ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 155

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Édition de langue française

Communications et informations

64e année
30 avril 2021


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

558e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 24.2.2021-25.2.2021

2021/C 155/01

Résolution du Comité économique et social européen sur la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas — (sur la base de consultations dans les 27 États membres)

1


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

558e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 24.2.2021-25.2.2021

2021/C 155/02

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un plan d’action pour une fiscalité équitable et simplifiée à l’appui de la stratégie de relance [COM(2020) 312 final], sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil relative à la bonne gouvernance fiscale dans l’UE et au-delà [COM(2020) 313 final] et sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal [COM(2020) 314 final — 2020/0148 (CNS)]

8

2021/C 155/03

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action [COM(2020) 590 final]

20

2021/C 155/04

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie en matière de finance numérique pour l’Union européenne [COM(2020) 591 final]

27

2021/C 155/05

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2019/1937 [COM(2020) 593 final — 2020/0265 (COD)] et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués [COM(2020) 594 final — 2020/0267 (COD)]

31

2021/C 155/06

Avis du Comité économique et social européen sur la: Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier et modifiant les règlements (CE) no 1060/2009, (UE) no 648/2012, (UE) no 600/2014 et (UE) no 909/2014[COM(2020) 595 final — 2020/0266 (COD)]; Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2006/43/CE, 2009/65/CE, 2009/138/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/65/UE, (UE) 2015/2366 et (UE) 2016/2341[COM(2020) 596 final — 2020/0268 (COD)]

38

2021/C 155/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable[COM(2020) 575 final]

45

2021/C 155/08

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la réserve d’ajustement au Brexit [COM(2020) 854 final — 2020/0380 (COD)]

52

2021/C 155/09

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion de l’asile et de la migration et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil et la proposition de règlement (UE) XXX/XXX [établissant le Fonds Asile et migration] [COM(2020) 610 final — 2020/0279 (COD)] et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile [COM(2020) 613 final — 2020/0277 (COD)]

58

2021/C 155/10

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE [COM(2020) 611 final — 2016/0224-COD], la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures et modifiant les règlements (CE) no 767/2008, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/817 [COM(2020) 612 final — 2020/0278-COD] et la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des données biométriques aux fins de l’application efficace du règlement (UE) XXX/XXX [règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration] et du règlement (UE) XXX/XXX [règlement relatif à la réinstallation], pour l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives et modifiant les règlements (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/818 [COM(2020) 614 final — 2016/0132 (COD)]

64

2021/C 155/11

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée Une vague de rénovations pour l’Europe: verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer la qualité de vie[COM(2020) 662 final]

73

2021/C 155/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs (texte codifié) [COM(2021) 34 final — 2021/0018 (COD)]

78


 

Rectificatifs

2021/C 155/13

Rectificatif à l’avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d’action en matière d’échanges, d’assistance et de formation, pour la protection de l’euro contre le faux-monnayage pour la période 2021-2027 (programme Pericles IV) [COM(2018) 369 final — 2018/0194 (CNS)] ( JO C 440 du 6.12.2018 )

79


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

558e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 24.2.2021-25.2.2021

30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/1


Résolution du Comité économique et social européen sur la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas

(sur la base de consultations dans les 27 États membres)

(2021/C 155/01)

Rapporteurs:

Gonçalo LOBO XAVIER

Javier DOZ ORRIT

Luca JAHIER

Lors de sa session plénière des 24 et 25 février 2021 (séance du 25 février), le Comité économique et social européen a adopté la résolution suivante par 268 voix pour et 5 abstentions.

1.   Introduction

1.1.

Le Comité économique et social européen a adopté nombre d’avis, de résolutions et de déclaration sur le plan de relance «Next Generation EU» et ses différentes composantes, notamment la facilité pour la reprise et la résilience. Le Comité y a marqué son accord avec la teneur et l’orientation des propositions de réforme destinées à stimuler la reprise économique et sociale et à enclencher un changement du modèle de production.

1.2.

Le Comité est d’avis que toutes les réformes menées dans le cadre du processus de restructuration doivent se fonder sur les principes inhérents à l’Union, à savoir la protection des droits humains et sociaux, les valeurs démocratiques et l’état de droit. Les investissements dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience doivent viser à libérer tout le potentiel du marché unique, à renforcer la résilience économique de l’Union européenne, à réaliser les objectifs de développement durable des Nations unies, à mettre en place une économie circulaire, à réaliser la neutralité climatique dans l’Union au plus tard d’ici à 2050, à encourager l’innovation et la modernisation en lien avec la numérisation de l’économie et de la société, et à garantir l’application effective du socle européen des droits sociaux pour asseoir la cohésion sociale, éliminer la pauvreté et réduire les inégalités. En assurant une reprise rapide, ils doivent répondre à la crise économique et sociale provoquée par la pandémie sachant que ses conséquences seront plus amples, plus lourdes et plus profondes que prévu auparavant. Le recours à la facilité pour la reprise et la résilience doit aussi intervenir en pleine conformité avec les conventions et traités internationaux auxquels l’Union européenne et ses États membres sont parties, tels que la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Le Comité tient pour essentiel de veiller à la bonne gouvernance, d’être vigilant face à la corruption dans la gestion des fonds et d’assurer la responsabilité devant des instances démocratiques.

1.3.

Le Comité tient également pour très important que les réformes visent aussi bien à accroître la productivité de l’économie qu’à renforcer le tissu industriel innovant au moyen d’un soutien aux PME et aux entreprises de l’économie sociale. Il met en relief le rôle de la recherche à l’échelon européen et ses liens avec le processus de production. Il estime également qu’il convient de mettre en place des mécanismes permettant de garantir la justice des transitions écologique et numérique au sein de l’Union européenne et de tous ses États membres, ainsi que d’aider à réinsérer sur le plan économique ceux qui ont été exclus du marché du travail. À cet égard, le Comité exprime derechef sa préoccupation quant à l’insuffisance des moyens financiers que prévoit le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 aux fins de la transition juste.

1.4.

Les institutions de l’Union européenne ont réagi de toute autre manière qu’à la crise de 2008. Financer le plan de relance au moyen de l’émission d’instruments communs européens de dette constitue un jalon capital dans l’histoire de l’Union. Le Comité se préoccupe particulièrement de l’appui apporté à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Il convient d’aborder cette question lors de la prochaine conférence sur l’avenir de l’Europe, tout en ne perdant pas de vue l’importance aussi du sommet que la présidence portugaise prévoit de réunir à Porto sur une mise en œuvre effective du socle européen des droits sociaux. Le Comité est d’avis que la société civile doit y être associée dans un cadre plus large que celui des seuls enjeux économiques, sociaux et environnementaux, pour embrasser des problématiques importantes telles que l’avenir de l’Europe ou encore les négociations d’adhésion et de préadhésion avec les pays candidats à l’entrée dans l’Union.

1.5.

Lorsque la Commission évalue les plans nationaux pour la reprise et la résilience des différents États membres, elle devrait tenir compte des conséquences qu’a eues la pandémie sur ces derniers et sur leurs capacités.

1.6.

Par la présente résolution, le Comité entend également manifester sa satisfaction de l’accord conclu en décembre dernier entre le Parlement européen et le Conseil dans le cadre du trilogue, par lequel ils approuvent notamment un règlement dont l’article 18 pose la nécessité de faire participer, par la voie de la consultation, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

1.7.

La présente résolution s’attache précisément à cette participation de la société civile dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Sur la base des rapports établis par les délégations nationales de son groupe «Semestre européen», le Comité entend procéder à une première évaluation de la manière dont cette participation se développe, ainsi qu’être en mesure d’informer les institutions européennes et les gouvernements nationaux des lacunes constatées à cette occasion. Le Comité pourrait ainsi contribuer à faire en sorte que les gouvernements nationaux et les institutions européennes prennent les mesures correctives appropriées avant la date limite prévue pour que les gouvernements nationaux arrêtent leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience et pour que la Commission européenne approuve ceux-ci. Cette évaluation ne devrait pas seulement mettre en lumière l’ampleur de cette participation de la société civile à la conception de ces plans, mais aussi la qualité de son association par les différents États membres et le degré de transparence dont ces derniers ont fait preuve s’agissant de mettre à la disposition du public leur projet de plans nationaux pour la reprise et la résilience.

1.8.

Pour ce qui est d’être associés au plan de relance «Next Generation EU», les partenaires sociaux et les organisations de la société civile paneuropéens ont noté les progrès accomplis par rapport aux procédures habituelles du Semestre européen. Ils reconnaissent également le rôle positif que joue la Commission européenne pour promouvoir la participation de la société civile à l’échelon national. Toutefois, la plupart d’entre eux considèrent que leur degré réel de participation demeure largement insuffisant et que les procédures y afférentes ne permettent pas aux points de vue des organisations de la société civile de produire suffisamment d’effet. Les partenaires sociaux et les organisations de la société civile demandent à ce qu’il soit remédié à ces lacunes dans les phases de mise en œuvre et d’évaluation des plans nationaux pour la reprise et la résilience, en mettant en place des procédures plus formelles qui facilitent de véritables échanges.

2.   Contexte

2.1.

Le 18 décembre 2020, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement se sont accordés sur la facilité pour la reprise et la résilience. Afin d’obtenir ses financements, les États membres élaboreront des plans nationaux pour la reprise et la résilience qui présenteront un ensemble de mesures d’investissement et de réforme conformément aux orientations fournies par l’Union européenne relatives au processus de consultation. La première note d’orientation publiée en septembre dernier invitait déjà les États membres à «mentionner toute consultation et contribution des partenaires sociaux, de la société civile et des autres parties prenantes concernées, dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre du plan pour la reprise et la résilience» (1).

2.2.

Le texte de l’accord qu’ont conclu le Parlement européen et le Conseil au mois de décembre prévoit une disposition relative à la participation entre autres des partenaires sociaux et de la société civile. Son article 18, paragraphe 4, point q), requiert en effet que les plans nationaux pour la reprise et la résilience présentent «en vue de la préparation et, le cas échéant, de la mise en œuvre des plans pour la reprise et la résilience, une synthèse du processus de consultation, mené conformément au cadre juridique national, des autorités locales et régionales, des partenaires sociaux, des organisations de la société civile, des organisations de la jeunesse et d’autres parties prenantes concernées, ainsi que de la manière dont les contributions des parties prenantes sont prises en compte dans le plan pour la reprise et la résilience» (2).

2.3.

Le groupe «Semestre européen» a adopté son programme de travail 2020-2023 lors de sa première réunion le 16 décembre 2020. L’organisation de consultations virtuelles par les membres du Comité dans les États membres en janvier 2021 constituait un élément nouveau et important de ce programme. Cet exercice visait à recueillir des informations sur la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience, de sorte que le Comité soit en mesure d’adopter une résolution à cet égard au cours de sa session plénière en février.

3.   Méthode

3.1.

Les données et les informations nécessaires pour le présent rapport ont été recueillies en janvier 2021.

Au total, 26 contributions nationales ont été reçues. Les consultations se sont déroulées en s’appuyant sur les informations dont disposent les membres et elles ont concerné des partenaires sociaux et des organisations de la société civile. Dans certains pays, les conseils économiques et sociaux nationaux ou des institutions similaires ont participé, tandis que dans d’autres, des représentants du gouvernement ont également été consultés.

3.2.

Ces consultations s’articulaient autour des cinq questions suivantes:

1)

Existe-t-il dans votre pays des mécanismes de consultation sur les plans pour la reprise et la résilience? Estimez-vous que ces mécanismes soient suffisants et adéquats?

2)

Existe-t-il dans votre pays des mécanismes de consultation différents pour les partenaires sociaux et pour le reste de la société civile?

3)

Votre pays doit présenter son plan national pour la reprise et la résilience au plus tard le 30 avril. Quel est son état d’avancement dans ce processus?

4)

Dans votre pays, en quoi la procédure pour la reprise et la résilience est-elle différente par rapport à la consultation de la société civile organisée dans le cadre de la procédure ordinaire du Semestre?

5)

Dans quelle mesure le plan de votre pays pour la reprise et la résilience correspond-il aux objectifs politiques de sa société civile organisée?

4.   Observations tirées des résultats des consultations

4.1.   Question 1: Existe-t-il dans votre pays des mécanismes de consultation sur les plans pour la reprise et la résilience?

4.1.1.

La vaste majorité des réponses faisait état de l’existence d’une forme ou d’une autre de mécanisme de consultation mis en place par le gouvernement national en question afin de faire participer la société civile organisée à l’élaboration de son plan pour la reprise et la résilience. Dans certains États membres, il avait d’ores et déjà été procédé à la consultation de la société civile, alors que dans d’autres, celle-ci était encore en cours ou il était prévu qu’elle se tienne à un stade ultérieur.

4.1.2.

Les mécanismes employés pour ce faire sont variés et prennent notamment la forme de la soumission de propositions écrites, de réunions de haut niveau avec les ministres responsables, de l’évaluation de questionnaires spécifiquement conçus et renvoyés et de débats en table ronde entre des représentants du gouvernement et les organisations de la société civile. Certains États membres ont également recouru aux mécanismes mis en place à des fins de consultation dans le cadre de la procédure ordinaire du Semestre européen, quitte à les développer plus avant, moyennant le nouveau calendrier spécial de cet exercice pour 2021 et les restrictions de circonstance qu’impose la pandémie de COVID-19.

4.1.3.

Néanmoins, plusieurs réponses mettaient en lumière l’absence d’une réelle participation de la société civile. L’un des obstacles mentionnés à cette participation résidait dans le manque apparent de volonté de certains gouvernements nationaux d’associer la société civile à l’élaboration de leur plan. Au lieu que ce soit le gouvernement qui s’efforce d’associer la société civile, c’est souvent à l’initiative ou à la suite d’appels des partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile qu’il a été procédé à des consultations.

4.1.4.

Même lorsque d’un point de vue formel la société civile est associée, il est fait état de l’autre obstacle à sa participation réelle que constitue l’insuffisance du temps imparti pour consulter la société civile. Les participants ont critiqué les calendriers serrés adoptés par certains gouvernements, susceptibles de nuire à des débats substantiels et à la prise en compte de la contribution de la société civile concernant les plans pour la reprise et la résilience. De ce fait, si les États membres sont nombreux à prévoir une forme ou une autre de mécanisme de consultation de la société civile organisée dans le cadre du processus d’élaboration de leurs plans pour la reprise et la résilience, ils sont nettement moins nombreux à permettre réellement à la société civile de véritablement participer et aux propositions qui en résultent de produire de véritables effets.

4.1.5.

Il est regrettable qu’un certain nombre de participants aient fait état de l’absence de toute consultation ou de tout projet d’y procéder au cours de la phase d’élaboration de leur plan national. En outre, certains répondants ont indiqué que si des consultations avaient bien eu lieu, elles n’avaient jusqu’alors concerné que les partenaires sociaux et non la société civile organisée au sens plus large.

4.1.6.

Sur la base des informations qu’il a recueillies (3), le Comité a distingué trois catégories d’États membres sous l’angle du thème de la présente résolution, selon qu’ils se caractérisent par l’absence de toute participation, du moins jusqu’à présent (le Danemark, la Slovaquie), selon qu’ils procèdent à une forme ou à une autre, officielle ou informelle, de participation sans qu’il n’apparaisse que celle-ci puisse produire des effets (l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Croatie, la Hongrie, l’Irlande, la Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Suède, la Slovénie) et en dernier lieu, selon qu’ils proposent une participation plus structurée qui, dans certains cas, est parvenue à influer sur certains aspects des plans (la Bulgarie, Chypre, la Finlande, l’Italie, Malte).

4.1.7.

Dans l’ensemble, les réponses manifestent l’ardent souhait de la société civile organisée de contribuer à l’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Les répondants représentant des partenaires sociaux et des organisations de la société civile y ont décrit leurs efforts en vue d’être associés, y compris en rédigeant des propositions et en prenant contact avec des représentants du gouvernement. Dans certains États membres, ces initiatives ont permis de faire participer davantage la société civile à l’élaboration des plans, tandis que dans d’autres, il semble qu’elles se soient heurtées à un mur.

4.2.   Question 2: Existe-t-il dans votre pays des mécanismes de consultation différents pour les partenaires sociaux et pour le reste de la société civile?

4.2.1.

La majorité des États membres prévoit des procédures différentes pour consulter les partenaires sociaux et le reste de la société civile organisée. Les répondants ont indiqué que la participation des partenaires sociaux se déroule sur une base plus structurée, institutionnalisée et permanente alors qu’en revanche, les autres organisations de la société civile sont consultées ad hoc et de manière informelle. Comme indiqué précédemment, un certain nombre d’États membres n’ont consulté, dans le cadre du processus d’élaboration de leur plan pour la reprise et la résilience, que les partenaires sociaux et non la société civile au sens plus large. Une autre variante se pratique dans un État membre, dont le gouvernement ne consulte que le corps constitué de la société civile au sens plus large, lequel englobe également les partenaires sociaux, mais non celui, plus restreint, composé des seuls partenaires sociaux. Un plus petit nombre d’États membres ont choisi de recourir à une procédure commune qui s’adresse à l’ensemble des parties prenantes.

4.3.   Question 3: Votre pays doit présenter son plan national pour la reprise et la résilience au plus tard le 30 avril. Quel est son état d’avancement dans ce processus?

4.3.1.

Sur le fond, les réactions recueillies sont mitigées. Si tous les participants ont indiqué que leur gouvernement national a commencé à œuvrer à leur plan national pour la reprise et la résilience, les États membres se trouvent néanmoins à différentes étapes du processus.

4.3.2.

Dans la majorité des États membres, les ministères compétents, le plus souvent le ministère des finances, élaborent une première version du plan national pour la reprise et la résilience. Certains ont achevé de consulter la société civile tandis que d’autres doivent encore consulter les parties prenantes extérieures. Un certain nombre de répondants indiquent également que leur gouvernement mène d’étroites consultations avec la Commission européenne ou prévoient d’entamer sous peu de telles consultations.

4.3.3.

Il a été indiqué qu’un petit nombre d’États membres travaillaient sur une seconde mouture de leur plan national à la suite de consultations avec la Commission européenne à un stade précédent.

4.4.   Question 4: Dans votre pays, en quoi la procédure pour la reprise et la résilience est-elle différente par rapport à la consultation de la société civile organisée dans le cadre de la procédure ordinaire du Semestre?

4.4.1.

Ici aussi, les réponses sont mitigées et il n’est guère aisé d’en tirer des conclusions. L’on peut toutefois observer les mêmes tendances que pour les réponses aux questions précédentes, à savoir que selon certains répondants, il est prématuré de se prononcer, selon d’autres, le temps fait défaut pour procéder à une consultation en bonne et due forme et selon d’autres encore, les partenaires sociaux sont davantage associés que le reste de la société civile organisée. Un petit nombre de répondants fait observer que la procédure concernant la reprise et la résilience a été marquée par une plus grande ouverture ou une meilleure adaptation à l’égard de la société civile organisée que la procédure ordinaire du Semestre européen, mais bien plus nombreux sont ceux qui font observer que le cadre en vigueur pour consulter la société civile organisée au cours de la procédure ordinaire du Semestre européen n’est pas utilisé aux fins de la procédure concernant la reprise et la résilience.

4.5.   Question 5: Dans quelle mesure le plan de votre pays pour la reprise et la résilience correspond-il aux objectifs politiques de sa société civile organisée?

4.5.1.

Les réponses à cette question se répartissent de manière à peu près égale dans trois grandes catégories. Un premier groupe de répondants estime que ces objectifs concordent de manière générale soit du fait d’une procédure de consultation soit que les intérêts en jeu étaient d’ores et déjà les mêmes. Un deuxième groupe déplore que les gouvernements aient négligé lors de l’élaboration de leurs plans les intérêts déclarés publiquement et bien connus de la société civile organisée, tandis qu’un troisième et dernier groupe n’est pas en mesure de se prononcer, soit que des informations fondées fassent défaut soit que le processus se trouve encore à un stade trop précoce.

5.   Conclusions

5.1.

Bien que les processus de consultation dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile se soient en général améliorés par rapport à ceux prévus par la procédure ordinaire du Semestre européen de ces dernières années, le Comité estime que dans la plupart des États membres, ces processus sont loin d’être satisfaisants au regard des revendications justifiées de la société civile et même au regard des dispositions du règlement relatif à la facilité pour la reprise et la résilience. Alors qu’en général, les partenaires sociaux ont davantage d’occasions de participer, que ce soit au moyen du dialogue social ou des procédures spécifiques des plans nationaux pour la reprise et la résilience, d’autres organisations de la société civile ne disposent que de possibilités plus limitées.

5.2.

Les résultats de l’étude sur lesquels se fonde la présente résolution sont cohérents avec ceux d’autres études (4) menées par des organisations paneuropéennes de la société civile sur la participation des organisations de la société civile des États membres aux plans nationaux pour la reprise et la résilience. Selon ces études, une majorité des pays se caractérise par le peu ou l’absence de véritable participation des organisations de la société civile. Les données que le Comité a recueillies au mois de janvier aux fins de son étude ne manifestent qu’une légère amélioration à cet égard. La consultation menée par le Comité européen des régions (5) fait ressortir un degré similaire de mécontentement pour ce qui est de la participation des institutions politiques régionales et locales aux plans nationaux pour la reprise et la résilience.

5.3.

Le Comité estime qu’une véritable participation intervient lorsque dans le cadre de processus officiels de consultation fondés sur des règles de droit et des procédures publiques et transparentes, les organisations de la société civile sont dûment informées au moyen de documents écrits et disposent de suffisamment de temps pour analyser les propositions du gouvernement et pour élaborer leurs propres propositions, qui sont soit prises en compte soit rejetées pour des motifs justifiés, et qui font l’objet dans tous les cas de comptes rendus ou de documents publics. Si de nouvelles conditions s’appliquent à ce cadre, il convient de réitérer cette consultation. La participation de la société civile ne vise aucunement à se substituer aux institutions démocratiques parlementaires ni à en remettre la primauté en question mais seulement à les compléter en œuvrant avec elles.

5.4.

Le Comité demande aux gouvernements des États membres qui n’ont pas mis en place de procédures adéquates afin de consulter les partenaires sociaux et les organisations de la société civile d’y remédier de manière urgente et de se mettre en conformité avec le règlement relatif à la facilité pour la reprise et la résilience. Le Comité demande aux institutions européennes, et notamment à la Commission, de faire usage de leurs pouvoirs pour exiger des gouvernements nationaux qui n’y auraient pas procédé d’accomplir leurs obligations à cet égard. Il est encore possible d’agir en ce sens dans les délais impartis pour l’adoption des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Le Comité partage l’avis des autres acteurs politiques et sociaux selon lequel il est indispensable que les ressources prévues pour financer l’investissement dans la reprise et la transformation des économies et des sociétés européennes parviennent dès que possible aux États membres et à leurs sociétés.

5.5.

Il s’impose de tirer parti de l’expérience de la participation de la société civile à la phase d’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience, ainsi que de l’évaluation des déficits et des lacunes en la matière, afin de faire précisément en sorte d’y remédier au cours des étapes de la mise en œuvre desdits plans nationaux et dans la perspective de l’élaboration de ceux qui s’ensuivront pour 2022. Plus généralement, une participation affirmée des partenaires sociaux et des organisations de la société civile constitue une garantie pour des changements menés du bas vers le haut qui seront de ce fait durables et efficaces. Les organisations de la société civile doivent aussi être prises en compte dans la mise en œuvre de ces plans au titre des nombreux services sociaux qu’elles fournissent.

5.6.

Parmi les risques qui découlent de la nécessité pour les acteurs publics et sociaux d’investir des ressources financières considérables en un bref laps de temps, figurent l’incapacité à absorber et à dépenser les fonds selon le calendrier prévu, ainsi qu’une utilisation inefficace de ces ressources. Un risque encore plus grave est celui de la corruption. Tout en demandant aux gouvernements nationaux de mettre en place, pour faire face à ces risques, les mesures nécessaires afin d’améliorer les capacités de gestion et de favoriser la transparence et le rôle de contrôle des administrations et des parlements, le Comité souligne que la participation d’organisations représentatives de la société civile au suivi de la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience constitue un puissant instrument pour lutter contre la corruption et l’inefficacité.

5.7.

Le Comité est préoccupé par le fait qu’à la date d’élaboration des rapports nationaux sur lesquels se fonde la présente résolution, il règne dans la plupart des États membres un certain flou sur les systèmes de gouvernance des plans nationaux pour la reprise et la résilience et sur la répartition des responsabilités entre les échelons central, régional et local en vue de leur mise en œuvre. De toute évidence, ce flou n’est pas moindre quant aux mécanismes appropriés pour associer la société civile organisée et les partenaires sociaux aux phases de mise en œuvre, de suivi et d’ajustements des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

5.8.

La présente résolution s’attache à la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile aux plans nationaux pour la reprise et la résilience alors que le processus d’élaboration de ces plans n’est pas encore parvenu à son terme, dans l’idée de permettre d’améliorer ces processus et également de faire pression pour que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile soient associées de manière adéquate à la mise en œuvre, au suivi et à l’ajustement de ces plans. Le Comité connaît la teneur de ces plans, telle qu’elle transparaît des programmes-cadres et des premiers projets de plan national pour la reprise et la résilience de certains États membres. L’on peut toutefois déduire des réponses à la question 5 du questionnaire que parmi ceux qui s’expriment à cette étape du processus, dans la plupart des pays, à savoir dans dix sur seize, les objectifs des organisations de la société civile et la teneur des programmes-cadres et des projets de plan national pour la reprise et la résilience se recouvrent largement ou pour partie, dans le droit fil des objectifs et des lignes directrices assignés par la Commission et le Parlement européen à l’instrument «Next Generation EU» et à sa facilité pour la reprise et la résilience. Dans les six autres pays, les organisations de la société civile expriment des critiques à cet égard, et dans dix autres, elles ne répondent pas, le plus souvent parce qu’elles estiment que cela serait prématuré.

5.9.

Le Comité entend toutefois se faire l’écho de certaines préoccupations et revendications formulées par les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernant la teneur des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

Les investissements cohérents avec les objectifs du pacte vert et de la transition numérique, ainsi que les transitions justes y afférentes, et ceux liés à des vulnérabilités sociales nationales, à l’emploi, à la protection sanitaire et sociale, de conserve avec la mise en œuvre des réformes structurelles nécessaires stipulées par les recommandations par pays pour 2019 et 2020, devraient donner de l’élan sur la voie d’un modèle économique qui favorise davantage la productivité et qui soit plus durable sur le plan environnemental et social.

Les plans nationaux pour la reprise et la résilience devraient expliciter le lien entre les projets d’investissement et le programme de réforme de chaque pays en définissant des indicateurs, des calendriers et des méthodes de suivi appropriés.

Le programme «Next Generation EU» offre un soutien financier inédit de l’Union au profit des budgets nationaux. Lors de l’évaluation des plans nationaux, la Commission devrait exiger que les fonds européens soient aussi utilisés pour générer une véritable valeur ajoutée européenne, moyennant un soutien apporté aux investissements et projets d’infrastructures transfrontières. Les investissements transfrontières ont, sur le plan économique et social, des retombées positives évidentes qu’il conviendrait de promouvoir plus énergiquement.

Les investissements menés dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience devraient servir de levier pour d’autres investissements privés dans les secteurs que ces plans désignent comme prioritaires. Les programmes d’investissement doivent tenir suffisamment compte des projets éligibles provenant de PME et d’entreprises de l’économie sociale.

Comme l’a très clairement déclaré le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, M. Olivier De Schutter, dans son discours lors de la session plénière du Comité le 28 janvier 2021, il existe un risque que les plans nationaux pour la reprise et la résilience n’accordent pas toute l’importance requise aux questions sociales, y compris aux instruments pour combattre la pauvreté et les inégalités. Il importe de souligner toute l’ampleur du risque que la fracture numérique ne soit pas réduite, sachant que la numérisation de l’économie et de la société constitue l’un des principaux enjeux de l’instrument «Next Generation EU».

Il est essentiel d’investir dans une éducation, un apprentissage tout au long de la vie et une recherche et développement de qualité afin de guider et de compléter les changements économiques et sociaux que promeut l’instrument «Next Generation EU», ainsi que d’investir pour renforcer les systèmes de santé et les politiques de santé publique de sociétés durement frappées par la pandémie de COVID-19.

5.10.

Le Comité exhorte les gouvernements nationaux et les institutions de l’Union européenne à tenir compte, au moment d’adopter les plans nationaux pour la reprise et la résilience, de ces préoccupations de la société civile européenne quant à leur teneur.

Bruxelles, le 25 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  SWD(2020) 205 final.

(2)  JO L 57 du 18.2.2021, p. 17.

(3)  Les rapports en provenance des différents États membres font l’objet d’une analyse dans l’annexe à la présente résolution. L’ensemble de ces matériels est disponible sur le site internet du Comité.

(4)  Civil Society Europe et European Center for Not-for-Profit Law: Participation of civil society organisations in the preparation of the EU National Recovery and Resilience Plans («Participation des organisations de la société civile à l’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience dans l’Union européenne»); décembre 2020.

(5)  CdR et CCRE:La participation des municipalités, des villes et des régions à l’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience, 20 janvier 2021.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

558e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 24.2.2021-25.2.2021

30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/8


Avis du Comité économique et social européen sur

la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un plan d’action pour une fiscalité équitable et simplifiée à l’appui de la stratégie de relance

[COM(2020) 312 final]

la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil relative à la bonne gouvernance fiscale dans l’UE et au-delà

[COM(2020) 313 final]

la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal

[COM(2020) 314 final — 2020/0148 (CNS)]

(2021/C 155/02)

Rapporteur:

Krister ANDERSSON

Corapporteur:

Javier DOZ ORRIT

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 28.7.2020

Commission européenne, 12.8.2020

Base juridique

Articles 113 et 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.2.2021

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient dans l’ensemble les propositions législatives de la Commission et applaudit à leur coordination avec les discussions de portée mondiale menées au niveau de l’OCDE/du cadre inclusif afin de faire émerger un consensus mondial.

1.2.

Le CESE souscrit à l’approche retenue par la Commission selon laquelle une bonne gouvernance fiscale — qui constitue le fondement de l’équité devant l’impôt — requiert, en matière fiscale, de la transparence grâce à l’échange d’informations entre les autorités compétentes, une concurrence loyale, l’absence de mesures dommageables, des mesures plus efficaces et l’application de normes convenues au niveau international.

1.3.

Le CESE s’accorde en outre avec la Commission à reconnaître que la concurrence fiscale n’est pas un problème en soi (1). On n’en constate pas moins certaines inquiétudes quant à l’existence d’une concurrence fiscale déloyale au sein de l’Union européenne, qui favorise l’évasion fiscale. Le Comité considère que pour être efficace, une union monétaire a besoin de cohérence dans sa politique fiscale et entre les règles fiscales de ses membres.

1.4.

Le CESE soutient la Commission dans son initiative de révision du code de conduite et la félicite d’avoir tenu dûment compte, dans sa proposition, des travaux menés par l’OCDE ainsi que de l’importance d’adhérer à des normes convenues au niveau international, notamment pour ce qui concerne des principes mondiaux qui déboucheraient sur un taux effectif minimum d’imposition des sociétés.

1.5.

Le CESE estime que le résultat et les succès obtenus par le code de conduite devraient être mis à jour de manière plus régulière et rendus publics à l’intention de la société civile, conformément à l’objectif de la Commission d’accroître la transparence concernant les activités concrètement menées et les résultats du code.

1.6.

Le CESE soutient la décision de la Commission de prendre des mesures législatives visant à renforcer la coopération entre les autorités fiscales et à harmoniser davantage les règles de procédure dans l’ensemble du marché intérieur.

1.7.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel la fraude et l’évasion fiscales demeurent une menace pour les finances publiques, en particulier en temps de crise, comme l’ont clairement démontré les estimations les plus récentes de la Commission; la perte de recettes dans l’Union qui est causée par des actes de fraude fiscale internationale commis par des particuliers, couvrant l’impôt sur le revenu des personnes physiques, les impôts sur le revenu des capitaux et les impôts sur la fortune et les droits de succession, a en effet été estimée à 46 milliards d’EUR selon ses derniers chiffres. L’écart de TVA a été estimé à 140 milliards d’EUR, ce montant incluant quelque 50 milliards d’EUR de fraudes transfrontières (2).

1.8.

Le CESE prend acte de la réduction de l’écart estimé (3) dû à l’évasion fiscale des entreprises, lequel s’élève à environ 35 milliards d’EUR par an selon plusieurs estimations, contre quelque 50 à 70 milliards d’EUR selon les estimations de la Commission antérieures à l’introduction de mesures de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), et il note la corrélation, analysée par la Commission, entre une telle amélioration et les efforts législatifs déployés par la précédente Commission en matière d’évasion fiscale (4). Ce phénomène n’en demeure pas moins une source de préoccupation dans le contexte où les dépenses publiques engagées pour soutenir l’économie et la société revêtent une si grande importance.

1.9.

Une action efficace passe nécessairement par une lutte intensive contre les infractions et l’évasion fiscales, qui doit être améliorée au moyen d’une coopération administrative renforcée et d’un cadre juridique mieux harmonisé. Un cadre fiscal ne peut pas être perçu comme équitable si certains États membres disposent de facilités pour le contourner aisément, ce qui décourage les autres et nuit à l’efficacité.

1.10.

Compte tenu de la complexité qui découle actuellement de 27 systèmes fiscaux différents, et sachant à quel point une telle multiplicité des modèles pèse sur les entreprises et les particuliers exerçant des activités transfrontières, le CESE encourage les États membres à harmoniser leurs obligations de déclaration en matière fiscale, dans le respect de la souveraineté fiscale, et à améliorer la coopération entre les administrations fiscales.

1.11.

Les 25 actions prévues par la Commission paraissent raisonnables. La plupart d’entre elles se rapportent à la TVA, ce qui est une bonne chose compte tenu du niveau élevé de la perte de recettes subie en la matière. Elles ne sont toutefois décrites que succinctement et il reste difficile, pour le moment, d’évaluer pleinement l’incidence spécifique de telles mesures sur les activités quotidiennes des citoyens et des entreprises en Europe.

1.12.

Le Comité se réjouit vivement de l’adoption d’un système d’enregistrement à la TVA unique. Il s’agit là d’une étape importante vers la création d’un marché unique approfondi, qui réduit les incertitudes et les coûts pour les opérations transfrontières.

1.13.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne de moderniser et d’harmoniser les obligations de déclaration en matière de TVA grâce à un recours accru aux déclarations sur la base des opérations («en temps réel») et à la facturation électronique.

1.14.

Le CESE se félicite aussi que l’opportunité de soumettre les services financiers à la TVA soit réexaminée. Une analyse d’impact minutieuse est nécessaire à cet égard, y compris concernant le régime de TVA appliqué aux services financiers dans les pays tiers.

1.15.

Le CESE soutient l’initiative de la Commission en faveur d’un «cadre de conformité coopérative au niveau de l’Union» pour régler, sur la base d’une confiance et d’une coopération renforcées entre de multiples administrations fiscales, les différends transfrontières relatifs à l’imposition des sociétés. Il importe dans ce cadre de traiter sur un pied d’égalité les PME et les grandes entreprises. Le Comité relève que la charge supportée pour se conformer aux règles est substantiellement plus élevée pour les PME que pour les grandes entreprises multinationales, et invite instamment la Commission à prendre des mesures pour réduire la charge pesant sur les PME.

1.16.

Le CESE considère que la question du remboursement de l’impôt est cruciale, en particulier en temps de crise comme c’est le cas actuellement, cette situation posant un risque d’assèchement de la liquidité aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises.

1.17.

Le CESE demande à la Commission d’évaluer comment un mécanisme simplifié et mieux harmonisé d’allégement de la TVA en cas de créance irrécouvrable pourrait être proposé. Ce mécanisme devrait garantir que les entreprises puissent récupérer rapidement et en temps utile auprès des autorités fiscales la TVA qu’elles n’ont pas été en mesure de percevoir auprès de leurs clients mais qu’elles ont déjà versée aux mêmes autorités.

1.18.

Le CESE considère qu’il est très important de disposer de règles claires et cohérentes sur le plan international en matière de fiscalité et d’emploi pour les plateformes numériques. Le CESE soutient l’effort déployé pour accroître la transparence des plateformes numériques afin de prévenir les déclarations de revenu incohérentes, qui comportent un risque élevé d’évasion fiscale. Les obligations de déclaration et les formulaires fiscaux devraient être les mêmes dans tous les États membres.

1.19.

Le CESE souligne que les audits conjoints, qui sont en principe un outil utile et efficace, devraient être conduits dans le respect des droits des contribuables, y compris ceux énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’agissant notamment de leurs droits de la défense et de la prévisibilité des règles les concernant, tant dans la procédure que sur le fond, ainsi que de la collecte de preuves par les autorités fiscales chargées des enquêtes en vue de possibles sanctions.

1.20.

En dépit des progrès constatés dans la conduite de pays et territoires inscrits sur la liste répertoriant ceux qui ne sont pas coopératifs à des fins fiscales, le volume global des capitaux concernés par la fraude, l’évasion, l’évitement et le blanchiment demeure si élevé que des efforts accrus doivent être déployés.

1.21.

Le CESE fait sienne la position de la Commission selon laquelle il est temps de réviser la liste et d’examiner comment la rendre plus efficace et équitable, en tenant compte également des défis nouveaux qui se posent dans une économie mondiale numérisée. Le CESE souscrit également au critère posé par la Commission consistant à donner à certains pays et territoires présentant un risque faible et possédant des capacités limitées la possibilité d’améliorer leurs normes de bonne gouvernance et de transparence fiscales dans un délai raisonnable lorsqu’ils figurent sur la liste ou pourraient y être inscrits.

1.22.

Le CESE a proposé (5) le lancement d’un pacte européen afin de lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales, l’évitement de l’impôt et le blanchiment de capitaux. Le CESE a invité la Commission européenne à lancer une initiative politique qui associe les gouvernements nationaux et les autres institutions européennes à la poursuite de cet objectif, en encourageant à dégager les consensus nécessaires à cette fin et en ouvrant la démarche à la participation de la société civile. Le pilier essentiel de ce pacte devrait être la coopération entre les États membres.

