autres risques tels que la violence domestique et en ligne ou le fait de manquer des possibilités de carrière.

2.5.

Tant la société dans son ensemble que les entreprises doivent tout mettre en œuvre pour démanteler ces stéréotypes de genre et reconnaître que les femmes sont des travailleurs à part entière, en plus de leurs nombreux autres rôles et qualités. Pour la société, le coût économique et social de ces préjugés est très lourd. Dans tous les secteurs, les partenaires sociaux et les OSC devraient pouvoir jouer un rôle de chef de file sur cette question, essentielle pour les droits de l’homme et les droits des femmes, mais aussi pour l’économie européenne (10).

2.6.

Lors de l’évaluation des incidences du télétravail, il est important de noter que les conséquences en période de pandémie peuvent différer considérablement de celles qui se produisent dans des conditions normales. Il est probable que les avantages et les inconvénients du télétravail aient été plus marqués au cours de la pandémie, lorsque le télétravail a été obligatoire et que la vie des personnes a été limitée à de nombreux égards, lorsque le domicile a notamment dû servir d’espace commun à tous les membres de la famille pour travailler, étudier et vivre. Il est donc nécessaire d’adopter une vision qui ne se limite pas au court terme, mais qui porte surtout sur le long terme pour évaluer les effets du télétravail sur l’égalité entre les femmes et les hommes et sur le monde du travail, tout en ayant soin de veiller à garantir des conditions de travail normal durant le télétravail. En temps normal, le télétravail doit être effectué d’un commun accord et sur une base volontaire, toutes les modalités pratiques étant définies dans le cadre d’un accord contractuel et/ou par des conventions collectives.

2.7.

Le CESE saisit également l’occasion pour relier certains éléments de l’avis à la réalisation du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, et en particulier des objectifs de développement durable (ODD) 5 (égalité entre les femmes et les hommes) et 8 (travail décent et croissance économique). L’ODD 5 a notamment pour finalité de mettre fin à toutes les formes de discrimination et d’éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, de reconnaître et de valoriser les soins et les travaux domestiques non rémunérés, par l’apport de services publics, d’infrastructures et de politiques de protection sociale et la promotion du partage des responsabilités dans le ménage et la famille. Un autre objectif est d’améliorer l’utilisation des technologies génériques, en particulier les TIC, pour promouvoir l’émancipation des femmes. L’ODD 8 vise une croissance économique soutenue, inclusive et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous et inclut l’objectif d’accroître la productivité, notamment par la modernisation technologique et l’innovation.

3.   Enseignements tirés de la période de pandémie: la perspective de genre

3.1.

En ce qui concerne la dimension hommes-femmes du télétravail, des enseignements peuvent être tirés de la période de pandémie. La pandémie souligne l’importance du rôle des femmes dans l’économie — en tant que travailleuses essentielles du secteur des soins, qui se trouvaient la plupart du temps «en première ligne» (11). Des études révèlent (12) que de nombreuses inégalités structurelles entre les hommes et les femmes existant sur le marché du travail et au sein de la société ont été aggravées par la pandémie et que les femmes ont été touchées de manière disproportionnée. Ce point est axé sur certaines conclusions cruciales concernant le télétravail (principalement à domicile) au cours de la pandémie qui tiennent compte de la dimension de genre et peuvent dès lors être utilisées pour faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes.

3.2.

Bien que le télétravail ait été rendu obligatoire, dans la mesure du possible, pour tenter de lutter contre la pandémie, tous les travailleurs n’étaient pas en mesure de télétravailler. Le télétravail a été plus fréquent dans les villes que dans les zones rurales et parmi les personnes diplômées de l’enseignement supérieur. Il varie également d’un secteur à l’autre, avec un recours au télétravail plus important dans l’éducation, les services financiers et l’administration publique, et une fréquence moindre dans les secteurs de la santé, des transports, de l’agriculture, du commerce et de l’hôtellerie (13). Des recherches récentes fournissent des données sur les professions qui peuvent donner lieu au télétravail, mais une analyse plus approfondie est nécessaire (14). Il est également évident que certains emplois ne peuvent pas être effectués à distance, tandis que d’autres ne peuvent l’être que dans une mesure très limitée (15).

3.3.

Plus de femmes que d’hommes ont été en télétravail pendant la pandémie. Alors qu’au cours de la période, le temps de travail hebdomadaire a plus été réduit pour les hommes que pour les femmes, les femmes exerçant une activité professionnelle risquaient davantage de devoir temporairement cesser de travailler (mise en disponibilité). Une explication plausible est que ce sont les femmes et les mères qui travaillent qui ont pris en charge l’augmentation des responsabilités familiales au cours de la pandémie de COVID-19 en raison de la fermeture du lieu de travail, des écoles et des garderies d’enfants. Au sein des ménages dans lesquels les deux partenaires actifs pouvaient choisir d’interrompre leur activité, les femmes étaient plus susceptibles de profiter de la possibilité du chômage partiel que les partenaires masculins (16). Dans de nombreux États membres, l’offre restreinte des services de garde d’enfants et d’autres services d’accueil disponibles et le manque de flexibilité dans les structures d’accueil des enfants et autres durant la pandémie ont encore aggravé la situation des parents, touchant plus durement les femmes et les mères.

3.4.

Un quart des personnes travaillant à distance étaient des parents d’enfants de moins de 12 ans, dont 22 % ont éprouvé «beaucoup plus de difficultés que d’autres groupes à se concentrer sur le travail et à trouver un équilibre adéquat entre vie professionnelle et vie privée» (17). Ce sont surtout les femmes ayant des responsabilités familiales qui ont vu leur travail à domicile entravé par plusieurs facteurs, tels que le manque d’espace calme où le travail peut être effectué sans interruption, mais aussi le manque de temps disponible pour se consacrer au travail, et, d’autre part, la tendance à travailler plus longtemps, voire même à être connecté jour et nuit, et le non-respect des modalités de connexion et de déconnexion. Cette situation nécessite une meilleure application de la législation en vigueur dans ce domaine et un suivi plus étroit par les inspections du travail, ainsi qu’une évaluation de l’adéquation du cadre existant. Les parents isolés, dont 85 % sont des femmes dans l’UE, ont été particulièrement vulnérables, car la pandémie a détérioré un équilibre entre vie professionnelle et vie privée déjà fragile (18).

3.5.

Certains éléments indiquent également que les femmes qui travaillaient dans des secteurs exigeants et hautement qualifiés où existe une forte concurrence, comme les universitaires, ont été plus gravement touchées que leurs collègues masculins (19) parce que les soins non rémunérés et le travail domestique ont réduit leur capacité à être productives et ont encore davantage compromis leurs perspectives professionnelles. De même, les femmes entrepreneures qui dirigent des PME ont été confrontées à de lourdes contraintes de temps, en plus de graves problèmes financiers, dans leurs efforts pour soutenir leur entreprise pendant les périodes de confinement (20).

3.6.

La pandémie a également entraîné une augmentation alarmante de la violence à l’égard des femmes, tant physiquement qu’en ligne, les victimes de cette dernière forme de violence étant nettement plus coupées des ressources et des possibilités d’aide potentielles (21). La violence domestique a augmenté d’un tiers au cours de la pandémie, au cours de laquelle il était obligatoire de rester et de travailler, dans la mesure du possible, à son domicile, afin de réduire la propagation du virus (22). Il a également été prouvé que le télétravail avait entraîné une hausse des cas de harcèlement sexuel en ligne lié au travail.

4.   Avantages, risques et conditions du télétravail

4.1.

Pour tirer le meilleur parti du télétravail en vue de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il convient d’examiner de manière approfondie les avantages et risques qu’il peut présenter pour les femmes et les hommes. En l’absence d’une véritable analyse de la dimension hommes-femmes, des politiques qui semblent neutres du point de vue de l’égalité des sexes peuvent, en réalité, ignorer cette dimension et avoir une incidence négative sur les femmes.

4.2.

Parmi les avantages du télétravail on peut citer:

une plus grande souplesse dans l’organisation du temps de travail en général et, dans une certaine mesure, davantage de possibilités pour les individus de gérer les délais nécessaires pour atteindre les résultats escomptés;

une flexibilité accrue pour concilier les responsabilités familiales non rémunérées et un emploi rémunéré, ce qui peut améliorer la participation au marché du travail;

la possibilité de partager plus équitablement le temps consacré aux soins aux enfants ou aux membres de la famille à charge lorsque les deux parents télétravaillent;

une meilleure inclusion sur le marché du travail de ceux qui sont limités par des obstacles dans la société ou sur le lieu de travail, par exemple les personnes confrontées à des limitations dues à un handicap;

des gains de productivité grâce à de meilleures performances;

une meilleure adéquation géographique entre l’offre et la demande de main-d’œuvre sans qu’il soit nécessaire de s’installer dans un autre lieu; cela pourrait avoir pour effet d’inverser la répartition des emplois entre les villes et les régions urbaines (23);

la possibilité d’économiser du temps et de l’argent grâce à la suppression ou à la diminution des déplacements domicile-travail;

4.3.

Parallèlement, les risques suivants peuvent être associés au télétravail, et sont principalement liés aux difficultés concernant:

l’organisation de l’espace de travail à distance et la nécessité de se concentrer sur le travail, en particulier lorsque d’autres membres de la famille travaillent ou étudient depuis le domicile et lorsque le logement est trop petit pour permettre à chacun de disposer d’un espace de travail séparé;

l’accès à des installations de bureau adéquates, y compris à un mobilier et un équipement ergonomiques et à des équipements et programmes spécialisés ou adaptés, ainsi qu’à des formations;

le manque de contact personnel et d’esprit de collaboration entre collègues, et le risque de devenir «invisible» dans la sphère professionnelle;

l’aggravation du déséquilibre qui caractérise le partage des soins et du travail domestique fondé sur les stéréotypes en matière de travail et de rôles familiaux;

l’augmentation de la violence et du harcèlement fondés sur le genre, y compris le harcèlement en ligne, le manque de soutien social dans des situations d’isolement;

le manque d’exercice et l’interruption de la routine et des habitudes quotidiennes, ainsi que la pression exercée par la combinaison du travail avec des tâches domestiques et la nécessité d’éviter de brouiller les frontières entre le travail et la vie privée, qui peuvent engendrer des problèmes de santé mentale et physique, y compris davantage de cas d’épuisement professionnel;

un recours abusif aux nouvelles possibilités de surveillance et une utilisation frauduleuse des données à caractère personnel;

la difficile surveillance des conditions de travail lorsque l’on travaille à domicile, tant pour les employeurs que pour les syndicats;

la cybersécurité et les questions liées au règlement général sur la protection des données (RGPD);

le renforcement du contrôle social;

le risque de travailler plus longtemps et d’avoir des périodes de repos trop courtes en raison du non-respect des modalités de connexion et de déconnexion;

l’incapacité ou les difficultés des syndicats à protéger les droits des travailleurs;

l’incertitude quant à la responsabilité de l’employeur s’agissant de garantir la protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, les conditions de travail et la mise en œuvre des conventions collectives.

4.4.

Les conditions les plus concrètes de la mise en place du télétravail concernent la possibilité d’accéder au matériel et aux technologies nécessaires. Tout le monde ne profite pas de la connectivité croissante — certains groupes de femmes (notamment les femmes plus âgées, issues de groupes socio-économiques défavorisés, ou encore moins instruites) pâtissent d’un accès inégal à la connectivité et aux technologies numériques, ce qui contribue à la fracture numérique (24). Des politiques publiques fortes sont donc nécessaires pour permettre l’accès aux réseaux et à des espaces partagés locaux facilitant le télétravail en dehors du domicile. Le CESE souligne, conformément à l’accord-cadre des partenaires sociaux sur le télétravail et à la législation nationale pertinente, la nécessité d’éviter les situations dans lesquelles les personnes qui travaillent à distance supportent le coût des équipements nécessaires pour effectuer le travail à distance, à savoir les équipements TIC, le mobilier ergonomique, les mesures de santé et de sécurité et l’augmentation des coûts liés à l’espace dans lequel le travail est effectué.

4.5.

Les compétences et la formation dans le domaine du numérique sont une autre condition préalable importante pour le télétravail; dans ce domaine, les hommes sont le plus souvent mieux placés que les femmes puisque dans six États membres seulement, les femmes obtiennent un score supérieur à celui des hommes en ce qui concerne les compétences en ligne (la Finlande, la Slovénie, la Lituanie, la Lettonie, Chypre et la Bulgarie) (25). La fracture entre les hommes et les femmes en matière de compétences numériques se creuse avec l’âge. Ces différences doivent également être prises en compte lors de l’évaluation de la dimension hommes-femmes du télétravail.

4.6.

Outre les compétences numériques, le télétravail requiert des compétences pour adopter des méthodes de gestion et de travail évolutives, ce qui implique des difficultés tant pour les salariés que pour les employeurs, notamment pour les PME. Pour diriger à distance des entreprises et du personnel, on a besoin de compétences de gestion spécifiques et il faut faire preuve de flexibilité, de résilience tout en optant pour des méthodes innovantes d’organisation du travail, étant donné que le télétravail requiert une gestion axée sur les résultats plutôt que sur les processus. Une formation spécifique devrait être dispensée pour aider les cadres/responsables à gérer efficacement les travailleurs à distance.

4.7.

Pour les travailleurs, une flexibilité et une liberté accrues dans l’organisation de leur travail exigent également un solide sens des responsabilités et de l’engagement, ainsi que des compétences d’autogestion et une relation de confiance avec les personnes qui les encadrent. Plusieurs études ont montré que le télétravail pourrait être, dans certains secteurs, une source de gains de productivité, que l’on pourra mieux mettre à profit en dispensant une formation spéciale au personnel d’encadrement. Il peut accroître les exigences que les employés appliquent à leur propre travail et générer davantage de performances.

4.8.

Les personnes qui pratiquent le télétravail devraient bénéficier d’un accès égal à la formation et au perfectionnement professionnel continu et des mêmes possibilités de promotion et d’avancement professionnel. Cela s’avère particulièrement important pour les femmes travaillant à distance qui peuvent avoir moins de temps et de possibilités de prendre part à des activités de progression de carrière en dehors des horaires de travail.

4.9.

Si le matériel et les compétences nécessaires étaient à la disposition de tous, le télétravail en tant que tel serait une forme de travail disponible et accessible tant pour les hommes que pour les femmes. Il est donc essentiel, pour utiliser au mieux le télétravail, de disposer de services publics de soins de qualité, abordables, accessibles et diversifiés. Dans certains États membres, il existe des aides financières et des incitations fiscales spécifiques pour promouvoir l’accueil des enfants, y compris à domicile, par des professionnels qualifiés, ce qui mérite d’être évalué.

4.10.

Si le télétravail peut accroître la demande pour certains services, il peut entraîner une détérioration de la situation de certaines PME, où l’entrepreneuriat féminin est prédominant et dont les principaux clients sont les femmes qui se rendent au travail ou en reviennent. C’est le cas, par exemple, des petits magasins de produits alimentaires et autres, des marchés et des centres de services. Pour atténuer ce risque, il faudrait rompre avec les stéréotypes qui marquent les choix de profession. Il en va de même pour l’atténuation des différences de possibilités de télétravail entre les femmes et les hommes dues à la ségrégation sectorielle et aux possibilités de télétravailler qui varient selon les secteurs.

5.   Comment intégrer la question de l’égalité entre les hommes et les femmes

5.1.

S’il appartient aux employeurs de décider de l’organisation du travail, les partenaires sociaux peuvent jouer, par exemple grâce aux négociations collectives, un rôle important dans la promotion d’un télétravail qui contribue à l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu’à l’augmentation de la productivité et du bien-être au travail. L’accord-cadre sur le télétravail conclu par les partenaires sociaux de l’UE en 2002 et mis en œuvre depuis 2008 par tous les États membres (26) définit le cadre général de l’acquis relatif à l’utilisation du télétravail en vue de répondre de manière équilibrée aux besoins des employeurs et des travailleurs. Le dialogue social est un moyen essentiel de gérer des enjeux tels que les salaires, les horaires de travail, les modalités de connexion, la santé et la sécurité, ainsi que le développement des compétences dans le cadre du télétravail. Le CESE plaide également en faveur de la diffusion des meilleures pratiques permettant aux femmes et aux hommes de combiner le travail et la vie de famille de manière égale et de promouvoir et de financer des actions conjointes des partenaires sociaux.

5.2.

Étant donné que le télétravail repose sur les infrastructures technologiques et les connexions, le CESE estime qu’il est de la plus haute importance d’investir dans des infrastructures numériques appropriées, de fournir accès à des connexions numériques stables et à du matériel et des logiciels appropriés afin de permettre un télétravail efficace à toutes les catégories de la société et d’éviter les problèmes dans tous les autres domaines de la numérisation de l’économie et de la société.

5.3.

Le CESE réitère son appel en faveur d’un renforcement des compétences numériques pour tous afin de permettre aux citoyens de réagir au développement numérique et de le façonner, tout en tirant pleinement parti des possibilités offertes par l’apprentissage en ligne. La question est celle de l’éducation formelle, informelle et non formelle et de sa validation, ce qui couvre l’éducation de base et le perfectionnement ainsi que la requalification, conformément à l’approche de l’apprentissage continu et de l’apprentissage tout au long de la vie. Une attention particulière doit être accordée aux compétences des femmes afin de leur permettre également de participer pleinement aux marchés du travail et de gérer au quotidien des aspects pratiques ayant trait au numérique.

5.4.

Le CESE insiste sur la nécessité d’un «accord sur les soins pour l’Europe», car investir dans le secteur des soins permettrait de fournir des services de meilleure qualité à tous, tout au long de la vie, et de reconnaître l’égalité entre les femmes et les hommes pour ce qui est de gagner de l’argent et de s’occuper de la famille. Il encourage les États membres à investir dans des infrastructures de soins de tous types. Les plans nationaux pour la reprise et la résilience adoptés au titre de l’instrument Next Generation EU offrent la possibilité d’orienter les investissements vers le secteur des soins. Le CESE plaide également en faveur de la diffusion des meilleures pratiques permettant aux femmes et aux hommes de combiner le travail et la vie de famille de manière égale et de promouvoir et de financer des actions conjointes des partenaires sociaux. Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à réviser les objectifs de Barcelone (27) afin de garantir la disponibilité de services de garde d’enfants de qualité, flexibles, diversifiés et abordables (28). Il souligne en outre l’importance de la transition des soins en institution vers des services de proximité et centrés sur la personne pour les enfants et adultes vulnérables ayant des besoins spécifiques, comme indiqué dans les lignes directrices européennes communes publiées par la Commission européenne (29).

5.5.

Le CESE encourage les États membres à mettre en œuvre la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée de manière efficace et en temps utile afin d’offrir aux familles des options appropriées pour mieux mettre en pratique l’égalité, tout en tenant compte des besoins des entreprises, en particulier des PME. Les petites entreprises, dont l’activité repose, par définition, sur le travail d’une petite équipe, doivent, encore plus que les autres, bénéficier de la continuité et de la stabilité de leur organisation de production. Sur la base des enseignements tirés jusqu’à présent, des mécanismes flexibles permettant de combiner le travail en présentiel et les possibilités de télétravail peuvent être envisagés.

5.6.

Il convient d’accorder une attention particulière à la situation des groupes vulnérables de femmes, tels que les femmes handicapées, les mères seules, les femmes âgées, les migrantes, et les femmes roms. Les organisations de femmes et celles représentant les familles doivent être soutenues, y compris par des mesures ciblées, financées par des fonds européens et nationaux.

5.7.

L’éventail complet des services de soutien devrait être introduit en cas de situations violentes (la violence domestique ayant considérablement augmenté suite aux mesures de confinement prises pendant la pandémie (30)), tout en veillant au respect de la législation luttant contre les violences. Le CESE invite instamment les États membres à élaborer et à mettre en œuvre des mesures visant à prévenir toute forme de violence à l’égard des femmes, qu’elle soit physique ou en ligne. Des mesures plus vigoureuses sont nécessaires pour lutter contre la violence et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, y compris dans le cadre du télétravail. Si elles ne disposent pas d’un lieu de travail «sûr» (en raison, par exemple, du télétravail), les victimes de violences domestiques ne bénéficient d’aucun contrôle social et n’ont qu’un accès limité ou inexistant aux informations et à l’aide nécessaires (31). Il y a lieu d’encourager et de soutenir les partenaires sociaux afin qu’ils élaborent des politiques de prévention de la violence domestique, y compris au moyen d’actions communes spéciales et en proposant des systèmes adéquats de suivi et de compte rendu, y compris, et en particulier, lorsque le travail est effectué à distance (32). Le CESE accueille favorablement la proposition de décision du Conseil, présentée par la Commission européenne, autorisant les États membres à ratifier, dans l’intérêt de l’UE, la convention (no 190) sur la violence et le harcèlement adoptée en 2019 par l’OIT. Il encourage les États membres à ratifier rapidement cette convention (33), tout en invitant l’UE à engager les pays tiers à faire de même. Le CESE note que le Conseil a invité les États membres qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la convention d’Istanbul et se félicite de l’intention de la Commission, telle que présentée dans le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, de proposer une législation visant à lutter contre la violence à caractère sexiste à l’égard des femmes, y compris le harcèlement fondé sur le genre commis sur le lieu de travail.

5.8.

Bien que le télétravail ne soit pas une nouvelle forme de travail, de nombreuses implications inconnues doivent encore faire l’objet de recherches supplémentaires. Il serait par exemple utile d’examiner ses incidences et conditions préalables dans un contexte qui n’est pas dominé par la pandémie et en tenant compte des évolutions à plus long terme dans différents secteurs de l’économie et de la société. Étant donné que les innovations technologiques et sociales de conception universelle sont essentielles pour tirer le meilleur parti du télétravail tout en résolvant les problèmes liés à l’égalité entre les hommes et les femmes, le CESE demande que ces questions soient intégrées dans les politiques de recherche-développement-innovation, et ce aux niveaux national et européen. Il convient également de recueillir et de partager des exemples pertinents de bonnes pratiques dans l’ensemble de l’UE afin d’encourager des solutions avancées.

5.9.

Les investissements dans des infrastructures techniques, sociales et d’innovation de conception universelle étant des éléments centraux dans les budgets des États, la bonne répartition des fonds peut jouer un rôle déterminant dans la promotion du télétravail sur un pied d’égalité entre les hommes et les femmes. Les fonds de l’UE, y compris les Fonds structurels et la facilité pour la reprise et la résilience, devraient également être utilisés pour soutenir cet objectif.

5.10.

La connectivité est un phénomène sociétal. Des pratiques doivent être mises au point au niveau du lieu de travail, par exemple en mettant en œuvre des outils tels que l’accord des partenaires sociaux sur la numérisation, en tenant également compte du fait que l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) prépare actuellement une campagne européenne «Lieux de travail sains» dédiée à la numérisation, qui sera lancée en 2023.

5.11.

Le CESE fait en outre référence à l’accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur la numérisation (34) et invite la Commission européenne à consacrer un soutien financier spécial à des actions conjointes ciblées des partenaires sociaux, ainsi qu’à un soutien aux organisations de la société civile qui contribuent à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. L’accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur la numérisation décrit les moyens de traiter les problèmes liés à la connexion et à la déconnexion dans les environnements de travail numérisés, y compris les causes sous-jacentes de la surconnexion et des fortes amplitudes horaires au travail, et il existe probablement un large éventail d’exemples nationaux illustrant la manière de mettre en œuvre cet accord, parmi lesquels des accords sectoriels, des accords d’entreprise ou des documents d’orientation.

5.12.

S’agissant des approches nationales en matière de connexion et de déconnexion, la France, la Belgique, l’Italie et l’Espagne ont adopté des lois sur le droit à la déconnexion afin de clarifier les droits, de sensibiliser à la nécessité de modifier les modèles de temps de travail, voire même d’encourager une évolution culturelle vers une organisation du travail plus respectueuse de la santé. Aux Pays-Bas et au Portugal, des propositions législatives ont été présentées. En Allemagne, en Finlande, en Irlande, au Luxembourg, en Lituanie, à Malte, en Suède et en Slovénie, le débat est en cours, tandis que les treize autres États membres n’ont pas entamé une telle discussion. Le Parlement européen a récemment voté une résolution sur le droit à la déconnexion, dans laquelle il invite la Commission à proposer une loi permettant aux personnes qui travaillent numériquement de se déconnecter en dehors de leurs heures de travail, et d’établir des exigences minimales pour le travail à distance tout en clarifiant les conditions de travail, les heures et les périodes de repos (35). Les points de vue divergent quant à savoir s’il est nécessaire de légiférer, ou si les dispositions existantes suffisent et s’il convient d’adopter une approche fondée uniquement sur la négociation collective. Malgré les divergences de vues, les partenaires sociaux s’accordent assez largement sur le fait que les «modalités de connexion et de déconnexion» doivent être déterminées et convenues dans le cadre du dialogue social au niveau des entreprises (et/ou au niveau sectoriel) afin de s’assurer qu’elles soient adaptées aux besoins spécifiques des secteurs, des entreprises et des autres organisations, tout en tenant compte des besoins des travailleurs, en particulier de leur santé et de leur sécurité.

5.13.

En outre, les décideurs politiques doivent consulter les partenaires sociaux lors de l’élaboration des politiques liées au travail et à l’emploi, y compris celles qui influencent le télétravail, et leurs incidences en matière d’égalité des genres. Le CESE souligne que les questions d’égalité entre les hommes et les femmes devraient être intégrées dans tous les domaines d’action. Étant donné que le télétravail est également lié à la vie quotidienne des citoyens, ainsi qu’aux politiques environnementales et climatiques, les organisations de la société civile concernées dans des domaines tels que la condition des femmes, la famille, les consommateurs et l’environnement devraient avoir leur mot à dire dans l’élaboration des politiques.

5.14.

Afin d’encourager le secteur privé et de lui permettre d’innover et d’investir dans de nouvelles méthodes, ainsi que de créer de nouveaux emplois d’une matière qui favorise les conditions préalables nécessaires au télétravail sur un pied d’égalité entre les hommes et les femmes, il est essentiel que l’UE mette en place des conditions favorables à l’entrepreneuriat et à l’activité économique. La bonne gestion du télétravail nécessite également une coopération étroite et harmonieuse entre le secteur public et le secteur privé sur le plan pratique. Cela vaut, par exemple, dans les domaines des infrastructures numériques, de l’éducation et de la formation, des services sociaux et de santé, ainsi que de la recherche et de l’innovation.

5.15.

En outre, les individus et les familles doivent adopter un nouvel état d’esprit. Réduire et briser la pensée stéréotypée exige une prise de conscience et un engagement accrus. Il convient également de promouvoir activement une culture organisationnelle qui garantisse la sensibilisation aux questions de l’égalité entre les hommes et les femmes, comme les principes d’égalité de rémunération, la «visibilité» de chacun, etc., ainsi que d’aider les membres du personnel d’encadrement à élaborer et à mettre en œuvre des pratiques favorables au télétravail. Cette démarche devrait être renforcée, par exemple dans le contexte de la mise en œuvre de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, au moyen de campagnes de sensibilisation. Le CESE encourage les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à jouer un rôle central à cet égard en prônant à la fois les rôles familiaux non stéréotypés et les choix dénués de stéréotypes en matière d’études, de professions et d’emplois. L’égalité entre les femmes et les hommes doit en outre être intégrée dans l’enseignement, depuis la maternelle et l’école primaire jusqu’à la formation professionnelle et l’université.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Rapport d’Eurofound intitulé «Living, working and COVID-19» (Vivre, travailler et COVID-19). Par rapport à l’année 2018, où moins de 5 % des salariés travaillaient régulièrement à distance et moins de 10 % occasionnellement, comme l’a indiqué la Commission en 2020.

(2)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_20_357

(3)  Accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation de 2020 et accord-cadre sur le télétravail de 2002, et rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre de l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur le télétravail, COM(2008) 412 final — http://erc-online.eu/european-social-dialogue/database-european-social-dialogue-texts/

(4)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 8

(5)  http://erc-online.eu/european-social-dialogue/database-european-social-dialogue-texts/ et http://resourcecentre.etuc.org/

(6)  Rapport d’Eurofound intitulé «Living, working and COVID-19» (Vivre, travailler et COVID-19).

(7)  EPRS: Gender equality: a review in progress (Égalité entre les femmes et les hommes: une analyse en cours) — les Nations unies mettent désormais en garde contre le fait que la pandémie de COVID-19 pourrait inverser les avancées mondiales en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, juste au moment où la communauté internationale allait donner un nouvel élan dans ce domaine.

(8)  Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.

(9)  Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.

(10)  Documents de l’UNAPL, de la FEPIME Catalunya et de l’AFAEMME.

(11)  https://data.unwomen.org/features/covid-19-and-gender-what-do-we-know-what-do-we-need-know

(12)  Service de recherche du Parlement européen, «Parvenir à l’égalité des sexes malgré la pandémie et les défis actuels»: https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/659440/EPRS_ATA(2021)659440_FR.pdf https://eige.europa.eu/topics/health/covid-19-and-gender-equality

(13)  Eurofound, 2020. Vivre, travailler et COVID-19.

(14)  Enquête en ligne, groupe COVID, enquête sur la structure des salaires. Eurofound (2020) «Teleworkability and the COVID-19 crisis: a new digital divide?» (Capacité de télétravail et crise de la COVID-19: une nouvelle fracture numérique?).

(15)  D’une manière générale, près de 37 % des emplois dans l’UE peuvent être exercés en télétravail (voir les données d’Eurofound).

(16)  Eurofound (2021), COVID-19: Some implications for employment and working life («COVID-19: quelques implications pour l’emploi et la vie professionnelle»), Office des publications, Luxembourg — publication à venir.

(17)  Eurofound, 2020. «Vivre, travailler et COVID-19».

(18)  Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.

(19)  https://www.nature.com/articles/d41586-020-01294-9

(20)  Documents de l’UNAPL, de la FEPIME Catalunya et de l’AFAEMME.

(21)  https://www.opendemocracy.net/en/5050/covid19-sexual-harassment-work-online/

(22)  https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20200406IPR76610/covid-19-stop-a-la-hausse-des-violences-domestiques-pendant-le-confinement

(23)  https://ec.europa.eu/commission/commissioners/2019-2024/suica/announcements/speech-vice-president-suica-demographic-change-eu-epc_en, https://horizon-magazine.eu/article/teleworking-here-stay-here-s-what-it-means-future-work.html

(24)  https://www.oecd.org/going-digital/bridging-the-digital-gender-divide-key-messages.pdf

(25)  Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.

(26)  http://erc-online.eu/european-social-dialogue/database-european-social-dialogue-texts/.

(27)  Conformément à la nouvelle «Stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025».

(28)  24 novembre 2020, déclaration conjointe des partenaires sociaux européens sur les dispositions en matière de garde d’enfants dans l’UE.

(29)  https://deinstitutionalisationdotcom.files.wordpress.com/2017/07/guidelines-final-english.pdf/.

(30)  https://unric.org/en/who-warns-of-surge-of-domestic-violence-as-covid-19-cases-decrease-in-europe/; https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20200406IPR76610/covid-19-stop-a-la-hausse-des-violences-domestiques-pendant-le-confinement

(31)  Dans sa publication intitulée «Brief no 3 — Domestic violence and its impact on the world of work» (Les violences domestiques et leur impact sur le monde du travail) parue en mars 2020, l’OIT révèle le coût élevé que représentent les violences domestiques pour les économies nationales. https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---gender/documents/briefingnote/wcms_738117.pdf

(32)  Pour un modèle de bonne pratique, voir: Vodafone, Toolkit on domestic violence and abuse at work: Recognise, respond and refer (Manuel de la fondation Vodafone sur les violences domestiques et le harcèlement sur le lieu de travail: reconnaître, répondre et demander conseil): https://www.vodafone.com/content/dam/vodcom/files/vodafone_domestic_violence_toolkit_2020.pdf

(33)  https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2020/FR/COM-2020-24-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF

(34)  https://www.ceep.eu/wp-content/uploads/2020/06/Final-22-06-20_Agreement-on-Digitalisation-2020.pdf

(35)  https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20210114IPR95618/le-droit-a-la-deconnexion-devrait-etre-un-droit-fondamental-selon-les-deputes, 472 voix pour, 126 voix contre et 83 abstentions.


ANNEXE

Les propositions d’amendements suivantes, qui ont recueilli plus d’un quart des suffrages exprimés, ont été rejetées au cours des débats (conformément à l’article 59, paragraphe 3, du règlement intérieur):

Paragraphe 4.3 (13e tiret)

Supprimer cet alinéa:

 

4.3.

Parallèlement, les risques suivants peuvent être associés au télétravail, et sont principalement liés aux difficultés concernant:

[…]

l’incertitude quant à la responsabilité de l’employeur s’agissant de garantir la protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, les conditions de travail et la mise en œuvre des conventions collectives.

Exposé des motifs

L’acquis de l’UE contient des dispositions détaillées et complètes qui garantissent la santé et la sécurité sur le lieu de travail dans le cadre du télétravail, incluant des droits et obligations explicites. Aucune preuve ni même aucune indication de telles incertitudes n’a été constatée lors du processus d’élaboration de l’avis.

Résultat du vote:

Voix pour:

103

Voix contre:

112

Abstentions:

25

Paragraphe 1.4

Modifier comme suit:

 

1.4.

Le CESE prend note du estime que le cadre juridique et complémentaire qui régit actuellement le télétravail est pertinent et suffisant. Il s’agit notamment de la directive sur le temps de travail, de la directive sur la sécurité et la santé des travailleurs au travail, de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et des accords-cadres autonomes sur le télétravail de 2002, mis en œuvre dans des États membres par le biais de divers instruments, et sur la numérisation de 2020 conclus par les partenaires sociaux européens. Le CESE demande leur mise en œuvre rapide et efficace; il convient de leur donner un nouvel élan, y compris en encourageant la négociation collective au niveau national, de manière à produire un effet positif sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Le Comité fait par ailleurs observer qu’il n’existe pas de cadre européen consolidé en matière de télétravail. Le Parlement européen a indiqué qu’il «est nécessaire de mettre en place un cadre législatif visant à réglementer les modalités de télétravail dans l’ensemble de l’Union pour garantir des conditions de travail et d’emploi décentes au sein de l’économie numérique, contribuant ainsi à réduire les inégalités et à s’attaquer à la question de la pauvreté des travailleurs». Le CESE recommande dès lors de procéder à une évaluation des règles existantes afin de déterminer leur efficacité à la lumière de l’expansion rapide du télétravail, de la sensibilisation aux nouveaux risques et des enseignements tirés. Il encourage en particulier les partenaires sociaux à revoir l’accord-cadre de 2002 sur le télétravail et à lui imprimer un nouvel élan.

Exposé des motifs

L’amendement proposé rend le texte plus précis et plus clair et l’adapte au champ d’application de l’avis.

Résultat du vote:

Voix pour:

109

Voix contre:

112

Abstentions:

18

Paragraphe 1.8

Supprimer:

 

1.8.

Le télétravail risque de rendre le travailleur invisible pour la communauté du travail et de le priver des structures de soutien formelles et informelles, des contacts personnels avec ses collègues et de l’accès aux informations. Le télétravailleur est dès lors susceptible de ne pas être pris en compte concernant les possibilités de promotion et de formation et de ne pas disposer d’informations importantes sur les salaires et les droits des travailleurs en vigueur. Pour les femmes, cette situation peut exacerber les inégalités existantes entre les sexes, telles que l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. La proposition de directive sur la transparence salariale, publiée par la Commission européenne le 4 mars 2021, pourrait constituer un moyen important de remédier au manque d’informations dû à l’invisibilité.

Exposé des motifs

L’amendement proposé rend le texte plus précis et plus clair, étant donné que les éléments de ce paragraphe figurent déjà à la fois dans les conclusions et les recommandations et dans le corps de l’avis.

Résultat du vote:

Voix pour:

113

Voix contre:

125

Abstentions:

13

Les paragraphes suivants de l’avis de section ont été modifiés pour refléter l’amendement adopté par l’Assemblée bien que plus d’un quart des suffrages exprimés aient été en faveur du texte sous sa forme originale (article 59, paragraphe 4, du règlement intérieur):

Paragraphe 3.4

Modifier comme suit:

 

3.4.

Un quart des personnes travaillant à distance étaient des parents d’enfants de moins de 12 ans, dont 22 % ont éprouvé «beaucoup plus de difficultés que d’autres groupes à se concentrer sur le travail et à trouver un équilibre adéquat entre vie professionnelle et vie privée» (17). Ce sont surtout les femmes ayant des responsabilités familiales qui ont vu leur travail à domicile entravé par plusieurs facteurs, tels que le manque d’espace calme où le travail peut être effectué sans interruption, mais aussi le manque de temps disponible pour se consacrer au travail, et, d’autre part, la tendance à travailler plus longtemps, voire même à être connecté jour et nuit, et le non-respect des modalités de connexion et de déconnexion, ce qui nécessite une meilleure application de la législation en vigueur dans ce domaine et un suivi plus étroit par les inspections du travail. Les parents isolés, dont 85 % sont des femmes dans l’UE, ont été particulièrement vulnérables, car la pandémie a détérioré un équilibre entre vie professionnelle et vie privée déjà fragile (18).

Résultat du vote:

Voix pour:

120

Voix contre:

111

Abstentions:

15

Paragraphe 4.3 (12e tiret)

Modifier comme suit:

 

4.3.

Parallèlement, les risques suivants peuvent être associés au télétravail, et sont principalement liés aux difficultés concernant:

[…]

la difficulté de joindre les représentants syndicaux;

[…].

Résultat du vote:

Voix pour:

124

Voix contre:

113

Abstentions:

11


(17)  Eurofound, 2020. «Vivre, travailler et COVID-19».

(18)  Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/26


Avis du Comité économique et social européen sur «L’espace ferroviaire unique européen»

[avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise]

(2021/C 220/03)

Rapporteur:

Stefan BACK

Consultation

Présidence portugaise du Conseil de l’UE, 26.10.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

9.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

149/68/10

1.   Conclusions et recommandations

Concernant les questions soulevées par la présidence portugaise

1.1.

Le CESE note que si de nombreux progrès ont été accomplis dans les domaines de l’ouverture des marchés et de l’harmonisation technique au cours de trois décennies de libéralisation, il reste beaucoup à faire aux niveaux politique, réglementaire et culturel. Les mesures doivent accorder une plus grande attention au développement, à l’adaptation et à la mise en œuvre efficace de la législation sociale. Elles doivent viser l’augmentation de la part de marché prévue dans la stratégie de mobilité durable et intelligente de la Commission et l’amélioration de la durabilité sociale et environnementale.

1.2.

Des mesures sont nécessaires pour faciliter les opérations transfrontalières en réduisant la nécessité de procéder à des vérifications aux frontières et en éliminant les problèmes administratifs et les retards aux points de passage frontaliers.

1.3.

Les priorités en matière de planification du trafic, la planification des capacités et l’information doivent être améliorées afin de permettre à la fois une flexibilité accrue et une planification optimisée des capacités, tant en ce qui concerne les infrastructures ferroviaires que, par exemple, les terminaux, de manière à optimiser les flux multimodaux.

1.4.

Pour améliorer la fluidité des flux de trafic, et optimiser l’utilisation des ressources et garantir l’emploi, il y a lieu de procéder à des investissements dans les infrastructures, mais aussi dans la numérisation et la mise à jour du matériel roulant, par exemple en déployant le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERMTS) et en mettant en place des systèmes de couplage automatisé. Il convient notamment d’investir dans des projets soutenant une transition juste et le développement des compétences.

1.5.

Pour améliorer le trafic de fret ferroviaire, le CESE recommande des mesures supplémentaires, telles que la coopération entre les entreprises et les modes de transport pour de meilleurs résultats en matière de durabilité sociale et environnementale et une meilleure efficacité, la relance d’un système européen de transport de marchandises par wagons isolés, le renforcement du lien entre les infrastructures stratégiques (par exemple, les ports) et les solutions ferroviaires, la réalisation d’investissements dans les embranchements privés et la participation des grandes entreprises logistiques à une réorientation modale de leurs flux, de manière à garantir que tous les modes de transport atteignent des résultats exemplaires sur les plans environnemental et social.

1.6.

En ce qui concerne la dette publique, le CESE recommande une exception aux critères de Maastricht pour les investissements publics dans les infrastructures de transport, également au-delà de la crise de la COVID-19. Il convient d’intensifier les efforts visant à encourager les investissements dans le secteur ferroviaire, afin de promouvoir des transports durables sur les plans social et environnemental.

1.7.

Le développement des infrastructures, notamment la mise en œuvre en temps utile des corridors du réseau central RTE-T et des corridors du réseau de fret, est essentiel et mérite de se voir accorder la plus haute priorité en matière de financement et de planification. En vue du développement du réseau ferroviaire de l’UE après 2030, il est particulièrement important d’œuvrer à la mise en place d’un réseau à grande vitesse reliant toutes les capitales et les grandes villes de l’Union.

1.8.

Le CESE souligne que des travailleurs qualifiés et motivés et de bonnes conditions de travail revêtent une importance capitale pour une évolution réussie du transport ferroviaire. Il est donc important qu’une législation sociale adéquate soit en place, y compris en ce qui concerne le détachement de personnel ferroviaire. Le CESE insiste à cet égard sur l’importance d’un dialogue social efficace.

1.9.

Les enseignements tirés de la crise de la COVID-19 doivent être mis à profit pour développer un système ferroviaire plus résilient et plus efficace. La planification de la résilience doit se faire en étroite concertation avec les partenaires sociaux.

1.10.

Le statut du gestionnaire de l’infrastructure initialement prévu a sans aucun doute contribué à garantir une répartition indépendante, équitable et non discriminatoire des capacités d’infrastructure de même qu’il a amélioré la confiance des opérateurs dans un traitement équitable. Toutefois, les modifications ultérieures apportées au cadre réglementaire dans la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil (1) offrent un choix plus large en ce qui concerne le modèle organisationnel, en mettant l’accent sur l’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure dans les fonctions dites «essentielles» (répartition des créneaux horaires, tarification et perception des redevances) et sur la transparence assurée par des comptes séparés. Les dispositions actuelles sont parfaitement appropriées pour garantir l’indépendance et la transparence requises pour le bon fonctionnement du marché intérieur.

1.11.

Le CESE fait observer que les systèmes ferroviaires intégrés sont tout autant à même de garantir une répartition équitable que les systèmes non intégrés. Le Comité attire l’attention sur le fait que de nombreux grands pays ferroviaires européens performants ont tranché en faveur des entreprises ferroviaires intégrées pour assurer des synergies, une meilleure coordination, la flexibilité et la mise en place d’un marché intérieur du travail pour préserver l’emploi.

1.12.

Le mécanisme de coordination entre les gestionnaires de l’infrastructure et les opérateurs ferroviaires, ainsi que le réseau européen des gestionnaires de l’infrastructure sont des éléments de première importance pour contribuer à l’obtention d’une efficacité optimale.

Autres conclusions

1.13.

Les gestionnaires de l’infrastructure doivent se concentrer davantage sur les goulets d’étranglement, les zones urbaines, les liaisons transfrontalières et la coopération.

1.14.

La possibilité d’une gestion coordonnée du trafic et des ressources au niveau des corridors ou de l’UE est intéressante et doit être étudiée en tant qu’élément, par exemple, de la mise en œuvre du corridor de fret ferroviaire ou dans le cadre des corridors du réseau central RTE-T.

1.15.

Le CESE se demande si le rail n’a pas besoin d’un changement de culture et d’une approche beaucoup plus axée sur la prise en compte des besoins des clients, tant en ce qui concerne le transport de passagers que le transport de marchandises. L’Année européenne du rail 2021 devrait être l’occasion de promouvoir ce changement de comportement, de développer une coopération plus fluide entre les opérateurs et les clients et d’optimiser l’utilisation des possibilités offertes par la numérisation.

1.16.

Le CESE note que la COVID-19 a retardé ou bloqué des projets. Il importe à présent de rattraper le temps perdu.

1.17.

Il semble clair que les besoins actuels en matière de mesures politiques et d’amélioration du système ferroviaire devraient être pris en compte pour atteindre les objectifs de part modale et afin que le rail puisse jouer son rôle dans le cadre d’un système européen de transport multimodal durable. Les aides d’État et autres interventions de celui-ci demeurent cruciales pour garantir des services essentiels également au-delà de la crise de la COVID-19.

1.18.

L’impact de la COVID-19 est préjudiciable à tous les types de trafic ferroviaire de voyageurs, et en particulier aux liaisons internationales. Compte tenu des spécificités du secteur ferroviaire, des pertes de recettes de 2020, qui s’élèvent à 26 milliards d’euros, des pertes de 2021 ainsi que de la lenteur attendue de la reprise, un soutien financier adéquat et flexible aux entreprises ferroviaires et aux gestionnaires de l’infrastructure est nécessaire et doit être déployé de manière efficace pour soutenir le développement du marché du transport ferroviaire et la compétitivité du secteur par rapport aux autres modes de transport.

1.19.

Les contrats de service public sont essentiels pour assurer des services de transport de voyageurs accessibles, abordables et inclusifs pour tous. Le CESE considère que l’attribution directe de contrats de service public est l’une des mesures les plus efficaces et efficientes pour promouvoir le transport ferroviaire de voyageurs.

1.20.

L’Année européenne du rail 2021 offre une excellente occasion de faire le point sur l’évolution de la situation à ce jour et de fixer des objectifs pour l’avenir. Par conséquent, le CESE demande que soit réalisée une analyse impartiale de la politique ferroviaire de l’UE et de ses réalisations, conformément au mandat défini au paragraphe 7.2 et aux objectifs de la politique des transports énoncés aux articles 90 et 91 du TFUE, en tenant dûment compte du droit à un service public adéquat en cas de défaillance du marché, conformément au règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil (2), à l’article 14 et au protocole no 26 du TFUE et à l’article 36 de la charte des droits fondamentaux de l’UE.

2.   Observations générales/Questions de la présidence portugaise

2.1.

La présidence a souhaité que l’avis se concentre sur les trois questions suivantes:

2.2.

Quels enseignements peut-on tirer de trois décennies de tentatives de libéralisation du secteur ferroviaire dans les pays de l’UE (et au Royaume-Uni)?

2.3.

Le dégroupage du système ferroviaire a-t-il entraîné dans l’ensemble une amélioration ou une dégradation de ses performances?

2.4.

Le dégroupage entre les gestionnaires d’infrastructures et les opérateurs ferroviaires devrait-il suivre un modèle unique, ou convient-il de promouvoir une pluralité de modèles?

3.   L’espace ferroviaire unique européen

3.1.

L’espace ferroviaire unique européen a été présenté dans le livre blanc de 1996 intitulé: «Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires». Il a été mis en œuvre au moyen de quatre paquets législatifs adoptés en 2001, 2004, 2007 et 2016. La part modale du transport ferroviaire de marchandises (dans le transport terrestre) était de 17,5 % en 2001, 17,0 % en 2006 et 17,9 % en 2018. Celle du transport ferroviaire de voyageurs a évolué comme suit: 6,6 % en 2007, 6,6 % en 2010 et 6,9 % en 2018 (tous modes de transport de passagers confondus) En ne prenant en considération que le transport terrestre, cette dernière part modale équivalait à 6,9 % en 2007, 7,0 % en 2011 et 7,9 % en 2018 (3). Alors que le cadre législatif en vigueur était le même partout, les évolutions ont été différentes d’un État membre à l’autre.

3.2.

En substance, ces trains de mesures ont ouvert les marchés nationaux et internationaux du transport de voyageurs et de marchandises et incluent l’harmonisation technique, avec notamment des exigences relatives aux infrastructures et au matériel roulant concernant entre autres le système européen commun de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), qui doit être utilisé principalement sur le réseau RTE-T.

3.3.

Le cadre garantit l’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure en ce qui a trait aux fonctions essentielles comme l’attribution des créneaux horaires et les dispositions relatives aux comptes distincts pour le gestionnaire de l’infrastructure.

3.4.

Le cadre législatif comprend également la directive 2007/59/CE du Parlement européen et du Conseil (4) relative à la certification des compétences et des aptitudes médicales des conducteurs de train, y compris les qualifications linguistiques dans les transports internationaux, et la directive 2005/47/CE du Conseil (5) relative aux conditions d’utilisation des travailleurs mobiles effectuant des services d’interopérabilité transfrontalière dans le secteur ferroviaire, toutes deux fondées sur des accords conclus par les partenaires sociaux européens conformément à l’article 155 du TFUE.

3.5.

Le cadre prévoit également un mécanisme national de coordination entre les gestionnaires de l’infrastructure et les opérateurs en ce qui concerne les objectifs en matière d’entretien et de capacité de l’infrastructure, l’intermodalité et l’interopérabilité, l’accès à l’infrastructure et son utilisation, ainsi que l’intramodalité et la qualité du service. Un réseau européen des gestionnaires d’infrastructure assure la coopération et l’échange de vues.

3.6.

Les règles relatives au transport de voyageurs comprennent des dispositions sur les contrats de service public et les marchés publics, ainsi qu’une possibilité d’arrêter des règles générales sur la tarification et les niveaux de service. Le transport public de voyageurs est régi par le règlement (CE) no 1370/2007 relatif aux obligations de service public [modifié par le règlement (UE) 2016/2338], qui impose l’attribution de contrats de service public par les autorités compétentes conformément aux règles énoncées dans le règlement. Elles fixent notamment les compétences des autorités compétentes et des États membres s’agissant d’imposer des critères sociaux et des normes sociales, et régissent le transfert de personnel en cas de changement d’opérateur.

4.   État d’avancement de la mise en œuvre — Problèmes qui subsistent après trois décennies

4.1.

Près de trois décennies d’efforts visant à ouvrir les marchés ferroviaires international et national du fret et du transport de voyageurs et à harmoniser diverses règles techniques et de sécurité, créant ainsi un espace ferroviaire unique européen, n’ont pas produit les résultats globaux recherchés.

4.2.

Il convient également de rappeler qu’en ce qui concerne les lignes ferroviaires internationales de transport de voyageurs et le développement de la capacité de ce segment de marché, la stratégie de l’UE pour une mobilité durable et intelligente vise à mettre en place, d’ici à 2050, un réseau transeuropéen de transport (RTE-T) multimodal pleinement opérationnel pour des transports durables et intelligents dotés d’une connectivité à grande vitesse. Ce type de connectivité devrait permettre de relier les grandes villes de l’UE à des services ferroviaires durables, capables de remplacer progressivement et au moins partiellement les liaisons aériennes intra-continentales.

4.3.

En dépit de l’ouverture totale du marché, des mesures visant à garantir un accès libre et non discriminatoire à l’infrastructure, l’harmonisation des règles techniques et la simplification administrative, le secteur du rail présente toujours des lacunes considérables en ce qui concerne sa capacité à accroître sa part modale pour ce qui est tant du transport de passagers que du fret. Certaines d’entre elles sont présentées dans le document de travail des services de la Commission de 2020 qui accompagne sa communication sur une stratégie de mobilité durable et intelligente (ci-après «le document de travail»), assorti de quelques suggestions (6). Des points de vue similaires, concernant le fret, sont repris dans le rapport spécial de la Cour des comptes européenne de 2016 intitulé: «Le transport ferroviaire de marchandises dans l’UE: toujours pas sur la bonne voie».

4.4.

Le CESE est d’avis qu’une analyse limitée à la mise en œuvre du cadre législatif de l’UE et à une mesure du degré d’ouverture du marché ne suffit pas pour réaliser un examen complet et parvenir à une pleine compréhension des lacunes de l’espace ferroviaire unique européen. Il réclame par conséquent l’élaboration d’une analyse étendue et complète portant sur les facteurs de réussite et les problèmes et comportant une évaluation du cadre actuel, y compris pour ce qui est de son impact sur les conditions de travail, en gardant à l’esprit l’obligation d’établir un marché intérieur doté de règles harmonisées pour le transport international, au titre des articles 90 et 91 du TFUE, et de définir les conditions applicables au cabotage, ainsi que l’article 14 du TFUE sur les services d’intérêt économique général, en tenant dûment compte des principes du marché unique et du droit de la concurrence prévus pour le transport ferroviaire dans le règlement (CE) no 1370/2007, compte tenu également du rôle des États membres à cet égard, tel qu’il est abordé dans le protocole no 26 du TFUE et l’article 36 de la charte des droits fondamentaux de l’UE.

4.5.

L’ouverture du marché a produit des résultats inégaux. Néanmoins, elle a aussi un certain nombre de réussites à son actif. Par exemple, l’Autriche, l’Allemagne et la Suède ont enregistré de meilleurs résultats en termes de répartition modale et de volumes de marchandises transportées par chemin de fer, malgré le déclin général observé à l’échelle de l’UE (7).

4.6.

La compagnie publique de chemins de fer autrichienne ÖBB a développé avec succès un réseau de liaisons ferroviaires internationales de nuit pour le transport de voyageurs, tandis que sa part de marché domestique a baissé, passant de 88,4 à 86,5 % en 2018. Sur le chiffre d’affaires total de 2,2 milliards d’euros réalisé en 2019 dans le secteur du transport de passagers, environ 1,4 milliard d’euros semble concerner des obligations de service public (OSP) (8).

4.7.

Les obligations de service public sont essentielles pour garantir aux citoyens des services de transport de voyageurs accessibles, abordables et inclusifs. L’accès au marché est ouvert aux services commerciaux de transport de voyageurs, qui sont souvent des services longue distance. Toutefois, le trafic à grande distance et le trafic régional ne peuvent être séparés. Tous les trains de grand parcours remplissent des missions régionales au service des voyageurs, en particulier lorsqu’ils font arrêt dans des zones périurbaines. Les lignes régionales assurent le transport du nombre de passagers nécessaire et alimentent les lignes principales. Elles soulagent également les infrastructures des grandes lignes et garantissent la distribution dans la zone.

De nouvelles initiatives sont actuellement prises par les États membres en vue de créer des liaisons essentielles avec les nouveaux services ferroviaires, parmi lesquels les trains de nuit. Ces initiatives sont emmenées par les opérateurs ferroviaires historiques. En effet, de tels projets ont déjà été annoncés, par exemple, par l’Allemagne (TEE 2.0), les Pays-Bas et la Suède. Le CESE est d’avis que ces initiatives démontrent la complexité du système ferroviaire et le fait que le libre accès au marché, en place depuis 2010 pour le transport international de voyageurs, n’est pas l’instrument approprié pour stimuler le développement du transport (international) de voyageurs longue distance. La volonté politique et des décisions politiques visant à donner la priorité à des solutions respectueuses de l’environnement et inclusives, assorties des investissements qui s’imposent et d’une bonne gouvernance, sont nécessaires.

4.8.

Le CESE considère que l’attribution directe de contrats de service public est l’une des mesures les plus efficaces et efficientes pour promouvoir le transport ferroviaire de voyageurs. Elle constitue l’épine dorsale des systèmes ferroviaires, par exemple en Autriche et en Suisse, pays qui enregistrent les meilleures performances en termes de parts de marché. En outre, le CESE note qu’il n’existe pas de corrélation entre le degré d’ouverture du marché et la satisfaction des clients, ni avec le prix des billets.

4.9.

Toutefois, selon le document de travail de la Commission susmentionné, un certain nombre de problèmes subsistent concernant l’ouverture de l’accès au marché et la création de liaisons ferroviaires attrayantes. Les éléments essentiels mentionnés sont les suivants:

4.9.1.

La disponibilité de l’information nécessaire pour permettre aux opérateurs de présenter des offres adéquates dans le cadre des procédures d’appel d’offres, malgré les modifications apportées dans le quatrième paquet ferroviaire de 2016 afin de garantir la disponibilité des informations nécessaires pour les soumissionnaires;

4.9.2.

L’accès au matériel roulant reste un problème majeur pour les nouveaux arrivants. La disponibilité en tant que telle de matériel roulant doté d’une certification valable sur l’ensemble du territoire de l’UE demeure relativement limitée, et cela vaut tant pour le transport de passagers que pour celui de marchandises.

4.9.3.

En ce qui concerne la disponibilité du matériel roulant pour l’obligation de service public de transport de voyageurs, les dispositions du règlement (CE) no 1370/2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route donnent aux autorités compétentes la possibilité de prendre des mesures pour faciliter cet accès si cela est jugé nécessaire.

4.9.4.

La billetterie ferroviaire directe ou combinée reste problématique, notamment en ce qui concerne les informations actualisées sur les tarifs, les réservations et le trafic.

4.10.

Malgré les dispositions du quatrième paquet ferroviaire permettant aux opérateurs de se voir délivrer par l’Agence ferroviaire européenne un certificat de sécurité unique pour les opérations dans l’ensemble de l’UE, un certain nombre de règles ne sont pas harmonisées, ce qui rend les opérations transfrontalières plus complexes et plus coûteuses, et entraîne notamment des retards aux points de passage des frontières. L’harmonisation de ces règles peut dès lors représenter une tâche importante pour l’avenir et constituer une condition préalable à de futures solutions numériques et d’automatisation communes.

