ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 101

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Édition de langue française

Communications et informations

64e année
23 mars 2021


Sommaire

page

 

III   Actes préparatoires

 

COUR DES COMPTES

2021/C 101/01

Avis no 1/2021 (présenté en vertu de l’article 322 du TFUE) sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la réserve d’ajustement au Brexit [COM(2020) 854 final]

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FR

 


III Actes préparatoires

COUR DES COMPTES

23.3.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 101/1


AVIS No 1/2021

(présenté en vertu de l’article 322 du TFUE)

sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la réserve d’ajustement au Brexit

[COM(2020) 854 final]

(2021/C 101/01)

TABLE DES MATIÈRES

 

Points

Page

Introduction

1-7

2

Première partie – Observations générales

8-14

4

Architecture de la réserve

8-12

4

Audit et obligation de rendre compte

13-14

5

Deuxième partie – Observations particulières

15-23

5

Période d'admissibilité

15-16

5

Calcul des préfinancements

17

5

Admissibilité des dépenses

18

6

Méthode d'échantillonnage

19

6

Taxe sur la valeur ajoutée

20

6

Déclaration de gestion

21

6

Rapports et évaluation

22-23

6

LA COUR DES COMPTES DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 322,

vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la réserve d’ajustement au Brexit, présentée par la Commission le 25 décembre 2020 (ci-après la «proposition»),

vu les demandes d’avis sur cette proposition, que le Parlement européen et le Conseil lui ont adressées le 20 janvier 2021,

vu le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (1) (ci-après le «règlement financier»),

vu l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (2) (ci-après l’«accord de retrait»),

A ADOPTÉ L’AVIS SUIVANT:

Introduction

1.

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a quitté l’Union européenne le 1er février 2020, date de l’entrée en vigueur de l’accord de retrait. Ce dernier prévoyait une période de transition courant jusqu’au 31 décembre 2020 et garantissant le maintien du «statu quo» pour les citoyens, les consommateurs et les entreprises, au sein tant de l’Union européenne que du Royaume-Uni.

2.

Par conséquent, malgré la conclusion d’un nouvel accord de commerce et de coopération (3) entre les deux parties le 24 décembre dernier, le Royaume-Uni et l’Union européenne constituent désormais, depuis le 1er janvier 2021, deux marchés séparés et deux espaces distincts sur les plans juridique et réglementaire. Des obstacles au commerce des biens et des services et à la mobilité transfrontière ont été créés, avec des conséquences, d’un côté comme de l’autre, pour l’administration publique, les entreprises, les citoyens et les parties prenantes.

3.

Dans les conclusions de sa réunion extraordinaire du 17 au 21 juillet 2020, le Conseil a annoncé la mise en place d’un nouvel instrument spécial, la réserve d’ajustement au Brexit (ci-après la «réserve»), dotée d’un budget total de 5 milliards d’euros aux prix de 2018. Le Conseil européen a invité la Commission à présenter une proposition de règlement.

4.

La Commission a soumis sa proposition en décembre 2020. La réserve vise à apporter un soutien aux États membres, aux régions et aux secteurs qui sont le plus touchés par le retrait du Royaume-Uni, et à atténuer ainsi les répercussions négatives sur la cohésion économique, sociale et territoriale. Tous les États membres seraient admissibles au bénéfice du soutien au titre de la réserve.

5.

Il est proposé d’activer la réserve en deux cycles de dotations, dont le premier en 2021 sous la forme d’un préfinancement substantiel de 4 milliards d’euros. La méthode appliquée pour déterminer la part de préfinancement de chaque État membre reposerait sur deux grands facteurs: le commerce avec le Royaume-Uni et les poissons capturés dans sa zone économique exclusive (4). La figure 1 montre comment le préfinancement serait réparti entre les États membres si cette méthode était employée.

Figure 1

Répartition du préfinancement (critères liés au commerce et à la pêche)

Image 1

Source:

Commission européenne.

6.

Les États membres auraient jusqu’au 30 septembre 2023 pour demander une contribution financière au titre de la réserve. Le milliard d’euros restant servirait à couvrir toute dépense admissible qui viendrait en dépassement du montant payé en préfinancement, mais dans les limites des ressources totales disponibles. Les contributions supplémentaires au titre de la réserve seraient versées essentiellement en 2024.

