ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 10

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

64e année
11 janvier 2021


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

555e session plénière du Comité économique et social européen, 27.10.2020-29.10.2020

2021/C 10/01

Avis du Comité économique et social du européen sur le thème Intégration des femmes, des mères et des familles d’origine immigrée dans les États membres de l’Union européenne et niveaux de langues cibles pour l’intégration (avis exploratoire)

1

2021/C 10/02

Avis du Comité économique et social européen sur La gestion de la diversité dans les États membres de l’Union européenne (avis exploratoire)

7

2021/C 10/03

Avis du Comité économique et social européen sur Le dialogue social comme pilier important de la durabilité économique et de la résilience des économies, en tenant compte de l’influence du dialogue animé avec la société civile dans les États membres (avis exploratoire)

14


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

555e session plénière du Comité économique et social européen, 27.10.2020-29.10.2020

2021/C 10/04

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 168/2013 en ce qui concerne des mesures spécifiques relatives aux véhicules de catégorie L de fin de série, en réaction à l’épidémie de COVID-19[COM(2020) 491 final — 2020/0251 (COD)]

27

2021/C 10/05

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE en ce qui concerne les obligations d’information, la gouvernance des produits et les limites de position afin de soutenir la reprise au sortir de la pandémie de COVID-19 [COM(2020) 280 final — 2020/0152(COD)], la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/1129 en ce qui concerne le prospectus de relance de l’Union et des ajustements ciblés pour les intermédiaires financiers, destinés à soutenir la reprise après la pandémie de COVID-19 [COM(2020) 281 final — 2020/0155 (COD)], la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/2402 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu’un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées, afin de favoriser la reprise après la pandémie de COVID-19 [COM(2020) 282 final — 2020/0151 (COD)], la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne les ajustements à apporter au cadre relatif à la titrisation afin de soutenir la reprise économique en réponse à la pandémie de COVID-19 [COM(2020) 283 final — 2020/0156 (COD)]

30

2021/C 10/06

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne l’exemption pour certains indices de référence de taux de change de pays tiers et la désignation d’indices de référence de remplacement pour certains indices de référence en cessation [COM(2020) 337 final — 2020/0154 (COD)]

35

2021/C 10/07

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée Stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience[COM(2020) 274 final] et la proposition de recommandation du Conseil en matière d’enseignement et de formation professionnels (EFP) en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience [COM(2020) 275 final]

40

2021/C 10/08

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée Soutenir l’emploi des jeunes: un pont vers l’emploi pour la prochaine génération[COM(2020) 276 final] et la proposition de recommandation du Conseil relative à Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse et remplaçant la recommandation du Conseil du 22 avril 2013 sur l’établissement d’une garantie pour la jeunesse [COM(2020) 277 final — 2020/132(NLE)]

48

2021/C 10/09

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie de l’UE relative au droit des victimes (2020-2025) [COM(2020) 258 final]

56

2021/C 10/10

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une dérogation temporaire à certaines dispositions de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’utilisation de technologies par des fournisseurs de services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation pour le traitement de données à caractère personnel et d’autres données aux fins de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne [COM(2020) 568 final — 2020/0259 (COD)]

63

2021/C 10/11

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne l’identification des assujettis en Irlande du Nord [COM(2020) 360 final — 2020/0165(CNS)]

65

2021/C 10/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2013/UΕ relative au mécanisme de protection civile de l’Union [COM(2020) 220 — 2020/0097 (COD)]

66

2021/C 10/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique en ce qui concerne sa date d’application et certaines autres dates visées dans ledit règlement [COM(2020) 483 final — 2020/0231 (COD)]

67

2021/C 10/14

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires autonomes de l’Union pour l’importation de certains produits de la pêche aux îles Canaries de 2021 à 2027 [COM(2020) 437 — 2020/0209 (CNS)]

68

2021/C 10/15

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (loi européenne sur le climat) [COM(2020) 563 final — 2020/0036 (COD)]

69

2021/C 10/16

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable (supplément d’avis) [COM(2019) 650 final]

70

2021/C 10/17

Avis du Comité économique et social européen sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro (supplément d’avis) [COM(2019) 652 final]

79


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

555e session plénière du Comité économique et social européen, 27.10.2020-29.10.2020

11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/1


Avis du Comité économique et social du européen sur le thème «Intégration des femmes, des mères et des familles d’origine immigrée dans les États membres de l’Union européenne et niveaux de langues cibles pour l’intégration»

(avis exploratoire)

(2021/C 10/01)

Rapporteurs:

Indré VAREIKYTĖ

Ákos TOPOLÁNSZKY

Demande de la présidence allemande du Conseil

Lettre du 18.2.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

9.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

234/4/14

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE relève ce qui suit:

au sein de l’Union, les stratégies et les plans d’action nationaux en vue d’intégrer les migrants varient très fortement, qu’il s’agisse de leurs principes directeurs, de leurs mesures, de leur degré de suivi et d’évaluation;

dans tous les États membres, l’on ne trouve guère d’exemples de plans d’action et de stratégies qui se centrent sur les femmes ou les questions de genre, alors que les femmes appartenant à des minorités ethniques et issues de l’immigration, ainsi que celles relevant de différents groupes d’âge, sont confrontées à des discriminations multiples ou intersectionnelles dans de nombreux aspects de la vie;

moins de la moitié des États membres de l’Union européenne disposent de plans d’action ou de stratégies qui s’intéressent explicitement aux descendants de migrants, même lorsque des données statistiques d’Eurostat et d’organisations internationales mettent en évidence leur situation défavorable;

une véritable intégration présente de nombreux avantages possibles d’ordre économique, social et budgétaire pour les pays où les migrants s’installent; néanmoins, les actions adéquates menées aussi bien à l’échelon de l’Union que de ses États membres sont au total peu nombreuses au regard de la complexité des enjeux.

1.2.

La crise de la COVID-19 a frappé de manière disproportionnée les communautés vulnérables, notamment les migrants issus de minorités ethniques et tout spécialement les femmes migrantes. Par conséquent, le CESE encourage vivement la Commission à développer plus avant sa nouvelle initiative en faveur de l’intégration et de l’inclusion afin de prendre en compte les enseignements tirés de cette crise et mettre en valeur les meilleures approches adoptées au sein des États membres.

1.3.

Le CESE est favorable à l’adoption d’une approche globale pour s’attaquer aux défis de la migration. L’initiative devrait dès lors englober les politiques relatives aux droits fondamentaux, à l’inclusion sociale et professionnelle, à l’éducation, à la culture, à la justice et à la santé.

1.4.

Le CESE demande à la Commission de s’attacher à améliorer la communication et la coordination, et à en accroître l’efficacité, avec les États membres, leurs pouvoirs publics nationaux, régionaux et locaux et les organisations de la société civile afin d’élaborer des politiques d’intégration globales.

1.5.

Le CESE condamne une fois de plus toute forme de violence à l’égard des femmes et encourage les États membres qui n’ont pas encore ratifié la convention d’Istanbul à reconsidérer leur position, et il demande à tous les États membres de veiller à ce que les femmes migrantes victimes de violence bénéficient de l’égalité d’accès aux services, à l’aide et aux infrastructures appropriés.

1.6.

Le CESE encourage derechef la mise en place de meilleurs systèmes afin d’évaluer les justificatifs d’éducation et de fournir des programmes de soutien spécifiques à chaque sexe qui puissent faciliter l’entrée des femmes migrantes sur le marché du travail.

1.7.

Le CESE demande d’agir d’urgence afin de garantir une approche intégrée qui vise à harmoniser la gouvernance à plusieurs niveaux des politiques sociales et de l’emploi concernant le travail domestique dans toute l’Union européenne.

1.8.

Il s’impose de développer des activités plus systématiques pour toucher et sensibiliser les personnes migrantes et les réfugiés et pour s’assurer qu’ils connaissent leurs droits et leurs devoirs, ainsi que pour susciter leur confiance dans la capacité, qu’il convient par ailleurs d’accroître, des administrations et des pouvoirs publics à les protéger.

1.9.

Le CESE réclame des lignes directrices communes de l’Union en matière de formation linguistique afin de garantir une approche unifiée et globale, en tenant compte non seulement des différents besoins et niveaux des apprenants, mais aussi des exigences en matière de qualifications pour les enseignants.

1.10.

Le CESE estime que la formation linguistique doit prévoir de conseiller, d’informer et d’expliquer ses objectifs et les avantages qu’elle peut procurer dans leur vie, et encourager ainsi les migrants eux-mêmes à prendre une part plus active à ce processus.

1.11.

Le CESE estime qu’il serait utile d’étudier plus avant l’opportunité de recourir au cadre européen commun de référence pour les langues afin de rationaliser le processus de formation linguistique des migrants et de garantir une approche plus adaptée aux besoins.

1.12.

Le CESE insiste sur la nécessité d’améliorer la collecte des données sur la migration et l’intégration ventilées par sexe qui soient adéquates et comparables au niveau européen, national et tout particulièrement local.

2.   Objet de l’avis exploratoire

2.1.

La présidence allemande du Conseil de l’Union européenne a demandé au CESE d’examiner, par la voie d’un avis exploratoire, les mesures spécifiques prévues dans les États membres en vue d’intégrer les femmes, les mères et les familles issues de l’immigration, ainsi que les modèles de cours de langue utilisés dans les États membres au début du processus d’intégration des réfugiés et des autres migrants et les niveaux de langue cible visés par ces cours.

3.   Analyse de la situation (1)

3.1.

Au sein de l’Union, les stratégies et les plans d’action nationaux en vue d’intégrer les migrants varient très fortement, qu’il s’agisse de leurs principes directeurs, de leurs mesures, de leur suivi et de leur évaluation. Ces variations sont celles qui prévalent entre les particularités, les traditions administratives et l’histoire des migrations de chaque État membre. Ces approches diverses font l’objet de débats au sein du réseau européen pour l’intégration. Toutefois, il persiste des disparités entre États s’agissant d’appliquer les principes de base communs pour une politique d’intégration des immigrants dans l’Union européenne définis par le Conseil de l’Union européenne, et par d’autres textes politiques pertinents. Il importe de relever que dans certains États membres, ce sont les collectivités régionales et/ou locales qui mettent en œuvre les politiques d’intégration, ce qui accentue d’autant les différences dans l’application de ces orientations.

3.2.

Dans tous les États membres, l’on ne trouve guère d’exemples de plans d’action et de stratégies qui se centrent sur les femmes ou les questions de genre, alors qu’il apparaît que les femmes issues de l’immigration, notamment celles appartenant à des minorités ethniques et tout spécialement les femmes noires, sont confrontées à des discriminations multiples ou intersectionnelles dans de nombreux aspects de la vie sociale, notamment l’emploi et l’éducation, et qu’elles se heurtent tout particulièrement à des obstacles pour accéder aux services de soins de santé (2).

3.3.

Moins de la moitié des États membres de l’Union européenne disposent de plans d’action ou de stratégies qui s’intéressent explicitement aux descendants de migrants, même lorsque des données statistiques mettent en évidence leur situation défavorable. L’absence d’inclusion sociale des jeunes descendants d’immigrés risque de mener à leur possible aliénation, qui ne resterait pas sans conséquences sur la cohésion sociale, l’intolérance, la discrimination et la montée de la criminalité, ainsi que sur l’accroissement de la vulnérabilité des jeunes migrants face à la désinformation et aux mouvements extrémistes.

3.4.

Toucher les parents migrants ne constitue une politique établie et systématique que dans une poignée d’États membres. De telles politiques prennent des formes variées, qu’il s’agisse d’associer et de faire participer les parents et les familles migrants et réfugiés à la vie des écoles, de les informer et de les sensibiliser concernant l’éducation de leurs enfants, ou encoure de les aider à apprendre la langue officielle de l’État membre d’accueil et de leur permettre d’aider et de soutenir leurs enfants dans leur parcours éducatif.

3.5.

Les éléments probants qui résultent des travaux de recherche et des études menés à l’échelon national au sein des États membres montrent que les enfants de migrants sont victimes de ségrégation à l’école. De surcroît, même lorsque la proportion de migrants dans leur lieu de résidence n’est pas très élevée, certaines écoles, et notamment les écoles primaires, tendent à présenter une ségrégation supérieure à celles des quartiers qu’elles desservent.

3.6.

Le nombre d’enfants migrants âgés de moins de 18 ans dépourvus de tuteurs légaux ne cesse de croître; 74 % des demandes d’asile en Europe sont le fait de mineurs non accompagnés. Après un parcours de migration douloureux et souvent ponctué de violences, ces enfants et adolescents continuent d’être exposés à de multiples dangers et sont particulièrement vulnérables face aux réseaux criminels: enrôlement des mineurs, trafic d’enfants pour prostitution, exploitation sexuelle, travail des enfants (3).

3.7.

Au sein des États membres, les organismes de promotion de l’égalité recensent des données qui se limitent habituellement aux cas de discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique. Dans la plupart des États membres, l’on ne dispose pas, ou de peu, de données relatives aux plaintes déposées par des ressortissants de pays tiers pour des faits de discrimination fondée sur d’autres motifs que l’origine ethnique ou raciale (4). Le nombre effectif de plaintes déposées par des ressortissants de pays tiers auprès de organismes de promotion de l’égalité est très faible par rapport à celui d’expériences et d’incidents de discrimination et de victimisation perçues que font apparaître des enquêtes. Le faible taux de signalement (5) constitue un grave sujet de préoccupation, il peut s’expliquer par l’ignorance des droits et la méfiance à l’égard des autorités, notamment chez les femmes et les enfants migrants.

4.   Améliorer l’intégration

4.1.

Le CESE souligne que l’intégration est un processus qui fonctionne à deux sens, de manière dynamique, à long terme et en permanence, qui engage à la fois les migrants et la société d’accueil. Il s’agit d’un défi que l’Union s’est engagée à relever, sachant qu’une intégration réelle présente de nombreux avantages possibles d’ordre économique, social et budgétaire pour les pays où les migrants s’installent; néanmoins, les actions adéquates menées aussi bien à l’échelon de l’Union que de ses États membres sont au total peu nombreuses au regard de la complexité de l’enjeu.

4.2.

La crise de la COVID-19 a frappé de manière disproportionnée les communautés vulnérables, notamment les migrants et tout spécialement les femmes migrantes (6). Son incidence se manifeste notamment dans les domaines de la santé physique et mentale, tout comme dans ses retombées économiques, une possible montée des discriminations et du racisme, ainsi que les effets des fermetures des établissements scolaires sur les enfants migrants et leurs parents. Par conséquent, le CESE encourage vivement la Commission à développer plus avant sa nouvelle initiative en faveur de l’intégration et de l’inclusion afin de prendre en compte les enseignements tirés de cette crise et mettre en valeur les meilleures approches adoptées au sein des États membres. Au vu de cette crise, le CESE presse également les États membres de fournir aux personnes connaissant des difficultés économiques et/ou menacées d’exclusion sociale des formations gratuites sur l’utilisation des équipements numériques, la gestion des documents, la recherche d’emploi et le travail à distance, ainsi que de leur donner un accès à un soutien et à des conseils juridiques dans le cadre de la crise (7).

4.3.

Le CESE est favorable à l’adoption d’une approche globale pour s’attaquer aux défis de la migration. La future initiative devrait dès lors englober les politiques relatives aux droits fondamentaux, à l’inclusion sociale et professionnelle, à l’éducation, à la culture, à la justice, à la santé et au logement.

4.4.

Le CESE condamne une fois de plus toute forme de violence à l’égard des femmes et encourage les États membres qui n’ont pas encore ratifié la convention d’Istanbul à reconsidérer leur position (8), et il demande à tous les États membres de veiller à ce que les femmes migrantes victimes de violence bénéficient du même accès aux services, à l’aide et aux infrastructures appropriés que les femmes autochtones. Les migrants victimes de violences domestiques devraient être en mesure de demander, à titre confidentiel, le statut d’immigration légale indépendamment de l’auteur desdites violences (9).

4.5.

Souvent, les femmes migrantes sont surqualifiées pour les emplois disponibles, sans emploi et confrontées au risque de déqualification (10). Le CESE encourage derechef la mise en place de meilleurs systèmes afin d’évaluer les justificatifs d’éducation et de fournir des programmes de soutien spécifiques à chaque sexe qui puissent faciliter l’entrée des femmes sur le marché du travail, comme dans les domaines de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance, pour commencer à s’attaquer à ces questions (11).

4.6.

Le Comité insiste sur le fait que les femmes migrantes ne constituent pas un groupe homogène, notamment du point de vue des compétences et des qualifications (12); elles sont plus susceptibles d’être sous-qualifiées ou au contraire surqualifiées pour l’emploi qu’elles occupent, tout en sachant qu’elles ont une probabilité moindre de détenir un emploi (13). Par conséquent, les mesures d’intégration, les politiques et programmes actifs du marché de l’emploi et les projets d’économie sociale devraient prévoir des cours de langue, une évaluation des compétences et une formation professionnelle (14).

4.7.

Les travailleurs domestiques migrants sont devenus un pilier essentiel des systèmes de protection sociale, notamment dans le domaine des soins à long terme aux personnes âgées, et les femmes migrantes du secteur du travail domestique subissent le plus souvent des préjudices (15). L’irrégularité totale ou partielle de l’emploi et le faible niveau des rémunérations sont encore des caractéristiques de ce secteur; les travailleurs domestiques sont moins bien protégés, sur le plan de l’emploi et/ou du droit, face au chômage, aux accidents du travail et au handicap, ainsi qu’en ce qui concerne la maternité, et ils sont souvent victimes d’isolement social et d’exclusion, notamment lorsqu’ils vivent au domicile de l’employeur (16). Le CESE demande d’agir d’urgence afin de garantir une approche intégrée qui vise à harmoniser la gouvernance à plusieurs niveaux des politiques sociales et de l’emploi concernant le travail domestique dans toute l’Union européenne, tout en prenant en compte les intersections des politiques des soins, de l’emploi et de la migration, ainsi que la manière dont celles-ci influent sur l’intégration des travailleurs domestiques migrants sur le marché du travail et sur leurs conditions de vie.

4.8.

Le CESE attire l’attention sur le fait que les femmes migrantes sont souvent contraintes de vivre dans l’isolement et deviennent des victimes vulnérables de la solitude et de la violence. Dans le même temps, si elles travaillent, leur charge est souvent excessive et elles doivent de surcroît assumer toutes les tâches de soins au sein du ménage. Puisque des politiques, des mesures et des instruments en faveur de l’égalité des sexes s’attachent à résoudre de tels problèmes, il est essentiel d’assurer aux femmes migrantes l’égalité d’accès à ces outils et de leur donner des moyens qui ne soient pas moindres que ceux des femmes autochtones. Il s’impose également de développer des activités plus systématiques pour toucher et sensibiliser les personnes migrantes et les réfugiés et pour s’assurer qu’ils connaissent leurs droits et leurs devoirs, ainsi que pour susciter leur confiance dans la capacité, qu’il convient par ailleurs d’accroître, des administrations et des pouvoirs publics à les protéger.

4.9.

Le CESE estime que, dans le contexte de la migration et de l’intégration, l’égalité entre les femmes et les hommes joue un rôle tout aussi important que pour le reste de la société européenne, puisqu’elle englobe un ensemble de droits fondamentaux (à savoir la tolérance, l’égalité, les libertés d’expression, d’opinion et de religion, etc.) qui, sur le plan culturel, peuvent être mal connus par des réfugiés et d’autres migrants issus de cultures et de milieux complètement différents. Elle devrait donc constituer l’un des piliers essentiels de l’intégration au moyen de politiques, d’actions et de modèles d’intégration conçus selon une approche d’ensemble.

4.10.

Le CESE observe que la participation des familles et des parents migrants au sein des communautés locales et scolaires devrait commencer dès les premiers stades de l’accueil, afin d’éviter la marginalisation, puis l’aliénation des enfants et des jeunes issus de l’immigration. Cette aide peut favoriser une acquisition précoce de la langue autochtone.

4.11.

Par conséquent, le CESE demande à la Commission de s’attacher à améliorer la communication et la coordination, et à en accroître l’efficacité, avec les États membres, leurs pouvoirs publics nationaux, régionaux et locaux et les organisations de la société civile, afin d’élaborer des politiques d’intégration globales, ainsi que de publier des rapports comparatifs sur leur mise en œuvre et favoriser activement les échanges de bonnes pratiques. Dans le même temps, il incombe aux institutions de l’Union européenne de défendre les valeurs européennes et de faire respecter la législation en vigueur lorsque les États membres enfreignent la législation sur les droits de l’homme, appliquent un traitement inhumain aux migrants et/ou exercent une discrimination à leur encontre.

4.12.

Le CESE invite la Commission à mettre en place une série de mesures et d’outils pour aider les États membres et leurs pouvoirs publics nationaux et locaux, ainsi que les partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales (ONG) et les initiatives individuelles, afin de lutter contre l’hostilité à l’égard des migrants et la migration en général et contre les campagnes de désinformation à l’encontre de la migration, en mettant en avant les avantages et les possibilités qu’apportent les migrants à nos sociétés.

4.13.

Le CESE insiste sur la nécessité de faire en sorte de collecter des données sur la migration qui soient adéquates et comparables au niveau européen, national et tout particulièrement local, et qu’il soit possible de ventiler en fonction notamment, mais point exclusivement, du sexe, de l’âge, de l’appartenance ethnique et du statut migratoire, de la durée d’emploi, de l’échelle des salaires et des progrès accomplis dans la carrière, afin de garantir une élaboration des politiques appropriée et fondée sur des données probantes.

5.   Formation linguistique

5.1.

Le CESE estime que la formation linguistique ne devrait pas constituer un objectif en soi; combinée à la découverte de la culture et à la participation à la communauté et à la société, elle permettrait de renforcer la réussite du processus d’intégration.

5.2.

Il est infortuné que seuls quelques États membres suivent une approche axée sur les besoins en matière d’apprentissage des langues en ouvrant des cours à tous leurs résidents qui ne disposent que de compétences linguistiques limitées. Plusieurs États membres n’autorisent l’accès à ces cours qu’aux bénéficiaires d’une protection humanitaire. Les programmes d’apprentissage des langues sont rarement liés à l’emploi et il est rare que des cours de formation linguistique soient attachés spécifiquement à un emploi, se déroulent en période d’emploi et à un niveau plus élevé. Dans d’autres, les migrants doivent payer les cours à l’avance et ne sont remboursés que s’ils réussissent les examens finaux. En outre, si l’approche et la qualité de l’enseignement des langues présentent de grandes disparités, c’est aussi le cas de l’engagement des migrants eux-mêmes (17).

5.3.

Le CESE estime dès lors qu’il importe de disposer de lignes directrices communes de l’Union en matière de formation linguistique afin de garantir une approche unifiée et globale, en tenant compte non seulement des différents besoins et niveaux des apprenants, mais aussi des exigences en matière de qualifications pour les enseignants.

5.4.

En outre, les femmes qui exercent des responsabilités familiales éprouvent des difficultés particulières à accéder aux cours de langues en raison de leurs horaires et de leurs autres conditions (prix/lieu) (18). Il est essentiel de noter que ce sont avant tout les femmes migrantes qui devraient bénéficier d’un surcroît d’attention en raison de lacunes particulièrement importantes dans leur formation linguistique du fait des restrictions imposées aux femmes dans l’accès à l’enseignement général dans certains pays d’origine. Par exemple, il conviendrait de proposer aux femmes migrantes une garde d’enfant lorsqu’elles participent aux cours de langues, tandis que leurs jeunes enfants pourraient fréquenter des classes de langue et de jeu qui se sont avérées très efficaces aussi bien pour apprendre les langues qu’à des fins d’intégration.

5.5.

Le CESE estime qu’il incombe également aux migrants de décider, pour eux-mêmes, leurs familles et leurs enfants, de celle des stratégies d’apprentissage des langues qui sera la mieux adaptée à leurs objectifs dans la vie. La faculté pour les migrants de pouvoir choisir entre différents types d’adaptation implique la nécessité de prendre des dispositions pour écouter leurs points de vue et pour concevoir et mener des cours sur mesure. Il est essentiel que la formation linguistique prévoie de conseiller, d’informer et d’expliquer ses objectifs et les avantages qu’elle peut procurer dans leur vie, et encourage ainsi les migrants eux-mêmes à prendre une part plus active à ce processus et à s’y engager davantage.

5.6.

Le CESE estime qu’il serait utile d’étudier plus avant l’opportunité de recourir au cadre européen commun de référence pour les langues afin de rationaliser le processus de formation linguistique des migrants et de garantir une approche plus adaptée aux besoins, puisqu’il permettrait non seulement d’alléger le processus d’organisation, mais aussi de poser des attentes claires à l’endroit des apprenants.

5.7.

Le CESE met en relief l’influence essentielle qu’exercent les interprètes sur la migration pour un individu et sur les services et les résultats de son intégration. Toutefois, la qualification des interprètes ne correspond pas nécessairement aux besoins des migrants, ce qui place souvent les femmes dans une position défavorable. Il s’impose donc de rationaliser la formation des interprètes, qui devrait mener à une certification à l’échelon européen. Il convient d’établir une coopération avec les universités de toute l’Union qui proposent des programmes d’étude dans le domaine de l’interprétariat social.

5.8.

Le CESE estime qu’il existe un faisceau de liens entre les compétences linguistiques, l’emploi et la qualité de cet emploi, et que, par conséquent, plus ses compétences linguistiques sont élevées, plus il est probable qu’un nouveau venu aura accès à de bons emplois et à des possibilités d’éducation et qu’il s’intégrera mieux dans la société en général. Apprendre la langue de la communauté d’accueil présente de nombreux avantages, qu’il s’agisse de bénéficier d’un accès plus large et plus aisé au marché de l’emploi, de faire reconnaître son appartenance par le reste de la communauté et, pour les migrants eux-mêmes, d’éprouver un sentiment d’appartenance. Aussi, pour l’apprentissage de la langue, il importe avant tout de recourir à une instruction de haute qualité pour le réussir, et de le rendre accessible, convivial et adapté aux besoins. Un enseignement tiré des expériences vécues au cours de la crise de la COVID-19 réside dans la nécessité d’investir davantage dans les instruments numériques afin de permettre aux migrants de participer aux cours en ligne.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Pour davantage d’informations: https://ec.europa.eu/migrant-integration/feature/what-measures-are-in-place-to-ensure-the-long-term-integration-of-migrants-and-refugees-in-europe?lang=fr (page pour l’heure disponible uniquement en anglais).

(2)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Together in the EU: Promoting the participation of migrants and their descendants (Ensemble dans l’Union européenne: favoriser la participation des migrants et de leurs descendants), 2017.

(3)  Avis SOC/634 sur «La protection des mineurs isolés migrants en Europe», que le CESE prévoit d’adopter lors de sa session plénière des 16, 17 et 18 septembre 2020.

(4)  Commission, direction générale Justice et consommateurs, réseau européen d’experts juridiques dans le domaine de l’égalité des genres et de la non-discrimination, Liens entre migration et discrimination — Une analyse juridique de la situation au sein des États membres de l’Union européenne, 2016.

(5)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Être noir dans l’UE — Deuxième enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination, 2018.

(6)  Le portail européen en ligne sur l’intégration suit en permanence l’incidence de la COVID-19 sur les communautés de migrants concernant un certain nombre de domaines essentiels pour leur intégration dans l’ensemble de l’Union européenne.

(7)  Réseau européen des femmes migrantes, Manifesto on Digital Inclusion (Manifeste pour l’inclusion numérique), 16 juin 2020.

(8)  JO C 240 du 16.7.2019, p. 3.

(9)  Organisation des Nations unies, Manuel de législation sur la violence à l’égard des femmes, 2009.

(10)  Organisation internationale pour les migrations, Harnessing Knowledge on the Migration of Highly Skilled Women (Exploiter les connaissances en matière de migration de femmes hautement qualifiées), 2014.

(11)  JO C 242 du 23.7.2015, p. 9.

(12)  Réseau européen des femmes migrantes, The New EU Migration Pact in Progress: Recalling Legal Obligations (Le nouveau pacte de l’Union européenne pour les migrations à l’œuvre: rappeler les obligations légales), 2020.

(13)  Commission européenne, Portail européen sur l’immigration, Integration of migrant women (L’intégration des femmes migrantes), https://ec.europa.eu/migrant-integration/feature/integration-of-migrant-women, 12 novembre 2018.

(14)  Paragraphe 4.16 de l’avis, JO C 283 du 10.8.2018, p. 1.

(15)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Out of sight: migrant women exploited in domestic work (Loin des yeux: les migrantes exploitées dans le travail domestique), 2018.

(16)  Organisation internationale du travail, International migration paper No. 115, 2013.

(17)  https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/201915_early_language_support_wider_dissemination.pdf (en anglais).

(18)  Avis du CESE, JO C 242 du 23.7.2015, p. 9.


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/7


Avis du Comité économique et social européen sur «La gestion de la diversité dans les États membres de l’Union européenne»

(avis exploratoire)

(2021/C 10/02)

Rapporteurs:

Adam ROGALEWSKI

Carlos Manuel TRINDADE

Demande de la présidence allemande du Conseil

Lettre du 18.2.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

9.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

237/4/10

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le présent avis a été élaboré à la demande de la présidence allemande et se penche sur la gestion de la diversité dans la société et sur le lieu de travail en ce qui concerne les migrants et les minorités ethniques. Il présente quatre études de cas relatives à la Finlande, la Pologne, la France et l’Italie, ces États membres représentant quatre régions géographiques distinctes, à savoir respectivement l’Europe septentrionale, l’Europe centrale et orientale, l’Europe occidentale et l’Europe méridionale.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) recommande que les stratégies en matière de gestion de la diversité fassent l’objet d’une approche globale. Ces stratégies doivent porter sur l’ensemble des aspects liés au travail et à la vie quotidienne des groupes concernés, et notamment le lieu de travail, l’éducation, les services publics, les communautés locales et les droits sociaux.

1.3.

La gestion de la diversité devrait tenir compte de l’hétérogénéité et des identités multiples. Les migrants et les minorités ethniques ne constituent pas un groupe homogène, et la reconnaissance de l’intersectionnalité est essentielle pour élaborer des politiques efficaces en matière de diversité.

1.4.

Si l’on veut lutter contre le racisme structurel dans toutes les institutions, il est indispensable de garantir la justice sociale à l’égard des minorités ethniques et des migrants. À cette fin, le CESE invite l’Union européenne et les États membres à redoubler d’efforts, tant sur le plan juridique que politique, afin de lutter contre le racisme et la xénophobie. Les récents événements au niveau mondial montrent qu’il est urgent de prendre des mesures. La pandémie de COVID-19 exacerbe le racisme structurel en Europe. Les minorités ethniques et les migrants sont non seulement davantage exposés à la maladie, mais ils courent également un risque accru de subir des inégalités liées à celle-ci et leurs chances d’obtenir de l’aide sont plus faibles. Les manifestations, organisées à travers l’Europe par le mouvement Black Lives Matter (la vie des Noirs compte) après l’assassinat de George Floyd aux États-Unis, montrent que le racisme et la xénophobie institutionnels sont toujours bien ancrés dans nos sociétés européennes.

1.5.

Les migrants et les minorités ethniques sont, à bien des égards, en première ligne dans la lutte contre la pandémie et ses conséquences, et ils en supportent les risques de manière disproportionnée. Leur contribution doit être reconnue et la stratégie en matière de diversité devrait jouer un rôle important à cet égard. La reconnaissance de leur contribution devrait passer par des conditions de travail de qualité, des salaires équitables ainsi qu’une protection sociale. Les migrants devraient avoir accès aux mêmes normes de qualité en matière d’hébergement, d’éducation et de santé que celles destinées aux citoyens européens. En outre, il convient de mettre en œuvre des politiques de protection des migrants sans papiers, moyennant la participation et l’approbation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

1.6.

Dans l’intérêt de tous les citoyens, de la justice sociale, des droits fondamentaux et de l’économie, l’Union européenne et ses États membres doivent mettre tout en œuvre pour augmenter les fonds consacrés à la gestion de la diversité. La pandémie de COVID-19 et la crise économique ne sauraient justifier ni une réduction des dépenses, ni l’affaiblissement des capacités des États membres dans ce domaine. En particulier, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile devraient bénéficier d’un financement adéquat et à long terme leur permettant d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en matière de diversité. À cet égard, l’une de ces sources de financement devrait être le nouveau Fonds social européen Plus (FSE +).

1.7.

Les politiques en matière de diversité devraient s’attaquer au problème de la sous-utilisation des compétences. Le CESE réitère ses recommandations en faveur d’une meilleure reconnaissance des qualifications, en particulier dans le secteur des soins de santé et des soins de longue durée (1). L’amélioration des processus de reconnaissance des qualifications et des acquis antérieurs devrait suivre les recommandations de l’Unesco, qui préconise des cadres cohérents, transparents et souples axés sur les migrants et les réfugiés (2).

1.8.

Le CESE souligne l’importance du rôle des services publics et de leur financement adéquat dans la protection de la diversité.

1.9.

Le CESE invite l’Union européenne et ses États membres à proposer gratuitement des formations générales, y compris des cours de langues, afin de permettre aux migrants de participer pleinement au marché du travail.

1.10.

Le CESE demande que les différents domaines d’action de l’Union européenne ainsi que les règles de l’Union européenne en matière de marchés publics intègrent la gestion de la diversité en tenant compte du fait que les entreprises disposent ou non de politiques internes en la matière dans les critères d’attribution des marchés publics.

1.11.

Le CESE souligne que les partenaires sociaux sont des acteurs clés s’agissant de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la gestion de la diversité. La recherche et les études de cas présentées montrent que la négociation collective et le dialogue social sont essentiels et que les entreprises disposant d’une présence syndicale sont plus susceptibles d’avoir des politiques d’inclusion et des pratiques plus efficaces en matière de lutte contre la discrimination. En outre, les syndicats et les organisations d’employeurs jouent un rôle important pour renforcer le rôle des travailleurs migrants et des entrepreneurs au sein de leurs structures respectives, au moyen de mécanismes de soutien spéciaux.

1.12.

Le CESE met l’accent sur le rôle important des organisations de la société civile et des groupes de défense des droits des migrants et des minorités ethniques. Les organisations pilotées par des migrants plaident explicitement en faveur d’un dialogue structuré et d’une participation significative à toutes les étapes de l’élaboration des politiques migratoires et professionnelles qui ont une incidence sur les travailleurs migrants ou appartenant à des minorités ethniques. Pour que la gestion de la diversité soit pertinente, toutes les parties prenantes doivent être associées au dialogue social et civil.

1.13.

Le Comité encourage les employeurs à élaborer, en coopération avec les syndicats, des stratégies solides en matière de gestion de la diversité qui aillent au-delà des déclarations sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et à assurer un suivi adéquat qui favorise les changements. Il convient en particulier d’aider les employeurs à utiliser les outils et méthodes existants, tels que ceux élaborés par le Réseau européen contre le racisme (ENAR). Les employeurs devraient s’efforcer d’appliquer des stratégies en matière de diversité tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

1.14.

Afin d’élaborer des stratégies globales visant à lutter contre le racisme systémique et de promouvoir la diversité, les États membres devraient préparer des plans d’action nationaux contre le racisme, comme l’a proposé la Conférence mondiale contre le racisme des Nations unies, qui s’est tenue en Afrique du Sud en 2018 (3).

1.15.

Le CESE invite la Commission à élaborer d’urgence un nouveau plan relatif à l’inclusion des ressortissants de pays tiers, le précédent ayant expiré en 2018. Par ailleurs, le pacte proposé en matière d’asile et de migration devrait comporter des actions positives visant à renforcer l’inclusion des migrants.

1.16.

Le CESE considère qu’il est nécessaire d’améliorer la collecte et le suivi des données sur les politiques en matière de diversité sur le marché du travail dans les États membres et au niveau de l’Union européenne. À défaut d’une amélioration de la collecte des données, il ne sera pas possible d’assurer le suivi des stratégies pertinentes et de les améliorer. À cette fin, le CESE invite toutes les parties prenantes à œuvrer de concert afin de faire progresser la collecte de données relatives à la participation des travailleurs migrants ou appartenant à des minorités ethniques au marché du travail.

1.17.

L’inclusion et la diversité sont essentielles à la démocratie. Les lieux de travail et les sociétés deviennent plus démocratiques lorsque les migrants et les minorités ethniques participent à la société civile, aux syndicats et à des processus démocratiques formels comme les élections. Pour promouvoir la citoyenneté active, les États membres devraient encourager les migrants à participer activement non seulement au marché du travail, mais aussi aux processus décisionnels, par exemple à la vie politique. Afin de promouvoir la diversité au sein de la société, il est important de donner le droit de vote aux migrants pour leur permettre de participer aux élections locales au même titre que les citoyens de l’Union européenne et de représenter les communautés locales.

1.18.

Les institutions de l’Union européenne, y compris le CESE, devraient montrer l’exemple en matière de gestion de la diversité, notamment en augmentant le nombre de membres et de membres du personnel appartenant à des minorités ethniques (4). L’avis du CESE sur l’égalité entre les femmes et les hommes (5), qui a mené à la création d’un groupe interne consacré à cette thématique, constitue un bon exemple à cet égard.

2.   Introduction

2.1.

Aux fins du présent avis, on entend par «migrants» les personnes nées dans un pays autre que celui dans lequel elles vivent actuellement, ce qui comprend les citoyens européens et les ressortissants de pays tiers. L’expression «minorités ethniques» désigne des personnes qui sont nées dans le pays où elles résident et qui, en raison de leur race, de leur ethnie ou de leur religion, appartiennent à une minorité. Dans le présent avis, le terme d’«inclusion» est utilisé de préférence à celui d’«intégration», dans la mesure où il est plus positif et communément utilisé dans le discours sur la diversité.

2.2.

Le racisme et la discrimination peuvent être isolés et s’exercer aux travers d’actes tels que l’inégalité de traitement, le harcèlement ou les crimes de haine. Ils peuvent également être de nature structurelle. Ils sont alors institutionnalisés et s’exercent au travers de l’inégalité sur le marché du travail ou de l’exclusion du bénéfice des droits sociaux parce que la personne concernée est en situation de travail irrégulier ou a le statut de migrant (6). Les politiques en matière de diversité devraient donc accorder une attention particulière aux «groupes racialisés» — les populations marginalisées confrontées au racisme structurel ou institutionnel, à la discrimination ou au profilage en raison de leur appartenance à certains groupes ethniques ou religieux.

2.3.

En sa qualité de bonne pratique, la gestion de la diversité sur le lieu de travail implique que les entreprises coopèrent avec les syndicats au travers de la négociation collective, avec le soutien des ONG et des gouvernements, dans le but de mettre conjointement au point des stratégies visant à améliorer l’inclusion de travailleurs et l’égalité entre ceux-ci. Il convient d’accorder une attention particulière aux entreprises situées dans des États membres où les négociations collectives sont peu développées, ainsi qu’aux microentreprises et aux petites entreprises, qui emploient également de nombreux migrants et des minorités ethniques, et qu’il convient de soutenir afin de leur permettre de parvenir, à l’aide du dialogue social, à élaborer des politiques en matière de diversité. Ceci requiert une évaluation participative des obstacles à la diversité et à l’inclusion sur le lieu de travail ainsi que des modalités de gestion, de suivi et d’évaluation de celles-ci. Ces stratégies peuvent consister à agir sur les structures organisationnelles qui ont des effets discriminatoires (par exemple les pratiques de sélection et de recrutement), à garantir la diversité au sein des structures de gouvernance et à recueillir des données afin de rendre compte des résultats obtenus en matière de fidélisation du personnel, de progression de carrière et d’égalité de traitement. Les stratégies de gestion de la diversité peuvent également comprendre une révision des mécanismes de règlement des différends et des plaintes internes, dans le cadre desquels la direction, en consultation avec les syndicats, établit des procédures claires pour l’examen des plaintes et l’adoption de mesures appropriées visant à remédier à une possible violation des droits, tout en protégeant les plaignants contre d’éventuelles représailles. Les mesures concernées peuvent prévoir l’organisation de formations, la création de groupes de soutien et l’élaboration de programmes de tutorat. Par ailleurs, les stratégies en matière de diversité peuvent encourager les migrants et les personnes appartenant à des minorités ethniques à participer aux organes consultatifs sur le lieu de travail, par exemple les conseils de travailleurs.

2.4.

Vingt ans se sont écoulés depuis l’adoption de la directive relative à l’égalité raciale (2000/43/CE), qui a instauré un cadre européen pour la promotion de l’égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de race ou d’origine ethnique, et prévu des actions positives en la matière (gestion de la diversité). Cela fait aussi vingt ans que la directive-cadre sur l’égalité (2000/78/CE) visant à lutter contre la discrimination sur le lieu de travail est en vigueur. Cependant, aucune de ces deux directives n’interdit spécifiquement la discrimination structurelle fondée sur la nationalité ou le pays d’origine. Elles n’offrent dès lors pas de protection suffisante aux migrants contre la discrimination. En outre, le Conseil n’a pas adopté la directive horizontale visant à protéger les personnes contre la discrimination fondée sur plusieurs motifs, tant au sein qu’à l’extérieur du lieu de travail.

2.5.

La lutte contre la discrimination et la promotion de l’égalité sont par ailleurs inscrites dans les traités de l’Union européenne et le socle européen des droits sociaux. En 2004, le Conseil a adopté les «principes de base communs de la politique d’intégration des immigrants» dans l’Union européenne. Se fondant sur ces principes, la déclaration de Saragosse adoptée en 2010 a souligné la nécessité d’élaborer un nouveau programme d’intégration et de mettre en place un ensemble d’indicateurs afin d’évaluer et de suivre l’intégration des migrants en Europe (7). Ce processus a donné naissance au portail européen sur l’intégration (EWSI), qui est un outil fondamental pour la recherche comparative, le suivi des stratégies d’intégration des migrants au niveau national et l’évaluation des bonnes pratiques (8). Il également abouti à la création du réseau européen d’intégration (EIN), qui rassemble des représentants des ministères compétents en matière d’intégration des migrants de tous les pays de l’Union européenne, ainsi que de l’Islande et de la Norvège, et qui mène des consultations avec la Commission en matière de politique d’intégration (9).

2.6.

En 2010, la Commission a créé la plateforme européenne des chartes de la diversité (10), qui encourage les organisations à élaborer et à mettre en œuvre des politiques en matière de diversité et d’inclusion, et propose un lieu d’échange et de partage d’expériences et de bonnes pratiques. Il existe à ce jour 24 chartes européennes de la diversité. Toute organisation qui signe une de ces chartes s’engage volontairement à promouvoir la diversité et l’égalité des chances sur le lieu de travail. Le fait de devenir signataire d’une charte de la diversité donne accès à un vaste réseau de pairs, à des publications et à des outils de soutien en matière d’analyse comparative, de mesure et de suivi.

3.

Observations générales

3.1.

La situation des migrants et des minorités ethniques s’est récemment détériorée et on observe aussi bien une augmentation des attaques contre ces groupes, qu’une recrudescence des discours de haine alimentés par des préjugés racistes et xénophobes. Il est urgent que l’Union européenne prenne davantage de mesures à cet égard, et l’une d’elles consiste à promouvoir la gestion de la diversité.

3.2.

L’afflux de demandeurs d’asile et de migrants a en outre mis sous pression la capacité des services d’intégration des États membres. L’enveloppe budgétaire des Fonds du prochain CFP, tels que le FSE +, devrait être accrue pour soutenir les politiques d’inclusion.

3.3.

D’après une récente recherche menée pour le compte de la Commission européenne, en moyenne, dans tous les États membres, 13 % des personnes exerçant des «professions essentielles» sont des immigrants, et les migrants issus de pays tiers sont surreprésentés dans les emplois essentiels de première ligne de secteurs de services tels que les soins de santé, l’alimentation, la distribution ou le transport (11). Des données récentes recueillies par l’ENAR révèlent que la crise a eu d’importantes répercussions négatives sur les minorités ethniques en ce qui concerne le logement, les abus policiers, l’emploi, les soins de santé, l’incitation à la haine et la capacité des réseaux de la société civile à aider les personnes en difficulté (12). Les migrants et les minorités ethniques sont, à bien des égards, en première ligne dans la lutte contre la pandémie et ses conséquences, et ils en supportent les risques de manière disproportionnée. Leur contribution doit être reconnue et la stratégie en matière de diversité devrait jouer un rôle important à cet égard. La reconnaissance de leur contribution devrait passer par des conditions de travail de qualité, des salaires équitables ainsi qu’une protection sociale. Les migrants devraient avoir accès aux mêmes normes de qualité en matière d’hébergement, d’éducation et de santé que celles destinées aux citoyens européens. En outre, il convient de mettre en œuvre des politiques de protection des migrants sans papiers, moyennant la participation et l’approbation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

3.4.