4.11.

Le CESE souligne que l’harmonisation technique et la modernisation des infrastructures constituent des facteurs clés pour le bon fonctionnement de l’espace ferroviaire unique. Les investissements dans la modernisation des infrastructures et du matériel roulant sont très coûteux. En fait, des innovations dans le secteur ferroviaire telles que le transport ferroviaire à grande vitesse ont été développées par des opérateurs publics bénéficiant d’aides publiques. Il existe des règles spécifiques en matière d’aides d’État en ce qui concerne la recherche et l’innovation.

4.12.

Le CESE prend acte du fait que la Commission collabore avec le secteur ferroviaire et les États membres, apparemment dans le but de faciliter le franchissement des frontières le long des corridors de fret ferroviaire. Il considère qu’elle doit dresser un inventaire détaillé des obstacles existants, y compris les problèmes d’attitudes, et suggérer des solutions pour les surmonter. Dans ce contexte, il demande que les partenaires sociaux soient associés à ses travaux préparatoires.

4.13.

Plusieurs problèmes spécifiques se posent concernant le fret ferroviaire, qui ont donné lieu à la formulation des observations et suggestions suivantes dans le document de travail:

4.13.1.

la nature du marché du fret a changé. La proportion plus élevée de biens nécessitant à la fois une flexibilité et un degré de fiabilité plus élevé dans des chaînes d’approvisionnement complexes et de grande valeur inflige souvent un désavantage concurrentiel au rail en raison de son manque de ponctualité, de fiabilité, de prévisibilité et de flexibilité. Par exemple, au cours du premier trimestre de 2018, plus de 50 % des trains du corridor de fret alpin ont subi un retard de plus de trois heures;

4.13.2.

les informations sur le trafic sont rares, par exemple en ce qui concerne la localisation des trains et l’heure d’arrivée prévue. En outre, la gestion des capacités et du trafic ne fait généralement pas l’objet d’une coordination entre les infrastructures ferroviaires et les installations telles que les terminaux, ce qui dessert l’optimisation de la gestion des ressources;

4.13.3.

l’absence de systèmes modernes de couplage automatisé dans l’UE, largement utilisés dans le reste du monde, entrave la performance des wagons isolés;

4.13.4.

le fret se voit accorder une faible priorité dans la planification des capacités, tant au niveau transfrontalier qu’à l’échelon national;

4.13.5.

la planification à long terme des capacités et des horaires entrave les modèles d’entreprise axés sur le marché et empêche le secteur ferroviaire de répondre aux demandes de courte durée des clients. La prévalence accordée au trafic national et l’absence de coordination transfrontalière de la planification posent de nouveaux problèmes pour le fret transfrontalier;

4.13.6.

la faible rentabilité réduit les investissements et les investissements dans les infrastructures ne sont pas suffisamment coordonnés au niveau transfrontière, voire le long de corridors clés;

4.13.7.

On peut espérer qu’au moins une partie des problèmes de coordination et de planification concernant le transport transfrontière de marchandises seront abordés dans le cadre de l’évaluation en cours du règlement établissant les corridors européens de fret ferroviaire (9).

4.14.

D’une manière générale, il apparaît nécessaire de redéfinir le processus de gouvernance des capacités ferroviaires afin de permettre aux opérateurs de fournir des services en fonction des besoins de leurs clients, avec suffisamment de fiabilité, de ponctualité et de flexibilité. Cela nécessite, entre autres, une vision globale de la gestion des capacités, couvrant à la fois le transport de passagers et le fret, qui faciliterait l’optimisation de l’utilisation des capacités.

4.15.

En ce qui concerne le fret ferroviaire, des observations similaires à celles formulées par la Commission dans le document de travail sont faites par la Cour des comptes dans son rapport spécial sur le fret ferroviaire mentionné précédemment.

Ce rapport formule un certain nombre de recommandations concernant l’amélioration du fonctionnement du marché du fret ferroviaire, notamment une meilleure surveillance visant à lutter contre les comportements anticoncurrentiels des opérateurs historiques et des gestionnaires de l’infrastructure, une meilleure gestion du trafic dans les corridors de fret ferroviaire, le suivi des performances et un meilleur ciblage des besoins en infrastructures.

4.16.

Le rapport spécial de la Cour des comptes soulève également la question des conducteurs de train, notamment en ce qui concerne le régime linguistique prévu par la directive 2007/59 relative à la certification des conducteurs de train. Il suggère à cet égard de remplacer les exigences linguistiques énoncées à l’annexe VI, point 8, par des exigences portant sur la connaissance d’une seule langue à utiliser dans le cadre du transport ferroviaire international.

4.17.

Le rapport conclut que les points stratégiques et réglementaires problématiques recensés sont tels que, si l’on n’y apporte pas de solutions, un financement supplémentaire ne permettra pas de résoudre les problèmes.

4.18.

Il convient également d’attirer l’attention sur la déclaration ministérielle relative aux corridors de fret ferroviaires du 21 septembre 2020, qui souligne l’importance de la numérisation et de la mise en œuvre en temps utile des corridors du réseau central du RTE-T et du déploiement de l’ERTMS.

4.19.

Il semble que tous s’accordent sur l’importance de disposer d’un personnel ferroviaire qualifié bénéficiant de bonnes conditions de travail. À cette fin, des mesures doivent être prises pour prévenir le dumping social dans le secteur ferroviaire qui se développe dans le cadre de l’ouverture actuelle du marché, à l’instar de ce qui se passe dans les autres secteurs des transports de l’UE. Les réglementations existantes, comme la directive sur le détachement de travailleurs, ne permettent pas toujours d’apporter une solution satisfaisante à la situation du personnel des chemins de fer car elles ne tiennent pas compte des exigences propres aux travailleurs très mobiles, actifs par exemple dans les chemins de fer. Elles compliquent également le suivi. Le CESE est donc d’avis que, comme dans le cas du transport routier, il pourrait s’avérer nécessaire de prévoir des règles spécifiques pour les travailleurs du secteur du transport ferroviaire.

4.20.

Le CESE prend note à cet égard des lacunes mises en évidence par les partenaires sociaux des chemins de fer concernant les dispositions et la législation sociales dans ce secteur et leur mise en œuvre et application. On peut notamment les observer dans la mise en œuvre des clauses sociales du règlement sur les obligations de service public, ainsi que dans la mise en œuvre, le suivi et l’application de la directive 2005/47/CE relative aux conditions d’utilisation des travailleurs mobiles effectuant des services d’interopérabilité transfrontalière dans le secteur ferroviaire.

4.21.

Le CESE adhère pleinement au consensus sur l’importance d’un personnel ferroviaire qualifié et bénéficiant de bonnes conditions de travail, et prend acte de l’accord de 2004 sur les temps de conduite et de repos des travailleurs mobiles effectuant des services d’interopérabilité transfrontalière, conclu entre les partenaires sociaux en janvier 2004 dans le cadre du dialogue social et mis en œuvre par la directive 2005/47/CE.

4.22.

Le CESE prend note du fait que les partenaires sociaux sont convenus de continuer à travailler dans le cadre du dialogue social afin d’améliorer le suivi de la mise en œuvre de l’accord. Par une déclaration commune, ils se sont engagés à promouvoir les opérations transfrontalières, à éviter la concurrence fondée uniquement sur les différences de conditions de travail et à maintenir des conditions de concurrence équitables entre les entreprises effectuant des opérations transfrontalières (10).

En ce qui concerne la directive 2005/47/CE, les partenaires sociaux ont souligné que «l’une des conclusions du projet est qu’un suivi et une application adéquats de l’accord au niveau des États membres sont entravés par un manque de clarté concernant les autorités nationales compétentes. Même lorsqu’une autorité est clairement définie — généralement l’inspection nationale du travail — elle semble ne pas disposer des ressources, des capacités et/ou de la connaissance de l’accord et de la directive d’exécution connexe nécessaires pour mettre en œuvre ses missions de manière efficace». Le CESE part du principe que l’UE doit agir.

4.23.

Le CESE prend note d’une déclaration des partenaires sociaux concernant le règlement (CE) no 1370/2007 relatif aux obligations de service public selon laquelle «les conséquences de la mise en concurrence ne devraient pas affecter les conditions de travail du personnel fournissant des services en exigeant au niveau national, régional ou local, des normes sociales obligatoires et/ou le transfert obligatoire de personnel en cas de changement d’opérateur» (11). Cela n’est pas suffisamment mis en œuvre et garanti dans la pratique et appelle une action de l’UE. Le CESE demande à la Commission de suivre de près la mise en œuvre de ces dispositions et de prendre les mesures nécessaires.

4.24.

Il apparaît que les opérateurs s’accordent généralement sur le fait que le secteur a besoin de temps pour assimiler le quatrième paquet ferroviaire et s’y adapter.

5.   Crise pandémique de la COVID-19 — un test de résilience

5.1.

Cette crise a constitué un test et un défi pour le transport ferroviaire, comme pour tous les autres secteurs des transports ainsi que pour tous leurs travailleurs. La fiabilité, la sécurité et le rôle central des chemins de fer pour le transport de personnes et de marchandises constituent un enseignement positif à tirer de la pandémie de COVID-19, notamment en raison des efforts déployés par le personnel ferroviaire dans des circonstances très difficiles. Les aides d’État ont aidé de nombreuses entreprises ferroviaires pendant une période difficile caractérisée par des volumes de trafic en baisse.

5.2.

Il ressort des données collectées par la Communauté européenne du rail que l’impact de la COVID-19 est préjudiciable à tous les types de trafic ferroviaire de voyageurs, et en particulier aux lignes internationales. Les pertes de recettes s’élèvent à 26 milliards d’euros pour 2020 et ont continué de s’accumuler au cours des premiers mois de 2021. En outre, on s’attend à ce que la reprise soit lente.

5.3.

Toutefois, la crise de la COVID-19 a également permis de mieux comprendre la nécessité d’élaborer des mesures en faveur de la résilience, d’améliorer la cohérence et la coordination sur le réseau et d’accorder une priorité accrue au développement des infrastructures transfrontalières (12). Cependant, la pandémie a également montré que les villes jouent le rôle le plus important dans la résolution des problèmes de trafic. Elles ne devraient pas affronter seules cette situation et il importe que l’UE accorde la plus grande attention aux villes.

5.4.

Pendant la pandémie, les opérateurs publics ont été obligés de continuer à assurer la prestation des services de transport de passagers et de fret tout en garantissant la sécurité des opérations. Les aides d’État et les interventions de celui-ci ont souvent permis d’éviter que le système ferroviaire ne s’effondre, ce qui est nécessaire pour garantir les services essentiels.

6.   Les questions liées au dégroupage soulevées par la présidence

6.1.

Les dispositions du chapitre II, sections I et II, de la directive 2012/34/UE, telle que modifiée, qui visent à garantir l’indépendance de gestion des entreprises ferroviaires et des gestionnaires de l’infrastructure (section I) et la séparation entre la gestion de l’infrastructure et l’activité de transport et entre les différents types d’activité de transport (section II), semblent apporter une réponse satisfaisante aux deux questions liées au dégroupage posées par la présidence.

6.2.

Les dispositions en question prévoient un large choix d’options s’agissant de la forme organisationnelle, pour autant que l’indépendance de l’entité assurant la gestion de l’infrastructure soit garantie en ce qui concerne l’attribution des sillons et la tarification. Il en va de même pour ce qui est de l’obligation de disposer de comptes séparés pour la gestion de l’infrastructure et les activités opérationnelles, et pour les activités de transport de passagers et celles de fret, ainsi que de l’obligation de transparence des fonds publics versés pour les missions de service public.

6.3.

La garantie relative à la neutralité concernant la répartition des sillons et la tarification ainsi que la transparence prévue par les dispositions comptables doivent être considérées comme bénéfiques dans la mesure où elles garantissent des conditions de concurrence équitables et la transparence.

6.4.

Il convient de noter que de grands pays ferroviaires tels que l’Allemagne, la Pologne, l’Italie et l’Autriche ont maintenu une entreprise ferroviaire intégrée, tandis que l’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure est assurée en ce qui concerne les fonctions essentielles de l’attribution des créneaux horaires, de la tarification et de la perception des redevances. La France a par exemple procédé à la réintégration de la gestion de l’infrastructure et de l’activité de transport. Ces pays considèrent qu’il est bénéfique pour le système ferroviaire d’exploiter les synergies, de garantir une coopération plus étroite, une plus grande flexibilité, etc. Il convient également de tenir compte de l’intérêt pour le personnel ferroviaire de disposer d’un vaste marché intérieur du travail, notamment pour les professions concernées par la sécurité pour lesquelles il existe des exigences médicales et psychologiques.

6.5.

Toutefois, la liberté du choix de la structure organisationnelle doit être considérée comme un élément positif et, par conséquent, aucun dégroupage ne devrait être imposé aux États membres.

7.   Conclusions

7.1.

La conclusion qui peut être tirée de ce qui précède est que l’espace ferroviaire européen n’est nullement parfait. Une analyse plus approfondie des facteurs de réussite ainsi que de l’impact sur les conditions de travail est nécessaire. Les analyses disponibles ont évalué les problèmes concernant la mise en œuvre de la législation existante, dont l’accès au marché, l’interopérabilité et l’harmonisation technique, notamment pour ce qui est des lacunes s’agissant d’harmoniser les règles relatives au fonctionnement et aux techniques, mais elles ont également mis en évidence des problèmes de prix, de manque de ponctualité, de pénurie de matériel capable de circuler dans l’ensemble de l’Union européenne et une difficulté générale d’adaptation à un contexte d’ouverture du marché. Il semble qu’il n’y ait pas eu d’analyse des effets possibles de l’ouverture du marché sur les conditions de travail. De nombreux aspects pourraient et devraient être améliorés pour que le système fonctionne mieux, devienne plus compétitif et accroisse sa part de marché sur l’ensemble du territoire de l’UE, en devenant un acteur à part entière d’un système de mobilité et de transport multimodaux durable sur le plan environnemental et social, efficace et au service de ses clients et de l’environnement.

7.2.

Le CESE estime que le moment est venu de dresser un bilan général du système ferroviaire de l’UE. Il réclame dès lors l’élaboration d’une analyse étendue et complète portant sur les facteurs de réussite et les problèmes et comportant une évaluation du cadre actuel, y compris pour ce qui est de son impact sur les conditions de travail. Le CESE demande que soit réalisée une évaluation impartiale en gardant à l’esprit l’obligation prévue par les articles 90 et 91 du TFUE d’établir un marché intérieur doté de règles harmonisées pour les transports internationaux et de définir les conditions du cabotage en tenant dûment compte des dispositions relatives au service d’intérêt économique général prévues à l’article 14 du TFUE, en liaison avec le protocole no 26 du TFUE et l’article 36 de la charte des droits fondamentaux de l’UE. Dans ladite analyse, il conviendra de prendre en compte les aspects environnementaux et les objectifs définis dans le pacte vert pour l’Europe, le rôle du rail en tant que service d’intérêt général au service de la cohésion sociale et économique, la compétitivité du rail et son fonctionnement dans un système multimodal de transport transfrontière, fondé sur la coopération, l’efficacité dans l’utilisation des ressources, les niveaux de service et le degré de satisfaction de ses clients ou consommateurs, le tout en prêtant attention aux retombées sur les conditions de travail de ses salariés. L’Année européenne du rail 2021 offre une excellente occasion de faire le point sur l’évolution de la situation à ce jour et de fixer des objectifs pour l’avenir.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO L 343 du 14.12.2012, p. 32.

(2)  JO L 315 du 3.12.2007, p. 1.

(3)  Données provenant de divers livrets statistiques de l’UE.

(4)  JO L 315 du 3.12.2007, p. 51.

(5)  JO L 195 du 27.7.2005, p. 15.

(6)  SWD(2020) 331 final.

(7)  Rapport spécial de la Cour des comptes européenne de 2016, «Le transport ferroviaire de marchandises dans l'UE: toujours pas sur la bonne voie», points 23 à 27.

(8)  ÖBB Holding Geschäftsbericht 2019, p. 61, 65 et 66.

(9)  JO L 276 du 20.10.2010, p. 22.

(10)  Évaluation de la mise en œuvre et de l’application de l’accord sur certains aspects des conditions d’utilisation des travailleurs mobiles effectuant des services d’interopérabilité transfrontalière dans le secteur ferroviaire; Projet «Travailleurs mobiles ferroviaires» — Conclusions conjointes des partenaires sociaux du secteur ferroviaire européen, la Communauté des chemins de fer européens (CCFE) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF).

(11)  https://www.etf-europe.org/resource/joint-cer-etf-opinion-protection-of-staff-september-2013.

(12)  Voir par exemple: Ministère fédéral des transports et des infrastructures numériques: «Folgerungen für die zukünftige Verkehrspolitik nach den Erfahrungen und dem Umgang mit der COVID-19-Pandemie», Comité scientifique du ministère fédéral des transports et des infrastructures numériques, no 2/Année 2020.


ANNEXE

Les amendements suivants ont recueilli plus du quart des voix et ont été rejetés au cours des débats:

Paragraphe 1.17

Modifier comme suit:

 

Il semble clair que les besoins actuels en matière de mesures politiques et d’amélioration du système ferroviaire devraient être pris en compte pour atteindre les objectifs de part modale et afin que le rail puisse jouer son rôle dans le cadre d’un système européen de transport multimodal durable compétitif. Les aides d’État et autres interventions de celui-ci demeurent Le secteur aura besoin d’aides publiques également au cours de la reprise à la suite de la crise liée à la COVID-19 et les aides d’État pour le financement des obligations de service public resteront cruciales pour garantir des services essentiels également au-delà de la cette crise de la COVID-19.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

94

Voix contre:

119

Abstentions:

7

Paragraphe 1.18

Modifier comme suit:

 

Les contrats de service public sont essentiels pour assurer des services de transport de voyageurs accessibles, abordables et inclusifs pour tous. Le CESE considère que l’attribution directe de contrats de service public est l’une des mesures les plus efficaces et efficientes pour promouvoir le transport ferroviaire de voyageurs. Le CESE prend note de la prédominance actuelle des attributions directes et de l’évolution du cadre réglementaire vers la mise en concurrence. Il attend de la Commission qu’elle fournisse une analyse de l’impact de ce changement d’orientation en ce qui concerne le caractère abordable des services et le niveau de ceux-ci, comme le prévoit l’article 11 du règlement (CE) no 1370/2007, tel que modifié.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

97

Voix contre:

114

Abstentions:

12

Paragraphe 4.6

Modifier comme suit:

 

Une tendance générale à recourir aux obligations de service public semble se dessiner, avec des droits de trafic exclusifs, sur des lignes déficitaires, généralement régionales, tandis que l’accès au marché est ouvert sur les lignes longue distance. Le CESE souligne le rôle important des obligations de service public dans la fourniture d’un accès abordable et dans la cohérence globale du système ferroviaire pour le transport de voyageurs en vue de garantir l’accessibilité. Les obligations de service public sont essentielles pour garantir aux citoyens des services de transport de voyageurs accessibles, abordables et inclusifs. L’accès au marché est ouvert aux services commerciaux de transport de voyageurs, qui sont souvent des services longue distance. Toutefois, le trafic à grande distance et le trafic régional ne peuvent être séparés. Tous les trains de grand parcours remplissent des missions régionales au service des voyageurs, en particulier lorsqu’ils font arrêt dans des zones périurbaines. Les lignes régionales assurent le transport du nombre de passagers nécessaire et alimentent les lignes principales. Elles soulagent également les infrastructures des grandes lignes et garantissent la distribution dans la zone.

De nouvelles initiatives sont actuellement prises par les États membres en vue de créer des liaisons essentielles avec les nouveaux services ferroviaires, parmi lesquels les trains de nuit. Ces initiatives sont emmenées par les opérateurs ferroviaires historiques. En effet, de tels projets ont déjà été annoncés, par exemple, par l’Allemagne (TEE 2.0), les Pays-Bas et la Suède. La concurrence entre opérateurs sur le réseau à grande vitesse italien s’est traduite par une amélioration de la qualité du service, des billets moins chers et une augmentation de la fréquence des services, avec pour résultat un transfert modal perceptible du transport aérien vers le rail. Des initiatives similaires sont prévues en Espagne. Le CESE est d’avis que ces initiatives démontrent à la fois les possibilités offertes par le cadre actuel pour créer des solutions de transport attrayantes et respectueuses de l’environnement et la nécessité de prendre des mesures afin de faciliter l’établissement de liaisons transfrontalières. Le CESE est d’avis que ces initiatives démontrent la complexité du système ferroviaire et le fait que le libre accès au marché, en place depuis 2010 pour le transport international de voyageurs, n’est pas l’instrument approprié pour stimuler le développement du transport (international) de voyageurs longue distance. La volonté politique et des décisions politiques visant à donner la priorité à des solutions respectueuses de l’environnement et inclusives, assorties des investissements qui s’imposent et d’une bonne gouvernance, sont nécessaires.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

104

Voix contre:

112

Abstentions:

15

Paragraphe 4.7

Modifier comme suit:

 

Le CESE constate que l’attribution directe de contrats d’obligation de service public prédomine actuellement et que le cadre réglementaire évolue en faveur de la mise en concurrence par appel d’offres. Il escompte que la Commission fournira, comme le prévoit le règlement (CE) 1370/2007, article 11, une analyse impartiale des résultats que ce changement de perspective a produits en ce qui concerne le caractère abordable des prestations et les niveaux de service et que ce rapport formulera également des recommandations sur un système d’attribution qui assure aux utilisateurs le meilleur rapport entre les coûts et les avantages. Le CESE considère que l’attribution directe de contrats de service public est l’une des mesures les plus efficaces et efficientes pour promouvoir le transport ferroviaire de voyageurs. Elle constitue l’épine dorsale des systèmes ferroviaires, par exemple en Autriche et en Suisse, pays qui enregistrent les meilleures performances en termes de parts de marché. En outre, le CESE note qu’il n’existe pas de corrélation entre le degré d’ouverture du marché et la satisfaction des clients, ni avec le prix des billets.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour

97

Voix contre:

114

Abstentions:

12

Paragraphe 5.3

Modifier comme suit:

 

Pendant la pandémie, les opérateurs publics ont été obligés capables de continuer à assurer la prestation des services de transport de passagers et de fret en toute sécurité, tout en subissant des pertes considérables du fait de la diminution du volume de biens et du nombre de personnes qu’ils ont transportés tout en garantissant la sécurité des opérations. Les Grâce aux aides d’État et les initiatives lancées par la Commission européenne et les États membres dans le but d’apporter un soutien financier aux chemins de fer et, en particulier, sous la forme d’une action de facilitation pour la poursuite de la fourniture des services essentiels, y compris transfrontières, il a été possible d’assurer une continuité dans le fonctionnement des connexions indispensables pour le transport de passagers et les approvisionnements et les interventions de celui-ci ont souvent permis d’éviter que le système ferroviaire ne s’effondre, ce qui est nécessaire pour garantir les services essentiels.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

94

Voix contre:

119

Abstentions:

7

Paragraphe 6.5

Modifier comme suit:

 

Toutefois, Le CESE considère par conséquent que la liberté du choix de la structure organisationnelle constitue doit être considérée comme un élément positif et, par conséquent, aucun dégroupage ne devrait être imposé aux États membres. Il estime également que le dialogue ouvert entre les gestionnaires de l’infrastructure et les opérateurs qui a été instauré par le quatrième paquet ferroviaire est porteur d’une valeur ajoutée, en ce qu’il donne la possibilité de procéder à un échange d’informations pertinentes pour améliorer le fonctionnement du rail et l’intermodalité.

Résultat du vote sur l’amendement:

Voix pour:

95

Voix contre:

118

Abstentions:

12


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

559e session plénière du Comité économique et social européen — INTERACTIO, 24.3.2021-25.3.2021

9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/38


Avis du Comité économique et social européen sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Rapport 2020 sur l’état de l’union de l’énergie en vertu du règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat»

[COM(2020) 950 final]

et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Évaluation à l’échelle de l’UE des plans nationaux en matière d’énergie et de climat: Une planification intégrée dans le domaine de l’énergie et du climat pour faire progresser la transition verte et promouvoir la reprise économique»

[COM(2020) 564 final]

(2021/C 220/04)

Rapporteur:TBL

Lutz RIBBE

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020 et 27.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

9.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

236/4/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se déclare impressionné par la méticulosité et la précision avec lesquelles la Commission a su documenter et évaluer l’évolution de l’union de l’énergie. La manière dont les plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC) ont été élaborés et analysés démontre que la gouvernance de l’union de l’énergie fonctionne.

1.2.

Le CESE constate avec soulagement que, même si certains États membres restent clairement en deçà des objectifs fixés, d’une façon plus globale, les objectifs en matière d’énergie et de climat pour l’année 2020 ont été tenus. Il n’y a pas lieu toutefois de se réjouir outre mesure. Les objectifs pour les trente années qui viennent, à commencer par la décennie des années 2020, sont nettement plus ambitieux. Il convient d’accélérer considérablement le rythme de la mutation, sans toutefois perdre de vue la situation économique et sociale des différents États membres. À défaut, l’acceptation sociale des investissements et des réformes visant à accélérer la transition énergétique en serait compromise. La transformation énergétique se trouve également menacée lorsque les responsables politiques promettent d’y associer de larges pans de la société, mais ne prennent pas cette promesse au sérieux et la trahissent dans les faits.

1.3.

Il est en outre d’autant plus important d’avoir en ligne de mire, non seulement des objectifs (climatiques) mondiaux, mais aussi des objectifs spécifiques, tels que ceux que la Commission s’est fixés avec son «cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente» ou avec le paquet «Une énergie propre pour tous les européens». Et, à cet égard, les résultats apparaissent nettement moins positifs.

1.4.

Dans le cadre stratégique, la Commission s’était donné pour objectif principal de placer les citoyens au cœur de l’union de l’énergie. Dans sa communication sur l’état de l’union de l’énergie, la Commission ne se prononce aucunement sur la manière dont elle entend atteindre cet objectif ni sur les stratégies à mettre en œuvre pour prétendre l’atteindre à l’avenir. Le CESE juge cela tout à fait inacceptable.

1.5.

Dans son évaluation des PNEC, la Commission estime que le développement de l’énergie citoyenne n’est pas suffisamment pris en compte dans les PNEC des États membres, ce dont il y a lieu de se soucier. Or il est fort décevant que la Commission n’ait pour réplique qu’une interpellation très générale lancée aux États membres. Si les objectifs ambitieux énoncés dans le paquet «Une énergie propre pour tous les européens» ainsi que dans le cadre stratégique pour l’union de l’énergie ne sont pas suivis avec tout le sérieux de rigueur, l’union de l’énergie ne sera pas la seule à en pâtir. C’est la crédibilité même de la politique européenne dans son ensemble qui sera également mise en jeu.

1.6.

C’est pourquoi le CESE estime nécessaire que, dans ses futurs rapports, la Commission examine plus avant le niveau et la qualité de la mise en œuvre, du respect et de l’application du troisième paquet «énergie» dans les États membres, notamment en ce qui concerne la manière dont ils entendent «placer les citoyens au centre des préoccupations». Par le passé, la mise en œuvre de la législation dans le domaine de l’énergie a été marquée par des retards, et elle s’est rarement accomplie dans l’intérêt des citoyens.

1.7.

Un examen plus critique s’impose également pour les trois autres objectifs de l’union de l’énergie suivants: la réduction de la dépendance énergétique en diminuant les importations d’énergie, l’élimination des subventions en faveur des sources d’énergie nocives pour le climat et l’environnement, et l’adoption d’un rôle de premier plan dans les domaines des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et de l’électromobilité. Il ressort des communications de la Commission qu’aucun de ces trois objectifs n’a été atteint. Toutefois, pas un mot n’est venu expliquer ce qui s’était produit. De la même façon, on cherchera en vain les enseignements tirés de ces échecs et les répercussions éventuelles pour l’action à venir, par exemple s’agissant du plan de relance.

1.8.

Le CESE est d’avis que les PNEC des États membres reflètent le manque de cohérence dont souffre la politique énergétique européenne. Il estime que la plupart de ces plans sont par ailleurs trop vagues, en particulier en ce qui concerne les enjeux importants de la sécurité énergétique et de la transition juste.

1.9.

Le CESE invite par conséquent la Commission, dans l’évaluation des PNEC, à insister également davantage sur l’adéquation des stratégies pour une transition juste et à évaluer en particulier, à cet égard, la réalisation des objectifs suivants:

faciliter les transitions professionnelles,

soutenir les travailleurs perdant leur emploi en conséquence de la décarbonation (un emploi perdu devrait, au bas mot, être remplacé par un autre emploi équivalent),

lutter contre la précarité énergétique et compenser les effets distributifs dégressifs, et

exploiter, au niveau régional, le potentiel économique dont sont porteuses les énergies renouvelables et les nouvelles formes de participation et de contribution à la production d’électricité.

2.   Observations générales concernant les documents de la Commission

2.1.

Le 25 février 2015, la Commission a présenté sa communication intitulée «Cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique» (1). Ce cadre stratégique poursuivait les objectifs suivants:

la sécurité de l’approvisionnement énergétique, notamment par la réduction de la dépendance vis-à-vis des importations d’énergie,

la pleine intégration du marché européen de l’énergie,

une économie soutenable, à faibles émissions de carbone et respectueuse du climat,

la recherche, l’innovation et la compétitivité, pour permettre à l’Europe de devenir le numéro un mondial dans le domaine des énergies renouvelables,

la qualification de la main-d’œuvre européenne au regard du système énergétique de demain,

la confiance des investisseurs grâce à des signaux de prix reflétant des besoins et des objectifs stratégiques à long terme.

2.2.

Enfin et surtout, la Commission expliquait alors que sa «vision est celle d’une Union de l’énergie focalisée sur le citoyen — dans laquelle ce dernier prend à son compte la transition énergétique, tire avantage des nouvelles technologies pour réduire sa facture et prend une part active au marché — et qui permette aussi de protéger les consommateurs les plus vulnérables». Elle posait aussi la participation des parties prenantes à l’élaboration de l’union de l’énergie comme une priorité, et une transition socialement juste comme principe fondamental de la transition énergétique.

2.3.

La Commission soulignait en outre la nécessité de doter l’union de l’énergie d’un processus de gouvernance et de contrôle intégré. L’Union européenne s’est dotée à cet effet d’une base juridique pertinente au moyen du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil (2) sur la gouvernance. En vertu dudit règlement, les États membres sont tenus de présenter régulièrement des plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC), dans lesquels ils doivent également décrire leurs contributions en vue d’atteindre les objectifs de l’union de l’énergie.

2.4.

Dans son rapport 2020 sur l’état de l’union de l’énergie, la Commission fait état des progrès accomplis et les regroupe en cinq volets:

la décarbonation (en ce compris le développement des énergies renouvelables),

l’efficacité énergétique, eu égard en particulier au principe de «primauté de l’efficacité énergétique»,

la sécurité énergétique (y compris la réduction des importations d’énergie dans l’UE, l’augmentation de la flexibilité et le renforcement de la résilience des systèmes énergétiques nationaux),

les marchés intérieurs de l’énergie,

la recherche, l’innovation et la compétitivité.

Elle aborde également la question de «[l’]union de l’énergie dans la perspective plus large du pacte vert».

2.5.

La Commission s’appuie sur tous ces éléments pour réfléchir aux moyens de «[p]oursuivre la relance verte et une économie durable». Elle aborde dans un premier temps les stratégies existantes sur l’intégration du système énergétique et sur le développement de l’hydrogène en Europe.

2.6.

La Commission justifie en outre la nécessité de relever l’objectif de réduction des émissions de CO2 à au moins 55 % par rapport à 1990 et annonce une stratégie pour réduire les émissions de méthane, ainsi qu’une «vision […] pour l’énergie offshore». Dans ce contexte, elle critique le manque de clarté et d’éléments concrets dont souffrent souvent les stratégies présentées par les États membres dans le cadre des PNEC.

2.7.

Dans l’ensemble, la Commission considère que la situation n’est pas encore satisfaisante, même si l’on constate qu’à l’échelle de l’UE, les objectifs fixés pour 2020 quant au développement des énergies renouvelables sont largement atteints. Néanmoins, certains États membres devraient encore accomplir «des progrès plus importants».

2.8.

La Commission demande d’intensifier les efforts dans le domaine de l’efficacité énergétique et relève des lacunes importantes, en particulier s’agissant de la rénovation des bâtiments.

2.9.

Pour la première fois, le rapport s’accompagne d’une analyse détaillée des subventions à l’énergie (3), laquelle met clairement en évidence a) la nécessité de disposer de meilleures données sur ces subventions (4) et b) de redoubler d’efforts pour réduire celles en faveur des combustibles fossiles. Les instruments juridiques qui existent actuellement au niveau européen sont jugés insuffisants.

2.10.

Il est en outre précisé que, ces dernières années, dans l’Union à 27, la baisse constante des investissements en R&I dans ce secteur n’est «pas encourageante» et que l’Europe accuse un retard considérable par rapport à d’autres régions économiques. La Commission fait savoir qu’elle s’efforcera de relancer la recherche et l’innovation, par exemple dans les domaines des accumulateurs et de l’hydrogène, ainsi que d’enrayer le déclin des investissements constaté au niveau national.

2.11.

Il s’avère que le coût des importations d’énergie a de nouveau augmenté ces dernières années et atteint désormais plus de 330 milliards d’euros par an, ce qui vient inverser une tendance autrefois à la baisse.

2.12.

La Commission conclut son rapport en affirmant que la crise de la COVID-19 offre à l’Europe une occasion unique de réaliser des investissements à même de soutenir la reprise de l’économie de l’UE tout en accélérant les transitions écologique et numérique.

2.13.

Dans sa communication sur l’évaluation à l’échelle de l’UE des plans nationaux en matière d’énergie et de climat, la Commission dresse un bilan positif, dans la mesure où les progrès réalisés quant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et aux énergies renouvelables permettront de relever sensiblement, en 2021, les objectifs fixés pour 2030 en la matière. Néanmoins, la Commission reconnaît un profond retard à combler sur le plan de l’efficacité énergétique, des investissements dans la recherche et de l’innovation. Pour remédier à ces lacunes, il est indispensable que les États membres tiennent compte des nouvelles possibilités de financement au titre du cadre financier pluriannuel et de la facilité pour la reprise et la résilience.

3.   Observations générales du CESE

3.1.

Il convient tout d’abord de féliciter expressément la Commission pour la méticulosité avec laquelle elle exerce la gouvernance de l’union de l’énergie, qui se reflète dans l’abondante documentation (y compris les annexes) et témoigne d’un grand sérieux. Une telle minutie s’impose, par ailleurs, car les objectifs en matière de climat fixés jusqu’à présent, qui doivent être rehaussés, ne seront atteints que de justesse, si tant est qu’ils le soient. L’objectif de neutralité climatique de l’Union européenne d’ici 2050 au plus tard revêt une importance capitale et requiert un processus historique, probablement unique, de planification stratégique et de coordination d’approches politiques très diverses, qui doit aller bien plus loin que ce qui a été décidé à ce jour.

3.2.

Dans ce contexte, le CESE appuie pleinement la Commission lorsqu’elle souligne que les États membres doivent élaborer et mettre en œuvre sans délai des stratégies plus claires. Il convient à cet égard de prendre dûment en considération les incidences de la transition énergétique sur la société, l’emploi et les compétences, ainsi que ses autres effets distributifs, et d’expliquer comment relever les défis propres à chaque domaine.

3.3.

Les principales conclusions de la Commission sont tout à fait compréhensibles et doivent être soutenues. Tel est notamment le cas du constat selon lequel les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à améliorer l’efficacité énergétique et à développer les énergies renouvelables constituent un tremplin vers des objectifs plus ambitieux.

3.4.

Le CESE partage l’avis de la Commission quant à la nécessité de donner un nouvel élan. Il aurait cependant été souhaitable que la Commission précise en quoi doit consister ce nouvel élan.

3.5.

En outre, il semble logique que la Commission établisse un lien entre, d’une part, le développement de l’union de l’énergie et, d’autre part, le pacte vert pour l’Europe et la politique de relance après la pandémie — deux approches qui n’avaient pas encore vu le jour au moment où le cadre stratégique de l’union de l’énergie et le règlement sur la gouvernance ont été élaborés. Le CESE souligne que l’union européenne de l’énergie constitue une base d’action idéale eu égard au pacte vert. Il aurait été d’autant plus important d’exposer plus en détail les lacunes repérées lors de cet examen et d’élaborer des stratégies visant à y remédier. Il existe au moins trois cas, qui seront abordés ci-après, pour lesquels cela n’a pas été fait.

Réalisation insuffisante de l’objectif d’une union de l’énergie centrée sur le citoyen

3.6.

Comme indiqué au paragraphe 2.2., dans le cadre stratégique de l’union de l’énergie, la Commission a qualifié d’«important» (sic) l’objectif visant à élaborer une politique axée sur les citoyens et à laquelle ils adhèrent. Par conséquent, cet objectif devrait également bénéficier d’une attention toute particulière dans le rapport sur l’état de l’union de l’énergie, notamment par la formulation de propositions concrètes concernant l’engagement et la participation de façon transparente et active des citoyens, des partenaires sociaux et des parties prenantes aux processus décisionnels, par exemple aux PNEC, ainsi que la participation et la contribution actives au marché. En réalité, le rapport ne fait pas une seule fois mention de l’aspect de la participation et n’examine pas non plus la question de savoir si les mesures proposées pour l’avenir serviront explicitement à répondre à cet objectif.

3.7.

À l’heure actuelle, le problème se pose aussi, entre autres, dans la stratégie sur l’intégration du système énergétique présentée par la Commission, considérant les citoyens uniquement comme des consommateurs et non comme des acteurs actifs du marché. Il est par ailleurs difficile d’imaginer, s’agissant des priorités décrites par la Commission européenne (5), à savoir la stratégie pour l’hydrogène et la «vision pour l’énergie offshore» annoncée, que la participation des citoyens soit somme toute possible ou envisagée. Par conséquent, les propos avancés par la Commission dans sa communication sur l’évaluation des PNEC, selon lesquels elle entend utiliser le mécanisme de financement des énergies renouvelables mis en place par l’UE afin de promouvoir en particulier les technologies offshore, sont des plus contestables.

3.8.

La Commission fait ainsi fi du droit européen en vigueur: la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil (6) sur le marché intérieur de l’électricité dispose en effet, au considérant 43, que «l’énergie communautaire [est devenue] un moyen efficace et rentable de répondre aux besoins et aux attentes des citoyens […]. […] Par leur action directement aux côtés des consommateurs, les initiatives en matière d’énergie communautaire démontrent leur potentiel pour faciliter l’adoption de nouvelles technologies et de nouveaux modes de consommation, notamment les réseaux de distribution intelligents et la participation active de la demande, dans le cadre d’une approche intégrée. L’énergie communautaire peut également faire progresser l’efficacité énergétique au niveau des ménages et contribuer à lutter contre la précarité énergétique en réduisant la consommation et en faisant baisser les tarifs de fourniture. […] Lorsqu’elles ont pu être mises en œuvre avec succès, ces initiatives ont apporté des avantages économiques, sociaux et environnementaux à la communauté». Selon le législateur européen, l’énergie citoyenne est donc à même de remédier à bon nombre de dysfonctionnements que déplore la Commission dans ses documents. Il est d’autant plus incompréhensible que la Commission ne le reconnaisse pas dans ses propres documents. Il existe des lacunes béantes entre l’ambition et la réalité, et le CESE n’entrevoit toujours pas de véritable stratégie de la Commission pour faire des citoyens des partenaires actifs.

3.9.

Toutefois, il convient d’adresser également cette critique à la plupart des États membres, qui, en vertu de l’article 20 du règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance, sont tenus de traiter la question de l’énergie citoyenne dans leurs plans nationaux en matière d’énergie et de climat. Dans son évaluation, la Commission souligne que les États membres ne s’y sont pas suffisamment, voire pas du tout conformés. Le CESE invite la Commission européenne à proposer, lors de la révision prochaine de la directive sur les énergies renouvelables, des orientations concrètes afin de promouvoir l’énergie citoyenne.

Réalisation insuffisante des objectifs de sécurité de l’approvisionnement/réduction des importations d’énergie

3.10.

L’un des objectifs stratégiques de l’union de l’énergie est de renforcer la sécurité de l’approvisionnement énergétique, notamment en diminuant les importations d’énergie. La Commission constate, plus ou moins incidemment, que les progrès ne sont pas au rendez-vous — au contraire, les dépenses consacrées aux importations d’énergie ont de nouveau augmenté. L’importance croissante de l’hydrogène pourrait même à l’avenir contribuer à faire grimper encore les importations, sachant que, dans sa stratégie sur l’hydrogène, la Commission mise délibérément sur les importations! Sur ce point, le CESE attend de la Commission qu’elle s’explique sans détour, une fois pour toutes.

3.11.

Le CESE demande en outre instamment d’obéir au principe fondamental de la solidarité européenne lorsqu’il s’agit de garantir les importations d’énergie qui ne peuvent être évitées. Des opérations menées en cavalier seul par un État membre, à l’exemple du projet de gazoduc Nord Stream 2, sont susceptibles de mettre en péril non seulement l’action en faveur du climat, mais aussi la sécurité de l’approvisionnement. De telles actions portant atteinte à la solidarité européenne ébranlent la confiance des citoyens à l’égard de l’Union européenne et entachent la réputation de celle-ci dans les pays tiers.

Réalisation insuffisante de l’objectif en matière d’innovation et de leadership mondial

3.12.

Dans le domaine de l’innovation, le tableau est également assez sombre. Le bilan dressé dans le rapport sur l’état de l’union de l’énergie en ce qui concerne les investissements dans la recherche et l’innovation ainsi que les demandes de brevets vient contrecarrer la prétention ronflante de ladite union à un rôle de numéro un mondial. Au vu de ce constat inquiétant, une analyse précise et approfondie des erreurs s’impose pour élucider avec nuance et méticulosité l’origine de ces défaillances. Il conviendra, sur cette base, d’élaborer des mesures correctives concrètes.

3.13.

Dans le contexte tel qu’il est décrit aux paragraphes 3.6 à 3.11, soyons clairs: il ne suffit pas de tenir de sempiternels discours s’ils ne sont pas suivis d’actions tangibles. À défaut, la crédibilité de la politique européenne s’en trouve remise en cause. Il s’avère qu’aucun des documents de la Commission à l’examen, ni même les stratégies pour l’intégration du système énergétique et pour l’hydrogène, ne propose de mesures concrètes susceptibles de contribuer à la réalisation des objectifs susmentionnés.

Pertinence de l’union de l’énergie sur le plan des politiques sociale et régionale

3.14.

Dans les chapitres 2.6 et 3.3 de son rapport sur l’état de l’union de l’énergie, la Commission livre également quelques réflexions concernant la politique sociale. Le CESE abonde dans ce sens et se montre particulièrement favorable à l’établissement d’un lien entre les aides à la relance après la pandémie de COVID-19 et les objectifs en matière de climat et d’énergie. Les mesures prévues pour une transition juste sont les bonnes, et elles constituent une base si l’on veut réussir à mobiliser la population pour atteindre les objectifs en matière de climat et d’énergie. L’application dans les faits du principe exigeant de «ne laisser personne pour compte» dépendra concrètement de la mise en œuvre et du financement des différents instruments ainsi que de leur exécution concrète au niveau national.

3.15.

Le CESE rappelle sa conviction exprimée dans des avis antérieurs (7): non seulement les fonds de cohésion sociale et régionale et les aides à la relance doivent être utilisés aux fins de la protection du climat et de la transition énergétique, mais les politiques en matière de climat et d’énergie doivent (et peuvent) aussi et surtout être conçues de manière à favoriser la cohésion sociale et régionale. De telles approches existent déjà, certaines d’entre elles sont même mentionnées dans la communication relative à l’évaluation des PNEC, comme les projets de construction de centrales solaires photovoltaïques sur d’anciens sites d’extraction de lignite au Portugal et en Grèce, ou encore la judicieuse stratégie de soutien financier destiné aux prosommateurs menée en Lituanie. Ces exemples, cependant, sont loin de représenter une pratique courante ou une généralité.

3.16.

La transition énergétique risque aussi d’accroître les disparités sociales et régionales, par exemple si la Commission met en œuvre l’intégration du système énergétique, le développement des infrastructures d’hydrogène et le financement des énergies en mer tel qu’elle le prévoit, c’est-à-dire en privilégiant les approches centralisées au détriment de solutions décentralisées.

3.17.

Quoi qu’il en soit, le développement en parallèle d’infrastructures centralisées et décentralisées pose problème et risque de déboucher sur des erreurs d’investissement. Par exemple, les différents usages d’un réseau de gazoducs à hydrogène à grande échelle et des réseaux de chauffage urbain à basse température, dont la Commission demande le déploiement dans sa communication sur l’évaluation des PNEC, entrent en concurrence. C’est la raison pour laquelle le CESE a réclamé, au titre de la sécurité des investissements, que des décisions de principe soient prises en la matière (8). Bien que celles-ci revêtent également une importance stratégique pour la réussite de l’union de l’énergie, les documents à l’examen ne les prennent nullement en considération.

3.18.

Comme dans la quasi-totalité des documents de la Commission relatifs à la politique énergétique, la numérisation brille par son absence dans le rapport sur l’état de l’union de l’énergie. Elle ouvre pourtant la voie à des concepts intéressants, tels que les micro-réseaux et les marchés intelligents, la microfinance, les centrales électriques virtuelles, etc. Tous ces concepts peuvent contribuer à améliorer l’efficacité et la performance du marché intérieur de l’énergie, notamment en ce qu’ils renforcent le rôle des consommateurs actifs. C’est un aspect que la Commission a abordé, bien que brièvement, dans le cadre stratégique de l’union de l’énergie (9). Il est invraisemblable que, dans son rapport sur l’état de l’union de l’énergie, elle en fasse abstraction, et ce d’autant plus que l’utilisation des technologies numériques doit être soigneusement examinée sous l’angle de sa pertinence et des problèmes éthiques éventuels qu’elle soulève, notamment pour ce qui est de la souveraineté des données.

3.19.

En tout état de cause, il convient de noter que la numérisation se conçoit dans l’intérêt du consommateur final. Les citoyens sont toujours désireux que la numérisation croissante s’assortisse d’une amélioration des services, comme la possibilité de changer au jour le jour de fournisseur, d’obtenir un retour immédiat sur des compteurs défectueux ou des modes d’utilisation suspects, ainsi que de disposer de processus permettant de relier sans accroc sa propre production au réseau.

4.   Observations particulières

Concernant le chapitre «Décarbonation» du rapport sur l’état de l’union de l’énergie

4.1.

La Commission estime à juste titre que le déploiement des énergies renouvelables offre de nombreux avantages. Cependant, la question de savoir qui en profite dépend essentiellement du fait que la transition énergétique ait lieu de manière fondamentalement décentralisée ou centralisée (10), un point que la Commission passe sous silence dans son rapport.

Concernant le chapitre «Sécurité énergétique» du rapport sur l’état de l’union de l’énergie

4.2.

La Commission a entièrement raison de prêter une grande attention à l’enjeu de la «sécurité de l’approvisionnement» et, dans ce contexte, de la sécurité énergétique, dont l’importance pour l’économie nationale est en effet inestimable. Outre la question classique de la dépendance à l’égard des importations, il faut avant tout se préoccuper de la résilience aux attaques extérieures, par exemple à la cybercriminalité. À cet égard, de récentes recherches (11) indiquent que la meilleure stratégie pour atteindre une résilience élevée consiste à renforcer les structures décentralisées capables de fonctionner en îlotage. La Commission devrait prendre ces conclusions davantage en considération.

4.3.

Il est incontestable qu’à l’avenir, l’hydrogène vert contribuera à garantir la sécurité d’approvisionnement du système énergétique européen. Le CESE renvoie aux avis qu’il a élaborés sur la stratégie en matière d’hydrogène (12) et sur la stratégie pour l’intégration du système énergétique (13).

4.4.

Sur ce point également, il convient de ne pas se concentrer uniquement sur les technologies à grande échelle, y compris en ce qui concerne le développement d’infrastructures pour l’importation d’hydrogène. Il existe un large éventail de solutions innovantes, respectueuses de l’environnement et surtout développées à l’échelon régional ou local, qu’il est possible de mettre en œuvre directement sur le terrain (y compris la production d’hydrogène régional ou de carburants de synthèse). Ces solutions permettront de renforcer la sécurité de l’approvisionnement, de réduire la dépendance vis-à-vis des importations et de soutenir l’emploi local sous la forme d’emplois verts ainsi que la création de valeur ajoutée dans les régions. Les micro, petites et moyennes entreprises devraient elles aussi avoir la possibilité de participer au pacte vert et de bénéficier de ses apports, ledit pacte et la transformation énergétique en seront ainsi mieux acceptés.

Concernant le chapitre «Marchés intérieurs de l’énergie» du rapport sur l’état de l’union de l’énergie et le rapport sur l’état d’avancement du marché intérieur de l’énergie

4.5.

La Commission indique que le train de mesures sur l’énergie propre a permis de créer de meilleures conditions pour favoriser la participation des consommateurs aux marchés de l’énergie et établir des conditions de concurrence équitables pour les nouveaux arrivants sur le marché. En réalité, seules les dispositions de la directive sur le marché intérieur de l’électricité sont pertinentes à cet égard. Il n’est pas encore possible de déterminer dans quelle mesure les États membres ont effectivement transposé ces dispositions. La Commission tire donc des conclusions prématurées. Le CESE demande que soit menée sans plus attendre une évaluation sérieuse de l’objectif essentiel qu’est la participation des consommateurs — également sous l’angle des effets de la politique de répartition quant à la participation des ménages à faibles revenus.

4.6.

La Commission souligne l’importance que revêtent les signaux de prix du marché, notamment pour les investisseurs. S’il s’agit sans aucun doute d’un aspect déterminant, un point de vue davantage nuancé est cependant nécessaire. La plupart des marchés de gros de l’électricité reflètent des tarifs à court terme. La question de savoir si ces derniers envoient pour autant des signaux aux investisseurs reste controversée dans l’économie de l’énergie. C’est un constat que le CESE a déjà dressé dans des avis antérieurs (14). Dans ce contexte, il n’est dès lors pas judicieux pour la Commission de parler d’un «marché intérieur de l’énergie» sans établir de différence. Pour que l’union de l’énergie soit couronnée de succès, une nouvelle organisation du marché est primordiale, du moins dans le secteur de l’électricité. Une responsabilité totale en matière d’équilibrage pour ce qui est des énergies renouvelables est à elle seule insuffisante. Le CESE invite par conséquent la Commission à présenter dans les meilleurs délais ses réflexions sur une nouvelle organisation du marché. À cet égard, il convient également de veiller à ce que tous les acteurs du marché bénéficient des mêmes conditions sur les marchés d’ajustement et d’équilibrage, ce qui est également indispensable à la réussite de l’intégration du système énergétique (15).

4.7.

Dans le même temps, il convient de ne pas perdre de vue que les signaux de prix ne permettent pas à eux seuls d’atteindre les objectifs de sécurité d’approvisionnement et de neutralité climatique.

4.8.

Dans le rapport sur l’état d’avancement du marché intérieur de l’énergie, la Commission souligne très à propos que la création de conditions de concurrence au niveau de la production et de l’approvisionnement doit rester une priorité de la politique énergétique, aussi bien à l’échelon national qu’à celui de l’Union européenne. Or, elle ne précise pas ce que cela signifie concrètement. Il n’est pas exact ni même conforme aux dispositions du droit européen inscrites dans le train de mesures sur l’énergie propre que seul le couplage des marchés peut favoriser la concurrence. Lors de l’application des principes d’allocation de la capacité et de gestion de la congestion énoncés à l’article 16 du règlement sur le marché de l’électricité, il convient de tenir compte de la situation géographique des États membres, laquelle pourrait aussi justifier une prolongation du délai d’installation de la capacité. En tout état de cause, l’accès au marché, en particulier pour les petits acteurs, est particulièrement important dans l’optique d’une concurrence active. La numérisation, entre autres, peut s’avérer d’une grande utilité à cet égard.

4.9.

Dans son rapport sur l’état d’avancement du marché intérieur de l’énergie, la Commission indique également que, si les installations thermiques, telles que les centrales au gaz utilisant la cogénération, peuvent conférer au système une flexibilité appréciable, une mauvaise conception des mécanismes de capacité peut en revanche provoquer de graves distorsions du marché intérieur. À cet égard, le CESE rappelle la position qu’il a déjà exprimée dans son avis TEN/625. Il invite la Commission à évaluer d’un œil critique les mécanismes de capacité qui sont en place dans les États membres, notamment en ce qui concerne le respect des exigences de l’article 22 du règlement sur le marché intérieur de l’électricité, qui prévoient, entre autres, une valeur limite de 550 g de CO2 par kWh.

4.10.

Dans ce même rapport, la Commission rappelle que les gestionnaires de réseau de transport ou de distribution ont été généralement exclus de la propriété et de l’exploitation des systèmes de stockage d’électricité. Le CESE est fondamentalement satisfait de cette décision (16), qui devrait permettre aux gestionnaires de réseau d’accéder à la propriété et à l’exploitation des systèmes de stockage d’électricité, et ce dans l’intérêt du réseau. Il estime en outre que celle-ci doit aller de pair avec un renforcement des marchés intelligents, de sorte que les opérateurs de stockage soient encouragés à suivre les signaux émis par les gestionnaires de réseau et à concevoir des structures de stockage utiles au système. Il y a donc lieu d’agir avec pertinence pour inciter les gestionnaires de réseau à envoyer les signaux voulus.

4.11.

Les réseaux de distribution jouent un rôle fondamental dans la mise en place de marchés intelligents et, de manière générale, dans la réussite de la transition énergétique. À l’avenir, la politique énergétique de l’Union doit donc attacher plus d’importance à leur modernisation.

4.12.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel la directive 2003/96/CE du Conseil (17) sur la taxation de l’énergie n’atteint plus son objectif principal. Il soutient donc les intentions de la Commission et demande une refonte ambitieuse de cette directive et des autres mécanismes visant à supprimer les subventions aux énergies fossiles et à internaliser les coûts externes.

4.13.

Le CESE insiste une nouvelle fois sur la problématique de la précarité énergétique et invite la Commission à prendre des mesures concrètes allant au-delà des lignes directrices abstraites portant sur une définition et un observatoire. À maintes reprises, il a fait valoir qu’une large participation des citoyens dans le secteur de l’énergie compte parmi les nombreuses approches pouvant permettre d’y remédier.

4.14.

Dans ce contexte, le CESE insiste une nouvelle fois sur la nécessité absolue de faire barrage à une société énergétique à deux vitesses. Il est inconcevable que seuls les ménages aisés et techniquement bien équipés tirent parti de la transition énergétique, tandis que tous les autres soient contraints d’en supporter les coûts. En règle générale, les citoyens en situation de précarité énergétique ne sont pas en position de force au plan politique. La Commission devrait donc faire montre de davantage de détermination pour inciter les États membres à agir davantage pour lutter efficacement contre la précarité énergétique: la vague de rénovation énergétique prévue dans le secteur du bâtiment ainsi que la participation active des citoyens à la production d’électricité renouvelable peuvent contribuer à atténuer le problème de la précarité énergétique. Par ailleurs, il convient de noter que l’éventuelle extension du système d’échange de quotas d’émission aux secteurs du chauffage et des transports peut avoir des répercussions sur l’équité de la répartition.

Concernant le chapitre «Recherche & innovation et compétitivité» du rapport sur l’état de l’union de l’énergie

4.15.

Le CESE craint que l’une des raisons pour lesquelles l’Union européenne accuse un retard dans certains domaines, comme les batteries solaires et les batteries lithium-ion, réside dans la trop faible demande. C’est pourquoi il invite la Commission à adopter une stratégie plus large: l’UE a besoin d’initiatives industrielles actives pour briser la position dominante de la Chine sur le marché. La proposition de règlement de la Commission relatif aux batteries constitue un pas dans la bonne direction. Par ailleurs, il conviendrait, dans le futur système énergétique, de renforcer les structures décentralisées. En effet, cela permettrait de relancer, par exemple, la demande de batteries, de générer des économies d’échelle et de rendre leurs prix attractifs.

Concernant le chapitre «L’union de l’énergie dans la perspective plus large du pacte vert» du rapport sur l’état de l’union de l’énergie

4.16.

Le CESE soutient les efforts déployés par la Commission afin de promouvoir des accords ambitieux pour la protection du climat à l’échelle mondiale. À cet effet, il apparaît indispensable d’introduire dans les accords commerciaux internationaux (18) un droit compensateur aux frontières assorti d’une prise en compte plus ambitieuse et plus concrète de la lutte contre le changement climatique (et autres objectifs de développement durable).

Concernant la communication relative à l’évaluation des PNEC

4.17.