7.

La base juridique (5) de la proposition de la Commission impose une consultation de la Cour des comptes européenne, à laquelle le Parlement européen (6) et le Conseil (7) ont donc demandé d’émettre un avis sur ce texte. Le présent avis répond à ces demandes et est destiné à éclairer l’examen de la proposition de la Commission par les législateurs. Nous formulons à cette fin des observations générales et particulières en soulignant, entre autres, les principaux enjeux et les risques qui y sont associés.

Première partie – Observations générales

Architecture de la réserve

8.

Selon la proposition, la période de référence (ci-après la «période d’admissibilité») pour la mise en œuvre des mesures d’atténuation des conséquences négatives du retrait du Royaume-Uni courrait du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2022. Les États membres auraient jusqu’au 30 septembre 2023 pour soumettre leurs demandes de contribution financière, avec des informations détaillées sur les dépenses publiques totales engagées au cours de la période d’admissibilité (8). Les demandes seraient accompagnées d’un rapport de mise en œuvre décrivant les mesures prises et la manière dont elles ont été mises en œuvre, ainsi que d’une déclaration de gestion et d’une opinion d’audit indépendante couvrant l’intégralité de la période d’admissibilité. Ce n’est qu’après cela que la Commission, se fondant sur ces informations, évaluerait l’admissibilité et le caractère approprié des mesures choisies, ce qui revient à déroger à l’approche annuelle suivie pour les fonds en gestion partagée (9). Ce processus et ses dates clés sont présentés à la figure 2 .

Figure 2

Calendrier relatif à la réserve

Image 2

Source:

Cour des comptes européenne.

9.

Les États membres recevraient 4 milliards d’euros, soit 80 % des fonds de la réserve, à titre de préfinancement. Avant d’obtenir ce préfinancement, ils devraient communiquer à la Commission le nom des organismes responsables de la gestion et du contrôle de la réserve et celui de l’organisme auquel le préfinancement serait versé. Le niveau de préfinancement, certes inhabituellement élevé, permet aux États membres de réagir rapidement face à une situation exceptionnelle et tient compte du fait que le solde final ne sera versé que fin 2023 au plus tôt.

10.

L’architecture de la proposition donnerait aux États membres une certaine flexibilité, ce qui est l’un des objectifs visés. La mise à disposition de montants considérables à titre de préfinancement permettrait aux États membres de réagir rapidement à une évolution de la situation et de contrer plus efficacement les effets négatifs du Brexit. La proposition énonce, sans entrer dans les détails, les grands domaines dans lesquels le financement pourrait être utilisé, mais elle donne aux États membres toute latitude quant aux types de projets ou de mesures qu’ils souhaitent financer (10).

11.

La flexibilité offerte par la réserve (et en particulier le fait que les États membres ne soient pas tenus, avant l’octroi du préfinancement, de communiquer officiellement à la Commission les régions, domaines et secteurs susceptibles d’être le plus touchés ni de décrire quelles mesures seront financées) génère un certain nombre de risques liés au manque de certitude. Il se pourrait que la réserve soit employée pour financer des mesures qui en réalité ne sont pas admissibles et que par la suite, la Commission ne rembourse donc pas les coûts aux États membres. De plus, certaines mesures choisies pourraient ne pas être optimales et ne pas permettre d’atteindre l’objectif visé.

12.

Aux termes de la proposition, les États membres seraient tenus de confirmer qu’ils ont établi une description de leurs systèmes de gestion et de contrôle (11). Ils pourraient faire appel, pour gérer la réserve, à des organismes désignés existants et à des systèmes déjà établis aux fins de la mise en œuvre des fonds de l’Union européenne. Si les États membres décidaient de mettre en place de nouveaux systèmes, ceux-ci risqueraient de ne pas être efficaces. La Commission devrait évaluer, au début de la période d’admissibilité, leur aptitude à contribuer à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne.

Audit et obligation de rendre compte

13.