1.23.

Le CESE souligne que la coopération entre les organisations de la société civile au sens large et les gouvernements pourrait contribuer à la sensibilisation à la fiscalité environnementale ainsi qu’au développement en faisant émerger des sociétés plus équitables et durables dans les pays en développement comme dans les pays développés.

1.24.

Le CESE encourage la Commission à poursuivre son évaluation de l’efficacité des directives antérieures en matière de coopération administrative.

2.   Le contexte et les propositions de la Commission

2.1.   Contexte

2.1.1.

Mettre en place une fiscalité équitable et efficace est l’un des principaux objectifs de la Commission (6) pour l’actuelle mandature. Un tel objectif apparaît d’autant plus stratégique au lendemain de la crise de la COVID-19. En vertu du traité, les règles fiscales relèvent de la compétence des États membres. Ces derniers peuvent toutefois convenir d’adopter des directives et règlements pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Pour être efficace, une union monétaire a besoin de cohérence dans sa politique fiscale et entre les règles fiscales de ses membres.

2.1.2.

La pandémie de COVID-19 a déstabilisé les économies partout dans le marché intérieur. L’Union européenne se trouve par ailleurs confrontée à la crise de la COVID-19 à un moment charnière, marqué par les défis environnementaux, des innovations continues dans le domaine du numérique et une hausse des inégalités entre les citoyens. Les États membres et les institutions européennes sont donc dans l’obligation d’opposer une réaction inédite, en usant de l’ensemble des ressources et des outils à leur disposition.

2.1.3.

Les propositions de la Commission (7) visent à la fois à concevoir une réponse appropriée à la crise de la COVID-19 et à gérer la transition vers un modèle plus écologique et plus numérique, conformément aux principes d’une économie sociale de marché inscrits dans les traités.

2.1.4.

Une fiscalité équitable et efficace joue un rôle important à cet égard. L’efficacité de la réponse apportée aux immenses défis posés par la crise dépend dans une large mesure, d’une part de la possibilité donnée aux entreprises de poursuivre leurs activités nationales et transfrontières, dans des conditions de concurrence égales et avec le soutien d’un système fiscal efficace et simple, et d’autre part des États membres, qui doivent dégager les recettes fiscales nécessaires pour financer la relance au moyen d’une imposition équitable des citoyens et des entreprises. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi que le soutien aux entreprises européennes au moyen d’une simplification et d’une harmonisation des formalités fiscales dont elles s’acquittent au quotidien revêtent une importance cruciale pour surmonter efficacement les défis actuels (8).

2.1.5.

La fiscalité est aussi un instrument de la politique menée pour atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050 (9), ainsi que d’autres objectifs environnementaux du pacte vert pour l’Europe (10). Il est donc primordial d’injecter des recettes fiscales adéquates dans les budgets publics afin de soutenir une transition écologique. Les politiques économiques doivent, dans le même temps, tenir compte de l’évolution défavorable de la démographie, dans un contexte de vieillissement de la population.

2.1.6.

La proposition de la Commission établissant un plan d’action pour une fiscalité plus efficace et équitable est divisée en trois parties distinctes. La première est une communication qui expose les mesures visant à réduire les obstacles liés à la fiscalité des entreprises dans le marché unique. La Commission ambitionne en particulier de se servir de la simplification de la fiscalité comme d’un outil pour améliorer l’environnement des entreprises. La seconde est une proposition législative visant à réviser la directive relative à la coopération administrative grâce à un échange automatique d’informations entre les autorités fiscales afin de permettre l’imposition adéquate des revenus générés par les vendeurs sur les plateformes numériques. Enfin, la troisième est une communication de la Commission relative à la bonne gouvernance fiscale dans l’Union européenne et au-delà visant à améliorer les pratiques en la matière tant dans l’Union que dans les pays et territoires tiers.

2.1.7.

La Commission fait observer que le plan d’action fait partie d’un programme fiscal pour l’Union plus large et plus ambitieux, qui inclura très prochainement i) une fiscalité environnementale; ii) une réforme de la fiscalité des entreprises visant à réaligner les droits d’imposition sur la création de valeur et à fixer un niveau minimal d’imposition effective des bénéfices des entreprises; iii) une recommandation selon laquelle les États membres devraient subordonner leur soutien financier en faveur des entreprises dans l’Union à l’absence de liens entre ces entreprises et les pays et territoires (11) figurant sur la liste de l’Union des pays et territoires non coopératifs; et iv) un examen des leviers permettant d’adopter des propositions en matière fiscale suivant la procédure législative ordinaire prévue à l’article 116 du TFUE.

2.1.8.

Le CESE a exposé, dans de nombreux avis, ses positions quant à certaines mesures nécessaires pour renforcer l’efficacité du marché unique, à savoir l’augmentation des ressources propres de l’Union et le lancement d’un débat sur le vote à la majorité qualifiée pour les questions fiscales. Il demande maintenant que l’on agisse dans les plus brefs délais pour donner suite aux propositions formulées par la Commission dans son train de mesures pour une fiscalité équitable et simplifiée.

2.2.   Le plan d’action pour une fiscalité équitable et simplifiée

2.2.1.

Dans sa communication sur la simplification fiscale, la Commission expose une nouvelle approche, qui combine des mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales à des mesures visant à simplifier la vie des contribuables. Le plan comprend 25 actions, dont la mise en œuvre est programmée de manière échelonnée sur les prochaines années, jusqu’en 2024 (12).

2.2.2.

Des actions spécifiques ont été prévues concernant les obligations d’enregistrement (identification et enregistrement TVA). Un enregistrement efficace et efficient est considéré comme crucial pour que tous les contribuables paient leur juste part. En conséquence, la Commission met en avant plusieurs actions visant à maintenir les bases de données contenant les données des contribuables en bon état de fonctionnement et constamment à jour. La simplicité de l’enregistrement est également considérée comme importante, en particulier lorsque les contribuables circulent d’un État membre à un autre.

2.2.3.

Un autre ensemble d’actions spécifiques est prévu pour ce qui concerne les obligations de déclaration. Les déclarations des contribuables doivent être aussi efficaces que possible et reposer sur une collaboration réciproque avec les autorités fiscales. Les déclarations fiscales doivent être simples, les données demandées doivent être limitées au minimum et leur traitement doit être effectué suivant des procédures simples, par l’intermédiaire d’un service numérique sous forme de «guichet unique». De nombreux États membres ont allégé certaines règles de paiement de la TVA en réaction à la pandémie de COVID-19.

2.2.4.

Des mesures supplémentaires sont attendues pour faciliter le paiement de l’impôt, en particulier par des modes de paiement électroniques mis à la disposition des contribuables, par exemple des applications sur smartphone (13). Le montant des impôts dus devrait être correct dès le départ, afin d’éviter si possible des procédures fastidieuses de remboursement. Lorsque des remboursements sont attendus, les administrations fiscales devraient les traiter rapidement afin d’éviter les problèmes de trésorerie pour les contribuables.

2.2.5.

Apporter une sécurité juridique aux contribuables est l’un des objectifs premiers du plan d’action de la Commission, tout comme le règlement efficace des éventuels différends. Il convient de prévenir l’apparition de différends qui, le cas échéant, doivent être promptement résolus entre les États membres dans le cadre de leurs systèmes juridiques et du droit de l’Union européenne.

2.2.6.

La Commission juge important d’offrir la possibilité de corriger ou de clarifier tout malentendu afin d’éviter une escalade des différends. La prévention des litiges est donc encouragée, tout comme le règlement rapide des affaires en instance, afin d’économiser le temps et l’argent des contribuables comme des autorités fiscales. Certaines parties prenantes ont déjà exprimé leur préférence pour une intervention accrue au niveau de l’Union afin de prévenir et de régler les différends (14).

2.3.   La coopération administrative entre les autorités fiscales

2.3.1.

Ces dernières années, l’Union a concentré ses efforts sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, contre la planification fiscale agressive, ainsi que sur le renforcement de la transparence grâce à une coopération adéquate entre les autorités fiscales. Même si d’importants progrès ont été réalisés concernant l’échange d’informations, la Commission souligne dans sa proposition qu’il est nécessaire d’améliorer encore les dispositions en vigueur.

2.3.2.

La Commission vise en particulier à mieux relever les défis posés par la numérisation de l’économie, notamment pour ce qui concerne les plateformes numériques, dont l’utilisation rend plus difficiles la traçabilité et la détection des faits générateurs de l’impôt par les autorités fiscales (15). Le problème est encore plus aigu lorsque ces transactions sont effectuées par l’intermédiaire de plateformes numériques établies dans un autre État membre ou dans un pays ou territoire tiers (16).

2.3.3.

Un consensus semble s’être dégagé entre les représentants des opérateurs de plateformes numériques sur les avantages de disposer d’un cadre juridique harmonisé dans l’Union pour la collecte d’informations provenant des plateformes, et sur les possibles avantages d’une solution analogue au guichet unique pour la TVA.

2.3.4.

Concernant la question de l’échange d’informations sur demande, la Commission insiste dans sa proposition sur le concept de pertinence vraisemblable. L’article 5 bis prévoit une définition de la norme de pertinence vraisemblable qui s’applique en cas de demande d’informations et établit les éléments de la norme et les exigences procédurales que l’autorité concernée doit respecter. La demande d’informations peut concerner un ou plusieurs contribuables, pour autant qu’ils soient identifiés individuellement. La norme de pertinence vraisemblable ne devrait pas s’appliquer lorsque la demande d’informations est envoyée à titre de suivi de la décision fiscale anticipée en matière transfrontière ou de l’accord préalable en matière de prix de transfert ayant fait l’objet d’un échange d’informations.

2.3.5.

Avant de demander des informations, l’autorité fiscale est tenue d’exploiter toutes les sources habituelles d’information auxquelles elle peut avoir recours pour obtenir les informations demandées ainsi que tous les moyens disponibles. Toutefois, si ce faisant l’autorité requérante est confrontée à des difficultés disproportionnées et risque de mettre en péril la réalisation de ses objectifs, l’obligation ne s’applique pas. Si l’autorité requérante n’a pas respecté cette obligation, l’autorité requise peut refuser de fournir les informations.

2.3.6.

La section II bis établit un cadre juridique pour la réalisation d’audits conjoints. Un audit conjoint y est défini comme une enquête administrative menée conjointement par les autorités compétentes de deux États membres ou plus. Les autorités compétentes des États membres concernés procèdent, de manière coordonnée et conformément à leurs systèmes juridiques, à l’examen d’une affaire liée à un ou plusieurs contribuables présentant un intérêt commun ou complémentaire pour eux.

2.4.   La bonne gouvernance fiscale dans l’Union européenne et au-delà

2.4.1.

La communication de la Commission européenne relative à la bonne gouvernance fiscale prend pour point de départ le fait que l’équité fiscale est au cœur du modèle social et économique de l’Union et que la bonne gouvernance fiscale constitue la base de l’équité fiscale et de la stabilité des recettes permettant de pérenniser ce modèle (17). La communication contient des propositions visant à i) réformer le code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises; ii) réviser la liste des pays et territoires non coopératifs; et iii) promouvoir la bonne gouvernance fiscale au niveau international.

2.4.2.

Depuis son établissement en 1997, le code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (ci-après le «code») (18) est le principal instrument de l’Union pour prévenir la concurrence fiscale dommageable. Il énonce des principes pour une concurrence fiscale loyale et est utilisé pour déterminer le caractère éventuellement dommageable d’un régime fiscal (19).

2.4.3.

En dépit des résultats qu’il a permis d’obtenir, le code doit être modernisé. La nature de la concurrence fiscale et les formes qu’elle prend ont considérablement changé ces dernières années, du fait de la mondialisation, de la numérisation, du rôle croissant des multinationales dans l’économie mondiale et des régimes d’incitation complexes mis en place par certains États membres.

2.4.4.

Plus spécifiquement, la Commission vise à étendre le champ d’application du code de manière à couvrir toutes les mesures qui créent un risque de concurrence fiscale déloyale. En outre, le code devrait aussi être mis à jour pour faire en sorte que le plus grand nombre possible de cas d’imposition très faible soient dûment examinés, dans l’Union comme hors de celle-ci.

2.4.5.

Les principes énoncés dans le code font partie des critères utilisés pour évaluer les pays tiers dans le cadre de la liste de l’Union des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales. La Commission entend réviser le champ d’application géographique de la liste de l’Union, en mettant à jour le tableau de bord utilisé à l’origine pour sélectionner les pays et territoires les plus intéressants à évaluer.

2.4.6.

Les réflexions sur le champ d’application géographique de la liste de l’Union porteront également sur les critères que doivent respecter les pays et territoires sélectionnés. Retirer de la liste tout pays ou territoire qui relève actuellement de son champ d’application aurait des répercussions sur l’égalité des conditions et nuirait aux efforts positifs déjà fournis par la plupart d’entre eux. Il convient cependant de se demander si les critères d’inscription sur la liste de l’Union pourraient être appliqués de manière plus ciblée pour certains pays ou territoires.

2.4.7.

Dans son dialogue avec les pays tiers — et conformément à l’approche adoptée au sein de l’Union — la Commission insistera aussi sur les objectifs environnementaux, ainsi que sur le «principe du pollueur-payeur», qui commande d’intégrer le coût des externalités dommageables pour l’environnement. D’après la communication de la Commission, il existe un potentiel sous-exploité de taxes environnementales qui pourraient contribuer à un développement durable au niveau mondial ainsi qu’à des sociétés plus équitables dans les pays en développement. Une coopération entre les organisations de la société civile au sens large pourrait contribuer à la sensibilisation à ces questions.

2.4.8.

Sur la base du lien juridiquement contraignant en vigueur entre les normes de bonne gouvernance fiscale et l’utilisation de fonds de l’Union, la Commission estime que ces fonds pourraient être mieux utilisés pour renforcer les principes de la bonne gouvernance fiscale (20). À cet égard, la Commission exhorte également les États membres à inscrire les exigences de l’Union dans leurs politiques nationales de financement et dans les règles de conformité appliquées par leurs banques et agences de développement.

2.4.9.

La Commission a également adressé aux États membres une recommandation les invitant à subordonner le soutien financier qu’ils accordent à l’absence de liens entre les entreprises bénéficiaires et des pays et territoires figurant sur la liste de l’Union des pays et territoires non coopératifs. Elle ajoute toutefois qu’une exception devrait être possible pour les entreprises ayant une présence économique substantielle (corroborée par la présence de personnel, de matériel, de biens et de locaux) dans les pays ou territoires répertoriés. La mise en œuvre des efforts déployés par les États membres dans ce domaine doit être conciliable avec la nécessité de veiller à l’équité fiscale internationale.

3.   Observations générales et particulières

3.1.   Le plan d’action pour une fiscalité équitable et simplifiée

3.1.1.

Le CESE soutient les propositions législatives de la Commission et applaudit à leur coordination avec les discussions de portée mondiale menées au niveau de l’OCDE/du cadre inclusif afin de faire émerger un consensus mondial (21). Il attire en particulier l’attention sur l’urgence de parvenir à un accord sur des règles uniformes quant aux modalités de répartition des bénéfices imposables entre les pays au niveau de l’OCDE/du cadre inclusif, en conséquence de la numérisation rapide des économies qui est à l’œuvre et de la nécessité de lutter efficacement contre l’évasion fiscale.

3.1.2.

Le CESE apprécie également l’approche réglementaire que la Commission a adoptée pour développer ses propositions tout au long des dispositions législatives à l’examen. L’objectif est d’améliorer l’efficacité globale des systèmes d’imposition, de sorte qu’ils soient équitables et procurent les recettes nécessaires à la mise en œuvre des politiques publiques, tout en offrant dans le même temps des perspectives pour l’emploi et la croissance.

3.1.3.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel la fraude et l’évasion fiscales demeurent une menace pour les finances publiques, en particulier en temps de crise, comme l’ont clairement démontré les estimations les plus récentes, citées dans les propositions à l’examen. D’après la Commission, la perte de recettes dans l’Union causée par des actes de fraude fiscale internationale commis par des particuliers, couvrant l’impôt sur le revenu des personnes physiques, les impôts sur le revenu des capitaux, ainsi que les impôts sur la fortune et les droits de succession, a en effet été estimée à 46 milliards d’EUR en 2016. L’écart de TVA a quant à lui été estimé à 140 milliards d’EUR environ, ce montant incluant quelque 50 milliards d’EUR de fraude transfrontière (22). Les États membres doivent prendre des mesures énergiques pour combler leur écart de TVA national.

3.1.4.

Le CESE se réjouit de la réduction de l’écart estimé dû à l’évasion fiscale des entreprises, lequel s’élève à environ 35 milliards d’EUR par an contre 50 à 70 milliards d’EUR selon les estimations antérieures de la Commission, et il note la corrélation, analysée par la Commission, entre une telle amélioration et les efforts législatifs déployés par la précédente Commission en matière d’évasion fiscale (plus de vingt directives en matière fiscale en cinq ans) (23).

3.1.5.

Afin de soutenir pleinement les particuliers comme les entreprises en ces temps d’épreuve imposés par la crise de la COVID-19, le CESE invite instamment la Commission à poursuivre ses travaux sur la réduction des coûts de conformité liés aux obligations fiscales. Ces coûts de conformité fiscale représenteraient pour les grandes entreprises environ 2 % des impôts acquittés, mais s’élèveraient à 30 % de ceux-ci dans le cas des PME.

3.1.6.

Compte tenu de la complexité qui découle actuellement de 27 systèmes fiscaux différents, et sachant à quel point une telle multiplicité des modèles pèse sur les entreprises et les particuliers exerçant des activités transfrontières, le CESE encourage les États membres à harmoniser leurs obligations de déclaration en matière fiscale et à améliorer la coopération entre les administrations fiscales. Les travaux revus et étendus du groupe «Code de conduite» doivent conduire à éliminer les mesures fiscales dommageables afin d’instaurer des conditions de concurrence égales et contribuer, conjointement avec des réformes législatives, à favoriser des niveaux de convergence fiscale suffisants pour éviter une concurrence fiscale déloyale.

3.1.7.

Les 25 actions prévues par la Commission paraissent raisonnables. Dans l’ensemble, le CESE y apporte son soutien. La plupart d’entre elles se rapportent à la TVA, ce qui est une bonne chose compte tenu du niveau élevé de la perte de recettes subie en la matière. Ces actions ne sont toutefois décrites que succinctement et il reste difficile, pour le moment, d’évaluer pleinement l’incidence spécifique de telles mesures sur les activités quotidiennes des citoyens et des entreprises en Europe. Les États membres doivent agir de manière résolue pour assurer le respect de leurs règles nationales et réduire les problèmes de TVA qui se posent à leur niveau, tout en renforçant leur coopération par-delà les frontières.

3.1.8.

On ne peut que se féliciter de l’adoption d’un système d’enregistrement à la TVA unique au moyen d’un nouvel élargissement du guichet unique, comme dans le train de mesures sur le commerce électronique. En dépit de l’absence de précisions supplémentaires sur les secteurs qui seront couverts, un élargissement du guichet unique aux articles 36 et 39 de la directive 2006/112/CE (24) («directive relative à la TVA») pour y inclure la fourniture de biens par les entreprises aux consommateurs peut être considéré comme un progrès très significatif. Par exemple, l’extension du guichet unique à la livraison transfrontière de gaz, d’électricité, de chaleur ou de froid (article 39 de la directive relative à la TVA) pourrait aussi aider à l’approfondissement du marché de l’énergie de l’Union et à la transition énergétique.

3.1.9.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne de moderniser et d’harmoniser les obligations de déclaration en matière de TVA grâce à un recours accru aux déclarations sur la base des opérations («en temps réel») et à la facturation électronique. Des déclarations sur la base des opérations permettent aux administrations fiscales d’avoir une vue d’ensemble complète des différentes chaînes d’approvisionnement en temps réel, ce qui permettrait d’effectuer des audits mieux ciblés et de détecter à un stade bien plus précoce les fraudes et les opérateurs présentant potentiellement des risques. Les obligations de déclaration doivent toutefois être simples à respecter et ne pas entraîner des coûts administratifs élevés ou de fortes dépenses d’investissement, en particulier pour les PME (25). De même, un recours accru à la facturation électronique et une norme harmonisée en la matière pourraient réduire les coûts de stockage et de conformité pour les entreprises et améliorerait la lutte contre la fraude à la TVA.

3.1.10.

Le CESE se félicite aussi que l’opportunité de soumettre les services financiers à la TVA soit réexaminée. De nombreuses entreprises subissent des coûts supplémentaires car certaines entreprises ou institutions financières ne sont pas assujetties à la TVA. En outre, les entités exonérées ne peuvent prétendre à des déductions de la TVA payée en amont si la valeur ajoutée créée n’est pas soumise à la TVA. Il s’agit d’une question complexe et le CESE escompte que des analyses d’impact exhaustives seront réalisées. Le CESE fait observer qu’une augmentation des recettes issues de la TVA aurait aussi une incidence positive sur le budget de l’Union.

3.1.11.

Le CESE relève que les États membres ont la faculté de recourir à un système d’autoliquidation pour lutter contre la fraude à la TVA. Cette possibilité a été utilisée dans la lutte contre la fraude à la TVA de type «carrousel». Le CESE demande à la Commission d’évaluer quelle méthode est la plus efficace et la moins génératrice de charge administrative afin de parer à la fraude «carrousel».

3.1.12.

Pour le bon fonctionnement des administrations fiscales, il est nécessaire que les contribuables fournissent des informations correctes, et certains États membres ont mis en place des systèmes de «conformité coopérative» pour renforcer ce partenariat. Pour le moment, hélas, ces systèmes ne fonctionnent qu’à l’échelle nationale. À la lumière de ces éléments, le CESE soutient l’initiative de la Commission en faveur d’un «cadre de conformité coopérative au niveau de l’Union» pour régler, sur la base d’une confiance et d’une coopération renforcées entre de multiples administrations fiscales, les différends transfrontières relatifs à l’imposition des sociétés. Il importe dans ce cadre de traiter sur un pied d’égalité les PME et les grandes entreprises.

3.1.13.

Les modalités pratiques de ce cadre de conformité coopérative de l’Union restent cependant floues, et le CESE attend avec intérêt d’évaluer ces développements et d’y apporter sa contribution constructive au cours du processus d’élaboration et de mise en œuvre.

3.1.14.

À première vue, le dialogue préventif prévu par la Commission pour le règlement des différends fiscaux transfrontières paraît constituer une évolution utile et positive, d’autant que c’est une demande formulée de longue date par le monde des entreprises. Une approche harmonisée dans plusieurs États membres serait très appréciée, même s’il reste à voir comment une telle approche peut être concrètement mise en œuvre à partir du paysage réglementaire hétérogène qui existe actuellement (26).

3.1.15.

La question du remboursement de l’impôt est toujours cruciale, en particulier en temps de crise comme c’est le cas actuellement, cette situation posant un risque d’assèchement de la liquidité aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Durant la pandémie de COVID-19, plusieurs pays ont procédé plus rapidement à leurs remboursements de TVA et à leurs remboursements de manière générale, afin de faire en sorte que les entreprises disposent de liquidités suffisantes pour surmonter une situation économique inédite et déstabilisatrice.

3.1.16.

Sachant que certaines entreprises souffrent déjà de problèmes de liquidité, des factures pourraient être payées en retard, voire ne pas être payées du tout à terme, la conséquence étant que les entreprises ayant facturé la TVA devront en produire le montant aux autorités fiscales lors de la période de déclaration correspondante sans avoir perçu cette TVA (il s’agit là d’une «créance irrécouvrable»). À la lumière de ces éléments, le CESE demande à la Commission européenne d’évaluer comment un mécanisme simplifié et mieux harmonisé d’allégement de la TVA en cas de créance irrécouvrable pourrait être proposé. Ce mécanisme devrait garantir que les entreprises puissent récupérer rapidement et en temps utile auprès des autorités fiscales la TVA qu’elles n’ont pas été en mesure de percevoir auprès de leurs clients mais qu’elles ont déjà versée aux mêmes autorités.

3.1.17.

Le CESE invite instamment les administrations fiscales nationales à poursuivre un tel traitement rapide des remboursements, pour les impôts aussi bien directs qu’indirects, et propose qu’une approche administrative harmonisée soit adoptée partout en Europe, faisant observer qu’un système commun de retenue à la source pour les investissements de portefeuille transfrontières constituerait une première étape pour avancer.

3.1.18.

La fraude et l’évasion fiscales ainsi que les infractions liées font l’objet de poursuites ressortissant à une palette diverse de code pénaux devant les juridictions nationales des États membres. Toutefois, ces infractions fiscales ont dans bien des cas une dimension transnationale. Le Comité estime donc qu’il importe de tenir compte de cet élément ainsi que de la structure des pénalités, en particulier dans le cas d’audits conjoints entre États membres. Il conviendrait d’évaluer les implications de ces différences dans les pénalités appliquées selon les États membres.

3.1.19.

Le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission relative à une recommandation sur les droits des contribuables dans le marché unique. Apporter aux États membres une vue d’ensemble des bonnes pratiques en matière de fiscalité dans les domaines de la simplification et de la numérisation peut contribuer à décrisper les relations entre les contribuables et les autorités fiscales dans toute l’Union, à mieux informer les citoyens sur la fiscalité et à améliorer la perception des recettes. Le CESE considère qu’il s’agit là d’un bon exemple d’initiative non contraignante.

3.2.   La coopération administrative entre les autorités fiscales

3.2.1.

Le CESE soutient la décision de la Commission de prendre des mesures législatives visant à renforcer la coopération entre les autorités fiscales et à harmoniser davantage les règles de procédure dans l’ensemble du marché intérieur.

3.2.2.

De fait, la proposition est pleinement conforme au principe de subsidiarité énoncé à l’article 5 du TFUE, puisqu’elle envisage une intervention du législateur européen afin de remédier à des problèmes qui ne peuvent être réglés efficacement par les États membres.

3.2.3.

Le CESE souscrit à l’intention de renforcer les compétences du réseau Eurofisc, de sorte qu’il devienne un centre de référence pour les infractions fiscales transfrontières.

3.2.4.

L’application des dispositions de la directive en vigueur a de fait prouvé l’existence de divergences significatives entre les États membres, puisque certains d’entre eux sont disposés à pleinement coopérer en échangeant des informations, tandis que d’autres appliquent une approche restrictive de l’échange d’informations, voire le rejettent.

3.2.5.

Le CESE soutient aussi l’effort déployé pour accroître la transparence des plateformes numériques afin de prévenir les déclarations de revenu incohérentes, qui comportent un risque élevé d’évasion fiscale. Bien que certains États membres aient imposé une obligation de déclaration dans leur système juridique national, l’expérience montre que les dispositions nationales visant à lutter contre l’évasion fiscale ne sont pas toujours pleinement efficaces, en particulier lorsque les activités ciblées sont transfrontières. La sécurité et la clarté juridiques peuvent donc être garanties par un ensemble unique d’exigences et de formulaires de déclaration s’appliquant à tous les États membres.

3.2.6.

Le CESE se félicite également de la proportionnalité de la proposition de la Commission en ce qui concerne la coopération entre les autorités fiscales dans les procédures, puisque les modifications présentées ne semblent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’un échange d’informations plus efficace et d’une meilleure coopération administrative.

3.2.7.

Le système de sanctions pour les opérateurs de plateformes qui ne respectent pas leurs obligations de déclaration, comme indiqué à l’article 25 bis de la proposition de directive DAC 7, même s’il s’agit d’une compétence nationale, doit être appliqué de manière aussi homogène que possible dans tous les États afin d’en garantir l’efficacité.

3.2.8.

Étant donné que les distorsions liées aux opérateurs de plateformes qui sont détectées dans le fonctionnement du marché intérieur s’étendent généralement au-delà des frontières d’un seul État membre, les règles communes de l’Union représentent le strict minimum nécessaire pour résoudre les problèmes de manière efficace. Suivant le même raisonnement, le CESE encourage la Commission à développer plus avant son rôle et sa collaboration au sein de l’OCDE concernant la numérisation des économies, afin de faire émerger une approche internationale commune entre les autorités fiscales pour traiter des problèmes mondiaux.

3.2.9.

L’article 12 bis, paragraphe 6, dispose que les audits conjoints sont menés conformément aux modalités de procédure applicables dans l’État membre où les actions liées à un audit sont réalisées. Les éléments de preuve recueillis au cours de l’audit conjoint devraient être mutuellement reconnus par toutes les autorités compétentes des États membres participants.

3.2.10.

Le CESE souligne que les audits conjoints, qui sont en principe un outil utile et très efficace, devraient être conduits dans le respect des droits des contribuables, en observant rigoureusement les principes énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (27), s’agissant notamment de leurs droits de la défense et de la prévisibilité des règles les concernant, tant dans la procédure que sur le fond, ainsi que de la collecte de preuves par les autorités fiscales chargées des enquêtes en vue de possibles sanctions.

3.2.11.

En particulier, l’ensemble de données à échanger et à transmettre aux administrations fiscales devrait être défini de manière à ne prendre en compte que les données minimales nécessaires pour détecter les cas non conformes de sous-déclaration ou de non-déclaration, conformément aux obligations du RGPD (28), qui doivent être interprétées et appliquées de manière rigoureuse. Les éventuelles incidences négatives sur les données à caractère personnel devraient être réduites au minimum grâce à des mesures adéquates sur le plan informatique et procédural, au regard notamment de leur collecte, de leur traitement et de leur stockage ultérieur.

3.2.12.

Le CESE souligne que, conformément aux règles du RGPD, les demandes groupées doivent être dûment motivées et traitées avec précaution, de manière à ne pas porter atteinte aux droits des personnes physiques et morales, et à ne pas donner lieu à des «pêches aux renseignements».

3.2.13.

Le CESE encourage la Commission à poursuivre son évaluation de l’efficacité des directives antérieures en matière de coopération administrative (29).

3.3.   La bonne gouvernance fiscale dans l’Union européenne et au-delà

3.3.1.

Le CESE souscrit à l’approche retenue par la Commission selon laquelle une bonne gouvernance fiscale — qui constitue le fondement de l’équité devant l’impôt — requiert, en matière fiscale, de la transparence grâce à l’échange d’informations entre les autorités compétentes, la prévention d’une concurrence déloyale, l’absence de mesures dommageables et l’application de normes convenues au niveau international. Il s’accorde également avec le Parlement européen à considérer que l’Union devrait prendre des mesures décisives pour lutter contre la concurrence fiscale dommageable et la planification fiscale agressive, en particulier dans les paradis fiscaux.

3.3.2.

Le CESE soutient la Commission dans son initiative de révision du code de conduite et la félicite d’avoir tenu dûment compte, dans sa proposition, des travaux menés par l’OCDE ainsi que de l’importance d’adhérer à des normes convenues au niveau international, notamment pour ce qui concerne des principes mondiaux qui déboucheraient sur un taux effectif minimum d’imposition des sociétés.

3.3.3.

Le CESE estime que le résultat et les succès obtenus par le code de conduite devraient être mis à jour de manière plus régulière et rendus publics à l’intention de la société civile, conformément à l’objectif de la Commission d’accroître la transparence concernant les activités concrètement menées et les résultats du code.

3.3.4.

La Commission reconnaît dans son approche de la question que la concurrence fiscale n’est pas un problème en soi (30). Dans le même temps, toutefois, la Commission et le Parlement européen ont à maintes occasions exprimé leur préoccupation quant à l’existence d’une concurrence fiscale déloyale au sein de l’Union européenne, qui favorise l’évasion fiscale. Le Comité considère que des travaux sérieux sont nécessaires pour résoudre ce problème complexe. Dans un avis qu’il a récemment adopté (31), il a proposé le lancement d’un pacte européen, afin de lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales, l’évitement de l’impôt et le blanchiment de capitaux. Le CESE a invité la Commission européenne à lancer une initiative politique qui associe les gouvernements et les autres institutions européennes pour atteindre cet objectif, en encourageant à dégager les consensus nécessaires à cette fin et en ouvrant la démarche à la participation de la société civile. Le pilier essentiel de ce pacte devrait être la coopération entre les États membres.

3.3.5.

Le CESE souscrit également à cet autre choix réglementaire que constitue l’élargissement du champ d’application du code de conduite dans l’Union afin d’y inclure d’autres mesures concernant la concurrence fiscale. Il est plus que temps de procéder à une mise à jour et de faire ainsi en sorte que les régimes aboutissant à une taxation très faible ou nulle à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union soient soumis à un examen. Toutefois, le code est un instrument non contraignant, appelé à régler des questions qui ne relèvent pas de la législation européenne.

3.3.6.

La Commission fait valoir qu’il est aussi nécessaire de rendre le processus d’inscription sur la liste plus clair pour les pays tiers, en renforçant la transparence quant aux raisons de l’inscription ou non d’un pays ou territoire sur cette liste. Une plus grande harmonisation des normes adoptées par les États membres de l’Union et une meilleure coordination entre les listes nationales et celle de l’Union seraient utiles, puisque l’Union et plusieurs États membres observent des normes différentes, ce qui peut être une source de confusion.

3.3.7.

La Commission évalue également la «liste noire des paradis fiscaux», mise en place depuis 2017, et a examiné des centaines de régimes fiscaux dommageables de par le monde, y compris dans bon nombre de pays et territoires ayant pris des engagements devant le Conseil en vue de lever les inquiétudes concernant une concurrence fiscale déloyale et une transparence limitée. Le CESE fait sienne la position de la Commission selon laquelle il est temps de réviser la liste et d’examiner comment la rendre plus efficace et équitable, en tenant compte des défis nouveaux qui se posent dans une économie mondiale numérisée. Le CESE souscrit également au critère posé par la Commission consistant à donner à certains pays et territoires présentant un risque faible et possédant des capacités limitées la possibilité d’améliorer leurs normes de bonne gouvernance et de transparence fiscales dans un délai raisonnable lorsqu’ils figurent sur la liste ou pourraient y être inscrits.

Bruxelles, le 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  «[Le code de conduite] fonctionne sur le postulat que, si la concurrence fiscale entre pays n’est pas en soi problématique, il faut, par contre, soumettre à des principes communs la mesure dans laquelle les pays peuvent utiliser leurs régimes fiscaux et leurs politiques en la matière pour attirer les entreprises et les bénéfices. C’est particulièrement important dans un marché unique, où les libertés inscrites dans le traité accroissent la mobilité des bénéfices et des investissements» [COM(2020) 313 final, p. 3].

(2)  Voir aussi: «Écart de TVA: les pays de l’UE ont perdu 140 milliards d’EUR de recettes de TVA en 2018, chiffre qui risque d’augmenter en 2020 en raison de la COVID-19» (https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_1579).

(3)  COM(2020) 312 final, p. 5. Selon d’autres estimations, par exemple celles du Parlement européen, les pertes dues à la criminalité financière ainsi qu’à la fraude et à l’évasion fiscales s’élèveraient à 190 milliards d’EUR. D’après les travaux approfondis présentés par l’OCDE dans son rapport sur l’action 11 du projet relatif à l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), la perte de recettes au niveau mondial avant qu’aucune des mesures visant à lutter contre ces phénomènes ne soit adoptée était grossièrement comprise entre 100 et 240 milliards d’USD, soit 0,35 % du PIB mondial. La Commission a estimé que 50 à 70 milliards d’EUR pouvaient en être attribués à l’Union européenne avant que ses États membres ne s’accordent sur les directives sur la lutte contre l’évasion fiscale I et II.

(4)  La Commission européenne a produit 20 propositions législatives majeures durant son précédent mandat quinquennal.

(5)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Lutter contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 6).

(6)  Orientations politiques pour la prochaine Commission européenne, 2019-2024.

(7)  Voir COM(2020) 312 final, COM(2020) 313 final, COM(2020) 314 final.

(8)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Lutter contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux» (JO C 429 du 11.12.2020, p. 6).

(9)  Voir COM(2020) 312 final. Voir aussi l’avis du CESE sur des «Mécanismes fiscaux pour réduire les émissions de CO2» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 21).

(10)  Voir COM(2019) 640 final.

(11)  Cette disposition concerne les juridictions visées à l’annexe 1 des conclusions du Conseil à ce sujet. La liste en est régulièrement mise à jour: https://ec.europa.eu/taxation_customs/tax-common-eu-list_fr

(12)  Ces actions sont énumérées dans le document COM(2020) 312 final.

(13)  Commission européenne (2018), étude sur les coûts de conformité fiscale pour les PME (en anglais).

(14)  Réponses à la consultation publique sur l’évaluation de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité, résumées en annexe 2 du document de travail des services de la Commission — Évaluation de la directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE» [SWD(2019) 328 final].

(15)  Des demandes ont été formulées en faveur d’un enregistrement dans chacun des États membres. Une telle démarche augmenterait la charge administrative et compliquerait la tâche des PME qui souhaitent étendre leurs activités à de nouveaux pays et secteurs.

(16)  Proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal [COM(2020) 314 final].

(17)  Communication relative à la bonne gouvernance fiscale [COM(2020) 313 final].

(18)  Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 1er décembre 1997 sur un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (JO C 2 du 6.1.1998, p. 2).

(19)  La manière dont la Commission a exprimé son point de vue sur ce qui constitue une concurrence fiscale loyale ou bien dommageable a évolué au fil du temps. Quand elle a présenté son projet de directive concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, la Commission soulignait qu’une concurrence fiscale loyale, fondée sur les taux, offrait davantage de transparence et devait être encouragée [COM(2011) 121 final, p. 4]. Dans la communication relative à la bonne gouvernance fiscale qu’elle a présentée en 2020, la concurrence fiscale n’est pas considérée comme problématique en soi, mais des principes communs sur la manière dont les pays peuvent utiliser leurs régimes fiscaux sont jugés nécessaires [COM(2020) 313 final, p. 3]. Il apparaît raisonnable d’en conclure qu’il existe d’une part une bonne concurrence fiscale et d’autre part une concurrence fiscale déloyale et dommageable. Les États membres décident de leurs régimes fiscaux, mais ils sont tenus de le faire d’une manière ouverte et transparente, dans le respect des traités en s’abstenant d’édicter des règles dommageables et discriminatoires. L’Union et ses États membres doivent veiller au bon fonctionnement du marché unique, dont le niveau de convergence doit être suffisant, y compris en matière fiscale.