Le CESE ne comprend pas que les critiques de la Commission quant à l’évaluation lacunaire du potentiel des énergies renouvelables se limitent au domaine marin. Il invite la Commission à renoncer à la préférence unilatérale qu’elle accorde aux technologies offshore au détriment de l’énergie photovoltaïque et de l’énergie éolienne terrestre, ainsi qu’à présenter de propres stratégies de développement de ces dernières.

4.18.

Le CESE note avec satisfaction que la Commission apprécie le potentiel de création d’emplois des énergies renouvelables. Il souligne néanmoins que l’exploitation pleine et entière de ce potentiel ne se concrétisera pas de manière automatique, mais nécessitera une politique active, notamment en ce qui concerne la qualité des emplois. Dans ce contexte, il est tout à fait incompréhensible que la Commission accorde aussi peu d’attention à l’énergie photovoltaïque, d’autant plus que, comme elle l’indique dans sa communication, il s’agit du secteur qui crée le plus d’emplois.

4.19.

Le CESE invite la Commission à définir, lors de la révision prochaine de la directive sur les énergies renouvelables, les règles sur les appels d’offres de manière à faciliter la participation des communautés d’énergie renouvelable et des PME.

4.20.

Le CESE se range à l’avis de la Commission selon lequel il est souhaitable d’investir de toute urgence dans les systèmes de chauffage urbain à basse température. Il conviendrait de lancer une initiative en ce sens.

4.21.

Les puits de CO2 constituent un instrument essentiel pour lutter contre le changement climatique. Il s’impose toutefois de prendre au sérieux les préoccupations exprimées par les États membres dans leurs PNEC face à l’augmentation des perturbations naturelles. C’est pourquoi les crédits UTCATF ne devraient toujours être considérés que comme complémentaires aux autres options pour la protection du climat.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2015) 80 final.

(2)  JO L 328 du 21.12.2018, p. 1.

(3)  COM(2020) 950 final — Annexe 2.

(4)  Chose d’autant plus surprenante que cela fait plus de 30 ans que la nécessité de supprimer les subventions préjudiciables à l’environnement dans l’UE est évoquée.

(5)  De même que par la présidence allemande du Conseil.

(6)  JO L 158 du 14.6.2019, p. 125.

(7)  JO C 47 du 11.2.2020, p. 30; JO C 62 du 15.2.2019, p. 269.

(8)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 85.

(9)  COM(2015) 80 final, p. 13.

(10)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 85.

(11)  Voir Hirschl, B., Aretz, A., Bost, M., Tapia, M., et Gößling-Reisemann, S., Vulnerabilität und Resilienz des digitalen Stromsystems [Vulnérabilité et résilience du système électrique numérique], rapport final, Berlin, Brême, 2018; disponible à l’adresse suivante: www.strom-resilienz.de

(12)  JO C 123, 9.4.2021, p. 30

(13)  JO C 123, 9.4.2021, p. 22

(14)  JO C 82 du 3.3.2016, p. 13.

(15)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 158.

(16)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 91.

(17)  JO L 283 du 31.10.2003, p. 51.

(18)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 44.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/47


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie de l’UE pour réduire les émissions de méthane»

[COM(2020) 663 final]

(2021/C 220/05)

Rapporteur:

Udo HEMMERLING

Consultation

Commission européenne, 27.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

9.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

252/5/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit aux objectifs fixés dans la stratégie de l’UE relative au méthane ainsi qu’à son orientation générale, tendant à une nouvelle réduction sensible des émissions de ce gaz afin de préserver le climat.

1.2.

Il apparaît à cet égard logique de se concentrer sur les principaux secteurs émetteurs de méthane, en l’occurrence ceux de l’énergie, de l’agriculture et des déchets.

1.3.

Il conviendrait de relier la stratégie pour le méthane à celles pour la bioéconomie et pour l’économie circulaire.

1.4.

On appréciera tout particulièrement que l’accent soit mis sur l’amélioration des relevés des émissions de méthane, ainsi que sur les initiatives prises au niveau international pour les réduire. En effet, les sources émettant du méthane sont souvent diffuses et décentralisées, et on les retrouve tout le long des chaînes internationales de production et d’approvisionnement.

Il est suggéré de compléter la stratégie de l’UE relative au méthane par les considérations suivantes:

1.5.

Les sources de méthane étant en grande partie diffuses, et les émissions de ce gaz délicates à relever, il est souvent difficile de surveiller lesdites émissions. Leur surveillance améliorée devrait être développée d’une manière uniforme et comparable pour les secteurs concernés, comme ceux de l’agriculture, de l’énergie, des déchets et de l’industrie chimique.

Il est très difficile, et même souvent impossible, d’inclure directement les émissions de méthane de sources diffuses dans un système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre ou d’en fixer directement le prix. Dans la mesure où il est toutefois possible de relever les émissions de sources ponctuelles, il convient néanmoins de s’y employer en adoptant la même approche pour tous secteurs émetteurs.

1.6.

Les États membres devraient exposer, dans leurs plans d’action climatique, l’état des lieux et les possibilités qu’offrent la filière du biogaz obtenu à partir du fumier et du lisier, des biodéchets, des eaux usées ou des décharges, ainsi que celle du gaz de mine, et définir les mesures qui permettront d’en renforcer l’usage.

1.7.

Le secteur agricole recèle à son tour de vastes possibilités pour réduire les émissions de méthane, surtout grâce à la fermentation du fumier et du lisier dans des centrales de biogaz et à des améliorations portées au fourrage et à l’élevage du bétail ainsi qu’à l’épandage d’engrais à faibles émissions. Il faudrait davantage concrétiser ces possibilités lors de la mise en œuvre de la stratégie de l’UE pour le méthane.

1.8.

Dans le secteur des déchets, la collecte et la valorisation des déchets biogènes doit progressivement devenir la norme dans toute l’UE, afin de poser les bases qui permettront d’éviter encore plus d’émissions de méthane dans ce secteur.

2.   Aperçu général de la stratégie pour le méthane de la Commission européenne

2.1.

Le méthane compte pour 10,5 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre dans l’UE, lesquelles s’élevaient à 3,76 milliards de tonnes équivalent CO2 en 2018. On a pu réduire les émissions de ce gaz de presque 34 % depuis 1990.

2.2.

La stratégie pour le méthane porte sur les principales émissions anthropiques de ce gaz et sur les secteurs émetteurs que sont l’agriculture (53 % des émissions de méthane de l’UE), les déchets (26 % des émissions) et l’énergie (19 % des émissions), et propose pour chacun d’eux des mesures de réduction. Les émissions naturelles de méthane, par exemple celles produites par les ruminants sauvages ou les marais, ne sont de ce fait pas incluses dans la stratégie à l’examen.

2.3.

À l’échelle mondiale, il est possible d’apporter une contribution importante à la préservation du climat en réduisant les émissions de méthane. Une réduction de moitié des émissions mondiales de ce gaz par rapport à leur niveau actuel entraînerait un effet de refroidissement global de 0,18 oC d’ici 2050.

2.4.

L’UE est responsable de 5 % des émissions de méthane au niveau mondial. En important du gaz, du pétrole et du charbon d’origine fossile, elle génère une quantité substantielle d’émissions de méthane supplémentaires dans les pays tiers. Voilà pourquoi la Commission européenne propose de prendre des mesures afin de réduire ces émissions tout le long des chaînes d’approvisionnement internationales.

2.5.

La Commission européenne propose d’améliorer nettement les relevés et la notification des émissions de méthane.

2.6.

La stratégie à l’examen n’aborde pas spécifiquement l’état actuel des connaissances scientifiques sur l’action particulière qu’exerce le méthane en tant que gaz à effet de serre à courte durée de vie (voir le chapitre 3).

3.   L’état des connaissances sur l’action que le méthane exerce sur le climat et ses conséquences pour une politique tendant à la neutralité climatique

3.1.

L’une des propriétés fondamentales du méthane (CH4), en tant que gaz à effet de serre, est sa durée de vie relativement courte, puisqu’il se décompose en eau (H2O) et en CO2 dans l’atmosphère en l’espace d’environ douze ans. Cette propriété a des conséquences déterminantes pour l’action qu’il exerce sur le climat, en comparaison avec le CO2, qui sert de référence dans les bilans climatiques.

3.2.

Le CO2 est stable dans l’atmosphère où, contrairement au méthane, il ne se décompose pas. C’est pourquoi on dit aussi du CO2 que c’est un gaz à effet de serre à longue durée de vie (en anglais, «stock gas»). Par conséquent, et toutes choses étant égales par ailleurs, les émissions de CO2 produites, par exemple, par la combustion de sources d’énergie fossiles s’accumulent sans discontinuer dans l’atmosphère, y entraînant une augmentation constante de la concentration de ce gaz.

3.3.

À l’inverse, les émissions de gaz à effet de serre à courte durée de vie (en anglais, «flow gases») comme le méthane sont compensées par leur processus naturel de décomposition. Du fait également de cette courte durée de vie, les émissions se compensent elles-mêmes par ce phénomène de dégradation, et la concentration atmosphérique reste dès lors stable tant que les émissions sont stables elles aussi.

3.4.

Outre cette courte durée de vie, l’origine du méthane est également déterminante pour l’action qu’il exerce sur le climat, puisque sa décomposition génère du CO2, qui est un gaz à effet de serre. Puisque le CO2 généré par la décomposition du méthane biogène (issu par exemple de la digestion des ruminants ou de la riziculture inondée) avait initialement été prélevé dans l’atmosphère par photosynthèse, alimentant la croissance des végétaux, il circule donc, pour l’essentiel, à l’intérieur d’un cycle, et la concentration atmosphérique de CO2 reste dès lors inchangée.

3.5.

En revanche, la décomposition du méthane fossile (issu par exemple de l’extraction de gaz naturel, de pétrole ou de charbon) en CO2 et en eau représente une source supplémentaire de CO2 pour l’atmosphère, ce qui augmente la concentration atmosphérique de CO2.

3.6.

Ces propriétés du méthane ont toute une série de conséquences pour l’action qu’il exerce sur le climat et pour l’élaboration de la politique climatique, et ce d’autant plus s’agissant de l’objectif d’atteindre la neutralité climatique. À moyen terme, l’émission à valeur constante du gaz à effet de serre à courte durée de vie qu’est le méthane (biogène) aboutit à une concentration de méthane constante dans l’atmosphère, laquelle soumet le système climatique à un forçage radiatif lui-même constant et, par conséquent, exerce un effet constant sur la température. Si les émissions de méthane diminuent, la concentration atmosphérique chute, entraînant un fléchissement du forçage radiatif et, partant, une baisse des températures (effet de refroidissement).

3.7.

En revanche, l’émission à valeur constante de CO2 entraîne l’augmentation de la concentration de ce gaz dans l’atmosphère aussi longtemps que la source en émet. Même après l’arrêt de l’émission de CO2, la concentration de ce gaz ainsi générée dans l’atmosphère persiste, continuant dès lors d’exercer un forçage radiatif, avec comme conséquence un effet durable de réchauffement.

3.8.

Si l’on veut neutraliser l’action que les gaz à effet de serre exercent sur le climat, il est par conséquent nécessaire d’adopter des approches différentes selon qu’ils ont une durée de vie courte ou longue. Pour ramener les températures durablement augmentées par la persistance du forçage radiatif causé par le CO2 à leur niveau antérieur à l’émission de ce gaz, il faut réduire activement la concentration de CO2 dans l’atmosphère grâce à des puits de carbone; de même, pour stabiliser le niveau des températures en présence d’émissions durables (inévitables) de CO2, il faut constamment prélever de l’atmosphère une quantité de CO2 identique à celle qui y a été injectée (ce qu’on appelle un «bilan net nul» d’émissions). Cette démarche trouve sa traduction dans l’objectif d’un bilan neutre des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, dans le cas des sources de méthane (biogène), un effet neutre pour le climat est déjà atteint si les émissions sont stables, tandis qu’une compensation des émissions de méthane comptabilisées en équivalent CO2 par l’élimination de gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère entraîne un effet de refroidissement.

3.9.

Par conséquent, un «bilan net nul» exprimé en équivalent CO2 ne représente pas une ligne d’action adaptée pour un gaz à effet de serre à courte durée de vie comme le méthane. En Nouvelle-Zélande, par exemple, la loi dite «zéro carbone» réserve un traitement particulier aux émissions de méthane. L’action exercée sur le climat par les gaz à effet de serre à courte durée de vie devrait être décrite à l’aide d’un système de mesure approprié dans les bilans correspondants (voir à ce sujet les travaux de l’université d’Oxford: https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab6d7e).

4.   Quelques observations complémentaires sur la réduction des émissions de méthane

4.1.

Un changement des comportements chez les consommateurs représente un moyen certes prometteur de réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est vrai aussi de l’alimentation — en référence plus précisément à la recommandation de réduire la consommation de produits d’origine animale. Il convient toutefois de veiller à ce que l’action climatique s’inscrive dans le cadre d’une société ouverte et qu’à cet égard, les individus opèrent ces changements de comportement dans leur mode de vie de leur plein gré.

4.2.

Dans le secteur agricole, une attention particulière doit aussi être portée, au-delà des possibilités de réduire les émissions de méthane des élevages, aux liens qui relient cette question à celle de l’occupation des sols. Concrètement, les ruminants représentent le principal motif de l’exploitation et du maintien des prairies. Or, la conservation de ces espaces est très importante aussi du point de vue de la politique climatique, car l’humus de leur sol piège le CO2.

4.3.

Quelques États dans l’UE ne disposent toujours pas de dispositifs généralisés pour la récupération et la valorisation énergétique du méthane émis par les décharges, les stations d’épuration des eaux usées et les mines de charbon désaffectées.

4.4.

De nombreux États membres ne disposent pas encore de système généralisé de collecte des déchets permettant le tri sélectif et la valorisation des déchets biogènes. Ces carences empêchent d’éviter au maximum les émissions de méthane dues au compostage ou à la fermentation (biogaz) lors du traitement des biodéchets.

4.5.

À ce jour, l’UE n’a encore assorti d’aucune exigence particulière, du point de vue de la protection de la nature, de l’environnement et du climat, l’importation de sources d’énergies fossiles comme le gaz naturel, le pétrole et le charbon. La mise au point d’exigences visant à réduire les émissions de méthane qui a été annoncée devrait s’inscrire dans une initiative plus globale tendant à réduire l’empreinte écologique de ces importations énergétiques dans le cadre du pacte vert.

4.6.

Dans la perspective d’un suivi des émissions anthropiques de méthane qu’il faudrait développer, il conviendrait aussi de mettre en évidence, à titre indicatif, les émissions de méthane d’origine naturelle, afin de brosser un tableau complet.

4.7.

Il convient enfin d’accélérer, dans les réseaux européens, la recherche et le développement ainsi que l’introduction sur le marché de technologies permettant de réduire les émissions de méthane, en associant à cette démarche les partenaires économiques et sociaux.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/51


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, et abrogeant le règlement (UE) no 347/2013

[COM(2020) 824 final — 2020/0360 (COD)]

(2021/C 220/06)

Rapporteur:

Philippe CHARRY

Saisine

Parlement européen, 18.1.2021

Conseil de l’Union européenne, 19.1.2021

Base juridique

Articles 172 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

9.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

252/3/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est favorable à l’adaptation des règles européennes relatives aux réseaux transeuropéens d’énergie (RTE-E) aux objectifs du pacte vert, pour un «approvisionnement énergétique propre, abordable et sûr», associant en particulier la décarbonation du système énergétique, la transition vers la neutralité climatique, le développement des sources d’énergie renouvelables, l’efficacité énergétique, la prévention du risque de précarité énergétique. À cet effet, il prend en compte le fait que l’Europe a besoin d’un système énergétique assurant la sécurité d’approvisionnement en énergie pour tous les pays de l’Union européenne (UE), l’accès pour tous à une énergie à prix abordable, reposant sur une électrification rapide allant de pair avec un doublement de la part de la production d’électricité d’origine renouvelable. Le CESE demande que les bases juridiques proposées pour le règlement soient complétées par une référence explicite à l’article 194 du TFUE.

1.2.

Le CESE rappelle la nécessité d’atteindre l’ensemble des objectifs de la politique énergétique mise en œuvre à travers le règlement RTE-E. Les réseaux énergétiques assurant un rôle essentiel d’équilibre, de résilience et de développement du système énergétique, le Comité demande que le règlement se situe plus clairement dans une dynamique d’intégration du système énergétique, afin de promouvoir toute forme d’énergie décarbonée, et que toute forme de dés-intégration soit rendue impossible.

1.3.

Le CESE invite la Commission, le Conseil et le Parlement à promouvoir les sources d’énergie sans émissions de carbone, dans le respect de la neutralité technologique. Il appelle également à soutenir les efforts déployés dans le cadre du projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) pour parvenir, au-delà de 2050, à une énergie propre et abordable pour tous. Le Comité souhaite que des projets soient consacrés à la création des conditions préalables à une ère de l’hydrogène et de la fusion.

1.4.

Le CESE demande que la priorité soit donnée à l’innovation et à la conception de réseaux d’énergie visant à réduire les pertes d’énergie liées au transport.

1.5.

Le CESE demande que pour l’éolien en mer, la priorité soit donnée aux projets de raccordement radial et un bilan environnemental global soit fait de cette technologie.

1.6.

Le CESE demande de ne pas exclure les projets concernant les infrastructures de transport de gaz naturel des critères d’éligibilité du règlement comme projets d’intérêt commun ou projets d’intérêt mutuel.

1.7.

Le Comité souhaite que la proposition de règlement utilise la formulation «renouvelable et/ou décarboné» en lieu et place de «renouvelable» dans les critères d’éligibilité des projets d’intérêt commun (PIC) et des projets d’intérêt mutuel (PIM).

1.8.

Le CESE demande que le règlement fasse explicitement référence aux objectifs communautaires d’approvisionner en énergie toutes les populations à un prix abordable et d’assurer un niveau élevé de qualité, de sécurité, ainsi qu’à l’égalité de traitement et à la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs.

1.9.

En matière de gouvernance, le CESE demande que soit réduit au strict minimum le recours par la Commission à des actes délégués et que soit mise en œuvre une gouvernance multi-acteurs s’appuyant sur les représentants de la société civile: branches professionnelles, organisations syndicales de salariés, associations d’usagers, etc.

1.10.

Le CESE suggère que le règlement mette en œuvre une responsabilité communautaire quant au financement des projet d’intérêt commun (PIC), en combinant les modes de financement sans les hiérarchiser.

1.11.

Pour assurer le pilotage de l’équilibre général du système et de la continuité de fourniture des réseaux de transport à très haute tension à l’échelle de l’UE, le CESE demande à la Commission de mettre à l’étude l’hypothèse d’un opérateur transeuropéen des réseaux de transport d’électricité à très haute tension, à la fois intégré et décentralisé.

2.   Observations générales

2.1.

La Commission propose une révision de la réglementation relative aux réseaux transeuropéens d’énergie (RTE-E).

2.2.

Le règlement (UE) no 347/2013 du Parlement européen et du Conseil (1), adopté en 2013, fixait des règles pour le développement et l’interopérabilité des réseaux transeuropéens d’énergie. Dans sa proposition, la Commission souligne qu’il a contribué à la réalisation des objectifs de la politique énergétique de l’UE, qui visent à accroître les interconnexions énergétiques dans l’ensemble de l’Union.

2.3.

Pour autant, l’évaluation effectuée par la Commission conclut que «le cadre actuel n’a pas été à même de faire preuve d’une souplesse suffisante pour s’adapter à l’évolution des objectifs d’action de l’Union», ce qui l’amène à proposer une révision dudit règlement.

2.4.

Cette mise à jour modifie en particulier les conditions de sélection des projets d’intérêt commun (PIC) dans l’optique de leur financement par l’UE, avec en particulier l’obligation de répondre au critère de durabilité et de respecter le principe de «ne pas nuire», tel qu’énoncé dans le pacte vert.

2.5.

La proposition modifie les catégories d’infrastructures éligibles à une aide financière dans le cadre de la politique des RTE-E avec la suppression du soutien aux infrastructures pétrolières et gazières.

2.6.

La proposition met un accent particulier sur les réseaux électriques en mer et leur intégration aux infrastructures terrestres, grâce à la mise en place d’un guichet unique.

2.7.

Elle vise à mieux prendre en compte les infrastructures utilisant l’hydrogène, y compris les transports et certains types d’électrolyseurs.

2.8.

Le projet de règlement promeut le développement des réseaux électriques intelligents afin de faciliter l’électrification rapide et d’accroître la production d’électricité à partir de sources renouvelables.

2.9.

De nouvelles dispositions visent à inciter aux investissements dans les réseaux intelligents pour intégrer les gaz propres (tels que le biogaz et l’hydrogène renouvelable) dans les réseaux existants. Une attention est portée à la modernisation des réseaux électriques ainsi que des réseaux de stockage et de transport du carbone.

2.10.

De nouvelles dispositions sont proposées, visant à mieux soutenir les projets d’interconnexion avec des pays tiers — par exemple avec les Balkans occidentaux –, les projets d’intérêt mutuel (PIM), qui démontrent leur contribution aux objectifs énergétiques et climatiques généraux de l’Union en matière de sécurité de l’approvisionnement et de décarbonation.

2.11.

La proposition révise le cadre de gouvernance dans le but affiché d’améliorer la planification des infrastructures et de veiller à son alignement sur les objectifs climatiques et les principes d’intégration du système énergétique de l’UE. Elle prévoit d’assurer une participation accrue des parties prenantes tout au long du processus ainsi qu’un renforcement du rôle de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) ainsi qu’une surveillance renforcée de la part de la Commission.

2.12.

Diverses mesures sont également proposées afin de simplifier les procédures administratives, de manière à accélérer la mise en œuvre des projets.

3.   Observations particulières

3.1.

La proposition à l’examen s’inscrit dans le cadre de la politique européenne de l’énergie telle que définie par les traités (2), le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie (3), le développement des réseaux transeuropéens (4), ainsi que d’un vaste «paquet» qui définit la nouvelle stratégie de l’Union européenne: «transformer l’UE en une société juste et prospère, dotée d’une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive» (5). L’UE vise ainsi à combiner des objectifs communautaires — fonctionnement du marché de l’énergie, sécurité d’approvisionnement, efficacité énergétique, économie d’énergie, développement des énergies renouvelables, lutte contre le changement climatique, interconnexion des réseaux — tout en «n’affectant pas le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique». Le CESE demande que les bases juridiques proposées pour le règlement soient complétées par une référence explicite à l’article 194 du TFUE.

3.2.

Le CESE est favorable à l’adaptation des règles européennes aux objectifs du pacte vert, pour un «approvisionnement énergétique propre, abordable et sûr», associant en particulier la décarbonation du système énergétique, la transition vers la neutralité climatique, le développement des sources d’énergie renouvelables, l’efficacité énergétique, la prévention du risque de précarité énergétique.

3.3.

Le CESE soutient l’objectif de parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050 et à des niveaux plus élevés de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. À cet effet, il prend en compte le fait que l’Europe a besoin d’un système énergétique assurant la sécurité d’approvisionnement en énergie pour tous les pays de l’UE, l’accès pour tous à une énergie à prix abordable, reposant sur une électrification rapide allant de pair avec un doublement de la part de la production d’électricité d’origine renouvelable, assurant également la décarbonation du secteur du gaz et recourant davantage aux solutions innovantes

3.4.

Dans sa communication «Alimenter en énergie une économie neutre pour le climat: une stratégie de l’UE pour l’intégration du système énergétique» (6), la Commission souligne que «la planification et le fonctionnement coordonnés du système énergétique “comme un tout”, tous vecteurs énergétiques, infrastructures et secteurs de consommation confondus — constitue la voie à suivre pour permettre une décarbonation efficace, abordable et en profondeur de l’économie européenne». De plus, la Commission met en cause le fait que «le système énergétique actuel repose encore sur plusieurs chaînes de valeur énergétiques verticales parallèles, qui relient de manière rigide des ressources énergétiques spécifiques et des secteurs d’utilisation finale spécifiques» et que «le modèle en “silos” distincts ne saurait déboucher sur une économie neutre pour le climat».

3.5.

Des années 1950 aux années 1970, des systèmes énergétiques intégrés (production-transport-distribution) existaient aux niveaux national ou régional, sectoriels ou plus généraux dans tous les pays européens. À partir des années 1980, la construction de marchés intérieurs européens, fondés sur les quatre libertés fondamentales de circulation, ont amené une série de «dés-intégrations» et d’ouvertures à la concurrence, avec l’objectif de promouvoir la qualité et l’efficacité au bénéfice des consommateurs.

3.6.

Le CESE souscrit à la stratégie d’intégration, qui doit irriguer toutes les dimensions de la politique européenne de l’énergie. Cela implique de reconstruire progressivement des intégrations, et de suspendre toute nouvelle initiative de dés-intégration, qui conduirait à accentuer la constitution de «silos», alors que l’objectif est d’assurer la planification et le fonctionnement coordonnés du système énergétique. Le Comité demande que le règlement s’inscrive dans une dynamique d’intégration du système énergétique, et qu’un coup d’arrêt soit donné à toute forme de dés-intégration.

3.7.

Le CESE rappelle la nécessité d’atteindre l’ensemble des objectifs de la politique énergétique mise en œuvre à travers le règlement RTE-E. Les réseaux énergétiques assurent les interrelations entre producteurs et utilisateurs. Ils forment en quelque sorte le «cœur du réacteur» du système énergétique. La proposition de règlement à l’examen gagnerait à davantage s’inscrire dans cette dynamique d’intégration, incluant le développement des «prosommateurs» et des coopératives, et à ne pas s’en tenir à une timide référence au considérant 13 (tout en faisant référence à «l’intégration des systèmes énergétiques», le projet manque à resituer la place des infrastructures énergétiques transeuropéennes dans cette dynamique stratégique de planification et de fonctionnement coordonnés) pour atteindre leur finalité essentielle qui est celle de l’équilibre, de la résilience et du développement du système énergétique. C’est dans cet objectif qu’il convient de préciser l’ampleur du développement des capacités d’interconnexion entre chaque État membre, qui devraient davantage mettre l’accent sur la résorption des goulets d’étranglement que sur des moyennes générales (10 % en 2020, 15 % en 2030). Le CESE estime que la proposition qui lui est soumise manque singulièrement d’ambition et de moyens.

3.8.

Le CESE invite la Commission, le Conseil et le Parlement à promouvoir les sources d’énergie sans émissions de carbone, dans le respect de la neutralité technologique. Il soutient également les efforts déployés dans le cadre du projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) dans l’optique d’atteindre au-delà de 2050 une énergie propre et abordable pour tous. La conception des réseaux d’énergie doit donner la priorité à l’innovation et à l’efficacité des infrastructures et à la réduction des coûts élevés des pertes d’énergie liées au transport.

3.9.

Le CESE comprend l’importance donnée à l’éolien en mer dans le projet de règlement. Il souhaite que la priorité soit donnée aux projets de raccordement radial. Le CESE souhaite qu’un bilan environnemental complet soit établi pour l’ensemble de l’éolien en mer, prenant en compte le démontage et le recyclage des éoliennes. Par ailleurs, la mise en place d’un guichet unique pour l’éolien en mer est susceptible d’entraîner de grandes lourdeurs administratives, sans que ses bénéfices soient avérés, le nombre de projets nécessitant des demandes d’autorisations à plusieurs États membres étant très limité. De plus, la volonté louable de planification de l’éolien en mer se traduit par un dispositif inutilement contraignant de fixation d’objectifs de capacités, qui entrent en contradiction avec ceux inscrits dans les plans nationaux en matière d’énergie et de climat, ainsi qu’avec la liberté de choix du mix énergétique inscrit dans le traité.

3.10.

Le CESE s’interroge également sur la volonté de la Commission d’exclure totalement le soutien aux infrastructures gazières alors que celles-ci sont aujourd’hui indispensables à la sécurité d’approvisionnement de certains territoires de l’UE, et que le gaz naturel apparaît comme une énergie de transition (7), moins néfaste que le charbon ou le pétrole. Le CESE a déjà soutenu, dans de précédents avis, que les infrastructures dédiées au gaz naturel seront potentiellement réutilisables pour les gaz renouvelables, et qu’il est donc pertinent de continuer d’y investir (8). Pour ces raisons, le Comité souhaite qu’il n’y ait pas d’exclusion du gaz naturel tant que celui-ci ne sera pas effectivement remplacé par d’autres sources d’énergie à prix comparable. Le Comité demande que les projets concernant les infrastructures de transport de gaz naturel soient éligibles aux critères du règlement pour être sélectionnés comme projets d’intérêt commun ou projets d’intérêt mutuel.

3.11.

Le CESE constate que la référence récurrente au caractère «renouvelable» dans les critères de sélection (9) des projets laisse planer le doute sur la prise en compte de projets de transport d’énergie décarbonée dont l’UE a pourtant un besoin critique pour atteindre la dimension climatique de ses objectifs. C’est pourquoi le Comité souhaite que le projet de règlement préfère la formulation «renouvelable et/ou décarboné».

3.12.

Le CESE ne partage pas la «logique en trois étapes» qui préside au financement des investissements des PIC, telle que mentionnée au considérant 46, consistant à les «proposer en priorité au marché», alors qu’il s’agit d’infrastructures essentielles pour mettre en œuvre les objectifs de l’UE, devant donc reposer sur des modes communautaires de solidarité ou de péréquation en combinant les modes de financement sans les hiérarchiser. Le Comité suggère que le règlement mette en œuvre une responsabilité communautaire quant au financement des PIC, en combinant les modes de financement sans les hiérarchiser.

3.13.

En tant que représentant de la société civile organisée, le CESE est particulièrement attaché aux droits des utilisateurs, en particulier des populations, ainsi qu’à une gouvernance démocratique.

3.14.

Soucieux de ne pas laisser se développer une Union de l’énergie inégalitaire, d’améliorer la situation des populations en situation de précarité énergétique et à faible revenu, le CESE confirme ses nombreux avis antérieurs (10) quant à la nécessité d’approvisionner en énergie toutes les populations à un prix abordable soit, conformément aux objectifs communautaires d’«un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs» (11), un critère prioritaire de la sélection des PIC. Aussi, le Comité demande que le règlement fasse explicitement référence aux objectifs communautaires d’approvisionner en énergie toutes les populations à un prix abordable et d’assurer un niveau élevé de qualité, de sécurité, ainsi qu’au caractère abordable, à l’égalité de traitement et à la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs.

3.15.

En matière de gouvernance, la proposition à l’examen accorde un poids excessif au rôle de la Commission — il conviendrait de réduire au strict minimum le recours aux actes délégués prévu à l’article 3 — et de l’ACER, sans pour autant examiner les voies d’une réduction des asymétries existantes en matière d’information et de compétences pour fonder une gouvernance multi-acteurs qui s’appuierait davantage sur les représentants de la société civile: branches professionnelles, organisations syndicales de salariés, associations d’usagers, etc., y compris dans les groupes régionaux. Le CESE demande que soit réduit au strict minimum le recours par la Commission à des actes délégués, et que soit mise en œuvre une réelle gouvernance multi-acteurs.

3.16.

Compte tenu des spécificités des réseaux électriques, le CESE suggère à la Commission d’étudier avec toutes les parties prenantes, et d’ouvrir à une large consultation, un projet de création d’un opérateur transeuropéen à la fois intégré et décentralisé, fondé sur une gouvernance multi-niveaux:

intégré, pour assurer le pilotage de l’équilibre général du système et de la continuité de fourniture des réseaux de transport à très haute tension à l’échelle de l’UE; chargé de missions et d’obligations de service public/services d’intérêt général européen, sachant qu’un tel opérateur public devra s’appuyer sur les opérateurs nationaux et infranationaux, donc être

décentralisé, au niveau de la maille territoriale la plus pertinente, compte tenu des caractéristiques de chacun des États membres.

Le CESE demande à la Commission de mettre à l’étude l’hypothèse d’un opérateur transeuropéen des réseaux de transport d’électricité à très haute tension.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO L 115 du 25.4.2013, p. 39.

(2)  JO C 326 du 26.10.2012, p. 134.

(3)  JO L 328 du 21.12.2018, p. 1.

(4)  JO C 115 du 9.5.2008, p. 124, JO C 202 du 7.6.2016, p. 125, JO C 202 du 7.6.2016, p. 125.

(5)  COM(2019) 640 final.

(6)  COM(2020) 299 final.

(7)  Conclusions du Conseil européen, 10 et 11 décembre 2020.

(8)  COM(2020) 301 final (JO C 123, 9.4.2021, p. 30).

(9)  Par exemple, à l’article 4, paragraphe 3, ou à l’annexe IV du COM(2020) 824 final.

(10)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 77, JO C 47 du 11.2.2020, p. 98, JO C 14 du 15.1.2020, p. 105, JO C 353 du 18.10.2019, p. 96, JO C 353 du 18.10.2019, p. 79, JO C 282 du 20.8.2019, p. 51, JO C 262 du 25.7.2018, p. 86, Rapport d’information du CESE «Évaluer l’union européenne de l’énergie — La dimension sociale et sociétale de la transition énergétique»

(11)  JO C 115 du 9.5.2008, p. 308


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/56


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Faire passer l’union douanière à l’étape supérieure: un plan d’action»

[COM(2020) 581 final]

(2021/C 220/07)

Rapporteur:

Anastasis YIAPANIS

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

259/0/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement le plan d’action très concret visant à soutenir les autorités douanières nationales pour les cinq prochaines années. Une fois mis en œuvre, avec des analyses d’impact régulières, il conduira à une véritable modernisation des douanes dans l’ensemble de l’UE.

1.2.

Si un processus de modernisation a débuté en 2016 avec l’introduction du code des douanes de l’Union (1), des évolutions récentes comme l’augmentation des flux commerciaux, l’essor du secteur du commerce électronique, la fraude douanière et la fraude à la TVA, le trafic illicite et la sous-évaluation des marchandises sont autant de phénomènes qui nécessitent une réponse immédiate et coordonnée. La sortie du Royaume-Uni de l’union douanière entraîne déjà une charge de travail plus lourde et des défis particuliers pour les autorités douanières.

1.3.

Un plan aussi ambitieux requiert un financement partagé adéquat. Le CESE n’est pas sûr que tous les États membres soient prêts à adopter le calendrier proposé et à mettre leur part des fonds sur la table.

1.4.

Il est nécessaire de mettre rapidement en place une coopération et une interopérabilité renforcées entre les douanes et d’autres services répressifs et administrations. Le partage des meilleures pratiques pourrait également améliorer la productivité des services douaniers, et une gestion adéquate de la quantité considérable de données disponibles pourrait permettre de mettre en place une surveillance intelligente des chaînes d’approvisionnement et de renforcer les capacités de prospective.

1.5.

Les autorités douanières devraient disposer de ressources suffisantes pour l’ensemble des responsabilités non financières, et des normes minimales en matière de contrôle et d’effectifs requis devraient être mises en place. Le CESE estime qu’il est extrêmement important d’adopter dès que possible des actes d’exécution pour le règlement sur la surveillance du marché (2).

1.6.

La longueur excessive du processus d’approbation du prochain CFP et les difficultés rencontrées par les dirigeants de l’UE à 27 pour se mettre d’accord sur des actions très importantes compromettent la bonne reprise de l’économie de l’UE et le soutien immédiat dont les citoyens et les entreprises ont besoin.

1.7.

Le CESE recommande d’étudier immédiatement la possibilité d’introduire la technologie des chaînes de blocs dans le plan d’action proposé. En outre, le progrès technologique et les solutions innovantes existantes que recèlent la robotique et l’intelligence artificielle pourraient être facilement mis à profit, avec des résultats immédiats et pertinents.

1.8.

Le CESE suggère d’accorder une attention particulière aux points d’entrée et de sortie les plus vulnérables et se félicite que la robustesse de l’union douanière soit déterminée à l’aune de son maillon le plus faible. Un système de gestion des risques conforme, davantage coordonné et intégré permettrait de réduire les écarts entre les autorités et de renforcer les maillons les plus faibles de la chaîne. La nouvelle stratégie de gestion des risques annoncée pour le 2e trimestre 2021 est donc bienvenue.

1.9.

Il convient de prévoir des ressources financières spécifiques pour l’interconnexion de l’ICS2 avec d’autres systèmes électroniques. Le CESE souligne l’importance que revêt la bonne gestion d’un réseau aussi complexe.

1.10.

Le CESE souligne la nécessité de garantir des ressources humaines suffisantes pour l’analyse des données anticipées avant le chargement et avant l’arrivée, ainsi qu’une formation adéquate de ce personnel pour sa mise en œuvre. Il s’est déjà prononcé en faveur de «cadres de formation communs [en] s’appuyant sur le «Référentiel européen des compétences des métiers de la douane» (3)».

1.11.

La création d’une plateforme européenne d’information fiscale au sein du réseau de lutte contre la fraude fiscale Eurofisc est considérée comme une amélioration significative, et le CESE attend avec intérêt l’évaluation de la Commission à cet égard.

1.12.

Le commerce électronique est un secteur très important pour les PME. Le CESE se dit inquiet que la communication ne fasse aucune référence à la création d’un cadre favorable aux PME grâce à ce plan d’action ambitieux.

1.13.

Le CESE estime que les plateformes disposent de données importantes que les douanes pourraient utiliser, mais qu’elles devraient investir spécifiquement dans des logiciels informatiques tels que des systèmes robotiques automatisés. Elles devraient bénéficier d’un financement pour la collecte des données dont elles n’auraient pas besoin autrement. Toutefois, le CESE se félicite que la Commission soit en train de procéder à la révision du rôle et des obligations des places de marché en ligne.

1.14.

Il est nécessaire de disposer dans les meilleurs délais d’une analyse exhaustive des systèmes internationaux de coopération et d’assistance administrative mutuelle en matière douanière de l’Union, car elle conduirait à une meilleure application de la législation.

1.15.

Le CESE se félicite de la proposition de déployer le système de guichet unique de l’UE et lui exprime son plein soutien.

1.16.

Le CESE craint que, dans l’hypothèse où le projet controversé d’agence douanière de l’Union ne serait pas approuvé par les États membres, la gestion d’un système aussi complexe et interconnecté n’impose une charge supplémentaire aux services existants de la Commission.

1.17.

Le CESE est fermement convaincu que la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile contribuera à la mise en œuvre d’un plan d’action aussi ambitieux, tout en assurant une large diffusion des avantages qu’il apporte tant aux citoyens qu’aux entreprises.

2.   Introduction

2.1.

L’union douanière de l’UE existe depuis 1968 et concerne l’ensemble des échanges de marchandises dans les 27 États membres. Chaque année, l’union douanière facilite les échanges de marchandises pour une valeur de plus de 3 500 milliards d’EUR, et les autorités douanières de l’UE traitent, chaque seconde, 27 articles déclarés.

2.2.

Le 28 septembre 2020, à la suite des orientations politiques annoncées par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, au début de son mandat, la Commission européenne a publié un plan d’action ambitieux visant à améliorer l’union douanière en la rendant plus intelligente, plus simple et plus efficace sur le plan numérique d’ici à 2025. Ce processus aurait une incidence positive tant sur les recettes de l’UE que sur la sécurité et la sûreté des citoyens européens. En outre, les entreprises bénéficieraient d’une simplification des obligations en matière de communication d’informations, avec des procédures plus rapides.

2.3.

Le CESE a déjà souligné que «une union douanière performante est une condition sine qua non du processus d’intégration européenne, afin d’assurer une libre circulation des marchandises efficace, sûre et transparente, assortie d’une protection maximale des consommateurs et de l’environnement, d’emplois de meilleure qualité et d’une lutte efficace contre la fraude et la contrefaçon» (4).

2.4.

Par conséquent, le CESE accueille favorablement le plan d’action très concret qui est présenté pour les cinq prochaines années, lequel prévoit trente actions planifiées et assorties d’un calendrier dans le cadre de quatre rubriques stratégiques en vue de soutenir les autorités douanières nationales: «gérer les risques», «gérer le commerce électronique», «promouvoir le respect des obligations» et «agir comme une entité unique».

2.5.

Le système douanier actuel s’est avéré présenter des lacunes et des vulnérabilités, et la quantité considérable de données partagées entre les douanes de tous les États membres n’est pas utilisée de manière efficace. Le Parlement européen et la Cour des comptes européenne ont déjà manifesté leur inquiétude quant à la perte de recettes causée par l’inefficacité des contrôles douaniers sur les marchandises importées.

2.6.

Les droits de douane constituent une part importante du budget de l’UE, puisqu’ils représentent environ 14 % du total de ses recettes. L’Office européen de lutte antifraude (OLAF) signale que la fraude douanière est une pratique répandue et a recommandé le recouvrement de plus de 2,7 milliards d’EUR de droits de douane pour la période 2017-2019. Les marchandises de contrefaçon importées de pays tiers sont estimées à 121 milliards d’EUR par an, tandis que les atteintes à la propriété intellectuelle génèrent plus de 83 milliards d’EUR de ventes et entraînent une perte de recettes fiscales de 15 milliards d’EUR.

2.7.

Sur le plan positif, près de 100 % des déclarations en douane sont transmises par voie électronique.

3.   Observations générales

3.1.

L’union douanière a un besoin urgent d’investissements pour effectuer une mise à niveau coordonnée de ses capacités tant logicielles qu’humaines. Si un processus de modernisation a débuté en 2016 avec l’introduction du code des douanes de l’Union (5), l’augmentation des flux commerciaux, l’essor du secteur du commerce électronique, la fraude douanière et la fraude à la TVA, le trafic illicite et la sous-évaluation des marchandises sont autant de phénomènes qui nécessitent une réponse immédiate et coordonnée. En outre, les douanes sont chargées de contrôler les marchandises à de nombreuses fins non financières. Le CESE se félicite que la robustesse de l’union douanière soit déterminée à l’aune de son maillon le plus faible et suggère par conséquent d’accorder une attention particulière aux points d’entrée et de sortie les plus vulnérables. Les États membres devraient tirer pleinement parti du nouvel instrument relatif aux équipements de contrôle douanier, qui est spécialement conçu pour aider à l’achat, à la maintenance et au remplacement d’équipements douaniers modernes.

3.2.

La sortie du Royaume-Uni de l’union douanière entraîne déjà une charge de travail plus lourde et des défis particuliers pour les autorités douanières. Le nombre de déclarations en douane devrait augmenter de manière significative, parallèlement à la réintroduction des contrôles douaniers.

3.3.

Il est nécessaire de mettre rapidement en place une coopération et une interopérabilité renforcées entre les douanes et d’autres services répressifs et administrations. Le CESE a déjà mis en garde sur le fait que «la coopération entre les différentes autorités et institutions dans les États membres — police, renseignement, justice, douane et fisc — est loin d’être optimale» (6).

3.4.

Les douanes sont très impliquées dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Rien qu’en 2019, elles ont saisi 400 tonnes de drogue, 3 699 armes à feu et 3,5 milliards d’articles en produits du tabac et cigarettes. 11,5 % de l’ensemble des déclarations d’argent liquide étaient incorrectes, pour un montant d’environ 331 millions d’EUR (7).

3.5.

Pour un secteur qui doit gérer une telle quantité de déclarations, d’informations sur les produits, de taxes, etc., la gestion des données est extrêmement importante. Maîtriser le volume considérable de données disponibles constituerait une amélioration immédiate et majeure par rapport au système douanier actuel et permettrait également d’apporter une réponse plus efficace et plus concluante aux défis croissants qui se posent. Cela permettrait en outre une surveillance intelligente des chaînes d’approvisionnement et un renforcement des capacités de prospective.

3.6.

Le CESE se dit plutôt déçu que, dans la toute dernière phrase de la communication, la Commission n’invite que le Parlement européen et le Conseil à soutenir ce plan d’action, sans aucunement mentionner le Comité économique et social européen. Nous sommes fermement convaincus que la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile contribuera à la mise en œuvre d’un plan d’action aussi ambitieux, tout en assurant une large diffusion des avantages qu’il apporte tant aux citoyens qu’aux entreprises.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Depuis le début, le CESE apprécie l’ambitieuse feuille de route et les délais concrets de mise en œuvre des actions. Il s’agit d’une avancée manifeste qui, une fois la feuille de route mise en œuvre et assortie d’analyses d’impact régulières, conduira à une véritable modernisation des douanes dans l’ensemble de l’UE.

4.2.

Un plan aussi ambitieux requiert un financement adéquat. Si certaines des actions proposées nécessitent un financement partagé et que l’UE est prête à jouer son rôle dans la partie, le CESE doute néanmoins que tous les États membres soient prêts à adopter le calendrier proposé et à mettre leur part des fonds sur la table. Seule une coordination approfondie du financement et de la mise en œuvre garantirait le succès de la proposition.

4.3.

L’UE a toutefois montré qu’elle disposait de structures fragiles et les réponses qu’elle a apportées à des situations critiques, notamment la pandémie de COVID-19, se sont avérées tardives et non coordonnées. L’appel lancé par le président français, Emmanuel Macron, en faveur de la réorganisation de l’espace Schengen et sa demande de réexamen de la libre circulation des personnes dans l’Union sont deux signes aussi graves qu’inquiétants.

4.4.

En outre, la longueur incroyable du processus d’approbation du prochain CFP compromet la bonne reprise de l’économie de l’UE et le soutien immédiat dont les citoyens et les entreprises ont besoin. Il semble de plus en plus compliqué pour les dirigeants de l’UE à 27 de se mettre d’accord sur des actions très importantes, alors même que la durée et le caractère non décisif des solutions apportées démontrent que le système de gouvernance de l’UE est obsolète et inefficace.

4.5.

Bien qu’elle ait déjà été examinée et analysée en 2018, la proposition actuelle ne prévoit aucune utilisation de la technologie de la chaîne de blocs. Le CESE estime que le système douanier dispose précisément de la structure appropriée pour intégrer ces évolutions et recommande d’étudier immédiatement la possibilité d’introduire la technologie des chaînes de blocs dans le plan d’action proposé.

4.6.

Le CESE note en outre qu’il n’existe absolument aucune analyse de l’utilisation possible de la robotique et de l’intelligence artificielle aux fins de la modernisation des opérations douanières. Il estime que le progrès technologique et les solutions innovantes existantes que recèlent la robotique et l’intelligence artificielle pourraient être facilement mis à profit dans le cadre d’un plan d’action aussi complexe, avec des résultats immédiats et pertinents.

4.7.   Gestion des risques

4.7.1.

Depuis l’introduction de modifications en matière de sécurité dans le code des douanes communautaires en 2005, l’UE mène déjà des activités de gestion des risques fondées sur deux lignes de défense: l’évaluation préalable et le contrôle avant ou après l’entrée des marchandises sur le territoire douanier. Le CESE estime que le plus grand défi réside dans l’absence de coordination de l’application des procédures entre les États membres et dans le manque de partage d’informations entre les pays. La mise en place d’un système de gestion des risques conforme, davantage coordonné et intégré permettrait de réduire les écarts entre les autorités et de renforcer les maillons les plus faibles de la chaîne. Par conséquent, la nouvelle stratégie de gestion des risques annoncée pour le 2e trimestre 2021 est très prometteuse.

4.7.2.

La numérisation et l’essor du commerce électronique facilitent les achats en ligne pour les consommateurs du monde entier. Toutefois, tous les produits ne sont pas conformes aux normes européennes élevées en matière de sécurité des produits et/ou de protection des consommateurs. C’est un fait qui surprend souvent les consommateurs. Le CESE se félicite de l’objectif de renforcer le processus de gestion des risques afin de mieux protéger le marché unique, et en particulier les citoyens, contre les produits non conformes et dangereux.

4.7.3.

La proposition de lancer une initiative sur les capacités d’analyse conjointes constitue sans aucun doute un pas en avant. Il convient également de se féliciter du partage de données avec les autorités chargées de l’application de la législation antifraude. Toutefois, le CESE se demande si le financement nécessaire sera disponible pour l’interconnexion d’ICS2 avec d’autres systèmes électroniques. La prochaine préoccupation immédiate concerne la gestion d’un réseau aussi complexe et le besoin en ressources humaines spécialisées et bien formées.

4.7.4.

En outre, le CESE craint que, dans l’hypothèse où le nouveau projet d’agence douanière de l’Union ne serait pas approuvé par les États membres, la gestion d’un système aussi complexe et interconnecté n’impose une charge supplémentaire aux services existants de la Commission.

4.7.5.

La Commission a proposé de mettre en œuvre l’analyse des données anticipées avant le chargement et avant l’arrivée pour tous les produits et tous les moyens de transport jusqu’en 2024. Toutefois, on ne sait pas clairement quel type de ressources humaines seront nécessaires dans chaque État membre, ni le niveau et la durée de la formation requis pour ce personnel. Il en va de même pour les processus supplémentaires en matière de gestion des risques prévus pour les procédures «après l’arrivée» des marchandises. Le CESE s’est déjà prononcé en faveur de «cadres de formation communs [en] s’appuyant sur le “Référentiel européen des compétences des métiers de la douane”, qui vise à harmoniser et à rehausser les normes des performances douanières dans l’ensemble de l’UE» (8).

4.8.   Gérer le commerce électronique

4.8.1.

Le commerce électronique a apporté des avantages et ouvert des possibilités considérables tant aux citoyens qu’aux entreprises. Il ajoute toutefois des difficultés importantes en ce qui concerne le respect des obligations fiscales et douanières pour les marchandises échangées, et compte tenu du grand nombre de demandes de dédouanement concernant un large éventail de contrôles à des fins non financières, notamment en matière de sécurité, de sûreté et de droits de propriété intellectuelle. Le CESE reconnaît le rôle important joué par les autorités douanières dans la prévention de l’entrée sur le marché unique de produits non conformes et/ou dangereux, et conclut que ces autorités doivent également disposer de ressources suffisantes pour l’ensemble des responsabilités non financières.

4.8.2.

La mise en œuvre du paquet TVA sur le commerce électronique (9) à partir de 2021 devrait générer des recettes importantes pour les budgets des États membres et créer des conditions de concurrence équitables pour l’environnement des entreprises. La création d’une plateforme européenne d’information fiscale au sein du réseau de lutte contre la fraude fiscale Eurofisc est considérée comme une amélioration significative en ce qui concerne l’accès des autorités douanières aux informations. Le CESE attend avec intérêt l’évaluation de la Commission à cet égard.

4.8.3.

Le CESE estime que le meilleur moyen de réglementer et de gérer le commerce électronique est de renforcer la coopération avec d’autres pays au sein de l’OCDE et du G20. Il a déjà souligné que «les politiques budgétaires à appliquer à la numérisation de l’économie et à la mise au point d’outils et de solutions opérationnelles devraient être coordonnées au niveau international» (10).

4.8.4.

Le commerce électronique est un secteur très important pour les PME. Toutefois, le commerce transfrontalier est déjà fragmenté en raison de divers obstacles existants et le CESE se dit inquiet que la communication ne fasse aucune référence à la création d’un cadre favorable aux PME grâce à ce plan d’action ambitieux. Selon l’Eurobaromètre de septembre, seules 4 % des PME vendent leurs marchandises à des consommateurs d’autres États membres (11).

4.8.5.

La proposition d’imposer des obligations de déclaration aux autorités douanières sur les plateformes représente une charge potentielle pour les entreprises légitimes. Les plateformes disposent de données importantes que les douanes pourraient utiliser, mais elles devraient investir spécifiquement dans des logiciels informatiques capables de collecter et de fournir ces données. L’utilisation de systèmes robotiques automatisés devrait être immédiatement explorée, car ceux-ci pourraient être très utiles pour assouplir le processus d’obligation en matière de communication d’informations. En outre, le CESE estime que ces entreprises devraient bénéficier du financement nécessaire s’il leur est demandé de recueillir des données dont elles n’auraient pas besoin autrement. La gestion de ces données est extrêmement importante pour lutter contre la fraude douanière et la fraude à la TVA, la sous-évaluation, les fausses déclarations d’origine, etc. Le CESE a déjà appelé de ses vœux «la mise au point d’une norme européenne pour la collecte de données et d’informations sur leurs utilisateurs, que les plateformes devront communiquer aux autorités fiscales et conserver au fil du temps» (12).

4.8.6.

Toutefois, le CESE se félicite que la Commission soit en train de procéder à la révision du rôle et des obligations des places de marché en ligne, qui devraient être plus fiables et assumer davantage de responsabilités lorsqu’il s’agit de vérifier que les biens vendus sur leurs plateformes sont conformes et sûrs.

4.9.   Promouvoir le respect des obligations

4.9.1.

Les opérateurs de confiance sont déjà récompensés par un régime de prestations pour leur conformité avec la législation douanière de l’UE. Le CESE soutient la proposition de surveillance des accords préférentiels existants avec les pays tiers; une analyse exhaustive des systèmes internationaux de coopération et d’assistance administrative mutuelle en matière douanière de l’Union conduirait à une meilleure application de la législation.

4.9.2.

La proposition de déployer le système de guichet unique de l’UE est un projet gagnant-gagnant, et le CESE lui exprime son plein soutien. Le secteur privé bénéficierait d’une possibilité de déclaration moyennant une action unique, et différentes autorités seraient en mesure de sélectionner les données nécessaires. Il s’agit d’une avancée manifeste pour toutes les parties concernées, qui devrait permettre aux entreprises de réaliser jusqu’à 690 millions d’EUR d’économies en formalités administratives douanières au cours des sept premières années de mise en œuvre.

4.9.3.

Toutefois, moins de quatre ans après l’adoption de la proposition, il est assez difficile de comprendre comment l’analyse proposée du code des douanes de l’Union pourrait suggérer que les systèmes électroniques sont obsolètes.

4.9.4.

La fragmentation des sanctions appliquées en cas de non-conformité entre les États membres crée des distorsions de concurrence sur le marché unique, tout en permettant l’apparition de maillons plus faibles au sein du système. La création d’un cadre solide et uniforme renforcerait la robustesse de l’union douanière dans son ensemble. Bien que cette solution soit excellente en théorie, le CESE se demande comment la Commission entend l’intégrer, étant donné que la proposition de 2013 qui portait sur le même sujet a été rejetée.

4.9.5.

En outre, il est difficile d’avoir le même niveau de contrôle si le nombre d’agents des douanes varie, d’un État membre à l’autre, entre 7 et 70 pour 100 000 habitants (13). Le CESE recommande d’ajouter des normes minimales en matière de contrôle et d’effectifs requis.

4.9.6.

La crise de la COVID-19 a mis en lumière les lacunes du système douanier: à plusieurs reprises, des produits non conformes et dangereux ont atteint le sol de l’UE. Le CESE estime qu’il est très important d’adopter dès que possible des actes d’exécution pour le règlement sur la surveillance du marché (14).

4.9.7.

En outre, le CESE soutient la proposition d’accorder une attention particulière à l’application des règles et procédures d’origine préférentielle aux 41 accords de libre-échange de l’UE. En ce qui concerne les autres partenaires commerciaux, en particulier la Chine, la croissance exponentielle du commerce électronique s’est ajoutée aux défis qui se posent actuellement aux douanes. D’où le souci tout à fait logique d’évaluer la situation et de légiférer le cas échéant.

4.10.   Agir comme une entité unique

4.10.1.

Les analyses montrent que la coopération transfrontalière peut être considérablement renforcée. Le CESE se félicite que la seule voie à suivre consiste à garantir une coopération accrue et améliorée entre les autorités douanières des différents États membres et entre les douanes et les autres autorités nationales. Le partage des meilleures pratiques pourrait également améliorer la productivité des services douaniers.

4.10.2.

Des investissements importants s’imposent en vue d’acquérir les équipements de contrôle douanier nécessaires à la mise en œuvre de cette coopération. Le CESE note que, dans la proposition initiale (15), la Commission a accepté de ne couvrir que 80 % des investissements nécessaires. Les 20 % restants devraient être supportés par les États membres; compte tenu de la situation financière dans laquelle se trouvent ces pays en raison de la pandémie de COVID-19, le CESE ne s’attend pas à ce que les 27 États membres soient tous en mesure d’investir en 2021 les montants concernés.

4.10.3.

Enfin, la Commission met courageusement sur la table la proposition — qui ne fait pas l’unanimité — d’élaborer d’ici 2023 une analyse d’impact sur l’opportunité de créer une agence douanière de l’UE. Le CESE doute que les États membres y souscrivent.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO L 269 du 10.10.2013, p. 1.

(2)  JO L 169 du 25.6.2019, p. 1.

(3)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création, dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières, de l’instrument de soutien financier relatif aux équipements de contrôle douanier (JO C 62 du 15.2.2019, p. 67).

(4)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 39.

(5)  JO L 269 du 10.10.2013, p. 1.

(6)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 22.

(7)  Deuxième rapport bisannuel sur les progrès réalisés dans le développement de l’union douanière de l’UE et de sa gouvernance.

(8)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 67.

(9)  Moderniser la TVA sur le commerce électronique transfrontalier.

(10)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 62.

(11)  Eurobaromètre Flash no 486.

(12)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 62.

(13)  Enquête de l’Union du personnel des finances en Europe (en anglais).

(14)  JO L 169 du 25.6.2019, p. 1.