S’agissant des politiques en matière de diversité, il importe d’adopter une approche intersectionnelle. Les minorités ethniques et les migrants ne constituent pas un groupe homogène. Au sein de ces deux groupes, les femmes sont fortement représentées, les migrations récentes s’étant fortement féminisées. Il y a aussi un certain nombre de jeunes, des personnes croyantes, handicapées ou appartenant à la communauté LGBTIQ +. Ces personnes sont souvent la cible de multiples formes de discriminations qui découlent de préjugés institutionnels et structurels. C’est notamment le cas en ce qui concerne l’accès au marché du travail et la ségrégation professionnelle, par exemple, en raison du statut de résident des intéressés, des pratiques de recrutement et des préjugés racistes à l’égard des personnes de certaines nationalités, religions ou origines ethniques.

3.5.

Garantir l’accès universel aux services publics est un élément essentiel de l’inclusion. Souvent, les migrants et les communautés des minorités ethniques bénéficient des services du secteur public. Parfois, ils travaillent pour le secteur public, qui est soumis à des obligations spécifiques en matière de promotion de l’égalité. Toutefois, de nombreux migrants, en particulier les demandeurs d’asile et les groupes racisés, sont également confrontés à des obstacles considérables en matière d’accès aux services publics. La privatisation et le manque général d’investissement dans les services publics placent les autorités face à des défis majeurs concernant la mise en œuvre des politiques d’égalité.

3.6.

De nombreux migrants accomplissent un travail pour lequel les compétences ou les qualifications nécessaires sont inférieures à celles qu’ils possèdent. Les causes de cette situation sont souvent structurelles, par exemple lorsque l’éducation, les qualifications et les compétences acquises en dehors de l’Union européenne ne sont pas reconnues, ce qui entraîne des discriminations dans les pratiques de recrutement et une segmentation de l’emploi. Des compétences linguistiques insuffisantes sont souvent perçues comme un obstacle à l’emploi, et les avantages de la diversité culturelle et linguistique que les travailleurs migrants apportent sur le lieu de travail sont souvent ignorés. La gestion de la diversité peut contribuer à résoudre ce problème et, partant, à accroître la productivité globale de la main-d’œuvre.

3.7.

Les politiques en matière de diversité devraient être déployées non seulement en tant que stratégies d’inclusion du groupe concerné, mais aussi en tant qu’outil pédagogique à l’intention des citoyens de l’Union européenne. À cette fin, il convient de mettre davantage l’accent sur l’éducation des personnes âgées et des jeunes à la diversité ethnique et à la migration, et notamment à la contribution essentielle qu’ils apportent à notre culture, à notre société et à notre économie. En outre, les programmes scolaires devraient davantage cibler le racisme, y compris le racisme structurel. L’Union européenne, en collaboration avec les États membres et avec la participation active des partenaires sociaux et des organisations locales, devrait lancer des campagnes d’information visant à promouvoir la diversité et à lutter contre le racisme tant au niveau européen qu’à l’échelon national.

3.8.

L’éducation et la formation sont également importantes pour renforcer l’inclusion des communautés immigrées et des minorités ethniques. La formation pourrait également comprendre du bénévolat ou mettre en place diverses formes de tutorat avec, dans le rôle des tuteurs, des citoyens locaux ou des migrants eux-mêmes. La crise de la COVID-19 a souligné l’importance de sensibiliser les communautés de migrants à la santé, de manière à ce qu’ils se protègent de la pandémie.

3.9.

Nombre de partenaires sociaux et d’organisations de la société civile œuvrent à la gestion de la diversité au sein de leurs propres structures, par exemple au travers de comités de migrants ou de groupes autonomes au sein des organisations syndicales. Ces structures contribuent non seulement à promouvoir l’activisme en faveur des droits civils, mais aussi à renforcer la démocratie sur le lieu de travail et dans la société en général (13). Les migrants, qui ne disposent pas du droit de vote, ne peuvent participer aux décisions démocratiques dans leur pays de résidence que par l’intermédiaire des organisations de la société civile et des syndicats.

3.10.

S’ils disposent d’un soutien adéquat, les travailleurs migrants apportent une contribution non seulement à l’économie, mais aussi à la justice sociale. Les exemples de syndicats qui organisent des travailleurs migrants montrent que ceux-ci peuvent être plus actifs que d’autres travailleurs lorsqu’il s’agit de se mobiliser en faveur de la justice sociale et de la réalisation de conditions de travail plus favorables pour tous (14).

3.11.

L’apprentissage des langues joue un rôle important dans l’inclusion des migrants (15). Si tous les États exigent des connaissances linguistiques aux fins de l’octroi de la nationalité, rares sont toutefois ceux qui dispensent des cours de langue gratuitement (16). L’Union européenne et ses États membres devraient encourager des cours de langue gratuits pour les migrants qui souhaitent acquérir la nationalité de l’un d’entre eux.

3.12.

La gestion de la diversité est parfois incluse dans les politiques menées par les employeurs en matière de RSE et encouragée dans certains États membres. Alors que les politiques en matière de RSE pourraient être utilisées en soutien aux principes de gestion de la diversité, en l’absence de dialogue avec les syndicats et la société civile il est difficile de s’appuyer sur celles-ci pour assurer la gestion de la diversité.

3.13.

Certains États membres se détournent actuellement des stratégies en matière de diversité. Plus particulièrement, les pays d’Europe centrale et orientale utilisent un modèle de migration des travailleurs étrangers qui autorise essentiellement l’octroi de visas de court séjour à ceux-ci. Non seulement ce modèle s’est avéré inefficace sur le plan économique, mais il a aussi cautionné la discrimination et la xénophobie (17).

3.14.

Dans l’Union européenne, les données disponibles sur les origines ethniques et le contexte migratoire des travailleurs sont limitées. Ces données sont toutefois fondamentales pour suivre et améliorer la diversité dans le recrutement, les modèles de carrière et le maintien en poste des travailleurs. Tout en reconnaissant l’émergence de certaines inquiétudes au sujet du fait que la collecte de ces données pourrait constituer en elle-même une forme de discrimination, le CESE souligne que la législation européenne autorise la collecte de données en matière d’égalité lorsque ces dernières sont fournies volontairement, et conformément aux normes de protection des données, notamment au regard de leur confidentialité (18). Si l’on veut que les politiques d’égalité soient efficaces, les employeurs doivent adopter des approches fondées sur les bonnes pratiques existantes en matière de gestion de la diversité, qui comprennent la collecte de données sur l’égalité destinée à lutter contre la discrimination sur le lieu de travail. La collecte de données confidentielles à caractère personnel concernant l’origine ethnique, la religion et l’origine migratoire ne devrait avoir lieu qu’en présence des garanties appropriées, qui assurent le consentement éclairé, l’auto-identification, le caractère volontaire de la participation, le respect de la vie privée et de la confidentialité des données à caractère personnel, et ce en concertation avec les groupes exposés au risque de discrimination. Divers employeurs, ainsi qu’un grand nombre de syndicats et d’organisations de la société civile, adoptent déjà une approche de ce type visant à promouvoir l’inclusion et à améliorer la diversité de leur main-d’œuvre ou de leurs membres.

3.15.

Il est nécessaire de modifier le discours sur la gestion de la diversité, notamment en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises (PME). La diversité devrait être considérée comme un investissement présentant des avantages à long terme et non comme une charge administrative pour les PME ou une option limitée aux entreprises multinationales qui disposent de budgets importants. Les politiques d’inclusion devraient être mises en œuvre, avec la participation des syndicats, par toutes les entreprises, en particulier dans les secteurs caractérisés par une proportion élevée de travailleurs migrants ou appartenant à des minorités ethniques, comme la restauration, l’hôtellerie et le bâtiment.

3.16.

La «gestion de la diversité» ne devrait pas se borner au respect de quotas mais s’employer à éliminer les obstacles qui sont sources d’inégalités raciales sur le lieu de travail. Le racisme structurel se traduit par des situations où les travailleurs migrants et issus de minorités ethniques occupent, de manière disproportionnée par rapport aux autochtones, des emplois précaires, plus dangereux, faiblement rémunérés et à durée déterminée. Il est difficile de poursuivre en justice les cas de discrimination raciale indirecte et il est encore plus difficile de prouver le racisme institutionnel. Pour autant qu’elles soient mises en œuvre avec sérieux, les stratégies de gestion de la diversité peuvent être un outil efficace pour éliminer les discriminations fondées sur la race et l’origine migratoire.

4.   Comparaison entre les stratégies de gestion de la diversité appliquées dans quatre États membres de l’Union européenne

4.1.

Si les différences entre la France, l’Italie, la Finlande et la Pologne sont considérables en ce qui concerne les schémas migratoires, la situation du marché de l’emploi et le statut des minorités ethniques, ces quatre pays sont toutefois confrontés à des défis communs en matière de discrimination structurelle.

4.2.

Ces quatre États membres ont en commun la segmentation de leur marché du travail, les travailleurs migrants occupant essentiellement des emplois faiblement rémunérés et précaires. Cette situation est la plus marquée en Italie, suivie par la France. La même tendance s’observe actuellement en Pologne. Dans ces pays, la société civile demande que le statut des migrants soit régularisé. En Finlande, les données disponibles révèlent l’existence d’un écart de rémunération substantiel entre migrants et autochtones, mais ces données sont antérieures à la loi sur la non-discrimination adoptée en 2014.

4.3.

Dans tous les pays, le lien entre discrimination fondée sur le genre et contexte migratoire des femmes est très net. Il ressort en effet des données que les femmes de couleur subissent les discriminations les plus importantes sur le marché de l’emploi par rapport aux européennes blanches et aux hommes du même groupe ethnique.

4.4.

Les pouvoirs publics, les employeurs et la société civile jouent un rôle à des degrés variables dans la gestion de la diversité. Des chartes de la diversité ont été signées dans les quatre États membres dans le cadre de la plateforme européenne des chartes de la diversité. En 2015, la France a adopté un plan national de lutte contre le racisme, qui promeut le dialogue social. La Finlande suit pour sa part une approche fortement réglementaire, dans la mesure où le code pénal considère la discrimination comme une infraction et où les entreprises employant plus de 30 personnes sont légalement tenues d’élaborer des plans visant à promouvoir l’égalité sur le lieu de travail.

4.5.

La marginalisation des Roms et des Sintis, le groupe de population le plus touché par les discriminations en matière d’emploi, est un problème commun aux quatre États membres.

4.6.

Dans le cadre d’un programme de recherche avec la Belgique et la Suède, organisé au travers de sa charte de la diversité, l’Italie collabore avec les employeurs et les demandeurs d’emploi et partage ses bonnes pratiques relatives aux stratégies d’inclusion sur le marché du travail.

4.7.

Des politiques d’inclusion des migrants en Pologne sont élaborées de manière autonome par certaines ONG, les populations locales et des organisations de partenaires sociaux. En raison de la fragmentation du marché du travail, les initiatives existantes peinent à atteindre les migrants et à protéger leurs droits. L’aspect linguistique semble être moins problématique dans la mesure où la majorité des migrants sont originaires d’Ukraine, dont la langue est proche du polonais.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 7.

(2)  GEM (2018), Document d’orientation 37, UNESCO.

(3)  La Suède, les Pays-Bas et la France par exemple ont récemment adopté de telles politiques.

(4)  Voir le discours de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, du 17 juin 2020.

(5)  JO C 240 du 16.7.2019, p. 3.

(6)  ENAR, Shadow Report: Racism and Discrimination in Europe 2013-2017 (Réseau européen contre le racisme, Rapport parallèle: le racisme et la discrimination en Europe pour la période 2013-2017).

(7)  Conférence ministérielle européenne sur l’inclusion, 16 avril 2010.

(8)  EWSI.

(9)  EIN.

(10)  Commission européenne, Plateforme européenne des chartes de la diversité.

(11)  Fasani, F. & Mazza, J. (2020), Immigrant Key Workers: Their Contribution to Europe’s COVID-19 Response, («Les travailleurs immigrés dans les professions essentielles: leur contribution à la réaction de l’Europe à la COVID-19», note d’information JRC120537, Commission européenne.

(12)  ENAR (2020), Covid Impact Paper.

(13)  Rogalewski, A. (2018). Organising and mobilising Central and Eastern European migrant women working in care (Organiser et mobiliser les femmes migrantes d’Europe centrale et orientale qui travaillent dans le secteur de l’assistance), Dans Transfer, la revue européenne du monde du travail et de la recherche, 24(4), 421–436.

(14)  Ibidem.

(15)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Together in the EU: Promoting the participation of migrants and their descendants (Ensemble dans l’Union européenne: favoriser la participation des migrants et de leurs descendants), 2017.

(16)  www.sirius-project.eu

(17)  Penninx, R., Roosblad, J. (eds) (2000) Trade Unions, Immigration and Immigrants in Europe, 1960-1993. À Comparative Study of the Attitudes and Actions of Trade Unions in Seven West European Countries (Les syndicats, l’immigration et les immigrants en Europe de 1960 à 1993. Une étude comparative des attitudes et des actions des organisations syndicales dans sept pays d’Europe occidentale). New York: Berghahn.

(18)  ENAR (2016), Equality Data Collection: Facts and Principles.


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/14


Avis du Comité économique et social européen sur «Le dialogue social comme pilier important de la durabilité économique et de la résilience des économies, en tenant compte de l’influence du dialogue animé avec la société civile dans les États membres»

(avis exploratoire)

(2021/C 10/03)

Rapporteurs:

Cinzia DEL RIO

Vladimíra DRBALOVÁ

René BLIJLEVENS

Demande de la présidence allemande du Conseil

Lettre du 18 février 2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

9.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

252/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le dialogue social, au niveau national et européen, joue un rôle essentiel pour élaborer des politiques qui, sur le terrain de l’économie, du travail et du social, contribuent à réaliser entre les États membres une convergence vers le haut dans les conditions de vie et d’activité. La gestion de crise, l’anticipation des changements et leur conduite, la planification à long terme, la capacité à innover et à accompagner la transition verte et numérique, une gouvernance des entreprises saine et une coopération entre les partenaires sociaux qui sera basée sur la confiance et prendra appui sur les droits des travailleurs à l’information, à la consultation et à la participation sont autant de composantes d’un seul et même cadre d’action européen qui soit capable de relever avec efficacité les défis auxquels l’Europe est confrontée, ainsi que de faire face à la crise de la COVID-19.

1.2.

Le dialogue social a évolué: la montée en puissance de la mondialisation et de l’interconnexion dans les économies et les processus de production et l’empreinte laissée par les échanges tendent à intensifier des relations transnationales qui font intervenir des entreprises multinationales et des chaînes d’approvisionnement mondiales à différents niveaux, de sorte qu’il s’impose d’adopter une approche commune et coordonnée à l’échelle de l’Europe.

1.3.

Le CESE reconnaît qu’un dialogue social efficace doit inclure les éléments suivants: des partenaires sociaux représentatifs et légitimes, dotés du savoir, des compétences techniques et de la possibilité d’accéder en temps utile aux informations qui sont requis pour pouvoir jouer un rôle de parties prenantes; la volonté et la diligence nécessaires, de la part du politique, pour s’engager dans le dialogue social; le respect pour les droits fondamentaux desdits partenaires sociaux à l’autonomie, à la liberté d’association et à la négociation, qui restent encore et toujours au cœur même des relations entre employeurs et travailleurs; et, enfin, un cadre juridique et institutionnel émancipateur, qui soutienne les procédures du dialogue entre interlocuteurs sociaux grâce à des institutions en bon état de fonctionnement.

1.4.

Le dialogue social européen est l’un des éléments qui conditionnent l’existence même du modèle social européen; il est sanctionné par le traité, soutenu par la législation de l’Union européenne et reconnu par le socle européen des droits sociaux. Le CESE encourage les partenaires sociaux européens à tirer parti de toutes les potentialités que le traité leur offre afin d’engager des négociations qui abordent les nouvelles thématiques en rapport avec le marché du travail et les changements rapides dont il est le théâtre.

1.5.

Le plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux se penchera sur les moyens de renforcer le dialogue social et la négociation collective. Alors qu’il conviendrait de considérer qu’associer les partenaires sociaux au processus du Semestre européen est capital si l’on veut qu’il débouche sur des résultats concrets, les données montrent que dans certains pays, cette participation est décousue ou inexistante, bien que les recommandations par pays émises par la Commission européenne la préconisent expressément. Eu égard au rôle de choix qui sera dévolu audit Semestre dans la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et du programme «Next Generation EU», le CESE réclame la création d’un mécanisme qui octroie aux partenaires sociaux le droit d’être consultés, au niveau de l’Union comme à l’échelon national.

1.6.

Le CESE invite instamment la Commission européenne, en concertation avec les partenaires sociaux au niveau européen, à prévoir, par le truchement d’initiatives européennes, des critères clairs et transparents concernant la mise en œuvre des accords sectoriels entre partenaires sociaux, comme le prévoit l’article 155, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

1.7.

Les leçons qui peuvent être tirées de crises antérieures sont que les pays dotés d’institutions de dialogue social et de mécanismes de relations entre travailleurs et employeurs qui sont solidement implantés sont plus à même d’élaborer des stratégies tripartites pour une riposte rapide et efficace. En complément de l’élaboration de plans de long terme pour protéger et stimuler l’emploi en encourageant les entreprises durables et en réalisant des investissements sociaux, une association rapide et effective des partenaires sociaux à la démarche et le soutien apporté par les pouvoirs publics nationaux constituent des paramètres essentiels pour parer aux effets directs de la situation de crise.

1.8.

Il conviendrait, à tous les niveaux, de donner la priorité au taux de couverture de la négociation collective et à ses processus. Dans leur action, les pouvoirs publics devraient veiller au premier chef à ce que les régimes de protection sociale soient propres à inclure dans leur champ les groupes vulnérables de travailleurs et de citoyens.

1.9.

Une gouvernance d’entreprise saine, fondée sur le dialogue social, la négociation collective et le respect des droits des travailleurs à l’information, la consultation et la participation, donne la double possibilité d’engranger des performances économiques positives tout en atteignant des objectifs sociaux et environnementaux. Faciliter la prise de décisions de gestion éclairées dans certaines matières qui intéressent directement les salariés contribue à un modèle d’entreprise plus durable et plus équitable. Cette action concourt à promouvoir le modèle social de l’Europe, qui constitue un moteur de compétitivité pour ses entreprises.

1.10.

La mondialisation et le caractère de plus en plus transnational des processus de production ont modifié la manière dont se structurent les flux d’informations concernant l’entreprise. Les droits des travailleurs à l’information, à la consultation et à la participation sont consacrés par la législation de l’Union et revêtent une importance essentielle pour un dialogue social opérant; il s’impose d’améliorer la qualité et l’efficacité des comités d’entreprise européens (CEE) lors des processus transnationaux de restructuration; pour renforcer la démocratie sur les lieux de travail, il est nécessaire de remédier aux déficiences en la matière, et des mesures, assorties de sanctions agissantes et proportionnées, doivent être déployées pour garantir l’application des dispositions afférentes. En ce qui concerne la participation des travailleurs au niveau des conseils d’administration, le CESE a déjà préconisé d’établir, à l’échelle de l’Union, un cadre qui soit harmonisé tout en tenant compte de la variété des situations des États membres et des entreprises. Le droit européen des sociétés, tel qu’adopté, ne fait malheureusement pas droit à cette proposition.

1.11.

Le CESE encourage des démarches flexibles, concentrées sur le but poursuivi, et fondées sur des négociations entre les représentants des employeurs et des salariés, qui soient menées au niveau adéquat, pour définir les modalités spécifiques de l’information, la consultation et la participation des travailleurs, tout en assurant un environnement équitable pour le jeu de la concurrence et en offrant la protection minimum appropriée.

1.12.

Le CESE invite à agir au niveau européen et national pour assurer le respect des droits d’information et de consultation lors des processus de restructuration qui résultent de la crise de la COVID-19.

1.13.

Dans le cadre de la gestion de la crise qui résultera de la pandémie, le CESE recommande vivement: i) que les partenaires sociaux prennent part comme il se doit à la conception et à la mise en œuvre des plans de relance nationaux; ii) de favoriser une amélioration de la coopération entre les partenaires sociaux et la Commission européenne, de sorte à garantir une utilisation cohérente des ressources de l’Union; et iii) que la Commission européenne promeuve un nouvel instrument financier temporaire destiné à soutenir les activités extraordinaires qui doivent être menées au cours de la phase de redressement, comme le proposent conjointement les partenaires sociaux européens.

2.   Le dialogue social: comment en améliorer la promotion et le déploiement?

2.1.

La présidence allemande du Conseil de l’Union européenne a demandé au CESE d’axer le présent avis sur la manière dont le dialogue social, en particulier dans ses formats tripartites, peut aller plus loin que la simple négociation collective. Le dialogue social tripartite, tout comme celui de type bipartite, représente un instrument essentiel pour assurer la bonne gouvernance de tout processus de changement.

2.2.

Si l’on veut évaluer la fonction que le dialogue social et les modèles participatifs peuvent jouer pour réaliser des progrès sur la voie d’une convergence économique et sociale par le haut, ainsi que, dans ces temps de crise que nous connaissons aujourd’hui, pour nous aider à réagir face aux effets de la COVID-19 sur nos sociétés et nos économies, il est utile de rappeler l’évolution que cette notion a connue au niveau européen et international.

2.3.

Si les principales conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ont d’emblée reconnu pleinement le rôle que jouent des partenaires sociaux autonomes et représentatifs, la mission que le dialogue social assume pour concevoir des politiques socio-économiques et en suivre la mise en œuvre a évolué à mesure des changements qui se sont produits dans nos sociétés, ainsi que de l’avancée rapide de la mondialisation. La nécessité d’intégrer toutes les parties prenantes (1), au niveau transnational, national et local, suscite de nouvelles formes de consultation et de participation dans les processus d’élaboration des politiques, qui peuvent se situer à des échelons variés, non seulement suivant les contextes nationaux, mais aussi en fonction d’évolutions qui se produisent dans une région du monde donnée, à l’exemple du processus d’intégration européenne.

2.4.

Selon la définition qu’en donne l’OIT (2), le dialogue social inclut tous les types de négociation, de consultation ou d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, sur des questions d’intérêt commun qui ont trait à la politique suivie dans le domaine de l’économie et du travail ou en matière sociale. Il peut prendre la forme d’un processus tripartite, auquel le gouvernement participe directement, ou de relations bipartites entre les représentants des employeurs et des travailleurs, ou encore, suivant une tendance plus récente, s’effectuer à une échelle transfrontière (3), consistant dans ce cas à être mené dans un format transnational, au sein des entreprises multinationales et des chaînes mondiales d’approvisionnement, dans le contexte d’une économie de plus en plus mondialisée et interconnectée.

2.5.

Dans ses travaux actuels, le CESE s’emploie à répondre à la nécessité d’une approche cohérente qui, au niveau de l’Union européenne, fasse le lien entre le respect des droits de l’homme, la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) et la durabilité des investissements, en ce qui concerne l’ensemble des échanges commerciaux mondiaux, ainsi qu’à aborder la question des impacts produits par la montée en puissance des relations transnationales avec des multinationales, qui fait intervenir les partenaires sociaux. Ces thématiques se sont révélées être d’une pertinence toute particulière dans plusieurs avis spécifiques du CESE, comme ceux consacrés au devoir de diligence et au travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, que la présidence allemande et le Parlement européen lui ont demandé d’élaborer, dans la foulée des débats lancés lors des sommets du G7 et du G20 qui se sont tenus respectivement en 2015 et 2016. L’Union européenne s’est dotée d’un cadre réglementaire qui, composé de normes minimum en matière économique, sociale et environnementale, constitue un facteur essentiel de sa compétitivité.

2.6.

Le principal défi consiste toutefois à encourager cette concertation grâce à un encadrement institutionnel qui garantisse un processus régulier pour dialoguer avec les parties prenantes et les consulter. Il n’en va malheureusement ainsi ni dans la majeure partie des pays à l’échelle mondiale, ni dans certains États du continent européen, où le dialogue social ne représente qu’une démarche sporadique et décousue. L’État joue un rôle essentiel dans les mécanismes tripartites, et il ne peut rester passif (4). C’est à lui que revient la responsabilité de créer les conditions et le cadre juridique et institutionnel qui sont nécessaires pour mener cette consultation, ainsi qu’une ambiance de vie politique et d’engagement citoyen qui offre aux partenaires sociaux légitimes et représentatifs des possibilités de participation, en reconnaissant leur rôle. Dans certains pays, tout au contraire, on a assisté à un affaiblissement des processus de dialogue social et à une érosion de l’autonomie des partenaires sociaux (5).

2.7.

Il serait opportun que l’Union mène une action vigoureuse et résolue pour l’adoption d’une approche qui favorise davantage l’encadrement des pratiques de consultation (6).

2.8.

Dans bon nombre de ses avis, le CESE entreprend de suivre régulièrement l’évolution du dialogue social, sa mise en œuvre et sa qualité. Les partenaires sociaux ont un rôle spécifique à jouer (7) pour élaborer et transposer sur le terrain des politiques qui ont une incidence, directe ou indirecte, sur l’emploi et les marchés du travail. Le CESE se félicite par ailleurs de la position favorable exprimée par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, lorsqu’elle affirme qu’«il y a lieu d’encourager et de soutenir le dialogue social, en respectant l’autonomie des partenaires sociaux et la négociation collective et en développant les capacités de ces interlocuteurs à s’engager dans ce dialogue, grâce à un effort visant à les doter du savoir et de la formation nécessaires et à créer le cadre d’action et la structure juridique qui soient propres à donner à tous les intervenants sociaux la faculté d’intervenir efficacement» (8). Le dialogue social bipartite et la négociation collective, tels que menés à tous les niveaux, forment le cœur même des systèmes de relations entre employeurs et salariés, et ils jouent un rôle essentiel pour définir les conditions régissant les conditions de travail et le marché de l’emploi. Cette concertation bipartite devra être soutenue par un encadrement institutionnalisé qui l’encourage à bon escient, tout en respectant le principe de subsidiarité et l’autonomie des partenaires sociaux.

2.9.

Au niveau des États membres, les mécanismes de dialogue peuvent prendre la forme de conseils nationaux tripartites de l’économie et du travail, ouverts à diverses organisations de la société civile, ou encore de conseils économiques et sociaux, qui ont vocation à jouer un rôle de passerelles pour relayer les positions de la société européenne concernant les questions socio-économiques, par l’intermédiaire de groupes rassemblant des citoyens, de manière à enclencher cette forme de dialogue qui a pour visée d’aborder collectivement les défis qui se posent à nous, économiquement ou socialement parlant. Tous les pays de l’Union n’ont malheureusement pas créé de tels organes et le groupe de liaison du CESE avec les organisations et réseaux de la société civile organisée devrait jouer en la matière un rôle de coordination plus marqué.

3.   Le dialogue social européen, pilier du modèle social de l’Union

3.1.

Le dialogue social constitue une composante du modèle social européen, et il en est indissociable. Si le coup d’envoi passe pour en avoir été donné en 1985, avec les entretiens dits «de Val Duchesse», c’est le traité de Maastricht qui, reprenant les indications données par les partenaires sociaux, a institué le dialogue social interprofessionnel de niveau européen, tel que nous le connaissons aujourd’hui.

3.2.

Comme l’entérine le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (9), la promotion du dialogue entre patrons et travailleurs a rang d’objectif que l’Union européenne et les États membres poursuivent en commun. Quand ils coopèrent et concluent des accords, les partenaires sociaux du niveau interprofessionnel ou sectoriel contribuent à définir les contours que prend la législation de l’Union sur les questions en rapport avec le travail et sa mise en œuvre au niveau national. Pour intervenir en ce sens, soit ils emboîtent le pas à une initiative législative de la Commission, épaulant éventuellement le Parlement européen, soit ils agissent de leur propre chef, sur la base d’un programme de travail de trois ans, qu’ils ont eux-mêmes défini. En outre, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se porte garant de leur rôle et de leur autonomie.

3.3.

Au cours des vingt dernières années, le dialogue social européen s’est développé de manière très inégale, réalisant des progrès, mais enregistrant aussi des reculs. En 2009, le déclenchement de la crise de la zone euro lui a globalement imprimé une nette détérioration.

3.4.

Dans son avis sur les lignes directrices de l’Union pour l’emploi de 2020 (10), le CESE insiste sur celle portant le numéro 7, «Améliorer le fonctionnement des marchés du travail et l’efficacité du dialogue social», qui affirme très clairement que les États membres devraient encourager le dialogue social et les négociations collectives à tous les niveaux. Il conviendrait d’inciter les partenaires sociaux à négocier et conclure des conventions collectives dans les matières de leur ressort, tout en respectant pleinement leur autonomie.

3.5.

Jusqu’à présent, les partenaires sociaux européens ont conclu neuf accords-cadres au titre des programmes communs de travail qu’ils adoptent à intervalles réguliers. Trois d’entre eux, dont la conclusion remonte à plus de vingt ans, et qui portent sur le congé parental (11), le travail à temps partiel (12) et le travail à durée déterminée (13), ont été coulés en directives européennes, et font ainsi partie intégrante du corpus juridique de l’Union européenne, tandis que les autres ont revêtu la forme d’accords autonomes (14) et de cadres d’action (15), et comportent un certain nombre de documents annexes. Les accords autonomes n’exercent pas d’effet direct sur les relations nationales entre employeurs et travailleurs, et nécessitent une transposition dans le cadre juridique ou les conventions collectives du pays concerné, mais les partenaires sociaux sont responsables de les mettre en œuvre, dans leurs pays respectifs, en temps voulu et d’une manière qui soit appropriée et coordonnée à l’échelle de l’Europe.

3.6.

En 2020, les partenaires sociaux ont dégagé un accord autonome sur la numérisation, plaidant pour que soit conclue une stratégie sur le changement numérique qui garantisse que l’introduction des technologies numériques profite aux entreprises comme aux travailleurs, grâce au développement des compétences, à des programmes de formation en rapport avec la numérisation, ainsi qu’à des mesures traitant des modalités de connexion et de déconnexion.

3.7.

Le sous-groupe qui, au sein du comité du dialogue social, traite de la mise en œuvre d’instruments pour un dialogue social autonome qui aident les organisations de partenaires sociaux à développer leurs capacités devrait se pencher sur la nécessité de resserrer et d’intensifier les interactions et les points d’articulation entre les partenaires sociaux du niveau européen et de l’échelon national. À cet égard, les partenaires sociaux européens se sont engagés à agir de façon plus résolue pour affronter les différents obstacles qui entravent la mise en œuvre de leurs accords autonomes, que l’Union se devrait de suivre de plus près, afin de cibler des initiatives de soutien spécifiques.

3.8.

Enfin, six programmes de travail communs ont été négociés. Le dernier en date (16) soutient les objectifs de la déclaration quadripartite de 2016 sur le thème «Un nouveau départ pour le dialogue social» (17), qui ambitionne de renforcer le dialogue social au niveau européen et national, négocier un accord autonome sur la numérisation, augmenter l’aide au développement des capacités en faveur des partenaires sociaux européens, en particulier par le truchement du Fonds social européen, et stimuler le rôle et l’influence des partenaires sociaux européens en ce qui concerne le Semestre européen.

3.9.

Le CESE encourage les partenaires sociaux européens à exploiter pleinement tout le potentiel que les traités, en l’occurrence par l’article 154 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, leur offrent pour engager des négociations, lesquelles peuvent jeter les bases d’un encadrement remis à neuf dans les domaines en rapport avec les aspects sociaux et le travail, de manière à ce qu’ils puissent relever les nouveaux défis nés des changements rapides qui se produisent sur le marché de l’emploi, et qu’ils jouent un rôle d’éclaireurs au bénéfice du travail législatif de la Commission et du Conseil en la matière.

3.10.

Le dialogue social sectoriel de niveau européen a pour base juridique la décision 98/500/CE du 20 mai 1998 (18), qui institue des comités de dialogue social sectoriel (CDSS). Ils sont actuellement au nombre de 43, s’étendant à des secteurs de première importance (19) et s’appliquant à environ 80 % de la main-d’œuvre de l’Union (20). Bon nombre d’accords sectoriels ont été mis en œuvre par des décisions du Conseil, mais la Commission s’est abstenue, dans l’intention de les convertir en directives, de lui soumettre deux de ces propositions émanant des partenaires sociaux, à savoir l’accord conclu dans le secteur de la coiffure, de 2012, et celui concernant les droits à l’information et à la consultation dans les gouvernements centraux ou fédéraux, de 2015. Il s’est agi là d’un cas de figure inédit, qui a abouti au dépôt d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne.

3.11.

Il est nécessaire de pouvoir s’appuyer sur des procédures claires pour négocier au niveau de l’Union des accords entre partenaires sociaux qui soient conformes aux traités (articles 153 à 155), ainsi que sur des critères transparents qui respectent l’autonomie dont ils doivent disposer pour exploiter les résultats de ces tractations dans des négociations sectorielles ou intersectorielles. En coopération avec l’ensemble des partenaires sociaux au niveau européen, la Commission devrait apporter des clarifications, pour éviter qu’une marge d’action discrétionnaire, aux contours imprécis, ne lui soit concédée concernant le traitement desdits résultats.

3.12.

Le dispositif de dialogue social de l’Union concerne également les entreprises européennes qui exercent leurs activités dans plusieurs de ses États membres, et s’articule au premier chef autour du droit des travailleurs à être informés et consultés (21). Pour assurer sa mise en œuvre opérationnelle et permanente, le plus important des instruments européens qui ait été créé par le législateur de l’Union est la directive sur les comités d’entreprise européens (CEE) (22).

3.13.

Plus de 1 100 accords ont été négociés pour créer ou relancer des comités d’entreprise européens ou autres instances transfrontières de représentation des travailleurs, par exemple dans le cas des sociétés européennes (SE) ou des coopératives européennes. Plus récemment, le dialogue social avec les entreprises multinationales a fait un usage accru des accords d’entreprise transnationaux (AET), qui se fondent sur un large éventail de textes signés par différents acteurs, et tout particulièrement par les fédérations syndicales européennes et les comités d’entreprise européens (CEE) (23). On recense plus de 200 de ces accords d’entreprise transnationaux qui visent à moderniser les relations employeurs-salariés dans des entreprises multinationales (24). Cette strate du système de relations entre acteurs du monde du travail au sein de l’Union gagnerait en efficacité si elle pouvait disposer d’un outil plus pratique pour fournir des orientations à l’intention des négociations collectives transfrontières.

3.14.

Toute cette activité témoigne du dynamisme du dialogue social à tous les niveaux, même si, au fil de cette évolution, il peut nécessiter de créer des outils pour répondre efficacement aux besoins que les entreprises et les travailleurs ont ressentis tout récemment du fait des évolutions rapides qui se produisent dans l’organisation du travail et dans ses mutations. Signée en 2018 et promue par la Commission (25), la déclaration quadripartite intitulée «Un nouveau départ pour le dialogue social», marque un effort pour adapter le dialogue social interprofessionnel au nouvel environnement institutionnel européen, en donnant un rôle plus affirmé à la gouvernance économique de l’Union visant à induire une convergence par le haut dans les conditions de vie et de travail de tous les Européens.

3.15.

Transformer notre monde: le programme de développement durable à l’horizon 2030. Le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et ses 17 objectifs de développement durable (ODD) reconnaissent, en l’occurrence dans les ODD 8, 16 et 17, que le dialogue social peut renforcer les institutions (démocratiques) et faciliter la transition vers une économie plus durable, en développant une manière commune d’appréhender les défis à relever et la voie à emprunter pour y parvenir. C’est pour cette raison que les partenaires sociaux apparaissent comme des acteurs essentiels quand l’enjeu consiste à réformer et moderniser nos sociétés et nos économies. Ils peuvent apporter une contribution à la plupart des objectifs de développement durable et intégrer des composantes de durabilité dans notre action dans une mesure bien plus étendue que nous ne le faisons aujourd’hui. Pour élargir le champ couvert par les négociations, il est nécessaire de pouvoir compter sur des stratégies et partenariats neufs (26). Un dialogue social pratiqué sous le signe de l’autonomie et de l’indépendance constitue un élément essentiel pour articuler une action sociale avec une politique économique solide et une stratégie qui favorise une croissance économique durable, la compétitivité et le progrès de la société dans l’ensemble des États membres et des pays de l’espace économique européen (27).

3.16.

Si l’on veut qu’il garde son utilité, il conviendra que le dialogue social se penche sur de nouvelles thématiques et aborde les changements qui interviennent sur le marché du travail, et il devra déboucher sur des résultats concrets. Avec l’arrivée de nouvelles formules de travail échappant aux schémas classiques, un certain flou peut s’installer dans les relations des travailleurs avec leur employeur, tandis qu’ils sont de plus en plus nombreux à ne pas être couverts par la négociation collective ou une protection d’ordre légal. Il s’agit là d’une problématique qui pourrait être abordée par le dialogue social, lequel est susceptible de contribuer à dégager un consensus entre travailleurs et entreprises pour couvrir la durabilité dans toutes ses dimensions.

3.17.

Le dialogue social tripartite peut devenir plus efficace s’il favorise des négociations concrètes et privilégie l’obtention de résultats pratiques à tous les niveaux. Des marges existent pour améliorer le fonctionnement des instances de dialogue social et des processus consultatifs de type tripartite, en particulier en Europe centrale et orientale, de telle manière qu’ils produisent réellement un impact et qu’ainsi, les partenaires sociaux s’engagent davantage, en temps utile et en pesant de tout leur poids, pour ce qui est d’élaborer des politiques et de prendre des décisions. Le projet que l’OIT et la Commission mènent actuellement en la matière s’efforce de repérer les bonnes pratiques qui se dégagent du dialogue social, telles qu’elles émergent dans divers pays, ainsi que de cerner l’action des pouvoirs publics visant à renforcer le rôle que cette concertation sociale, dont la négociation collective, peut jouer pour relever les nouveaux défis d’un monde du travail rénové et gérer les perspectives inédites qu’il ouvre, tout en favorisant par ailleurs l’autonomie des partenaires sociaux (28).

3.18.

Le socle européen des droits sociaux (29) reconnaît l’autonomie des partenaires sociaux, ainsi que leur droit à mener des actions collectives et à être associés, notamment grâce à des conventions collectives, à la conception et la mise en œuvre des politiques menées en matière d’emploi et dans le domaine social. Il réaffirme le rôle crucial que le dialogue social et les partenaires sociaux, ainsi que la négociation collective, jouent à tous les niveaux.

3.19.

Un plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux examinera les moyens d’encourager le dialogue social et la négociation collective, ainsi que de développer les capacités des syndicats et des fédérations d’employeurs, au niveau de l’Union et à celui des États membres.

3.20.

Il conviendrait que les partenaires sociaux soient associés au Semestre européen de la gouvernance économique, en particulier pour ce qui est d’élaborer et de mettre en œuvre les réformes et politiques concernant le travail et les matières sociales, ainsi que, le cas échéant, celles touchant à l’économie, qu’elles découlent des recommandations par pays spécifiques ou obéissent à des dynamiques nationales, et ils devraient, en outre, prendre part à la préparation des programmes nationaux de réforme (30).

3.21.

Bon nombre de voix soulignent que c’est dans une poignée de pays seulement que les pouvoirs publics nationaux associent les partenaires sociaux à cette démarche, et que les données recueillies année après année montrent que leur consultation éventuelle dans le cadre de la gouvernance économique est laissée à l’appréciation des gouvernements en place. La situation est pire encore dans les États membres où les structures et pratiques en matière de dialogue social restent affectées par des carences héritées de l’histoire. En tout état de cause, les partenaires sociaux nationaux ne possèdent pas toujours les capacités nécessaires pour participer à ce processus exigeant d’une manière qui anticipe les difficultés à venir (31).

3.22.

La coordination qui est effectuée dans le cadre du Semestre européen, ainsi que sous l’action du Conseil, au moyen du Comité de l’emploi, ne produit pas toujours des résultats satisfaisants pour toutes les parties. Eu égard au rôle éminent qui sera dévolu audit Semestre dans la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et du programme «Next Generation EU», il conviendrait d’envisager, à chacune des étapes dont se compose ce processus, de créer un mécanisme qui octroie aux partenaires sociaux le droit d’être consultés, au niveau de l’Union comme à l’échelon national. Par une modification du train de mesures «à six composantes» (32) («six-pack»), il serait possible d’instaurer une disposition qui obligerait les gouvernements nationaux à consulter les partenaires sociaux à chacune des échéances du Semestre concernant leur pays, en fixant des critères voulant, par exemple, que cette consultation s’effectue en temps opportun, et qu’elle soit significative et opportune [voir l’article 2 bis, paragraphe 2, points c), d) et e), du règlement (CE) no 1146/97, tel que modifié par le règlement (UE) no 1175/2011].

3.23.

Les conclusions auxquelles aboutissent certaines recherches (33) révèlent que les partenaires sociaux n’ont pas toujours la possibilité de prendre part à cette démarche exigeante d’une manière qui anticipe activement les défis du futur. La Commission devrait, notamment en engageant des ressources du Fonds social européen, promouvoir et encourager les actions de développement des capacités en faveur des partenaires sociaux, dans le but de renforcer les cadres et pratiques de dialogue social à l’échelon national. Ces partenaires sociaux pourraient ainsi conforter leur aptitude, cruciale, à définir un cap en ces temps de transition verte et numérique. Sur ce point, les «capacités» ne se résument pas seulement à un problème interne, consistant à disposer, ou non, des moyens financiers et des ressources qui sont requis, mais constituent également une problématique structurelle, tributaire de l’encadrement donné aux relations entre travailleurs et employeurs. Il y aurait lieu de soutenir davantage les actions de formation propres à développer les capacités des partenaires sociaux, ainsi que d’encourager les facteurs qui incitent à engager des négociations bipartites au niveau d’un secteur ou d’une entreprise, tout en respectant leur autonomie en matière de négociation collective.

3.24.

Il conviendrait d’accentuer encore le soutien qui, au titre des programmes opérationnels du Fonds social européen, est apporté au développement des capacités. En dépit de l’instauration du code de conduite sur le partenariat, grâce auquel les partenaires sociaux devraient exercer une plus grande influence sur le contenu de ces programmes, les autorités de gestion n’octroient aucune aide aux partenaires sociaux pour développer leurs capacités. La proposition de règlement relatif au FSE+ devrait comporter des mesures pour une telle assistance et des informations sur la manière de plaider auprès des autorités de gestion pour qu’elles agissent davantage afin de mieux aider les partenaires sociaux à combler leurs besoins concernant le développement de leurs capacités. Sur ce point, les recommandations par pays ressortissant au domaine social, dont celles pour 2020, énumèrent les pays dans lesquels il est nécessaire, plus que dans d’autres, de fournir une assistance aux partenaires sociaux.

3.25.

Il conviendrait par ailleurs que l’Union et les gouvernements nationaux consultent les organisations de la société civile et les structures de dialogue civil, en particulier quand il en va de politiques spécifiques, pour lesquelles elles sont susceptibles d’apporter une valeur ajoutée.

4.   Analyse des expériences de la dernière crise financière (2008-2010) et leçons tant positives que négatives à en tirer

4.1.

Dans les périodes marquées par une crise, comme la dernière en date, celle de 2008-2010, le recours au dialogue social tend à se profiler comme un outil propre à dégager des solutions. Les réactions des partenaires sociaux ont clairement visé soit à préserver l’emploi et à éviter des licenciements, soit à limiter l’ampleur et les conséquences des pertes d’emplois. Le dialogue social représente un instrument appréciable que les gouvernements ont encouragé, dans certaines circonstances, pour lutter contre les retombées économiques et sociales dommageables de la crise économique mondiale. «La négociation collective a été utilisée comme outil pour éviter le pire, en l’occurrence les licenciements, les pertes d’emploi massives et les fermetures d’entreprises» (34).

4.2.

Trois grands facteurs ont déterminé les réactions des partenaires sociaux de chaque pays face aux effets produits sur le marché du travail par la crise financière: l’intensité qu’elle y a atteinte, la structuration institutionnelle qu’y présentaient les relations entre employeurs et travailleurs et, enfin, les décisions arrêtées par les gouvernements nationaux. Dans les États qui disposent d’institutions de dialogue social solidement implantées, les partenaires sociaux ont participé activement à l’élaboration de réponses tripartites, rapides et efficaces, au niveau des secteurs ou des entreprises. Ces interventions se sont effectuées selon des schémas qui ont présenté des variations sensibles d’un État membre à l’autre. Un des paramètres essentiels qui ont déterminé la réussite ou l’échec du dialogue social semble avoir été l’ampleur du soutien que les pouvoirs publics ont accordé au processus, tout comme l’association en temps voulu des partenaires à la démarche (35). Le canevas général qui a pu être dégagé se présente comme suit: dans la première phase de la crise, en 2008-2010, les partenaires sociaux ont pris l’initiative, dans un climat de tensions économiques aiguës, en s’assignant comme objectif commun de préserver les postes de travail existants et le niveau général de l’emploi par le recours à des stabilisateurs automatiques sociaux, lorsqu’il en existait. Cette action ne s’est pas opérée seulement par le canal des négociations tripartites nationales, mais elle s’est également traduite par des accords collectifs bilatéraux qui ont été conclus soit au niveau du secteur ou de la branche concernés, soit à celui de l’entreprise (36).

4.3.

Lors de la seconde phase de la crise, durant la période 2011-2014, on a noté en revanche qu’elle produisait des répercussions nombreuses et significatives sur divers aspects des relations entre travailleurs et employeurs dans les États membres (37), l’une d’entre elles étant qu’elle débouchait sur une tendance à décentraliser davantage la négociation collective. En ce qui concerne certains pays de l’Union, cette décentralisation s’est combinée avec une prise de décision plus unilatérale de la part des pouvoirs publics, si bien que les négociations menées avec des employeurs multiples ont régressé, et que le taux de couverture des conventions collectives a chuté. Dans les systèmes de relations entre partenaires sociaux des pays d’Europe centrale et orientale, on a également constaté un mouvement à réduire le nombre des structures et procédures tripartites et dans lesquelles la participation était facultative (38).

4.4.

Les États membres où la crise a produit les répercussions les plus sévères sur le dialogue social sont ceux qu’elle a frappés de la façon la plus dure du point de vue économique et social. En Grèce, en Irlande, au Portugal ou en Espagne, par exemple, les partenaires sociaux n’ont guère eu de marge de manœuvre, vu l’ampleur des ajustements économiques auxquels ces États ont été contraints de procéder (39). Dans les pays nordiques et ceux d’Europe centrale, les systèmes de relations entre employeurs et travailleurs ont montré un plus grand potentiel de flexibilité, tant pour les acteurs que pour les processus, par exemple pour ce qui est des clauses d’ouverture dans les accords collectifs, de sorte qu’ils ont pu s’adapter plus aisément aux changements intervenus dans leur environnement économique. En conséquence, les relations solides nouées entre les partenaires sociaux ont abouti dans une plus large mesure à des résultats positifs.

4.5.

Des mesures de deux types ont été engagées pour atténuer les effets de la crise, les premières s’attachant à éviter les licenciements et les secondes, à en adoucir les effets. Les actions visant à les prévenir ont notamment consisté à instaurer des dispositifs de chômage partiel, qui ont pris différentes formes selon les pays concernés, mais il est aussi apparu de manière évidente que certains segments de la population et les catégories vulnérables d’actifs œuvrant dans un contexte de travail non classique n’étaient couverts par aucune forme de protection sociale, de sorte que dans leur politique, les pouvoirs publics devraient viser, à titre de priorité, à ce que toute la population soit intégrée dans les régimes de sécurité sociale, et que les services qu’ils fournissent soient efficaces. Ces dispositifs de temps partiel et les périodes de chômage donnant lieu à des prestations ont été complétés par des actions de mise à niveau des compétences et de reconversion. Dans bien des cas, pareille démarche a pu être considérée comme un bon moyen d’affronter la crise, et il convient de continuer à la tenir pour telle.

4.6.

Dans la seconde catégorie des réactions visant à atténuer les effets de la crise, on trouve tout à la fois les négociations sur les indemnités de licenciement, dont les travailleurs étaient très demandeurs, et les accords conclus entre syndicats et employeurs pour aider les personnes licenciées à réintégrer le marché du travail. Ces conventions ont pris différentes formes, en fonction du contexte institutionnel propre à chaque pays: aux Pays-Bas, par exemple, il a pu s’agir de mécanismes de transition d’un emploi à un autre, en Allemagne, de sociétés de transfert professionnel, en Suède, de la création de conseils pour la sécurité de l’emploi, ou encore, en Autriche, de fondations pour le travail. Souvent, l’action ainsi entreprise s’est doublée d’une offre de conseil, de mesures de redéploiement, d’actions de reconversion professionnelle ou d’informations sur les emplois vacants. Toutes les mesures qui forment cet arsenal sont répertoriées dans la publication de la Commission européenne intitulée «Industrial relations in Europe 2010» (Les relations entre employeurs et travailleurs en Europe 2010) (40).

4.7.

Le dialogue social a un rôle essentiel à jouer pour ce qui est d’élaborer en temps voulu des actions ciblées pour soutenir l’emploi et la reprise économique en temps de crise, mais il ne peut à lui seul résoudre tous les problèmes. Dans un contexte de crise tout particulièrement, il est crucial de pouvoir compter sur des politiques et réglementations publiques solides et un encadrement budgétaire adéquat (41).

5.   Associer les travailleurs à la gestion de l’entreprise: une réponse pour réussir le changement

5.1.

Pour la définir de manière sommaire, on peut dire que la démocratie dans les relations entre partenaires sociaux consiste en ce que les processus qui se déroulent dans les entreprises «durables» (42) soient gérés sur la base du dialogue social, de la négociation collective et de l’information, la consultation et la participation des travailleurs (43). Lorsque la gouvernance de l’entreprise est saine, il devient possible tout à la fois d’obtenir des résultats économiques positifs et d’atteindre des objectifs sociaux et environnementaux. Le dispositif qui a cours aujourd’hui est constitué d’une combinaison de textes de lois et de mesures pratiques et spécifiques, qui prennent en compte les habitudes et les particularités du dialogue entre partenaires sociaux au sein de chaque entreprise. La mondialisation et les processus de production transnationaux ont modifié la manière dont se structurent les flux d’informations concernant l’entreprise (44). L’importance que revêt une coopération confiante entre employeurs et salariés a été prouvée à bien des occasions, dont, le plus récemment, lors de la pandémie de COVID-19.

5.2.

L’information et la consultation des travailleurs, ainsi que leur participation, sont des droits fondamentaux, sanctionnés par les instruments régissant les droits de l’homme, qu’ils soient internationaux, émanant de l’Organisation internationale du travail, ou européens, adoptés par le Conseil de l’Europe ou l’Union européenne, et elles revêtent une importance essentielle pour un dialogue social qui soit opérant.

5.3.

Au niveau européen, la participation des travailleurs favorise l’échange d’informations, en temps utile, avec leurs représentants au sein des mécanismes de dialogue social, aide à élaborer avec eux des décisions de gestion éclairées dans certaines matières qui intéressent directement les salariés et contribue à un modèle d’entreprise plus durable et plus équitable Cette action concourt à promouvoir la notion d’un marché économique à caractère social, dans lequel le modèle social de l’Europe apparaît comme un moteur de compétitivité pour ses entreprises.

5.4.

Au niveau de l’Union, toute une batterie de textes législatifs ont fixé des normes minimum (45) et définissent les droits des travailleurs à être informés, consultés et représentés au niveau des conseils d’administration: il s’agit, en particulier, de la directive sur l’information et la consultation et de celle sur les comités d’entreprise européens (CEE) (46), ou encore des actes juridiques qui régissent des formes particulières d’entreprises, comme les sociétés européennes (SE) et les sociétés coopératives européennes (SCE), ou encore des situations spécifiques, telles que les fusions transfrontières, les transferts d’entreprises ou les licenciements collectifs. Les comités d’entreprise européens (et ceux des entreprises européennes) sont des instances qui informent et consultent les travailleurs sur les questions transnationales, et ils sont particulièrement pertinents pour le salariat européen. Ils jouent un rôle important pour l’intégration progressive entre les États membres de l’Union européenne et au sein de son marché unique (47). Comme la Commission l’a souligné dans son rapport, une marge d’amélioration existe pour ce qui concerne la qualité et l’efficacité de l’information et de la consultation des comités d’entreprise européens relatives aux restructurations d’entreprises (48).

5.5.

Si l’on constate que les travailleurs exercent une participation au niveau du conseil d’administration dans la majeure partie des États membres, il n’existe pas, en la matière, de socle commun au niveau européen et, en conséquence, la démarche qui est suivie dans ce domaine se décline en pratiques variables, propres aux différents cadres nationaux concernés. Dans son avis SOC/470 (49), le CESE avait déjà lancé un appel pour qu’un cadre harmonisé concernant la participation des travailleurs soit créé au niveau de l’Union européenne. Le train de mesures de 2019 sur le droit des sociétés, qui a été adopté, ne fait malheureusement pas droit à cette proposition.

5.6.

Dans son principe no 8, le socle européen des droits sociaux précise que les travailleurs et leurs représentants ont le droit d’être informés et consultés en temps opportun sur les questions qui les intéressent. Vue dans cette perspective, la participation des travailleurs revêt une portée stratégique pour gérer les transitions, s’agissant de relever les défis écologiques, démographiques et technologiques et d’accompagner les modifications dans l’organisation du travail ou les restructurations (50). Le CESE appelle les institutions européennes et nationales à agir pour assurer que ces processus de réorganisation respectent les droits d’information, de consultation et de participation des travailleurs.

5.7.

Les mesures législatives européennes dans le domaine de la santé et de la sécurité des travailleurs soulignent et intègrent le rôle indispensable que la représentation des salariés joue également dans ces matières. Les accords tripartites et bipartites qui ont été conclus dans certains pays européens pour juguler la diffusion de la COVID-19 dans les entreprises constituent des exemples de mesures que les partenaires sociaux ont su prendre, conjointement et de manière volontariste, dans ce domaine de la santé et de la sécurité sur le lieux de travail.

5.8.

Durant la crise de la COVID-19, on a pu, d’une part, relever, un peu partout en Europe, des exemples d’un dialogue social positif, mené au niveau des entreprises, pour y préserver l’emploi et réaliser un retour sur le lieu de travail en pleine sécurité, tout en assurant la poursuite de leur activité économique, mais on constate par ailleurs que les droits des travailleurs à être informés et consultés n’ont pas toujours été respectés sur le territoire européen, y compris lors de la phase d’urgence, notamment pour ce qui est des restructurations et des mesures à prendre pour protéger leur sécurité et leur santé au travail et éviter qu’ils n’exercent leur activité dans des conditions à risque. Il est nécessaire d’agir au niveau européen et national pour assurer le respect des droits d’information et de consultation lors des processus de restructuration qui résultent de la crise de la COVID-19.

5.9.

Des jalons supplémentaires doivent être posés au niveau européen pour combler les lacunes concernant la démocratie en entreprise et pour la renforcer. L’objectif consiste à garantir des protections et droits minimum d’un niveau approprié pour ce qui est d’informer les travailleurs, de les consulter et d’assurer leur représentation au niveau des conseil d’administration dans les contextes transfrontières où les législations nationales ne peuvent s’appliquer de manière coordonnée et équitable. Il est nécessaire de disposer d’un cadre transversal effectif concernant les droits d’information, de consultation et de représentation transfrontière des travailleurs dans les formes de sociétés de l’Union et les entreprises qui utilisent les instruments de mobilité interne. Pour garantir que les comités d’entreprise européens jouent bien leur rôle, il y a lieu de cerner quelles sont les lacunes concernant l’accès à l’information relativement aux activités que la firme concernée mène hors Union et à leur impact sur l’emploi et les conditions de travail. Dans la mise en œuvre de la directive sur les comités d’entreprise européens, il conviendrait de renforcer les mesures visant à en assurer la bonne exécution, en les assortissant de sanctions efficaces et proportionnées applicables aux situations où des manquements ont été constatés.

5.10.

Il s’impose également de garantir que les droits d’information et de consultation soient respectés en ce qui concerne les travailleurs du secteur public. Le CESE invite la Commission à agir pour veiller à ce que l’accord des partenaires sociaux soit exécuté correctement.

5.11.

En matière de participation des travailleurs, on relève des disparités dans les pratiques nationales. Il convient tout particulièrement de s’assurer que les représentants des travailleurs désignés dans les instances de gestion et de surveillance en conformité avec les règles européennes et nationales (51) puissent mener à bien leurs missions, telles que prévues par la législation de l’Union européenne et des États membres. Par ailleurs, il est nécessaire de garantir que les travailleurs soient dûment informés et consultés, en temps utile, sur les projets de leur entreprise et leurs retombées éventuelles sur l’emploi et les conditions de travail, conformément à la directive.

6.   Le dialogue social pour une reprise durable et inclusive après la COVID-19

6.1.

Nombre d’organisations et d’institutions, parmi lesquelles l’OIT, l’OCDE, la Commission européenne et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, de même que les partenaires sociaux européens, ont, de manière régulière, compilé, diffusé et mis à jour des informations sur les mesures qui ont été prises au niveau national, afin, dans un premier temps, de faire face à la phase d’urgence et, ensuite, de restaurer l’activité économique et d’élaborer des programmes de relance.

6.2.

Dans certains pays, des accords bipartites ou tripartites ont été signés dès le déclenchement de la pandémie et complétés par diverses conventions sectorielles entre employeurs et syndicats visant à instaurer des mesures pour préserver la santé et la sécurité sur les lieux de travail.

6.3.

Les États membres n’ayant pas suffisamment réagi de manière coordonnée lorsque la crise de la pandémie a éclaté, il est clair qu’il leur faudra, dans la phase de relance, adopter une approche fondée sur la solidarité mutuelle pour assurer l’avenir de l’Europe.

6.4.

Dans leur déclaration commune sur la situation d’urgence créée par la COVID-19, les partenaires sociaux européens, à savoir la CES, BusinessEurope, le CEEP et SME United, ont réclamé avec la plus grande insistance que les États membres associent les partenaires sociaux de leurs pays respectifs à la conception et la mise en œuvre de mesures nationales. Toutefois, leur contribution active et effective dépendra non seulement de leurs propres aptitudes, mais aussi de la capacité de leurs gouvernements à reconnaître le rôle qu’ils doivent jouer pour contenir la pandémie et faire face à ses conséquences socio-économiques. Nous disposons d’exemples convaincants concernant une gestion de crise que les partenaires sociaux, dont ceux des secteurs à l’échelle européenne, ont menée avec un souci d’anticipation, suivant des schémas tantôt tripartites, tantôt bipartites. Dans certains pays d’Europe, les conventions collectives visaient à faire barrage au virus en instaurant un environnement d’activité professionnelle qui soit sûr, en prenant des dispositions de travail spécifiques, et en déployant des filets de protection dans le cadre de la sécurité sociale, comme les congés maladie ou les congés parentaux.

6.5.

Le plan de relance de l’Union, qui comprend la proposition de la Commission intitulée «New Generation EU», ainsi que toutes les mesures déjà adoptées sous la forme de fonds spécifiques, subventions et prêts de la Banque centrale européenne et de la Banque européenne d’investissement, offre indubitablement un puissant arsenal de mesures financières, qui devrait mobiliser l’investissement public et privé, en vue de favoriser une croissance durable et des emplois de qualité.

6.6.

Lors du sommet tripartite du 23 juin 2020, les partenaires sociaux ont souligné qu’il était nécessaire d’investir dans le secteur de la santé publique et dans les services les plus durement touchés durant cette période, ainsi que de réaliser des investissements structurels en faveur d’une transition écologique, d’une mutation numérique et de technologies novatrices qui stimulent la compétitivité de l’Europe, en soutenant un emploi de qualité, la formation et le progrès social et économique, dans un cadre européen coordonné.

6.7.

Il est capital que le plan de relance de l’Union soit, à tous les niveaux, bâti sur une participation des partenaires sociaux et mis en œuvre avec leur concours. Le dialogue social représente un outil essentiel de bonne gouvernance en période de crise. Les consultations et débats menés à l’échelon tripartite confèrent aux politiques une architecture de grande qualité pour répondre à la crise, mobiliser les partenaires sociaux dans leur mise en œuvre et tisser entre eux des liens de confiance, de manière à surmonter les problèmes, tout en favorisant la cohésion sociale et la résilience de nos économies. C’est également avec le concours des pouvoirs publics locaux qu’il est possible de déterminer quel est l’impact de la crise pour les travailleurs, les entreprises et les communautés à l’échelle locale, cet inventaire revêtant une importance capitale pour l’adoption de mesures temporaires arrêtées de commun accord, et pour le dégagement d’un consensus autour de plans de relance à moyen et long terme.

6.8.

Il y a lieu de définir des plans nationaux pour allouer des ressources européennes sur la base d’une planification visant le moyen et le long terme, en évitant un saupoudrage de ces moyens et en tenant compte des vulnérabilités qui sont apparues lors de la phase d’urgence, ainsi que de la montée des inégalités au sein de la société.

6.9.

Dans certains pays de l’Union, le dialogue social s’est révélé efficace pour que soient adoptées, de manière rapide et agissante, une série de mesures d’urgence fortes qui aident les entreprises à survivre et, ainsi, à préserver l’emploi et maintenir les travailleurs sur le marché de l’emploi, en contribuant à mettre en place des régimes de travail à temps partiel, dans un but d’atténuation des effets de la crise pour la main-d’œuvre, et à offrir, aux travailleurs comme à leurs employeurs, un horizon de planification sécurisé.

6.10.

On relèvera toutefois que, dans certains États membres, la plupart des catégories vulnérables, comme les travailleurs exerçant des emplois de forme atypique, les indépendants ou les travailleurs non déclarés, n’ont pas eu de possibilités d’accès à des mesures de protection, et sont confrontées au risque de basculer dans la pauvreté, de sorte que la situation d’urgence sociale s’aggravera encore.

6.11.

À longue échéance, l’Union européenne peut soutenir les États membres et les partenaires sociaux en revenant sur les réformes structurelles qui ont affaibli la protection de l’emploi, ainsi qu’en ménageant un plus grand espace pour la négociation collective ou en renforçant les institutions du marché du travail. L’Union devrait également s’employer en urgence à relever certains défis, comme le chômage de longue durée, les transitions des processus liés à l’écologie et au numérique, ou encore le perfectionnement et la reconversion sur le plan professionnel, afin de favoriser l’aptitude à l’emploi, tout en fournissant un cadre réglementaire approprié pour les différentes formes de travail.

6.12.

Une coopération plus efficace entre la Commission, les gouvernements nationaux, les employeurs et les syndicats peut également contribuer à ce que les systèmes de protection sociale répondent à l’évolution du contexte économique et social en Europe, de telle manière que leur couverture s’étende aux groupes défavorisés qui en sont actuellement exclus. Dans le cadre du Conseil «Emploi, politique sociale, santé et consommateurs» (EPSCO), il conviendrait d’affiner encore le Semestre européen, afin que grâce à un nouveau tableau de bord d’indicateurs, il aide les États membres à jauger les progrès réalisés pour mettre en œuvre les politiques qui ont été convenues et à atteindre les objectifs communs au niveau européen. En ces temps d’épreuves, c’est un rôle déterminant, pour assurer la reprise durable de nos économies et le renforcement de notre modèle social européen, que joueront la détermination et le sens des responsabilités dont l’ensemble des pouvoirs publics feront preuve, au niveau de l’Union comme à celui des États membres, tout comme les partenaires sociaux et les autres acteurs de la société.

6.13.

Dans sa communication sur le «Semestre européen 2020: recommandations par pays» (52), la Commission européenne a adressé à chaque État membre ses préconisations en rapport avec la pandémie de COVID-19. Sa section introductive souligne qu’un dialogue social efficace joue un rôle essentiel pour que les mesures prises soient couronnées de succès, inclusives et durables. Force est de reconnaître que, lors de la crise de la COVID-19, la pratique du dialogue social et la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile ont été affaiblies ou limitées dans certains États membres (53). En conséquence, il a été recommandé à trois d’entre eux, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie, d’«assurer une participation adéquate et concrète des partenaires sociaux et des parties prenantes dans le processus d’élaboration des politiques». Le CESE appelle la Commission à procéder de manière approfondie à un suivi et une évaluation de la mise en œuvre des recommandations par pays dans le cas de ces États.

6.14.

La Commission devrait s’assurer et contrôler, par exemple grâce à des mécanismes de rapports, que les États membres mènent un dialogue social réel avec les acteurs nationaux tout au long du processus du Semestre européen, ainsi que lors de la conception des plans nationaux de relance, afin de garantir un suivi et une mise en œuvre efficaces, manifestant un large engagement de leur part.

6.15.

Il est de la plus haute importance de garantir que la période d’épidémie due au coronavirus n’aura pas pour effet d’affaiblir la capacité d’action des partenaires sociaux. L’Union devrait envisager toute mesure voulue, y compris sous la forme d’un octroi de ressources financières, pour favoriser le développement de leurs aptitudes, en ce qui concerne tant les activités que les structures du dialogue social. Les partenaires sociaux européens ont communiqué à la Commission européenne une proposition commune (54) sur la création d’un nouvel instrument financier destiné à soutenir les activités qu’ils mènent à titre exceptionnel durant la crise de la COVID-19.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  L’expression «parties prenantes» se réfère aux partenaires sociaux (employeurs et syndicats). Dans le cas du dialogue social tripartite, elle inclut aussi les pouvoirs publics nationaux.

(2)  Voir la «Déclaration de l’OIT sur une justice sociale pour une mondialisation équitable», de la Conférence internationale du travail (CIT) de 2008, la «Résolution de la Conférence internationale du travail concernant la discussion récurrente sur le dialogue social», adoptée lors de la CIT de 2013 (13 juin), ainsi que la «Résolution de la Conférence internationale du travail concernant la deuxième discussion récurrente sur le dialogue social et le tripartisme», adoptée durant la CIT de 2018 (7 juin). Voir également la «Déclaration du centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail», adoptée lors de la 108e session de la Conférence internationale du travail, en 2019.

(3)  Ibid., résolution de l’OIT, 2018; conclusions de la discussion générale sur «Le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales», juin 2016.

(4)  Études récentes de l’OCDE: «Perspectives de l’emploi», 2019, et rapport «Vers le numérique: Forger des politiques au service de vies meilleures», 2019.

(5)  Dans ses recommandations par pays adressées à certains États membres de l’Union, la Commission leur demande de procéder à des interventions spécifiques pour lever les obstacles à la négociation collective et au dialogue social.

(6)  Il importe de noter que la convention no 144 de l’OIT, sur les consultations tripartites, a été ratifiée par 26 des États membres, étant entendu qu’en Croatie, elle n’entrera en vigueur qu’en février 2021, tandis que le Luxembourg n’a pas procédé à cette ratification.

(7)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(8)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, «Capacity building for effective social dialogue in the European Union» (Développement des capacités: pour un dialogue social efficace dans l’Union européenne), 2020.

(9)  Articles 151 à 155 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(10)  JO C 232 du 14.7.2020, p. 18.

(11)  Sa première version a été conclue en 1996 et il a été revu en 2009. Sa transposition s’est effectuée par la directive 2010/18/UE du Conseil.

(12)  Il a été transposé par la directive 97/81/CE du Conseil.

(13)  La transposition en a été réalisée au moyen de la directive 1999/70/CE du Conseil.

(14)  Ces accords autonomes portent sur le télétravail (2002), le stress lié au travail (2004), le harcèlement et la violence au travail (2007), les marchés du travail inclusifs (2010), le vieillissement actif et l’approche intergénérationnelle (2017) et, enfin, la numérisation (2020).

(15)  Ces cadres d’action concernent le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie (2002), l’égalité hommes-femmes (2005) et l’emploi des jeunes (2013).

(16)  Le programme de travail 2019-2021 s’assigne les six priorités suivantes: la numérisation, l’amélioration de la performance des marchés du travail et des systèmes sociaux, les compétences, la prise en compte des aspects psycho-sociaux et des risques au travail, le développement des capacités pour un dialogue social renforcé et, pour terminer, l’économie circulaire.

(17)  La déclaration quadripartite est accessible à l’adresse: https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=en&catId=89&newsId=2562

(18)  Décision 98/500/CE de la Commission du 20 mai 1998 concernant l’institution de comités de dialogue sectoriel destinés à favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux au niveau européen, dont le texte est disponible à l’adresse: http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:1998:225:0027:0028:FR:PDF

(19)  Sont concernés, par exemple, le transport, l’énergie, l’agriculture, la construction, le commerce, la métallurgie, les chantiers navals, l’éducation, les assurances et les banques.

(20)  P. Kerckhofs, «Dialogue social sectoriel européen: faits et chiffres», Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (2019), accessible à l’adresse: https://www.eurofound.europa.eu/fr/publications/report/2019/european-sectoral-social-dialogue-facts-and-figures

(21)  Pour des références spécifiques, voir le chapitre 5.

(22)  Les comités d’entreprise européens ont été institués en premier lieu par la directive 94/45/CE du 22 septembre 1994, «concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs», mais sont régis à présent par la version «de refonte» de ce texte: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:02009L0038-20151009. Selon l’édition 2019 de «Benchmarking Working Europe» (Étalonnage de l’Europe du travail), qui dresse un bilan concernant le travail en Europe, les comités d’entreprise européens étaient au nombre de 1 150 en 2018, mobilisant quelque 20 000 représentants des travailleurs.

(23)  Confédération européenne des syndicats — Business Europe, Rapport final «S’appuyer sur l’expérience: une approche gagnant-gagnant des relations industrielles transnationales dans les entreprises multinationales», 2018.

(24)  Ces chiffres sont tirés de la base de données de la Commission européenne sur les accords d’entreprise transnationaux, qui est consultable à l’adresse: https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=978&langId=fr

(25)  Pour de plus amples informations, consulter le site: https://ec.europa.eu/social/home.jsp?langId=fr

(26)  Durabilité et gouvernance, rapport sur l’évolution de l’emploi et de la situation sociale en Europe (ESDE), chapitre 6.

(27)  Le projet commun lancé par l’OIT et l’Union européenne pour renforcer les partenaires sociaux et le dialogue social, dont les premiers résultats ont été présentés lors d’une conférence tenue en mars dernier, a examiné la question de l’efficacité des institutions nationales en rapport avec ce dialogue, ainsi que du rôle joué par les gouvernements pour encourager ce processus.

(28)  Nouveau projet de l’OIT et de la Commission européenne, visant à analyser et illustrer la manière dont les partenaires sociaux, dans les pays de l’Union européenne, s’efforcent de s’adapter à ces changements (Youcef Ghellab et Daniel Vaughan-Whitehead).

(29)  Proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux (2017/C 428/09).

(30)  Pour ce qui concerne les dialogues nationaux menés dans le cadre du Semestre européen, voir l’indice de la Confédération européenne des syndicats (CES) sur l’association des organisations syndicales à ce processus.

(31)  Toute une série de rapports émanant de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), de la Confédération européenne des syndicats (CES), de la Commission européenne, du Comité de l’emploi (COEM) ou de l’Observatoire social européen (OSE) confirment que les partenaires sociaux ne sont pas associés à ces processus comme il se devrait.

(32)  https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-and-fiscal-policy-coordination/eu-economic-governance-monitoring-prevention-correction/european-semester/framework/eus-economic-governance-explained_en

(33)  Ibid., rapports de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, «Benchmarking Working Europe 2019» (Étalonnage de l’Europe du travail 2019) de l’Institut syndical européen (ETUI) et analyses annuelles réalisées par la Confédération européenne des syndicats (CES) concernant la mise en œuvre des recommandations par pays formulées dans le cadre du Semestre européen.

(34)  Institut syndical européen (ETUI), «Benchmarking Working Europe 2019» (Étalonnage de l’Europe du travail 2019).

(35)  Note d’orientation de l’OIT, Le rôle central du dialogue social pour faire face à la crise du COVID-19, Genève, mai 2020.

(36)  Eurofound, 2012, «Social dialogue in times of global economic crisis» (Le dialogue social dans les périodes de crise économique mondiale).

(37)  Eurofound, 2013, «Comparative analytical report: the impact of the crisis on working conditions» (Rapport comparatif analytique: l’impact de la crise sur les conditions de travail).

(38)  V. Glassner, «Central and eastern European industrial relations in the crisis: national divergence and path-dependent change» (Les relations entre partenaires sociaux en Europe centrale et orientale durant la crise: divergences nationales et changements en fonction de la voie choisie); Organisation internationale du travail, «Recovering from the crisis through social dialogue in the new EU Member States: the case of Bulgaria, the Czech Republic, Poland and Slovenia» (La sortie de la crise par le dialogue social dans les nouveaux États membres de l’Union: les cas de la Bulgarie, de la République tchèque, de la Pologne et de la Slovénie).

(39)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (2014), «Changes to wage-setting mechanisms in the context of the crisis and the EU’s new economic governance regime» (Modifications des mécanismes de fixation des salaires dans le contexte de la crise et du nouveau régime de gouvernance économique de l’Union).

(40)  Commission européenne, Industrial relations in Europe 2010 (Les relations entre employeurs et travailleurs en Europe 2010).

(41)  Ibid., Note d’orientation de l’OIT, 2020 et mises à jour sur le portail web de l’OCDE, «Lutte contre le coronavirus (COVID-19). Pour un effort mondial», mars 2020.

(42)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 35 (le chapitre 3 de cet avis définit l’entreprise «durable»).

(43)  Article de recherche de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, «Industrial democracy in Europe: a quantitative approach» (La démocratie au sein de l’entreprise en Europe: une approche quantitative), Pablo Sanz, Christian Weiz, Maria Caprile, Ricardo Rodriguez Contreras, Labour and Industry, juin 2020.

(44)  Article de recherche de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, «Industrial democracy in Europe: a quantitative approach» (La démocratie au sein de l’entreprise en Europe: une approche quantitative), Pablo Sanz, Christian Weiz, Maria Caprile, Ricardo Rodriguez Contreras, Labour and Industry, juin 2020.

(45)  Directive 2002/14/CE établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs et directive 2009/38/CE sur les comités d’entreprise européens.

(46)  Directive 94/45/CE, telle que modifiée par la directive 2009/38/CE.

(47)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, «Social dialogue and HR practices in European global companies» (Dialogue social et pratiques en matière de ressources humaines dans les entreprises européennes d’envergure mondiale), 2020, fournissant une analyse et des conclusions concernant la dimension européenne du dialogue social, tant au niveau transnational de la prise de décision que pour ce qui concerne les filiales locales, ainsi que sur le rôle des comités d’entreprise européens, dans leur mission essentielle de trait d’union entre les différents échelons, par exemple national et européen, auxquels le dialogue social s’effectue dans une entreprise.

(48)  Rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre par les États membres de la directive 2009/38/CE concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (refonte), Bruxelles, 14 mai 2018 [COM(2018) 292 final].

(49)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 35.

(50)  Article de recherche de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, «Industrial democracy in Europe: a quantitative approach» (La démocratie au sein de l’entreprise en Europe: une approche quantitative), Pablo Sanz, Christian Weiz, Maria Caprile, Ricardo Rodriguez Contreras, Labour and Industry, juin 2020.

(51)  En Allemagne, ils sont désignés directement par la loi; les Pays-Bas pratiquent la cooptation de responsables sélectionnés par les travailleurs; la France présente une combinaison de désignation effectuée directement et par les actionnaires; en Suède, la nomination de représentants syndicaux est d’usage, etc.

(52)  Communication de la Commission COM(2020) 500 final, 20.5.2020, Semestre européen 2020: recommandations par pays.

(53)  Notes d’information de la CES, «Workers’ Information, consultation and participation» (Information, consultation et participation des travailleurs), 15 mai 2020.

(54)  Proposition commune des partenaires sociaux européens transsectoriels en faveur de la création d’un instrument financier spécifique destiné à aider les partenaires sociaux durant la crise de la COVID-19, adressée le 10 avril 2020 à Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission, et Nicolas Schmit, commissaire chargé de l’emploi et des droits sociaux.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

555e session plénière du Comité économique et social européen, 27.10.2020-29.10.2020

11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/27


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 168/2013 en ce qui concerne des mesures spécifiques relatives aux véhicules de catégorie L de fin de série, en réaction à l’épidémie de COVID-19»

[COM(2020) 491 final — 2020/0251 (COD)]

(2021/C 10/04)

Rapporteur:

Christophe LEFÈVRE

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 14.9.2020

Parlement européen, 14.9.2020

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Décision du bureau

15.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/3/18

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Compte tenu de la crise de la COVID-19 qui a entraîné un quasi-arrêt des ventes en 2020, le CESE a étudié la proposition de règlement de la Commission européenne qui permettrait aux constructeurs de motocycles de la norme Euro 4 de pouvoir écouler les véhicules en stock au 15 mars 2020, au-delà du 1er janvier 2021.

1.2.

Cette échéance instituait une restriction de la possibilité d’écoulement de l’ensemble du stock de véhicules plus polluant que les véhicules Euro 5, après la mise en place de la norme obligatoire Euro 5 au 1er janvier 2021.

1.3.

Le CESE relève que la mise en œuvre initiale de l’obligation de vente des motocycles aux normes Euro 5 et l’arrêt de production de véhicules Euro 4 ne sont absolument pas remis en cause par la présente proposition.

1.4.

Le CESE soutient la proposition de règlement qu’il considère comme une mesure adéquate et équilibrée pour lutter contre les répercussions économiques de la crise de la COVID-19 et le démantèlement coûteux du stock de véhicules Euro 4.

1.5.

La proposition assure un équilibre entre la garantie du bon fonctionnement du marché intérieur, gravement perturbé par la COVID-19, et la poursuite des efforts de réduction de l’impact environnemental du transport routier.

2.   Contenu de la proposition de la Commission

2.1.

La pandémie de COVID-19 a affecté le secteur des motocycles, entrainant une baisse importante de la demande et une augmentation des véhicules en stock en raison du confinement, alors que 60 % des ventes annuelles se déroulent entre mars et juillet. Cette crise a eu une incidence sur la capacité des constructeurs à respecter certains des délais imposés par le règlement (UE) no 168/2013 (1) du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013.

2.2.

Conformément à ce règlement, les limites d’émission de polluants Euro 5 s’appliqueront le 1er janvier 2021, ce qui signifie qu’à partir de cette date seuls les véhicules satisfaisant aux prescriptions de la norme Euro 5 pourront être mis sur le marché de l’Union.

2.3.

Les dispositions liées au système de fin de série relatives aux véhicules de catégorie L du règlement (UE) prévoient la possibilité pour les constructeurs de mettre sur le marché une partie limitée d’un stock de véhicules dont la mise en circulation (réception UE) par type n’est plus valable.

2.4.

Si ce règlement prévoit un processus d’écoulement de stock sous forme «de fin de série», celle-ci est limitée, dans chaque État membre, à un maximum de 10 % du nombre moyen de véhicules vendus les deux années précédentes ou de 100 véhicules. Or, selon les estimations de sources industrielles, environ 553 700 véhicules Euro 4 étaient en stock en mars 2020.

Compte-tenu de la réduction de 98 % des ventes et du nombre de véhicules en stock, les dispositions existantes en matière de fin de série ne constituent pas un mécanisme approprié pour faire face à la situation.

2.5.

La proposition vise à introduire une dérogation permettant aux constructeurs de mettre sur le marché, uniquement en 2021, les véhicules de fin de série Euro 4 qui étaient en stock au 15 mars 2020, avec un volume plus important que ne le prévoyait le règlement initial.

2.6.

Si cette proposition est de nature à retarder la suppression de la vente de véhicules plus polluants que la nouvelle génération, la flexibilité sera limitée aux véhicules déjà produits au moment du confinement. En outre, elle évitera également de devoir démanteler inutilement des véhicules qui auraient, sinon, été mis sur le marché en l’absence de la crise. Cette proposition ne retardera pas l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de la phase Euro 5 pour tous les véhicules nouvellement produits.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE réaffirme son soutien à toutes les initiatives visant à réduire les émissions polluantes et à améliorer la qualité de l’air et, en particulier, à l’intégration de normes d’émission, dites normes Euro, dans le secteur des transports. Il est indispensable de limiter les émissions de substances polluantes telles que le monoxyde de carbone, les oxydes d’azote, les hydrocarbures et les microparticules.

3.2.

Dans son avis sur la proposition de règlement relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et des quadricycles (2), voté à l’unanimité le 19 janvier 2011, le CESE avait accueilli favorablement le délai proposé par la Commission européenne (3) pour l’introduction des nouvelles phases environnementales Euro.

3.3.

Le CESE reconnaît que la pandémie de COVID-19 représente un défi majeur pour la grande majorité des secteurs économiques européens et en particulier pour les marchés saisonniers tels que les ventes de motocycles, qui ont été particulièrement affectées par les mesures de confinement mises en place pendant la haute saison.

3.4.

Cette situation n’a pas permis aux constructeurs de vendre une quantité satisfaisante de véhicules Euro 4 dont la date de validité arrive à échéance au 31 décembre 2020. Le CESE estime que les dispositions relatives aux véhicules de fin de série dans leur état actuel ne permettront pas d’apporter un soutien satisfaisant à l’industrie des motocyles pour atténuer les répercussions économiques de la crise.

3.5.

Le CESE considère qu’il est donc nécessaire de trouver une solution adéquate aux difficultés rencontrées par le secteur des motocyles dans le respect d’un équilibre entre le besoin de vendre les véhicules en stock depuis le 15 mars 2020 et l’importance de ne pas retarder l’entrée en vigueur de la norme Euro 5 dès le 1er janvier 2021.

3.6.

Le CESE est dès lors favorable à l’introduction de mesures spécifiques relatives aux véhicules de catégorie L de fin de série pour l’année 2021, qui selon le CESE, constitue une mesure adéquate et équilibrée visant à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur tout en assurant la poursuite des efforts de réduction de l’impact environnemental du transport routier.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) 168/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et des quadricycles.

(2)  COM(2010) 542 final; Avis du CESE: JO C 84, 17.3.2011, p. 30.

(3)  Voir note de bas de page 2.


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/30


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE en ce qui concerne les obligations d’information, la gouvernance des produits et les limites de position afin de soutenir la reprise au sortir de la pandémie de COVID-19

[COM(2020) 280 final — 2020/0152(COD)]

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/1129 en ce qui concerne le prospectus de relance de l’Union et des ajustements ciblés pour les intermédiaires financiers, destinés à soutenir la reprise après la pandémie de COVID-19

[COM(2020) 281 final — 2020/0155 (COD)]

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/2402 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu’un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées, afin de favoriser la reprise après la pandémie de COVID-19

[COM(2020) 282 final — 2020/0151 (COD)]

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne les ajustements à apporter au cadre relatif à la titrisation afin de soutenir la reprise économique en réponse à la pandémie de COVID-19

[COM(2020) 283 final — 2020/0156 (COD)]

(2021/C 10/05)

Rapporteur général:

Giuseppe GUERINI

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 27.8.2020 [COM(2020) 281 final, COM(2020) 282 final et COM(2020) 283 final].

Parlement européen, 14.9.2020 [COM(2020) 281 final, COM(2020) 282 final et COM(2020) 283 final].

Commission européenne, 23.9.2020 [COM(2020) 280 final].

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Date de l’adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

246/0/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE approuve et soutient les propositions de modification de la directive sur la réglementation des marchés financiers contenues dans le train de mesures pour la relance des marchés de capitaux, objet du présent avis. Les modifications qu’il comporte visent à simplifier considérablement la documentation et les exigences régissant les marchés financiers, et plus particulièrement les dispositions de la directive MiFID II. Toutefois, étant donné que le paquet de modifications comportait initialement quatre mesures différentes, le CESE, dans le présent avis, estime qu’il convient de prendre en considération l’ensemble des propositions de simplification, lesquelles visent non seulement à modifier la directive MiFID II, mais aussi, plus généralement, à réduire la charge administrative des opérateurs bancaires et financiers, libérant ainsi des ressources qui pourront être investies dans la relance économique.

1.2.

Le CESE soutient les propositions de la Commission et approuve les objectifs de son train de réformes. Il est en effet nécessaire de déployer tous les efforts en matière d’innovation des règles pour: i) faciliter les investissements dans l’économie réelle; ii) favoriser l’attribution de prêts aux personnes et aux PME; iii) encourager la recapitalisation des entreprises européennes et le renforcement du rôle des marchés des valeurs mobilières.

1.3.

Le CESE accueille favorablement la simplification de certaines des charges imposées par la réglementation financière aux contreparties éligibles et aux investisseurs professionnels, tout en souscrivant au soutien déjà manifesté par les banques à cet égard.

1.4.

Le CESE, en tant que représentant des consommateurs et de la société civile, rappelant la nécessité de protéger les épargnants et les investisseurs non professionnels, se félicite du choix de la Commission, laquelle, en proposant ces modifications, a pour but de maintenir à un niveau élevé le seuil de la réglementation financière en recherchant un équilibre entre les besoins des différentes catégories d’investisseurs. La simplification des règles ne doit pas, en effet, réduire les garanties dont bénéficient les épargnants et les investisseurs moins expérimentés, qu’il convient de distinguer des opérateurs professionnels.

1.5.

Le CESE soutient l’objectif de la Commission de réduire les coûts de mise en conformité et d’éviter le gaspillage des ressources matérielles en diminuant considérablement la production de documents papier relatifs aux investissements au profit des outils numériques, lesquels assurent une interaction plus rapide et plus sûre entre les opérateurs et les clients, en rendant la documentation plus facile à conserver et en garantissant une meilleure durabilité environnementale.

1.6.

Le CESE se félicite tout particulièrement de l’objectif visant à faciliter la titrisation des expositions non performantes. Cette évolution des règles permet aux banques d’alléger leurs bilans en augmentant leur capacité de prêt à un moment où cette capacité est vitale.

1.7.

Le CESE estime dès lors que l’intervention de la Commission devrait aller encore plus loin et se faire plus incisive que ce qui est proposé. La législation relative à la sécurisation des prêts non performants aujourd’hui en vigueur a été conçue avant la pandémie et présente des rigidités susceptibles d’avoir une incidence négative sur l’économie réelle et en particulier sur les PME dans le contexte économique actuel, fragilisé par la pandémie.

1.8.

Ces rigidités, en particulier celles relatives au calendrier des opérations de cession des expositions non performantes (ENP) par les banques, doivent être gérées avec beaucoup de prudence afin que la simplification proposée n’avantage pas de manière excessive les opérateurs spécialisés dans le traitement des prêts non performants, ce qui plongerait les entreprises de l’économie réelle dans des difficultés (supplémentaires) si les banques étaient amenées à se libérer de ces prêts dans un délai trop court.

2.   Observations générales

2.1.

La série de propositions de modification du règlement financier avancées par la Commission européenne le 24 juillet 2020 vient s’ajouter à un certain nombre de mesures adoptées au cours des derniers mois concernant les questions bancaires et financières dans le but de stimuler une véritable reprise après la crise déclenchée par la pandémie de COVID-19.

2.2.

La première série de mesures qui composent cette stratégie avait trait au secteur bancaire et proposait de soutenir l’octroi de prêts bancaires aux ménages et aux entreprises dans l’ensemble de l’Union européenne afin de lutter contre les effets néfastes de la pandémie sur la demande et sur l’offre dans différents secteurs de production.

2.3.

Au contraire, les modifications contenues dans le train de mesures proposé le 24 juillet visent les marchés de capitaux et ont pour but de promouvoir l’investissement, d’augmenter la capitalisation des entreprises et d’accroître la capacité des banques à financer la reprise économique.

2.4.

Le train de mesures proposé par la Commission préconise des modifications spécifiques visant à simplifier quatre grandes mesures de réglementation bancaire et financière: la directive sur les instruments financiers (MiFID II), le règlement Prospectus, le règlement sur les titrisations et le règlement sur les exigences de fonds propres (CRR). C’est pourquoi, bien que le présent avis porte essentiellement sur la directive MiFID II, il a été jugé important de donner un avis sur l’ensemble du paquet, étant donné que l’efficacité et l’utilité de l’initiative de la Commission semblent plus évidentes lorsqu’elles sont placées dans la perspective d’un cadre général de modifications.

2.5.

Les mesures visant à simplifier les exigences fixées par la directive MiFID II en matière d’information étaient déjà prévues pour 2021 et 2022, de sorte que la Commission avait déjà mené une consultation publique à cette fin. De l’avis du CESE, il y a lieu d’anticiper ces modifications afin de réduire rapidement, à un stade critique pour l’économie européenne, les coûts de mise en conformité liés à la mise en œuvre des règles de la MiFID II.

2.6.

Les propositions de modification du règlement (UE) 2017/1129 relatif aux prospectus par le biais de la promotion d’un «prospectus de relance de l’Union» et les ajustements ciblés pour les intermédiaires financiers contenus dans le paquet préparé par la Commission introduisent des simplifications visant à réduire à 30 pages la longueur des prospectus, lesquels en comportent actuellement plus de 100.

2.7.

Avec les modifications apportées au règlement sur les titrisations et les exigences de fonds propres, la Commission entend par ailleurs améliorer les outils dont dispose le système bancaire de l’Union européenne afin d’améliorer sa capacité à financer l’économie réelle. Ces mesures font suite à sa proposition précédente visant à modifier les règlements (UE) no 575/2013 et (UE) 2019/876 en réaction à la pandémie de COVID-19.

2.8.

La proposition de la Commission, centrée sur la titrisation des prêts non performants, voudrait favoriser la possibilité de les transformer en titres négociables. La titrisation devrait ainsi permettre de libérer des capitaux bancaires pour d’autres prêts et financer la reprise économique pour un éventail plus large d’investisseurs.

2.9.

D’une manière générale, les propositions de la Commission visent toutes à simplifier efficacement la documentation relative aux investissements afin de réduire la charge administrative et de libérer ainsi des ressources pour investir dans une reprise économique rapide.

3.   Observations spécifiques et générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission et souscrit à ses objectifs. Il est en effet nécessaire de déployer tous les efforts sur le plan réglementaire pour: i) faciliter les investissements dans l’économie réelle; ii) favoriser l’attribution de prêts aux personnes et aux PME; iii) encourager la recapitalisation des entreprises européennes et le renforcement du rôle des marchés des valeurs mobilières.

3.2.

Le CESE se félicite de l’intention d’alléger une partie de la charge que représente la réglementation financière, surtout pour les contreparties éligibles et les investisseurs professionnels. En ce sens, l’objectif de simplification poursuivi par la Commission a déjà été salué par les opérateurs du secteur bancaire.

3.3.

En tant que représentant des consommateurs et de la société civile, le CESE apprécie le choix de maintenir à un niveau élevé le seuil de réglementation visant à protéger les épargnants et les investisseurs non professionnels, tout en recherchant un équilibre entre les différents besoins. Il va de soi que la simplification de la réglementation ne doit pas réduire les garanties dont bénéficient les épargnants et les investisseurs moins expérimentés, qu’il convient de distinguer des opérateurs professionnels et des contreparties éligibles.

3.4.

De manière générale, comme indiqué récemment dans le rapport du Forum de haut niveau sur l’union des marchés des capitaux, le CESE demande une révision complète des règles bancaires et financières de l’Union européenne afin d’éliminer les chevauchements et les divergences dans le secteur et, surtout, de remplacer les dispositions (destinées à protéger la sécurité des épargnants) qui se sont avérées inefficaces, coûteuses et punitives tant pour les opérateurs financiers que pour les investisseurs.

3.5.

Le CESE soutient également l’objectif de la Commission de réduire les coûts de mise en conformité et le gaspillage des ressources matérielles en diminuant considérablement la production de documents papier au profit des formes d’interaction numérique. De fait, les outils numériques permettent de garantir une interaction plus rapide et plus sûre entre les opérateurs et les clients en rendant la documentation plus facile à conserver à long terme et en garantissant une meilleure durabilité environnementale.

3.6.

Le CESE marque également son accord avec la simplification des coûts et des charges accessoires pour les investissements, qui distingue différents niveaux d’exigences d’information selon que les contreparties sont éligibles ou non. Dans ce contexte, à la fois ponctuel et spécifique, il s’impose aussi de trouver un juste équilibre entre la nécessité d’une simplification et le besoin d’une protection adéquate des épargnants et des investisseurs non professionnels.

3.7.

Parmi les aspects les plus pertinents de la proposition de modification de la directive MiFID II, le CESE tient à souligner ceux qui portent sur les limites et la couverture prévues pour les investissements dans les produits financiers dérivés dans le domaine de l’énergie; toutefois, il estime qu’il serait utile que l’intervention en faveur de l’introduction d’une exemption pour opérations de couverture des risques concernant les dérivés énergétiques puisse prévoir des incitations afin d’encourager les investissements dans les énergies renouvelables.

3.8.

Le CESE se félicite de la décision de la Commission de confirmer les règles limitant le recours aux opérations de couverture à l’aide d’instruments financiers provenant d’investissements dans des produits agricoles destinés à la consommation humaine. En effet, bien qu’il soit important et nécessaire d’assurer le développement de nouveaux marchés en encourageant également les investissements au moyen d’instruments financiers, les produits agricoles désignés comme importants méritent une attention particulière afin d’éviter, par exemple, de récompenser les utilisations non alimentaires.

3.9.

Le CESE se félicite que, parmi les modifications proposées, figure la simplification de tous les prospectus, rapports d’information et rapports périodiques, qui permettra d’effectuer des économies en vue de promouvoir des investissements alternatifs, notamment grâce à un recours accru aux outils numériques.

3.10.

La réduction de la longueur des prospectus est jugée tout aussi positive, car elle réduit le coût de mise en conformité par rapport aux documents qui, dans la pratique, étaient souvent trop longs et difficiles à comprendre pour les épargnants les moins expérimentés. Le CESE espère dès lors que la simplification sera double et portera à la fois sur les ressources consacrées à l’information et, surtout, sur la fourniture d’informations pertinentes aux épargnants.

3.11.

Une simplification globale du secteur, bien résumée dans le nouveau modèle de «prospectus de relance de l’Union», pourrait soutenir l’afflux de liquidités vers les entreprises et la reprise des niveaux de fonds propres mis à mal pendant la pandémie de COVID-19. Elle faciliterait aussi l’émission de nouvelles actions par les entreprises à capitalisation faible ou moyenne, ce qui aura pour effet d’améliorer l’accès au capital sans renoncer pour autant à la nécessaire protection des épargnants.

3.12.

La modification proposant de relever de 75 à 150 millions d’EUR le seuil d’exemption du prospectus pour les titres autres que de capital émis par les entreprises par l’intermédiaire d’établissements de crédit semble particulièrement utile pour promouvoir un rôle actif des banques et des établissements de crédit au soutien à la relance. La proposition de la Commission prévoit que cette augmentation du seuil d’exemption du prospectus soit temporaire. Toutefois, le CESE estime que, lorsque la mesure favorise une diversification effective des formes de financement des entreprises en rapprochant les PME du marché des capitaux, il conviendrait de la maintenir au-delà de la période de crise.

3.13.

Le CESE se félicite de l’objectif consistant à simplifier les titrisations en leur accordant un traitement prudentiel moins strict lorsqu’elles concernent des PNP, ce qui permettrait aux banques d’alléger leurs bilans et entraînerait ce faisant une augmentation de leur capacité de prêt. Il convient néanmoins de veiller scrupuleusement à ce que cette simplification ne profite pas uniquement aux entreprises spécialisées dans le traitement des PNP, ce qui causerait des difficultés supplémentaires aux entreprises si les banques les vendaient trop rapidement.

3.14.

S’agissant plus particulièrement des propositions relatives à la titrisation des prêts non performants, le CESE, tout en partageant l’objectif des propositions de la Commission, estime que l’action devrait être plus ambitieuse que celle qui est proposée.

3.15.

Les propositions présentées tout récemment par la Commission tendent en fait, à juste titre, d’introduire des règles spécifiques pour les expositions non performantes, dans le but de les différencier à certains égards des prêts performants. L’on notera toutefois que l’ensemble du cadre réglementaire relatif aux prêts non performants actuellement en vigueur est marqué par des rigidités susceptibles d’avoir une forte incidence sur l’économie réelle, en particulier sur les PME, surtout dans le contexte économique actuel, qui a été fragilisé par la pandémie.

3.16.

L’on pense ici plus particulièrement au règlement relatif à la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes, qui impose des dévaluations des PNP selon un calendrier strict et ne tient que peu (voire pas du tout) compte de la valeur économique réelle des garanties sur ces prêts. Si un tel cadre semblait difficile à concilier avec la réalité du marché secondaire des prêts non performants avant la pandémie, l’on imagine aisément qu’il sera encore plus problématique dans l’environnement économique de l’après-pandémie. Il convient dès lors, au moins temporairement, de suspendre ou de redéfinir les courbes d’affectation prévues dans le règlement relatif au filet de sécurité prudentiel pour les PNP. Il convient en outre de souligner la nécessité d’assouplir, à titre temporaire, la règle des 90 jours de retard, en raison de la situation d’urgence liée à la COVID-19, afin d’éviter les répercussions sociales négatives d’un délai aussi serré.

3.17.

Le CESE est conscient que la proposition présentée par la Commission européenne dans le train de modifications visant à faciliter la relance du marché des capitaux vise à lutter contre les effets de la pandémie de COVID-19, mais l’on ne saurait se dispenser de souligner que les dispositions relatives à la couverture minimale des prêts non performants énoncées dans le règlement (CE)2019/630 du Parlement européen et du Conseil sont actuellement insuffisantes pour faire face aux incidences économiques de la pandémie et qu’elles devraient, dès lors, être temporairement assouplies.

3.18.

En sus des propositions de la Commission relatives aux prêts titrisés, il y a lieu, en améliorant l’article 127 du CRR, de rendre plus efficace que ce n’est actuellement le cas avec les règles prudentielles actuellement en vigueur, le traitement des prêts non performants acquis par des entités spécialisées et des établissements financiers sans recourir à des titrisations. La réglementation actuelle crée un effet dissuasif paradoxal en raison de l’absorption excessive de capitaux par les établissements financiers qui achètent des PNP sur le marché secondaire.

3.19.

Il s’ensuit un avantage pour les fonds spécialisés dans l’acquisition de prêts non performants, lesquels, dans certains cas, sont détenus par des opérateurs financiers situés en dehors de l’Europe et qui ne sont soumis ni au cadre réglementaire de l’Union européenne ni au règlement CRR. Il en résulte un paradoxe qui viole le principe «même risque, même règle», à savoir que l’accent mis par l’Union européenne sur la réglementation interne est susceptible d’avantager ceux qui opèrent sur le marché unique européen tout en maintenant leur siège statutaire et leurs capitaux en dehors de l’Union européenne et, du moins en partie, en dehors de son système de règles.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/35


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne l’exemption pour certains indices de référence de taux de change de pays tiers et la désignation d’indices de référence de remplacement pour certains indices de référence en cessation

[COM(2020) 337 final — 2020/0154 (COD)]

(2021/C 10/06)

Rapporteur général:

Christophe LEFÈVRE

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 28.8.2020

Parlement européen, 14.9.2020

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Décision du bureau

14.7.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

244/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dans le prolongement des recommandations exprimées dans les avis du CESE (1), et prenant acte notamment de l’arrêt de publication du LIBOR (2), le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission européenne destinées à assurer la continuité des dispositifs de fonctionnement des opérateurs financiers dans l’union des marchés des capitaux (UMC), en ce qui concerne l’exemption pour certains indices de référence de taux de change de pays tiers et la désignation d’indices de référence de remplacement pour certains indices de référence en cessation.

1.2.

Non seulement ces propositions apportent une réponse directe aux conséquences de la cessation de publication du LIBOR et du retrait britannique de l’Union européenne, mais elles prévoient aussi par la même occasion d’intégrer la situation des indices de référence des pays pour lesquels le taux de change n’est pas librement convertible, et concourent ainsi également à la réalisation d’objectifs plus vastes.

1.3.

Le CESE estime que le bon fonctionnement de l’UMC nécessite que ces marchés soient sûrs, stables et résistants aux chocs. À cet égard, la disparition du LIBOR aura des conséquences économiques très importantes, tant un nombre considérable de contrats n’ont pas prévu de dispositif de repli en vue de la suppression de la référence au LIBOR d’ici à la fin de 2021.

1.4.

Il est donc primordial et prioritaire d’organiser la substitution de la référence au LIBOR, et dans le même temps, le CESE salue la proposition de la Commission d’impliquer les autorités nationales dans ce processus, par l’adoption d’un règlement européen neutralisant les risques de législations disparates observables lors d’un processus de transposition d’une directive.

1.5.

Le CESE se félicite que les modifications proposées concernant ces indices de référence introduiront un pouvoir légal, par lequel la Commission européenne désigne un taux de remplacement quand un indice de référence, dont la cessation entraînerait une perturbation significative du fonctionnement des marchés financiers dans l’Union, cesse d’être publié.

1.6.

Le CESE accueille aussi favorablement le fait que le taux de remplacement légal se substituera, en vertu de la législation, à toutes les références à l’«indice de référence en cessation» dans tous les contrats conclus par une entité surveillée de l’UE.

1.7.

Le CESC estime pertinent qu’en ce qui concerne les contrats ne faisant pas intervenir une entité surveillée de l’UE, les États membres sont encouragés à adopter des taux de remplacement légaux nationaux.

1.8.

Enfin, afin de vérifier le caractère approprié de la nouvelle exemption, le CESE approuve que les autorités compétentes et les entités surveillées soient tenues de communiquer périodiquement des informations à la Commission sur l’utilisation, par les entreprises de l’UE, des indices de référence concernés par cette exemption et sur l’évolution des bilans des entités surveillées en d’exposition aux fluctuations des monnaies de pays tiers.

1.9.

La décision est conforme aux recommandations du Conseil de stabilité financière (3), mais le CESE s’interroge cependant sur le fait que si l’on considère l’activité mondiale, l’Union européenne semble être la seule juridiction à tenter de réglementer le mécanisme de fonctionnement des indices de taux de change au comptant.

1.10.

Le CESE recommande bien évidemment un suivi de la mise en place de ce règlement et de son intégration au niveau des marchés financiers. Pour le CESE, il est primordial que les règles visées apportent une contribution concrète et directe à la réalisation des objectifs et produisent des effets positifs pour toutes les parties concernées et dans tous les États membres.

2.   Contexte

2.1.

Le programme de travail de la Commission pour 2020 prévoit un réexamen du règlement sur les indices financiers utilisés comme indices de référence pour déterminer le montant à verser au titre d’un instrument financier ou d’un contrat financier ou la valeur d’un instrument financier. Pour renforcer la confiance des acteurs du marché des capitaux dans les indices servant d’indices de référence dans l’Union, le règlement sur les indices de référence fixe des normes en matière de gouvernance et de qualité des données pour les indices de référence utilisés dans les contrats financiers. Il contribue aux efforts de la Commission en faveur d’une union des marchés des capitaux (UMC).

2.2.

Le règlement sur les indices de référence instaure l’obligation aux administrateurs d’indices financiers de référence d’être agréés, impose des exigences aux contributeurs qui fournissent les données sous-jacentes utilisées pour calculer l’indice financier de référence et réglemente également l’utilisation des indices financiers de référence. Le règlement sur les indices de référence fait obligation aux entités surveillées de l’UE (telles que les banques, les entreprises d’investissement, les entreprises d’assurance, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières — OPCVM2) de n’utiliser que des indices dont l’administrateur est agréé. Les indices de référence administrés dans des pays tiers ne peuvent être utilisés dans l’UE qu’à l’issue d’une procédure d’équivalence, de reconnaissance ou d’aval.

2.3.

Le règlement sur les indices de référence est applicable depuis janvier 2018. Cependant, jusqu’à l’expiration du régime transitoire fin décembre 2021, les acteurs du marché de l’UE peuvent continuer à utiliser des indices de référence administrés dans un pays situé en dehors de l’Union, que ces indices aient ou non fait l’objet d’une décision d’équivalence ou qu’ils aient ou non été reconnus ou avalisés en vue de leur utilisation dans l’Union.

2.4.

Premièrement, les modifications proposées dans la proposition législative qui fait objet du présent avis du CESE sur ces indices de référence introduiront un pouvoir légal, par lequel la Commission européenne désigne un taux de remplacement quand un indice de référence, dont la cessation entraînerait une perturbation significative du fonctionnement des marchés financiers dans l’Union, cesse d’être publié.

2.5.

Deuxièmement, le taux de remplacement légal se substituera, en vertu de la législation, à toutes les références à l’«indice de référence en cessation» dans tous les contrats conclus par une entité surveillée de l’UE.

2.6.

Troisièmement, en ce qui concerne les contrats ne faisant pas intervenir une entité surveillée de l’UE, les États membres sont encouragés à adopter des taux de remplacement légaux nationaux.

2.7.

Enfin, afin de vérifier le caractère approprié de la nouvelle exemption, les autorités compétentes et les entités surveillées sont tenues de communiquer périodiquement des informations à la Commission européenne sur l’utilisation, par les entreprises de l’UE, des indices de référence concernés par cette exemption et sur l’évolution des bilans des entités surveillées en termes d’exposition aux fluctuations des monnaies de pays tiers.

3.   Observations

3.1.

Dans la continuité des recommandations exprimées dans les avis du CESE (4), et prenant acte notamment de l’arrêt de la publication du LIBOR, le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission destinées à maintenir la continuité des dispositifs de fonctionnement des opérateurs financiers dans l’UMC, en ce qui concerne l’exemption pour certains indices de référence de taux de change de pays tiers et la désignation d’indices de référence de remplacement pour certains indices de référence en cessation.

3.2.

Non seulement ces propositions sont une réponse directe aux conséquences du départ du Royaume-Uni de l’UE, mais elles prévoient également par la même occasion d’intégrer la situation des indices de référence des pays pour lesquels le taux de change n’est pas librement convertible, et ainsi elles concourent également à la réalisation d’objectifs plus vastes.

3.3.

En effet, elles permettent de prendre en compte l’utilisation des indices de référence de taux de change pour couvrir la volatilité de la monnaie de pays tiers, le paiement de contrats dérivés dans une monnaie autre que la monnaie à convertibilité limitée, notamment lorsque la monnaie du pays tiers n’est pas librement convertible.

3.4.

Cette réforme est essentielle pour accompagner l’évolution brutale, liée au Brexit, de l’UMC en lien avec l’union bancaire, garantir le fonctionnement de l’Union économique et monétaire (UEM) et aider à renforcer la position de l’UE et des États membres dans un environnement mondial en pleine évolution.

3.5.

La réforme des indices de référence d’importance critique, tels que les taux IBOR (5), a été érigée en priorité absolue par le plan d’action de la Commission concernant l’UMC, conformément aux recommandations du Conseil de stabilité financière.

3.6.

L’objectif de bon fonctionnement de l’UMC nécessite que ces marchés soient sûrs, stables et résistants aux chocs. À ce titre, l’impact de la disparition du LIBOR, même s’il s’inscrit dans une perte progressive de la représentativité du marché ou de la réalité économique des sous-jacents qu’il est censé mesurer, aura des conséquences économiques très importantes tant un nombre considérable de contrats n’ont pas prévu de dispositif de repli d’ici à la suppression de la référence au LIBOR d’ici la fin de 2021.

3.7.

Il est donc primordial et prioritaire d’organiser la substitution de la référence au LIBOR, et dans le même temps, le CESE salue la proposition de la Commission européenne d’impliquer les autorités nationales dans ce processus, par la voie d’adoption d’un règlement européen neutralisant les risques de législations disparates observables lors d’un processus de transposition d’une directive.

3.8.

Pour les entreprises et les collectivités, lesquelles ont été consultées préalablement par la Commission européenne, l’adoption d’indices de référence contribue à sécuriser les transactions transfrontières sur le marché, et à renforcer les conditions de concurrence équitables, notamment pour les pays à taux de change encore trop réglementé.

3.9.

Cette modification réglementaire intervient pour faire face à un risque systémique extrêmement important: les types de contrats qui seront touchés par la cessation d’un indice de référence de taux d’intérêt largement utilisé comprennent:

a)

des émissions de dette par des entités surveillées;

b)

des dettes détenues au bilan d’entités surveillées;

c)

des prêts;

d)

des dépôts; et

e)

des contrats dérivés.

Une grande partie des contrats financiers qui se réfèrent à des indices de référence de taux d’intérêt largement utilisés concernent des entités surveillées entrant dans le champ d’application du règlement sur les indices de référence.

3.10.

L’insécurité juridique et les conséquences économiques potentiellement néfastes que pourraient entraîner des difficultés d’exécution des obligations contractuelles actuelles constitueront un risque pour la stabilité financière de l’Union:

de leur côté, les consommateurs, petites, moyennes et grandes entreprises et investisseurs peuvent être assurés d’une plus grande protection, et la présente proposition introduit divers outils pour faire en sorte que l’abandon d’un taux interbancaire largement utilisé n’altère pas de manière indue la capacité du secteur bancaire à fournir des financements aux entreprises de l’UE et ne compromette ainsi un objectif clé de l’union des marchés des capitaux,

à cet égard, le CESE estime qu’en ce qui concerne la proposition de la Commission, il y a lieu d’analyser également les considérations du texte ci-après:

i)

les considérants et l’exposé des motifs semblent viser un large éventail de contrats utilisant des indices financiers de référence, couvrant les contrats de crédit (ou mécanismes analogues d’emprunt) qui sont conclus avec des personnes morales ou autres (et non pas seulement avec des consommateurs): sur ce point, on se rapportera à la section concernant le «Champ d’application du taux de remplacement légal»;

ii)

le texte de la proposition de la Commission qui fixe le remplacement de plein droit, en l’occurrence l’article 23 bis, paragraphe 2, fait référence à la notion de «contrats financiers», dont la définition, dans le règlement sur les indices de référence (article 3, paragraphe 1, point 18) se rapporte aux seuls contrats de crédit conclus avec des personnes physiques (consommateurs), eu égard aux références faites aux directives 2014/17/UE et 2008/48/CE;

iii)

pour assurer la cohérence entre le souhait exprimé dans l’exposé des motifs et le texte de la proposition, le CESE estime qu’il est utile d’analyser le champ de référence et la définition de l’expression «contrats financiers», afin qu’elle ne couvre pas que les contrats de crédit conclus avec les consommateurs mais qu’elle garantisse aussi un mécanisme efficace de remplacement de plein droit dans le cas de ceux qui ont été passés avec d’autres acteurs du marché,

le CESE estime que les pouvoirs de remplacement devraient s’étendre à tous les contrats régis par le droit d’un État membre, ainsi qu’aux contrats conclus entre des entités établies dans l’UE régis par le droit d’un pays tiers lorsque la législation de ce pays tiers ne prévoit pas le remplacement légal d’un indice de référence abandonné,

les mesures proposées doivent être considérées comme contribuant à «une économie européenne au service des personnes» (programme de travail de la Commission pour 2020). La présente initiative bénéficie aux prêts bancaires des clients de détail indexés sur les taux IBOR, ce qui constitue un élément important d’une économie servant les besoins de la population.

3.11.

Étant donné que dans le considérant 10, la proposition de modification affirme qu’il devrait être tenu compte des propositions des groupes de travail, et qu’en ce qui concerne en tout cas le passage de l’«Eonia» (Euro Overnight Index Average) à l’«€STR» (Euro short-term rate), la commission de travail afférente a recommandé que cette transition s’effectue en direction de l’€STR plus l’écart de taux, le CESE juge qu’il serait utile de confirmer qu’il faut bien entendre l’«indice de référence de remplacement» comme le nouvel indice plus l’écart de taux.

3.12.

Le CESE considère qu’il serait utile de clarifier l’expression «perturbation grave du fonctionnement des marchés financiers de l’Union». Sur ce point, on peut, en se fondant sur les dispositions du considérant 4, déduire que la cessation du LIBOR répond à un tel cas de figure, mais si l’on se place dans une perspective d’avenir et que l’on songe que la disparition de l’EURIBOR sera un problème qui se posera à un moment donné, il apparaît judicieux de recommander de définir ce concept.

3.13.

Le CESE estime qu’il serait utile d’indiquer aussi dans quel encadrement la Commission européenne exercera ce droit, en l’occurrence dans quel délai l’indice de référence de remplacement sera désigné une fois que les conditions prévues auront été réunies.

3.14.

Une autre précision utile serait de clarifier le degré d’extraterritorialité que revêt l’application de cette mesure ou, en d’autres termes, d’indiquer qu’elle s’applique lorsqu’une des entités surveillées a son siège dans un des États membres, quelle que soit la législation qui régit le contrat, et sur ce point, le CESE fait tout particulièrement référence aux contrats conclus sous la loi anglaise, laquelle, au 1er janvier 2021, deviendra celle d’un pays tiers, hors Union européenne.

3.15.

Une réforme du règlement sur les indices de référence constitue donc le moyen approprié d’instituer un taux de remplacement légal qui atténue les répercussions négatives sur la sécurité juridique et la stabilité financière qui pourraient survenir si le LIBOR, ou tout autre indice de référence dont la cessation entraînerait une perturbation significative du fonctionnement des marchés financiers de l’Union, était abandonné sans qu’un tel taux de remplacement ne soit à la fois disponible et intégré dans les contrats existants qui font intervenir des entités surveillées entrant dans le champ d’application dudit règlement.

3.16.

La décision est conforme aux recommandations du Conseil de stabilité financière, et le CESE s’interroge cependant sur le fait qu’en considérant l’activité mondiale, l’Union européenne semble être la seule juridiction à tenter de réglementer le mécanisme de fonctionnement des indices de taux de change au comptant.

3.17.

Le CESE recommande bien évidemment un suivi de la mise en place de ce règlement et de son intégration au niveau des marchés financiers. Pour le CESE, il est primordial que les règles visées apportent une contribution concrète et directe à la réalisation des objectifs et produisent des effets positifs pour toutes les parties concernées et dans tous les États membres.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Système européen de surveillance financière (SESF) — Réformes (JO C 227 du 28.6.2018, p. 63), Finance durable: taxinomie et valeurs de référence (JO C 62 du 15.2.2019, p. 103) et Système européen de surveillance financière (SESF) — proposition modifiée de lutte contre le blanchiment de capitaux (JO C 110 du 22.3.2019, p. 58).

(2)  Le LIBOR (London Interbank Offered Rate — taux interbancaire pratiqué à Londres) sert de taux d’intérêt de référence principal reconnu au niveau international pour calculer les coûts des prêts interbancaires.

(3)  Groupement économique international créé lors de la réunion du G20 à Londres en avril 2009. Il regroupe 26 autorités financières nationales (banques centrales, ministères des finances, etc.), ainsi que plusieurs organisations internationales et groupements élaborant des normes dans le domaine de la stabilité financière.

(4)  Système européen de surveillance financière (SESF) — Réformes (JO C 227 du 28.6.2018, p. 63), Finance durable: taxinomie et valeurs de référence (JO C 62 du 15.2.2019, p. 103) et Système européen de surveillance financière (SESF) — proposition modifiée de lutte contre le blanchiment de capitaux (JO C 110 du 22.3.2019, p. 58).

(5)  Les taux interbancaires offerts (Interbank offer rates — IBOR) sont des taux de référence d’importance systémique, à la base de nombreux contrats dans le secteur financier.


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/40


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience»

[COM(2020) 274 final]

et la proposition de recommandation du Conseil en matière d’enseignement et de formation professionnels (EFP) en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience

[COM(2020) 275 final]

(2021/C 10/07)

Rapporteure:

Tatjana BABRAUSKIENĖ

Consultation

Commission européenne, 12.8.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

9.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

218/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE rappelle qu’une main-d’œuvre compétente et qualifiée représente l’un des principaux atouts du modèle social et économique européen, et que le soutien à la formation des jeunes et des adultes doit servir de levier pour stimuler une croissance économique durable et de long terme, étant donné qu’elle contribue à accroître la capacité à innover, la productivité et la compétitivité, et qu’elle aide les travailleurs à avoir part à une transition équitable et à enregistrer une progression dans leurs carrières et leurs rémunérations.

1.2.

Le CESE se félicite que la stratégie en matière de compétences et la recommandation proposée sur l’enseignement et la formation professionnels (EFP) aient été élaborées sous l’égide du socle européen des droits sociaux (SEDS), et que la stratégie en ait pris le premier principe pour devise.

1.3.

Le Comité est d’avis que les projets de centres d’excellence professionnelle et le financement des participations nationales aux concours EuroSkills, en tant que l’un des instruments envisagés, se traduiront, pour l’ensemble du système d’enseignement et de formation professionnels, par des avancées qui en augmenteront la qualité, l’attrait et l’inclusivité au profit de tous. Il convient de mener cette démarche avec le concours des partenaires sociaux et des organisations de la société civile qui sont concernés, familles, parents et étudiants compris.

1.4.

Le CESE rappelle que les compétences clés et celles en rapport avec les sciences, les technologies, l’ingénierie, les arts et les mathématiques («STIAM») (1) doivent figurer parmi les «compétences adéquates» qu’il est nécessaire de dispenser afin de répondre aux besoins immédiats des jeunes et des adultes pour la réussite de leur vie en société, et à ceux du marché du travail s’agissant de la transition numérique et écologique.

1.5.

Le CESE souligne qu’il y a lieu de cibler les compétences sociales et citoyennes, qui sont essentielles pour les citoyens de démocraties que nous sommes. L’éducation à la citoyenneté devrait être accessible à chacun et, en particulier, aux groupes défavorisés (2). Le CESE encourage les États membres à mettre en œuvre la recommandation du Conseil relative à la promotion de valeurs communes (3), ainsi qu’à renforcer l’apprentissage des valeurs et de l’identité de l’Europe dans les secteurs de l’enseignement et de la formation professionnels et de la formation des adultes.

1.6.

Le Comité salue la proposition d’un pacte pour les compétences en matière de perfectionnement et de reconversion des travailleurs, et demande qu’il soit assorti d’objectifs réalisables et de principes communs de qualité fixés consensuellement, qui devront être conçus avec la participation des partenaires sociaux, des organisations de la société civile et d’autres acteurs de premier plan, afin de fournir des solutions efficaces pour tous.

1.7.

Le CESE demande qu’il soit insisté davantage sur les actions d’orientation et de conseil en matière de transition écologique et numérique du marché du travail en étendant les mécanismes de soutien offerts par les différents fournisseurs d’informations, comme les structures d’ambassadeurs de la formation au sein des syndicats, l’aide en matière de ressources humaines pour les entreprises et les efforts déployés par la société civile afin d’encourager les adultes et les travailleurs à se perfectionner ou se reconvertir. Le CESE rappelle que pour soutenir les travailleurs grâce à des formations tournées vers une transition numérique et écologique qui soit équitable, il faudra commencer par valider les apprentissages non formels et informels (ANFI) et procéder à la reconnaissance et la certification des parcours formatifs, afin qu’ils puissent faire partie de l’ensemble complet des qualifications.

1.8.

Le CESE renvoie à son avis sur «Le financement durable de l’apprentissage tout au long de la vie et du développement des compétences dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre qualifiée» (4) et note que le plan de relance, Next Generation EU et d’autres fonds de l’UE (par exemple, le FSE+ et le Fonds pour une transition juste) doivent être utilisés de manière efficace et cohérente pour soutenir efficacement les politiques d’éducation et de formation.

1.9.

Le Comité lance un appel afin que l’idée d’une initiative européenne relative à des comptes de formation individuels (CFI), prenant la forme soit d’une action faîtière, soit d’une assistance spécifique aux États membres en fonction de leurs besoins, fasse l’objet de recherches au niveau européen. Le CESE invite la Commission à lancer un dialogue social sur ces comptes de formation individuels et sur le développement d’un outil européen de profilage des compétences de base en matière d’enseignement et de formation professionnels, afin de prendre en compte les besoins des différents secteurs d’activité, les exigences nationales émanant des métiers en rapport avec chaque enseignement et chaque formation, dans le respect des conventions collectives, ainsi que les changements qui se produisent dans les profils d’emploi et d’activité professionnelle et les impératifs des entreprises, et il lui demande de se concerter avec les organisations de la société civile que ces questions intéressent.

1.10.

Le CESE insiste pour que les indicateurs et les paramètres fassent à nouveau l’objet d’un réexamen et d’une mise à jour dès que l’on disposera de données sur l’impact produit par la crise de la COVID-19. Il est nécessaire que les données et informations relatives à l’enseignement et à la formation professionnels, aux compétences et au marché du travail soient affinées au regard des objectifs européens en matière d’éducation et de formation, tandis que de nouveaux indicateurs devraient assurer quant à eux la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, ainsi que du Semestre européen. Pour atteindre les niveaux proposés des indicateurs d’ici 2025, il conviendrait que la fréquence du suivi passe à une mise à jour annuelle concernant une série de données permettant de mieux prendre la mesure des progrès réalisés dans le domaine de l’enseignement et de la formation professionnels et concernant l’offre de services de perfectionnement et de reconversion.

1.11.

Le CESE demande que tous les apprenants de l’enseignement et de la formation professionnels aient droit et accès à des filières en la matière et à des apprentissages qui soient de qualité et de nature inclusive, prenant dûment en compte le cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (EFQEA) (5). En complément de l’indicateur sur la formation en milieu professionnel, tel que défini dans la recommandation proposée sur l’enseignement et la formation professionnels, il serait possible d’en élaborer un autre, concernant l’apprentissage en entreprise, ainsi que d’encourager l’apprentissage collaboratif effectué entre plusieurs entreprises.

1.12.

Le CESE renvoie à son avis sur une stratégie de l’UE visant à renforcer les compétences et aptitudes vertes pour tous (6), et il invite la Commission à développer, dans ce domaine, une stratégie qui concorde avec le pacte vert pour l’Europe et à établir un jeu d’indicateurs pour un cadre de compétences relatif aux besoins prévalant quant aux compétences vertes, en associant à la démarche les pouvoirs publics, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile.

1.13.

Le Comité réclame le développement de politiques qui augmentent l’attrait du métier d’enseignant et de formateur dans le domaine de l’enseignement et de la formation professionnels, en offrant à ses praticiens des mises à jour stratégiques pour enrichir leur bagage professionnel initial ou acquis par la suite, de manière à les préparer à la transition écologique et numérique dans leur secteur d’activité, ainsi qu’en améliorant leur statut, leur environnement professionnel du point de vue de la santé et de la sécurité et leurs conditions de travail, et aussi en les associant, dans un processus de dialogue social authentique, à l’élaboration des filières concernant la transformation numérique et écologique dans les institutions d’enseignement et de formation professionnels et les établissements scolaires.

1.14.

Le CESE souhaite que le plan d’action en matière d’éducation numérique (7) propose un soutien concret à la sphère scolaire pour améliorer les compétences numériques et l’investissement dans l’accès aux outils du numérique et à l’internet, et qu’il dispense l’assistance voulue pour que tout un chacun ait part à ces aptitudes numériques, qu’elles soient «douces», concernant l’existence quotidienne et la vie en société, ou «dures», portant sur les aspects liés aux technologies et à l’emploi. Le CESE appelle la Commission à fournir des données qui éclairent la situation en ce qui concerne l’accès aux ressources numériques et à l’internet dans les écoles, en rapport avec l’outil SELFIE (8). Il importe d’assurer le perfectionnement professionnel et la reconversion des travailleurs dans les compétences numériques nécessaires.

1.15.

Le CESE recommande de mener une étude à l’échelle de l’Union européenne pour recenser les microqualifications existantes chez les différents acteurs de la formation, afin de dresser l’inventaire des besoins qui sont réellement ceux des entreprises, des employeurs, des travailleurs et des demandeurs d’emploi en Europe en ce qui concerne lesdites microqualifications et leurs incidences sur les qualifications et les conventions collectives.

1.16.

Le CESE recommande d’améliorer la plate-forme Europass, en l’enrichissant d’informations fiables à l’intention des demandeurs d’emploi, apprenants, employeurs et concepteurs de politiques, et il prône que ces données soient également accessibles aux personnes handicapées et soient dispensées en plusieurs langues, dont celles qui sont les plus usitées parmi les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile.

1.17.

Le Comité lance un appel pour que les actions nationales en matière de compétences veillent à soutenir les étudiantes, les travailleuses et les chômeuses, en leur proposant des actions formatives sur mesure et en mettant l’accent sur un soutien efficace aux familles qui affrontent de graves difficultés pendant la crise de la COVID-19.

1.18.

Le CESE encourage la Commission à élaborer des actions qui garantissent que chacun de ces réfugiés, tout comme chaque demandeur d’asile, ait la possibilité de valider ses aptitudes et ses compétences, et de bénéficier des dispositifs de l’apprentissage, ainsi que du perfectionnement ou de la reconversion, pour s’insérer sur le marché du travail, conformément à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

1.19.

Le CESE propose qu’un débat plus poussé soit mené avec les pouvoirs publics, les partenaires sociaux concernés et les organisations de la société civile à propos des idées qui gouvernent les initiatives de la stratégie en matière de compétences qui portent sur l’enseignement supérieur et la recherche, ainsi que les autres interventions afférentes. Les partenariats que l’enseignement supérieur conclut avec les entreprises devraient être tout aussi bénéfiques pour lui que pour elles et ne peuvent aboutir à des restrictions budgétaires.

1.20.

Le CESE préconise que, dans le cadre du Semestre européen, les pouvoirs publics nationaux effectuent des investissements publics durables dans l’enseignement supérieur et la recherche, et que l’UE seconde cet effort en mobilisant ses ressources, afin qu’ils deviennent pleinement inclusifs et accessibles aux étudiants et aux futurs chercheurs et garantissent un environnement de travail propice pour le personnel académique et celui de la recherche. Le Comité demande que les propositions relatives au développement des aptitudes et compétences des chercheurs fassent l’objet d’un débat plus approfondi avec les bénéficiaires envisagés pour ces initiatives.

1.21.

Le CESE exhorte les États membres à mettre en œuvre le «communiqué de Paris» (2018) et celui «de Rome» qui sera prochainement publié en 2020, ainsi qu’à garantir le respect des piliers de l’espace européen de l’enseignement supérieur (EEES) que sont les libertés et l’intégrité académiques, l’autonomie des établissements, la participation des étudiants et du personnel à la gouvernance de l’enseignement supérieur, ainsi que la responsabilité publique en la matière. Le CESE appelle les États membres à respecter les valeurs fondamentales du processus de Bologne et à en appliquer les principes relatifs à la dimension sociale et à un apprentissage et un enseignement de qualité, et il demande au groupe de suivi dudit processus de s’assurer que la mise en œuvre des objectifs qui y ont été convenus soit poursuivie. Il souligne aussi l’importance de mettre en œuvre la recommandation des Nations unies concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur, de 1997 (9).

2.   Contexte

2.1.

La communication sur une stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience définit des priorités politiques et des actions visant à former davantage de travailleurs, à un rythme plus soutenu, aux compétences nécessaires à l’exercice d’un emploi, notamment celles requises pour maîtriser les transitions écologique et numérique.

2.2.

Le point de départ de la nouvelle proposition réside dans la communication intitulée «Une nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe — Travailler ensemble pour renforcer le capital humain et améliorer l’employabilité et la compétitivité» (10). Publiée en 2020, la stratégie mise à jour en matière de compétences propose douze actions et quatre objectifs quantitatifs à atteindre d’ici 2025. La proposition de recommandation du Conseil en matière d’enseignement et de formation professionnels (EFP) en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience expose des objectifs supplémentaires destinés aux apprenants de l’enseignement et de la formation professionnels. Le présent avis se penche sur l’une et l’autre de ces initiatives.

3.   Observations générales

3.1.

La pandémie de COVID-19 a précipité l’économie européenne dans une récession profonde, qui s’accompagne d’une montée du chômage. Même si Eurostat estime que son augmentation récente a été modeste au regard de l’effondrement de l’activité économique, on prévoit que, dans l’UE-27, son taux passera de 6,7 % en 2019 à 9 % en 2020 (11). Par ailleurs, en ce qui concerne l’éducation, le travail et la vie quotidienne, la crise de la COVID-19 a accéléré la transition numérique pour tous les habitants de l’Europe. Le train de mesures de la Commission arrive donc à point nommé pour que des discussions s’engagent sur la forme que pourraient prendre des politiques efficaces dans le domaine de l’éducation et de la formation.

3.2.

Le CESE se félicite que la stratégie en matière de compétences et la recommandation proposée sur l’enseignement et la formation professionnels aient été élaborées sous l’égide du socle européen des droits sociaux (SEDS) afin de contribuer au premier principe du socle, qui consacre le droit à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité. En effet, tous les Européens devraient avoir le droit d’accéder à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie qui soient inclusifs et de qualité, dans le cadre d’une transition juste et dans le contexte des changements démographiques actuels. Le Comité insiste sur la nécessité de réagir face à la pauvreté éducative, laquelle s’est accentuée sous l’effet des inégalités qui, durant la crise de la COVID-19, ont caractérisé l’accès à l’éducation et la formation.

3.3.

Le CESE est convaincu que les compétences clés et les compétences «douces» sont aussi importantes que les «compétences adéquates» requises par le marché du travail. Ces compétences clés comprennent des compétences sociales et citoyennes qui sont essentielles à tout individu en tant que citoyen d’une démocratie, en particulier lorsqu’un creusement des inégalités sociales et économiques est susceptible de déboucher sur le radicalisme, le populisme et une montée des taux de criminalité. La stratégie en matière de compétences devrait accorder une plus grande attention au développement des compétences clés au cours des cycles d’enseignement et des programmes éducatifs obligatoires, ainsi que dans le cadre de l’apprentissage chez les jeunes et les adultes. L’attention particulière que la stratégie accorde aux études dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques («STIM» (12) ), de même qu’aux compétences entrepreneuriales, mérite d’être saluée, parallèlement à l’effort déployé pour appréhender les exigences de la société et du marché du travail en ce qui concerne les compétences générales, et dès lors que la démarche s’accompagne d’une insistance sur les compétences sociales et transversales. Il convient d’améliorer encore les compétences dites «STIAM» (13), étant donné la contribution de poids que les disciplines artistiques, les sciences humaines et sociales et les savoirs professionnels apportent au PIB d’un pays.

3.4.

Le Comité rappelle que, dans l’avis (14) qu’il avait consacré en 2018 à l’espace européen de l’éducation, il s’était félicité que pour l’avenir, cette initiative promouvait des systèmes éducatifs plus inclusifs, et il avait souligné que l’apprentissage concernant l’Union, les valeurs démocratiques, la tolérance et la citoyenneté devait être considéré comme un droit pour tous, dans le cadre d’une approche globale de l’éducation, qui soit particulièrement attentive aux groupes défavorisés (15) et se conçoive comme partie intégrante de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux. Il est essentiel d’encourager les États membres à appliquer la recommandation du Conseil relative à la promotion de valeurs communes (16). Comme souligné dans son avis sur l’éducation à l’Union européenne (17), le CESE rappelle que l’éducation et la formation professionnels et la formation des adultes devraient également s’atteler à renforcer les valeurs européennes communes et l’identité de l’UE.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Le CESE se félicite de la proposition de pacte pour les compétences en matière de reconversion et de perfectionnement des travailleurs. Afin de définir des objectifs pour les destinataires d’un tel pacte et de garantir qu’ils puissent être atteints, il est essentiel de le concevoir en associant à cette démarche les partenaires sociaux, les organisations de la société civile ainsi que d’autres acteurs de premier plan, en fonction des groupes cibles. Le pacte devrait apporter des solutions efficaces pour les jeunes comme pour les adultes, les chômeurs, les personnes peu qualifiées et les travailleurs, en veillant tout particulièrement à ce que les catégories de personnes défavorisées sur le plan socio-économique aient accès, en ce qui concerne l’enseignement et la formation professionnels, la formation des adultes ainsi que la reconversion et le perfectionnement, à des filières de qualité et de nature inclusive, qui soient offertes par un large éventail de prestataires, tels que les services publics de l’emploi, les entreprises ou encore les établissements qui dispensent un enseignement et des formations en matière professionnelle.

4.2.

Pouvoir garantir à toute personne souhaitant suivre une formation quelle qu’elle soit de valider préalablement les apprentissages non formels et informels (ANFI) devrait être un des critères de qualité à remplir pour prétendre fournir ces formations. Toute formation devrait faire l’objet d’une reconnaissance et d’une certification, faisant apparaître clairement le niveau, ou l’unité ou partie de qualification dont elle est une composante. Une telle exigence conforterait la mise en œuvre de la recommandation du Conseil relative à des parcours de renforcement des compétences: de nouvelles perspectives pour les adultes (18) et de la recommandation du Conseil sur la validation des apprentissages non formels et informels (19).

4.3.

Abondant dans le sens d’un avis antérieur sur «Le financement durable de l’apprentissage tout au long de la vie et du développement des compétences dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre qualifiée» (20), le CESE demande qu’une utilisation efficace et cohérente soit faite du plan de relance, de Next Generation EU et d’autres fonds de l’Union européenne (par exemple FSE+ et le Fonds pour une transition juste), afin de garantir que les entreprises, ainsi que les sociétés de l’économie sociale, survivent à la crise, qu’elles puissent offrir et préserver des emplois de qualité, et que les travailleurs et les chômeurs bénéficient d’un soutien efficace pour acquérir des compétences de valeur. Le recours au FSE+ en tant que fonds complémentaire aidera à mettre en œuvre les réformes en matière d’éducation et de formation dont le processus du Semestre européen a cerné la nécessité, et il conviendrait que celui-ci épaule les objectifs d’une stratégie industrielle et d’une politique en faveur des PME européennes marquées au sceau de la durabilité dans le domaine du développement des compétences.

4.4.

Le CESE relève qu’en parlant de «comptes» plutôt que de «compte» au singulier, la proposition de la Commission reconnaît la diversité des approches qui, dans les États membres, donnent à chacun la possibilité de développer ses compétences tout au long de son existence. Néanmoins l’idée d’une initiative européenne relative à des comptes de formation individuels (CFI), prenant la forme, soit d’une action faîtière, soit d’une assistance spécifique aux États membres en fonction de leurs besoins, doit être explorée davantage, par des recherches en bonne et due forme, propres à assurer qu’elle puisse véritablement déboucher sur une démarche efficace de soutien au perfectionnement et à la reconversion, et qu’elle repose sur la validation des apprentissages non formels et informels, afin de fournir des possibilités d’apprendre individualisées. Il conviendrait, en conséquence, que des actions politiques supplémentaires soient arrêtées avec les partenaires sociaux concernés, y compris ceux du niveau sectoriel.

4.5.

Le pacte pour les compétences pourrait cibler les secteurs industriels où il est important qu’un soutien soit apporté au perfectionnement et à la reconversion des travailleurs et que ceux-ci soient incités, après avoir bénéficié d’un suivi et de conseils pratiques, à suivre des formations qui favoriseront leur carrière et leur développement professionnel, tout en servant l’intérêt de leur entreprise. En ce qui concerne le plan de coopération sectorielle en matière de compétences (21) et l’idée de développer un outil européen de profilage des compétences de base en matière d’enseignement et de formation professionnels, il convient de relever la nécessité d’examiner de manière plus approfondie, avec les partenaires sociaux concernés, les synergies potentielles entre les profils de compétences sectorielles de certaines professions. Il y a lieu de prendre en considération des approches d’ensemble, englobant la compétitivité, les stratégies de recherche et d’innovation des entreprises et les secrets industriels.

4.6.

La totalité des étudiants de l’enseignement et de la formation professionnels devraient avoir le droit d’accéder à un enseignement et à une formation professionnels et à des apprentissages qui soient à la fois inclusifs et de haute qualité, en conformité avec la recommandation du Conseil de 2018 sur un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (22). Les indicateurs relatifs aux taux d’employabilité des diplômés de l’enseignement et de la formation professionnels devraient tenir compte de l’incidence de la crise de la COVID-19 sur l’économie, ainsi que de leurs attentes vis-à-vis du monde de l’économie pour ce qui est de l’équité et de la qualité des emplois. Il serait possible d’encourager davantage l’apprentissage collaboratif, effectué entre plusieurs entreprises. Les projets de centres d’excellence professionnelle devraient être plus axés sur l’inclusion sociale et l’égalité d’accès à des formations qui présentent une haute qualité et soient attrayantes. Il importe que la mission des prestataires d’enseignement et de formation professionnels soit envisagée dans la perspective du pays concerné et de leurs échanges avec les partenaires sociaux sur la question de l’adaptation des filières aux besoins en compétences. De la même façon, la proposition de financer la participation des États aux concours EuroSkills peut contribuer à rehausser l’attrait de l’enseignement et de la formation professionnels, mais, en tout état de cause, la préparation exceptionnelle dont bénéficieront, pour y prendre part, des étudiants de cette filière triés sur le volet fournira aux pouvoirs publics une source d’inspiration pour améliorer plus globalement, grâce à des mesures opérantes, le niveau de qualité de l’ensemble des établissements actifs dans ce domaine.

4.7.

Le CESE rappelle les «conclusions de Riga», sur la stratégie en matière d’enseignement et de formation professionnels pour la période 2015-2020, dans lesquelles un consensus s’était dégagé pour estimer que l’«apprentissage en milieu professionnel» (AMP) couvre l’apprentissage pratique acquis tant dans les établissements d’enseignement que dans les entreprises (23). Si l’on considère que l’apprentissage en milieu professionnel devrait être de rigueur pour tous les élèves de l’enseignement et de la formation professionnels, il apparaît que les indicateurs concernant la participation audit apprentissage manquent cruellement d’ambition et ne peuvent guère prétendre améliorer les dispositions relatives à l’apprentissage.

4.8.

Renforcer la veille stratégique sur les besoins en compétences, en s’appuyant sur les récents travaux du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) (24), constitue une démarche d’une importance cruciale, notamment pour cerner et suivre les performances des États membres au regard des indicateurs de la formation des adultes et de l’enseignement et de la formation professionnels. Il importe de prévoir ou anticiper les besoins en compétences en relation avec les évolutions de la société et du marché du travail, pour assurer une meilleure gouvernance des stratégies en la matière, dans le cadre d’un dialogue social efficace avec les partenaires sociaux et de la consultation des parties prenantes concernées, parmi lesquelles figurent les entreprises. Il serait souhaitable que les indicateurs proposés par la stratégie sur les compétences et la recommandation proposée en matière d’enseignement et de formation professionnels soient réexaminés et actualisés en fonction des résultats des recherches sur l’impact que la crise de la COVID-19 a produit pour l’éducation, la formation et le marché du travail.

4.9.

Plus généralement, les données et les informations relatives à l’enseignement et à la formation professionnels, aux compétences et au marché du travail doivent être affinées en fonction des objectifs européens en matière d’éducation et de formation, ou encore des nouveaux indicateurs proposés pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, en particulier l’ODD 4 (éducation), l’ODD 5 (égalité), l’ODD 8 (travail décent) ou l’ODD 13 (changement climatique), ainsi que le Semestre européen. Si l’on veut atteindre les niveaux proposés dans les indicateurs d’ici 2025, il conviendrait que la fréquence du suivi réalisé par Eurostat et d’autres agences, telles que le Cedefop et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), implique une mise à jour annuelle. Pour aider plus efficacement les entreprises et les travailleurs à définir leurs besoins en matière d’investissements, de prestations et de compétences, des indicateurs supplémentaires pourraient cibler le «pourcentage d’entreprises dispensant des formations, par type de formation», ainsi que les «dépenses des entreprises en matière de modules de formation, en pourcentage du coût total de la main-d’œuvre». Ces données sont déjà collectées tous les cinq ans par Eurostat, mais une telle périodicité n’est d’aucune aide pour favoriser la participation active des partenaires sociaux à l’anticipation ou à la prévision des besoins de compétences et à la mise sur pied des formations requises, alors qu’il s’agit là d’un aspect que la stratégie se propose de renforcer. Le congé-éducation rémunéré, s’inscrivant dans le cadre de conventions collectives négociées, peut constituer un outil à intégrer dans les indicateurs, tout comme la mesure du volume d’informations et d’orientations fournies aux travailleurs.

4.10.

L’avis du CESE sur une stratégie de l’UE visant à renforcer les aptitudes et les compétences vertes pour tous (25) souligne que la responsabilité environnementale est une obligation qui vaut pour chacun. Des actions volontaristes de perfectionnement et de reconversion destinées à faciliter la transition juste vers une économie verte devraient être mises à la disposition de tous, dont, en particulier, les travailleurs des secteurs en déclin. Il est nécessaire de suivre, grâce à un indicateur précis, s’appliquant à toute la population européenne et non aux seuls adultes, l’offre de formation concernant les compétences et les aptitudes écologiques, qu’elles soient «douces», concernant l’existence quotidienne et la vie en société, ou «dures», portant sur des aspects techniques et professionnels. Un tel indicateur et la stratégie européenne sur les aptitudes et les compétences écologiques devraient s’appuyer sur une étude et une évaluation approfondies, menées au niveau de l’Union, des stratégies nationales concernant les aptitudes et les compétences écologiques. La mise en place d’indicateurs et d’un cadre de compétences sur les compétences écologiques doit se fonder sur une méthode ouverte de coopération. Les enseignants et formateurs de l’enseignement et de la formation professionnels devraient bénéficier d’un développement continu et de qualité dans leur métier, y compris au sein des entreprises (26), et être associés à l’élaboration des filières concernées par la transition numérique et écologique.

4.11.

Le Comité souligne que les établissements scolaires jouent un rôle social immense, et que la numérisation devrait apporter un soutien aux méthodes d’enseignement, en tant qu’outil et non comme finalité en soi. Il est capital de soutenir efficacement les établissements scolaires, les étudiants, les enseignants, les parents et les familles pour améliorer les compétences numériques et renforcer les investissements dans les équipements, et cette question devrait être prise en considération dans le cadre du Semestre européen ou encore du plan d’action en matière d’éducation numérique. Vu les avancées constantes de la numérisation dans les différents secteurs industriels et l’économie, il est important de procéder au perfectionnement et à la reconversion des travailleurs dans les compétences numériques nécessaires en recourant au dialogue social. Le CESE appelle la Commission à fournir des données éclairantes sur l’accès aux ressources numériques et à l’internet dans les écoles, en rapport avec l’outil SELFIE (27).

4.12.

Il y a lieu de parvenir, en consultant les partenaires sociaux, à une définition et une compréhension communes au niveau européen de la notion de microqualifications. Le CESE recommande de mener une étude à l’échelle de l’Union européenne qui recenserait les microqualifications existantes qui sont en usage dans les entreprises, les différentes branches d’activité, les organismes de formation et les établissements éducatifs, qu’ils ressortissent à l’enseignement et à la formation professionnels ou à l’enseignement supérieur, pour ensuite dresser l’inventaire des besoins et intérêts des entreprises, des employeurs, des travailleurs et des demandeurs d’emploi en Europe pour ce qui est d’obtenir ou de requérir des microqualifications. Il est permis d’estimer que les microqualifications ne représentent qu’une solution et un aboutissement possibles parmi d’autres dans les procédures de perfectionnement et de reconversion. Il conviendra alors de définir clairement la manière dont les certificats afférents s’insèrent dans une qualification complète. La définition de normes et la poursuite de l’action politique au niveau de l’Union en ce qui concerne les microqualifications doivent faire l’objet d’un débat avec les partenaires sociaux. Il y a lieu en particulier de veiller à la qualité et à la transparence d’une telle étude menée à l’échelle européenne, en incluant une analyse d’impact approfondie qui mesure ses incidences sur les qualifications et les conventions collectives.

4.13.

En ce qui concerne le lancement de la nouvelle plate-forme Europass, il serait possible de résoudre la question de la fiabilité des certifications et des qualifications par le recours aux titres de qualification numériques, dans le respect des procédures de reconnaissance et de validation. Les informations afférentes devraient également être accessibles aux personnes handicapées, et disponibles dans un éventail de langues, dont celles qui sont les plus usitées parmi les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Il serait opportun d’étudier plus en détail l’idée de «badges numériques», qui serviraient à une reconnaissance accélérée en la matière.

4.14.

Le CESE salue les suggestions de la Commission sur le soutien apporté à des actions stratégiques nationales en matière de compétences qui s’attachent à promouvoir l’inclusion et l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’enseignement et la formation professionnels. Selon de récents rapport des Nations unies (28), du Conseil de l’Europe et de l’EIGE (29), la crise de la COVID-19 a particulièrement atteint les femmes ayant une famille à charge. Les femmes ont été confrontées à «une recrudescence de la violence domestique, sexuelle et fondée sur le genre», et «il est aussi important qu’une attention particulière soit portée aux effets à long terme possibles de l’épidémie sur l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle et sur l’indépendance économique des femmes, car beaucoup d’entre elles pourraient être forcées à faire des choix difficiles et à devoir se diriger vers le travail non rémunéré» (30). En conséquence, le CESE suggère que les actions nationales en matière de compétences devraient veiller à soutenir les étudiantes, les travailleuses et les chômeuses, en leur dispensant des formations sur mesure. Ces initiatives devraient également s’employer à apporter un soutien efficace aux familles qui ont affronté de graves difficultés lors de la crise de la COVID-19.

4.15.

Le CESE rappelle que conformément à la charte des droits fondamentaux, les réfugiés doivent être traités sur un pied d’égalité, quel que soit leur niveau de compétences, et que chacun, tout comme chaque demandeur d’asile, devrait avoir la possibilité de valider ses aptitudes et ses compétences, ainsi que de bénéficier de l’apprentissage, du perfectionnement ou de la reconversion pour s’insérer sur le marché du travail. Le pacte sur la migration et l’asile devrait reconnaître que les réfugiés possèdent des compétences et des qualifications de divers degrés, qui peuvent apporter une valeur ajoutée au pays d’accueil ainsi qu’à son marché du travail et aux besoins des entreprises sur le plan local.

4.16.

Il importe de chercher à jeter davantage de passerelles avec l’espace européen de l’enseignement supérieur (EEES) et l’espace européen de la recherche (EER), pour améliorer la qualité et le caractère inclusif de l’enseignement supérieur et de la recherche en faveur de tous les étudiants, quels que soient leur âge et le milieu socio-économique dont ils sont issus. Une des grandes visées de l’initiative des «universités européennes» doit être d’augmenter la qualité des études qui sont menées dans ces établissements et de favoriser leur reconnaissance mutuelle. Étant entendu que l’enseignement constitue une compétence nationale, la proposition de la Commission concernant le diplôme européen, un statut d’université européenne et un système européen de reconnaissance et d’assurance de la qualité semble poser un jalon vers la synchronisation des études supérieures. En conséquence, le CESE demande que les idées qui gouvernent ces initiatives et d’autres interventions dans ce domaine soient débattues plus en profondeur avec les pouvoirs publics nationaux, les partenaires sociaux concernés et les organisations de la société civile.

4.17.

Le CESE relève que la crise de la COVID-19 a eu un impact très négatif sur les universités, en ce qui concerne aussi bien les inscriptions ou la participation aux cours, que leur rôle social ou encore les investissements. Il convient d’assurer que les pouvoirs publics nationaux investissent durablement dans l’enseignement supérieur et la recherche, ainsi que d’améliorer leur financement par des fonds de l’UE, afin de rendre l’éducation et la recherche pleinement inclusives et accessibles aux étudiants et aux futurs chercheurs et de garantir un environnement de travail propice pour le personnel académique comme celui de la recherche.

4.18.

Les partenariats que l’enseignement supérieur conclut avec les entreprises devraient être tout aussi bénéfiques pour lui que pour elles et être équilibrés, pour garantir que la recherche et l’innovation que mènent ces sociétés soient conduites en toute autonomie, et que l’enseignement supérieur et la recherche relevant du secteur public obéissent elles aussi à la même exigence. Les propositions de la stratégie en matière de compétences doivent tenir compte des engagements souscrits par les ministres des quarante-huit pays du processus de Bologne, affirmant que «les libertés et l’intégrité académiques, l’autonomie des établissements, la participation des étudiant(e)s et du personnel à la gouvernance de l’enseignement supérieur, ainsi que la responsabilité publique de l’enseignement supérieur et en sa faveur, forment l’ossature même de l’EEES». Le Comité renvoie aussi à la recommandation des Nations unies concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur, de 1997 (31).

4.19.

Aux termes de l’article 13 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, «les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté académique est respectée» (32). Les propositions concernant la création d’un cadre européen des compétences pour les chercheurs, l’établissement d’une classification de leurs compétences et l’élaboration de programmes de formation à leur intention dans le domaine de la science ouverte et de la gestion scientifique sont certes des idées ambitieuses, mais elles remettent en question la liberté académique dont les établissements d’enseignement supérieur jouissent pour préparer leurs futurs universitaires et chercheurs, dans l’optique de renforcer la liberté du savoir et de la recherche.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Sciences, technologies, ingénierie, arts et mathématiques.

(2)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE).

(3)  Recommandation du Conseil relative à la promotion de valeurs communes, à l’éducation inclusive et à la dimension européenne de l’enseignement (JO C 195 du 7.6.2018, p. 1).

(4)  JO C 232 du 14.7.2020, p. 8.

(5)  Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.

(6)  Avis SOC/636 (en cours d’élaboration), titre en cours de modification.

(7)  Page internet de la Commission sur un nouveau plan d’action en matière d’éducation numérique.

(8)  Outil SELFIE.

(9)  Recommandation des Nations unies concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur.

(10)  COM(2016) 381 final.

(11)  Communiqué de presse d’Eurostat «Le taux de chômage à 7,8 % dans la zone euro», juillet 2020.

(12)  Sciences, technologies, ingénierie et mathématiques.

(13)  Sciences, technologies, ingénierie, ARTS et mathématiques.

(14)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 136.

(15)  EIGE.

(16)  Recommandation du Conseil (JO C 195 du 7.6.2018, p. 1).

(17)  JO C 228 du 5.7.2019, p. 68.

(18)  JO C 484 du 24.12.2016, p. 1.

(19)  Recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel.

(20)  Voir la note 4 de bas de page.

(21)  Plan de coopération sectorielle en matière de compétences.

(22)  Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.

(23)  Voir la définition de l’«apprentissage en milieu professionnel» dans la note 6 de bas de page des conclusions de Riga (2015).

(24)  Page web du Cedefop consacrée à la veille stratégique sur les besoins en compétences.

(25)  Voir la note 6 de bas de page.

(26)  «Guiding principles for professional development of trainers in VET» (Principes directeur pour le développement professionnel des formateurs de l’enseignement et la formation professionnels), Cedefop, 2014, et «ETUCE Policy Paper on VET in Europe» (Document de prise de position du Comité syndical européen de l’éducation sur l’enseignement et la formation professionnels en Europe), CSEE, 2012.

(27)  Outil SELFIE.

(28)  «Note de synthèse des Nations unies: L’impact de la COVID-19 sur les femmes et les filles».

(29)  Voir page web ad hoc de l’EIGE.

(30)  https://www.coe.int/fr/web/genderequality/women-s-rights-and-covid-19.

(31)  Recommandation des Nations unies concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur.

(32)  Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/48


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Soutenir l’emploi des jeunes: un pont vers l’emploi pour la prochaine génération»

[COM(2020) 276 final]

et la proposition de recommandation du Conseil relative à «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» et remplaçant la recommandation du Conseil du 22 avril 2013 sur l’établissement d’une garantie pour la jeunesse

[COM(2020) 277 final — 2020/132(NLE)]

(2021/C 10/08)

Rapporteure:

Tatjana BABRAUSKIENĖ

Corapporteur:

Michael McLOUGHLIN

Consultation

Commission européenne, 12.8.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

9.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite que la garantie renforcée pour la jeunesse offre aux États membres une série de mesures visant à lutter contre le chômage des jeunes, qui recouvre différents outils parmi lesquels figurent l’apprentissage, les stages, l’information et les offres d’emploi, et il demande de prendre d’autres mesures de manière à pérenniser cet instrument. Il regrette toutefois que ces mesures ne soient pas équilibrées et se concentrent principalement sur l’éducation et les compétences et moins sur les politiques actives du marché du travail. Au sortir de la crise due à la COVID-19, les jeunes de l’Union européenne, qui sont les plus touchés par le chômage, devraient avoir accès à des possibilités d’emploi de qualité.

1.2.

Le Comité presse les États membres de prendre des mesures supplémentaires afin de réaffirmer les principes 1 et 4 du socle européen des droits sociaux de manière à encourager la coopération entre les secteurs et à de multiples niveaux afin de mettre en œuvre une approche globale et intégrée de l’aide aux jeunes qui rencontrent de nombreux obstacles pour s’intégrer dans l’éducation, la société et sur le marché du travail.

1.3.

Le CESE demande de placer immédiatement les jeunes qui s’enregistrent au titre de la garantie pour la jeunesse. Il s’impose d’offrir rapidement dans un délai de quatre mois une solution de qualité, telle qu’un emploi ou la possibilité d’une formation de qualité. Cette démarche devrait également tenir compte des procédures parfois assez longues pour valider les apprentissages non formels et informels, qu’il est possible d’associer à la disponibilité de possibilités de formation pendant un certain laps de temps.

1.4.

Le CESE fait valoir que l’aide aux jeunes doit s’enraciner dans la validation des apprentissages non formels et informels qui devrait idéalement mener à des qualifications qui déterminent précisément les niveaux atteints du cadre européen des certifications (CEC) ou du cadre national des certifications (CNC) et à un titre professionnel ou à une certification. Afin de réaliser l’objectif de quatre mois et de fournir une aide individuelle, les systèmes de validation et d’offre de formation devraient être plus souples et agiles.

1.5.

Le Comité réclame une initiative de l’Union européenne afin de renforcer la prestation d’une orientation professionnelle et des conseils de qualité dès les premières étapes de l’éducation scolaire des jeunes, ainsi qu’afin de fournir davantage d’informations aux jeunes sur leur formation complémentaire et par conséquent sur leurs possibilités de carrière dans le contexte de la transition écologique et numérique du marché du travail.

1.6.

Le CESE fait valoir que le placement professionnel des jeunes qui ne travaillent pas et ne suivent pas d’études ou de formation (NEET) doit respecter le droit du travail, les conventions collectives et les règles fiscales afin d’éviter que les jeunes travailleurs aidés par la garantie pour la jeunesse ne se retrouvent en situation précaire à long terme. Il est indispensable que le placement des jeunes dans un emploi en tant que travailleurs respecte des conditions décentes de salaire et de travail, l’accessibilité du poste de travail, la santé et la sécurité sur le lieu de travail et la démocratie au travail, telles que définies par la législation nationale et les conventions collectives et/ou les accords de branche. Le CESE recommande aux États membres d’appliquer des politiques actives du marché du travail afin de créer des emplois pour les jeunes dans les secteurs public et privé et de garantir des solutions à long terme. Des contrats à court terme et temporaires peuvent résoudre des problèmes urgents, mais la précarité à long terme est tout aussi néfaste pour les jeunes, pour les entreprises et pour l’économie.

1.7.

Le Comité suggère qu’il conviendrait de développer un cadre de qualité régissant la garantie pour la jeunesse, en associant les partenaires sociaux et les acteurs de la société civile concernés aux échelons européen, national et local à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation de ce dispositif de manière à s’assurer qu’il réponde à certaines normes. Sachant que l’octroi de la garantie pour la jeunesse bénéficie d’une allocation accrue de ressources publiques, appuyées par des Fonds de l’Union européenne, il est primordial d’assurer un suivi de la qualité des prestations offertes au moyen de critères et d’une conditionnalité de qualité (1) en ce qui concerne le placement des jeunes. Le CESE salue les travaux de la Confédération européenne des syndicats (CES) et du Forum européen de la jeunesse à cet égard.

1.8.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de mettre en œuvre un retour d’information après le placement ainsi qu’un suivi de la garantie pour la jeunesse afin de continuer à renforcer le suivi et l’évaluation de l’aide aux fins de politiques efficaces en faveur de la jeunesse. Le CESE demande aux États membres de mettre en place un suivi à la fois qualitatif et quantitatif des dispositifs nationaux de garantie pour la jeunesse, qui se base sur le cadre d’indicateurs convenu d’un commun accord et qui sera effectué chaque année et amélioré au moyen d’une liste qualitative. Les mécanismes de suivi et d’évaluation devraient également se concentrer sur la qualité, associer les acteurs de la société civile, notamment les organisations de la jeunesse, et s’efforcer d’obtenir une contribution directe des jeunes.

1.9.

Le CESE appelle de ses vœux une coopération à l’échelon européen et national en faveur de politiques efficaces dans les domaines social, de l’emploi et de l’éducation et de la formation, en s’appuyant sur des alliances qu’il conviendra de nouer entre ministères, services publics de l’emploi, partenaires sociaux, organisations de la jeunesse, conseils nationaux de la jeunesse et d’autres acteurs concernés afin de trouver la meilleure solution pour les jeunes et de s’assurer de mieux toucher ceux qui sont dans le besoin, en s’attachant tout particulièrement à inclure ceux qui sont défavorisés sur le plan socio-économique ainsi qu’à assurer l’égalité des sexes.

1.10.

Le Comité recommande que la Commission mène une étude à l’échelon de l’Union sur l’incidence de la crise de la COVID-19 sur le décrochage scolaire précoce et sur l’augmentation des taux de NEET. Il recommande également de modifier les données d’Eurostat concernant le taux de chômage des jeunes, de manière à englober aussi les jeunes de l’âge de la fin de la scolarité obligatoire jusqu’à celui de 30 ans (et non plus seulement la tranche d’âge comprise entre 18 et 25 ans), ainsi que d’assurer dans le cadre du dispositif de la garantie pour la jeunesse des mesures d’aide adéquates et un accès à des financements de l’Union européenne qui soient d’un niveau approprié.

1.11.

Le CESE presse les États membres de l’Union européenne de garantir des mesures efficaces en matière d’éducation, de formation et de marché du travail afin de fournir une aide efficiente aux jeunes. Il importe de faire en sorte que, premièrement, un âge approprié de sortie du système éducatif et, deuxièmement, des investissements publics pérennes dans une éducation inclusive et de qualité réduisent la proportion de jeunes et de NEET ne disposant que de faibles compétences et qualifications.

1.12.

Le CESE demande de soutenir effectivement les services publics de l’emploi afin que ceux-ci puissent placer les personnes dans un enseignement complémentaire, une formation continue et des emplois de qualité. Il note que le relèvement de l’âge d’accès à la garantie pour la jeunesse ne saurait réduire la qualité des possibilités offertes par les services publics de l’emploi ou accroître encore la pression qui s’exerce sur ces derniers ou sur les systèmes d’éducation et de formation qui font face à une demande accrue. Le CESE demande une aide supplémentaire afin de renforcer la capacité des services publics de l’emploi et de permettre aux citoyens de recevoir davantage d’informations sur les places d’apprentissage, les stages et les offres d’emploi de qualité disponibles au sein des entreprises.

1.13.

Le Comité recommande d’améliorer la plate-forme Europass au moyen d’informations fiables à l’intention des jeunes chercheurs d’emploi, y compris les personnes handicapées, dans différentes langues, y compris celles les plus parlées parmi les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile.

1.14.

Le CESE demande aux États membres de coopérer plus avant de manière à retranscrire toute réforme importante de la garantie pour la jeunesse dans les instruments juridiques qui régissent les financements en rapport. Le CESE demande à la Commission d’accroître les financements de l’Union disponibles aux fins de la garantie pour la jeunesse, en prenant en compte l’ensemble des investissements de l’Union dans la garantie pour la jeunesse, l’ensemble des programmes existants de l’Union et une évaluation de l’utilisation des Fonds de l’Union. Il est nécessaire de mieux faire connaître l’information relative aux financements de l’Union aux fins de la garantie pour la jeunesse auprès de ceux qui aident les jeunes, et les États membres doivent obtenir des lignes directrices dans leurs propres langues. Le CESE se félicite que cette aide ciblée en faveur de la jeunesse soit intégrée dans le Semestre européen.

1.15.

Le CESE demande d’associer les partenaires sociaux et les autres acteurs concernés à la mise en œuvre du Fonds social européen plus (FSE+), comme le prévoit le code de conduite européen sur le partenariat dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens. Il s’impose d’étendre une telle association à l’instrument financier de l’Union qui appuie la garantie renforcée pour la jeunesse au sein du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. Une telle démarche permettrait d’assurer une programmation participative et un suivi efficace de sa mise en œuvre, de manière que les financements parviennent réellement à ceux qui en ont besoin.

1.16.

Le CESE approuve l’intention de la Commission de mettre en place un cadre de suivi sur l’accès à la protection sociale et de fournir des solutions afin d’assurer des conditions de travail adéquates pour les personnes qui travaillent sur les plates-formes numériques, sachant qu’autrement, le travail participatif et le travail via une plate-forme ne fourniront pas les meilleures solutions à long terme pour placer les jeunes dans des emplois de qualité dans le cadre de la garantie pour la jeunesse.

1.17.

Le CESE propose de combiner la prochaine garantie européenne pour l’enfance et la garantie pour la jeunesse afin d’apporter un soutien plus efficace aux jeunes parents, qu’ils soient au travail ou au chômage.

1.18.

Le CESE encourage la Commission à définir un plan d’action en faveur de l’économie sociale afin d’apporter un soutien efficace aux jeunes entrepreneurs et aux nouvelles entreprises et d’accroître les compétences écologiques à l’échelon local en mettant tout particulièrement l’accent sur les groupes vulnérables et en associant les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernés.

1.19.

La Commission propose que les États membres encouragent les entreprises à embaucher des jeunes chômeurs et à leur présenter des offres d’emploi de qualité. Le CESE relève que pour ce faire, des incitations à l’emploi, des subventions salariales et des primes au recrutement, ainsi que des incitations fiscales pour les entreprises, pourraient en effet constituer de bonnes solutions, qu’il convient d’accompagner en garantissant l’accès à des possibilités convenables de formation. Les incitations pour les entreprises devraient fournir des solutions efficaces qui s’intègrent dans leur plan de développement à moyen et à long terme.

1.20.

Le CESE recommande de mener une étude à l’échelon de l’Union pour recenser les microqualifications existantes et faire apparaître les besoins et les centres d’intérêt des entreprises, des employeurs, des travailleurs et des chômeurs européens pour ce qui est d’obtenir et de demander des microqualifications, en s’attachant tout particulièrement aux jeunes.

1.21.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de renforcer le dialogue social s’agissant d’améliorer l’offre d’apprentissage et il demande un suivi effectif de la mise en œuvre de la recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (2) à l’échelon national et au niveau des entreprises. Il importe d’évaluer et d’améliorer l’apprentissage au regard des critères dudit cadre européen.

1.22.

Le CESE demande à la Commission de soutenir le réseau européen des apprentis en définissant un mandat clair afin de soutenir les apprentis conformément au cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.

2.   Contexte et observations générales

2.1.

L’adoption en avril 2013 de la recommandation du Conseil sur l’établissement de la garantie pour la jeunesse est intervenue à un moment où les perturbations économiques et financières et la crise économique faisaient culminer le taux de chômage parmi les citoyens en Europe, dont notamment de nombreux jeunes.

2.2.

La pandémie de COVID-19 a précipité l’économie européenne dans une récession profonde assortie d’une hausse du taux de chômage. En juin 2020, 3 millions de jeunes âgés de moins de 25 ans étaient au chômage dans l’Union européenne (soit 17,1 % de la population active totale de cette tranche d’âge) (3), un chiffre dont l’on escompte (4) qu’il grimpe à 4,8 millions (soit 26,2 %) d’ici la fin de l’année. En outre, l’on s’attend à une augmentation du nombre de NEET de 4,9 millions à 6,7 millions. Il est opportun de renforcer la mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse de manière à éviter de revenir aux niveaux de chômage les plus élevés de l’histoire de l’Union européenne au XXIe siècle (5). La proposition visant à renforcer la garantie pour la jeunesse offre aux États membres une série de mesures pour lutter contre le chômage des jeunes grâce à différents instruments, notamment l’apprentissage, les stages, l’éducation et les offres d’emploi. Cette proposition met l’accent sur le passage des études à la vie professionnelle et sur l’intégration sur le marché du travail des jeunes âgés jusqu’à 30 ans dans les quatre mois qui suivent leur enregistrement auprès d’un service public de l’emploi ou d’un prestataire de la garantie pour la jeunesse.

2.3.

Comme l’a montré la crise économique la plus récente, ce sont les jeunes que la crise frappe le plus durement. Ils sont plus vulnérables sur le marché du travail et ils ne bénéficient pas, ou guère, de la protection sociale. Nombre d’entre eux ont contracté des prêts étudiants, manquent de moyens pour développer leurs compétences et sont confrontés à un risque élevé de maladie mentale du fait de leur inactivité. Le chômage des jeunes entraîne des conséquences à long terme pour chacune de ses victimes, faisant d’elles une «génération perdue». Eurofound (6) a calculé qu’au plus profond de la dernière récession, les économies européennes avaient perdu quelque 162 milliards d’euros chaque année faute d’avoir agi en faveur de l’intégration des jeunes. Le chômage des jeunes peut avoir des effets négatifs non seulement sur l’économie mais aussi sur l’ensemble de la société, sachant que les jeunes peuvent décider de ne plus participer à la vie démocratique et sociale.

2.4.

Les jeunes NEET constituent un groupe disparate. Ils le sont de par leur niveau de compétences, leurs qualifications formelles et leur parcours personnel. Certains systèmes éducatifs ne sont pas assez souples pour permettre une perméabilité entre différents secteurs de l’éducation. Il convient d’offrir à ces jeunes des solutions en fonction de leur niveau de qualifications et de compétences. Il convient en particulier d’accorder une aide ciblée en matière sociale, d’emploi et d’éducation à ceux qui sont vulnérables et proviennent de milieux socio-économiques défavorisés. L’égalité des sexes et l’égalité des chances sont nécessaires pour les migrants et les réfugiés, les minorités, les Roms et les jeunes handicapés. Les jeunes en décrochage scolaire ou peu qualifiés devraient bénéficier d’une assistance afin d’améliorer leurs compétences et leurs aptitudes pour parvenir à des niveaux de qualification «autour du niveau 3 ou 4 du cadre européen des certifications», en fonction des spécificités nationales. Cette démarche leur permettrait de s’intégrer sur le marché du travail, conformément à la recommandation du Conseil relative à des parcours de renforcement des compétences (7).

2.5.

Lorsqu’il s’agit de soutenir de jeunes adultes, il est indispensable de définir ces derniers comme ceux se trouvant entre l’âge de la fin de la scolarité obligatoire (8) et celui de 30 ans. Telle que révisée, la garantie pour la jeunesse prolonge son aide jusqu’à l’âge de 30 ans et prévoit d’aider efficacement les personnes à obtenir un emploi décent et à bénéficier d’un perfectionnement et d’une reconversion. Le décrochage scolaire précoce et l’absence d’investissements publics dans une éducation inclusive pour tous contribuent au taux élevé de jeunes ne disposant que de peu de compétences et de qualifications. Cette situation rend d’autant plus nécessaires des mesures visant à les faire entrer dans un enseignement complémentaire et sur le marché du travail.

2.6.

En raison de la crise actuelle, les emplois créés dans divers secteurs d’activité pourraient disparaître. Selon le principe 4 du socle européen des droits sociaux, «les jeunes ont le droit de bénéficier de formations continues, d’apprentissages, de stages ou d’offres d’emploi de qualité dans les quatre mois qui suivent la perte de leur emploi ou leur sortie de l’enseignement». Il est également nécessaire que s’applique le principe 1 de ce même socle s’agissant de fournir une aide aux jeunes pour se reconvertir et se perfectionner ainsi que de prendre des mesures de lutte contre le décrochage scolaire précoce, de manière à garantir leur «droit à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité». Les États membres devraient garantir ces droits en encourageant la coopération entre secteurs et à niveaux multiples pour mettre en œuvre une approche intégrée pour soutenir les jeunes confrontés à des barrières multiples à l’inclusion sociale, au-delà de l’emploi (9).

3.   Observations spécifiques

3.1.

Comme l’Observatoire du marché du travail du CESE l’avait mis en évidence dans son étude de 2014 sur l’emploi des jeunes (10), la mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse s’est heurtée à de nombreux obstacles au sein des États membres de l’Union, tels que la qualité médiocre de l’offre dans le cadre de ce dispositif, une intervention ultérieure à la période promise de quatre mois et des stratégies inadéquates pour toucher les jeunes (tels que les NEET) les plus éloignés du marché du travail en vue de leur proposer une aide. Des structures de gouvernance plus efficaces sont nécessaires pour assurer une meilleure mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse. Il convient de bien cibler les financements en tenant compte d’un taux plus élevé d’enregistrement des jeunes. Par conséquent, il s’impose de s’assurer d’une meilleure participation des acteurs concernés, tels que les organisations de la jeunesse, les conseils nationaux de la jeunesse et d’autres ONG concernées et les partenaires sociaux à l’échelle de l’Europe, des secteurs, des États et le cas échéant des entreprises, lors de la conception, de la mise en œuvre et de l’évaluation du dispositif de la garantie pour la jeunesse, ce qui peut contribuer à asseoir l’acceptation et la mise en œuvre sans accroc des réformes.

3.2.

Il est également nécessaire de renforcer le système de recensement pour parvenir à une compréhension approfondie de la diversité des NEET. Il convient d’allier les activités de suivi de l’aide aux jeunes avec une intensification des travaux de recherche en tenant compte de l’hétérogénéité du groupe des NEET et des groupes de jeunes particulièrement vulnérables aux fins d’une politique fondée sur des données probantes, tout en respectant la législation relative à la protection des données. Il n’est guère aisé de toucher les NEET et il est donc besoin d’une offre intégrée de services sociaux et en faveur de l’emploi, à la fois publics et privés, qui se fondent sur des données probantes et fiables.

3.3.

Il convient d’étendre l’association des partenaires sociaux et des acteurs concernés dans la mise en œuvre du Fonds social européen plus (FSE+), telle que la permet le code de conduite européen sur le partenariat dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens, à l’instrument financier de l’Union qui appuie la garantie renforcée pour la jeunesse dans le prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027. Une telle démarche permettrait d’assurer une programmation participative et un suivi efficace de sa mise en œuvre, de manière que les financements parviennent réellement à ceux qui en ont besoin.

3.4.

De ce point de vue, une aide efficace dans le domaine social, de l’emploi et de l’éducation et de la formation doit s’enraciner dans une coopération entre les ministères compétents et les services d’aide. Afin de trouver la meilleure solution pour les jeunes, il s’impose de nouer des alliances entre les ministères, les services publics de l’emploi, les organisations de la jeunesse, les conseils nationaux de la jeunesse et les autres ONG concernées, les partenaires sociaux et d’autres acteurs. L’échec de l’objectif de quatre mois dans le cadre de la précédente garantie pour la jeunesse doit constituer une préoccupation centrale pour sa version révisée. Il est besoin de renforcer et de soutenir le rôle et la capacité des services publics de l’emploi pour placer les personnes dans des emplois de qualité. Les ONG et les entreprises sociales peuvent également fournir une aide aux jeunes en proposant des emplois temporaires et des stages. Il devrait circuler davantage d’informations sur les places disponibles dans les entreprises puisque faute des unes comme des autres, les services publics de l’emploi sont mis dans l’impossibilité de fournir une aide. En ce qui concerne l’intervention des services privés de l’emploi, il est nécessaire de faire en sorte que l’aide de la garantie pour la jeunesse soit offerte aux jeunes à titre gratuit, tout comme l’aide publique.

3.5.

Il importe de continuer à renforcer les liens avec les communautés, les organisations de la jeunesse et d’autres groupes sociaux, ainsi qu’à les toucher davantage, dans le droit fil de certains des exemples cités dans le document de travail des services de la Commission qui accompagne la proposition de recommandation du Conseil relative à «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» (11). Il importe de relever que la communication intitulée «Soutenir l’emploi des jeunes: un pont vers l’emploi pour la prochaine génération» (12) estime que l’information destinée aux plus vulnérables continue de laisser à désirer, mettant ainsi d’autant en lumière son rôle central et celui d’autres formes d’activités d’information.

3.6.

Nous relevons que selon des analyses de l’OIT (13) sur la garantie pour la jeunesse, l’absence de ressources nationales a produit des effets néfastes sur la capacité des pays à offrir à tous les NEET l’occasion de travailler ou de participer à une formation dans les quatre mois. L’augmentation du budget alloué à la garantie pour la jeunesse est bienvenue et correspond à l’augmentation des effectifs de la tranche d’âge des personnes visées par cette initiative. Le CESE déplore toutefois que si le plan de relance pour l’Europe prévoit 750 milliards d’euros afin de redresser l’économie de l’Europe, la garantie pour la jeunesse ne bénéficie que de 22 milliards d’euros, qui englobent, selon la Commission (14), des investissements au titre du Fonds social européen et de l’initiative pour l’emploi des jeunes, y compris le cofinancement national. La Commission met également sur la table le recours à des fonds supplémentaires; il s’agit notamment de 55 milliards d’euros fournis dans le cadre de REACT-EU pour la période 2020-2022, ainsi que de 86 milliards d’euros du FSE+, que les États peuvent également utiliser pour soutenir l’emploi des jeunes, parmi plusieurs autres fonds. Des recherches (15) laissent à penser qu’il serait possible de parvenir à une aide efficace dans le cadre de la garantie révisée pour la jeunesse au moyen d’au moins 50 milliards d’euros par an. Le CESE presse la Commission de fournir aux États membres des données chiffrées et des orientations précises sur le montant total de l’investissement au niveau de l’Union visant à soutenir la garantie pour la jeunesse, ainsi qu’une évaluation concernant l’efficacité de son utilisation. Au vu de la nécessité d’assurer la viabilité de ce mécanisme d’aide ainsi renforcé au moyen d’investissements publics, nous nous félicitons de l’intégration de l’aide ciblée en faveur des jeunes dans le cadre du Semestre européen.

3.7.

Le CESE se félicite que cette initiative politique propose une approche ciblée des personnes vulnérables en s’appuyant sur un partenariat élargi avec les partenaires sociaux et les organisations de la jeunesse, et qu’elle s’attache à la dimension de genre. Il est nécessaire que de tels partenariats fonctionnent au-delà des capitales nationales, au sein des communautés locales, et obtiennent directement les retours d’information des jeunes. Il importe d’aider les jeunes à fonder une famille et la prochaine garantie européenne pour l’enfance devrait prévoir des dispositions à l’intention des jeunes parents au travail et au chômage, qui relient cette politique à la garantie pour la jeunesse.

3.8.

Le CESE se félicite des propositions de soutien à l’entreprenariat des jeunes prévues par le plan d’action de la Commission pour l’économie sociale, ainsi que de ses dispositions relatives aux compétences écologiques à l’échelon local en mettant particulièrement l’accent sur les groupes vulnérables. Le CESE demande à la Commission européenne de faire participer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernés, notamment les organisations de la jeunesse, à la conception d’un tel plan d’action afin de l’enrichir des expériences des jeunes, des apprentis, des stagiaires et des jeunes travailleurs. Il est nécessaire d’encourager les nouvelles entreprises lancées par des jeunes et de promouvoir l’éducation à l’entreprenariat. Les possibilités d’emploi indépendant au sein de l’économie numérique et écologique, offertes à des groupes victimes de discrimination et à des groupes vulnérables, doivent être cohérentes avec l’information ciblée à l’intention de ces groupes et appellent une aide concrète en leur faveur. Les corps intermédiaires, tels que les services publics de l’emploi, les organisations de la jeunesse, les conseils nationaux de la jeunesse, d’autres ONG concernées et les syndicats, jouent un rôle essentiel à cet égard.

3.9.

Afin de mettre sur pied des stratégies efficaces à l’intention de tous les groupes de jeunes dans le besoin, il importe de définir avec précision la cohorte de jeunes que couvre la garantie pour la jeunesse. La réduction par les États de l’âge de la scolarité obligatoire peut avoir des effets néfastes en augmentant le nombre de NEET. Le CESE se félicite de l’augmentation de l’âge donnant droit à la couverture par la garantie pour la jeunesse; dès 2013 (16), il avait en effet recommandé que la limite d’âge donnant accès à la garantie pour la jeunesse soit portée à 30 ans, en particulier dans les pays où les taux de chômage des jeunes sont les plus élevés. Toutefois, il appelle à faire montre de prudence à cet égard, par souci de la qualité et des capacités. Il pourrait s’avérer nécessaire de faire en sorte que les États membres disposent d’une certaine latitude s’agissant de déterminer la tranche d’âge qu’ils doivent aider. Élargir la tranche d’âge concernée ne saurait mener à exclure les jeunes qui disposent déjà d’une certaine expérience professionnelle et peuvent prétendre à des allocations de chômage. Il importe toutefois de définir précisément la fourchette d’âge concernée.

3.10.

La Commission propose que les États membres encouragent les entreprises à embaucher de jeunes chômeurs et à leur présenter des offres d’emploi de qualité. Il est nécessaire de faire correspondre au mieux les emplois avec les qualifications et les centres d’intérêt des jeunes chômeurs et de motiver ceux-ci grâce à des offres de qualité et inclusives de perfectionnement et de reconversion de manière à les maintenir dans les emplois concernés. Le CESE considère néanmoins que les États membres devraient disposer de la faculté de déterminer s’ils souhaitent ou non étendre le champ d’application du dispositif de la garantie pour la jeunesse en tenant compte de la nature et de l’ampleur du chômage des jeunes aux niveaux national, régional et local.

3.11.

Se contenter de renforcer la garantie pour la jeunesse ne constitue pas un objectif suffisant en période de crise et il est besoin de mesures immédiates pour aider les jeunes. Des politiques actives du marché du travail au sein des États membres doivent faire en sorte que l’offre disponible puisse proposer des solutions à long terme pour les jeunes et assurer des emplois de qualité, des conditions de travail de qualité et des choix équitables de recrutement et de maintien. Il s’impose de respecter et de promouvoir la législation du travail et les conventions collectives, notamment pour ce qui est du lien entre les niveaux de qualification et les salaires, ainsi que de la démocratie au travail. Sur le marché du travail, les jeunes devraient être traités comme la population adulte, en particulier bénéficier sur un pied d’égalité d’un salaire minimum, d’un accès à la retraite et d’une protection contre les contrats de travail précaires (qu’il s’agisse de contrats «zéro heure», de stages non rémunérés ou d’emplois indépendants factices). Des contrats à court terme et temporaires pour les jeunes peuvent résoudre des problèmes urgents, mais la précarité à long terme est tout aussi néfaste pour les jeunes, pour les entreprises et pour l’économie.

3.12.

La souplesse est cruciale en ce qui concerne la période de quatre mois prévue par la garantie pour la jeunesse après l’enregistrement auprès d’un prestataire de cette garantie, qui est habituellement un service public de l’emploi. Il convient de proposer immédiatement (17) un emploi ou une offre éducative ou une possibilité de formation mais il doit aussi s’agir d’une solution de qualité et d’un emploi ou d’une offre éducative ou d’une possibilité de formation de tout aussi bonne qualité. Cette démarche devrait également tenir compte des procédures parfois assez longues de validation des apprentissages non formels et informels, qu’il est possible d’associer à la disponibilité d’une offre de formation pendant un certain laps de temps. Afin de réaliser l’objectif de quatre mois et de fournir une aide individuelle, les systèmes de validation et d’offre de formation devraient être plus souples et agiles.

3.13.

La garantie pour la jeunesse doit s’enraciner dans une orientation professionnelle et des conseils de qualité dès les premières étapes de l’éducation scolaire des jeunes; idéalement, la reconnaissance et la validation des apprentissages non formels et informels devraient mener à une qualification qui détermine précisément les niveaux du cadre européen ou national de certifications et à un titre professionnel ou une certification qui mentionnent clairement les tâches et les compétences qu’ils certifient et la manière dont ledit certificat se rapporte à une qualification complète. Le nouveau cadre Europass devrait permettre de faire figurer dans le CV Europass tout type de certificat et de qualification d’une manière à la fois claire et pratique.

3.14.

Des microqualifications sont une autre solution pour attester de compétences supplémentaires fournies par des entreprises ou par des institutions d’enseignement et de formation professionnels et d’enseignement supérieur. Sachant qu’il n’existe en Europe aucune définition ou compréhension commune des microqualifications, l’on pourrait envisager de prolonger l’action politique européenne dans ce domaine afin d’aider les jeunes lorsqu’ils sont admis à des qualifications complètes et en se conformant à un accord entre organisations syndicales et patronales sur une définition et une compréhension européenne en matière de microqualifications.

3.15.

La crise de la COVID-19 a eu des répercussions sur les dispositifs d’apprentissage; dans de nombreux secteurs de l’économie touchés par l’arrêt des activités, les apprentis ont dû reporter leur période de placement et ont même parfois été licenciés; dans d’autres secteurs, les apprentis ont poursuivi leur apprentissage au moyen de travaux ou de simulations fondés sur des projets réalisés à domicile. Il est en effet malaisé de faire correspondre les places d’apprentissage au sein des entreprises et les étudiants de l’enseignement et de la formation professionnels, et en particulier les services publics de l’emploi devraient obtenir davantage d’informations de la part des entreprises privées et publiques de toutes tailles afin d’aider les écoles et les enseignants de l’enseignement et de la formation professionnels à tenter de trouver des places d’apprentissage pour les futurs apprentis.

3.16.

Le CESE souligne que l’apprentissage n’est pas destiné uniquement aux jeunes, puisque la recommandation relative au cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité souligne dès son premier considérant que l’apprentissage concerne à la fois les jeunes et les adultes. Faire état de l’apprentissage dans le document relatif à la politique d’aide à l’emploi des jeunes contribue à une interprétation erronée selon laquelle l’apprentissage est uniquement l’affaire des jeunes. Le CESE se félicite que la Commission ait proposé que les États membres renforcent les offres de formation et le passage des études à la vie professionnelle au moyen de dispositifs de qualité d’apprentissage ou de stages. Cette démarche peut également apporter une aide efficace afin de réduire le décrochage scolaire précoce et elle peut améliorer l’intégration des migrants et des réfugiés sur le marché du travail, tout en respectant le socle européen des droits sociaux, le cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité et le cadre de qualité pour les stages.

3.17.

La Commission propose de renouer et de donner un nouvel élan à l’Alliance européenne pour l’apprentissage. Si cette alliance s’est assuré une visibilité élevée en matière de placement en apprentissage en augmentant le nombre d’engagements des entreprises, cela n’est toutefois pas suffisant. Les microentreprises et les petites entreprises continuent de rencontrer des problèmes considérables pour offrir des places d’apprentissage. Aussi pourrait-on encourager les dispositifs d’«apprentissage collaboratif» que proposent plusieurs entreprises. Il convient d’assurer la qualité et l’efficacité de tous les apprentissages à l’aune des critères énoncés par le cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité et ce dernier devrait servir à la Commission en vue de reconnaître et de récompenser les entreprises.

3.18.

Le Comité se félicite que la Commission s’attache davantage à assurer des apprentissages au sein des secteurs numérique et écologique, mais il relève qu’il convient également d’offrir un apprentissage de qualité dans n’importe lequel des autres secteurs engagés dans les transitions numérique et écologique.

3.19.

Des systèmes d’enseignement et de formation professionnels et des systèmes d’apprentissage qui réussissent en menant à des emplois de qualité requièrent un véritable dialogue social entre les représentants des syndicats et des employeurs. Le CESE se félicite de la proposition de la Commission sur la nécessité de renforcer le dialogue social à l’échelon européen et national et il serait possible de favoriser des possibilités supplémentaires de renforcement des capacités au moyen des services de soutien de la Commission en faveur de l’apprentissage. Alors que plusieurs partenaires sociaux sectoriels ont déjà affirmé leur soutien en faveur de l’Alliance européenne pour l’apprentissage, le CESE met en exergue l’autonomie des comités européens de dialogue social sectoriel, qui définissent pour eux-mêmes leur programme de travail conformément aux priorités communes dont ils ont convenu.

3.20.

Pour les jeunes chômeurs qui ont déjà obtenu une qualification, la garantie pour la jeunesse pourrait également servir de garantie de l’emploi (18), à savoir que les jeunes gagneraient leur première expérience professionnelle dans le secteur public ou non lucratif.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Voir les propositions de la CES en matière de critères de qualité présentées dans sa résolution du 2 juillet 2020 intitulée «Repenser le combat contre le chômage des jeunes», 2020.

(2)  JO C 153 du 2.5.2018, p. 1.

(3)  Eurostat, données obtenues en août 2020.

(4)  Intereconomics, «COVID-19 Crisis: How to Avoid a “Lost Generation”», (Crise de la COVID-19: comment éviter une «génération perdue»), 2020 (article en anglais).

(5)  À savoir 23,5 %, soit 5,5 millions de jeunes (âgés de moins de 25 ans) au chômage en septembre 2013 (Eurostat).

(6)  Eurofound, L’inclusion sociale des jeunes, 2015.

(7)  JO C 484 du 24.12.2016, p. 1.

(8)  Commission européenne/EACEA/Eurydice, Compulsory Education in Europe («La scolarité obligatoire en Europe»), 2018/19. L’âge de fin de la scolarité obligatoire est de 15 ans dans 7 États membres de l’Union, de 16 ans dans 16 États, de 17 ans dans 1 État et de 18 ans dans 3 États, tout en étant en Allemagne de 16 ans dans 5 Länder et de 18 ans dans 11 Länder.

(9)  Forum européen de la jeunesse, Position actualisée sur la mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse, 2018.

(10)  CESE, Étude de l’Observatoire du marché du travail sur l’emploi des jeunes, 2014.

(11)  SWD(2020) 124 final (disponible pour l’heure uniquement en anglais).

(12)  COM(2020) 276 final.

(13)  Organisation internationale du travail, document de recherche sur «La Garantie européenne pour la jeunesse. Bilan systématique des mises en œuvre dans les pays membres», 2017.

(14)  COM(2020) 276 final.

(15)  Intereconomics, «COVID-19 Crisis: How to Avoid a “Lost Generation”», («Crise de la COVID-19: comment éviter une «génération perdue»), 2020 (article en anglais).

(16)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 101.

(17)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 67.

(18)  Tcherneva, P. R., The Job Guarantee: Design, Jobs, and Implementation («La garantie de l’emploi: conception, emplois et mise en œuvre»), Levy Economics Institute, Working Papers Series No 902, 2018.


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/56


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie de l’UE relative au droit des victimes (2020-2025)

[COM(2020) 258 final]

(2021/C 10/09)

Rapporteur:

Ionuț SIBIAN

Consultation

Commission européenne, 12.8.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

9.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

226/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille très favorablement la stratégie de l’Union relative au droit des victimes pour la période 2020-2025 présentée par la Commission européenne, qui soutient la planification à long terme et la bonne mise en œuvre coordonnée des politiques dans un large éventail de secteurs, tout en veillant à ce qu’aucune victime ne soit laissée pour compte.

1.2.

Le CESE estime que, pour être opérationnelle, la stratégie doit faire l’objet d’un plan d’action clair contenant des détails sur les modalités et le calendrier de sa mise en œuvre ainsi que sur les résultats attendus.

1.3.

La stratégie proposée devrait être comprise et mise en œuvre parallèlement à d’autres stratégies de l’UE, comme la stratégie de l’Union en matière d’égalité hommes-femmes, la stratégie de l’UE en faveur d’une lutte plus efficace contre les abus sexuels commis contre des enfants, la stratégie en faveur de l’égalité de traitement à l’égard des personnes LGBTI, le cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms et la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH).

1.4.

La stratégie proposée devrait fournir davantage d’orientations et un aperçu détaillé de la manière dont les États membres pourraient mettre en œuvre des normes de haute qualité et mettre en place des outils accessibles, équitables et efficaces pour aider les victimes à accéder aux services de justice réparatrice.

1.5.

La Commission européenne devrait utiliser la stratégie pour inciter les États membres à soutenir la collecte de données, à consulter les communautés, les victimes et les victimes potentielles, et à effectuer des évaluations des besoins pour orienter l’élaboration des politiques et les réponses institutionnelles. Une vision uniforme de la collecte de données concernant les victimes de la criminalité, que cette stratégie pourrait garantir, permettrait d’apporter des réponses qui seraient à la fois plus et mieux ciblées.

1.6.

Le CESE recommande que le rôle du réseau européen de prévention de la violence sexiste et domestique proposé, qui figure dans la stratégie, soit également élargi pour tenir compte des objectifs et des résultats obtenus en ce qui concerne le repérage et la réduction de ce type de criminalité, en particulier lorsqu’il comporte une dimension transnationale.

1.7.

En ce qui concerne les actions clés proposées dans la stratégie pour la Commission européenne, le CESE estime que certains volets de celle-ci pourraient bénéficier de plus amples éclaircissements, notamment:

a.

la promotion de la formation ne devrait pas se limiter aux autorités judiciaires ou répressives car s’il est nécessaire d’assurer une formation professionnelle continue aux professionnels chargés de s’occuper des victimes de la criminalité, en particulier des victimes de crimes de haine, il importe tout autant de le faire pour les travailleurs sociaux et le personnel médical. Cette formation devrait inclure explicitement des sessions consacrées aux stéréotypes et aux préjugés, et être menée en coordination avec les organisations de la société civile qui apportent une assistance à différents groupes vulnérables;

b.

l’apport de financements européens aux organisations nationales d’aide aux victimes et aux organisations opérant au niveau des collectivités devrait aller de pair avec une coopération renforcée entre les organisations de la société civile (OSC) et les pouvoirs publics locaux ou nationaux (1). De façon générale, la stratégie devrait comporter des orientations claires, propres à permettre aux pouvoirs publics de coopérer et de communiquer avec les organisations de la société civile et les experts afin de recenser les besoins des communautés, de concevoir des campagnes ciblées ainsi que des systèmes de dénonciation et d’assistance qui soient pleinement accessibles, équitables et efficaces;

c.

les campagnes nationales visant à mieux faire connaître les droits des victimes devraient être adaptées aux besoins et aux caractéristiques spécifiques des communautés tout particulièrement vulnérables, notamment les ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne, les réfugiés et les demandeurs d’asile, et devraient être conçues en tenant compte des évaluations locales des besoins, des évolutions, des bonnes pratiques et des problèmes actuels.

1.8.

L’expérience de la COVID-19 montre une fois de plus que les autorités de certains États membres sont mal équipées pour fournir des abris d’urgence ou à court terme, en particulier en dehors des capitales. Le développement d’abris d’urgence, de maisons d’accueil et de centres d’assistance, ainsi que l’apport de services d’aide intégrés sont une nécessité et requièrent la coopération des autorités nationales et des acteurs de la société civile, tout comme un financement de l’Union.

1.9.

La Commission européenne devrait intégrer le programme relatif au droit des victimes dans tous les programmes de financement de l’UE, y compris les fonds de l’UE gérés aux niveaux national et international.

2.   Contexte du présent avis

2.1.

Au cours des trente dernières années, les droits et les politiques de protection du droit des victimes se sont développés tant au niveau international qu’européen. De nombreux progrès ont été observés, notamment à la suite de l’adoption d’une série de réglementations de l’Union européenne qui ont bénéficié aux victimes, à savoir la directive sur les droits des victimes de 2012, la directive «Indemnisation» de 2004, et enfin, aujourd’hui, le texte intitulé «Pour une nouvelle stratégie de l’UE en matière de droits des victimes (2020-2025)».

2.2.

Lorsqu’elle adopte sa première stratégie européenne en matière de droits des victimes, la Commission a pour objectif de faire en sorte que toutes les victimes de la criminalité puissent avoir la certitude que leurs droits seront pleinement respectés, quel que soit l’endroit de l’Union où l’acte criminel s’est produit.

2.3.

La stratégie définit un certain nombre d’actions pour les cinq prochaines années, en ciblant prioritairement deux objectifs: premièrement, donner aux victimes les moyens de dénoncer les infractions, de prétendre à une indemnisation et, en fin de compte, de surmonter les conséquences de l’infraction; deuxièmement, œuvrer de concert avec tous les acteurs concernés pour les droits des victimes.

2.4.

La stratégie définit également un certain nombre d’actions qui concernent tant la Commission que les États membre et la société civile, pour les cinq prochaines années.

2.5.

La stratégie repose sur cinq priorités essentielles: 1. Communiquer efficacement avec les victimes et mettre en place un environnement sûr leur permettant de dénoncer les infractions; 2. Améliorer le soutien et la protection des victimes les plus vulnérables; 3. Faciliter l’accès des victimes à l’indemnisation; 4. Renforcer la coopération et la coordination entre tous les acteurs concernés par les droits des victimes; 5. Renforcer la dimension internationale des droits des victimes.

3.   Observations générales

3.1.

D’une manière générale, les cinq priorités de la stratégie devraient pouvoir produire des effets positifs et contribuer efficacement à soutenir la mise en œuvre par les États membres du cadre européen correspondant. Toutefois, plusieurs points essentiels, ainsi que certaines questions transversales, peuvent également être relevés.

3.2.

La stratégie comporte des orientations limitées quant à l’importance de mettre en place des mécanismes de dénonciation, qu’ils soient formels ou informels, ou, selon les cas, d’en étendre la portée et d’en relever l’efficacité. Ces mécanismes devraient être intégrés et accessibles à toutes les catégories de victimes, quel que soit leur statut dans l’État membre concerné, et devraient être adaptés et suffisamment flexibles pour répondre aux besoins des plus vulnérables. Cela nécessiterait de renforcer l’évaluation des besoins, la documentation, la collecte de données et les processus de consultation, comme indiqué dans d’autres observations ci-dessous.

3.3.

Si la stratégie fait référence à un certain nombre de difficultés auxquelles sont confrontées les catégories vulnérables, elle devrait aussi mentionner les réfugiés et les demandeurs d’asile, reconnaissant ainsi leur vulnérabilité aggravée, en tant que catégorie, à divers crimes de haine motivés notamment, mais pas exclusivement, par l’islamophobie, le racisme ou la xénophobie.

3.4.

Il est observé dans la stratégie de façon générale que «les difficultés d’accès des victimes à la justice sont dues pour l’essentiel à un manque d’information ainsi qu’à un soutien et à une protection insuffisants». Il convient de souligner qu’il faudrait davantage détailler la stratégie, compte tenu de la nécessité, non seulement de mieux faire connaître les dispositions et mécanismes existants, mais aussi, plus généralement, de les rendre plus accessibles (depuis la dénonciation et l’auto-identification à l’accès aux mécanismes de soutien ou de recours). Des services de soutien peuvent souvent être nécessaires à cet égard, par exemple des travailleurs sociaux, des professionnels de la protection de l’enfance qui s’occupent des migrants non accompagnés ou des enfants demandeurs d’asile, ou encore des enfants accueillis dans des structures de protection de l’enfance, du personnel médical, des travailleurs spécialisés dans la santé mentale, des interprètes pour ceux qui ne parlent pas la langue locale, etc. Le personnel de ces services de soutien devrait également bénéficier de formations, mais à l’heure actuelle, la plupart des références relatives à la formation sur les droits des victimes sont faites en relation avec les services répressifs et le système judiciaire.

3.5.

Si la première priorité de la stratégie consiste clairement à assurer une communication efficace avec les victimes de la criminalité, ainsi qu’un environnement sûr pour qu’elles puissent dénoncer l’acte criminel, une inquiétude majeure demeure pour ce qui est de garantir l’existence, le bon fonctionnement et l’accessibilité des systèmes de dénonciation et d’enregistrement, en particulier les systèmes informels, sachant qu’il est souligné dans la stratégie elle-même que la plupart des communautés et victimes les plus vulnérables sont souvent réticentes à entrer en relation avec les autorités, sont dans l’incapacité de le faire, ou encore sont confrontées à d’autres obstacles pour accéder à une procédure de dénonciation officielle (auprès des autorités). Même si ces systèmes ne débouchent pas sur des enquêtes pénales, ils peuvent toujours justifier l’accès à des types particuliers de soutien et peuvent être utiles pour fournir des données dans des contextes locaux ou nationaux, ce qui devraient être essentiel à l’élaboration des politiques, ainsi qu’à la budgétisation et à la planification des services.

3.6.

En outre, et dans le même ordre d’idées, il apparaît que la stratégie ne mentionne que rarement, voire pas du tout, la documentation ou la collecte de données. Répondre aux besoins des victimes et mettre en place un cadre propre à garantir les droits des victimes, en ce qui concerne en particulier les victimes de certains types de criminalité — crimes de haine, violences sexuelles et sexistes, etc. — nécessite une excellente compréhension du contexte local et communautaire, l’accès aux différentes communautés, et exige des évaluations des besoins et l’élaboration de politiques ciblées et de solutions pratiques. En conséquence, la stratégie devrait, d’une manière générale, encourager les États, éventuellement en utilisant une approche transversale, à soutenir la collecte de données, à consulter les communautés, les victimes et les victimes potentielles, et à effectuer des évaluations des besoins, en recensant, en collaboration avec les organisations de la société civile, les meilleures pratiques, afin d’orienter l’élaboration des politiques et les réponses institutionnelles.

3.7.

Un dernier point à souligner concernant la collecte des données tient à la nécessité pour les autorités clés (police/justice/instances chargées des poursuites), de mettre en place des systèmes efficaces qui permettent que les informations sur les victimes de la criminalité soient collectées de manière exhaustive et systématique, analysées et utilisées dans la conception de mesures de réaction ciblées. À l’heure actuelle, par exemple, seuls quelques États membres de l’Union collectent des informations désagrégées sur les profils des victimes de la criminalité. Ces informations seraient utiles pour produire une analyse des évolutions et des modèles, et contribueraient à la conception d’activités de prévention, de campagnes d’information, d’outils de dénonciation, de mécanismes de détection et de réaction ou de services de soutien.

3.8.

Par ailleurs, il est difficile d’estimer l’ampleur de phénomènes tels que les crimes de haine dans de nombreux États membres de l’Union, parce que ces derniers ne disposent pas de systèmes de dénonciation accessibles, parce que leurs systèmes d’enregistrement des incidents et des plaintes (qui ne peuvent être accessibles qu’à la police et/ou aux instances chargées des poursuites) sont excessivement formels, et en raison de l’absence de critères et d’orientations sûres pour la collecte de données en ce qui concerne les victimes. Une vision uniforme de la collecte de données concernant les victimes de la criminalité, que cette stratégie pourrait garantir, permettrait d’apporter des réponses qui seraient à la fois plus et mieux ciblées. Cette situation est également liée à d’autres initiatives de la Commission et à la manière dont elles peuvent être mises en œuvre (telles que celles liées au racisme et à la xénophobie), sachant que ces dernières sont probablement affectées négativement par l’absence de données ou d’une analyse correcte de celles-ci.

3.9.

Pour ce qui est de la dénonciation, il importe de préciser que la stratégie porte sur les trois axes qui sont pertinents pour garantir les droits des victimes: a) la détection (des victimes de la criminalité), qui peut être réalisée grâce à des mécanismes formels et informels de dénonciation, tels que ceux exposés précédemment; b) la prévention et c) la réaction.

3.10.

Il convient de saluer le fait que la stratégie souligne à plusieurs reprises qu’il importe que «les professionnels concernés communiquent avec les victimes d’une façon adaptée à leurs besoins spécifiques». Toutefois, dans la perspective d’une mise en œuvre adéquate de cette intention particulière, il convient de mettre en place un mécanisme et des programmes de renforcement des capacités pour les professionnels concernés, afin de permettre une détection et une compréhension adéquates de ces besoins spécifiques. Sans cette détection, l’objectif de garantir une réaction répondant aux besoins spécifiques ne peut être atteint. Un tel mécanisme reposerait sur la coordination entre les autorités, les organisations de la société civile et les organisations de terrain ou liées à des communautés. Celui-ci permettra non seulement d’accroître la dénonciation et l’enregistrement d’infractions par des personnes appartenant à des communautés vulnérables spécifiques, mais aussi de contribuer au rassemblement d’éléments de preuves. Il sera ainsi possible de renforcer les capacités globales des systèmes nationaux à recenser les besoins des victimes et à apporter des signalements pertinents et des réponses personnalisées. Par conséquent, la stratégie devrait comporter un volet spécifique ou une clarification quant aux moyens d’améliorer la détection des besoins spécifiques des victimes de la criminalité.

3.11.

En ce qui concerne le point ci-dessus, la stratégie comporte plusieurs références aux victimes ayant des «besoins spécifiques» ou devant avoir accès à un «soutien spécialisé». À cet égard, il convient d’encourager, au moyen de la stratégie, les parties prenantes au niveau national à introduire des mécanismes de repérage et d’évaluation des besoins particuliers, ce qui supposera également des échanges réguliers avec d’autres mécanismes de détection pertinents existants, tels que le mécanisme de lutte contre la traite des êtres humains. Ceci permettrait des échanges d’expertise entre plusieurs organismes, ainsi qu’une réponse de meilleure qualité, plus globale et plus complète, bien adaptée aux besoins particuliers repérés.

3.12.

L’ensemble des services, de la même façon que les éventuelles campagnes de sensibilisation sur les droits des victimes, doivent également prendre appui sur des évaluations des besoins et des consultations avec les communautés. Lors de la conception de ces campagnes d’information, une attention toute particulière devrait être accordée, non seulement aux enfants victimes, aux victimes âgées ou handicapées, mais aussi aux besoins des victimes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes, par exemple, qui peuvent aussi se heurter à de graves obstacles en matière d’accès à l’information, à la dénonciation ou aux services d’assistance, y compris la discrimination intersectionnelle.

3.13.

La priorité accordée à la formation est présente à chaque étape de la stratégie — et il est, en effet, essentiel d’assurer le bon fonctionnement des systèmes en place et de garantir les droits des victimes. Toutefois, si nous prenons acte de l’incidence de certains types d’infractions, en particulier les crimes de haine, la cybercriminalité, la violence à caractère sexiste ou la criminalité affectant les enfants, il faut que les activités de formation ne soient pas exclusivement réservées aux autorités judiciaires et de police. Un soin tout particulier devrait aussi être accordé à enrichir l’arsenal de compétences des premiers intervenants, qu’il s’agisse de travailleurs sociaux, d’enseignants, de professionnels de la protection de l’enfance, du personnel chargé de l’accueil ou de la détention des immigrés ou de la police des frontières. Cela vaut particulièrement dans le contexte de la migration mixte, notamment la migration irrégulière et mixte entre États membres de l’Union, et eu égard au risque d’être victime d’exploitation et à l’augmentation des cas signalés de violence aux frontières et dans les structures d’accueil des demandeurs d’asile.

3.14.

Si nous nous félicitons de l’attention toute particulière que la directive sur le droits des victimes de 2012 accorde à la justice réparatrice ainsi que de la conclusion selon laquelle de tels services devraient principalement tenir compte des intérêts et des besoins des victimes, nous estimons que la stratégie devrait fournir davantage d’orientations et un tableau détaillé de la manière dont les États pourraient faire appliquer des normes de qualité élevée et mettre en place des outils accessibles, justes et efficaces pour aider les victimes à accéder à ces services de réparation.

3.15.

Concernant la violence sexiste, si la stratégie en fournit bien quelques exemples, d’autres types de violences sexuelles et sexistes devraient également être reconnus et spécifiquement décrits, par exemple, les pratiques traditionnelles préjudiciables, telles que les mutilations génitales féminines, le mariage d’enfants, etc. Étendre cette liste contribuerait à sensibiliser davantage les services répressifs et les autres professionnels concernés à ces pratiques.

3.16.

Le rôle du réseau européen de prévention de la violence sexiste et domestique proposé, qui figure dans la stratégie, devrait également être élargi pour tenir compte des objectifs et des résultats obtenus en ce qui concerne le repérage et la réduction de ce type de criminalité (en particulier lorsqu’il comporte une dimension transnationale).

3.17.

Les violences à caractère sexiste et le harcèlement dans le monde du travail sont considérés comme des violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits et constituent une menace pour la dignité humaine, compromettent la promotion du travail décent ainsi que l’accès au marché du travail et la progressions au sein de celui-ci. En 2007, les partenaires sociaux européens ont signé un accord autonome pour traiter de cette question, qui doit être pleinement mis en œuvre au niveau national dans les États membres. En 2019, à l’occasion du centenaire de l’Organisation internationale du travail, la convention no 190 sur la violence et le harcèlement, a été adoptée. Elle définit des mesures visant à prévenir les actes de violence et à protéger les victimes, indique les outils permettant d’assurer l’application effective de la législation et les voies de recours, de même qu’elle fournit des orientations et prévoit des actions de formation et de sensibilisation. Le CESE invite les institutions européennes à promouvoir la ratification rapide de cette convention par les États membres et à coordonner les activités de suivi possibles au niveau européen.

3.18.

Chaque fois que la stratégie aborde la question de la traite des êtres humains, il conviendrait de prendre aussi en considération l’impact de la traite et de l’exploitation sur les ressortissants de pays extérieurs à l’Union et les réfugiés. Cela vaut également pour les actions clés prévues dans la stratégie, qui devrait également mettre l’accent sur la nécessité d’évaluer dans quelle mesure les mécanismes mis à la disposition des victimes de la traite des êtres humains sont également accessibles aux ressortissants de pays tiers (tels que les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés). En outre, la stratégie devrait inclure des mesures de soutien pour améliorer l’accessibilité, l’efficacité et l’adaptabilité des mécanismes de détection et de réaction face aux situations de traite, pour les réfugiés, les migrants et les demandeurs d’asile qui sont victimes de ce type de criminalité.

3.19.

En ce qui concerne l’accès à l’indemnisation des victimes de la criminalité, l’idée selon laquelle cet accès devrait être indépendant du statut de la victime dans un État membre de l’Union (ou être possible quel que soit ce statut) devrait aussi se trouver plus clairement formulée dans la stratégie. Malheureusement, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants sont souvent réticents à demander une indemnisation lorsqu’ils sont victimes de la criminalité, en raison du manque d’informations, de l’absence de services de soutien compétents et accessibles, ou encore de la crainte de représailles ou de conséquences négatives en rapport avec leur statut. Si l’objectif qu’elle se fixe est bien de donner aux victimes des moyens d’agir, la stratégie doit également se saisir de ces préoccupations, et prévoir des actions ciblées pour combler ces lacunes dont pâtissent des catégories spécifiques de victimes.

4.   Observations spécifiques sur les cinq grandes priorités de la stratégie

4.1.   Communiquer efficacement avec les victimes et mettre en place un environnement sûr leur permettant de dénoncer les infractions

4.1.1.

L’une des actions clés proposées pour la Commission européenne fait référence à la formation des autorités judiciaires et répressives. Néanmoins, s’il est nécessaire d’assurer une formation professionnelle continue aux professionnels chargés de s’occuper des victimes de la criminalité, en particulier des victimes de crimes de haine, il importe tout autant de le faire pour les travailleurs sociaux ou le personnel médical. Cette formation devrait inclure explicitement des sessions consacrées aux stéréotypes et aux préjugés, et être menée en coordination avec les ONG qui apportent une assistance à différents groupes vulnérables.

4.1.2.

S’agissant de l’action clé que la Commission européenne doit entreprendre concernant le financement européen à apporter aux organisations nationales d’aide aux victimes et aux organisations opérant au niveau des collectivités concernées, il faudrait en particulier utiliser ce financement pour développer des services d’assistance prenant la forme de paquets «tout compris», incluant un soutien juridique et psychologique pour aider à trouver en cas de besoin un emploi, un hébergement d’urgence et un soutien aux frais médicaux.

4.1.3.

À l’échelon des États membres, les actions clés proposées en restent à un niveau très général et essentiellement rhétorique. La mise en œuvre effective de la directive sera assurée si les autorités nationales élaborent, adoptent et mettent en œuvre des normes pour la méthodologie à suivre afin de permettre aux autorités judiciaires et répressives ainsi qu’aux services sociaux de reconnaître les victimes de la criminalité (en particulier les victimes de crimes de haine) et de leur fournir une assistance adéquate.

4.1.4.

Dans la mesure où les données désagrégées concernant les victimes de la criminalité ne sont pas encore collectées par les autorités nationales, cette tâche devrait s’imposer comme une priorité, peut-être avec le soutien financier de l’Union européenne.

4.1.5.

Les États membres devraient être inclus dans les actions clés proposées en matière de sensibilisation aux droits et aux voies disponibles de dénonciation des crimes car cette sensibilisation commence à l’école, par l’éducation civique. Les autorités nationales devraient veiller à ce que des informations sur les droits, sur les institutions nationales de défense des droits de l’homme et sur les mécanismes de protection disponibles, adaptées au niveau de compréhension des élèves, figurent bien dans les programmes nationaux d’enseignement obligatoires.

4.1.6.

Pour permettre aux ONG de participer aux activités de formation avec les autorités, tout en mettant en valeur l’expérience précieuse des bénéficiaires et des experts qui soutiennent les victimes de la criminalité, il est important que cette contribution soit reconnue et rémunérée dans le cadre de partenariats institutionnels (2).

4.2.   Améliorer le soutien et la protection des victimes les plus vulnérables

4.2.1.

Concernant la proposition d’action clé pour la Commission européenne visant à aider les victimes ayant des besoins spécifiques, telles que les enfants victimes, les victimes de violences sexistes ou domestiques, les victimes de crimes de haine racistes et xénophobes, les personnes LGBTI+ victimes de crimes de haine, les personnes âgées et les victimes handicapées, tout soutien apporté aux groupes particulièrement vulnérables devrait commencer par la reconnaissance de ce qu’ils sont et des caractéristiques spécifiques de leur statut, ce qui est souvent à l’origine de leur victimisation. Cela supposerait l’adoption d’actes de droit dérivé et la mise au point de programmes complets de formation exposant les caractéristiques spécifiques des différents groupes les plus vulnérables, de méthodes d’entretien permettant d’éviter de nouveaux traumatismes, et de guides destinés à établir des contacts avec des communautés lorsque cela s’impose.

4.2.2.

Pour ce qui est de la proposition d’action clé proposée pour la Commission européenne consistant à mettre en œuvre les principes directeurs qui visent à garantir la protection et le soutien aux victimes de crimes de haine et de discours de haine, celle-ci devrait être complétée par l’instauration d’un mécanisme européen de suivi pour veiller à ce que des réponses efficaces soient apportées aux crimes de haine et aux discours haineux, par l’intermédiaire de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, laquelle pourrait poursuivre le développement de son actuel mécanisme de collecte de données, et inclure des dispositifs nationaux de dénonciation et d’alerte précoce.

4.2.3.

Concernant l’action clé proposée pour les États membres relative à l’adoption de mesures qui s’appuient sur les enseignements tirés de la pandémie de COVID-19, il s’agit en particulier d’actions visant à faire en sorte que les victimes de violences sexistes et domestiques accèdent à une assistance et une protection, et à mettre en place des services d’aide spécialisée, intégrés et ciblés pour les victimes les plus vulnérables, notamment des maisons d’accueil pour les enfants, les familles, les femmes victimes de violence à caractère sexiste et les personnes LGBTI+. Dans certains États membres, l’expérience de la COVID-19 a montré une fois de plus que les pouvoirs publics sont mal équipés pour fournir des refuges, en urgence ou à court terme, en particulier en dehors des capitales. Le développement d’abris d’urgence, de maisons d’accueil et de centres d’assistance, ainsi que l’apport de services d’aide intégrés sont une nécessité et requièrent la coopération des autorités nationales et des acteurs privés, ainsi qu’un financement de l’Union.

4.3.   Faciliter l’accès des victimes à l’indemnisation

4.3.1.

L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne figure au nombre des parties prenantes. Par l’intermédiaire de FRANET, son réseau d’experts indépendants des États membres, elle effectue une analyse annuelle de la législation et des politiques adoptées pour garantir la protection des droits des victimes, et elle peut aussi produire des rapports thématiques. Par le mandat qui lui confié, l’Agence des droits fondamentaux peut promouvoir des pratiques prometteuses et organiser des événements auxquels les autorités chargées de l’indemnisation peuvent échanger des idées et renforcer la coopération.

4.4.   Renforcer la coopération et la coordination entre tous les acteurs concernés

4.4.1.

S’agissant de l’action clé proposée pour les États membres qui consiste à prendre des mesures pour renforcer la résilience des sociétés en favorisant une participation accrue de la société civile aux actions nationales, le concept de «participation accrue de la société civile» est beaucoup trop large: les associations de policiers, les personnels de surveillance des centres de détention, les associations de protection civile ou de défense civile, ou encore les églises, font également partie de la société civile. Il est essentiel d’associer activement les secteurs de la société civile qui travaillent directement avec les victimes de la criminalité.

4.4.2.

Alors que l’Union européenne a adhéré à la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la convention d’Istanbul), à l’échelon national, cette convention est la cible d’attaques dans certains États membres, où les réserves et les interprétations se multiplient dans le contexte d’une rhétorique émergente des «valeurs traditionnelles» décrivant les concepts de genre, de violence fondée sur le genre et d’identité de genre comme des constructions venant altérer les identités nationales, et représentant la violence domestique comme une question relevant de la sphère privée. L’Union a un rôle fondamental à jouer pour préserver la convention d’Istanbul. S’il appartient aux États membres de développer et d’améliorer la législation nationale, l’Union peut quant à elle favoriser la sensibilisation à l’importance d’une protection contre la violence sexiste. Cet objectif peut également être atteint en affectant des ressources financières au développement de modules professionnels pour l’éducation des professionnels de la justice, pour faciliter les échanges et fournir un soutien aux ONG qui mènent des campagnes et des actions de sensibilisation, tout en apportant un soutien aux victimes de violences fondées sur le genre.

4.5.   Renforcer la dimension internationale des droits des victimes.

4.5.1.

La coordination entre toutes les institutions et agences de l’UE dans la mise en œuvre de la stratégie est essentielle pour que l’UE puisse jouer un rôle de chef de file dans les actions en faveur des victimes prévues par le Conseil de l’Europe et les Nations unies.

4.5.2.

L’UE devrait recourir aux programmes internationaux pour financer des actions en dehors de son territoire afin de soutenir l’élaboration de lois, de politiques et de services, y compris par le financement d’actions de renforcement des capacités, qui couvrent toutes les victimes de la criminalité.

5.   Financement de l’Union européenne

5.1.

Seule une fraction négligeable du budget de l’UE est consacrée aux questions relatives aux victimes. Cette modicité contraste avec le coût de la criminalité pour les victimes et la société. Compte tenu de l’importance et de la nature transversale des questions relatives aux victimes, la Commission européenne devrait élaborer une approche stratégique du financement en faveur des victimes qui recense les domaines les plus susceptibles de bénéficier d’un financement de l’UE et qui coordonne l’intégration des priorités des victimes dans les différents programmes de financement de l’UE, y compris au niveau national et international (3).

5.2.

Le financement est capital et devrait être alloué selon une approche non fondée sur des projets et à long terme, avec une combinaison de financements nationaux et de l’UE.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Sur les plans, entre autres, de la collecte de données et de la documentation, des mécanismes de dénonciation et de l’accès aux fonds, mais aussi en ce qui concerne la mise en place de systèmes locaux durables pour les services d’assistance.

(2)  À titre d’exemple, à la suite de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme de 2016 relatif à «l’absence d’enquête sur le mobile homophobe de violence envers des personnes homosexuelles: M.C. Et A.C. c/Roumanie», actuellement placé sous la surveillance étroite du Conseil des ministres du Conseil de l’Europe, l’ONG ACCEPT Roumanie, qui a soutenu les plaignants dans cette affaire, dispense régulièrement des formations à titre gracieux à l’Institut roumain d’études publiques (ISOP). Cette formation comprend une présentation de la législation anti-discrimination et des dispositions sur les crimes de haine ainsi que des explications sur la signification de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Elle comprend aussi des sessions pratiques, des simulations et des «bibliothèques vivantes», où pour une durée d’une heure par jour, trois ou quatre membres de la communauté LGBTI viennent participer aux sessions et partagent leurs expériences avec les services répressifs. Il s’agit là d’un effort considérable en matière de ressources humaines et de logistique, qui est fourni gratuitement par des bénévoles des ONG et des experts qui leur sont affiliés. Le véritable défi réside toutefois dans l’absence de pérennité et l’effet limité des sessions. Seul un petit groupe de vingt à trente participants est engagé dans ces sessions de formation, sur les centaines de nouvelles recrues ou encore sur les milliers d’employés du ministère de l’Intérieur. La solution consisterait à donner la priorité au développement de capacités internes au sein du système judiciaire ou des services répressifs nationaux pour faire en sorte que de tels modules soient intégrés à la formation professionnelle continue.

(3)  Victim Support Europe, feuille de route de la stratégie relative aux droits des victimes pour la période 2020-2024.


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/63


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une dérogation temporaire à certaines dispositions de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’utilisation de technologies par des fournisseurs de services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation pour le traitement de données à caractère personnel et d’autres données aux fins de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne

[COM(2020) 568 final — 2020/0259 (COD)]

(2021/C 10/10)

Rapporteur général:

Ionuț SIBIAN

Consultation

Parlement européen, 17.9.2020

Conseil de l’Union européenne, 18.9.2020

Base juridique

Article 114, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

246/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que toute dérogation à la directive 2002/58/CE doit être soigneusement examinée afin de protéger la vie privée de tous les citoyens. Toutefois, dans ce cas, la gravité des crimes et leur caractère pernicieux justifient une exception.

1.2.

Dans l’ensemble, le CESE approuve la proposition de règlement concernant une dérogation temporaire et strictement limitée à l’article 5, paragraphe 1, et à l’article 6 de la directive 2002/58/CE, qui protègent la confidentialité des communications et des données relatives au trafic.

1.3.

Nous estimons que le caractère provisoire du règlement (applicable jusqu’au 31 décembre 2025) n’est pas justifié et que la Commission devrait veiller à ce que des garanties en matière de protection de la vie privée des enfants soient établies et mises en œuvre avant cinq ans.

1.4.

Concernant les normes industrielles en matière d’établissement de rapports et de transparence visées à l’article 3, alinéa e) de la proposition de règlement, le CESE est d’avis qu’il serait utile qu’un tiers effectue régulièrement des tests/audits, en utilisant des échantillons équivalents de matériel non pédopornographique, à l’instar des fichiers tests de l’Institut européen de la recherche anti-virus utilisés dans ce secteur.

1.5.

Selon le Comité, la Commission devrait organiser un «concours ouvert» doté d’un prix conséquent (1) afin d’encourager non seulement la création d’outils de source ouverte et de normes industrielles, mais également le développement de nouvelles solutions pouvant permettre de détecter et de signaler les abus sexuels commis contre des enfants dans des communications électroniques chiffrées de bout en bout.

1.6.

Le CESE estime qu’il est temps que l’Union européenne dispose de son propre centre européen de prévention et de lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants, et appelle la Commission à encourager la création et le développement d’une telle structure. Selon nous, ce centre devrait s’appuyer sur les travaux d’Europol, en vue de collaborer avec les entreprises et les organes chargés de l’application de la loi, d’identifier les victimes et de traduire en justice les auteurs d’infractions.

2.   Observations générales

2.1.

D’après les données récentes d’Europol (2), la pandémie de COVID-19 a eu une incidence considérable sur les infractions pénales en ligne. Le volume de matériel pédopornographique partagé en ligne a nettement augmenté pendant la période de confinement.

2.2.

En 2019, sur les 16,9 millions de signalements de matériel pédopornographique reçus au total par le Centre national des enfants disparus ou victimes d’abus (NCMEC) des États-Unis, qui portaient sur 45 millions d’éléments de matériel pédopornographique identifiés, 16,8 millions de signalements émanaient des fournisseurs de services électroniques. Parmi eux, près de 3 millions d’images et de vidéos à caractère pédopornographique étaient hébergées dans l’Union européenne.

2.3.

Le règlement proposé est nécessaire car, avec la mise en œuvre intégrale du code des communications électroniques européen à partir du 21 décembre 2020, certains services de communication en ligne (3) relèveront du champ d’application de la directive «vie privée et communications électroniques» (directive 2002/58/CE). Cette dernière ne contient pas de base juridique explicite pour le traitement volontaire de contenu ou de données de trafic visant à détecter les abus sexuels commis contre des enfants en ligne, et les fournisseurs seraient contraints de cesser leurs activités à moins que les États membres n’adoptent des mesures nationales spécifiques.

2.4.

En conséquence, et en priorité, la Commission a décidé de présenter un règlement strictement ciblé afin d’éviter un vide législatif dans le cadre réglementaire des télécommunications.

2.5.

Le règlement proposé prévoit des garanties pour préserver la vie privée et protéger les données personnelles:

le traitement des données doit être proportionné et limité aux technologies bien établies régulièrement utilisées à cette fin par des services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation avant l’entrée en vigueur du règlement,

la technologie utilisée doit être conforme à l’état de la technique dans le secteur et être la moins intrusive possible dans la vie privée,

la technologie utilisée doit être en elle-même suffisamment fiable, limiter autant que possible le taux d’erreurs et rectifier sans délai les erreurs occasionnelles qui pourraient survenir,

la détection de la «sollicitation d’enfants» se limite à l’utilisation d’«indicateurs clés»,

le traitement se limite à ce qui est strictement nécessaire à cette fin,

les données sont effacées immédiatement, sauf si un abus sexuel contre des enfants en ligne a été détecté,

le fournisseur a l’obligation de publier chaque année un rapport sur le traitement des données en question.

2.6.

En réalité, l’exception ne fait rien sinon entretenir les pratiques actuelles.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  À l’instar des projets NESSIE et ECRYPT (eSTREAM) financés par l’Union européenne, ou du concours organisé par le NIST (Institut national des normes et des technologies) sur la cryptographie.

(2)  Exploiting isolation: sexual predators increasingly targeting children during COVID pandemic (Exploiter l’isolement: les prédateurs sexuels ciblent de plus en plus les enfants pendant la pandémie de COVID-19), Europol, juin 2020.

(3)  Tels que les services de messagerie et de courrier électronique.


11.1.2021   

FR

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C 10/65


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne l’identification des assujettis en Irlande du Nord

[COM(2020) 360 final — 2020/0165(CNS)]

(2021/C 10/11)

Saisine du Comité par le Conseil

28.8.2020

Base juridique

Article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/0/9

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et que par ailleurs le système commun de taxe sur la valeur ajoutée avait déjà fait l’objet de ses avis sur le train de mesures «Réforme de la TVA» (I), adopté le 14 mars 2018 (1), et sur le train de mesures «Réforme de la TVA» (II), adopté le 23 mai 2018 (2), le Comité, lors de sa 555e session plénière des 27, 28 et 29 octobre 2020 (séance du 29 octobre 2020), a décidé, par 209 voix pour, aucune voix contre et 9 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu’il avait soutenue dans les documents susmentionnés.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 40.

(2)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 35.


11.1.2021   

FR

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C 10/66


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2013/UΕ relative au mécanisme de protection civile de l’Union

[COM(2020) 220 — 2020/0097 (COD)]

(2021/C 10/12)

Consultation

Conseil, 24.6.2020

Base juridique

Article 196 et article 322, paragraphe 1, point a), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/0/9

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et s’étant, par ailleurs, déjà prononcé sur le sujet dans ses avis intitulés «Renforcer la réaction de l’UE en matière de protection civile — rescEU» (1) et «Mécanisme de protection civile de l’Union — modification» (2), respectivement adoptés le 18 octobre 2018 et le 19 juin 2019, le Comité, lors de sa 555e session plénière des 27, 28 et 29 octobre 2020 (séance du 29 octobre 2020), a décidé, par 209 voix pour et 9 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu’il avait soutenue dans les documents susmentionnés.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 231.

(2)  JO C 282 du 20.8.2019, p. 49.


11.1.2021   

FR

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C 10/67


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique en ce qui concerne sa date d’application et certaines autres dates visées dans ledit règlement

[COM(2020) 483 final — 2020/0231 (COD)]

(2021/C 10/13)

Consultation

Parlement européen, 14.9.2020

Conseil, 14.9.2020

Base juridique

Article 43, paragraphe 2 et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/0/9

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 555e session plénière des 27, 28 et 29 octobre 2020 (séance du 29 octobre 2020) a décidé, par 209 voix pour et 9 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


11.1.2021   

FR

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C 10/68


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires autonomes de l’Union pour l’importation de certains produits de la pêche aux îles Canaries de 2021 à 2027

[COM(2020) 437 — 2020/0209 (CNS)]

(2021/C 10/14)

Consultation

Conseil, 16.9.2020

Base juridique

Article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/0/9

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 555e session plénière des 27, 28 et 29 octobre 2020 (séance du 29 octobre 2020) a décidé, par 209 voix pour et 9 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


11.1.2021   

FR

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C 10/69


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (loi européenne sur le climat)

[COM(2020) 563 final — 2020/0036 (COD)]

(2021/C 10/15)

Consultation

Parlement européen, 6.10.2020

Conseil, 5.10.2020

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/0/9

Le 17 septembre 2020, la Commission européenne a décidé de soumettre pour consultation au Comité économique et social européen une proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999.

Étant donné qu’il s’est déjà prononcé sur le contenu de la proposition originale dans son avis intitulé «Loi européenne sur le climat» (1), adopté le 15 juillet 2020, le Comité, lors de sa 555e session plénière des 27, 28 et 29 octobre 2020 (séance du 29 octobre 2020), a décidé, par 209 voix pour et 9 abstentions, de ne pas procéder à l’élaboration d’un nouvel avis en la matière, mais de se référer à la position qu’il avait soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 364 du 28.10.2020, p. 143.


11.1.2021   

FR

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C 10/70


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable

(supplément d’avis)

[COM(2019) 650 final]

(2021/C 10/16)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Décision du bureau

28.5.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 1, du règlement intérieur et article 29, point a), des modalités d’application du règlement intérieur

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

8.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

250/0/6

Préambule

Le présent avis fait partie d’un ensemble de deux avis de suivi: l’un portant sur la stratégie annuelle pour une croissance durable [COM(2019) 650 final] et le second consacré à la recommandation concernant la politique économique de la zone euro [COM(2019) 652 final]. L’objectif est de mettre à jour et de développer les propositions précédentes du CESE (1) , compte tenu des évolutions récentes, des conséquences de la COVID-19, de la relance après la pandémie, ainsi que des différents rapports et recommandations publiés dans le cadre du semestre européen en cours. Cet ensemble d’avis constitue la contribution globale de la société civile de l’Union européenne à la politique économique, sociale et environnementale pour le prochain cycle du semestre européen, qui doit être lancé en novembre 2020. Le CESE invite la Commission européenne et le Conseil à prendre cette contribution en considération dans le cadre du prochain «paquet d’automne» du semestre européen et du processus décisionnel interinstitutionnel qui en découle.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE juge positif que la stratégie annuelle pour une croissance durable marque une avancée majeure vers l’adoption d’un modèle économique plus social, plus inclusif et plus durable, intégrant la réalisation des objectifs de développement durable et, en particulier, l’engagement à transformer l’actuel modèle de croissance en un modèle de croissance «verte». Cet engagement reste particulièrement pertinent à la lumière des conséquences économiques et sociales de la COVID-19, et doit être manifesté dans le cadre du prochain «paquet d’automne» du semestre européen, dans lequel la Commission européenne présentera les priorités économiques et sociales de l’Union.

1.2.

Afin de répondre efficacement aux problèmes provoqués par la COVID-19, le CESE estime qu’il est nécessaire de réaliser des analyses de l’impact tant économique que social de la pandémie. Ces analyses permettront aux États membres de saisir pleinement la manière dont les retombées de la COVID-19 ont frappé les économies et la circulation des personnes, des marchandises et des services dans l’ensemble de l’Union européenne. En outre, les gouvernements doivent agir rapidement et résolument pour surmonter la crise de la COVID-19 et ses conséquences, ce qu’ils ne pourront faire sans une vision claire de celles-ci.

1.3.

Les gouvernements doivent réagir en adoptant des politiques macroéconomiques favorables contribuant à rétablir la confiance et à soutenir la reprise de la demande. Cependant, pour ce faire, le CESE recommande une révision des règles du pacte de stabilité et de croissance, afin de soutenir la relance économique et de donner aux gouvernements une marge de manœuvre suffisante ainsi que les capacités nécessaires pour réaliser des investissements d’infrastructure, dont le besoin se fait cruellement sentir, en particulier compte tenu du changement climatique. Une souplesse des règles en matière d’aides d’État est également jugée nécessaire pour soutenir les entreprises de toutes tailles dans la transition vers une économie numérique et écologique. L’accès au financement, en particulier pour les PME, est également essentiel, de même que la révision de la stratégie axée sur les PME.

1.4.

La même logique vaut pour le domaine social, dans lequel les pouvoirs publics doivent prendre des mesures de santé publique efficaces et dotées de ressources suffisantes pour éviter de nouvelles contagions et, tout aussi important, mettre en œuvre des politiques bien ciblées visant à soutenir les systèmes de sécurité sociale et à protéger les revenus des groupes sociaux vulnérables qui ont le plus souffert des baisses de revenus provoquées par la récession économique. Il conviendrait également d’encourager l’affiliation aux organisations syndicales, en vue de réaliser les objectifs du socle européen des droits sociaux, si nécessaire en ces temps de crise.

1.5.

Du fait de la COVID-19, une imposition équitable revêt d’autant plus d’importance, les gouvernements étant confrontés à d’énormes pressions financières pour soutenir les mesures d’urgence. Toutefois, le CESE estime également que la récession économique provoquée que la COVID-19 a révélé les fragilités et les lacunes inhérentes à l’union monétaire de l’Europe. L’Union européenne réfléchit depuis longtemps à une union budgétaire, et le paquet de 750 milliards d’EUR pour la reprise et la résilience, malgré ses imperfections, prouve qu’elle progresse à grands pas vers l’intégration. Il reste à déterminer si ces mesures rapprocheront les États membres de l’union budgétaire, mais il ne fait aucun doute qu’il est nécessaire de repenser les politiques fiscales au sein de l’Union européenne, ne serait-ce que pour soutenir l’investissement public dans les infrastructures, l’éducation, les soins de santé et la protection sociale.

1.6.

Le CESE souligne l’importance du rôle des dirigeants politiques en ces temps de crise. Les négociations qui ont mené au plan de relance et de résilience ont révélé des fractures au sein de l’Union européenne, qui n’augurent rien de bon au vu du remaniement institutionnel et constitutionnel qu’il convient de réaliser pour que l’Union européenne tienne fermement debout, si elle souhaite rester aussi pertinente et cohérente que jamais en Europe et dans le monde.

1.7.

Le CESE accueille favorablement le plan «Next Generation EU», qu’il juge opportun. Toutefois, aussi bien les États membres que la Commission devront consentir des efforts considérables pour mettre simultanément en œuvre ce plan et le budget général ordinaire de l’Union pour 2021-2027. Des questions subsistent sur les écarts de capacité au sein de l’Union européenne, il pourrait donc être nécessaire que la Commission soutienne davantage le renforcement des capacités ainsi que le processus de recensement de projets. En ce qui concerne le cadre financier pluriannuel 2021-2027, le Comité regrette que la proposition initiale de la Commission ait été revue à la baisse par le Conseil. Elle avait déjà été jugée insatisfaisante par le Parlement européen, ainsi que par le CESE dans son avis sur le «Cadre financier pluriannuel après 2020» (2).

1.8.

Par ailleurs, il est essentiel d’agir rapidement; tout retard injustifié dans l’approbation et la mise en œuvre du plan convenu risque de lourdement compromettre la reprise économique de l’Union et la réalisation des objectifs de la stratégie de croissance, et de menacer les moyens de subsistance et le bien-être de milliers de travailleurs et de petits entrepreneurs dans toute l’Union.

1.9.

De l’avis du CESE, la stratégie annuelle pour une croissance durable est l’occasion pour l’Union européenne de s’orienter vers un modèle économique qui donne un poids égal aux objectifs économiques et aux objectifs sociaux et d’inclusion. Les enjeux soulevés par les objectifs de la stratégie ne devraient pas être abandonnés en raison des difficultés économiques provoquées par la pandémie. En fait, la crise de la COVID-19 a montré que la dimension sociale a tout autant d’importance dans nos vies que la dimension économique.

1.10.

Le CESE soutient les efforts déployés pour améliorer la productivité dans l’ensemble de l’Union, mais cet objectif ne devrait pas être poursuivi au détriment de la durabilité économique ou des conditions de travail. La prospérité économique est cruciale, et elle peut être atteinte si la croissance apporte une valeur ajoutée à l’économie et à la société et fait une réelle différence dans la vie des citoyens, tout en renforçant la résilience aux futurs chocs exogènes et en contribuant à la convergence entre les pays et les régions.

2.   La stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable et la COVID-19

2.1.

Le 17 décembre 2019, la Commission européenne a adopté le paquet d’automne, qui comprend la stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable et le rapport conjoint sur l’emploi. La stratégie met principalement l’accent sur le fait que la croissance économique n’est pas une fin en soi et que l’économie doit être au service des citoyens et de la planète. Cette transition vers un nouveau modèle de croissance s’inscrit dans la logique du pacte vert pour l’Europe, et donc d’une économie qui respecte les limites de nos ressources naturelles. Ce nouveau modèle de croissance économique correspond également aux objectifs définis dans le rapport conjoint sur l’emploi, selon lesquels la création d’emplois se traduit avant tout par une prospérité durable dans l’Union européenne.

2.2.

Le pacte vert pour l’Europe peut être présenté comme le «nouveau modèle de croissance durable» de l’Union, qui doit contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable. En témoigne la réorientation qu’expriment en partie les quatre grandes priorités de la nouvelle stratégie annuelle pour une croissance durable, à savoir: a) la durabilité environnementale; b) la croissance de la productivité; c) l’équité; et d) la stabilité macroéconomique. Ces priorités succèdent au «triangle vertueux» de la stratégie précédente, qui reposait sur l’investissement, la viabilité budgétaire et les réformes structurelles.

2.3.

Dans l’ensemble, la stratégie annuelle pour une croissance durable marque une avancée majeure vers l’adoption d’une rhétorique axée sur un modèle économique plus social, plus inclusif et plus durable, intégrant la réalisation des objectifs de développement durable et, en particulier, l’engagement à transformer l’actuel modèle de croissance en un modèle fondé sur une croissance verte. Le CESE s’en félicite. La stratégie précise également qu’elle fait référence à la durabilité dans tous les sens du terme, et pas seulement dans sa dimension environnementale. La Commission européenne donne en effet le même poids à l’environnement, à la productivité, à l’équité et à la stabilité.

2.4.

La Commission estime également que le nouveau programme économique exigera une période de transition qui soit «équitable et inclusive et donne la priorité aux personnes», et que «les coûts ne doivent pas être supportés par les plus vulnérables», reconnaissant que «le changement climatique [et] les politiques d’accompagnement […] ont des répercussions importantes sur la répartition». Cette période de transition impliquera inévitablement des arbitrages majeurs, notamment concernant l’augmentation des coûts des transports et les pertes d’emploi potentielles. Le CESE estime que ces arbitrages supposeront des analyses de l’impact social et des réponses adaptées du point de vue des politiques sociales et budgétaires dans l’ensemble de l’Union. Ces analyses revêtent aujourd’hui une nouvelle dimension compte tenu des conséquences économiques, sociales et, dans une moindre mesure, climatiques de la COVID-19.

2.5.

L’impact économique de la pandémie a essentiellement pris trois dimensions: la COVID-19 a eu des répercussions directes sur la production, perturbé la chaîne d’approvisionnement et les marchés, et eu des conséquences financières sur les entreprises et les marchés financiers. À ce stade, il n’est toutefois pas possible d’évaluer l’ampleur de ses conséquences sur les économies européennes, qui dépendra largement de la survenue éventuelle d’une deuxième vague en Europe dans la suite de l’année. Quoi qu’il en soit, il est tout à fait évident que la COVID-19 a durement frappé les économies. Le rythme de la reprise qui suivra reste incertain, et les conditions volatiles ainsi que les retombées de la crise sur les marchés ont entraîné une contraction économique dans l’ensemble de l’Union. Alors qu’il était prévu que le PIB global de l’EU-27 augmente de 1,2 % en 2020, il devrait maintenant se contracter de 7,4 % en raison de la COVID-19. À titre de comparaison, la crise financière de 2009 avait entraîné une contraction de 4,5 % pour l’EU-28. La crise actuelle a plongé l’Union dans la récession la plus grave de son histoire, les taux de chômage devant s’élever à 9 %, contre 6,7 % en 2019.

2.6.

La COVID-19 a également affecté les systèmes de sécurité sociale: les systèmes de santé, d’assurance chômage et de retraite, entre autres, sont mis en difficulté par les conséquences de la pandémie et la pression financière induite en particulier par les fonds d’urgence et le report du paiement des impôts. À mesure que les citoyens et les familles voient leurs revenus diminuer ou disparaître, le nombre de personnes vivant dans une pauvreté relative dans l’Union européenne devrait augmenter. Il est dès lors tout aussi important d’évaluer l’impact social de la COVID-19 que d’analyser ses conséquences sur les économies.

2.7.

Par ailleurs, les conséquences sociales de la pandémie nécessiteront de repenser l’accent mis par la stratégie annuelle pour une croissance durable sur la dimension sociale de l’Union européenne. Les droits sociaux sont expressément visés dans le cadre de l’objectif «Équité» de la stratégie, notamment dans l’affirmation selon laquelle «pour améliorer ses performances économiques et sociales, l’Union doit respecter pleinement les principes du socle européen des droits sociaux». L’expérience de la COVID-19 a mis en évidence le rôle essentiel que pourrait jouer le régime européen de réassurance des prestations de chômage, tel que présenté dans la stratégie, et l’aide dont pourraient bénéficier les travailleurs en cas de choc économique exogène. Toutefois, la COVID-19 est susceptible d’accroître les inégalités existantes sur le marché du travail de l’Union européenne, et ses répercussions négatives semblent être plus prononcées pour les travailleurs moins éduqués et occupant des emplois faiblement rémunérés, ainsi que pour les jeunes travailleurs et les femmes (3). Dans sa forme actuelle, la stratégie de croissance ne permet pas d’atteindre un véritable équilibre entre les dimensions sociale et économique au sein de l’Union. Il convient donc de mettre davantage l’accent sur le soutien aux adultes peu qualifiés, sur le déficit de compétences numériques et sur le perfectionnement et la reconversion professionnels, en particulier à la lumière des retombées de la COVID-19.

2.8.

En outre, dans un scénario de relance, le CESE est d’avis que le pacte vert doit également être un pacte économique et social: il s’agit, d’une part, d’inciter les entreprises et les consommateurs à privilégier des produits durables, et d’autre part, d’améliorer la qualité de vie des citoyens européens en prévenant les «dommages» causés par le changement climatique et la transition correspondante, au moyen du mécanisme pour une transition juste que le pacte vert propose d’instaurer. Dans ce contexte, il est jugé nécessaire de faire l’interprétation la plus souple possible des règles en matière d’aides d’État, pour permettre d’encourager les investissements et les participations publiques directes dans les entreprises afin de régénérer l’activité économique et d’optimiser la création d’emplois de qualité dans les régions concernées par l’exigence de transition. En effectuant cette transition, il conviendrait de s’attacher activement à réduire les inégalités et à lutter contre la pauvreté, dans le cadre d’une stratégie intégrée de croissance économique sociale et durable.

2.9.

Une productivité et une croissance économique durables et socialement bénéfiques, ainsi que des changements structurels adaptatifs, sont également essentiels pour soutenir une protection sociale adéquate, notamment des retraites adaptées, des revenus décents, et des emplois et des services de qualité, en particulier dans les domaines de la santé et du logement.

2.10.

La stratégie fait référence à une «imposition équitable», et il ne fait aucun doute que la fraude fiscale, l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et le nivellement par le bas, parfois acharné, ont limité la capacité des autorités budgétaires à percevoir les impôts nécessaires pour répondre aux besoins de l’économie et de la population. Elle confirme par ailleurs que le financement de l’État-providence repose sur l’imposition, et qu’«il convient d’optimiser les systèmes fiscaux et de protection sociale nationaux afin de renforcer les incitations à la participation au marché du travail, d’accroître l’équité […] et de garantir la viabilité […] et l’adéquation des systèmes de protection sociale». Compte tenu, à nouveau, de la COVID-19, une imposition équitable est d’autant plus pertinente, non seulement pour soutenir les mesures d’urgence, mais aussi pour financer les plans de relance nationaux et européens à moyen et à long terme, notamment par des investissements publics dans les infrastructures, l’éducation, les soins de santé et la protection sociale.

2.11.

La politique macroéconomique reste fondamentale pour parvenir à une croissance économique durable, mais il a été reconnu, lors du lancement de la stratégie de croissance à la fin de l’année dernière, que les perspectives de croissance étaient inquiétantes. La situation s’est ensuite aggravée en raison de la COVID-19, ce qui souligne une fois de plus l’importance des recettes et des dépenses publiques, déterminées par la politique budgétaire, qui est tout aussi pertinente que la politique monétaire. Un retour à l’austérité n’est pas une option, compte tenu des effets à long terme qui ont suivi la crise financière. Il semble actuellement tout à fait impossible pour la plupart des États membres, sinon tous, de parvenir à un budget équilibré, du moins à court ou à moyen terme. L’objectif de stabilité macroéconomique est néanmoins essentiel à la relance économique, mais il ne pourra être atteint que si le pacte de stabilité et de croissance est révisé au-delà de la récente activation temporaire de la clause dérogatoire générale dans le contexte de la COVID-19. Par ailleurs, il est jugé nécessaire de réviser les règles en matière d’aides d’État, afin de soutenir, entre autres, l’investissement écologique.

2.12.

Le processus du semestre européen, dont la durabilité compétitive est l’élément essentiel, gagnera encore en importance en tant que témoin et indicateur sensible des actions politiques et des mesures de réforme nécessaires. Toutefois, en raison de la COVID-19 et de l’accent mis sur la relance économique, l’objectif consistant à assurer la croissance macroéconomique ne peut être réalisé sans cohésion sociale et sans durabilité, d’où l’intérêt de fournir une base juridique plus solide pour que les organisations de la société civile puissent participer au Semestre en tant que partenaires égaux. Le CESE souligne également à quel point la période post-COVID-19 sera cruciale pour l’Union européenne. La pertinence de l’Union pour les européens repose entièrement sur l’efficacité de son plan de relance et de sa stratégie annuelle pour une croissance durable, c’est-à-dire sa capacité à améliorer de manière significative la vie des citoyens ordinaires.

3.   La réponse de l’Union européenne à la COVID-19 et son lien avec la stratégie annuelle pour une croissance durable

3.1.

La crise de la COVID-19 a durement frappé l’économie de l’Union européenne et l’économie mondiale. La récession menace désormais un certain nombre d’États membres, et pourrait entraîner de lourdes conséquences et des niveaux de chômage historiques. Les mesures nécessaires pour limiter la propagation du virus ont provoqué une nette baisse de l’offre et de la demande. Les activités économiques dans les secteurs des transports, du commerce de détail, de la fabrication, des loisirs, de l’hôtellerie et restauration, du divertissement, de l’artisanat et de la culture ont été sévèrement ébranlées. Il va également de soi que la confiance des citoyens dans les mesures sanitaires prises face à la COVID-19 a des conséquences économiques directes et immédiates.

3.2.

Les ruptures de la chaîne d’approvisionnement qui ont touché l’industrie manufacturière, et la chute des prix des matières premières, ainsi que la hausse brutale des prix des soins de santé et des produits informatiques, ont encore aggravé l’impact économique de la COVID-19. En outre, les États membres ont eu recours à des niveaux d’emprunt inédits pour financer les premières mesures d’urgence prises face à la pandémie, ce qui a compromis leur capacité à recourir à des mesures de relance budgétaire d’une ampleur suffisante pour stabiliser l’économie et faire face à la crise sanitaire et humaine, sans parler d’une reprise économique rapide après la crise.

3.3.

Les petites et moyennes entreprises (4), les travailleurs indépendants et les travailleurs sous contrat «zéro heure» ont été les plus gravement touchés. La crise a radicalement transformé l’environnement économique pour les PME, ce qui a des répercussions négatives considérables sur des milliers d’entre elles dans l’ensemble de l’Union européenne. Ce changement menace également le rôle central que les PME jouent dans notre quotidien. Ces entreprises apportent une stabilité sociale aux échelons local et régional, où elles sont l’épine dorsale de l’activité économique dans nos sociétés. Elles sont au cœur du modèle européen de protection sociale, les propriétaires-gérants étant plus intéressés par le développement à moyen et à long terme de leur entreprise et de l’économie locale que par les bénéfices et le chiffre d’affaires à court terme (5). Par ailleurs, l’artisanat et les PME ont toujours été en première ligne des évolutions culturelles en Europe, et jouent un rôle moteur dans la réalisation de changements durables et la préservation du patrimoine, des valeurs et du savoir-faire. Aujourd’hui plus que jamais, les PME sont essentielles pour préserver la vitalité des centres urbains et l’attractivité des zones rurales, car elles répondent aux besoins quotidiens de la population et garantissent la stabilité et la cohésion sociales.

3.4.

La crise actuelle touche indifféremment l’ensemble de la population, mais menace de faire reculer les progrès réalisés en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et de participation égale des femmes au marché du travail, ainsi que d’accentuer la féminisation de la pauvreté et la vulnérabilité des femmes face à la violence (6). Bien que les conséquences globales de la COVID-19 soient trop complexes à évaluer, il ne fait aucun doute qu’elles risquent de remettre en cause des décennies de progrès dans la lutte contre la pauvreté et d’exacerber les inégalités au sein de l’Union européenne dans son ensemble. Dans le même temps, les États membres sont susceptibles de devoir mobiliser davantage de ressources financières et humaines que prévu s’ils veulent réaliser les objectifs de développement durable dans les délais fixés.

3.5.

Les fermetures d’écoles et d’établissements d’enseignement supérieur ont eu toute une série d’effets négatifs sur les enfants et les jeunes, notamment l’interruption de l’apprentissage. Cela pourrait avoir des conséquences sur le développement de leurs compétences, leurs perspectives professionnelles et leurs revenus potentiels au cours de la vie. Dès lors, les mesures de relance devraient également permettre aux ménages à faible revenu d’accéder à l’internet à haut débit, et prévoir la fourniture de matériel informatique à des fins éducatives aux écoliers.

3.6.

En revanche, les technologies numériques se sont imposées comme un catalyseur positif pendant cette crise, facilitant plus que jamais la continuité des activités, l’apprentissage en ligne et la mise en relation des personnes, tout en les aidant à préserver leur santé mentale. Cependant, l’inégalité d’accès à la connectivité à haut débit et l’inaccessibilité des TIC entravent la participation et l’accès effectifs à des dispositifs de scolarisation à distance.

3.7.

Concernant plus directement la stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable, la crise de la COVID-19 pourrait avoir de lourdes conséquences négatives sur les efforts déployés en faveur d’une croissance durable. Un ralentissement économique prolongé pourrait nuire à la mise en œuvre de la stratégie, mais aussi au respect des délais convenus dans le cadre de l’accord de Paris sur le changement climatique et des objectifs de développement durable. La dure réalité est que nous aurions pu être mieux préparés à cette crise si les États membres avaient adopté des stratégies plus durables et plus résilientes sur le plan économique avant la pandémie. En fait, la COVID-19 a révélé des faiblesses inhérentes aux économies européennes, notamment leur dépendance excessive vis-à-vis de politiques économiques essentiellement procycliques et de secteurs économiques particulièrement vulnérables aux chocs économiques exogènes.

3.8.

Sur le plan politique, cette crise est un appel à l’intention des dirigeants politiques dotés d’un pouvoir décisionnel qui croient en la solidarité, la transparence et la coopération. L’heure n’est pas à la défense des intérêts personnels, aux récriminations ou à la politisation. Avant tout, on ne peut pas permettre que la crise se traduise par une érosion de l’état de droit. Il est largement admis que l’état de droit est essentiel à la croissance économique (7), mais il s’agit évidemment d’un concept multidimensionnel qui recouvre divers éléments plus subtils, allant de la sécurité des personnes et des droits de propriété à l’obligation pour les gouvernements de rendre des comptes et à la lutte contre la corruption. De l’avis du CESE, ce concept est compatible avec la durabilité économique et donc avec la stratégie annuelle pour une croissance durable.

3.9.

La réaction de l’Union européenne face à la COVID-19, de grande envergure, a cherché à atténuer le choc de la crise. La figure 1 ci-dessous présente une synthèse des initiatives prises.

Figure 1

Mesures prises par l’Union européenne face à la pandémie de COVID-19

Image 1

3.10.

L’ensemble des mesures susmentionnées donneront un coup de fouet à la reprise économique de l’Union européenne. La facilité pour la reprise et la résilience (la «facilité») procurera un soutien financier à grande échelle pour les investissements publics et les réformes indispensables qui rendent les économies des États membres plus résilientes et les préparent mieux pour l’avenir. Elle aidera les États membres à relever les défis économiques et sociaux auxquels ils sont confrontés au lendemain de la crise, dans des domaines clés tels que les questions sociales et en matière d’emploi, de compétences, d’éducation, de recherche et d’innovation, ainsi que de santé, mais aussi les questions liées à l’environnement des entreprises, y compris l’administration publique et le secteur financier. Il convient toutefois de s’interroger sur la capacité de chaque État membre à mettre en œuvre des réformes et à favoriser les investissements d’infrastructure. Cette capacité étant différente d’un État à l’autre, une réponse coordonnée à l’échelle de l’Union européenne pourrait être nécessaire pour garantir l’efficience et l’efficacité des investissements.

3.11.

La facilité garantira également que les investissements soient axés sur les difficultés et les besoins liés aux transitions écologique et numérique, de manière à assurer une reprise durable, conformément à la stratégie de croissance. Il s’agit là d’un point essentiel. Investir dans les technologies numériques et vertes contribuera à renforcer l’efficacité énergétique dans différents secteurs clés de l’économie, à créer des emplois et à stimuler une croissance durable. L’Union européenne pourrait en tirer parti en tant que pionnière dans la course mondiale à la reprise. Ces investissements pourraient également contribuer à rendre l’Union plus résiliente et moins dépendante en diversifiant les chaînes d’approvisionnement essentielles.

3.12.

Le succès de cette facilité dépendra, dans une large mesure, de la définition et de la préparation nécessaires pour constituer des réserves de projets pertinents conformes aux priorités présentées dans le cadre du semestre européen. Il est par ailleurs essentiel que la politique économique et sociale soit étroitement alignée sur les recommandations formulées dans ce contexte. Le CESE partage l’avis selon lequel les plans pour la reprise et la résilience, qui doivent être financés par la facilité, font partie intégrante du processus destiné à donner suite aux recommandations par pays formulées dans le cadre du semestre européen. Dès lors, ces instruments rendront le processus plus efficace et contribueront à la mise en œuvre de la stratégie annuelle pour une croissance durable.

3.13.

Le CESE estime également que les instruments contribuent à renforcer le potentiel de croissance et la résilience économique et sociale des États membres concernés, et favorisent ainsi la cohésion sociale. Ils contribuent également à réaliser les transitions écologique et numérique, si nécessaires à la durabilité et à la résilience économiques. Le CESE rappelle une nouvelle fois le rôle crucial des gouvernements dans l’élaboration de projets dont bénéficient les populations et l’économie au sens large. Il salue également l’intention de la Commission de superviser l’ensemble du processus, à savoir le recensement, la mise en place et l’exécution des projets éligibles, dans un souci de transparence. Il estime toutefois que la Commission devrait veiller à ce que le principe de transparence signifie également que tous les acteurs concernés participent au processus.

3.14.

Dans cette perspective, il est essentiel que le financement prévu dans le cadre du plan de relance «Next Generation EU» soit équitable, accessible et disponible pour ceux qui en ont le plus besoin, en particulier les PME, conformément aux objectifs fixés dans la stratégie de croissance. Pour ce faire, il convient de veiller à ce que le financement et le soutien prévus à ces fins soient mis à disposition par les canaux appropriés, par exemple les agences nationales de développement, étant donné que les PME se financent généralement par l’intermédiaire du secteur bancaire (8). L’accès au financement revêt une importance capitale pour les PME, car il leur fournit les liquidités nécessaires tant pendant la phase d’urgence de la crise que pendant la phase de sortie et de reprise, ce qui leur permet d’investir pour continuer à se développer dans le cadre de la transformation de l’économie numérique et verte. De tels investissements permettent aux PME de régler les problèmes de retards de paiement de manière efficace, leur garantissant ainsi suffisamment de liquidités.

3.15.

En raison des défis sans précédent auxquels sont confrontées les PME, le CESE invite la Commission à mettre à jour sa stratégie axée sur ces entreprises, en tenant compte des nouvelles circonstances qui se sont imposées depuis le début de la pandémie. Le CESE réclame également une gouvernance à niveaux et acteurs multiples dans la mise en œuvre de la politique en faveur des PME. Il est indispensable d’aligner les mesures et les budgets entre les différents niveaux de gouvernance (européen, national, régional et local) et de faire activement participer les organisations de soutien aux entreprises dans le processus décisionnel.

3.16.

Les PME vont également avoir besoin du soutien des services d’inspection de la santé et sécurité au travail (SST) et des services externes spécialisés en la matière afin d’évaluer le nouveau risque lié à la COVID-19, de mettre en œuvre correctement les mesures nécessaires et de réduire les charges et les coûts y afférents. En outre, les PME auront besoin d’aide pour fournir les équipements de protection individuelle nécessaires à leurs employés sur leur lieu de travail. La transparence et la communication efficace sont essentielles, tout autant à l’endroit de leurs fournisseurs que de leurs sous-traitants et de leurs clients.

4.   La reconstruction de l’Union européenne et la stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable

4.1.

Selon le CESE, le plan «Next Generation EU» est à la fois bienvenu et opportun. Toutefois, il est manifeste que la mise en œuvre simultanée de ce plan et du budget général ordinaire de l’Union pour 2021-2027 exigera un effort considérable aussi bien de la part des États membres que de la Commission. Il est néanmoins essentiel d’agir rapidement; tout retard injustifié dans l’approbation et la mise en œuvre des mesures convenues risque de compromettre la reprise économique de l’Union et la réalisation des objectifs de la stratégie de croissance, et de menacer les moyens de subsistance et le bien-être de milliers de travailleurs et de petits entrepreneurs dans toute l’Europe. Il est tout aussi important que l’ambition générale de réaliser les objectifs de la stratégie de croissance ne soit pas détournée en raison de difficultés économiques ou de considérations politiques à court terme. En ce qui concerne le cadre financier pluriannuel 2021-2027, le Comité regrette que la proposition initiale de la Commission ait été revue à la baisse par le Conseil. Elle avait déjà été jugée insatisfaisante par le Parlement européen, ainsi que par le CESE dans son avis sur le «Cadre financier pluriannuel après 2020» (9).

4.2.

Cela signifie qu’il convient de s’orienter résolument vers un modèle de croissance qui accorde autant d’importance aux objectifs économiques et aux objectifs non économiques et d’inclusion. Il est temps pour l’Union européenne d’être plus ambitieuse et d’œuvrer en faveur d’un objectif plus inclusif: répondre aux besoins du plus grand nombre de citoyens possible, que ce soit en matière de logement ou de santé, tout en préservant nos écosystèmes, d’un climat stable et de sols fertiles à des océans sains et à une couche d’ozone protectrice. En d’autres termes, il s’agit de mesurer le progrès économique comme le moyen permettant de passer d’une croissance non durable et non inclusive à un modèle de croissance qui le soit davantage.

4.3.

Le CESE estime par ailleurs que la perturbation économique provoquée par la crise entraîne une réflexion sur l’utilisation des ressources et la fragilité des filières d’approvisionnement. Dans le même temps, l’Union européenne doit renforcer les approches qui améliorent à la fois la résilience et l’efficacité, par exemple l’économie circulaire, l’action pour le climat et, éventuellement, la revue à la hausse de l’ambition des contributions déterminées au niveau national, qui correspondent aux engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

4.4.

Dans une union monétaire telle que la zone euro, la coordination et des mécanismes efficaces de partage des risques sont essentiels, et devraient permettre un effort budgétaire conséquent qui soit crédible et réduise les disparités au sein de l’union monétaire. De l’avis du CESE, ce point est crucial pour la reconstruction et la reprise économiques, ainsi que pour le soutien aux plus vulnérables de la société. Si la reconstruction et la relance sont nécessaires pour créer des emplois et de la richesse dans l’Union européenne, une relance budgétaire à grande échelle, comprenant des mesures ciblées destinées à fournir une assistance aux personnes les plus durement touchées par la COVID-19, est également fondamentale. Il s’agirait notamment de mener diverses initiatives visant à préserver l’accès aux soins de santé et à des conditions de vie élémentaires.

4.5.

Un pacte de stabilité et de croissance révisé contribuerait à la relance budgétaire susmentionnée. Dans sa version révisée, ce pacte devrait accorder moins d’importance à l’estimation du déficit budgétaire structurel des États membres pour mettre plutôt l’accent sur le suivi de la croissance des dépenses publiques. Concrètement, chaque gouvernement s’engagerait à réaliser des dépenses en fonction des perspectives de croissance économique et des recettes fiscales attendues, et conformément à un objectif à moyen terme en matière de dette. Ainsi, les États membres disposeraient d’une plus grande marge de manœuvre budgétaire et d’une plus grande souplesse dans la prise de décision à l’échelon national (en partenariat avec les parties prenantes) pour mettre en place des plans de relance après la COVID-19 qui mettent davantage l’accent sur le rôle des pouvoirs publics dans la relance économique. Naturellement, le maintien de la stabilité macroéconomique est une condition préalable à une croissance économique soutenue et inclusive. Le CESE estime également que l’objectif de la politique macroéconomique est d’assurer une croissance économique durable, de préserver l’environnement et de garantir le bien-être social de manière équitable et équilibrée. Plus précisément, le chômage et le sous-emploi étant les principales causes de la pauvreté, il est crucial de faire en sorte que l’économie reste aussi proche que possible du plein emploi.

4.6.

La phase de reconstruction et de relance devrait placer la dimension sociale sur le même plan que la dimension économique. Le concept d’activité économique durable repose sur le lien étroit entre ces deux dimensions. La durabilité économique, y compris les investissements en capital, est étroitement liée à la dimension écologique, s’agissant notamment de l’utilisation économe des ressources et de l’énergie, mais elle va également de pair avec la dimension sociale, qui accorde autant d’importance à la création et à la préservation d’emplois correctement rémunérés et à de bonnes conditions de travail. En outre, le CESE est d’avis qu’il conviendrait de mettre à jour les lignes directrices de l’Union européenne pour l’emploi à la lumière de la COVID-19, en commençant par une évaluation des effets de la crise sur le marché du travail.

4.7.

Comme indiqué au paragraphe 4.6, une activité économique durable soutient la dimension écologique, et le pacte vert pour l’Europe peut être l’occasion de générer des avantages économiques (privés et sociaux) tout en créant des emplois. Le Comité partage l’avis de la Commission selon lequel le pacte vert devrait être un élément clé de la reconstruction et de la relance, qui permette aussi d’atténuer tout effet social négatif découlant du passage à une activité économique durable.

4.8.

La même remarque vaut en particulier pour la numérisation, l’accent étant mis sur l’efficacité, mais aussi sur l’atténuation de toute conséquence négative provoquée par la transition vers la numérisation des services. La COVID-19 a mis en évidence l’importance de la transformation numérique pour le maintien des activités commerciales. Il convient d’accélérer et d’étendre la promotion de la numérisation auprès des PME dans tous les secteurs, et d’orienter les initiatives sur la promotion et l’expansion des processus commerciaux numériques dans les PME, la sécurité informatique et le développement des compétences numériques, selon une approche axée sur la pratique. Par ailleurs, les pôles d’innovation numérique doivent être ouverts à la technologie et viser à numériser les PME locales. L’administration en ligne a également un rôle déterminant à jouer, car elle permet de réaliser des procédures administratives en ligne afin de supprimer les obstacles et d’accélérer les processus. Avec ce type de mesures, ainsi que l’allègement des formalités administratives et des charges réglementaires pour les PME, le passage au numérique permettrait aux pouvoirs publics de créer un environnement numérique plus accessible pour les entrepreneurs.

4.9.

L’état de droit et, en particulier, la gouvernance économique, jouent un rôle déterminant dans la réalisation d’une croissance économique durable. La gouvernance économique est un moyen essentiel de garantir l’équité sociale et économique mais, dans un souci de durabilité, elle exige la compréhension et le respect des opinions et des positions des différents groupes d’intérêt de la société, qu’il faut tenter de concilier. À cet égard, des mesures urgentes doivent être prises pour soutenir la généralisation de l’affiliation et de la participation aux organisations syndicales parmi les catégories de travailleurs, de plus en plus nombreuses, qui ne sont pas représentées actuellement.

4.10.

Une hausse de la productivité est indispensable pour compenser les évolutions démographiques et appuyer une convergence ascendante dans l’ensemble des pays et des régions de l’Union européenne, en particulier dans ceux où les taux de développement et de productivité doivent atteindre des niveaux plus élevés que la moyenne pour contribuer à réaliser une croissance économique durable. Pour qu’une économie continue de se développer durablement à l’avenir, elle doit accroître sa capacité à se développer, tant que cette croissance apporte une valeur ajoutée à l’économie, à la société et aux populations concernées. Dès lors, une hausse de la productivité est un moyen au service d’une fin, à savoir de meilleures conditions environnementales, de vie et de travail, à la mesure des compétences et des qualifications spécifiques à chaque emploi. Dans ce contexte, il convient d’adopter des stratégies visant à améliorer la compétitivité des entreprises sur les marchés intérieurs et mondiaux, en faisant activement participer les travailleurs eux-mêmes, afin de favoriser un climat propice pour les relations professionnelles.

4.11.

La COVID-19 a marqué un tournant pour l’Union européenne, et l’histoire jugera de l’efficacité de notre réaction, non pas en fonction des mesures prises immédiatement pour soutenir les citoyens et les foyers touchés par les conséquences économiques et sociales du confinement, mais en fonction de la mesure dans laquelle la réponse à moyen et long terme se traduira par une reconstruction et une reprise qui feront une réelle différence pour des millions de citoyens européens.

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 120 du 14.4.2020, p. 1 et JO C 120 du 14.4.2020, p. 7.

(2)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 106.

(3)  Fana, M., Tolan, S., Torrejón, S., Urzi Brancati, C., et Fernández-Macías, E., The COVID-19 confinement measures and EU labour markets (Les mesures de confinement liées à la COVID-19 et les marchés du travail de l’UE), Centre commun de recherche, rapport no JRC120578, 2020.

(4)  European SMEs and the Impact of COVID-19 (Les PME européennes et les conséquences de la COVID-19), plateforme européenne de collaboration des clusters (ECCP), 2020.

(5)  Exit & Recovery Strategy — COVID-19 crisis: Proposals from SMEunited (Stratégie de sortie de crise et de relance — Crise de la COVID-19: propositions de SMEunited), document d’orientation élaboré par SMEunited, 2020.

(6)  Pouliakas, K., et Branka, J, EU Jobs at Highest Risk of COVID-19 Social Distancing: Will the Pandemic Exacerbate Labour Market Divide? (Les emplois de l’UE les plus affectés par les mesures de distanciation sociale liées à la COVID-19: la pandémie creusera-t-elle les inégalités sur le marché du travail?), document de réflexion de l’IZA, no 13281, 2020.

(7)  Dam, K. W., The law-growth nexus: The rule of law and economic development (Le lien entre le droit et la croissance: l’état de droit et le développement économique), Brookings Institution Press, 2007.

(8)  Bénassy-Quéré, A., Marimon, R., Pisani-Ferry, J., Reichlin, L., Schoenmaker, D., et di Mauro, B. W., «COVID-19: Europe needs a catastrophe relief plan», Europe in the Time of Covid-19 («COVID-19: l’Europe a besoin d’un plan d’aide en cas de catastrophe», L’Europe au temps de la COVID-19), 2020, p. 103.

(9)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 106.


11.1.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/79


Avis du Comité économique et social européen sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro

(supplément d’avis)

[COM(2019) 652 final]

(2021/C 10/17)

Rapporteure générale:

Judith VORBACH (1)

Décision du bureau

28.5.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 1, du règlement intérieur et article 29, point a), des modalités d’application du règlement intérieur

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

8.9.2020

Adoption en session plénière

29.10.2020

Session plénière no

555

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

148/9/21

Préambule

Le présent avis fait partie d’un ensemble de deux avis de suivi: celui ci-dessous portant sur la recommandation concernant la politique économique de la zone euro [COM(2019) 652 final] et un second consacré à la stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable [COM(2019) 650 final]. L’objectif est de mettre à jour et de développer les propositions précédentes du CESE (2) , compte tenu des évolutions récentes, des conséquences de la COVID-19, de la relance après la pandémie, ainsi que des différents rapports et recommandations publiés dans le cadre du Semestre européen en cours. Cet ensemble d’avis constitue la contribution globale de la société civile de l’UE à la politique économique, sociale et environnementale pour le prochain cycle du Semestre européen, qui doit être lancé en novembre 2020. Le CESE invite la Commission européenne et le Conseil à prendre cette contribution en considération dans le cadre du prochain «paquet d’automne» du Semestre européen et du processus décisionnel interinstitutionnel qui en découle.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le choc symétrique exogène provoqué par la COVID-19 frappe durement l’économie de la zone euro. Dans ses prévisions économiques du printemps 2020, la Commission européenne estime que «l’Union européenne est tombée cette année dans la récession économique la plus profonde de son histoire» (3), une sombre perspective qu’elle confirme dans ses prévisions économiques de l’été 2020, anticipant «une récession encore plus profonde, avec des situations qui deviennent plus divergentes» (4).

1.2.

Parachever le marché unique et veiller à ce qu’il soit promptement rétabli et pleinement fonctionnel doit rester l’une des toutes premières priorités. Il s’agit en l’occurrence de faire appliquer notamment les vingt principes contenus dans le socle européen des droits sociaux.

1.3.

Les prévisions indiquent qu’une montée spectaculaire du chômage, de la pauvreté et des inégalités sociales et économiques va se produire, tandis que les entreprises seront nombreuses à faire faillite. En outre, si tous les États membres de la zone euro ont été frappés par la pandémie, ses conséquences économiques et sociales sont variables. Craignant une récession profonde, les citoyens européens comme les investisseurs se sont montrés prudents et attendent des prévisions plus fiables. Le CESE met également en garde contre d’autres risques systémiques pouvant mener à une grave récession de l’économie, tels que l’instabilité du secteur financier ou des tendances déflationnistes.

1.4.

Le CESE appelle à la solidarité entre les États membres de la zone euro et entre les citoyens de manière à réduire les inégalités de revenu et de patrimoine au sein des sociétés. L’on escompte que la pandémie aura aussi de graves incidences sur le marché du travail et les conditions sociales au sein de la zone euro en raison de la hausse du chômage, des inégalités de revenu, de la pauvreté et de l’exclusion sociale. L’on prévoit que le taux de chômage de la zone euro grimpe jusqu’à 9,6 % en 2020, avant de légèrement retomber à 8,6 % en 2021, sachant que de fortes disparités se manifestent derechef entre États membres, régions, voire catégories de citoyens. Est également attendue une forte augmentation du chômage des jeunes, que pourrait venir contrer une garantie efficace pour la jeunesse. En outre, les inégalités de revenu et de patrimoine vont de pair avec des inégalités d’espérance de vie et d’accès à une éducation et à des soins de santé de haute qualité. Les futures politiques de l’Union européenne devront aussi tenir rigoureusement compte des répercussions de la crise sur les groupes défavorisés et les personnes handicapées.

1.5.

Le CESE escompte que la pandémie aura pour effet de restructurer notre économie et que de nouveaux modèles économiques seront mis au point. L’Europe est déjà le champion de l’économie circulaire, de la transition écologique et de la lutte contre le changement climatique. Prendre rapidement et efficacement le virage du numérique permettra d’accélérer la transition vers une croissance écologique et intelligente. L’UE doit exploiter cet élan pour renforcer ses avantages concurrentiels et faire en sorte que l’Europe prenne une position de tête et joue un rôle de premier plan dans les domaines d’une importance vitale que sont le secteur numérique, l’intelligence artificielle, la technologie, la décarbonation et une croissance durable et circulaire. Le CESE souligne que c’est dès à présent qu’il est temps d’agir et non lorsque la pandémie de COVID-19 prendra fin.

1.6.

Le CESE se félicite de la décision du Conseil relative au plan de relance pour l’Europe qui doit jouer un rôle central dans le redressement de l’économie européenne, aider les États membres à lutter contre la pandémie et assurer un rebond prompt et durable de l’économie. Il convient d’établir un lien entre les plans de relance et la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et des ODD, tout en stimulant une croissance durable et inclusive.

1.7.

Le CESE estime que le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) devrait procurer les moyens nécessaires d’assurer une croissance durable et inclusive et de réaliser les objectifs stratégiques de l’Union. Aussi relève-t-il que le Conseil européen a fixé le volume du CFP à des montants inférieurs à ceux réclamés par le Parlement européen et le CESE. En outre, les montants prévus pour l’instrument «Next Generation EU» afin de compenser les coupes opérées dans le CFP ont été annulés ou fortement réduits. Le CESE s’inquiète tout particulièrement des coupes opérées dans les investissements dans l’innovation et la recherche, la numérisation et le Fonds pour une transition juste, tout comme de l’abandon du critère lié au respect de l’état de droit.

1.8.

La pandémie a accru les contraintes qui s’exercent sur les budgets publics et l’on s’attend à une augmentation des niveaux d’endettement partout au sein de la zone euro. Dans le même temps, des engagements ont été contractés pour lutter contre le changement climatique et prendre le virage du numérique, tandis que des investissements de qualité qui stimulent la création de valeur et créent de bons emplois sont essentiels pour assurer le redressement économique et social. Le CESE est d’avis que stimuler la demande afin de faire face à la crise climatique, de promouvoir des emplois bien rémunérés et de lutter contre la pauvreté n’est pas seulement nécessaire pour atteindre en soi ces objectifs, mais aussi pour garantir la reprise de l’économie.

1.9.

Le CESE considère que l’activation de la clause dérogatoire était une initiative indispensable et il adresse une mise en garde contre un retour aux règles en vigueur avant la pandémie, qui imposerait l’austérité aux États les plus durement frappés et réduirait à néant le moindre bénéfice que pourrait procurer l’instrument «Next Generation EU». Il estime par ailleurs que des règles budgétaires modernisées ne devraient s’appliquer à nouveau qu’au moment où le chômage se réduira de manière significative. En outre, le CESE demande instamment une réorientation de la gouvernance économique vers un modèle axé sur la prospérité et fondé sur la solidarité, en appliquant par exemple une «règle d’or».

1.10.

Instaurer rapidement un assouplissement de l’utilisation des fonds de l’Union qui permet aux États membres d’effectuer des virements entre fonds, entre régions et entre objectifs stratégiques constitue une approche à la fois nécessaire et utile. Toutefois, le CESE signale la nécessité pour les États membres d’améliorer significativement leurs capacités de programmation tout en s’assurant de la pleine absorption et de l’utilisation efficace de l’ensemble des financements mis en œuvre, tout spécialement en ce qui concerne les investissements qui produisent des effets positifs immédiats afin de surmonter la récession et/ou les investissements dans la transition vers une économie durable, inclusive, numérisée et sobre en carbone.

1.11.

Le Semestre européen a été récemment placé au centre de la facilité pour la reprise et la résilience. Cependant, le CESE relève que les organes politiques tels que le Parlement européen et certains parlements nationaux ne sont guère associés à ce processus, voire pas du tout, et que par conséquent le contrôle démocratique exercé sur celui-ci est insuffisant. Il conviendrait également de renforcer encore le rôle des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

1.12.

Le CESE attend des banques de la zone euro qu’elles servent d’amortisseurs durant la crise en procurant la liquidité et les crédits nécessaires aux particuliers. Il convient d’achever l’union bancaire au plus vite, et notamment de mettre en œuvre le système européen d’assurance des dépôts. Au même titre, l’achèvement de l’union des marchés des capitaux devrait figurer parmi les grandes priorités. Dans ce contexte, le CESE souligne combien une régulation efficace des marchés financiers est importante pour garantir la stabilité du secteur financier.

1.13.

Il est essentiel de mettre en œuvre des politiques sociales à l’échelon de l’Union européenne et par la voie du Semestre européen afin de remédier aux défaillances du marché ou de soutenir les développements du marché à l’échelon national. Le CESE souligne que remédier aux déséquilibres colossaux entre les États membres et en leur sein constitue une condition préalable pour parvenir à la résilience économique et sociale.

1.14.

Le CESE estime que l’intervention rapide d’investissements conséquents publics et privés dans la recherche et le développement et dans les compétences doit devenir une priorité immédiate si l’Union européenne veut répondre au défi posé par le déclin et le vieillissement de sa population et prendre le virage du numérique. Les gouvernements devraient se tenir prêts à encourager les idées neuves et à financer des expérimentations dans des secteurs à fort potentiel de croissance.

1.15.

Il s’impose de soutenir les systèmes nationaux de protection sociale. Afin de créer des structures résilientes, fondées sur la solidarité, qui stabilisent la zone euro en temps de crise, il convient de mettre en œuvre un régime européen de réassurance chômage afin de renforcer les systèmes nationaux en subordonnant ses subventions à un financement solide des systèmes nationaux.

1.16.

Le CESE s’interroge sur la manière dont les États membres de la zone euro réagiraient à un choc différent, de nature asymétrique, dans le prolongement de la situation actuelle, si une autre crise ne frappait qu’un ou deux d’entre eux. Le CESE considère que les États membres de la zone euro ont besoin d’une coopération accrue et d’instruments spécialement conçus pour améliorer leur résilience et leur capacité à amortir les chocs symétriques et asymétriques.

1.17.

L’évasion fiscale, l’érosion de l’assiette, les transferts de bénéfices, le blanchiment des capitaux et la lutte contre la corruption sont encore des sujets politiquement sensibles pour de nombreux États membres. Le CESE préconise un calendrier décisif et accéléré de réformes des politiques fiscales qui permettraient de combler les failles et de lutter contre l’évasion fiscale dans toute l’Union, ces phénomènes ayant aujourd’hui gagné en importance. Un programme fiscal moderne doit être élaboré au niveau de l’Union pour que celle-ci relève les défis économiques, sociaux et écologiques de demain tout en adoptant également un fonctionnement plus démocratique. En effet, dès l’an passé, le Comité a pleinement soutenu l’ouverture de discussions sur la transition progressive vers le vote à la majorité qualifiée et la procédure législative ordinaire en matière de politique fiscale, tout en reconnaissant qu’à tout moment, tous les États membres ainsi que les institutions et organes de l’Union européenne doivent disposer de possibilités adéquates pour participer au processus décisionnel. Le CESE demande que les propositions de la Commission en la matière soient suivies de mesures dans les plus brefs délais et aux conditions qu’il a préconisées dans ses avis antérieurs (5).

2.   Introduction et observations générales

2.1.

En février 2020, le CESE a adopté à une large majorité son avis sur la «Politique économique de la zone euro (2020)». Si la zone euro connaissait encore une période de croissance, l’atonie et les déséquilibres internes et externes de l’économie étaient préoccupants. La conjoncture économique et sociale a radicalement changé depuis lors, en Europe comme partout dans le monde, car la pandémie de COVID-19 s’est rapidement propagée, touchant l’ensemble des États membres. Ce choc extrême — symétrique et exogène — affecte l’économie de la zone euro et il aggrave la pauvreté et les inégalités de revenu. Dans ses prévisions économiques du printemps 2020, la Commission européenne estime que «l’Union européenne est tombée cette année dans la récession économique la plus profonde de son histoire». Les prévisions économiques de l’été 2020 confirment cette sombre perspective, anticipant «une récession encore plus profonde, avec des situations qui deviennent plus divergentes».

2.2.

L’Europe possède le plus grand marché unique au monde et la deuxième monnaie la plus utilisée. Toutefois, la monnaie unique ne pourra réaliser son plein potentiel que lorsque tous les États membres l’auront introduite et que l’Union économique et monétaire (UEM) sera achevée. Si la Commission porte un intérêt croissant à un renforcement du rôle de l’euro dans le monde, on ne pourra atteindre cet objectif qu’à condition de contenir autant que faire se peut la récession et de générer une croissance durable, dynamique et inclusive dans son prolongement immédiat. Il s’impose donc également d’aider les États membres grâce à une stratégie commune de l’Union cohérente et ciblée. Dans son discours du 11 juin dernier, le président de l’Eurogroupe a reconnu que «la coordination, en particulier dans la zone euro, est primordiale pour nous prémunir des divergences et d’une aggravation de nos déséquilibres. Protéger la monnaie unique est tout aussi essentiel que de protéger le marché unique. En réalité, les deux aspects sont liés» (6).

2.3.

Le marché unique compte parmi les réalisations les plus remarquables du projet européen. Il a rendu possibles la liberté et la fluidité des échanges commerciaux entre les États membres, contribuant à leur richesse et à leur prospérité ainsi qu’à des niveaux de vie parmi les plus élevés au monde. Parachever le marché unique et veiller à ce qu’il soit promptement rétabli et pleinement fonctionnel doit rester une priorité de premier ordre, compte tenu des négociations sur le Brexit et de leurs retombées éventuelles. Cela implique notamment une stratégie sociale comprenant des mesures de convergence ascendante dans ce domaine afin d’assurer des conditions de travail équitables et plus favorables, ainsi qu’une répartition plus égalitaire des revenus et des richesses. Il faut veiller à la bonne application des vingt principes contenus dans le socle européen des droits sociaux, comme le principe «à travail égal au même endroit, salaire égal», en vue de mettre en œuvre des mesures en faveur de la convergence sociale et d’obtenir de meilleures conditions de travail. Il s’impose de mesurer également les effets négatifs de la pandémie sur les avancées dans la réalisation du programme des ODD, et l’Union européenne devrait s’efforcer de s’en tenir à la série originelle d’objectifs.

2.4.

Dans ses prévisions du printemps, la Commission souligne que «la pandémie a très gravement affecté les dépenses de consommation, la production industrielle, l’investissement, les échanges commerciaux, les flux de capitaux et les chaînes d’approvisionnement», et s’attend dans le même temps à ce que le marché du travail soit soumis à rude épreuve. La Commission relève également «un risque que la pandémie ne provoque des changements d’attitude plus radicaux et permanents à l’égard des chaînes de valeur mondiales et de la coopération internationale». D’autres risques funestes sont présents, comme la gravité de la pandémie, les faillites, une crise du secteur financier, des problèmes de liquidité et des négociations difficiles. Le marché du travail pourrait en conserver longtemps les stigmates. Les prévisions économiques de l’été anticipent une contraction de l’économie en 2020, de 8,75 % dans la zone euro et de 8,3 % dans l’ensemble de l’Union.

2.5.

Après le choc symétrique et exogène sans précédent qu’a infligé la pandémie de COVID-19, les prévisions indiquent qu’une montée spectaculaire du chômage, de la pauvreté et des inégalités sociales et économiques va se produire, tandis que les entreprises seront nombreuses à faire faillite. Si tous les États membres de la zone euro ont été frappés par la pandémie, ses conséquences économiques et sociales sont variables. Dans certains pays de l’Union, cet impact viendra s’ajouter à des problèmes sociaux préexistants. Les prévisions de PIB pour 2020 varient, d’un recul de 4,6 % en Pologne jusqu’à une chute de 11,2 % en Italie, et l’on s’attend à ce que l’ampleur du ralentissement en 2021 soit sensiblement différente d’une région et d’un État membre à l’autre. Les divergences entre les États membres quant au coût des emprunts et l’accès à ceux-ci, de même que le manque de coordination européenne en matière de politiques économiques, sociales et environnementales, peuvent peser sur la capacité des États membres à affronter la crise. Les écarts dans la capacité à financer les investissements nécessaires pour redémarrer les économies pourraient également fausser les conditions de concurrence dans la zone euro. Enfin, la persistance de fortes inégalités entre les États membres et les régions pourrait entraîner une migration depuis les pays plus pauvres vers les plus riches, provoquant ainsi une fuite des cerveaux problématique ainsi que d’autres complications sur le plan social.

3.   Les conséquences de la pandémie de COVID-19

3.1.

Aujourd’hui encore, plusieurs mois après le début de la pandémie, la situation reste instable, avec des prévisions qui changent tous les mois et des risques qui s’accumulent. Personne ne peut encore prédire si nous serons confrontés à une vague de récession à double creux suivie d’une période de reprise, ou même à une descente plus compliquée et plus durable vers le fond, suivie d’une reprise plus tardive et plus lente. Craignant une récession profonde, les citoyens européens comme les investisseurs se sont montrés prudents et attendent des prévisions plus fiables. Le CESE insiste sur l’importance que revêtent les attentes pour la demande macroéconomique. Le comité budgétaire européen a récemment constaté qu’une aide budgétaire de plus grande ampleur sur une plus longue durée sera également nécessaire en 2021, sachant que le relâchement des mesures de confinement sera plus lent que prévu et qu’il est probable que les consommateurs accroîtront leur épargne de précaution. Lorsque les entreprises et les ménages privés, aussi bien nationaux qu’étrangers, réduisent leurs dépenses, les dépenses des pouvoirs publics constituent, de conserve avec une politique monétaire accommodante, la seule manière de soutenir la demande (7). Le CESE soutient expressément ce point de vue et met en garde contre d’autres risques systémiques pouvant mener à une grave récession de l’économie, tels que l’instabilité du marché financier ou des tendances déflationnistes.

3.2.

La pandémie a accru les contraintes qui s’exercent sur les budgets publics et l’on s’attend à une augmentation des niveaux d’endettement partout au sein de la zone euro, mais derechef à des degrés très divers d’un État membre à l’autre. Certains pays ont été touchés par la pandémie alors qu’ils présentaient déjà des niveaux d’endettement élevés. Dans le même temps, des engagements ont été contractés pour lutter contre le changement climatique et prendre le virage du numérique, tandis que des investissements de qualité qui stimulent la création de valeur et créent de bons emplois joueront un rôle central dans le redressement économique et social. L’Union européenne devrait s’efforcer de tirer parti des effets bénéfiques des synergies entre investissements publics et privés et coordonner la future mise en œuvre des programmes structurels.

3.3.

Une baisse significative de l’offre et de la demande a été constatée dans toute l’Union européenne à la suite de la crise sanitaire. «Initialement, la pandémie a pris la forme d’un choc d’offre, mais ses effets dits “de second tour” provoquent maintenant un choc massif de la demande globale. L’impact global […] dépendra de celui des deux chocs qui prédominera […]» (8). Ce sont les petites et moyennes entreprises (PME) qui ont payé le plus lourd tribut à la pandémie et, en l’absence de plans de sauvetage spécifiques et réalistes à leur intention, beaucoup feront faillite. L’Union européenne a déjà pris des mesures au niveau central, mais c’est aux États membres qu’il appartient de mettre en œuvre et de rediriger sans délai les fonds disponibles, de manière coordonnée, là où ils sont les plus nécessaires. La Commission européenne devrait par conséquent surveiller avec attention l’absorption correspondante des fonds disponibles.

3.4.

Le confinement imposé par la plupart des États membres a exposé au grand jour les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement longues ainsi que les effets délétères de la dépendance de secteurs critiques à l’égard de fournisseurs extérieurs. C’est pourquoi un plan stratégique clair et soigneusement conçu est nécessaire au niveau de l’Union, les investissements publics servant d’incitations aux investissements privés. Le secteur privé est capable, dans une très large mesure, de déterminer son degré de dépendance en choisissant le lieu de livraison des matières premières, les ressources humaines, la logistique, etc. La nouvelle stratégie industrielle devrait contribuer à réduire cette dépendance. En outre, il conviendrait d’engager des discussions au niveau tant de l’Union que des États membres au sujet de la production nationale dans certains secteurs clés, et en particulier celui de la santé.

3.5.

Le CESE a déjà indiqué qu’il était «nécessaire de (re)construire des chaînes de valeur industrielles intégrées à l’intérieur de l’UE afin de renforcer l’autonomie stratégique et la résilience économique de l’Europe» (9). Le 13 juin 2020, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) a déclaré que «la volonté de construire des chaînes d’approvisionnement plus résilientes pourrait être le catalyseur dont nous avons besoin pour parachever le marché unique» (10). Cette démarche permettrait également de préserver des emplois décents et efficaces, d’aider les entreprises à créer de la valeur ajoutée, de renforcer la compétitivité, de réduire la dépendance, de s’attaquer aux évolutions défavorables de la démographie et de réaliser la convergence vers le haut.

3.6.

La pandémie aura aussi de graves incidences sur le marché du travail et les conditions sociales au sein de la zone euro. On s’attend à ce que la crise de la COVID-19 entraîne une hausse significative du chômage, des inégalités de revenu, de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Selon les prévisions économiques du printemps 2020, le taux de chômage de la zone euro devrait grimper jusqu’à 9,6 % en 2020, avant de légèrement retomber à 8,6 % en 2021, sachant que de fortes disparités se manifestent derechef entre États membres, régions, voire catégories de citoyens. Certains secteurs comme le tourisme, la gastronomie, l’aviation et la culture peuvent être pénalisés à long terme. Malgré les mesures de stabilisation de grande envergure qui ont été mises en place, il est probable que les revenus d’un grand nombre de personnes resteront précaires. Ceux qui étaient déjà vulnérables avant la crise ont de grandes chances d’être les plus durement touchés. Bon nombre des emplois qui se sont avérés d’une importance vitale pendant la crise sont largement sous-payés et sous-évalués par le marché du travail. Les futures politiques de l’Union européenne devront tenir rigoureusement compte des répercussions de la crise sur les groupes défavorisés et les personnes handicapées. En outre, une forte augmentation du chômage des jeunes est attendue, ce qui met en évidence la nécessité d’instaurer une garantie pour la jeunesse efficace et renforcée, ainsi que des programmes d’aide à l’emploi.

3.7.

Le CESE escompte que la pandémie aura pour effet de restructurer notre économie et que de nouveaux modèles économiques seront mis au point. Une analyse secteur par secteur montre que les différences sont d’ores et déjà sensibles, à des degrés divers. Si derrière chaque crise il y a une chance à saisir, alors nous devons utiliser celle-ci pour renforcer nos avantages concurrentiels et faire en sorte que l’Europe prenne une position de tête et joue un rôle de premier plan dans les domaines d’une importance vitale que sont le secteur numérique, l’intelligence artificielle, la technologie, la décarbonation, une croissance durable et circulaire et une économie inclusive. Pour ce faire, il s’impose de mettre fortement l’accent sur des investissements dans la recherche et l’innovation, ainsi que dans le développement des aptitudes et des compétences. Un cadre politique certain, prévisible et concurrentiel constitue un élément important d’un environnement propice aux investissements privés. De façon générale, l’Union européenne devrait procurer aux entreprises les conditions adéquates pour gérer les transitions numérique et écologique d’une manière qui permette de créer des entreprises et des emplois nouveaux et qui produise ainsi simultanément de multiples effets bénéfiques.

3.8.

Le bilan humain qui s’aggrave et les répercussions sociales et économiques de la pandémie posent un défi d’envergure au projet européen. Aujourd’hui plus que jamais, la zone euro est invitée à faire preuve de solidarité et à sortir renforcée de l’épreuve. Le CESE demande que des mesures décisives soient prises pour réduire les inégalités de revenu et de patrimoine observées dans les sociétés au niveau national, car celles-ci vont également de pair avec des inégalités en matière d’espérance de vie et d’accès à une éducation et des soins de santé de qualité.

3.9.

Une politique européenne bien coordonnée en matière de santé serait un atout de taille pour vaincre la pandémie, en ce qu’elle permettrait aux États membres de coopérer les uns avec les autres et de s’entraider. La distribution équitable de produits médicaux jugés utiles et appropriés pour lutter contre la propagation de la COVID-19 devrait constituer l’une des priorités de la politique européenne de santé, ainsi qu’une preuve de la solidarité entre les États membres. Tant que la pandémie ne sera pas jugulée, aucune reprise économique forte et durable ne sera possible.

4.   Le redressement économique et social

4.1.

Le CESE souligne que c’est dès à présent qu’il est temps d’agir et non lorsque la pandémie de COVID-19 prendra fin. L’action politique et les processus de réforme doivent se poursuivre en des temps d’immense incertitude. Il s’agit de poursuivre promptement les débats qui n’ont que trop attendu, concernant par exemple le réexamen de la gouvernance économique, la refonte du Semestre européen, tout comme le lancement de la conférence sur l’avenir de l’Europe, et de faire jouer d’importantes politiques telles que l’intégration des objectifs de développement durable (ODD) dans le cadre réglementaire. L’on peut envisager la crise de la COVID-19 comme une chance, pour autant que l’Union européenne trouve assez de courage pour la saisir.

4.2.

Le CESE se félicite de la décision du Conseil relative au plan de relance pour l’Europe. Bien qu’à l’échelle macroéconomique, les montants en jeu soient modestes, ce plan constitue un pas d’une extrême importance car il renforce la position de la BCE d’agir «quoi qu’il en coûte», que l’ensemble de l’Union fait à présent sienne. L’instrument «Next Generation EU» mis en œuvre dans le cadre du CFP a un rôle central à jouer dans le redressement de l’économie européenne et il doit aider les États membres à lutter contre la pandémie et assurer un rebond prompt et durable de l’économie. Il reste toutefois certaines lacunes à combler. Il convient de s’assurer de l’absence de tout risque de conditionnalité négative dans le cadre des recommandations par pays et du Semestre européen, alors que ceux-ci deviennent dans les faits plus contraignants encore du fait du rôle qui leur incombe dans la facilité pour la reprise et la résilience. Les plans de relance devraient viser à stimuler une croissance durable et inclusive en accordant une attention plus poussée aux cibles des ODD et au socle européen des droits sociaux. Il importe également de prendre en considération la situation socio-économique de chaque État membre.

4.3.

Le CESE apprécie la réaction immédiate que l’Union européenne et ses États membres ont opposée à la pandémie de COVID-19. Il estime que le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) devrait doter l’Union européenne des moyens nécessaires d’assurer une croissance durable et inclusive, de fonctionner sans accroc et de réaliser ses objectifs stratégiques. Cela suppose de financer suffisamment la recherche et le développement, les technologies numériques et la lutte contre le changement climatique. Le CFP doit également fixer les bonnes priorités afin de renforcer la cohésion des États membres et de l’Union dans sa globalité. Aussi le CESE relève-t-il que le Conseil, lors de sa réunion au somment, a fixé le volume du CFP à 1,05 % du RNB de l’UE à 27, bien loin du chiffre de 1,3 % du RNB exigé par le Parlement européen et le CESE, et même de celui de 1,1 % du RNB de l’UE à 27 proposé en mai 2018. En outre, les montants prévus pour l’instrument «Next Generation EU» afin de compenser les coupes opérées dans le CFP, par exemple pour ce qui est des politiques de cohésion, ont été en définitive annulés ou fortement réduits. Le CESE s’inquiète par ailleurs des coupes opérées dans les investissements dans l’innovation et la recherche, la numérisation et le Fonds pour une transition juste, tout comme de l’abandon du critère lié au respect de l’état de droit. Enfin, le CESE demande que des mesures décisives soient prises promptement pour mettre en œuvre des ressources propres supplémentaires.

4.4.

Le CESE recommande de maintenir un équilibre prudent entre les mesures axées sur l’offre et celles orientées vers la demande. Pour ce qui concerne la demande, il faut bien garder à l’esprit que les actions consistant à stimuler au sein de la zone euro les investissements en réaction à la crise climatique, à lutter contre le chômage, à promouvoir des emplois rémunérateurs et à combattre la pauvreté ne sont pas seulement des objectifs en soi, mais qu’elles exercent aussi des effets positifs sur la demande globale et sont, à ce titre, susceptibles de favoriser la reprise économique.

4.5.

Le mécanisme européen de stabilité (MES) dispose des instruments nécessaires pour surmonter un choc comme celui de la COVID-19. Le 9 avril 2020, l’Eurogroupe a décidé d’adopter un ensemble complet de mesures à hauteur de 540 milliards d’EUR, y compris un instrument de prêt de 240 milliards d’EUR (mesure de soutien dans le cadre de la crise pandémique) sur la base de la ligne de crédit assortie de conditions renforcées du MES qui sera disponible pour tous les pays de la zone euro. Le 15 mai 2020, le conseil des gouverneurs du MES est convenu de mettre la mesure de soutien dans le cadre de la crise pandémique à la disposition de tous les États membres de la zone euro. Il décidera ensuite de l’opportunité d’accorder ou non le soutien demandé par chaque pays, en fonction d’une évaluation effectuée par la Commission européenne en concertation avec la BCE et dans le cadre d’une collaboration avec le MES (11).

4.6.

Le CESE considère également que l’activation rapide de la clause dérogatoire du pacte de stabilité et de croissance était une initiative indispensable. Le CESE prend toutefois acte des recommandations du comité budgétaire européen selon lesquelles il conviendra de proposer des clarifications au printemps 2021 concernant le calendrier et les conditions pour en sortir ou pour la réexaminer. Dans ce contexte, le CESE adresse une mise en garde contre un retour prématuré aux règles en vigueur avant la pandémie, qui imposerait l’austérité aux États les plus durement frappés et réduirait à néant le moindre bénéfice que pourrait procurer l’instrument «Next Generation EU». En outre, toute nouvelle règle budgétaire ne devrait s’appliquer à nouveau qu’au moment où le chômage se réduira de manière significative.

4.7.

Le CESE demande instamment une réorientation de la gouvernance économique vers un modèle axé sur la prospérité et fondé sur la solidarité. Le CESE souscrit aux thèses du comité budgétaire européen selon lesquelles il convient de s’attaquer à la propension à réduire les investissements des pouvoirs publics lorsque des pressions s’exercent sur les finances publiques; il se félicite par ailleurs de son ouverture quant à l’application d’une «règle d’or» et de ses recommandations visant à surmonter les déficiences passées des règles budgétaires afin de protéger les investissements des pouvoirs publics, et notamment de mettre en œuvre une capacité budgétaire centrale (12). Le CESE demande à la Commission de poursuivre l’examen en cours du cadre de gouvernance économique afin d’en accélérer la modernisation. Par exemple, malgré une politique monétaire très expansionniste, l’Union européenne est encore confrontée à un risque de déflation.

4.8.

L’Union européenne s’est activement efforcée de mobiliser tous les fonds disponibles pour permettre aux États membres de réagir immédiatement face à la pandémie. Le CESE se félicite qu’il ait été rapidement prévu d’assouplir l’utilisation des fonds de l’Union en permettant aux États membres d’effectuer des virements entre fonds, entre régions et entre objectifs stratégiques. Dans le même temps, le CESE tient pour nécessaire que les États membres améliorent significativement leurs capacités de programmation tout en s’assurant de la pleine absorption et de l’utilisation efficace de l’ensemble des financements mis en œuvre. Il convient d’utiliser ces financements pour des investissements qui produisent des effets positifs immédiats afin de surmonter la récession et/ou pour des investissements dans les transitions des États membres de l’Union européenne vers une économie durable, inclusive, numérisée et sobre en carbone. Le CESE demande à la Commission européenne de fournir une vue d’ensemble structurée de l’ensemble des fonds et ressources disponibles.

4.9.

Le Semestre européen est un instrument de programmation, de suivi et de gouvernance essentiel pour l’Union européenne qui lui a récemment donné une place centrale dans la facilité pour la reprise et la résilience. Le CESE prend acte de la réforme annoncée du processus du Semestre européen et du nouveau rôle de coordination des mesures de relance qu’il est proposé de lui attribuer, dans le respect plein et entier des principes du pacte vert pour l’Europe (13), du socle européen des droits sociaux (14) et des objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) (15). Cependant, le CESE relève que les organes politiques tels que le Parlement européen et certains parlements nationaux ne sont guère associés à ce processus, voire pas du tout, et que par conséquent le contrôle démocratique exercé sur celui-ci est insuffisant. Il conviendrait également de renforcer encore le rôle des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

4.10.

Le Comité est d’avis qu’il serait extrêmement utile que le budget de l’UE puisse faire preuve d’une plus grande souplesse pour affronter des chocs néfastes, en particulier lorsqu’ils ne sont pas d’origine économique. Il recommande à l’Union européenne de mener des politiques visant à améliorer immédiatement la coopération des États membres en temps de crise. Grâce à une amélioration des protocoles et à un renforcement de la coopération, il serait possible d’apporter une réponse européenne rapide et coordonnée face à tout type de catastrophe.

4.11.

Par ailleurs, les banques étaient mieux préparées à cette crise qu’elles ne l’étaient pour la crise financière de 2008. Le CESE attend des banques de la zone euro qu’elles servent d’amortisseurs durant la crise en procurant la liquidité et les crédits nécessaires aux particuliers et aux entreprises. Il convient d’achever l’union bancaire dans les plus brefs délais, et notamment de mettre en œuvre le système européen d’assurance des dépôts. De même, l’achèvement de l’union des marchés des capitaux devrait figurer au même titre parmi les grandes priorités de l’Union. Le CESE souligne en outre combien une régulation efficace des marchés financiers est importante pour garantir la stabilité du secteur financier.

4.12.

Le CESE fait observer que la lutte contre les déséquilibres internes et externes et les inégalités passe, d’une part, par la mise en œuvre de politiques sociales au niveau de l’Union et dans le cadre du Semestre européen, afin de corriger les défaillances des marchés ou d’en soutenir le développement au niveau national. Elle implique, d’autre part, que soient pris en compte les effets distributifs de toute action menée par l’Union dans le cadre des politiques économiques, depuis la régulation des marchés financiers jusqu’aux mesures visant à lutter contre la crise du climat et celle de la COVID-19. En outre, le bien-être des ménages a tendance à dépendre de plus en plus de facteurs européens, par exemples des politiques budgétaires à sens unique, la faiblesse de la dimension sociale ou les retards dans l’approfondissement de l’UEM. Le CESE souligne que remédier aux déséquilibres colossaux entre les États membres et en leur sein constitue une condition préalable pour parvenir à la résilience économique et sociale.

5.   La voie à suivre

5.1.

Le CESE estime que l’intervention rapide d’investissements conséquents publics et privés dans la recherche et le développement et dans les compétences doit devenir une priorité si l’Union européenne veut répondre au défi posé par le déclin et le vieillissement de sa population et prendre le virage du numérique. Il a déjà fait valoir que «[l]es travailleurs européens doivent pouvoir bénéficier de programmes de formation, de reconversion, de perfectionnement et d’apprentissage tout au long de la vie de manière à profiter pleinement de l’évolution technologique» (16). Les gouvernements devraient se tenir prêts à encourager les idées neuves et à financer des expérimentations dans des secteurs à fort potentiel de croissance.

5.2.

Pour éviter des dommages à grande échelle, il s’impose de soutenir les systèmes nationaux de protection sociale. Il convient de mettre en œuvre un régime européen de réassurance chômage pour créer des structures résilientes, fondées sur la solidarité, qui stabilisent la zone euro en temps de crise et consolident la protection sociale dans les États membres. À l’image des autres systèmes intervenant en cas de chômage, celui-ci servirait de stabilisateur automatique, en même temps qu’il pourrait suppléer les systèmes d’assurance-chômage nationaux en cas de récession majeure. Il renforcerait par ailleurs les systèmes nationaux en conditionnant ses allocations à un financement des régimes nationaux qui soit solide et fondé sur la solidarité. L’instrument de soutien à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence marque un pas dans la bonne direction, mais il n’est pas suffisant.

5.3.

Les estimations données par la Commission européenne à la fin du mois de mai 2020 montrent que pour concrétiser la transition écologique et la transformation numérique, l’Union européenne doit investir au moins 595 milliards d’EUR chaque année (17). Le CESE considère que la relance économique doit être pleinement alignée sur les principes du pacte vert pour l’Europe et des ODD. L’Europe est déjà le champion de l’économie circulaire, de la transition écologique et de la lutte contre le changement climatique. Le CESE considère que prendre rapidement et efficacement le virage du numérique permettra d’accélérer la transition vers une croissance écologique et intelligente.

5.4.

Le CESE a adressé à de multiples reprises des mises en garde au motif que «la prospérité de l’Europe sera d’autant plus menacée que se prolongera la politique actuelle, toute tournée vers la réalisation d’économies et dépourvue d’un plan d’investissement efficace», et devant «l’absence d’une vision stratégique claire de l’avenir et l’incapacité à apporter une réponse adéquate à d’autres crises économiques et financières». De même, au début 2018, le CESE insistait sur «la nécessité d’élaborer de nouveaux instruments financiers pour prévenir les crises et contrer les mesures procycliques» (18). Le CESE demande une nouvelle fois que des mesures spécifiques soient prises afin d’alléger la pression pesant sur les finances publiques et d’augmenter ainsi la marge de manœuvre pour réagir aux chocs externes.

5.5.

Le CESE s’interroge sur la manière dont les États membres de la zone euro réagiraient à un choc différent, de nature asymétrique, dans le prolongement de la situation actuelle et de la reprise qui s’annonce laborieuse, et compte tenu des incertitudes qui planent encore sur la zone euro. La réponse de l’Union serait-elle aussi prompte et immédiate si un ou deux États membres de la zone euro seulement étaient touchés par une autre crise? Si une telle perspective serait tout à fait regrettable, le CESE est d’avis qu’un choc asymétrique de cette nature constituerait un test décisif de la solidarité de l’Union européenne et de son projet de manière générale. Dès lors, le CESE considère que les États membres de la zone euro ont besoin d’une coopération accrue et d’instruments spécialement conçus pour améliorer leur résilience et leur capacité à amortir les chocs symétriques et asymétriques. En sus de renforcer la résilience de l’économie, il convient également d’accroître celle du monde du travail et de la société. Pour atteindre cet objectif, l’un des facteurs essentiels consiste à accroître l’engagement des partenaires sociaux et des organisations de la société civile dans tous les processus, à l’échelon national et à celui de l’Union (19).

5.6.

Au moment où les déficits et les niveaux d’endettement grandissent partout dans l’Union, nous devons repenser notre approche de la fiscalité et de tous les autres facteurs qui influent sur l’imposition. L’évasion fiscale, la planification fiscale agressive, l’érosion de l’assiette, les transferts de bénéfices, le blanchiment des capitaux et la lutte contre la corruption se sont révélés être des sujets politiquement sensibles pour de nombreux États membres, mais nous ne pouvons plus nous permettre de les écarter d’un revers de la main. Le CESE préconise une réforme décisive des politiques fiscales qui permettrait de combler les failles et de lutter contre l’évasion fiscale dans toute l’Union. De surcroît, il plaide en faveur d’une politique budgétaire bien coordonnée au sein de la zone euro, qui permettrait de renforcer la position monétaire, la viabilité des finances publiques et la résilience face aux chocs. Il renouvelle également les recommandations qu’il a adressées aux États membres et aux institutions européennes pour qu’ils accélèrent la manœuvre dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, ces phénomènes ayant aujourd’hui gagné en importance. Un programme fiscal moderne doit être élaboré au niveau de l’Union pour que celle-ci relève les défis économiques, sociaux et écologiques de demain tout en adoptant également un fonctionnement plus démocratique. En effet, dès l’an passé, le Comité a pleinement soutenu l’ouverture de discussions sur la transition progressive vers le vote à la majorité qualifiée et la procédure législative ordinaire en matière de politique fiscale, tout en reconnaissant qu’à tout moment, tous les États membres ainsi que les institutions et organes de l’Union européenne doivent disposer de possibilités adéquates pour participer au processus décisionnel. Le CESE demande que les propositions de la Commission en la matière soient suivies de mesures dans les plus brefs délais et aux conditions qu’il a préconisées dans ses avis antérieurs (20).

Bruxelles, le 29 octobre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Cet avis a été élaboré au cours du mandat 2015-2020 du CESE par Mihai Ivașcu, rapporteur, et Judith Vorbach, corapporteure. Il a été présenté lors de la première session plénière du mandat 2020-2025 du CESE en octobre 2020 par Judith Vorbach, en qualité de rapporteure générale.

(2)  Avis du CESE sur la stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable (JO C 120 du 14.4.2020, p. 1) et sur la politique économique de la zone euro (2020) (JO C 120 du 14.4.2020, p. 7).

(3)  Prévisions économiques du printemps 2020, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_799

(4)  Prévisions économiques de l’été 2020, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_1269

(5)  Voir les avis du CESE sur le thème «Fiscalité — le vote à la majorité qualifiée» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 90) et sur le thème «Renforcer une croissance économique durable dans l’ensemble de l’Union européenne» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 29).

(6)  Observations de M. Mário Centeno à l’issue de la visioconférence de l’Eurogroupe du 11 juin 2020, https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2020/06/11/remarks-by-mario-centeno-following-the-eurogroup-videoconference-of-11-june-2020/

(7)  Détermination de l’orientation budgétaire adéquate pour la zone euro en 2021: https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/2020_06_25_efb_assessment_of_euro_area_fiscal_stance_en.pdf (en anglais).

(8)  «The European Central Bank in the COVID-19 crisis: whatever it takes, within its mandate» [La Banque centrale européenne pendant la crise de la COVID-19: quoi qu’il en coûte, dans les limites de son mandat].

(9)  Voir avis du CESE sur la stratégie industrielle (JO C 364 du 28.10.2020, p. 108).

(10)  «The path out of uncertainty» [La voie à suivre pour sortir de l’incertitude].

(11)  https://www.esm.europa.eu/content/europe-response-corona-crisis

(12)  Détermination de l’orientation budgétaire adéquate pour la zone euro en 2021: https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/2020_06_25_efb_assessment_of_euro_area_fiscal_stance_en.pdf (en anglais).

(13)  Un pacte vert pour l’Europe.

(14)  Socle européen des droits sociaux (JO C 428 du 13.12.2017, p. 10).

(15)  Objectifs de développement durable des Nations unies.

(16)  JO C 228 du 5.7.2019, p. 57.

(17)  SWD(2020) 98 final (disponible uniquement en anglais).

(18)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 28.

(19)  Avis du CESE sur «Vers une économie européenne plus résiliente et durable» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 23).

(20)  Voir la note 5 de bas de page.


ANNEXE

Les amendements suivants, bien qu’ayant obtenu plus d’un quart des votes, ont été rejetés au cours des débats.

Paragraphe 1.17

Modifier comme suit:

1.17

L’évasion fiscale, l’érosion de l’assiette, les transferts de bénéfices, le blanchiment des capitaux et la lutte contre la corruption sont encore des sujets politiquement sensibles pour de nombreux États membres. Le CESE préconise une réforme décisive des politiques fiscales qui permettrait de combler les failles et de lutter contre l’évasion fiscale dans toute l’Union. De surcroît, le CESE appuie l’initiative de la Commission concernant le vote à la majorité qualifiée, dont il estime qu’il importe de la mettre en œuvre certes progressivement mais dès à présent.

Exposé des motifs

Le vote à la majorité qualifiée (VMQ) sur les questions fiscales est un sujet très sensible ayant de profondes implications pour la souveraineté des pays en matière d’économie. Il existe des raisons dûment fondées pour lesquelles la fiscalité est inscrite comme une compétence nationale dans le traité sur l’Union européenne. Ces raisons n’ont pas perdu de leur importance. Un changement en matière de souveraineté pourrait également constituer un obstacle à la résilience économique et sociale. Compte tenu de la complexité de ces enjeux, il conviendrait de ne pas exposer ici en quelques phrases une nouvelle position du CESE quant au vote à la majorité qualifiée.

Paragraphe 5.6

Modifier comme suit:

5.6.

Au moment où les déficits et les niveaux d’endettement grandissent partout dans l’Union, nous devons repenser notre approche de la fiscalité et de tous les autres facteurs qui influent sur l’imposition. L’évasion fiscale, la planification fiscale agressive, l’érosion de l’assiette, les transferts de bénéfices, le blanchiment des capitaux et la lutte contre la corruption se sont révélés être des sujets politiquement sensibles pour de nombreux États membres, mais nous ne pouvons plus nous permettre de les écarter d’un revers de la main. Le CESE préconise une réforme décisive des politiques fiscales qui permettrait de combler les failles et de lutter contre l’évasion fiscale dans toute l’Union. De surcroît, il plaide en faveur d’une politique budgétaire bien coordonnée au sein de la zone euro, qui permettrait de renforcer la position monétaire, la viabilité des finances publiques et la résilience face aux chocs. Le CESE appuie dès lors l’initiative de la Commission concernant le vote à la majorité qualifiée, dont il estime qu’il importe de la mettre en œuvre certes progressivement mais dès à présent.

Exposé des motifs

Le vote à la majorité qualifiée (VMQ) sur les questions fiscales est un sujet très sensible ayant de profondes implications pour la souveraineté des pays en matière d’économie. Il existe des raisons dûment fondées pour lesquelles la fiscalité est inscrite comme une compétence nationale dans le traité sur l’Union européenne. Ces raisons n’ont pas perdu de leur importance. Un changement en matière de souveraineté pourrait également constituer un obstacle à la résilience économique et sociale. Compte tenu de la complexité de ces enjeux, il conviendrait de ne pas exposer ici en quelques phrases une nouvelle position du CESE quant au vote à la majorité qualifiée.

Les deux amendements ont fait l’objet d’un vote conjoint et ont été rejetés par 81 voix pour, 135 voix contre et 29 abstentions.