La proposition prévoit que dans chaque État membre, un organisme d’audit indépendant examine le système de gestion et de contrôle et réalise des audits des mesures financées (12). Cet organisme d’audit jouerait ainsi un rôle essentiel consistant à fournir à la Commission l’assurance que les systèmes de gestion et de contrôle des États membres fonctionnent de manière efficace et que les dépenses sont légales et régulières. Cependant, la proposition pèche par l’absence de précisions et de définitions claires en ce qui concerne certains éléments importants, tels que la méthode d’échantillonnage ou la quantification et la correction des erreurs.

14.

Il se pourrait que ce manque de clarté ne permette pas de garantir une approche d’audit cohérente et comparable dans l’ensemble des États membres, ce qui limiterait l’assurance pouvant être tirée par la Commission des travaux et opinions d’audit de tels organismes.

Deuxième partie – Observations particulières

Période d’admissibilité

15.

Il est indiqué dans la proposition que la période d’admissibilité pour la mise en œuvre des mesures devrait courir de juillet 2020 à décembre 2022 (13). La Commission a tenu compte du fait que la proposition s’inscrit dans le cadre de la préparation de la fin de la période de transition et qu’elle s’appuie, en les complétant, sur les travaux réalisés par l’Union européenne et les États membres dans le contexte des mesures de préparation adoptées au cours des négociations sur le Brexit (14).

16.

Cette période d’admissibilité doit concourir à faire en sorte que la réserve soit employée pour soutenir les mesures de préparation et pour atténuer l’impact économique du retrait du Royaume-Uni. Cependant, la proposition n’indique pas clairement le raisonnement sous-tendant le choix d’une telle période d’admissibilité ni en quoi la période choisie est adaptée aux objectifs fixés.

Calcul des préfinancements

17.

La méthode retenue et appliquée par la Commission pour calculer la part de préfinancement de chaque État membre repose sur deux facteurs: les échanges avec le Royaume-Uni et les poissons capturés dans les eaux britanniques. Avec cette méthode, la Commission entend parvenir à la meilleure estimation possible de l’incidence du Brexit sur les différents États membres. Toutefois, compte tenu des nombreuses incertitudes qui subsistent autour de l’incidence du retrait du Royaume-Uni, y compris le déplacement de certains secteurs d’activité économique du Royaume-Uni vers l’Union européenne, la méthode de répartition choisie risque de ne pas rendre parfaitement compte du degré d’exposition de l’économie des différents États membres.

Admissibilité des dépenses

18.

Selon la proposition, les dépenses sont admissibles dès lors qu’elles sont engagées et payées au cours de la période d’admissibilité (15). Il est également prévu que les contributions au titre de la réserve prennent la forme d’un remboursement des coûts admissibles réellement engagés et payés par les États membres pour la mise en œuvre des mesures (16). Nous estimons que la proposition ouvre la porte à des interprétations divergentes en ce qui concerne l’admissibilité des dépenses. Il faudrait donc préciser en outre que les coûts doivent avoir été engagés et payés pendant la période d’admissibilité, tant au niveau des organismes désignés qu’à celui des bénéficiaires finals.

Méthode d’échantillonnage

19.

Dans sa proposition, la Commission décrit le processus prévu pour l’audit des mesures financées, ainsi que la méthode d’échantillonnage correspondante (17). Dans les cas où une méthode d’échantillonnage non statistique est autorisée, elle précise que les unités d’échantillonnage doivent représenter un certain pourcentage de la population de l’exercice comptable. Étant donné que l’audit des mesures financées doit porter sur toute la durée de la période d’admissibilité, c’est-à-dire deux ans et demi, faire référence à «l’exercice comptable» semble peu compatible avec la méthodologie générale.

Taxe sur la valeur ajoutée

20.

D’après la proposition, la réserve ne soutiendrait pas la taxe sur la valeur ajoutée (18). Nous saluons cette approche proposée pour la réserve. Elle répond à la recommandation que nous avons réitérée pour la dernière fois en 2018 dans notre étude de cas rapide sur le remboursement de la TVA dans le domaine de la cohésion. Nous avions recommandé d’exclure la possibilité que la TVA soit remboursée à des organismes publics sur les fonds de l’Union européenne, afin de réduire le risque d’erreur dans les dépenses de cohésion et de garantir une meilleure utilisation des fonds de l’Union européenne au regard de la bonne gestion financière (19).

Déclaration de gestion

21.