(15)  COM(2018) 321 final.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/62


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’environnement de guichet unique de l’Union européenne pour les douanes et modifiant le règlement (UE) no 952/2013

[COM(2020) 673 final — 2020/306 (COD)]

(2021/C 220/08)

Rapporteur:

Athanasios IOANNIDIS

Consultation

Parlement européen, 11.11.2020

Conseil, 13.11.2020

Base juridique

Articles 3, 114 et 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

268/0/3

1.

Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de la Commission européenne établissant l’environnement de guichet unique de l’Union européenne pour les douanes et modifiant le règlement (UE) no 952/2013. Ce texte vise à remédier à la situation de morcellement qui existe, en matière d’interopérabilité, entre les autorités douanières et les autorités compétentes partenaires dans la gestion des processus de dédouanement des marchandises.

1.2.

Le CESE estime que la proposition concorde avec la vision et les objectifs stratégiques de l’Union, en ce qui concerne tout à la fois le plan d’action visant à faire passer l’union douanière à l’étape supérieure, pour qu’elle soit forte et moderne, et la communication «Développer l’union douanière de l’UE et sa gouvernance».

1.3.

Le CESE juge que la proposition va dans le sens du plan stratégique de la direction générale de la fiscalité et de l’union douanière (DG TAXUD) pour 2016-2020, ainsi que du plan d’action européen pour l’administration en ligne, couvrant cette même période, qui a été présenté dans la communication de la Commission du 19 avril 2016 (1) et a pour objectif d’accroître l’efficacité des services publics en supprimant les obstacles numériques existants, en réduisant la charge administrative et en améliorant la qualité des interactions entre les administrations nationales.

1.4.

Le CESE fait observer que la mise en œuvre de l’environnement du guichet unique européen aura pour effet que les échanges de biens intégreront la nouvelle ère numérique, où ils se trouveront simplifiés et automatisés, que l’Union européenne connaîtra un essor du commerce en général, qu’elle gagnera en compétitivité et que les douanes se moderniseront, tandis que cette initiative sera porteuse de multiples avantages pour les acteurs intéressés, qu’il s’agisse des autorités douanières des États membres, des autorités compétentes partenaires, des opérateurs de l’économie ou des citoyens.

1.5.

Le CESE est d’avis que le guichet unique européen, tout comme ceux des États membres, ne doit pas se limiter à un portail numérique destiné aux procédures de collecte de données et d’échange d’informations. Il conviendrait que pour l’avenir, le déploiement des systèmes et processus informatiques ouvre la possibilité, moyennant l’accord des États membres et du Conseil en ce sens, de progresser également vers des procédures plus complexes de calcul automatique, comme celles concernant les quantités de marchandises. Les opérateurs auront ainsi la faculté d’avoir une vue d’ensemble sur leurs transactions, lesquelles pourront dès lors être qualifiées d’«intelligentes».

1.6.

Le CESE juge que l’intégration des formalités non douanières de l’Union dans le système EU CSW-CERTEX nécessite de mettre en place de nouvelles infrastructures informatiques afin d’établir des connexions entre les environnements nationaux de guichet unique pour les douanes et les systèmes non douaniers de l’Union. La définition des données à échanger doit être ciblée.

1.7.

Le CESE propose que la Commission accorde une attention particulière à la cybersécurité des systèmes et des guichets, en établissant des normes élevées pour des dispositifs de sécurité qui assurent une protection contre des attaques susceptibles de faire imploser les échanges commerciaux dans l’UE et de produire des effets dévastateurs pour l’économie.

1.8.

Le CESE soutient qu’afin de mettre efficacement en œuvre le programme de guichet unique pour les douanes et d’éviter qu’il ne prenne du retard, il conviendra de porter une attention toute particulière à ceux des États membres qui, n’ayant pas participé au projet pilote de 2015, dit «guichet unique des douanes de l’UE — document vétérinaire commun d’entrée» (EU CSW-DVCE), n’ont par conséquent pas développé pour leur guichet douanier unique un environnement national qui soit harmonisé avec le guichet correspondant de l’UE.

1.9.

Un problème analogue se pose également dans le cas de plusieurs États membres qui ont développé au niveau national leurs propres initiatives de guichet unique, lesquelles restent isolées et se caractérisent par des modalités de fonctionnement divergentes, suivant le niveau atteint par leurs douanes du point de vue de l’architecture existante en matière informatique (technologies de l’information), de leurs priorités et de leur structure de coûts.

1.10.

Pour les raisons que l’on vient d’évoquer, le CESE préconise d’établir un calendrier plus précis, comportant des objectifs et des actions que les États membres devraient entreprendre afin d’harmoniser leurs environnements nationaux de guichet unique en matière douanière avec celui du guichet de l’Union européenne.

1.11.

Le CESE reconnaît que le système présente une grande complexité et que pour concrétiser l’action proposée, il est nécessaire d’instaurer une coordination, tant au sein de chacun des États membres qu’entre eux tous, et il recommande d’élaborer un échéancier plus précis en ce qui concerne le suivi et la présentation des rapports sur le fonctionnement du guichet et son développement, en l’assortissant d’objectifs et d’initiatives que lesdits États membres et les intervenants nationaux devraient lancer pour que le projet devienne réalité.

1.12.

Le CESE recommande que dans son domaine d’application, le programme contribue à renforcer le respect des droits fondamentaux et de la protection des données.

1.13.

Il est d’une importance capitale, aux yeux du CESE, de préparer, former et instruire les personnels qui assureront le fonctionnement des systèmes informatiques, des environnements nationaux de guichet unique, ainsi que du guichet douanier européen. À cette fin, il conviendra que le projet existant prévoie, à l’intention des travailleurs, des programmes de formation continue et de renforcement des compétences, de même que leur financement par des fonds nationaux et/ou européens.

2.   Contexte et introduction

2.1.

En 2008, les États membres et la Commission se sont engagés à promouvoir un environnement douanier électronique dans l’UE en s’efforçant d’instaurer un cadre régissant les services de guichet unique. En 2014, la déclaration de Venise a proposé un plan d’action progressif qui avait pour but de mettre en place un environnement de guichet unique de l’UE pour les douanes et d’élaborer le cadre réglementaire correspondant. La Commission a repris cet objectif dans sa communication de 2016 intitulée «Développer l’union douanière de l’UE et sa gouvernance», où elle a dévoilé ses projets visant à étudier une solution viable pour développer et établir un environnement de guichet unique de l’UE pour les douanes. Dans ses conclusions, le Conseil Ecofin du 23 mai 2017 a soutenu cette approche.

2.2.

En 2015, la Commission a lancé un projet pilote, intitulé «guichet unique des douanes de l’UE — document vétérinaire commun d’entrée» (EU CSW-DVCE). Sa gestion a été assurée conjointement par la direction générale de la fiscalité et des douanes (DG TAXUD) de la Commission européenne et celle de la sécurité alimentaire (DG SANTE), le but étant de permettre la vérification automatisée par les douanes de trois formalités réglementaires non douanières présentées en même temps que la déclaration en douane comme preuve de conformité. Dans un premier temps, ce sont les administrations douanières de cinq États membres qui ont pris part à ce projet pilote, sur une base volontaire. Son successeur, le système d’échange de certificats du guichet unique de l’UE pour les douanes (EU CSW-CERTEX), a élargi le champ d’application des exigences réglementaires et introduit de nouvelles fonctionnalités, telles que la gestion des quantités. Le nombre d’États membres participant au dispositif est passé de cinq à neuf, et il couvre désormais des domaines d’action plus nombreux.

2.3.

Eu égard à la pandémie de COVID-19, il est plus important que jamais de mettre en place un cadre plus robuste pour l’union douanière, ainsi que de continuer à faciliter l’accomplissement des formalités douanières et non douanières de l’UE dans le but de soutenir la reprise économique. À cette fin, la numérisation accrue des formalités douanières, ainsi que des formalités non douanières de l’Union applicables au commerce international, a ouvert de nouvelles possibilités aux États membres pour améliorer la coopération numérique.

3.   Présentation succincte de la proposition de la Commission

3.1.

Le commerce international de l’Union est régi, tout à la fois, par sa législation douanière et non douanière. Les autorités responsables des formalités réglementaires non douanières de l’Union (les «autorités compétentes partenaires») et celles des douanes travaillent souvent sans communiquer et se coordonner entre elles, créant ainsi des obligations de déclaration complexes et lourdes pour les opérateurs et des processus inefficaces de dédouanement des marchandises, qui génèrent des erreurs et des fraudes. Afin de remédier au problème que pose la situation de morcellement qui existe, en matière d’interopérabilité, entre les autorités douanières et les autorités compétentes partenaires dans la gestion des processus de dédouanement des marchandises, ainsi que de coordonner les actions dans ce domaine, la Commission et les États membres ont pris, au fil des ans, un certain nombre d’engagements qui visent à développer des initiatives relatives à un guichet unique pour le dédouanement des marchandises.

3.2.

La proposition de la Commission qui fait l’objet du présent avis prévoit d’établir un environnement de guichet unique de l’Union européenne pour les douanes, qui fournit un ensemble intégré de services électroniques interopérables au niveau national et à celui de l’Union, grâce à un système d’échange de certificats dans le cadre dudit guichet unique, en vue de favoriser l’interaction et l’échange d’informations entre les environnements nationaux de guichet unique pour les douanes et les systèmes non douaniers de l’Union visés à l’annexe du texte à l’examen.

4.   Observations générales

4.1.

Le règlement proposé pose un premier jalon et constitue une étape essentielle pour améliorer la coopération entre les autorités douanières au moyen d’une application électronique unique. Il représente une proposition globale, qui procède à une vaste analyse des résultats, des actions et des initiatives concernant la manière dont fonctionne l’environnement du guichet unique européen pour les douanes.

4.2.

L’application du guichet unique donne aux entrepreneurs et aux opérateurs la possibilité de soumettre des données par la voie électronique, tant pour les documents d’accompagnement que pour les formalités non douanières de l’Union, en les déposant sur un guichet électronique (guichet national) de chaque État membre, de sorte que par le même coup, elle réduit le risque de devoir les reproduire à l’identique, abrège les délais et diminue les frais d’administration. Grâce au guichet unique, l’administration douanière et les autres autorités concernées pourront collecter les données fournies, en ayant la possibilité d’appliquer une approche harmonisée pour l’accomplissement des procédures relatives aux marchandises. Dans le même temps, il devient ainsi possible pour l’UE d’obtenir un tableau global des produits qui pénètrent dans ses frontières ou en sortent, ainsi que d’en contrôler les volumes, du point de vue des quotas et de la lutte contre la fraude.

4.3.

Comme l’indique la Commission dans sa proposition de règlement, la mise en œuvre du programme est financée sur des ressources européennes, mais aussi nationales. Les dépenses liées au développement, à l’intégration et au fonctionnement du guichet unique EU CSW-CERTEX sont à la charge de l’Union, tandis que celles remplissant les mêmes fonctions pour l’environnement national de guichet douanier unique et celles liées à sa connexion avec le guichet unique EU CSW-CERTEX sont imputées sur le budget des États membres. Devant la crise que la pandémie de COVID-19 a laissée dans son sillage pour les finances de l’ensemble des États membres, le CESE s’interroge sur la capacité de la Commission à s’assurer qu’ils se conformeront à cette exigence, de sorte qu’ils incluent dans leurs budgets nationaux les ressources prévues pour la mise en œuvre du programme.

4.4.

L’harmonisation qui sera atteinte dans l’initiative à l’examen, ainsi que sa réalisation concrète, seront tributaires de l’obligation faite aux États membres de la mettre en œuvre. La réussite du guichet unique pour les douanes suppose que tous les États membres s’y conforment, qu’ils en assurent l’harmonisation et qu’ils la mettent en œuvre en même temps. Le CESE pointe du doigt le risque que certains États membres ne prennent du retard dans la mise en œuvre de l’initiative à l’examen par rapport au calendrier envisagé, en raison d’un manque de ressources financières, découlant de la crise économique provoquée par la COVID-19, et eu égard aux priorités politiques qui auront été posées. Pareille situation entraînera de multiples problèmes pour la politique douanière et commerciale de l’Union, aussi bien que pour les États membres. Le CESE demande à la Commission si des sanctions sont prévues pour le cas où certains États membres ne procéderaient pas à la mise en œuvre de l’initiative ou dépasseraient les délais fixés pour ce faire.

4.5.

L’initiative du guichet unique doit aller de pair avec la modernisation des douanes et de leurs administrations. Il serait des plus utile de réaliser une enquête ou une étude qui décrirait la situation actuelle concernant les portails d’accès des États membres et entreprendrait d’évaluer les investissements nécessaires pour moderniser les services afin qu’ils soient à même de soutenir le guichet unique. Parallèlement, on pourrait envisager de fixer également une date indicative pour mener à bien la création du versant national de ce guichet.

4.6.

Dans la proposition de règlement de la Commission, il est indiqué que chaque État membre désignera une autorité en tant que coordonnateur national pour la mise en œuvre des mesures prises dans le cadre de l’initiative. Le CESE se demande si la désignation du coordonnateur national relèvera de la responsabilité exclusive de chacun des États membres ou si la Commission formulera une recommandation à cet effet.

4.7.

Pour ce qui est de garantir la protection des données, le CESE estime que l’action complémentaire visant à protéger celles qui seront collectées, ainsi que l’ensemble des déclarations douanières, devra prendre en considération les points suivants:

indiquer quelle sera l’autorité publique qui sera chargée d’assurer la confidentialité, ainsi que la manière dont sera précisément fixé, à tous les niveaux, le seuil de tolérance en la matière,

définir les assurances qui seront fournies aux opérateurs avec le guichet unique et préciser les garanties offertes.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE estime que dans la proposition de règlement à l’examen et le chapitre qui fait référence à la subsidiarité, il serait possible d’évaluer la contribution que ce texte portant création d’un guichet unique apporte au produit intérieur brut européen et au renforcement de la compétitivité.

5.2.

En outre, le CESE juge qu’il est nécessaire de réaliser, pour chacun des États membres, une analyse d’impact qui mettra en évidence les avantages liés à la mise en œuvre de l’action envisagée, afin de les convaincre de la concrétiser sans délai. Dans le même temps, il demande à la Commission européenne de faire rapport sur les effets que la mise en œuvre du projet pilote de guichet unique pour les douanes a produits dans chacun des États membres qui y auront participé.

5.3.

Eu égard à l’analyse d’impact examinée dans la proposition de règlement, le CESE estime que la voie à suivre réside dans la combinaison des options 1, 6 et 8 ii) (2).

5.4.

Le CESE souligne que la Commission européenne devra édicter des spécifications techniques uniques pour le fonctionnement de l’environnement national de guichet unique, tel qu’il est défini à l’article 2 de la proposition de règlement.

5.5.

Le CESE fait observer qu’afin d’éviter que des dysfonctionnements ne se produisent dans les déclarations en douane, la Commission européenne devra émettre des spécifications techniques uniformes pour le fonctionnement de l’environnement national de guichet unique, tel que défini dans les dispositions de l’article 8. Il estime qu’il serait utile d’établir un modèle unique.

5.6.

Le CESE estime que le bon fonctionnement du guichet unique pour les douanes exigera que les environnements nationaux soient parfaitement opérants et dotés d’un personnel correctement formé. Dès lors que le nombre d’agents des douanes (3) pour 100 000 habitants varie de 7 à 70 selon les États membres, le CESE recommande d’inclure dans le règlement à l’examen des normes minimales concernant le fonctionnement du système et les effectifs requis.

5.7.

Le CESE propose d’ajouter à l’article premier de la proposition de règlement la mention «sans préjudice des prescriptions du règlement général sur la protection des données (RGPD) et des dispositions de l’article 6 du présent règlement».

5.8.

Le CESE considère que du point de vue de la technique juridique comme sur le fond, il serait possible de relever une contradiction dans l’article 3, dès lors qu’il porte sur l’environnement unique de guichet unique de l’Union européenne pour les douanes tout en couvrant également ses systèmes non douaniers. Il serait envisageable d’introduire un alinéa distinct sur ce point, en procédant par ailleurs aux retouches nécessaires dans les références.

5.9.

Le CESE demande que des précisions soient apportées pour indiquer si le programme de travail de la Commission européenne précédera le règlement ou n’interviendra qu’après son entrée en vigueur. Si la première hypothèse est retenue, dans quel délai le plan d’action devra-t-il être adopté?

5.10.

Le CESE relève le caractère par trop vague de la mention qui est faite, dans la première phrase de l’article 21, paragraphe 3, de la possibilité de révoquer le pouvoir d’adopter des actes délégués. Il réclame que des éclaircissements soient apportés pour préciser si cette révocation ne porte que sur une seule des catégories de possibilités visées à l’article 5, paragraphe 4, l’article 10, paragraphe 3, et l’article 13, paragraphe 4, ou si elle les concerne toutes. En outre, on ne voit pas clairement si elle se rapporte à un acte en particulier à l’intérieur de l’une desdites catégories ou si elle a trait à la faculté d’émettre l’ensemble de ceux qui la composent. Le CESE fait valoir que les colégislateurs devront se concerter dans leur processus d’information.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Plan d’action européen 2016-2020 pour l’administration en ligne — Accélérer la mutation numérique des administrations publiques», COM(2016) 179 final du 19 avril 2016.

(2)  L’option 1 rend obligatoire l’utilisation du système EU CSW-CERTEX et couvre les exigences réglementaires de l’UE pour lesquelles des informations douanières pertinentes sont disponibles à son niveau pour tous les États membres, en fournissant une fonction automatisée pour la gestion des quantités. L’option 6 établit des guichets uniques au niveau national afin de fournir aux opérateurs économiques des points d’entrée unique harmonisés qui sont harmonisés pour l’accomplissement des formalités douanières et non douanières. L’option 8 ii) consiste à étendre à des fins exclusives de validation l’utilisation du système existant d’enregistrement et d’identification des opérateurs économiques (EORI). COM(2020) 673 final.

(3)  https://ufe-online.eu/wp-content/uploads/2020/04/2020-04-04.pdf


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/67


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — «Rapport de prospective stratégique 2020 — Prospective stratégique — Tracer la voie vers une Europe plus résiliente»

[COM(2020) 493 final]

(2021/C 220/09)

Rapporteure:

Sandra PARTHIE

Consultation

Lettre de la Commission, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

270/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite vivement de l’intégration prévue de la méthodologie de la prospective dans le futur processus d’élaboration des politiques de l’Union européenne. Il se félicite tout autant de la décision d’inclure explicitement la «prospective» dans les domaines de compétence du vice-président de la Commission chargé par ailleurs des relations interinstitutionnelles. Sur cette base, il escompte que jouent des synergies et que se développe la participation structurelle de toutes les institutions de l’Union, y compris le CESE.

1.2.

Le CESE se félicite vivement de cette nouvelle démarche de la Commission européenne consistant à mener un exercice de prospective stratégique sous la forme d’un processus annuel, cyclique et continu. Dans le cadre de cet exercice de prospective, le premier thème qui a été choisi est celui de la résilience de l’Union européenne. Ce thème est devenu un nouveau point de référence pour l’élaboration des politiques de l’UE dans le contexte de la crise de la COVID-19. La résilience est l’aptitude, non seulement à faire face à des défis et à les relever, mais aussi à se soumettre à des transitions de manière durable, équitable et démocratique.

1.3.

De notre point de vue, les quatre dimensions du thème de la résilience, à savoir «sociale et économique», «géopolitique», «verte» et «numérique», ont été bien choisies et développées. Elles constituent les grands thèmes centraux de notre temps qui conserveront une importance exceptionnelle pour donner forme aux politiques européennes. Le CESE approuve sans réserve aucune le choix de ce thème car il est en effet des plus pertinents dans nos travaux communs qui visent à créer les conditions générales adéquates pour sortir de la crise de la pandémie et pour relever les défis mondiaux tels que le changement climatique. Le CESE a fourni une analyse détaillée de ce thème dans son avis d’initiative intitulé «Vers une économie européenne plus résiliente et durable» (1) et par la voie de sa résolution sur la «Participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas» (2).

1.4.

La prospective stratégique se caractérise par une analyse et une perspective d’action tournées vers l’avenir. Ceci posé, de telles activités doivent satisfaire trois contraintes fondamentales afin de donner des résultats de qualité. En premier lieu, les analyses doivent aboutir à des résultats adaptés à la situation future examinée. En second lieu, elles devraient reposer sur des méthodes et des procédés scientifiques, tout en gardant à l’esprit qu’il est impossible tant d’observer que de mesurer empiriquement l’avenir. En troisième lieu, elles devraient être efficaces en ce sens qu’elles devraient donner des orientations utiles pour l’action politique concrète.

1.5.

Le premier rapport de prospective stratégique de la Commission pour 2020 n’expose toujours pas le cycle complet de prospective envisagé et il n’explique pas comment il s’articulerait avec la facilité pour la reprise et la résilience et avec le processus du semestre européen. Il pèche également par le fait qu’il omet d’exposer lesquelles des tendances lourdes qu’il met en évidence sont les plus probables et les plus pertinentes pour l’Union européenne, et il ne permet pas par conséquent aux décideurs politiques d’établir des priorités. Ceci nécessite d’être amélioré dans les prochains rapports. La prospective ne pourra atteindre ses objectifs déclarés que si elle prend la forme d’un exercice aussi bien ouvert et pluraliste que varié et interdisciplinaire, associant la société civile et les partenaires sociaux constitués, et notamment le CESE, à toutes les étapes du processus de prospective et à la définition des scénarios de référence et recourant à une gamme de méthodes et d’instruments pour orienter différentes perspectives vers l’avenir.

1.6.

S’il y a lieu de se féliciter pleinement de l’intention, nous discernons cependant quelques possibilités d’amélioration concernant la mise en œuvre de la prospective dans le processus de prise de décision:

les modalités concrètes de l’intégration à part entière de la prospective dans la planification pluriannuelle et dans le programme pour une «meilleure réglementation», tout comme dans l’écosystème européen en matière d’analyse d’impact (3) ou encore dans la conférence sur l’avenir de l’Europe, demeurent obscures,

le rapport 2020 est encore loin de l’indispensable évaluation quantitative permettant de classer les tendances lourdes et les thèmes stratégiques, qu’il s’agisse de leur probabilité ou de leur importance, compliquant ainsi la détermination des priorités d’action,

le processus de prospective devrait présenter un mécanisme permanent de suivi et de contrôle, qui permettrait notamment que la société civile mène des évaluations ex post,

le rapport propose dès à présent les thèmes des prochains rapports de prospective sans pour autant expliquer la manière dont le processus de prospective lui-même a été utilisé dans les faits pour aboutir à ces thèmes, semblant ainsi contredire son propre objectif.

1.7.

Le degré d’engagement à recourir à la prospective pour renforcer la résilience européenne est plutôt limité. Le plus souvent, le rapport de la Commission se contente de déclarer que celle-ci «peut recourir» à la prospective à l’échelon de l’Union européenne, plutôt que de réellement y «recourir». Au lieu de poser les grandes lignes des modalités concrètes d’emploi de la prospective dans le processus de prise de décision politique, l’on réduit les instruments de prospective à de simples options auxquelles les acteurs concernés sont libres de recourir ou non ou dont l’utilisation ou non est soumise à la situation concrète de mise en œuvre.

1.8.

Pour ce qui est des dimensions de la résilience, qui constitue le thème du rapport pour 2020:

dans de nombreux cas, ce dernier n’a pas développé pleinement l’aspect futur en tant que tel mais il s’est trop attaché à décrire la situation actuelle,

il manque d’une vision tournée vers l’avenir pour déterminer les progrès qu’il convient d’accomplir et le calendrier pour ce faire, s’agissant notamment de concevoir de nouveaux indicateurs de bien-être tels que ceux qui vont «au-delà du PIB»,

la méthode pour s’attaquer aux vulnérabilités mises en évidence n’y est pas présentée en détail et elle ne prévoit pas de solutions ciblées pour éviter la détérioration de la situation des personnes menacées d’exclusion, telles que les personnes handicapées ou âgées.

1.9.

Les quatre dimensions citées servent de base pour construire le programme d’action des futures activités de prospective. Aussi recommandons-nous d’assortir les quatre dimensions de la résilience d’objectifs subsidiaires spécifiques que l’on puisse mettre en œuvre concrètement et donc soumettre par la suite à une évaluation périodique. Les thèmes du programme de prospective sont d’ores et déjà proposés; il s’agit de l’autonomie stratégique ouverte, de l’avenir des emplois et des qualifications et de l’approfondissement du jumelage des transitions numérique et verte. Ces thèmes prennent source dans trois des quatre dimensions de la résilience. Toutefois, il n’apparaît pas clairement comment la Commission est parvenue à déterminer ces thèmes ni dans quel ordre ils seront traités et sous quelle forme. De ce fait, l’on peine à comprendre pourquoi ces thèmes ont été choisis plutôt que d’autres, tels que par exemple une vision interne tournée vers le développement de l’Union européenne, la montée du nationalisme, la future coopération entre les États membres ou des questions de sécurité. À cet égard, il est aussi possible d’obtenir davantage de clarté à l’aide de la prospective stratégique.

2.   Observations générales

2.1.

L’instrument de la prospective stratégique, c’est-à-dire l’anticipation des tendances et des évolutions, est indispensable pour formuler des politiques responsables. La prospective stratégique jouera un rôle moteur en contribuant à mettre le processus d’élaboration des politiques de l’UE à l’épreuve du temps en faisant en sorte que les initiatives à court terme se fondent sur une perspective à plus long terme. Il s’agit là d’une question essentielle, car nous entrons dans une nouvelle ère où une prospective orientée vers l’action stimulera la réflexion stratégique, tout en façonnant les politiques et initiatives de l’UE, y compris les futurs programmes de travail de la Commission.

2.2.

S’il est impossible de tout prévoir et si les événements continueront de nous surprendre, il n’en subsiste pas moins une large marge de manœuvre pour agir. Il s’agit notamment de cartographier les probabilités et de les traduire en prise de positions pour la prise de décision afin de détecter, de comprendre et de reconnaître le plus tôt possible les signaux, notamment ceux des événements perturbateurs. Cela implique également d’élaborer des plans d’action, de mettre en place des chaînes hiérarchiques et des circuits de communication, et de définir clairement les domaines de compétences et les missions pour le cas où un événement se produirait. Les prévisionnistes usent souvent des métaphores du «cygne noir» (un événement complètement imprévu ressortant de la catégorie des «inconnues inconnues») et du «rhinocéros gris» (un événement connu qui se produit à grande échelle et qui a une incidence considérable mais qui est négligé). La pandémie de COVID-19 constituait un «rhinocéros gris», compte tenu des signaux qui alertaient sur la montée des risques d’une pandémie du fait d’une combinaison de la dégradation de l’environnement, de la mondialisation et d’une connectivité accrue. Il s’impose d’employer les techniques de prévision et de planification qui permettent de distinguer ces deux différentes catégories de chocs qui ont de profondes répercussions. Dans ce contexte, les institutions de recherche de l’Union européenne devraient s’attacher à améliorer les techniques intersectorielles et non linéaires d’élaboration de scénarios, la mise en évidence des principales menaces émergentes et la détection des tendances à un stade précoce.

2.3.

La résilience est l’aptitude, non seulement à faire face à des défis et à les relever, mais aussi à se soumettre à des transitions de manière durable, équitable, inclusive et démocratique. De notre point de vue, les quatre dimensions du thème de la résilience, à savoir «sociale et économique», «géopolitique», «verte» et «numérique», ont été bien choisies et développées. Le CESE souligne toutefois qu’il n’est pas possible d’envisager de manière séparée les multiples interactions de ces quatre dimensions et qu’il s’impose de les aborder collectivement dans le cadre des analyses puis des mesures qui en résultent.

2.4.

Le CESE se félicite de la proposition de créer des «tableaux de bord de la résilience» assortis d’indicateurs pertinents afin de suivre la situation actuelle et les dimensions sociale et économique, géopolitique, verte et numérique des évolutions qui se produisent au sein de l’Union européenne et de ses États membres. Toutefois, un tableau de bord qui se cantonne à dépeindre la situation actuelle et à décrire les temps présents ne relève pas en soi de la prospective. Il n’y parvient qu’une fois inclus des objectifs tournés vers l’avenir. Nous sommes prêts à soutenir la Commission dans ce processus compliqué et complexe, par exemple en tirant parti de l’expertise et des travaux du CESE.

2.5.

Il s’impose manifestement de développer davantage ces tableaux de bord. Pour l’heure, ceux-ci dépeignent les temps présents et la situation actuelle. Pour en faire des instruments utiles du processus de prospective, il faut y introduire une perspective orientée vers l’avenir. Ces tableaux de bord n’ont d’utilité dans le processus de prévision que s’ils prévoient des objectifs, définis de préférence pour chaque État membre. Il est alors possible de les utiliser pour évaluer les progrès accomplis à la lumière d’un objectif donné et d’en faire un instrument de suivi. En outre, le CESE recommande vivement de relier ces tableaux de bord aux indicateurs existants de compétitivité utilisés dans le cadre du processus du semestre européen et aux fins de la gouvernance économique européenne, ainsi qu’au tableau de bord de la facilité pour la reprise et la résilience et des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

2.6.

Le CESE partage pleinement l’avis de la Commission concernant le rôle vital qu’ont joué les entreprises de l’économie sociale au cours de la pandémie et leur importance pour construire une Europe résiliente qui va de l’avant. Dans cet ordre d’idées, le CESE attend avec intérêt le prochain plan d’action en faveur de l’économie sociale et demande à la Commission de faire preuve d’ambition et d’audace dans ses propositions.

2.7.

Toutefois, si l’intention de viser à une gouvernance anticipative à l’aide des instruments qu’offre la prospective stratégique est louable et si elle recouvre nombre d’éléments positifs tels que la participation, l’interdisciplinarité et l’idée de lui donner la forme d’un processus continu, elle perd beaucoup de son éclat et même de sa force lorsque l’on s’attache aux modalités précises qui présideront à la mise en service opérationnel et à la mise en œuvre de cette approche de réseau ou de maillage. Pour l’heure, le rapport à l’examen présente un certain nombre de déclarations d’intention concernant l’intégration des méthodes de prospective dans le processus de prise de décision politique. Afin de donner aux acteurs concernés l’assurance que les enseignements tirés du processus de prospective seront réellement appliqués et effectivement exploités, le CESE estime que ce processus devrait être doté d’un mécanisme de vérification et de contrôle qui permettrait, entre autres, à la société civile de procéder des évaluations ex post. Cette démarche contribuera à susciter la confiance à l’égard aussi bien du processus que des desseins qu’il poursuit, ainsi qu’à limiter les risques d’«angles morts».

2.8.

La nécessité de mécanismes de contrôle et de vérification se manifeste également en ce qui concerne le contrôle de qualité, c’est-à-dire s’agissant de savoir si l’approche choisie est appropriée pour atteindre les objectifs déclarés. Un tel mécanisme de contrôle doit être compréhensible et prévoir des critères qui permettent de déterminer si les normes de qualité élevées et les plus récentes de la discipline de la prospective sont respectées.

2.9.

Pour ce qui est de la teneur des thèmes choisis, il serait souhaitable d’établir une séparation claire entre l’analyse de la situation actuelle et la projection attendue, ou souhaitée, dans l’avenir. De cette manière, il serait possible de rendre plus transparentes et plus compréhensibles ces questions variées et très complexes. Les connaissances acquises sur les futures évolutions pourraient ensuite s’intégrer de manière ciblée dans des processus d’élaboration des politiques, tout spécialement pour ce qui est des incertitudes et des risques existants qui sont toujours inhérents aux analyses présentes concernant l’avenir.

2.10.

Avant que ce processus ne débouche éventuellement sur des demandes concrètes, voire sur des propositions législatives, le Comité demande instamment que soit menée à bien, en recourant à une approche qualitative plurifactorielle, une évaluation équilibrée qui intègre respectivement les bénéfices attendus, les éventuelles charges supplémentaires et les incidences sur les entreprises, les travailleurs et les parties prenantes concernées, en tenant compte de manière réaliste de leurs possibilités réelles respectives (4).

2.11.

Le CESE se félicite vivement de cette nouvelle démarche de la Commission européenne consistant à commencer à mener un exercice de prospective stratégique sous la forme d’un processus annuel, cyclique et continu. L’Union européenne n’est cependant pas la première à investir cette discipline et elle devrait donc tirer les leçons des exemples existants et des bonnes et mauvaises pratiques. Elle ne devrait pas s’attacher uniquement à une seule méthode, à savoir celle de l’analyse prospective, mais recourir à plusieurs des méthodologies existantes, telles que la «méthode de Delphes», une analyse de l’incidence des tendances, la prospective normative ou exploratoire, la prospective aussi bien qualitative que quantitative ou l’approche du «joker», que ce soit séparément ou conjointement. Il convient également de recourir de manière bien plus éminente aux possibilités qu’offrent les mégadonnées et l’intelligence artificielle pour mettre en évidence les schémas et élaborer des scénarios.

2.12.

L’approche esquissée actuellement par la Commission pour mener la prospective stratégique présente toutefois un caractère excessivement «hiérarchique». Elle ne suscite pas auprès des acteurs concernés l’indispensable sentiment de prise de conscience et d’appropriation. Il s’impose d’y remédier, par exemple en associant de manière structurelle à ce processus les partenaires sociaux et d’autres acteurs, aussi bien à l’échelon européen que national, par exemple en reprenant, pour les développer, les bases du processus du semestre européen. La participation des acteurs concernés, les champs d’application divers et transversaux et la confrontation permanente avec les futurs problèmes d’importance sont autant de facteurs essentiels pour réussir à mettre en place un programme efficace de prospective stratégique.

2.13.

Les programmes de prospective ne pourront réussir que s’ils prévoient des liens bien définis entre les thèmes de prospective et le programme d’action politique du moment, de sorte que ceux qui apportent une contribution puissent constater que celle-ci est utilisée et qu’elle importe. Sur cette base, il est possible de développer une vision commune des risques et des défis, de même qu’il apparaît clairement ce qu’il convient de faire et comment il est possible d’organiser les transferts nécessaires de compétences et de responsabilités. Un exercice conjoint de cartographie des risques mené par les décideurs politiques au sein de l’Union, assorti de boucles de retours d’information et d’ajustements au fil des événements, donnera au processus du sens et du poids. Nous demandons donc à la Commission de faire en sorte que les résultats de la prospective soient transparents, compréhensibles et vérifiables.

2.14.

À l’heure actuelle, ce ne sont pas tous les États membres qui recourent à la prospective pour élaborer leurs politiques nationales. Il est donc essentiel que la Commission européenne s’assure qu’elle tire le meilleur parti des ressources dont elle dispose. Le CESE peut donc apporter des contributions et des informations importantes aux fins du processus de prospective en s’appuyant sur les connaissances de ses membres qui représentent un très large éventail de points de vue et d’avis provenant de tous les États membres. Au moyen de ses avis, le CESE est capable de détecter les risques systémiques et de tirer le signal d’alarme. Ses membres sont également bien placés pour communiquer sur les activités de prospective auprès de leurs collectivités et pour contribuer à en faire connaître les résultats auprès des citoyens. Par conséquent, le CESE peut également contribuer de manière significative au programme d’action en vue d’une «meilleure réglementation».

2.15.

Nous demandons à la Commission de suivre au fil du temps ses propres propositions et idées et d’autoriser les parties prenantes à devenir des utilisateurs de la prospective et d’en faire un élément obligatoire de la formulation des politiques en vue d’une Europe résiliente.

2.16.

Au sein du cadre institutionnel de l’Union, le système européen d’analyse stratégique et politique (ESPAS) est devenu un point de référence et un catalyseur de coopération dans le domaine de la prospective. Le CESE dispose d’ores et déjà du statut d’observateur au sein de ce système et il convient de poursuivre cette pratique, ainsi que de la compléter en garantissant une participation active d’un représentant de haut niveau du CESE à la conférence annuelle de l’ESPAS.

2.17.

Afin que les membres du CESE soient en mesure de contribuer plus utilement aux activités de prospective menées par la Commission européenne, le Comité demande que soient assurées leur information en temps utile et leur participation au processus de prospective, à son déroulement dans le temps et à son plan concret de travail.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 23. Se reporter également à l’audition publique tenue par le CESE le 12 avril 2019 sur le thème «Vers une économie européenne plus résiliente et durable, dotée d’une vision pour achever l’UEM».

(2)  Voir la résolution du CESE sur la «Participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas» (JO C 155 du 30.4.2021, p. 1).

(3)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 11.

(4)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 11.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/72


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie en matière de paiements de détail pour l’UE

[COM(2020) 592 final]

(2021/C 220/10)

Rapporteur:

Antonio GARCÍA DEL RIEGO

Corapporteur:

Kęstutis KUPŠYS

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

268/2/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les paiements sont concernés au premier chef par la numérisation des services financiers, et des modes de paiement sans entraves sont essentiels pour permettre aux entrepreneurs et aux commerçants de démarrer et développer avec succès leurs activités. La COVID-19 a accéléré le développement des paiements scripturaux et du commerce électronique et a accru la nécessité pour les commerçants de détail d’adopter des outils «tous canaux» afin d’accepter les paiements hors ligne, en ligne et mobiles. Cette démarche, qui nécessite d’investir dans des systèmes et du matériel informatiques, constitue une charge supplémentaire, en particulier pour les petites et moyennes entreprises de détail.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) partage le point de vue de la Commission sur l’importance stratégique des paiements et sur la nécessité d’aller encore plus loin pour permettre l’exécution d’opérations de paiement au sein du marché unique à l’aide de nouvelles solutions de paiement nées en Europe et de portée paneuropéenne. Le CESE est d’avis que la Commission devrait jouer un rôle de catalyseur politique, tandis qu’il appartient au secteur privé de concevoir les solutions innovantes de paiement numérique.

1.3.

Le CESE souligne que les espèces demeurent l’instrument de paiement de prédilection des consommateurs pour leurs paiements de détail dans les points de vente et entre particuliers. Les espèces revêtent une importance cruciale pour l’inclusion sociale et l’accès aux services de base.

1.4.

Le CESE souscrit au point de vue selon lequel un euro numérique devrait être complémentaire des garanties existantes de la banque centrale, qu’il ne devrait pas avoir pour vocation d’évincer le secteur privé, que ce dernier devrait jouer un rôle dans la distribution de solutions liées à l’euro numérique et qu’il convient de définir clairement les droits et les obligations des consommateurs. Il y lieu d’envisager à cet égard la question de la confidentialité des opérations en tant que droit important des consommateurs, au même titre que d’autres caractéristiques analogues à celles des espèces.

1.5.

Le CESE demande à la Commission d’adopter l’approche suivante:

1.5.1.

Établir des priorités claires parmi les mesures et les efforts à mettre en œuvre, compte tenu du grand nombre d’actions clés mises en avant dans la stratégie.

1.5.2.

Dissiper les incertitudes actuelles quant à un modèle économique pérenne pour les paiements instantanés.

1.5.3.

Considérer qu’il est trop tôt pour envisager une quelconque intervention législative dans le domaine des instruments de paiement. Le CESE juge préférable de laisser les acteurs du marché mettre au point des produits adaptés pour les consommateurs, des mesures législatives pouvant être considérées si aucune solution satisfaisante n’a été trouvée.

1.5.4.

Garantir la pleine application du règlement SEPA par les États membres, en particulier en cas de non-respect de son article 9 par les donneurs d’ordre et les bénéficiaires («discrimination à l’IBAN»), tandis que les consommateurs de l’UE devraient pouvoir utiliser un compte de paiement unique pour leurs virements en euros et effectuer des virements bancaires transfrontières en euros dans l’espace SEPA tout aussi facilement que dans leur pays d’origine.

1.5.5.

Focaliser ses efforts sur l’interopérabilité entre les solutions existantes et émergentes d’identification électronique; le CESE estime que l’on devrait davantage donner les moyens au secteur privé, conjointement avec les pouvoirs publics, de créer des solutions d’identification électronique, qui serviraient en partie à l’application d’une authentification forte du client (SCA) pour les opérations de paiement. Une identité électronique publique universellement reconnue est nécessaire; elle doit être fondée sur le choix des consommateurs, leur consentement et la garantie que leur vie privée est pleinement respectée.

1.5.6.

Harmoniser l’acceptation des espèces au niveau de l’UE, étant donné que la situation est actuellement très différente d’un pays à l’autre.

1.5.7.

Élargir le partage des données entre différents secteurs, en prévoyant des dispositions qui couvriraient l’ensemble des prestataires de services financiers dans le respect des principes du règlement général sur la protection des données (RGPD) (1), afin de générer des avantages supplémentaires pour les consommateurs européens, car cela peut favoriser un secteur financier innovant et compétitif.

1.5.8.

Proposer un dispositif législatif qui vise à garantir un droit d’accès, à des conditions justes, raisonnables et non discriminatoires, aux technologies d’infrastructure jugées nécessaires pour soutenir la fourniture de services de paiement.

1.6.

Le CESE considère que tous les acteurs du marché concernés devraient être soumis à une législation, à une surveillance et à un contrôle appropriés, afin d’assurer des conditions de concurrence égales entre des acteurs proposant les mêmes services et exerçant les mêmes activités.

1.7.

Le CESE comprend qu’il soit nécessaire de garantir un écosystème de paiement ouvert et accessible, et d’évaluer l’élargissement du champ d’application aux établissements de paiement et de monnaie électronique lors du réexamen de la directive sur le caractère définitif du règlement (DCDR).

1.8.

Le CESE accueille favorablement les actions proposées qui visent à obtenir un engagement en faveur de la réduction du coût moyen des envois de fonds à moins de 3 % d’ici 2030, et encourage la Commission à jouer un rôle actif afin de garantir un soutien aux actions énoncées en la matière dans la feuille de route du Conseil de stabilité financière (CSF) pour renforcer les paiements transfrontières et d’en assurer le suivi.

2.   La stratégie de la Commission

2.1.

Dans sa communication de décembre 2018, la Commission plaidait «en faveur d’un système de paiement instantané pleinement intégré dans l’UE afin de réduire les risques et les faiblesses des systèmes de paiement de détail et d’accroître l’autonomie des solutions de paiement existantes» (2).

2.2.

L’innovation numérique est en train de transformer radicalement la fourniture de services financiers. Avec la transformation numérique et le changement des préférences des consommateurs, les opérations scripturales se multiplient rapidement (3). La pandémie de COVID-19 a encore davantage favorisé le passage aux paiements numériques et a confirmé qu’il était essentiel de disposer de moyens de paiement sécurisés, accessibles et pratiques (y compris sans contact) pour les opérations à distance et en face à face.

2.3.

Ces dernières années, de grands progrès ont été réalisés, principalement grâce à la mise en place de l’espace unique de paiements en euros (SEPA) et à l’harmonisation de la législation sur les paiements de détail. Pour autant, le marché des paiements de l’UE demeure, dans une large mesure, fragmenté selon les frontières nationales, étant donné que la plupart des solutions de paiement nationales fondées sur des cartes ou des paiements instantanés ne sont pas utilisables à l’étranger. Le dynamisme du paysage européen des paiements n’en laisse pas moins apparaître un risque d’incohérence, ce qui nécessite d’assortir la stratégie de l’UE en matière de paiements de détail d’un cadre de «gouvernance» clair.

2.4.

L’objectif de la Commission est de créer un marché des paiements hautement compétitif, bénéficiant à tous les États membres, quelle que soit la monnaie qu’ils utilisent, et où tous les acteurs sont en mesure de se livrer concurrence à armes égales pour offrir des solutions de paiement innovantes et pleinement conformes aux engagements internationaux de l’Union.

2.5.

Étant donné que les paiements sont à la pointe de l’innovation numérique dans le domaine de la finance, la mise en œuvre de cette stratégie contribuera à la vision plus large de la Commission en matière de finance numérique et à ses objectifs suivants: éliminer la fragmentation du marché, promouvoir l’innovation financière axée sur le marché et faire face aux nouveaux défis et risques associés à la finance numérique, tout en garantissant la neutralité technologique.

2.6.

Aussi cette stratégie est-elle présentée parallèlement à la stratégie en matière de finance numérique pour l’UE (4) et aux deux propositions législatives sur un nouveau cadre européen pour le renforcement de la résilience opérationnelle numérique (5) et sur les crypto-actifs (6). Elle vient également compléter la stratégie actualisée en matière de paiements de détail présentée par la BCE/l’Eurosystème en novembre 2019 (7).

3.   Observations générales

3.1.

Les services financiers numériques revêtent une importance croissante pour les consommateurs et les entreprises en Europe. La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’accroître l’importance de la numérisation dans les sociétés, y compris en matière de services financiers. Les paiements sont concernés au premier chef par la numérisation des services financiers, et des modes de paiement sans entraves sont essentiels pour permettre aux entrepreneurs et aux commerçants de démarrer et développer avec succès leurs activités. La COVID-19 a accéléré le développement des paiements scripturaux et du commerce électronique et a accru la nécessité pour les commerçants de détail d’adopter des outils «tous canaux» afin d’accepter les paiements hors ligne, en ligne et mobiles. Cette démarche nécessite d’investir dans des systèmes et du matériel informatiques, ce qui constitue une charge supplémentaire, en particulier pour les petites et moyennes entreprises de détail.

3.2.

Le CESE se félicite que la Commission soutienne la modernisation et la simplification des dispositifs d’acceptation des paiements des commerçants de l’Union par des possibilités de financement et de formation. Il est important de souligner le rôle essentiel que jouent les PME dans l’économie européenne. Il s’agit d’un secteur critique puisque quelque 90 % des entreprises européennes sont des PME et qu’elles représentent plus de 50 % des postes de travail. Les petites et moyennes entreprises peuvent contribuer à une solide reprise de l’économie.

3.3.

Le CESE partage le point de vue de la Commission concernant l’importance stratégique des paiements et le risque qu’un manque persistant de solutions paneuropéennes de paiement numérique pouvant être utilisées dans toute l’Europe accentue la fragmentation du marché, tandis que des acteurs mondiaux ont la mainmise sur l’ensemble du marché des paiements transfrontières intra-européens. Par conséquent, même si les consommateurs et les entreprises en Europe ont déjà accès à des solutions et instruments de paiement efficaces, compétitifs et innovants, il faut aller encore plus loin pour permettre l’exécution d’opérations de paiement au sein du marché unique à l’aide de nouvelles solutions de paiement nées en Europe et de portée paneuropéenne. Le CESE est d’avis que la Commission devrait jouer un rôle de catalyseur politique, tandis qu’il appartient au secteur privé de concevoir les solutions innovantes de paiement numérique.

3.4.

Le CESE a la ferme conviction que les solutions de paiement instantané sont d’une importance fondamentale. Toutefois, compte tenu du grand nombre d’actions clés mises en avant dans la stratégie, il demande à la Commission d’établir des priorités claires parmi les mesures et les efforts à mettre en œuvre. Des efforts considérables devront être consentis par les acteurs du secteur pour concrétiser certaines des actions clés et certains des objectifs généraux de la stratégie en matière de paiements de détail, en particulier l’objectif relatif à des solutions de paiement nées en Europe et de portée paneuropéenne. Le CESE considère que toute exigence supplémentaire et tout projet de réglementation doivent faire l’objet d’une évaluation attentive.

3.5.

Le CESE invite la Commission à accorder une attention particulière aux niveaux de fraude en matière de paiements instantanés et à prendre, le cas échéant, les mesures qui s’imposent.

3.6.

Le CESE insiste sur l’urgence de renforcer les compétences et l’habileté numériques par l’éducation et la formation, notamment en s’appuyant sur le cadre des compétences numériques et en encourageant les États membres à améliorer l’éducation tout au long de la vie pour les compétences qui seront les plus demandées, à tous les niveaux d’enseignement. Ainsi pourra-t-on faire en sorte que les particuliers deviennent des acteurs avertis, dotés de plus grandes connaissances et d’un contrôle accru sur leurs données, les applications de mégadonnées et la gouvernance des données, qui comprennent leur environnement numérique et les risques qu’il comporte (par exemple la personnalisation).

3.7.

Le CESE souhaite éviter la «déconnexion» des consommateurs et leur glissement vers l’exclusion financière en raison d’un manque de compétences ou d’outils numériques, ce qui représente un risque évident pour le nombre croissant de personnes âgées en Europe.

4.   Observations particulières

Pilier 1: des solutions de paiement paneuropéennes de plus en plus numériques et instantanées

4.1.

Le CESE soutient résolument les efforts visant à doter le marché européen des paiements de plusieurs solutions de paiement nées en Europe et de portée paneuropéenne. Celles-ci devraient apporter une valeur ajoutée aux consommateurs et aux entreprises en tant qu’utilisateurs finaux, et permettre aux acteurs du marché européen de mieux affronter la concurrence des acteurs qui dominent actuellement le marché, des acteurs émergents et des acteurs dominants en puissance tels que les grandes entreprises technologiques, et elles renforceraient le rôle international de l’euro. Compte tenu de la situation actuelle du marché et de la position de force des acteurs déjà établis sur le marché des cartes, la mise au point de solutions de paiement paneuropéennes représenterait une entreprise de grande envergure pour le secteur européen des paiements.

4.2.

Le CESE est favorable à l’idée d’analyser la possibilité de recourir, dans toute l’Europe, aux prélèvements automatiques pour les paiements effectués dans les magasins. Le modèle de prélèvement électronique largement utilisé en Allemagne (ELV) pourrait être étendu. Les systèmes de cartes occupant une position dominante sur le marché seraient ainsi exposés à la concurrence sur la base du prélèvement SEPA.

4.3.

Afin de permettre la conception de solutions de paiement paneuropéennes fondées sur les paiements instantanés, il est essentiel que les acteurs du marché aient une vision claire de leur modèle économique, faute de quoi il serait illusoire d’escompter des décisions d’investissement. Le CESE demande à la Commission de dissiper les incertitudes actuelles quant à un modèle économique pérenne pour les paiements instantanés.

4.4.

Si le nombre de prestataires de services de paiement (PSP) proposant des paiements instantanés en euros et ayant adhéré au système de virement SEPA instantané (SCT Inst.) offre déjà une bonne couverture, en particulier dans la zone euro, il n’est toutefois pas suffisant pour assurer une couverture complète des paiements instantanés. Le marché s’efforce d’accroître les niveaux d’adhésion des PSP et de développer la couverture et la fourniture des virements instantanés en euros. Le CESE est favorable à des mesures qui porteraient, entre autres, sur l’adhésion et l’interopérabilité, ainsi que sur d’autres problèmes résultant de l’utilisation courante du système SCT Inst., notamment les problèmes liés à la protection des consommateurs.

4.5.

Le CESE convient avec la Commission que les solutions destinées aux utilisateurs finaux devraient être interopérables et accessibles, apporter une valeur ajoutée, répondre aux besoins d’un large éventail d’utilisateurs et présenter des caractéristiques équivalentes à d’autres instruments de paiement analogues. Le CESE estime qu’il est trop tôt pour envisager une quelconque intervention législative dans ce domaine et qu’il est préférable de laisser les acteurs du marché, poussés par la concurrence existante, mettre au point des produits adaptés pour les consommateurs, des mesures législatives pouvant être considérées si aucune solution satisfaisante n’a été trouvée.

4.6.

Le CESE souscrit pleinement à la position de la Commission concernant la nécessité de garantir la pleine application du règlement SEPA par les États membres, en particulier en cas de non-respect de son article 9 par les donneurs d’ordre et les bénéficiaires («discrimination à l’IBAN»). Comme le prévoit l’article 9, les consommateurs de l’UE devraient pouvoir utiliser un compte de paiement unique pour leurs virements en euros et effectuer des virements bancaires transfrontières en euros dans l’espace SEPA tout aussi facilement que dans leur pays d’origine. Or, de nombreux opérateurs refusent, aujourd’hui encore, les demandes de prélèvements transfrontières émanant de clients ayant un IBAN d’un autre pays, voire les virements au sein de l’espace SEPA vers un IBAN d’un autre pays. Il s’agit là d’un obstacle majeur au marché unique, qui limite la capacité des consommateurs à accéder à des services transfrontières. Il conviendrait de demander aux États membres d’adopter une position plus ferme dans l’application de ce règlement, qui est en vigueur depuis 2014.

4.7.

Les solutions d’identification électronique forment un pan essentiel des services numériques, y compris les services financiers. Le dispositif eIDAS a constitué une première étape en vue de permettre une reconnaissance transfrontière et l’usage de systèmes d’identification électronique reconnus au niveau national. Il est cependant clair que le cadre actuel du dispositif eIDAS n’est pas suffisant et ne permet pas d’atteindre les résultats nécessaires. Une identité électronique universellement reconnue est nécessaire; elle doit être fondée sur le choix des consommateurs, leur consentement et la garantie que leur vie privée est pleinement respectée. Le CESE encourage la Commission à focaliser ses efforts sur l’interopérabilité entre les solutions existantes et émergentes, et estime que l’on devrait davantage donner les moyens au secteur privé, conjointement avec les pouvoirs publics comme dans les pays nordiques, de créer des solutions d’identification électronique, qui serviraient en partie à l’application d’une authentification forte du client (SCA) pour les opérations de paiement.

4.8.

L’acceptation courante des paiements numériques est une composante essentielle d’un marché des paiements moderne. Le CESE est favorable à des mesures visant à évaluer le niveau d’acceptation des paiements numériques par les commerçants, et à trouver des moyens d’accroître et de faciliter cette acceptation, en particulier de la part des PME et des petits commerçants. Pour la société au sens large, il est crucial de préserver l’accès aux espèces et de veiller à ce que celles-ci soient acceptées. Il en va cependant de même pour les moyens de paiement numériques, car les consommateurs devraient avoir le choix.

4.9.

Le CESE souligne que les espèces demeurent l’instrument de paiement de prédilection des consommateurs pour leurs paiements de détail dans les points de vente et entre particuliers, comme l’a montré l’étude récemment publiée à ce sujet par la Banque centrale européenne (8). Les espèces présentent des caractéristiques très différentes de celles des paiements numériques. Les espèces sont le seul moyen de paiement qui préserve la vie privée. Il s’agit d’argent public dont la banque centrale est garante. Si tous les dispositifs électriques et électroniques cessaient de fonctionner (en cas de «coronavirus numérique»), ce serait la seule solution de paiement restante dans l’économie. En outre, les espèces revêtent une importance cruciale pour l’inclusion sociale et l’accès à certains services de base. La Commission et la BCE devraient examiner avec la plus grande attention les problèmes d’accès et d’acceptation liés aux paiements en espèces, et prendre les mesures qui s’imposent si nécessaire.

4.10.

L’une des conséquences de la crise de la COVID-19 a été le refus (temporaire) des espèces par de nombreux commerçants de détail. Comme le signale la Commission, le cours légal des espèces est garanti par les traités. L’évolution de l’usage des espèces devrait être guidée par la demande. Les règles d’acceptation des espèces varient d’un pays à l’autre, et il est nécessaire de les harmoniser au niveau de l’UE.

4.11.

Compte tenu des évolutions actuelles, il est compréhensible que la BCE étudie la possibilité d’émettre des euros numériques et que la Commission soutienne les efforts en ce sens. Un euro numérique pourrait potentiellement avoir des répercussions sans précédent, qu’il conviendrait d’évaluer très attentivement. Le CESE souscrit aux principes mis en avant par la BCE, à savoir qu’un euro numérique devrait être complémentaire des garanties existantes de la banque centrale, qu’il ne devrait pas avoir pour vocation d’évincer le secteur privé, que ce dernier devrait jouer un rôle dans la distribution de solutions liées à l’euro numérique et qu’il convient de définir clairement les droits et les obligations des consommateurs. Il y lieu d’envisager à cet égard la question de la confidentialité des opérations en tant que droit important des consommateurs, au même titre que d’autres caractéristiques analogues à celles des espèces. La même approche devrait valoir pour toute initiative en matière de monnaies numériques de banque centrale (CBDC) prise dans des États membres de l’UE, hors zone euro.

Pilier 2: des marchés des paiements de détail innovants et compétitifs

4.12.

La mise en œuvre de la directive révisée sur les services de paiement (DSP2) (9) a constitué pour le secteur des services de paiement une entreprise de grande envergure, qui est en partie toujours en cours. La DSP2 a introduit deux grands changements: l’authentification forte du client (SCA) et l’accès de prestataires de services de paiement tiers (PSP tiers) aux comptes de paiement. Dans certains cas, en particulier pour ce qui concerne l’authentification forte du client pour les opérations de commerce électronique, le délai de transposition avait été fixé à la fin 2020. Le CESE invite instamment la Commission à examiner en détail l’impact de la DSP2 avant d’en proposer le réexamen.

4.13.

Le CESE est favorable aux initiatives visant à créer un cadre de «finance ouverte» pour l’Europe. La finance ouverte pourrait potentiellement générer des avantages supplémentaires pour les consommateurs européens, car elle peut favoriser un secteur financier innovant et compétitif. Le CESE considère qu’un cadre général de finance ouverte ne peut pas reposer sur les mêmes principes que ceux de la directive DSP2, puisque celle-ci ne traite que des comptes de paiement et des prestataires de services de paiement et qu’elle prévoit un partage des données à sens unique par une partie du marché. Un texte spécifique est nécessaire, qui couvrirait l’ensemble des prestataires de services financiers dans le respect des principes du règlement général sur la protection des données (RGPD) (10), et il conviendrait d’examiner la possibilité d’élargir le partage des données entre différents secteurs. Il est indiqué dans la communication sur une stratégie en matière de finance numérique (11) que la Commission présentera sa proposition à ce sujet d’ici la mi-2022.