(20)  Plusieurs instruments de financement permettent d’éviter de financer des projets qui contribuent à l’évasion fiscale. Voir: règlement financier, Fonds européen pour le développement durable (FEDD), Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) et mandat de prêt extérieur (MPE). Voir la communication de la Commission sur les nouvelles exigences visant à lutter contre l’évasion fiscale introduites dans la législation de l’Union européenne régissant les opérations de financement et d’investissement [C(2018) 1756 du 21.3.2018].

(21)  Voir les avis du CESE intitulés «Lutter contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux» [JO C 429 du 11.12.2020, p. 6]; «La fiscalité dans l’économie numérique» [JO C 353 du 18.10.2019, p. 17] et «L’imposition des bénéfices des multinationales dans l’économie numérique» [JO C 367 du 10.10.2018, p. 73].

(22)  Voir aussi: «Écart de TVA: les pays de l’UE ont perdu 140 milliards d’EUR de recettes de TVA en 2018, chiffre qui risque d’augmenter en 2020 en raison de la COVID-19» (https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_1579).

(23)  Selon d’autres estimations, par exemple celles du Parlement européen, les pertes dues à la criminalité financière ainsi qu’à la fraude et à l’évasion fiscales s’élèveraient à 190 milliards d’EUR. D’après les travaux approfondis présentés par l’OCDE dans son rapport sur l’action 11 du projet relatif à l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), la perte de recettes au niveau mondial avant qu’aucune des mesures visant à lutter contre ces phénomènes ne soit adoptée était grossièrement comprise entre 100 et 240 milliards d’USD, soit 0,35 % du PIB mondial. La Commission a estimé que 50 à 70 milliards d’EUR pouvaient en être attribués à l’Union européenne avant que ses États membres ne s’accordent sur les directives sur la lutte contre l’évasion fiscale I et II.

(24)  Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347 du 11.12.2006, p. 1).

(25)  On trouve de nombreux bons exemples illustrant la manière dont certains pays ont réduit leur écart de TVA. La réforme menée en 2014 en Estonie a notamment été citée à ce titre.

(26)  Voir l’avis sur le thème «Améliorer les mécanismes de règlement des différends en matière de double imposition» (JO C 173 du 31.5.2017, p. 29).

(27)  Voir la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO C 202 du 7.6.2016, p. 389).

(28)  Document de travail des services de la Commission — Évaluation de la directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE [SWD(2019) 328 final]. JO L 119 du 4.5.2016, p. 1.

(29)  SWD(2019) 327 final.

(30)  Il est évident que la Commission, tout comme l’OCDE, opère la distinction entre une bonne concurrence fiscale, qui a lieu dans la transparence, et une concurrence fiscale déloyale.

(31)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Lutter contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux» [JO C 429 du 11.12.2020, p. 6].


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/20


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action

[COM(2020) 590 final]

(2021/C 155/03)

Rapporteur:

Pierre BOLLON

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.2.2021

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

226/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission sur «Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action». Elle s’inscrit dans la nécessaire continuation des travaux réalisés dans le cadre du premier plan d’action de 2015 et de son examen à mi-parcours en 2017, que le Comité a approuvés dans ses avis intitulés «Un plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux» (1) et «Examen à mi-parcours du plan d’action concernant l’union des marchés des capitaux» (2). Au cours des deux dernières années, le Comité a également publié plusieurs avis sur des questions étroitement liées à l’union des marchés des capitaux, notamment les avis d’initiative suivants: «Vers une économie européenne plus résiliente et durable» (3) et «Une nouvelle vision pour achever l’Union économique et monétaire» (4).

1.2.

Les objectifs initiaux du plan d’action, qui consistent à faciliter la mobilisation des capitaux en Europe et à les canaliser vers les entreprises, les infrastructures et les projets à long terme pour entraîner des effets positifs sur l’emploi, demeurent pleinement pertinents. Ces objectifs revêtent la plus haute importance pour permettre à l’Union à 27, à ses entreprises et à ses citoyens d’accomplir des progrès décisifs vers le renforcement de la souveraineté géostratégique, sur le plan financier et économique, ainsi que vers la réalisation des indispensables transitions climatique, sociale et numérique. Le CESE souligne également que l’union des marchés des capitaux ne peut atteindre les objectifs qui lui sont assignés qu’à la condition que la stabilité financière et la protection des consommateurs restent prioritaires, pour éviter de graves répercussions négatives sur les entreprises, les travailleurs et les consommateurs, de même que sur l’économie dans son ensemble.

1.3.

La crise de la COVID-19, violente et imprévue, nécessite de renforcer le plan d’action et d’en accélérer la mise en œuvre. Les entreprises européennes, quelle que soit leur taille, ont été contraintes de creuser leur endettement et elles devront, dans les mois et les années à venir, lever des fonds ou puiser dans leurs capitaux propres pour pouvoir investir dans l’avenir et, ce faisant, créer de l’emploi.

1.4.

L’accord sur le Brexit, conclu à la fin du mois de décembre 2020, est une raison majeure supplémentaire pour imprimer un nouvel élan à l’union des marchés des capitaux. Les centres financiers de l’Union à 27 devront être en mesure de fournir des services qui ont été assurés jusqu’alors par la City de Londres. Des marchés financiers et des capitaux hautement intégrés, fonctionnels et équitables doivent être développés dans l’Union à 27, et le CESE estime qu’un corpus réglementaire davantage harmonisé sera nécessaire pour éviter aussi bien les lacunes que les contraintes donnant lieu à des déséconomies d’échelle.

1.5.

Le Comité, tout en se déclarant favorable à l’ensemble des 16 actions proposées par la Commission, insiste sur l’importance de hiérarchiser et de coordonner les initiatives (en fixant des jalons concrets pour mesurer les progrès accomplis), il met en avant celles qu’il juge les plus nécessaires et formule des propositions complémentaires ciblées.

1.6.

Tout en reconnaissant l’importance du financement public, il conviendrait sans nul doute de mieux tirer parti du haut niveau d’épargne en Europe comparativement à d’autres régions du monde. Il y a une condition générale essentielle, préalable à la réalisation de cet objectif: c’est l’amélioration de l’éducation financière des Européens (action no 7). Le CESE recommande de recenser et de promouvoir les bonnes pratiques et expériences nationales en matière d’enseignement et d’apprentissage. Il suggère également d’associer toutes les parties prenantes, y compris les représentants des travailleurs et des consommateurs, à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures d’éducation financière dans toute l’Europe, de renforcer l’efficacité des règles strictes de protection et de réduire les asymétries en matière d’information entre les prestataires de services financiers et les citoyens. Le CESE recommande en particulier d’inclure la culture financière dans la future révision du cadre des compétences clés.

1.7.

Afin d’accroître l’autonomie stratégique de l’Union dans des secteurs et des capacités de première importance, le Comité souscrit aux propositions de mesures techniques avancées par la Commission: i) simplifier les règles de cotation pour les PME (action no 2); ii) permettre aux actionnaires de mieux exercer leurs droits dans un contexte transfrontière (action no 12); iii) améliorer les services de règlement transfrontière (action no 13); iv) créer un système consolidé de publication post-marché pour les fonds propres (action no 14), ainsi qu’un portail InvestEU soigneusement ciblé (action no 15). Une première mesure supplémentaire permettant d’aller de l’avant consisterait à charger la Commission d’évaluer la faisabilité d’autoriser les fonds d’investissement européens à bénéficier d’un code ISIN «.eu», améliorant ainsi leur disponibilité par-delà les frontières.

1.8.

Le CESE se range à l’avis de la Cour des comptes européenne, laquelle relève que la nouvelle législation sur la titrisation, qui représente certes une avancée positive, n’a pas, dans la pratique, permis aux banques d’accroître leur capacité de prêt, en particulier à destination des PME. Il existe donc une marge d’amélioration (action no 6), à la condition que des contrôles efficaces soient menés afin de prévenir la réapparition des risques systémiques.

1.9.

Il importe de prendre en considération le principe de subsidiarité s’agissant des investisseurs de détail, étant donné que les habitudes spécifiques en matière d’épargne sont profondément ancrées dans les schémas nationaux. Le CESE recommande par conséquent à la Commission, dans le cadre de ses très judicieux travaux visant à améliorer la qualité des conseils financiers (action no 8), de tenir compte des avantages qu’apporte chaque modèle différent, tout en gardant à l’esprit que la disponibilité de ces conseils, tout comme des informations comparables et adéquates/pertinentes, sont essentielles pour inciter les citoyens à investir.

1.10.

En ce qui concerne les retraites, au-delà du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP), qui est un outil pertinent pour les travailleurs transfrontières et sera couronné de succès en cas d’adoption d’une législation de niveau 2 facile à mettre en œuvre, des règles paneuropéennes universelles supplémentaires sur les régimes par capitalisation complétant les régimes par répartition ne seraient d’aucun bénéfice, étant donné que les dispositions en matière de retraite sont profondément enracinées dans le droit social national. Le CESE accueille donc favorablement la proposition de la Commission (action no 9) visant à recueillir, partager et promouvoir les meilleures pratiques.

1.11.

Afin de lutter contre le changement climatique, la Commission a placé à juste titre la transition énergétique parmi ses principales priorités. Le CESE recommande de tenir compte des considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), en accordant une grande attention à la dimension sociale, tout en favorisant la reprise économique ainsi que la préservation et la création d’emplois. Sur le plan de la concurrence, les programmes d’action en matière écologique et sociale devraient devenir un atout pour l’Europe. À titre de deuxième action supplémentaire, il importerait de permettre aux investisseurs d’accéder à des données fiables relatives aux critères ESG et de s’affranchir ainsi de leur actuelle dépendance à l’égard de fournisseurs, de fournisseurs d’indices et d’agences de notation concentrés dans des pays tiers.

1.12.

Le CESE recommande que l’union des marchés des capitaux tienne pleinement compte des différentes formes d’investissement à impact social, en particulier dans le domaine de l’«économie sociale», contribuant ainsi positivement à l’intérêt général et au bien commun. Les fonds d’entrepreneuriat social européens (EuSEF) devraient être fortement soutenus, éventuellement par une révision du règlement (UE) no 346/2013 du Parlement européen et du Conseil (5), qui les a initiés.

1.13.

Outre les mesures déjà mentionnées, le Comité préconise deux types de priorités qui, si elles sont adoptées au titre de ce plan d’action et mises en œuvre dans les États membres (un programme de suivi serait souhaitable), rendraient responsable sur les plans social et environnemental le système financier européen, lequel pourrait alors jouer son rôle d’intermédiaire entre l’offre et la demande de manière plus efficace, grâce à une compétitivité accrue et une plus grande résistance aux chocs.

1.14.

La première priorité consiste à améliorer l’efficacité de l’union des marchés des capitaux par trois mesures clés que sont i) la création du point d’accès unique européen, qui aidera, entre autres, les investisseurs à sélectionner les émetteurs (action no 1); ii) l’application d’un corpus réglementaire unique, sur la base d’une surveillance étroite tout en prévenant les arbitrages et les lacunes, ce qui permettrait aux acteurs du marché dans toute l’Europe (aucun centre financier ne sera dominant) de réaliser des économies d’échelle (action no 16); et iii) la simplification des procédures de dégrèvement des retenues à la source, tout en les rendant plus efficaces pour lutter contre la fraude (action no 10).

1.15.

La seconde priorité est d’encourager une réorientation de l’épargne à long terme vers des investissements à long terme. Le niveau élevé d’épargne en Europe, qui est un atout pour l’Union à 27, ne bénéficie pas assez aux entreprises ni aux citoyens. Le Comité est favorable à trois actions essentielles pour passer à la vitesse supérieure: i) le réexamen du Fonds européen d’investissement à long terme (FEILT) devrait faciliter l’investissement de l’épargne institutionnelle et de détail dans les actions cotées et non cotées des PME et des entreprises à capitalisation moyenne ainsi que dans des projets d’infrastructure (action no 3); ii) la révision prévue du cadre prudentiel relatif aux assurances sera l’occasion de renforcer le rôle des assureurs sur les marchés des capitaux en prenant mieux en compte la stabilité et la perspective à long terme de leurs investissements en fonds propres (action no 4); et iii) le développement de la participation des salariés serait un troisième élément complémentaire opportun du plan d’action, comme l’expose clairement le Parlement européen dans son rapport d’initiative d’octobre 2020, élaboré par la rapporteure Isabel Benjumea. En effet, l’actionnariat généralisé des salariés et leur participation aux bénéfices contribueraient, s’ils étaient mis en œuvre de manière équitable, à la cohésion sociale et à l’efficacité économique. Le nouveau plan d’action pour l’UMC pourrait être l’occasion d’encourager de tels systèmes, conformément au programme social.

1.16.

Pour finir, le CESE recommande qu’en matière de résultats politiques, toute nouvelle réglementation liée à la construction de l’union des marchés des capitaux soit soumise à quatre tests, en plus des questions «traditionnelles» auxquelles elle doit répondre («est-elle utile pour la construction d’un marché unique?» et «protège-t-elle les consommateurs européens?»).

A-t-elle des effets positifs sur la compétitivité des sociétés financières européennes dans le monde, renforçant ainsi l’autonomie géopolitique stratégique de l’Union?

Permet-elle de préserver la stabilité des marchés financiers?

Est-elle propice au financement à long terme des entreprises européennes, en particulier des PME et des entreprises à capitalisation moyenne, ainsi qu’à l’emploi?

Est-elle opportune pour les transitions climatique, sociale et numérique?

2.   Contexte

2.1.

L’union des marchés des capitaux (UMC) vise à créer un véritable marché unique des capitaux à l’échelle de l’Union et à faciliter la circulation des investissements et de l’épargne dans tous les États membres. Un marché européen des capitaux performant et intégré contribuerait à une croissance durable, renforcerait la compétitivité européenne et affermirait le rôle de l’Union sur la scène mondiale.

2.2.

L’UMC est également essentielle pour atteindre plusieurs grands objectifs de l’Union européenne, tels que la création d’une économie inclusive et résiliente, le soutien à la transition vers une économie numérique et durable ou encore une autonomie stratégique ouverte dans un contexte économique mondial de plus en plus complexe et contribuant à la reprise de l’après-COVID-19. Ces objectifs nécessitent des investissements massifs qui vont bien au-delà des capacités de financement public et du financement bancaire traditionnel.

2.3.

La Commission européenne a adopté le premier plan d’action pour l’union des marchés des capitaux en 2015. Depuis lors, l’Union a accompli quelques progrès dans la mise en place des éléments constitutifs de l’UMC. Toutefois, des obstacles considérables à la réalisation d’un marché unique subsistent. Par ailleurs, les différentes actions initialement prévues pour l’UMC doivent être complétées par de nouvelles mesures qui nous permettront de relever les nouveaux défis, tels que les transformations numérique et environnementale et les efforts de relance indispensables à la suite de la pandémie de COVID-19.

2.4.

Avec ce nouveau plan d’action (6), la Commission a dressé une liste de 16 nouvelles actions pour effectuer des progrès décisifs vers l’achèvement de l’union des marchés des capitaux et avec en ligne de mire les trois grands objectifs suivants:

soutenir une relance économique verte, numérique, inclusive et résiliente en rendant le financement plus accessible aux entreprises européennes,

faire de l’Union un lieu encore plus sûr pour l’épargne et l’investissement à long terme des particuliers,

intégrer les marchés des capitaux nationaux au sein d’un véritable marché unique.

2.5.

Le CESE participe activement à la création d’un marché européen commun des capitaux depuis l’origine de ce projet. En ce sens, le Comité a publié son premier avis à propos du livre vert sur l’union des marchés des capitaux (7), puis il s’est exprimé à la fois sur le plan d’action initial pour l’union des marchés des capitaux (8) et son examen à mi-parcours (9), ainsi que sur de nombreuses propositions législatives découlant de ces plans d’action. Dans le présent avis, le CESE présentera ses recommandations sur le nouveau plan d’action pour l’UMC, en s’appuyant sur ses travaux antérieurs et en tenant compte des nouvelles priorités et des nouveaux problèmes que connaît l’Europe.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement le nouveau plan d’action pour l’UMC, estimant qu’il est nécessaire de donner une suite aux acquis du premier plan de 2015. Il est encore plus urgent de poursuivre le plan dans le contexte de la crise, que rien ne laissait attendre, de la COVID-19 — une crise qui, en raison de son ampleur, modifie quelque peu le diagnostic s’appuyant sur les excellents travaux menés par le groupe d’experts de haut niveau sur l’approfondissement de l’UMC, ainsi que par le forum de haut niveau sur l’UMC, justifiant certains ajustements et renforcements. Le CESE déplore la lenteur avec laquelle est mis en œuvre le plan d’action de 2015, principalement en raison d’un manque de soutien de la part de certains États membres. L’union bancaire, autre grand projet en cours, pâtit également de retards. Le CESE considère que les États membres doivent faire preuve d’une forte volonté politique pour appuyer les mesures nécessaires à la réalisation de l’UMC, qui n’est pas censée être une fin en soi — sachant que le processus de révision du Semestre européen pourrait être éventuellement utilisé comme outil de suivi des progrès. Une UMC sûre et fonctionnant correctement est essentielle pour accompagner la reprise économique et la restructuration consécutive à la pandémie de COVID-19, de même que pour soutenir les investissements pertinents en matière de capital, d’infrastructures et sur le plan social dans l’ensemble de l’Union, ainsi que le pacte vert pour l’Europe ou la transformation numérique. Dans ce contexte, le CESE reconnaît en outre l’importance du financement public, qui joue également un rôle essentiel lorsqu’il s’agit d’attirer les investissements privés et de réduire l’incertitude. Les investissements étrangers pourraient aussi jouer un rôle important, en venant compléter l’épargne européenne.

3.2.

Par ailleurs, la Commission insiste également sur le fait que «la crise risque de creuser les disparités qui existent au sein de l’Union, menaçant de ce fait la résilience économique et sociale collective de celle-ci». Dans ce contexte, le CESE souligne l’importance de hiérarchiser et de coordonner les initiatives. Le plan d’action pour l’UMC a recensé 16 actions, soit un programme assez vaste. Au vu de la charge pesant sur les économies et de l’endettement croissant tant des États membres que des entreprises privées, mais aussi des grandes différences quant à l’impact subi d’un pays à l’autre de l’Union ou encore d’un secteur économique à l’autre, le plan d’action pour l’UMC doit faire l’objet d’une grande attention et d’un contrôle prudent, auquel le CESE entend contribuer, par le truchement de cet avis, afin de garantir qu’un système financier européen socialement responsable puisse jouer plus efficacement son rôle d’intermédiaire entre l’offre et la demande, tout en bénéficiant d’une plus grande résistance aux chocs.

3.3.

Les mesures susceptibles de contrer les risques systémiques liés au niveau très élevé de la dette publique et privée devraient être privilégiées. Parallèlement, un soutien devrait être accordé en priorité aux entreprises impactées par la crise mais viables ainsi qu’aux entreprises nouvellement créées pour développer l’emploi et la compétitivité de l’économie européenne, d’autant plus que l’effet de la COVID-19 sur les économies asiatiques semble moins important que dans les pays occidentaux. La dépendance extérieure sur le plan du financement économique peut également comporter des risques systémiques, et le plan d’action pour l’UMC devrait chercher à davantage prendre appui sur l’épargne européenne. Il conviendrait de mieux tirer parti du haut niveau d’épargne en Europe comparativement aux autres régions. Il y a une condition générale essentielle, préalable à la réalisation d’un tel objectif: c’est l’amélioration de l’éducation/la culture financière des citoyens européens (action no 7). Dans ce domaine, le CESE recommande de recenser les bonnes pratiques et expériences nationales en matière d’enseignement et d’apprentissage dans ce domaine, pour en faire la promotion dans toute l’Europe, de rendre plus efficaces les règles strictes de protection des investisseurs et de réduire les asymétries en matière d’information (il est fondamental de pouvoir disposer d’informations adéquates) entre les prestataires de services financiers et les citoyens. Le CESE recommande d’inclure la culture financière dans la future révision du cadre des compétences clés. Il préconise en outre que toutes les parties prenantes soient associées à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures d’éducation financière, y compris les représentants des travailleurs et des consommateurs.

3.4.

La mission essentielle d’un système financier socialement responsable consiste à remplir une fonction d’intermédiaire entre l’offre et la demande d’actifs financiers, tout en résistant aux chocs, sachant que l’influence négative d’un secteur financier fragile sur les entreprises, les travailleurs et les consommateurs est considérable, tout comme sur l’économie dans son ensemble. Le CESE souligne par conséquent que l’union des marchés des capitaux ne peut atteindre les objectifs visés qu’à la condition que la stabilité financière et la protection des consommateurs demeurent des priorités du plan d’action pour l’UMC. En particulier, la protection des investisseurs de détail ne doit pas être abaissée. Lors de l’approfondissement de l’UMC, il convient d’éviter l’arbitrage et les lacunes réglementaires.

3.5.

La Commission observe également «un intérêt stratégique européen pour les chaînes d’approvisionnement du marché intérieur dans le but de développer l’autonomie stratégique de l’UE dans des secteurs et des capacités de première importance». À cet égard, plusieurs propositions techniques dans le cadre du nouveau plan d’action pour l’UMC devraient être soutenues, notamment la simplification des règles de cotation pour les PME (action no 2); le recours étendu au vote électronique et l’élaboration d’une définition européenne de l’«actionnaire», qui permettra aux actionnaires de mieux exercer leurs droits dans un contexte transfrontière (action no 12); l’amélioration des services de règlement transfrontière (action no 13); et la création d’un système consolidé de publication post-marché pour les fonds propres (action no 14). Une autre mesure permettant d’aller de l’avant consisterait à charger la Commission d’évaluer l’intérêt et la faisabilité d’autoriser les fonds d’investissement européens à bénéficier d’un code ISIN «.eu», améliorant ainsi leur disponibilité par-delà les frontières. Grâce à ces mesures, l’UMC apportera également un soutien décisif aux PME et aux entreprises de toutes tailles dans leurs transitions écologique et numérique, en renforçant leurs possibilités d’accès au financement par des canaux complémentaires au secteur bancaire.

3.6.

En ce qui concerne la législation sur la titrisation, le CESE partage l’avis de la Cour des comptes européenne: cette législation, qui représente certes une avancée positive, n’a pas encore provoqué la relance attendue sur le marché européen de la titrisation après la crise financière et n’a pas permis aux banques d’accroître leur capacité de prêt, notamment au bénéfice des PME. Les opérations restent concentrées dans un petit nombre de catégories d’actifs (telles que les crédits hypothécaires et les prêts automobiles), et ce uniquement dans certains États membres. Il y a lieu, de toute évidence, d’améliorer le marché de la titrisation (action no 6), en menant des contrôles efficaces pour prévenir la réapparition des risques systémiques par l’affaiblissement de la réglementation.

3.7.

Une intégration financière plus poussée est la pierre angulaire de l’union des marchés des capitaux. Toutefois, il importe de maintenir une approche pragmatique et réaliste lors de l’examen de certains de ses aspects. Pour ce qui est de l’investissement de détail, les préférences nationales et les schémas spécifiques prévalent souvent, à cause du besoin de proximité lors de la recherche de conseils financiers. La barrière de la langue doit également être prise en considération au moment de se pencher sur les marchés de l’épargne individuelle. En outre, l’uniformité n’est pas nécessairement synonyme d’efficacité s’agissant des modèles de distribution des produits financiers de détail. Dans le cadre de ses travaux visant à améliorer la qualité des conseils financiers (action no 8), une ambition dont on ne peut que se féliciter, la Commission devrait tenir compte des apports de chaque modèle différent, tout en gardant à l’esprit que la disponibilité et la qualité de ces conseils, tout comme des informations comparables et claires, notamment celles relatives à la durabilité, ainsi que des règles solides et propres à asseoir la confiance, sont essentielles pour inciter les citoyens à investir.

3.8.

En ce qui concerne les retraites, au-delà de la solution que représente le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP), qui s’adresse aux porteurs paneuropéens, il convient de préserver les divers modèles nationaux intégrés dans le droit social s’ils sont satisfaisants, quoique différents. Le CESE est dès lors pleinement favorable à la proposition pour l’UMC consistant à partager les bonnes pratiques, telles que l’affiliation automatique, les systèmes nationaux de suivi accessibles à tous les citoyens et les tableaux de bord nationaux assortis d’indicateurs. Il convient d’y ajouter la possibilité d’avoir accès au conseil, de même qu’une participation accrue des représentants des épargnants, des travailleurs et des retraités. Quoi qu’il en soit, l’objectif devrait être de compléter, et non d’affaiblir, les régimes par répartition (action no 9).

3.9.

Le CESE recommande que l’union des marchés des capitaux tienne pleinement compte des différentes formes d’investissement à impact social, en particulier dans le domaine de l’«économie sociale», contribuant positivement à l’intérêt général et au bien commun. Les fonds d’entrepreneuriat social européens (EuSEF) devraient être fortement soutenus, éventuellement par une révision du règlement (UE) no 346/2013, qui en est à l’origine.

3.10.

Avant la crise de la COVID-19, les considérations environnementales et la transition énergétique avaient été, plutôt à juste titre, placées aux premiers rangs des priorités de l’Union et de la Commission. Dans le nouveau contexte de la pandémie, le CESE recommande de maintenir le programme relatif aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) parmi les plus hautes priorités, en accordant une attention accrue à la dimension sociale, et d’examiner ledit programme en lien avec la reprise économique, le rétablissement et la préservation de l’emploi, ou encore la stabilité financière. Dans le cadre de cet exercice, l’Union devra également garder à l’esprit le volet concurrence pour que le programme d’action en matière écologique et sociale demeure un atout pour l’Europe. Il importera, entre autres choses, de s’appuyer sur les fournisseurs européens d’informations et de notations fondées sur des normes convergentes et fiables, tout en défendant sur la scène internationale une cohérence à l’échelle mondiale. En outre, une réglementation spécifique relative aux données et aux agences de notation ESG pourrait être souhaitable, que ce soit sous la forme d’une modification du règlement (UE) no 462/2013 du Parlement européen et du Conseil (10) («règlement sur les agences de notation de crédit») ou sous celle d’un règlement distinct, conformément à la législation sur les marchés numériques.

3.11.

La pandémie de COVID-19 a également aggravé les disparités entre les États membres, en raison notamment de son incidence grave sur de nombreux secteurs, tels que le tourisme ou les transports. Tout ce qui peut atténuer ces disparités économiques doit également être considéré comme une priorité, par exemple favoriser le financement transfrontière des pays européens les moins développés. La création du portail InvestEU pourrait faciliter un tel financement, à condition qu’il soit soigneusement ciblé (action no 15). La compétitivité européenne et la convergence sont également essentielles, et l’Europe a besoin d’acteurs forts, de toutes tailles, capables d’affronter la concurrence au niveau mondial, entraînant d’autres acteurs dans leur sillage. Pour y parvenir, les responsables politiques européens doivent garantir des conditions de concurrence équitables avec les autres marchés du monde.

3.12.

Le CESE reconnaît que le plan d’action pour l’UMC n’a pas permis d’avancée quant à la suppression des principaux obstacles aux flux transfrontières de capitaux, et que certains États membres continuent d’appliquer des politiques de cantonnement des capitaux et des liquidités, ce qui entrave l’affectation adéquate des ressources, conduit à la fragmentation du marché et ralentit la reprise économique.

3.13.

Le Brexit est un facteur perturbateur supplémentaire qu’il convient de prendre en considération. Les marchés financiers continentaux apparaissent assez fragmentés, avec des niveaux de liquidité inégaux. De ce fait, l’UE à 27 pourrait se trouver exposée à un risque réel de dépendance accrue vis-à-vis des marchés financiers extérieurs plus intégrés, un certain nombre d’entreprises européennes ayant choisi par le passé d’être cotées au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Le CESE souscrit à la déclaration de la Cour des comptes européenne selon laquelle la Commission (et même, à son avis, le Parlement européen et le Conseil) devrait recommander à tous les États membres dont les marchés de capitaux sont moins développés de mettre en œuvre des réformes pertinentes. Il convient également de souligner que la mise en place d’une infrastructure de marché développée dans l’Union est cruciale pour son autonomie financière et économique, et qu’elle pourrait permettre de renforcer le rôle de l’euro au niveau international.

3.14.

Pour résumer le point de vue du CESE, au-delà des mesures techniques déjà évoquées, nous sommes enclins à préconiser deux types de priorités parmi les 16 propositions d’action figurant dans le plan:

Renforcer les marchés financiers de l’Union pour en améliorer l’efficacité. Cette ambition devrait être facilitée par trois mesures clés que sont i) la création du point d’accès unique européen, qui aidera, entre autres, les investisseurs à sélectionner les émetteurs (action no 1); ii) l’application du corpus réglementaire unique, notamment en ce qui concerne les plateformes de marché, les contreparties centrales et les fournisseurs de données — d’une manière générale, une convergence en matière de surveillance et le renforcement de la coopération seraient essentiels pour prévenir les arbitrages et lacunes réglementaires (action no 16); et iii) la simplification des investissements transfrontières et l’introduction d’un système commun et normalisé à l’échelle de l’UE pour le dégrèvement des retenues à la source, afin d’éviter la fraude fiscale et l’arbitrage fiscal (action no 10).

Réorienter l’épargne à long terme vers des investissements à long terme. Le niveau élevé d’épargne en Europe, qui est le point fort de l’Union à 27, ne bénéficie pas assez à l’économie réelle. Le réexamen du Fonds européen d’investissement à long terme (FEILT) doit permettre le renouvellement du cadre de ce type de fonds à long terme, qui facilitera en particulier l’investissement de l’épargne institutionnelle et de détail à long terme dans les actions cotées et non cotées des PME et des entreprises à capitalisation moyenne ainsi que dans des projets d’infrastructure (action no 3). Un traitement prudentiel plus approprié pour les investissements en fonds propres des assureurs et des banques devra servir à renforcer, et non affaiblir, l’efficacité des règles prudentielles (action no 4). En outre, comme le souligne le Parlement européen dans son rapport d’initiative sur la poursuite de la mise en place de l’union des marchés des capitaux (11), les États membres devraient s’efforcer de rééquilibrer les distorsions fiscales en faveur de l’endettement. Toutefois, ce faisant, l’objectif ne devrait pas être de compromettre le montant des recettes fiscales dans leur ensemble. La promotion de la participation des salariés, qui fait défaut dans le plan d’action, s’impose comme un autre sujet important sur lequel la Commission pourrait une nouvelle fois insister, comme elle a su le faire dans le passé. En effet, l’actionnariat des salariés et leur participation aux bénéfices contribueraient, s’ils étaient mis en œuvre de manière équitable, à la cohésion sociale et à l’efficacité économique. Pour ne pas imposer de risques indus aux travailleurs, la participation de leurs représentants et une protection solide des investisseurs sont essentielles. L’UMC devrait représenter une nouvelle occasion de favoriser ces régimes, conformément à l’agenda social et à l’appel que le Parlement européen a lancé dans son rapport d’initiative.

3.15.

Ces dernières mesures donneraient, à très bon escient, une vive et décisive impulsion initiale en faveur de l’UMC et elles permettraient des avancées vers des objectifs essentiels, bien que plus complexes, tels qu’une convergence renforcée dans des domaines ciblés du droit de l’insolvabilité (action no 11) ou la mise sur pied d’un arsenal plus intégré de systèmes européens de négociation et d’échange.

3.16.

Au-delà des considérations exprimées dans le présent avis, le CESE recommande qu’en matière de résultats politiques, toute réglementation nouvelle évalue les éventuels effets positifs ou négatifs sur la concurrence pour les entités européennes, afin de renforcer les entreprises financières de l’UE sur la scène internationale et, partant, d’accroître l’autonomie géopolitique stratégique de l’Union en vue de la réalisation des indispensables transitions climatique, sociale et numérique.

Bruxelles, le 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(2)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 117.

(3)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 23.

(4)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 32.

(5)  Règlement (UE) no 346/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens (JO L 115 du 25.4.2013, p. 18).

(6)  COM(2020) 590 final.

(7)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 64.

(8)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(9)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 117.

(10)  Règlement (UE) no 462/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 modifiant le règlement (CE) no 1060/2009 sur les agences de notation de crédit (JO L 146 du 31.5.2013, p. 1).

(11)  RAPPORT sur la poursuite de la mise en place de l’union des marchés des capitaux: améliorer l’accès au financement sur le marché des capitaux, en particulier pour les PME, et accroître la participation des investisseurs de détail.


30.4.2021   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 155/27


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie en matière de finance numérique pour l’Union européenne

[COM(2020) 591 final]

(2021/C 155/04)

Rapporteur:

Petru Sorin DANDEA

Corapporteur:

Jörg Freiherr FRANK VON FÜRSTENWERTH

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.2.2021

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

237/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE salue le train de mesures sur la finance numérique lancé par la Commission et estime qu’il contient des éléments législatifs et non législatifs stratégiques en vue de développer ce secteur.

1.2.

Le programme présenté par la Commission, qui se base sur quatre priorités, couvre pour l’essentiel presque tous les domaines d’activité fondamentaux liés à la transformation numérique du secteur financier de l’Union européenne. Le CESE se montre favorable aux approches adoptées par la Commission.

1.3.

La Commission va dans la bonne direction lorsqu’elle entend s’appuyer sur des acteurs de marché européens puissants pour mettre en place des services financiers numériques, mais le CESE juge primordial de ne pas négliger le rôle particulier des prestataires régionaux et/ou coopératifs ou mutualistes spécialisés dans le domaine financier.

1.4.

En raison de la numérisation, le secteur financier de l’Union européenne est confronté à un vaste processus de transformation, qui se caractérise par d’importants processus de restructuration, la fermeture de succursales locales, une évolution des qualifications professionnelles des salariés et des formes de travail totalement nouvelles. Il convient de ne pas fermer les yeux sur ces enjeux majeurs, qui posent un grand défi aux prestataires et, bien entendu, aux salariés du secteur financier.

1.5.

La Commission évoque la nécessité d’envisager la création d’une plateforme de l’UE pour la finance numérique. Le CESE partage cet avis et recommande d’associer à ce processus les partenaires sociaux et les représentants de la société civile.

1.6.

Le CESE estime que, pour affronter les défis et les risques découlant de la transformation numérique, la réglementation des fournisseurs de technologies, la protection des consommateurs, l’octroi d’un accès aux services financiers, la résilience opérationnelle et la sécurité des réseaux et des systèmes d’information sont indispensables à la création du marché unique numérique des services financiers.

1.7.

Dans le domaine de la cybersécurité, le CESE recommande à la Commission d’examiner la nécessité d’apporter un soutien financier à la création d’une entreprise européenne dont le but serait de proposer des services d’informatique en nuage au secteur financier et autres branches stratégiques.

1.8.

L’engagement de la Commission vis-à-vis du principe «même activité, mêmes risques, mêmes règles» est fondamental et représente l’une des clés pour relever les nouveaux défis, notamment celui d’assurer une surveillance identique. Le CESE considère qu’il est particulièrement important de créer des conditions de concurrence équitables pour l’ensemble des institutions financières.

2.   Propositions de la Commission

2.1.

Le 24 septembre 2020, la Commission a approuvé le train de mesures sur la finance numérique, qui comprend une stratégie en matière de finance numérique (1), une stratégie en matière de paiements de détail (2), des propositions législatives relatives à un cadre réglementaire de l’UE sur les crypto-actifs (3) et leur technologie sous-jacente des registres distribués (4), ainsi que des propositions concernant un cadre réglementaire de l’Union sur la résilience opérationnelle numérique (5).

2.2.

Dans le contexte particulièrement dynamique de l’innovation numérique, dont l’essor a été accéléré par la crise de la COVID-19, la Commission propose une stratégie définissant un objectif stratégique et quatre priorités et actions connexes sur la finance numérique. C’est cette stratégie qui fait l’objet du présent avis du CESE.

2.3.

L’objectif stratégique défini par la Commission consiste à adopter la finance numérique pour le bien des consommateurs et des entreprises. Les quatre priorités sont les suivantes: 1) s’attaquer à la fragmentation du marché unique numérique des services financiers, de manière à permettre aux consommateurs européens d’accéder à des services transfrontières et d’aider les entreprises financières européennes à accroître leurs opérations numériques; 2) veiller à ce que le cadre réglementaire de l’UE facilite l’innovation numérique dans l’intérêt des consommateurs et de l’efficacité du marché; 3) créer un espace européen des données financières pour promouvoir l’innovation fondée sur les données, en s’appuyant sur la stratégie européenne en matière de données, y compris un meilleur accès aux données et un meilleur partage des données au sein du secteur financier; et 4) faire face aux nouveaux défis et risques liés à la transformation numérique.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

Avec cette initiative visant à élaborer et mettre en œuvre une nouvelle stratégie en matière de finance numérique en Europe, dans le cadre de son train de mesures y afférent, la Commission confirme l’importance majeure que présente la numérisation dans le secteur financier (services financiers numériques), une importance qu’a particulièrement mis en évidence la crise de la COVID-19. Le programme présenté par la Commission, qui se base sur quatre priorités, couvre pour l’essentiel presque tous les domaines d’activité fondamentaux liés à la transformation numérique du secteur financier de l’Union européenne. Le CESE se montre favorable aux approches adoptées par la Commission.

3.2.

La Commission va dans la bonne direction lorsqu’elle entend s’appuyer sur des acteurs de marché européens puissants pour mettre en place des services financiers numériques, mais le CESE juge primordial de prendre en compte le rôle particulier des prestataires régionaux et/ou coopératifs ou mutualistes spécialisés dans le domaine financier, car la diversité que présente ce secteur permet de répondre aux besoins spécifiques des consommateurs comme des PME et contribue à la compétitivité des marchés. Le CESE encourage la Commission à appliquer la proportionnalité en ce qui concerne la nature, l’échelle et la complexité des établissements financiers et des produits qu’ils proposent.

3.3.