Selon la proposition, les États membres seraient tenus de présenter une déclaration de gestion, l’opinion d’un organisme d’audit indépendant et un rapport de mise en œuvre (point 8) dans le cadre de leurs demandes de contribution financière au titre de la réserve (20). Nous observons que dans le modèle de déclaration de gestion présenté à l’annexe II de la proposition, il n’est pas prévu que le responsable de la gestion de la réserve confirme le bon fonctionnement du système de contrôle. Une telle confirmation est exigée à l’article 63, paragraphe 6, point c), du règlement financier, et son absence limiterait l’assurance pouvant être tirée de la déclaration. Elle aurait également des implications pour l’opinion d’audit, qui doit normalement comporter une évaluation de l’exactitude de la déclaration.

Rapports et évaluation

22.

Selon la proposition, la Commission évaluerait l’efficacité, l’efficience, la pertinence, la cohérence et la valeur ajoutée européenne de la réserve (21). Si nous reconnaissons qu’il importe de trouver un juste équilibre entre les exigences en matière de suivi et la charge administrative qu’elles font peser sur les États membres, nous observons que les valeurs à préciser dans les demandes de contribution financière concernent uniquement des indicateurs de réalisation (22). Bien que ces derniers soient mesurables, ils n’apportent, comme nous l’avons fait remarquer précédemment, que des informations limitées sur l’efficacité ou non d’une mesure à pallier les conséquences négatives du retrait du Royaume-Uni (23). De surcroît, étant donné que le règlement proposé n’impose pas aux États membres de fixer des valeurs cibles pour ces indicateurs, il sera encore plus difficile de fournir une appréciation utile de l’efficacité de la réserve.

23.

D’après les lignes directrices pour une meilleure réglementation, seules des évaluations indépendantes et objectives permettent d’obtenir des résultats solides et fiables (24). Si la proposition prévoit bien une évaluation complète de la réserve, qui doit déboucher sur un rapport à présenter au Parlement européen et au Conseil au plus tard le 30 juin 2027, elle n’indique pas explicitement que l’évaluation est indépendante.

Le présent avis a été adopté par la Cour des comptes à Luxembourg en sa réunion du 25 février 2021.

Par la Cour des comptes

Klaus-Heiner LEHNE

Président


(1)  JO L 193 du 30.7.2018, p. 1.

(2)  JO C 384 I du 12.11.2019, p. 1.

(3)  JO L 444 du 31.12.2020, p. 14.

(4)  Annexe I de la proposition.

(5)  Article 322, paragraphe 1, point a), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(6)  Parlement européen – courrier D 300 288 du 20.1.2021.

(7)  Conseil – courrier SGS 21/000 201 du 20.1.2021.

(8)  Article 9 de la proposition.

(9)  Article 7, paragraphe 4: «Par dérogation aux paragraphes 5, 6 et 7 de l’article 63 du règlement financier, les documents visés dans ces dispositions sont fournis une seule fois, conformément à l’article 10 du présent règlement.»

(10)  Article 5 de la proposition.

(11)  Article 13, paragraphe 1, de la proposition.

(12)  Article 13, paragraphe 4, de la proposition.

(13)  Article 2, paragraphe 1, et article 5, paragraphe 2, de la proposition.

(14)  Considérant 7 de la proposition.

(15)  Article 5, paragraphe 2, de la proposition.

(16)  Article 7, paragraphe 2, de la proposition.

(17)  Article 13, paragraphe 4, de la proposition.

(18)  Article 6, point a), de la proposition.

(19)  Étude de cas rapide intitulée «Remboursement de la TVA pour les dépenses de cohésion: un domaine exposé aux erreurs et à une utilisation non optimale des fonds de l’UE», novembre 2018.

(20)  Article 10, paragraphes 1 et 2, de la proposition.

(21)  Article 16 de la proposition.

(22)  Annexe II de la proposition.

(23)  Rapport de la Cour des comptes européenne sur la performance du budget de l’UE – Situation à la fin de 2019, point 4.19: «Les indicateurs de réalisation sont directement liés aux activités financées sur le budget de l’UE, mais n’apportent guère d’informations sur les progrès accomplis pour atteindre les objectifs stratégiques.»

(24)  Document SWD(2017) 350 final du 7 mai 2017, p. 53.