4.14.

Les paiements sans contact sont devenus de plus en plus courants et sont importants dans l’actuel contexte de pandémie de la COVID-19. Dans la plupart des pays, le ou les montants maximums pour les paiements sans contact ont été relevés dans les premiers temps de la pandémie, souvent au niveau du plafond autorisé par la DSP2 (50 EUR par opération et 150 EUR cumulés), en réaction aux demandes émanant en particulier du commerce de détail. Tout changement apporté à ces montants maximums dans le cadre d’un réexamen de la DSP2 devrait être soigneusement évalué afin de trouver un équilibre entre la simplicité d’utilisation et les questions de sécurité et de responsabilité.

4.15.

Le CESE convient avec la Commission que, dans le cadre du réexamen de la DSP2, il y a lieu de légiférer sur les risques découlant de services qui ne sont pas réglementés à l’heure actuelle. Les prestataires concernés, qui sont des auxiliaires de la fourniture de services réglementés de paiement ou de monnaie électronique, demeurent hors du périmètre réglementaire alors même que ce sont des acteurs majeurs du marché. Pour le CESE, dès lors qu’ils revêtent une grande importance pour la dynamique du marché et que les consommateurs les perçoivent comme des fournisseurs de services de paiement, ils devraient eux aussi être réglementés et surveillés en tant que tels. Il importe que tous les acteurs du marché concernés soient soumis à une législation, à une surveillance et à un contrôle appropriés, afin d’assurer des conditions de concurrence égales entre des acteurs proposant les mêmes services et exerçant les mêmes activités.

Pilier 3: des systèmes de paiement de détail et autres infrastructures de soutien efficients et interopérables

4.16.

Le CESE comprend qu’il soit nécessaire de garantir un écosystème de paiement ouvert et accessible, et d’évaluer lors du réexamen de la directive sur le caractère définitif du règlement (DCDR) (12) s’il serait avantageux d’en élargir le champ d’application aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique afin de leur permettre d’accéder directement aux systèmes et infrastructures de paiement, comme TARGET2 et le système de règlement des paiements instantanés TARGET (TARGET Instant Payment Settlement — TIPS). Le Comité insiste sur la nécessité de préserver la sécurité et l’intégrité des grands systèmes de paiement. Cette condition sera d’autant plus importante si le champ d’application de la directive est élargi, lors du réexamen de la DSP2, aux acteurs du marché qui ne sont pas couverts à l’heure actuelle par la législation, comme les prestataires techniques. Une fois encore, ces éléments mettent en lumière la nécessité de garantir à toutes les parties un accès aux mêmes conditions, sur la base d’une concurrence à armes égales.

4.17.

Le CESE souscrit pleinement à l’objectif de la Commission consistant à proposer un dispositif législatif qui vise à garantir un droit d’accès, à des conditions justes, raisonnables et non discriminatoires, aux technologies d’infrastructure jugées nécessaires pour soutenir la fourniture de services de paiement. À l’heure actuelle, l’accès à certaines technologies importantes qui soutiennent la fourniture de services de paiement est restreint, par exemple l’antenne de communication en champ proche (NFC) sur certains appareils mobiles, ce qui a pour effet de limiter la concurrence dans le domaine des paiements mobiles sans contact, les banques étant forcées de payer une redevance à une tierce partie simplement pour autoriser un consommateur à utiliser une technologie (comme le NFC) pour ses paiements au quotidien. Ces redevances payées par les banques peuvent dans certains cas être répercutées sur les consommateurs. Si ce problème a été déjà été réglé dans certains États membres, il est important de le traiter au niveau européen afin de permettre à tous les citoyens de l’Union de profiter d’une concurrence accrue dans ce domaine, d’assurer des conditions de concurrence égales pour les prestataires de services de paiement et de renforcer l’adoption courante des paiements mobiles sans contact. La législation devrait garantir que tous les participants aient les mêmes droits et obligations et qu’ils soient soumis aux mêmes régimes de licences et autres exigences réglementaires.

Pilier 4: des paiements internationaux efficients, envois de fonds compris

4.18.

Le CESE convient de l’importance d’améliorer les paiements transfrontières mondiaux et souscrit aux actions mises en avant par la Commission, s’agissant par exemple de promouvoir l’adoption de normes internationales au niveau mondial pour les paiements, comme la Global Payment Initiative de SWIFT et la norme ISO 20022, qui améliorent les paiements transfrontières dans tout le réseau bancaire correspondant.

4.19.

Les envois de fonds demeurent le type de paiement de plus onéreux. Le CESE accueille favorablement les actions proposées qui visent à obtenir un engagement en faveur de la réduction du coût moyen des envois de fonds à moins de 3 % d’ici 2030, et encourage la Commission à jouer un rôle actif afin de garantir un soutien aux actions énoncées en la matière dans la feuille de route du Conseil de stabilité financière (CSF) pour renforcer les paiements transfrontières et d’en assurer le suivi. Les redevances sont susceptibles de porter un préjudice disproportionné aux personnes financièrement défavorisées. La concurrence et les progrès technologiques ont déjà contribué à améliorer l’accès à des moyens plus rapides et moins coûteux d’envoyer des fonds à l’étranger, mais il reste beaucoup à faire. Pour les opérateurs de transferts de fonds depuis ou vers des pays situés dans le voisinage de l’UE, un meilleur accès à l’infrastructure de paiement établie dans l’Union pourrait constituer un point de départ pour une réduction des coûts.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO L 119 du 4.5.2016, p. 1.

(2)  COM(2018) 796 final.

(3)  D’après la Banque centrale européenne, en 2018, les paiements scripturaux ont été utilisés pour 91 milliards d’opérations dans la zone euro et 112 milliards d’opérations dans l’Union, contre environ 103 milliards en 2017.

(4)  COM(2020) 591 final.

(5)  COM(2020) 595 final.

(6)  COM(2020) 593 final.

(7)  https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2019/html/ecb.sp191126~5230672c11.en.html

(8)  Étude sur les attitudes des consommateurs en matière de paiements dans la zone euro (en anglais), décembre 2020.

(9)  JO L 337 du 23.12.2015, p. 35.

(10)  JO L 119 du 4.5.2016, p. 1.

(11)  COM(2020) 591 final.

(12)  JO L 166 du 11.6.1998, p. 45.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/79


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Un nouvel EER pour la recherche et l’innovation»

[COM(2020) 628 final]

(2021/C 220/11)

Rapporteur:

Paul RÜBIG

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

2.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

254/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la nouvelle vision développée pour l’espace européen de la recherche (EER) et du renouvellement du programme y afférent. Il ne s’agit pas d’un simple «renforcement» de l’EER mais d’une véritable «nouvelle donne» pour la recherche, la technologie et l’innovation (RTI) de l’UE.

1.2.

Le CESE se félicite vivement de l’accent mis sur la conversion rapide des résultats de la recherche et de l’innovation (R&I) en activités commerciales rentables, comme indiqué dans le document. La préservation d’un processus de transition juste est l’un des éléments les plus importants pour garantir que la R&I soutienne l’économie et l’emploi dans l’UE.

1.3.

Le CESE souscrit résolument à la nécessité d’une nouvelle gouvernance dans le domaine de la recherche afin d’éliminer les obstacles administratifs et réglementaires à l’innovation.

1.4.

Le CESE constate avec satisfaction que le nouveau document relatif à l’EER est globalement conforme aux objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et qu’il les soutient. En plus de favoriser la transition vers une économie européenne plus résiliente, une relance inclusive ne laissant aucun Européen de côté est essentielle dans le cadre du processus de transition vers une économie européenne durable (1).

1.5.

Le Comité tient à souligner qu’il est également important de combiner intelligemment les instruments de recherche et développement (R&D) à tous les niveaux (régional, national, européen et mondial). Il convient également de promouvoir la R&D et l’innovation en recourant aux grands Fonds structurels de l’UE, ainsi qu’à des mesures directes et indirectes (par exemple des incitations fiscales) en sa faveur.

1.6.

Le CESE fait observer que les secteurs et technologies clés suivants sont essentiels à la prospérité de l’UE:

les modèles d’entreprise numériques,

les technologies de fabrication de biens et de denrées alimentaires,

la recherche clinique, le secteur pharmaceutique et biotechnologique,

les technologies spatiales,

l’eau propre et l’assainissement.

1.7.

Le CESE note que la recherche dans le domaine des sciences sociales et des sciences humaines revêt également une grande importance dans la perspective du renouvellement complexe du programme de l’EER.

1.8.

Le CESE tient à souligner que la recherche de l’UE accuse un retard en ce qui concerne les performances en matière de brevets. La part de l’Asie dans les demandes mondiales de brevets s’est accrue. En 2019, l’Asie a soumis 65 % des demandes de brevet dans le monde. La part de l’Europe a considérablement diminué et ne représente désormais plus que 11,3 % des demandes mondiales de brevets.

1.9.

De nombreuses études ont montré que l’UE accuse un retard par rapport aux États-Unis et à l’Asie en matière de culture entrepreneuriale. La culture entrepreneuriale doit être abordée au cours du parcours éducatif, y compris dans l’enseignement supérieur. Cette question est donc pertinente tout au long du processus, depuis l’innovation dans la recherche fondamentale et la recherche appliquée jusqu’à la commercialisation d’une nouvelle technologie.

1.10.

Le Conseil européen de l’innovation (CEI) et l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT), de même que ses communautés de la connaissance et de l’innovation (CCI), sont considérés comme des partenaires et des outils précieux dans le cadre de cette «accélération du transfert de la R&I» et de la réorientation de la R&I de l’UE vers la production d’innovations technologiques pionnières qui répondent aux besoins concrets des citoyens et des entreprises, en particulier lorsqu’il s’agit de relever les grands défis de société. L’accélérateur du CEI propose d’importants fonds de l’UE pour les jeunes entreprises européennes innovantes à fort potentiel de croissance, tandis que l’EIT recherche par définition l’excellence en matière de recherche pour les innovations technologiques dans ses CCI; le CEI et l’EIT sont donc des partenaires importants de l’accélération du transfert de R&I.

1.11.

Le CESE souligne la nécessité d’intégrer le principe de l’intégrité scientifique et éthique afin d’éviter les pertes du point de vue de la santé humaine et des ressources financières, ainsi que des échecs scientifiques.

1.12.

L’Europe est particulièrement à la traîne, par rapport aux États-Unis et à l’Asie, en ce qui concerne la rapidité du transfert des résultats de la R&D vers des produits et services innovants. Aussi le CESE encourage-t-il la Commission à viser simultanément, dans le cadre de sa politique de RTI, l’«excellence» et la «rapidité».

1.13.

Le CESE suggère à la Commission européenne de s’efforcer, dans sa nouvelle stratégie en matière de R&I, d’établir des portefeuilles équilibrés dans les domaines suivants:

la production industrielle de haute technologie et l’industrie des services de R&D/R&I,

les innovations axées sur le marché (innovation axée sur la demande) ainsi que les innovations axées sur la technologie.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE constate avec satisfaction que deux des éléments clés du document de la Commission sont la proposition d’une nouvelle vision pour l’EER et le renouvellement du programme afférent. Le document montre dès lors que l’on n’est pas en présence d’un simple «renforcement» de l’EER mais d’une véritable «nouvelle donne» pour la recherche, la technologie et l’innovation (RTI) de l’UE. Un aspect essentiel de cette «nouvelle donne» consiste à accroître massivement l’impact de l’innovation sur l’économie et la société. Avec cette «nouvelle donne», l’UE-27 s’est définitivement engagée à mettre un terme au processus actuel de perte de terrain par rapport à la Chine et à la Corée du Sud dans la recherche fondamentale, la recherche appliquée, les demandes de brevets, les produits et services de haute technologie. La «nouvelle donne» vise à améliorer encore l’éducation et la formation des citoyens européens dans tous les domaines de la R&D, de l’innovation et de l’entrepreneuriat, et donc à libérer pleinement le pouvoir d’innovation de la société européenne.

2.2.

Le CESE se félicite de l’approche de la Commission européenne visant à accroître l’impact de l’innovation sur l’économie et la société. Le CESE souligne que la société civile organisée est un catalyseur de l’innovation sociale. La participation de la société civile est plus que jamais nécessaire, et la véritable innovation sociale ne peut avoir lieu qu’avec son engagement (2).

2.3.

L’Asie, en particulier la Chine et la Corée, a réalisé des progrès considérables en matière de RTI au cours de ces 20 dernières années. La Chine a non seulement accru son budget octroyé à la R&D, le portant de 0,55 % en 1995 à 2,2 % en 2018, mais elle a également dépassé le budget total consacré à la R&D par l’UE: en 2017, elle a dépensé 496 milliards de dollars à cette fin, contre 430 milliards de dollars pour l’UE. Selon le tableau de bord 2020 de l’UE sur les investissements en R&D industrielle, entre 2018 et 2019, les entreprises de l’UE ont augmenté leur R&D de 5,6 %, les entreprises américaines de 10,8 % et les entreprises chinoises de 21,0 %.

2.4.

Les rapports du tableau de bord «Science, technologie et industrie» de l’OCDE montrent, entre autres, que l’UE est particulièrement à la traîne dans les secteurs de services numériques et en matière d’innovations technologiques dites «transformatives». Le CESE appelle de ses vœux une approche européenne qui permette de passer au numérique en saisissant les possibilités qu’il offre à l’économie tout en préservant les valeurs sociétales et les droits fondamentaux. Une approche centrée sur l’humain dans l’ensemble des initiatives de la Commission est fortement appréciée dans la perspective du développement d’une approche européenne du progrès (3).

2.5.

Promouvoir le développement d’innovations transformatives (4), tout en garantissant un processus de transition juste constitue l’un des principaux défis à relever dans un avenir proche.

2.6.

Le CESE est pleinement favorable au choix de la double transition (twin transition), à savoir la transition numérique et le pacte vert, comme axe principal.

2.7.

Le CESE salue les efforts visant à garantir que les résultats de la R&I se traduisent rapidement en entreprises commerciales rentables. La préservation d’un processus de transition juste, c’est-à-dire vers une Europe plus verte et respectueuse du climat, un avenir numérique équitable, dans le respect des droits et des positions des travailleurs, comme indiqué dans le document, est l’un des éléments les plus importants pour faire en sorte que la R&I soutienne l’économie et l’emploi dans l’UE.

2.8.

Le CESE constate avec satisfaction que le nouveau document relatif à l’EER est globalement conforme aux ODD et qu’il les soutient. En plus de favoriser la transition vers une économie européenne plus résiliente, une relance inclusive ne laissant aucun Européen de côté est essentielle dans le cadre du processus de transition vers une économie européenne durable (5).

2.9.

Le Comité tient à souligner qu’il est important de combiner intelligemment les instruments de R&D à tous les niveaux (régional, national, européen). Il convient également de promouvoir la R&D et l’innovation en recourant aux grands Fonds structurels de l’UE, ainsi qu’à des mesures directes et indirectes (par exemple des incitations fiscales) en sa faveur.

3.   L’espace européen de la recherche dans un nouveau contexte

3.1.

Comme il le précise dans ses observations générales, le CESE juge que, si elle se contente de renforcer sa stratégie en matière de RTI, l’UE continuera à perdre du terrain sur la scène mondiale, en particulier face à la Chine, la Corée et les États-Unis.

3.2.

Le CESE souligne la nécessité d’intégrer le principe de l’intégrité scientifique et éthique afin d’éviter les pertes du point de vue de la santé humaine et des ressources financières, ainsi que les échecs scientifiques.

3.3.

Le CESE encourage la Commission européenne à concevoir à une «nouvelle donne» et à élaborer une nouvelle stratégie en matière de RTI.

3.4.

Des infrastructures de R&I de pointe et gérées efficacement constituent un aspect essentiel de cette «accélération du transfert des résultats de la R&I».

3.5.

La gestion quotidienne de ces infrastructures de R&I pourrait être professionnalisée. Certaines de ces infrastructures coûteuses de R&I sont sous-utilisées, avec une exploitation de moins de 25 % des horaires annuels de fonctionnement.

3.6.

Le CESE accueille favorablement les initiatives de la Commission européenne pour la science ouverte (EOSC).

3.7.

Le CESE convient que les technologies mentionnées dans le document constituent des technologies clés stratégiques pour l’UE, et propose d’ajouter les technologies et secteurs clés suivants:

les modèles d’entreprise numériques,

les technologies de fabrication de biens et de denrées alimentaires,

la recherche clinique, le secteur pharmaceutique et biotechnologique,

les technologies spatiales,

l’eau propre et l’assainissement.

3.8.

Les modèles d’entreprise numériques sont actuellement les entreprises qui connaissent la croissance la plus rapide au monde et cette tendance se poursuivra dans les années à venir. Il suffit de songer, notamment, au commerce électronique (par exemple Amazon), à l’industrie 4.0, à la banque en ligne, aux jeux en ligne, aux réseaux sociaux numériques (par exemple Facebook) et à la sécurité en ligne.

3.9.

Le CESE note que la recherche dans le domaine des sciences sociales et des sciences humaines revêt également une grande importance dans la perspective du renouvellement complexe du programme de l’EER.

3.10.

En ce qui concerne les performances en matière de brevets, le Comité note que l’UE est à la traîne. La part de l’Asie dans les demandes mondiales de brevets s’est accrue. En 2019, l’Asie a déposé 65 % des demandes de brevet dans le monde. La part de l’Europe a considérablement diminué et ne représente désormais plus que 11,3 % des demandes mondiales de brevets.

3.11.

D’autres questions majeures en matière de R&I sont entre autres la fabrication de biens (qui représente depuis toujours un des points forts de l’UE), les technologies de l’information, les logiciels et l’intelligence artificielle, ainsi que la moyenne technologie.

3.12.

La plupart des emplois au sein de l’UE sont toujours liés à la moyenne technologie (qui est également, depuis toujours, un des fers de lance de l’UE). La haute technologie est bien sûr importante, mais la moyenne technologie possède également un potentiel majeur de croissance et de création d’emplois.

3.13.

La crise du coronavirus constituant un défi majeur pour l’humanité, il s’impose de prendre toutes les mesures possibles afin de mettre au point des vaccins et des traitements contre la COVID-19. Cette crise a mis en lumière plusieurs problèmes qui doivent être résolus si l’on veut éviter des pandémies similaires à l’avenir, notamment en ce qui concerne notre relation avec le monde naturel et les animaux. La R&I européenne doit jouer un rôle important dans le recensement, la recherche et la résolution de ces problèmes. Par ailleurs, la crise ne devrait pas être l’unique ligne directrice de la stratégie à long terme de l’UE en matière de R&I.

3.14.

De nombreuses études ont montré que l’UE accuse un retard par rapport aux États-Unis et à l’Asie en matière de culture entrepreneuriale. La culture entrepreneuriale doit être abordée au cours du parcours éducatif, y compris à l’université. Cette question est donc pertinente tout au long du processus, depuis l’innovation dans la recherche fondamentale et la recherche appliquée jusqu’à la commercialisation d’une nouvelle technologie. La culture entrepreneuriale doit être une compétence clé dans l’ensemble des RTI de l’UE et donc, évidemment, dans le nouvel EER.

4.   La vision: un espace européen de la recherche plus solide pour l’avenir

4.1.

La communication consacre un certain nombre de paragraphes aux nouvelles feuilles de route technologiques communes, à une nouvelle stratégie industrielle et aux technologies clés de l’avenir pour la Commission. Le CESE tient, une fois encore, à souligner que tous ces thèmes doivent être examinés en lien étroit avec les ODD. En d’autres termes, la R&D doit être renforcée, en particulier dans le cadre du nouvel EER et des feuilles de route technologiques communes, où chacun des 17 domaines des ODD peut être soutenu. Il est convaincu qu’un dialogue social et civique constructif à tous les niveaux contribuera à la bonne mise en œuvre de la stratégie.

4.2.

Le CESE apprécie le renforcement de la coopération en matière de RTI au sein de l’UE. Aucun État membre de l’UE ne peut concurrencer à lui seul les poids lourds en matière de recherche tels que les États-Unis et la Chine. À titre individuel, les États membres ne réalisent pas d’économies d’échelle, lesquelles sont très importantes, en particulier pour les innovations radicales de grande envergure. Les réalisations de l’Europe dans le domaine de la science et de la technologie ont été considérables et les efforts de recherche et de développement font partie intégrante de l’économie européenne. L’Europe a accueilli certains des chercheurs les plus éminents dans diverses disciplines scientifiques, notamment dans les domaines de la physique, des mathématiques, de la chimie et de l’ingénierie. La recherche scientifique en Europe est soutenue par l’industrie, les universités européennes et plusieurs institutions scientifiques. Les résultats de la recherche scientifique européenne figurent systématiquement parmi les meilleurs au monde. Tandis que la coopération constitue un élément clé d’une innovation efficace qui génère de nouveaux produits et services, la concurrence est le principal moteur de l’innovation dans l’économie mondiale. C’est pourquoi le CESE recommande de prévoir un portefeuille équilibré de coopération et de concurrence entre les États membres dans le cadre du «New Deal» de l’UE pour les RTI.

4.3.

Le CEI et l’EIT, ainsi que ses CCI, sont considérés comme des partenaires et des outils précieux dans le cadre de cette accélération du transfert de la R&I et de la réorientation de la R&I de l’Union européenne vers la production d’innovations technologiques pionnières qui répondent aux besoins concrets des citoyens et des entreprises, en particulier lorsqu’il s’agit de relever les grands défis de société.

5.   Transférer les résultats de la recherche et de l’innovation vers l’économie

5.1.

La Commission déclare, dans sa communication, que «l’UE accuse un retard par rapport à ses principaux concurrents mondiaux en ce qui concerne, d’une part, l’intensité de R&D des entreprises, en particulier dans les secteurs de haute technologie et, d’autre part, le développement de PME innovantes, ce qui a des répercussions négatives sur la productivité et la compétitivité. (…) Il est essentiel de débloquer les investissements dans l’innovation dans les entreprises, les services et le secteur public, afin d’inverser cette tendance et de renforcer la souveraineté industrielle et technologique de l’Europe. L’UE doit tirer pleinement parti de ses excellents résultats en matière de recherche et innovation afin de soutenir les transitions verte et numérique de son économie.» Le CESE partage cette position mais tient à souligner que la transition numérique, en particulier, nécessite une approche responsable en matière de RTI. Le CESE réitère son soutien sans réserve à la stratégie de l’UE visant à rechercher une intelligence artificielle (IA) fiable et centrée sur l’humain, et réitère son appel en faveur d’une approche de l’IA fondée sur l’humain, comme il le demande depuis son premier avis sur le sujet, en 2017 (6).

5.2.

L’Europe est particulièrement à la traîne, par rapport aux États-Unis et à l’Asie, en ce qui concerne la rapidité du transfert des résultats de la R&D vers des produits et services innovants. Aussi le CESE encourage-t-il la Commission à viser simultanément, dans le cadre de sa politique de RTI, l’«excellence» et la «rapidité».

5.3.

Le CESE admet volontiers que la communication reconnaît que la traduction de la R&I en produits viables et la chaîne d’innovation doivent faire l’objet d’une attention particulière. Toutefois, la plupart des actions et mesures qui y sont proposées se positionnent toujours en amont de la chaîne de l’innovation (enseignement supérieur, carrières dans la recherche pour les talents, budget accru pour la recherche publique et fondamentale, etc.).

5.4.

À cet égard, le CESE encourage la Commission à s’efforcer de parvenir à un juste équilibre entre l’accent mis sur l’amont et l’aval de la chaîne d’innovation.

5.5.

Le CESE encourage la Commission à stimuler davantage les innovations axées sur la demande, par exemple:

en promouvant les concepts d’utilisateurs pilotes,

en investissant dans des études systématiques sur l’innovation sociale afin d’anticiper l’appréciation précoce des nouveaux produits et services par les consommateurs.

6.   Industries des services

6.1.

Les processus de production industrielle peuvent être fortement automatisés, de sorte qu’ils peuvent produire en très grande quantité, avec de faibles coûts de main-d’œuvre et des coûts de production concurrentiels au niveau mondial, même avec des salaires horaires élevés en Europe. En ce qui concerne le secteur des services, cette situation est plus compliquée. Les modèles d’entreprise de services numériques peuvent eux aussi être fortement automatisés. Toutefois, les services fournis aux particuliers, tels que la coupe de cheveux, les massages, etc., ne peuvent pas être automatisés. Pour toutes ces raisons, il serait judicieux que l’UE s’efforce, dans sa nouvelle stratégie de R&I, de disposer d’un portefeuille équilibré d’industries de haute technologie et d’entreprises de services.

7.   Approfondir le cadre pour les carrières scientifiques

7.1.

Le CESE accueille favorablement les mesures proposées dans la communication pour accroître l’excellence technologique et scientifique, ainsi que la mobilité des jeunes chercheurs, mais encourage la Commission à également développer les mesures visant à renforcer l’esprit d’entreprise des jeunes chercheurs et innovateurs. Il s’agirait notamment d’offrir de meilleures perspectives de carrière pour les chercheurs, ainsi que des salaires plus élevés, en particulier en début de carrière. En outre, il semble fructueux d’établir des liens entre les universités et les entités économiques pour garantir la conversion de l’innovation en produits commercialisables. Le CESE propose de créer un registre unique des chercheurs et innovateurs de l’UE, comportant des données de base relatives aux recherches d’experts, afin de développer les relations entre chercheurs et innovateurs de l’UE.

7.2.

Compétences et cultures innovantes clés, nouvelles technologies d’apprentissage et d’enseignement, formation personnalisée.

7.2.1.

Le CESE tient une fois de plus à souligner que si les technologies stratégiques jouent un rôle essentiel, les compétences clés des travailleurs et les cultures innovantes au sein de toutes ses entreprises sont également cruciales pour la prospérité de l’Union européenne.

7.2.2.

Pour le nouveau programme de l’EER, le nouveau programme de R&I et le nouveau «Pacte pour la recherche et l’innovation en Europe», un élément qui revêt une importance particulière consiste à promouvoir une culture innovante et une culture de l’esprit d’entreprise au sein des entreprises de l’UE, tant pour la direction que pour l’ensemble des salariés, en proposant par exemple à ces derniers des formations appropriées.

8.   Engagement des citoyens

8.1.

Le CESE souscrit à l’affirmation figurant dans la communication, selon laquelle «l’engagement des citoyens, des communautés locales et de la société civile sera au cœur du nouvel EER afin de renforcer l’impact sociétal et la confiance dans la science». Le Comité soutient l’approche de la Commission européenne, qui repose sur l’idée que «les organismes de recherche et l’industrie devraient associer les citoyens aux choix technologiques».

8.2.

Les partenaires sociaux et les organisations de la société civile telles que les organisations de consommateurs, les ONG, etc. devraient être associés en tant que partenaires actifs aux processus et projets européens de R&I, en particulier lorsque la recherche affecte ou influence les personnes ou les causes qu’ils représentent. Associer ces partenaires à un stade précoce favorisera l’engagement envers l’innovation, ainsi que sa compréhension, son appropriation et son acceptation, et soutiendra les processus de transition juste qui sont nécessaires, en particulier pour les innovations radicales. Cette approche aidera également les chercheurs à comprendre l’impact de leurs innovations sur la société dans son ensemble et à lutter contre les effets négatifs potentiels à un stade précoce du processus. C’est la raison pour laquelle le CESE a également plaidé en faveur d’une approche pluridisciplinaire dans certains domaines de recherche qui ont une incidence sur de nombreux autres. L’un de ces domaines est, répétons-le, l’intelligence artificielle (IA), pour laquelle le CESE a appelé à associer les sciences humaines, le droit, l’économie, l’éthique, la psychologie, etc. à la R&I en la matière, au-delà de la simple composante technique (7).

8.3.

L’économie de l’UE dépend fortement des exportations de ses biens et services.

8.4.

Les choix technologiques devraient donc se fonder non seulement sur les préférences des citoyens de l’UE en matière de biens et de services, mais aussi sur celles des 7,8 autres milliards d’habitants dans le monde. Le CESE invite la Commission à promouvoir en particulier la R&I dans la réalisation des ODD des Nations unies.

8.5.

Comme indiqué dans les observations générales du présent projet d’avis, l’importance de la RTI doit bénéficier d’une meilleure communication à l’intention des responsables politiques, des médias et de la société.

8.6.

Il importe donc aussi de mettre au point des moyens et des stratégies intelligentes de sensibilisation à l’importance de la RTI, mais aussi de ses résultats, dans le contexte de la politique de communication et de la nouvelle stratégie de l’UE en la matière.

9.   Gouvernance du nouvel EER

9.1.

Le CESE convient qu’un système de suivi transparent (tableau de bord de l’EER) sera essentiel pour suivre les performances de l’UE dans le cadre de la concurrence mondiale en matière de RTI. Le CESE plaide en faveur d’une nouvelle gouvernance dans le domaine de la recherche afin d’éliminer les obstacles administratifs et réglementaires à l’innovation.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Propositions du CESE pour la reconstruction et la relance après la crise de la COVID-19: «L’Union européenne doit être guidée par la volonté de se présenter comme une communauté de destin partagé» (JO C 311 du 18.9.2020, p. 1), paragraphe 5.3.1.

(2)  Propositions du CESE pour la reconstruction et la relance après la crise de la COVID-19: «L’Union européenne doit être guidée par la volonté de se présenter comme une communauté de destin partagé» (JO C 311 du 18.9.2020, p. 1), paragraphe 6.8.

(3)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 101.

(4)  Clayton M. Christensen, The Innovator’s Dilemma — When New Technologies Cause Great Firms to Fail, 2016.

(5)  Propositions du CESE pour la reconstruction et la relance après la crise de la COVID-19: «L’Union européenne doit être guidée par la volonté de se présenter comme une communauté de destin partagé» (JO C 311 du 18.9.2020, p. 1), paragraphe 5.3.1.

(6)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 1

(7)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 1.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/86


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant prorogation de la durée de la protection communautaire des obtentions végétales pour les espèces d’asperges ainsi que pour les groupes d’espèces des bulbes à fleurs, des plantes ligneuses à petits fruits et des plantes ligneuses ornementales

[COM(2021) 36 final — 2021/0019 (COD)]

(2021/C 220/12)

Consultation

Parlement européen, 11.2.2021

Base juridique

Articles 118 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

262/0/14

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 559e session plénière des 24 et 25 mars 2021 (séance du 24 mars), a décidé, par 262 voix pour, 0 voix contre et 14 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/87


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/2397 en ce qui concerne les mesures transitoires pour la reconnaissance des certificats de pays tiers

[COM(2021) 71 final — 2021/0039 (COD)]

(2021/C 220/13)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 26.2.2021

Parlement européen, 8.3.2021

Base juridique

Article 91, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

262/0/14

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 559e session plénière des 24 et 25 mars 2021 (séance du 24 mars), a décidé, par 262 voix pour, sans voix contre et 14 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/88


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Renforcer le processus d’adhésion — Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux»

[COM(2020) 57 final]

sur la

communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des région — «Un plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux»

[COM(2020) 641 final]

et sur la

communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Communication de 2020 sur la politique d’élargissement de l’UE»

[COM(2020) 660 final]

(2021/C 220/14)

Rapporteur:

Andrej ZORKO

Corapporteur:

Ionuţ SIBIAN

Saisine

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

3.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

243/1/10

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement les communications que la Commission a adoptées en 2020 en rapport avec l’élargissement de l’Union européenne (UE) en direction des Balkans occidentaux (1) et il s’accorde à reconnaître que l’intégration de ces pays partenaires de la région au sein de l’Union constitue un investissement géostratégique pour la paix, la stabilité, la sécurité et la croissance économique dans l’ensemble du continent.

1.2.

Le CESE souscrit aux conclusions du sommet de Zagreb (2), lors duquel les dirigeants de l’Union européenne ont réaffirmé qu’elle était déterminée à renforcer sa coopération avec la région et se sont réjouis que leurs partenaires des Balkans occidentaux se soient engagés à appliquer, intégralement et de manière résolue, les réformes requises. Les Balkans occidentaux font partie intégrante de l’Europe et constituent une priorité géostratégique pour l’Union européenne.

1.3.

La conviction du CESE est que pour affronter des défis et problématiques communs, qui relèvent non seulement de l’ordre du politique mais touchent également à l’économie et au social, il convient que les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile (OSC) (3) jouent un rôle accru dans tout le processus d’élargissement et y soient associés de manière plus active. La Commission devrait définir plus clairement l’expression de «parties prenantes clés». En définitive, la société civile organisée ne constitue-t-elle pas le pont entre le monde politique et la population et ne contribue-t-elle pas à évaluer si les principes fondamentaux, tels que la liberté d’expression, l’état de droit, l’indépendance des médias, l’égalité de traitement et la lutte contre la corruption, sont réellement mis en pratique sur le terrain?

1.4.

Le CESE accueille favorablement la méthodologie révisée en matière d’élargissement que la Commission a adoptée en 2020 (4). Dès lors que cette révision avait pour objectif de donner au processus un caractère plus crédible, prévisible et politique, la Commission devrait l’appliquer à l’Albanie et à la Macédoine du Nord dès que le Conseil de l’Union européenne aura adopté ses cadres de négociation, et préciser dans les meilleurs délais de quelle façon elle sera également adaptée au Monténégro et à la Serbie, qui ont déjà exprimé leur volonté de procéder à son adoption.

1.5.

Le CESE se félicite que les chapitres de négociation seront rassemblés en groupes thématiques et que les négociations s’ouvriront, pour chacun de ces groupes, sur l’ensemble ainsi formé. L’idée d’appliquer ouvertement un jeu de conditions strictes sera de nature à faciliter la progression des pays candidats à l’adhésion sur les voies de la réforme. Le CESE constate également avec une satisfaction toute particulière que l’accent a été mis sur l’importance que revêtent les fondamentaux et que ce sont les progrès réalisés en la matière qui détermineront le rythme général de la négociation.

1.6.

Le CESE se félicite que la Commission propose de renforcer le processus d’adhésion et que le Conseil ait accordé son feu vert en ce qui concerne l’ouverture des négociations d’entrée de l’Albanie et de la Macédoine du Nord dans l’Union européenne (5), mais il regrette que cette démarche se heurte à un nouveau blocage et demande à l’Union d’agir en partenaire crédible et d’éliminer les obstacles qui empêchent de lancer les négociations le plus rapidement possible.

1.7.

Le CESE apprécie la façon dont la Commission attache le plus grand prix à tisser des liens de confiance entre toutes les parties prenantes et à s’assurer que le processus d’adhésion repose sur cette confiance réciproque et des engagements clairs et communs de part et d’autre, afin qu’il regagne en crédibilité chez les deux interlocuteurs et qu’il déploie toutes ses potentialités.

1.8.

Eu égard aux difficultés que les États membres éprouvent pour atteindre l’unanimité en matière d’élargissement, le CESE estime que le Conseil devrait réétudier la possibilité d’instaurer le vote à la majorité qualifiée, ne serait-ce que pour les étapes médianes du processus d’adhésion à l’Union européenne (6). Cette démarche octroierait un rôle politique fort aux États membres, conformément aux intentions affichées par la nouvelle méthodologie, mais éviterait aussi qu’ils ne fassent dérailler le processus alors qu’il est lancé, un tel comportement étant précisément le facteur qui mine aujourd’hui la confiance vis-à-vis de la politique d’élargissement et de sa capacité à susciter le changement.

1.9.

Pour renforcer la confiance à l’égard de l’élargissement et améliorer la façon dont l’Union européenne s’adresse à ses alliés naturels au sein de la région, le CESE est convaincu que l’Union devrait donner aux dirigeants politiques des Balkans occidentaux et à leurs citoyens la possibilité de participer, à titre consultatif, aux activités et aux débats organisés dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe, sur le modèle de la convention européenne du début des années 2000 (7).

1.10.

Le CESE est fermement convaincu que l’Union européenne devrait également s’employer à développer les structures horizontales de la société civile, en fournissant aux partenaires sociaux des Balkans occidentaux, ainsi qu’aux autres organisations de cette société civile à l’échelle régionale, une expertise, un soutien technique ainsi que des occasions de constituer des réseaux à l’échelon régional et international, notamment afin de s’assurer qu’ils jouent un rôle plus actif dans le cadre du processus d’élargissement. Dans un souci de contrôler la transparence et la responsabilité des élites politiques des Balkans occidentaux, l’Union européenne devrait commander à des organisations de la société civile de la région, à intervalles réguliers, des rapports parallèles sur l’état de la démocratie (8).

1.11.

Le CESE fait observer que développer les capacités nationales des organisations de la société civile et faciliter la coopération régionale, ainsi que l’échange d’expertise, devrait continuer à figurer parmi les priorités financées par l’Union européenne et les pouvoirs publics nationaux. En outre, il est indispensable que les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile se reconnaissent mutuellement et coopèrent, afin d’être à la hauteur des défis que le programme de réforme pose dans la région et de faire progresser le processus d’élargissement de l’Union européenne.

1.12.

Le CESE estime que pour aider les partenaires des Balkans occidentaux à amortir le choc provoqué par la pandémie et à relancer la convergence économique et sociale avec elle, l’Union européenne devrait leur accorder un soutien généreux qui ne saurait se limiter au simple accès à ses programmes. Il conviendrait d’envisager sérieusement, par exemple, de donner aux partenaires des Balkans occidentaux, de manière progressive, un accès aux Fonds structurels et d’investissement européens, par exemple pour soutenir des projets d’infrastructure, d’étendre le recours aux mécanismes de stabilité financière de l’Union européenne, de permettre à la région de participer à la politique agricole commune ou d’autoriser la migration circulaire (9).

1.13.

Le CESE salue le pacte vert pour l’Europe (10), qui prévoit des objectifs spécifiques pour les Balkans occidentaux, de même que les «lignes directrices pour la mise en œuvre du programme en matière d’environnement pour les Balkans occidentaux accompagnant le plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux» (11). Il appelle les partenaires de la région à travailler de concert avec l’Union européenne afin que des politiques respectueuses de l’environnement soient adoptées d’ici à 2030 et que la neutralité climatique soit atteinte à l’horizon 2050.

1.14.

Le CESE escompte que les prochains rapports par pays appliqueront une méthode claire pour effectuer le suivi de la manière dont les gouvernements des Balkans occidentaux traitent la société civile. Une telle surveillance devrait servir de base à des actions politiques qui sanctionnent les régressions et offrent des récompenses tangibles en cas de progrès. En définitive, cette démarche renforcera la crédibilité de la politique d’élargissement menée vis-à-vis des Balkans occidentaux et sa capacité à susciter le changement.

1.15.

Le CESE invite à nouveau les institutions de l’Union européenne et les gouvernements des pays des Balkans occidentaux à veiller à renforcer les capacités globales des partenaires sociaux, tout en préservant pleinement leur indépendance. Un dialogue social opérationnel devrait constituer un élément de poids dans les négociations d’adhésion à l’Union européenne. Le CESE souligne que les partenaires sociaux devraient être consultés de manière plus systématique et en temps utile sur toutes les propositions législatives pertinentes et à chaque stade de l’élaboration de documents stratégiques (12).

1.16.

Le CESE demande que des conférences ou forums de la société civile de haut niveau soient organisés à l’approche immédiate des sommets réguliers entre l’Union européenne et les Balkans occidentaux ou parallèlement à ceux-ci, afin de faire entendre la voix de la société civile sur les sujets abordés à l’occasion de ces rencontres (13). Ces consultations revêtent une importance cruciale pour que l’évolution du processus de négociation soit suivie de manière objective et à partir du terrain. Le CESE pourrait jouer un rôle dans ces rendez-vous.

1.17.

Le CESE rappelle les recommandations qu’il a formulées dans la contribution de sa section «Relations extérieures» (REX) au sommet entre l’Union européenne et les Balkans occidentaux du 6 mai 2020 (14), ainsi que dans son récent avis sur la «Contribution de la société civile au programme en matière d’environnement et au développement durable des Balkans occidentaux dans le cadre du processus d’adhésion à l’Union européenne», qu’il a adopté le 18 septembre 2020 (15)(16).

1.18.

Le CESE adresse à l’actuelle présidence portugaise du Conseil de l’Union européenne et, plus particulièrement, à la présidence slovène qui la suivra, la demande que la politique d’élargissement menée vis-à-vis des Balkans occidentaux soit maintenue au rang des priorités de l’Union européenne en 2021.

2.   L’élargissement de l’Union européenne vers les Balkans occidentaux revêt une haute importance

2.1.

Dans une région qui, par un paradoxe géographique, se trouve déjà être enclavée au cœur de l’Union européenne et bordée de toutes parts par ses États membres, une perspective d’adhésion crédible constitue tout à la fois le principal aiguillon et la grande force motrice pour induire la transformation et, par là, elle renforce notre sécurité et notre prospérité collectives. Elle représente un outil essentiel pour promouvoir la démocratie, l’état de droit et le respect des droits fondamentaux, qui constituent également les principaux facteurs d’intégration économique et offrent un socle déterminant pour favoriser la réconciliation et la stabilité dans la région.

2.2.

En conséquence, il est indispensable de préserver et de consolider cette politique pour que la crédibilité de l’Union européenne, sa réussite et son influence soient assurées dans la région et au-delà, en particulier en ces temps de concurrence géopolitique exacerbée. Si l’élargissement recule dans l’ordre des priorités de l’Union européenne ou que le processus est ralenti, d’autres acteurs, qui, bien souvent, ne partagent pas ses ambitions démocratiques, en particulier la Russie et la Chine, pourront plus aisément s’immiscer dans les Balkans et faire les yeux doux à des pays tels que la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, comme on a pu le constater lors de la pandémie actuelle. Ces puissances étrangères peuvent entraver les efforts que l’Union européenne déploie pour garantir la sécurité du continent.

2.3.

Les défis de l’heure, qu’il s’agisse de la mondialisation, du vieillissement des sociétés, de la migration, du changement climatique, des disparités sociales, du terrorisme, de la radicalisation, du crime organisé, des cyberattaques ou de la COVID-19, viennent démontrer que l’Union européenne et la région des Balkans occidentaux partagent non seulement des intérêts similaires mais sont aussi confrontées, dans une mesure croissante, à des problèmes tout à fait identiques. D’un point de vue stratégique, politique et économique, toutes deux sont donc embarquées dans le même bateau. Cette interdépendance plaide pour qu’elles agissent de concert, si elles veulent évoluer avec succès dans le monde complexe et imprévisible qui est aujourd’hui le nôtre (17).

3.   L’influence de l’Union européenne repose sur sa crédibilité

3.1.

Selon un sondage réalisé par Ipsos en 2020 (18), l’opinion publique dans la région reste favorable, à une écrasante majorité, de 82,5 % en moyenne, à l’adhésion à l’Union européenne. Si les populations des Balkans occidentaux continuent à soutenir une intégration à l’Union européenne, c’est vraisemblablement parce qu’elles la considèrent comme un moyen d’enclencher les changements dont leurs pays ont tant besoin en matière de qualité de gouvernance et de performances économiques. Selon les habitants de ces États, l’Union européenne joue un rôle positif dans le domaine des politiques nationales (39,7 %) et des réformes économiques (40,3 %). En outre, il est plausible que les citoyens des Balkans occidentaux associent l’Union européenne à la liberté de travailler et de circuler, mais aussi à la paix et à la sécurité.

3.2.

Le CESE se félicite de la solidarité sans précédent dont l’Union européenne a fait preuve à l’égard des Balkans occidentaux au cours de la pandémie de COVID-19, notamment en leur donnant accès et en leur permettant de participer à ses instruments et plateformes généralement réservés à ses seuls États membres, comme le comité de sécurité sanitaire (CSS), l’Agence européenne des médicaments (EMA) et l’accord de passation conjointe de marché. Il espère que cette inclusion dans les politiques et instruments de l’Union se poursuivra également après la pandémie. Par ailleurs, le CESE s’inquiète de ce que les retards dans la capacité de l’Union européenne à fournir aux Balkans occidentaux des vaccins contre la COVID-19 dont ils ont un besoin urgent pourraient avoir une incidence négative sur l’image qu’elle a dans l’opinion publique de la région.

3.3.

D’après ce même sondage mené par Ipsos en 2020, 52,1 % des personnes interrogées dans l’ensemble de la région font cependant état de leur insatisfaction en ce qui concerne la progression de leur pays sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne et, en particulier, la lenteur du processus. Dans les Balkans occidentaux, un nombre croissant de citoyens estiment que leur pays n’intégrera jamais l’Union européenne et craignent que celle-ci «ne veuille pas [d’eux]». À raison de plus de 44,9 % en Bosnie-Herzégovine, 42 % en Serbie, 40,5 % en Macédoine du Nord et 36,8 % en Albanie, les personnes interrogées estiment que leur État ne deviendra membre de l’Union européenne qu’après 2040, si tant est qu’il y parvienne un jour (19). Ce constat donne à penser que le vaste soutien populaire dont l’Union européenne bénéficie aujourd’hui dans la région ne persistera qu’aussi longtemps que la perspective d’adhésion s’avérera crédible. Le temps touche donc à sa fin où l’Union européenne pouvait considérer que chez ses partenaires des Balkans occidentaux, le sentiment pro-européen était un fait acquis.

3.4.

Le CESE fait observer que les partis politiques au sein du Parlement européen, les gouvernements des États membres de l’Union européenne et ses institutions ont adopté une foule de positions qui ne sont pas toujours cohérentes les unes par rapport aux autres, et que cette multiplicité peut envoyer dans la région des messages qui sont contradictoires et constituent une source de confusion. Le CESE a la conviction qu’il est nécessaire d’instaurer davantage de cohésion interne entre les différents acteurs qui, dans les pays de l’Union européenne, participent à la formulation de la politique d’élargissement, de façon à ce qu’ils puissent s’exprimer d’une voix concordante.

3.5.

Les institutions de l’Union européenne, comme la Commission et le Parlement européen, devraient mieux communiquer et coopérer plus étroitement avec les États membres dans le processus qui est destiné à évaluer les progrès réalisés et à élaborer des stratégies pour aider les partenaires des Balkans occidentaux et leur apporter des réponses. La Commission devrait nouer des contacts bilatéraux plus étroits avec les États membres, par exemple en organisant des réunions avec les ministres des affaires étrangères et les parlements nationaux afin de débattre de l’élargissement, et améliorer sa coordination avec d’autres acteurs au niveau de l’Union européenne et de la région, par exemple le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), le Conseil, le Parlement européen, le CESE, le Comité des régions (CdR) et le Conseil de coopération régionale (CCR), ainsi qu’avec la société civile. Le Parlement européen devrait encourager à améliorer encore la coopération que les parlements nationaux de l’Union européenne mènent tant avec lui-même qu’entre eux, de manière à favoriser leur ouverture à l’Europe (20).

3.6.

Le CESE reprend à son compte les conclusions (21) de la Commission lorsqu’elle estime qu’il est nécessaire d’insister davantage sur la nature politique du processus et que ce dernier doit bénéficier d’un pilotage renforcé et d’une coopération de haut niveau de la part des États membres de l’Union européenne. En outre, il souligne que le pilotage et la coopération politiques ainsi renforcés doivent absolument être constructifs et bénéfiques et qu’une assistance tangible constitue un enjeu de grande importance.

3.7.

La conviction du CESE est que le soutien et l’engagement de l’Union européenne en faveur du processus d’élargissement dans les Balkans occidentaux doivent être vigoureux et manifestes. Il s’agit avant tout de garantir que les résultats des réformes mises en œuvre soient correctement présentés et que leurs effets se traduisent par une amélioration dans la qualité de vie des populations.

3.8.

Sur le terrain, la Commission devrait accroître et diversifier ses efforts de communication sur l’élargissement au sein des États membres de l’Union européenne et dans la région, par le canal de ses bureaux locaux et de ses délégations mais également grâce à des initiatives qui associent à la démarche les acteurs locaux et les partenaires sociaux. Une communication fiable des partenaires des Balkans occidentaux sur le soutien massif de l’Union européenne, ainsi que, plus généralement, sur les coûts et les avantages de l’adhésion, est également conditionnée par l’existence de médias libres et viables dans la région. À ce titre, la Commission devrait insister sur le respect de la liberté des médias par ces pays partenaires et investir en faveur du développement et de la pérennité du secteur.

4.   La consolidation de la démocratie dans la région n’est pas négociable

4.1.

Le sondage réalisé par Ipsos en 2020 révèle que dans chaque pays, les responsables politiques et les institutions représentent la principale source de mécontentement du citoyen. Les personnes interrogées dans la région doutent que leurs dirigeants fassent preuve d’un véritable engagement envers le programme d’intégration à l’Union européenne et elles condamnent la corruption et le dysfonctionnement des rouages institutionnels de l’État (22).

4.2.

Dans les Balkans occidentaux, il semble que ni l’adoption de constitutions démocratiques, ni la rigoureuse conditionnalité démocratique exigée par l’Union européenne ne soient parvenues à mettre un terme à l’existence de structures de pouvoir informelles, à l’accaparement de l’État et au favoritisme, et qu’en réalité, elles n’aient fait que les renforcer (23). La faiblesse des institutions démocratiques et la montée en puissance de dirigeants autoritaires sont susceptibles de saper les principes de l’état de droit, l’indépendance du pouvoir judiciaire et la liberté des médias dans la région.

4.3.

L’Union européenne ne devrait pas faire preuve d’indulgence à l’égard des responsables politiques de la région qui se soustraient clairement à leur engagement envers la démocratie. La dénonciation de la «captation de l’État», dans la stratégie 2018 de la Commission pour les Balkans occidentaux (24) ou les évaluations critiques des différents pays concernés qui figurent dans les rapports annuels perdent une grande partie de leur force si une argumentation identique n’est pas relayée par les fonctionnaires de l’Union européenne ou les responsables politiques des États membres lorsqu’ils effectuent des visites dans la région (25). En l’absence d’un acquis démocratique qui puisse faire pression sur les monopoles de pouvoir, sur l’organisation des partis et leur concurrence, ou encore sur les pratiques informelles, les responsables politiques des Balkans occidentaux sont peu enclins à prêter attention aux exigences démocratiques européennes, car c’est précisément en les foulant aux pieds qu’ils parviennent à préserver leur emprise sur le pouvoir.

4.4.

Si les réformes démocratiques entreprises dans les États qui appartiennent actuellement à l’Union européenne étaient débattues et examinées avec les pays qui espèrent y adhérer, les efforts déployés par les institutions européennes pour améliorer la qualité de la démocratie dans les Balkans occidentaux au moyen du processus d’adhésion s’en trouveraient notablement confortés. Les nombreuses années de conditionnalité démocratique stricte auxquels ces aspirants des Balkans occidentaux ont été soumis ont permis d’accumuler les connaissances et l’expérience pratique quant aux facteurs qui contribuent ou non à susciter des réformes de la gouvernance interne. Les partenaires des Balkans occidentaux pourraient dès lors être associés aux débats de l’Union européenne sur la question de la protection de son état de droit, de la liberté des médias et de la société civile, notamment dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe (26).

4.5.

L’Union européenne devrait également reconnaître qu’en refusant de plus en plus souvent d’octroyer les récompenses promises malgré les progrès tangibles enregistrés sur le terrain, le Conseil dissuade les responsables politiques de la région de mettre en œuvre le programme de réformes demandé par l’Union et risque de mettre en difficulté jusqu’aux dirigeants politiques des Balkans occidentaux les plus enclins à réformer et soucieux de mener une action consensuelle.

5.   Un contexte socio-économique fragile

5.1.

Le CESE se félicite également de l’adoption du plan économique et d’investissement (27), qui a pour but d’encourager la relance à long terme, de stimuler la croissance économique et de soutenir les réformes requises pour progresser sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne, notamment en rapprochant les Balkans occidentaux de son marché unique. Il vise à déployer le potentiel économique inexploité de la région et à tirer parti de la marge de manœuvre considérable qui existe au niveau intrarégional pour renforcer la coopération et les échanges économiques.

5.2.

Si le CESE est persuadé que tous ces jalons posés par la Commission sont extrêmement positifs et devraient imprimer un fort élan à l’action menée, les défis à relever n’en restent pas moins nombreux dans les faits, comme en témoignent la communication la plus récente de la Commission sur la politique d’élargissement de l’Union européenne et ses rapports annuels par pays, lesquels brossent un tableau réaliste des problèmes qui subsistent (28).

5.3.

Il est indéniable que la pandémie de COVID-19 a provoqué des chocs d’ampleur en ce qui concerne l’offre et la demande de biens et de services, et qu’elle a fait chuter la production, enclenché une montée du chômage et accru le désarroi au sein de la société. Néanmoins, les vicissitudes économiques que connaît la région sont antérieures à la crise de la COVID-19. Depuis la crise financière, économique et sociale de 2008, le processus de convergence économique et sociale avec l’Union européenne, mesuré à l’aune du produit intérieur brut par habitant, est extrêmement lent, voire totalement à l’arrêt. Face à l’incapacité d’accélérer le développement économique en corrigeant les problèmes structurels, tels que le manque d’investissement public et privé ou le vieillissement rapide de la population, les citoyens des Balkans occidentaux en sont réduits à contempler un avenir fait d’incessantes privations. La pandémie n’a fait qu’exacerber ces problèmes socio-économiques, qui, dans les faits, risquent de créer une enclave de sous-développement au cœur de l’Europe (29).

5.4.

Le CESE souligne que le renforcement de la coopération économique et du commerce à l’échelle intrarégionale doit contribuer à créer des emplois décents, sûrs et de bonne qualité et à réduire les inégalités au sein de la société, et que ces échanges ne peuvent reposer sur une base de concurrence déloyale et de moins-disant social. Pour aller dans ce sens, l’Union européenne devrait accroître le soutien financier et technique qu’elle apporte à l’espace économique régional, ainsi qu’au programme de connectivité pour les Balkans occidentaux, afin de stimuler la libéralisation des échanges et l’intégration au sein de la région (30), et éviter qu’elle ne tombe sous la dépendance de puissances tierces.

5.5.

Les Balkans occidentaux disposent d’un fort potentiel économique encore inexploité et de marges considérables pour renforcer la coopération et les échanges économiques à l’échelle intrarégionale. Bien que la croissance, la création d’emplois et les augmentations salariales s’y soient quelque peu accélérées ces dernières années, les pays de la région tardent à réformer les structures de leur économie et à améliorer leur compétitivité. Ils continuent à buter sur des taux de chômage élevés, en particulier chez les jeunes, une forte inadéquation des compétences, la persistance de l’économie informelle, la fuite des cerveaux, une faible participation des femmes au marché du travail et une innovation qui stagne à un niveau bas (31). Le CESE suggère que lorsqu’il est procédé à l’évaluation du respect des conditions d’adhésion, la possibilité soit envisagée d’appliquer les principes du socle européen des droits sociaux (32).

5.6.

Le CESE estime qu’il est de la plus haute importance d’améliorer la qualité et la pertinence des systèmes d’éducation et de formation dans la région, de même qu’il est capital d’y renforcer les liens entre les employeurs et les établissements d’enseignement.

5.7.

Le climat de l’investissement reste largement inchangé et se caractérise par la faiblesse de l’état de droit, une mise en œuvre inadéquate des règles relatives aux aides d’État, un fort ancrage de l’économie souterraine, un accès au financement insuffisant pour les entreprises et un faible niveau d’intégration régionale et de connectivité. Les États continuent à s’ingérer dans l’économie. Le besoin se fait réellement sentir de moderniser les infrastructures et il y a lieu de canaliser l’investissement au moyen de réservoirs de projets uniques et d’assurer une cohérence par rapport aux priorités arrêtées en accord avec l’Union européenne.

5.8.

Le CESE rappelle que les pays concernés sont très sensibles aux conséquences du changement climatique, qui portent atteinte à la santé et à l’économie en général, et que des mesures urgentes sont nécessaires pour améliorer la qualité de vie des citoyens de la région, en particulier les enfants et les jeunes, au moyen d’une transition juste vers un modèle plus écologique, en gardant à l’esprit le principe que «personne ne devrait être laissé pour compte» (33). Les Balkans occidentaux présentent beaucoup de tendances inquiétantes au regard du changement climatique, comme leur forte dépendance à l’égard des combustibles fossiles solides. Cependant, la région dispose aussi de multiples atouts, tels que son potentiel en matière d’énergie renouvelable ou sa riche biodiversité. Il est impératif et indispensable que les Balkans occidentaux soient intégrés dans le pacte vert pour l’Europe, non seulement parce que le changement climatique ignore les frontières nationales ou naturelles, mais aussi parce qu’il en va du bien-être et de la santé de ses populations et qu’elles pourront ainsi tirer un avantage tangible de l’Union européenne (34).

5.9.