La communication de la Commission s’avère extrêmement technique mais elle fait l’impasse sur un point: en raison de la numérisation, le secteur financier de l’Union européenne est confronté à un vaste processus de transformation. Celui-ci se caractérise par d’importants processus de restructuration, la fermeture de succursales locales, une évolution des qualifications professionnelles des salariés et des formes de travail totalement nouvelles. Il convient de ne pas fermer les yeux sur ces enjeux majeurs, qui posent un grand défi aux prestataires et, bien entendu, aux salariés du secteur financier. Le CESE prône le dialogue social dans les domaines où s’opère cette transformation.

3.4.

La Commission affirme qu’un marché unique des services financiers numériques qui fonctionne bien permettra aux consommateurs et aux investisseurs de détail dans l’Union de bénéficier d’un meilleur accès aux services financiers. Le CESE soutient cette approche empruntée par la Commission. Pour réduire la fragmentation du marché unique numérique des services financiers, il est essentiel de donner aux marchés les moyens de se développer.

3.5.

La Commission fait valoir la nécessité d’envisager la création d’une plateforme de l’UE pour la finance numérique. Le CESE partage cet avis et recommande d’associer à ce processus les partenaires sociaux et les représentants de la société civile.

3.6.

L’expérience pratique montre qu’un marché unique des services financiers numériques ne fonctionnera que si les nouveaux clients sont en mesure d’accéder rapidement et facilement aux services financiers («mise en relation»). Le CESE relève que ce problème crucial se pose dans les domaines mis en exergue par la Commission.

3.7.

La fragmentation des règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux d’un État membre à l’autre rend l’utilisation transfrontière des identités numériques beaucoup plus difficile, si ce n’est impossible. Il y aurait lieu d’harmoniser dans toute l’Union les règles relatives à l’identification des clients. Le CESE recommande par conséquent de garantir à l’échelle européenne l’interopérabilité juridique des identités numériques.

3.8.

Lors de l’élaboration de la stratégie en matière de finance numérique pour l’UE, l’on ne saurait faire abstraction de la question de la sécurité des citoyens. La stratégie devrait comprendre une recommandation aux États membres d’introduire, en parallèle de sa mise en œuvre, des mesures juridiques et organisationnelles visant à lutter contre le phénomène de l’usurpation d’identité. Avec le développement des services et produits numériques, ce problème est de plus en plus fréquent et, si aucune mesure n’est prise, il peut faire obstacle à la mise en œuvre de la stratégie.

3.9.

Le CESE souscrit aux propositions de la Commission visant à créer un cadre applicable aux marchés financiers qui soit compétitif et propice à l’innovation, dans l’intérêt des consommateurs et des entreprises. Ce faisant, il convient néanmoins de garantir que les pratiques de surveillance et la législation européenne continuent d’être fondées sur le principe directeur de la neutralité technologique, ainsi que de revoir les exigences en vigueur en matière de support papier.

3.10.

Cependant, sur le marché numérique, certaines entreprises de technologie financière offrent des services aux sociétés financières, tandis que d’autres leur font concurrence. Le CESE estime que la Commission devrait prendre en compte ces problématiques lors de la rédaction de nouveaux règlements. Il recommande dès lors d’orienter les nouveaux règlements de telle sorte qu’ils soutiennent les partenariats entre les institutions financières déjà établies et le secteur des technologies financières. S’il est évident que les banques représentent les institutions les plus importantes, la législation devrait éviter de simplement calquer des exigences qui pourraient ne pas convenir à tous les types de services financiers. Elle devrait faire la distinction entre les produits axés sur le consommateur pouvant être considérés comme des produits de base et ceux plus complexes dont le champ d’application et les services après-vente sont de grande importance.

3.11.

Le CESE estime nécessaire d’étendre le partage des données au-delà du secteur financier et rappelle à la Commission la recommandation (6) qu’il a formulée concernant la communication de cette dernière sur une stratégie européenne pour les données, dans laquelle il s’est félicité que la proposition de la Commission en la matière fixe comme priorité le partage intersectoriel des données et vise à améliorer l’accès à celles-ci, leur utilisation, leur partage et leur gouvernance au moyen de mesures législatives propres à chaque secteur. Il a en outre fait observer qu’un tel cadre devrait être conçu de manière à combiner des normes élevées de protection des données, un partage intersectoriel et responsable de celles-ci, des critères précis quant à la gouvernance sectorielle et à la qualité des données, ainsi qu’un contrôle accru des données par les particuliers. Il est essentiel de veiller à ce que les données collectées par une filiale de paiement appartenant à un groupe de grandes entreprises technologiques ne soient pas transmises à la société mère ni fusionnées avec les données que celle-ci détient. Pour que ce principe puisse être appliqué, il est impératif de prévoir des pare-feu entre la filiale de paiement et la société mère.

3.12.

Le CESE est d’avis que, pour affronter les défis et les risques découlant de la transformation numérique, la réglementation des fournisseurs de technologies, la protection des consommateurs, l’octroi d’un accès aux services financiers, la résilience opérationnelle et la sécurité des réseaux et des systèmes d’information sont autant d’éléments indispensables à la création du marché unique numérique des services financiers.

3.13.

Dans le domaine de la cybersécurité, le CESE fait valoir que les institutions financières systémiques européennes utilisent, pour la plupart, des services de technologie financière fournis par des entreprises établies dans des pays tiers. L’initiative législative sur la résilience opérationnelle numérique (7) proposée par la Commission pourrait s’avérer insuffisante dans certaines situations, c’est pourquoi le CESE se félicite du projet GAIA-X, qui vise à bousculer la position dominante des États-Unis et de la Chine dans les services d’informatique en nuage. Ce projet, auquel participe également la Commission européenne, a pour but d’assurer la souveraineté de l’Union européenne en matière de données ou leur gouvernance grâce à un réseau d’informatique en nuage basé au sein de l’UE. Alors que nous devenons de plus en plus tributaires des services numériques, il est dans l’intérêt des parties prenantes européennes de s’affranchir de toute dépendance à l’égard de fournisseurs externes de services d’informatique en nuage, et dans celui de l’Union de renforcer sa souveraineté économique et politique. Un réseau européen d’informatique en nuage permettrait en outre de faciliter les flux de données entre les États membres.

3.14.

L’engagement de la Commission vis-à-vis du principe «même activité, mêmes risques, mêmes règles» est fondamental et constitue un aspect essentiel pour relever les nouveaux défis, notamment celui d’assurer une surveillance identique. À la lumière de la montée en puissance des grandes entreprises technologiques et des plateformes, et compte tenu de l’utilité des activités exercées par ces entreprises dans le secteur financier, le CESE considère qu’il est particulièrement important de créer des conditions de concurrence équitables pour l’ensemble des acteurs du marché dans ce domaine.

3.15.

La Commission envisage une stratégie en vue de promouvoir et de financer l’éducation générale à la finance, en mettant l’accent sur la numérisation. Cette ambition peut susciter une plus grande ouverture d’esprit à l’égard des services numériques et contribuer à une meilleure protection des consommateurs quel que soit leur âge, leur sexe ou leur statut professionnel. Le CESE encourage la Commission à poursuivre sur cette voie.

Bruxelless, le 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2020) 591 final.

(2)  COM(2020) 592 final.

(3)  COM(2020) 593 final.

(4)  COM(2020) 594 final.

(5)  COM(2020) 595 final et COM(2020) 596 final.

(6)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 290.

(7)  COM(2020) 595 final. Voir également l’avis connexe du CESE sur la résilience opérationnelle numérique (ECO/536) (voir page 38 du présent Journal officiel).


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/31


Avis du Comité économique et social européen sur

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2019/1937

[COM(2020) 593 final — 2020/0265 (COD)]

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués

[COM(2020) 594 final — 2020/0267 (COD)]

(2021/C 155/05)

Rapporteur:

Giuseppe GUERINI

Consultation

Parlement européen, 13.11.2020

Conseil de l’Union européenne, 18.11.2020

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.2.2021

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

235/1/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient les deux initiatives de la Commission européenne à l’examen, à savoir la proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil (1), et la proposition de règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT).

1.2.

Le CESE considère que l’intervention de la Commission est nécessaire et urgente pour encadrer un phénomène technologique qui, en plus des évolutions constantes et rapides dont il est l’objet, connaît une diffusion sans cesse croissante et une multiplication de ses applications pratiques.

1.3.

Le CESE convient dès lors de l’opportunité de mettre en œuvre rapidement les diverses mesures prévues par la Commission pour adapter la réglementation, qui sont nécessaires pour moderniser les services financiers, sans perdre de vue la protection des consommateurs ni les règles prudentielles.

1.4.

Il est urgent d’agir au niveau européen car plusieurs États membres ont adopté dans les mois qui viennent de s’écouler des instruments de réglementation nationale, qu’il s’agisse d’actes législatifs ou de recommandations et lignes directrices émises par les régulateurs du secteur. Ces mesures risquent de créer un cadre réglementaire fragmenté et, partant, de compromettre la consolidation du marché intérieur et d’augmenter les coûts de mise en conformité supportés par les entreprises.

1.5.

Le CESE soutient donc les objectifs poursuivis par la Commission avec un cadre réglementaire unique, à savoir: i) protéger les utilisateurs finaux de la finance numérique, ii) garantir la stabilité financière, iii) préserver l’intégrité du secteur financier de l’Union; iv) assurer des conditions égales aux différents opérateurs du système économique et financier.

1.6.

Le CESE souscrit aussi à l’objectif de veiller à ce que les émetteurs de cryptomonnaies stables («stablecoins») de portée mondiale soient soumis à des exigences plus rigoureuses en matière de capital, de droits des investisseurs et de surveillance, compte tenu de l’importance systémique potentielle de ces instruments.

1.7.

Le CESE appelle de ses vœux des mesures concrètes en faveur d’une information et d’une sensibilisation adéquates des consommateurs et des petits investisseurs, afin de réduire l’asymétrie des informations qui pourrait leur être particulièrement préjudiciable dans les domaines nouveaux et hautement techniques qui font l’objet du présent avis.

1.8.

Le CESE recommande de porter une attention particulière aux contrôles précédant les autorisations d’exploitation envisagées dans les propositions à l’examen, concernant surtout la fiabilité des opérateurs soumis à l’obligation d’obtenir un tel agrément, afin de prévenir les conséquences néfastes de comportements opportunistes et dommageables.

1.9.

Puisque que le niveau de normalisation et d’interopérabilité de la technologie DLT ne permet pas encore d’évaluer avec certitude le degré de fiabilité technologique et de cyberrésilience des infrastructures adoptées par les opérateurs, le CESE recommande de préciser aussi clairement que possible le cadre réglementaire applicable à ces instruments, lesquels sont en constante évolution, dès lors que des changements apportés à leur nature pourraient nécessiter l’application de dispositions réglementaires différentes.

1.10.

Compte tenu des risques technologiques qui subsistent, le CESE porte un regard optimiste sur le régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués. Ce système ouvre en effet un espace d’expérimentation dans un environnement contrôlé qui autorise des dérogations temporaires aux règles en vigueur, permettant ainsi aux autorités de réglementation et aux opérateurs d’acquérir progressivement de l’expérience dans l’utilisation de la technologie des registres distribués au sein des infrastructures de marché, l’objectif étant de préserver l’intégrité du marché lui-même et la stabilité financière.

1.11.

Néanmoins, aussi louable que soit la proposition de régime pilote, le CESE estime que le délai de cinq ans fixé pour que l’AEMF fasse rapport à la Commission est trop long compte tenu de la vitesse à laquelle évoluent les technologies de la finance numérique. Il convient par ailleurs de prêter attention aux modalités de la sortie du régime pilote d’expérimentation, afin de garantir la protection des utilisateurs qui y auront participé lors de cette phase.

1.12.

Enfin, s’agissant de l’application du règlement sur les marchés de crypto-actifs, le CESE exprime sa vive préoccupation au sujet des «mesures transitoires» qui prévoient que les crypto-actifs circulant déjà sur le marché avant l’entrée en vigueur dudit règlement soient exemptés à titre permanent de ses dispositions. Une telle exemption risque en effet d’aboutir, dans le cas des crypto-actifs déjà émis, à une forme d’exonération de la réglementation dérogeant au principe d’égalité de traitement, qui veut que pour un même risque et une même activité, ce soit le même traitement qui s’applique.

2.   Propositions de la Commission

2.1.

Le présent avis porte sur deux initiatives de la Commission européenne: 1) la proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2019/1937; ii) la proposition de règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT). Ces propositions s’inscrivent dans un train de mesures de la Commission incluant la communication sur la stratégie en matière de finance numérique et la proposition de règlement sur la résilience opérationnelle numérique, lesquelles ont fait l’objet de deux avis du CESE, intitulés respectivement «Une stratégie en matière de finance numérique» (2) et «Résilience opérationnelle numérique» (3).

2.2.   Proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2019/1937

2.2.1.

Le règlement sur les marchés de crypto-actifs vise à garantir la sécurité juridique des crypto-actifs qui ne sont pas couverts par la législation en vigueur de l’Union ainsi qu’à établir des règles uniformes pour les émetteurs de crypto-actifs et les prestataires de services connexes (prestataires de services d’actifs virtuels). Il a vocation à remplacer les cadres nationaux existants, lesquels se trouvent actuellement hors du périmètre d’application de la législation européenne en vigueur, de manière à assurer l’égalité des conditions de concurrence souhaitée.

2.2.2.

La Commission a souligné dans les motifs de sa proposition la nécessité d’«une approche commune avec les États membres sur les cryptomonnaies pour garantir que nous saurons tirer le meilleur parti des opportunités qu’elles offrent et parer aux nouveaux risques qu’elles peuvent poser».

2.2.3.

Cette proposition pose quatre objectifs: i) garantir la sécurité juridique; ii) soutenir l’innovation dans un secteur à haut potentiel; iii) instaurer des niveaux appropriés de protection des consommateurs et des investisseurs ainsi que d’intégrité du marché; iv) garantir la stabilité financière.

2.2.4.

La proposition ne couvre pas uniquement les émetteurs de crypto-actifs, mais aussi les entreprises fournissant des services liés à ces instruments, par exemple celles qui conservent les crypto-actifs des clients, celles qui permettent à ces derniers d’acquérir ou de vendre des crypto-actifs contre de la monnaie fiduciaire et celles qui gèrent des plateformes de négociation. C’est pourquoi les garanties mises en place incluent notamment des exigences en matière de fonds propres, de gouvernance et de droits des investisseurs vis-à-vis des émetteurs.

2.2.5.

Les opérateurs émetteurs seront en particulier soumis à des exigences plus strictes dans les cas où certains jetons se référant à des actifs et certains jetons de monnaie électronique sont considérés comme revêtant une importance «significative» (du fait des volumes concernés, de leur contre-valeur ou du nombre de clients, qui les rendent assimilables à des «stablecoins de niveau mondial»).

2.2.6.

Puisqu’il est donc très possible que, à l’avenir, les «stablecoins» soient susceptibles d’être massivement acceptés et de devenir systémiques, la proposition de la Commission contient aussi des garanties afin de faire face aux risques potentiels pour la stabilité financière et pour la conduite d’une politique monétaire ordonnée qui pourraient résulter des «stablecoins».

2.2.7.

Ces instruments sont des «crypto-actifs» qui, à la différence du fameux bitcoin par exemple, affichent un prix relativement stable car ils sont adossés à un instrument d’échange également stable (c’est-à-dire une monnaie institutionnelle) et pourraient dès lors devenir, à brève échéance désormais, des systèmes de paiement et d’investissement très courants.

2.2.8.

Plus spécifiquement, le titre II de la proposition réglemente les offres et la commercialisation auprès du public de crypto-actifs autres que des jetons se référant à des actifs et des jetons de monnaie électronique, indiquant qu’un émetteur est autorisé à offrir ce type de crypto-actifs au public dans l’Union ou à demander leur admission à la négociation sur une plateforme de négociation de crypto-actifs à condition de satisfaire aux exigences suivantes: i) les exigences de l’article 4, telles que l’obligation d’être établi sous la forme d’une personne morale; ii) l’obligation d’élaborer un document d’information sur les crypto-actifs, ou «livre blanc» (article 5); iii) l’obligation de notifier ensuite ce livre blanc aux autorités compétentes et de le publier (articles 7 et 8).

2.2.9.

Le document d’information (livre blanc) ne sera pas nécessaire si le montant total de l’offre de crypto-actifs n’excède pas 1 000 000 EUR sur une période de 12 mois, afin d’éviter d’imposer une charge administrative excessive aux petites et moyennes entreprises (PME).

2.2.10.

La Commission propose aussi de clarifier la définition existante des «instruments financiers» — qui délimite le champ d’application de la directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFID) — afin de préciser qu’elle recouvre également les instruments financiers reposant sur la DLT; elle propose en outre de mettre en place un régime sur mesure pour les crypto-actifs qui ne sont pas couverts par la législation existante en matière de services financiers ainsi que pour les jetons de monnaie électronique.

2.2.11.

La réglementation porte également sur l’émission de crypto-actifs (ou de jetons) par des opérateurs qui souhaitent les offrir dans le marché unique européen, et qui devront respecter les dispositions suivantes:

des exigences de transparence et de publicité concernant l’émission des crypto-actifs concernés et leur admission à la négociation,

le régime d’autorisation et de surveillance applicable aux prestataires de services et aux émetteurs de «stablecoins»,

les exigences opérationnelles, organisationnelles et relatives à la gouvernance qui sont applicables aux émetteurs de «stablecoins» (là aussi, il convient de noter que ce point ne couvre pas les autres jetons, à savoir essentiellement les jetons utilitaires) et aux prestataires de services,

les règles de protection des consommateurs dans le cadre de l’émission, de la négociation et de la conservation des crypto-actifs,

des mesures visant à prévenir les abus de marché et à garantir l’intégrité des marchés où sont négociés les crypto-actifs.

2.3.   Proposition de règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT)

2.3.1.

La proposition relative au régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la DLT pose quatre objectifs généraux: i) apporter de la sécurité juridique; ii) soutenir l’innovation, en levant les obstacles à l’application des nouvelles technologies DLT dans le secteur financier; iii) garantir la protection des consommateurs et des investisseurs, ainsi que l’intégrité du marché; iv) assurer la stabilité financière.

2.3.2.

Pour atteindre ces objectifs, le régime pilote introduit des garanties adéquates, en limitant par exemple les types d’instruments financiers admis à la négociation, grâce à des dispositions qui visent spécifiquement à garantir la stabilité financière ainsi que la protection des consommateurs et des investisseurs.

2.3.3.

Avec la mise en place d’un régime pilote pour l’expérimentation par les infrastructures de marché DLT, la proposition de règlement a pour objectif de mettre les entreprises de l’Union en position d’exploiter tout le potentiel du cadre existant, ce qui permettra aux autorités de surveillance et aux législateurs de recenser les obstacles dans la réglementation pendant que les régulateurs et les entreprises elles-mêmes pourront acquérir progressivement de précieuses connaissances sur l’application de la DLT.

2.3.4.

C’est pour cette raison précisément, et eu égard à la nécessité d’une approche graduelle, que l’instrument du régime pilote doit être considéré à ce stade comme le mieux proportionné aux objectifs, car on ne dispose pas à l’heure actuelle d’éléments suffisants pour justifier l’introduction de modifications réglementaires à visée permanente plus substantielles et plus étendues.

2.3.5.

La proposition vise à apporter de la sécurité juridique et de la flexibilité aux acteurs du marché qui souhaitent exploiter une infrastructure de marché DLT, en fixant des exigences uniformes pour l’exploitation de ces infrastructures. Les autorisations accordées au titre de ce règlement permettraient également aux acteurs du marché d’exploiter une infrastructure de marché DLT et de proposer leurs services dans tous les États membres, moyennant une surveillance appropriée.

2.3.6.

Plus spécifiquement, l’article premier définit l’objet et le champ d’application de la proposition, tandis que l’article 2 contient des termes et leurs définitions, concernant entre autres les concepts d’«infrastructure de marché DLT», de «système multilatéral de négociation DLT» ou «MTF DLT», de «système de règlement de titres DLT» et de «valeurs mobilières DLT».

2.3.7.

L’article 3 décrit dans quelles limites des valeurs mobilières reposant sur la technologie des registres distribués (ci-après «valeurs mobilières DLT») peuvent être admises à la négociation ou inscrites sur des infrastructures de marché DLT. Pour les actions, la capitalisation boursière ou la capitalisation boursière approximative de l’émetteur des valeurs mobilières DLT doit être inférieure à 200 millions d’EUR; pour les obligations publiques autres que les obligations souveraines, pour les obligations garanties et pour les obligations d’entreprises, la limite est fixée à 500 millions d’EUR. Les obligations souveraines ne devraient pas être admises à la négociation ni inscrites sur des infrastructures de marché DLT.

2.3.8.

L’article 4 fixe les exigences applicables à un système multilatéral de négociation reposant sur la technologie des registres distribués (ci-après «MTF DLT»), qui sont les mêmes que celles applicables à un MTF au titre de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil (4), et précise quelles exemptions sont possibles au titre du règlement. L’article 7 et l’article 8 présentent la procédure d’octroi de l’autorisation spécifique d’exploiter, respectivement, un MTF DLT et un système de règlement de titres DLT, et précisent les informations qui doivent être transmises à l’autorité compétente. L’article 9 définit la coopération entre l’infrastructure de marché DLT, les autorités compétentes et l’AEMF. L’article 10 dispose que, au plus tard après cinq ans, l’AEMF devra présenter à la Commission un rapport détaillé sur le régime pilote.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

Le CESE souscrit aux objectifs de la Commission européenne et se rallie, par le présent avis, à l’opportunité de mettre en œuvre, d’ici la mi-2022, les divers ajustements de la réglementation nécessaires pour moderniser les services financiers, sans jamais perdre de vue la protection des consommateurs ni l’intégrité du marché.

3.2.

Plus spécifiquement, les règles proposées visent à garantir la sécurité juridique dans le traitement réglementaire des crypto-actifs. La clarté du cadre réglementaire applicable à tous les types de crypto-actifs, ainsi qu’à toutes les entités offrant des services connexes, représente la condition indispensable à la création de solutions innovantes et porteuses de valeur ajoutée sur ce marché. Le choix d’agir par voie de règlement plutôt que par une directive contribue en particulier à assurer la bonne uniformité des nouvelles règles au sein du marché unique, du point de vue de leur contenu et de leur application.

3.3.

Le CESE constate que l’intervention législative de la Commission est attendue de longue date, et souhaite à ce titre souligner à quel point elle apparaît désormais nécessaire et urgente pour encadrer un phénomène technologique dont les évolutions sont constantes et rapides.

3.4.

Le CESE juge utiles les mesures prévues en réponse aux objectifs suivants: i) protéger les utilisateurs finaux de la finance numérique, ii) garantir la stabilité financière, iii) préserver l’intégrité du secteur financier de l’Union; iv) assurer des conditions égales aux différents acteurs du système économique et financier.

3.5.

Le CESE adhère et souscrit à la proposition visant à faire en sorte que les émetteurs de cryptomonnaies d’importance significative, désignées comme des «stablecoins» de niveau mondial, soient soumis à des exigences plus rigoureuses en matière de capital, de droits des investisseurs et de surveillance. Une intervention réglementaire est indispensable pour éviter l’apparition de flux de blanchiment échappant à la surveillance des banques centrales, des autorités sectorielles et des institutions démocratiques.

3.6.

Le CESE apprécie l’effort de classification consenti par la Commission dans sa définition des concepts de «crypto-actifs» et de «technologie des registres distribués» afin d’y inclure les différents types de crypto-actifs, permettant ainsi d’adapter ces définitions aux futures évolutions possibles des technologies et des marchés.

3.7.

Il considère néanmoins qu’un exposé plus détaillé des différentes sous-catégories de crypto-actifs et de leur domaine d’application aurait permis de gagner en clarté. L’on pourrait ainsi se prémunir des risques liés à l’interprétation du traitement réservé aux types de crypto-actifs inclus dans la catégorie résiduelle de ceux «autres que des jetons se référant à des actifs ou des jetons de monnaie électronique».

3.8.

Le CESE approuve les précautions prises dans la proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs pour éviter que ses règles ne fassent double emploi, comme en témoignent les exemptions de son champ d’application prévues à l’article 2, paragraphe 2, de la proposition. Ces mesures sont appropriées et pertinentes, car il apparaît nécessaire d’éviter que les règles ne se superposent et que la réglementation proposée au titre dudit règlement ne fasse double emploi, par exemple, avec celle relevant de la directive MiFID.

3.9.

Il est en effet nécessaire de parer à toute incompatibilité entre les cadres réglementaires dans la mesure où celle-ci augmenterait l’incertitude réglementaire, ce qui soumettrait les opérateurs à des coûts de mise en conformité et à des charges d’un niveau excessif et risquerait de brider l’innovation. Afin de délimiter nettement les deux périmètres d’application et, partant, d’assurer la sécurité juridique voulue, il conviendrait d’élaborer une définition des «jetons représentatifs d’instruments financiers», et ce faisant de préciser clairement les caractéristiques qui les distinguent des crypto-actifs assimilables à des instruments financiers.

3.10.

Pour ces raisons, le CESE salue la participation institutionnelle et l’expertise opérationnelle de l’ABE (5) et de l’AEMF (6), que ce soit lors de la phase qui a précédé la publication des propositions à l’examen ou dans le cadre de la coopération administrative attendue entre ces autorités sectorielles européennes et les autorités nationales compétentes durant la phase de mise en œuvre des nouvelles règles.

3.11.

En choisissant de limiter essentiellement aux jetons utilitaires et aux «stablecoins» le champ d’application de sa proposition, la Commission circonscrit l’intervention réglementaire aux actifs autres que les instruments financiers et les produits d’investissement pouvant être définis comme des «représentations numériques» de droits dérivés d’investissements et d’activités commerciales, gérés au moyen de technologies reposant sur les registres distribués. Ainsi, les jetons ou crypto-actifs doivent être adossés à des valeurs concrètes et sont dès lors moins exposés au risque d’une utilisation opportuniste qui pourrait priver les flux d’épargne des garanties indispensables aux investisseurs.

3.12.

Le CESE juge en réalité nécessaire d’apporter une plus grande clarté à la classification des «jetons hybrides». Certains crypto-actifs peuvent en effet, après la phase d’émission, remplir des fonctions diverses et ainsi changer de nature dans certaines conditions prédéfinies. C’est pourquoi le cadre réglementaire applicable à ces instruments hybrides et évolutifs doit être rendu plus clair, dès lors qu’un changement apporté à leur nature pourrait nécessiter l’application de dispositions réglementaires différentes.

3.13.

Le CESE soutient également l’action de l’Union visant à lever les obstacles potentiels à l’innovation liée aux nouvelles technologies numériques qui sont imputables à la législation en matière de services financiers, laquelle ne semble pas toujours à même de suivre le rythme des innovations technologiques qui se succèdent.

3.14.

Parmi les potentielles innovations de rupture dans les secteurs financier et monétaire, une attention particulière doit sans doute être portée à la technologie des registres distribués (DLT), à laquelle appartient par exemple la fameuse chaîne de blocs, qui est l’infrastructure à l’origine du succès rencontré par le bitcoin et d’autres formes de crypto-actifs.

3.15.

Le CESE considère que l’Union sera en mesure d’assurer l’application efficace des règles existantes dans ce contexte nouveau grâce aux modifications proposées en vue d’adapter la directive (UE) 2019/1937. La mise au point de règles européennes peut aussi garantir le développement en toute sécurité d’un nouveau cadre réglementaire, comme c’est le cas de la proposition pilote de règlement sur les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués.

3.16.

De telles mesures doivent garantir des règles claires, permettant au secteur financier institutionnel de gagner en efficacité grâce à une plus large utilisation de la technologie des registres distribués (DLT), y compris en réponse à la diffusion, parfois incontrôlée, des cryptomonnaies alternatives ou des systèmes de paiement mis au point par des opérateurs qui échappent à la réglementation.

3.17.

S’il est urgent d’agir au niveau européen, c’est aussi parce que plusieurs États membres ont commencé à adopter des instruments de réglementation nationale, qu’il s’agisse d’actes législatifs ou de recommandations et lignes directrices émises par les autorités ou institutions de réglementation dérivée, comme les banques centrales ou les autorités de surveillance et de contrôle des marchés financiers.

3.18.

Aussi louables que soient les visées et les objectifs de fond, ces mesures risquent de créer un cadre réglementaire fragmenté et hétérogène dans le marché intérieur. Certains États n’ont par ailleurs pris aucune initiative à ce jour, ce qui contribue au caractère hétérogène et fragmenté d’un paysage réglementaire où coexistent des mesures d’encadrement diverses et une absence de réglementation.

3.19.

Le CESE considère qu’il faut assurer la plus grande cohérence possible entre l’interprétation du règlement et les décisions prises par les autorités nationales compétentes dans le processus d’autorisation, afin de garantir des conditions égales et d’éviter un arbitrage législatif entre les différents États membres, en envisageant la possibilité pour les entités ayant reçu l’agrément requis de faire valoir la transférabilité de l’autorisation dans toute l’Union.

3.20.

De ce point de vue, le CESE soutient le choix de la Commission d’agir par voie de règlement, afin de garantir l’uniformité et la simultanéité des règles dérivées du droit européen, sachant qu’une réglementation unique et uniforme est sans nul doute plus efficace que des mesures prises en ordre dispersé par les États, conformément au principe de subsidiarité énoncé par les traités.

3.21.

Le CESE apprécie aussi que la réglementation proposée ait pour objectifs essentiels la transparence des informations et la mise en place d’un régime d’autorisation approprié. Le cadre réglementaire antérieur aux propositions à l’examen était en effet dépourvu d’un dispositif permettant de filtrer l’autorisation des actifs reposant sur la technologie DLT, et d’assurer une surveillance efficace de leur exploitation.

3.22.

Le CESE appelle de ses vœux des mesures concrètes en faveur d’une information et d’une sensibilisation adéquates des consommateurs et des petits investisseurs concernant les nouvelles règles qui seront bientôt approuvées, afin de mettre en évidence les risques aussi bien que les avantages et les possibilités découlant des nouvelles technologies appliquées au secteur financier et aux investissements. Cette démarche permettra de réduire l’asymétrie des informations qui caractérise déjà le secteur financier et qui pourrait porter un préjudice particulièrement grave et disproportionné aux consommateurs et aux petits épargnants dans les domaines qui font l’objet du présent avis, lesquels sont nouveaux et difficiles à appréhender vu leur haute technicité.

3.23.

Le CESE recommande de porter une attention particulière aux contrôles précédant les autorisations, concernant surtout la fiabilité commerciale des acteurs soumis à l’obligation d’obtenir un tel agrément, afin de prévenir les comportements opportunistes et dommageables.

3.24.

De fait, le niveau de normalisation et d’interopérabilité de la technologie DLT ne semble toujours pas permettre, à l’heure actuelle, d’évaluer avec certitude le degré de fiabilité technologique et de cyberrésilience des infrastructures adoptées par les opérateurs. Il convient donc de s’attacher à garantir un niveau élevé de protection des consommateurs et des investisseurs.

3.25.

Le CESE espère des avancées concrètes dans le domaine de la résilience opérationnelle numérique, qui fait l’objet d’une proposition de règlement spécifique, incluse dans le train de mesures en matière de finance numérique, lequel traite d’aspects critiques signalés par le secteur financier et vise à clarifier, sur le plan juridique, les dispositions concernant les risques liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC), en réduisant la complexité des règles et en allégeant la charge administrative pesant sur les entreprises, comme le CESE l’a souligné dans son avis sur la «Résilience opérationnelle numérique» (7).

3.26.

De ce point de vue, le CESE voit d’un œil optimiste la proposition de règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, dans laquelle la Commission se penche sur les infrastructures de marché visant à permettre la négociation d’instruments financiers qui revêtent la forme de crypto-actifs et le règlement de transactions sur ces instruments, et dans laquelle elle précise les exigences et les conditions préalables pour obtenir l’autorisation spécifique de gérer un système multilatéral de négociation DLT, et inscrit ces exigences dans un cadre de surveillance par les autorités sectorielles.

3.27.

En outre, avec ce régime pilote, il a été décidé d’adopter une approche de type «bac à sable», offrant un espace d’expérimentation à l’environnement contrôlé qui autorise des dérogations temporaires aux règles en vigueur. Cette approche permettra aux autorités de réglementation et aux opérateurs d’acquérir de l’expérience dans l’utilisation de la technologie des registres distribués au sein des infrastructures de marché, garantissant ainsi un délai suffisant afin de gérer convenablement les risques qui se posent pour les investisseurs, l’intégrité du marché et la stabilité financière.

3.28.

L’adoption du «régime pilote» (ou «bac à sable») permettra ainsi de poursuivre une démarche empirique fondée sur des expérimentations concrètes et limitées dans le temps, de manière à pouvoir, dans un deuxième temps et à la lumière de l’expérience acquise, adapter plus vigoureusement la réglementation sans faire obstacle à l’introduction et à l’essor de la technologie des registres distribués, ni aux innovations susceptibles d’émerger de son application. Une attention toute particulière devra être portée à la phase de sortie de l’expérimentation dans le cadre du régime pilote, afin de garantir la protection des utilisateurs et des entités qui y auront participé.

3.29.

Aussi louable que soit la proposition de la Commission concernant le régime pilote, le CESE estime que le délai de cinq ans fixé pour que l’AEMF fasse rapport à la Commission est trop long compte tenu de la vitesse à laquelle évoluent les technologies de la finance numérique.

3.30.

L’on devrait en outre considérer la possibilité de mettre un terme au régime pilote à la suite du rapport de l’AEMF, et de prévoir une sortie progressive qui permettrait aux opérateurs d’abandonner graduellement le régime pilote en recouvrant autant que possible les coûts induits par l’expérimentation. Le CESE considère par ailleurs que le modèle du régime pilote pourrait également être appliqué afin de reconnaître le rôle joué par les entreprises d’investissement et les banques qui exercent des activités liées au fonctionnement des infrastructures DLT dans le cadre de services de négociation, de conservation et de gestion des titres.

3.31.

Enfin, s’agissant de l’application générale du règlement sur les marchés de crypto-actifs, le CESE ne peut qu’exprimer sa vive préoccupation quant à l’application de «mesures transitoires» qui prévoient que les crypto-actifs circulant déjà sur le marché avant l’entrée en vigueur dudit règlement soient exemptés à titre permanent de ses dispositions et soient inclus dans la catégorie résiduelle de ceux «autres que des jetons se référant à des actifs ou des jetons de monnaie électronique» (article 123).

3.32.

Par conséquent, le CESE préconise un examen attentif de la possibilité d’accorder une telle exemption à titre permanent aux crypto-actifs déjà émis, afin de ne pas compromettre le principe garantissant l’égalité de traitement, qui veut que pour un même risque et une même activité, ce soit le même traitement qui s’applique. Il serait à vrai dire plus opportun de rendre les dispositions en question effectivement transitoires, en fixant un délai d’adaptation pour les crypto-actifs relevant de cette catégorie qui circulent déjà sur le marché.

Bruxelles, le 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).

(2)  Avis du CESE sur «Une stratégie en matière de finance numérique» (ECO/534) (voir page 27 du présent Journal officiel).

(3)  Avis du CESE sur la «Résilience opérationnelle numérique» (ECO/536) (voir page 38 du présent Journal officiel).

(4)  Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO L 173 du 12.6.2014, p. 349).

(5)  Autorité bancaire européenne.

(6)  Autorité européenne des marchés financiers.

(7)  Avis du CESE sur la «Résilience opérationnelle numérique» (ECO/536) (voir page 38 du présent Journal officiel).


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/38


Avis du Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier et modifiant les règlements (CE) no 1060/2009, (UE) no 648/2012, (UE) no 600/2014 et (UE) no 909/2014»

[COM(2020) 595 final — 2020/0266 (COD)]

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2006/43/CE, 2009/65/CE, 2009/138/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/65/UE, (UE) 2015/2366 et (UE) 2016/2341»

[COM(2020) 596 final — 2020/0268 (COD)]

(2021/C 155/06)

Rapporteur:

Antonio GARCÍA DEL RIEGO

Saisine

Parlement européen, 17.12.2020

Conseil de l’Union européenne, 22.12.2020

Base juridique

Article 53, paragraphe 1, article 114, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.2.2021

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

243/1/4

1.    Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition relative à la résilience opérationnelle numérique (Digital Operational Resilience Act — DORA) présentée par la Commission européenne, qui vise à renforcer la clarté juridique des dispositions applicables en matière de risques informatiques, à réduire la complexité réglementaire, à établir un ensemble commun de normes pour atténuer les risques informatiques et à faciliter l’harmonisation des pratiques de surveillance, tout en offrant la sécurité juridique et les garanties nécessaires aux entreprises financières et aux prestataires de services informatiques. Cette proposition améliore non seulement la résilience du secteur face aux risques informatiques, mais elle présente également un intérêt pour plusieurs parties prenantes, notamment les clients, les investisseurs et les salariés, et contribue à la mise en œuvre du développement durable.

1.2.

Le CESE recommande de renforcer l’efficacité de la proposition DORA par les moyens suivants:

1.2.1.

Inclure dans le champ d’application de cette proposition tout prestataire de services financiers critiques développant des activités financières, et en exclure l’utilisation de services informatiques pour des fonctions non critiques.

1.2.2.

Assurer la cohérence, en ce qui concerne la définition et le champ d’application, entre cette proposition et les exigences énoncées dans les orientations existantes publiées par les autorités européennes de surveillance (AES).

1.2.3.

Pour ce qui est de la gestion des risques informatiques, privilégier un cadre axé sur des principes et sur les risques, facilitant la mise en œuvre de contrôles à l’épreuve du temps, flexibles et en adéquation avec les risques.

1.2.4.

S’agissant des incidents liés à l’informatique, veiller à l’harmonisation complète avec la boîte à outils pour la réaction et la récupération en cas de cyberincidents publiée par le Conseil de stabilité financière (CSF).

1.2.5.

Quant aux tests en matière de résilience opérationnelle numérique, insister non seulement sur la taille de l’institution financière, mais aussi sur la complexité et la nature critique du service; éviter l’externalisation obligatoire effectuée par un nombre limité de testeurs externes et encourager la reconnaissance mutuelle des résultats des tests.

1.2.6.