Il serait opportun que l’Union européenne détermine quels sont les secteurs clés qui jouent un rôle moteur pour les économies des partenaires de la région, y compris les petites et moyennes entreprises et le secteur agroalimentaire, et qu’elle y procède à des investissements. Elle devrait également veiller à ce que les normes imposées aux Balkans occidentaux ne freinent pas le développement de ces branches d’activité, à cause de mesures qui, à l’heure actuelle, seraient trop restrictives pour eux. Il conviendrait plutôt d’ajuster le niveau d’exigence en fonction des progrès accomplis par ces pays, de manière à ce qu’ils puissent connaître une croissance.

5.10.

Le CESE se félicite que l’Union européenne ait dégagé une enveloppe financière de plus de 3,3 milliards d’euros au profit des citoyens et des entreprises des Balkans occidentaux, mais il y a lieu de veiller à ce que cet argent transite par les canaux adéquats et que les bienfaits découlant des investissements ainsi consentis parviennent bien jusqu’à la population, d’une manière conforme à la logique qui les sous-tend. Le CESE a la conviction que la relance consécutive à la crise de la COVID-19 devrait promouvoir la cohésion économique et sociale de la région, ainsi que des politiques respectueuses de l’environnement, et qu’il est nécessaire que la transition écologique fasse partie intégrante, dans les Balkans occidentaux, d’un plan de relance complet et tourné vers l’avenir.

5.11.

Le CESE estime qu’il est possible d’apporter une contribution appréciable à l’accroissement de la convergence économique et sociale, en particulier dans la période de l’après-COVID-19, en assurant que les partenaires sociaux, ainsi que les autres organisations de la société civile soient associés à la démarche, notamment grâce à la stimulation de la négociation collective, ainsi qu’en ce qui concerne la planification et l’exécution des réformes d’ordre économique, social ou autre.

5.12.

S’il est bienvenu que la Commission réclame davantage de transparence dans l’utilisation des fonds et la mise en œuvre des réformes, on ne discerne pas bien si elle considère que la société civile se range parmi les «principales parties prenantes»: en fait, il n’en est pratiquement pas fait mention dans ses communications de 2020 relatives aux Balkans occidentaux.

6.   La coopération régionale

6.1.

Le CESE est d’avis que la coopération régionale constitue un facteur essentiel pour améliorer le niveau de vie dans les Balkans occidentaux.

6.2.

Le sommet sur les Balkans occidentaux qui s’est déroulé à Poznań en 2019 et celui entre l’Union européenne et les pays des Balkans occidentaux qui a eu lieu en mai 2020 à Zagreb ont été l’un et l’autre l’occasion pour les dirigeants de la région de s’accorder à poursuivre de manière ambitieuse une transition verte et une transformation numérique, ainsi que de continuer à développer la connectivité dans toutes ses dimensions, qu’elle concerne les transports, l’énergie, le numérique ou la composante interpersonnelle.

6.3.

Le CESE convient que ce programme environnemental, le plan en matière d’économie et d’investissement, les efforts de restructuration de l’économie, les investissements dans le tourisme et l’énergie et la transformation numérique revêtent la plus haute importance pour le développement et la stabilité de la région. Il fait toutefois observer qu’il y a lieu d’offrir des emplois décents et de bonne qualité, grâce auxquels les travailleurs puissent exercer leur activité en toute sécurité, qui garantissent leur bien-être économique et social et qui soient bénéfiques pour la population.

6.4.

Le CESE est d’avis que dans les Balkans occidentaux, la compétitivité, la croissance inclusive, le niveau de vie, le développement durable, la connectivité et la transition numérique sont des questions qui devraient bénéficier d’une attention particulière. L’innovation et la capacité d’entreprendre sont également essentielles à la relance de la région et des économies locales. Le CESE recommande, dès lors, qu’un recours accru soit fait aux fonds de préadhésion de l’Union européenne pour soutenir les jeunes entreprises, faciliter la formation à l’esprit d’entreprise et approfondir les stratégies en matière d’économie intelligente dans la région, ainsi que pour investir en faveur des infrastructures nécessaires.

6.5.

Dans le domaine de la politique environnementale, l’Union européenne met l’accent sur l’éviction progressive des énergies fossiles et leur remplacement par des sources énergétiques renouvelables. Au rebours, les pays partenaires des Balkans occidentaux, notamment la Serbie, ont accepté des prêts de la Chine afin de construire de nouvelles centrales thermiques alimentées par un charbon bon marché et inefficace, sans procéder à des évaluations des incidences environnementales de leur démarche (35). C’est pour cette raison que Belgrade, Skopje et Sarajevo ne cessent de se disputer le titre de ville la plus polluée du monde pendant les mois d’hivers froids, lorsque la consommation énergétique grimpe (36). On peut en déduire sans trop s’avancer que de tels projets seraient inconcevables dès lors que la région serait associée aux efforts que l’Union européenne déploie, y compris dans le cadre du processus de la conférence sur l’avenir de l’Europe, pour définir les contours d’une transition écologique (37).

6.6.

Le CESE se félicite que le sommet de Poznań sur les Balkans occidentaux ait adopté la déclaration sur la reconnaissance des qualifications de l’enseignement supérieur, qui définit un cadre pour qu’elles soient reconnues automatiquement, tout comme les périodes d’études effectuées à l’étranger, mais il n’en tient pas moins pour nécessaire d’intensifier les efforts destinés à réaliser des avancées dans la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, afin de créer un marché du travail plus intégré et d’ouvrir aux jeunes de la région les perspectives dont ils ont le plus grand besoin.

6.7.

Le CESE souligne l’importance que revêt la promotion d’une coopération accrue et d’un partenariat transfrontière entre les États membres de l’Union européenne et les pays partenaires des Balkans occidentaux, non seulement au niveau des gouvernements, mais également à l’échelon des régions et des communes, ainsi que de la société civile organisée (38).

7.   La société civile joue un rôle majeur dans le processus d’adhésion et l’élaboration de la législation

7.1.

Le CESE demande que dans le contexte de la méthodologie révisée, la société civile organisée soit davantage reconnue. S’il se félicite qu’en cas de progrès insuffisant dans un pays donné, le financement alloué aux organisations de sa société civile ne sera pas raboté, il se désole de constater que la communication (39) ne reconnaisse pas suffisamment la fonction qu’elle assume, en particulier dans le contexte politique, économique et social qui est propre aux Balkans occidentaux, où il est nécessaire de renforcer le rôle que ses organisations jouent dans les réformes démocratiques.

7.2.

Le CESE est un fervent partisan de l’approche par groupes de chapitres qui a été adoptée par la nouvelle méthodologie, et il souligne que les organisations de la société civile assument une mission d’une importance capitale pour chacun d’entre eux, en particulier ceux qui concernent les fondamentaux, d’une part, et le programme environnemental et la connectivité durable, d’autre part.

7.3.

La société civile continue à faire l’objet d’une évaluation distincte parmi les critères politiques, en tant qu’elle forme l’un des quatre piliers de la démocratie; toutefois, et cette situation est fort proche de celle constatée dans les rapports antérieurs, la profondeur de l’analyse varie d’un pays à l’autre et il n’est pas fait référence de manière cohérente et systématique aux «lignes directrices relatives au soutien de l’Union européenne à la société civile dans les pays concernés par l’élargissement, 2014-2020» (40), alors même qu’elles constituent un outil de suivi détaillé. Parce qu’elle ne fait pas montre de cohérence stratégique, ne dispose pas d’un cadre de suivi bien défini et ne prend pas, sur le plan politique, l’engagement de soutenir davantage la société civile organisée dans les pays de l’élargissement, l’Union européenne ne parvient pas à dispenser aux organisations de la société civile l’appui politique dont elles ont tant besoin, sans même parler des orientations claires qu’elle devrait adresser aux gouvernements nationaux (41).

7.4.

Le CESE considère que le mérite concret, dans une approche fondée sur ce critère, ne peut être déterminé ou défini de manière complète sans la participation accrue des organisations de la société civile et sans un suivi objectif, par leurs soins, des contextes politiques spécifiques dans lesquels évolue chacun des pays partenaires de la région.

7.5.

Le CESE souscrit à la proposition de la Commission quand elle préconise que les mécanismes destinés à mettre en œuvre les financements de l’Union européenne servent à fournir une base claire pour défendre l’espace dévolu à la société civile et réagir aux menaces immédiates qui pèsent sur elle. Pour réaliser cet objectif, l’investissement en faveur de l’éducation civique, un environnement plus propice, une infrastructure de la société civile, ainsi qu’une action conjointe sont autant de facteurs indispensables. En appliquant à l’action de la société civile le principe de performance qui vient d’être institué, il serait possible de réagir efficacement face à la contraction de l’espace accordé à la société civile. Au lieu de se borner à priver de leurs enveloppes les pays qui régressent du point de vue de l’évolution démocratique, il faudrait redistribuer ces fonds au profit de leur société civile afin d’y lutter contre le recul de la démocratie (42).

7.6.

Les institutions de l’Union européenne peuvent puiser dans les ressources des sociétés civiles à l’échelon local et recourir à l’assistance de ses délégations dans la région lorsqu’elles s’efforcent de mobiliser les citoyens des pays partenaires des Balkans occidentaux, en leur donnant la possibilité d’accéder aux plates-formes sur lesquelles ceux des États membres échangeront leurs avis lors de la conférence sur l’avenir de l’Europe. En ouvrant aux jeunes ou aux citoyens ordinaires des Balkans occidentaux la perspective de prendre part aux manifestations de la conférence sur l’avenir de l’Europe qui sont accessibles à toute sa population, l’Union européenne réaliserait, en faveur du capital social de la région, un investissement notable qui, sur le terrain, aboutirait à sensibiliser ses habitants aux politiques qu’elle mène et à leur pertinence pour leurs pays respectifs. Une telle participation fournirait également un instrument pour que leurs citoyens nouent des relations interpersonnelles avec ceux de l’Union européenne et qu’étant ainsi mieux informés, ils renforcent leurs capacités à superviser leurs élites politiques dans des domaines en relation avec le processus d’adhésion (43).

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2020) 57 final (5 février 2020) Renforcer le processus d’adhésion — Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux; COM(2020) 641 final (6 octobre 2020) Un plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux; COM(2020) 660 final [SWD(2020) 350 final] — [SWD(2020) 351 final] — [SWD(2020) 352 final] — [SWD(2020) 353 final] — [SWD(2020) 354 final] — [SWD(2020) 355 final] — [SWD(2020) 356 final] (6 octobre 2020) Communication de 2020 sur la politique d’élargissement de l’UE.

(2)  Déclaration de Zagreb, 6 mai 2020.

(3)  Conformément à la terminologie établie du CESE, les expressions «société civile» et «organisations de la société civile» incluent, aux fins du présent avis, les partenaires sociaux, c’est-à-dire les employeurs et les syndicats, et tous les autres acteurs non étatiques: voir l’avis du Comité économique et social européen sur «La cohésion économique et sociale et l’intégration européenne des Balkans occidentaux — défis et priorités» (JO C 262 du 25.7.2018, p. 15).

(4)  COM(2020) 57 final (5 février 2020).

(5)  Conclusions du Conseil sur l’élargissement et le processus de stabilisation et d’association — République de Macédoine du Nord et République d’Albanie, 25 mars 2020.

(6)  Cvijic, S., Kirchner, M. J., Kirova, I. et Nechev, Z., From enlargement to the unification of Europe: Why the European Union needs a Directorate General Europe for future Members and Association Countries («De l’élargissement à l’unification de l’Europe: pourquoi l’Union européenne a besoin d’une direction générale de l’Europe pour les futurs membres et pays associés»), Open Society Foundations, 2019.

(7)  Stratulat, C. et Lazarević, M.,The Conference on the Future of Europe: Is the EU still serious about the Balkans? («La Conférence sur l’avenir de l’Europe: l’Union européenne est-elle encore sérieuse à propos des Balkans?»), document de discussion du Centre de politique européenne (CPE), Bruxelles, 2020.

(8)  Stratulat et al., 2019, op. cit., p. 113.

(9)  Stratulat et Lazarević, 2019, op. cit.

(10)  COM(2019) 640 final du 11 décembre 2019, Le pacte vert pour l’Europe.

(11)  SWD(2020) 223 final [COM(2020) 641 final] (6 octobre 2020) Guidelines for the Implementation of the Green Agenda for the Western Balkans accompanying the Economic and Investment Plan for the Western Balkans («Lignes directrices pour la mise en œuvre du programme en matière d’environnement pour les Balkans occidentaux accompagnant le plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux»).

(12)  Déclaration finale du septième Forum de la société civile des Balkans occidentaux, 16 et 17 avril 2019, Tirana (Albanie).

(13)  Conclusions de la conférence de haut niveau sur la cohésion économique et sociale dans les pays des Balkans occidentaux, 15 mai 2018, Sofia (Bulgarie).

(14)  Contribution du CESE au sommet Union européenne — Balkans occidentaux du 6 mai 2020 (publiée le 28 avril 2020).

(15)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 114.

(16)  Voir également les avis du Comité économique et social européen sur «La cohésion économique et sociale et l’intégration européenne des Balkans occidentaux — défis et priorités» (JO C 262 du 25.7.2018, p. 15), et sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’instrument d’aide de préadhésion (IPA III)» (JO C 110 du 22.3.2019, p. 156).

(17)  Stratulat et al., 2019, op. cit.

(18)  Commandé en octobre 2020 par le Fonds européen pour les Balkans afin de servir de ressource au groupe consultatif sur la politique des Balkans en Europe (BiEPAG), ce sondage a été réalisé dans chacun des six pays de la région, sur la base d’échantillons nationaux représentatifs, composés au minimum de mille personnes de plus de 18 ans, qui ont été interrogées lors d’entretiens par téléphone ou en ligne.

(19)  Stratulat, C., Kmezić, M., Tzifakis, N., Bonomi, M., et Nechev, Z., Between a rock and a hard place: Public opinion on integration in the Western Balkans(«Entre le marteau et l’enclume: l’opinion publique sur l’intégration dans les Balkans occidentaux»), Balkans in Europe Policy Advisory Group (BiEPAG), 2020.

(20)  Balfour, R. et Stratulat, C., EU member states and enlargement towards the Balkans («Les États membres de l’Union européenne et l’élargissement vers les Balkans»), document du CPE numéro 79, Centre de politique européenne, Bruxelles, 2015, p. 234.

(21)  COM(2018) 65 final (6 février 2018) Une perspective d’élargissement crédible ainsi qu’un engagement de l’Union européenne renforcé pour les Balkans occidentaux.

(22)  Stratulat et al., 2020, op. cit., p. 5.

(23)  Richter, S. et Wunsch, N., Money, power, glory: the linkages between EU conditionality and state capture in the Western Balkans («Argent, pouvoir, gloire: le rapport entre la conditionnalité de l’Union européenne et l’accaparement de l’État dans les Balkans occidentaux»), Journal of European Public Policy 27(1), 2020, p. 41-62.

(24)  COM(2018) 65 final (6 février 2018).

(25)  Stratulat et al., 2020, op. cit., p. 7.

(26)  Stratulat et Lazarević, 2019, op. cit.

(27)  COM(2020) 641 final (6.10.2020) Un plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux.

(28)  COM(2020) 660 final [SWD(2020) 350 final] — [SWD(2020) 351 final] — [SWD(2020) 352 final] — [SWD(2020) 353 final] — [SWD(2020) 354 final] — [SWD(2020) 355 final] — [SWD(2020) 356 final] (6 octobre 2020) Communication de 2020 sur la politique d’élargissement de l’UE.

(29)  Bonomi, M. et Reljić, D., The EU and the Western Balkans: so near and yet so far («L’Union européenne et les Balkans occidentaux: si proches et pourtant si loin»), Observations de la Fondation «Science et politique» (SWP), SWP, 2017.

(30)  Stratulat et al., 2019, op. cit., p. 113, et l’avis du Comité économique et social européen sur la «Contribution de la société civile au programme en matière d’environnement et au développement durable des Balkans occidentaux dans le cadre du processus d’adhésion à l’Union européenne» (avis d’initiative) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 114).

(31)  Avis du Comité économique et social européen sur «la cohésion économique et sociale et l’intégration européenne des Balkans occidentaux — défis et priorités» (JO C 262 du 25.7.2018, p. 15).

(32)  Ibid.

(33)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 114.

(34)  Ibid.

(35)  Matkovic Puljic, V., Jones, D., Moore, C., Myllyvirta, L., Gierens, R., Kalaba, I., Ciuta, I., Gallop, P. et Risteska, S., Chronic coal pollution EU action on the Western Balkans will improve health and economies across Europe(«L’action de l’Union européenne en matière de pollution chronique au charbon dans les Balkans occidentaux améliorera la santé et les économies partout en Europe»), Health and Environment Alliance, Bruxelles, 2019, p. 18.

(36)  Voir, par exemple, Sarajevo and Belgrade among the most polluted world capitals («Sarajevo et Belgrade parmi les capitales les plus polluées au monde»), European Western Balkans, 13 janvier 2020; Bateman, J., «The young people fighting the worst smog in Europe» («Les jeunes livrent bataille contre le pire smog en Europe»), BBC, 2 juillet 2020.

(37)  Stratulat et Lazarević, 2019, op. cit.

(38)  Parmi les nombreux et excellents exemples qui existent en la matière, on peut voir cette coopération à l’œuvre dans la stratégie de l’Union européenne pour la région de l'Adriatique et de la mer Ionienne (EUSAIR), la stratégie de l’Union européenne pour la région du Danube (EUSDR), le réseau CIVINET Slovénie-Croatie-Sud-Est de l’Europe, le Réseau de développement rural des Balkans (BRDN), le Forum d’investissement de la chambre des six pays des Balkans occidentaux (WB6 CIF), ou encore le Conseil syndical régional Solidarnost.

(39)  COM(2020) 57 final (5 février 2020), Renforcer le processus d’adhésion — Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux.

(40)  Guidelines for EU Support to Civil Society in Enlargement Countries (2014-2020) («Lignes directrices relatives au soutien de l’Union européenne à la société civile dans les pays concernés par l’élargissement, 2014-2020»).

(41)  Background Analysis of the Enlargement Package 2020: Should Civil Society Be Satisfied with Just Being Acknowledged? («Analyse contextuelle du paquet “Élargissement” 2020: la société civile devrait-elle se satisfaire d’être simplement reconnue?»), BCSDN, octobre 2020.

(42)  Feedback on the Consultation of CSOs in the Preparation of IPA III («Retour d’informations sur la consultation des organisations de la société civile dans le cadre de la préparation de l’instrument d’aide de préadhésion IAP II»), BCSDN, 22 avril 2020.

(43)  Stratulat et Lazarević, 2020, op. cit., p. 7.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/98


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne — «Lutter contre les prêts non performants à la suite de la pandémie de COVID-19»

[COM(2020) 822 final]

(2021/C 220/15)

Rapporteur:

Kęstutis KUPŠYS

Consultation

Commission européenne, 24.2.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

10.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

246/2/11

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la présentation du nouveau plan d’action de la Commission (communication) sur les prêts non performants (PNP), mais déplore que celui-ci manque avant tout de nouvelles propositions adaptées à l’épidémie de COVID-19, laissant l’Europe faire face à une situation extraordinaire au moyen de règles conçues pour des temps ordinaires. À ce titre, le CESE recommande de s’attaquer en priorité aux causes profondes des PNP afin de prévenir le risque d’une accumulation future de tels prêts, et il préconise de procéder à une révision minutieuse et à une adaptation temporaire de la définition du défaut, afin de garantir un «atterrissage en douceur» pour les ménages et les entreprises européens. Il fait observer que dans la présente crise de la COVID-19, il s’impose que les politiques monétaire et budgétaire ainsi que la réglementation du secteur financier soient cohérentes au regard de la situation qui est la nôtre actuellement.

1.2.

Il est primordial de s’attaquer aux causes profondes des PNP. Le CESE souligne que la meilleure façon d’éviter l’accumulation de volumes élevés de PNP par les ménages et les PME consiste à veiller constamment à améliorer la compétitivité, en se concentrant sur la continuité des activités et la relance de l’économie, à construire des systèmes de sécurité sociale solides, à lutter contre la pauvreté, le surendettement et le chômage, à assurer des salaires adéquats et à mettre en œuvre des mesures de politique économique contracycliques en période de crise. Ces mesures permettront de maintenir et de renforcer la stabilité des marchés financiers et la résilience économique, tout en luttant contre la pauvreté et les profondes inégalités.

1.3.

Selon le CESE, les prêts non performants «antérieurs à la COVID-19» devraient être traités tout à fait différemment des prêts non performants «postérieurs à la COVID-19» (liés à la pandémie) étant donné que la conjoncture n’est plus du tout la même depuis mars 2020. En conséquence, il propose un réexamen minutieux, ciblé et strictement temporaire des orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE) concernant la définition du défaut. Il recommande également que les orientations de l’ABE sur les moratoires du crédit restent en vigueur aussi longtemps que nécessaire.

1.4.

Le CESE demande que les mesures d’allégement destinées aux établissements de crédit s’accompagnent de mesures gouvernementales de soutien en faveur des emprunteurs dont les difficultés ont été causées par la pandémie. Celles-ci pourraient prévoir entre autres des reports d’échéance d’un à trois ans, des bonifications d’intérêts, la restructuration de la dette vers des formes de crédit moins coûteuses et, dans la mesure du possible, des moratoires sur les remboursements de prêts. Le CESE est favorable à ce processus de restructuration interne.

1.5.

Le CESE relève que la nécessité d’un marché des PNP paneuropéen et transfrontalier est surestimée. Par conséquent, il est préoccupé par les projets relatifs à la fourniture d’un «passeport» opérationnel à l’échelle de l’UE aux agents de recouvrement de créances, sans surveillance appropriée dans leurs pays «d’origine» et «d’accueil». Cette démarche ne pourrait se justifier que s’il existait en contrepartie un ensemble de mesures contribuant à protéger les emprunteurs en difficulté — une norme de protection des consommateurs à l’échelle de l’UE pour les agents de recouvrement.

1.6.

Un autre pilier du plan d’action est lié à la proposition de procédure extrajudiciaire accélérée de recouvrement de garantie, qui est strictement limitée aux prêts aux entreprises et n’est applicable que si les parties ont passé un accord volontaire préalable lors de la conclusion du contrat de prêt. Le CESE fait observer que ladite procédure pourrait offrir une solution équilibrée pour les débiteurs, mais insiste pour que la procédure extrajudiciaire de recouvrement ne devienne pas l’option par défaut dans les contrats de prêt.

1.7.

Le CESE déconseille vivement de fusionner la question des PNP, qui constitue un phénomène très répandu dans l’économie, avec des problèmes liés à la sauvegarde de la stabilité financière. Afin de préserver l’intégrité morale et opérationnelle du secteur bancaire, ces deux questions devraient être traitées séparément.

1.8.

Le CESE demande que la possibilité de vendre des PNP à des sociétés de gestion de portefeuille (SGP, familièrement appelées «banques poubelles») demeure exceptionnelle et que la préférence soit donnée à des accords bilatéraux de restructuration entre l’établissement de crédit et l’emprunteur, dans le cadre desquels la solution devrait être axée sur la continuité des activités et la reprise économique. Le CESE souligne que tout recours à la «recapitalisation préventive», si elle est financée par les deniers publics, risque de détourner ceux-ci d’autres objectifs plus utiles sur le plan social et économique. Le CESE souligne également que toute mesure de «prévention» doit être utilisée d’une manière hautement responsable, afin d’éviter les aléas moraux et les renflouements bancaires aux dépens de la société au moyen de deniers publics.

1.9.

Compte tenu de la situation actuelle, dans laquelle des entreprises potentiellement viables pourraient rencontrer des difficultés de paiement alors qu’elles étaient solvables avant la COVID-19, le CESE suggère un réexamen minutieux des orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE) concernant la définition du défaut, de manière à donner aux débiteurs en difficulté en raison de la COVID-19 une chance de se redresser avant que leurs prêts ne soient considérés comme non performants. Le CESE insiste toutefois pour que toute modification de ce type soit strictement temporaire, qu’elle n’interfère pas avec la détection et la déclaration détaillées et précises du risque de crédit par les banques, et qu’elle tienne compte de la nécessité fondamentale de garantir la stabilité et la solvabilité du secteur bancaire.

1.10.

De manière générale, le CESE recommande de maintenir fermement les exigences en matière de fonds propres — y compris celles découlant du règlement relatif au filet de sécurité prudentiel pour les PNP — de manière à veiller à ce que les banques aient la pleine capacité de résister aux pertes et à réduire la probabilité d’interventions publiques futures (telles que la «recapitalisation préventive») et de renflouements bancaires aux frais du contribuable. Toutefois, une flexibilité temporaire pourrait être envisagée et appliquée en ce qui concerne la définition du défaut et les dispositions relatives au filet de sécurité pour les PNP, afin d’atténuer les effets de la crise de la COVID-19.

2.   Contexte

2.1.

Le plan d’action de la Commission européenne en matière de PNP, annoncé en décembre 2020 (1), vise à prévenir toute accumulation future de prêts non performants dans l’ensemble de l’Union européenne à la suite de la crise de la COVID-19. Un prêt devient non performant lorsqu’il est peu probable qu’il soit remboursé, ou lorsque l’emprunteur accuse un retard de paiement de 90 jours. En raison de la pandémie, la Banque centrale européenne (BCE) estime que, dans le scénario pessimiste d’une reprise beaucoup plus faible et plus longue que prévu, la somme des PNP détenus par les banques de la zone euro pourrait atteindre «jusqu’à 1 400 milliards d’euros» (2).

2.2.

En juillet 2017, le plan d’action pour la lutte contre les prêts non performants en Europe a été dévoilé (3) et, au cours des quelques années qui ont suivi, il a permis de s’attaquer à l’accumulation de prêts non performants dans les banques et à inverser la tendance. Une communication sur l’achèvement de l’union bancaire (4) a ensuite été publiée.

2.3.

En mars 2018, la Commission européenne a présenté une proposition législative (5) visant à stimuler le développement du marché secondaire des PNP dans l’UE. Le projet de directive devrait aider les banques à vendre facilement leurs portefeuilles de PNP à des investisseurs tiers sur l’ensemble du territoire de l’Union. La proposition introduisait également une «procédure extrajudiciaire accélérée de recouvrement de garantie». Les travaux sont toujours en cours, bien que les deux questions aient été scindées et fassent l’objet d’actes législatifs distincts.

2.4.

La Commission a réagi promptement à la pandémie de COVID-19 en adoptant des mesures visant à aider le secteur bancaire à faire face à l’accumulation attendue et imminente de PNP. Le train de mesures bancaires d’avril 2020 a déjà permis d’apporter un soutien substantiel à court terme (6) au secteur bancaire, en prévoyant notamment des règles sur la manière dont les banques évaluent le risque qu’un emprunteur ne soit pas en mesure de rembourser le prêt, ou encore des règles prudentielles pour la classification des prêts non performants, et le traitement comptable des retards de remboursement. Les banques ont également bénéficié d’importantes mesures de soutien à la liquidité (programme d’achats d’urgence de la BCE face à la pandémie (7) et assouplissement des conditions applicables aux opérations ciblées de refinancement à plus long terme, TLTRO III, en mars 2020). Il est à présent temps de réfléchir aux niveaux de solvabilité des entreprises européennes.

2.5.

Le train de mesures bancaires s’est accompagné d’un train de mesures pour la relance des marchés des capitaux, qui a apporté un soutien supplémentaire au secteur bancaire en supprimant les obstacles réglementaires à la titrisation (8) des PNP.

2.6.

Ces derniers mois, le secteur bancaire européen a bénéficié de mesures d’allègement de la réglementation et de soutien à la liquidité visant à préserver la stabilité financière et économique et à soutenir les ménages et les entreprises européennes. Par conséquent, le secteur bancaire a continué à prêter à ses clients et aucune pénurie de crédit ne s’est installée.

2.7.

Les États membres ont également agi de façon décisive, en mettant en place des mécanismes de soutien pour atténuer les problèmes de trésorerie des ménages et des entreprises. Ces mécanismes consistent de manière générale en des régimes de garantie publique et/ou de reports de paiement («moratoires»). Ces mesures de soutien aident les emprunteurs à faire face à des problèmes de trésorerie temporaires et empêchent une forte augmentation des PNP. La Commission a également adopté un encadrement temporaire afin de permettre aux États membres d’exploiter pleinement la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État pour soutenir l’économie pendant la pandémie de COVID-19.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE constate que l’actuel plan d’action de la Commission (communication) s’inscrit dans le prolongement et la répétition des mesures du plan de 2017. Il manque avant tout de nouvelles propositions adaptées à l’épidémie de COVID-19, laissant l’Europe faire face à une situation extraordinaire au moyen de règles conçues pour des temps ordinaires. Selon le CESE, les prêts non performants «antérieurs à la COVID-19» devraient être traités tout à fait différemment des prêts non performants «postérieurs à la COVID-19» (liés à la pandémie) étant donné que la conjoncture n’est plus du tout la même depuis mars 2020. En conséquence, le CESE recommande un réexamen minutieux, ciblé et strictement temporaire de la définition du défaut établie par l’ABE, de manière à éviter le classement automatique de débiteurs comme défaillants, à atténuer les effets procycliques de ces réglementations et à garantir un «atterrissage en douceur» pour les ménages et les entreprises européens.

3.2.

La pandémie a entraîné une réduction de la demande et de la consommation, ce qui a suscité des inquiétudes pour les PME s’agissant de trouver des clients. Si l’accès au financement n’est pas, à l’heure actuelle, le problème le plus pressant rapporté par les PME (dans les enquêtes menées par la BCE (9)), c’est l’ensemble des difficultés auxquelles elles sont confrontées qui doit être pris en compte dans la lutte contre les PNP.

3.3.

Le CESE plaide invariablement (10) en faveur d’une réduction socialement soutenable des prêts non performants, parallèlement à la préservation de la stabilité financière (11). En ces temps de pandémie de COVID-19, une telle démarche est aujourd’hui plus importante que jamais. Contrairement à ce qu’il s’est passé il y a dix ans lors de la crise financière de 2008-2009, la flambée actuellement attendue des PNP n’est pas la faute du secteur financier ou de toute autre catégorie spécifique d’acteurs du système économique, mais ce n’est pas non plus celle de l’«économie réelle», des gouvernements ou des citoyens européens. Il est particulièrement important que les autorités de réglementation de l’échelon européen et les gouvernements des États membres interviennent au moyen des instruments appropriés.

3.4.

Tout en reconnaissant que le développement de marchés secondaires des PNP présente certains avantages, le CESE serait favorable à la conclusion d’accords bilatéraux entre l’établissement de crédit et des emprunteurs viables. Bien que les banques puissent réduire la part de PNP dans leurs bilans en les vendant aux acheteurs de crédits, cela ne signifie pas que les ventes de PNP soient la panacée du point de vue de l’emprunteur ou pour la société dans son ensemble. Les ventes de PNP devraient constituer une solution de dernier recours.

3.5.

Il est primordial de s’attaquer aux causes profondes des PNP. Le CESE souligne que la meilleure façon d’éviter l’accumulation de volumes élevés de PNP par les ménages et les PME consiste à garantir des systèmes de sécurité sociale solides, à lutter contre la pauvreté, le surendettement et le chômage, à assurer des salaires adéquats et à mettre en œuvre des mesures de politique économique contracycliques en période de crise, tout en améliorant la productivité et la compétitivité de l’économie européenne, en se concentrant sur la continuité des activités et la relance de l’économie, grâce à un cadre réglementaire clair et actualisé donnant de la visibilité aux investissements à long terme. Ces mesures permettront de maintenir et de renforcer la stabilité des marchés financiers et la résilience économique, tout en luttant contre la pauvreté et les inégalités. Dans ce contexte, le CESE recommande que les orientations de l’ABE sur les moratoires du crédit restent en vigueur aussi longtemps que nécessaire, et suggère un réexamen minutieux, ciblé et strictement temporaire de la définition du défaut de paiement.

3.6.

De l’avis du CESE, le plan d’action reflète la logique de base selon laquelle les banques agissent en tant qu’infrastructure essentielle de l’économie européenne fondée sur les flux monétaires, et la santé et la stabilité du secteur bancaire sont une condition préalable indispensable à la reprise économique. Comme l’indique la Commission dans sa communication à ce sujet (12), «faire en sorte que les entreprises et les citoyens européens continuent de recevoir un soutien de la part de leur banque est une priorité absolue pour la Commission». Dans ce contexte, le CESE attire l’attention sur le rôle décisif de la BCE dans la préservation de la stabilité des banques et de l’offre de crédit, et constate que l’économie européenne est soutenue par des mesures visant à garantir que les prêts soient accordés pour répondre à une demande de crédit solvable.

3.7.

Le CESE constate que des données fiables sur les PNP font partiellement défaut et qu’il subsiste une grande incertitude quant à l’avenir de la vaccination contre la COVID-19, aux mutations du virus SRAS-CoV-2 (variants), aux mesures de confinement et à la reprise économique. Le CESE souligne l’importance de la qualité des données pour évaluer correctement l’ampleur du problème et identifier les entreprises viables. Le CESE appelle dès lors à la prudence et à des mesures susceptibles de relancer rapidement l’économie européenne, telles que des mesures visant à soutenir les petites entreprises et à garantir des salaires adéquats et des systèmes de sécurité sociale solides. Le CESE fait observer que les dépôts du secteur bancaire ont considérablement augmenté (13), ce qui signifie qu’il existe un bon potentiel de demande des consommateurs dans les mois qui suivent la levée des mesures de confinement.

3.8.

Il reste à déterminer comment les entreprises et les ménages qui «se sont retrouvés confrontés à d’importantes difficultés financières en raison de la pandémie» (14) pourront être aidés par les banques («recevoir un soutien de la part de leur banque» (15)) si l’on s’attaque à l’augmentation des PNP. À l’heure actuelle, les modifications ou mesures d’assouplissement réglementaire proposées ne sont pas subordonnées à l’octroi par les banques de prêts aux PME ou aux ménages solvables. Le CESE regrette que le plan d’action de la Commission ne prévoie que peu de nouvelles mesures pour aider les acteurs économiques en difficulté, à l’exception du secteur bancaire. Face au choc économique extérieur qui rend de nombreux travailleurs et entreprises encore plus dépendants des prêts, les mesures de soutien et d’atténuation prises à l’intention des banques devraient viser à un plus large octroi de prêts aux PME ou aux ménages solvables. Dans le même temps, les autorités devraient mettre en place des garanties adéquates afin d’éviter les prêts irresponsables et le surendettement qui en découle.

3.9.

Le CESE plaide pour la reconnaissance de la société civile dans son ensemble comme partie prenante dans le domaine de la régulation des marchés financiers. En particulier, s’agissant de la lutte contre les PNP au lendemain de la pandémie, leurs effets sont multiples, puisqu’ils touchent également, par exemple, les intérêts des travailleurs dans leur rôle de débiteurs, de salariés d’entreprises endettées, de salariés du secteur financier ou de contribuables (ce dernier point étant particulièrement pertinent dans le cas où des fonds publics sont utilisés pour lutter contre les PNP).

3.10.

Le CESE relève que la nécessité d’un marché des PNP paneuropéen et transfrontalier est surestimée, même si le secteur bancaire progresse régulièrement vers une union bancaire à l’échelle de l’UE. Il est très peu probable que les opérations transfrontalières des acheteurs de crédits apportent des avantages économiques tangibles au système économique dans son ensemble, et pas seulement aux banques, aux acheteurs de crédits et aux gestionnaires de crédits (même s’il est vrai que ces derniers peuvent indéniablement tirer profit d’économies d’échelle).

3.11.

Dans ce contexte, le CESE souligne également que la répartition du risque pourrait ne pas conduire à une réduction de celui-ci. Au contraire, la crise des marchés financiers de 2008-2009 nous a appris que cela pouvait avoir pour résultat une accumulation opaque des risques dans l’économie. Le CESE insiste pour que toutes les mesures d’incitation en faveur du secteur financier visent à décourager les acteurs du marché de prendre trop de risques.

3.12.

Dans le même temps, le CESE souligne que les entreprises, les ménages, les travailleurs et la société civile de l’Union européenne ont besoin de ressources et d’un soutien total pour faire face à la crise, et que l’Union devrait en conséquence proposer de telles mesures de soutien. Cette aide devrait être disponible pendant une période maximale de trois ans (comme le prévoit le plan de relance «Next Generation EU») pour soutenir les entreprises et les emprunteurs qui étaient jugés sains et solvables avant la pandémie. La quasi-totalité de la population européenne est touchée par l’insécurité socio-économique croissante. Les entreprises sont confrontées à des perturbations en raison de fermetures temporaires et à une contraction de la demande, tandis que les ménages doivent affronter le chômage et une baisse de leurs revenus. Le CESE estime que ce dont les citoyens et les entreprises européens auraient besoin, ce n’est pas, de toute évidence, d’une mise en œuvre rapide du cadre relatif aux PNP tel que proposé par la Commission, mais bien de mesures d’une tout autre nature.

4.   Observations particulières

4.1.

La Commission est convaincue que l’accord concernant la proposition de directive sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits, qui vise essentiellement à créer un marché secondaire commun pour les PNP, est une priorité absolue. Le CESE est préoccupé par les projets relatifs à la fourniture d’un «passeport» opérationnel à l’échelle de l’UE aux agents de recouvrement de créances, sans surveillance appropriée dans leurs pays «d’origine» et «d’accueil». Cette démarche ne pourrait se justifier que s’il existait en contrepartie un ensemble de mesures contribuant à protéger les emprunteurs en difficulté — une norme de protection des consommateurs à l’échelle de l’UE pour les agents de recouvrement. Le CESE craint également que la proposition de directive sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits (16) n’empêche les États d’imposer à ces derniers d’autres exigences ou des exigences supplémentaires, même si celles-ci sont réputées protéger les débiteurs. Si la surveillance est assurée dans les pays «d’origine» et «d’accueil», si les règles de protection des consommateurs sont respectées, si l’ABE fournit des orientations relatives aux «meilleures pratiques» et si une approche uniforme de ces activités est envisagée, la plupart des questions soulevées ici seront résolues. À la lumière de ces arguments, et afin de rendre fonctionnel le «passeport» opérationnel à l’échelle de l’UE, les règles de protection des emprunteurs doivent être renforcées de manière à éviter les risques mentionnés plus haut.

4.2.

Le CESE note que certains acheteurs de crédits et agents de recouvrement de créances ont une mauvaise réputation — qui explique que certains aient été désignés sous le terme de «fonds vautours» — et souligne que la fourniture d’un «passeport» opérationnel à l’échelle de l’UE aux agents de recouvrement, sans surveillance correcte dans leurs pays «d’origine» et «d’accueil» et en l’absence de lignes directrices appropriées sur les «bonnes pratiques» mises en œuvre en temps utile et de manière efficace dans l’ensemble de l’Union, pourrait inciter ces acheteurs et ces gestionnaires de crédits à recourir à des pratiques commerciales inadéquates au détriment des emprunteurs en difficulté. Le CESE insiste également sur la nécessité de veiller à ce que la proposition de directive sur les gestionnaires et les acheteurs de crédits n’empêche pas les États de leur imposer des exigences légales supplémentaires, de manière à garantir dans ce cas un recours approprié à la «surenchère réglementaire».

4.3.

En outre, certains acheteurs de crédits sont notoirement embarrassés par des problèmes d’évasion fiscale. Par exemple, en Irlande, certains d’entre eux sont enregistrés en tant qu’associations caritatives et ne paient pratiquement aucun impôt. Le CESE invite la Commission européenne à redoubler d’efforts pour s’attaquer au problème de l’évasion fiscale.

4.4.

Un autre pilier du plan d’action est lié à la proposition de procédure extrajudiciaire accélérée de recouvrement de garantie, qui est strictement limitée aux prêts aux entreprises et n’est applicable que si les parties ont passé un accord volontaire préalable lors de la conclusion du contrat de prêt. Le CESE reconnaît que les ménages (consommateurs privés) sont exclus de cette procédure et constate qu’il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre celle-ci, la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil (17) et les procédures d’insolvabilité. Le CESE fait observer que ladite procédure pourrait offrir une solution équilibrée pour les débiteurs, mais insiste pour que la procédure extrajudiciaire de recouvrement ne devienne pas l’option par défaut dans les contrats de prêt. Il convient de veiller à ne pas laisser sans défense les entreprises en difficulté et à ne pas les empêcher d’accéder au système judiciaire ordinaire reposant sur l’équilibre des pouvoirs et résultant d’une longue tradition. Selon le CESE, les retards systématiques dans le recouvrement des garanties devraient être traités pays par pays, par la mise en œuvre de réformes bien préparées et par des interventions ciblées des États membres là où subsistent des goulets d’étranglement.

4.5.

Le CESE approuve la déclaration de la Commission selon laquelle «[…] les banques devraient être autant que possible encouragées à adopter une approche proactive en vue de nouer à un stade précoce un dialogue constructif avec leurs débiteurs», étant donné qu’une telle démarche permettra de ne pas nuire aux entreprises viables et de garantir la continuité des affaires. Toutefois, le Comité invite la Commission à proposer des mesures concrètes pour atteindre cet objectif essentiel.

4.6.

Le CESE se félicite de l’initiative visant à poursuivre la convergence des différents cadres en matière d’insolvabilité dans l’UE et constate que cette convergence est bénéfique non seulement pour les activités bancaires, mais aussi pour l’ensemble du paysage entrepreneurial en Europe. Une telle convergence ne devrait pas nécessairement être liée à la question des PNP. Il convient cependant de noter que cette mesure ne sera d’aucune utilité à court terme, ni d’un grand secours au lendemain de la crise de la COVID-19. La certitude quant aux règles relatives aux droits des créanciers et des débiteurs et une plus grande harmonisation des procédures de retrait des garanties dans les États membres permettront de réduire les risques et de donner un nouvel élan aux investissements transfrontières et aux échanges intérieurs. Le CESE insiste sur la nécessité de tenir dûment compte des emprunteurs lors de la réforme des cadres en matière d’insolvabilité.

4.7.

Le CESE fait observer que le marché secondaire des PNP n’aide en rien les entreprises à prospérer, qu’il ne soutient pas l’emploi et qu’il ne permet pas la réouverture des entreprises fermées. Pour que les entreprises puissent redémarrer, des mesures ciblées financées par l’État revêtent une importance fondamentale. Le CESE est d’avis qu’il est crucial d’octroyer des prêts à une économie souffrant d’une baisse de production sans précédent en raison de mesures de confinement liées à la pandémie de COVID-19, mais que ces prêts ne doivent pas pour autant devenir excessifs, au risque de ne pas s’avérer viables.

4.8.

Toutefois, la proposition pour laquelle milite la Commission — le marché secondaire paneuropéen et, dans une moindre mesure, la procédure extrajudiciaire accélérée de recouvrement de garantie — fait craindre qu’un marché secondaire unique pour les PNP en Europe ouvre la voie aux abus et laisse les clients des banques à la merci des «fonds vautours», dont la majorité n’est pas originaire de l’Union. Le CESE recommande une plus grande transparence et des règles appropriées afin de garantir que les consommateurs soient protégés contre les pratiques abusives des gestionnaires de crédits, des acheteurs de crédits ou des «fonds vautours».

4.9.

Le CESE recommande de ne pas accorder aux investisseurs en crédits et aux agents de recouvrement de «passeport» opérationnel à l’échelle de l’UE s’ils achètent des PNP de consommateurs (clients particuliers). On pourrait examiner la nécessité éventuelle d’exempter aussi les dettes des micro-entreprises.

4.10.

L’accent mis sur la normalisation des données sur les PNP dans l’ensemble de l’UE est bienvenu, mais cela n’est pas suffisant compte tenu de l’ampleur de la tâche et, en principe, n’est pas très pertinent. Le CESE relève également que les coûts liés à la création de marchés efficaces et à l’amélioration de la normalisation des PNP en vue de faciliter leur échange ne devraient pas être supportés par les institutions et les contribuables de l’UE, mais par les acteurs du marché eux-mêmes, qui sont les principaux bénéficiaires de l’échange de PNP. La transparence des données est requise pour faire en sorte que les ventes de PNP aussi bien externes qu’internes (au sein des groupes bancaires) respectent dans leur intégralité les normes internationales d’information financière (IFRS) et soient conduites de manière régulière.

4.11.

Les sociétés nationales de gestion de portefeuille (SGP), largement abordées dans le document de la Commission, et familièrement appelées «banques poubelles», pourraient avoir besoin de fonds publics et ce sera très probablement le cas. Par conséquent, le CESE invite instamment chaque État membre à procéder à une analyse approfondie de l’utilisation des fonds publics pour la création de telles SGP en fonction de la situation dans chaque pays, dans le respect des règles en matière d’aides d’État.

4.12.

Le CESE déconseille vivement de fusionner la question des PNP, qui constitue un phénomène très répandu dans l’économie, avec des problèmes liés à la sauvegarde de la stabilité financière. Afin de préserver l’intégrité morale et opérationnelle du secteur bancaire, ces deux questions devraient être traitées séparément. Le CESE estime que même si les problèmes spécifiques des établissements financiers peuvent être dus à une surcharge de PNP dans leur bilan, rien ne justifie le sauvetage de banques non viables au moyen de fonds publics, en utilisant le modèle des SGP sous prétexte de «nettoyer» les PNP douteux, et il est convaincu que la question de la gestion des crises bancaires devrait faire l’objet d’une approche globale. Le CESE demande que la vente de PNP à des sociétés de gestion de portefeuille demeure une exception et que la préférence soit donnée à la restructuration de ces prêts dans les bilans des banques.

4.13.

En outre, il est essentiel que la Commission empêche que l’argent public soit utilisé pour renflouer, encore et encore, des intérêts bancaires privés. Le sauvetage d’une banque ne devrait pas être perçu comme ayant une valeur en soi; ce ne doit pas être l’objectif ultime des politiques économiques. À long terme, des campagnes de sauvetage bancaire répétées, impliquant une énorme quantité d’argent public, pourraient être source d’aléa moral et perturber le système d’incitations intégré dans les activités bancaires. Le CESE lance par conséquent une mise en garde contre toute politique aboutissant à «la privatisation des profits et la socialisation des pertes». Les banques devraient plutôt être incitées à régler leurs problèmes de PNP en interne et à mieux gérer leurs portefeuilles de prêts; aucun soutien implicite ou explicite de l’État, quel qu’il soit, ne contribuera à résoudre les problèmes de bilan sous-jacents. Le CESE ne méconnaît pas l’existence du Fonds de résolution unique, qui est financé par les contributions des établissements de crédit. Un bon dimensionnement de ce Fonds empêcherait que les fonds publics soient utilisés pour renflouer des intérêts bancaires privés, répondant ainsi aux craintes de «privatisation des profits et de socialisation des pertes».

4.14.

Le CESE demande instamment que les efforts soient axés sur l’achèvement d’une union bancaire dotée d’un secteur bancaire résilient, suffisamment capitalisé et, surtout, autonome. Il convient de trouver un équilibre entre le partage et la réduction des risques. Il y a lieu d’éviter toute incidence significative sur les budgets publics et sur les contribuables en cas de crise, que ce soit au niveau national ou de l’UE. Il faut donc mettre en œuvre des exigences minimales strictes de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL) ainsi que des mesures efficaces de lutte contre le blanchiment de capitaux. En outre, une plus grande attention devrait être accordée à la réglementation du secteur bancaire parallèle. Il y a lieu de veiller à ne pas déplacer les risques des opérateurs financiers bien réglementés vers ceux qui le sont moins. En outre, il convient d’accorder une attention particulière à la réglementation de toute activité financière qui n’est pas exercée par une entité réglementée, selon le principe «une réglementation et une surveillance identiques pour des risques et une activité identiques».

4.15.

Du point de vue de la protection des consommateurs, l’objectif des SGP est clairement de maximiser les rendements et l’efficacité en vendant des prêts à des investisseurs tiers ou en réalisant les garanties, ce qui ne semble pas compatible avec la garantie d’une protection adéquate des ménages emprunteurs, de plans de remboursement viables et d’un niveau de vie minimum. Le CESE recommande que les SGP intègrent des objectifs à visée sociale dans leurs politiques.

4.16.

Le CESE craint que tout recours à la «recapitalisation préventive» ne risque de détourner l’argent public d’objectifs plus utiles sur le plan social et économique. À ce titre, le recours à la «recapitalisation préventive» devrait rester tout à fait exceptionnel dans le contexte de la COVID-19. Le CESE souligne que toute «mesure de prévention» doit être utilisée d’une manière hautement responsable, afin d’éviter les aléas moraux et les renflouements bancaires aux dépens de la société au moyen de deniers publics. Il convient de rappeler que la stabilité financière est également un bien public et que, par conséquent, les autorités de régulation et de surveillance financières devraient veiller à ce que des règles prudentielles strictes soient en place pour éviter de mettre en péril ce bien public.

4.17.

Le CESE prend acte de l’affirmation, dans le texte de la communication, selon laquelle la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) peut apporter un soutien aux «réformes visant à améliorer les cadres judiciaire, administratif et en matière d’insolvabilité et à soutenir la résolution efficace des PNP». Les fonds FRR, comme l’affirme le Conseil européen, devraient être utilisés pour «stimuler le potentiel de croissance, la création d’emplois et la résilience économique et sociale» (18). Des explications supplémentaires sont nécessaires pour clarifier les intentions de la Commission en ce qui concerne le lien entre la FRR et les PNP, et pour s’assurer de ne pas faire capoter l’objectif initial de la FRR, à savoir favoriser les transitions écologique et numérique.

4.18.

Malgré les objectifs de la FRR approuvés par les colégislateurs, aucune mesure du plan d’action de la Commission n’est destinée aux entreprises en difficulté en Europe (petites et grandes entreprises, sociétés et entreprises familiales). En outre, le CESE relève que, dans la communication à l’examen, la Commission ne prévoit aucun instrument qui permettrait aux consommateurs éprouvant des difficultés à payer leurs factures et à joindre les deux bouts de survivre aux effets de la pandémie et d’éviter de tomber dans le piège de la pauvreté. Il constate également qu’il existe d’autres acteurs qui doivent pouvoir bénéficier de plans d’action spécifiques, comme par exemple les petites et grandes entreprises et les entreprises familiales qui souffrent des effets de la pandémie.

4.19.

Le CESE recommande un réexamen des règles spécifiques suivantes:

4.19.1.

Compte tenu de la situation actuelle, dans laquelle des entreprises potentiellement viables pourraient rencontrer des difficultés de paiement alors qu’elles étaient solvables avant la COVID-19, le CESE suggère un réexamen minutieux des orientations de l’ABE concernant la définition du défaut (par exemple, le nombre de jours d’arriéré de paiement avant qu’un prêt soit considéré comme non performant; la valeur actuelle nette à partir de laquelle une dette restructurée est considérée comme «non susceptible de paiement», etc.), de manière à donner aux entreprises concernées une chance de se redresser avant que leurs prêts ne soient considérés comme non performants. Le CESE insiste toutefois pour que toute modification de ce type soit strictement temporaire et liée à la pandémie de COVID-19 uniquement, et qu’elle n’interfère pas avec la détection et la déclaration détaillées et précises du risque de crédit par les banques, et pour que les régulateurs et les superviseurs mettent en balance tout changement temporaire et la nécessité fondamentale de garantir la stabilité et la solvabilité du secteur bancaire.

4.19.2.

Le CESE recommande que les orientations de l’ABE sur les moratoires du crédit restent en vigueur aussi longtemps que nécessaire.

4.19.3.

Dans la mesure où des prêts peuvent devenir non performants quelle que soit la cause des difficultés de paiement, et étant donné qu’il est extrêmement difficile de déterminer qui, parmi les emprunteurs en difficulté, se rétablira rapidement une fois la pandémie maîtrisée, le CESE recommande de ne déroger en aucun cas aux exigences en matière de fonds propres — y compris celles découlant du règlement relatif au filet de sécurité prudentiel pour les PNP, dont le calendrier de provisionnement prévoit déjà des augmentations très progressives de capital. Cela permettra aux banques de résister aux pertes, qu’elles soient liées à la pandémie ou à d’autres facteurs, et constituerait un facteur essentiel pour réduire la probabilité d’interventions publiques et de renflouements bancaires aux frais du contribuable. Toutefois, une flexibilité temporaire pourrait être envisagée et appliquée en ce qui concerne la définition du défaut et les dispositions relatives au filet de sécurité pour les PNP, afin d’atténuer les effets de la crise de la COVID-19. Cela pourrait en outre contribuer à éviter que les banques n’effectuent des ventes précipitées de PNP. Dans ce contexte, le CESE relève que l’activité des tribunaux civils est suspendue et que d’autres formes de retard dans les procédures civiles sont constatées dans toute l’Europe, situation dont il suggère de tenir compte.

4.19.4.

Le CESE estime que davantage de souplesse pourrait être envisagée pour les banques qui sont en mesure d’apporter la preuve d’un lien étroit avec l’économie réelle (si une part importante de leurs actifs est liée à des entreprises non financières et des ménages). Par ailleurs, il recommande la plus grande prudence en ce qui concerne les établissements financiers d’importance systémique au niveau mondial qui sont étroitement interconnectés avec d’autres acteurs du marché financier.

4.20.

Le CESE préconise que la Commission propose des méthodes fiables pour garantir des règles strictes afin de protéger les emprunteurs en difficulté contre les traitements injustes.

4.20.1.

Le CESE demande que l’allègement des règles régissant les établissements de crédit s’accompagne de mesures de soutien en faveur des emprunteurs dont les difficultés ont été causées par la pandémie. Celles-ci pourraient prévoir entre autres des reports d’échéance d’un à trois ans, des bonifications d’intérêts, la restructuration de la dette vers des formes de crédit moins coûteuses et, dans la mesure du possible, des moratoires sur les remboursements de prêts.

4.20.2.

Pour ce qui concerne les ventes internes de PNP, dans certains cas, les véhicules de titrisation sont susceptibles de tirer profit de la dette du client dans le cadre d’un processus de recouvrement de créances, mais le client reste néanmoins endetté. Le CESE recommande à la Commission européenne d’examiner plus avant la possibilité de légiférer pour veiller à ce que les droits des emprunteurs soient protégés et qu’ils ne se retrouvent pas davantage endettés à l’issue d’une transaction de ce type.

4.21.

Le CESE maintient que des mesures globales doivent être prévues pour préserver un climat des affaires juste et sûr, en veillant tout particulièrement à répondre aux besoins des plus vulnérables. La compétitivité des entreprises européennes repose avant tout sur un marché intérieur solide, une innovation constante et un ensemble prévisible et socialement responsable de règles fondées sur la confiance entre les acteurs économiques. Le CESE met en garde contre toute initiative législative qui traiterait les prêts non performants comme n’importe quelle autre marchandise. Il note qu’une telle démarche n’améliorerait pas cet environnement de confiance, mais lui ferait au contraire du tort. Il est impératif de préserver un juste équilibre entre les droits des emprunteurs et ceux des créanciers.

4.22.

La pandémie de COVID-19 n’est qu’un choc extérieur parmi de nombreux autres, et il est loin d’être le dernier. Les mesures politiques visant à maîtriser les dommages considérables causés par ces chocs massifs devraient reposer sur des principes universels et résister à l’épreuve du temps. L’Union européenne s’efforce de conserver son orientation vers une économie sociale de marché et réitère sa promesse de ne laisser personne sur le carreau, tout en améliorant la compétitivité de son économie. Le CESE demande instamment que les plans d’action et les initiatives législatives de la Commission tiennent dûment compte de ces principes fondamentaux.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2020) 822 final.

(2)  Discours d’Andrea Enria, président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, 1er octobre 2020. Les PNP s’élevaient à près de 1 000 milliards d’EUR fin 2016, soit 5,1 % du total des prêts bancaires. Si l’on se référait aux données de 2019, le portefeuille de PNP de 1 400 milliards d’EUR représenterait environ 12 % du PIB de la zone euro.

(3)  «Conclusions relatives au plan d’action pour la lutte contre les prêts non performants en Europe», Conseil Ecofin, juillet 2017, https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/07/11/conclusions-non-performing-loans/

(4)  COM(2017) 592 final.

(5)  Proposition de directive sur les gestionnaires de crédits, les acheteurs de crédits et le recouvrement de garantie, COM(2018) 135 final — 2018/063 (COD).

(6)  COM(2020) 169 final.

(7)  https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/pepp/html/index.en.html

(8)  COM(2020) 822 final et COM(2020) 283 final.

(9)  https://www.ecb.europa.eu/stats/ecb_surveys/safe/html/ecb.safe202011~e3858add29.en.html

(10)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 32.

(11)  Les établissements financiers devraient «continuer de détecter et de déclarer conformément aux règles existantes toute détérioration de la qualité des actifs et toute accumulation de prêts non performants, de sorte à dresser un tableau clair et précis des risques dans le secteur bancaire», comme indiqué dans une lettre de la BCE du 4 décembre 2020. En outre, la BCE prévient que «d’un point de vue prudentiel, des politiques et procédures saines en matière de répartition des expositions dans les différents stades et de constitution de provisions sont essentielles pour assurer une gestion et une couverture adéquates du risque de crédit, notamment l’identification et la gestion en temps utile des débiteurs en difficulté».

(12)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_2375. Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif pour une économie au service des personnes, espère que la stratégie «contribuera à une reprise […] en Europe en aidant les banques à éliminer ces prêts [non performants] de leur bilan et à continuer de distribuer des crédits».

(13)  Le total des dépôts des sociétés non financières dans la zone euro est passé de 2 730 milliards d’EUR (mars 2020) à 3 120 milliards d’EUR (octobre 2020) malgré la pandémie. Les dépôts des ménages sont quant à eux passés de 7 850 milliards d’EUR à 8 210 milliards d’EUR au cours de la même période (https://sdw.ecb.europa.eu/).

(14)  Mairead McGuinness, commissaire chargée des services financiers, de la stabilité financière et de l’union des marchés des capitaux, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_2375.

(15)  Ibidem.

(16)  Voir l’article 5, l’article 11 (en particulier son paragraphe 5) et l’article 15, paragraphe 2, de la proposition de directive.

(17)  JO L 172 du 26.6.2019, p. 18.

(18)  https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/20201006-recovery-resilience-rrf/. En outre, la FRR peut être dépensée «conformément aux recommandations par pays du semestre européen», 37 % au moins des ressources devraient en outre être affectées à l’action pour le climat et à la durabilité environnementale, et au moins 20 % à la transition numérique de l’UE.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/106


Avis du Comité économique et social sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne

[COM(2020) 682 final — 2020/0310 (COD)]

(2021/C 220/16)

Rapporteures:

Milena ANGELOVA et Cinzia DEL RIO

Consultation

Parlement européen, 11.11.2020

Conseil, 10.11.2020

Base juridique

Article 153, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

11.3.2021

Adoption en session plénière

25.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

155/100/20

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient fermement l’objectif poursuivi, à savoir que l’Europe montre la voie, délaissant une certaine fragilité en faveur d’un renouveau vital et créant des opportunités et de la prospérité au moyen de l’innovation, d’une croissance durable et d’une concurrence loyale (1), afin de stimuler la convergence économique et sociale vers le haut. Le CESE souscrit aux objectifs généraux consistant à mettre en place des salaires minimaux adéquats et à renforcer les systèmes de négociation collective dans l’ensemble de l’Union européenne (UE), à rendre le travail financièrement attrayant, à lutter contre la pauvreté et à renforcer le rôle des partenaires sociaux et du dialogue social, conformément aux systèmes nationaux de relations du travail.

1.2.

Le CESE note que la directive proposée contribuera à la réalisation des objectifs de l’Union consistant à promouvoir le bien-être de ses peuples, à développer une économie sociale de marché hautement compétitive (article 3 du TFUE) et à promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail (article 151 du TFUE). Elle porte également sur les droits énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qui concerne le droit des travailleurs à des conditions de travail justes et équitables (article 31), et elle est conforme au principe no 6 du socle européen des droits sociaux (SEDS). La Commission européenne souligne que la proposition ne contient aucune mesure ayant une incidence directe sur le niveau des rémunérations et que, par conséquent, les dispositions de l’article 153, paragraphe 5, du TFUE sont pleinement respectées.

1.3.

Le CESE souscrit aux objectifs généraux de la proposition et entend qu’elle est soigneusement conçue pour respecter les traditions, législations et pratiques nationales, laissant une marge d’appréciation pour l’adaptation au contexte national en ce qui concerne les obligations qu’elle prévoit. Il existe des préoccupations et des points de vue divergents au sein du CESE en ce qui concerne certains éléments de la base juridique de la proposition. Malgré ces divergences, le CESE a décidé d’exprimer son avis sur certaines questions évoquées dans la proposition de la Commission.

1.4.

Le rôle joué par l’État dans la création de «conditions propices», tant politiques que juridiques, en soutenant et en respectant le rôle du dialogue social et de la négociation collective pour les syndicats et les organisations patronales, est reconnu par plusieurs institutions internationales et rappelé dans plusieurs avis du CESE. Les partenaires sociaux devraient être autonomes et les organisations patronales et syndicales devraient être protégées contre toute forme de restriction de leur droit de s’organiser, de représenter ou de mener des actions collectives. Dans le même temps, le CESE rappelle une nouvelle fois l’importance des actions conjointes et des programmes de renforcement des capacités aux niveaux européen et national gérés directement par les partenaires sociaux européens et nationaux.

1.5.

Le CESE soutient l’objectif d’accroître la couverture des négociations collectives, conformément aux législations et pratiques nationales, et dans le plein respect de la répartition des compétences et de l’autonomie des partenaires sociaux. Il soutient l’objectif proposé de 70 % et estime que les plans d’action nationaux (article 4) pourraient jouer un rôle crucial dans la convergence des salaires vers le haut et dans la mise en place des mesures et mécanismes les plus appropriés pour la fixation des salaires et l’augmentation de la couverture au niveau national, notamment afin de combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ainsi qu’entre les personnes d’âges différents, et de réduire les inégalités et les discriminations, en prêtant une attention particulière aux jeunes travailleurs. Le CESE recommande que tout plan d’action national soit élaboré par les partenaires sociaux et adopté dans le cadre d’un processus tripartite.

1.6.

Le CESE reconnaît que dans les pays où existe un système d’autoréglementation via la négociation collective, qui garantit des planchers salariaux équitables et adéquats, ainsi que d’autres conditions de travail arrêtées de commun accord, toute intervention de l’État devrait être évitée afin de préserver un système de relations industrielles performant, capable par lui-même de garantir la réalisation des objectifs fixés dans la proposition de directive.

1.7.

Le CESE estime que la représentativité des partenaires sociaux est un facteur important, car elle garantit leur mandat démocratique. Il existe différents critères qui pourraient constituer des bonnes pratiques à prendre en considération lors de l’élaboration de plans d’action conformément aux législations et pratiques nationales. Par ailleurs, différents facteurs/critères complexes pourraient être pris en compte lors de l’évaluation de la représentativité des partenaires sociaux au niveau national, compte tenu du fait qu’ils varient d’un État membre à l’autre.

1.8.

Le CESE est favorable à des systèmes de fixation des salaires bien développés et des systèmes de protection sociale efficaces qui fournissent des filets de sécurité aux personnes dans le besoin, ainsi que d’autres mesures visant à prévenir la pauvreté des travailleurs. Le CESE estime que la proposition de directive ne fait que poser le principe général du caractère adéquat des salaires — fondé sur des valeurs de référence non contraignantes estimées pour les salaires bruts ou nets médians ou moyens — et ne contient aucune mesure ou disposition spécifique sur la manière dont les salaires devraient être fixés au niveau national, étant donné que cette question relève de la compétence exclusive des États membres. Le CESE soutient la mise en place d’indicateurs contraignants pour guider les États membres et les partenaires sociaux dans leur évaluation de l’adéquation des salaires minimums légaux ainsi que dans le repérage et l’introduction de mesures pertinentes dans les plans d’action nationaux.

1.9.

Le CESE relève que l’article 9 de la directive contient des dispositions pour les travailleurs employés dans le cadre de marchés publics et de la sous-traitance, en ce sens qu’elle invite les États membres à respecter les salaires minimaux dans tous les projets de marchés publics. Le CESE réitère sa demande que les marchés publics respectent pleinement les conventions collectives et que les accords commerciaux soient suspendus en cas de non-respect des conventions fondamentales et actualisées de l’OIT.

1.10.

Le CESE recommande que les rapports présentés par les États membres soient examinés et évalués avec une participation appropriée des partenaires sociaux au sein du comité de l’emploi et suggère qu’un sous-groupe spécifique, composé de représentants des gouvernements nationaux, des organisations syndicales et patronales nationales et européennes et d’experts nommés par la Commission européenne, soit créé à cet effet.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE souscrit aux objectifs généraux consistant à mettre en place des salaires minimaux adéquats et à renforcer les systèmes de négociation collective dans l’ensemble de l’Union européenne (UE), à rendre le travail financièrement attrayant, à lutter contre la pauvreté et à renforcer le rôle des partenaires sociaux et du dialogue social, conformément aux systèmes nationaux de relations industrielles. Un salaire minimum adapté contribue à stimuler la demande intérieure et la croissance économique et à développer une économie sociale de marché hautement compétitive. Il existe plusieurs instruments de gouvernance par lesquels l’Union européenne et ses États membres collaborent pour atteindre ces objectifs, notamment le Semestre européen. La pleine participation structurée et effective des partenaires sociaux et des organisations de la société civile (OSC) à l’ensemble du processus du Semestre, au niveau tant européen que national, est essentielle à la mise en œuvre des politiques économiques et sociales.

2.2.

Le CESE note que la directive proposée contribuera à la réalisation des objectifs de l’Union consistant à promouvoir le bien-être de ses peuples, à développer une économie sociale de marché hautement compétitive (article 3 du TFUE) et à promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail (article 151 du TFUE). Elle porte également sur les droits énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tels que le droit des travailleurs à des conditions de travail justes et équitables (article 31), et est conforme au principe 6 du socle européen des droits sociaux. La Commission européenne souligne que la proposition ne contient aucune mesure ayant une incidence directe sur le niveau des rémunérations et que, par conséquent, les dispositions de l’article 153, paragraphe 5, du TFUE sont pleinement respectées.

2.3.

Il existe des préoccupations et des points de vue divergents au sein du CESE en ce qui concerne certains éléments de la base juridique de la proposition (2), mais, malgré ces divergences, le CESE exprime dans le présent avis son point de vue sur certaines questions figurant dans la proposition de la Commission.

2.4.

Le CESE est préoccupé par le fait que la proportion de personnes qui travaillent sans cesser d’être confrontées à la pauvreté est passée de 8,3 % de la main-d’œuvre totale de l’UE en 2007 à 9,4 % en 2018, avec une incidence significative sur les jeunes (28,1 % des travailleurs âgés de 16 à 24 ans sont menacés par la pauvreté ou l’exclusion sociale), les femmes, les personnes issues de l’immigration, les personnes handicapées et celles qui se trouvent en marge du marché du travail. Ces groupes occupent des emplois plus précaires et atypiques, assortis de salaires peu élevés et d’une protection sociale plus faible, ce qui aura une incidence sur la viabilité des systèmes de protection sociale à moyen et à long terme. Des actions et des réformes ciblées devraient être entreprises afin de veiller à ce que les groupes marginalisés soient suffisamment protégés contre la pauvreté (3).

2.5.

Le CESE recommande que des mesures soient prises pour prévenir le risque de non-conformité pouvant se manifester notamment sous la forme d’une augmentation indésirable du nombre de travailleurs non déclarés entraînant une concurrence déloyale, et que ces aspects fassent l’objet d’un suivi attentif et d’une attention particulière dans la phase de mise en œuvre de la proposition.

3.   Observations spécifiques sur la proposition

3.1.   Voies et conditions propices à la promotion de la négociation collective sur la fixation des salaires

3.1.1.

La proposition de directive vise à faire en sorte que les travailleurs de l’UE soient protégés par des salaires minimaux adéquats permettant de vivre dignement où qu’ils travaillent et à promouvoir la négociation collective en matière de fixation des salaires et, de manière générale, s’agissant des conditions de travail dans tous les États membres (4). Le CESE escompte que la proposition de directive sera soigneusement conçue de manière à respecter les traditions nationales établies dans ce domaine et à laisser une marge d’appréciation pour que les obligations qu’elle édictera puissent être adaptées au contexte national.

3.1.2.

Les partenaires sociaux européens ont demandé à plusieurs reprises aux institutions de promouvoir ou de créer, là où il y a lieu, des conditions favorables et propices à ce que le dialogue social et la négociation collective soient efficaces et répondent aux défis réels. Dans la déclaration quadripartite sur le «nouveau départ pour le dialogue social» et dans les conclusions du Conseil de juin 2016 (5), les États membres ont été invités à «concourir à l’amélioration du fonctionnement et de l’efficacité du dialogue social au niveau national, qui favorise les négociations collectives et crée un espace approprié pour les négociations entre partenaires sociaux».

3.1.3.

Le rôle de l’État dans la création de «conditions propices», tant politiques que juridiques, est reconnu par plusieurs institutions internationales. «Le CESE reconnaît qu’un dialogue social efficace doit inclure les éléments suivants: des partenaires sociaux représentatifs et légitimes, dotés du savoir, des compétences techniques et de la possibilité d’accéder en temps utile aux informations qui sont requis pour pouvoir jouer un rôle de parties prenantes; la volonté et la diligence nécessaires, de la part du politique, pour s’engager dans le dialogue social; le respect pour les droits fondamentaux desdits partenaires sociaux à l’autonomie, à la liberté d’association et à la négociation, qui restent encore et toujours au cœur même des relations entre employeurs et travailleurs; et, enfin, un cadre juridique et institutionnel émancipateur, qui soutienne les procédures du dialogue entre interlocuteurs sociaux grâce à des institutions en bon état de fonctionnement» (6). Des études montrent que, dans les pays où le rôle de la négociation collective est reconnu ainsi que pleinement soutenu et respecté par l’État, les taux de chômage sont plus faibles, la productivité est plus élevée et la convergence des salaires est favorisée (7). Il importe également que les résultats des processus de dialogue social produisent des résultats tangibles tant pour les travailleurs que pour les entreprises.

3.1.4.

Les actions conjointes et les programmes de renforcement des capacités aux niveaux européen et national gérés directement par les partenaires sociaux européens et nationaux constituent un instrument efficace pour renforcer les capacités dans le domaine du dialogue social et de la négociation collective pour les syndicats et les organisations patronales lorsque cela est nécessaire (8). Le CESE recommande que les programmes et actions de renforcement des capacités bénéficient d’un soutien suffisant et que leurs résultats soient évalués afin d’atteindre au mieux les objectifs qui sont les leurs.

3.1.5.

Le CESE recommande que certaines dispositions et certains concepts de la proposition (9) soient formulés de manière plus précise afin de ne laisser aucune place à l’incertitude ou à une interprétation par la CJUE. L’objet et le champ d’application des articles 1er et 2 visent tous les États membres, y compris les pays dans lesquels existe un système d’autoréglementation via la négociation collective.

3.1.6.

Le CESE recommande que tout plan d’action national visant à promouvoir la couverture des négociations collectives soit élaboré par les partenaires sociaux et adopté dans un cadre tripartite. De tels plans devraient également être conçus dans le plein respect des principes reconnus de liberté d’association et de nature volontaire de la négociation collective consacrés par les conventions de l’OIT. Le CESE apprécie l’approche équilibrée définie aux articles 1er et 3 de la convention no 131 de l’OIT sur la fixation des salaires minima (10). Le CESE recommande que les dispositions de la proposition de directive respectent les principes des conventions 87, 98 et 154 de l’OIT afin de préserver l’autonomie des partenaires sociaux, leurs possibilités de recruter des membres ainsi que les incitations à négocier et conclure des conventions collectives et le droit de le faire.

3.1.7.

Le CESE soutient l’objectif d’accroître la couverture des négociations collectives, conformément aux législations et pratiques nationales et dans le plein respect de la répartition des compétences et de l’autonomie des partenaires sociaux. À cet égard, le CESE soutient la promotion de la capacité des partenaires sociaux et encourage leurs actions communes en vue de participer à des négociations collectives sur la fixation des salaires et d’encourager des négociations constructives, utiles et éclairées sur les salaires (11). L’article 4 définit les exigences applicables à l’intervention des pouvoirs publics dans l’élaboration des cadres et des plans d’action, et le CESE insiste pour que cela se fasse selon une approche tripartite, dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux et en coopération avec eux. Dans certains États membres, la couverture des conventions collectives est décidée par les partenaires sociaux, tandis que dans d’autres, les lois ou la pratique courante prévoient des mécanismes d’extension des conventions collectives; ces différences doivent être respectées.

Le CESE souscrit à l’objectif proposé de 70 % et estime que les plans d’action nationaux, convenus et conçus avec les partenaires sociaux, pourraient jouer un rôle crucial dans la convergence des salaires vers le haut et dans la mise en place de mécanismes équitables de fixation des salaires au niveau national, notamment afin de combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ainsi qu’entre les personnes d’âges différents. Ces plans d’action permettront également de tenir compte des pratiques nationales et, le cas échéant, d’améliorer les systèmes. Ils devraient être correctement mis en œuvre, évalués, révisés et adaptés afin d’accroître progressivement la couverture des négociations collectives à moyen terme. Dans certains pays, des mécanismes d’extension des conventions collectives sont en place et visent à accroître la couverture de la négociation collective. Toutefois, le recours à de tels mécanismes n’est que l’un des moyens de promouvoir la négociation collective et d’accroître la couverture, ce moyen venant s’ajouter aux actions conjointes et au renforcement des capacités, aux mesures de lutte contre l’antisyndicalisme, à la protection des droits des organisations syndicales et patronales à la négociation collective, à la codéfinition de critères de représentativité et à la lutte contre toutes les formes de discrimination, par exemple. Ces éléments et propositions ciblées devraient être pris en compte dans les plans d’action nationaux, de même que d’autres initiatives.

3.1.8.

Cependant, dans les pays où existe un système d’autoréglementation via la négociation collective, qui garantit des planchers salariaux équitables et adéquats, ainsi que d’autres conditions de travail arrêtées de commun accord, toute intervention de l’État devrait être évitée afin de préserver un système de relations industrielles performant, capable par lui-même de garantir la réalisation des objectifs fixés dans la proposition de directive. Dans ces pays, si la couverture des négociations collectives est en deçà d’un seuil donné, les plans d’action nationaux doivent émaner en premier lieu des partenaires sociaux, et être approuvés par eux.

3.2.

La proposition établit une approche différenciée entre les États membres où les salaires minimaux sont établis par la loi et ceux où ils le sont dans le cadre de conventions collectives. Une telle distinction, même si elle est largement utilisée par l’OCDE, Eurofound et d’autres institutions à des fins académiques et de recherche, pourrait être remise en question lorsqu’elle est utilisée aux fins de tout exercice de fixation des salaires, et ce pour différentes raisons, l’une d’entre elles étant que dans certains États membres où l’intervention du gouvernement se limite à officialiser les accords négociés par les partenaires sociaux, le salaire minimum n’est pas légal mais conventionnel.

3.3.   Négociation collective — Définitions et couverture

3.3.1.

Le CESE souligne que la négociation collective est l’outil le plus efficace pour fixer des salaires adéquats et bien adaptés, dont les salaires minimaux, qui constituent un élément essentiel de l’économie sociale de marché. L’article 3 de la proposition contient quelques définitions qui s’appliquent aux fins de la directive.

3.3.2.

Le CESE estime que la représentativité des partenaires sociaux est un facteur important, car elle garantit leur mandat démocratique. Il existe différents critères qui pourraient constituer des bonnes pratiques à prendre en considération au niveau national conformément aux législations et pratiques nationales. Plusieurs facteurs/critères complexes seraient susceptibles d’être pris en compte lors de l’évaluation de la représentativité des partenaires sociaux au niveau national, compte tenu du fait qu’ils varient d’un État membre à l’autre: le nombre de membres et l’importance de la présence sur le territoire au niveau national; la capacité à mobiliser les membres et à agir; le nombre de conventions collectives signées aux différents niveaux (secteur/entreprise, etc.); le nombre de représentants syndicaux ou patronaux élus; l’affiliation à une organisation européenne de partenaires sociaux (reconnue par la CE); la reconnaissance par le gouvernement et la présence dans les structures ou organes de dialogue social bipartites/tripartites nationaux/sectoriels, etc. Le CESE demande que les termes «organisations de travailleurs» soient remplacés par «syndicats», car les premiers pourraient donner lieu à des interprétations trompeuses et ouvrir les négociations à des formes non reconnues alléguant de défendre les intérêts des travailleurs, voire à des syndicats «jaunes».

3.3.3.

Le CESE a déclaré à plusieurs reprises que le dialogue social fait partie intégrante du modèle social européen. Les partenaires sociaux devraient être autonomes et les organisations d’employeurs et de travailleurs devraient être protégées contre toute forme de restriction de leur droit de s’organiser, de représenter ou de mener des actions collectives. Ce principe est tout aussi important pour les employeurs que pour les syndicats.

3.3.4.

L’article 7 de la directive contient des dispositions relatives à la participation et à la consultation des partenaires sociaux lors de la fixation et de l’actualisation des salaires minimaux légaux. Ces dernières années, dans le cadre du Semestre européen, plusieurs recommandations par pays ont été émises pour inviter les États membres à garantir une participation adéquate des partenaires sociaux à ce processus. Au cours du semestre 2020-2021, douze États membres ont reçu des recommandations par pays soulignant la nécessité de renforcer la participation et l’appropriation des partenaires sociaux dans les processus décisionnels (12).

4.   Caractère adéquat

4.1.

En raison de la crise économique et de la pandémie actuelle, les données montrent qu’il y a eu une stagnation générale des salaires au cours des dernières années, voire une détérioration dans certains pays. Le CESE souligne que la négociation collective joue un rôle essentiel dans la mise en place d’une protection adéquate sous forme de salaires minimaux. Les pays où la couverture des négociations collectives est importante affichent généralement une proportion plus faible de travailleurs à bas salaires, des salaires minimaux plus élevés par rapport au salaire médian, des inégalités salariales moindres et des salaires plus élevés que les autres pays (13).

4.2.

Le CESE est favorable à des systèmes de fixation des salaires bien développés et des systèmes de protection sociale efficaces qui fournissent des filets de sécurité aux personnes dans le besoin, ainsi que d’autres mesures visant à prévenir la pauvreté des travailleurs. Le CESE relève que la proposition de directive ne fait que poser le principe général du caractère adéquat des salaires — fondé sur des valeurs de référence non contraignantes estimées pour les salaires bruts ou nets médians ou moyens — et ne contient aucune mesure ou disposition spécifique sur la manière dont les salaires devraient être fixés au niveau national, étant donné que cette question relève de la compétence exclusive des États membres. Le CESE soutient la mise en place d’indicateurs contraignants pour guider les États membres et les partenaires sociaux dans leur évaluation de l’adéquation des salaires minimums légaux ainsi que dans le repérage et l’introduction de mesures pertinentes dans les plans d’action nationaux. En effet, les salaires sont fixés par les législations nationales qui prévoient un salaire minimal légal, lorsqu’ils existent, ou par la négociation collective. Dans le même temps, sortir un plus grand nombre de personnes de la pauvreté réduira les dépenses publiques consacrées aux régimes de protection sociale. Les seuils de pauvreté et les indicateurs d’exclusion sociale sont utilisés au niveau de l’UE pour les analyses et la collecte de données communes, mais il n’existe actuellement aucun indicateur convenu au niveau de l’UE pour mesurer en termes absolus l’équité et l’adéquation des salaires minimaux, prérogative que la proposition laisse aux États membres dans leurs plans nationaux.

4.3.

Des éléments importants tels que la compétitivité, la productivité, le développement économique par secteur, la gestion des compétences, les nouveaux processus de production dus à l’introduction de nouvelles technologies, la numérisation et une organisation du travail différente et plus flexible dans certains secteurs de production devraient être pris en considération par les partenaires sociaux lors de la fixation des salaires au moyen de négociations collectives conformément à la législation et aux pratiques nationales. Soulignant la nécessité d’une convergence des salaires vers le haut, le CESE fait valoir que la hausse des salaires entraîne également une augmentation de la consommation et, partant, de la demande intérieure, avec une incidence économique positive, et que l’augmentation des salaires entraîne également une hausse des recettes pour les systèmes de sécurité sociale et de fiscalité. Ces effets doivent être soigneusement analysés.

4.4.

La directive proposée vise toutefois à fixer un seuil indicatif au niveau de l’UE comme référence pour les salaires minimaux légaux dans les pays où ils existent. Étant donné que les salaires rémunèrent le travail accompli, d’autres facteurs peuvent également être pris en considération, tels que le seuil de pauvreté, un niveau de vie décent minimum et le coût de la vie dans chaque pays. Ces éléments constituent les principaux facteurs de base de la fixation de salaires minimaux établis par la loi ou par convention collective dans les pays de l’UE. Il convient d’établir une distinction claire entre la fixation de salaires minimaux et l’augmentation des salaires.

4.5.

Les critères avancés concernant l’adéquation des salaires minimaux sont, à l’exception du pouvoir d’achat, des critères relatifs à la répartition des salaires et à leur évolution. Ils concernent plus généralement les aspects liés aux inégalités et non la protection des travailleurs les plus vulnérables. «Les salaires minimum devraient être équitables par rapport au spectre des rémunérations de chaque État et atteindre par ailleurs une valeur appropriée au regard des prix réels pratiqués, de manière à permettre un niveau de vie décent tout en préservant la pérennité des entreprises qui offrent des emplois de qualité» (14).

5.   Marchés publics

5.1.

L’article 9 de la directive contient des dispositions pour les travailleurs employés dans le cadre de marchés publics et de la sous-traitance, en ce sens qu’il invite les États membres à respecter les salaires minimaux dans tous les projets de marchés publics. Conformément aux directives 2014/23/UE (15), 2014/24/UE (16), 2014/25/UE (17) du Parlement européen et du Conseil, cette disposition oblige tous les contractants à respecter le niveau de salaire minimal applicable, qu’il soit fixé par la loi ou par convention collective. Cette disposition est également conforme à certaines décisions de la CJUE et, en particulier, à l’arrêt «Regiopost» de 2015 (affaire C-115/14) (18). Conformément à l’article 70 de la directive 2014/24/UE et à l’article 3 de la directive sur le détachement de travailleurs (19), les États membres ont la possibilité de rejeter les offres de soumissionnaires qui ne respectent pas les taux de salaire minimal définis localement par la loi ou par des conventions collectives. Le CESE a déjà demandé que les marchés publics respectent pleinement les conventions collectives et que les accords commerciaux soient suspendus en cas de non-respect des conventions fondamentales et actualisées de l’OIT. Le CESE a également plaidé en faveur de sanctions, y compris l’exclusion des marchés publics et du financement public, pour les entreprises qui ne respectent pas les obligations de diligence raisonnable prévues dans l’instrument proposé sur le devoir de diligence (20).

6.   Suivi et collecte de données

6.1.

Il existe déjà un nombre important de bases de données et d’analyses concernant les salaires minimaux et les processus de négociation collective. La mise à disposition de données fiables et actualisées aux institutions et aux partenaires sociaux pourrait contribuer à mieux évaluer et comprendre les tendances réelles lorsqu’il s’agit de prendre des décisions dans ce domaine. Par conséquent, le CESE invite la Commission européenne à poursuivre son aide aux États membres, en coopération avec les partenaires sociaux, afin de continuer à améliorer la collecte de données et de suivre l’évolution des salaires minimaux légaux (21).

6.2.

Dans certains États membres, les conventions collectives sont accessibles et rendues publiques et, dans certains cas, les sites internet publics permettent leur consultation gratuite, tandis que dans d’autres États membres, elles ne sont pas rendues publiques, leur gestion et leur examen, ainsi que le contrôle du caractère adéquat des niveaux des salaires, relevant des partenaires sociaux eux-mêmes et non des pouvoirs publics. Tout en étant favorable à un développement en douceur de l’accessibilité des données (question qui peut être délicate au regard de ses enjeux en matière de respect de l’autonomie des partenaires sociaux et des négociations et conventions collectives, de la protection des données, de la concurrence loyale et à d’autres égards encore), le CESE s’inquiète de l’augmentation possible de la charge administrative, en particulier pour les PME et pour les entreprises de l’économie sociale à but non lucratif, et demande qu’un équilibre soit trouvé entre la valeur ajoutée découlant de l’obligation d’information annuelle très détaillée et la nécessité de réduire autant que possible cette charge lorsque cette disposition est appliquée au niveau national, en particulier s’agissant de la nécessité de fournir des informations sur les travailleurs couverts et non couverts, et de les ventiler par sexe, tranche d’âge, handicap, taille de l’entreprise et secteur. Une plus grande clarté est également nécessaire en ce qui concerne la nécessité de répartir en déciles les salaires minimaux dans les pays appliquant une approche conventionnelle.

6.3.

Le CESE recommande que les rapports présentés par les États membres soient examinés et évalués avec la participation appropriée des partenaires sociaux au sein du comité de l’emploi et suggère qu’un sous-groupe spécifique, composé de représentants des gouvernements nationaux, des organisations syndicales et patronales nationales et européennes et d’experts nommés par la Commission européenne, soit créé à cet effet.

6.4.

Le CESE prend acte de l’introduction, dans la directive, de clauses fortes de non-régression et invite le Parlement européen à renforcer davantage certains points clés dans ce domaine, en particulier:

aucune interprétation future éventuelle de cette directive ne devrait être utilisée pour saper le bon fonctionnement des salaires minimaux ou des systèmes de conventions collectives,

aucune disposition de la directive ne devrait être utilisée au détriment de la liberté d’association ou de l’autonomie des partenaires sociaux,

aucun salaire minimum légal ne sera introduit lorsqu’il n’existe pas, sauf accord des partenaires sociaux,

les mécanismes de fixation des salaires sont une prérogative nationale et aucune décision émanant des institutions de l’Union européenne ne devrait viser à interférer directement avec les mécanismes de fixation des salaires au niveau national et des entreprises, qui demeurent une prérogative des partenaires sociaux.

Le CESE invite également le Parlement européen à insister davantage sur le fait qu’aucune disposition de la directive ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits et principes reconnus, dans leurs domaines d’application respectifs, par le droit de l’Union ou le droit international et par les accords internationaux auxquels l’Union ou les États membres sont parties, y compris la charte sociale européenne ainsi que les conventions et recommandations pertinentes de l’Organisation internationale du travail.

La même disposition prévoit que les États membres et les partenaires sociaux puissent introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou permettre l’application de conventions collectives plus favorables aux travailleurs. Le CESE souligne également la nécessité de veiller au respect des conventions collectives applicables et à une application effective, ce qui est essentiel pour garantir l’accès à la protection offerte par les salaires minimaux et éviter une concurrence déloyale pour les entreprises.

Bruxelles, le 25 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Discours sur l'état de l'Union de la présidente von der Leyen en session plénière du Parlement européen.

(2)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159.

(3)  Questions et réponses: des salaires minimaux adéquats.

(4)  COM(2020) 682 final, article 4, p. 26.

(5)  Déclaration quadripartite.

(6)  JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, paragraphe 1.3. Voir Stratégie de l’OCDE pour l’emploi; Étude Eurofound «Renforcement des capacités pour un dialogue social efficace dans l’Union européenne», 2019; Résolutions 2013 et 2018 de l’OIT relatives à la discussion récurrente sur le dialogue social.

(7)  The role of collective bargaining systems for labour market performance (Le rôle des systèmes de négociation collective pour les performances du marché du travail).

(8)  Les partenaires sociaux européens ont récemment déclaré conjointement que des travaux supplémentaires devaient être entrepris dans le domaine du renforcement des capacités. Ils ont signalé dans leur programme conjoint 2019-2021 que «les activités de renforcement des capacités demeurent une priorité pour les partenaires sociaux européens. Ils reconnaissent que, pour que le dialogue social européen ait un impact positif, il reste beaucoup à faire pour renforcer et soutenir le dialogue social à tous les niveaux.»JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, paragraphes 3.23 et 3.24.

(9)  En particulier en ce qui concerne le respect des compétences des partenaires sociaux.

(10)  Ratifiée par dix États membres qui disposent tous d’un système légal de salaire minimal.

(11)  OCDE, «Stratégie pour l’emploi 2018», p. 143, «Achieving higher convergence» (Parvenir à une convergence accrue).

(12)  Voir JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, paragraphe 6.13, et An overview of the 2020-2021 country-specific recommendations (CSRs) in the social field [Aperçu des recommandations par pays (RPP) dans le domaine social pour la période 2020-2021].

(13)  AMECO en ligne.

(14)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.5.

(15)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 1.

(16)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 65.

(17)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 243.

(18)  Affaire C-115/14.

(19)  Réf. à la convention 94 de l’OIT et aux JO C 429 du 11.12.2020, p. 197 et JO C 429 du 11.12.2020, p. 136.

(20)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 197, paragraphe 6.4, et JO C 429 du 11.12.2020, p. 136, paragraphe 4.10.

(21)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 6.4.1.


ANNEXE

Le contravis suivant, qui a recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

1.   Conclusions

1.1.

Dans l’avis SOC/632 sur «Des salaires minimum décents dans toute l’Europe» qu’il a rendu récemment, le CESE a reconnu que le terrain juridique sur lequel doit se situer une initiative de l’Union européenne relative aux salaires minimum présente une haute complexité. L’Union peut adopter des instruments juridiques concernant les conditions de travail sur la base des articles 151 et 153, paragraphe 1, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lequel précise par ailleurs que les dispositions de l’article 153 ne s’appliquent pas aux «rémunérations». Par ailleurs, il existe une jurisprudence de l’UE et des directives en vigueur qui ont traité desdites rémunérations, en tant qu’elles constituent une condition de travail essentielle. Les avis sur cette question présentent des divergences manifestes, et le CESE reconnaît que la Commission européenne devra adopter une approche équilibrée et prudente (1), tandis que des voix toujours plus nombreuses s’élèvent pour demander à la Commission d’agir par la voix d’une recommandation du Conseil plutôt que d’une directive (2).

1.2.

Le CESE a également fait valoir (3) qu’il importe que toute action de l’UE soit fondée sur une analyse et une appréhension précises de la situation et des sensibilités présentes dans chacun des États qui la composent, et qu’elle respecte le rôle et l’autonomie des partenaires sociaux, ainsi que les différents modèles de relations sociales. Il est également crucial que toute initiative de sa part préserve les modèles qui ont cours dans les États membres où les partenaires sociaux ne considèrent pas que des salaires minimum légaux soient nécessaires.

1.3.

Le CESE expose ci-après les raisons pour lesquelles la proposition de la Commission (4) relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne ne procède pas de l’approche équilibrée et prudente préconisée, et explique en quoi l’on ne saurait considérer qu’elle soit fondée sur une analyse précise ni sur le plein respect de l’autonomie des partenaires sociaux et des différents modèles de relations sociales, ainsi que le Comité l’avait réclamé.

2.   Observations générales

2.1.

Les salaires, y compris minimum, représentent un rouage important du modèle d’économie sociale de marché qui a cours dans l’Union européenne. Garantir que des salaires minimum décents existent dans l’ensemble des États membres contribuerait à réaliser bon nombre des objectifs de l’UE, qu’il s’agisse de parvenir à une convergence des rémunérations par le haut, d’augmenter la cohésion économique et sociale, d’éliminer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes, d’améliorer les conditions de vie et de travail en général, ou encore de garantir un environnement de concurrence loyale dans le marché unique. Les salaires constituent la rémunération du travail accompli et représentent l’un des éléments qui sont mutuellement bénéfiques pour les entreprises et les travailleurs. Ils sont liés à la situation économique propre à chaque pays, région ou secteur. Tout changement effectué en la matière peut avoir des répercussions pour l’emploi, la compétitivité et la demande macroéconomique (5).

2.2.

Le CESE rappelle ici que les travaux qu’il a menés précédemment (6) sur le thème des salaires minimaux ont fait apparaître qu’il existait en son sein des divergences de vues à ce sujet. Certains membres du CESE défendent l’idée que tous les travailleurs de l’UE devraient être protégés par des salaires minimum équitables, grâce auxquels ils puissent bénéficier d’un niveau de vie décent quel que soit l’endroit où ils travaillent. D’autres membres du CESE estiment quant à eux que la fixation de salaires minimum constitue une compétence de l’échelon national, qui doit s’exercer en conformité avec les spécificités du système en vigueur dans le pays concerné.

2.3.

Le CESE avait déjà exprimé sa conviction (7) qu’il y a lieu de consentir des efforts supplémentaires en matière de convergence des rémunérations et d’établissement de salaires minimum dans les États membres, tout en soulignant que les compétences clés et l’autonomie des partenaires sociaux nationaux en ce qui concerne les processus de fixation des salaires doivent être pleinement respectées, conformément aux pratiques nationales (8). Ces efforts devraient également viser au renforcement de la négociation collective, qui contribuerait elle aussi, d’une manière générale, à une plus grande équité salariale.

2.4.

Le CESE souligne que le niveau du salaire minimum est un outil essentiel de la politique économique, et que les décisions qui s’y rapportent doivent demeurer du ressort des États membres, afin qu’il puisse être tenu compte avec flexibilité des évolutions de leur contexte politique, économique et social.

2.5.

Comme la Commission l’a indiqué dans l’exposé des motifs accompagnant les mesures qu’elle propose, les États membres où la couverture des négociations collectives est importante obtiennent de meilleurs résultats que d’autres dans le sens où les salaires y sont plus élevés, et les travailleurs à bas salaires moins nombreux. Le CESE est d’avis que le succès de ces modèles de négociation collective peut s’expliquer par le fait que l’État n’intervient ni dans la définition des critères applicables aux conventions collectives ni dans le contrôle de leur application, et que les partenaires sociaux sont pleinement responsables et autonomes en ce qui concerne ces deux aspects.

La pandémie de COVID-19

2.6.

Dans son avis SOC/632, le CESE faisait déjà valoir que l’Europe a été durement frappée par la pandémie de COVID-19. L’Union européenne et ses États membres restent pour l’heure confrontés à une récession économique d’une ampleur historique, dont les conséquences sont dramatiques pour la population comme pour les entreprises (9). Depuis lors, la situation s’est dégradée plus qu’elle ne s’est améliorée. Les investissements des entreprises restent en berne.

2.7.

Nous ne percevons pas encore toute l’ampleur des retombées qu’aura la crise de la COVID-19 sur l’emploi, mais l’on s’attend à l’évidence à ce que la crise actuelle entraîne des hausses significatives du chômage durant l’année à venir. La crise de la COVID-19 a dégradé la situation financière de nombreuses PME, les rendant plus vulnérables à des augmentations des coûts. La situation est similaire partout en Europe.

Les effets sur l’emploi

2.8.

Le CESE a déjà pointé du doigt (10) une autre source de préoccupation, à savoir qu’une politique européenne en matière de salaire minimum légal pourrait avoir des effets négatifs sur l’emploi (11), en particulier pour les jeunes et les travailleurs peu qualifiés, et multiplier les cas de non-respect de la législation, de sorte que bon nombre de personnes faiblement rémunérées pourraient être rejetées vers le secteur informel (12). Le travail non déclaré mène à une concurrence déloyale, il affaiblit les systèmes sociaux et fiscaux, et il transgresse les droits des travailleurs, y compris les droits à des conditions de travail décentes et à un salaire minimum. Le CESE regrette que la Commission européenne n’ait pas procédé à une évaluation complète de l’impact de sa proposition sur l’emploi et l’économie au sens large. Une directive relative aux salaires minimaux est particulièrement pénalisante dans la situation actuelle, au moment où nos économies et nos sociétés se trouvent aux prises avec le défi sans précédent de la COVID-19.

3.   Observations sur la proposition de la Commission

3.1.    Base juridique

3.1.1.

Il est indiqué dans la proposition de la Commission (13) que la proposition de directive est fondée sur l’article 153, paragraphe 1, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

3.1.2.

Le CESE fait observer que l’article 153, paragraphe 5, du TFUE dispose expressément que la compétence législative de l’UE en matière de politique sociale ne s’étend pas aux «rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out». Ces questions relèvent donc entièrement de la compétence de l’échelon national.

3.1.3.

Au sein du CESE, des divergences de vues existent quant à la légitimité que présenterait une quelconque initiative juridique lancée par l’Union européenne sur la base de l’article 153, en particulier s’il s’agissait d’une directive (14). Le CESE a déjà indiqué (15) que l’une de ses principales préoccupations était que l’UE ne dispose pas de compétences pour agir en matière de «rémunérations», notamment sur le niveau de celles-ci, et qu’une telle intervention pourrait entrer en interférence avec l’autonomie des partenaires sociaux et affaiblir les mécanismes de négociation collective, en particulier dans les États membres où les seuils salariaux minimum sont fixés par voie de conventions collectives. En ce qui concerne la valeur ajoutée que pourrait produire une action de l’Union européenne, qui plus est, les avis divergent aussi, y compris au sein du Comité, dont certaines composantes, majoritaires, estiment que cette valeur pourrait être réelle, tandis que d’autres pensent le contraire. En tout état de cause, et sachant que la fixation de salaires minimaux est une compétence nationale, l’UE devrait, dans toute initiative législative, user de circonspection dans l’exercice de ses pouvoirs législatifs afin de respecter pleinement le principe de subsidiarité.

3.1.4.

En outre, pour ce qui concerne la base juridique, d’autres dispositions contenues dans la proposition font référence à des droits collectifs, par exemple à l’article 4 où il est question de promouvoir les conventions collectives par divers moyens. Le CESE relève que le TFUE comporte une base juridique spéciale à son article 153, paragraphe 1, point f), qui porte sur la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion, sous réserve du paragraphe 5. L’UE n’est compétente pour légiférer sur cette base que moyennant une décision unanime. Le CESE est d’avis que c’est cet article qu’il aurait fallu invoquer à l’appui des dispositions relatives à la promotion des négociations collectives.

3.1.5.

À la lumière des préoccupations susmentionnées, et ce d’autant plus qu’à de multiples reprises, les formules utilisées dans le titre de la proposition, dans le titre et le libellé de certains articles ainsi que dans le préambule ne sont pas parfaitement cohérentes au regard du champ d’application effectif de la proposition à l’examen, la Commission devrait envisager de publier une recommandation plutôt qu’une directive. Cette solution offrirait aux États membres une flexibilité dont ils auraient bien besoin pour atteindre les objectifs énoncés dans la proposition, tout en respectant leurs systèmes de formation des salaires et l’autonomie des partenaires sociaux.

3.2.    Objet et champ d’application

3.2.1.

L’article premier dispose que les travailleurs devraient bénéficier de l’«accès à la protection offerte par des salaires minimaux» en vertu soit de la loi, soit d’une convention collective. Conformément à l’article 2, la directive s’appliquerait aux travailleurs qui ont un contrat de travail ou une relation de travail au sens de la législation, des conventions collectives ou de la pratique en vigueur.

3.2.2.

Aucun État membre ni aucun travailleur n’est exclu du champ d’application de la directive. Dans les pays qui dépendent exclusivement de la négociation collective, où tous les travailleurs ne sont pas couverts par des salaires minimaux et, par conséquent, ne bénéficient pas d’un accès garanti à la protection offerte par un salaire minimal, ces dispositions se traduisent par une insécurité juridique significative qui est inacceptable. Le CESE craint que la directive ne puisse être interprétée, y compris dans le cas des pays qui dépendent exclusivement de la négociation collective, en ce sens qu’elle garantirait à tous les travailleurs des droits à la protection offerte par des salaires minimaux. En dépit des assurances données à l’article premier, paragraphe 3, une telle interprétation entrerait directement en interférence avec la couverture par les salaires minimaux dans les États membres, et pousserait ces pays à s’orienter vers une application générale des conventions collectives. Leurs modèles de marché du travail s’en trouveraient fragilisés, et ils se verraient contraints d’en changer à plus long terme.

3.2.3.

Le CESE recommande que certaines dispositions et certains concepts de la proposition (16) soient formulés de manière plus précise afin de ne laisser aucune place à l’incertitude ou à une interprétation par la CJUE. L’objet et le champ d’application de l’article 1er et de l’article 2 visent tous les États membres, y compris les pays dans lesquels existe un système d’autoréglementation via la négociation collective. Comme indiqué précédemment, dans les pays qui dépendent exclusivement de la négociation collective, ces dispositions laissent place à une insécurité juridique. Il conviendrait par ailleurs de procéder à quelques ajustements pour certains cas particuliers qui devraient être exclus du champ d’application de la proposition, comme les gens de mer, pour qui la fixation des salaires est régie par des conventions internationales (17).

3.3.    Définitions

3.3.1.

L’article 3 n’opère aucune distinction entre les salaires minimaux légaux et les salaires minimaux, ou plutôt les planchers salariaux, visés par les conventions collectives.

3.3.2.

Tout en admettant qu’il soit nécessaire, dans les systèmes prévoyant des salaires minimaux légaux, de définir des critères pour en évaluer le caractère adéquat, lesquels sont établis au niveau national en concertation avec les partenaires sociaux, le CESE conteste le traitement identique qui est réservé aux deux types de salaires minimaux dans la proposition de directive. Dans le cas des systèmes qui dépendent de la négociation collective, le fait de réglementer le caractère adéquat des salaires minimaux contrevient à l’autonomie des partenaires sociaux.

3.3.3.

Le CESE rappelle que, dans les modèles reposant sur les conventions collectives, les salaires minimaux sont déterminés dans le cadre de négociations entre les employeurs et les travailleurs, lesquelles portent aussi de manière plus générale sur les salaires et les conditions de travail. Cela signifie par exemple que, dans ces situations, le «caractère adéquat» est par définition mis en balance au regard d’autres intérêts et d’autres aspects de la convention collective, alors que les salaires minimaux légaux sont de nature exogène.

3.4.    Promotion des négociations collectives en vue de la fixation des salaires

3.4.1.

L’article 4 exige des États membres qu’ils prennent des mesures pour renforcer les capacités des partenaires sociaux à s’engager dans des négociations collectives en vue de la fixation des salaires au niveau sectoriel ou interprofessionnel. Un seuil de 70 % est proposé pour la couverture par les négociations collectives.

3.4.2.

Le CESE a souligné dans son avis précédent sur cette question (18) que des systèmes performants de négociation collective, en particulier à l’échelle sectorielle, jouent un rôle crucial pour garantir que les rémunérations soient équitables et appropriées sur toute l’étendue de la grille salariale, y compris en ce qui concerne les salaires minimum légaux, lorsqu’ils existent.

3.4.3.

Le CESE insiste sur la nécessité de garantir qu’il appartienne à chaque État membre, compte tenu des conditions nationales et conformément à leurs systèmes respectifs de relations sociales, de déterminer, premièrement, ce qu’est l’objectif de couverture approprié et, deuxièmement, quelles mesures devraient être prises au niveau national dans l’éventualité où son niveau baisserait en dessous de l’objectif défini par l’échelon national.

3.4.4.

Le CESE craint aussi que l’objectif contraignant qui est proposé (une couverture de 70 %) n’affaiblisse les partenaires sociaux sur le long terme puisque, dans certains pays, un moyen d’atteindre cet objectif serait de mettre en place un système d’extension automatique des conventions collectives à l’ensemble des entreprises et des travailleurs, ce qui marginaliserait les partenaires sociaux et affaiblirait la négociation collective.

3.5.    Caractère adéquat

3.5.1.

L’article 5, paragraphe 2, mentionne des critères nationaux auxquels les États membres doivent se référer pour fixer des salaires minimaux légaux. Parmi ces critères figurent par exemple le pouvoir d’achat, le taux de croissance des salaires bruts et l’évolution de la productivité de la main-d’œuvre. Il est indiqué au considérant 21 que l’utilisation d’indicateurs, tels que «60 % du salaire médian brut et 50 % du salaire moyen brut, peut aider à guider l’évaluation du caractère adéquat des salaires minimaux par rapport au niveau brut des salaires». Toutefois, ces indicateurs concernent plus généralement les aspects liés aux inégalités et non la protection des travailleurs plus vulnérables.

3.5.2.

Bien que la Commission s’en défende dans l’exposé des motifs, le CESE craint que la proposition ne soit destinée à influer sur le niveau du salaire minimal et, par conséquent, sur le niveau des rémunérations. Par ailleurs, l’exposé des motifs contient des déclarations précisant que la directive devrait permettre un niveau de vie décent, réduire la pauvreté au travail et créer des conditions de concurrence plus équitables. Le CESE estime que ces dispositions portent sur le niveau des salaires minimaux, ce qui ne fait que renforcer ses craintes quant à la validité de la base juridique et au choix de l’instrument juridique.

3.6.

Le CESE note que la proposition va au-delà des dispositions de l’article 18, paragraphe 2, de la directive 2014/24/UE sur les marchés publics. Selon cette disposition, les États membres veillent à ce que les opérateurs économiques respectent les obligations applicables en matière de droit du travail établies, entre autres, par les conventions collectives. Or, le terme «applicables» ne figure pas à l’article 9 de la proposition à l’examen. Cela donne à penser que l’article 9 prévoit de toujours tenir compte dans les marchés publics des salaires fixés dans les conventions collectives. Cela soulève la question de savoir si l’intention de la Commission est d’aller au-delà de la directive 2014/24/UE en exigeant dans tous les marchés publics un salaire conforme à une convention collective.

3.7.    Suivi et collecte de données

3.7.1.

L’article 10 exige des États membres qu’ils communiquent, entre autres éléments, des données sur la couverture des négociations collectives et le niveau des salaires minimaux. Les États membres doivent veiller à ce que les conventions collectives soient transparentes et accessibles au public, en ce qui concerne aussi bien les salaires que d’autres dispositions. Les salaires minimaux seront ensuite évalués par la Commission et le comité de l’emploi du Conseil.

3.7.2.

Dans les modèles de marché du travail qui reposent exclusivement sur la négociation collective, le caractère adéquat des salaires n’est pas examiné par l’État ni par un organisme gouvernemental. Ces accords sont gouvernés et interprétés par les seuls partenaires sociaux. Il serait inacceptable de soumettre à un examen le niveau des salaires prévu par les conventions collectives. Eu égard à l’autonomie des partenaires sociaux, il est tout aussi contestable de les obliger à rendre les conventions transparentes et accessibles au public de manière générale, dès lors notamment qu’ils sont les seuls à pouvoir en faire l’interprétation et l’examen. Le CESE rappelle également que les conventions collectives ne prévoient pas toujours un niveau minimum pour les salaires ou des planchers salariaux. Par ailleurs, les obligations de rapport demandent beaucoup de travail, et certains aspects des exigences relatives aux données sont impossibles à mettre en œuvre.

Résultat du vote:

Voix pour:

106

Voix contre:

147

Abstentions:

17


(1)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, Des salaires minimum décents dans toute l’Europe, https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/des-salaires-minimums-decents-dans-toute-leurope, voir le paragraphe 6.1.2.

(2)  Neuf États membres ont envoyé à la présidence allemande et à la présidence portugaise du Conseil de l’Union européenne une lettre portant sur la nécessité d’une analyse juridique, arguant qu’une recommandation du Conseil constituerait un meilleur instrument juridique et que la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux devrait respecter les limites des traités de l’UE.

(3)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.11.

(4)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne [SEC(2020) 362 final — SWD(2020) 245 final — SWD(2020) 246 final].

(5)  C 429 du 11.12.2020, p. 159, Des salaires minimum décents dans toute l’Europe, https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/des-salaires-minimums-decents-dans-toute-leurope, voir le paragraphe 1.4.

(6)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.2.

(7)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.3 et JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(8)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.3.

(9)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.1.

(10)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 3.4.8.

(11)  Sur la base du graphique A12.9, p. 197 de l’analyse d’impact de la Commission.

(12)  Eurofound (2019), Upward convergence in employment and socioeconomic factors («Convergence ascendante de l’emploi et des facteurs socio-économiques»).

(13)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne [SEC(2020) 362 final — SWD(2020) 245 final — SWD(2020) 246 final].

(14)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.8.

(15)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 1.9.

(16)  En particulier en ce qui concerne le respect des compétences des partenaires sociaux.

(17)  Convention du travail maritime de l’OIT (OIT, MLC, 2006).

(18)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 159, paragraphe 3.3.10.


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/118


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «La résilience des matières premières critiques: la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité»

[COM(2020) 474 final]

(2021/C 220/17)

Rapporteur:

Dumitru FORNEA

Corapporteur:

Michal PINTÉR

Consultation

Commission européenne, 23.9.2020

Base juridique

Article 304 du TFUE

Décision de l’assemblée plénière

28.10.2020

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

5.3.2021

Adoption en session plénière

25.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

258/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La communication de la Commission européenne constitue un pas en avant et fournit une feuille de route claire, comprenant des initiatives et des mesures à prendre au niveau de l’UE, et le CESE recommande donc au Parlement européen et au Conseil de soutenir cette approche visant à améliorer la résilience des matières premières critiques de l’UE.

1.2.

Le CESE est convaincu que les mesures proposées par la Commission européenne peuvent contribuer à la sécurité de l’approvisionnement en matières premières critiques et, partant, au maintien et au développement d’une base industrielle et technologique dans l’UE. Elles peuvent également promouvoir les capacités essentielles de recherche et de développement, qui nous permettent de mettre en œuvre les objectifs ambitieux du pacte vert pour l’Europe tout en garantissant de nouveaux emplois durables et décents et, dans le même temps, une transition équitable dans les communautés touchées par les mutations industrielles.

1.3.

Le CESE soutient pleinement la transition écologique du secteur de l’énergie et considère que l’extraction des matières premières nécessaires au déploiement des technologies vertes constitue une étape fondamentale. Ces matériaux, tels que les métaux et les minéraux, sont les éléments de base de la création d’infrastructures solides pour la fourniture d’hydrogène ou d’électricité verte. La production d’énergies vertes et de vecteurs d’énergie verte permettra la décarbonation de l’industrie extractive et de transformation, créant ainsi une situation avantageuse pour tous.

1.4.

L’exploration minière est une activité à haut risque qui augmente considérablement les coûts du capital. Réduire les risques par le biais de garanties de prêts et de régimes d’amortissement peut grandement favoriser les investissements. Parmi les autres incitations fiscales figurent les crédits d’impôt et les aides d’État. Si ces mécanismes sont largement utilisés à l’échelle mondiale pour l’extraction minière et le traitement, ils sont peu répandus dans l’UE. Toutefois, en Europe, il existe une exception –la Finlande — qui a mis en place un soutien national sous la forme de fonds de garantie contre les risques. Des initiatives similaires devraient être lancées au niveau européen.

1.5.

Prenant pour référence les meilleures pratiques, techniques et technologies actuelles, le CESE propose que l’UE définisse une procédure d’autorisation rationalisée pour les activités minières. L’exemple de ce qui a été fait pour d’autres infrastructures critiques, telles que les réseaux d’énergies renouvelables, entre autres, a ouvert la voie à une confiance accrue dans les processus rationalisés. Un processus rationalisé ne préjuge pas de l’issue d’un processus décisionnel, mais vise à améliorer les délais, la prévisibilité et la transparence des procédures d’analyse environnementale et d’autorisation des projets d’infrastructure mis en œuvre au moyen de cette méthode.

1.6.

Le CESE estime qu’il est de la plus haute importance de disposer d’instruments de financement adéquats qui facilitent la transition écologique pour les secteurs de l’extraction et de la transformation de minerais. Dans le même temps, il est essentiel d’investir (par exemple dans le cadre d’Horizon 2020) dans le recyclage des matières premières critiques et stratégiques.

1.7.

Le CESE a déjà reconnu l’importance de la circularité pour l’économie de l’UE. Il est essentiel pour l’économie circulaire de boucler la boucle du cycle des matériaux en Europe. Par conséquent, l’exportation de déchets contenant des matières précieuses dont la transformation dans l’UE pourrait contribuer à réduire ses émissions de gaz à effet de serre devrait faire l’objet d’une évaluation minutieuse et ne devrait avoir lieu que lorsque cela est utile en termes de durabilité. Aussi le CESE soutient-il une révision rapide et efficace des instruments existants, tels que le règlement sur les transferts de déchets.

1.8.

Le CESE estime que la proposition visant à recenser l’offre potentielle de matières premières critiques secondaires provenant des stocks et des déchets de l’UE est essentielle pour améliorer la résilience des matières critiques de l’UE. Par conséquent, il invite la Commission à faire de cet exercice de recensement une priorité et à le réaliser d’ici la fin de 2021, au lieu de l’échéance actuellement envisagée de 2022.

1.9.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de supprimer les obstacles dans la législation et la réglementation relatives à l’utilisation et au transport intérieurs de matières premières secondaires. Toutefois, les questions d’environnement, de santé et de sécurité concernant le commerce des flux dangereux de ces matières doivent faire l’objet d’un suivi attentif et la législation y afférente doit être rigoureusement mise en œuvre. Il convient de trouver un équilibre entre la rigueur et la rapidité des procédures, afin que le transport, le recyclage et la réutilisation des matières premières secondaires ne soient pas entravés à l’intérieur de l’UE. Il existe de nombreux exemples de situations où les possibilités de recyclage sont freinées par les formalités (1).

1.10.

Le CESE souligne qu’il importe d’intégrer de nouvelles dimensions dans la méthodologie utilisée pour l’évaluation régulière de la liste des minéraux critiques. Afin d’évaluer la «dimension éthique», il conviendrait de définir des critères appropriés pour vérifier si les chaînes d’approvisionnement mondiales de ces types de matières premières sont conformes aux principes éthiques. Ces derniers devraient tenir compte de la déclaration universelle des droits de l’homme (2), des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (3), y compris les droits fondamentaux du travail de l’OIT, de la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui comprend les normes fondamentales du travail, et de la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale (4), ainsi que des ODD des Nations unies (5). En outre, il convient de tenir compte de la situation du commerce et du marché mondial des matières premières, en améliorant l’évaluation des conditions commerciales associées à chaque matière première. L’approche réellement suivie par la méthode d’évaluation des obstacles au commerce est un indicateur très approximatif. L’existence d’obstacles au commerce et d’oligopoles devrait être mieux prise en considération.