Consolider les exigences en matière d’externalisation en un corpus réglementaire unique, afin de garantir la sécurité juridique pour tous les acteurs du marché et de répondre de manière fiable aux attentes des autorités en matière de surveillance.

1.2.7.

Veiller à la pleine application des recommandations des superviseurs principaux et définir clairement les rôles et les responsabilités des différentes autorités participant à la surveillance des tiers prestataires critiques de services.

1.2.8.

Garantir l’accès aux services externalisés jugés essentiels pour les tiers prestataires de services établis dans des pays non membres de l’Union afin d’éviter de restreindre la liberté contractuelle des entreprises et leur capacité d’accès aux services de prestataires à forte valeur ajoutée.

1.2.9.

Inclure la notion de proportionnalité dans le régime de sanctions pour éviter de dissuader les prestataires de services informatiques de travailler pour les entités financières de l’Union et abandonner la référence actuelle au chiffre d’affaires mondial.

1.2.10.

Clarifier la question de la capacité des entreprises à partager des informations sur les cybermenaces, en veillant à ce qu’un tel dispositif soit mis en place sur une base volontaire et à ce qu’une disposition explicite autorisant l’échange d’informations à caractère personnel soit incluse dans la proposition DORA.

1.2.11.

Relever les seuils d’exemption pour les micro- et petites entreprises telles que définies à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe de la recommandation 2003/361/CE de la Commission (1), c’est-à-dire les entreprises qui occupent moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros, et réduire le nombre d’exigences applicables aux PME proportionnellement au profil de risque numérique de l’entité concernée.

1.3.

Le CESE est favorable à ce que les superviseurs principaux soient habilités à mettre en œuvre les procédures d’audit et d’inspection concernant les tiers prestataires critiques de services, étant donné que ces superviseurs seraient en mesure de mieux comprendre les risques que ces prestataires sont susceptibles de présenter et que cela permettrait de rationaliser les procédures d’externalisation des banques.

2.    Contexte

2.1.

Les consommateurs et les entreprises de l’Union européenne s’appuient de plus en plus sur les services financiers numériques, et parallèlement, les acteurs du marché déploient des solutions de plus en plus innovantes fondées sur les nouvelles technologies. La transformation numérique est essentielle à la relance de l’Europe et à la création d’une économie européenne durable et résiliente.

2.2.

La Commission européenne a présenté un train de mesures sur la finance numérique, conformément à ses priorités relatives à la construction d’une Europe adaptée à l’ère du numérique et d’une économie parée pour l’avenir et au service des citoyens. Cet ensemble de mesures vise à libérer et à renforcer encore le potentiel que la finance numérique peut offrir sur le plan de l’innovation et de la compétitivité, tout en limitant les risques qui peuvent en découler.

2.3.

Outre la proposition relative à la résilience opérationnelle numérique, le train de mesures sur la finance numérique comprend également une nouvelle stratégie en matière de finance numérique pour le secteur financier de l’Union (2) ainsi qu’une proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs et une proposition de règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (3).

2.4.

La résilience opérationnelle numérique est la capacité des entreprises à s’assurer qu’elles sont en mesure de résister à tous les types de perturbations et de menaces liées aux technologies informatiques ou «technologies de l’information et de la communication» (TIC). Les risques informatiques sont inhérents au secteur financier en raison de sa dépendance croissante vis-à-vis de logiciels et de processus numériques. Les entreprises financières sont devenues la cible de cyberattaques, qui sont susceptibles d’entraîner des préjudices financiers importants ou des atteintes graves à la réputation de ces entreprises et des consommateurs. Ces risques doivent être bien compris et gérés, en particulier en période de tensions.

2.5.

Si les réformes qui ont suivi la crise financière de 2008 ont renforcé la résilience du secteur financier de l’Union, les risques informatiques n’ont été traités qu’indirectement. En raison de l’absence d’un cadre réglementaire global au niveau européen en matière de résilience opérationnelle numérique, il a été nécessaire de recourir à des initiatives réglementaires nationales. Cette approche n’a toutefois qu’une efficacité transfrontière limitée et a entraîné une fragmentation du marché unique, ce qui nuit à la stabilité et à l’intégrité du secteur financier de l’Union. Dans ce contexte, la Commission propose d’établir un cadre complet sur la résilience opérationnelle numérique des entités financières de l’Union.

2.6.

La proposition législative concernant la résilience opérationnelle numérique (4) vise à améliorer et à rationaliser la gestion, par les entités financières, des risques informatiques, à instaurer une procédure de test approfondi de la résilience des systèmes informatiques, à encourager l’échange d’informations, à sensibiliser davantage les autorités de surveillance aux cyberrisques et aux incidents liés à l’informatique auxquels sont confrontées les entités financières, ainsi qu’à conférer aux autorités de surveillance financière le pouvoir de superviser les risques découlant de la dépendance des entités financières à l’égard de tiers prestataires de services informatiques. La proposition vise également à créer un mécanisme cohérent de notification des incidents qui pourrait contribuer à réduire les charges administratives des entités financières et à renforcer l’efficacité de la surveillance.

2.7.

La Commission a aussi présenté une proposition de directive (5) car il y a lieu d’établir une dérogation temporaire pour les systèmes multilatéraux de négociation et de modifier ou de clarifier certaines dispositions des directives existantes de l’Union sur les services financiers afin d’atteindre les objectifs de la proposition relative à la résilience opérationnelle numérique.

2.8.

La valeur du marché des TIC, qui se classent parmi les plus grandes industries au monde, était estimée à plus de cinq mille milliards de dollars en 2019 et devrait dépasser les six mille milliards d’ici à 2022. Cette croissance continue nous rappelle l’omniprésence de la technologie dans la société actuelle et son importance grandissante. La finance, qui représente environ 20 % de l’ensemble des dépenses informatiques totales, est le plus grand utilisateur de TIC au monde selon l’analyse d’impact de la proposition législative.

2.9.

La COVID-19 a entraîné une prolifération des services financiers numériques, alors que les réseaux d’agences des établissements financiers restaient, eux, sous-utilisés. Cette évolution stimulera les investissements dans les outils numériques en libre-service, les applications financières ouvertes et les services à valeur ajoutée. De manière générale, la situation actuelle obligera les établissements financiers à investir davantage dans les infrastructures informatiques, à accorder la priorité à la migration des charges de travail critiques et à mettre à jour les applications existantes. Le secteur financier européen connaît déjà une transformation numérique majeure et sa compétitivité à l’échelle mondiale dépendra largement de la capacité des institutions européennes à exploiter les technologies les plus avancées.

3.    Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition relative à la résilience opérationnelle numérique (DORA) publiée par la Commission européenne, qui répond à de nombreuses demandes du secteur financier et vise à clarifier, d’un point de vue juridique, les dispositions relatives aux risques informatiques, à diminuer la complexité réglementaire et à réduire la charge administrative résultant de la diversité des règles applicables aux entités financières dans l’ensemble de l’Union. Cette proposition améliore non seulement la résilience du secteur face aux risques informatiques, mais elle présente également un intérêt pour plusieurs parties prenantes, notamment les clients, les investisseurs et les salariés, et contribue à la mise en œuvre du développement durable.

3.2.

Le CESE considère que la proposition relative à la résilience opérationnelle numérique constitue une étape importante vers la mise en place d’un ensemble commun de normes visant à atténuer les risques informatiques et à faciliter une approche harmonisée en matière de surveillance, mais il convient de faire preuve de prudence pour éviter d’ajouter des obstacles qui pourraient empêcher les établissements financiers de l’Union de participer au processus d’innovation mondial.

3.3.

Selon le CESE, les autorités de l’Union devraient avoir pour objectif global de mettre en place un régime proportionné et fondé sur les risques qui fournisse aux autorités de surveillance des outils répondant à leurs préoccupations, tout en offrant la sécurité juridique et les garanties nécessaires aux entreprises financières et aux prestataires de services informatiques.

4.    Observations particulières

4.1.   Champ d’application et problèmes de chevauchement réglementaire

4.1.1.   Ajout d’autres acteurs pertinents des marchés financiers

Bien que le CESE reconnaisse et apprécie le large éventail d’acteurs des marchés financiers visés par la proposition législative, ce qui garantira l’application cohérente de ses exigences dans l’ensemble du secteur financier de l’Union, il recommande aux décideurs politiques de l’Union d’inclure des acteurs financiers qui ne sont pas considérés comme faisant partie du champ d’application de la proposition législative à l’examen, tels que les fournisseurs de crédits hypothécaires et de crédits à la consommation, et ce dans une certaine mesure qui sera déterminée par le risque qu’ils peuvent représenter pour le système. Tout prestataire de services financiers développant des activités similaires et prenant des risques identiques devrait être soumis aux mêmes règles et à la même surveillance afin de garantir un cadre minimal identique de résilience numérique qui protège les consommateurs et préserve la stabilité financière.

4.1.2.   Cohérence au niveau international et de l’Union, ainsi qu’avec les réglementations existantes

Il est essentiel de prévoir des règles claires pour les entreprises, en particulier celles qui exercent des activités transfrontières, en veillant à la cohérence des définitions et des termes et en évitant les doubles emplois, les chevauchements et les interprétations divergentes quant à la manière de répondre à des attentes réglementaires similaires dans différentes juridictions. Le CESE recommande aux décideurs politiques de l’Union de modifier la définition de la résilience opérationnelle afin qu’elle soit en cohérence avec celle du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB) (6) et de veiller à ce qu’il s’agisse du principal régime applicable aux établissements financiers de l’Union afin d’éviter le risque de contradictions avec d’autres. En outre, bon nombre des principes et exigences définis dans la proposition relative à la résilience opérationnelle numérique le sont déjà dans les orientations existantes sur l’externalisation (7). Les exigences en matière de risques informatiques et de gestion des risques de sécurité sont également déjà fixées dans les orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE). Il sera essentiel d’assurer la cohérence, en ce qui concerne la définition et le champ d’application, entre la proposition DORA et les exigences énoncées dans les orientations existantes, afin d’harmoniser les exigences réglementaires de l’Union.

4.1.3.

De même, le CESE recommande à la Commission européenne de veiller à ce que la révision en cours de la directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (SRI) et la proposition DORA comportent des définitions et des exigences identiques en ce qui concerne la politique de signalement des incidents de sécurité pour les entités financières.

4.2.   Gestion des risques informatiques

Certains éléments du cadre sont trop axés sur le respect des règles et devraient plutôt privilégier la manière dont les entreprises peuvent démontrer des résultats selon une approche fondée sur les principes et les risques. S’ils sont trop prescriptifs et détaillés, ils risquent de devenir obsolètes au fil du temps, au fur et à mesure de l’évolution de la situation en matière de risques liés au cyberespace et aux TIC. Le CESE recommande une approche davantage fondée sur les principes et les risques, qui facilite la mise en œuvre de contrôles à l’épreuve du temps, flexibles, proportionnés et en adéquation avec les risques.

4.3.   Incidents liés à l’informatique

Le CESE recommande une harmonisation complète avec la boîte à outils pour la réaction et la récupération en cas de cyberincidents (8) récemment publiée par le Conseil de stabilité financière (CSF), qui reprend les meilleures pratiques en ce qui concerne le signalement des incidents, ainsi que les propositions de gestion, de classification et de notification des incidents liés à l’informatique envisagées dans la proposition relative à la résilience opérationnelle numérique. Il existe des chevauchements qui créent une incertitude réglementaire et alourdissent la charge réglementaire pesant sur les entreprises.

4.4.   Tests en matière de résilience opérationnelle numérique

4.4.1.

Bien que le CESE approuve le régime paneuropéen de tests de pénétration fondés sur la menace, qui augmentera l’efficacité et réduira la fragmentation, il recommande aux autorités de ne pas se concentrer uniquement sur la taille ou l’ampleur de l’établissement financier mais également sur la complexité et la criticité du service, en tenant compte du principe de proportionnalité, et d’éliminer, le cas échéant, la distinction entre les tests de base pour tous les établissements financiers et les tests plus poussés pour les établissements financiers importants, en veillant à ce que les clients des entités financières de plus petite taille soient tout aussi bien protégés et à ce que des conditions de concurrence équitables soient créées entre toutes ces entités.

4.4.2.

Le CESE recommande également de ne pas rendre obligatoire l’externalisation des tests, étant donné que le nombre de testeurs externes est limité. En effet, les entreprises peuvent disposer de leurs propres équipes de testeurs internes, connaissant bien leur environnement et capables de passer rapidement à des tests plus poussés et ciblés.

4.4.3.

Il conviendrait de réexaminer l’inclusion des tiers prestataires de services informatiques dans le champ d’application du régime de tests de pénétration fondé sur la menace. Le fait que des tiers prestataires de services informatiques puissent fournir leurs produits à un certain nombre de clients pourrait entraîner une duplication importante des tests, ce qui est à son tour susceptible de créer des risques importants pour le tiers prestataire de services informatiques et ses clients.

4.4.4.

En outre, le CESE recommande de mentionner explicitement la reconnaissance mutuelle des résultats des tests, étant donné qu’elle permet de réduire les risques et d’assurer le bon fonctionnement du marché unique, ainsi que d’éviter des augmentations de coûts pour les entités financières exerçant des activités transfrontières.

4.5.   Gestion des risques liés aux tiers prestataires de services informatiques et cadre de supervision applicable aux tiers prestataires critiques de services informatiques

4.5.1.   Assurer la cohérence avec les lignes directrices existantes en matière d’externalisation

Le CESE se félicite que la proposition relative à la résilience opérationnelle numérique établisse un cadre réglementaire commun pour la bonne gestion des risques liés aux tiers prestataires de services informatiques, couvrant l’ensemble des acteurs des marchés financiers dans toute l’Europe. Toutefois, il sera essentiel de garantir une harmonisation complète entre ce cadre commun défini dans les principes clés (articles 25, 26 et 27) et les règles existantes, telles que les orientations des autorités européennes de surveillance (AES) sur l’externalisation [c’est-à-dire résoudre la dichotomie existante, pour ce qui est du champ d’application, entre l’«externalisation» et le «service tiers» (9)]. Le CESE estime en outre qu’il s’agit là d’une excellente occasion pour les autorités de l’Union de consolider les exigences relatives à l’externalisation dans un règlement unique — avec un niveau de détail suffisant pour éviter les divergences d’interprétation — qui pourrait apporter la sécurité juridique à tous les acteurs du marché et répondre de manière fiable aux attentes des autorités de surveillance.

4.5.2.   Exigences applicables aux activités externalisées critiques ou importantes

Afin de rester axé sur les risques, le règlement, en vue de l’application de son article 25, paragraphe 2, doit être plus précis sur la manière dont le principe de proportionnalité sera appliqué, et indiquer de façon détaillée quelles seraient les exigences applicables aux activités externalisées critiques ou importantes et celles qui s’appliqueraient aux autres activités (10). Le CESE recommande que l’utilisation des services informatiques pour des fonctions non critiques soit exclue du champ d’application du règlement DORA.

4.5.3.   Cadre de supervision directe des tiers prestataires critiques de services informatiques

Le CESE se félicite de l’introduction d’un cadre de supervision directe qui permettra aux autorités financières de suivre en permanence les activités des tiers prestataires critiques, en l’absence d’un cadre horizontal généraliste de l’Union. Dans le contexte de la proposition de règlement, les autorités de l’Union devraient reconnaître que lorsqu’un prestataire critique de services informatiques relève de cette supervision, l’exposition au risque des établissements financiers diminue en raison du suivi continu de leurs activités. Par conséquent, ce nouveau cadre de supervision devrait également contribuer à rationaliser les procédures d’externalisation des banques en allégeant une partie des charges actuellement supportées par les entités financières, par exemple en rapport avec l’exécution de procédures d’audit et d’inspection concernant les tiers prestataires de services jugés critiques.

4.5.4.

Le CESE juge préférable, plutôt que de s’appuyer sur les informations actuellement fournies par les établissements financiers surveillés et obtenues dans le cadre des inspections effectuées par les autorités nationales compétentes, que les superviseurs principaux soient habilités à mettre en œuvre les procédures d’audit et d’inspection concernant les tiers prestataires critiques de services étant donné qu’ils sont mieux à même de comprendre les risques que ces prestataires sont susceptibles de présenter dans la mesure où ils ont une connaissance directe de leurs processus et de leurs locaux. Bien que les politiques d’atténuation des risques des entités financières doivent être maintenues, et que l’obligation légale en la matière leur incombe, si l’inspection et les audits sont déjà effectués par le superviseur principal, les établissements financiers devraient bénéficier de ce niveau supplémentaire de sécurité et ne devraient pas être tenus de les réaliser à nouveau.

4.5.5.   Superviseur principal et autorités nationales compétentes

Une fois le processus de surveillance achevé, les recommandations du superviseur principal feront l’objet d’un suivi par les autorités nationales compétentes, qui pourront adopter leur propre approche quant à la manière de mettre en œuvre les conclusions du superviseur principal pour les tiers prestataires critiques concernés. Le CESE recommande de clarifier pleinement les rôles et les responsabilités des différentes autorités afin d’éviter une situation où les divergences d’interprétation toucheraient différemment les clients des tiers prestataires critiques en fonction de leur autorité compétente, et en vue de de réduire le risque de fragmentation. En outre, il y a lieu de rendre pleinement applicables les recommandations formulées par les superviseurs principaux, compte tenu de l’ambiguïté actuelle de l’article 37 pour ce qui est de leur caractère contraignant.

4.5.6.   Suspension d’un tiers prestataire critique

La proposition DORA confère aux régulateurs financiers nationaux le pouvoir d’exiger des clients qu’ils cessent temporairement ou définitivement de recourir à un prestataire de services informatiques jusqu’à ce que les risques recensés dans les recommandations aient été écartés. Des exigences relatives à la cessation immédiate d’une collaboration avec un tiers prestataire critique auraient certainement une incidence sur les décisions commerciales et d’exploitation existantes ou futures (par exemple, en décourageant les investissements dans l’Union) et pourraient avoir des conséquences pour la stabilité financière. Avant de prendre cette décision, les autorités compétentes devraient examiner attentivement, entre autres facteurs, l’incidence négative potentielle de la cessation du service pour les entités financières qui recourent à ce tiers prestataire critique particulier (11), et devraient établir des critères clairs relatifs à ces exigences de même que prévoir d’éventuelles mesures correctrices.

4.5.7.

Par ailleurs, le CESE recommande que si cette situation devait finalement se présenter, les entités financières en soient informées bien à l’avance et disposent de suffisamment de temps pour en sortir.

4.6.   Préserver la compétitivité mondiale des entreprises financières européennes

4.6.1.

Le nouveau cadre doit préserver la capacité des entreprises financières européennes à accéder au moins aux mêmes technologies que leurs concurrents mondiaux. Les entreprises financières de l’Union sont en concurrence à l’échelle mondiale et le futur cadre réglementaire de l’Union ne devrait pas les désavantager en limitant leur accès aux technologies les plus avancées, pour autant que les fournisseurs de ces technologies satisfassent aux normes de l’Union en matière de résilience et de sécurité.

4.6.2.   Tiers prestataires critiques établis en dehors de l’Union

Le règlement ne devrait pas limiter la possibilité d’externaliser des services jugés critiques à des tiers prestataires établis dans des pays extérieurs à l’Union. Cette limitation restreindrait certainement la liberté contractuelle des différentes entités et la capacité des institutions financières européennes à accéder aux services de prestataires à forte valeur ajoutée qui, selon toute vraisemblance, ne seront pas disponibles en nombre suffisant en Europe. Cela est d’autant plus pertinent que le cadre de supervision proposé se limite au secteur financier, créant des conditions de concurrence inégales pour les autres acteurs non soumis au règlement à l’examen, et pourrait, en fin de compte, accroître le risque de concentration que la proposition DORA cherche à éviter.

4.6.3.   Sanctions fondées sur le chiffre d’affaires mondial

La proposition DORA prévoit des sanctions en rapport avec le chiffre d’affaires mondial pour les prestataires de services informatiques qui ne répondent pas aux demandes des autorités de surveillance financière de l’Union. Une application disproportionnée de ces sanctions pourrait dissuader des prestataires mondiaux de services informatiques de servir les entreprises financières de l’Union, qui disposeraient dès lors, de facto, d’un choix limité de fournisseurs. En outre, cela dissuaderait les tiers prestataires non critiques d’opter pour le régime de supervision par crainte d’être sanctionnés au moyen d’amendes disproportionnées, et réduirait par conséquent la concurrence sur le marché en amont. Le CESE plaide en faveur de l’introduction d’un certain degré de proportionnalité dans le régime de sanctions, qu’il juge essentiel pour éviter de dissuader les prestataires de services informatiques souhaitant fournir des services aux entités financières de l’Union.

4.7.   Concernant les dispositifs de partage d’informations

4.7.1.

Étant donné qu’un échange d’informations en temps utile est essentiel pour repérer efficacement les vecteurs d’attaque de même que pour isoler et prévenir les menaces potentielles, le CESE se félicite de la disposition visant à faciliter la mise en place de dispositifs d’échange d’informations sur les cybermenaces entre les établissements financiers sur une base volontaire.

4.7.2.

Le CESE recommande également que les autorités de l’Union fournissent une base claire pour permettre l’échange d’informations à caractère personnel (telles que les adresses IP) parmi les conditions de la proposition de règlement, de manière à réduire l’incertitude et à renforcer l’aptitude des entités financières à améliorer leurs capacités de défense, à mieux cerner les menaces et à diminuer le risque de contagion entre elles. Il convient d’apporter davantage de précisions en raison de la nature confidentielle et sensible des données.

Bruxelles, le 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO L 124 du 20.5.2003, p. 36.

(2)  Voir l’avis ECO/534 — Une stratégie en matière de finance numérique pour l’UE (voir page 27 du présent Journal officiel).

(3)  Voir l’avis ECO/535 — Crypto-actifs et technologie des registres distribués (voir page 31 du présent Journal officiel).

(4)  COM(2020) 595 final.

(5)  COM(2020) 596 final.

(6)  Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Principles for operational resilience, 6 novembre 2020.

(7)  Telles que celles élaborées par l’ABE et l’AEAPP, ainsi que les projets d’orientations de l’AEMF qui ont fait l’objet d’une consultation.

(8)  Conseil de stabilité financière, Final Report on Effective Practices for Cyber Incident Response and Recovery, 19 octobre 2020.

(9)  S’agissant des principes clés pour une bonne gestion des risques liés aux tiers prestataires de services informatiques (chapitre V), la proposition DORA ne fait référence qu’aux «services informatiques fournis par des tiers prestataires de services informatiques», tandis que le champ d’application des orientations de l’ABE sur l’externalisation repose sur la définition de l’externalisation, qui implique que l’activité est exercée de manière récurrente ou continue (point 26). Les orientations de l’ABE dressent également une liste d’exceptions qui ne sont pas considérées comme relevant de l’externalisation (point 28).

(10)  Là encore, il sera également essentiel d’harmoniser la définition des «fonctions critiques ou importantes» dans la proposition DORA et les orientations de l’ABE sur l’externalisation. En particulier, les orientations de l’ABE définissent les facteurs que les établissements financiers devraient prendre en considération lorsqu’ils évaluent si un accord d’externalisation concerne une fonction critique ou importante (points 29, 30 et 31).

(11)  L’un des critères pour qualifier de «critique» un prestataire de services informatiques serait le degré de substituabilité du produit tiers, compte tenu de l’absence de réelles solutions de substitution ou des difficultés liées à la migration partielle ou totale des services (article 28, paragraphe 2). Si tel était le cas, il serait difficile pour les établissements financiers de transférer le service à un autre prestataire. En outre, exiger des établissements financiers exposés qu’ils se tournent vers un autre prestataire de services contribuerait en fin de compte à accroître la concentration sur le marché européen, ce qui irait précisément à l’encontre de l’intention du règlement en objet.


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/45


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable»

[COM(2020) 575 final]

(2021/C 155/07)

Rapporteur:

Krzysztof BALON

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

12.2.2021

Adoption en session plénière

25.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

237/2/22

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite que le règlement relatif à la facilité pour la reprise et la résilience (1) confirme définitivement l’importance d’un engagement véritable des organisations de la société civile et des partenaires sociaux dans l’élaboration des plans nationaux pour la relance et la résilience. Dans le même temps, le CESE soutient l’instauration du principe contraignant de conditionnalité, en vertu duquel les gouvernements seront tenus de faire participer les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile à la planification et à la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience ainsi que des autres instruments prévus par le cadre financier pluriannuel, en menant un dialogue social et citoyen qui s’appuie sur des normes minimales définies à l’échelon de l’Union.

1.2.

Le CESE est convaincu que pour déployer les mesures communes dans le cadre de la réalisation de la stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable et que pour mettre en œuvre avec efficacité la facilité européenne pour la reprise et la résilience, il est indispensable de renforcer l’environnement propice au développement de l’économie et surtout de veiller à ce que le marché unique continue à fonctionner pleinement. Il s’agit là notamment de prévenir les perturbations de la libre circulation des personnes et des marchandises. Maintenir les frontières ouvertes dans la zone Schengen constitue une question d’une importance cruciale aussi bien pour la reprise et le renforcement de la résilience que pour le soutien à la solidarité et l’identité européennes. Le CESE estime que les États membres ne devraient appliquer aucune règle qui entraînerait, directement ou indirectement, une restriction de la libre circulation, à moins qu’elle n’ait fait l’objet d’une coordination à l’échelon de l’Union européenne.

1.3.

Le CESE estime que l’endettement public résultant du recours à l’emprunt pour financer des programmes dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience ne saurait peser sur les prochaines générations de citoyens de l’Union. À cet égard, le CESE recommande aux États membres d’affecter des moyens de cette facilité à leurs dépenses budgétaires liées à la crise actuelle, et d’en user comme d’une occasion de faire en sorte que nos économies et nos sociétés deviennent durables et équitables. Le CESE reconnaît également que des investissements publics sont nécessaires dans les infrastructures et l’éducation afin de garantir aux jeunes générations la durabilité de l’économie, de la société et de l’environnement. En outre, il s’agit aussi du fondement nécessaire pour asseoir à long terme la prospérité, les revenus et la compétitivité.

1.4.

Dans le même temps, en tenant compte du fait que ces emprunts constituent des moyens exceptionnels en des circonstances exceptionnelles, le CESE propose d’étudier la possibilité, dans le cadre de l’Union en matière budgétaire, de ne pas les comptabiliser sur le moyen terme dans le calcul du déficit budgétaire d’un État membre. En outre, il est nécessaire de poursuivre une politique budgétaire qui permette de développer l’économie. Aussi le CESE met-il en garde contre une renonciation trop précoce à des instruments de soutien, tels que par exemple la clause dérogatoire générale, et plaide-t-il pour instaurer de nouvelles règles budgétaires qui tiennent compte des réalités économiques et sociales qui prévaudront lorsque prendra fin la pandémie.

1.5.

Le CESE se félicite que la stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable traite de manière adéquate des défis liés à la pandémie de COVID-19 dans le droit fil des postulats du pacte vert pour l’Europe. Il s’agit donc là de poursuivre la réalisation des mesures en faveur d’un modèle économique plus durable et plus favorable à l’inclusion sociale et tout spécialement en faveur de la mue écologique du modèle actuel de croissance. Le CESE souligne toutefois qu’une condition nécessaire du succès de la transition écologique réside dans la cohérence entre les plans nationaux pour la reprise et la résilience et les propositions de plans territoriaux de transition juste formulées dans le cadre du mécanisme pour une transition juste.

1.6.

Le CESE est d’avis que la transition ne doit pas contribuer uniquement à accroître la productivité, mais également à améliorer l’éducation ainsi qu’à renforcer la participation politique, sociale et culturelle de l’ensemble des habitants de l’Union européenne. S’agissant de soutenir l’égalité de l’accès aux infrastructures, aux équipements et aux compétences numériques, il convient de porter une attention toute particulière aux personnes âgées ou handicapées ou menacées d’exclusion sociale ou encore appartenant à des groupes vulnérables. Le CESE est d’avis que l’un des objectifs de la transition numérique doit consister à instaurer un accès universel de tous les habitants de l’Union européenne à l’internet à haut débit en tant que service d’intérêt public fourni à titre gratuit.

1.7.

Le CESE regrette que la stratégie ne s’attache que trop peu aux questions sociales, au vu notamment de la nécessité et de l’urgence de mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux de manière cohérente. Par ailleurs, le Comité observe avec inquiétude que l’approche proposée dans la stratégie ne revêt pas un caractère pleinement durable. Les mesures visant à passer rapidement à une économie écologique et numérique ne sauraient en effet avoir pour conséquence d’accroître davantage la pauvreté et l’exclusion sociale. Il sera essentiel de veiller à répartir uniformément les bénéfices tirés de la reprise économique, ce qui contribuera non seulement à mieux réaliser la justice sociale mais également à stabiliser la demande, qui constitue une condition nécessaire de ladite reprise économique.

1.8.

Le CESE estime que la situation socio-économique actuelle des jeunes, notamment le fait que ceux-ci reportent à plus tard des décisions essentielles dans leur vie, comme par exemple celle de fonder une famille, peut influencer négativement le développement futur de l’Union européenne. À cet égard, le Comité demande de mettre en œuvre de manière adéquate le programme de garantie renforcée pour la jeunesse et les initiatives qui l’accompagnent.

1.9.

De l’avis du CESE, l’un des moyens d’assurer la stabilisation des finances publiques doit consister à accroître l’efficacité des instruments existants de lutte contre l’évitement fiscal, le travail non déclaré et l’économie souterraine caractérisés par l’absence d’une protection suffisante des droits des travailleurs, le blanchiment des capitaux et la corruption, tout comme à en instaurer de nouveaux, à l’échelon tant de l’Union que de ses États membres, également en ce qui concerne les sociétés multinationales.

1.10.

Le CESE recommande de réexaminer les initiatives phares européennes communes et coordonnées proposées par la Commission européenne de sorte que celles-ci tiennent plus largement compte des aspects sociaux de la transformation, ainsi que de compléter la liste de ces initiatives en y ajoutant le développement de l’économie sociale dans le contexte du plan d’action de l’Union y afférent, ainsi que des mesures en faveur de l’égalité de l’accès à des systèmes de soins de santé et de services sociaux qui soient abordables financièrement et de haute qualité.

1.11.

Le CESE recommande à la Commission d’élaborer un document supplémentaire qui expose la teneur de sa communication d’une manière plus claire et plus simple, de sorte que ce document puisse faire l’objet de débats au sein des organisations de la société civile.

2.   Introduction

2.1.

Le 17 septembre 2020, la Commission européenne a publié sa communication relative à la «Stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable» (2), pour laquelle elle a requis, le 11 novembre 2020, du CESE qu’il élabore un avis. Le CESE souscrit pleinement à l’idée directrice de la communication de la Commission, qui fait état de la nécessité de protéger les citoyennes et les citoyens de l’Union, leur santé et leur emploi, tout en garantissant dans toute l’Union la justice, la résilience et la stabilité macroéconomique face à la récession soudaine et profonde provoquée par la pandémie de COVID-19.

2.2.

Cette stratégie s’attache à lutter contre la récession soudaine et profonde provoquée par la pandémie de COVID-19, tout en maintenant le bon fonctionnement du marché unique ainsi que la transition durable, juste et démocratique au sens du pacte vert pour l’Europe, conformément aux objectifs de développement durable des Nations unies. Le CESE fait observer à cette occasion que bien que le titre du document de la Commission se réfère à l’année 2021, son contenu s’inscrit plutôt dans une perspective de moyen terme.

2.3.

La Commission met en relief l’importance capitale de l’accord conclu le 21 juillet 2020 par le Conseil européen sur le prochain cadre financier pluriannuel et sur l’instrument «Next Generation EU», dont relève notamment la facilité pour la reprise et la résilience. Cet accord a été confirmé en décembre 2020, conjointement avec le Parlement européen, autorisant ainsi l’entrée en vigueur des actes juridiques connexes à l’échelon européen. Toutefois, il importe tout autant que les États membres mènent rapidement à bien, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, leurs procédures de ratification de la décision relative aux ressources propres qui permet à la Commission d’emprunter sur le marché pour financer les programmes de «Next Generation EU».

2.4.

Le CESE partage l’avis exprimé dans la communication selon lequel il est indispensable, pour déployer les mesures communes dans le cadre de la réalisation de la stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable et pour mettre en œuvre avec succès la facilité européenne pour la reprise et la résilience, que le marché unique continue à fonctionner pleinement. Il s’agit là notamment de prévenir les perturbations de la libre circulation des personnes et des marchandises. Aussi le CESE se félicite-t-il de la recommandation du Conseil adoptée le 12 octobre 2020 relative à une approche coordonnée de la restriction de la libre circulation (3). Maintenir les frontières ouvertes au sein de la zone Schengen, et notamment s’abstenir d’y procéder à des contrôles, constitue une question d’une importance cruciale dans le contexte aussi bien de la reprise et du renforcement de la résilience que du soutien à la solidarité et à l’identité européennes. Les États membres ne devraient appliquer aucune règle qui entraînerait, directement ou indirectement, une restriction de la libre circulation, à moins qu’elle n’ait fait l’objet d’une coordination à l’échelon de l’Union européenne.

2.5.

Le CESE estime que les mesures visant à renforcer l’environnement favorable aux entreprises permettront au secteur privé de jouer pleinement son rôle dans la réalisation des objectifs de la stratégie. De telles mesures pourraient consister notamment à réduire les charges administratives pour les PME, à réduire les obstacles à l’entrée sur le marché pour les nouvelles entreprises, à résoudre le problème de la pénurie de qualifications indispensables, à faciliter le financement des projets économiques et à adapter les réglementations aux nouvelles formes de risque économique.

2.6.

La stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable établit les dimensions essentielles que sont la durabilité environnementale, la productivité, l’équité et la stabilité macroéconomique, qui constituent à ce titre les fondements du Semestre européen et demeurent les principes directeurs sous-tendant les plans pour la reprise et la résilience des États membres. Dans le même temps, le CESE fait valoir la nécessité de passer en revue les recommandations du Conseil formulées au cours des années précédentes dans le cadre du Semestre européen sous l’angle de leur faisabilité dans les conditions économiques et sociales qu’a suscitées la pandémie.

3.   Facilité européenne pour la reprise et la résilience: vers une durabilité compétitive

3.1.

La facilité pour la reprise et la résilience, en tant également qu’élément fondamental de l’initiative «Next Generation EU», doit devenir l’un des principaux instruments de la relance de l’économie. La mise en œuvre effective de ladite initiative peut générer 2 % de produit intérieur brut supplémentaire d’ici à 2024 et créer deux millions d’emplois nouveaux (4). Le CESE estime à cet égard que si cet instrument doit servir avant tout, dans une perspective de court terme, à la reprise et au renforcement de la résilience, sa fonction principale n’en doit pas moins demeurer, dans une perspective de moyen et long terme, de soutenir la transition écologique et numérique.

3.2.

Afin de faire jouer les synergies, les États membres pourront, à certaines conditions, combiner les financements provenant de différents instruments, notamment des fonds relevant de la politique de cohésion et de la facilité pour la reprise et la résilience. Dans ce contexte également, il est tout aussi nécessaire que les États membres accroissent leur capacité d’absorption des fonds de l’Union grâce notamment aux mécanismes idoines en matière d’état de droit et de bonne gouvernance, à des administrations publiques de qualité et à une lutte efficace contre la corruption mais aussi à l’adaptation du Semestre européen au lancement de cet instrument, y compris en associant le plan national de réforme et le plan pour la relance et la résilience dans le cadre d’un document unique intégré.

3.3.

Le CESE accueille avec satisfaction l’établissement dans le cadre de cet instrument d’un tableau de bord mis à jour tous les six mois. Le CESE est d’avis que ce dernier contribuera à accroître la transparence, ce qui peut influer considérablement sur l’amélioration du degré de confiance entre les États membres. Ce tableau de bord aidera également à suivre la répartition et l’utilisation des fonds, ainsi qu’à généraliser les bonnes pratiques des États sur le territoire desquels ces fonds sont intervenus.

3.4.

Dans le même temps, le CESE est conscient du danger que les États membres puissent affecter les moyens de cet instrument à celles de leurs dépenses budgétaires qui ne sont pas liées à la crise actuelle. À cet égard, le Comité recommande de soumettre leur affectation à un contrôle strict.

3.5.

Le CESE estime que l’élaboration et l’adoption de l’initiative «Next Generation EU» sont intervenues selon des modalités adéquates et en temps utile. En garantissant un soutien financier, cette initiative appuie la relance de l’économie et peut aider l’Union européenne à sortir plus forte et plus résiliente de la crise actuelle, au moyen d’investissements publics dans les infrastructures, l’éducation et la lutte contre la crise du climat. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’il sera nécessaire, à l’avenir, de rembourser les emprunts contractés pour financer les programmes dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience. Le document de la Commission pourrait aborder un deuxième scénario de financement de ce plan en tenant compte de la possibilité que de nouvelles situations de crise se produisent à l’avenir. Toutefois, le CESE reconnaît également que des investissements publics sont nécessaires dans les infrastructures et l’éducation afin de garantir aux jeunes générations la durabilité de l’économie, de la société et de l’environnement. En outre, il s’agit aussi du fondement nécessaire pour asseoir à long terme la prospérité, les revenus et la compétitivité.

4.   Transition écologique

4.1.

Le CESE se félicite du traitement adéquat des problèmes liés à la pandémie de COVID-19 dans le contexte du pacte vert pour l’Europe. Il s’agit là, en dépit des perturbations causées par le défi planétaire posé par la COVID-19, de poursuivre la réalisation des mesures annoncées précédemment en faveur d’un modèle économique plus durable et plus favorable à l’inclusion sociale, en faveur des objectifs de développement durable et tout spécialement en faveur de la mue écologique du modèle actuel de croissance. La transition vers le pacte vert pour l’Europe constitue une occasion toute spéciale de développer des entreprises fondées sur le modèle de l’économie sociale.

4.2.

Dans ce contexte, le CESE soutient la position des institutions européennes, selon laquelle les plans nationaux pour la reprise et la résilience doivent consacrer un minimum de 37 % de leurs dépenses aux questions liées au climat.

4.3.

Le CESE souligne qu’une condition nécessaire du succès de la transition écologique réside dans la cohérence entre les plans nationaux pour la reprise et la résilience et les propositions de plans territoriaux de transition juste formulées dans le cadre du mécanisme pour une transition juste.

5.   Transition numérique et productivité

5.1.

Le CESE approuve l’établissement, dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience, d’un objectif minimal de dépenses consacrées à la numérisation à hauteur de 20 %.

5.2.

Par ailleurs, le Comité met en garde contre l’idée de traiter de la numérisation comme d’un instrument exclusivement au service de l’augmentation de la productivité. La transition numérique doit contribuer à améliorer l’éducation entendue au sens large, à élever la qualité de vie et à accroître la participation politique, sociale et culturelle de tous les habitants de l’Union européenne.

5.3.

Aussi, le CESE soutient-il le point de vue qu’exprime la Commission dans sa communication, selon lequel il convient de soutenir l’égalité d’accès aux infrastructures, aux équipements et aux compétences numériques. Le CESE estime qu’il convient de s’attacher tout particulièrement à soutenir l’accès et les compétences numériques des personnes âgées ou handicapées ou menacées d’exclusion sociale. Le CESE considère également que l’un des objectifs de la transition numérique doit consister à assurer l’accès universel de tous les habitants de l’Union européenne à l’internet à haut débit en tant que service d’intérêt public fourni à titre gratuit.

6.   Équité

6.1.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’urgence et la nécessité de prendre des mesures propres à renforcer la justice sociale. Il est probable que la crise creusera les inégalités sociales, notamment les écarts disproportionnés de patrimoine, de revenus, les différences d’accès aux services de santé et à l’éducation, les disparités dans le domaine du logement mais aussi de la longévité. La montée de la pauvreté et de l’exclusion sociale, ainsi que la peur de l’avenir et de la perte de prospérité, deviendront le sort de nombreux habitants de l’Union en 2021. Dans ces circonstances, il sera essentiel de veiller à répartir uniformément les bénéfices de la reprise économique afin de s’assurer de mieux réaliser la justice sociale mais également de stabiliser la demande, qui constitue une condition nécessaire de ladite reprise économique.

6.2.

Il convient également de concevoir la crise que nous traversons comme une occasion de transformer le modèle socio-économique qui prévaut en Europe. La facilité pour la reprise et la résilience doit favoriser un modèle européen de développement économique et social qui s’appuie sur l’inclusion sociale ainsi que sur la création et le soutien de l’emploi de qualité (5).

6.3.

La stratégie ne s’attache que trop peu aux questions sociales. Il s’agit en particulier de la nécessité et de l’urgence de mettre en œuvre de façon cohérente le socle européen des droits sociaux également à l’échelon des États membres, lesquels sont tenus de prendre les mesures assurant l’égalité des chances, une éducation inclusive, des conditions justes de travail, un accès et une disponibilité universels des services d’intérêt général et une protection sociale adéquate. Les mesures visant à passer rapidement à une économie écologique et numérique ne sauraient avoir pour effet d’accroître davantage la pauvreté et l’exclusion sociale. Aussi, pour réagir efficacement aux conséquences de la pandémie de COVID-19, il ne suffira pas d’en suivre de manière serrée les répercussions économiques. Il convient également de surveiller les indicateurs sociaux en matière non seulement d’emploi mais aussi d’exclusion sociale, de creusement des inégalités et de discriminations.

6.4.

La crise a montré toute l’importance de maintenir les emplois existants et d’en créer de nouveaux, ainsi que de renforcer les systèmes de protection sociale. Des millions de personnes qui travaillent sans sécurité sociale ont perdu leurs moyens de subsistance. Des réformes sont donc nécessaires, qui permettent d’accroître la qualité et la sécurité de l’emploi ainsi que de maintenir et de développer les programmes d’aide à l’emploi. Le CESE souscrit à l’objectif général selon lequel il convient de consentir des efforts supplémentaires en ce qui concerne la convergence des rémunérations, l’établissement de salaires minimaux adéquats dans les États membres, ainsi que le renforcement des systèmes de négociation collective et du rôle des partenaires sociaux dans toute l’Union européenne, conformément aux mécanismes nationaux de concertation sociale. La Commission européenne a présenté une proposition de directive visant à atteindre ces objectifs, et le Comité œuvre actuellement à l’élaboration d’un avis sur ce texte. Le CESE réclame également d’assurer à ceux qui ont perdu leur emploi un degré adéquat de sécurité et de dignité de vie.

6.5.

Le CESE relève avec satisfaction les efforts décrits dans la communication à l’examen afin d’accroître la cohésion socio-économique et d’inciter plus fermement à employer des jeunes, des femmes, des personnes appartenant à des groupes à risque ou des personnes menacées d’exclusion. Le Comité souligne toutefois qu’en l’affaire, il s’impose de déployer davantage d’efforts, de lancer davantage d’initiatives et d’incitations à agir ambitieuses et concrètes et de soutenir toutes les parties intéressées.

6.6.

Le CESE constate avec inquiétude que la stratégie ne traite que de manière insuffisante la situation socio-économique actuelle des jeunes, notamment le fait que ceux-ci doivent reporter à plus tard des décisions essentielles dans leur vie, comme par exemple celle de fonder une famille, ce qui peut influencer négativement le développement futur de l’Union européenne. À cet égard, le Comité demande de mettre en œuvre de manière adéquate le programme de garantie renforcée pour la jeunesse et les initiatives qui l’accompagnent, qui assurent aux jeunes une entrée plus aisée sur le marché du travail ainsi que la possibilité d’obtenir diverses formes d’aide. Dans le cas contraire, complètement à l’opposé du concept de «Next Generation EU», il pourrait surgir une «génération de la pandémie de coronavirus» qui ne sera jamais en mesure de tirer pleinement parti de son potentiel.

6.7.

Un autre groupe particulièrement touché par la crise est celui des travailleurs âgés qui sont poussés à sortir du marché du travail. Cette situation non seulement perturbe l’équilibre social entre les générations mais elle influe également de manière négative sur les systèmes de protection sociale aussi bien à présent qu’à l’avenir.

6.8.

Le CESE se félicite de l’intention exprimée dans la stratégie de soutenir la convergence des régions et d’accroître leur résilience en vue de réduire les disparités territoriales. Il est toutefois préoccupant que les moyens prévus au titre du Fonds pour une transition juste aient été limités par rapport à la première proposition de la Commission, d’autant plus qu’il sera indispensable de procéder immédiatement à des investissements publics et de créer des branches de substitution dans l’industrie et de nouvelles entreprises dans les secteurs les plus touchés par la transition climatique. Dans ce contexte, le CESE fait également état de la nécessité d’adapter judicieusement les principes régissant les aides publiques.

6.9.

Le CESE est d’avis que la réalisation de la vision proposée par la stratégie peut se heurter à l’absence d’une pleine acceptation et compréhension, sachant que font défaut les nouveaux mécanismes de gouvernement grâce auxquels les citoyennes et citoyens, ainsi que les entreprises, mais aussi les entités publiques et privées à l’échelon local et régional, pourraient s’engager de manière volontariste dans le processus de détermination et de résolution des problèmes à l’échelon local. Dans ce domaine, les valeurs définies pour le modèle européen de cogestion définie dans le livre blanc de 2001 pourraient s’avérer fort utile.

7.   Stabilité macroéconomique

7.1.

Le CESE est partisan d’une approche durable de la stabilité des finances publiques dans le contexte du soutien au développement économique au moyen d’une politique active d’investissements publics ainsi que d’un système de marchés publics tenant compte d’objectifs sociaux. Le succès de la reprise économique et sociale, ainsi que de la transition écologique et numérique, sera tributaire non seulement des investissements privés mais aussi d’un financement public adéquat.

7.2.

Afin d’assurer la stabilisation des finances publiques, le CESE tient pour nécessaire d’accroître l’efficacité des instruments existants de lutte contre l’évitement fiscal, le travail non déclaré, le recours abusif à des formes d’emploi caractérisées par une protection insuffisante des droits des travailleurs, l’économie souterraine, le blanchiment des capitaux et la corruption, tout comme d’en instaurer de nouveaux, à l’échelon tant de l’Union que de ses États membres, également en ce qui concerne les sociétés multinationales.

7.3.

Il est nécessaire de poursuivre une politique budgétaire qui permette d’accroître la confiance, de résoudre le problème des inégalités et de parer d’autres menaces. Aussi le CESE met-il en garde contre une renonciation trop précoce à des instruments de soutien, tels que par exemple la clause dérogatoire générale. Si la clause dérogatoire générale ne s’applique effectivement que jusqu’à la fin de l’année 2021, les États membres seront tenus dès 2022 de réduire progressivement leurs déficits. Les emprunts contractés dans le cadre de la facilité seront d’une part pour les États membres l’occasion de stimuler la croissance et la liquidité au sein de leurs économies, sachant d’autre part qu’ils entraîneront cependant une hausse de leur déficit budgétaire. Il en résulte une situation contradictoire dans laquelle les possibilités de stimulation de la croissance qu’offrent les emprunts au titre de la facilité peuvent être limitées si les États membres seront simultanément tenus de prendre des mesures supplémentaires afin d’assainir leurs finances publiques.

7.4.

Dans ce contexte, et en tenant compte du fait que ces emprunts constituent des moyens exceptionnels en des circonstances exceptionnelles, il s’avérer judicieux de mettre en place des règles spéciales relatives à leur prise en compte dans le cadre de l’Union européenne en matière budgétaire, prévoyant par exemple de ne pas les comptabiliser dans le déficit budgétaire de l’État membre concerné.

7.5.

De surcroît, le CESE propose d’instaurer de nouvelles règles budgétaires qui tiennent compte des réalités économiques et sociales qui prévaudront lorsque prendra fin la pandémie.

7.6.

Le CESE convient pleinement de la nécessité soulignée dans la communication d’assurer une administration publique et des services d’intérêt général efficaces et de qualité, tout en attirant l’attention sur le fait qu’elle en implique une autre, celle d’assurer dans certains États membres des conditions d’emploi décentes et stables.

7.7.

Les déficits publics liés au coût de la sortie de la crise repoussent à un horizon plus lointain l’adoption de la monnaie unique par les États membres qui n’en disposent pas encore, tout comme ils contribueront à affaiblir la confiance placée dans l’euro. À cet égard, le CESE est d’avis qu’il devient indispensable de réviser les critères pour entrer dans la zone euro et de prendre également des mesures visant à stabiliser l’euro par rapport aux autres grandes monnaies et cryptomonnaies.

8.   Initiatives phares européennes

8.1.

Le CESE se félicite de l’ambition de la Commission de définir des initiatives européennes communes et coordonnées, ainsi que de la détermination de la Commission à encourager les États membres à prendre en compte ces initiatives dans leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience.

8.2.

Le CESE plaide dans le même temps en faveur d’un réexamen des initiatives proposées de sorte que celles-ci tiennent plus largement compte des aspects sociaux de la transformation et qu’elles contribuent davantage à réaliser les objectifs des Nations unies de développement durable à l’horizon 2030 ainsi que des six priorités de la Commission pour la période 2019-2024 (6).

8.3.

De surcroît, le CESE propose de compléter la liste des initiatives européennes en y ajoutant le développement de l’économie sociale dans le contexte du plan d’action de l’Union y afférent, ainsi que des mesures en faveur de l’égalité de l’accès à des systèmes de soins de santé et de services sociaux qui soient abordables financièrement et de haute qualité, en tenant des spécificités locales de la prestation de ces services.

9.   Rôle de la société civile, dialogue social et citoyen

9.1.

Pour surmonter la crise et mettre en œuvre dans les faits l’initiative «Next Generation UE», l’Union a besoin de la mobilisation de tous ses citoyens. C’est pourquoi le CESE se félicite que le règlement adopté en décembre 2020 relatif à la facilité pour la reprise et la résilience confirme définitivement l’importance d’un engagement véritable des organisations de la société civile et des partenaires sociaux dans l’élaboration des plans nationaux pour la relance et la résilience. Conformément à l’article 18, paragraphe 4, point q), du règlement, les plans nationaux pour la relance et la résilience doivent présenter une synthèse du processus de consultation mené auprès des collectivités locales et régionales, des partenaires sociaux, des organisations de la société civile, des organisations de la jeunesse et d’autres acteurs concernés en vue d’élaborer et de mettre en œuvre le plan en question, et rendre compte de la manière ils prennent en compte la contribution des intéressés. Le CESE met en exergue le rôle essentiel que jouent les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile dans la planification, la réalisation et l’évaluation des actions menées dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience et d’autres volets du Semestre européen au sein des États membres.

9.2.

Le CESE se félicite de ce qu’il soit tenu compte dans la communication de la question de la démocratie en tant que valeur essentielle dans les mesures prises en lien avec la stratégie. Dans le même temps, il met en garde contre le caractère déclaratif des formules adoptées en la matière et contre l’insuffisance de leur prise en compte dans les actions prévues, telles que par exemple celles liées à la réalisation des initiatives phares européennes, pas plus que dans la reconnaissance du rôle de partenaire que jouent les organisations de la société civile en leur qualité d’acteurs essentiels de la démocratie participative.

9.3.

Il sera à coup sûr bien plus facile de surmonter les sacrifices et les restrictions liés à la crise si ceux-ci s’accompagnent d’une large association des organisations de la société civile à la gestion de crise et à l’organisation de campagnes d’information, notamment à l’échelon local et régional. Les médias locaux et les institutions éducatives doivent soutenir la société civile dans ce domaine. Il conviendrait d’encourager les États membres à soutenir financièrement ce type d’activités en recourant également, lorsque c’est possible, aux Fonds de l’Union.

9.4.

Le CESE encourage résolument les États membres, les régions et les collectivités territoriales à utiliser dans les faits le modèle de cocréation promu par la Commission dans le processus d’élaboration des politiques, des programmes et des actions, conjointement avec les citoyennes et les citoyens de l’Union, et non pour ces derniers.

9.5.

Le CESE a affirmé à de multiples reprises la nécessité d’associer davantage les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile au processus du Semestre européen. Le respect constant du principe de partenariat dans le cadre de la planification, de la réalisation et de l’évaluation des plans nationaux pour la relance et la résilience constitue, et plus que jamais en situation de crise, une condition fondamentale de leur bonne mise en œuvre. La qualité du dialogue social et de la consultation de la société s’est incontestablement détériorée notamment au cours de la première phase de la crise. Dans de nombreux cas, cet état de fait s’est traduit par la piètre qualité de la législation et par les difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre notamment par les entreprises. En outre, le CESE relève que la communication de la Commission passe sous silence la négociation collective.

9.6.

À cet égard, compte tenu également des contributions provenant des États membres en vue d’élaborer une résolution relative au rôle de la société civile dans le cadre des plans nationaux pour la relance et la résilience, le CESE soutient résolument l’instauration du principe contraignant de conditionnalité. En vertu de ce principe, les gouvernements seront tenus de faire participer la société civile à la planification et à la mise en œuvre desdits plans selon des normes minimales définies à l’échelon de l’Union.

9.7.

Le CESE fait également valoir l’importance cruciale du dialogue avec la jeune génération de l’Union (à laquelle renvoie l’intitulé «Next Generation EU»), notamment au moyen du dialogue citoyen avec les organisations de la jeunesse.

9.8.

Le langage auquel recourt la Commission dans sa communication, qui s’adresse aux institutions et organes de l’Union européenne, n’est guère compréhensible de larges cercles de citoyennes et de citoyens de l’Union, ce qui compliquera donc sa discussion au sein des organisations de la société civile (7). C’est pourquoi le CESE propose que la Commission élabore un document supplémentaire qui expose la teneur de sa communication d’une manière plus claire et plus simple.

Bruxelles, le 25 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (JO L 57 du 18.2.2021, p. 17).

(2)  COM(2020) 575 final.

(3)  COVID-19: le Conseil adopte une recommandation visant à coordonner les mesures ayant une incidence sur la libre circulation.

(4)  COM(2020) 575 final, p. 2.

(5)  Des emplois de qualité — Mesure et évaluation (OCDE, février 2016).

(6)  https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024_fr

(7)  La communication COM(2020) 698 final peut servir de bon exemple pour l’emploi d’un langage plus simple dans ce type de document.


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/52


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la réserve d’ajustement au Brexit

[COM(2020) 854 final — 2020/0380 (COD)]

(2021/C 155/08)

Rapporteur général:

Florian MARIN

Consultation

Parlement européen, 18.1.2021

Conseil européen, 20.1.2021

Base juridique

Article 175, paragraphe 3, et article 304 du TFUE

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

242/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE voit dans le Brexit un exercice particulièrement complexe et délicat. L’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni (1) amortit en partie les dommages économiques et sociaux qu’aurait provoqués le scénario d’une absence d’accord, mais il reste très difficile, à un stade aussi précoce, de quantifier les futures pertes économiques et financières. Il est à l’évidence nécessaire d’agir promptement et de manière ciblée pour circonscrire les retombées économiques et sociales.

1.2.

Ce nouveau partenariat remet sérieusement en question les liens d’interdépendance existant entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sur le plan économique, social et commercial. Le CESE constate déjà les effets négatifs sur la mobilité transfrontière ainsi que des obstacles au commerce des biens et des services, ce qui pourrait entraîner des destructions d’emplois et des faillites d’entreprises, notamment dans les PME. Dans la période d’adaptation actuelle, il est de la plus haute importance de faire preuve d’une plus grande souplesse et de plus de compréhension à l’égard des acteurs européens.

1.3.

Le CESE applaudit à l’établissement de la réserve d’ajustement au Brexit (2) (ci-après la «réserve») au titre des instruments spéciaux en dehors des plafonds budgétaires de l’Union fixés dans le cadre financier pluriannuel (CFP) (3). Il considère que la cohésion et la solidarité entre les États membres constituent des valeurs fondamentales de l’Union, et il se réjouit de l’application rétroactive de la réserve à compter de juillet 2020.

1.4.

Les droits des travailleurs doivent être protégés sans délai, et les négociations concernant la reconnaissance mutuelle des qualifications doivent se poursuivre. Le CESE recommande à l’ensemble des États membres de lancer sans plus attendre des campagnes d’information pour faire connaître aux citoyens les nouvelles règles en vigueur. Pour assurer la pleine réussite d’une telle initiative, il convient d’y associer pleinement les partenaires sociaux et les organisations de la société civile. Les syndicats, les organisations patronales et les organisations de la société civile ont un rôle crucial à jouer dans la construction d’un partenariat économique et social fort avec le Royaume-Uni.

1.5.

Le CESE suggère de mettre au point une réserve entièrement distincte pour le secteur de la pêche, destinée à soutenir cette seule filière. Il conviendrait d’accorder une attention particulière à d’autres secteurs également, comme le tourisme et l’agriculture. Il y a lieu de se pencher aussi sur les investissements qu’il convient d’effectuer dans les infrastructures ainsi que sur le soutien à apporter aux citoyens de l’Union qui retournent dans leur pays d’origine à la suite du Brexit.

1.6.

Le CESE s’attend à des discussions de longue haleine entre les acteurs en présence pour déterminer qui se taillera la part du lion de la réserve, et estime que des fonds supplémentaires devraient être immédiatement dégagés. À cet égard, il invite les colégislateurs à relever le plafond proposé.

1.7.

Le CESE demande à tous les États membres de faire preuve de responsabilité et de diriger les fonds disponibles vers les régions, les entreprises, les travailleurs et les citoyens qui en ont le plus besoin. À défaut, la solidarité qui a présidé à la conception d’une telle réserve pourrait être remise en question, et il serait alors permis de douter de ses chances de réussite.

1.8.

L’article 5, paragraphe 1, point a), devrait être modifié comme suit: «les mesures destinées à aider les entreprises, les travailleurs en transition vers de nouvelles compétences et de nouveaux emplois ainsi que les communautés locales durement touchés par le retrait». L’article 5, paragraphe 1, point d), devrait quant à lui être modifié comme suit: «les mesures destinées à sauvegarder et à soutenir l’emploi, notamment par des programmes de chômage partiel, de requalification et de formation dans les secteurs affectés». L’indicateur 15.4 visé à l’annexe II devrait être modifié en conséquence.

1.9.

La période d’admissibilité pourrait être prolongée de deux ans, simplement pour faire en sorte que les États membres disposent de suffisamment de temps pour utiliser leur part de la réserve et amortir les ondes de choc provoquées par le retrait du Royaume-Uni.

1.10.

Le CESE estime qu’une petite partie de la réserve devrait être affectée à des fins d’assistance technique, lorsqu’un nouveau système de gestion est mis en place. Il a toutefois la ferme conviction que l’essentiel de la réserve devrait être consacré au soutien apporté à l’emploi et aux activités économiques.

1.11.

Les PME sont particulièrement touchées par les procédures douanières nouvellement mises en place, les contraintes réglementaires et l’augmentation des coûts d’acheminement. La plupart d’entre elles ne possédant pas les capacités administratives et juridiques pour mettre en œuvre un plan d’urgence complet, le CESE demande que des mesures soient spécialement conçues pour les soutenir.

1.12.

Lorsque c’est possible, et moyennant l’accord de la Commission européenne, le CESE préconise le recours à l’option des coûts simplifiés. Des règles simplifiées et moins de bureaucratie dans le processus de mise en œuvre contribueront à accélérer la répartition des ressources financières.

1.13.

Le CESE réclame la création d’un comité de suivi dans chacun des États membres, dont l’objectif principal serait d’éliminer les risques susceptibles de se matérialiser dans le processus de mise en œuvre, et de garantir dans le même temps la participation formelle de la société civile audit processus. Ces comités devraient être composés de représentants des partenaires sociaux, des ONG et des institutions publiques ayant part à la mise en œuvre de la réserve.

1.14.

Le CESE propose d’apporter plus de clarté dans la gouvernance en désignant clairement un organe de direction pour la réserve. La Commission européenne devrait préserver des conditions de concurrence équitables entre les États membres.

1.15.

Le CESE demande la mise en place d’un cadre d’exécution intermédiaire, à partir d’indicateurs spécifiques, axés sur les résultats, qui seraient établis par les États membres et évalués par la Commission chaque année. Il considère qu’une utilisation limitée des fonds disponibles amplifiera en proportion le contrecoup économique et social du Brexit.

1.16.

L’intégration, dans la gestion de la réserve, du code de conduite européen sur le partenariat dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens (4) donnera aux acteurs en présence et aux organisations de la société civile les moyens de jouer un rôle décisif en tant que corps intermédiaires.

1.17.

Enfin, le CESE suggère à la Commission de communiquer au Parlement européen et au Conseil son évaluation de l’efficacité, de l’efficience et de la valeur ajoutée de la réserve dans un délai de trois mois à compter de la date limite fixée à cet effet.

2.   Introduction

2.1.

Au terme de quatre années de négociations, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont signé l’accord de commerce et de coopération régissant leur futur partenariat. Celui-ci s’articule en trois nouveaux volets:

un accord de libre-échange,

un nouveau partenariat pour la sécurité des citoyens,

un accord transversal sur la gouvernance.

2.2.

Bien que la plupart des règles du jeu aient été posées, les citoyens comme les entreprises devront s’adapter à cette situation nouvelle, et examiner en détail les nouvelles restrictions et les difficultés secteur par secteur. S’il est très difficile de quantifier à un stade aussi précoce les futures pertes économiques et financières, il est à l’évidence nécessaire d’agir promptement et de manière ciblée pour circonscrire les retombées économiques et sociales négatives.

2.3.

De fait, le Brexit est un exercice particulièrement complexe et délicat. Les États membres pourraient être contraints de renforcer les mesures de contrôle en mer, dans les ports et dans les aéroports, afin de mettre en œuvre une surveillance et des inspections supplémentaires lors de la délivrance de certificats et de l’autorisation de produits, ainsi que pour respecter les exigences en matière d’établissement, les normes sanitaires et phytosanitaires ou encore les règles d’étiquetage et de marquage. Ils devront peut-être aussi envisager et mettre à jour des campagnes de sensibilisation spécifiques sur les conséquences du retrait pour les citoyens et les entreprises.

2.4.

Les chaînes d’approvisionnement se trouvent souvent déstabilisées par l’entrée en vigueur des nouveaux contrôles douaniers et réglementaires, qui entraînent des retards et des coûts supplémentaires. Le déroulement normal des activités est d’ores et déjà affecté par les nouvelles règles mises en place et les nouvelles exigences auxquelles il faut se conformer — en particulier durant cette année, où devraient se concentrer la plupart des retombées négatives. Les taxes supplémentaires qui s’appliquent désormais, comme la TVA, pourraient brider les relations économiques et les partenariats commerciaux. Pour réduire autant que possible l’incidence négative du Brexit sur l’économie européenne, tous les acteurs concernés doivent être activement associés, aussi bien l’Union que les États membres, les employeurs, les syndicats, les organisations de la société civile, et d’autres encore.

2.5.

En outre, on ne distingue pas encore clairement ce que seront les modalités d’une reconnaissance mutuelle des qualifications, ni la manière dont sera garantie la circulation des données, ou encore les règles qui s’appliqueront dans le secteur des services. La poursuite des négociations est une nécessité absolue, le but étant de dégager des solutions viables qui soient avantageuses pour les deux parties.

2.6.

Nous devrons par ailleurs nous habituer à traiter dorénavant avec deux marchés différents, qui évoluent dans des espaces réglementaires et juridiques distincts. Ce changement représente une charge conséquente pour tous les acteurs, et aura une incidence sur les administrations publiques aussi bien que sur les citoyens et les entreprises. Ce nouveau partenariat remet sérieusement en question les liens d’interdépendance existant entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sur le plan économique, social et commercial. On constate dès à présent des effets négatifs sur la mobilité transfrontière ainsi que des obstacles au commerce des biens et des services, ce qui pourrait entraîner des destructions d’emplois et des faillites d’entreprises, notamment dans les PME.

2.7.

La proposition de règlement indique précisément quelles sont les dépenses publiques admissibles, à savoir en particulier les mesures destinées à aider les entreprises et les collectivités locales; le soutien à l’emploi, notamment la requalification et la formation; la sauvegarde de l’emploi; la mise en place de régimes de certification et d’autorisation; la communication à des fins de sensibilisation; et enfin le soutien apporté au bon fonctionnement de la frontière.

3.   Observations générales

3.1.

En premier lieu, le CESE se réjouit de l’accord de commerce et de coopération conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui a été signé dans la toute dernière ligne droite de la période de transition. Celui-ci établit leurs relations futures, tout en préservant l’intégrité du marché unique et en assurant la sécurité juridique et des conditions de concurrence équitables. L’accord amortit la majeure partie des dommages économiques et sociaux qu’aurait provoqués le scénario d’une absence d’accord, et l’on peut y voir les dernières notes du prélude à la relation entre l’Union et le Royaume-Uni. Dans la période d’adaptation actuelle, les pouvoirs publics devraient faire preuve d’une plus grande souplesse et de plus de compréhension à l’égard des acteurs européens. Il convient toutefois que l’Union et les États membres soient particulièrement attentifs à la sauvegarde du marché unique et de ses normes dans les domaines du travail, de la politique sociale, de l’environnement et des produits alimentaires, afin de parer aux risques d’abus de pouvoir de marché.

3.2.

L’accord sur l’absence de tarifs appliqués aux échanges de biens à condition que ceux-ci soient conformes aux «règles d’origine» et sur la circulation globalement libre des capitaux marquent des avancées significatives. Le CESE s’inquiète toutefois de ce qu’aucun accord n’ait encore été trouvé concernant la circulation des personnes (à compter du 30 juin 2021) et des services. En outre, le Brexit vient s’ajouter à la crise de la COVID-19, qui a déjà entraîné une hausse du chômage et une baisse des revenus. Le CESE s’inquiète aussi au plus haut point des inégalités sociales grandissantes qui sont chaque jour plus visibles partout dans l’Union, et réaffirme qu’«il est nécessaire d’accorder la priorité à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux dans le cadre de la politique de cohésion» (5).

3.3.

Le CESE estime que la Commission a choisi le bon instrument en plaçant la mise en œuvre sous le régime de la gestion partagée. Le règlement est un gage de clarté et d’uniformité dans l’application des règles par tous les États membres, ainsi que dans les obligations et les délais en matière de rapports, permettant ainsi de préserver des conditions de concurrence équitables entre les États membres.

3.4.

Le CESE applaudit à l’établissement de la réserve d’ajustement au Brexit au titre des instruments spéciaux en dehors des plafonds budgétaires de l’Union fixés dans le CFP, qui vise à parer aux retombées économiques et sociales négatives dans l’ensemble des États membres, à soutenir les entreprises et l’emploi dans les secteurs les plus touchés, ainsi qu’à venir en aide aux collectivités régionales et locales. Des défis communs tels que le Brexit appellent une réaction coordonnée, et le CESE considère que la cohésion et la solidarité entre les États membres sont des valeurs fondamentales de l’Union européenne.

3.5.

Il est attendu de la réserve d’ajustement au Brexit qu’elle vienne compléter les fonds existants qui sont disponibles au titre de l’instrument Next Generation EU (6) et du CFP. Il s’agit d’un instrument totalement nouveau qui devrait apporter un soutien pour atténuer les incidences négatives du retrait britannique de l’Union, tout en renforçant la cohésion économique, sociale et territoriale et en préservant l’emploi. Le CESE a déjà proposé à la Commission «d’envisager la création d’un instrument de l’Union capable de répondre à l’avenir à des situations politiques et des crises comparables» (7).

3.6.

Les syndicats, les organisations patronales et les organisations de la société civile ont un rôle crucial à jouer dans la construction d’un partenariat économique et social fort avec le Royaume-Uni.

3.7.

Le CESE se félicite que tous les États membres soient admissibles et que 80 % des crédits de préfinancement soient décaissés dès cette année. Voilà qui témoigne clairement d’une solidarité à l’échelle européenne et d’une approche coordonnée face aux conséquences du Brexit à brève échéance.

3.8.

La méthode de répartition proposée tient compte de l’importance des échanges commerciaux avec le Royaume-Uni ainsi que de l’importance du secteur de la pêche, mais le CESE considère que ces deux questions auraient dû être dissociées. Fondamentalement, la formule de répartition proposée par la Commission implique que le facteur lié à la pêche devrait représenter quelque 600 millions d’EUR. Par conséquent, le CESE suggère de créer une réserve entièrement distincte pour le secteur de la pêche, destinée à soutenir cette seule filière. Il conviendrait d’accorder une attention particulière à d’autres secteurs également, comme le tourisme et l’agriculture.

3.9.

Il est par ailleurs très clair que la réserve constitue un fonds d’ajustement visant à compenser l’impact économique et social du Brexit. Pour sa part, le CESE considère que la réserve, dotée de 5,4 milliards d’EUR, ne suffira pas à atténuer les incidences négatives du Brexit. Il estime en conséquence que des fonds supplémentaires devraient être immédiatement dégagés, soit au moyen d’un budget supplémentaire alloué à la réserve, soit par des fonds mis en place séparément. À cet égard, il invite les colégislateurs, Parlement et Conseil, à relever le plafond proposé.

3.10.

Le CESE estime que certains secteurs sont plus touchés que d’autres. Parmi eux, l’agriculture et le tourisme devraient également figurer parmi les priorités de la réserve, et bénéficier des fonds disponibles. La crise de la COVID-19 a gravement ébranlé le secteur du tourisme, et le Brexit ne fera qu’ajouter des obstacles supplémentaires. Les agriculteurs seront durement touchés eux aussi, dans des pays comme l’Irlande ou les Pays-Bas par exemple.

4.   Observations particulières

4.1.

Certains États membres ont déjà engagé des mesures au niveau national pour contrer les effets négatifs du Brexit sur leurs économies et les procédures des administrations publiques. Par conséquent, l’application rétroactive de la réserve à compter de juillet 2020 apparaît comme un important levier de soutien.

4.2.

Sachant que plus de 4 millions de citoyens européens relèvent d’un nouveau statut de résident au Royaume-Uni (8), les droits des travailleurs doivent être protégés sans délai, et les négociations concernant la reconnaissance mutuelle des qualifications doivent se poursuivre. Les États membres devraient sans plus attendre commencer à organiser des campagnes d’information pour faire connaître aux citoyens les nouvelles règles en vigueur, et les sensibiliser aux efforts déployés par l’Union pour prolonger l’accord. Pour assurer la pleine réussite d’une telle initiative, il convient d’y associer pleinement les partenaires sociaux et les organisations de la société civile.

4.3.

Des régimes de soutien spécifiques devraient être conçus pour accompagner convenablement les régions et les secteurs touchés par le Brexit. Tous les États membres devraient faire preuve de responsabilité et diriger les fonds vers les régions, les entreprises, les travailleurs et les citoyens qui en ont le plus besoin, et non vers ceux qui sont les plus faciles à financer. À défaut, la solidarité qui a présidé à la conception d’une telle réserve pourrait être remise en question, et il serait alors permis de douter de ses chances de réussite.

4.4.

La période d’admissibilité pourrait être prolongée de deux ans, simplement pour faire en sorte que les États membres disposent de suffisamment de temps pour utiliser leur part de la réserve et amortir les ondes de choc provoquées par le retrait du Royaume-Uni. Le CESE invite l’ensemble des États membres à se pencher attentivement sur les investissements qu’il convient d’effectuer dans les infrastructures ainsi que sur le soutien à apporter aux citoyens de l’Union qui retournent dans leur pays d’origine à la suite du Brexit.

4.5.

Le CESE estime aussi qu’une partie de la réserve devrait être affectée à des fins d’assistance technique, dans les cas où un nouveau système de gestion est mis en place. Le recours à une assistance technique pour la gestion, la surveillance, l’information et la communication, le règlement des plaintes, ainsi que les contrôles et les audits contribuera au succès de l’instrument, à une meilleure gestion des risques et à une dépense efficace des ressources financières allouées.

4.6.

Certaines administrations publiques, notamment celles qui constituent les principaux points d’entrée et de sortie de la relation commerciale avec le Royaume-Uni, ont déjà effectué des investissements conséquents en infrastructures et en ressources humaines, y compris dans la formation. C’est le cas aussi de certains États membres qui entretiennent une relation particulière avec le Royaume-Uni dans le secteur du tourisme. Le CESE a toutefois la ferme conviction que l’essentiel de la réserve devrait être consacré au soutien apporté à l’emploi et aux acteurs économiques.

4.7.

La proposition de la Commission inclut une mesure visant spécifiquement à réduire de cinq à trois ans la période de supervision pour les PME, à compter du paiement final de la contribution financière. Le CESE s’attend à ce que les PME paient le plus lourd tribut, et estime qu’une partie significative de la réserve devrait servir à leur apporter un soutien économique et financier, l’objectif étant en définitive de sauvegarder l’emploi et de maintenir les entreprises à flot.

4.8.

Les PME sont particulièrement touchées par les procédures douanières nouvellement mises en place, les contraintes réglementaires et l’augmentation des coûts d’acheminement. Ces éléments viennent s’ajouter à la charge supplémentaire que la pandémie de COVID-19 a imposée, les entreprises dans tous les États membres ayant dû s’adapter aux confinements décrétés par les pouvoirs publics. La plupart des PME ne possédant pas les capacités administratives et juridiques pour mettre en œuvre un plan d’urgence complet, le CESE demande que des mesures soient spécialement conçues pour soutenir les PME les plus durement touchées, au moyen des fonds disponibles au titre de la réserve. Les États membres sont encouragés à appuyer les efforts consentis par les PME en leur octroyant des aides d’État, dans les limites prévues à cet effet.

4.9.

Le CESE considère que, à des fins de simplification, la réserve pourrait être gérée à l’aide des systèmes de gestion existants. Lorsque c’est possible, et moyennant l’accord de la Commission européenne, c’est l’option des coûts simplifiés qui doit être retenue. Encourager des règles simplifiées et moins de bureaucratie dans le processus de mise en œuvre, et éviter d’imposer des charges financières et administratives supplémentaires, contribuera à accélérer la dépense des ressources financières et produira de meilleurs résultats s’agissant d’atténuer l’impact négatif du Brexit.

4.10.

Puisque la réserve constitue un instrument totalement nouveau, et qu’il est pour ainsi dire impossible d’évaluer quelle sera réellement l’incidence négative du Brexit, le CESE suggère de créer un comité de suivi dans chacun des États membres. Ces comités devraient être composés de représentants des partenaires sociaux, des ONG et des institutions publiques ayant part à la mise en œuvre de la réserve. Ils devraient se réunir au moins deux fois par an pour évaluer la manière dont la réserve contribue à la réduction des effets négatifs du Brexit. Enfin, ils auraient pour principaux objectifs d’éliminer les risques susceptibles de se matérialiser dans le processus de mise en œuvre, et de garantir dans le même temps la participation formelle de la société civile audit processus. La société prise au sens large, c’est-à-dire au-delà de ses seules formes organisées, devrait être tenue informée de l’avancement du plan de mise en œuvre, et le rapport final devrait inclure un bref exposé des actions de communication qui auront été menées. Il convient de garantir une coordination au niveau européen afin de préserver des conditions de concurrence équitables dans le marché unique, et le CESE devrait y être activement associé, aux côtés du Parlement européen.

4.11.

Le CESE propose d’apporter plus de clarté dans la gouvernance de la réserve. Il importe en particulier de désigner un organe de direction pour la réserve, et de préciser s’il y en aura plusieurs.

4.12.

Un cadre d’exécution intermédiaire doit être mis en place, à partir d’indicateurs spécifiques, axés sur les résultats, qui seraient établis par les États membres et évalués par la Commission chaque année. Il sera ainsi possible de procéder à une surveillance et à une évaluation scrupuleuses du processus de mise en œuvre et de dépense, et de repérer ce faisant les États membres qui n’utilisent pas les ressources financières ou qui ne progressent que de manière limitée. Une utilisation limitée des fonds disponibles amplifiera en proportion le contrecoup économique et social du Brexit.

4.13.

La société civile doit être formellement associée au processus de mise en œuvre. L’intégration, dans la gestion de la réserve, du code de conduite européen sur le partenariat dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens «permettra de conférer aux parties prenantes et aux organisations de la société civile le pouvoir de jouer un rôle crucial en tant que corps intermédiaires, rapprochant les projets de leurs bénéficiaires finaux» (9). La sélection des partenaires doit se faire dans la transparence et la clarté, et les organisations retenues doivent recevoir des informations suffisantes à ce propos.

4.14.

La Commission propose de réaliser une évaluation minutieuse de l’efficacité, de l’efficience et de la valeur ajoutée de la réserve d’ici le 30 juin 2026, avec l’obligation de la communiquer au Parlement et au Conseil un an après. Le CESE estime que la Commission pourrait faire rapport au Parlement et au Conseil dans un délai de trois mois, à savoir pour le 30 septembre 2026.

4.15.

Le CESE considère que l’article 5, paragraphe 1, point a), devrait être modifié comme suit: «les mesures destinées à aider les entreprises, les travailleurs en transition vers de nouvelles compétences et de nouveaux emplois ainsi que les communautés locales durement touchés par le retrait». L’article 5, paragraphe 1, point d), devrait quant à lui être modifié comme suit: «les mesures destinées à sauvegarder et à soutenir l’emploi, notamment par des programmes de chômage partiel, de requalification et de formation dans les secteurs affectés». L’indicateur 15.4 visé à l’annexe II devrait être modifié en conséquence.

Bruxelles, 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord, d’autre part (JO L 444 du 31.12.2020, p. 14).

(2)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la réserve d’ajustement au Brexit [COM(2020) 854 final — 2020/0380 (COD)].

(3)  Budget à long terme de l’UE pour la période 2021-2027 et plan de relance.

(4)  Règlement délégué (UE) no 240/2014 de la Commission du 7 janvier 2014 relatif au code de conduite européen sur le partenariat dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens (JO L 74 du 14.3.2014, p. 1).

(5)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 90).

(6)  Next Generation EU.

(7)  Avis du CESE sur le thème «Modification du Fonds de solidarité — Brexit sans accord» (JO C 14 du 15.1.2020, p. 84).

(8)  Commission européenne — Droits des citoyens.

(9)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 90).


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/58


Avis du Comité économique et social européen sur

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion de l’asile et de la migration et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil et la proposition de règlement (UE) XXX/XXX [établissant le Fonds «Asile et migration»]

[COM(2020) 610 final — 2020/0279 (COD)]

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile

[COM(2020) 613 final — 2020/0277 (COD)]

(2021/C 155/09)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Parlement européen, 11.11.2020

Commission européenne, 27.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

8.2.2021

Adoption en session plénière

25.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

235/5/25

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le fait d’assurer un équilibre dans le traitement des demandes d’asile, de manière à offrir une protection internationale aux personnes qui en ont besoin et à renvoyer effectivement dans leur pays d’origine celles qui n’en ont pas besoin, ne devrait pas relever de la responsabilité individuelle des États membres, mais devrait être géré par l’Union européenne dans son ensemble.

1.2.

Le CESE reconnaît que la migration est un phénomène humain et structurel et que l’asile et la protection internationale sont des droits fondamentaux des personnes persécutées, mais aussi une obligation légale en vertu du droit international pour les États parties à la convention de Genève. Le CESE souligne que les droits fondamentaux et les données à caractère personnel devraient être protégés dans le cadre des propositions de règlements examinées dans le présent avis.

1.3.

Le CESE se félicite des propositions formulées dans ces règlements visant à mieux informer les demandeurs d’asile sur la procédure de demande ainsi que sur leurs droits et obligations, afin de leur permettre de mieux défendre ces droits. Le droit de recours est renforcé par la définition de la portée du recours et la fixation d’un objectif pour que les décisions de justice soient prises dans des délais harmonisés. Les règles relatives aux voies de recours ont également été adaptées afin d’accélérer considérablement et d’harmoniser la procédure de recours.

1.4.

Le CESE constate également avec satisfaction que le droit à la vie privée et familiale et les droits des mineurs non accompagnés sont renforcés en étendant le champ d’application aux frères et sœurs, ainsi qu’aux familles formées dans les pays de transit, dans le cadre des critères de regroupement familial et en appliquant le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

1.5.

Le CESE reconnaît qu’il importe que les propositions aient le statut juridique d’un règlement (par opposition à une directive), à savoir qu’elles soient obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans les États membres en vertu des traités. Toutefois, l’ensemble des propositions de règlements concernées doivent être adoptées simultanément, afin de constituer une politique à part entière: si l’une d’elles n’est pas adoptée, cela affecterait lourdement la mise en œuvre des autres. En outre, le non-respect de la législation contraignante de l’Union constaté par le passé de la part de certains États membres laisse une grande place au doute quant à la mise en œuvre de plusieurs dispositions des règlements proposés.

1.6.

Le CESE se félicite que les propositions soient le fruit de consultations approfondies avec les parties prenantes, les autorités nationales et locales (1), les organisations de la société civile et les organisations non gouvernementales et internationales, telles que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) (2) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) (3), ainsi qu’avec les groupes de réflexion et les milieux universitaires.

1.7.

Le CESE se félicite que les règlements invoquent les principes de solidarité et de partage équitable des responsabilités, mais estime que cette charge n’est pas suffisamment équilibrée par un degré de solidarité correspondant. En d’autres termes, la solidarité, sous la forme de relocalisations, ne peut pas être facultative. Elle doit être contraignante et prendre la forme de relocalisations obligatoires.

1.8.

Le CESE partage une double préoccupation en ce qui concerne, d’une part, la sécurité des personnes qui recherchent une protection internationale ou une vie meilleure et, d’autre part, le bien-être des pays situés aux frontières extérieures de l’UE, qui craignent que les pressions migratoires dépassent leurs capacités.

1.9.

Le CESE convient que le règlement Dublin III n’a pas été conçu pour permettre la gestion des situations de pression migratoire, ni pour assurer un partage équitable des responsabilités entre les États membres. Il n’abordait pas non plus la gestion des flux migratoires mixtes, ni la pression que ces flux exercent en conséquence sur les systèmes migratoires des États membres.

1.10.

Toutefois, étant donné que le concept général du pacte sur la migration et l’asile (PMA) repose sur le contrôle aux frontières et la prévention des mouvements secondaires, il accroît la charge de responsabilité et les désagréments pour les pays de première entrée, ainsi que les obligations prévues dans les propositions de filtrage préalable et de contrôle aux frontières. Il s’agit là de lourdes obligations pour ces pays, car elles augmentent le nombre de personnes qui devraient rester à la frontière, ce qui peut entraîner de graves conséquences pour leur propre bien-être, mais aussi pour celui des sociétés d’accueil.

1.11.

Le CESE se félicite que la Commission reconnaisse qu’un concept de solidarité plus large est nécessaire et que la solidarité devrait avoir un caractère obligatoire pour permettre de réagir de manière prévisible et efficace aux réalités changeantes, caractérisées par une proportion croissante de flux migratoires mixtes vers l’Union, et de garantir un partage équitable des responsabilités conformément au traité. Toutefois, cette proposition ne répond pas aux attentes concernant un mécanisme de solidarité qui allégerait réellement la charge des États de première entrée.

1.12.

Le CESE préconise que la politique proposée en matière de retour dans les pays d’origine soit étayée par un système de mesures incitatives et dissuasives claires à l’égard des pays tiers. En outre, le rôle et la participation de l’Union dans la politique de retour devraient être accrus, tandis que les politiques nationales pourraient y contribuer dans les cas où l’État membre concerné peut exercer une influence sur un pays tiers donné. Des efforts supplémentaires doivent être consentis en ce qui concerne le «triple lien» entre l’action humanitaire, le développement et la paix dans les pays d’origine des demandeurs d’asile.

1.13.

Le CESE approuverait une action immédiate et obligatoire telle que prévue dans la proposition de la Commission, étant donné qu’un continent aussi vaste et riche que l’Europe devrait être en mesure de contribuer davantage à la protection efficace des réfugiés.

1.14.

Compte tenu du caractère volontaire du choix entre la relocalisation et le parrainage en vue du retour, le CESE pourrait accepter une attribution obligatoire des relocalisations, en ce sens que si tous les États font le choix de financer les retours au lieu de relocaliser ou n’acceptent qu’un très petit nombre de relocalisations, la situation actuelle dans les pays de première entrée s’en trouvera encore aggravée.

1.15.

Le CESE pourrait réfléchir à la proposition visant à mettre en place des mécanismes de suivi afin de surveiller la procédure, du filtrage au retour, et de s’assurer que celle-ci respecte les droits fondamentaux. Ces mécanismes permettraient notamment d’éviter les «renvois forcés». En outre, il convient de prévoir suffisamment de temps pour leur mise en place, étant donné que l’ensemble des procédures proposées dans le règlement sur le filtrage et dans le règlement sur les procédures d’asile semblent quelque peu difficiles à mettre en œuvre dans les délais impartis.

1.16.

Le CESE est favorable au renforcement du règlement visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure par l’introduction de dispositions juridiques de fond sur la protection des données à caractère personnel. En outre, il suggère de prolonger le délai de suspension des obligations internationales d’un État en crise aussi longtemps que dure ladite crise.

1.17.

Le CESE exprime son scepticisme quant à l’application effective des dispositions envisagées dans les propositions de règlements à l’examen, et craint que les personnes en quête d’asile ne puissent pas jouir de leurs droits en raison des procédures dysfonctionnelles envisagées.

2.   Contexte

2.1.

La crise de 2015 a mis en évidence d’importantes faiblesses et lacunes structurelles dans la conception et la mise en œuvre de la politique européenne en matière d’asile et de migration, et notamment du système de Dublin, qui n’a pas été conçu pour garantir un partage durable des responsabilités à l’égard des demandeurs d’une protection internationale dans l’ensemble de l’Union. Dans ses conclusions du 28 juin 2018, le Conseil européen a réclamé une réforme du règlement de Dublin fondée sur un équilibre entre responsabilité et solidarité en ce qui concerne les personnes débarquées à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage.

2.2.

Le nouveau pacte sur la migration et l’asile, soumis en même temps que la présente proposition de nouveau règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, a pour but de représenter un nouveau départ en matière de migration sur la base d’une approche globale de la gestion de la migration. La proposition à l’examen met en place un cadre commun pour la gestion de l’asile et de la migration au niveau de l’UE, cadre qui constitue une contribution essentielle à l’approche globale et vise à promouvoir la confiance mutuelle entre les États membres.

Les défis suivants, en particulier, ont été mis en évidence à la suite des crises migratoires récentes.

2.2.1.

Absence d’approche intégrée de la mise en œuvre de la politique européenne en matière d’asile et de migration:

absence de conditions de concurrence équitables entre les États membres, ce qui entrave les efforts visant à garantir l’accès aux procédures, l’égalité de traitement, la clarté et la sécurité juridique.

2.2.2.

Inefficacité à l’échelon national et manque d’harmonisation au niveau de l’Union en matière d’asile et de gestion des migrations:

défis liés au lien entre le retour et l’asile,

utilisation limitée des programmes d’aide au retour volontaire,

absence de procédures rationalisées à l’arrivée,

retards dans l’accès à la procédure d’asile adéquate et lenteur du traitement des demandes,

difficulté de recourir à la procédure à la frontière.

2.2.3.

Absence d’un mécanisme de solidarité large et flexible:

la relocalisation n’est pas la seule réponse efficace pour faire face aux flux mixtes.

2.2.4.

Inefficacité du système de Dublin:

absence de partage durable des responsabilités dans le cadre du système actuel,

les règles actuelles en matière de transfert de responsabilité contribuent aux déplacements non autorisés,

traitement inefficace des données,

les inefficacités procédurales du système de Dublin créent une charge administrative.

2.2.5.

Absence de mécanismes ciblés pour faire face aux situations de crise extrême:

difficulté pour l’UE de garantir l’accès à l’asile ou à d’autres procédures aux frontières en cas de crise extrême.

2.2.6.

Absence d’un système équitable et efficace pour l’exercice des droits fondamentaux, et difficultés rencontrées pour définir de nouvelles voies légales d’accès à l’asile et pour remédier efficacement aux causes de l’immigration, notamment les questions ayant trait à l’humanitaire, au développement et à la paix.

2.3.

Il est à espérer que les propositions répondront à ces défis de la manière décrite ci-après.

2.3.1.

Un système de gestion des migrations plus efficace, homogène et harmonisé:

une approche globale pour une gestion efficace de l’asile (la proposition de règlement établissant un cadre commun pour la gestion de l’asile et des migrations dans l’UE),

une procédure d’asile/de retour sans heurts et une utilisation plus aisée des procédures accélérées et à la frontière,

une phase de filtrage coordonnée, efficace et rapide (proposition de règlement introduisant un filtrage des ressortissants de pays tiers arrêtés en raison d’un franchissement non autorisé des frontières extérieures, débarqués à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage ou demandant une protection internationale aux points de passage des frontières).

2.3.2.

Une approche plus juste et plus globale de la solidarité et de la relocalisation:

un mécanisme de solidarité prévoyant une solidarité obligatoire avec un champ d’application plus large (proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration).

2.3.3.

Règles simplifiées et plus efficaces pour une gestion efficace des migrations:

une définition plus large et plus juste des critères de responsabilité, limitant la cessation et le transfert de responsabilité (proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration),

une collecte et un traitement des données plus efficaces, permettant de compter les demandeurs plutôt que les demandes, et incluant une catégorie spécifique pour les opérations de recherche et de sauvetage (refonte du règlement Eurodac),

amélioration de l’efficacité des procédures (proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration).

2.3.4.

Un mécanisme ciblé pour faire face aux situations de crise extrême (proposition de règlement visant à faire face aux situations de crise).

2.3.5.

Un respect plus efficace des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile (4).

3.   Commentaires sur la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion de l’asile et de la migration et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil et la proposition de règlement (UE) XXX/XXX [établissant le Fonds «Asile et Migration»]

3.1.

Le pacte souligne à juste titre les incohérences entre les régimes d’asile et de retour des différents États membres et souligne la nécessité de renforcer la solidarité interne de l’UE en surmontant les problèmes de mise en œuvre, ainsi que d’améliorer et de renforcer la coopération avec les pays tiers. Toutefois, il n’est pas certain que le principe de solidarité volontaire et sélective contribuera à résoudre les grands défis des dix dernières années en matière de coordination, compte tenu notamment du fait que la charge incombe de façon disproportionnée aux États de première entrée.

3.2.

Comme mentionné dans l’avis SOC/649 du CESE (5), le nouveau mécanisme de solidarité permet aux États membres de participer à la relocalisation ou au parrainage en vue du retour des personnes en situation irrégulière. Le CESE émet des doutes quant à la faisabilité de ce mécanisme, qui repose sur une hypothétique solidarité fondée sur le volontariat. Il n’est pas fait mention des incitations qui seraient nécessaires pour encourager les États membres à participer à ce mécanisme, en particulier à la suite du refus de certains d’entre eux de participer au programme de relocalisation précédent (6), ou de l’absence d’obligation expresse. Ce mécanisme fondé sur la solidarité peut également avoir pour effet contraire de relocaliser la personne concernée dans l’État membre de prise en charge, si le retour n’est pas effectivement exécuté dans un délai de huit mois, ce qui entraîne des lacunes en matière de responsabilité en ce qui concerne les droits des personnes faisant l’objet d’une décision de retour. En outre, dans le cadre du nouveau mécanisme de solidarité proposé, les États membres sont encouragés à ne pas participer à la relocalisation (à savoir l’option la plus contraignante, la plus difficile et la plus coûteuse), mais à opter plutôt pour le retour (7). Il y a donc lieu de mettre en place des mesures de solidarité contraignantes sous la forme d’une action obligatoire telle que prévue par la communication de la Commission.

3.3.

Le CESE se félicite du raccourcissement de cinq à trois ans du temps de séjour nécessaire à l’obtention du statut de résident de longue durée pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale lorsqu’elles décident de rester dans l’État membre qui la leur a accordée. Il est clair que cette disposition vise à faciliter l’intégration dans les communautés locales, bien qu’elle puisse être comprise comme limitant la mobilité au sein de l’UE, ce qui confirme que la charge continue de peser sur les pays de première entrée.

3.4.

Le CESE accueille favorablement le concept présenté de partage équitable des responsabilités; il estime cependant que la charge de cette responsabilité n’est pas suffisamment équilibrée au moyen d’un degré de solidarité correspondant.

3.5.

Le CESE accueille favorablement les mesures visant à améliorer la coordination entre les stratégies nationales en matière d’asile et de retour, mais regrette que davantage de propositions aient été avancées en matière de coordination des instruments de retour que dans le domaine des procédures d’asile et d’accueil des réfugiés.

3.6.

Le CESE prend note des difficultés des pays de l’UE à procéder effectivement à des retours et de la volonté de la Commission de progresser vers un système européen de retour efficace et commun. La proposition est fondée sur l’amélioration du soutien opérationnel au retour et introduit une fonction de coordinateur chargé des retours au niveau national. Le CESE regrette que les problèmes rencontrés dans le fonctionnement des programmes de retour ne soient pas correctement recensés (8), ce qui fait que cette approche, considérée comme stratégique, dépendra de la volonté de collaborer des pays tiers, qu’ils soient d’origine ou de transit. L’UE devrait dès lors assumer un plus grand rôle en ce qui concerne une politique globale en matière de retour.

3.7.

Le CESE estime que la solidarité doit être automatique. Les obligations en matière de solidarité des États de première entrée sont disproportionnées. Les procédures restent complexes et longues et n’offrent aucune garantie de relocalisation. Il n’existe que des procédures obligatoires à la frontière, sans mécanisme de partage automatique. Les mesures que les États membres doivent prendre sont le renforcement des infrastructures (tentes, aide en nature, etc.), le soutien financier ou les retours volontaires. Il n’existe pas de critères clairs quant à la manière dont chaque pays contribuera à ces mesures. Ce système n’est pas efficace, il ne fait qu’accroître la pression exercée sur l’État d’entrée et sa mise en œuvre nécessite beaucoup de temps (8 mois), de sorte qu’il existe un risque de fuite des demandeurs. Il est nécessaire de mettre en place un mécanisme qui serait plus automatique et permettrait une meilleure répartition des demandeurs entre tous les États membres.

3.8.

Dans le même ordre d’idées, le CESE estime qu’il est peu pratique que le système de solidarité repose sur trois catégories différentes d’urgences (les cas de pression ou de menace de pression accrue, les cas de crise et les cas d’opérations de recherche et de sauvetage). Les États membres devront demander une aide en se basant sur l’une des trois catégories. La Commission déterminera si la demande est valable (selon 21 critères d’évaluation) et demandera à d’autres pays une assistance pratique, qui peut prendre deux formes principales: la relocalisation et le parrainage en vue du retour. Cette procédure est dysfonctionnelle et chronophage: il faut d’abord solliciter la solidarité, puis un avis est formulé. Ensuite intervient la possibilité de contribuer volontairement aux actions de solidarité, pour en arriver enfin à la décision de solidarité obligatoire. Même en cas de solidarité obligatoire, la décision de la Commission dépend de l’avis d’un comité spécial et si ce comité ne rend pas un avis positif, aucune mesure n’est prise.

3.9.

Le CESE estime que, outre le manque de précision des définitions fournies (notamment dans le règlement visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure), la notion de pression migratoire n’est pas clairement définie, bien qu’elle soit régulièrement mentionnée tout au long de la proposition de règlement.

3.10.

Même si l’idée de confier les retours aux États membres en fonction de leurs relations avec les pays tiers peut être attrayante, elle pourrait ne pas être viable car les conditions dans le pays d’origine peuvent changer ou les pays en question peuvent simplement interdire les retours. Il faut également soulever la question de la création, en essence, de conditions de détention; les personnes qui doivent être renvoyées dans leur pays d’origine restent inévitablement à la frontière, ce qui transforme le pays de première entrée en un énorme centre de séjour temporaire avant le départ. Dans la pratique, il n’est même pas certain que l’accélération des procédures (comme le prévoit le règlement sur le filtrage) aura un impact réel quant à l’augmentation du nombre de retours, étant donné que les retours dépendent principalement de la coopération des pays tiers avec lesquels l’UE doit encore négocier (par exemple en ce qui concerne la délivrance de visas); cette situation accroît le risque de violation des droits de l’homme, mais également la pression exercée sur les communautés locales.

3.11.

Le CESE comprend que le pays considéré comme responsable de la demande d’asile (qui constitue le pilier central de la nouvelle procédure de gestion de l’asile) pourrait être celui dans lequel une personne immigrée possède un ou plusieurs frères et sœurs, dans lequel elle a travaillé ou étudié, ou dans lequel un visa a été délivré. Bien que cet élargissement des critères soit le bienvenu, il ne fait que confirmer la lourde charge qui pèse toujours sur les pays de première entrée.

4.   Commentaires sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile

4.1.

Le CESE se félicite de l’introduction d’une composante relative aux crises et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile. Il estime toutefois que les définitions elles-mêmes ne sont ni claires ni adéquates. Cette défaillance, associée à l’absence ou à l’existence d’indicateurs objectifs, crée un manque de sécurité juridique.

4.2.

Le CESE souligne que, bien que le règlement visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure offre une possibilité de solidarité contraignante, il couvre le soutien en matière de procédure plutôt que les mesures de solidarité d’urgence. La solidarité est mise à mal par les procédures complexes et bureaucratiques nécessaires à sa mise en œuvre. Il est clair que, dans une situation de crise ou de pression, les relocalisations doivent être assurées. En outre, des mesures devraient être mises en place pour éviter que les États membres ne se retrouvent confrontés à une situation de crise.

4.3.

Le CESE souligne que la mise en place de procédures et de mécanismes pour faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile devrait également être compatible avec les droits fondamentaux et les principes généraux du droit de l’Union, ainsi que du droit international.

4.4.

Le CESE se félicite qu’en temps de crise, l’État membre qui active le mécanisme puisse suspendre ses obligations internationales (par exemple pour le traitement des demandes d’asile) pour une durée maximale de trois mois. En outre, ce délai devrait pouvoir être prolongé aussi longtemps que la crise se poursuit. Il pourrait être utile de clarifier la manière dont les situations de crise seront déterminées et de définir des critères clairs permettant d’évaluer si la capacité d’accueil d’un pays est surchargée ou risque de l’être.

4.5.

Le CESE accueille favorablement la proposition visant à donner aux États membres le temps supplémentaire nécessaire pour faire face aux situations de crise tout en garantissant un accès efficace et rapide aux procédures et droits pertinents, ainsi que la capacité de la Commission à autoriser l’application de la procédure de gestion de crise en matière d’asile et de la procédure de gestion de crise en matière de retour pour une période de six mois, qui pourrait être prolongée jusqu’à une période n’excédant pas un an. Après l’expiration de la période concernée, les délais prolongés prévus dans les procédures de gestion de crise en matière d’asile et de retour ne devraient pas s’appliquer aux nouvelles demandes de protection internationale.

4.6.

Toutefois, le CESE estime que le champ d’application limité de la proposition, à savoir l’extension ou l’accélération des procédures, affaiblit sa fonction de mécanisme à déployer en cas de mesures de solidarité d’urgence.

4.7.

Bien que le CESE voie dans cette proposition l’occasion de plaider en faveur d’une solidarité contraignante, elle ne figure pas dans le contenu du règlement concerné. Le Comité estime par conséquent que la proposition devrait être intégrée au contenu du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion de l’asile et de la migration et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil et la proposition de règlement (UE) XXX/XXX [établissant le Fonds «Asile et migration»], afin d’éviter toute incertitude et de supprimer le risque qu’elle ne soit pas adoptée, étant donné que l’un ne peut exister sans l’autre.

Bruxelles, le 25 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Par exemple, le plan d’action de Berlin sur une nouvelle politique européenne en matière d’asile, 25 novembre 2019, signé par 33 organisations et municipalités.

(2)  Recommandations du HCR concernant le pacte sur la migration et l’asile proposé par la Commission européenne, janvier 2020.

(3)  Recommandations de l’OIM concernant le nouveau pacte de l’Union européenne sur la migration et l’asile, février 2020.

(4)  SWD(2020) 207 final.

(5)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 15.

(6)  Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans les affaires jointes C-715/17, C-718/17 et C-719/17 Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque.

(7)  Malheureusement, il n’existe pas de garde-fous contre les situations dans lesquelles certains gouvernements décideraient de devenir des acteurs clés du retour dans le cadre d’une stratégie de mobilisation populiste contre les migrants et les réfugiés.

(8)  Communication COM(2017) 200 final (en anglais).


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/64


Avis du Comité économique et social européen sur

la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE

[COM(2020) 611 final — 2016/0224-COD]

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures et modifiant les règlements (CE) no 767/2008, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/817

[COM(2020) 612 final — 2020/0278-COD]

la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’«Eurodac» pour la comparaison des données biométriques aux fins de l’application efficace du règlement (UE) XXX/XXX [règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration] et du règlement (UE) XXX/XXX [règlement relatif à la réinstallation], pour l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives et modifiant les règlements (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/818

[COM(2020) 614 final — 2016/0132 (COD)]

(2021/C 155/10)

Rapporteur: Panagiotis GKOFAS

Consultation

Commission européenne, 27.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

8.2.2021

Adoption en session plénière

25.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/9/28

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE prend note du nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui vise à gérer un phénomène complexe et à ressorts multiples, et considère que les nouveaux règlements apportent une contribution positive pour une sécurité à l’efficacité renforcée aux frontières de l’UE. Si une procédure plus sûre et plus efficace est en train d’être mise en place pour contrôler les entrées dans l’UE, il est néanmoins nécessaire de disposer d’une stratégie européenne intégrée et commune, robuste face aux chocs et tournée vers l’avenir, et elle était attendue depuis bien longtemps déjà. Malheureusement, en ce qui concerne la question de la migration et de l’asile dans son ensemble, les propositions à l’examen ne peuvent être considérées comme l’avancée manifeste qui est éminemment nécessaire. Bien plus, les quatre ou cinq États membres concernés vont devoir créer des «centres fermés», où, sur la base du principe de non-entrée (1) , des êtres humains séjourneront pour des délais pouvant atteindre six ou sept mois, voire davantage, jusqu’à ce que soit connu le résultat des procédures qu’ils ont introduites, de sorte que l’on aboutira à des situations bien plus graves qu’auparavant.

1.2.

La Commission européenne et les États membres doivent consentir des efforts accrus et supplémentaires. Dans de récents avis qu’il a élaborés en la matière [SOC/649 (2) et SOC/669 (3)], le CESE critique des éléments essentiels tant du règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration que de celui portant sur les procédures d’asile. Il entend par ailleurs souligner qu’après l’examen des neuf règlements différents proposés et les contacts qu’il a eus avec la Commission, la mise en œuvre de ces textes s’annonce problématique à maints égards. Une stratégie plus globale en matière de migration s’impose pour améliorer les synergies entre les différents règlements de l’UE et répondre aux importants problèmes qui se posent dans les États membres les plus touchés par la migration.

1.3.

Le CESE souhaite exprimer sa préoccupation par rapport aux nouvelles procédures à la frontière, notamment au regard de la nécessité de protéger le droit de demander l’asile et des aspects suivants:

la notion bancale de «pays dans lesquels le taux de décisions positives relatives aux demandes d’asile est faible»,

l’utilisation de notions juridiques mal définies («menace pour la sécurité», «ordre public»), qui sont source d’insécurité juridique,

le cas des enfants étrangers âgés de douze à dix-huit ans, qui doivent eux aussi être considérés comme des «enfants» en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989,

les modalités de rétention des demandeurs pendant la procédure aux frontières et le lieu où ils sont retenus, ainsi que la manière d’éviter une situation de flou juridique en garantissant le droit à une protection juridictionnelle effective.

1.4.

Le CESE reconnaît la valeur ajoutée, ainsi que la nécessité de procédures d’asile communes, complètes et efficaces, qui respectent les conventions internationales et offrent les garanties juridiques voulues afin de susciter la confiance de l’UE et de ses États membres, grâce à des mécanismes de solidarité tangibles et à un partage équitable des responsabilités et des engagements. La proposition de la Commission ne comporte toutefois pas un tel régime commun d’asile, qui serait complet, témoignerait d’une solidarité et opérerait une répartition équitable des responsabilités entre les États membres. Le mécanisme de solidarité devrait s’appliquer également dans le cadre du règlement relatif aux procédures d’asile, immédiatement après le filtrage et avec le soutien informatique d’Eurodac. Si le mécanisme de «solidarité obligatoire» ne prend pas la forme d’une «relocalisation obligatoire» au sens des dispositions du règlement relatif aux procédures d’asile, ou si des procédures ne sont pas mises en place afin qu’il soit possible de demander l’asile dans les États membres de l’UE sans devoir en franchir les frontières, il s’ensuivra dans la pratique que ledit règlement ne sera pas opérationnel. Il convient en outre de prévoir des mesures d’incitation et de dissuasion en matière de relocalisation et, en tout état de cause, le processus prévu par le règlement relatif aux procédures d’asile ne devrait pas s’effectuer exclusivement dans le pays de première entrée, mais pouvoir être mené également dans d’autres États membres.

1.5.

Le CESE souligne que l’efficacité des nouvelles procédures proposées doit être soumise à une évaluation permanente, au moyen de dispositifs de suivi qui portent sur le respect des droits fondamentaux, en particulier ceux des personnes vulnérables et des enfants, sur l’évaluation des demandes d’asile au cas par cas et sur l’efficacité des recours. La question qui se pose, toutefois, est de déterminer où et comment le nouveau pacte et les propositions dont il est assorti vont être mis en œuvre, et de quels types seront les dispositifs de solidarité, de relocalisation et de réinstallation qui le complèteront.

1.6.

Le CESE est favorable à un système informatique de gestion des migrations qui soit plus intégré et équilibré, fondé sur une base de données Eurodac qui aura été améliorée et centrée sur les demandes et les demandeurs. Le CESE a eu l’impression que, si la Commission reconnaît la nécessité de disposer d’une approche commune pour le filtrage préalable à l’entrée en ce qui concerne le contrôle des empreintes digitales et des risques sanitaires ou sécuritaires, le système proposé, en dépit de sa sophistication, n’offre malheureusement pas, comme il le devrait, la possibilité de déposer une demande d’asile dans un autre État membre que celui de première entrée. Les règles relatives à la détermination de l’État membre responsable du traitement d’une demande d’asile, qui sont actuellement énoncées dans le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, devraient être exposées dans le règlement relatif aux procédures d’asile afin que d’autres États membres puissent également traiter les demandes d’asile au moyen d’Eurodac.

1.7.

Bien qu’étant favorable à ce que soient instaurées aux frontières de l’Union européenne, des procédures de prise de décision nouvelles et accélérées qui respectent l’ensemble des droits fondamentaux, des droits humains et des procédures juridiques le CESE observe que toute une série de questions se posent: comment allons-nous appliquer et garantir lesdites procédures? comment mettrons-nous en œuvre les retours? dans le règlement relatif aux procédures d’asile, sans parler de celui concernant la gestion de l’asile et de la migration, où réside la solidarité, si tant est qu’il comporte effectivement des dispositions en la matière? la personne à laquelle l’asile a été octroyé pourra-t-elle se rendre dans un autre État membre que celui de première entrée (4)? les États membres peuvent-ils accorder l’asile à des personnes dans le besoin pour les protéger, ou devront-ils commencer par le leur refuser? En conséquence, le CESE appelle la Commission à vérifier minutieusement et à expliquer chaque élément de sa proposition et, en particulier, à répondre à la question suivante: en quoi ce nouveau pacte améliore-t-il la procédure commune en matière d’asile et respecte-t-il le droit de demander l’asile?

1.8.

Le CESE est préoccupé par la mise en œuvre des nouvelles procédures de filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures. Ce nouveau mécanisme accroît la pression sur les États membres de l’UE qui sont situés le long de ses frontières maritimes extérieures et favorise la création de centres fermés à ces limites ou dans leur voisinage. De tels centres ont suscité de vives inquiétudes pour ce qui est d’assurer la protection des droits humains et de garantir que les personnes qui y séjournent bénéficient de conditions de vie acceptables.

1.9.

Les procédures à la frontière déboucheront soit sur l’octroi de l’asile, soit sur le rejet de la demande déposée en ce sens et sur le retour du demandeur débouté. S’il est accordé, l’État membre qui l’a octroyé sera responsable de l’intégration de la personne concernée. Dans le scénario prévu par le nouveau pacte, il en résultera toutefois qu’elle devra être intégrée dans les pays du Sud de l’Europe, sans qu’aucune possibilité soit offerte pour qu’elle soit relocalisée dans d’autres États membres ou qu’une quelconque forme de solidarité se manifeste de leur part. En cas de refus de l’asile, l’État membre devra renvoyer le demandeur d’asile débouté. Dans cette approche, il sera nécessaire d’examiner les moyens de passer des accords entre l’UE et les pays tiers d’origine et de transit, et de garantir des procédures opérantes, telles que prévues par le droit international et les instruments en vigueur en matière de droits de l’homme. Les États membres ne peuvent conclure entre eux des conventions particulières, et la Commission ne fait aucune mention d’une quelconque procédure de ce type.

1.10.

Les difficultés de la gestion de la migration, s’agissant en particulier d’identifier rapidement les personnes qui ont besoin d’une protection internationale ou de réaliser en pratique le retour de celles qui n’en n’ont pas besoin, sont censées être traitées de manière uniforme par l’UE dans son ensemble mais on ne peut pas considérer que tel soit le cas dans les propositions à l’examen. Dans la réalité des faits, c’est le seul État membre de première entrée qui aura à gérer la question, sans qu’il y ait un partage équitable des charges, par exemple grâce à une relocalisation obligatoire des demandeurs d’asile pendant l’application du règlement relatif aux procédures d’asile et l’examen de la demande d’asile.

1.11.

Il importe, en particulier, d’établir une procédure plus intelligente permettant de déterminer quelles sont les personnes qui, vraisemblablement, ne pourront pas recevoir la protection de l’Union européenne (5). La proposition de la Commission met en place un filtrage préalable à l’entrée qui devrait s’appliquer à tous les ressortissants de pays tiers qui sont présents aux frontières extérieures sans remplir les conditions d’entrée ou après un débarquement faisant suite à une opération de recherche et de sauvetage. Malheureusement, c’est sur le territoire du pays de première entrée que s’effectuera ce «filtrage préalable à l’entrée», à la frontière de l’UE. Ce terme «préalable» signifie que la personne concernée sera placée en «centre de rétention fermé» et qu’elle y restera, en étant privée de toute possibilité de se déplacer, jusqu’à ce que les autorités de l’État membre d’arrivée décident soit de lui accorder l’asile (6), soit de la renvoyer dans son pays d’origine ou de transit, et ce, seulement si ce renvoi est possible, alors qu’il ne l’est pas dans la plupart des cas.

1.12.

Le CESE est favorable au cadre européen instaurant des règles uniformes pour le filtrage des migrants en situation irrégulière qui sont appréhendés sur le territoire et ont échappé aux contrôles aux frontières à leur entrée dans l’espace Schengen. Pareille mesure protège cet espace et assure une gestion efficace de la migration irrégulière.

1.13.

Le CESE appelle les institutions, les agences et les partenaires sociaux de l’Union européenne à prendre part aux efforts destinés à élaborer davantage de politiques et programmes (comme les partenariats destinés à attirer les talents), échanges de bonnes pratiques et dispositifs de jumelages multilatéraux concernant les «corridors humanitaires» existants. Il demande également de développer de nouveaux cadres juridiques, d’instaurer des procédures rapides grâce auxquelles le visa humanitaire puisse être utilisé plus largement, et pour un nombre accru de personnes, en procédant à des ajustements dans les dispositions actuelles de l’article 25 du règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil (7), et d’inclure également le «parrainage» parmi les voies d’entrée légales ordinaires qui, dans le domaine des politiques d’immigration, sont applicables aux ressortissants de pays tiers au départ d’États situés hors Union européenne. Le CESE fait observer aux colégislateurs que la législation de l’UE qui est en vigueur, comme les accords de Schengen et le traité de Lisbonne, prévoient déjà «une protection subsidiaire et temporaire» pour les personnes qui fuient la guerre ou une catastrophe naturelle. Ce constat montre comment il est possible, en utilisant les instruments législatifs dont les États membres de l’Union européenne disposent d’ores et déjà, de garantir l’entrée sur son territoire aux personnes vulnérables qui ont besoin d’une protection internationale.

2.   Observations et préoccupations d’ordre général

2.1.

Le nouveau pacte européen sur la migration et l’asile préconise de suivre, en matière d’élaboration des politiques, une approche intégrée, rassemblant dans une approche de gouvernance globale celles qui concernent l’asile, la migration, les retours, la protection des frontières extérieures, la lutte contre le trafic de migrants et les relations avec les principaux pays tiers. En dernière analyse, toutefois, les règlements proposés qui font l’objet du présent avis auront pour résultat de faire peser une charge disproportionnée sur les épaules des États membres du Sud de l’Europe, de sorte qu’inévitablement, ils seront inapplicables et n’atteindront pas le résultat escompté. Il est à prévoir qu’après un certain laps de temps, les États membres seront en fait contraints de rejeter nombre de demandes d’asile, même lorsqu’elles réuniront les conditions requises pour une issue favorable, afin d’éviter d’augmenter le nombre de personnes rassemblées dans des conditions inhumaines.

2.2.

Les États membres du Sud de l’Europe n’auront d’autre choix que de se transformer en plates-formes où ces demandeurs d’asile seront détenus ou en attente de renvoi.

2.3.

Le présent avis concentre son attention sur trois des neuf instruments prévus par le nouveau pacte, à savoir i) un règlement sur un nouveau processus de filtrage, ii) une proposition modifiée de révision du règlement relatif aux procédures d’asile, et iii) une proposition modifiée de refonte du règlement Eurodac.

3.   Observations spécifiques sur le règlement relatif à un nouveau processus de filtrage

3.1.

Le nouveau règlement sur le filtrage propose une procédure de filtrage préalable à l’entrée, qui devrait avoir lieu dans l’État membre de première arrivée et s’appliquer à tous les ressortissants de pays tiers qui sont présents aux frontières extérieures sans remplir les conditions d’entrée ou après le débarquement faisant suite à une opération de recherche et de sauvetage.

3.2.

Les données disponibles démontrent que des flux d’arrivants mixtes ont remplacé en partie l’arrivée de ressortissants de pays tiers qui ont manifestement besoin d’une protection internationale, telle qu’elle avait pu être observée en 2015-2016.

3.3.   Observations spécifiques sur les objectifs et les principaux éléments de la procédure de filtrage

3.3.1.

L’objectif du filtrage est de contribuer à la nouvelle approche globale de la migration et des flux migratoires mixtes, en veillant à établir rapidement l’identité des personnes, mais aussi d’éventuels risques liés à la santé et à la sécurité, et à renvoyer sans délais vers la procédure applicable tous les ressortissants de pays tiers qui se présentent aux frontières extérieures sans remplir les conditions d’entrée ou après un débarquement faisant suite à une opération de recherche et de sauvetage. Le but poursuivi consiste aussi à fournir un outil qui soit utile et à donner à d’autres pays de l’UE la possibilité de participer à la démarche et de procéder également à une évaluation concernant le demandeur dans le cadre de la mise en œuvre du règlement relatif aux procédures d’asile.

3.3.2.

La proposition prévoit que les droits fondamentaux des personnes concernées doivent être protégés par un mécanisme de contrôle qui sera mis en place par les États membres.

3.3.3.

Le filtrage doit notamment comprendre:

a)

un contrôle préliminaire en matière de santé et de vulnérabilité;

b)

un contrôle d’identité par rapport aux informations contenues dans les bases de données européennes;

c)

s’il n’a pas encore été effectué, l’enregistrement dans les bases de données correspondantes des données biométriques, en l’occurrence les données dactyloscopiques et celles d’image faciale;

d)

un contrôle de sécurité par une interrogation des bases pertinentes de données des États membres et de l’Union, en particulier le système d’information Schengen (SIS), afin de vérifier que la personne ne représente pas une menace pour la sécurité intérieure.

3.3.4.

Le filtrage devrait être obligatoire et s’appliquer non seulement dans les pays de première entrée, mais aussi dans chaque État membre, en vertu du principe de la solidarité au sein de l’UE. Tel qu’il est décrit dans le nouveau pacte, le processus du règlement relatif aux procédures d’asile ne sera mené que dans les pays de première entrée. Si le mécanisme de «solidarité obligatoire» ne prend pas la forme d’une «relocalisation obligatoire» au sens des dispositions du règlement relatif aux procédures d’asile, ou si des procédures ne sont pas mises en place afin qu’il soit possible de demander l’asile dans les États membres de l’UE sans devoir en franchir les frontières, il s’ensuivra dans la pratique que ledit règlement ne sera pas opérationnel. Il convient en outre de prévoir des mesures d’incitation et de dissuasion en matière de relocalisation et, en tout état de cause, le processus relevant du règlement relatif aux procédures d’asile ne devrait pas s’effectuer exclusivement dans le pays de première entrée, mais pouvoir être mené également dans d’autres États membres.

3.3.5.

Le filtrage proposé est censé apporter une valeur ajoutée aux procédures actuelles et, il s’imposerait que, hormis le cas des questions de santé, il n’ait pas lieu uniquement dans les pays dont le tracé frontalier comporte des frontières extérieures de l’UE.

3.3.6.

Il conviendrait qu’un mécanisme de contrôle indépendant, efficace et permanent vérifie en particulier que les droits fondamentaux ont été respectés en ce qui concerne le filtrage, de même que les règles nationales applicables en cas de rétention, et que le principe de non-refoulement a été observé. Il devrait en outre garantir que les plaintes fassent l’objet d’un traitement rapide et approprié.

3.3.7.

La proposition reconnaît le rôle des agences de l’UE, en l’occurrence Frontex et l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, lesquelles peuvent accompagner et soutenir les autorités compétentes dans l’ensemble de leurs tâches liées au filtrage; néanmoins, toute la clarté voulue n’a pas été faite sur ce point. Le texte à l’examen confère également un rôle, important mais totalement opaque, à l’Agence des droits fondamentaux pour aider les États membres à développer des mécanismes indépendants de contrôle des droits fondamentaux en ce qui concerne le filtrage et pour ce qui est du respect des règles nationales applicables en cas de rétention, ainsi que de la conformité avec le principe de non-refoulement.

4.   La proposition modifiée de révision du règlement sur les procédures d’asile

4.1.

Le CESE considère qu’il est judicieux d’avoir opté pour une nouvelle proposition législative modifiée de règlement de l’UE, plutôt que pour une directive, qui est l’instrument en vigueur aujourd’hui. Il considère toutefois qu’un problème réel se pose quant à la manière dont ledit règlement pourra être appliqué et mis en œuvre dans tous les États membres, notamment ceux qui ont fait l’objet de procédures en infraction. Il ne peut lui donner son approbation que s’il n’a pas pour effet de transformer les États membres du Sud de l’Union en centres où des êtres humains sont détenus ou attendent leur renvoi.

4.2.

Le CESE se félicite que la proposition de la Commission entende améliorer la coordination et les procédures communes pour octroyer la protection internationale ou la retirer, ainsi que pour procéder à une harmonisation plus poussée des décisions en matière d’asile et de retour. Il regrette toutefois que, par rapport à celles émises à propos du régime commun d’asile, elle n’ait pas formulé des propositions supplémentaires pour coordonner la réalisation de centres fermés de rétention dans les pays de première arrivée, de sorte que l’obligation de gérer les demandeurs d’asile repose sur leurs seules épaules. Ce constat donne immanquablement l’impression que les propositions à mettre en œuvre ne s’adressent qu’aux États membres du Sud, sans qu’il soit fait la moindre allusion à une relocalisation lors de l’application des «procédures à la frontière».

4.3.

En outre, le CESE déplore que le texte n’ait pas correctement cerné les problèmes qui pourraient se poser dans l’exécution des programmes de retour, en particulier pour ce qui est des dispositions que les pays tiers, d’origine ou de transit, montreront en pratique pour coopérer avec l’UE.

4.4.

Le CESE insiste sur la nécessité impérieuse de présenter une stratégie plus globale, fondée sur un système de responsabilités équilibrées et partagées entre l’UE et les pays tiers pour la gestion des flux migratoires.

4.5.

En outre, le CESE souligne qu’il y a lieu de fournir une protection adéquate aux familles avec enfants, et presse la Commission d’accorder une attention toute particulière à la question des mineurs non accompagnés, à l’efficacité d’ensemble du «guide sur la procédure d’asile: normes opérationnelles et indicateurs» et sa compilation d’exemples de bonnes pratiques, tels que publiés par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO). Il n’est pas acceptable qu’un enfant ne soit considéré comme tel que s’il est âgé de moins de douze ans, et non de dix-huit, comme le prévoit le droit international. Aux termes de la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989, la notion d’enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans.

4.6.

Lors de consultations menées récemment, les organisations de la société civile ont préconisé de revoir certaines règles concernant l’établissement de la responsabilité, et de prévoir un mécanisme de solidarité obligatoire, y compris pour les personnes débarquées à la suite d’une opération de recherche et de sauvetage. Par ailleurs, elles ont recommandé d’établir une définition commune de la notion de «responsabilité» entre les États membres et ont demandé que les règles de Dublin révisées comportent un mécanisme de relocalisation qui présente un caractère plus durable (8) . Le CESE souhaite savoir comment il sera possible, au titre de la nouvelle proposition modifiée, d’assurer une mise en œuvre réaliste d’un mécanisme de solidarité entre les États membres qui soit réellement opérant. Les règles relatives à la détermination de l’État membre responsable du traitement d’une demande d’asile, qui sont actuellement énoncées dans le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, devraient être exposées dans celui portant sur les procédures d’asile, afin que d’autres États membres puissent également traiter les demandes d’asile au moyen d’Eurodac.

5.   Modification de la proposition de 2016 relative à la refonte du règlement Eurodac

5.1.

Les changements qui ont été soumis concernant la proposition de 2016 pour une refonte du règlement Eurodac visent à établir un lien clair et cohérent entre des personnes concrètes et les procédures auxquelles elles sont soumises, afin d’améliorer le contrôle de la migration irrégulière et de mieux détecter les mouvements non autorisés.

5.2.

Eurodac a pour objectif premier d’identifier les demandeurs d’asile et de faciliter, par l’utilisation des empreintes digitales et de l’image faciale, ou «données biométriques», la collecte de preuves qui aideront à déterminer quel sera l’État membre chargé d’examiner une demande d’asile déposée dans l’Union européenne.

5.3.

Le CESE n’est pas convaincu qu’Eurodac (9) soit l’instrument approprié auquel recourir pour combattre la migration irrégulière, ni qu’il aidera réellement les États membres à contrôler l’aide octroyée pour le retour volontaire et la réintégration (10).

5.4.

La proposition à l’examen, qui modifie celle de 2016, s’appuie sur l’accord provisoire conclu entre les colégislateurs, complète les changements convenus et vise à transformer Eurodac en une base de données européenne commune à l’appui des politiques de l’UE en matière d’asile, de réinstallation et de migration irrégulière.

5.5.

Par ailleurs, elle a pour but de recueillir des données plus exactes et plus complètes afin d’éclairer l’élaboration des politiques et, partant, de mieux contribuer au contrôle de la migration irrégulière et à la détection des mouvements non autorisés en comptabilisant les demandeurs individuels en plus des demandes. Le CESE considère toutefois que ce système sophistiqué doit également offrir au migrant la possibilité de déposer une demande d’asile dans un État membre autre que celui d’entrée, plutôt que de ne l’autoriser à le faire que dans ce seul pays.

5.6.

Eurodac entend également soutenir la recherche de modes d’intervention appropriés dans ce domaine, en permettant l’élaboration de statistiques à partir de données tirées de plusieurs bases de données.

5.7.

Le CESE considère lui aussi comme une nécessité que tous les États membres appliquent de la même manière des règles communes concernant le relevé des empreintes digitales de ressortissants de pays tiers et la capture de leur image faciale aux fins d’Eurodac.

5.8.

Le CESE est favorable à la création d’un outil de renseignement qui fournisse à l’Union européenne des données sur le nombre de ressortissants de pays tiers qui entrent sur son territoire de manière irrégulière ou à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage et y demandent une protection internationale, car ces données sont indispensables pour qu’elle conçoive, en matière de migration et de visas, des politiques qui soient viables et fondées sur des éléments factuels.

5.9.

Eurodac a également pour objectif d’apporter un soutien supplémentaire aux autorités nationales qui sont responsables des demandeurs d’asile dont la demande a déjà été rejetée dans un autre État membre, en signalant celles qui ont donné lieu à un refus, mais il convient que ces autorités nationales disposent du droit de réexaminer une demande traitée par un autre pays de l’UE.

Bruxelles, le 25 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  On retrouve la notion de «non-entrée» tant dans l’acquis de Schengen que dans celui en matière d’asile (article 43 de la directive sur les procédures d’asile).

(2)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 15.

(3)  Voir page 58 du présent Journal officiel.

(4)  En vertu des dispositions du règlement relatif aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile, les droits et avantages découlant du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire sont liés à l’État membre qui l’a accordé.

(5)  La proportion de migrants arrivant de pays pour lesquels le taux de reconnaissance des demandes d’asile est inférieur à 25 % est passée de 14 % en 2015 à 57 % en 2018.

(6)  S’agissant du recours à la rétention durant la procédure à la frontière, voir les paragraphes 179 et 183 de l’arrêt C-808/18 de la Cour de justice de l’Union européenne: «les États membres sont, en effet, autorisés à placer en “rétention”, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33, les demandeurs de protection internationale se présentant à leurs frontières, avant de leur accorder un droit d’entrée sur leur territoire, dans les conditions que ledit article 43 énonce et afin de garantir l’effectivité des procédures que le même article 43 prévoit»; «il résulte de l’article 43, paragraphe 1, de la directive 2013/32 qu’une rétention fondée sur cette disposition n’est justifiée qu’afin de permettre à l’État membre concerné d’examiner, avant de reconnaître au demandeur de protection internationale le droit d’entrer sur son territoire, si sa demande n’est pas irrecevable […], ou si celle-ci ne doit pas être rejetée comme étant non fondée […]».

(7)  Règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO L 243 du 15.9.2009, p. 1).

(8)  Rapport du projet CEPS, Search and rescue, disembarkation and relocation arrangements in the Mediterranean..Sailing Away from Responsibility? («Dispositifs de recherche et de sauvetage, de débarquement et de relocalisation en Méditerranée: une responsabilité esquivée à toute voile?»).

(9)  Il améliorera les capacités de surveillance des États membres dans ce domaine et empêchera que d’aucuns ne «fassent leur marché» dans les aides au retour volontaire et à la réintégration (AVRR), étant donné que les États membres auront un accès immédiat à ces informations et qu’une personne à laquelle une assistance a été accordée dans un État membre ne pourra pas se rendre dans un autre dans le but d’y obtenir un soutien d’un type différent ou plus avantageux. À l’heure actuelle, les États membres ne disposent d’aucune base de données commune ni d’aucun moyen de savoir si une personne faisant l’objet d’une décision de retour a déjà bénéficié d’une aide au retour et à la réintégration. Ces informations sont essentielles pour lutter contre les abus et les doublons dans les aides octroyées.

(10)  Le système d’entrée et de sortie permet aux États membres de détecter les ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier bien qu’ils soient entrés légalement dans l’UE. En revanche, il n’existe pas de dispositif de ce type pour identifier ceux qui sont en séjour irrégulier et sont arrivés de manière illégale dans l’UE par ses frontières extérieures. Le système Eurodac actuel est la base de données idéale pour recueillir ces informations, étant donné qu’il contient déjà ce type de données. À l’heure actuelle, la collecte de ces informations s’effectue aux seules fins de faciliter la détermination de l’État membre qui sera responsable de l’examen d’une demande d’asile. L’identification des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et de ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire de l’Union européenne par les frontières extérieures aidera notamment les États membres à délivrer de nouveaux documents à ces personnes à des fins de retour.


ANNEXE

La proposition d’amendement suivante, qui a recueilli plus d’un quart des suffrages exprimés, a été rejetée au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

Paragraphe 2.2

Modifier comme suit:

2.2.

Les États membres du Sud de l’Europe n’auront d’autre choix que de se transformer en plates-formes d’aménager des centres fermés de pré-départces les demandeurs d’asile seront détenus ou en attente de renvoi seront dans une situation très critique du point de vue des conditions de vie et des droits.

Exposé des motifs

Le texte actuel se prête très aisément à être mal interprété: ce ne sont pas les pays eux-mêmes qui sont transformés en centres de détention ou quoi que ce soit, mais des centres de pré-départ seront aménagés sur leur territoire.

Résultat du vote:

Voix pour:

96

Voix contre:

100

Abstentions:

47

Les paragraphes suivants de l’avis de section ont été modifiés pour refléter l’amendement adopté par l’assemblée, mais ils avaient recueilli plus d’un quart des votes exprimés sous leur forme originale (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

1.1.

Le CESE prend note du nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui vise à gérer un phénomène complexe et à ressorts multiples, et considère que les nouveaux règlements apportent une contribution positive pour une sécurité à l’efficacité renforcée aux frontières de l’UE. Si une procédure plus sûre et plus efficace est en train d’être mise en place pour contrôler les entrées dans l’UE, il est néanmoins nécessaire de disposer d’une stratégie européenne intégrée et commune, robuste face aux chocs et tournée vers l’avenir, et elle était attendue depuis bien longtemps déjà. Malheureusement, en ce qui concerne la question de la migration et de l’asile dans son ensemble, la Commission ne fait que nous réchauffer sa vieille soupe, qui plus est en la déversant toute refroidie, comme à l’accoutumée, dans l’écuelle des pays du Sud de l’Europe. Bien plus, les quatre ou cinq États membres concernés vont se transformer en «centres de rétention fermés»  (1) , où des êtres humains seront détenus pour des délais de six ou sept mois, voire davantage, jusqu’à ce que soit connu le résultat des procédures qu’ils ont introduites, de sorte que l’on aboutira à des situations bien plus graves qu’auparavant .

Résultat du vote:

Voix pour:

105

Voix contre:

99

Abstentions:

43

1.2.

Le CESE tient à souligner que la Commission semble faire preuve de mauvaise volonté à l’égard de ses propositions. Dans tous les avis qu’il a élaborés en la matière, (SOC/649, SOC/669 et SOC/670), il critique l’adoption tant du règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration que du règlement relatif aux procédures d’asile. Il entend par ailleurs souligner qu’après l’examen des neuf règlements différents proposés et ses contacts avec la Commission, il estime que la mise en œuvre de ces textes s’annonce chaotique. Ne pas traiter l’immigration comme une problématique unique, mais affirmer plutôt que toute proposition ou suggestion relèvera d’une autre réglementation est une approche typique de la Commission. Il devient dès lors impossible d’établir un lien substantiel entre les différentes questions, chacune d’entre elles étant considérée isolément dans le cadre d’un règlement distinct. En d’autres termes, à chaque observation, «la balle est renvoyée» vers une autre règle, ou encore la Commission rejette purement et simplement toutes les remarques au motif qu’elles relèvent chaque fois de règles différentes.

Résultat du vote:

Voix pour:

101

Voix contre:

97

Abstentions:

41


(1)  On retrouve la notion de «non-entrée» tant dans l’acquis de Schengen que dans celui en matière d’asile (article 43 de la directive sur les procédures d’asile).


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/73


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Une vague de rénovations pour l’Europe: verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer la qualité de vie»

[COM(2020) 662 final]

(2021/C 155/11)

Rapporteur:

Pierre Jean COULON

Corapporteur:

Aurel Laurenţiu PLOSCEANU

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

11.2.2021

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

212/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de l’adoption par la Commission européenne d’une proposition de stratégie européenne intitulée «Une vague de rénovations pour l’Europe: verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer la qualité de vie». Une telle stratégie relève d’une nécessité absolue et incontournable pour l’Union européenne et ses citoyens — une stratégie que le CESE entend soutenir et alimenter activement de ses réflexions et propositions.

1.2.

Le CESE considère en effet, qu’avec 40 % de la consommation énergétique totale de l’Union européenne, les logements et autres bâtiments doivent faire l’objet d’une telle vague de rénovations impulsée par l’Union européenne, dans une démarche globale d’investissement de long terme, d’intérêt général, de développement durable, de protection de la santé incluant le traitement de l’amiante dans ces travaux, de transition verte et de mise en œuvre effective du socle européen des droits sociaux en matière de logement durable et abordable.

1.3.

Le CESE soutient ainsi la stratégie de vague de rénovation car il s’agit d’une démarche «win-win-win» pour l’Union européenne, une démarche triplement gagnante pour le climat, pour la relance par les emplois locaux induits, et enfin pour la lutte contre la pandémie, contre la précarité énergétique et pour la promotion de logements abordables pour tous, y compris les personnes vulnérables.

1.4.

Le CESE considère que cette stratégie, compte tenu de sa dimension particulière et de sa trajectoire à horizon 2050, nécessite de se voir dotée d’un cadre juridique et financier stable, lisible et adapté, tant par la mise en œuvre d’un fonds européen d’investissement dédié, de plans pluriannuels d’investissement, d’un nouveau «semestre vert», que par la construction d’un cadre juridique propre et adapté en matière, par exemple, d’aides d’État, de taux de TVA applicables, de marchés publics, de prêts hypothécaires «verts», de normes de performance énergétique.

1.5.

Le CESE demande à la Commission de mettre en œuvre des dispositifs d’incitation à la constitution, au niveau local, de filières d’industrialisation des processus de rénovation thermique et de leur massification, tout en constituant un nouveau «Erasmus de la rénovation thermique 2050», de façon à attirer les jeunes Européens vers ces nouveaux emplois d’avenir.

1.6.

Le CESE demande également d’inciter les États membres, à l’exemple du programme ELENA de la BEI, à mettre en œuvre des services publics de diagnostic, d’assistante technique et de conseil, notamment à destination des ménages, de façon à éviter toute pratique abusive de démarchage et d’escroquerie des dispositifs de soutien à la rénovation thermique.

1.7.

Le CESE considère surtout que cette stratégie doit permettre à l’Union européenne de se rapprocher de ses citoyens et de leurs territoires par une communication adaptée des dispositifs en vigueur et de leurs modes d’accès.

1.8.

Le CESE demande une véritable synergie entre l’Observatoire du parc immobilier et l’Observatoire de la précarité énergétique.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE se félicite de l’adoption par la Commission européenne de la communication «Une vague de rénovations pour l’Europe: verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer la qualité de vie». La rénovation à grande échelle des bâtiments dans l’Union européenne — logements privés et sociaux, bâtiments publics et à usage professionnel — relève aujourd’hui d’une nécessité absolue, compte tenu de l’insuffisance structurelle des investissements de long terme en la matière, et face aux conséquences climatiques, environnementales, économiques et sociales, compte tenu des coûts de non-action en la matière.

2.2.

Le Comité soutient cette stratégie proposée par la Commission sur la base de l’objectif de neutralité climatique, de l’application des principes de circularité, de la contribution aux objectifs de développement durable et à la compétitivité de l’Europe, de la protection du patrimoine culturel et surtout du droit de chacun à disposer d’un logement abordable, vivable, accessible et sain, conformément au principe 19 du socle européen des droits sociaux.

2.3.

Avec 40 % de la consommation énergétique totale de l’Union européenne, les logements et autres bâtiments doivent faire l’objet d’une vague de rénovations, dans une démarche globale d’investissement de long terme d’intérêt général, de développement durable et de transition verte.

2.4.

La pandémie a par ailleurs mis en exergue le rôle clé des logements dans la gestion sanitaire de la crise et la nécessité de repenser leur usage, et par conséquent leur conception, compte tenu des contraintes de confinement.

2.5.

La pandémie a surtout mis en lumière l’inacceptable lien entre la salubrité des logements, la précarité énergétique et la résilience à la pandémie.

2.6.

La stratégie de vague de rénovations des bâtiments relève ainsi d’une démarche «win-win-win» par l’importance de sa contribution efficace à la lutte pour le climat, par le volume d’investissements de long terme et d’emplois locaux qu’elle peut induire et qui peuvent contribuer activement à la relance, ainsi que par la lutte contre la précarité énergétique et la promotion de la cohésion et de l’inclusion sociales, grâce au développement d’une offre de logements abordables pour les citoyens de l’Union européenne.

2.7.

La vague de rénovations des bâtiments doit, par conséquent, être alimentée par des vents et des courants permanents et convergents, tant en matière de réglementation et d’aide de l’Union européenne qu’en matière de plans pluriannuels d’investissement des États membres. Ceux-ci doivent être à la fois lisibles et accessibles tout en prenant en considération la diversité des acteurs et de leur logique propre d’investissement, allant des ménages européens occupant leur propre logement, en pleine propriété ou en copropriété, aux ménages mettant en location un ou plusieurs logements sur le marché, aux organismes de logements sociaux régis par des missions particulières d’intérêt général et des obligations de service public qui en découlent, aux autorités publiques et à leurs bâtiments publics, aux bâtis historiques protégés ou encore aux entreprises et leurs immeubles. Autant de «surfeurs» potentiels sur la vague de rénovations qu’il faudra convaincre d’investir à long terme dans leurs logements et autres bâtiments d’ici à 2050 par des mécanismes de financement adaptés à la nature des bâtiments, alliant des prêts à long terme ou «prêts verts», des garanties publiques et d’incontournables subventions à fonds perdus notamment pour les ménages.

2.8.

La vague de rénovations des bâtiments devra surtout être portée par un mouvement européen d’industrialisation et de massification des opérations au niveau local, de façon à réduire les coûts de la rénovation et la durée de réalisation des travaux pour les ménages occupants les logements, par une externalisation des processus et leur numérisation. Cette industrialisation devra s’accompagner de nouveaux modèles constructifs fondés sur des obligations techniques et des normes de construction adaptées, et surtout d’une campagne européenne de valorisation de cette nouvelle filière et de ces nouveaux emplois potentiels auprès des jeunes générations par le lancement d’un «Erasmus de la rénovation thermique 2050» que le Comité appelle de ses voeux. Une vigilance particulière devra également être assurée face aux risques de dumping social inhérents à ces externalisations et autres modes de sous-traitances des travaux.

2.9.

La Commission doit à la fois assurer la convergence des dispositions existantes, des dispositions à réviser et des propositions de nouvelles dispositions, non seulement en direction des États membres et de leurs stratégies d’investissement à long terme, mais également en direction des ménages, bailleurs sociaux, autorités publiques et entreprises, autant de décisionnaires finaux des actes individuels d’investissement de long terme qui viendront nourrir la déferlente jusqu’en 2050 selon leur logique propre.

2.10.

Cette nécessaire convergence vaut autant pour les révisions des dispositions existantes en matière, par exemple, de directive relative à la performance énergétique des bâtiments, de marchés publics ou de régimes d’aides d’État d’application, notamment pour le logement social, de taux spécifique de TVA applicable, de crédit hypothécaire «vert», mais également des dispositions et éléments de conditionnalité du plan européen de relance NextGenerationEU et de la politique de cohésion 2021-2027 qui doivent être lisibles pour les ménages européens cibles. Ce plan de relance doit être redynamisé par une véritable politique de propositions et recommandations concrètes ainsi que par une démarche de coordination des observatoires nationaux existants

2.11.

Le Comité demande à ce que l’Observatoire européen du parc immobilier travaille en symbiose avec l’Observatoire de la précarité énergétique.

2.12.

Le Comité demande à ce que soit organisé dans les États membres un service public de promotion de la vague de rénovation thermique, de diagnostic et d’assistance technique aux opérations de rénovation thermique, notamment en direction des ménages, de façon à éviter toute pratique malveillante en matière de commercialisation abusive de travaux de rénovation.

3.   Observations — Stimuler la rénovation des bâtiments en vue de la neutralité climatique et de la relance

3.1.

La rénovation à grande échelle des bâtiments dans l’Union européenne — logements privés et sociaux, bâtiments publics et à usage professionnel — relève aujourd’hui d’une nécessité absolue compte tenu de l’insuffisance structurelle des investissements de long terme en la matière, et face aux conséquences climatiques, environnementales, économiques et sociales.

3.2.

Le Comité partage l’analyse de la Commission quant à l’urgence climatique qu’il y a d’agir en matière de rénovation de logements et autres bâtiments, et quant à l’opportunité de saisir la crise de la COVID-19 pour les repenser, les réaménager et les moderniser dans une démarche «win-win-win» environnementale, sociale et économique. Il s’agit en effet d’une chance unique d’agir à la fois pour la neutralité climatique, pour la reprise et pour la cohésion sociale.

Le Comité tient à soulever la question de la diversité des bâtiments concernés, et notamment la diversité des logements à rénover, qui vont des maisons individuelles aux grands ensembles d’immeubles construits sous la période soviétique ou encore aux banlieues populaires. Dans cette immense diversité de logements existants, les blocs d’immeubles d’Europe orientale, les maisons très anciennes des centres-villes sous-évalués, les logements situés à la périphérie des villes ou dans les espaces ruraux peuvent bénéficier d’un traitement prioritaire spécifique. Le parc immobilier étant frappé d’obsolescence et nécessitant des opérations de rénovation, tant pour améliorer la qualité de vie des habitants que pour introduire certaines avancées au plan technique, il est nécessaire de garantir l’accès au financement pour lesdits habitants, puisqu’il s’agit là actuellement d’un obstacle majeur à la rénovation. De même, l’accessibilité des personnes handicapées devra être prise en compte. L’Union européenne doit également saisir cette opportunité d’action à grande échelle pour se rapprocher de ses citoyens et de leur territoire par une communication adaptée.

3.3.

Le Comité soutient l’objectif proposé de doubler le taux annuel de rénovation énergétique des logements et autres bâtiments d’ici à 2030 tout en stimulant les rénovations lourdes, soit 35 millions d’unités d’ici à 2030, tout en le maintenant afin d’atteindre la neutralité climatique à l’échelle de l’UE d’ici à 2050. Idéalement, ce doublement devrait pouvoir être dépassé et tendre vers un triplement.

3.4.

Le Comité souligne l’ambition de cet objectif, sa projection à 30 ans, ainsi que la nécessité de procéder en profondeur à la mise en cohérence des dispositifs législatifs et réglementaires existants en la matière et des mécanismes de soutien financier aux ménages concernés, aux bailleurs sociaux, aux autorités publiques et autres propriétaires de bâtiments concernés, autant d’investisseurs potentiels à convaincre d’investir à long terme dans des logiques et des capacités propres. L’articulation en cours de montage par les États membres et leurs autorités de gestion régionales entre l’instrument de relance NextGenerationEU et la politique de cohésion 2021-2027 en témoigne.

4.   Observations — Principes clés pour la rénovation des bâtiments à l’horizon 2030 et 2050

4.1.

Le Comité souscrit à la nécessité d’adopter une stratégie globale et intégrée associant les acteurs concernés sur la base de sept principes: primauté de l’efficacité énergétique, accessibilité financière, décarbonation et intégration des énergies renouvelables, cycles de vie et circularité, normes élevées en matière de santé et d’environnement, défis des transitions verte et numérique, et enfin respect de l’esthétique et de la qualité architecturale.

4.2.

Le Comité tient à souligner l’importance particulière à accorder, conformément au principe 19 du socle européen des droits sociaux, à l’accessibilité financière des logements et des investissements à réaliser par les ménages concernés, qu’ils soient propriétaires-occupants, locataires ou copropriétaires en copropriété dégradée, notamment dans le traitement des passoires thermiques et de la lutte contre la précarité énergétique, mais également par les bailleurs sociaux dont les niveaux de loyer relèvent d’obligations de service public d’accessibilité financière imposées conformément aux missions particulières de service public imparties par les États membres.

4.3.

Le CESE souligne que l’isolation des murs creux et des sols représente la mesure d’économie de CO2 la plus simple et la moins coûteuse de toutes. Mais même ces mesures relativement bon marché restent trop chères pour bien des propriétaires de logements, et ce, malgré la baisse des coûts de l’énergie qu’ils produisent. C’est pourquoi le CESE préconise que les gouvernements nationaux mettent en place un régime pour subventionner ces mesures. Les calculs effectués aux Pays-Bas montrent qu’une subvention de 2 000 EUR par logement suffit à leur mise en œuvre. Outre la réduction substantielle des émissions de CO2, un tel régime est également un gros pourvoyeur d’emplois dans le secteur de la construction gravement touché par la COVID-19. Il en est de même en France par la généralisation récente à l’ensemble des ménages de la prime à la rénovation thermique de leur logement «MaPrimeRenov».

4.4.

Il convient aussi de suivre les conclusions et recommandations de l’avis du CESE «Travail avec l’amiante dans la rénovation énergétique» afin de promouvoir lors des processus de rénovation énergétique et chaque fois que cela est nécessaire et possible l’élimination de l’amiante (1).

5.   Observations — Des rénovations plus rapides et plus lourdes pour des bâtiments de meilleure qualité

5.1.

Le Comité partage l’analyse de la Commission quant aux multiples obstacles aux décisions individuelles d’investissement et à la complexité de l’accès aux financements, notamment au niveau local — une complexité qui vaut autant pour les dispositifs nationaux que pour les fonds structurels, notamment dans la phase d’instruction des projets, mais également compte tenu des délais de paiement des aides. Cette complexité et ces dysfonctionnements doivent être levés en priorité pour atteindre les objectifs fixés, y compris dans le cadre de la mise en œuvre dès 2021 des dispositions propres à la politique de cohésion 2021-2027.

5.2.

Le Comité prend note du recensement de ces obstacles par la Commission dans le cadre de sa consultation publique et des propositions en matière de renforcement de l’information, de sécurité juridique et d’incitations à investir, de financement suffisant et bien ciblé, de capacité à préparer et à mettre en œuvre les projets, de promotion de rénovations globales et intégrées, d’adaptation de l’écosystème à la rénovation durable et, enfin, d’utilisation de la rénovation comme levier contre la précarité énergétique et pour la promotion de logements abordables au moyen d’une initiative européenne spécifique. Ces propositions doivent être mises en œuvre conformément à un principe de simplicité, de combinaison préétablie de financements complémentaires mobilisables par les autorités publiques et de proportionnalité des contrôles d’aides d’État.

5.3.

Le Comité soutient la proposition de la Commission de mandater l’Observatoire européen du parc immobilier pour la gestion d’un répertoire européen de la performance énergétique et le soutien à l’élaboration d’incitations en la matière. Cet Observatoire devra travailler de concert avec l’Observatoire de la précarité énergétique, qui doit être redynamisé à cette occasion.

5.4.

Le Comité reconnaît le caractère tout à fait particulier de la situation actuelle en matière de mobilisation potentielle de ressources européennes pour la rénovation thermique dans le cadre de l’instrument de relance NextGenerationEU, d’une part, et de la politique de cohésion 2021-2027, d’autre part. Il existe pas moins de 13 dispositifs pouvant contribuer à cofinancer la rénovation thermique, soit par des subventions à fonds perdus soit par des prêts de long terme à taux privilégiés et des garanties publiques.

5.5.

Le Comité considère que cette situation exceptionnelle doit conduire l’Union européenne, en plus de formuler des objectifs quantitatifs de rénovations, à renforcer les États membres et leurs programmes annuels d’investissement dans la rénovation thermique, ainsi qu’à assurer une évaluation de ces programmes sur une base annuelle dans le cadre du Semestre européen, par la mise en place d’une «gouvernance verte» propre, aux côtés de la gouvernance économique ou selon la méthode ouverte de coordination.

5.6.

Le Comité considère que cette situation unique doit également être mise au service de la lutte contre la précarité énergétique et de son éradication par son caractère prioritaire dans la mobilisation des financements. L’Observatoire européen de la précarité énergétique doit être renforcé dans ses missions et se placer à la tête d’un réseau européen d’observatoires de la précarité énergétique des États membres.

5.7.

Le Comité souhaite cependant sensibiliser la Commission à la difficulté des investisseurs potentiels, notamment les ménages et les bailleurs sociaux, à combiner ces différents canaux de financement et à les articuler par rapport aux différentes réglementations, assiettes éligibles et contrôles applicables. Compte tenu de l’horizon 2050, il conviendrait d’unifier ces dispositifs de façon à les rendre plus lisibles et accessibles aux ménages et autorités publiques cibles.

5.8.

Compte tenu de la durée d’investissement en question et de l’objectif 2050, le Comité propose à la Commission d’étudier, à des fins de simplification et de lisibilité pour les ménages européens concernés, la faisabilité d’un fonds d’investissement spécifique porté par la Banque européenne d’investissement (BEI), assurant à la fois l’assistance technique, la combinaison des dispositifs existants et la garantie de continuité de son action à l’horizon 2050.

5.9.

Le Comité soutient la démarche de la Commission de réviser dans ce sens les régimes d’aides d’État applicables aux investissements en rénovation thermique. Ces régimes d’aides d’État à la rénovation thermique doivent être simplifiés de façon à ne pas constituer un obstacle aux décisions d’investissement compte tenu de leur nécessité absolue. Le Comité se félicite également de la décision de la Commission d’évaluer en 2021 la décision 2012/21/UE de la Commission (2) relative aux aides d’État sous la forme de compensation de service public. Les aides à la rénovation thermique des logements sociaux relèvent en effet de ce régime applicable à l’exécution d’obligations de service public.

5.10.

Le Comité soutient la proposition de la Commission de lancer une initiative européenne pour le logement abordable en finançant 100 projets phares innovants et participatifs axés sur la rénovation globale de quartiers de logements sociaux afin de servir de modèle à un développement à grande échelle dans l’Union européenne. Compte tenu de la capacité des bailleurs sociaux à investir en leur qualité de services d’intérêt économique général et avec l’appui de la BEI, la massification des opérations et l’industrialisation des dispositifs de rénovation des immeubles conduisent non seulement à créer des emplois locaux, mais également à réduire les coûts de la rénovation pour les autres logements et les bâtiments publics par la constitution de nouvelles filières industrielles locales.

5.11.

Le Comité propose à la Commission, sur la base de l’expérience ELENA, et avec l’appui de la BEI, d’inciter les États membres à organiser un service public d’assistance technique aux opérations de rénovation thermique, notamment en direction des ménages concernés, afin d’éviter les pratiques abusives de démarchage et d’escroquerie déjà observées dans certains États membres en matière de travaux de rénovation thermique.

5.12.

Le Comité soutient pleinement la démarche de «Nouveau Bauhaus européen» lancée par la présidente von der Leyen lors de son discours sur l’état de l’Union et développée dans la communication, qui rassemblera des professionnels de plusieurs disciplines pour penser les bâtiments de demain et réinventer le mode de vie durable du futur. Le Comité invite l’ensemble des acteurs concernés à prendre part à la consultation publique lancée par la Commission.

Bruxelles, le 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 240 du 16.7.2019, p. 15.

(2)  Décision 2012/21/UE de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO L 7 du 11.1.2012, p. 3).


30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/78


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs (texte codifié)

[COM(2021) 34 final — 2021/0018 (COD)]

(2021/C 155/12)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 8.2.2021

Parlement européen, 8.2.2021

Base juridique

Articles 91 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

234/0/8

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 558e session plénière des 24 et 25 février 2021 (séance du 24 février), a décidé, par 234 voix pour et 8 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


Rectificatifs

30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/79


Rectificatif à l’avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d’action en matière d’échanges, d’assistance et de formation, pour la protection de l’euro contre le faux-monnayage pour la période 2021-2027 (programme Pericles IV)» [COM(2018) 369 final — 2018/0194 (CNS)]

( «Journal officiel de l’Union européenne» C 440 du 6 décembre 2018 )

(2021/C 155/13)

Page de couverture, sommaire et page 199, dans le titre:

au lieu de:

«Avis du Comité économique et social européen sur la “Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d’action en matière d’échanges, d’assistance et de formation, pour la protection de l’euro contre le faux-monnayage pour la période 2021-2027 (programme Pericles IV)” [COM(2018) 369 final — 2018/0194(CNS)]»,

lire:

«Avis du Comité économique et social européen sur la “Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d’action en matière d’échanges, d’assistance et de formation, pour la protection de l’euro contre le faux-monnayage pour la période 2021-2027 (programme Pericles IV)” [COM(2018) 369 final — 2018/0194(COD)]».