1.11.

Le CESE souligne la nécessité d’une coordination entre les systèmes nationaux d’éducation, de formation, de reconversion professionnelle et de certification, en vue de réserver et d’allouer des capacités suffisantes pour former des spécialistes dans les domaines qui contribuent à renforcer la résilience des matières premières critiques et stratégiques. L’UE doit améliorer la formation des spécialistes en fonction des évolutions accélérées qui se produisent dans le cadre de la révolution numérique et offrir des possibilités professionnelles à ceux qui participent à la sécurité de l’approvisionnement et du traitement de ces minerais essentiels au fonctionnement des économies avancées.

1.12.

Le CESE, dans le contexte des politiques visant à renforcer la résilience des matières premières critiques et stratégiques, souligne qu’il importe que l’UE dispose sur son territoire de capacités technologiques et industrielles lui permettant de remplacer ces minerais en cas de pénurie persistante. Il est nécessaire de renforcer le rôle des institutions européennes concernées dans la planification d’investissements importants et constants dans les programmes de R&D afin de découvrir de nouveaux matériaux et processus capables d’assurer une substitution justifiée.

1.13.

Le CESE demande à la Commission européenne de tenir compte, de manière convaincante et respectueuse, des besoins et aspirations des pays en développement fournisseurs de matières premières, en encourageant et en soutenant les entreprises qui déploient leurs activités clairement dans le respect des intérêts économiques, sociaux et écologiques de ces pays et de leur population. La Commission devrait concevoir une formule de «conditions de concurrence en partenariat», qui favorise la confiance, la durabilité, la sécurité, la fiabilité et le respect mutuel, dans l’intérêt commun des partenaires commerciaux.

1.14.

Le CESE souligne l’importance d’élargir la définition et le paradigme des matières premières critiques. Traditionnellement, on considère comme matières premières critiques des matières provenant principalement du secteur minier. Ce champ d’application est trop restreint et limite la croissance des énergies vertes. Aujourd’hui, les matériaux dérivés du bois peuvent être utilisés efficacement dans bien plus d’applications que par le passé. Du textile aux nouvelles technologies de batteries plus légères et plus respectueuses de l’environnement, il s’agit d’un domaine qui progresse très rapidement. La bioéconomie offre des possibilités uniques d’accroître la résilience de l’économie de l’UE et la stabilité géopolitique de notre continent. L’utilisation de matériaux renouvelables contribuerait également à atténuer le changement climatique, car elle permettrait de maintenir dans le sol les sources d’émissions fossiles, créant ainsi une résilience verte aux secteurs des énergies fossiles.

2.   Contexte

2.1.

Le secteur des matières premières fournit environ 350 000 emplois dans l’UE, mais plus de 30 millions d’emplois dans les industries manufacturières en aval dépendent d’un accès fiable et sans entrave aux matières premières minérales. En 2018, la dépendance de l’UE à l’égard des importations de métaux oscillait entre 75 % et 100 % selon les métaux, et plus de la moitié des besoins énergétiques de l’UE étaient couverts par des importations nettes. Les prix des matières premières sont extrêmement volatils et les ressources représentent la plus grande part des coûts des intrants de l’industrie (6). Néanmoins, les industries de l’UE qui dépendent des matières premières ont dégagé 206 milliards d’EUR de valeur ajoutée (7).

2.2.

La Banque mondiale prévoit que l’ambition climatique entraîne une augmentation en parallèle de la demande de métaux et de minéraux. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit que l’utilisation mondiale de matières doublera d’ici à 2060. L’utilisation de métaux devrait augmenter de 150 %, passant de 8 milliards de tonnes aujourd’hui à 20 milliards de tonnes d’ici à 2060. L’OCDE estime également que l’utilisation accrue des matières, et des processus d’extraction et de transformation qui y sont associés, est très susceptible d’accroître la pression sur les ressources de la planète et de mettre en péril les gains de bien-être. Cette évolution pourrait causer des problèmes environnementaux et sociaux, tels que de la pollution et des pertes de biodiversité et de terres.

2.3.

L’UE produit moins de 5 % de la production mondiale de matières premières minérales. La Chine fournit à elle seule 66 % des batteries au lithium finies, alors que l’UE en fournit moins de 1 %. À l’échelle mondiale, l’UE produit moins de 1 % des piles à combustible et 1 % des matières premières destinées à l’énergie éolienne (8). La Chine occupe une position quasi monopolistique pour les composants photovoltaïques (PV). L’UE fournit quant à elle 1 % des assemblages photovoltaïques à base de silicium. 44 matériaux sont importants pour l’industrie robotique; l’UE ne produit que 2 % d’entre eux, alors que la Chine en fournit 52 %.

2.4.

Le succès de l’Union dans la transformation de son économie et la réalisation des objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030 et 2050 dépendent de l’approvisionnement durable en matières premières essentielles et stratégiques. Les minerais, les métaux et les matériaux avancés sont essentiels à l’énergie propre, aux technologies vertes et à la mobilité. Sans eux, la mise en œuvre et les progrès des technologies propres et numériques seront retardés, de même que la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030. L’UE doit agir pour réduire sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur, diversifier ses chaînes d’approvisionnement et investir dans des installations de recyclage. Si elle n’y parvient pas, la survie des emplois et des industries européennes sera compromise.

3.   Actions de la Commission dans le domaine des matières premières

3.1.

Le 3 septembre 2020, la Commission européenne a publié sa communication intitulée «Résilience des matières premières critiques: la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité», qui présente dix actions visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières. Elle souligne l’importance de parvenir à une autonomie stratégique ouverte dans l’Union grâce aux éléments suivants: la diversification de l’approvisionnement auprès des pays tiers; la réduction de l’extrême dépendance grâce à la circularité et à l’utilisation rationnelle des ressources ainsi qu’à l’extraction et au traitement dans l’UE; l’augmentation de la capacité d’approvisionnement au sein de l’UE; la mise en place de chaînes d’approvisionnement résilientes pour les écosystèmes industriels de l’UE; le renforcement d’un approvisionnement durable et responsable; la création d’une alliance pour les matières premières et l’instauration de programmes de R&D; l’accroissement des possibilités de financement; un renforcement des compétences en matière d’exploitation minière; un développement de la capacité d’exploration; l’évaluation des incidences sur l’environnement; la promotion des échanges commerciaux et des partenariats internationaux.

3.2.

Le 11 mars 2020, la publication de la communication de la Commission européenne intitulée «Un nouveau plan d’action pour une économie circulaire — Pour une Europe plus propre et plus compétitive» a souligné l’importance de créer un marché des matières premières secondaires et de tenir compte de l’approvisionnement éthique en matières premières et de leur sécurité d’approvisionnement.

3.3.

Le 10 mars 2020, la communication de la Commission intitulée «Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe» a souligné l’importance de toutes les chaînes de valeur industrielles dans l’UE. Un approvisionnement sûr en énergie et en matières premières propres et abordables constitue une étape essentielle vers la réduction de l’empreinte carbone industrielle, ce qui accélère la transition.

3.4.

Le 11 décembre 2019, la Commission européenne a présenté sa communication intitulée «Le pacte vert pour l’Europe», qui constitue la nouvelle stratégie de croissance de l’UE pour transformer l’économie actuelle en une économie efficace dans l’utilisation des ressources, compétitive et neutre pour le climat. Elle souligne l’importance d’une sécurité stratégique de l’accès aux ressources pour la mise en œuvre du pacte vert. La transition nécessitera un approvisionnement durable en toutes les matières premières nécessaires aux technologies propres et numériques.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE salue et soutient les efforts et actions de la Commission européenne visant à renforcer la sécurité de l’approvisionnement en matières premières. Les avis adoptés au cours des quinze dernières années par la commission consultative des mutations industrielles du CESE, ainsi que les travaux menés conjointement sur cette question avec la Commission, confirment l’intérêt et l’engagement de la société civile organisée de l’UE pour la poursuite du développement du partenariat européen concernant les matières premières.

4.2.

À cet égard, il est nécessaire de présenter des propositions et des actions concrètes pour pouvoir progresser sur la voie d’une plus grande sécurité et d’une durabilité accrue, comme le prévoit la communication de la Commission européenne sur les matières premières critiques. En outre, le CESE invite la Commission à envisager des mesures appropriées pour toutes les matières premières qui présentent un intérêt pour l’industrie et l’économie de l’UE, afin d’éviter de nouvelles dépendances.

4.3.

L’initiative «Matières premières», lancée par la Commission européenne en 2008, a ouvert la voie à une action structurée et coordonnée au niveau des institutions européennes concernées, tant pour sensibiliser les citoyens européens à la nécessité d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en matières premières critiques et stratégiques pour les industries européennes que pour réaliser des actions concrètes à cet égard au niveau de l’UE et des États membres.

4.4.

La plate-forme technologique européenne pour des ressources minérales durables (officiellement reconnue en 2008), le partenariat d’innovation européen concernant les matières premières (2012), la communauté «Matières premières» de l’Institut européen d’innovation et de technologie (2015), l’alliance européenne pour les batteries (2017), l’alliance européenne pour les matières premières (septembre 2020) ou les activités annuelles menées dans le cadre de la Semaine européenne des matières premières ont représenté des initiatives fructueuses de la Commission et d’importants outils de travail de l’Union européenne dans le cadre de ses efforts soutenus pour identifier les solutions technologiques, législatives et administratives nécessaires à l’adoption d’un plan d’action cohérent de l’UE sur les matières premières. Toutefois, ces initiatives auraient pu être renforcées et le CESE demande à la Commission de procéder à des évaluations rigoureuses du travail, des résultats et de l’efficacité des plateformes appartenant à cette alliance et de fournir les résultats au CESE sur une base régulière (annuelle). En tant que représentant de la société civile, le CESE doit savoir si cette approche donne effectivement des résultats tangibles, s’agissant de progresser sur l’objectif de résilience des matières premières et de le réaliser.

4.5.

La communication de la Commission a avant tout une portée européenne, ce qui est parfaitement compréhensible, étant donné que la question centrale est celle de l’approvisionnement en matières premières de l’économie de l’Union. Toutefois, le CESE estime que la Commission devrait tenir compte des besoins et des intérêts des citoyens et des économies des pays d’exportation de matières premières vers l’Europe, d’autant plus qu’elle fait fréquemment référence aux «valeurs européennes», à la «responsabilité mondiale» et aux «objectifs de développement durable» à l’échelle mondiale. Il importe également de tenir compte du fait que les pays tiers de l’Espace économique européen sont riches en ressources minérales et que les stratégies relatives aux matières premières, les partenariats stratégiques et l’accès aux instruments financiers pour la transition écologique du secteur minier devraient également être mis à la disposition de ces pays.

4.6.

L’objectif de renforcer la résilience de l’UE par rapport aux matières premières critiques et stratégiques est intrinsèquement lié aux efforts de l’Union pour maintenir une base industrielle et technologique solide qui soit en phase avec la révolution numérique et les défis mondiaux du changement climatique et de la protection de l’environnement. Il est essentiel que la démarche de l’UE soit couronnée de succès. Le CESE a déjà souligné par le passé que «Les panneaux solaires, les parcs éoliens et les batteries sont des éléments essentiels de notre nouveau paradigme industriel. Ceux-ci nécessitent toutefois des matières premières contrôlées par nos concurrents sur la scène internationale. La politique industrielle doit aller de pair avec une politique commerciale et étrangère ferme, qui doit à son tour garantir l’accès à ces ressources.» (9)

4.7.

Les politiques relatives aux matières premières doivent contribuer positivement, conjointement avec d’autres politiques, à assurer l’approvisionnement des industries européennes, à répondre à la demande de produits et de services de l’UE, à respecter l’environnement et à limiter l’impact des activités humaines sur le climat, ainsi qu’à créer des emplois décents. Ces avantages — économiques, environnementaux et sociaux — devraient être répartis de manière uniforme dans l’ensemble de l’UE. Il importe de ne pas se concentrer uniquement sur les matières premières classées comme «critiques» selon la méthode proposée par la Commission européenne. Il convient de reconnaître l’importance stratégique des matières premières qui constituent un élément essentiel de nombreuses chaînes de valeur d’approvisionnement et dont l’exploitation et l’extraction sont également vecteur de matières premières critiques.

4.8.

La demande constante et prévisible de l’UE en matières premières critiques et stratégiques est une condition essentielle au renforcement des relations commerciales et des chaînes d’approvisionnement au niveau intérieur et mondial. Étant donné que la demande de matières premières ne cesse de croître, l’UE devrait également continuer à renforcer sa capacité à s’approvisionner au niveau national et international. La fiabilité et la prévisibilité des chaînes d’approvisionnement sont essentielles pour maintenir la production industrielle et les infrastructures connexes dans les États membres, mais constituent aussi une condition préalable nécessaire au renforcement de la résilience de l’UE en ce qui concerne les matières premières critiques.

4.9.

Le besoin en matières premières critiques et stratégiques est l’un des indicateurs qui nous permettent d’évaluer et d’établir le type de capacité de production industrielle ainsi que les exigences en matière d’éducation, de formation, de reconversion professionnelle, d’apprentissage tout au long de la vie et de certification que nous devrions maintenir dans l’UE afin de faire face à la concurrence mondiale et d’éviter non seulement la dépendance à l’égard de certaines matières premières, mais aussi la subordination dans le domaine de l’innovation, de la recherche et du développement technologique.

4.10.

La capacité technologique et industrielle de remplacer les matières premières critiques est considérée comme essentielle pour renforcer la résilience, mais il n’est pas possible de l’atteindre dans un court laps de temps et sans investissement significatif et constant dans la recherche et le développement pour découvrir de nouveaux matériaux. Par comparaison avec l’évolution dynamique de la Chine, on pourrait dire que la résilience de l’UE par rapport aux matières premières critiques peut être renforcée par la mise en œuvre de projets ambitieux visant à interconnecter et à moderniser les infrastructures transeuropéennes dans les domaines des transports, de l’énergie et des TIC. Tout cela peut se faire dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, ce qui permettrait de maintenir une demande suffisamment élevée pour ces matières premières dans l’UE et, partant, de stabiliser les chaînes d’approvisionnement mondiales, en entraînant un afflux de nouveaux investissements, non seulement dans les industries qui transforment ces matières, mais aussi dans les programmes de R&D visant la substitution des matières premières critiques.

5.   Observations particulières

5.1.

La communication de la Commission constitue un pas en avant et fournit une feuille de route claire, comprenant des initiatives et des mesures à prendre au niveau de l’UE, et le CESE recommande donc au Parlement européen et au Conseil de soutenir cette approche visant à améliorer la résilience des matières premières critiques de l’UE.

5.2.

Si les investissements dans l’exploitation minière durable génèrent de l’approvisionnement, des emplois et des progrès économiques, ils doivent également garantir des améliorations socio-économiques et environnementales en vertu de la responsabilité sociale des entreprises. La principale préoccupation est de trouver un équilibre entre la promotion d’une exploitation minière durable en Europe et la garantie de l’acceptation par le public. Il est primordial de sensibiliser les citoyens.

Pacte vert pour l’Europe, objectifs climatiques à l’horizon 2030 et 2050 et demande de matières premières

5.3.

Une économie propre et circulaire promet de réduire notre dépendance à l’égard des matières premières et de l’énergie importées, de réduire les incidences négatives sur la santé et l’environnement à l’échelle de l’UE, de développer de futurs modèles économiques et de créer davantage d’emplois locaux. Elle contribuera également à améliorer l’autosuffisance et à résoudre les problèmes de résilience qui ont été mis en évidence par la crise de la COVID-19, s’agissant des chaînes d’approvisionnement mondiales. Le CESE a déjà plaidé en faveur d’une stratégie claire selon laquelle «L’UE devrait devenir le leader mondial de l’économie circulaire et des technologies propres. Elle devra œuvrer à la décarbonation des industries à forte intensité énergétique.» (10)

5.4.

La communication de la Commission ne mentionne ni n’aborde l’exploitation minière des grands fonds (11), non plus qu’elle ne contribue à modifier la perception selon laquelle les industries extractives ne sont pas respectueuses de l’environnement. Or, elles le sont dans certains cas, lorsqu’elles adoptent des pratiques d’exploitation minière durables.

5.5.

La Commission laisse entendre que les déchets miniers sont riches en matières premières critiques et susceptibles de déboucher sur de nouvelles activités économiques. Des inconnues subsistent toutefois, à savoir quels seraient le niveau d’investissement nécessaire ainsi que le degré d’acceptation de telles activités par le public. Les possibilités économiques découlant de la présence de matières premières critiques dans les déchets miniers sont associées non seulement aux sites d’extraction du charbon, mais aussi à d’autres minerais tels que le fer, le zinc ou le nickel.

5.6.

Il est essentiel d’accroître les capacités de recyclage, d’extraction et de transformation des métaux pour développer les technologies vertes et propres nécessaires à la transition vers une énergie verte et, dans une plus large mesure, à la transition industrielle verte. La valorisation des matériaux stratégiques et critiques est essentielle, de sorte que des technologies innovantes de tri et de traitement des déchets doivent être déployées. Les deux voies d’approvisionnement internes de l’UE, à savoir l’extraction et la réutilisation, doivent être dûment encouragées et soutenues financièrement.

Liste des matières premières critiques de l’UE — méthode d’évaluation

5.7.

Sur la base des nouvelles évolutions technologiques, il conviendrait de procéder tous les deux ans à une révision de la liste des matières premières critiques pour l’UE. La Commission européenne mentionne le suivi des actions présentées dans la proposition actuelle. Des analyses d’impact sont nécessaires tout au long du processus, avec la possibilité de modifier/réglementer.

5.8.

La Commission souligne dans la communication à l’examen que la liste périodiquement évaluée des matières premières critiques est également utile pour favoriser un approvisionnement durable et responsable. Par conséquent, la méthodologie utilisée pour l’évaluation périodique de cette liste devrait être réévaluée sous l’angle du respect de la déclaration universelle des droits de l’homme (12), des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (13), y compris les droits fondamentaux du travail de l’OIT, de la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui comprend les normes fondamentales du travail, et de la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale (14), ainsi que des ODD des Nations unies (15).

5.9.

Les risques de violation des droits de l’homme, y compris les violations des droits de l’homme liées aux entreprises dans les CVM (16) ou de destruction environnementale dans les pays producteurs potentiels, doivent être effectivement pris en compte dans la méthodologie de l’évaluation périodique de la liste des matières premières critiques. Des critères appropriés doivent donc être trouvés et inclus dans la méthode d’évaluation. Cette démarche est primordiale, étant donné que le commissaire européen chargé de la justice travaille à l’élaboration d’une directive concernant l’obligation de vigilance raisonnable, qui doit être présentée au cours du premier semestre 2021.

5.10.

Traditionnellement, on considère comme matières premières critiques des matières provenant principalement du secteur minier, or elles couvrent un champ beaucoup plus vaste que cela. Par exemple, les matériaux dérivés du bois peuvent être utilisés efficacement dans bien plus d’applications que par le passé. Du textile aux nouvelles technologies de batteries plus légères et plus respectueuses de l’environnement, il s’agit d’un domaine qui progresse très rapidement. En outre, la bioéconomie offre des possibilités uniques d’accroître la résilience de l’économie de l’UE et la stabilité géopolitique de notre continent. L’utilisation de matériaux renouvelables contribuerait également à atténuer le changement climatique, car elle permettrait de maintenir dans le sol les sources d’émissions fossiles, créant ainsi une résilience verte aux secteurs des énergies fossiles.

Recenser les matières premières de l’UE

5.11.

La proposition visant à recenser l’offre potentielle de matières premières critiques secondaires provenant des stocks et des déchets de l’UE est essentielle pour améliorer la résilience des matières critiques de l’UE. Par conséquent, la Commission doit faire de cet exercice de recensement une priorité et le réaliser d’ici la fin de 2021, au lieu de l’échéance actuellement envisagée de 2022, en diffusant largement les données disponibles auprès des parties prenantes et des citoyens.

5.12.

Compte tenu du manque actuel de vue d’ensemble et d’informations sur la disponibilité des matières premières secondaires au sein de l’UE, il convient de réaliser en priorité le suivi des matières stratégiques et critiques, tant sectoriel que transsectoriel, notamment en utilisant des outils numériques et de mégadonnées.

Exploitation minière, compétences connexes et licence sociale d’exploitation

5.13.

Les activités d’exploitation et d’extraction de matières premières sont essentielles pour atténuer les risques liés à l’approvisionnement, par exemple en fournissant des matériaux pour le déploiement de technologies à faible intensité de carbone et pour l’agriculture, et en renforçant la résilience des chaînes de valeur manufacturières. Le secteur européen des minéraux peut garantir la disponibilité des matières essentielles nécessaires aux technologies actuelles et futures pour créer une économie neutre pour le climat, axée sur les services et le bien-être, circulaire et efficace dans l’utilisation des ressources, tout en s’approvisionnant en matières premières de manière durable et responsable.

5.14.

En outre, par comparaison avec les pays tiers, l’exploitation minière obéit en Europe aux normes environnementales et sociales les plus élevées. Le secteur, en Europe, s’est engagé à contribuer de manière substantielle à l’atténuation du changement climatique: il explore non seulement en permanence des méthodes de décarbonation afin de répondre de manière efficace et effective à la demande croissante de ressources, mais permet également à d’autres activités économiques d’améliorer leurs performances environnementales.

5.15.

En fait, il existe très peu d’exemples de pays en développement où les exportations de matières premières auraient déclenché un développement économique et social durable dont auraient bénéficié de larges pans de la population. Au contraire, elles sont souvent synonyme d’exploitation sociale et de pollution environnementale et, généralement, seul un petit nombre d’acteurs en profitent.

5.16.

Les matières premières ne doivent pas seulement servir à garantir la prospérité économique en Europe, mais également constituer le socle d’un développement économique durable dans les pays d’origine, c’est-à-dire qui soit compatible sur le plan social et respectueux de l’environnement. En ce sens, l’UE devrait devenir proactive et soutenir clairement tous les efforts imaginables des entreprises qui passent de la politique antérieure, consistant à garantir unilatéralement l’approvisionnement en matières premières les moins chères possible, à une nouvelle approche de «partenariat stratégique». Ce type de partenariat stratégique doit tenir compte, de manière équitable, des besoins et intérêts économiques, sociaux et écologiques tant des pays fournisseurs que des pays destinataires des matières premières et soutenir et promouvoir un développement socio-économique autonome dans les pays d’origine. En créant des «conditions de concurrence en partenariat», il sera possible d’atteindre un niveau élevé de confiance, de durabilité, de sécurité et de fiabilité dans les relations commerciales, au profit de l’intérêt commun et sur la base du respect mutuel.

5.17.

Il est toujours nécessaire de mettre en balance les problèmes environnementaux locaux et les avantages que ces projets pourraient apporter pour résoudre plus largement les problèmes liés au CO2 à l’échelle européenne et mondiale, tels que la demande de plus de cuivre, par exemple. Cette mise en balance devrait faire partie du processus de définition de la priorité accordée aux projets miniers en Europe. La détermination des priorités devrait également tenir compte de considérations économiques régionales.

5.18.

Il ne suffit pas d’avoir accès aux matières premières; encore faudrait-il que l’UE dispose d’installations de transformation de haute technologie. Le commissaire Breton a déclaré que «pour les matières premières critiques, l’objectif est que les capacités européennes d’extraction et de raffinage soient opérationnelles d’ici le début de la prochaine décennie», ce qui n’est pas suffisamment ambitieux. Par conséquent, le CESE recommande que l’UE encourage des investissements immédiats et des incitations réglementées communes pour les investisseurs. Afin d’accélérer l’acquisition par l’Europe d’une «autonomie stratégique» concernant les matières premières critiques, il convient d’envisager la mise en place d’un partenariat européen (Horizon Europe) ou d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC). Ce dernier devrait couvrir l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement en matières premières critiques: l’évaluation des sources minérales intérieures, l’extraction minière, la fusion, la transformation, le recyclage, la revalorisation. En effet, en ce qui concerne les batteries, la mise en place d’une chaîne de valeur des terres rares européenne pleinement intégrée revêtira une importance capitale pour la bonne mise en œuvre de la double transition verte et numérique.

5.19.

Quatre projets industriels clés dans le domaine de l’exploitation minière et de la transformation durables, pour un montant total de près de 2 milliards d’EUR, sont actuellement en cours en Europe. Ils devraient couvrir 80 % de nos besoins en lithium dans le secteur des batteries d’ici à 2025. Ces projets pourraient servir d’inspiration pour la couverture d’autres matières premières essentielles aux chaînes de valeur européennes dans de nombreux autres secteurs stratégiques.

5.20.

Le secteur utilise déjà l’automatisation, la numérisation, la technologie des chaînes de blocs et l’intelligence artificielle, mais il convient d’étudier la possibilité de recourir au programme Copernicus pour recenser de nouveaux sites de matières premières et surveiller l’empreinte environnementale. En outre, le CESE a déjà recommandé l’élaboration d’une feuille de route réglementaire de l’Union européenne visant à relever les défis posés par la transformation numérique du secteur des matières premières, qui porterait notamment sur la cybersécurité, l’intelligence artificielle, l’automatisation, la gouvernance à plusieurs niveaux et l’exploitation minière des fonds marins et de l’espace (17).

5.21.

Il convient de mettre au point de nouvelles méthodes d’extraction, de récupération et de production, qui devront satisfaire aux normes environnementales et sociales les plus élevées. L’exploitation des ressources dans les décharges et les résidus miniers de l’UE constitue une source potentielle de matières premières critiques. Dans le même temps, les spécialistes de l’environnement demandent instamment que les communautés locales soient associées au processus décisionnel concernant les futurs sites miniers.

5.22.

Les compétences minières peuvent être transférées vers l’exploitation des métaux et des minerais, éventuellement dans les mêmes régions. Le mécanisme pour une transition juste aidera les régions charbonnières et à forte intensité de carbone, grâce au financement d’infrastructures durables disponible dans le cadre d’InvestEU. Toutefois, il convient de prévoir du temps et des incitations pour les investisseurs, et d’adopter une législation sur des procédures d’autorisation plus rapides (un règlement de l’UE pourrait constituer une solution). Les normes en matière sociale, environnementale et de durabilité sont des exigences essentielles pour tous les futurs projets de l’UE.

5.23.

L’une des conditions essentielles à la mise en place de politiques locales efficaces en matière de contenu pour créer des emplois plus nombreux, plus écologiques et mieux rémunérés dans les pays riches en minerais est la disponibilité des compétences et des capacités requises pour répondre aux besoins de l’industrie tout au long du cycle de vie d’une mine. Il est également essentiel de développer de nouveaux ensembles de compétences et d’adapter ceux qui existent pour réagir rapidement aux évolutions technologiques. Des études récentes ont confirmé l’incidence probable que les nouvelles technologies auront sur la nature des emplois, soulignant que, dans le secteur minier, de nouvelles compétences seront nécessaires non seulement pour de nouvelles professions, mais aussi pour les professions existantes, étant donné que les emplois opérationnels actuels devront très probablement s’adapter à l’automatisation. Il convient d’éviter les licenciements grâce au dialogue social, en reformant les travailleurs et en veillant à ce qu’ils aient accès aux nouveaux postes et aux emplois créés par les nouvelles technologies et les procédés de recyclage.

5.24.

L’éducation, la formation, la reconversion professionnelle et la certification sont extrêmement importantes, et il est essentiel qu’elles passent par le dialogue social, pour l’avenir du secteur et l’acquisition des compétences nécessaires nécessite du temps et des financements. Des disciplines spéciales telles que la géologie, la métallurgie et l’exploitation minière pourraient être enseignées même au niveau du premier cycle des études supérieures.

Investissements

5.25.

L’exploration minière est une activité à haut risque qui augmente considérablement les coûts du capital. Réduire les risques par le biais de garanties de prêts et de régimes d’amortissement peut grandement favoriser les investissements. Parmi les autres incitations fiscales figurent les crédits d’impôt et les aides d’État. Ces mécanismes sont largement utilisés à l’échelle mondiale pour l’extraction minière et le traitement, mais pas dans l’UE.

5.26.

Il convient de développer et de concevoir un système efficace d’incitations financières afin de soutenir les transitions écologiques dans le secteur des déchets. En outre, des sanctions devraient être appliquées en cas d’utilisation abusive de ressources précieuses contenues dans les déchets.

5.27.

Pour garantir des conditions de concurrence équitables dans le domaine du commerce des matières premières, il est essentiel de renforcer la capacité de l’UE à lutter efficacement contre les obstacles tarifaires et non tarifaires déployés par nos partenaires internationaux, y compris dans le domaine du dumping et des marchés publics.

5.28.

Des investissements importants dans la R&D sont nécessaires pour que l’Europe conserve son rôle de chef de file dans les chaînes de valeur mondiales. Il est important qu’elle reste à la hauteur des autres puissances économiques, ce qui nécessite une coordination étroite des instruments relevant de différentes politiques, y compris la nouvelle stratégie industrielle et la politique commerciale de l’UE. La mise en œuvre du règlement relatif au filtrage des investissements directs étrangers prend de plus en plus d’importance pour protéger les chaînes de valeur stratégiques de l’UE.

5.29.

L’UE doit accorder une attention particulière au suivi des marchés mondiaux des matières premières ainsi qu’à l’évolution des chaînes d’approvisionnement stratégiques. Il convient de recueillir des informations fiables et complètes provenant de tous les États membres et de toutes les parties prenantes, au moyen de formats de déclaration normalisés.

5.30.

Les investissements liés à la transition verte réalisés par les entreprises de l’UE dans le secteur de l’extraction, de la transformation et du recyclage doivent soutenir les efforts industriels visant un engagement dans la transition et les progrès sur la voie de la réalisation des objectifs de neutralité climatique (18). Le secteur devrait bénéficier d’un accès aisé au financement durable, mais uniquement si ses investissements prévus, ses plans en matière de recherche et développement et ses projets de transformation industrielle démontrent une adhésion claire aux objectifs climatiques, au plein emploi productif, à une croissance économique durable et à un travail décent pour tous. Le CESE a déjà précisé dans un avis antérieur qu’«une finance durable devrait intégrer les dimensions environnementale, économique, sociale et de gouvernance dans une approche équilibrée, holistique et d’une portée générale. Elle devrait être cohérente avec l’ensemble des objectifs de développement durable et l’accord de Paris sur le changement climatique, en établissant des conditions minimales transversales incontournables» (19).

5.31.

En outre, les projets miniers présentant les mêmes engagements devraient également être soutenus et encouragés dans le cadre des PIIEC (projets importants d’intérêt européen commun) et des PIC (projets d’intérêt commun). L’évaluation de la contribution de ces investissements et projets visera également à repérer toute activité d’écoblanchiment ou information trompeuse.

Échanges commerciaux et dimension internationale

5.32.

Aujourd’hui, la Chine fournit 98 % de l’approvisionnement de l’UE en terres rares. Nous entrons dans une période de grande concurrence géopolitique, qui rend indispensable de mettre en place, au niveau de l’Union, une diplomatie économique efficace afin de garantir l’accès à des fournisseurs diversifiés, tout en investissant dans la réutilisation et le recyclage des capacités. À cet égard, le CESE insiste sur la nécessité de conclure des partenariats stratégiques avec des États animés par des préoccupations semblables, dans un cadre plurilatéral, afin d’éviter que des ruptures d’approvisionnement (qui sont parfois le fruit d’ingérences politiques) n’entraînent des arrêts dans des chaînes de valeur industrielles sophistiquées de l’UE.

5.33.

Il est essentiel de renforcer le rôle que joue l’euro en tant que monnaie internationale et de référence pour prévenir la volatilité des prix et réduire la dépendance des parties prenantes de l’UE vis-à-vis du dollar américain. La Commission devrait chercher des moyens d’encourager le commerce des matières premières critiques en euros, en utilisant les instruments de diplomatie économique et de politique commerciale disponibles. À cet égard, nous nous félicitons de la publication par la Commission de sa communication intitulée «Système économique et financier européen: favoriser l’ouverture, la solidité et la résilience» (20).

5.34.

L’exportation de matières premières secondaires ne doit être autorisée que lorsqu’elle présente un sens du point de vue de la durabilité. Toutefois, l’UE devrait s’efforcer de modifier les règles du jeu et de permettre l’exportation de déchets contenant des matières précieuses uniquement lorsque cela est utile en termes de durabilité. Plus précisément, l’exportation de ce type de déchets ne devrait avoir lieu que lorsque, à destination, les normes environnementales et sociales et les mesures visant à atténuer les effets du changement climatique sont équivalentes aux normes de l’UE.

5.35.

La coopération internationale au sein de l’OCDE, des Nations unies, de l’OMC et du G20 doit être renforcée, compte tenu de la viabilité future de l’industrie et de l’intérêt de l’UE à se garantir un accès aux matières premières critiques. Il est essentiel pour les parties prenantes européennes de garantir des conditions de concurrence équitables avec les autres parties du globe. L’UE doit faire usage de tous les instruments à sa disposition, notamment les accords commerciaux et les partenariats stratégiques, en vue de créer les conditions nécessaires pour faciliter les entreprises communes de l’UE dans les pays tiers riches en ressources, en particulier d’Afrique et d’Amérique du Sud, tout en tenant toujours compte d’un approvisionnement responsable et des meilleures pratiques en matière de conduite des entreprises. Il est également essentiel d’intégrer les pays des Balkans occidentaux dans la chaîne d’approvisionnement de l’UE.

Bruxelles, le 25 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Par exemple, les différents États membres appliquent des méthodes de classification distinctes pour évaluer si les propriétés des déchets sont dangereuses ou non. Cela crée de la bureaucratie inutile (nombre excessif de documents, processus longs, manque d’alignement entre les autorités) et des charges superflues, en raison des garanties financières associées au transfert de déchets dépendant de la classification des déchets.

(2)  Déclaration universelle des droits de l’homme.

(3)  Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

(4)  Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale.

(5)  Objectifs de développement durable des Nations unies.

(6)  Tableau de bord 2018 de l’UE sur les matières premières

(7)  Euromines.

(8)  UNEP IRP.

(9)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 108.

(10)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 108.

(11)  L’Autorité internationale des fonds marins est chargée de rendre l’exploitation minière des fonds marins possible, sur les plans juridique et pratique.

(12)  Voir la note de bas de page no 2.

(13)  https://www.ohchr.org/documents/publications/guidingprinciplesbusinesshr_fr.pdf

(14)  Voir la note de bas de page no 4.

(15)  Voir la note de bas de page no 5.

(16)  CVM: chaînes de valeur mondiales.

(17)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 37.

(18)  Voir le rapport McKinsey intitulé How the European Union could achieve net-zero emissions at net-zero cost (Comment l’Union européenne pourrait parvenir à zéro émission nette à coût zéro), 3 décembre 2020: «Selon les estimations, pour parvenir à zéro émission nette, il faudrait investir 28 000 milliards d’EUR dans les technologies et techniques propres au cours des 30 prochaines années». […] «Sur ces 5 400 milliards d’EUR, environ 1 500 milliards seraient investis dans le secteur de la construction (29 %), 1 800 milliards seraient utilisés pour l’électricité (33 %), 410 milliards pour l’industrie (8 %), 76 milliards pour l’agriculture (environ 1 %) et 32 milliards pour les transports (moins de 1 %). Environ 1 500 milliards d’EUR (28 %) serviraient à financer des infrastructures destinées à améliorer l’acheminement et la distribution de l’énergie dans tous les secteurs».

(19)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 73, Plan d’action en faveur du financement durable.

(20)  COM(2021) 32 final du 19.1.2021; Communication au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale, au Comité économique et social européen et au Comité économique et social européen; https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52021DC0032&from=EN


9.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 220/128


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Exigences de durabilité pour les batteries dans l’Union européenne»

[COM(2020) 798 final — 2020/353 (COD)]

(2021/C 220/18)

Rapporteur:

Bruno CHOIX

Corapporteur:

Franck UHLIG

Consultation

Parlement européen, 18.1.2021

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

1.12.2020

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

5.3.2021

Adoption en session plénière

24.3.2021

Session plénière no

559

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

256/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient les mesures établies par le règlement [COM(2020) 798 final — 2020/0353 (COD)] proposé par la Commission européenne (CE).

1.2.

Le CESE considère qu’éviter la fragmentation du marché intérieur par d’éventuelles approches divergentes de la part des États membres est une question clé à traiter par toutes les parties prenantes.

1.3.

Le CESE demande de définir des dispositifs et instruments de gouvernance plus précis et opérationnels pour la mise en œuvre du nouveau règlement en associant l’ensemble des parties prenantes.

1.4.

Le CESE propose de répondre à ces enjeux en renforçant davantage le rôle et les moyens de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

1.5.

Pour les questions liées à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail dans la production, ainsi qu’au recyclage et à la réaffectation des batteries, le CESE propose de renforcer le rôle de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (OSHA).

1.6.

Concernant la mise en œuvre du devoir de diligence raisonnable pour le suivi de la chaîne d’approvisionnement des batteries, le CESE exige une totale transparence dans la mise en œuvre de ce système de surveillance.

1.7.

Le recyclage, la rénovation et le réemploi permettent de sécuriser la chaîne de valeur en amont. Soutenir la recherche et le développement sur l’écoconception est indispensable. Le CESE propose que cela se concrétise sous la forme d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC).

1.8.

Concernant les enjeux relatifs aux emplois et compétences visant à favoriser le développement d’une filière industrielle européenne de batteries durables, le CESE propose d’élargir et de renforcer le rôle du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) ainsi que le rôle des comités européens de dialogue social sectoriel concernés dans une démarche de transition juste telle qu’intégrée dans le pacte vert pour l’Europe.

1.9.

Dans le cadre de l’initiative de la Commission «Pacte pour les compétences» et des projets européens ALBATTS, DRIVES et COSME, le CESE considère qu’il est notamment prioritaire de définir et de mettre en œuvre des projets de formation sur l’écoconception et le recyclage des batteries dotés de ressources financières appropriées pour assurer leur succès, avec la participation active des partenaires sociaux et en coopération avec les éventuels dispositifs nationaux ou certains bassins d’emplois directement concernés.

1.10.

Le CESE propose, en ligne avec les engagements pris par l’UE en matière de neutralité carbone, d’introduire rapidement des seuils maximaux concernant l’empreinte carbone associée à la fabrication des batteries ainsi qu’à la logistique d’approvisionnement en amont des matériaux et de renforcer les moyens alloués par la Commission pour élaborer et mettre en œuvre rapidement les outils d’évaluation et de contrôle de l’empreinte carbone de la filière des batteries.

1.11.

Le CESE estime nécessaire d’établir une responsabilité du producteur qui soit compatible avec l’incitation à l’écoconception. Dans ce cadre, il apparaît nécessaire de dissocier la fin de vie des batteries de la fin de vie des appareils qui les utilisent.

1.12.

Le CESE propose que la notion de «fin d’usage» soit introduite en complément de celle de «fin de vie» afin de favoriser le réemploi, la rénovation ou la seconde vie et le recyclage des batteries.

1.13.

Les dispositions du projet de règlement en matière d’étiquetage devraient inclure l’obligation de mieux informer les personnes sur les risques potentiels des substances dangereuses autres que le cadmium, le plomb et le mercure et sur les autres risques pour la sécurité afin de permettre un choix éclairé et une meilleure utilisation des batteries.

2.   Introduction

2.1.

La Commission européenne a présenté le 10 décembre 2020 une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil [COM(2020) 798 final — 2020/0353 (COD)] relatif aux batteries et aux déchets de batteries, abrogeant la directive 2006/66/CE du 6.9.2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs et modifiant le règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits.

2.2.

Le règlement proposé vise à développer un cadre de l’Union couvrant l’ensemble du cycle de vie des batteries, comprenant des règles harmonisées et plus ambitieuses pour les batteries, les composants, les déchets de batteries et les matériaux recyclés.

2.3.

Les principaux objectifs de ce règlement sont de renforcer la durabilité des batteries tout au long de leur cycle de vie, en garantissant des exigences minimales de durabilité pour les batteries placées sur le marché intérieur de l’UE, d’accroître la résilience de la chaîne d’approvisionnement en batteries de l’UE en favorisant l’économie circulaire et de réduire les impacts environnementaux et sociaux à toutes les étapes du cycle de vie des batteries.

2.4.

Il s’agit notamment d’encourager la production et la mise sur le marché de l’UE de batteries de haute qualité et performantes, de renforcer et exploiter le potentiel des matières premières des batteries de l’UE, tant primaires que secondaires, en veillant à ce qu’elles soient produites de manière efficiente et durable, et de garantir le bon fonctionnement des marchés de matières premières secondaires et des procédés industriels connexes.

2.5.

Par ce règlement, la Commission a la volonté de promouvoir l’innovation ainsi que le développement et la mise en œuvre de l’expertise technologique de l’UE.

2.6.

Cela doit permettre, dans une logique d’économie circulaire, une réduction de la dépendance de l’UE à l’égard des importations de matières premières et de terres rares d’importance stratégique et la mise en œuvre de collectes et de recyclages appropriés de tous les déchets de batteries.

2.7.

Dans l’objectif de réduire les impacts environnementaux et sociaux, le règlement doit contribuer à un approvisionnement responsable, promouvoir une utilisation efficace des matières premières et des matières recyclées, réduire les émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie des batteries, réduire les risques pour la santé humaine et la qualité de l’environnement, et améliorer les conditions sociales des populations concernées.

3.   Observations générales

3.1.

En Europe, au cours de la prochaine décennie, la technologie des batteries sera l’un des principaux catalyseurs de la transition énergétique verte. En permettant l’électrification des transports, si appropriée, et l’utilisation des énergies renouvelables comme sources d’énergie fiables, l’utilisation de batteries devrait permettre de contribuer aux objectifs européens de l’accord de Paris sur le climat.

3.2.

Selon Maros Šefčovič, vice-président de la Commission, au vu des progrès réalisés dans le cadre de l’Alliance européenne des batteries (EBA) mise en place par la Commission en 2017, l’UE serait en mesure d’assurer jusqu’à 80 % de ses besoins d’ici cinq ans.

3.3.

Cette autonomie stratégique sera construite conjointement avec l’EBA afin d’offrir des instruments juridiques en vue de regrouper entre États membres, les industries de l’automobile, des matières premières et de la chimie pour concevoir et mettre en œuvre des chaînes de valeur 100 % européennes avec les premières unités de production de batteries européennes qui devraient démarrer en 2021 ou 2022.

3.4.

Le CESE soutient les mesures établies par le règlement proposé par la Commission eu égard à leur capacité de faire face aux multiples défis posés par la montée en puissance de la production et de la consommation mondiales de batteries.

3.5.

Cependant, conformément à l’autonomie stratégique de l’UE, le CESE avertit qu’elles doivent être renforcées et mises en œuvre rapidement afin d’éviter non seulement une accentuation de la dépendance technologique, industrielle et énergétique des utilisateurs de batteries dans l’UE vis-à-vis des producteurs asiatiques ou américains, mais aussi une délocalisation des usines automobiles européennes au profit de celles des pays tiers dans les régions proches des unités de production de batteries, avec des conséquences économiques, sociales et environnementales négatives, comme l’indiquait déjà un précédent avis du CESE (1). En outre, les intérêts des entreprises européennes doivent également être protégés en utilisant pleinement tous les instruments pertinents de l’UE. À ce sujet, le CESE souhaite également exprimer ses inquiétudes quant à la manière dont la Commission entend vérifier et appliquer les exigences relatives à l’empreinte carbone, les niveaux de contenu recyclé et le devoir de diligence dans la chaîne d’approvisionnement. À cet égard, le CESE insiste sur des enquêtes de conformité rigoureuses sur les produits importés afin d’éviter la concurrence déloyale hors d’Europe.

3.6.

Les panneaux solaires, les parcs éoliens et les batteries sont des éléments essentiels de notre nouveau paradigme industriel (2). Ils reposent sur des matières premières et des matériaux, un savoir-faire et une valeur ajoutée issus de pays principalement hors de l’UE. Actuellement, à peine 1 % de la production mondiale de batteries au lithium est implanté en Europe (3). En parallèle au développement d’une filière européenne de batteries stationnaires, pour une mise en œuvre efficace et sûre des plans de réseaux électriques existants et futurs, le CESE recommande d’encadrer au niveau européen l’approche complémentaire V2G «vehicle to grid».

3.7.

Le CESE soutient les propositions en faveur d’une plus grande durabilité des transports ainsi que le plan d’action stratégique sur les batteries visant à réduire le déficit énergétique européen et à créer une chaîne de valeur pour les batteries. La décarbonation des transports et la transition vers une énergie propre représentent l’un des aspects essentiels du troisième train de mesures sur la mobilité, le pacte vert européen et la stratégie de mobilité durable et intelligente. Cette initiative s’inscrit dans le cadre plus large du plan d’action en faveur de l’économie circulaire (4).

3.8.

La plate-forme européenne des acteurs de l’économie circulaire peut jouer un rôle dans la communication sur ces sujets (5).

3.9.

Il faut également un système approprié pour informer les utilisateurs finaux de la qualité des batteries disponibles sur le marché et de mieux faire comprendre aux consommateurs leur rôle dans la collecte des déchets liés aux batteries.

3.10.

La meilleure façon de garantir que les batteries fabriquées soient «propres» consiste à respecter les normes et règles européennes en matière d’environnement, comme le promeut par exemple l’approche de l’économie circulaire allant de la mine à la fin de vie des batteries. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel que l’industrie procède à des investissements à grande échelle, tandis que le rôle de la Commission est d’établir des conditions limites appropriées, telles que des normes techniques (6).

3.11.

Le CESE soutient la proposition de règlement de la Commission de prendre en compte les enjeux des matières premières critiques utilisées dans les batteries tels que définis dans la communication de la Commission européenne du 3 septembre 2020«Résilience des matières premières critiques: la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité». Les matières premières critiques contenues dans les batteries sont le lithium, le cobalt, le graphite naturel, l’antimoine, les deux principaux paramètres pris en compte pour déterminer la criticité étant l’importance économique et le risque d’approvisionnement.

3.12.

Le CESE s’est déjà déclaré favorable à la possibilité de stimuler le marché des matières premières secondaires par des dispositions juridiques contraignantes, surtout pour les emballages, les véhicules, les matériaux de construction et les batteries (7).

3.13.

Du fait de leur intermittence, les énergies renouvelables et leur développement posent un véritable défi en termes de stockage. Le stockage constitue un enjeu stratégique pour l’Union européenne pour garantir en permanence la sécurité d’approvisionnement de l’Union et un marché de l’énergie viable aussi bien sur le plan technique que budgétaire. Le CESE rappelle que le stockage de l’énergie peut avoir, parallèlement à ses avantages, un important coût financier mais aussi environnemental et sanitaire. C’est pourquoi il plaide pour que des études d’impact soient menées systématiquement afin d’évaluer non seulement la compétitivité des technologies, mais aussi leur impact sur l’environnement et la santé. Le CESE estime également important d’évaluer les effets de ces technologies sur la création d’activités et d’emplois. Le CESE soutient la nécessité d’une meilleure harmonisation réglementaire entre les États membres en matière de stockage de l’énergie. Le CESE plaide également pour instaurer un dialogue public dans toute l’Europe sur la question de l’énergie (le Dialogue européen sur l’énergie) pour que le citoyen et la société civile dans son ensemble s’approprient la transition énergétique et puissent peser sur les choix futurs en matière de technologies de stockage de l’énergie (8). La qualité de l’étiquetage des batteries devra y contribuer.

3.14.

Le défi économique est considérable: la Commission estime que la demande mondiale de batteries va être multipliée par 14 d’ici 2030 par rapport à son niveau de 2018 et l’UE devrait représenter 17 % de cette demande. Le nombre de batteries lithium serait multiplié par 700 entre 2020 et 2040.

3.15.

Pour évaluer l’impact de la mise en œuvre de la nouvelle législation sur les emplois et les besoins de compétences, le règlement s’appuie sur deux études de référence publiées par le CEPS (9) et RREUSE (10) ainsi que sur les travaux menés par l’EBA.

3.16.

L’étude du CEPS estime que le développement d’activités de collecte et de recyclage de batteries aura un impact sur la création d’emplois directs et indirects: environ 850 emplois avec un taux de 55 % de recyclage et 5 500 emplois avec un taux de 75 %.

3.17.

En revanche, selon l’étude de l’organisation RREUSE, l’activité de réparation et de réutilisation des batteries crée 5 à 10 fois plus d’emplois «équivalent temps plein» que l’activité de collecte et de recyclage, ce qui pose la question des enjeux politiques des mesures qui favorisent la filière de collecte et de recyclage par rapport à celle de la réparation et de la réutilisation des batteries.

3.18.

Concernant le déficit de compétences, il concerne essentiellement l’activité d’écoconception des batteries pour optimiser leur durabilité et leur utilisation optimale.

3.19.

Pour améliorer l’investissement dans la capacité de production de batteries durables à la lumière des risques sociaux et environnementaux, il est nécessaire d’aligner les projets liés aux batteries avec la taxonomie (11) de l’UE pour les activités durables en tenant compte du programme «InvestEU».

4.   Observations spécifiques

4.1.

Le CESE demande de définir des dispositifs et instruments de gouvernance et de mise en œuvre plus précis et opérationnels pour l’application réelle et effective de l’ensemble des mesures établies par le nouveau règlement.

4.2.

Ainsi, le CESE propose de répondre à ces enjeux en révisant le rôle de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) sise à Helsinki, chargée de la mise en œuvre du règlement européen Reach (2005, révisé en 2018) sur les substances chimiques, pour y intégrer l’enregistrement, l’évaluation, le suivi et le contrôle des nouvelles normes et règles définies par le nouveau règlement sur la durabilité des batteries.

4.3.

Le développement d’une filière de batteries durables doit répondre au problème de respect des normes de l’UE en matière de santé et de sécurité au travail que pose la protection des travailleurs en contact avec les batteries et les matières premières recyclables composant les batteries industrielles ou de véhicules. L’Agence européenne de sécurité et de santé au travail (OSHA), sise à Bilbao, a réalisé des expertises sur le sujet qu’il est nécessaire de prendre en compte afin que le règlement apporte les régulations appropriées. Le CESE propose donc également de renforcer le rôle de l’Agence OSHA.

4.4.

Concernant la mise en œuvre du devoir de diligence raisonnable pour le suivi de la chaîne d’approvisionnement des batteries et pour un système indépendant d’audit, de surveillance et de contrôle sous l’égide de la Commission européenne, en cohérence avec les règles définies par le guide de l’OCDE sur le sujet (12), le CESE exige une totale transparence dans la mise en œuvre de ce système de surveillance.

4.5.

Concernant les enjeux relatifs aux emplois et compétences dédiés à la mise en œuvre des mesures du règlement visant à favoriser le développement d’une filière industrielle européenne de batteries durables, le CESE propose d’élargir et de renforcer le rôle du Cedefop dans ce domaine, ainsi que le rôle des comités européens de dialogue social sectoriel concernés (électricité, métallurgie, industrie de la chimie, industrie extractive, etc.), dans une démarche de transition juste telle qu’intégrée dans le pacte vert pour l’Europe. Les établissements d’enseignement professionnel des États membres devront mettre en œuvre des projets de formation similaires dans les programmes d’études destinés aux étudiants afin de garantir la disponibilité de travailleurs formés pour une industrie européenne durable des batteries.

4.6.

Dans le cadre de l’initiative de la Commission européenne «Pacte pour les compétences», ont été lancés les projets ALBATTS (Alliance pour des qualifications et formations aux technologies des batteries), DRIVES (développement et recherche sur les compétences éducatives professionnelles innovantes) et COSME (programme pluriannuel européen pour la compétitivité des entreprises et des PME). Le CESE considère qu’il est notamment prioritaire de définir et de mettre en œuvre des projets de formation dans les nouvelles compétences dédiées à l’écoconception mais aussi au diagnostic des batteries en vue de leur réparation, leur reconditionnement et leur recyclage, avec la participation active des partenaires sociaux et en coopération avec les éventuels dispositifs nationaux ou certains bassins d’emplois directement concernés.

La recherche et l’innovation sont nécessaires pour l’amélioration de la durabilité, de la qualité et de la sécurité des produits et des procédés et pour la réduction des coûts. Il s’agit de donner immédiatement la priorité à la recherche et développement sur les batteries, avec une approche holistique sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la batterie et des investissements importants et continus au fil du temps, couvrant à la fois les priorités de recherche à court et à long terme.

4.7.

Dans le domaine du stockage d’énergie, les batteries et l’hydrogène auront des fonctions complémentaires. Il s’agira de maximiser les synergies entre ces deux solutions technologiques.

4.8.

Les nouvelles technologies numériques devraient contribuer à accélérer les développements dans le secteur des batteries: de la découverte accélérée de matériaux à l’optimisation de l’utilisation intersectorielle des systèmes de batteries pour soutenir le réseau énergétique.

4.9.

Le recyclage, la rénovation et le réemploi permettent de sécuriser la chaîne de valeur en amont. Soutenir la recherche et le développement sur l’écoconception est indispensable. Le CESE propose que cela se concrétise sous la forme d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC). Il s’agit de développer l’expertise permettant d’optimiser la valorisation des batteries en les réorientant si possible vers une rénovation, une seconde vie voire une meilleure valorisation de ses composants et de mettre en œuvre des procédés optimisés du point de vue environnemental, garantissant la sécurité des salariés et aboutissant à un modèle économique contribuant à la pérennité de cette activité sur le territoire européen. Il s’agit notamment de parvenir à mettre en œuvre des procédés industriels compétitifs permettant de produire des matières de qualité «batteries» par voie de recyclage avec un soutien plus conséquent aux entreprises fonctionnant de manière intégrée, en boucle fermée.

4.10.

Le CESE propose, en ligne avec les engagements pris par l’UE en matière de neutralité carbone à l’horizon 2050 (avec l’objectif intermédiaire de réduction de 55 % des émissions de GES d’ici à 2030), d’introduire rapidement des seuils maximaux (la date de juillet 2027 étant trop tardive par rapport aux objectifs définis par le Conseil européen le 11 décembre 2020) concernant l’empreinte carbone associée à la fabrication des batteries ainsi qu’à la logistique d’approvisionnement en amont des matériaux, ainsi que de renforcer les moyens alloués par la Commission pour élaborer et mettre en œuvre rapidement les outils d’évaluation et de contrôle de l’empreinte carbone de la filière des batteries. L’accès aux matériaux stratégiques des batteries à partir de mines (urbaines ou naturelles) situées sur le marché sur lequel les batteries sont fabriquées et sont recyclées doit être privilégié. Ces mesures contribueront à simplifier et minimiser les flux logistiques. Concernant la fabrication des batteries, étape prépondérante pour leur empreinte carbone, le règlement devra promouvoir des procédés économes en consommation d’électricité et privilégiant le recours à des sources d’électricité décarbonées.

4.11.

Le CESE estime nécessaire d’établir une responsabilité du producteur qui soit compatible avec l’incitation à l’écoconception, et en particulier avec une incitation à la conception de batteries qui puisse faciliter le rétrofit, le remanufacturage et le réemploi des batteries. Cette nécessité est liée à la seconde vie des batteries, qu’il s’agit de favoriser. Dans ce cadre, il apparaît nécessaire de dissocier la fin de vie des batteries de la fin de vie des appareils, en n’imputant pas par défaut le statut de déchets aux batteries lorsque l’appareil qui les porte est en fin de vie. À la fin de vie supposée de la batterie ou de l’appareil qui la porte, il relèvera de la responsabilité du producteur de démontrer que la batterie doit avoir le statut de déchet. Il devra en faire la preuve par une évaluation ou des essais réalisés sur la batterie et en démontrant dans un document l’impossibilité technique, compte tenu des technologies actuelles et des filières pouvant servir de débouché, de réemployer la batterie moyennant des opérations de rétrofit ou de remanufacturage compatibles avec les conditions de ces marchés. Aussi, la notion de «fin d’usage» devrait-elle être introduite en complément de celle de «fin de vie» afin de favoriser le réemploi, la rénovation ou la seconde vie et le recyclage des batteries. Cela nécessite que le nouveau règlement intègre ces nouveaux acteurs et ces nouvelles activités.

Bruxelles, le 24 mars 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 102.

(2)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 108.

(3)  JO C 282 du 20.8.2019, p. 51.

(4)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 254.

(5)  https://circulareconomy.europa.eu/platform/fr

(6)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 75.

(7)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 94.

(8)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 19.

(9)  CEPS: Drabik E. et Rizos V., Prospects for electric vehicle batteries in a circular economy, 2018.

(10)  RREUSE: Briefing on job creation potential in the re-use sector, 2015.

(11)  Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020.

(12)  OCDE (2018), Guide OCDE sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises.