ISSN 1977-0936 |
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Journal officiel de l'Union européenne |
C 429 |
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Édition de langue française |
Communications et informations |
63e année |
Sommaire |
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I Résolutions, recommandations et avis |
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AVIS |
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Comité économique et social européen |
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554e session plénière du Comité économique et social européen, 16.9.2020-18.9.2020 |
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2020/C 429/01 |
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2020/C 429/02 |
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2020/C 429/03 |
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2020/C 429/04 |
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2020/C 429/05 |
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2020/C 429/06 |
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2020/C 429/07 |
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2020/C 429/08 |
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2020/C 429/09 |
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2020/C 429/10 |
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2020/C 429/11 |
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2020/C 429/12 |
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2020/C 429/13 |
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2020/C 429/14 |
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2020/C 429/15 |
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2020/C 429/16 |
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2020/C 429/17 |
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2020/C 429/18 |
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2020/C 429/19 |
Avis du Comité économique et social européen sur l’Obligation de diligence (avis exploratoire) |
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2020/C 429/20 |
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2020/C 429/21 |
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2020/C 429/22 |
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2020/C 429/23 |
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2020/C 429/24 |
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2020/C 429/25 |
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III Actes préparatoires |
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Comité économique et social européen |
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554e session plénière du Comité économique et social européen, 16.9.2020-18.9.2020 |
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2020/C 429/26 |
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2020/C 429/27 |
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2020/C 429/28 |
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2020/C 429/29 |
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2020/C 429/30 |
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2020/C 429/31 |
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2020/C 429/32 |
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2020/C 429/33 |
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2020/C 429/34 |
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2020/C 429/35 |
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2020/C 429/36 |
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2020/C 429/37 |
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2020/C 429/38 |
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2020/C 429/39 |
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2020/C 429/40 |
FR |
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I Résolutions, recommandations et avis
AVIS
Comité économique et social européen
554e session plénière du Comité économique et social européen, 16.9.2020-18.9.2020
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/1 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Le marché unique numérique — Tendances et perspectives pour les PME»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/01)
Rapporteur: |
Pedro ALMEIDA FREIRE |
Décision de l’assemblée plénière |
30.3.2017 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
4.9.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
220/0/0 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) est particulièrement attentif à l’impact de la technologie numérique sur les petites et moyennes entreprises européennes (PME). En effet, 25 millions de PME sont le pilier de l’économie de l’UE. Elles emploient environ 100 millions de personnes, représentent plus de la moitié du PIB de l’Europe et jouent un rôle clé dans la création de valeur dans tous les secteurs de l’économie. |
1.2. |
Le CESE a constaté, lors des auditions qu’il a menées dans quelques pays choisis au regard du DESI 2019 (Belgique, Allemagne, Portugal et Roumanie), que de nombreuses PME européennes, en particulier les micro- et petites entreprises (93 % des entreprises en Europe), ont tardé à adopter des solutions numériques. Celles qui ont franchi le pas lui ont fait savoir qu’elles rencontraient de nombreux obstacles entravant leur déploiement. |
1.3. |
Le CESE recommande que tous les efforts soient faits pour que le premier obstacle tiré de l’absence de couverture optimale du territoire par le réseau haut débit soit levé. |
1.4. |
Il a relevé que les besoins de formation aux technologies numériques des PME dans des domaines tels que la cybersécurité, l’intelligence artificielle ou la chaîne de blocs sont cruciaux, si ce n’est urgents. Le CESE recommande à cet égard que l’enseignement scolaire propose des cours obligatoires sur les technologies numériques et que les PME puissent bénéficier de services de formation à ces outils. De surcroît, des formations continues adaptées et financièrement abordables destinées aux travailleurs indépendants, aux dirigeants de PME et à leurs employés doivent être davantage soutenues et promues. |
1.5. |
Le CESE appelle de ses vœux une coordination fiscale appropriée à l’échelle nationale car l’absence de coordination dans ce domaine engendre des coûts proportionnellement plus importants pour les PME que pour les grandes entreprises de la moitié des pays auditionnés et entrave les activités transfrontières. En effet, garantir une concurrence équitable entre PME et grandes entreprises est essentiel pour le bon fonctionnement du marché intérieur. |
1.6. |
Le CESE souhaite que les disparités législatives, l’inflation réglementaire, celle des normes, des labels, soient supprimées: ce sont d’importants obstacles au déploiement numérique et transfrontière des PME car elles engendrent des coûts de mise en conformité, des frais salariaux, d’expertise externe qui nuisent à leur croissance. |
1.7. |
Le CESE considère que l’accès des PME au financement est prioritaire pour soutenir les investissements que font les PME pour s’adapter à la transformation numérique de la société, du commerce, des modes de consommation et à l’internationalisation des échanges. Il relève que le réseau «Entreprise Europe Network» (EEN) n’est pas assez connu ni utilisé par les PME européennes, ni par les pôles d’innovation numériques financés par l’Union européenne. Un renforcement du dialogue et de la coopération entre le EEN et les organisations des PME améliorerait l’efficacité du système. |
2. Impact de la technologie numérique sur les PME
2.1. |
Lors de la publication de l’indice 2020 relatif à l’économie et à la société numériques, le 11 juin 2020, la vice-présidente exécutive de la Commission européenne, Margrethe Vestager, a déclaré que «la crise du coronavirus a démontré l’importance pour les citoyens et les entreprises d’être connectés et capables d’interagir en ligne» (1). |
2.2. |
Le commissaire européen chargé du marché intérieur, Thierry Breton a relevé que «les données publiées [du DESI] (2) montrent que l’industrie utilise plus que jamais des solutions numériques. Nous devons nous assurer que c’est aussi le cas des PME et que les technologies numériques les plus développées sont déployées dans toute l’économie». |
2.3. |
Le CESE est aussi particulièrement attentif à l’impact de la technologie numérique sur les PME. En effet, 25 millions de PME sont le pilier de l’économie de l’UE. Elles emploient environ 100 millions de personnes, représentent plus de la moitié du PIB de l’Europe et jouent un rôle clé dans la création de valeur dans tous les secteurs de l’économie (3). |
2.4. |
Les PME sont profondément imbriquées dans le tissu économique et social de l’Europe et très diverses dans leur modèle économique, leur taille, leur ancienneté, le profil de l’entrepreneur et elles s’appuient sur un réservoir de talents diversifiés, d’hommes et de femmes. Elles incluent les professions libérales, bien que les professions libérales réglementées et soumises à des règles propres à leur secteur d’activité (pharmaceutique, judiciaire…) ne soient pas en tant que telles incluses dans la définition des PME, les microentreprises, les entreprises industrielles de gamme intermédiaire, les entreprises artisanales traditionnelles et les start-up de haute technologie. |
2.5. |
Conscient de l’impact des technologies numériques sur les PME, le CESE rejoint l’analyse de la Commission et considère que les trois piliers sur lesquels est fondée l’orientation de la Stratégie de la Commission axée sur les PME pour une Europe durable et numérique (4) (renforcement des capacités et soutien à la transition vers la durabilité et la numérisation, réduction de la charge réglementaire, amélioration de l’accès au marché et au financement), sont effectivement des domaines prioritaires. Le CESE souligne que les PME ont besoin d’une aide financière immédiate car elles sont très durement touchées par l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et que, de ce fait, leurs employés risquent davantage de perdre leur emploi.
À cet égard, le CESE regrette que le plan de relance pour l’Europe destiné à réparer les dommages économiques et sociaux provoqués par la pandémie de COVID-19 et adopté par le Conseil européen extraordinaire du 17 au 21 juillet 2020, se limite à 750 milliards d’euros et que les Vingt-Sept aient revu à la baisse leurs ambitions, notamment dans le domaine numérique, pour obtenir l’aval des pays dits «frugaux», car cela aura un impact sur le soutien financier de la numérisation des PME. |
2.6. |
Le CESE relève que les piliers de la stratégie de la Commission axée sur les PME pour une Europe durable et numérique rejoignent les attentes exprimées par des représentants de PME lors d’auditions que le CESE a menées dans quatre pays sélectionnés sur la base du DESI 2019 (Belgique, Allemagne, Portugal et Roumanie), afin d’évaluer l’impact des technologies numériques sur les PME, avant d’être interrompu par la crise du coronavirus et l’obligation de confinement. En conséquence, le CESE n’a pas pu effectuer d’audition en Estonie et en Irlande, qui avaient été sélectionnées compte tenu de leur classement en haut de l’échelle dans le DESI 2019. |
3. Observations générales
3.1. |
Le numérique est un facteur de croissance des PME (artisans, commerçants, professions libérales, prestataires de services, etc.). Plus de la moitié des ventes de détail en Europe sont impactées par l’internet, qu’il s’agisse de ventes en ligne ou de ventes réalisées en boutique suite à des recherches en ligne (activité dite de «ROPO»: Research Online, Purchase Offline) (5). |
3.2. |
Le développement des sites internet, des réseaux sociaux, le marketing digital ou les logiciels de gestion de la relation client (CRM) favorisent le développement de «PME numérisées». Les suites de logiciels ainsi que les programmes d’analyse de données contribuent également à l’optimisation des processus d’entreprise. Le CESE relève à cet égard que des programmes de formation devraient permettre aux utilisateurs, y compris les dirigeants de PME, de se former à l’usage de ces outils. |
3.3. |
Le numérique peut également dérouter et entraîner des bouleversements radicaux. L’innovation «disruptive», l’innovation «déroutante», est un processus de transformation d’un marché engendré par les enjeux numériques. La disruption change un marché en l’ouvrant au plus grand nombre et permet à de nouveaux acteurs de capter («dérouter») du chiffre d’affaires au sein des chaînes de valeur traditionnelles. |
3.4. |
Par exemple, la relation de confiance et de proximité entre une PME et sa clientèle peut créer l’impression que l’activité de la PME est protégée d’une pénétration par le numérique. Pourtant, l’expérience prouve que cette relation de proximité avec le client n’est en aucun cas une garantie. En effet, les consommateurs sont prêts à aller vers d’autres offres si celles-ci s’avèrent plus pratiques et avantageuses (6). |
3.5. |
Dans l’économie numérique, la protection juridique du consommateur n’a pas de conséquence sur son comportement. En effet, une offre proposée par le numérique à un consommateur habitué à un service dématérialisé, disponible et facile à utiliser qui comprend une protection juridique préservant ses intérêts, mais qui est moins confortable à utiliser, sera sans conséquence sur son comportement (7). |
3.6. |
Le discours positif, voire rhétorique, sur la disruption numérique concerne souvent les grandes entreprises dotées de ressources suffisantes pour investir en R&I et en marketing. Mais ce discours omet que la disruption numérique peut par exemple affecter, entre autres, certaines professions libérales, qui sont par nature très fragmentées, et souvent sans budget de R&I. Elles peuvent seulement s’équiper avec des solutions numériques disponibles sur le marché et non pas les développer elles-mêmes, et sont de fait plus vulnérables au regard de la numérisation de leur activité. |
3.7. |
L’espace numérique détruit également certaines illusions des PME. Ainsi, le fait de fournir des services de taille réduite, dans une zone géographique limitée où le potentiel de développement l’est tout autant, peut donner l’illusion d’être en dehors de la mutation engendrée par l’ère numérique. Or, la réalité démontre le contraire. Par exemple, le secteur de l’hôtellerie semble être une offre non délocalisable. Pourtant, les plates-formes de réservation ont su s’accaparer une partie significative de la valeur en question, au point que des représentants de la filière de la restauration et de l’hôtellerie affirment qu’ils auraient dû anticiper et créer leur propre plate-forme pour conserver la main sur les réservations et ne pas être dans une telle situation de dépendance vis-à-vis de cesacteurs extérieurs à leur filière (8). |
3.8. |
De surcroît, la disruption numérique entraîne une redistribution du travail. Citons quelques exemples tirés des professions libérales: dans l’expertise comptable, le travail de saisie des données comptables, qui est très manuel, est de plus en plus réalisé par les clients eux-mêmes, ce qui diminue le travail d’exécution des experts-comptables et leurs marges, sans oublier qu’émergent des concurrents qui proposent de la comptabilité en ligne. |
3.9. |
Le risque créé par la redistribution du travail dans la profession des notaires est plus faible par exemple, mais une partie des activités notariales peut être réalisée par d’autres; ainsi des start-up proposent de créer des testaments juridiquement valables pour 70 euros (9). |
3.10. |
La redistribution du travail touche aussi le secteur médical: des sites proposent la prise de rendez-vous en ligne ou de la télémédecine pour couvrir des zones mal desservies. |
3.11. |
Il arrive également que des plateformes collaboratives à finalité commerciale ne soient pas informées des exigences à respecter en application du droit européen et national, comme par exemple l’obligation d’immatriculer les sociétés, des exigences en termes d’assurance obligatoire, de santé et de sécurité, de protection des travailleurs, consommateurs, etc. |
3.12. |
Il apparaît ainsi, au regard de tous ces bouleversements économiques, sociaux et sociétaux que les enjeux de la numérisation devraient être un point permanent du dialogue social. |
3.13. |
Les PME constituent une catégorie hétérogène d’acteurs économiques allant du boulanger au pharmacien, en passant par des professions libérales, ce qui suppose que la politique relative au renforcement des capacités et au soutien de la numérisation des PME doit être inclusive et aisément applicable par ces dernières, sans engendrer de coûts supplémentaires disproportionnés, ou de ralentissement de leur activité principale pour se mettre en conformité. |
3.14. |
Mais les besoins des PME ne se limitent pas à une législation intelligente et inclusive, ils s’étendent au développement des compétences et à la formation continue et reposent sur une nouvelle vision de l’entreprise. En effet, la transformation numérique des PME touche aussi à l’organisation et à la culture d’entreprise. Or, de nombreux dirigeants de PME ne font pas de la transformation numérique une stratégie pour leur entreprise. La transformation numérique n’est pas qu’une question d’outils numériques et de process, c’est une nouvelle manière de créer de la valeur en adaptant son business model au contexte numérique dont l’initiative repose sur le dirigeant. |
3.15. |
Les PME sont en outre confrontées à de nombreux obstacles quant à l’accès aux financements, aux formations financièrement abordables, au soutien à l’internationalisation. Le Réseau Entreprise Europe dédié à l’innovation et à l’internationalisation des entreprises et apportant aux PME un service d’information, de conseil en droit européen et d’accompagnement n’est pas très connu sur le terrain. Les pôles d’innovation numérique financés par l’Union européenne (European Digital Innovation Hubs géré par Innoviris à Bruxelles, par exemple (10)) contribuent aussi à soutenir la numérisation des PME par des formations et des financements, et à développer une culture d’entreprise numérique. Néanmoins, un renforcement du dialogue, de l’analyse des besoins des PME et de la coopération entre le EEN et les organisations de PME améliorerait l’efficacité du dispositif. |
4. Observations particulières
4.1. |
Le présent avis repose en partie sur les conclusions d’auditions organisées entre juillet 2019 et le premier trimestre 2020 avec des partenaires sociaux, fédérations de PME, associations de consommateurs, pouvoirs publics entres autres, dans quatre États membres: Allemagne, Belgique, Portugal et Roumanie. L’Estonie et l’Irlande, qui avaient également été sélectionnées, n’ont pas pu être auditionnées à cause de la crise du coronavirus. |
4.2. |
Le CESE signale que l’objet des auditions menées dans les pays précités était de soutenir et d’alimenter avec des témoignages «du terrain», l’action et la politique européennes relatives à l’intégration des technologies numériques par les PME. |
4.3. |
Afin d’évaluer l’impact de la technologie numérique sur les PME, le CESE a sélectionné parmi les cinq indicateurs du DESI (11):
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4.4. |
Parmi les pays sélectionnés par le CESE au regard de l'indicateur précité du DESI 2019, l’Irlande et l’Estonie arrivent en tête du e-commerce et de l’intégration de la technologie numérique dans sa dimension commerciale, suivies de la Belgique qui est aussi au-dessus de la moyenne. |
4.5. |
L’Allemagne est dans la moyenne et le Portugal en dessous de la moyenne. La Roumanie fait partie de la queue de peloton. |
4.6. |
La majorité des auditions (Belgique, Allemagne, Portugal) fait état d’une couverture de réseau haut débit disparate: les zones urbaines sont bien couvertes, alors que les zones rurales et périphériques ne le sont pas, la 4G n’est même pas disponible dans certaines parties du pays (Portugal). Or, façonner l’avenir numérique de l’Europe et de ses PME suppose de développer des solutions numériques à grande échelle et l’interopérabilité des infrastructures numériques essentielles. En effet, le CESE relève que la connectivité est le pilier essentiel de la transformation numérique des PME. |
4.7. |
La formation aux technologies numériques est un besoin signalé par tous les interlocuteurs rencontrés lors des auditions. L’éducation et la formation professionnelle aux technologies numériques font cruellement défaut et empêchent les PME de pouvoir recruter un personnel compétent dans ce domaine (Portugal, Roumanie). La formation aux questions numériques des employés des PME afin qu’ils deviennent compétents et restent à jour dans des domaines tels que la cybersécurité, l’intelligence artificielle ou la chaîne de blocs est cruciale, si ce n’est urgente (Belgique). En effet, la situation actuelle se caractérise par une connaissance superficielle des outils numériques dont on ne saurait se satisfaire plus longtemps (Allemagne).
Les travailleurs ont aussi besoin de compétences numériques pour garder leur emploi et réussir dans un marché du travail de plus en plus numérisé et en évolution rapide (Allemagne). En effet, la numérisation peut engendrer la crainte de perdre son emploi dans certains secteurs fortement automatisés (Allemagne). |
4.8. |
Les PME ne sont pas assez équipées, ni formées pour gérer les risques engendrés par la cyberactivité malveillante (Belgique, Allemagne). En conséquence, certaines PME traditionnelles doutent de l’opportunité même de développer une activité en ligne (Portugal). Celles qui ont fait le choix du numérique rencontrent des difficultés à exploiter les vastes répertoires de données dont disposent les plus grandes entreprises et ont des réticences à utiliser des outils et applications avancés fondés sur l’intelligence artificielle (IA) par exemple, ce qui les met dans une situation concurrentielle défavorable face aux grandes entreprises (Allemagne). Dans le même temps, les PME, tous secteurs confondus, sont très exposées aux cybermenaces et doivent souvent recourir à des experts externes, ce qui engendre des coûts supplémentaires. |
4.9. |
L’absence d’une coordination fiscale appropriée à l’échelle nationale engendre des coûts proportionnellement plus importants pour les PME que pour les grandes entreprises de la moitié des pays auditionnés (Belgique, Portugal) et entrave les activités transfrontières. |
4.10. |
Les disparités législatives, l’inflation réglementaire, des normes, des labels, sont aussi des obstacles au déploiement numérique et transfrontière des PME (Belgique, Portugal) car elles engendrent des coûts de mise en conformité, des frais salariaux, au point de tenter certaines PME de se délocaliser (Belgique). Par exemple, l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données personnelles a obligé des PME à mobiliser du personnel pour développer des procédures internes de gestion des données personnelles, informer leur clientèle etc.; parfois elles ont dû recourir à des consultants externes, ce qui les a détournées de leur priorité de développement commercial, a engendré des coûts et ralenti leur activité principale (Belgique). |
4.11. |
Le développement numérique des PME peut aussi se retrouver entravé par l’inertie du législateur national: la formation et l’éducation à la technologie numérique, l’accompagnement des PME dans leur déploiement numérique ne sont pas considérés comme des priorités stratégiques (Roumanie). |
4.12. |
Compte tenu des risques économiques, sociaux et sociétaux engendrés par la révolution numérique, il semble fondamental aux interlocuteurs rencontrés dans tous les pays auditionnés que les partenaires sociaux, les représentants de PME soient impliqués dans l’élaboration de la législation les concernant et le dialogue social. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Communiqué de presse de la Commission européenne, 11 juin 2020, Bruxelles.
(2) Digital Economy and Society Index (DESI).
(3) COM(2020) 103 final.
(4) Voir note 3.
(5) Forrester, European Cross-Channel Retail Sales Forecast, 2015 to 2020
https://www.forrester.com/report/European+CrossChannel+Retail+Sales+Forecast+2015+To+2020/-/E-RES115375
(6) Les commerces de location de DVD, affaiblis par l’essor de la VOD et du téléchargement, peuvent témoigner de cette fragilité. L’émergence d’acteurs tels que Amazon, qui propose pour un prix identique une livraison à domicile fiable et rapide à partir d’une offre catalogue a amené beaucoup de consommateurs à privilégier l’achat en ligne — même s’ils continuent à flâner dans les librairies pendant leur temps libre.
(7) Le numérique déroutant. Étude BPI France Le Lab, 19 février 2015.
(8) Étude BPI France Le Lab, précitée.
(9) https://testamento.fr/fr/
(10) Programme Digital Europe 2021-2027.
(11) La connectivité, le capital humain, l’utilisation de l’internet, l’intégration des technologies numériques, les services publics numériques.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/6 |
Avis du Comité économique et social européen sur «des mesures efficaces et coordonnées de l’UE en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, le blanchiment de capitaux et les paradis fiscaux»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/02)
Rapporteur: |
Javier DOZ ORRIT |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
20.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/2/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Ni les efforts déployés par l’UE et bon nombre de gouvernements, ni l’entrée en vigueur d’importantes directives européennes, telle que celles relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux (AMLD) et le financement du terrorisme ou à la lutte contre l’évasion fiscale (ATAD) (1), ni le programme de l’OCDE visant à combattre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), n’ont empêché que la fraude et l’évasion fiscales et le blanchiment de capitaux, tout comme l’évitement de l’impôt, ne continuent à atteindre des volumes très élevés, au détriment des finances publiques des États membres. |
1.2. |
Le CESE propose le lancement d’un pacte européen, afin de lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales, l’évitement de l’impôt et le blanchiment de capitaux. Le CESE invite la Commission européenne à lancer une initiative politique qui associe les gouvernements nationaux et les autres institutions européennes à la poursuite de cet objectif, en encourageant à dégager les consensus nécessaires à cette fin et en ouvrant la démarche à la participation de la société civile. Le pilier essentiel de ce pacte devrait être la coopération entre les États membres. |
1.3. |
Le CESE demande aux institutions européennes et aux États membres de se donner les moyens financiers et humains requis pour une application efficace de la législation européenne en vigueur et de prendre l’engagement d’adopter toutes les mesures législatives et administratives nouvelles qui seront nécessaires pour mener une lutte agissante contre les infractions et pratiques néfastes en matière fiscale, le blanchiment de capitaux et les opérations qui ont cours dans les paradis fiscaux. Pour y parvenir, il est nécessaire de procéder à une évaluation en continu des résultats produits par l’application de chaque mesure. |
1.4. |
Le CESE juge indispensable que les États membres s’engagent à mettre un terme aux formes injustes et néfastes de concurrence fiscale. Il réaffirme la position favorable qu’il a prise dans son avis sur le thème «Fiscalité — le vote à la majorité qualifiée» (2) quant à la nécessité de lancer le débat sur le passage progressif, pour les questions fiscales, de la prise de décision à l’unanimité au profit du vote à la majorité qualifiée. |
1.5. |
La participation de la société civile à la démarche revêt une importance essentielle pour susciter chez les citoyens une prise de conscience en matière de fiscalité, afin qu’ils s’élèvent contre les infractions et pratiques néfastes et prennent fait et cause pour une fiscalité juste. Le concours qu’ils apporteront dans ce domaine facilitera la conclusion du pacte et sa mise en œuvre. Pour son succès, il sera également très important que les entrepreneurs et leurs organisations y prennent part. Il convient de garantir que les mesures législatives qui seront adoptées n’affectent pas indûment, en leur imposant une charge administrative excessive, les entreprises qui respectent leurs obligations fiscales. Si l’on agit d’urgence et d’une manière efficace contre les infractions et pratiques dommageables en matière fiscale, il sera possible de dégager les volumes supplémentaires de deniers publics qui contribueront à financer les plans de relance de l’après-pandémie, à opérer la transition verte et numérique de l’économie et à édifier le socle européen des droits sociaux. |
1.6. |
La numérisation de l’économie pose son lot de nouveaux défis aux administrations fiscales, car elle peut susciter des innovations en matière de méthodes de planification fiscale agressive, de délits financiers ou de pratiques néfastes. Néanmoins, elle leur offre aussi des outils supplémentaires pour les combattre, grâce à une coopération administrative plus efficace et à l’échange de données. |
1.7. |
Afin que la lutte menée contre ces infractions et pratiques néfastes produise de meilleurs résultats, il est nécessaire de renforcer la coopération politique, administrative, policière et judiciaire des États membres, tant directement entre eux qu’avec l’UE, de conforter les bases juridiques de cette collaboration et de doter des ressources financières et humaines adéquates les cellules de renseignement financier (CRF), les administrations fiscales, les structures européennes de supervision et les autres vecteurs de ce combat. |
1.8. |
Pour une plus grande efficacité des actions menées, il convient de partir d’une conception commune en ce qui concerne ces infractions et pratiques néfastes, les liens qu’elles entretiennent, leur rapport avec la criminalité économique et financière et avec la corruption politique, ainsi que le rôle que les paradis fiscaux doivent nécessairement jouer pour les faciliter et les dissimuler. L’éradication des activités délictueuses qui s’y commettent devrait constituer un des objectifs prioritaires de l’UE. |
1.9. |
Si une telle politique est nécessaire en toutes circonstances, le CESE a la conviction que dans la situation née à la suite de la pandémie de COVID-19, il est indispensable qu’elle devienne une priorité politique et morale de l’Union, des gouvernements nationaux et de la société civile européenne. À l’heure où il devient nécessaire de mobiliser un tel volant de ressources financières publiques pour faire face aux conséquences sanitaires, économiques et sociales de la maladie, il est intolérable qu’un montant appréciable en soit détourné illégalement pour le profit personnel de quelques-uns et au préjudice direct de cette grande majorité de travailleurs, entrepreneurs, indépendants, personnes dépendantes et retraités qui s’acquittent de leurs obligations fiscales. |
1.10. |
Le CESE porte une appréciation positive sur le nouveau plan d’action pour une politique globale de l’Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (3) que la Commission européenne a présenté le 7 mai 2020. Il juge qu’il serait nécessaire de le mettre en œuvre de manière concrète et de toute urgence. Il est favorable aux mesures proposées pour garantir l’application effective du cadre juridique actuel de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi qu’à la création d’un organe européen de surveillance et aux autres piliers du plan. L’Union européenne et les États membres doivent défendre des positions communes dans les enceintes internationales telles que le Groupe d’action financière (GAFI, au siège de l’OCDE), le G20 et l’Organisation des Nations unies. Le CESE adhère aux vues de la Commission européenne quand elle estime que les mesures adoptées devront tenir compte de la législation européenne en matière de protection des données et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière et qu’il faudra que le surcroît de charges administratives et financières qu’elles induiront pour les États membres et les entités assujetties soit le plus faible possible. |
1.11. |
Le CESE demande à la Commission européenne de procéder à une évaluation de la liste actuelle des juridictions non coopératives et d’examiner la possibilité de définir des critères supplémentaires afin de garantir qu’elle reprenne tous les paradis fiscaux. De même, il la presse de prendre les mesures appropriées pour que les entreprises et les particuliers ne puissent plus effectuer avec leurs institutions financières des transactions qui ne sont pas justifiées. |
1.12. |
Le CESE apprécie que des indicateurs fiscaux aient été intégrés dans le Semestre européen, lance un appel aux États membres pour qu’ils se conforment aux prescriptions en la matière contenues dans les recommandations par pays et propose à la Commission européenne d’inclure également dans ce dispositif une procédure qui évalue l’efficacité, l’équité, l’adéquation et le bon fonctionnement des régimes de fiscalité. |
1.13. |
Le CESE réclame que les directives européennes couvrent les œuvres d’art et autres actifs à forte valeur qui sont en dépôt dans des ports francs ou des entrepôts douaniers et que l’on entreprenne de démanteler de manière progressive les régimes, mis en place dans certains États membres, pour octroyer la citoyenneté ou un permis de résidence en échange d’investissements, ainsi que de mettre fin à la pratique opaque des actions au porteur. |
1.14. |
Le CESE considère qu’il y a lieu d’appliquer à l’évasion fiscale les dispositions que la cinquième directive relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux prévoit en ce qui concerne le registre centralisé et public des bénéficiaires effectifs de sociétés et fiducies. Par ailleurs, il réclame la mise en place de procédures adéquates pour aider les petites et moyennes entreprises à se conformer aux prescriptions concernant ce type de registres. |
1.15. |
Le CESE adhère à l’idée d’une démarche globale, menée dans le cadre de l’OCDE, en matière d’imposition des entreprises ayant une présence numérique significative, mais si aucun accord n’est conclu d’ici la fin de 2020, l’UE devrait reprendre son initiative établissant un impôt sur certaines grandes entreprises du numérique. |
1.16. |
La directive sur la lutte contre l’évasion fiscale (ATAD) doit être revue, afin d’inclure des règles sur le traitement fiscal en rapport avec les juridictions à faible imposition et sur le rapatriement des dividendes et plus-values qui n’ont pas été taxées à l’étranger. |
1.17. |
Il convient d’accorder un appui financier et technique aux cellules de renseignement financier (CRF) des États membres et de les encourager, aux fins de poursuivre les infractions fiscales et financières, à mener une coopération étroite entre elles et avec les administrations fiscales, à l’image de celle qui doit également exister dans le cas des autorités policières nationales et d’Europol. |
1.18. |
Le CESE demande que la Commission réalise une étude sur le rôle que les «sociétés fantômes» jouent par rapport à la fraude et l’évasion fiscales, l’évitement de l’impôt et le blanchiment de capitaux et qu’il soit entrepris, à la lumière de ses conclusions, de modifier les directives sur la lutte contre l’évasion fiscale, sur l’adéquation des fonds propres et sur la lutte contre le blanchiment des capitaux, afin d’empêcher qu’elles ne ménagent des possibilités de commettre des infractions et ne favorisent des pratiques dommageables. |
1.19. |
Le CESE invite la Commission et les États membres à étudier la notion d’imposition effective minimale des bénéfices des sociétés. |
1.20. |
Le CESE propose que conformément aux principes et normes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les accords commerciaux ou économiques conclus par l’UE comportent un chapitre qui reprenne des dispositions sur les infractions fiscales, le blanchiment des capitaux et la planification fiscale agressive et prévoie une coopération entre les administrations du fisc. |
2. Contexte
2.1. |
En Europe comme à travers le monde, la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales, tout comme le blanchiment de capitaux, présentent une ampleur qui, d’un point de vue macroéconomique, est très importante. Ces agissements revêtent clairement une dimension transnationale. Les paradis fiscaux jouent un rôle clé dans leur commission, en accueillant et acheminant des capitaux en provenance de grandes entreprises et de fortunes privées qui se sont soustraits au paiement de l’impôt ou l’ont éludé, ainsi que des avoirs qui ont été accumulés grâce à la corruption politique et économique ou procèdent des organisations de l’économie criminelle. |
2.2. |
Bien qu’il n’en existe pas d’acception universellement reçue, les paradis fiscaux se caractérisent tous par une fiscalité nulle ou très faible et l’opacité qui y est de règle en ce qui concerne leurs clients et les flux de capitaux. Leur définition s’effectue au moyen de listes, qui déterminent le caractère «non coopératif» de ces juridictions sur la base de leur refus de fournir des informations aux autorités fiscales et de coopérer avec la justice. Ceux de ces relevés qui sont aujourd’hui reconnus sont, d’une part, celui dressé par l’OCDE (4) et, d’autre part, les deux qui ont été établis par l’UE, l’un concernant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, tandis que l’autre a trait à la fraude et l’évasion fiscales (5). Le numéro que la revue «Finance et développement», du Fonds monétaire international, a consacré à la question estime que le montant des avoirs privés dissimulés dans des centres financiers extraterritoriaux se situe entre 7 000 et 8 700 milliards de dollars (6), soit 8 à 10 % du PIB mondial. |
2.3. |
Le Fonds monétaire international considère pour sa part que le coût de la fraude fiscale pour les gouvernements se chiffre à 3 000 milliards de dollars par an (7). Le Parlement européen a calculé que l’évasion fiscale atteint le montant de 825 milliards d’euros dans l’UE (8), laquelle subit par ailleurs, dans le recouvrement de la TVA, un manque à gagner d’un total à 147 milliards d’euros l’année du fait de la fraude, dont 50 milliards doivent être imputés à celle dite du «carrousel», à caractère transfrontière (9). |
2.4. |
Si elle n’implique pas toujours une violation de la lettre de la loi, l’évasion fiscale en bafoue toujours l’esprit. Les paradis fiscaux captent annuellement des sommes de l’ordre de 600 milliards de dollars, grâce à l’évasion fiscale pratiquée sur l’impôt des sociétés (10). Les pertes que l’UE essuie chaque année se situeraient entre 160 et 190 milliards d’euros (11). L’évasion fiscale qui s’effectue par le truchement de six États membres de l’UE provoque dans les rentrées fiscales des vingt-deux autres un manque à gagner de 42,8 milliards d’euros (12). La revue Finance et développement (F&D), du Fonds monétaire international, affirme que 40 % des investissements directs étrangers (IDE) effectués à travers le monde, représentant un montant de 15 milliards de dollars, concernent des sociétés «fantômes» qui sont dépourvues de toute activité économique et prennent souvent la forme de sociétés de prise de participation dont on fait dépendre les filiales opérationnelles. Elles sont abritées, pour une majorité d’entre elles, dans cinq pays européens (13). |
2.5. |
Selon l’Organisation des Nations unies, le blanchiment de capitaux représente entre 2 et 5 % du PIB mondial (14). Des affaires récentes, comme celles de la Danske Bank, pour un montant initialement estimé à 200 milliards d’euros (15), ou de la Swedbank, portant sur 37 milliards d’euros (16), mettent en lumière les failles du dispositif antiblanchiment, en dépit des directives en vigueur et du travail effectué par les autorités de contrôle. |
2.6. |
En dehors du secteur financier, d’autres filières existent pour blanchir des capitaux, comme les marchés de l’art, du diamant et des métaux précieux, les ports francs, les entrepôts douaniers ou les zones économiques spéciales, pour ne citer qu’eux. Les évolutions technologiques qui se produisent à vive allure ouvrent de nouvelles possibilités en la matière, grâce aux actifs virtuels et à la chaîne de blocs. Le même constat peut être effectué en ce qui concerne les processus de fraude et d’évasion fiscales, qu’il s’agisse, entre autres exemples, du blanchiment de dividendes et coupons par transactions de type «cum-ex», pour un volume de 55,2 milliards d’euros, de la planification fiscale agressive, des conventions secrètes conclues entre des États et des entreprises multinationales pour opérer une réduction substantielle de leurs obligations fiscales, ou encore des régimes d’octroi de la citoyenneté ou d’un permis de résidence à des non-ressortissants en échange d’investissements. Le commerce électronique, l’économie des plates-formes et celle du numérique en général sont en train de susciter des risques supplémentaires, s’agissant de faciliter les infractions et l’évasion fiscales, même s’ils ouvrent aussi de nouvelles perspectives en matière de traçabilité et de contrôle. |
2.7. |
La Commission Juncker a déployé une activité des plus intense pour combattre les infractions en rapport avec l’impôt et l’évasion fiscale, puisqu’elle a lancé pas moins de 26 initiatives d’ordre législatif et 57 de tout type. En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, on épinglera en particulier la quatrième et la cinquième des directives afférentes, de 2015 et 2018. La dernière citée, dont la transposition s’est achevée en janvier 2020, a amené des progrès dans l’identification des bénéficiaires et dans l’échange d’information et la coopération entre les cellules de renseignement financier (CRF), ainsi que dans l’extension du champ d’application de la notion d’«entités assujetties», et elle a par ailleurs instauré un contrôle sur les monnaies virtuelles. Les résultats obtenus dans la pratique sont insatisfaisants: selon une évaluation réalisée en 2019, il persiste bon nombre de faiblesses et de lacunes, même si dans les limites de ses compétences, la Commission se montre fort active (17). Tout récemment, la Cour des comptes européenne a lancé un audit pour évaluer l’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire (18) et la Commission européenne a assigné trois États membres devant la Cour de justice de l’Union européenne pour manquements dans la transposition de la quatrième directive antiblanchiment (19). |
2.8. |
Le 7 mai 2020, la Commission européenne a présenté un nouveau plan d’action pour une politique globale de l’Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (20) et un règlement délégué (21) reprenant la liste des pays et juridictions qui ne coopèrent pas en la matière. Se fondant sur l’évaluation des divergences qui existent dans la mise en œuvre du cadre législatif en vigueur et sur le constat de «graves lacunes dans l’exécution des règles» et exprimant une volonté de «tolérance zéro dans l’UE» vis-à-vis de «l’argent illicite», le plan repose sur six piliers:
Quatre propositions législatives destinées à développer ces piliers seront présentées lors du premier trimestre 2021. |
2.9. |
Le second grand champ d’intervention de la Commission européenne a été celui de l’évasion fiscale, en lien avec les initiatives lancées à propos de l’imposition des entreprises du numérique et de l’assiette de l’impôt des sociétés. Dans sa stratégie, elle s’est efforcée de parvenir à une «fiscalité efficace», qui ait pour effet que les multinationales paient leur écot là où elles créent de la valeur, en s’inscrivant ainsi dans la logique du plan d’action de l’OCDE visant à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) et en veillant en particulier à limiter les effets érosifs qu’exercent sur ladite base de l’impôt des sociétés les déductions d’intérêts, les versements de redevances et les autres frais financiers. En la matière, la principale réglementation a été fournie par la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale (ATAD), de 2016, qui a été modifiée en 2017 pour couvrir les dispositifs hybrides (ATAD 2) (22). Il n’a toutefois pas encore été possible d’en évaluer les résultats. L’Union européenne a également légiféré pour faciliter le règlement des conflits résultant de la double imposition (23). En 2018, elle a promulgué un nouveau règlement relatif aux contrôles de l’argent liquide qui entre dans l’Union ou en sort (24). |
2.10. |
La Commission européenne a pris en compte la question de l’évasion fiscale dans ses initiatives législatives concernant la fiscalité du numérique et l’assiette de l’impôt sur les sociétés. En 2018, elle a présenté deux propositions de directive, l’une sur les règles d’imposition des sociétés ayant une présence numérique significative et la seconde à propos d’une taxe sur les revenus des grandes entreprises du numérique. En 2016, elle en avait déposé deux autres touchant à l’assiette de l’impôt sur les sociétés, la première, celle de l’«assiette commune pour l’impôt sur les sociétés» (ACIS), ayant pour effet de la rendre identique pour tous les pays, tandis que la seconde, relative à une «assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés» (ACCIS), aboutit à la consolider, et revêt une très grande importance pour lutter contre l’évasion fiscale. L’adoption de ces deux textes a été retardée par les discussions menées dans le même temps au sein de l’OCDE et par l’opposition de certains États membres. Face à cette situation, la Commission européenne a présenté, en 2019, une communication qui propose de lancer un débat pour qu’en matière fiscale, les décisions puissent être prises à la majorité qualifiée. |
2.11. |
La coopération qui est menée entre les administrations fiscales et autres instances des États membres grâce aux échanges automatiques de renseignements en matière fiscale (EAR (25)) représente, de même que la transparence, un enjeu essentiel. Pas moins de six directives relatives à la coopération administrative (DCA) ont été adoptées. Entre la première, 2011/16/UE (26), et la dernière, (UE) 2018/822 (27), l’on a pu constater une extension continue du champ d’application de l’obligation de dévoiler quels sont les bénéficiaires effectifs des comptes, des actifs financiers et des transactions, ainsi que de tous les produits de finance, y compris les assurances et les dividendes. Des progrès ont été accomplis dans l’échange automatique de renseignements sur les rescrits fiscaux et les données financières des grandes entreprises, décomposées pays par pays («publication d’informations pays par pays», ou CbCR (28)). La directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil (29) a réglementé l’usage des informations de type financier ou autre pour la poursuite pénale des infractions. |
2.12. |
La Commission Juncker s’est saisie de la question des conventions secrètes que certains États membres avaient passées avec des entreprises multinationales, avec pour effet qu’elles n’y payaient pratiquement pas d’impôts. Une autre de ses réussites a été d’introduire des indicateurs fiscaux dans le Semestre européen. Les dernières recommandations par pays relèvent que dans certains États membres, la situation n’est pas satisfaisante en ce qui concerne la planification fiscale agressive ou l’identification des bénéficiaires effectifs. La coopération entre les pays de l’UE est éminemment perfectible. Nonobstant quelques progrès, l’on n’a pas assisté à une réduction généralisée des niveaux qu’atteignent la fraude à l’impôt, le blanchiment et l’évasion fiscale, lesquels se sont même développés dans certains cas, par exemple pour ce qui est des flux de capitaux en direction d’entreprises fantômes. |
2.13. |
Au cours des cinq dernières années, le CESE a adopté 25 avis sur ces questions. D’une manière générale, il appuie les mesures proposées par la Commission et dans plusieurs cas, il a même renchéri sur ses exigences, en adhérant aux positions du Parlement européen. |
3. Observations et recommandations générales
3.1. |
La crise de la pandémie de coronavirus, la plus grave qui se soit produite depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, doit être au cœur de toute réflexion et proposition en matière économique et sociale. S’agissant du présent avis, il paraît évident qu’une réduction draconienne de l’ampleur financière qu’atteignent les infractions en matière d’impôts et l’évasion fiscale aura pour effet de donner aux États, et à l’UE elle-même, les ressources financières nécessaires pour absorber le choc sanitaire, économique et social de la pandémie. Le CESE considère qu’aujourd’hui plus que jamais, c’est un impératif politique et moral incontournable que d’associer les institutions européennes, les gouvernements nationaux et la société civile à l’adoption de toute mesure qui est nécessaire pour mener une action durable et efficace contre la criminalité et l’évasion fiscales — et il s’agit là d’un enjeu urgent. |
3.2. |
Au départ d’une vision d’ensemble et des positions exprimées dans ceux qu’il a adoptés antérieurement, le présent avis du CESE aura pour objectif principal de formuler des propositions qui donnent une efficacité accrue à la lutte contre ces agissements. Il convient de prendre en compte les corrélations que les différentes infractions liées à la fiscalité entretiennent entre elles et avec celles ressortissant à l’évasion fiscale, au travers de canaux communs qui convergent vers les paradis fiscaux. |
3.3. |
Le CESE reconnaît que la Commission et le Parlement européen ont la volonté de lancer des initiatives contre la délinquance liée à l’impôt, les pratiques d’évasion fiscale et la concurrence déloyale en matière de fiscalité, et déplore que plusieurs des grandes initiatives législatives, comme celles touchant à l’impôt des sociétés, aux fraudes à la TVA et à la planification fiscale agressive, se trouvent bloquées au Conseil ou puissent y être émoussées, sous l’action de certains des États membres ou du fait qu’ils ne coopèrent pas suffisamment entre eux. |
3.4. |
Le CESE propose le lancement d’un pacte européen, afin de lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales, l’évitement de l’impôt et le blanchiment de capitaux. Il demande à la Commission de promouvoir une initiative politique qui mobilise les gouvernements nationaux et les autres institutions européennes pour la réalisation de ce pacte, dont l’un des piliers doit être la coopération entre les États membres. |
3.5. |
S’il est mis en œuvre de manière adéquate, le pacte devrait fournir à l’UE et à ses États membres des ressources qui s’ajouteraient à celles dégagées par la croissance, afin de financer leurs plans de relance de l’après-pandémie, la transformation verte et numérique de leurs économies et l’édification d’un solide socle européen des droits sociaux. Dans le respect de la souveraineté fiscale des États membres, le CESE lance un appel aux responsables politiques de l’UE et des gouvernements nationaux afin qu’avec le sens des responsabilités et la générosité qui s’imposent dans la période dramatique que nous traversons, ils parviennent à dégager un consensus sur les contenus qu’il propose de donner à ce pacte. Pour dégager les consensus nécessaires à la réalisation d’un pacte européen de lutte contre les infractions et l’évasion fiscales et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, il conviendrait, de l’avis du CESE, de se fonder sur les éléments suivants:
|
3.6. |
Il est primordial que les organisations de la société civile soient des parties prenantes pour élaborer cet accord et créer au sein de la collectivité une prise de conscience avancée concernant les enjeux de la fiscalité. Du point de vue du citoyen européen, il est du plus haut intérêt que des ressources suffisantes soient disponibles pour des services publics de qualité, en particulier, aujourd’hui, ceux de la santé et de la recherche, ainsi que pour des systèmes de protection sociale qui soient satisfaisants. Ceux des entrepreneurs qui remplissent leurs obligations fiscales, et ils sont une majorité à le faire, souhaitent qu’il soit mis fin à la fraude et l’évasion fiscales qui sont pratiquées par certaines entreprises et sous l’effet desquelles ils subissent de leur part une concurrence déloyale. |
3.7. |
Le CESE partage l’avis du Parlement européen, quand il estime qu’«une fiscalité équitable et une lutte résolue contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale, la planification fiscale agressive et le blanchiment de capitaux ont un rôle essentiel à jouer dans la formation d’une société équitable et d’une économie forte, sans cesser de défendre le contrat social et l’état de droit» (30). En conséquence, il est très inquiet de constater l’ampleur de la saignée que ces infractions et pratiques dommageables en matière de fiscalité provoquent dans les rentrées publiques, tout comme il s’alarme des évolutions fiscales récentes, qui ont eu pour effet que le poids de l’impôt a opéré un glissement vers les revenus du travail et, du secteur financier, vers l’économie réelle, où les petites et moyennes entreprises subissent en la matière une pression plus élevée que les multinationales. |
3.8. |
L’introduction d’indicateurs fiscaux dans les rapports par pays qui sont élaborés dans le cadre du Semestre européen a constitué une avancée. Cependant, l’évaluation de leurs conclusions montre que dans une partie des États membres, le fonctionnement des cellules de renseignement financier (CRF), l’échange automatique de renseignements et la coopération entre les administrations fiscales ne sont pas satisfaisants en ce qui concerne tant le blanchiment de capitaux que la fraude et l’évasion fiscales. Le CESE propose à la Commission européenne que dans le Semestre européen, les indicateurs fiscaux soient mis sur le même pied que les autres et qu’une procédure soit établie pour évaluer l’efficacité, l’adéquation et le bon fonctionnement des régimes fiscaux. |
3.9. |
Le CESE soutient le nouveau plan d’action pour une politique globale de l’Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et estime qu’il doit être mis en œuvre de toute urgence. Il est favorable à la création d’un organe européen de surveillance, qui renforcerait au maximum la coopération entre les administrations fiscales et les cellules de renseignement financier des États membres et disposerait de certaines compétences pour opérer des contrôles et des enquêtes sur les entités assujetties de toutes les zones, ainsi que des moyens suffisants, en personnel et en outils technologiques, pour s’adapter à l’évolution constante qui se produit dans les infractions. Il demande à la Commission d’envisager, s’agissant de la formule la plus appropriée à cette fin, de créer une Agence européenne de lutte contre les infractions fiscales, économiques et financières et le blanchiment de capitaux, ainsi que d’effectuer un suivi concernant le respect de la législation et l’efficacité des actions administratives. Le CESE juge nécessaire que l’Union européenne exprime une seule et même opinion dans les enceintes internationales telles que le Groupe d’action financière (GAFI, au siège de l’OCDE), le G20 et l’Organisation des Nations unies. Il estime que la Commission européenne devrait aider les États membres en établissant des mécanismes de formation, comme l’«académie fiscale européenne», dont il a proposé la création dans l’avis sur le programme Fiscalis qu’il a adopté en octobre 2018 (31). |
3.10. |
Le cadre législatif en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux doit autoriser l’accès aux informations sur les titulaires de comptes, propriétaires d’entreprises et bénéficiaires de fiducies, dans le respect des règles sur la protection des données et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière. Il y a lieu d’assurer la protection des spécialistes tenus de dénoncer les pratiques éveillant des soupçons de blanchiment qu’ils auront détectées. Le CESE se félicite que le plan d’action propose un nouveau régime pour protéger les lanceurs d’alerte et il demande que l’on n’attende pas décembre 2021 pour le déployer. Il adhère au critère, énoncé par la Commission européenne, voulant qu’il y ait lieu de veiller à maintenir au strict minimum les charges administratives et financières supplémentaires que les nouvelles mesures pourraient faire peser sur les États membres et les entités assujetties. |
3.11. |
Les mesures de contrôle vis-à-vis de tierces parties qui sont reprises dans la cinquième directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux ne pourront avoir d’efficacité que si elles sont accompagnées d’une liste des pays à haut risque qui reflète la réalité. En la matière, le CESE plaide pour une méthodologie claire et transparente et des délais d’évaluation plus courts. Il considère qu’il conviendrait d’adopter le plus rapidement possible la nouvelle liste, qui ne compte que vingt pays et territoires, et d’y inclure certains autres États, comme ceux que l’on a trouvés au premier rang lors des récents scandales. Il déplore les obstacles que certains pays de l’UE dressent pour l’accès aux renseignements pertinents concernant des transactions avec des paradis fiscaux. |
3.12. |
En février dernier, le Conseil «Affaires économiques et financières» a mis à jour sa liste des paradis fiscaux en lien avec la fraude et l’évasion fiscales, datant de 2017. À la différence d’autres, elle présente l’avantage d’englober tout à la fois les juridictions qui n’acceptent pas un échange automatique de renseignements et celles qui proposent aux entreprises des régimes fiscaux particuliers. Un point sur lequel elle prête le flanc à la critique est de ne pas envisager que des paradis fiscaux puissent exister au sein de l’UE. Dans ses recommandations par pays élaborées au titre du Semestre européen, la Commission a pourtant attiré l’attention sur certains États membres, au motif qu’ils fragilisent les assiettes fiscales de leurs partenaires de l’Union européenne. Même si la menace d’être repris sur la liste noire exerce un effet dissuasif sur la juridiction concernée, qui craindra pour sa réputation, les sanctions prévues ne présentent pas l’efficacité suffisante. |
3.13. |
Pour que les pays et territoires repris sur la liste réalisent les réformes demandées, le CESE propose qu’après la prochaine évaluation, le règlement soit revu de manière à interdire que ceux qui n’ont pas agi en ce sens puissent effectuer des transactions financières avec l’UE. Les mesures doivent également toucher les entreprises qui éludent le paiement de l’impôt. Une disposition efficace, qui a déjà été adoptée par certains États membres, serait que les aides publiques prévues en rapport avec la COVID-19 ne soient pas octroyées aux sociétés qui réalisent des transactions non justifiées avec des juridictions reprises sur la liste. Le Comité demande également d’examiner s’il ne serait pas opportun qu’elles soient exclues des marchés publics. |
3.14. |
Alors que les multinationales opèrent à une échelle mondiale et sous une direction unique, l’adoption des règles fiscales s’effectue sur le plan national, sans tenir compte de leurs interactions avec les régimes des autres pays, voire en ayant pour effet d’installer des rapports de concurrence fiscale frontale avec eux. Certaines juridictions se dotent de régimes fiscaux qui sapent les bases d’imposition des autres territoires. Se combinant avec une baisse généralisée des taux d’imposition, ce phénomène a amené les États à se livrer, pour attirer les investissements directs étrangers (IDE), à une surenchère dans l’allègement de leur taxation qui, à son tour, a provoqué des déficiences et dérèglements juridiques. Beaucoup de multinationales réorganisent leurs activités de manière à faire baisser fortement leur facture fiscale. Pour ce faire, elles recourent à diverses manipulations internes, afin de transférer artificiellement une grande partie de leurs dépenses vers des juridictions où les taux d’imposition sont moyens ou élevés, tandis qu’elles déclarent leurs bénéfices dans celles qui ont une fiscalité faible ou inexistante ou avec les gouvernements desquelles elles ont pu conclure des accords fiscaux secrets (rescrits fiscaux). Pour les grandes entreprises de l’économie numérique, il est particulièrement facile, dans ce contexte, de procéder à des transferts de bénéfices. Le CESE espère qu’il sera possible de corriger cette situation en mettant en œuvre les normes de l’OCDE visant à combattre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), ainsi que les directives sur la lutte contre l’évasion fiscale (ATAD), et il se dit prêt à évaluer les résultats de ces actions. Pour qu’elles soient opérantes, il est indispensable de pouvoir compter sur la coopération de tous les États membres, qui constitue l’objectif premier du pacte européen. |
3.15. |
L’UE constitue un espace exposé en ce qui concerne l’évasion fiscale (32), la mobilité que son marché intérieur assure aux capitaux, aux biens et aux personnes contrastant avec le manque de coordination entre les politiques fiscales de ses États membres. En outre, les avancées que la gouvernance économique a effectuées après la crise de 2008 se sont concentrées sur le contrôle des dépenses. Si la situation a évolué au cours de ces dernières années, la coordination des politiques fiscales reste insuffisante. L’introduction d’indicateurs fiscaux dans le Semestre européen représente un progrès, grâce auquel il a été possible de signaler que les régimes fiscaux de certains pays de l’Union produisent des effets dommageables. |
3.16. |
En 2009, le G20 a lancé un processus de coopération renforcée pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. L’OCDE a adopté une nouvelle norme mondiale d’échange de renseignements, dénommée «norme commune de déclaration» (NCD) et fondée sur l’échange automatique de renseignements (EAR). La majeure partie des juridictions de la communauté internationale se sont engagées à l’appliquer à dater de janvier 2018. Une évaluation générale est en cours concernant son respect. |
3.17. |
Dans l’Union européenne, l’échange automatique de renseignements est régi par la directive sur la coopération administrative (DCA), qui a été remaniée à plusieurs reprises, de manière à être en cohérence avec la norme commune de déclaration susmentionnée. La directive a étendu l’obligation d’échange automatique de renseignements aux personnes physiques et morales et aux principaux types de revenus, mais elle présente encore certaines déficiences, auxquelles il s’impose de remédier. Comme l’a montré le scandale des «documents panaméens», aucune solution n’a encore été trouvée en ce qui concerne la question des informations sur le bénéficiaire effectif des actifs et des fonds dans le cas des véhicules intermédiaires opaques, tels que certaines fiducies (trusts), sociétés écrans ou fondations, pour ne prendre que ces exemples. Un autre problème qui n’a toujours pas été réglé est celui de l’anonymat des «actions au porteur», sans titulaires connus publiquement, qui restent autorisées dans certains pays. Il conviendrait d’élargir le périmètre d’application de la directive sur la coopération administrative (DCA), pour qu’il englobe les œuvres d’art et autres actifs à forte valeur qui sont en dépôt dans des ports francs ou des entrepôts douaniers. Il s’imposerait aussi de résoudre le problème que posent les régimes offerts par 19 des États membres qui, octroyant la citoyenneté ou un permis de résidence en échange d’investissements, sont utilisés, dans bon nombre de cas, pour la commission d’infractions fiscales. |
3.18. |
Lancé par l’OCDE, le plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) constitue l’initiative mondiale destinée à lutter contre le grignotage de l’assiette fiscale et les déplacements de bénéfices. Les rapports d’avancement concernant chacune des quinze actions qu’il prévoit ressortissent à des catégories juridiques distinctes. Certains consistent en un catalogue de bonnes pratiques, tandis que d’autres ont valeur de normes minimum, dont les États peuvent être contraints d’incorporer le contenu dans leur droit national des sociétés. Plusieurs questions essentielles, comme la taxation de l’économie numérique, ou la répartition des droits d’imposition entre les pays, sont en attente d’une solution au niveau mondial. Divers pays ou organisations de la société civile ont critiqué le processus du BEPS et demandé que la réforme de l’architecture fiscale internationale soit confiée au Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, au sein de l’Organisation des nations unies. Le CESE est d’avis que l’OCDE devrait clore son action et coopérer avec ledit comité des Nations unies afin que ses conclusions soient diffusées et appliquées dans le monde entier. |
3.19. |
Les directives sur la lutte contre l’évasion fiscale (ATAD) constituent la clé de voûte de la stratégie déployée par l’UE pour combattre l’évasion fiscale. Elles donnent la garantie que les États membres mettent en œuvre les rapports BEPS d’une manière coordonnée et elles en renforcent la valeur juridique, en soumettant leur application au contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Dans certains cas, leurs règles qu’elles établissent pour lutter contre les abus vont plus loin que celles du dispositif BEPS, par exemple en ce qui concerne les «taxes de sortie», la réglementation sur les «sociétés étrangères contrôlées», les dispositions contre les mécanismes hybrides ou la clause générale anti-abus qu’elles édictent. Elles n’ont toutefois pas pu reprendre de clauses concernant la transformation de l’exonération en crédit d’impôt («switch-over»), alors même que la Commission et une majorité d’États membres y étaient favorables. |
3.20. |
Les recherches effectuées par la Commission européenne sur les accords fiscaux secrets que certaines grandes multinationales ont signés avec les gouvernements de quelques États membres de l’Union européenne ont mis en lumière l’ampleur des processus d’évasion fiscale auxquels se prêtent certains États membres, appliquant des taux d’imposition compris entre 0,05 et 2 % sur les bénéfices transférés depuis d’autres pays européens. En réaction, l’Union européenne a revu la directive sur la coopération administrative (DCA) de façon à rendre obligatoire la communication automatique de tout rescrit fiscal transfrontière signé par un État membre. |
3.21. |
Dans une réforme plus récente, la directive sur la coopération administrative a, conformément aux prescriptions de l’action 13 du BEPS, étendu l’obligation d’échange automatique aux informations financières essentielles des grandes entreprises (33), ventilées pays par pays (rapports CbCR (34)). Cependant, le public n’est toujours pas autorisé à accéder à ces données. La Commission a proposé de revoir la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil (35), sur la comptabilité des entreprises, pour qu’elle permette la publication de ces rapports détaillés pays par pays. Le CESE estime qu’elle doit s’appliquer, au minimum, aux entreprises qui perçoivent des aides publiques. |
3.22. |
En matière de fiscalité des entreprises, une proposition d’une haute importance avancée par la Commission est celle qui porte sur l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Dans sa première phase, celle de l’«assiette commune pour l’impôt sur les sociétés» (ACIS), cette base d’imposition devrait être calculée suivant des règles communes. Dans la seconde, celle de l’«assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés» (ACCIS), les bénéfices et les pertes que les différentes filiales d’une entreprise ou d’un groupe multinational réalisent dans chaque État membre seraient consolidées au niveau de l’UE tout entière. Le solde net qui en résulterait serait réparti entre les différents pays où la firme concernée a exercé son activité et dans lesquels elle serait alors imposée selon une formule préétablie, prenant en considération les actifs, les ventes et l’emploi. Il est permis d’espérer que la consolidation aurait pour effet de faire disparaître une grande partie des opérations de planification fiscale agressive. Le CESE marque son accord pour que l’imposition soit fondée sur une formule pondérée dans laquelle entrent en ligne de compte la localisation des ventes, l’emploi et les actifs. La valeur des droits de propriété intellectuelle, des données et d’autres actifs incorporels doit faire l’objet d’une évaluation rigoureuse. |
3.23. |
Selon la Commission européenne et l’OCDE, les règles fiscales en vigueur ont du mal à appréhender les revenus produits par les nouveaux modèles d’activité de l’économie numérique, si bien que dans diverses situations et différents pays, les entreprises du numérique sont sous-imposées par rapport à celles de type classique. En mars 2018, la Commission européenne a adopté deux propositions de directive sur l’imposition de l’économie numérique (36), qui s’inscrivent dans la ligne des travaux de l’OCDE et devraient être menées à bonne fin pour la fin de 2020. Si la solution que l’une apporte à la question est provisoire, l’autre la résout de manière définitive. Le dispositif transitoire prévoit une taxe de 3 % qui est assise sur les ventes de services numériques des grandes entreprises, au lieu de porter sur les bénéfices ou de concerner l’endroit où se situe la création de valeur. Il est actuellement bloqué au Conseil. Pour l’instant, la Commission adhère à l’idée d’une démarche globale, menée dans le cadre de l’OCDE, mais si aucun accord n’est conclu d’ici la fin de 2020, elle a l’intention de reprendre son initiative établissant un impôt sur certaines grandes entreprises du numérique. |
3.24. |
S’agissant de passer progressivement de la règle de l’unanimité au vote à la majorité qualifiée pour ce qui concerne les questions de fiscalité, la Commission européenne et le CESE (37) ont tous deux pris position sur la nécessité de lancer un débat et de discuter des conditions requises en la matière. Les délais dans lesquels s’opérerait ce changement pourraient être plus ou moins longs, suivant le degré de sensibilité que présente pour les États membres la question fiscale sur laquelle on souhaite intervenir. |
3.25. |
Vu les énormes défis que la crise de la pandémie de COVID-19 pose à l’UE et à tous ses États membres, le CESE juge intolérable toute forme de laxisme face aux infractions qui minent la croissance économique et les finances publiques. De même, il affirme qu’il y a lieu de renforcer la coopération et la solidarité entre les États membres de l’UE, ses institutions et toutes les composantes de la société civile européenne. |
4. Observations et recommandations particulières
4.1. |
Le CESE recommande d’étendre au domaine de la fraude fiscale la démarche, prévue dans la cinquième directive de lutte contre le blanchiment, d’obliger les pays à créer un registre centralisé et public des bénéficiaires effectifs de sociétés et fiducies. Il convient par ailleurs d’établir une procédure adéquate qui donne la possibilité d’identifier le propriétaire réel d’une entreprise qui est située en dehors de l’Union européenne. Tous les registres devraient avoir un fonctionnement adéquat et proportionnel à leurs objectifs, de manière à faciliter le travail des entreprises qui doivent s’acquitter d’obligations en la matière, en particulier dans le cas des petites et moyennes entreprises, lesquelles devraient bénéficier de services de soutien. |
4.2. |
Il y aurait lieu d’élargir à l’identité des détenteurs des actions au porteur la prescription que les bénéficiaires effectifs de toute entreprise ou fiducie devront être connus. Le CESE demande à la Commission d’examiner s’il est possible d’établir une procédure qui permette cette identification et, s’il s’avère impossible de le faire, de décréter l’interdiction de ces actions au sein de l’UE. |
4.3. |
Il est nécessaire de combler les lacunes que présente encore le texte de la directive sur la coopération administrative (DCA) afin que l’échange automatique de renseignements soit également applicable aux œuvres d’art et autres actifs à forte valeur qui sont en dépôt dans des ports francs, des entrepôts douaniers ou des zones économiques spéciales. |
4.4. |
Il y a lieu de demander aux États membres de démanteler progressivement les régimes octroyant la citoyenneté ou l’autorisation de résidence en échange d’un investissement, qui facilitent les infractions fiscales. Le Parlement européen et le CESE, dans son avis SOC/618, ont déjà pris position en ce sens (38). Tant que ces régimes resteront en vigueur, il conviendra d’adopter les mesures de contrôle voulues pour garantir que les investisseurs se conforment à leurs obligations fiscales. |
4.5. |
Il est nécessaire d’instaurer les mesures qui ont été arrêtées au sein de l’OCDE et du cadre intégré pour l’assistance technique pour ce qui concerne l’affectation de recettes fiscales à des juridictions de marchés comme l’Inde et la Chine. La directive sur la lutte contre l’évasion fiscale (ATAD) doit être revue, afin d’inclure des règles sur le traitement fiscal en rapport avec les juridictions à faible imposition et, en particulier, sur le rapatriement des dividendes ou plus-values provenant de filiales situées à l’étranger s’ils n’y ont pas été soumis à un taux minimum d’imposition. |
4.6. |
En concordance avec la demande formulée dans la résolution que le Parlement européen a adoptée en mars 2019 (39), le CESE invite la Commission et les États membres à étudier la notion d’imposition effective minimale des bénéfices des sociétés. |
4.7. |
Il y a lieu d’intensifier la coopération entre les autorités de contrôle des États membres et leurs administrations fiscales, en particulier dans le domaine des infractions de fiscalité et du blanchiment de capitaux, ainsi que d’encourager une collaboration renforcée entre Europol et les services de police nationaux. |
4.8. |
Un appui technique et pécuniaire doit être dispensé aux cellules de renseignement financier (CRF) des États membres, afin qu’elles puissent assumer leurs missions de manière opérante. |
4.9. |
Vu l’énorme quantité de capitaux transitant par des sociétés fantômes qui sont établies sur son territoire, il s’impose que les responsables politiques de l’UE ripostent avec énergie à cette situation. Le CESE demande à la Commission de réaliser une étude sur le rôle que ces sociétés jouent en relation avec la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales et avec le blanchiment de capitaux, après la mise en œuvre de la première et de la deuxième directive sur la lutte contre l’évasion fiscale (ATAD 1 et 2) et, à la lumière de ses conclusions, d’adopter toute mesure nécessaire pour empêcher que par ce type d’entreprises, il ne soit possible de commettre des infractions ou de recourir à des pratiques néfastes comme mentionné ci-dessus. Le cas échéant, il sera nécessaire de modifier ces directives sur la lutte contre l’évasion fiscale, ainsi que celle visant à combattre le blanchiment de capitaux. |
4.10. |
Le CESE propose que lorsqu’elle conclura ses prochains accords en matière de commerce, d’investissements ou d’association économique, ou qu’elle révisera ceux qui sont en vigueur, l’Union européenne envisage d’y inclure, en accord avec les principes et les normes de l’OMC, un chapitre sur la fiscalité qui reprenne les résultats obtenus dans le cadre du programme de l’OCDE visant à combattre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) et des dispositions ayant trait à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, l’optimisation agressive en la matière et le blanchiment de capitaux, ainsi qu’à la coopération entre les administrations du fisc. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Nous utilisons ici, comme dans la suite de l’avis, les sigles anglais de ces textes.
(2) JO C 353 du 18.10.2019, p. 90.
(3) C(2020) 2800 final.
(4) Sur la page «Juridictions à hauts risques» du Groupe d’action financière (GAFI) ne figurent que deux pays, la Corée du Nord et l’Iran, tandis que celle des «Juridictions sous surveillance accrue» en recense dix-huit. L’une et l’autre ont été mises à jour le 21 février 2020.
(5) La liste que l’on peut consulter dans le règlement délégué (UE) 2020/855 de la Commission du 7 mai 2020 (JO L 195 du 19.6.2020, p. 1) reprend vingt territoires à haut risque concernant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La liste révisée de l’UE des pays et territoires non coopératifs, concernant la fraude et l’évasion fiscales, en compte pour sa part douze, auxquelles s’ajoutent vingt autres qui sont soumis à surveillance.
(6) Lipton, D., Mise en lumière, p. 4, et Shaxson, N., Haro sur les paradis fiscaux, p. 7, citant Zucman, G. (2017). Fonds monétaire international, Finance et développement (F&D), septembre 2019.
(7) Bhatt, G., Lettre de la rédaction, FMI, ibid., p. 2.
(8) Résolution du Parlement européen du 26 mars 2019 sur la criminalité financière, la fraude fiscale et l’évasion fiscale, paragraphe 24.
(9) Parlement européen, ibid., paragraphes 142 et 143.
(10) Shaxson, N., Haro sur les paradis fiscaux, FMI, ibid., p. 7.
(11) Parlement européen, ibid., paragraphe 19.
(12) Parlement européen, ibid., paragraphe 328.
(13) Damgaard, J., Elkjaer T., et Johannesen, N., L’explosion des investissements fantômes, p. 11-13, Fonds monétaire international, Finance et développement (F&D), septembre 2019.
(14) Office des Nations unies contre les drogues et le crime, Money Laundering and Globalization («Blanchiment de capitaux et mondialisation»).
(15) Parlement européen, ibid., paragraphes 236 et 237.
(16) Parlement européen, ibid., paragraphe 235. Financial Times, 23 mars 2020.
(17) COM(2019) 360 final, 370 final, 371 final et 372 final du 24.7.2019. On relèvera en particulier l’intérêt du document COM(2019) 373 final, Rapport sur l’évaluation des récents cas présumés de blanchiment de capitaux impliquant des établissements de crédit de l’Union européenne.
(18) Le 11 juin 2020: https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=53979
(19) Le 2 juillet 2020, voir https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_1228
(20) C(2020) 2800.
(21) Règlement délégué (UE) 2020/855 de la Commission du 7 mai 2020.
(22) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil (ATAD) (JO L 193 du 19.7.2016, p. 1), dont l’entrée en vigueur a eu lieu le 1er janvier 2020 dans les États membres dépourvus de législation spécifique en la matière et qui, pour les autres, sera applicable en 2024. La directive (UE) 2017/952 du Conseil (ATAD 2) (JO L 144 du 7.6.2017, p. 1) entrera en vigueur le 1er janvier 2022.
(23) Directive (UE) 2017/1852 du Conseil (JO L 265 du 14.10.2017, p. 1).
(24) Règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil (JO L 284 du 12.11.2018, p. 6).
(25) En anglais, «Automatic exchange of information» (AEOI).
(26) Directive 2011/16/UE du Conseil (JO L 64 du 11.3.2011, p. 1).
(27) Directive (UE) 2018/822 du Conseil (JO L 139 du 5.6.2018, p. 1).
(28) En anglais, «Country by country reporting», CbCR.
(29) JO L 186 du 11.7.2019, p. 122.
(30) Parlement européen, ibid., paragraphe 328.
(31) Avis ECO/470, Fiscalis pour la période 2021-2027 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 118).
(32) Cobham, A., et Garcia-Bernardo, J., Time for the EU to close its own tax havens («Pour l’UE, le moment est venu de fermer ses propres paradis fiscaux»), Réseau pour la justice fiscale, 4 avril 2020.
(33) À savoir la répartition par pays de leurs salariés, de leurs ventes, des bénéfices réalisés et des impôts payés.
(34) En anglais, «Country by country reporting», CbCR.
(35) JO L 182 du 29.6.2013, p. 19.
(36) COM(2018) 147 final, proposition de directive du Conseil établissant les règles d’imposition des sociétés ayant une présence numérique significative, et COM(2018) 148 final, proposition de directive du Conseil concernant le système commun de taxe sur les services numériques applicable aux produits tirés de la fourniture de certains services numériques.
(37) COM(2019) 8 final — Vers un processus décisionnel plus efficace et plus démocratique en matière de politique fiscale dans l’Union.
(38) Avis SOC/618, Programmes de citoyenneté et de résidence par investissement dans l’Union européenne (JO C 47 du 11.2.2020, p. 81).
(39) Parlement européen, ibid., paragraphes 78 à 85.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/16 |
Avis du Comité économique et social européen sur «L’état de droit et son incidence sur la croissance économique»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/03)
Rapporteur: |
Jukka AHTELA |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
20.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
215/2/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
L’état de droit est, depuis quelque temps, soumis à rude épreuve, tant au sein de l’Union européenne qu’à l’extérieur de celle-ci. Cette évolution est préoccupante, car elle est susceptible de porter atteinte au respect des droits fondamentaux, ainsi qu’aux autres valeurs énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (traité UE). |
1.2. |
L’affaiblissement de l’état de droit a une incidence sur le fonctionnement de la société, sur les droits fondamentaux, sur la société civile, mais aussi sur l’économie. La question est donc de savoir jusqu’où cette forme de recul pourrait entraîner l’Union européenne et le modèle économique et social européen. |
1.3. |
Pour bien fonctionner, le marché unique doit s’appuyer sur un cadre juridique transparent et stable qui couvre également l’application des règles communes, étant donné que les juridictions nationales doivent pouvoir compter sur le fait que celles des autres États membres sont tout aussi engagées à défendre les valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée. |
1.4. |
La séparation des pouvoirs — et en particulier le fait de disposer d’un pouvoir judiciaire indépendant, en capacité d’exercer un contrôle sur les actions de l’exécutif — est essentielle pour l’investissement et la croissance économique. |
1.5. |
Le CESE invite la Commission européenne à déployer des efforts pour mesurer l’incidence économique de l’état de droit. Cela suppose notamment d’élaborer un système de mesure solide qui tienne expressément compte tant des éléments de fond que des aspects procéduraux de l’état de droit. |
1.6. |
De nombreux pays disposent de lois qui sont parfaitement compatibles avec l’état de droit, mais dont la mise à exécution est imparfaite. Il importe donc de se concentrer sur la mise en œuvre adéquate des lois. |
1.7. |
Le CESE se félicite des efforts déployés par la Commission européenne et d’autres institutions afin de mettre au point des outils appropriés pour défendre les valeurs de l’Union européenne et promouvoir une culture de l’état de droit. Toutefois, il estime que l’efficacité des instruments existants, tels que l’article 7 du traité UE, le cadre pour l’état de droit et la procédure d’infraction, le tableau de bord annuel de la justice dans l’Union européenne et le nouveau mécanisme pour l’état de droit, peut encore être améliorée, et qu’ils devraient être complétés par des mesures axées sur l’état de droit mais orientées plus pragmatiquement vers des considérations économiques. |
1.8. |
Il conviendrait que, dans le cadre du Semestre européen, la Commission souligne avec plus d’empressement la pertinence de l’état de droit comme l’un des éléments essentiels qui sous-tendent une économie compétitive et durable. Le CESE recommande de mettre en place des processus nationaux de suivi, auxquels seraient associés des représentants de la société civile et des partenaires sociaux, et, de manière plus générale, de renforcer la participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux tout au long du processus du Semestre européen. |
1.9. |
Le processus annuel d’examen de l’état de droit par l’Union européenne devrait être aussi ouvert que possible à la société civile. Les conclusions et les recommandations de la Commission européenne devraient faire l’objet d’un débat public, tant au niveau national qu’au niveau européen, et donner lieu à un suivi sous la forme de mesures spécifiques destinées à contrer les incidents et les tendances négatives, y compris sur le plan économique. Il convient que la société civile, y compris les partenaires sociaux, participe plus étroitement à ce processus, ainsi qu’au suivi. Le CESE a proposé la création d’un forum annuel des organisations de la société civile, qui, fort de la diversité de sa représentation, contribuerait utilement au cycle d’examen. |
1.10. |
Les organisations de la société civile et les médias jouent un rôle crucial dans les pays où les gouvernements ont tendance à s’écarter de l’état de droit. Ils permettent de maintenir le système d’équilibre des pouvoirs, garantissant que les gouvernements doivent rendre des comptes. Le CESE plaide en faveur d’un soutien financier et technique accru aux organisations qui participent à la défense et à la promotion de l’état de droit et des droits fondamentaux. |
1.11. |
L’appartenance à l’Union européenne est très précieuse pour tous ses membres, pour autant que le non-respect des règles de base soit sanctionné. S’il n’y a pas de sanctions, la valeur de l’adhésion est réduite pour tous les membres qui respectent les règles. |
1.12. |
Il semble que, dans de nombreux États membres, le grand public ne soit pas conscient de l’importance capitale que revêt l’état de droit, à la fois en tant que valeur fondamentale et qu’ingrédient vital pour la croissance économique. Par conséquent, le CESE préconise de déployer, de manière permanente, une stratégie de sensibilisation visant à alerter les citoyens de l’Union européenne sur l’importance cruciale de l’état de droit. |
2. Introduction
2.1. |
L’état de droit est l’une des valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée (article 2 du traité UE) et constitue une condition préalable à la réalisation des autres valeurs que l’Union entend promouvoir (1). |
2.2. |
Toutefois, l’état de droit est, depuis quelque temps, soumis à rude épreuve, tant au sein de l’Union européenne qu’à l’extérieur de celle-ci. Cette évolution est problématique, dès lors qu’elle pourrait se traduire par un respect moindre des autres valeurs visées à l’article 2. |
2.3. |
Cette pression a une incidence sur le fonctionnement du système juridictionnel et sur la confiance des citoyens envers celui-ci. Elle a des répercussions supplémentaires qui sont ressenties par la société civile, avec la menace de voir le pouvoir judiciaire perdre son rôle de rempart et de gardien des droits fondamentaux. |
2.4. |
Comme le CESE l’a fait observer dans son avis SOC/598 (2), «[l]e respect de l’état de droit permet également de garantir la sécurité juridique et des conditions de concurrence équitables pour les activités des entreprises, l’innovation, l’investissement, et d’assurer une concurrence loyale sur l’ensemble du marché intérieur dans l’intérêt des consommateurs et des citoyens.» |
2.5. |
La question est donc de savoir jusqu’où cette forme de recul pourrait entraîner le modèle économique et social européen. L’affaiblissement de l’état de droit pourrait avoir une incidence sur le fonctionnement de la société, sur les droits fondamentaux, sur la société civile et sur l’économie. |
2.6. |
Si on ne les arrête pas, les menaces pesant sur l’état de droit et la détérioration globale des droits fondamentaux sont susceptibles de saper la confiance mutuelle qui sous-tend le marché intérieur et, partant, la croissance économique de l’Union européenne. |
2.7. |
Dans sa communication intitulée «Renforcement de l’état de droit au sein de l’Union» (3), la Commission renvoie aux travaux de l’OCDE sur l’importance de l’état de droit pour le développement et le climat général des affaires et des investissements. À cet égard, le CESE a lui aussi souligné la nécessité d’accorder une plus grande attention aux aspects économiques de l’état de droit. |
2.8. |
Violer l’état de droit nuit à un développement équilibré sur le plan économique et social et conforme aux objectifs de développement durable (ODD), ainsi qu’à la poursuite de l’objectif primordial de l’Union «de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples», comme le pose l’article 3 du traité UE. La promotion de l’état de droit est l’un des objectifs ciblés de l’ODD no 16. |
2.9. |
Lorsque l’on aborde les carences liées à l’état de droit dans l’Union européenne, leur incidence sur la croissance économique fait l’objet d’une moindre attention. En effet, les recherches existantes portent surtout sur l’impact que le mode de gouvernance des États, et plus largement des pouvoirs publics, a sur la croissance économique, en particulier dans les pays en développement. C’est pourquoi le présent avis se concentre sur l’incidence économique de l’état de droit dans l’Union européenne. |
2.10. |
Le présent avis a pour objectif de contribuer à ce que les parties prenantes aient conscience qu’en plus de leur valeur intrinsèque, les valeurs européennes consacrées par l’article 2 du traité UE revêtent également une valeur économique. |
3. Définir l’état de droit
3.1. |
Au niveau européen, l’état de droit est un principe bien établi, consacré par les traités et fondé sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et du Conseil de l’Europe, ainsi que sur les travaux de la Commission de Venise, qui portent sur ce domaine. L’état de droit exige que toutes les autorités publiques agissent dans les limites fixées par la loi, conformément aux valeurs de la démocratie et aux droits fondamentaux, et sous le contrôle de juridictions indépendantes et impartiales (4). |
3.2. |
Lorsque l’on précise les différents éléments de l’état de droit, les éléments de fond peuvent être séparés des éléments de procédure. Le principe le plus fondamental et le plus central de l’état de droit est l’égalité devant la loi, à savoir la notion selon laquelle la loi traite tout le monde sur un pied d’égalité et se réfère au fond du droit. |
3.3. |
L’égalité procédurale devant la loi est une condition nécessaire pour atteindre un niveau élevé d’état de droit. Néanmoins, elle n’est pas suffisante, les deux formes d’égalité — celle liée au fond et celle liée à la procédure — étant indispensables. Un certain nombre d’éléments de procédure sont nécessaires pour garantir que la lettre de la loi soit appliquée. La séparation des pouvoirs est essentielle, car elle contribue à garantir que le gouvernement reste lui aussi dans les limites de la loi. Le pouvoir judiciaire ne pourra être en mesure d’exercer un contrôle sur le pouvoir exécutif que si les juges et les procureurs sont indépendants des deux autres pouvoirs. |
3.4. |
En outre, un certain nombre de normes minimales en matière d’application de la loi doivent être sauvegardées: tout individu doit pouvoir jouir de ses droits fondamentaux, avoir le droit à un procès équitable, etc. Enfin, l’application de la loi doit être impartiale, ce qui signifie que personne n’est soumis à la discrimination et que le pouvoir judiciaire est exempt de corruption (5). Conformément à l’article 2 du traité UE, l’état de droit et la démocratie vont de pair en tant que valeurs fondatrices. |
4. Pourquoi l’état de droit est propice à une croissance économique durable
4.1. |
La croissance économique durable est considérée comme l’un des indicateurs les plus importants de la santé d’une économie. Elle est associée à l’accroissement de la richesse d’un pays et de sa population. En outre, une économie de marché ne peut pas fonctionner correctement sans règles et procédures de base, y compris des règles concernant la propriété privée et le transfert volontaire de propriété (c’est-à-dire le droit des contrats). De manière plus générale, une économie de marché ne pourra prospérer que sur la base de règles stables et prévisibles, comme l’illustrent le marché intérieur et l’Union économique et monétaire (UEM), qui sont les moteurs de l’économie européenne. |
4.2. |
La croissance économique signifie que davantage de biens et de services sont disponibles sur une base par habitant au fil du temps. Le seul moyen d’y parvenir est d’accroître la productivité. Ce qui suppose des investissements tant dans le capital que dans l’éducation de la population (qu’on appelle également «capital humain»). Pour établir un lien entre l’état de droit et la croissance économique, il est donc nécessaire de se demander comment l’état de droit peut influer sur la propension générale à investir. |
4.3. |
Les investissements, en particulier les investissements à long terme, ne seront réalisés que si les investisseurs potentiels s’attendent à ce que l’environnement d’investissement reste prévisible et favorable pendant de nombreuses années. L’état de droit joue un rôle crucial quant à la capacité d’un gouvernement à offrir un environnement d’une telle stabilité. |
4.4. |
Un pouvoir exécutif qui n’est pas limité par les deux autres pouvoirs — le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire — pourrait faire de nombreuses promesses à des investisseurs potentiels en ce qui concerne leur liberté de fixer les prix, de ne pas être lourdement imposés (voire pas du tout), de transférer leurs bénéfices vers leur pays d’origine, etc. |
4.5. |
Toutefois, un gouvernement qui n’est pas soumis à des contrôles n’est pas en mesure de faire des promesses contraignantes, c’est-à-dire de contracter des engagements crédibles. La séparation des pouvoirs — et en particulier le fait de disposer d’un pouvoir judiciaire indépendant, en capacité d’exercer un contrôle sur les actions de l’exécutif et de faire respecter les contrats privés — est essentielle pour l’investissement et la croissance économique. |
4.6. |
Outre l’indépendance du pouvoir judiciaire, son impartialité est également essentielle. Si les juges peuvent être soudoyés, cela signifie qu’ils ne sont pas impartiaux et que les affaires sont tranchées non pas sur la base des principes de l’état de droit, mais en faveur de la partie qui est en mesure de (et/ou disposée à) payer les pots-de-vin les plus élevés. La corruption est donc incompatible avec l’état de droit. |
4.7. |
Si les juges exercent une discrimination à l’encontre de certains groupes, la loi n’est pas appliquée dans l’égalité. Toute forme de partialité rendra l’environnement juridique moins certain, ce qui est susceptible d’entraîner non seulement une baisse globale des niveaux d’investissement, mais aussi une diminution du nombre de transactions. Des tribunaux partiaux ralentiront donc la croissance économique. |
4.8. |
L’accessibilité des tribunaux est un autre facteur clé. S’il faut des années pour parvenir à une décision de justice, cela est susceptible avoir un certain nombre d’effets néfastes sur l’économie: les cocontractants en rupture de contrat pourraient utiliser le tribunal de manière stratégique, s’il est de notoriété publique qu’une décision de justice prendra beaucoup de temps à être rendue. Les retards de justice — qu’il s’agisse du retard dans la prise de décisions ou dans l’application de celles-ci — rendent les contrats moins attrayants, ce qui fait baisser le nombre de transactions et entraîne exactement les mêmes effets que ceux causés par l’absence d’un système judiciaire indépendant, comme décrit ci-avant. |
5. Comment mesurer l’état de droit
5.1. |
Pour que l’on puisse s’assurer de l’incidence de l’état de droit sur la croissance économique, il convient tout d’abord qu’elle soit mesurable. Or, il n’est pas facile de la mesurer, car l’état de droit est un concept multidimensionnel qui appelle diverses décisions difficiles en matière de pondération, soit la question de savoir si on doit attribuer le même poids relatif à toutes ses dimensions. |
5.2. |
Certains des premiers systèmes de mesure de l’état de droit qui ont été mis en place reposaient davantage sur la disponibilité des données que sur des considérations inspirées de la théorie. Bien qu’il existe une corrélation très étroite entre les aspects de fond et les aspects procéduraux de l’état de droit (6), la composante du fond, c’est-à-dire l’égalité devant la loi, ne figure pas dans la plupart des indicateurs les plus connus de l’état de droit. Il serait donc souhaitable que la Commission élabore un système de mesure solide qui tienne expressément compte tant des éléments de fond que des aspects procéduraux de l’état de droit. |
5.3. |
Une autre question importante concernant la mesure de l’état de droit est celle de savoir si l’on mesure les dispositions de droit ou leur mise en œuvre de fait. De nombreux pays disposent de lois qui sont parfaitement compatibles avec l’état de droit, mais dont la mise à exécution est imparfaite. Il importe donc de se concentrer sur la mise en œuvre des lois. |
5.4. |
La question de savoir comment utiliser au mieux les mesures disponibles est également importante. D’une part, des mesures agrégées peuvent être utiles pour donner une première impression de ce qui se passe dans un pays donné. D’autre part, si l’on souhaite obtenir des conseils susceptibles de donner lieu à une «action», c’est-à-dire des analyses qui peuvent avoir des implications directes pour les politiques, les mesures agrégées ne sont pas particulièrement utiles. |
5.5. |
Malgré la difficulté que cela suppose, le CESE recommande à la Commission européenne d’étudier la possibilité de mesurer l’incidence économique de l’état de droit tant dans les États membres que dans les pays candidats, et éventuellement de relier cet exercice au cycle d’examen de l’état de droit. |
6. Que disent les données existantes?
6.1. |
Des études comparatives de plusieurs pays analysant les effets de l’état de droit sur la croissance économique ont montré que, en moyenne, les pays qui respectent davantage l’état de droit se développent plus vite que ceux qui le respectent moins (7). Cela ne signifie pas que certains pays qui ne se conforment pas à l’état de droit ne soient pas capables d’atteindre des niveaux élevés de croissance économique. Ces pays sont qualifiés de «cas aberrants» par les économistes. De tels cas sont possibles et se produisent, mais ne se produiront pas avec une fréquence élevée. |
6.2. |
Pour estimer les effets de l’état de droit sur la croissance économique, il convient également de prendre en considération les niveaux de revenus respectifs. Toutes choses étant égales par ailleurs, les pays bénéficiant déjà d’un niveau élevé de revenu par habitant tendent à avoir plus de difficultés à atteindre des taux de croissance élevés que les pays qui partent d’un niveau inférieur. Il s’agit là d’une indication de ce que l’on appelle l’«effet de convergence». |
6.3. |
Les mesures agrégées de l’état de droit ne sont pas très utiles pour identifier les canaux de transmission spécifiques à travers lesquels celui-ci pourrait avoir une incidence sur la croissance économique. C’est la raison pour laquelle l’accent est mis, dans cette section de l’avis, sur un nombre limité de composantes essentielles de l’état de droit. |
6.4. |
Il a déjà été démontré plus haut qu’un pouvoir judiciaire indépendant apparaît essentiel pour garantir que les gouvernements restent dans les limites des contraintes qui leurs sont imposées par la constitution. |
6.5. |
Si l’on analyse séparément les effets des indicateurs de droit et de fait de l’indépendance judiciaire, il s’avère que les dispositions de droit n’ont aucun effet sur la croissance économique. En revanche, les dispositions de fait sont étroitement corrélées à une croissance économique plus rapide (8). L’amélioration des niveaux de fait de l’indépendance de la justice se traduit par un gain économique: les pays qui y sont parvenus ont reçu un dividende supplémentaire, c’est-à-dire qu’ils ont connu une croissance plus rapide (9). |
6.6. |
Il a été démontré que l’indépendance de la justice et la responsabilité du corps juridictionnel sont des aspects complémentaires, plutôt que concurrents (10). Un certain nombre de garanties judiciaires, telles que le droit à une assistance juridique, limitent le pouvoir discrétionnaire des juges. En tant que telles, elles peuvent être interprétées comme garantissant la responsabilité du corps juridictionnel. Il est intéressant de noter qu’il a été démontré que certaines de ces garanties sont non seulement propices à la responsabilité du corps juridictionnel et, partant, à l’état de droit, mais aussi à la croissance économique. C’est le cas des mesures concernant la ponctualité des décisions de justice, avec des procédures écrites plutôt que des procédures orales, et du droit à une assistance juridique (11). |
6.7. |
La corruption n’est pas seulement une infraction pénale, elle est également incompatible avec l’état de droit. Toutefois, mesurer le niveau de corruption n’est pas sans poser de difficultés. Étant donné que le payeur et le bénéficiaire du pot-de-vin n’ont généralement aucune raison de signaler qu’il y a eu corruption, il est impossible de recueillir des données objectives. La majeure partie de la littérature spécialisée s’est fondée jusque-là sur ce que l’on appelle la «perception de la corruption», c’est-à-dire l’évaluation subjective de l’ampleur de la corruption dans un pays donné ou dans un service public donné. |
6.8. |
Bien qu’il reste difficile de démontrer que la corruption est préjudiciable à la croissance économique, il existe désormais une multitude d’études qui vont dans ce sens. Par exemple, il a été démontré qu’elle réduit l’investissement (12). Elle a également d’autres effets de distorsion: par exemple, elle tendrait à gonfler les budgets militaires (13). Elle affecte également la structure des dépenses publiques en changeant l’ordre des priorités, l’accent étant mis non plus sur des services publics importants, tels que la santé et l’éducation, mais sur des activités moins productives (14). Dans une récente étude publiée par l’OCDE, il est dit en substance qu’il est évident que la corruption a une incidence directe sur le coût d’un projet, tant pour le secteur privé que pour le secteur public. Ses effets indirects les plus notables sont qu’elle porte préjudice aux institutions publiques, en sapant la confiance des citoyens à l’égard de leur gouvernement et, partant, en réduisant les incitations à l’innovation, et qu’elle accroît les inégalités sociales. Mais elle augmente également le coût de l’activité commerciale, en taxant en quelque sorte les activités économiques, coût qui est ensuite répercuté sur les utilisateurs ou les consommateurs finaux des projets (15). |
6.9. |
Lorsque les procureurs sont à la fois indépendants et responsables, cela est propice à des niveaux élevés d’état de droit parce que les enquêtes pénales sont réalisées indépendamment de la pression politique, de l’identité particulière d’un suspect et d’autres facteurs similaires. Il a été démontré que l’indépendance effective des procureurs est associée à des niveaux de corruption plus faibles (16). Étant donné que la corruption porte préjudice à la croissance, cela peut, par conséquent, être interprété comme une preuve indirecte que l’indépendance des procureurs, en tant que composante de l’état de droit, est propice à la croissance économique. |
6.10. |
Enfin, examinons l’efficacité de la justice, en gardant à l’esprit le mot souvent cité selon lequel «un retard de justice est un déni de justice». L’une des études les plus intéressantes dans ce domaine porte sur l’Inde (17). Il a été établi une corrélation entre, d’une part, les disparités dans les délais de justice et, d’autre part, les mesures des résultats enregistrés dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services. L’étude montre que les retards de justice ont un effet négatif sur la croissance de la production dans ces trois secteurs de l’économie. |
7. Réponses possibles des politiques
Instruments de l’Union européenne existants
7.1. |
Le CESE a demandé que les outils dont dispose l’Union européenne soient renforcés pour contrer le recul en ce qui concerne les valeurs fondamentales de l’Union (18). Il se félicite des efforts déployés par la Commission européenne et d’autres institutions afin de mettre au point des outils appropriés pour défendre les valeurs de l’Union et promouvoir une culture de l’état de droit. Toutefois, il estime que les instruments existants, tels que l’article 7 du traité UE, le cadre pour l’état de droit et la procédure d’infraction, le tableau de bord annuel de la justice dans l’Union européenne et le nouveau mécanisme pour l’état de droit, pourraient encore être améliorés, et qu’ils devraient être complétés par des mesures axées sur l’état de droit mais orientées plus pragmatiquement vers des considérations économiques. |
7.2. |
Dans le cadre du Semestre européen, la Commission européenne a examiné l’importance que revêt l’état de droit pour l’environnement des entreprises dans ses efforts visant à promouvoir des réformes structurelles propices à la croissance dans des domaines tels que l’efficacité des systèmes de justice et la lutte contre la corruption. À l’heure actuelle, les contributions au tableau de bord de la justice dans l’Union européenne proviennent principalement des acteurs fournissant des services de justice, tels que les ministères de la justice, les associations de magistrats, les conseils de la magistrature, etc. Curieusement, les demandeurs de services judiciaires n’y contribuent pas, alors qu’ils pourraient présenter de précieuses suggestions sur la manière d’améliorer les différents systèmes juridictionnels. Les organisations de la société civile, ainsi que les partenaires sociaux, pourraient jouer un rôle important dans la médiation des informations. Le CESE demande instamment à la Commission de souligner avec plus d’empressement la pertinence de l’état de droit comme l’un des éléments essentiels qui sous-tendent une économie compétitive et durable. Les indicateurs relatifs à l’état de droit devraient être intégrés de manière plus visible et inclure des aspects tels que la sécurité juridique et l’accès aux voies de recours pour les entreprises et les travailleurs. Des efforts devraient être consentis pour améliorer la procédure de suivi en vue de mieux mettre en œuvre les recommandations. Le CESE recommande de mettre en place des processus nationaux de suivi, auxquels seraient associés des représentants de la société civile et des partenaires sociaux, et, de manière plus générale, de renforcer la participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux tout au long du processus du Semestre européen. |
7.3. |
Il convient que le processus annuel d’examen de l’état de droit de l’Union européenne soit aussi ouvert que possible afin de garantir que les conclusions et les recommandations de la Commission européenne fassent l’objet d’un débat public, tant au niveau national qu’au niveau européen, et donnent lieu à un suivi sous la forme de mesures spécifiques destinées à contrer les incidents et les tendances négatives. La Commission européenne devrait accroître la participation des organisations de la société civile, qui sont souvent les premières victimes lorsque l’état de droit est menacé et peuvent donc faire office, en quelque sorte, d’«alarme incendie» (19). Elle devrait en outre prendre des mesures concernant les représailles que pourraient subir les organisations de la société civile qui participent au processus. Le CESE a proposé la création d’un forum annuel des organisations de la société civile, qui contribuerait au cycle d’examen. Le CESE est prêt à contribuer à ce processus et à assurer une large représentation des organisations de la société civile, y compris celles qui représentent les intérêts socio-économiques, comme les partenaires sociaux. |
7.4. |
Le CESE a déjà salué la proposition de la Commission qui entend protéger le budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans les États membres. À cet égard, il a soutenu la proposition selon laquelle l’octroi de fonds de l’Union européenne aux États membres doit être conditionné au respect du principe de l’état de droit, et estime que cette condition pourrait être étendue aux autres principes liés à l’état de droit qui sont inscrits dans les traités de l’Union européenne (20). |
Réponses supplémentaires possibles des politiques
7.5. |
Étant donné que l’état de droit est une valeur fondamentale de l’Union et qu’en outre, un niveau élevé d’état de droit a des effets positifs sur la croissance économique, il est impératif que l’Union européenne prenne des mesures pour le préserver. |
7.6. |
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu récemment un certain nombre de décisions clés en matière de défense de l’indépendance de la justice. Outre les motifs juridiques invoqués par la Cour, il existe des raisons économiques justifiant l’action des institutions de l’Union. Pour bien fonctionner, le marché unique doit s’appuyer sur un cadre juridique stable et transparent qui couvre également l’application des règles communes, étant donné que les juridictions nationales doivent pouvoir compter sur le fait que celles des autres États membres sont tout aussi engagées à défendre les valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée. |
7.7. |
Le concept d’un espace judiciaire européen unique est important pour les entreprises, car il permet d’appliquer dans un État membre donné les décisions de justice prises dans un autre État membre. Pour que ce projet soit un succès, il est essentiel que, à l’intérieur de l’Union européenne, toutes les juridictions soient indépendantes. Si cette condition ne peut plus être garantie, non seulement l’espace judiciaire européen unique restera incomplet, mais il sera en outre condamné au déclin. La Commission doit veiller à ce que le principe de l’indépendance de la justice soit respecté dans tous les États membres afin de faire de l’idée d’un espace judiciaire européen unique et de la libre circulation des décisions de justice une réalité. |
7.8. |
Chaque État individuel souhaite être crédible et favorable aux investisseurs, en offrant des engagements crédibles aux investisseurs potentiels. L’appartenance à l’Union européenne apporte des avantages évidents à tous les États membres, dans la mesure où elle leur permet, indépendamment de leur histoire économique ou politique, de prendre des engagements plus crédibles. En ce sens, l’appartenance à l’Union européenne peut être très précieuse pour tous ses membres, pour autant que le non-respect des règles de base soit sanctionné. S’il n’y a pas de sanctions, la valeur de l’adhésion est réduite pour tous les membres qui respectent les règles. |
7.9. |
En d’autres termes, les États membres qui ne se plient pas aux règles créent des externalités négatives pour ceux qui les respectent. En effet, chaque fois qu’un gouvernement d’un État membre ne respecte pas les promesses qu’il a faites en adhérant à l’Union européenne et que ce non-respect n’est pas sanctionné, la crédibilité du droit de l’Union s’en trouve affectée dans tous les États membres. Par conséquent, la valeur associée à l’appartenance à l’Union européenne serait réduite, étant donné qu’elle ne constituerait plus un signal de crédibilité. L’insistance sur le respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne est donc pleinement justifiée. |
7.10. |
De nombreuses décisions intéressent directement tous les citoyens des États membres de l’Union européenne. Si le droit de vote d’États membres dirigés par des autocrates en puissance qui violent systématiquement le principe de l’état de droit n’est pas suspendu, cela signifie que ces personnages seront autorisés à participer à la prise de décisions qui touchent directement tous les citoyens de l’Union européenne. Cette dérive a été qualifiée, à juste titre, d’«autre déficit démocratique» de l’Europe (21). |
7.11. |
En d’autres termes, les externalités négatives créées par des gouvernements autocratiques potentiels qui s’étendent non seulement au-delà de leurs frontières nationales, mais ont aussi une incidence sur chaque citoyen des États membres de l’Union, justifient également l’intervention de celle-ci. En résumé, les interventions visant à maintenir ou rétablir le respect de l’état de droit sont pleinement justifiées. |
7.12. |
L’un des moyens de soutenir et de promouvoir l’état de droit est de soutenir les organisations de la société civile et les médias. La capacité des citoyens de créer des associations, de se rencontrer et de s’exprimer librement, ainsi que la liberté des médias, sont des éléments essentiels de l’état de droit dans le cadre des contrôles et des équilibres nécessaires pour obliger les gouvernements à rendre des comptes. Un rétrécissement de l’espace civique influe également sur la capacité des entreprises et des travailleurs à s’établir, à s’associer librement et à innover. Les organisations de la société civile sont également un acteur économique important, contribuant à presque un tiers de l’emploi dans l’Union européenne (22) et fournissant des services fondamentaux pour la croissance économique, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la protection sociale. Le CESE réitère son appel en faveur d’un soutien actif de l’Union européenne aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile sur son territoire, et notamment de la mise en place d’un fonds de l’Union européenne offrant un soutien financier en cas de différends portant sur des violations de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux, destiné spécifiquement aux organisations de la société civile (23). |
7.13. |
Il existe de nombreuses raisons de défendre l’état de droit, tant à l’intérieur des États membres qu’au niveau des institutions de l’Union européenne. Il semble que, dans de nombreux États membres, il est nécessaire de mieux informer le grand public de l’importance capitale que revêt l’état de droit, à la fois en tant que valeur fondamentale et qu’ingrédient vital pour la croissance économique. Un moyen indirect de défendre l’état de droit pourrait donc être de sensibiliser l’opinion publique, dans les différents États membres, à l’importance cruciale qu’il revêt. Le CESE a déjà plaidé en faveur d’une campagne de sensibilisation sous la forme d’une stratégie de communication délibérée (24). L’Union européenne doit investir dans des campagnes d’information visant à promouvoir l’état de droit et prendre d’urgence des mesures pour soutenir la liberté des médias. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Cette position est partagée par la Commission et figure expressément dans son cadre pour l’état de droit (IP/14/237).
(2) JO C 62 du 15.2.2019, p. 173.
(3) COM(2019) 343 final.
(4) La littérature universitaire établit souvent une distinction entre deux variétés de l’état de droit, une version «substantielle» (ou «épaisse», thick), et une version «procédurale» (ou «fine», thin). Voir Møller, J. (2018), «The advantages of a thin view» (Les avantages d’une conception procédurale), in Handbook on the Rule of Law (Manuel sur l’état de droit), Edward Elgar Publishing, p. 21-33, et Bedner, A. (2018), «The promise of a thick view» (Les promesses d’une conception substantielle), également dans Handbook on the Rule of Law, p. 34-47.
(5) Voir Voigt, S. (2012), «How to measure the rule of law» (Comment mesurer l’état de droit), Kyklos, 65(2), p. 262-284.
(6) Voir Gutmann, J., & Voigt, S. (2018), «The rule of law: Measurement and deep roots» (L’état de droit: mesure et racines profondes), European Journal of Political Economy, 54, p. 68-82.
(7) Cette relation de cause à effet est l’un des objets d’étude essentiels d’une sous-discipline appelée «économie institutionnelle». Pour un traitement avancé de la question, voir le manuel d’Acemoglu, D. (2008), «Introduction to Modern Economic Growth» (Introduction à la croissance économique moderne), Princeton University Press; pour les non-spécialistes, voir le manuel de Voigt, S. (2019), «Institutional Economics — An Introduction» (Introduction à l’économie institutionnelle), Cambridge University Press.
(8) Voir Feld, L. P., & Voigt, S. (2003), «Economic growth and judicial independence: cross-country evidence using a new set of indicators» (Croissance économique et indépendance de la justice: éléments de preuve comparés dans plusieurs pays et basés sur une nouvelle série d’indicateurs), European Journal of Political Economy, 19(3), p. 497-527.
(9) Voir Voigt, S., Gutmann, J., & Feld, L. P. (2015), «Economic growth and judicial independence, a dozen years on: Cross-country evidence using an updated set of indicators» (Croissance économique et indépendance de la justice, douze ans après: éléments de preuve comparés dans plusieurs pays et basés sur une série d’indicateurs actualisée), European Journal of Political Economy, 38, p. 197-211.
(10) Voir Voigt, S. (2008), «The economic effects of judicial accountability: cross-country evidence» (Les effets économiques de la responsabilité judiciaire: éléments de preuve comparés dans différents pays), European Journal of Law and Economics, 25(2), p. 95-123.
(11) Voir Hayo, B., & Voigt, S. (2014), «The relevance of judicial procedure for economic growth» (De l’importance des procédures judiciaires pour la croissance économique), CESifo Economic Studies, 60(3), p. 490-524.
(12) Voir Mauro, P. (1995), «Corruption and growth» (Corruption et croissance), The quarterly journal of economics, 110(3), p. 681-712.
(13) Voir Gupta, S., De Mello, L., & Sharan, R. (2001), «Corruption and military spending» (Corruption et dépenses militaires), European journal of political economy, 17(4), p. 749-777.
(14) Voir Mauro, P. (1998), «Corruption and the composition of government expenditure» (Corruption et structure des dépenses publiques), Journal of Public economics, 69(2), p. 263-279.
(15) Voir Organisation de coopération et de développement économiques (2015), Consequences of Corruption at the Sector Level and Implications for Economic Growth and Development (Les conséquences de la corruption au niveau sectoriel et les implications qui en découlent pour la croissance et le développement économiques), Paris, éditions de l’OCDE.
(16) Voir Van Aaken, A., Feld, L. P., & Voigt, S. (2010), «Do independent prosecutors deter political corruption? An empirical evaluation across seventy-eight countries» (L’existence de procureurs indépendants a-t-elle un effet dissuasif sur la corruption politique? Évaluation empirique dans 78 pays), American Law and Economics Review, 12(1), p. 204-244.
(17) Voir Chemin, Matthieu (2009), «Do judiciaries matter for development? Evidence from India» (Les systèmes judiciaires ont-ils une influence sur le développement? Éléments de preuve provenant d’Inde), Journal of Comparative Economics, 37, p. 230-250.
(18) JO C 282 du 20.8.2019, p. 39.
(19) La comparaison entre les patrouilles de police et les alarmes d’incendie appliquée aux activités de veille a été proposée dans l’article suivant: McCubbins, M. D., & Schwartz, T. (1984), «Congressional oversight overlooked: Police patrols versus fire alarms» (La surveillance du Congrès négligée: patrouilles de police contre alarmes incendie), American journal of political science, p. 165-179.
(20) JO C 440 du 6.12.2018, p. 106.
(21) Voir Kelemen, R. D. (2017), «Europe’s other democratic deficit: National authoritarianism in Europe’s Democratic Union» (L’autre déficit démocratique de l’Europe: l’autoritarisme national dans l’Union démocratique de l’Europe), Government and opposition, 52(2), p. 211-238.
(22) Document de travail no 13/2016, «The Size and Scope of the European Third Sector» (La taille et la portée du secteur tertiaire européen), p. 8.
(23) JO C 62 du 15.2.2019, p. 178.
(24) JO C 282 du 20.8.2019, p. 39, recommandations formulées au paragraphe 1.11.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/24 |
Avis du Comité économique et social européen sur «la protection des mineurs isolés migrants en Europe»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/04)
Rapporteure: |
Özlem YILDIRIM (FR-II) |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en section |
9.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
215/1/5 |
1. Recommandations et observations
1.1. |
Le CESE recommande une nouvelle fois que le principe de l’«intérêt supérieur de l’enfant» prime sur toute autre disposition de droit national et international. |
1.2. |
Le CESE exhorte l’Union européenne à développer une approche cohérente et harmonisée de la protection des MENA en Europe. |
1.3. |
Le CESE fait état de sa vive préoccupation à l’égard de la situation des MENA qui comptent parmi les personnes les plus vulnérables dans le contexte de la migration et sont dès lors exposés à un risque accru de violation de leurs droits fondamentaux. |
1.4. |
Le CESE réitère sa demande aux États membres de faire en sorte que les enfants en situation irrégulière soient protégés en tant qu’enfants avant tout, et par les systèmes nationaux de protection de l’enfance. |
1.5. |
Le CESE exhorte les États membres à prévenir toutes les violences exercées contre des enfants migrants en créant des voies de migration sûres, légales et régulières. |
1.6. |
Le CESE rappelle une nouvelle fois (1) l’interdiction absolue de détention des enfants quelle que soit leur situation administrative. Il condamne fermement cette pratique et rappelle qu’elle est en violation de la Convention internationale des droits de l’enfant. |
1.7. |
Pour protéger efficacement les MENA, le CESE exhorte les États membres à allouer les ressources nécessaires aux services publics et à offrir des services adaptés, notamment par le biais de formation spécialisées et de renforcement des capacités des professionnels de la protection de l’enfance. |
1.8. |
Le CESE invite la Commission européenne à établir une Directive relative à la protection des MENA qui aurait comme corollaire l’intérêt supérieur de l’enfant. |
1.9. |
Le CESE rappelle que tout MENA doit être, dans les plus brefs délais et jusqu’à sa majorité, assisté par un tuteur compétent qui devra être informé de toutes les décisions prises le concernant et l’assister tout au long de sa procédure. Ce tuteur devra toujours être en capacité d’agir dans l’intérêt de l’enfant et ne pas être en conflit d’intérêt avec les services nationaux de protection de l’enfance. |
1.10. |
Le CESE rappelle qu’en vertu du principe de «présomption de minorité», un jeune se présentant comme mineur doit être considéré comme tel jusqu’à ce qu’une décision de justice ayant autorité de chose jugée soit rendue. |
1.11. |
Le CESE invite les États membres à évaluer la minorité en s’appuyant sur un faisceau d’indices, aux premiers rangs desquels les déclarations de l’intéressé, les documents d’état civil présentés, les entretiens conduits avec l’intéressé par des professionnels compétents, et le cas échéant, la vérification de l’authenticité des documents d’état civil. |
1.12. |
Le CESE invite, en l’absence de réelle fiabilité des tests osseux, à les cesser purement et simplement. Le CESE considère que ce n’est pas parce qu’on ne possède pas de moyen de vérification fiable qu’il faut avoir recours à des moyens que l’on sait approximatifs. |
1.13. |
Étant donné la difficulté de couvrir tous les questions et principes liés aux MENA dans cet avis, le CESE propose de mener une série d’études de suivi axées sur des sous-thèmes spécifiques. |
2. Contexte
2.1. |
Le mineur étranger non accompagné, («MENA», encore appelé «mineur isolé étranger») est «un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride âgé de moins de dix-huit ans» qui soit «entre sur le territoire des États membres sans être accompagné d’un adulte qui est responsable de lui, de par le droit ou la pratique en vigueur dans l’État membre concerné, et tant qu’il n’est pas effectivement pris en charge par une telle personne» soit «a été laissé seul après être entré sur le territoire des États membres» (2). |
2.2. |
Les MENA sont présents dans tous les États membres de l’UE, mais en 2019, 60 % de l’ensemble des MENA ont été enregistrés dans quatre pays (Grèce, Allemagne, Belgique et Pays-Bas). En 2019, 13 800 demandeurs d’asile ayant sollicité une protection internationale dans les 27 États membres de l’Union européenne (UE) étaient considérés comme étant des mineurs non accompagnés. Au niveau de l’UE, les MENA représentaient 7 % de l’ensemble des demandeurs d’asile âgés de moins de 18 ans. La plupart étaient des garçons (85 %). Deux tiers étaient âgés de 16 ou 17 ans (soit 9 200 personnes), ceux âgés de 14 ou 15 ans représentaient 22 % des mineurs non accompagnés (3 100 personnes) et enfin, ceux de moins de 14 ans 11 % (1 500 personnes) (3). |
2.3. |
Les enfants migrants font partie des groupes les plus vulnérables de nos sociétés. Privés de leurs parents, ce qui constitue en soi une forte insécurité et un danger, les MENA ont très souvent eu un parcours migratoire long, chaotique, traumatisant et marqué par la violence. Ils continuent à être exposés à de multiples dangers et sont des proies particulièrement vulnérables pour les réseaux criminels: trafic d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle et travail des enfants notamment. |
2.4. |
Le CESE recommande une nouvelle fois que le principe de l’«intérêt supérieur de l’enfant» prime sur toute autre disposition de droit national et international (4). |
2.5. |
Il affirme également que les situations diverses et compliquées auxquels les MENA font face requièrent des approches multidisciplinaires (juridico-psycho-médico-sociales), exhaustives et holistiques. |
2.6. |
La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (1989, «CIDE») constitue le cadre général de protection des enfants en Europe. Pourtant, ni cet instrument, ni la Convention européenne des droits de l’homme (1950), ni la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants (1996) ne prévoient de dispositions spécifiques s’appliquant directement aux MENA. |
2.7. |
Il faudra attendre le 26 juin 1997 pour que le Conseil de l’Europe adopte le premier instrument juridique traitant spécifiquement de la question des enfants migrants non accompagnés. Cette résolution est toutefois un instrument non contraignant. Si des textes européens font bien référence aux MENA, tels que la directive retour ou la directive 2003/9/CE (5), aucun instrument spécifique à l’échelle de l’UE n’a été rédigé. |
2.8. |
Dès lors, en l’absence d’un cadre juridique précis, les États membres font face à de grandes difficultés pour gérer la problématique des MENA de manière concertée et cohérente. Force est donc de constater que dans les États membres, la situation des MENA se caractérise par d’énormes disparités dans les législations qui définissent la manière dont ils doivent être traités et les procédures auxquelles ils sont soumis (détermination de l’âge, tuteurs, droits, etc.). |
2.9. |
Ainsi, le cadre juridique applicable aux MENA doit être renforcé par les États membres Le CESE invite la Commission européenne à établir une directive relative à la protection des MENA qui aurait comme corollaire l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette nécessité est encore plus évidente au vu des situations déplorables de nombreux MENA dénoncées partout en Europe par des associations de défense des droits des enfants. |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE fait état de sa vive préoccupation à l’égard de la situation des MENA, qui comptent parmi les personnes les plus vulnérables dans le contexte de la migration et sont dès lors exposés à un risque accru de violation de leurs libertés et droits fondamentaux. |
3.2. |
La CIDE fait obligation aux États d’accorder aux enfants sans papiers le même traitement qu’à «tous» les enfants, sans distinction (6). Le CESE constate que dans la pratique il existe une tension entre les dispositions législatives nationales régissant le contrôle de l’immigration et celles qui concernent la protection des enfants. Le CESE réitère sa demande aux États membres de faire en sorte que les enfants en situation irrégulière soient protégés en tant qu’enfants avant tout, et par les systèmes nationaux de protection de l’enfance (7). |
3.3. |
Le CESE exhorte les États membres à prévenir toutes les violences exercées contre des enfants migrants en créant des voies de migration sûres, légales et régulières telles que des procédures souples, rapides et efficaces notamment de regroupement familial, l’augmentation des quotas de réinstallation des migrants ou l’octroi de visas humanitaires, ce qui renforcera les garanties pour les enfants et les membres de leur famille. |
3.4. |
Le CESE exhorte les États membres à mettre en place des procédures spécifiques et efficaces de régularisation de leur séjour à la recherche d’une «solution durable» pour les MENA garantissant leur intérêt supérieur. |
3.5. |
Le CESE rappelle l’interdiction absolue de détention des enfants quelle que soit leur situation administrative. Il condamne fermement cette pratique et rappelle qu’elle est en parfaite violation de la CIDE (article 3). Le CESE constate (8) en effet que la détention peut avoir de très sévères conséquences sur la santé et le développement des enfants, quelle que soit la durée de cette détention. La détention est toujours contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant (9). |
3.6. |
Le CESE invite les États membres à édicter des législations nationales interdisant la détention et favorisant le développement d’alternatives adaptée à la particulière vulnérabilité des MENA — comme la prise en charge par des familles d’accueil et le placement dans un lieu de vie autonome surveillé. |
3.7. |
Le CESE rappelle l’importance de la garantie du respect du droit des enfants à prendre part aux décisions qui les concernent. |
3.8. |
Le CESE recommande aux États membres de prévoir des garanties légales pour l’accès des MENA aux procédures de protection internationale et des garanties que des informations adaptées à leur âge leur soient fournies. Pour ce faire, il apparaît opportun de créer des unités d’asile spécialisées dans l’assistance aux enfants migrants et dans la communication d’informations adaptées aux enfants, dans leur langue maternelle, notamment en intégrant la prise en compte de considérations liées au genre et à la dimension transculturelle dans ces dispositifs nationaux. |
3.9. |
Pour protéger les MENA contre toutes les formes d’exploitation, le CESE invite les États membres à accorder aux enfants qui font l’objet d’exploitation et de violences le statut de victime de traite d’êtres humains assorti de l’obtention d’un titre de séjour. Le CESE insiste également sur la nécessaire urgence des décisions rendues concernant les MENA. |
3.10. |
Les MENA ne devraient jamais être soumis à des procédures pénales pour des motifs exclusivement liés à leur statut au regard de l’immigration ou quand leur participation à des activités criminelles résulte de leur exploitation. |
3.11. |
Pour protéger de manière efficiente les MENA, le CESE exhorte les États membres et l’Union européenne à allouer les ressources nécessaires aux services publics et à offrir des services adaptés, notamment par le biais de formation spécialisées et de renforcement des capacités des professionnels de la protection de l’enfance. Cette formation devrait être mise en place à l’échelle européenne. |
3.12. |
La protection des MENA ne s’arrête pas aux frontières européennes. Le CESE encourage l’UE et les États membres à prioriser les besoins et les droits des MENA dans les instruments et actions extérieures, en particulier lors de la conclusion d’accords ou de programmes de coopération. |
3.13. |
Le CESE rappelle que tous les MENA doivent être dans les plus brefs délais et jusqu’à leur majorité assistés par un tuteur compétent qui devra être informé de toutes les décisions prises les concernant et les assister tout au long de leur procédure. Ce tuteur devra toujours être en capacité d’agir dans l’intérêt de l’enfant et ne pas être en conflit d’intérêt avec les services nationaux de protection de l’enfance. |
3.14. |
Comme le CESE l’a déjà rappelé, bien que la législation de l’UE reconnaisse l’importance de la tutelle légale, elle ne définit pas les obligations du tuteur légal. Le tuteur légal devrait être un «représentant qualifié» qui ait une expérience des contacts avec les mineurs ainsi qu’une connaissance du droit national en matière de droits des étrangers et de la législation sur la protection des enfants, et qui ait autorité de représenter l’enfant tout au long du processus décisionnel (10), à condition que l’enfant y consente (11). La procédure de désignation des tuteurs en Belgique pourrait servir de source d’inspiration (12). |
3.15. |
Le CESE rappelle qu’en plus de l’assistance juridique, le MENA doit également avoir accès à une protection sociale et à une structure d’accueil et d’hébergement provisoire de qualité décente. Cet accueil devra être adapté à sa vulnérabilité, avec un accompagnement de professionnels spécialistes de la jeunesse, une possibilité de bilan médical ou psychologique et accès aux soins de santé. |
3.16. |
Les MENA doivent également avoir accès à l’enseignement dans le respect des choix du mineur et le cas échéant de son tuteur. Par ailleurs, les programmes Erasmus et Erasmus+ pourraient également faciliter la participation des MENA et anciens MENA devenus majeurs. |
3.17. |
Le CESE insiste sur l’importance d’informer chaque enfant, en fonction de son âge, des droits que lui confère la Convention des Nations unies, et de permettre ainsi aux mineurs dépourvus d’une tutelle adéquate de demander une protection. |
4. Observations particulières
4.1. |
L’article premier de la CIDE définit l’enfant comme toute personne âgée de moins de 18 ans. Sa situation juridique particulière lui assure un ensemble de droits que les États parties doivent assurer. Cette protection est tributaire de sa condition de minorité ce qui en pratique et dans tous les États membres pose la question de la détermination de son âge. |
4.2. |
Le CESE rappelle qu’en vertu du principe de «présomption de minorité», un jeune se présentant comme mineur doit être considéré comme tel jusqu’à ce qu’une décision de justice ayant autorité de chose jugée soit rendue. Il doit dès lors être immédiatement mis à l’abri dans des conditions dignes et compatibles avec sa particulière vulnérabilité. |
4.3. |
Le CESE rappelle également qu’une présomption de validité des actes d’état civil étrangers présentés par le jeune en faveur de sa minorité doit s’appliquer et qu’ils doivent être les premiers éléments à prendre en considération pour établir la minorité. Seule une contestation formelle de l’authenticité de l’acte d’état civil présenté devrait permettre de renverser la présomption de validité qui s’y rattache. |
4.4. |
Le CESE rappelle qu’en vertu de l’article 8 de la CIDE, «si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible» (13). |
4.5. |
Or, la procédure de vérification de l’âge du migrant ne devrait intervenir en principe que lorsqu’il ne possède pas de documents administratifs officiels prouvant son âge et en cas de doute sérieux (14). |
4.6. |
Le CESE constate une nouvelle fois qu’il n’existe pas de cohérence dans les États membres face aux méthodes d’évaluation de l’âge du MENA, dont aucune n’a démontré sa fiabilité. |
4.7. |
Le CESE invite les États membres à évaluer la minorité en s’appuyant sur un faisceau d’indices, au premier rang desquels les déclarations de l’intéressé, les documents d’état civil présentés, les entretiens conduits avec l’intéressé et, le cas échéant, la vérification de l’authenticité des documents d’état civil, soulignant que l’expertise médicale de l’âge ne peut intervenir qu’en cas de doute persistant et en dernier recours. |
4.8. |
Compte tenu de leur particulière vulnérabilité, le CESE rappelle que le bénéfice du doute doit profiter aux MENA. |
4.9. |
Le CESE rappelle que l’expertise par examen osseux pratiquée dans de très nombreux États est très contestée quant à sa fiabilité scientifique par des institutions et des experts internationaux (15) mais également critiquée pour le non-respect de la vie privée de l’enfant, les dangers potentiels sur sa santé (lors de l’usage de rayons X) ainsi que les erreurs possibles. |
4.10. |
Le CESE invite les États membres, en l’absence d’une réelle fiabilité de ces tests, à les cesser purement et simplement. Le CESE considère que ce n’est pas parce qu’on ne possède pas de moyen de vérification fiable qu’il faut avoir recours à des moyens que l’on sait approximatifs. |
4.11. |
Le CESE exhorte les États membres à protéger les MENA en leur donnant le temps et de véritables moyens pour établir leur identité en utilisant par exemple la coopération diplomatique (sous réserve de l’accord et en l’absence de mise en danger du jeune), en fournissant des commencements de preuve, comme des rapports d’expertise psycho-sociales, pour établir sa minorité. |
4.12. |
Le CESE propose qu’en dernier recours, en l’absence de preuves documentaires et en cas de doutes sérieux sur l’âge du mineur, une évaluation de l’âge par une approche multidisciplinaire soit menée par des professionnels indépendants, ayant une expertise appropriée et des connaissances sur les origines culturelles et ethniques de l’individu. Les procédures appliquées en Angleterre pourront servir de source d’inspiration. |
4.13. |
Le CESE invite les États membres à mettre en place une commission de supervision à l’échelle européenne pour proposer une évaluation holistique de l’âge commune aux États membres et superviser les protocoles et pratiques en matière d’estimation de l’âge. |
4.14. |
Sous peine d’inefficacité, les conclusions de toute procédure doivent être impérativement motivées et pouvoir faire l’objet d’un recours suspensif, effectif, rapide et susceptible d’appel. |
5. Observations spéciales COVID-19
5.1. |
La pandémie de COVID-19 renforce immanquablement les risques rencontrés par les MENA dont l’état de santé est déjà souvent fragilisé: impossibilité de respecter les mesures de confinement, accès insuffisant à l’alimentation, à l’hygiène et à l’eau, carences d’informations adaptées sur les gestes barrières et les précautions à prendre, difficultés d’accès aux soins. |
5.2. |
Le CESE appelle toutes les institutions européennes à entreprendre toutes les actions nécessaires pour veiller à ce que les droits de tous les enfants garantis par les textes internationaux soient respectés pendant la crise sanitaire liée à la COVID-19, et qu’ils soient protégés dignement face à la crise économique qui se profile. |
5.3. |
Le CESE se réjouit de la récente relocalisation de MENA de Grèce au Luxembourg, au Portugal, en France, en Finlande et en Allemagne et demande instamment aux États membres de prioriser et poursuivre la relocalisation immédiate de ceux qui vivent dans des conditions indignes, notamment en Grèce (16). |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre l’abus et l’exploitation sexuels des enfants et contre la pédopornographie, abrogeant la décision-cadre 2004/68/JAI» (JO C 48 du 15.2.2011, p. 138).
(2) Article 2 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 (JO L 337 du 20.12.2011, p. 9).
(3) https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/10774042/3-28042020-AP-FR.pdf/a5951a9e-fe8f-ef1a-64f1-cdedfc925eb2
(4) Voir en ce sens notamment, la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, la Convention Européenne sur l’exercice des droits des enfants, et l’avis du CESE du 15 octobre 2014, «Protection internationale des mineurs non accompagnés» (JO C 12 du 15.1.2015, p. 69).
(5) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008(JO L 348 du 24.12.2008, p. 98), dite «Directive retour»: «avant que soit prise une décision de retour concernant un mineur non accompagné, l’assistance d’organismes compétents autres que les autorités chargées d’exécuter le retour est accordée en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant». La directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 (JO L 31 du 6.2.2003, p. 18) définit des termes clés dont celui de mineur non accompagné.
(6) Article 2 CIDE.
(7) Avis du CESE sur la «protection internationale des mineurs non accompagnés» (JO C 12 du 15.1.2015, p. 69).
(8) Voir «A study of immigration detention practices and the use of alternatives to immigration detention of children», PACE Committee on Migration, Refugees and Displaced Persons, 2017.
(9) The European Network of Ombudspersons for Children (ENOC), Position Statement on «Ending detention of children for immigration purposes», adopted by the 23rd ENOC, 27 September 2019.
(10) Voir en ce sens «La protection des mineurs migrants non accompagnés en Europe», Nisrine Eba Nguema, 2015; https://doi.org/10.4000/revdh.1147.
(11) Convention de La Haye de 1996.
(12) La Belgique a mis en place un service de désignation de tuteur très rapide. Tous les MENA se voient désigner un tuteur pouvant être un particulier (après une procédure de sélection et avoir suivi une formation) qui l’accompagnera dans toutes ses procédures: voir https://justice.belgium.be/fr/themes_et_dossiers/enfants_et_jeunes/mineurs_etrangers_non_accompagne. Ses missions sont définies ainsi: «En tant que représentant légal chargé de veiller au bien-être général du mineur, le tuteur apparaît comme le “fil rouge” garant du développement des aptitudes nécessaires à une participation active à la société.»: https://justice.belgium.be/fr/themes_et_dossiers/enfants_et_jeunes/mineurs_etrangers_non_accompagnes/tuteur/missions_du_tuteur.
(13) Voir également article 24 du PIDCP de 1966 et l’article 7 CIDE.
(14) Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (juillet 2010) et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (15 avril 2011) ont précisé que l’évaluation de l’âge ne devrait intervenir qu’en cas de doute.
(15) Fiabilité scientifique remise en cause notamment par le Parlement européen (résolution du 12 septembre), ou encore dans les recommandations du Comité des droits de l’enfant du 12 juin 2009. L’Ordre national des médecins en Belgique (avis du 20 février 2010), l’Académie nationale de médecine en France condamnent la fiabilité de ces tests. Le Défenseur des droits en France condamne l’utilisation des tests osseux (26 février 2016). Voir également en ce sens le rapport de la plateforme «Mineurs en exil» (Belgique) «L’estimation de l’âge des MENA en question: problématique, analyse et recommandations», septembre 2017.
(16) Voir https://www.unhcr.org/fr/news/press/2020/4/5e980505a/agences-lonu-felicitent-premiere-relocalisation-denfants-accompagnes-grece.html et https://www.eepa.be/?p=3856.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/30 |
Avis du Comité économique et social européen sur «la passation de marchés publics comme instrument pour créer de la valeur et de la dignité dans le travail dans les services de nettoyage et d’entretien»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/05)
Rapporteur: |
Diego DUTTO |
Corapporteur: |
Nicola KONSTANTINOU |
Décision de l’Assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) |
Adoption par la CCMI |
2.9.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
192/7/18 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La Commission européenne, le Parlement européen et les États membres doivent mettre au point les instruments de soutien nécessaires pour favoriser le recours à une passation stratégique des marchés publics afin de faire avancer l’utilisation systématique de critères stratégiques durables, transparents, ambitieux et applicables visant à garantir des normes sociales et de qualité plus élevées dans le cadre des marchés publics. |
1.2. |
Pour garantir que les services de nettoyage soient axés sur la qualité et non sur le prix, il y a lieu de respecter le principe de transparence tant pour le client que pour le contractant. Il convient de définir et d’énumérer en détail les spécifications du contrat, notamment pour ce qui est de la fréquence, du temps, de la sécurité et de la santé sur le lieu de travail et des coûts financiers du nettoyage (1). Afin d’évaluer la qualité des services de nettoyage fournis, il est essentiel de vérifier l’application de ces critères tout au long de la durée de validité du contrat. |
1.3. |
Comme le prévoit la recommandation de la Commission du 3 octobre 2017 (2), il convient d’associer les partenaires sociaux à la formation et à la professionnalisation des acheteurs publics. |
1.4. |
La Commission européenne et les États membres devraient prendre l’initiative afin de lutter contre le travail non déclaré et d’améliorer encore les conditions d’emploi dans le secteur du nettoyage. Renforcer la réglementation adéquate et les mécanismes de contrôle de son application, tels que les critères de rémunération et la négociation collective sectorielle, peut contribuer à une concurrence loyale, des normes sociales plus élevées et des emplois de qualité. |
1.5. |
Le CESE demande à la Commission européenne, au Parlement européen, aux États membres et aux collectivités régionales et locales de recourir aux services de nettoyage de jour pour tous leurs marchés publics, lorsque cela est possible. |
1.6. |
Il est possible de parvenir à assurer une concurrence équitable en s’attachant aux aspects de qualité et au respect de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que des règles nationales concernant la possibilité de faire du respect des conventions collectives une condition de l’attribution des marchés publics. Les États membres, en concertation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques nationales, devraient promouvoir la couverture des conventions collectives au sein de l’industrie nationale du nettoyage au niveau sectoriel et veiller à ce qu’elles soient appliquées. |
1.7. |
La main-d’œuvre du secteur est principalement composée de femmes et de ressortissants de pays tiers. Dès lors, il se peut qu’elle soit plus directement concernée par les politiques d’achat des administrations publiques. Par conséquent, le CESE estime qu’en plus des conventions collectives, il convient de mettre en place des garanties supplémentaires afin de respecter les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement des travailleurs. Le CESE suggère que, dans les critères d’attribution des marchés publics, des points supplémentaires soient accordés pour récompenser les formes d’intégration et d’aide telles que les formations spécialisées, les services d’aide familiale — soutien après les cours à l’intention des mineurs, par exemple — et d’autres mesures à caractère social offertes par les entreprises. |
1.8. |
Lors de la révision des directives de l’Union de 2014 sur la passation des marchés publics, le CESE recommande de faire apparaître hors du champ de la concurrence sur les composantes de la formation des prix les coûts de la sécurité et de la formation obligatoires, en tant qu’élément incompressible et vérifiable de la ventilation des coûts qui composent l’offre. |
1.9. |
Le CESE recommande de respecter, tout au long de la cascade de contrats de sous-traitance et de l’exécution des contrats, les exigences de durabilité, les droits des travailleurs et les conventions collectives d’application générale, en engageant la responsabilité du pouvoir adjudicateur, du principal contractant et de ses sous-traitants à l’égard de chacun de ses partenaires contractuels immédiats. |
1.10. |
Le CESE demande aux États membres qui ne l’auraient pas encore fait d’accorder une attention particulière au respect de toutes les obligations statutaires et contractuelles et des aspects de sécurité et de santé au travail, ainsi qu’à leur contrôle dans les faits, concernant les aspects sociaux, environnementaux et de durabilité au cours de la phase d’exécution des marchés publics dans le secteur du nettoyage. |
1.11. |
Au vu des obligations qui incombent aux États membres, aux pouvoirs adjudicateurs et à la Commission en vertu des articles 83 à 85 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil (3), le CESE demande à tous ces organismes publics de rendre publiques sans plus tarder les données dont ils disposent, en veillant en particulier à faire connaître les critères de l’attribution des marchés de nettoyage, ainsi que la pondération relative desdits critères. La Commission européenne est invitée à soutenir financièrement les projets de suivi et les travaux de recherche menés par les partenaires sociaux du secteur sur la question des marchés publics dans les services de nettoyage et d’entretien. |
1.12. |
La Commission européenne devrait renforcer l’architecture législative et la capacité de négociation des partenaires sociaux au niveau national, en prévoyant notamment d’allouer des financements au titre du renforcement des capacités notamment dans les pays de l’Europe du Sud-Est et de l’Europe centrale et orientale (4). |
1.13. |
Le CESE recommande que, lors de leur révision, les directives européennes de 2014 sur la passation des marchés publics, pour des services à forte intensité de main-d’œuvre tels que les services de nettoyage, invitent ou obligent les États membres à exclure le recours au critère du prix le plus bas lors de l’attribution d’un contrat, à établir un plafond de 30 % pour la note attribuée au prix par rapport à la note attribuée à la qualité et à garantir, par la voie de clauses sociales spécifiques, la stabilité de l’emploi du personnel employé au titre de l’offre, de manière certes conforme à la directive 2001/23/CE (5) (sur le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises) et telle qu’interprétée par la jurisprudence de l’Union, adaptée aux modalités du travail de l’entreprise et conforme à la négociation collective. |
1.14. |
Le CESE demande aux pouvoirs adjudicateurs d’utiliser leurs propres estimations de coûts pour les services de nettoyage, en consultant des outils sectoriels spécialisés tels que le guide «Choisir le mieux disant» et des exemples nationaux pour évaluer correctement le marché du secteur, ainsi qu’en réservant une partie de ces services aux marchés réservés prévus par l’article 20 de la directive 2014/24/UE, tel que transposé par les États membres dans leurs propres codes des marchés publics. |
1.15. |
La Commission européenne devrait encourager les États membres à lancer un processus d’accréditation ou un système de qualification pour les contractants qui entendent participer aux marchés publics de nettoyage. Il convient qu’un comité d’évaluation supervise ce processus, qui se composerait d’un certain nombre de parties prenantes, dont les syndicats et un représentant des contractants du secteur. |
1.16. |
Sachant que le risque de COVID-19 persiste, le risque de contagion du fait du coronavirus ou de tout autre pathogène similaire requiert une protection des travailleurs et du public. Le CESE recommande à la Commission et aux États membres d’élaborer, avec l’aide des partenaires sociaux, des protocoles contraignants en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail. |
1.17. |
Le CESE demande en outre aux États membres d’agir et de dialoguer avec les partenaires sociaux afin de débattre de solutions temporaires concrètes afin de revenir rapidement à des pratiques équitables et axées sur la qualité en matière de marchés publics. |
1.18. |
À la lumière de la crise de la COVID-19, le CESE recommande que les États membres fassent progresser la formation et la professionnalisation du personnel de nettoyage. Il convient de dégager des ressources financières de manière à permettre aux pouvoirs publics et aux entreprises contractantes d’investir dans la formation et les compétences. Il convient d’encourager les travailleurs employés dans les services de nettoyage et d’assainissement à acquérir des qualifications professionnelles, posant ainsi les bases d’une amélioration des possibilités d’emploi pour les personnes vulnérables. |
1.19. |
Le CESE plaide pour que les institutions de l’Union, les États membres et les collectivités locales et régionales adoptent une approche globale de l’acquisition de services de nettoyage. Une telle approche ne vise pas à trouver un compromis entre conditions environnementales et conditions de travail, mais elle fait progresser la cohésion sociale, les normes du travail, l’égalité entre les hommes et les femmes et les objectifs environnementaux avancés par le pacte vert de la Commission européenne. |
2. Observations générales
2.1. |
Le présent avis vise principalement à formuler des recommandations en vue d’utiliser la passation de marchés publics pour renforcer l’emploi de bonne qualité et la dignité au travail dans les services de nettoyage et d’entretien. |
2.2. |
Nombre de ces recommandations ont une portée générale et peuvent s’appliquer à l’ensemble des secteurs de l’économie. C’est tout particulièrement le cas des secteurs des services à forte intensité de main-d’œuvre, tels que la sécurité privée et la restauration. |
3. Historique et contexte
3.1. |
«Chaque année, au sein de l’Union européenne, plus de 250 000 collectivités publiques de l’UE dépensent quelque 14 % du produit intérieur brut (soit environ 2 000 milliards d’EUR par an) pour acheter des services, des travaux et des fournitures» (6). Les services, tels que ceux de nettoyage, constituent la partie principale de ces marchés publics. En 2017, la valeur des contrats attribués pour des services a ainsi atteint 250 milliards d’EUR (7). |
3.2. |
Les marchés publics peuvent appuyer l’investissement dans l’économie réelle, favoriser et créer des emplois de qualité et promouvoir l’inclusion et de meilleures conditions pour les personnes handicapées et les personnes défavorisées telles que les travailleurs migrants (8). Ils peuvent également encourager la demande de produits innovants, poursuivre des objectifs de politique industrielle et promouvoir la transition vers une économie circulaire efficace sur le plan des ressources et des énergies (9). |
3.3. |
Pour ce qui est de la directive 2014/24/UE de l’Union européenne sur la passation des marchés publics, le recours à «l’offre économiquement la plus avantageuse» devrait intégrer tous les critères stratégiques visés au paragraphe 3.2 ci-avant. Étant donné que les règles demeurent vagues, la majorité des marchés publics continuent d’être attribués au moins offrant, parfois même à une offre anormalement basse (10). |
3.4. |
Les directives sur la passation des marchés publics ne sont pas actuellement exploitées à leur plein potentiel, et leur application varie considérablement d’un État membre à l’autre. De ce fait, une collectivité publique doit décider de ses priorités (11). |
3.5. |
Il s’agit d’une question de nature avant tout politique et accessoirement technique. La décision relative à la nature des services que l’on souhaite acquérir et aux critères qu’il convient d’utiliser pour ce faire, ainsi qu’à leur pondération relative, constitue un élément du processus de prise de décision politique. De telles décisions posent le cadre et les paramètres fondamentaux qui président à la procédure d’attribution. Omettre de prendre en compte les droits des travailleurs et les droits environnementaux et sociaux créerait des conditions de concurrence inégales. |
4. La crise de la COVID-19, l’industrie des services de nettoyage et les marchés publics
4.1. |
La pandémie de COVID-19 a mis en relief la valeur fondamentale que revêt le travail des agents de nettoyage en tant que bien commun. Les entreprises contractantes doivent satisfaire à des exigences de qualifications, d’efficacité et de spécialisation. Dans leur déclaration commune du 22 avril 2020, les partenaires sociaux de l’UE que sont la Fédération européenne du nettoyage industriel (FENI) et UNI Europa mettent en relief le rôle crucial de l’industrie du nettoyage et de ses travailleurs dans la prévention de la propagation du virus (12). |
4.2. |
En 2018, 4,11 millions de travailleurs œuvraient dans le secteur du nettoyage dans l’Union européenne au sein de 283 506 entreprises. Depuis le milieu des années 2010, ce secteur enregistre une augmentation constante de son chiffre d’affaires. Dans le même temps, le chiffre d’affaires par entreprise a atteint 393 000 EUR en 2017. Selon la FENI, «le chiffre d’affaires moyen par travailleur a atteint près de 30 000 EUR». Le chiffre d’affaires par salarié s’élève à 27 400 EUR et les travailleurs perçoivent un salaire annuel moyen de 12 200 EUR. Une grande partie de la main-d’œuvre de l’industrie européenne du nettoyage travaille à temps partiel. En outre, dans un secteur à forte intensité de main-d’œuvre comme celui-là, les marges des entreprises ne dépassent pas 3 %. Les entreprises contractantes ont supporté des dépenses supplémentaires en raison de la pandémie de COVID-19, du fait de la nécessité de protéger à la fois les intérêts de leurs clients et leurs travailleurs. Parmi ces travailleurs, la proportion de travailleurs à temps partiel, de femmes et d’immigrés est particulièrement élevée. Celle des femmes est systématiquement supérieure à 50 % (sauf au Danemark) et atteint des sommets de plus de 80 % en Lituanie, au Luxembourg, au Portugal et au Royaume-Uni (13). Dans toute l’UE, 30 % des agents de nettoyage sont des immigrés (60 % en Belgique). |
4.3. |
Les barrières à l’entrée sur le marché des services de nettoyage et d’entretien sont faibles, voire inexistantes. Les services de nettoyage affichent une forte intensité de main-d’œuvre: le coût de cette dernière représente près de 80 % des revenus des entreprises, et les marges des prestataires de nettoyage sont très étroites. Par conséquent, les décisions d’achat des clients, qu’ils soient publics ou privés, entraînent une pression à la baisse des prix qui porte atteinte aux normes sociales et à la dignité des travaux de nettoyage. |
4.4. |
Au cours de la crise de la COVID-19 et dans son sillage, les services de nettoyage et d’entretien ne peuvent continuer de garantir la valeur et la dignité des normes élevés d’emploi de qualité que si leurs travailleurs sont suffisamment qualifiés et disposent des équipements techniques adéquats et s’il existe une définition claire des droits et obligations des employeurs et des travailleurs. Cette exigence pourrait obliger les pouvoirs publics à payer un prix plus élevé pour les services de nettoyage. En effet, en raison de la suspension des activités durant la crise de la COVID-19, de nombreux prestataires de services ont été confrontés à de graves problèmes de trésorerie et ont supporté des coûts supplémentaires pour mettre en œuvre les mesures de santé et de sécurité requises pour protéger à la fois les travailleurs et les clients. Ces problèmes financiers sont exacerbés par les mauvaises pratiques contractuelles des acheteurs publics et privés. Afin d’aider les entreprises à continuer de garantir la santé et la sécurité de leurs agents de nettoyage ainsi que le maintien et l’amélioration de la qualité de leurs conditions d’emploi, le CESE invite les acheteurs publics et privés à garantir un retour rapide à des marchés publics efficaces, à des pratiques contractuelles équitables et à une meilleure prise en compte des critères de qualité (14). Les agents de nettoyage travaillent souvent dans des conditions dangereuses et risquées susceptibles de mettre en danger leur santé (15). Si certains travailleurs préfèrent travailler à temps partiel, d’autres souhaitent effectuer davantage d’heures ou travailler à temps plein. Toutefois, il peut parfois être difficile pour les employeurs de proposer des contrats à temps plein. En outre, malgré l’engagement des partenaires sociaux en faveur du nettoyage de jour, les services de nettoyage sont souvent fournis par des travailleurs qui travaillent seuls pendant la nuit. Cela est souvent dû aux besoins du client. De telles pratiques d’emploi contribuent à l’invisibilité persistante (16) du travail des agents de nettoyage, à sa dévalorisation et à l’absence de sa reconnaissance (17). Malheureusement, des contrats «zéro heure» existent encore dans certains États membres. Les pouvoirs publics ont une responsabilité dans la mesure où ce sont eux qui continuent de gérer les contrats, d’en assurer le suivi et d’en évaluer la qualité. L’objectif devrait être d’offrir aux travailleurs davantage de possibilités de travailler durant la journée en une seule équipe et d’être employés au titre de contrats à plein temps pour améliorer leur qualité de vie. |
4.5. |
Faire du prix le plus bas l’unique critère d’attribution des marchés publics sape la prestation d’un service de qualité et contribue à détériorer les conditions de travail, à écorner (réduire) la qualité et à économiser (moindre effort) (18). Étant donné que le nettoyage est une tâche hétérogène qu’il est de surcroît malaisé de quantifier, il est difficile d’évaluer sa qualité au cours du processus et par la suite. C’est pourquoi il importe de fonder la qualité sur les résultats et sur l’ensemble du cycle de vie plutôt que sur le processus. |
4.6. |
L’expression «prix le plus bas» a disparu du texte des directives 2014/24/UE, mais l’attribution sur la base du seul prix est autorisée (article 67, paragraphe 2, dernier alinéa). Cela signifie que certains pouvoirs adjudicateurs continuent d’attribuer les contrats à l’offre la plus basse, voire même parfois à des «offres anormalement basses». Les pays qui entendent recourir au critère de l’offre économiquement la plus avantageuse pour les services à forte intensité de main d’œuvre devront franchir une étape supplémentaire, en orientant leurs administrations vers une utilisation efficace de ce critère en déterminant un plafond concernant le poids attribué au prix et en utilisant des formules qui n’accentuent pas les différences de prix entre les offres. À cette fin, une formation spécifique pour la professionnalisation des responsables des marchés publics s’impose. En outre, le prochain réexamen de ces directives devrait prévoir l’instauration de règles obligatoires pour ce qui est: a) de mettre en évidence d’éventuelles «offres anormalement basses» en établissant une obligation de vérification lorsque l’offre la moins-disante est 20 % plus basse que l’offre immédiatement supérieure; b) de vérifier de manière approfondie si le soumissionnaire a des motifs objectifs et plausibles étayant son offre basse; c) d’exclure de telles offres si le soumissionnaire ne fait pas connaître ses motifs. |
4.7. |
Aussi la crise constitue-t-elle une occasion pour les entreprises de nettoyage et pour leurs travailleurs d’affirmer auprès du public et de leurs clients directs la valeur et l’importance fondamentale des activités de nettoyage. Le guide «Choisir le mieux disant» (19) mis au point en 2017 par les partenaires sociaux du secteur du nettoyage dans l’Union européenne est susceptible d’inciter les organisations publiques et privées à attribuer des contrats de services de nettoyage à des offres qui proposent le mieux disant. Certains partenaires sociaux nationaux ont conçu des instruments similaires. |
4.8. |
La numérisation engendre des possibilités et des problèmes pour les travailleurs peu qualifiés de ce secteur, et les partenaires sociaux de l’UE estiment qu’il est possible d’utiliser les technologies pour renforcer la reconnaissance de la valeur du travail des employés du secteur, l’importance du nettoyage de manière générale, et apporter une valeur supplémentaire pour les acheteurs de services de nettoyage (20). Le projet «SK-Clean» de la FENI cartographiera les mutations des besoins en compétences du secteur et se muera en outil visant à œuvrer en faveur d’une plus grande professionnalisation des agents de nettoyage (21). |
4.9. |
Le nouveau contexte suscité par l’urgence causée par la COVID-19 exige que les autorités compétentes assurent la diffusion d’informations sur la manière d’utiliser les équipements de protection individuelle, ainsi que la fourniture d’un tel équipement approprié pour protéger les travailleurs et les personnes. Il est besoin de soutenir financièrement les entreprises pour couvrir l’augmentation des coûts supplémentaires encourus afin de prendre des mesures organisationnelles, d’évaluer et d’analyser les risques et de distribuer des équipements de protection individuelle à leurs travailleurs (22). Dans le même temps, il est essentiel que les entreprises contractantes investissent afin de pouvoir offrir à leurs clients des solutions de nettoyage qui soient novatrices et plus efficaces parce qu’elles s’appuient sur les travaux de recherche en chimie et en biologie. |
5. Marchés publics et pacte vert
5.1. |
Le pacte vert pose qu’il est possible d’utiliser les marchés publics pour réduire les émissions de carbone. Toutefois, une approche globale s’impose. |
5.2. |
Le secteur du nettoyage peut contribuer à une transition écologique et à une économie circulaire grâce à labels écologiques pour des produits de nettoyage, des savons, du papier hygiénique, des serviettes en papier respectueux de l’environnement, ainsi qu’à un tri correct des déchets. Il s’agit là aussi de l’objectif que poursuivent les labels écologiques pour les services de nettoyage (23) et les produits de nettoyage (24), même si dans la pratique, leur efficacité n’apparaît pas de manière évidente. Un refus du client de recourir à des produits et des procédures écologiques peut entraîner une augmentation des prix, qui créerait une pression accrue sur toutes les composantes des coûts. Une telle démarche pourrait également conduire à détériorer les conditions sociales, de travail et de sécurité et de santé sur le lieu de travail. En outre, tout ceci pourrait mener à restreindre davantage encore l’accès des PME aux débouchés que leur offrent les marchés publics (25). Voilà pourquoi il s’impose d’adopter une approche globale en matière de passation des marchés publics. |
5.3. |
Les travaux de recherche laissent à penser que les critères environnementaux sont trop faibles pour inciter réellement les fournisseurs à entreprendre des changements (26). Les contractants privés de services qui s’engagent en faveur de l’environnement sont dissuadés de faire valoir pleinement leur potentiel si les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas disposés à payer les coûts supplémentaires correspondants. Il s’impose donc de professionnaliser plus avant les acheteurs. |
6. Considérations d’ordre social et de qualité dans les marchés publics
6.1. |
L’article 18, paragraphe 2, de la directive 2014/24/UE prévoit que «[l]es États membres prennent les mesures appropriées pour veiller à ce que, dans l’exécution des marchés publics, les opérateurs économiques se conforment aux obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail établies par le droit de l’Union, le droit national, les conventions collectives ou par les dispositions internationales en matière de droit environnemental, social et du travail énumérées à l’annexe X». |
6.2. |
Le guide «Acheter social» publié en octobre 2010 par la Commission européenne présente à l’intention des pouvoirs adjudicateurs diverses considérations sociales interdisant le travail forcé et le travail des enfants, imposant des mesures de santé et de sécurité sur le lieu de travail, des salaires minimum, des dispositions de sécurité sociale et plus généralement des conditions de travail décentes (27). Comme chacune d’elles constitue une obligation légale, elle doit être respectée, qu’elle soit mentionnée ou non dans les clauses régissant l’exécution du contrat. |
6.3. |
Le considérant 98 de la directive 2014/24/UE prévoit que les conditions d’exécution du marché pourraient également viser à favoriser la mise en œuvre de mesures destinées à promouvoir l’égalité des femmes et des hommes au travail et la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée. |
6.4. |
Afin d’éviter que les soumissionnaires n’utilisent les coûts de la main-d’œuvre comme l’élément principal de la concurrence entre eux, chacun d’eux (y compris les sous-traitants) doit respecter des normes minimales posées au niveau local par la loi ou par des conventions collectives contraignantes et d’application générale pour ce qui est des coûts de la main-d’œuvre et des clauses types dans les marchés publics. Les conventions collectives sectorielles contraignantes et d’application générale garantissent des conditions de concurrence équitables. |
6.5. |
Si des instruments tels que ce guide «Choisir le mieux disant» peuvent atténuer la pauvreté au travail et contribuer à la cohésion sociale dans les États membres de l’Union, ils ne renforcent pas les partenaires sociaux à l’échelon sectoriel ni ne contribuent à leur capacité à mettre en place des systèmes contraignants de négociation collective sectorielle. Les États membres, auxquels ressortit cette matière, devront renforcer les règles afin de faire valoir la négociation collective dans le domaine des marchés publics. |
6.6. |
Les institutions publiques telles que les jardins d’enfants, les écoles, les maisons de soins et les hôpitaux, sont devenues des marques, qui disputent leur clientèle à d’autres institutions. Dans le cadre de cette concurrence, la «propreté» et la qualité du nettoyage sont donc vues comme un facteur de distinction, qui contribue directement à satisfaire les utilisateurs et à asseoir la compétitivité. |
6.7. |
Ne pas retenir les considérations sociales ni celles de qualité dans les marchés publics a également des répercussions négatives sur le taux de rotation des travailleurs, ce qui constitue une triple perte pour les employeurs, les clients et les travailleurs (28). |
6.8. |
Favoriser l’éducation et la formation sur le lieu de travail permet d’assurer une qualité supérieure et les droits des travailleurs dans le cadre des marchés publics. L’enseignement et la formation professionnels, la certification et la reconnaissance officielle des qualifications contribuent à la reconnaissance du secteur. La reconnaissance de leur importance dans les procédures d’appel d’offres renforcerait leur valorisation et permettrait de mieux comprendre les coûts qu’ils génèrent pour les entreprises, qu’il est nécessaire de prendre suffisamment en compte à la fois dans le prix et dans les salaires. Ce sont les entreprises de nettoyage qui sont responsables de la formation de leurs travailleurs; accepter l’offre du moins disant, c’est courir le risque que les entreprises n’aient pas les moyens d’investir dans la formation et la sécurité (ou pour ce qui est de l’équipement mécanique, dans l’innovation et la formation en rapport) au-delà du minimum qu’exige la loi. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) http://www.europeancleaningjournal.com/magazine/articles/latest-news/managing-quality-in-german-contract-cleaning (en anglais).
(2) Recommandation (UE) 2017/1805 de la Commission (JO L 259 du 7.10.2017, p. 28): https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32017H1805&from=FR.
(3) JO L 94 du 28.3.2014, p. 65.
(4) Rapport d’Eurofound: https://www.eurofound.europa.eu/fr/publications/report/2019/representativeness-of-the-european-social-partner-organisations-industrial-cleaning-sector.
(5) Directive 2001/23/CE du Conseil (JO L 82 du 22.3.2001, p. 16).
(6) https://ec.europa.eu/growth/single-market/public-procurement_fr
(7) https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2018/631048/IPOL_STU(2018)631048_EN.pdf, p. 14 (en anglais).
(8) https://ec.europa.eu/info/policies/public-procurement/support-tools-public-buyers/social-procurement_fr
(9) La Commission fournit un jeu d’outils pour aider les acheteurs publics, qui s’attachent à l’ensemble des aspects qu’il convient de prendre en considération dans le cadre des marchés publics, et non pas uniquement à ceux de ces derniers qui revêtent un caractère social: https://ec.europa.eu/info/policies/public-procurement/support-tools-public-buyers_en
(10) L’article 69 de la directive de l’UE de 2014 sur la passation des marchés publics traite de cette question.
(11) Prassl, J., The Future of EU Labour Law («L’avenir du droit du travail de l’Union»).
(12) Déclaration commune sur l’impact de la COVID-19 sur le secteur des services de nettoyage et d’entretien et sur les mesures nécessaires pour le protéger, https://www.uni-europa.org/2020/04/22/joint-statement-on-the-covid-19-impact-to-the-industrial-cleaning-and-facility-services-sector-and-the-necessary-measures-to-protect-it/ (en anglais).
(13) Eurofound, Representativeness Study for the Industrial Cleaning Sector (Étude sur la représentativité dans le secteur du nettoyage industriel), p. 19, 2019: https://www.eurofound.europa.eu/sites/default/files/ef_publication/field_ef_document/ef19012en.pdf
(14) http://servicealliance.eu/wp-content/uploads/2020/05/EBSA-Statement_Contracting-recommendations-during-COVID_13-5-2020.pdf
(15) Bergfeld, M., The Insanity of Making Sick People work («De la folie de vouloir faire travailler des personnes malades»), Jacobin Magazine, 2020: https://jacobinmag.com/2020/03/coronavirus-workers-rights-health-care-cleaners-gig-economy
(16) Bergfeld, M., Ylitalo, J., Putting Europe’s invisible precariat in the spotlight («Faire sortir de l’ombre le travail précaire en Europe»), Social Europe, 18 avril 2019, https://www.socialeurope.eu/europes-invisible-precariat
(17) When Creativity Meets Value Creation. A Case Study on Daytime Cleaning («La créativité à la rencontre de la création de valeur: une étude de cas sur le nettoyage de jour»), Ergonomics and Human Factors in Manufacturing, Agriculture, Building and Construction, volume VIII, Sustaina.
(18) Evidence from Public Administration Review, vol. 79, no 2, pp. 193-202.
(19) http://www.cleaningbestvalue.eu/francais.html
(20) Voir FENI: https://www.efci.eu/wp-content/uploads/2019/02/Digital-transition-in-cleaning-industry-in-FR.pdf, https://www.efci.eu/wp-content/uploads/2019/10/2019-10-29_Joint-statement-on-digitalisation-EFCI-UNI-Europa-29.10.2019.pdf et https://www.efci.eu/wp-content/uploads/2019/10/2019-10-29_Joint-statement-on-digitalisation-EFCI-UNI-Europa-29.10.2019.pdf
(21) Projet «SK-Clean».
(22) Déclaration de CoESS et d’UNI Europa, partenaires sociaux européens du secteur de la sécurité privée (en anglais): https://www.uni-europa.org/2020/05/08/private-secruity-joint-declaration-ensuring-business-continuity-and-protection-of-workers-in-the-covid-19-pandemic/
(23) https://ec.europa.eu/environment/ecolabel/documents/Cleaning_Services_Factsheet_Final.pdf et http://www.ecolabelindex.com/ecolabel/cleaning-industry-management-standard-cims
(24) http://www.ecolabelindex.com/ecolabels/?st=category,cleaning
(25) Lundberg, S., Marklund, P.-O., Influence of Green Public Procurement on Bids and Prices (Les effets des marchés publics écologiques sur les offres et sur les prix»), 2016, https://www.nhh.no/globalassets/departments/business-and-management-science/seminars/2016-spring/120516.pdf
(26) Lundberg, S., Marklund, P.-O., Influence of Green Public Procurement on Bids and Prices (Les effets des marchés publics écologiques sur les offres et sur les prix»), 2016, https://www.nhh.no/globalassets/departments/business-and-management-science/seminars/2016-spring/120516.pdf
(27) «Acheter social» (note de bas de page 43), p. 47.
(28) Market Exposure and the Labour Process: The Contradictory Dynamics in Managing Subcontracted Services Work («Le processus de travail à l’épreuve du marché: les dynamiques contradictoires de la gestion de la main d’œuvre des services sous-traités»). RÉFÉRENCES.
ANNEXE
Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:
Paragraphe 1.10
Supprimer le paragraphe:
|
Le CESE demande aux États membres d’accorder une attention particulière au respect de toutes les obligations statutaires et contractuelles, ainsi qu’à son contrôle dans les faits, concernant les aspects sociaux, environnementaux et de durabilité au cours de la phase d’exécution des marchés publics dans le secteur du nettoyage. |
Résultat du vote:
Voix pour: |
61 |
Voix contre: |
105 |
Abstentions: |
9 |
Paragraphe 2.1
Modifier comme suit:
|
Le présent avis vise principalement à formuler des recommandations en vue d’utiliser la passation de marchés publics pour renforcer l’emploi de bonne qualité et la dignité au travail dans les services de nettoyage et d’entretien. |
Résultat du vote:
Voix pour: |
61 |
Voix contre: |
107 |
Abstentions: |
9 |
Paragraphe 4.3
Modifier comme suit:
|
Les barrières à l’entrée sur le marché des services de nettoyage et d’entretien sont faibles, voire inexistantes. Les services de nettoyage affichent une forte intensité de main-d’œuvre: le coût de cette dernière représente près de 80 % des revenus des entreprises, et les marges des prestataires de nettoyage sont très étroites. Par conséquent, les décisions d’achat des clients, qu’ils soient publics ou privés, entraînent une pression à la baisse des prix qui porte atteinte aux normes sociales et à la dignité des travaux de nettoyage. |
Résultat du vote:
Voix pour: |
61 |
Voix contre: |
108 |
Abstentions: |
8 |
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/37 |
Avis du Comité économique et social européen sur «L’exploitation minière numérique en Europe: de nouvelles solutions pour la production durable de matières premières»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/06)
Rapporteur: |
Marian KRZAKLEWSKI |
Corapporteure: |
Hilde VAN LAERE |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur Avis d’initiative |
Compétence |
Réunion de la CCMI |
Adoption en section |
2.9.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
213/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La transformation numérique du secteur des matières premières de l’Union européenne est une occasion unique de renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement industrielles européennes, d’améliorer les performances environnementales du secteur minier ainsi que d’accroître la transparence et le dialogue avec les citoyens et les communautés concernés par les activités minières. |
1.2. |
Les entreprises minières qui se sont engagées dans cette transformation ont constaté des améliorations en matière de sécurité, de durabilité, de productivité et de rendement. L’association du renforcement de la connectivité, de la mobilité, de l’apprentissage automatique et des activités autonomes soulève toutefois des questions d’ordre éthique, social et réglementaire qui devraient être examinées au préalable par les décideurs politiques. |
1.3. |
Le CESE reconnaît que la transformation numérique du secteur minier requiert une action ambitieuse pour mettre en œuvre les changements juridiques et réglementaires requis, et que celle-ci devrait être menée dans le cadre d’organisations supranationales et du droit international. |
1.4. |
Le CESE souligne qu’il importe de disposer d’un réseau global et étendu d’informations sur les minerais afin de soutenir la transformation numérique et la prise de décisions éclairées au niveau de l’Union européenne. Le CESE reconnaît l’effort consenti par le Centre commun de recherche (JRC) afin de mettre en place et d’assurer la maintenance d’un système d’information européen sur les matières premières. |
1.5. |
Le CESE estime que la transformation numérique du secteur des matières premières de l’Union européenne devrait s’accompagner de mesures de protection des données, et reconnaît la nécessité d’élaborer des régimes d’application stricte afin de protéger les données sensibles. |
1.6. |
Le CESE recommande l’élaboration d’une feuille de route réglementaire de l’Union européenne visant à relever les défis posés par la transformation numérique du secteur des matières premières, qui porterait notamment sur la cybersécurité, l’intelligence artificielle, l’automatisation, la gouvernance à plusieurs niveaux et l’exploitation minière des fonds marins et de l’espace. |
1.7. |
Le CESE recommande de définir et d’adopter des normes européennes concernant la collecte de données sur les ressources minérales, et invite instamment les États membres à collecter périodiquement et à partager avec le JRC des données complètes et vérifiées concernant l’extraction, le traitement et le recyclage des matières premières. Cet aspect est important en vue de contribuer à la mise en œuvre du plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire. |
1.8. |
Le CESE recommande de mettre en place des mesures d’accompagnement social adéquates visant à réduire au maximum les incidences négatives que la transformation numérique aura sur la main-d’œuvre minière et d’aider les communautés minières à assurer la transition de leurs économies pour empêcher l’aggravation des inégalités sociales existantes entre individus et groupes de population. |
1.9. |
Le CESE recommande de développer et de soutenir les infrastructures en nuage établies dans l’Union européenne afin d’accroître le niveau de sécurité des applications 5G, de l’informatique en nuage et des plateformes de l’internet industriel des objets. |
1.10. |
Le CESE estime que la numérisation de l’industrie des matières premières minérales est essentielle pour faire face à la crise économique causée par la pandémie de COVID-19 et promouvoir la mise en œuvre du pacte vert européen et du plan de relance pour l’Europe. À cet égard, il est primordial de stimuler les investissements dans la numérisation de l’extraction et du traitement des matières premières minérales primaires (extraites) et secondaires (recyclées). |
1.11. |
Le CESE invite la Commission européenne à veiller à ce que les institutions européennes associent et consultent les partenaires sociaux du secteur minier lors du processus d’élaboration des politiques ainsi que dans le cadre de toute initiative de l’Union européenne ayant une incidence sur le secteur des matières premières minérales. |
2. Introduction
2.1. |
L’Union européenne est confrontée à des défis technologiques, sociétaux et environnementaux liés à l’approvisionnement en matières premières qui sont à la base de son activité industrielle et de la qualité de vie de sa population. L’Union européenne produit moins de 5 % des matières premières minérales mondiales (1), alors que son industrie consomme environ 20 % de celles-ci (2). La dépendance de l’Union européenne à l’égard des importations est particulièrement élevée en ce qui concerne les métaux rares et les composants requis pour les applications de haute technologie et la transition vers une énergie verte décrite dans le pacte vert pour l’Europe [COM(2019) 640]. Ce document donne corps à l’initiative «Matières premières» [COM(20085) 699] présentée par la Commission en 2008 et aux efforts qu’elle a consentis par la suite pour évaluer le caractère critique de l’approvisionnement et la liste des matières premières critiques (la dernière liste en date a été publiée en 2017 (3); la liste mise à jour figure dans la communication de la Commission sur les matières premières critiques (4)). |
2.2. |
Les progrès technologiques qui stimulent l’utilisation efficace des matériaux et des ressources et encouragent la réduction et le recyclage des déchets, conformément au plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire [COM(2015) 0614] récemment mis à jour par le document [COM(2020) 98], sont largement insuffisants pour répondre aux besoins de la société et à l’augmentation de la population mondiale. Les matières premières primaires (5) continueront dès lors de jouer un rôle essentiel dans l’économie. |
2.3. |
Par ailleurs, l’opposition que rencontrent certains projets miniers au sein de la population de nombreux pays de l’Union européenne est en augmentation, et les efforts déployés par l’industrie pour réduire son empreinte environnementale n’ont pas amélioré sa (mauvaise) réputation. Les incidences négatives sur l’environnement, le manque de transparence et de dialogue ou encore la mauvaise répartition des atouts économiques au niveau local sont quelques-unes des caractéristiques communément attribuées à l’industrie minière (6). |
2.4. |
Plus récemment, la montée du nationalisme relatif aux ressources dans les pays producteurs de matières premières et la pandémie de COVID-19 ont perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales utilisées par l’industrie européenne. Les gouvernements de l’Union européenne et de nombreux producteurs industriels ont compris que la dépendance à l’égard des importations de matières premières pouvait détruire l’industrie manufacturière européenne (le secteur des matières premières fournit quelque 350 000 emplois au sein de l’Union européenne, mais plus de 30 millions d’emplois dans des industries de production en aval dépendent d’un accès fiable et sans entrave aux matières premières minérales (7)). |
2.5. |
Les progrès en matière de technologie et de communication ont favorisé l’intégration des technologies numériques dans tous les domaines d’activité et modifié en profondeur la manière dont les entreprises exercent leurs activités et procurent de la valeur aux clients. Il s’agit d’une occasion unique pour le secteur minier de l’Union européenne: les entreprises minières qui disposent de leviers numériques peuvent atteindre de nouveaux niveaux de performance dans la chaîne de valeur, ce qui aura des effets positifs sur les dimensions socio-économique, environnementale et sociale. |
2.6. |
La numérisation du secteur des matières premières de l’Union européenne est une occasion unique de rendre les chaînes d’approvisionnement plus résilientes, d’examiner des intrants économiques radicalement différents et de stimuler l’excellence opérationnelle, sociale et environnementale du secteur en développant le concept de «mine numérique». |
3. Observations générales
3.1. |
Dans le secteur de la production des matières premières, la transformation numérique fait référence à l’utilisation des technologies de l’information pour améliorer l’acquisition, l’organisation et la communication des données dans le but d’accroître les performances des indicateurs techniques, environnementaux et sociétaux des installations de production. |
3.2. |
Les technologies numériques tirent parti de toutes les connaissances disponibles, et permettent des améliorations et des innovations radicales. Parmi de nombreux autres avantages, une compréhension précise des interactions entre les différentes étapes de la production, au sein des chaînes de valeur et de la main-d’œuvre et entre celles-ci, permet de produire en utilisant efficacement les ressources, d’assurer la surveillance et la maintenance des équipements, de réaliser le suivi des conditions sanitaires et la prévention des risques, de se préparer aux situations d’urgence et de pouvoir y réagir. |
3.3. |
La transformation numérique relève du domaine prioritaire «Technologies pour la production de matières premières primaires et secondaires» du partenariat européen d’innovation (PEI) sur les matières premières [COM(2014) 297], conformément à la communication de la Commission intitulée «Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe». Les matières premières sont définies comme l’un des facteurs déterminants pour la réalisation d’une Europe verte, numérique et compétitive sur la scène mondiale. |
3.4. |
Le CESE se félicite du rôle joué par le Conseil européen de l’innovation et l’Institut européen d’innovation et de technologie, qui vise, par l’action des institutions européennes, à stimuler la création de nouveaux services et produits. Les initiatives relatives aux matières premières constituent une partie importante de ceux-ci, et elles sont liées à d’autres objectifs tels que la transition dans le secteur de l’énergie et de la mobilité, l’industrie manufacturière avancée, la sécurité, l’alimentation et la santé. Elles concernent aussi plus particulièrement les avancées numériques dans le domaine des solutions technologiques. |
3.5. |
Le CESE soutient les activités du groupe de recherche de l’Union européenne ayant trait à la création d’une méthode de certification des matières premières. Celle-ci permettra de progresser sur la voie d’une exploitation durable des minéraux et des métaux, laquelle est nécessaire pour soutenir la transition de l’Europe vers une énergie propre. |
3.6. |
Recenser les possibilités que la transformation numérique offre au secteur minier de l’Union européenne est un élément essentiel de l’approche préconisée par le CESE en matière de stratégie numérique. Ces possibilités devraient être évaluées en fonction de leur valeur potentielle pour les organisations et la société, ainsi que de la faisabilité de leur mise en œuvre. |
3.7. Aspects sociaux
3.7.1. |
La transformation numérique a déjà une incidence sur les métiers traditionnels de la mine, avec l’émergence de fonctions telles que, entre autres, celle d’expert en nouvelles technologies, d’analyste et de spécialiste des données, des mégadonnées, de l’intelligence artificielle (IA) et de l’apprentissage automatique ainsi que d’ingénieur système. Les tâches de routine liées à des fonctions comme opérateur d’équipement, analyste de gestion et d’organisation et ouvrier d’extraction devraient dès lors céder du terrain (8). |
3.7.2. |
En raison de la numérisation du secteur et de sa transformation, les travailleurs doivent suivre une formation appropriée afin de pouvoir relever les défis posés par l’industrie 4.0 et les évolutions technologiques futures. |
3.7.3. |
La modification de la nature et de la composition de la main-d’œuvre ainsi que la mise en œuvre d’un modèle de «travail en tout lieu et à tout moment», qui a été rendu possible par le passage au numérique, auront une incidence considérable sur les communautés minières traditionnelles en Europe. Cette évolution requiert une approche proactive, fondée sur des dialogues sociaux inclusifs, afin d’aider les communautés à prendre conscience de leurs capacités fondamentales et à soutenir la transition de leurs économies vers de nouveaux secteurs. |
3.7.4. |
Le CESE est d’avis que, compte tenu des défis que la numérisation pose au secteur minier et des menaces que la COVID-19 fait peser sur lui, la Commission européenne devrait soutenir, au travers du dialogue social sectoriel existant pour les industries minières, les demandes formulées actuellement par les partenaires sociaux du secteur minier au niveau européen. |
3.7.5. |
Le CESE invite la Commission à veiller à ce que les institutions européennes associent et consultent les partenaires sociaux du secteur minier lors du processus d’élaboration des politiques et dans le cadre de toute initiative de l’Union européenne ayant une incidence sur le secteur. |
3.7.6. |
Le CESE estime dès lors qu’il est nécessaire que la Commission, en collaboration avec les partenaires sociaux au sein du comité de dialogue sectoriel, mette en place dès que possible, aux niveaux européen et national, un réseau de conseils sectoriels pour les compétences et l’emploi dans les industries minières. |
4. Solutions et concepts novateurs pour une exploration, une extraction et une transformation durables
— |
Il est nécessaire de disposer de solutions et de concepts novateurs en matière d’exploration, d’extraction et de recyclage des matières premières minérales afin de renforcer la position de l’Europe sur la scène mondiale. Des approches et technologies nouvelles devraient faciliter l’accès de l’Europe à des matières premières produites de manière durable, tout en gagnant la confiance de la société à l’égard de méthodes d’extraction et de transformation propres et sûres. |
— |
Les connaissances sur les ressources géologiques, les gisements miniers et leur exploitation sont disparates et variables, et la complexité des cycles de matériaux, des politiques, des tendances du marché, des tendances technologiques, des questions environnementales et des incidences sociétales requiert l’association de nombreux domaines d’expertise si l’on veut tirer parti des avantages de la numérisation. |
4.1. Méthodes et outils d’information sur les minerais
4.1.1.
4.1.1.1. |
Dans la société actuelle, la question de la disponibilité, de l’accessibilité et de la valorisation des minéraux, des métaux, de l’énergie et d’autres ressources du sous-sol est plus cruciale que jamais. Plusieurs initiatives stratégiques du Parlement européen, de la Commission et de l’Union européenne, telles que l’initiative «matières premières» (9), la directive sur les eaux souterraines (10) ou la directive relative au captage et au stockage du dioxyde de carbone (11), requièrent un accès à des données pertinentes sur le sous-sol. |
4.1.1.2. |
Le Centre commun de recherche de la Commission élabore actuellement un système d’information sur les matières premières, le RMIS 2.0, qui prend en compte les dimensions économique, socio-économique et environnementale (12). Toutefois, les informations disponibles sont incomplètes et ne présentent pas le même niveau de détail pour l’ensemble des 27 États membres de l’Union européenne. |
4.1.1.3. |
Actuellement, les données ne sont que partiellement disponibles. De plus, la plupart du temps, elles ne sont pas harmonisées et, partant, ne sont pas comparables d’un État à l’autre. Il est indispensable de normaliser le format des données et d’élaborer des algorithmes permettant d’assurer le passage d’un système de données à un autre. |
4.1.1.4. |
Le CESE considère qu’il est primordial d’intégrer, au sein du RMIS du Centre commun de recherche, un réseau global de connaissances sur les minéraux comportant des données harmonisées et fiables. Ce réseau permettrait à la Commission et aux États membres d’avoir accès aux informations et connaissances nécessaires pour soutenir l’utilisation durable du sous-sol de l’Union européenne et pour relever les défis qui se posent à elle. |
4.1.1.5. |
Le CESE invite instamment tous les États membres de l’Union européenne à collecter et à partager des données sur les matières premières afin d’alimenter régulièrement le RMIS du JRC. Afin d’éviter erreurs et inexactitudes, le CESE estime que les données fournies au JRC devraient faire l’objet d’un contrôle quant à leur exactitude avant d’être intégrées dans le RMIS. Le JRC devrait être doté des moyens nécessaires pour assurer la maintenance et la mise à jour régulière de ce système d’information. |
4.1.2.
4.1.2.1. |
Les émissions, la régénération ou la protection des ressources hydriques sont autant de processus qui peuvent faire l’objet de simulations: il peut s’agir de multiples simulations parallèles fondées sur différentes hypothèses concernant les conditions limites et points de départ, le but étant d’estimer la probabilité de différents résultats qui pourraient être utilisés pour contrôler et soutenir la prise de décision. |
4.1.2.2. |
L’évolution des techniques de calcul utilisées dans la simulation des processus et la disponibilité des mégadonnées (ensembles de données dont le volume est supérieur à la capacité des outils logiciels habituellement utilisés pour la collecte, l’hébergement, la gestion et le traitement des données dans un délai acceptable) ont renforcé la précision des simulations qui illustrent les relations de cause à effet entre les entrées contrôlées et les sorties correspondantes. Les simulations de processus peuvent s’avérer particulièrement pertinentes pour évaluer l’environnement et la sécurité, et pourraient améliorer la transparence et le dialogue dans le cadre des procédures d’autorisation. |
4.1.3.
4.1.3.1. |
L’utilisation des données recueillies par la télédétection, par exemple au moyen du programme Copernicus, qui conjugue l’analyse de données spatiales et leur intégration dans des logiciels de systèmes d’information géographiques (SIG), peut apporter une contribution précieuse à la réalisation de simulations avancées et à la création de «doubles numériques» qui permettent de réagir rapidement aux changements et de prendre des décisions en connaissance de cause. Dans le secteur minier, il est de plus en plus courant de combiner des données recueillies par la télédétection et des données de terrain collectées par des capteurs et des drones. Des relevés terrestres ou sous-marins sont couramment effectués à l’aide de drones dans de nombreuses exploitations minières pour estimer les stocks et les dépôts de déchets. |
4.1.3.2. |
Les données issues de la télédétection et les données de terrain recueillies au moyen de capteurs locaux peuvent être intégrées dans des logiciels de système d’information géographique pour surveiller le niveau des eaux souterraines, les mouvements des terres émergées, la contamination des eaux de surface et de nombreuses autres données environnementales en temps réel. Pour autant qu’elles soient rendues publiques et protégées contre toute manipulation (p. ex. au moyen de technologies telles que la chaîne de blocs), ces données pourraient renforcer la confiance dans le secteur minier et faciliter le dialogue avec les parties prenantes. Les pratiques établies de longue date en matière de gestion des données et des informations dans les pays développés dotés d’un secteur minier solide, comme le Canada ou l’Afrique du Sud, pourraient être examinées et servir d’exemple. |
4.1.4.
4.1.4.1. |
La réalité virtuelle est couramment utilisée par de nombreuses entreprises pour interpréter des modèles de leurs mines en trois dimensions. Une technologie qui pourrait gagner en importance à l’avenir est la réalité augmentée, un système qui permet aux géologues ou aux ingénieurs travaillant dans une mine de faire en sorte que le modèle vienne se superposer à leur vision des conditions géologiques ou de la mine elle-même. Il s’agit là d’un puissant outil de pointe pour valider des modèles et contrôler l’évolution d’un site minier. |
4.1.4.2. |
La réalité virtuelle est par ailleurs de plus en plus utilisée par les universités et les centres de formation pour immerger les étudiants et les stagiaires dans un contexte d’extraction «en situation réelle». La possibilité de réaliser des simulations pédagogiques destinées à favoriser l’acquisition de connaissances pratiques dans des domaines tels que la réaction aux accidents est l’un des principaux atouts de cette technologie. |
5. La «mine intelligente»
— |
La numérisation est un catalyseur qui contribue à rendre les activités minières «plus intelligentes» grâce à des outils et processus numériques qui permettent de les instrumenter, de les interconnecter et de les rendre intelligentes. |
— |
La transformation numérique permettra, grâce à l’utilisation de méthodes taillées sur mesure et adaptées à chaque gisement, de concevoir, dès le départ, les mines différemment aux fins de l’automation, laquelle réduira aussi les différences opérationnelles. |
— |
La transformation numérique contribuera à éliminer les accidents mortels et les blessures dans le secteur minier. Elle est susceptible de provoquer un changement radical en ce qui concerne l’intensité de capital et les coûts d’exploitation, de fournir un accès aux ressources de gisements qui ne pouvaient pas être exploités auparavant et de réduire l’empreinte environnementale grâce à une exploitation sélective. |
5.1. Prévision minière intelligente
5.1.1. |
Lorsque l’on parle de prévision, il s’agit, entre autres, d’anticiper l’évolution des paramètres propres à l’environnement où travaillent les mineurs, en mettant particulièrement l’accent sur les risques. Les systèmes de prévision efficaces qui sont actuellement utilisés par l’industrie minière englobent la maintenance prédictive, qui vise à privilégier la prévention par rapport à la réparation, en collectant des données sur l’utilisation des machines et les paramètres de traitement. |
5.1.2. |
La prévision peut jouer un rôle important pour assurer la sécurité des activités minières. La collecte et l’intégration de données de surveillance sur le terrain et de données relatives aux équipements peuvent donner une image précise du théâtre des activités qui doit être contrôlé au moyen d’instruments d’analyse des processus. Cette approche permettrait d’améliorer considérablement les conditions de travail, en particulier dans les mines souterraines. Le CESE considère que la numérisation peut contribuer efficacement à la sécurité des activités minières et qu’une mine intelligente devrait prévoir des systèmes de prédiction. |
5.2. L’internet des objets
5.2.1. |
L’élaboration de normes et de composantes dans l’optique d’une plateforme sur l’internet industriel des objets pour l’industrie minière pourrait favoriser la mise en connexion des systèmes physiques et informatiques dans les exploitations minières de l’Union européenne afin d’améliorer les processus décisionnels. |
5.2.2. |
Cette plateforme devrait aborder les aspects liés à la santé et à la sécurité, la performance environnementale, l’utilisation efficace des ressources et la coordination en temps réel des activités. Il convient d’accorder la priorité à la conception et à la promotion d’une plateforme sur l’internet industriel des objets dans le secteur minier. |
5.2.3. |
Pour éviter les risques en matière de cybersécurité, le CESE suggère que les éléments constitutifs de la plateforme sur l’internet industriel des objets soient conçus pour des intranets des objets locaux et connectés à l’internet, soit par un transfert physique de données, soit en passant par des pare-feux sécurisés. |
5.3. Technologie des chaîne de blocs. Transparence de la chaîne d’approvisionnement
5.3.1. |
La chaîne de blocs est une solution innovante qui empêche la manipulation des données. Son utilisation dans le cadre de la chaîne d’approvisionnement en matières premières minérales est susceptible d’améliorer la transparence et la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement et de réduire les coûts administratifs. Le CESE souligne que la technologie de la chaîne de blocs facilite le respect du règlement de l’Union européenne sur l’approvisionnement responsable en minerais [règlement (UE) 2017/821 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 (13)]. |
5.3.2. |
Parmi les autres applications de la chaîne de blocs figurent la collecte et la diffusion de données environnementales. En renforçant la confiance dans les données, la chaîne de blocs pourrait faciliter la sensibilisation et l’engagement des citoyens qui vivent à proximité des localités minières. |
5.4. Les réseaux 5G et l’informatique en nuage
5.4.1. |
Le stockage de données brutes dans le nuage devient rapidement impossible (et est en fait inutile) lorsque le volume des données atteint ou dépasse le niveau des téraoctets. Aujourd’hui, la vitesse des transferts de données limite son utilité. Toutefois, l’adoption des réseaux 5G va changer la donne, dans la mesure où ils permettent la transmission et le traitement rapides des mégadonnées ainsi que leur stockage et leur récupération à un bon rapport coût-efficacité. |
5.4.2. |
Le recours au stockage en nuage comporte de sérieux risques: si une société minière fait appel à un service commercial de stockage en nuage, le niveau de sécurité dont elle bénéficiera sera uniquement fonction de la confiance qu’elle place dans ledit fournisseur de services. De nombreux fournisseurs utilisent des serveurs en nuage situés en dehors de l’Union européenne, ce qui peut mettre en péril la sécurité du système. Le CESE considère que l’adoption de la 5G dans l’Union européenne devrait être assortie de mesures d’incitation visant à accroître l’offre de fournisseurs de services d’informatique en nuage établis dans l’Union européenne. |
5.5. Cybersécurité
5.5.1. |
Le CESE est favorable à des régimes d’application stricte afin d’éviter que des données sensibles ne quittent un certain périmètre de sécurité. On peut considérablement améliorer la cybersécurité en s’abstenant de connecter les systèmes miniers à l’internet. Les technologies intelligentes peuvent toutes être utilisées dans le cadre de la «mine intelligente», y compris l’intranet des objets: il faut juste s’assurer qu’elles ne soient pas accessibles de l’extérieur. Tout ce qui doit être connecté au siège de l’entreprise ou au monde extérieur doit faire l’objet d’un transfert sécurisé depuis le réseau de l’exploitation vers un serveur distinct connecté au monde extérieur. |
5.6. Intelligence artificielle
5.6.1. |
L’intelligence artificielle recouvre un large éventail de technologies différentes, y compris les systèmes dits d’«apprentissage profond» (deep learning). Jusqu’à présent, cette technologie a trouvé des applications de niche dans des secteurs tels que le traitement des images (notamment l’exploration des minéraux) et les systèmes de réseaux neuronaux pour l’identification et la classification des minerais. Parmi les autres applications pratiques pour le secteur minier figurent les algorithmes d’analyse et d’apprentissage automatique utilisés dans le cadre de la simulation des processus et des systèmes de prévision. |
5.7. Automatisation intégrée
5.7.1. |
La technologie relative aux véhicules autonomes se développe rapidement sous l’impulsion d’acteurs n’ayant aucun lien avec l’industrie minière (tels que Tesla ou Google). Toutefois, les mines étant des environnements contrôlés, ces technologies peuvent y être déployées rapidement compte tenu des nouvelles capacités proposées. D’autres formes d’automatisation sont également susceptibles d’être déployées rapidement, mais elles prennent généralement la forme d’activités à distance sous contrôle humain (et assistées par ordinateur) plutôt que d’activités totalement autonomes. En raison des préoccupations liées à la fiabilité (et des réglementations prospectives), on peut se demander si le développement de l’automatisation complète de l’ensemble des processus miniers sera économiquement viable à court et à moyen termes. |
6. Mise en place de partenariats stratégiques durables et responsables avec des pays tiers
— |
L’évaluation de la criticité de l’Union européenne montre qu’il est essentiel de diversifier davantage les importations de matières premières critiques en provenance de pays tiers. |
— |
Il est nécessaire de renforcer la diplomatie économique stratégique au niveau de l’Union européenne afin de diversifier l’accès aux ressources sur la base d’un approvisionnement durable en matières premières. |
6.1. Recherche et innovation
6.1.1. |
Les programmes-cadres de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation encouragent déjà la coopération internationale avec les pays tiers dans le cadre d’appels d’offres liés aux matières premières minérales. Toutefois, une approche plus normative de la collaboration future en matière de transformation numérique du secteur minier avec les pays riches en ressources et avancés sur le plan technologique, comme l’Australie, le Canada, le Japon, l’Afrique du Sud et les États-Unis, contribuerait à renforcer des liens qui favoriseraient la diplomatie économique de l’Union européenne. Le CESE recommande l’adoption d’une telle approche normative dans le cadre du prochain programme Horizon. |
6.1.2. |
L’éducation devrait en outre être utilisée à l’appui de la diplomatie économique de l’Union européenne dans le secteur des matières premières. Les programmes d’enseignement élaborés en Europe et reconnus à l’échelle internationale qui présentent des contenus pédagogiques innovants axés sur des thèmes liés à la numérisation du secteur minier pourraient devenir un outil à part entière de la diplomatie économique de l’Union européenne. |
7. Nouvelles frontières
7.1. Métaux et minéraux issus des ressources marines
7.1.1. |
Nombre de recherches sont menées sur des solutions technologiques liées à l’extraction et au traitement de minéraux et métaux issus des ressources marines, y compris l’eau de mer ou des fonds marins. Le CESE estime que l’extraction de minéraux et de métaux issus de la mer devrait faire l’objet d’une évaluation rigoureuse des incidences environnementales qui en découlent. |
7.2. Utilisation de ressources spatiales
7.2.1. |
À l’horizon 2025, l’Agence spatiale européenne envisage d’extraire des ressources susceptibles de contribuer au financement de séjours et d’activités de recherche sur la lune. Les ressources potentielles de la lune englobent des matériaux transformables tels que des matières volatiles et des minéraux (pour la construction, la radioprotection et la protection contre les météorites) ainsi que des structures géologiques telles que des tubes de lave qui, si on les combine, pourraient rendre possible une installation sur la lune. |
7.2.2. |
L’exploitation minière spatiale soulève un certain nombre de questions juridiques pour lesquelles il n’y a actuellement pas de réponse claire, étant donné que le maigre corpus législatif international applicable aux activités spatiales est obsolète par rapport aux progrès de la technologie utilisée par l’industrie spatiale. Le CESE estime que l’Union européenne devrait combler cette lacune et prendre l’initiative de définir un cadre juridique stable et internationalement reconnu qui garantisse une utilisation de l’espace juste, sûre, responsable et durable. |
8. Au-delà de la crise de la COVID-19
8.1. |
La pandémie mondiale de COVID-19 met en lumière l’importance de la transformation numérique. En ces temps d’instabilité et d’incertitude croissantes, le secteur minier mondial a été confronté à la menace d’une mise à l’arrêt totale de ses activités ou à la réduction de sa main-d’œuvre, une probabilité qui continue d’augmenter à mesure que le nouveau coronavirus se propage. |
8.2. |
Le CESE estime que, compte tenu des défis que pose la numérisation et des menaces que la pandémie de COVID-19 fait peser sur l’industrie des matières premières minérales, la Commission européenne devrait promouvoir de vaste dialogues entre les partenaires sociaux au travers du mécanisme des dialogues sociaux sectoriels existants (industries minières). |
8.3. |
La manière dont les entreprises minières abordent et utilisent les technologies numériques revêt une importance majeure pour l’avenir, et elle est désormais étroitement liée à la question du nombre d’entreprises confrontées à la pandémie. Une partie importante de leur main-d’œuvre est contrainte d’exercer ses activités virtuellement et d’adopter les nouvelles technologies, tandis que l’obligation de respecter la distanciation physique rend le contrôle à distance de leurs activités plus nécessaire que jamais. |
8.4. |
L’Union européenne et les États membres doivent soutenir activement la transformation numérique du secteur minier européen. Il s’agit d’une étape cruciale si l’on veut accroître la résilience de l’industrie de l’Union européenne et de la chaîne de valeur des matières premières. Les exploitations minières qui utilisent des technologies numériques, y compris l’automatisation intégrée, le réseau cognitif et l’utilisation des analyses en temps réel, sont plus efficaces, plus propres et plus sûres. Il est plus facile de réduire l’empreinte écologique et de rendre l’environnement plus sûr dans des «mines intelligentes», ce qui est essentiel pour obtenir «l’autorisation sociale» d’exercer ses activités en Europe. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Cette évaluation ne tient pas compte des minéraux agricoles (p.ex. la potasse) ni des minéraux énergétiques (p. ex. l’uranium et le charbon à coke).
(2) Pour de plus amples informations, voir Eunomia, 2015. Study on the Competitiveness of the EU Primary and Secondary Mineral Raw Materials Sectors (Étude sur la compétitivité des secteurs des matières premières minérales primaires et secondaires de l’Union européenne, disponible à l’adresse suivante: http://www.euromines.org/files/news/ec-report-study-competitiveness-eu-primary-and-secondary-mineral-raw-materials-sectors/study-competitiveness-eu-primary-and-secondary-mrms-april2015.pdf) et Tableau de bord 2018 de l’Union européenne sur les matières premières, publié par la Commission européenne (disponible à l’adresse suivante: https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/117c8d9b-e3d3-11e8-b690-01aa75ed71a1).
(3) COM(2017) 490 final.
(4) COM(2020) 474 final.
(5) On entend par «matières premières primaires» les matières (minéraux/métaux) qui sont extraites du sol et font l’objet d’un traitement. On entend par «matières premières secondaires» les matières obtenues par des procédés de recyclage.
(6) L’industrie minière bénéficie toutefois du soutien des communautés et régions minières dans toute l’Europe.
(7) Pour de plus amples informations sur la valeur ajoutée des matières premières et l’emploi, voir le tableau de bord 2018 des matières premières dans l’Union européenne (disponible à l’adresse suivante: LINK).
(8) McKinsey Global Institute, 2018. Skill Shift, Automation and the Future of the Workforce (Modification des compétences, automatisation et avenir de la main-d’œuvre). Document de réflexion. McKinsey Global Institute, McKinsey & Company. https://www.mckinsey.com/featured-insights/future-of-work/skill-shift-automation-and-the-future-of-the-workforce (consulté le 3 juin 2019).
(9) Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Initiative «matières premières» — répondre à nos besoins fondamentaux pour assurer la croissance et créer des emplois en Europe [SEC(2008) 2741]/[COM(2008) 0699 final].
(10) Directive 2006/118/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration.
(11) Directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au stockage géologique du dioxyde de carbone.
(12) Voir: https://rmis.jrc.ec.europa.eu/
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/44 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Vers une participation structurée des jeunes au processus décisionnel de l’Union européenne concernant le climat et la durabilité»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/07)
Rapporteur: |
Cillian LOHAN (IE-III) |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
8.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
L’aspect intergénérationnel des politiques en matière de climat et de développement durable ainsi que des mécanismes de mise en œuvre doit se traduire par une participation active et significative de la jeunesse à tous les stades des processus décisionnels de l’Union européenne, depuis l’élaboration des propositions et initiatives législatives jusqu’à leur mise en œuvre, leur contrôle et leur suivi. |
1.2. |
La réalisation des objectifs de développement durable au moyen du pacte vert pour l’Europe exige une nouvelle approche quant à un modèle de gouvernance plus inclusif, qui associe les diverses parties intéressées et place les jeunes au cœur du processus de participation, allant bien au-delà des réunions ad hoc et des simples demandes de consultation. |
1.3. |
Le CESE propose la mise en place de tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité, qu’il organiserait en collaboration avec la Commission et le Parlement européen. |
1.4. |
Le CESE suggère également d’inclure un(e) délégué(e) de la jeunesse dans la délégation officielle de l’Union européenne aux réunions de la conférence des parties (COP) à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il propose en outre d’ajouter un(e) délégué(e) de la jeunesse comme membre supplémentaire de la délégation du CESE, qui dispose du statut d’observateur lors de ces manifestations. |
1.5. |
Le CESE s’efforcera de faire connaître les points de vue des jeunes et des organisations de jeunesse en les intégrant dans les avis portant sur le climat et la durabilité, en sollicitant de manière volontariste la contribution des représentants de la jeunesse et en continuant à les inviter en qualité d’orateurs lors des manifestations du CESE; il demandera également que ces représentants des jeunes bénéficient des mêmes possibilités de faire entendre leur voix auprès des autres institutions de l’Union, par exemple au Parlement européen. |
2. Introduction
2.1. |
Le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies et ses 17 objectifs de développement durable (ODD) (1) marquent un tournant dans la manière dont la communauté internationale a décidé de faire face aux problématiques mondiales en y associant, de façon intégrée, les dimensions économique, environnementale et sociale. Le programme de développement durable à l’horizon 2030 est un projet axé sur les personnes, conçu de manière à ne laisser aucun groupe de côté, et le concept d’équité entre les générations est intrinsèquement lié à la durabilité. Il convient de ne pas laisser la jeune génération faire face aux conséquences de politiques non durables qui ne sont pas de son fait. |
2.2. |
Aujourd’hui, le monde est confronté à une situation d’urgence climatique. Jusqu’à présent, les gouvernements n’ont pas suffisamment réagi à la crise climatique, et le monde ne s’est pas encore engagé sur une voie qui permettrait de réaliser l’objectif de l’accord de Paris et les ODD. La société civile réclame avec force que soient prises de toute urgence des mesures plus ambitieuses en faveur du climat. La manifestation la plus éclatante de ces revendications a été la série de grèves des jeunes en faveur du climat. |
2.3. |
Le premier semestre de l’année 2020 a été marqué par la pandémie mondiale de COVID-19. D’une ampleur sans précédent, la réaction à ce virus aura un effet durable sur les prévisions économiques à court et à moyen termes. La conception de trains de mesures visant à apporter une réponse financière ne saurait être ignorée. Lorsque la jeunesse d’aujourd’hui entrera dans la vie active, elle subira encore l’impact financier de la COVID-19. En outre, les jeunes en ressentiront durablement les effets, que ce soit sur le plan de leur santé mentale, de leur éducation ou de leur participation à la société de manière générale. Dans ce contexte, la recherche d’un équilibre entre les besoins financiers, sociétaux et environnementaux sous l’angle du développement durable est d’autant plus pertinente. |
2.4. |
Le soutien financier annoncé à la relance économique représentera un fardeau pour les générations futures. La manière de tirer parti des ressources et des possibilités devrait être équitable entre les générations. L’aide apportée aux différents secteurs dans le cadre des plans lancés à la suite de l’épidémie de COVID-19 devrait tenir compte des demandes des jeunes concernant le climat, ainsi que de leur droit à un avenir plus sain et plus durable. |
2.5. |
Le plan de relance pour l’Europe (2) annoncé par la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, traduit la nécessité de faire en sorte que la reprise économique se fonde sur les principes du pacte vert pour l’Europe et qu’elle permette d’atteindre les objectifs fixés tant en matière de climat que de durabilité. Les mesures inscrites dans le programme de relance pourraient être à même de susciter le changement. |
2.6. |
David Boyd, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement, a lancé un appel à la mi-avril, déclarant que les pays ne doivent pas utiliser la pandémie de COVID-19 comme un prétexte pour affaiblir la protection de l’environnement et l’application de la législation en la matière, après que plusieurs gouvernements ont annoncé qu’ils projetaient d’abaisser les normes environnementales ou d’alléger d’autres mesures connexes, telles que le suivi et l’application des exigences liées à l’environnement (3). |
2.7. |
À la lumière de la crise environnementale mondiale qui est antérieure à la pandémie de COVID-19, ces actions sont irrationnelles et irresponsables, et elles mettent en péril les droits des personnes vulnérables et marginalisées. De telles décisions politiques sont susceptibles d’accélérer la détérioration de l’environnement et d’avoir une incidence négative sur toute une série de droits de l’homme, notamment le droit à la vie, à la santé, à l’eau, à la culture et à l’alimentation, ainsi que le droit de vivre dans un environnement sain. La COVID-19 a mis en évidence l’importance de bénéficier d’un environnement naturel sûr, propre et durable. |
2.8. |
Étant donné que les ODD doivent à présent être mis en œuvre dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, le débat devrait en principe pouvoir s’ouvrir sur un changement de paradigme allant dans le sens d’un modèle plus participatif de gouvernance à acteurs multiples en faveur du développement durable. Les jeunes devraient être parties prenantes à ce nouveau modèle de gouvernance et être autorisés à participer au processus décisionnel au niveau de l’Union européenne d’une manière structurée et formelle qui aille au-delà de simples consultations et réunions ad hoc. |
2.9. |
Les organisations de jeunesse jouent un rôle important dans ce contexte, dans la mesure où elles représentent, via leurs vastes réseaux, les intérêts de millions de jeunes en Europe et dans le monde. Ce sont des acteurs clés pour que les jeunes soient non seulement présents dans les institutions, mais également en mesure de contribuer utilement au processus décisionnel. |
2.10. |
Les organisations de jeunesse peuvent jouer une multiplicité d’autres rôles. L’animation socio-éducative et l’apprentissage non formel ont un impact positif sur le développement durable, dans la mesure où ils ont pour objectif de favoriser le développement de jeunes citoyens autonomes qui contribuent activement à notre société. Les organisations de jeunesse peuvent également contribuer à donner à la voix des jeunes plus de résonance pour qu’ils exercent une pression collective en faveur du développement durable aux niveaux local, national, régional et mondial et demandent aux gouvernements et aux institutions de rendre des comptes sur leurs engagements. |
2.11. |
Les mécanismes de participation et de représentation des jeunes, quand ils sont de qualité, créent l’occasion d’un partenariat entre les décideurs politiques, les jeunes et les organisations de jeunesse afin d’orienter les décisions qui ont une incidence sur la vie des jeunes. Il est important de saisir cette occasion pour garantir également la stabilité et la résilience de nos démocraties, sachant que la participation de tous les groupes de la société aux processus décisionnels est une condition nécessaire à leur existence. |
2.12. |
Il est nécessaire que tous les aspects d’une politique prennent en considération les répercussions sur les jeunes et les perspectives qui leur sont offertes, y compris pour les générations à venir. De l’investissement dans la lutte contre le changement climatique à la stratégie «de la ferme à la table», le rôle de la jeunesse revêt une importance toute particulière lorsqu’il est question des aspects sociaux et des politiques d’avenir. |
2.13. |
Le présent avis examinera les possibilités de nouer le dialogue avec les jeunes de manière formelle au niveau institutionnel. Il fournira les éléments nécessaires à une nouvelle approche structurée de la participation des jeunes au niveau de l’Union européenne. Enfin, il proposera au CESE des recommandations sur la manière de mieux intégrer les jeunes à ses processus de travail afin de mieux faire entendre leur message et, partant, de rendre celui du CESE plus équitable dans un contexte intergénérationnel. |
3. Le lien entre le changement climatique et la nécessité d’une participation des jeunes
3.1. |
Les jeunes ont le droit de faire valoir leurs opinions sur des sujets qui les concernent. Le droit de participer est inscrit dans le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030, qui reconnaît que les jeunes sont des «acteurs essentiels du changement», tel qu’énoncé dans les objectifs de développement durable. |
3.2. |
Ces dernières années, nulle autre cause n’a mobilisé davantage de jeunes à travers le monde que le changement climatique. Les jeunes de 15 à 24 ans représentent 16 % de la population mondiale et atteindront le nombre d’1,3 milliard d’ici à 2030. Les décisions qui sont prises aujourd’hui par les dirigeants politiques en matière de changement climatique ou sur d’autres questions environnementales auront une incidence sur les générations à venir. Il s’agit là du principe d’«équité intergénérationnelle». |
3.3. |
Les jeunes possèdent l’énergie, la créativité et la motivation pour contester les modèles non durables qui prévalent actuellement. Les changements sociaux suscités par les jeunes dépassent les limites générationnelles, culturelles et géographiques. Moins entravés que leurs aînés par des structures idéologiques ou institutionnelles, les jeunes ont démontré leur capacité à sortir du prêt-à-penser et à développer des solutions novatrices pour la société dans son ensemble. |
3.4. |
Dès lors que le changement climatique compromet la satisfaction des besoins fondamentaux de l’existence — boire, manger, se loger —, il est considéré comme la principale menace pour la santé humaine à l’échelle planétaire au XXIe siècle. Les enfants et les jeunes comptent parmi les plus vulnérables aux effets du changement climatique. En effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que ce sont eux qui souffriront de plus de 80 % des maladies, préjudices et décès qui lui seront imputables. Les enfants sont également plus sensibles aux conséquences indirectes du changement climatique, telles que les pénuries alimentaires, les conflits intergroupes, les désordres économiques et la migration. La vulnérabilité des enfants a été mise en évidence par la pandémie de COVID-19, lorsque leur exposition en tant que groupe dépendant a été clairement constatée. |
3.5. |
En outre, le changement climatique a des impacts psychosociaux, qui découlent non seulement de la confrontation directe à ses effets, mais aussi du spectacle de ces derniers sur autrui et de la prise de conscience de la menace qu’il représente pour l’avenir. Il est manifeste que le changement climatique suscite des réactions émotionnelles à grande échelle, y compris dans les pays à revenu élevé qui ne souffrent pas encore de ses effets directs. Des enquêtes ont montré que de nombreux jeunes étaient confrontés à des expériences de peur, de tristesse, de colère ou encore à un sentiment d’impuissance. |
3.6. |
En outre, la crise climatique est à l’origine d’une désagrégation de nos structures de soutien économique et social. Les jeunes doivent faire face à de graves problèmes économiques, sociaux, culturels, politiques et environnementaux hérités des générations précédentes. Ils sont touchés de manière disproportionnée par les crises économiques et les mesures d’austérité qui en découlent. Les plus défavorisés d’entre eux souffrent de précarité et de pauvreté prolongée. Ils sont confrontés à des obstacles supplémentaires, tels que des conditions de vie difficiles et des freins à l’accès à l’emploi, en raison de leur situation socio-économique, de leur orientation sexuelle, de leur identité ou expression de genre, de leur appartenance ethnique ou raciale, de leur statut migratoire, de leur handicap ou d’une autre situation. |
4. Tirer les leçons des structures et processus existants
4.1. |
Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons vu des enfants et des jeunes de toute la planète faire la grève et s’exprimer publiquement pour réclamer un changement. Certains s’inspirent de militants célèbres à l’échelle mondiale ou nationale; d’autres ne peuvent plus tolérer qu’une société de la «croissance à tout prix» reçoive des aides ou encore que des fonds publics soient utilisés pour soutenir des pratiques non durables, par exemple les subventions accordées aux combustibles fossiles et autres subventions dommageables à l’environnement. Depuis l’éclosion du mouvement #FridaysForFuture en août 2018, ce sont quelque 13 millions de jeunes qui ont participé aux grèves en faveur du climat, dans 228 pays (4). |
Participation des jeunes au niveau national
4.2. |
Certains pays de l’Union européenne ont depuis lors créé des mécanismes pour permettre aux représentants de la jeunesse de s’exprimer lors de l’élaboration des politiques en matière de climat. Au Danemark, le conseil des jeunes pour le climat est un organe consultatif indépendant dirigé par des jeunes, placé auprès du ministre du climat. Il recueille des contributions des jeunes de tout le pays et formule des propositions politiques concrètes à l’intention du ministre. Les propositions sont ensuite incluses dans les processus politiques, ce qui donne aux jeunes un moyen d’influer directement sur l’élaboration des politiques climatiques. Par ailleurs, il existe aussi des conseils des jeunes pour le climat au niveau local dans certaines villes du Danemark (5). |
4.3. |
De nombreux jeunes entrepreneurs réfléchissent aux aspects écologiques et sociaux dès le début de leurs activités. Il conviendrait de soutenir, au niveau national, les pratiques commerciales qui visent à réduire les incidences sur l’environnement, par exemple au moyen d’exonérations fiscales, et d’encourager ces évolutions positives des jeunes entrepreneurs qui mobilisent leur énergie pour créer des modèles économiques durables. |
4.4. |
Des initiatives telles que les parlements d’étudiants écologiques en Hongrie, qui formulent des propositions sur les questions environnementales à l’intention des administrations municipales, sont essentielles. En effet, elles ne sont pas seulement éducatives, mais donnent aussi l’occasion aux établissements scolaires de resserrer leurs liens avec les habitants de la ville et de renforcer la relation entre les écoles et les parents. |
Participation des jeunes au niveau européen
4.5. |
Le dialogue de l’Union européenne en faveur de la jeunesse est un processus participatif européen qui permet aux jeunes d’instaurer un dialogue avec des décideurs sur un sujet donné en apportant leurs idées et leurs propositions sur des thématiques liées à la politique de la jeunesse dans l’Union. Il soutient la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse pour la période 2019-2027 et il s’organise selon un cycle de travail de 18 mois. |
4.6. |
Le Conseil consultatif pour la jeunesse du Conseil de l’Europe représente, au sein de la structure de cogestion qui établit les normes et les priorités de travail du secteur de la jeunesse du Conseil de l’Europe, la partie non gouvernementale. Il formule des recommandations relativement aux priorités, programmes et budgets futurs. Il est composé de 30 représentants d’ONG et de réseaux actifs dans le domaine de la jeunesse en Europe, et sa mission principale est de conseiller le Comité des ministres sur toutes les questions relatives aux jeunes. Il promeut un système de cogestion dans les processus décisionnels à tous les niveaux, en tant qu’il s’agit d’une bonne pratique en matière de participation des jeunes, de démocratie et d’inclusion. |
Participation des jeunes au niveau des Nations unies
4.7. |
Au niveau des Nations unies, le grand groupe des Nations unies pour les enfants et les jeunes est le mécanisme officiel, formel et autonome qui, sous l’égide de l’Assemblée générale des Nations unies, permet aux jeunes de s’engager utilement au sein de cette organisation. Le grand groupe pour les enfants et les jeunes des Nations unies dispose de structures de travail et de coordination chargées des différents aspects de ses travaux, ainsi que de plusieurs mandats officiels. |
4.8. |
En ce qui concerne le climat, le groupe YOUNGO est l’assemblée officielle de la jeunesse pour la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il est composé d’organisations et de personnes participant à titre individuel qui se reconnaissent en tant que jeunes. Il ne s’agit pas d’un organisme à proprement parler, mais plutôt d’un mécanisme unifié et ouvert de participation formelle, permettant à des groupes ou à des individus de contribuer aux processus de la CCNUCC de manière fréquente, formalisée, démocratique et inclusive. |
4.9. |
La nécessité d’une plus grande participation des jeunes a été reconnue lors du Sommet de la jeunesse pour le climat, qui s’est tenu à New York le 21 septembre dernier. L’initiative Kwon-Gesh, qui invite les jeunes à rappeler leurs responsabilités à leurs gouvernements et à leurs dirigeants respectifs, a été, depuis la tenue du sommet, approuvée par plus de 50 pays. |
4.10. |
La stratégie de l’ONU pour la jeunesse 2030 vise à répondre aux besoins des jeunes, à renforcer leur capacité d’action et à promouvoir leurs droits, ainsi qu’à garantir leur mobilisation et leur participation à la réalisation, à l’examen et au suivi du programme de développement durable à l’horizon 2030, ou encore aux autres programmes et instruments mondiaux pertinents. |
S’inspirer d’autres plateformes
4.11. |
La plateforme pluripartite sur les objectifs de développement durable créée par la Commission en 2017, à laquelle le CESE a participé activement, a joué un rôle important, mais elle a également laissé une vraie marge de manœuvre en vue d’améliorations pour ce qui est des contributions à ses travaux, de la fréquence de ses réunions, de l’autonomie dans la fixation du programme, des possibilités d’un débat élargi avec une participation active de ses membres, et de la facilitation de consultations publiques plus régulières, transparentes et accessibles. |
4.12. |
La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire, que gèrent conjointement le CESE et la Commission, offre un espace permettant à un large groupe de parties prenantes d’échanger des bonnes pratiques et des idées ainsi que de créer des réseaux fructueux. C’est dans la possibilité donnée aux parties prenantes de s’approprier cette plateforme que réside sa principale différence avec la plateforme pluripartite sur les ODD; il s’agit là d’une bonne pratique dont il convient de s’inspirer pour mettre en place d’autres mécanismes de participation structurée. |
5. Vision pour une participation de la jeunesse qui soit constructive
Principes
5.1. |
Il est évident que les organisations de jeunesse ne veulent pas créer de nouveaux mécanismes de participation pour des procédures qu’elles jugent de toute façon inefficaces. La crise climatique a des racines plus profondes, et proposer des solutions pour y répondre revient à poser des questions fondamentales sur la société dans laquelle nous voulons vivre à l’avenir, et sur la vision de l’économie que nous voulons créer pour avancer dans le sens d’une société neutre pour le climat. Si l’objectif est de modifier structurellement le système, et non le climat, il pourrait être nécessaire de ne pas s’en tenir à informer les jeunes sur le changement climatique et d’encourager leur activisme. Ce serait peut-être plutôt le moment de reconnaître les multiples facettes, formes, espaces et expressions que revêt le désaccord des jeunes (6). Ainsi, les questions horizontales qui ont un lien étroit avec une politique climatique efficace, telles que les problématiques monétaires, devraient également faciliter la participation des jeunes. |
5.2. |
Pour que la participation soit fructueuse, il convient que les jeunes soient associés à l’ensemble du déroulement du processus institutionnel: phases préparatoires, mise en œuvre, suivi et évaluation des initiatives et des processus politiques. De nombreux canaux de consultation ont déjà mis en place un cadre et donnent lieu à des déséquilibres de pouvoir. Il est important que les jeunes s’approprient leur propre participation et soient en mesure de cocréer le programme à suivre avec les parties prenantes institutionnelles. |
5.3. |
En guise de point de départ, il serait utile de recenser les obstacles à la participation des jeunes. Il peut s’agir de barrières de nature juridique ou administrative, ou encore liées à un manque de sensibilisation ou à un accès insuffisant aux informations quant à la participation des jeunes et aux mécanismes de représentation. Il convient également de s’attaquer aux obstacles sociaux, économiques et culturels qui entravent leur participation. Le rôle des conversations informelles dans le domaine social et culturel ou des échanges d’informations, par exemple entre pairs ou au sein des familles, ne devrait pas être sous-estimé. Il devrait être clair que chacun est en droit de participer. |
5.4. |
Il va sans dire que des ressources sont indispensables pour aider à développer les connaissances et les compétences nécessaires et garantir l’égalité des chances en matière de participation constructive, y compris pour les jeunes qui participent à des mécanismes de participation et de représentation des jeunes. Les gouvernements et les institutions concernées devraient fournir des ressources suffisantes, structurelles, fiables et durables, et apporter le soutien politique dont les organisations de jeunesse ont besoin pour trouver leur place dans des mécanismes de participation et de représentation des jeunes. |
5.5. |
Le mouvement des jeunes pour le climat et ses militants ont le droit de s’exprimer dans les processus décisionnels qui auront une incidence sur leur vie. Il s’agit également d’une composante évidente de l’aspect intergénérationnel de la justice climatique. |
5.6. |
L’Union européenne doit continuer à montrer la voie dans un dialogue novateur avec les parties prenantes. En tant que «foyer» de la société civile au cœur des institutions, le CESE constitue un intermédiaire et un partenaire naturel pour assurer la mise en œuvre de cette participation structurée. |
Proposition concrète
5.7. |
À l’échelon européen, le CESE n’a eu de cesse de déclarer (7) qu’il y avait lieu de donner à la société civile un mandat clair et de garantir sa participation structurée à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques et des stratégies visant à parvenir à la neutralité climatique. L’Union européenne a aujourd’hui une opportunité de créer des mécanismes d’engagement au moyen d’un pacte européen pour le climat. Le mécanisme de participation des jeunes sur le climat et la durabilité devrait faire partie intégrante de ce pacte, facilité par des organisations de jeunesse. |
5.8. |
Il convient que les décideurs de l’Union européenne créent un espace de dialogue régulier et constructif avec les jeunes sur les propositions et stratégies politiques dans le domaine du climat et de la durabilité. Des tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité, facilitées par le premier vice-président exécutif de la Commission, devraient avoir lieu deux fois par an à Bruxelles. |
5.9. |
Ces tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité devraient être organisées par le CESE en coopération avec la Commission et le Parlement européen. |
5.10. |
Les contributions des jeunes aux tables rondes devraient être recueillies et officiellement transmises au Parlement européen et à la Commission, les deux institutions étant tenues d’y apporter une réponse écrite indiquant les propositions qui peuvent être mises en œuvre et justifiant les motifs d’acceptation ou de refus. Ces tables rondes ne devront pas être de simples «lieux d’échange», mais témoigner plutôt d’une participation constructive, avec des réponses précises de la part des décideurs politiques. |
5.11. |
On pourrait également prévoir, en plus de la réunion avec la Commission et le Parlement européen, d’inviter la présidence en exercice. Cela permettra de garantir que les jeunes puissent entamer un dialogue avec le Conseil de l’Union. Les tables rondes pourraient être programmées pour se tenir au moment de la rotation des présidences, afin que les jeunes puissent avoir un véritable impact sur le programme de celles-ci. |
5.12. |
Afin de créer un canal de communication avec les jeunes, il conviendrait d’établir une liste de diffusion du dialogue des jeunes pour le climat et la durabilité, qui serait gérée par les facilitateurs des tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité, en s’inspirant de l’exemple de l’assemblée de la jeunesse des Nations unies. Cette liste de diffusion serait ouverte à tous les jeunes acteurs du climat, elle faciliterait une communication et un échange d’informations efficaces au sein du groupe et avec les institutions. |
5.13. |
Les responsables politiques de l’Union européenne devraient veiller à ce que les organisations de jeunesse soient associées de manière qualitative à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des différents mécanismes de participation structurée des jeunes sur le climat et la durabilité dans les processus décisionnels de l’Union européenne. Un tel dispositif contribuera à susciter une participation qui encourage la créativité et les idées des jeunes tout en veillant à ce que ces idées se traduisent en actions politiques. |
6. Mise en œuvre pratique de la vision par toutes les institutions de l’Union européenne
Institutions de l’Union européenne
6.1. |
Des dizaines de délégués très investis de la jeunesse du monde entier participent aux conférences annuelles sur le climat afin de formuler des recommandations, d’exhorter les délégués, de faire le bilan des progrès accomplis, d’organiser et de participer à des manifestations parallèles ou encore de se constituer leurs réseaux. L’ajout d’un(e) délégué(e) de la jeunesse au sein de la délégation de l’Union sur la protection du climat pour les COP de la CCNUCC permettrait de démontrer que les institutions de l’Union sont déterminées à dialoguer avec les jeunes de manière fructueuse. |
6.2. |
La convention d’Aarhus, à laquelle l’Union européenne est partie, devrait être pleinement appliquée, accorder des possibilités aux jeunes et aux organisations de jeunesse et soutenir leur accès à la justice devant la Cour de justice de l’Union européenne en vue de sauvegarder leur droit de recevoir des informations environnementales des pouvoirs publics ou celui de participer à la prise de décisions en matière d’environnement (8). |
6.3. |
Les jeunes et les organisations de jeunesse devraient être associés à la réponse continue de l’Union à la crise de la COVID-19 et œuvrer en faveur d’un changement radical de nos systèmes sociaux, économiques et politiques, mettant les principes du développement durable au cœur de ceux-ci. Doté de plus de 500 milliards d’euros, le train de mesures de réaction annoncé en avril 2020 doit garantir que ces principes soient la pierre angulaire de son déploiement. Il s’agit d’une occasion unique de corriger les inégalités systémiques et d’assurer une transition qui tourne le dos aux pratiques non durables. |
6.4. |
Il importe que les organisations de jeunesse bénéficient de mesures de renforcement des capacités qui les aident à s’orienter dans les environnements réglementaires et administratifs. Le renforcement des capacités, l’apport d’un soutien politique et financier, ainsi que la facilitation de la mise en réseau et des connexions, permettront de donner aux jeunes les moyens d’agir et de favoriser leur participation aux processus de prise de décision. |
Le CESE
6.5. |
Le CESE devrait montrer l’exemple en incluant le/la délégué(e) de la jeunesse de l’Union dans sa délégation aux COP de la CCNUCC, qui a le statut d’observateur au sein de la délégation de l’Union européenne. Ce/cette délégué(e) de la jeunesse participerait aux réunions bilatérales et aux manifestations parallèles du CESE. Il/elle pourrait communiquer sur le processus en cours et les résultats avec les organisations et réseaux de jeunes, notamment le réseau des tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité. Pour ces missions, il/elle bénéficierait du soutien apporté par le secrétariat du CESE. |
6.6. |
Le CESE pourrait s’engager à dialoguer avec un(e) représentant(e) de la jeunesse pour chacun de ses avis portant sur le climat ou le développement durable. Ce/cette représentant(e) fournirait au rapporteur une contribution sur le point de vue des jeunes et serait invité(e) à en faire une présentation lors d’une audition, d’une réunion du groupe d’étude ou d’une réunion de section, selon le cas. Le/la représentant(e) de la jeunesse pourrait être choisi(e) par le rapporteur du CESE sur la base des recommandations des facilitateurs du dialogue des jeunes pour le climat et la durabilité. Son rôle pourrait être défini selon un arrangement informel, similaire à celui d’un rapporteur fictif. |
6.7. |
Le CESE a déjà commencé à offrir à des représentants des jeunes la possibilité de s’exprimer régulièrement lors d’événements publics en matière de climat et de durabilité. Au cours du prochain mandat, cette pratique devrait être étendue à toutes les manifestations publiques qui concernent des questions d’avenir et qui gagneraient à profiter d’une contribution des jeunes. |
6.8. |
Le sommet européen de la jeunesse pour le climat, organisé conjointement par le CESE et le Parlement européen, pourrait devenir un événement annuel pour les jeunes. Cet événement peut contribuer à améliorer la défense des droits des jeunes, à renforcer leurs capacités et leur autonomisation, et à établir des liens entre les institutions européennes, ce qui serait essentiel pour une participation significative, structurée et durable des jeunes au processus décisionnel de l’Union. |
6.9. |
Le CESE demande que le Parlement européen mette également en place un processus formel de consultation des représentants des jeunes lors de l’élaboration de ses positions sur les propositions politiques en matière de climat et de durabilité. |
6.10. |
Le CESE pourrait miser sur son avenir en garantissant une représentation suffisante des organisations de jeunesse en son sein et assurer également un échange d’expériences et de connaissances avec les sections de jeunesse des organisations membres. De nombreuses organisations membres du CESE ont des sections de jeunesse: il conviendrait d’encourager activement davantage de membres à nouer des contacts avec de futurs membres potentiels issus de ces sections de leurs organisations. Le CESE continue de promouvoir l’engagement des jeunes par l’intermédiaire de l’excellente manifestation «Votre Europe, votre avis!», qui, malgré son report cette année en raison de la COVID-19, se tiendra de nouveau l’année prochaine et sera axée sur le climat et la durabilité. |
7. Adopter une vision positive pour l’avenir
7.1. |
Les conséquences les plus désastreuses de la crise climatique sont encore très éloignées des préoccupations de la plupart des Européens. La pandémie de COVID-19 nous donne un exemple concret de ce qui peut se passer lorsque l’avis des scientifiques et des experts est ignoré. Elle a également montré que la mise en place d’une politique fondée sur des données scientifiques exactes peut être efficace pour faire face à une crise. Cette leçon doit être appliquée à la crise climatique: nous avons encore le temps de prévenir certaines des conséquences les plus graves et de nous préparer pour le reste. |
7.2. |
La conception et la mise en œuvre de l’action de relance pour réagir aux effets économiques négatifs de la pandémie doivent maintenir les engagements pris en matière d’action pour le climat et de durabilité au premier plan de l’action politique. Le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 et l’accord de Paris constituent l’épine dorsale du multilatéralisme international dans le traitement de ces questions, et il convient de renforcer le pacte vert pour l’Europe afin de mettre en place la future société durable, neutre sur le plan des émissions de carbone, qui respectera les engagements intergénérationnels. |
7.3. |
Le mouvement de la jeunesse a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation lors du confinement lié à la pandémie. Son message a fait écho, grâce à la mobilisation en ligne et à des manières innovantes de faire passer des messages, par un recours à toutes les formes de communication, depuis les revendications politiques jusqu’à l’humour. Cette approche novatrice et ambitieuse pour concevoir notre avenir doit être reconnue et prise en compte. |
7.4. |
Abstraction faite de ses effets par ailleurs dévastateurs, on a pu avoir, lors de la crise de la COVID-19, un aperçu positif de ce que pourrait être l’avenir. Les travailleurs les moins rémunérés de notre économie ont été reconnus comme essentiels. Notre main-d’œuvre est apparue plus souple qu’on ne l’avait jamais imaginé. Le lien avec la famille et notre environnement immédiat a été perçu comme étant extrêmement gratifiant et précieux. L’importance que revêt l’accès à la nature pour la santé et le bien-être est apparue au grand jour. Il nous appartient à présent de veiller à tirer les enseignements positifs de l’expérience acquise et de les appliquer en tant que composantes essentielles d’une nouvelle normalité. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Objectifs de développement durable des Nations unies.
(2) Commission européenne: «L’heure de l’Europe: réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération» [COM(2020) 456 final] et document d’accompagnement: «Le budget de l’Union: moteur du plan de relance pour l’Europe».
(3) https://news.un.org/en/story/2020/04/1061772
(4) Source: Fridays for future: statistiques relatives aux grèves.
(5) Source: Conseil de la jeunesse pour le climat auprès des Nations unies.
(6) Source: Ecology and Society: Exploring youth activism on climate change: dutiful, disruptive, and dangerous dissent [Étudier l’activisme des jeunes contre le changement climatique: une dissidence dévouée, perturbatrice et dangereuse].
(7) Voir les avis du CESE sur le thème «Promouvoir des actions en faveur du climat par des acteurs non étatiques: un cadre de l’Union européenne pour encourager des actions plus nombreuses et de meilleure qualité» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 35) et sur le «Pacte européen pour le climat» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 67).
(8) Avis du CESE sur l’accès à la justice au niveau national en rapport avec les mesures d’application du droit environnemental de l’Union européenne (JO C 129 du 11.4.2018, p. 65).
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/51 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Vers une stratégie de l’Union européenne pour une consommation durable»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/08)
Rapporteur: |
Peter SCHMIDT |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
8.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
212/2/5 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La pandémie de COVID-19 a mis à nu la fragilité des chaînes d’approvisionnement. Reconstruire l’économie après la crise offrira l’occasion de repenser notre société et de concevoir un nouveau modèle de prospérité. Il n’est plus loisible mais nécessaire de changer de priorités en faveur de modes plus durables de production, de distribution et de consommation et d’accroître la résilience de tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement face aux crises. La résilience des agriculteurs qui produisent notre alimentation ou des travailleurs qui fabriquent nos vêtements importe tout autant que celle des sociétés d’importation, des fabricants, des grossistes, des PME ou des chaînes de distribution en Europe. |
1.2. |
Le CESE réclame une stratégie exhaustive de l’Union européenne pour une consommation durable. Pour les citoyens, le choix le plus durable doit être aussi celui le plus aisé. Pour ce faire, il sera nécessaire de modifier de manière systémique notre façon de produire et de consommer. Il convient notamment de mieux faire valoir la responsabilité qui incombe aux producteurs (1) s’agissant de lutter contre la consommation non durable. Étant donné que les marchés ne fourniront pas automatiquement des résultats durables, une stratégie est nécessaire afin de créer le cadre réglementaire et la direction stratégique aussi bien à l’intention du secteur privé, y compris au moyen de modèles d’entreprise circulaires et durables, que des pouvoirs publics, par exemple au travers des marchés publics. |
1.3. |
Il convient d’inscrire pleinement la dimension sociale dans le cadre de la stratégie, tout comme les dimensions économique et environnementale, afin de parvenir à la cohérence des politiques indispensable au développement durable. Trop longtemps, l’Union européenne s’est attachée à des solutions fondées sur le marché et a négligé la dimension des citoyens et des travailleurs. L’amélioration des conditions de travail, des salaires minimaux, la protection sociale, l’investissement dans les services publics, la gouvernance inclusive, la fiscalité équitable, etc. devraient figurer parmi les critères de durabilité. Une telle démarche contribuerait à rendre nos systèmes de production et de consommation plus équitables et plus durables à long terme. Elle favoriserait également la mise en œuvre du programme des Nations unies à l’horizon 2030. |
1.4. |
Une stratégie de l’Union pour une consommation durable doit accorder une attention toute particulière à son incidence sur les populations vulnérables et les ménages à faibles revenus, que la crise actuelle a tout spécialement frappés, et qu’elle continuera à frapper, tout en étudiant l’incidence sur les acteurs vulnérables au sein des chaînes d’approvisionnement, notamment sur les agriculteurs et les travailleurs. Il convient de rendre les produits et les services durables accessibles et abordables pour tous. |
1.5. |
À court et moyen terme, il convient de mieux coordonner tous les instruments politiques pertinents (tels que par exemple les marchés publics, l’étiquetage, la fiscalité, etc.) et de les orienter sur la voie de cette vision. Une approche plus harmonisée est nécessaire afin de surmonter la fragmentation et le cloisonnement qui caractérisent actuellement les politiques de l’Union. |
1.6. |
Dans le contexte de la reprise dans le sillage de l’épidémie de COVID-19, le CESE invite la Commission, le Parlement et les États membres à œuvrer de manière resserrée avec lui afin de concevoir un programme substantiel et coordonné de politiques intégrées qui aidera l’Europe à «se reconstruire en mieux» et créera les conditions pour une stratégie exhaustive de l’Union en faveur d’une consommation durable. Le CESE recommande les actions spécifiques suivantes qu’il convient de mettre en œuvre:
|
2. Introduction
2.1. |
La pandémie de COVID-19 a mis à nu la fragilité de l’approvisionnement et la nécessité d’une transformation urgente et systémique. L’insuffisance de l’investissement dans les secteurs de la santé et des soins, l’excès de confiance dans les chaînes mondiales d’approvisionnement et la dépendance des systèmes économiques à l’égard de processus linéaires de production et de consommation incompatibles avec la finitude de notre planète ont mis en péril la capacité des gouvernements à agir avec rapidité et détermination afin de protéger la santé publique. Il n’est plus loisible mais nécessaire de changer de priorités en faveur de modes plus durables de production, de distribution et de consommation et d’accroître la résilience de tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement face aux crises (2). La pandémie a placé la protection sociale, les services publics, les travailleurs peu qualifiés, la santé et la sécurité au travail, ainsi que les conditions de travail, au centre du débat médiatique et politique. |
2.2. |
L’Union européenne s’est pleinement engagée à réaliser le programme des Nations unies de développement durable à l’horizon 2030 assorti de ses 17 objectifs de développement durable (ODD). Nonobstant, la mise en œuvre de l’ODD 12 sur la consommation et la production durables n’a cessé de constituer un véritable problème pour l’Europe (3), alors même que cette dimension est cruciale pour réaliser le programme à l’horizon 2030 dans son ensemble. De fait, les manières dont la plupart des personnes consomment actuellement (en grandes quantités, à un rythme élevé, en suivant une trajectoire linéaire et en produisant de nombreux déchets selon le modèle «extraire-fabriquer-jeter») ne sont pas durables. De surcroît, faire jouer aux citoyens avant tout le rôle de consommateurs individuels fait peser une lourde responsabilité sur les personnes quant à leurs choix, sans leur offrir de solutions de remplacement accessibles ou abordables. |
2.3. |
Le CESE a déjà demandé à l’Union de proposer une nouvelle vision en matière de prospérité pour les personnes comme pour la planète, qui soit fondée sur les principes de la durabilité environnementale, du droit à une vie décente et de la protection des valeurs sociales (4). Une démarche systémique de l’UE en matière de consommation durable constitue l’un des éléments constitutifs essentiels de la vision stratégique du CESE d’une économie durable du bien-être qui ne laisse personne de côté. |
2.4. |
L’Union européenne bénéficie d’un élan politique important pour prendre des mesures résolues afin d’avancer sur la voie de cette vision. Le pacte vert — et social — pour l’Europe recèle de très grandes possibilités pour reconstruire l’économie une base plus durable après la crise de la COVID-19, pour contribuer à créer un nouveau modèle de prospérité et pour garantir une transition juste (5). |
2.5. |
En particulier, le nouveau plan d’action pour une économie circulaire prévoit spécifiquement une action visant à donner aux consommateurs les moyens de participer à la transition verte, ainsi que plusieurs initiatives susceptibles de faire valoir la responsabilité des régulateurs et des entreprises. Ce plan d’action pour une économie circulaire devrait élargir la portée de la «nouvelle donne pour les consommateurs» de 2018, qui s’attachait principalement à protéger et faire respecter les règles, plutôt qu’à donner des possibilités réelles d’agir. Il importe également et doublement de mettre en œuvre les deux stratégies que sont celle en faveur de la biodiversité et celle intitulée «de la ferme à la table» car la crise de la COVID-19 rend plus urgent que jamais d’accroître la résilience et la durabilité des systèmes alimentaires européens et mondiaux. Le prochain et huitième programme d’action pour l’environnement devrait constituer l’occasion d’aborder de manière plus résolue la consommation durable. |
2.6. |
Le présent avis participera des réflexions sur la reprise après la COVID-19 en formulant des recommandations concrètes pour une stratégie exhaustive de l’Union européenne pour une consommation durable, qui s’inscrit dans le cadre du pacte vert pour l’Europe et qui complète le nouveau plan d’action pour une économie circulaire. |
3. Défis — Analyse de la situation actuelle
3.1. |
L’Europe est encore loin de vivre dans les limites qu’impose la finitude de notre planète. Différentes études menées selon diverses méthodologies afin d’évaluer les modes de consommation de l’UE arrivent à cette même conclusion (6), y compris un rapport récent de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) et de l’Office fédéral suisse de l’environnement (OFEV) (7). |
3.2. |
La consommation de produits et de services est une cause directe et indirecte de pressions telles que le changement d’affectation des terres, les émissions et la libération dans l’environnement de produits chimiques toxiques, qui entraînent à leur tour une série d’incidences environnementales, notamment le changement climatique, l’appauvrissement et la pollution des eaux douces et la perte de biodiversité. Cette «empreinte écologique» de la consommation est considérable en Europe et en fait, elle est l’une des plus élevées au monde. Les données suggèrent qu’il nous faudrait près de trois Terres pour supporter l’économie mondiale si chaque habitant de notre planète consommait comme un Européen moyen (8), (9). |
3.3. |
Pour maintenir ses niveaux élevés de consommation, l’Europe dépend de ressources extraites ailleurs dans le monde. De ce fait, l’Europe exporte de plus en plus vers d’autres parties du monde les pressions qu’elle exerce sur des aspects essentiels de l’environnement (10). En définitive, ce modèle n’est plus compatible avec un avenir sûr et durable (11). |
3.4. |
À défaut de pouvoir tenir pour durable l’exportation de l’empreinte écologique de l’UE dans le cadre de ses échanges commerciaux, il convient également de reconnaître que pour de nombreux pays, notamment les pays les moins avancés, leurs échanges avec l’UE jouent un rôle important dans leur développement socio-économique. En fait, l’UE promeut activement le commerce en tant qu’outil permettant d’encourager la durabilité à l’échelle mondiale ainsi qu’au sein des pays qui sont ses partenaires commerciaux. Il convient donc d’assurer une cohérence méticuleuse entre les principes d’équité, de circularité et d’une consommation plus durable et le commerce, permettant d’offrir des débouchés aussi bien pour l’UE que pour ses partenaires commerciaux (12). |
3.5. |
Les modes de consommation européens actuels soulèvent également plusieurs questions concernant l’équité sociale. Alors qu’en termes de matières, certaines parties de l’Europe produisent quelques-unes des empreintes les plus élevées dans le monde (13), d’autres régions d’Europe ne sont pas en mesure d’offrir le niveau de vie que l’on tient généralement pour acceptable. Au sein de l’UE, les niveaux de privation matérielle varient considérablement, tout comme le degré de détresse économique (14). La consommation est donc étroitement liée aux programmes politiques concernant, par exemple, la nutrition, la pauvreté et les inégalités (15). Consommer de manière plus durable dans l’ensemble de l’Europe pourrait se traduire par une augmentation de l’utilisation des ressources pour certains, et par sa diminution pour d’autres, à savoir dans l’ensemble par un accès mieux équilibré aux ressources et une justice renforcée en matière de ressources (16). |
3.6. |
La consommation non durable résulte d’une interaction complexe entre une série de différents facteurs. Le modèle d’entreprise dominant est linéaire, c’est-à-dire que la croissance de la plupart des entreprises se fonde toujours sur l’achat de produits toujours plus nombreux par un nombre toujours plus élevé de personnes. La durée de vie réelle de nombreux produits de consommation se réduit (17), tandis que leur réparation est rendue, souvent de manière intentionnelle, de plus en plus compliquée (18). D’autres solutions que le modèle économique linéaire consistant à extraire-fabriquer-jeter, telles que celles qui se fondent sur la circularité des matières, leur mise à disposition sous la forme de service ou encore leur partage, pourraient contribuer à réduire la consommation globale de matières, mais elles demeurent marginales et dans les conditions actuelles, elles ne sont souvent pas en mesure de concurrencer les solutions linéaires (19). En fait, les produits secondaires (réutilisés/refabriqués/recyclés) sont souvent vendus en plus des (nouveaux) produits primaires, ce qui entraîne des incidences sur l’environnement issues des productions tant primaire que secondaire (20). Promouvoir la circularité sans promouvoir de changements systémiques plus larges de la production (et notamment de la conception des produits), de la consommation et de la prévention des déchets ne reviendrait donc qu’à ne s’attaquer qu’à une partie du problème. Les consommateurs devraient bénéficier d’un véritable «droit à la réparation». |
3.7. |
Le prix est l’un des facteurs les plus déterminants et déclencheurs de la demande (21), et aussi longtemps que le prix des produits et des services n’en reflétera pas plus exactement leur véritable coût, il ne sera pas possible d’évoluer globalement vers des modes durables de consommation. À l’heure actuelle, ce sont les contribuables et les générations futures qui supportent habituellement les coûts économiques des externalités environnementales et sociales de la production et de la consommation, et non les entreprises qui commercialisent les produits et les services en question. Les produits et les services qui offrent des solutions de rechange présentant de moindres incidences demeurent souvent plus chers et d’un accès malaisé, en dépit des effets démontrés qu’ont les moindres externalités négatives de choix de consommation plus durables, tels que les produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable (22). |
3.8. |
Entre-temps, il a été porté une attention accrue aux méthodes de comptabilisation des véritables coûts et les études se sont multipliées depuis que l’économiste A. C. Pigou a forgé le terme de coûts d’«externalité» (23). En 2008, la Commission a publié une stratégie sur l’internalisation des coûts externes (24), qui hissait la fiscalité, les péages (ou redevances d’usage) et, dans certaines circonstances, l’échange de droits d’émission, au rang de principaux instruments économiques permettant d’internaliser les coûts externes. Toutefois, l’évolution que l’on observe à long terme en Europe est celle d’une baisse de la part des recettes des taxes «environnementales» dans l’ensemble des recettes fiscales (25). |
3.9. |
Un autre problème réside dans l’interprétation qui domine à l’heure actuelle le droit de la concurrence, qui recourt à une notion très étroite du bien-être du consommateur, qui privilégie le caractère modique des prix en rayon dont il bénéficie sur le caractère durable des produits et de la manière dont ceux-ci sont fabriqués. En 2013, l’ACM, l’autorité néerlandaise de la concurrence, a jugé dans l’affaire «Accord sur l’énergie» qu’un accord énergétique multipartite pour une croissance durable conclu par les employeurs, les syndicats, les organisations environnementales et d’autres parties afin de conserver l’énergie, stimuler l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables et créer des emplois n’était pas conforme aux exigences du droit de la concurrence. En 2014, cette même autorité a estimé dans l’affaire «Poulet de demain», qu’un accord multipartite visant à améliorer le bien-être des poulets, en réduisant l’usage des antibiotiques et en augmentant leur espace, ainsi qu’en adoptant d’autres mesures environnementales supplémentaires, restreignait la concurrence. |
3.10. |
Les lignes directrices concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du TFUE indiquent que ledit article «a pour objectif de préserver la concurrence sur le marché afin d’accroître le bien-être du consommateur et d’assurer une répartition efficace des ressources» sans préciser s’il convient de prendre en compte des considérations non économiques ni de quelle manière. De nombreux acteurs souhaiteraient faire monter en puissance leurs projets de durabilité, mais les investissements requis sont trop importants pour qu’ils puissent les effectuer par leurs propres moyens. Les lignes directrices relatives au droit de la concurrence devraient leur apporter davantage de clarté sur la manière de s’engager dans une coopération dans le domaine de la durabilité. |
3.11. |
Une récente étude de la Fairtrade Foundation («Fondation pour le commerce équitable») démontre que l’absence de clarté de l’environnement juridique pour une éventuelle coopération dans le domaine des prix à la ferme modiques entrave les avancées en vue de travailler de manière collaborative afin d’assurer des salaires et des revenus décents tout au long des chaînes d’approvisionnement. Ce rapport relève qu’un surcroît d’éclaircissements de la part des autorités de la concurrence sur leur manière d’évaluer au regard du droit de la concurrence une coopération préconcurrentielle concernant la question des prix à la ferme modiques permettrait grandement de progresser (26). |
3.12. |
Une approche cohérente de la consommation durable se heurte à la fragmentation qui prévaut actuellement parmi les actions politiques de l’Union européenne. Si l’on s’en tient par exemple à la mise en œuvre de la directive de 2014 sur la passation des marchés publics (27), plusieurs directions générales de la Commission œuvrent séparément à fournir des documents d’orientation aux pouvoirs adjudicateurs (le manuel «Acheter vert!» de la DG Environnement (28), le guide «Acheter social» sous la direction de la DG GROW (29), qui fait actuellement l’objet d’une mise à jour), auxquels la Commission ajoute ses «Orientations sur la passation de marchés de solutions innovantes» (30). Cet état de fait peut susciter une forte confusion parmi les pouvoirs adjudicateurs au sein de l’UE qui entendent adopter une approche intégrée de la passation de marchés durables, comme le prévoit l’objectif de développement durable 12.3. |
4. La vision — Vers une stratégie exhaustive de l’Union européenne pour une consommation durable
4.1. |
Les politiques concernant la durabilité des processus de production (telles que l’écoconception), des produits et des services, et concernant les matières qui deviennent des déchets, constituent de longue date des pierres angulaires de l’action politique de l’Union européenne; de ce fait, cette dernière dispose d’un cadre politique assez bien établi en la matière. Toutefois, une telle approche ne suffit plus pour porter l’ampleur du changement requis dans le temps imparti; aussi convient-il de prêter davantage attention au rôle de la consommation dans la réalisation du développement durable. |
4.2. |
Les politiques menées à l’échelon de l’Union s’attachant à la consommation se sont concentrées jusqu’à présent sur les rôles que peuvent jouer les citoyens en tant que consommateurs et sur le recours aux instruments d’action politique fondés sur les informations pour tenter d’influer sur le comportement des consommateurs. À cet égard, l’on peut citer les exemples que sont notamment l’éco-étiquetage des produits, les campagnes de sensibilisation et les critères volontaires en matière de marchés publics écologiques. |
4.3. |
Toutefois, ces instruments d’action politique n’ont produit que des effets limités sur la consommation non durable. En fait, il n’existe que peu de données probantes pour montrer qu’améliorer l’information sur les performances environnementales des produits, telle que les labels écologiques, permette de produire dans les faits un changement des comportements d’achat, et encore moins à l’échelle requise. Cette situation s’explique par divers effets rebonds, des routines et des habitudes inconscientes, etc. (31). Les choix des consommateurs (qu’il s’agisse de ménages ou des secteurs privé ou public) demeurent largement guidés par le prix et la facilité d’utilisation (32). Il importe toutefois de faire valoir que dans le cadre du système en place, ce n’est pas aux consommateurs qu’incombe la responsabilité de tels choix, mais bien plutôt aux producteurs (33). C’est la logique capitaliste et le déséquilibre des pouvoirs au sein de la chaîne d’approvisionnement qui conduisent à un «nivellement par le bas» en privilégiant le prix sur la durabilité. |
4.4. |
Il est tout aussi problématique d’imputer aux citoyens la responsabilité de réaliser une consommation plus durable, étant donné que la plupart des produits et des services n’affichent pas leur véritable coût et que les leviers du marché et de la société sont réglés de manière à encourager l’accroissement de la consommation matérielle. Il s’impose de mieux faire valoir la responsabilité qui incombe aux secteurs privé et public de s’attaquer à la consommation non durable, ainsi que d’adopter les instruments qui contribuent à faire en sorte, de manière équilibrée et transparente, que les choix plus sains, plus durables et plus sûrs, soient ceux qui sont les plus aisés et les plus abordables pour les citoyens. La Commission européenne devrait continuer à soutenir les campagnes paneuropéennes menées par la société civile sur la consommation durable, en ne s’attachant pas uniquement aux décisions individuelles prises par les consommateurs. |
4.5. |
Le caractère que revêt l’action politique menée à l’échelon de l’Union à ce jour s’explique en partie par l’équilibre des compétences entre l’Union et ses États membres. Les instruments politiques auxquels il est possible de recourir afin de tenter de réglementer la demande, tels que l’imposition, relèvent largement de la compétence des États membres. Nonobstant, l’Union européenne joue un rôle central pour faire en sorte que l’Europe vive dans les limites de notre planète et elle dispose de plusieurs moyens pour agir sur la consommation non durable. Certains États membres pourraient également bénéficier d’autres orientations (boîte à outils) de la part de l’UE. |
4.6. |
Des approches isolées, par exemple d’ordre équitable ou circulaires, sont importantes, sans être suffisantes, pour parvenir à la durabilité. En outre, se présente le risque qu’en concevant des réponses politiques à la consommation non durable de manière isolée les unes des autres, l’on crée des problèmes imprévus par la suite. Une approche exhaustive et coordonnée est nécessaire, qui reflète la complexité de la question en jeu et qui fournisse une contribution cohérente de la part de divers domaines d’action politique, qu’il s’agisse de la recherche, de l’innovation, des politiques sectorielles et industrielles, ou encore de l’éducation, du bien-être, du commerce et de l’emploi (34). Il importe qu’une stratégie de l’Union complète, et surtout ne remette pas en cause, des interventions réglementaires ambitieuses lorsque celles-ci sont nécessaires. |
4.7. |
Une stratégie de consommation durable à l’échelon de l’Union devrait fournir un cadre ambitieux aux États membres et au secteur privé pour qu’ils puissent s’attaquer aussi bien à la consommation des ménages qu’à celle du secteur public. Les marchés ne produiront pas automatiquement des résultats durables. Une stratégie est nécessaire pour créer l’environnement réglementaire et la direction stratégique propices à des initiatives ambitieuses pionnières, aussi bien pour les produits que pour les services (sachant que l’économie des services n’est pas forcément durable). |
4.8. |
Une stratégie de l’Union se ferait également l’écho des revendications des consommateurs européens qui demandent à l’Union d’assurer des changements structurels et la création de nouvelles infrastructures pour permettre aux consommateurs d’adopter des modes de vie plus durables (35). |
4.9. |
Intégrer au niveau européen le rôle que joue la consommation peut également aider à éviter les effets rebonds et d’autres effets imprévus que pourrait produire une politique nouvelle et/ou refondue, ainsi que soutenir la transition culturelle à long terme dans la manière dont nous percevons la notion d’efficacité et le rôle de la consommation pour réaliser le programme à l’horizon 2030. |
4.10. |
Une stratégie de l’Union pour une consommation durable devrait prévoir des objectifs pour une réduction en termes absolus de l’empreinte sur les matières premières de la consommation européenne. Des objectifs établis à l’échelon de l’Union peuvent fournir une orientation, un élan et une cohérence pour d’autres échelons de gouvernement et pour les novateurs publics et privés afin de contribuer à réaliser l’économie du bien-être (36). |
4.11. |
En outre, l’aspect de justice est crucial dans l’utilisation des ressources, alors qu’il a été longtemps négligé dans l’action politique de l’Union (37). Une stratégie pour une consommation durable doit s’axer sur les personnes, et avoir pour ambition de rendre accessibles, abordables et attrayants pour tous les choix de consommation durables. Cette stratégie doit accorder une attention particulière à l’impact sur les populations vulnérables et les ménages à faible revenu. Il convient également d’aborder en conséquence la question des groupes sociaux à fort pouvoir d’achat. |
4.12. |
Les travailleurs et les agriculteurs ont un rôle essentiel à jouer afin de promouvoir la consommation durable, car ils sont à la fois des consommateurs en bout de chaîne mais aussi des producteurs au début de la chaîne d’approvisionnement. Il est essentiel que les politiques de consommation durable prévoient donc une approche équilibrée s’agissant de répartir la valeur au sein et tout au long de la chaîne de valeur, par exemple en favorisant des salaires décents pour les travailleurs et un revenu de subsistance pour les agriculteurs, tant au sein de l’UE que dans les pays du Sud, plutôt que de viser exclusivement à obtenir à court terme des prix modiques pour les consommateurs. Les travailleurs, les syndicats, les groupements d’agriculteurs et les organisations de la société civile peuvent également jouer un rôle essentiel pour contrôler le respect des normes en matière de durabilité et de droits de l’homme au sein des chaînes de valeur mondiales. |
4.13. |
Le commerce de détail peut également jouer un rôle important afin de promouvoir une consommation durable en créant des incitations douces («nudging») qui orientent le consommateur vers des choix plus sains et plus durables. Au sein de ce secteur, il est particulièrement intéressant de relever le modèle d’entreprise coopérative de consommateurs, en raison de sa forme entrepreneuriale spécifique, qui place la personne du consommateur au centre de ses activités et de sa structure de gouvernance démocratique. |
4.14. |
Une stratégie de l’Union devrait comprendre des initiatives visant à garantir la transparence et la fiabilité des flux d’informations afin de soutenir la consommation durable, en exploitant les possibilités qu’offrent les solutions numériques nouvelles et émergentes. Cette démarche pourrait aider les entreprises disposées à innover mais qui ne disposent pas à l’heure actuelle des instruments de mesure ni des données qui permettent d’évaluer avec fiabilité les incidences écologiques et sociales de la consommation de tous les jours. C’est là un problème auquel sont tout particulièrement confrontées les PME, les jeunes pousses et les coopératives, qui sont des novateurs et des plateformes de test essentiels. Tout spécialement, l’Union a un rôle important à jouer pour harmoniser et contrôler les allégations écologiques revendiquées sur le marché intérieur. À l’heure actuelle, le nombre élevé de telles allégations, qui reposent sur des données dont le caractère probant est fort disparate, engendre la confusion et risque de saper la confiance des consommateurs dans la légitimité de la moindre de ces allégations. Le CESE se félicite dès lors de l’ambition qu’affiche la Commission dans le cadre de la mise en œuvre de son nouveau plan d’action pour une économie circulaire, de présenter une proposition législative visant à garantir que les entreprises étayent leurs allégations environnementales. |
4.15. |
Une stratégie à l’échelon de l’Union pour une consommation durable devrait mettre en évidence et faire jouer les synergies avec d’autres domaines d’action politique. Par exemple, 45 % des émissions totales de carbone de l’Europe dépendent de la manière dont nous produisons et utilisons les produits, et de la manière dont nous produisons des denrées alimentaires (38). Les systèmes alimentaires peuvent être la source d’une restauration et d’un renforcement de la résilience pourvu que les produits alimentaires soient cultivés, transformés et consommés différemment. Il est presque certain qu’il faudrait pour cela que l’alimentation du bétail soit adaptée au mieux à l’espèce concernée et que les consommateurs suivent un régime équilibré comprenant moins de viande, deux démarches qui sont bénéfiques tant pour le climat que pour la santé (39). La consommation et la demande jouent un rôle crucial dans notre capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre. De la même manière, le principal défi à relever dans le cadre de la lutte contre la perte de biodiversité et la dégradation des écosystèmes en Europe réside dans notre mode de vie qui nécessite plusieurs planètes (40). Le CESE réitère également son appel en faveur d’une reconnaissance des droits de la nature afin d’assurer leur parité avec ceux des particuliers et des entreprises (41). |
5. Passer de la vision à la mise en œuvre — Possibilités d’action à l’échelon de l’Union européenne et de ses États membres
5.1. |
Dans le contexte de la reprise dans le sillage de l’épidémie de COVID-19, le CESE invite la Commission, le Parlement et les États membres à œuvrer de manière resserrée avec lui afin de concevoir un programme substantiel et coordonné de politiques intégrées qui aidera l’Europe à «se reconstruire en mieux» et créera les conditions pour une stratégie exhaustive de l’Union en faveur d’une consommation durable. Les plans de relance verte devraient donner un coup de fouet aux changements systémiques nécessaires dans les systèmes de mobilité, d’alimentation, de logement, de loisirs, dans les systèmes énergétiques et au sein des groupes de produits à forte incidence (42), en s’intéressant à l’impact de la consommation de l’UE, tant en son sein que dans les pays du Sud. Les propositions suivantes pourront servir de point de départ à cet exercice. |
5.2. Instruments juridiques ou réglementaires
5.2.1. |
Introduire des normes de produits (réglementation) et proscrire des produits (interdictions) en favorisant la durabilité, c’est-à-dire promouvoir la longévité des produits. Le CESE a été un pionnier en réclamant l’interdiction totale de l’obsolescence programmée déjà dans son avis de 2013 sur la durée de vie des produits et l’information des consommateurs (43), ainsi que dans des avis ultérieurs. Il y estimait utile de mettre en place un système garantissant une durée de vie minimale des produits achetés. Un rapport récent élaboré à la demande de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen va dans le même sens (44). Dans ce contexte, il convient également d’examiner les conséquences de la croissance du commerce électronique, par exemple lors de la crise de la COVID-19. |
5.2.2. |
Interdire les pratiques commerciales déloyales (PCD), non pas seulement dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire, comme l’a fait la nouvelle directive contre les pratiques commerciales déloyales dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire (45), mais aussi dans d’autres secteurs, tels que le textile, marqués par des pratiques commerciales déloyales de grande ampleur, aggravées par la crise de COVID-19 (46). Le CESE plaide en faveur d’une mise en œuvre équilibrée de la directive contre les pratiques commerciales déloyales, afin d’éviter de protéger les grands fabricants de marques qui abusent de leur pouvoir de négociation pour générer des marges bénéficiaires fort conséquentes. |
5.2.3. |
Droit de la concurrence. Permettre la négociation collective entre les fournisseurs et les acheteurs sur le prix (et les conditions de livraison) des produits de base essentiels, en particulier sur les interfaces qui présentent de fortes disparités de degrés de concentration de maillons successifs de la chaîne de valeur (lorsque par exemple, des fournisseurs fragmentés se retrouvent face à des acheteurs concentrés). Dans le cadre de la révision à laquelle procède actuellement la Commission des lignes directrices concernant l’accord horizontal, il convient de réintroduire une section relative aux accords sectoriels en matière de durabilité, conformément au modèle présenté dans la section consacrée aux accords environnementaux dans les anciennes lignes directrices de 2001 (47), et les adapter au contexte actuel, notamment en tenant compte du pacte vert pour l’Europe, de l’accord de Paris, ainsi que de l’ODD 12. |
5.2.4. |
Règles commerciales. Faire en sorte de pouvoir appliquer les clauses sociales et environnementales des accords commerciaux, les assortir de sanctions (telles que des tarifs majorés ciblés pour les secteurs stratégiques, à l’exclusion des secteurs dans lesquels l’imposition de droits de douane pourrait entraîner une augmentation de la pauvreté dans les PMA) en cas de non-respect. |
5.2.5. |
Responsabilité des entreprises. Rendre obligatoire le devoir de vigilance pour les acheteurs tout au long de leur chaîne d’approvisionnement (créer une obligation) pour les chaînes d’approvisionnement durables dans le cadre des efforts visant à faire valoir la responsabilité des entreprises. Plutôt que de recourir à une approche de «liste de vérification», les entreprises devraient réexaminer leurs pratiques d’achat, comme le conseille l’OCDE (48), et être contraintes par des règles juridiques plus strictes sur le contrôle des activités de lobbying. Il convient d’agir pour lutter contre l’écoblanchiment. |
5.2.6. |
Recourir obligatoirement à un instrument standard pour repérer et suivre les informations relatives aux opérations réalisées le long de la chaîne de valeur (qui, quand, où, dans quelles conditions sociales et environnementales), ce qui fournit les moyens techniques de satisfaire à l’obligation. Il convient d’associer la société civile et les syndicats à la conception et au suivi des normes environnementales et sociales. |
5.3. Instruments économiques et financiers
5.3.1. |
Déplacer le poids de l’imposition du travail à l’exploitation des ressources. Tirer parti de la révision en cours du règlement sur la TVA afin de fournir des critères clairs sur la manière dont les États membres peuvent introduire des taux réduits de TVA pour les produits fabriqués de manière durable et pour les services susceptibles de réduire les incidences néfastes de la consommation, tels que des services de réparation ou de partage. Porter des mesures visant à empêcher la concurrence fiscale et un «nivellement par le bas» entre les États membres et favoriser une fiscalité plus juste des secteurs et des capitaux les plus rentables. |
5.3.2. |
Principe du «pollueur-payeur». La Commission européenne a commencé à prendre davantage au sérieux l’approche consistant à internaliser les effets externes, c’est-à-dire, par exemple, à reconnaître que les énergies renouvelables sont défavorisées aussi longtemps que le prix du marché ne prend pas intégralement en compte les coûts externes des ressources fossiles, ou à tenter de mettre en œuvre le «principe du pollueur-payeur» dans le secteur des transports. Dans le même temps, il convient de constater que ces approches concilient les dimensions écologique et économique de la durabilité, mais qu’elles n’intègrent pas la dimension sociale (49). |
5.3.3. |
Marchés publics équitables et écologiques. L’ODD 12.7 fait état de l’importance d’élaborer des plans d’action en matière de marchés publics durables. Diverses actions nationales concernant les principes directeurs des Nations unies en matière de plans relatifs aux droits de l’homme font référence aux marchés publics et plusieurs bonnes pratiques existent à cet égard au niveau national. Par exemple, l’on a assisté au Danemark au passage des cuisines publiques à des niveaux plus élevés de produits biologiques, tout en tenant compte des contraintes budgétaires. À l’heure actuelle, l’ICLEI — Les gouvernements locaux pour le développement durable — promeut une initiative pour défendre le recours progressivement obligatoire à un approvisionnement alimentaire durable dans l’ensemble des écoles et des établissements préscolaires en Europe. Dans le cadre du nouveau plan d’action pour une économie circulaire, la Commission européenne a annoncé vouloir encourager les acheteurs publics à participer à l’initiative «Acheteurs publics pour le climat et l’environnement», qui réunira les acheteurs engagés dans la mise en œuvre des marchés publics écologiques. Le CESE invite la Commission à prévoir d’inclure des critères plus larges de durabilité, tels que des considérations d’ordre social et de commerce équitable. Le CESE soutient également l’intention de la Commission européenne de proposer dans la législation sectorielle des critères et des objectifs minimaux contraignants en matière de marchés publics écologiques, ainsi que d’introduire progresser une obligation en matière de publication de rapports afin de contrôler l’adoption des marchés publics écologiques. |
5.3.4. |
Politiques de coopération au développement en faveur de l’agriculture à petite échelle, des PME et des coopératives de consommateurs. |
5.4. Instrument volontaire ou fondé sur l’information
5.4.1. |
L’étiquetage des produits peut contribuer à stimuler plus avant les efforts de certaines entreprises en matière de durabilité, mais ces labels ne devraient jamais servir de prétexte pour ne pas réglementer les comportements et les pratiques qui ne sont pas acceptables. Par exemple, l’une des options qu’envisage la Commission européenne dans le cadre du suivi de sa communication sur le thème «Renforcer l’action de l’UE en matière de protection et de restauration des forêts de la planète», consiste à mettre en place un label attestant de l’absence de contribution à la déforestation. Toutefois, une telle démarche pourrait susciter la perception selon laquelle l’Union européenne tolère en fait sur son marché des produits qui ne sont pas respectueux des forêts, suscitant ainsi une grande confusion. Le CESE demande à la Commission européenne de développer d’autres labels existants d’excellence environnementale qui couvrent l’ensemble du cycle de vie, tels que le label écologique de l’UE, et d’étendre leur portée à la dimension sociale. En particulier, mettre en place un système clair d’étiquetage concernant l’origine et les moyens de production rendrait les choix des consommateurs plus aisés (50). |
5.4.2. |
Initiatives ascendantes partant du terrain et gouvernance à plusieurs niveaux. Décentraliser l’action au niveau local par l’intermédiaire d’acteurs de confiance, tels que les administrations et les associations des villes, constitue un moyen efficace de concevoir des actions locales, de se rapprocher des citoyens et de les faire participer de manière utile. Un nombre croissant de collectivités locales dispose de solides stratégies de développement durable, que la Commission encourage au moyen de récompenses telles que la capitale verte européenne, l’accord de ville verte ou le prix des villes de l’UE pour le commerce équitable et éthique. Il est probable que les réponses apportées actuellement à la crise de la COVID-19 influeront sur ces modes et tendances. Les interventions pilotes en situation réelle peuvent être très utiles pour éclairer la conception et la mise en œuvre de la stratégie de l’Union pour une consommation durable et il convient donc de les soutenir. |
5.4.3. |
Publicité et mercatique. Il convient également d’examiner le rôle joué par la publicité et la mercatique, afin qu’elles abandonnent leur forte orientation consumériste et privilégient les aspects de la durabilité des produits et les possibilités de les réutiliser, tout en prohibant la publicité trompeuse ou mensongère. |
5.4.4. |
Éducation. Il convient de mettre sur la table des propositions visant à intégrer l’éducation à la consommation durable dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge et à encourager les initiatives du secteur privé en matière d’éducation (comme par exemple celles menées par des coopératives de consommateurs) afin de favoriser l’engagement des citoyens et le changement de culture. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) La responsabilité des producteurs est intersectorielle, mais il convient de tenir compte de la situation spécifique des agriculteurs.
(2) Résolution du CESE sur la relance après la COVID-19.
(3) Eurostat, Sustainable development in the European Union («Le développement durable dans l’Union européenne»), 2020 (publication disponible uniquement en anglais).
(4) JO C 106 du 31.3.2020, p. 1.
(5) JO C 47 du 11.2.2020, p. 30.
(6) Agence européenne pour l’environnement, L’environnement en Europe — État et perspectives 2020 (en anglais).
(7) Agence européenne pour l’environnement (en anglais).
(8) Global Footprint Network (Réseau mondial de l’empreinte écologique, site en anglais).
(9) Vandermaesen, T. et al., EU overshoot day — Living beyond nature’s limits («Le jour du dépassement de l’Union européenne — Vivre au-delà des limites de la nature»), WWF, Bruxelles, 2019.
(10) Agence européenne pour l’environnement, L’environnement en Europe — État et perspectives 2020 (en anglais).
(11) Steffen, W. et al., 2015.
(12) Kettunen, M., Gionfra, S., Monteville, M., EU circular economy and trade («Économie circulaire et commerce de l’UE»), Institut pour une politique européenne de l’environnement, Bruxelles/Londres, 2019.
(13) Agence européenne pour l’environnement (en anglais).
(14) Eurostat (en anglais).
(15) Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-ONU).
(16) Rijnhout, L., Stoczkiewicz, M., Bolger, M., Necessities for a Resource Efficient Europe («Les impératifs d’une Europe efficace dans l’utilisation des ressources»), 2018.
(17) Agence européenne pour l’environnement, Waste prevention in Europe («La prévention des déchets en Europe»), 2018.
(18) Bureau européen de l’environnement, Coolproducts don't cost the earth («Les équipements électroménagers ne coûtent pas le prix de la Terre»), 2019.
(19) OCDE (en anglais), 2019.
(20) Zink, T., Geyer, R., 2017.
(21) Enquête Eurobaromètre 2019, Sécurité des aliments dans l’UE, juin 2019.
(22) The external costs of banana production («Les coûts externes de la production de bananes»).
(23) Pigou, A. C., The Economics of Welfare («L’économie du bien-être»), 1920.
(24) Commission européenne, Stratégie pour une mise en œuvre de l’internalisation des coûts externes, COM(2008) 435 final.
(25) Eurostat (en anglais).
(26) Fairtrade Foundation, Competition Policy and Sustainability: A study of industry attitudes towards multi-stakeholder collaboration in the UK grocery sector («Politique de la concurrence et développement durable: une étude des comportements de l’industrie à l’égard de la coopération multipartite au sein du secteur de l’alimentation au Royaume-Uni»), Londres, avril 2019.
(27) Directive 2014/24/UE.
(28) Commission européenne, Manuel «Acheter vert!», 2016.
(29) Commission européenne, «Acheter social».
(30) Commission européenne, Orientations sur la passation de marchés de solutions innovantes, 2018.
(31) Il s’agit ici de changements concrets de comportement, par opposition à la disposition qu’affichent les personnes à changer leur comportement. À ce dernier égard, une synthèse de l’état de la recherche figure dans LE Europe et al., 2018.
(32) LE Europe, VVA Europe, Ipsos, ConPolicy et Trinomics, 2018.
(33) Voir note de bas de page no 1.
(34) Agence européenne pour l’environnement (en anglais).
(35) Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), 2020.
(36) JO C 106 du 31.3.2020, p. 1.
(37) Rijnhout, L., Stoczkiewicz, M., Bolger, M., 2018.
(38) Fondation Ellen MacArthur, 2019.
(39) JO C 190 du 5.6.2019, p. 9.
(40) Gerritsen, E., Underwood, E., What the Green Deal means for Europe's biodiversity («Ce que signifie le pacte vert pour la biodiversité en Europe»), 2019.
Allen, B., Charveriat, C., A meaty challenge («Un problème coriace»), Institut pour une politique européenne de l’environnement, Bruxelles, 2018.
(41) JO C 81 du 2.3.2018, p. 22.
(42) Institut pour une politique européenne de l’environnement et Fondation européenne d’études progressistes.
(43) JO C 67 du 6.3.2014, p. 23.
(44) Étude à la demande de la commission IMCO du Parlement européen (en anglais).
(45) JO C 440 du 6.12.2018, p. 165.
(46) Rapports élaborés par l’OCDE (en anglais), la société civile (en néerlandais) et des syndicats (en anglais).
(47) JO C 3 du 6.1.2001, p. 2.
(48) Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence applicable aux chaînes d’approvisionnement responsables dans le secteur de l’habillement et de la chaussure.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/60 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Une approche intégrée pour les zones rurales de l’UE, avec une attention particulière pour les régions vulnérables»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/09)
Rapporteur: |
Josep PUXEU ROCAMORA |
Corapporteure: |
Dilyana SLAVOVA |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
31.8.2020 |
Adoption en session plénière |
17.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
212/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Les politiques européennes doivent promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union, en accordant une attention particulière aux zones rurales, aux bassins industriels en reconversion et aux aires qui sont affectées par des handicaps graves et permanents, comme les îles et les régions montagneuses et arctiques. Il s’agit d’un principe horizontal, qui doit fonder toutes les actions de l’UE et a été inscrit dans la stratégie Europe 2020 (1), la conviction dont il procède étant que la bonne articulation à assurer entre les territoires constitue la condition sine qua non d’une croissance économique intégratrice. |
1.2. |
Le CESE adhère sans réserves aucunes aux neuf objectifs que la Commission européenne assigne à la politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027, à savoir assurer un revenu équitable aux agriculteurs, accroître la compétitivité, rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, agir contre le changement climatique, protéger l’environnement, préserver les paysages et la biodiversité, soutenir le renouvellement des générations, dynamiser les zones rurales et, enfin, garantir la qualité des denrées alimentaires et protéger la santé. La politique agricole commune doit aussi garantir le maintien de la production agricole dans les zones vulnérables. |
1.3. |
Le CESE souscrit sans restriction au pacte vert pour l’Europe, visant à promouvoir une utilisation efficace des ressources, restaurer la biodiversité et réduire la pollution. C’est précisément pour cette raison qu’il souligne que la dégradation de l’environnement peut revêtir deux formes, toutes deux d’une égale nocivité, à savoir, d’une part, une pression excessive sur l’air, l’eau et les sols, qui résulte de la concentration de l’activité économique dans le tissu urbain et, d’autre part, l’abandon de vastes portions du territoire, dont la diversité biologique et paysagère déclinera irrémédiablement à défaut de la gestion respectueuse qui est nécessaire pour la préserver et l’enrichir. |
1.4. |
L’Union européenne doit fournir une part essentielle des fonds requis et veiller à ce que leur mise en œuvre soit conforme aux meilleures pratiques disponibles. C’est à la politique agricole commune qu’il revient d’intervenir en la matière, en concertation étroite avec les politiques régionales et celle de cohésion, afin d’enclencher un processus de développement territorial équilibré, lequel doit être un paramètre pris en compte et un impératif à appliquer pour toute décision politique dont l’impact comporte une composante locale. L’élaboration d’une stratégie d’ensemble pour ces territoires exige que celle-ci bénéficie d’une dotation budgétaire accrue et que les différentes institutions n’œuvrent pas isolément, car il est capital que les actions menées soient coordonnées, intégrées et mises en cohérence. |
1.5. |
La concentration des possibilités d’épanouissement socio-professionnel dans les villes a pour effet que les franges les plus vulnérables de la population ont tendance à être repoussées vers les zones rurales. Le CESE reconnaît que les territoires recèlent un potentiel d’innovation et qu’il est nécessaire de renforcer les atouts locaux, réduire les écarts de développement et stimuler la compétitivité. À cette fin, il est indispensable de bâtir, pour accompagner l’innovation, des écosystèmes qui encouragent la diversification économique et permettent l’existence de territoires dynamiques, créatifs, intelligents et résilients, dans lesquels chacun pourra choisir l’endroit où il vivra et travaillera dans des conditions dignes, que ce soit en milieu urbain ou rural. |
1.6. |
Les foyers épidémiques récemment apparus fournissent un argument supplémentaire en faveur d’un développement territorial plus équilibré. Tels qu’ils se sont dramatiquement manifestés lors de la pandémie de COVID-19, les taux de contagion élevés résultant de l’inévitable entassement qui règne aux heures de pointe dans les moyens de transport des grandes villes devraient susciter une réflexion au plus haut niveau sur le cours que nous souhaitons imprimer à nos sociétés et sur la nécessité que nous les réorientions afin qu’elles s’engagent dans le sens voulu. En l’occurrence, il convient que nous sachions puiser notre inspiration dans la résilience supérieure dont ont témoigné les zones rurales, sans cependant que nous en prenions prétexte pour nous accommoder du déficit dont elles souffrent en ce qui concerne l’offre de services de santé. |
1.7. |
Après la montée en flèche du télétravail imposé par le confinement, les plans de relance pour l’après-COVID-19 nous offrent la possibilité de conforter un changement de paradigme qui, sans rien avoir d’utopique, relocalisera dans des zones rurales ou montagneuses des postes de travail dématérialisés à forte valeur ajoutée. |
1.8. |
S’il veut accompagner ce processus et montrer l’exemple en la matière, le CESE devra dorénavant adopter systématiquement une vision intégrée dans tous ses avis concernant les politiques territoriales, urbaines et rurales. À cette fin, il convient qu’il crée une structure administrative ad hoc, composée à parts égales de membres de ses sections ECO et NAT. |
2. Introduction
2.1. |
La cohésion, économique, sociale, environnementale et territoriale a constitué l’un des principaux piliers sur lesquels a pris appui la construction de l’Union européenne. Pourtant, malgré les efforts déployés, aujourd’hui comme hier, pour y parvenir dans les territoires et en dépit des résultats qui ont été obtenus à cet égard lors de différentes étapes et dans le contexte de diverses époques, les régions européennes présentent actuellement des déséquilibres géographiques, qui diffèrent par leur intensité et ressortissent à des catégories très variées. Pour ne prendre que cet exemple, les zones rurales de Bulgarie, de Roumanie, d’Espagne, de Hongrie ou de Pologne sont affectées par des disparités aussi fortes que nombreuses pour ce qui est des revenus, des communications, de la santé, de l’accès aux services, etc. |
2.2. |
Les faits démontrent que les territoires européens n’évoluent pas d’une manière homogène. Des zones qui se caractérisent par leur croissance économique, leur cohésion sociale et leur durabilité environnementale coexistent avec d’autres menacées par la stagnation, le dépeuplement ou la désertification. Ces déséquilibres peuvent être constatés non seulement entre des régions de niveau NUTS-3 (2) mais s’observent aussi entre les diverses parties dont chacune d’entre elles se compose. |
2.3. |
Les effets du changement climatique, les bouleversements technologiques, réglementaires et institutionnels et les catastrophes naturelles, industrielles ou épidémiologiques touchent les zones rurales d’une manière spécifique. Bien que les territoires dont la situation est défavorable ou se situent dans la moyenne aient démontré une plus grande résilience lors de la dernière crise financière, ce sont les villes qui s’approchent le plus de la réalisation des objectifs que la stratégie Europe 2020 avait fixés en matière d’emploi, d’éducation et de réduction de la pauvreté. |
2.4. |
Les zones reculées, rurales et montagneuses, et les régions périphériques, ultrapériphériques et arctiques sont celles qui présentent la vulnérabilité la plus élevée. Elles sont soumises à des facteurs objectivement limitants, qui sont, par exemple, de ne pas offrir la masse critique voulue, d’un point de vue démographique ou économique, ou d’être difficilement accessibles. Par symétrie, la congestion des zones urbaines augmente, tout comme la pression qui s’exerce sur leurs ressources naturelles, qu’il s’agisse de l’air, de l’eau ou du sol. |
2.5. |
L’importance que les milieux ruraux revêtent pour l’ensemble de l’Union ne se limite pas à l’aspect quantitatif, même s’ils abritent 55 % de sa population, produisent près de 45 % de sa valeur ajoutée brute et assurent 50 % de ses emplois, mais tient également aux liens qu’ils entretiennent avec la culture et l’identité de chaque pays. Le présent avis entend jeter les bases pour une approche intégrée qui permette de progresser vers un développement territorial plus équilibré. |
3. Propositions d’action
3.1. |
Un contrat territorial entre les villes et leur arrière-pays, dans son extension la plus vaste, constitue la meilleure, voire l’unique manière d’atteindre un développement économique harmonieux, grâce auquel il soit possible d’éviter les deux écueils que sont la congestion démographique et le dépeuplement. Si l’impulsion politique initiale est donnée par les pouvoirs publics régionaux, les décisions doivent toujours être adoptées à partir de la base, au moyen de structures participatives permanentes englobant l’ensemble des intervenants publics et privés et des acteurs de la société civile organisée qui sont présents sur le territoire concerné. La coconception et la mise en œuvre conjointe constituent un élément clé pour corriger les asymétries. Le CESE préconise de financer un programme pilote destiné à expérimenter des solutions adaptées aux spécificités de chaque territoire. |
3.2. |
Pour essayer d’exercer une influence sur les zones rurales de l’UE, en accordant une attention particulière à celles qui sont vulnérables, l’action doit porter sur cinq dimensions:
|
3.3. |
La gestion des risques, l’élaboration de scénarios face aux incertitudes, la conception de plans d’urgence, les mécanismes d’intégration d’intérêts divergents ou encore la création de synergies entre les perspectives globales et locales forment autant d’éléments à prendre en compte, s’agissant de mécanismes indispensables pour concevoir et gérer une stratégie qui s’attache à réduire la vulnérabilité des territoires. |
3.4. |
Un cadre stratégique commun garantira que les différents Fonds ESI (4) interviennent de manière coordonnée. À l’échelle régionale et sous-régionale, les investissements intégrés multifonds peuvent moduler les interventions suivant les caractéristiques propres à chaque territoire donné et se fonder sur les spécificités locales pour exploiter les synergies entre les différents domaines, comme la préservation de la biodiversité, la gestion des terres, au premier chef par l’agriculture et la sylviculture, ou encore le tourisme. |
3.5. |
Il est suggéré que les États membres et les régions disposent d’une plus grande marge de manœuvre dans leurs choix politiques, afin que leur action soit modelée et ciblée en fonction de leurs besoins spécifiques et que, par conséquent, il en aille de même par rapport à la conception et la mise en œuvre de leurs interventions. |
3.6. |
Le CESE préconise une stratégie globale, exigeant que les politiques et les institutions n’agissent pas isolément, la coordination institutionnelle, l’approche intégrée et la mise en cohérence revêtant une importance capitale en la matière. Pour concevoir les stratégies et les interventions, il sera indispensable de prendre en considération les perspectives ouvertes par le contexte institutionnel actuel, parmi lesquelles il convient de mentionner, pour ce qui est du cadre mondial, le programme à l’horizon 2030 des Nations unies et ses objectifs de développement durable (ODD), et, en ce qui concerne l’encadrement européen:
|
3.7. |
Historiquement, dans leur manière d’exploiter les ressources, les campagnes ont pratiqué la «circularité», laquelle ne doit pas empêcher pour autant de développer de nouveaux modèles énergétiques plus durables d’un point de vue économique et environnemental et d’encourager l’économie circulaire dans les territoires ruraux. Le CESE est également favorable aux chaînes d’approvisionnement courtes et à l’intensification des échanges entre les villes et les campagnes. |
3.8. |
L’activité agricole a, tout au long de l’histoire, offert des possibilités d’intégrer des personnes plus vulnérables, qui se heurtaient à des difficultés pour trouver un travail, en particulier lorsqu’elles avaient des besoins supplémentaires du point de vue du logement ou de soins personnalisés. Aujourd’hui, ce rôle peut être assumé par les fermes sociales. |
3.9. |
Les processus relevant de la numérisation ouvrent de nouvelles perspectives pour l’emploi et l’entrepreneuriat. L’amélioration des communications en milieu rural ne doit pas s’effectuer exclusivement en fonction du chiffre de population d’un territoire donné mais il convient qu’elle tienne également compte de sa géographie, en tirant parti des initiatives fondées sur la technologie satellitaire et le développement des réseaux de connectivité au niveau local, afin qu’elles puissent se déployer dans la majeure partie des implantations rurales et que les lieux où s’exerce l’activité agricole aient la possibilité de tirer parti des innovations technologiques. La numérisation suscite des attentes chez les jeunes et induit un renversement de la tendance au dépeuplement. |
3.10. |
Le CESE reconnaît que l’action de l’UE en faveur des «villages intelligents» représente un outil qui permet le partage de démarches novatrices pour créer des territoires ruraux plus dynamiques, durables et attrayants et explorer des pistes quant à la possibilité de tirer un meilleur parti des programmes de développement rural (PDR), de la politique de cohésion de l’UE et d’autres instruments de financement. |
3.11. |
Le CESE reconnaît le rôle important que les groupes d’action locale et leurs réseaux jouent pour encourager les processus de développement rural dans l’ensemble des territoires de l’UE, lorsqu’ils créent de nouveaux mécanismes de gouvernance, diversifient l’économie des campagnes, préservent le patrimoine historique et culturel et accompagnent l’entrepreneuriat. |
3.12. |
Il est nécessaire de mesurer et de suivre l’évolution des territoires, d’où la nécessité d’établir des indicateurs pour chacun des domaines définis, de manière à pouvoir prendre des décisions tournées vers le futur. |
3.13. |
Les différentes politiques qui sont menées sur le territoire doivent être mises en cohérence avec l’objectif d’articuler entre eux des espaces dotés de potentialités d’usage variées, en tenant toujours compte des acteurs qui y sont présents, et il s’impose de les mener à une échelle appropriée, en l’occurrence sur des unités territoriales se situant en deçà du niveau NUTS-3, de manière à prendre en considération les spécificités sous-régionales. Il serait possible d’envisager les mesures suivantes:
|
3.14. |
Si l’on veut inverser la tendance actuelle de l’évolution démographique, il est nécessaire que les jeunes vivant en milieu rural prennent, chacun d’entre eux pour ce qui le concerne, la décision de ne pas migrer vers la ville. Le principal facteur qui influera sur leur choix en ce sens, même s’il n’est pas le seul en jeu, est qu’il leur soit possible de développer une activité professionnelle qui leur assure un revenu décent et offre des perspectives d’avenir. Un des moyens de conforter la fierté légitime qu’ils ressentent pour leurs racines serait de donner de la vie qu’ils mènent à la campagne une image qui soit attrayante et suscite l’intérêt, en recourant à des médias et productions audiovisuelles qui bénéficieront d’un soutien public pour ce faire. |
3.15. |
L’affirmation que l’on vient de poser se vérifie encore davantage en ce qui concerne les femmes. En veillant, au premier chef, à une stricte égalité salariale avec les hommes et, le cas échéant, en leur assurant l’accès à la copropriété des exploitations, il y a lieu de reconnaître et valoriser dûment l’immense contribution qu’elles apportent à l’activité, de type agricole ou autre, dans les campagnes. |
3.16. |
Les zones rurales abritent des entreprises de toutes sortes, même si celles qui se consacrent à la transformation des produits agricoles y occupent une place privilégiée. Dès lors que les infrastructures indispensables y sont aisément accessibles, que ce soit pour les télécommunications, le transport, l’énergie, ou d’autres domaines encore, les zones rurales s’avèrent souvent l’option la plus économique au moment de prendre une décision quant au site d’implantation de nouveaux projets entrepreneuriaux. Des incitations fiscales d’un montant suffisant peuvent constituer l’élément décisif, capable de faire pencher la balance. |
3.17. |
Dans la majeure partie des villages, l’entreprise la plus importante est la coopérative agricole, laquelle, en plus de son activité directement liée à la production, peut aussi avoir la fonction de commerce et d’établissement de crédit. Eu égard à leur mission sociale, les coopératives devront toujours continuer à bénéficier d’un traitement fiscal particulier et être soutenues, de différentes manières, par les pouvoirs publics. |
3.18. |
L’agriculture constitue souvent le socle de l’économie locale, permettant le développement d’autres secteurs, comme l’industrie agroalimentaire et le tourisme. Inversement, il est fréquent que la déprise rurale entraîne la disparition des paysages et des services environnementaux qui assurent une gestion active du territoire. Les activités agricoles et sylvicoles contribuent à fixer les populations, combattre l’érosion, diminuer la fréquence et l’ampleur des incendies et empêcher la désertification. Il est primordial que la politique agricole commune garantisse aussi un maintien de la production agricole dans les zones vulnérables. |
3.19. |
Dans les zones de montagne, l’élevage extensif donne la possibilité de tirer parti de terres marginales, qui n’ont pas de valeur d’un point de vue agronomique. Une activité pastorale bien gérée produit toute une série d’effets positifs, que ce soit pour l’environnement, en augmentant la biodiversité, pour la culture, en préservant le patrimoine matériel et immatériel, ou pour les paysages, en ouvrant les espaces au tourisme. En outre, elle prévient certains risques naturels, comme les incendies de forêt, les glissements de terrain ou les inondations. Pourtant, les productions animales en zones de montagne sont de plus en plus menacées, du fait de la très faible rentabilité des produits à base de lait ou de viande, d’où la nécessité absolue de leur octroyer des mesures de soutien particulières. La réintroduction de grands carnivores (loups et ours) accroît encore davantage les coûts de production. La coexistence n’étant possible que dans certains domaines, il convient de n’envisager cette réintroduction que de manière très réfléchie, en prévoyant des indemnisations suffisantes et immédiatement accessibles. |
4. Suivi et évaluation
4.1. |
Il convient d’élaborer un guide détaillé des actions à engager. Les contrats territoriaux doivent fixer des objectifs concrets, tangibles et contrôlables et définir des échéances pour leur réalisation dans le temps. Il sera nécessaire de suivre de très près la bonne évolution de certains indicateurs d’importance critique, dont une liste, non exhaustive, peut être dressée comme suit: |
4.1.1. |
en ce qui concerne la dynamique démographique:
|
4.1.2. |
en ce qui concerne la qualité de vie:
|
4.1.3. |
en ce qui concerne les disponibilités budgétaires:
|
4.1.4. |
en ce qui concerne les revenus:
|
4.1.5. |
en ce qui concerne l’emploi:
|
4.1.6. |
en ce qui concerne l’emploi public:
|
4.1.7. |
en ce qui concerne les investissements publics:
|
4.1.8. |
en ce qui concerne les investissements privés:
|
Bruxelles, le 17 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) COM(2010) 2020.
(2) Abréviation de «nomenclature des unités territoriales statistiques».
(3) «Le CESE considère que l’agroécologie constitue l’horizon vers lequel doit tendre l’agriculture européenne, qui dépend intrinsèquement de la préservation des ressources naturelles pour son développement», (JO C 353 du 18.10.2019, p. 65).
(4) Fonds structurels et d’investissement européens.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/66 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Compatibilité de la politique commerciale de l’UE avec le pacte vert pour l’Europe»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/10)
Rapporteur: |
John BRYAN |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
8.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/1/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE accueille favorablement le pacte vert pour l’Europe, en particulier la stratégie «De la ferme à la table» et celle en faveur de la biodiversité, qui sont ambitieuses, auront une incidence majeure sur l’agriculture et le secteur agroalimentaire de l’UE et joueront un rôle central dans les futurs accords commerciaux. |
1.2. |
Le CESE est convaincu que l’UE doit réagir à la crise due à la pandémie de COVID-19 en mettant d’urgence en œuvre le plan de relance européen, afin que l’économie de l’UE se redresse et tourne à nouveau à plein régime dans les plus brefs délais, en tenant compte des risques pour la santé et l’environnement. Le pacte vert devrait faire partie intégrante de la relance. |
1.3. |
Alors que l’économie mondiale est confrontée à une récession sans précédent du fait de la crise due à la pandémie de COVID-19, des échanges commerciaux équitables et fondés sur des règles n’ont jamais été plus importants pour stimuler la reprise économique. Le bon fonctionnement du marché unique européen et du commerce international est essentiel. Le CESE est d’avis que l’UE ne peut pas permettre de laisser glisser sa politique commerciale vers une position défensive. |
1.4. |
Les enseignements fondamentaux que l’UE doit tirer de la crise de la COVID-19 sont les suivants:
|
1.5. |
Le CESE demande que l’impact sur les accords commerciaux de l’UE, son agriculture et son secteur agroalimentaire de la stratégie «De la ferme à la table» et de la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert soit évalué de manière exhaustive au moyen d’une analyse d’impact détaillée. |
1.6. |
Il est reconnu que les échanges dans le domaine de l’agriculture ont un rôle essentiel dans la réalisation de la plupart, voire de tous les ODD, que l’OMC a un rôle important à jouer dans la réalisation de ces mêmes objectifs, et que celle-ci serait beaucoup plus difficile sans un mécanisme commercial multilatéral efficace. |
1.7. |
Le CESE propose que tous les accords commerciaux de l’UE à venir intègrent les stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité» du pacte vert, en tant que normes mondiales en matière de durabilité, tout en reconnaissant qu’il est extrêmement difficile d’intégrer et de mettre en œuvre les objectifs de développement durable (ODD) ainsi que des normes plus élevées dans les accords commerciaux multilatéraux. Des progrès plus importants en ce qui concerne les ODD et les normes environnementales et sociales essentielles semblent possibles dans le cadre des accords commerciaux bilatéraux à plus court terme. |
1.8. |
L’UE doit veiller à ce que les accords commerciaux n’externalisent pas le problème et n’aggravent pas la déforestation dans d’autres pays. |
1.9. |
Le CESE considère qu’il est essentiel que la viabilité et la compétitivité de l’agriculture et du secteur agroalimentaire de l’UE ne soient pas érodées par l’imposition de coûts et de normes plus élevés par le biais des stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité» du pacte vert, que les concurrents ne sont disposés ni à adopter ni à mettre en œuvre. |
1.10. |
De l’avis du CESE, il s’impose d’améliorer grandement la cohérence et la coordination, tant entre les politiques de l’UE, telles que les stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité» du pacte vert, de la PAC, de la politique commerciale et de la politique sociale, qu’au sein de ces politiques. |
1.11. |
L’agriculture, conformément au modèle d’exploitation familiale dans l’UE, a un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre de la stratégie «de la ferme à la table» et de celle relative à la biodiversité; il est essentiel, dès lors, que la PAC dispose d’un budget adéquat pour répondre aux exigences supplémentaires qui pèsent sur les agriculteurs. |
1.12. |
S’agissant de la conversion de terres à la production biologique, il y a lieu d’évaluer l’impact de la baisse de production qui en résulte. Il s’impose d’intensifier la recherche afin de mieux définir le terme «biologique» et d’évaluer la contribution nette réelle de l’agriculture «biologique» à la durabilité dans le monde, y compris à la biodiversité. |
1.13. |
Tous les accords commerciaux de l’UE doivent respecter les dispositions sanitaires et phytosanitaires de l’UE et adhérer au principe de précaution. |
2. Motifs de l’élaboration d’un avis d’initiative
Le pacte vert pour l’Europe
2.1. |
Le pacte vert pour l’Europe (1) est une communication et un engagement ambitieux en faveur de la lutte contre les défis climatiques et environnementaux. |
2.2. |
Le pacte vert pour l’Europe est une nouvelle stratégie de croissance qui vise à faire de l’UE une société juste et prospère, dotée d’une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et concurrentielle, dont les émissions nettes de gaz à effet de serre seront devenues nulles à l’horizon 2050 et dans laquelle la croissance économique sera dissociée de l’utilisation des ressources. |
2.3. |
Le pacte vert a pour visée de protéger, préserver et consolider le patrimoine naturel de l’UE, ainsi que de prémunir la santé et le bien-être des citoyens contre les risques et les incidences liés à l’environnement. Cette transition doit être juste et inclusive. Elle doit placer les citoyens au cœur des préoccupations et prendre en considération les régions, les industries et les travailleurs. |
2.4. |
La Commission européenne a déclaré que le pacte vert faisait partie intégrante de la stratégie de la Commission en matière de politique commerciale pour mettre en œuvre le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et les ODD (2). |
2.5. |
Les principaux objectifs définis dans le pacte vert pour l’Europe sont illustrés par le graphique (3) ci-dessous:
|
Les stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité»
2.6. |
Dans le cadre du pacte vert, la stratégie «De la ferme à la table» (4) vise à faire du système alimentaire de l’UE une norme mondiale en matière de durabilité. |
2.7. |
La stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité (5) vise à enrayer la perte de biodiversité et à restaurer la nature. |
2.8. |
L’on trouvera ci-après certains des principaux objectifs de la stratégie «De la ferme à la table» et de la stratégie en faveur de la biodiversité:
|
2.9. |
En résumé, les stratégies visent à assurer l’approvisionnement des Européens en denrées alimentaires abordables et durables, à contrer le changement climatique, à protéger l’environnement et à préserver la biodiversité. |
2.10. |
Le CESE accueille favorablement la stratégie «De la ferme à la table» et la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert, ainsi que les objectifs fixés (6). |
Politique commerciale de l’Union européenne
2.11. |
En décembre 2019, dans sa lettre de mission au commissaire au commerce Phil Hogan, la présidente de la Commission déclarait que l’existence de conditions équitables pour tous est la pierre angulaire de la politique commerciale de l’UE, et que la place de l’Europe est au cœur d’un système multilatéral reposant sur des règles (7). La présidente indique que le commissaire chargé du commerce veillera à la réalisation des ODD, en exigeant que chaque nouvel accord commercial comporte un chapitre consacré au développement durable. |
2.12. |
L’UE souligne qu’elle soutiendra la transition mondiale vers des systèmes agroalimentaires durables, conformément aux objectifs de ladite stratégie ainsi qu’aux ODD. Dans le cadre de ses politiques extérieures, y compris en matière de politique commerciale, l’UE poursuivra le développement d’alliances vertes en faveur de systèmes alimentaires durables avec tous ses partenaires dans les enceintes bilatérales, régionales et multilatérales. Elle veillera à la mise en œuvre et à l’application intégrales des dispositions relatives au commerce et au développement durable dans tous les accords commerciaux, y compris grâce à l’action du responsable du respect des accords commerciaux de l’UE. |
3. Principaux thèmes de discussion
Importance et valeur du commerce
3.1. |
L’UE, avec un PIB par habitant de 25 000 EUR pour 450 millions de consommateurs, est la plus grande puissance économique du monde (8). Elle forme le plus grand bloc commercial de la planète et le premier partenaire commercial de 80 pays. |
3.2. |
Le commerce et les investissements revêtent une importance fondamentale pour l’UE. La communication intitulée «Le commerce pour tous» a souligné que plus de 36 millions d’emplois au sein de l’UE, soit un sur sept, dépendent des exportations hors UE, et que 90 % de la croissance économique mondiale au cours des quinze prochaines années devraient se produire en dehors de l’Europe. |
3.3. |
Un commerce intérieur et extérieur qui opère au sein du marché unique, ainsi que sur le marché mondial, dans le cadre d’une politique libre, équitable et fondée sur des règles revêt une importance cruciale pour l’UE et ses 450 millions de citoyens (9). La valeur des échanges de biens entre l’Union et le reste du monde a atteignait 3 936 milliards d’EUR en 2018. |
3.4. |
Les statistiques du commerce agroalimentaire de l’UE (10) montrent que 2019 a été une année record. La valeur des exportations de produits agroalimentaires s’est élevée à 151,2 milliards d’EUR, tandis que les importations ont représenté 119,3 milliards d’EUR, ce qui porte la valeur globale des échanges pour l’année à 270,5 milliards d’EUR. L’excédent commercial a augmenté de 10,9 milliards d’EUR par rapport à 2018, pour atteindre un niveau record de 31,9 milliards d’EUR. L’industrie agro-alimentaire joue un rôle essentiel dans le commerce et les exportations. |
3.5. |
Le CESE a déjà souligné l’importance du commerce agricole pour le développement futur de l’agriculture et de l’économie agricole au sein de l’Union européenne, dans le contexte de la sécurité alimentaire mondiale (11). |
3.6. |
Le CESE a adopté un avis sur «Le rôle de l’agriculture dans les négociations commerciales multilatérales, bilatérales et régionales à la lumière de la réunion ministérielle de l’OMC à Nairobi» (12). Dans ce texte, il faisait valoir que l’OMC demeurait une enceinte bien établie et efficace pour mener des négociations commerciales, notamment en matière agricole. |
3.7. |
L’échec de l’OMC à faire progresser le commerce multilatéral, ainsi que la crise de son mécanisme de règlement des différends, font peser de graves menaces sur le multilatéralisme et les échanges commerciaux fondés sur des règles. |
3.8. |
Toutefois, ce constat ne devrait diminuer en rien le rôle que le bon fonctionnement de l’OMC joue dans le contexte du commerce mondial, ni l’importance d’un système multilatéral fondé sur des règles, comme le promeut l’UE. |
3.9. |
Dans son avis sur le thème «Réformer l’OMC pour s’adapter aux évolutions du commerce mondial», le CESE affirme sa conviction qu’il est non seulement nécessaire que des réformes urgentes soient mises en œuvre le plus rapidement possible, en particulier pour ce qui concerne le fonctionnement de l’organe d’appel au sein de l’organe de règlement des différends (ORD), mais qu’il convient, en outre, que les membres de l’OMC s’attellent à apporter des modifications plus ambitieuses et systématiques. Les propositions qu’il soutient couvrent essentiellement trois domaines: les normes en matière de travail et de travail décent, les buts visés en rapport avec le changement climatique et enfin, la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 fixés par les Nations unies (13). |
3.10. |
Le CESE est d’avis que l’UE ne peut pas laisser glisser sa politique commerciale vers une position défensive. Dans le contexte de la crise due à la pandémie de COVID-19 et de la dynamique de relance économique dans l’UE et dans le monde, l’importance et la valeur du commerce n’ont jamais été plus essentielles. |
3.11. |
Le CESE estime que l’UE doit adopter une approche ambitieuse en matière de conduite et de facilitation de la relance économique par l’intermédiaire du pacte vert et du plan de relance européen. |
3.12. |
Le pacte vert doit réussir à ménager un équilibre entre le maintien d’échanges nourris et la protection de l’emploi et de l’environnement, tout en maintenant par ailleurs la compétitivité européenne. De même, la stratégie de l’UE ne peut aboutir à donner, sur son marché, un avantage concurrentiel aux importations en provenance de pays tiers, y compris en ce qui concerne les produits biologiques non européens candidats à l’importation dans l’UE, lesquels doivent être produits conformément aux mêmes règles que celles qui sont applicables aux producteurs de l’UE (14). Il serait nécessaire de mettre en place un système européen de certification de la traçabilité et de la qualité biologique et d’apposer une étiquette séparée, assortie d’une mention en caractères d’une taille lisible, les produits fabriqués dans l’UE en tant que «produits biologiques de l’UE» et ceux produits à l’échelle internationale comme «produits biologiques non européens». Un système européen d’accréditation indépendant et dynamique, appliqué par un organisme national d’accréditation unique agissant sous le contrôle de l’autorité publique, serait également nécessaire pour traiter spécifiquement des questions relatives à l’accréditation des organismes de contrôle et à la prévention de la fraude à la législation sur les produits biologiques pour les acteurs opérant dans le secteur biologique. |
3.13. |
Assurer le fonctionnement correct et efficace du marché unique est primordial. Le CESE est fermement convaincu qu’il ne doit pas y avoir de renationalisation des marchés de l’UE. |
3.14. |
Il reconnaît l’importance et la valeur d’un commerce fondé sur des règles dans des conditions de concurrence équitables et de la contribution qu’il apportera à la reprise économique post-COVID-19. |
Commerce et développement durable
3.15. |
Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le programme des Nations unies à l’horizon 2030 définit 17 objectifs clés et 169 cibles. |
3.16. |
Les stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité» vont beaucoup plus loin que les ODD et fixent une nouvelle série de critères dans le but de créer «une nouvelle norme mondiale en matière de durabilité». |
3.17. |
Le droit de l’UE exige que toutes les politiques de l’UE, y compris la politique commerciale et la politique de concurrence, favorisent le développement durable. La politique commerciale de l’UE vise à garantir que le développement économique aille de pair avec la justice sociale, le respect des droits de l’homme, avec des normes exigeantes en matière de travail et des normes environnementales élevées, tout en protégeant les dispositions phytosanitaires de l’UE ainsi qu’en respectant le principe de précaution. |
3.18. |
Au fil des ans, le CESE a élaboré plusieurs avis sur différents aspects du commerce et du développement durable, traitant notamment des chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange de l’UE (15) et du rôle clé du commerce et des investissements dans la réalisation et la mise en œuvre des ODD (16). |
3.19. |
Dans le premier de ces avis, le CESE invite la Commission à adopter une approche plus ambitieuse, en particulier en ce qui concerne le renforcement de la force exécutoire effective des engagements pris dans les chapitres sur le CDD, et souligne l’étroitesse de l’approche relative au commerce et au développement durable s’agissant des intérêts des consommateurs. Il attire également l’attention sur les questions de financement et de ressources concernant les groupes consultatifs internes (GCI) et sur le recours aux sanctions. |
3.20. |
Dans le second avis, le CESE estime que les ODD, avec l’Accord de Paris, modifieront fondamentalement les priorités politiques mondiales en matière commercial, en particulier pour le commerce des produits industriels et de l’agriculture. Toutefois, il fait valoir que les objectifs de développement durable ne sont pas juridiquement contraignants et sont dépourvus de mécanisme de règlement des litiges. L’avis insiste sur le rôle clé de la conduite responsable des entreprises pour contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable et souligne que l’impact du secteur privé en la matière sera essentiel. En outre, il invite à entreprendre une évaluation d’impact complète sur les effets probables qu’entraînerait la mise en œuvre des objectifs de développement durable et de l’accord de Paris sur la politique commerciale et de concurrence de l’Union, y compris son volet agricole. |
3.21. |
Il est reconnu que l’agriculture joue un rôle essentiel dans la réalisation de la plupart, voire de la totalité des ODD, que l’OMC a un rôle important à jouer à cet égard et que cette ambition serait beaucoup plus difficile à atteindre sans un mécanisme commercial multilatéral efficace (17). |
3.22. |
Des questions essentielles se posent en ce qui concerne la stratégie «De la ferme à la table» et la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert, la politique commerciale de l’UE et le développement durable, et notamment celles-ci: dans quelle mesure l’Union est-elle en mesure de définir et de mettre en œuvre un nouvel ensemble de normes supérieures au-delà des objectifs de développement durable? L’UE peut-elle amener ses partenaires commerciaux à s’engager dans la mise en œuvre des chapitres sur le commerce et le développement durable? L’UE peut-elle aller plus loin et amener ses partenaires commerciaux, voire des États membres de l’UE, à accepter un niveau de développement plus élevé par l’intermédiaire du pacte vert? Jusqu’où l’UE ira-t-elle pour faire valoir les ODD et/ou les stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité» dans les futures négociations commerciales? Quel seront les coûts du pacte vert pour les agriculteurs européens et le secteur agricole? Quel en sera l’impact sur la compétitivité commerciale de l’UE? |
3.23. |
Le CESE est d’avis que l’UE devrait mettre en œuvre une législation imposant un devoir de diligence aux entreprises tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement, afin de recenser, de prévenir et d’atténuer les risques environnementaux et sociaux, ainsi que les violations des droits de l’homme. |
Application des règles
3.24. |
L’UE doit se concentrer davantage sur l’application et la mise en œuvre des ODD et des normes dans les accords de libre-échange. Étant donné que les accords commerciaux sont de plus en plus détaillés et de plus en plus inclusifs, il est très important de faire preuve de rigueur dans leur suivi et leur mise en œuvre, et d’en faire respecter tous les aspects, en particulier dans la mesure où ils s’étendent à des domaines du développement économique durable qui sont intangibles, tels que l’environnement ou le changement climatique. Pour suivre des dossiers importants, comme la déforestation, il convient d’utiliser les technologies les plus récentes, comme celles dont dispose le Centre commun de recherche (CCR) (18). |
3.25. |
Les procédures de suivi et d’exécution doivent être claires, rapides, efficaces et financièrement transparentes; les coûts doivent être répartis de manière équitable, en tenant compte de ce qui est abordable pour les petits agriculteurs. |
Transports et énergie
3.26. |
Le pacte vert pour l’Europe doit accorder beaucoup plus d’importance à la politique des transports et de l’énergie. Les transports sont à l’origine de 24 % des émissions mondiales de CO2 et devraient représenter, selon les estimations, 40 % des émissions totales d’ici 2030 (19). La consommation d’énergie au sens large fera également l’objet d’un examen approfondi, ainsi que la nécessité d’encourager davantage les énergies renouvelables. |
La stratégie «De la ferme à la table» et la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert
3.27. |
La stratégie «De la ferme à la table» et la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert doivent soutenir la viabilité économique des agriculteurs et du secteur agricole européens, et améliorer le fonctionnement des marchés, tout en contribuant à rendre le secteur agroalimentaire plus durable sur le plan économique, environnemental et social. Cette exigence est conforme à la vision du CESE exposée dans son avis intitulé «L’économie durable dont nous avons besoin» (20). |
3.28. |
Le CESE, dans son avis sur une politique alimentaire globale dans l’UE (21), plaide en faveur d’une politique alimentaire plus durable, afin d’assurer une alimentation saine à partir de systèmes alimentaires durables, en établissant un lien entre l’agriculture d’une part, et la nutrition et les services écosystémiques d’autre part, et en veillant à ce que les chaînes d’approvisionnement préservent la santé publique dans tous les segments de la société européenne. |
3.29. |
La stratégie «De la ferme à la table» reflète nombre des idées exposées dans ces avis, et le CESE a contribué à créer une dynamique en la matière. |
3.30. |
S’agissant plus particulièrement de la proposition visant à réduire l’utilisation des pesticides, les agriculteurs doivent être en mesure de remplacer ces produits par des moyens de substitution sûrs et durables qui protègent les rendements et qui contrent toute menace pour la sécurité alimentaire. La recherche et l’innovation fondées sur des données scientifiques solides sont essentielles pour mettre en œuvre des solutions de remplacement durables en matière de lutte contre les organismes nuisibles. |
3.31. |
La réduction de l’utilisation des engrais doit se faire sur la base d’avis scientifiques solides qui prennent en compte les plans de gestion des nutriments, l’analyse pédologique, la satisfaction des besoins culturaux en nutriments, leur application précise et la préservation de l’équilibre nutritif des sols. |
3.32. |
La réduction de l’utilisation d’antimicrobiens revêt une importance cruciale pour la santé et la sécurité humaines (l’approche «Une seule santé» (22)). |
3.33. |
L’amélioration de la santé et du bien-être animal constitue un objectif important et souhaitable, mais il n’est malheureusement pas toujours récompensé sur le marché, et les coûts qu’il entraîne sont rarement amortis. La PAC veille scrupuleusement à ce que les animaux européens soient élevés dans le respect des normes les plus sévères au monde en matière de traçabilité, de santé, de bien-être et de respect des normes environnementales. S’agissant du commerce international, la réciprocité en matière de normes de bien-être animal devrait être l’une des exigences fondamentales des accords commerciaux conclus avec les pays tiers. |
3.34. |
Dans le cadre des objectifs de réduction fixés dans la stratégie «De la ferme à la table» relatifs aux antimicrobiens, aux pesticides et aux engrais, il convient de tenir compte, en procédant à des analyses comparatives, des progrès déjà accomplis ces dernières années dans de nombreux États membres. |
3.35. |
S’agissant de la conversion de nouvelles terres à la production biologique, il y a lieu d’évaluer l’impact de la baisse de production qui en résulte. Il s’impose d’intensifier la recherche afin de mieux définir le terme «biologique» et d’évaluer la contribution nette réelle du «bio» à la durabilité mondiale. En outre, l’agriculture biologique peut avoir des coûts de production plus élevés, alors qu’il est possible que ce différentiel ne soit pas répercuté sur le marché de détail. Cela peut porter préjudice à la viabilité de l’agriculture biologique, du fait qu’elle doit supporter des coûts plus élevés. Il appartient également à l’UE d’évaluer l’impact sur le marché en termes de majoration/viabilité des prix d’un quadruplement de la production biologique. |
LA PAC, la stratégie «De la ferme à la table» et la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert
3.36. |
Le processus actuel de réforme de la PAC a débuté au mois de juin 2018 par des propositions législatives (23). La nouvelle PAC définit des ambitions plus élevées, notamment en ce qui concerne l’environnement et le changement climatique. |
3.37. |
Les nouvelles propositions concernant la PAC fixent les objectifs spécifiques suivants:
|
3.38. |
Une des spécificités de la nouvelle PAC est que les paiements directs soient subordonnés au respect d’exigences renforcées en matière d’environnement et de changement climatique. Les États membres devront proposer des programmes écologiques pour aider les agriculteurs à aller au-delà des exigences obligatoires. |
3.39. |
Les nouvelles propositions relatives à la PAC précisent qu’au moins 30 % de chaque enveloppe nationale destinée au développement rural seront alloués à des mesures en faveur de l’environnement et du climat. Il est prévu que 40 % du budget global de la PAC devraient contribuer à l’action pour le climat (24). |
3.40. |
La PAC fait obligation à chaque État membre de présenter des plans stratégiques définissant la manière de réaliser les objectifs spécifiques de cette politique. Les États membres fixeront les valeurs cibles qu’ils souhaitent atteindre au cours de la période de programmation à l’aide d’indicateurs de résultats définis en commun. |
3.41. |
Au cours des deux dernières années, les institutions de l’UE ont déjà accompli des progrès considérables pour faire avancer les propositions relatives à la PAC, et il est très important que les propositions du pacte vert n’inversent pas cette tendance. Il s’avérera difficile d’aligner les plans stratégiques de la PAC sur le pacte vert pour l’Europe mais une solution devra être trouvée. |
Orientation du marché de l’UE et juste prix
3.42. |
La stratégie «De la ferme à la table» et la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert indiquent très clairement que l’agriculteur moyen de l’UE perçoit actuellement à peine la moitié du revenu d’un travailleur moyen de l’économie en général. |
3.43. |
Pour assurer aux agriculteurs européens un revenu durable, il est important de leur garantir sur le marché, pour les denrées alimentaires qu’ils produisent, un prix équitable qui soit supérieur au coût de production. La stratégie «De la ferme à la table» doit faire comprendre aux acteurs du marché que les normes élevées auxquelles les agriculteurs européens se conforment en matière de production alimentaire ont leur importance, et qu’elles ont un coût. Elle doit se traduire par des initiatives visant à interdire les pratiques commerciales déloyales (25), à éviter la vente à perte et à garantir une répartition équitable des prix sur le marché tout au long de la chaîne d’approvisionnement. |
Budget
3.44. |
Les propositions sur le cadre financier pluriannuel (CFP), y compris la réduction de 9 % en termes réels du budget de la PAC, ne sont pas compatibles avec les ambitions de la stratégie «De la ferme à la table» et de la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert. |
3.45. |
Pour réaliser les objectifs des stratégies, il est indispensable que ce budget ne subisse pas de réduction. Il convient d’augmenter le budget pour tenir compte des exigences supplémentaires qui pèsent sur les agriculteurs et de l’inflation, et aussi de protéger leurs paiements de base ainsi que le régime agricole du programme de développement rural. |
3.46. |
Toute diminution de la production et des revenus des agriculteurs découlant de la mise en œuvre de ces stratégies doit être compensée. |
3.47. |
Le CESE réaffirme qu’il est favorable à ce que le budget de l’Union européenne soit revu à la hausse afin d’assurer un financement adéquat, tant pour la PAC que pour les nouveaux objectifs et problèmes qui ont été recensés (26). |
Base scientifique
3.48. |
L’action pour le climat doit reposer sur une mesure précise de l’activité au niveau des exploitations. À l’heure actuelle, le mode de comptabilisation des émissions de méthane ne reflète pas les données scientifiques les plus à jour (27), et les agriculteurs n’obtiennent aucune compensation pour le carbone piégé dans leurs pâturages et leurs haies. Ces questions doivent être abordées dans la stratégie «De la ferme à la table» et dans la stratégie en faveur de la biodiversité du pacte vert, afin que toutes les émissions générées et piégées par le secteur soient prises en compte de manière équitable et précise. |
Une transition juste
3.49. |
Une transition juste pour tous est d’une importance capitale dans le cadre de la nouvelle politique verte. Le coût de la mise en œuvre d’une nouvelle politique doit être supporté par tous, des agriculteurs aux consommateurs, en passant par les transformateurs et les détaillants. Nous devons appliquer le concept du «Ne laisser personne de côté» (28) et protéger les plus vulnérables des effets non souhaités de la nouvelle politique. |
Assurer l’équivalence des normes
3.50. |
L’accord de l’OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (MSP), conclu en 1995, régit l’application des règles concernant la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux et la préservation des végétaux. Son article 5, paragraphe 7, entérine le principe de précaution, lequel est désormais inscrit dans le traité de Lisbonne. Toute velléité de le modifier autrement que par la voie multilatérale serait lourde de conséquences pour l’ordre commercial mondial et la crédibilité ultérieure de l’accord lui-même (29). |
3.51. |
Dans le domaine social, environnemental et du bien-être animal, de même qu’en matière phytosanitaire, l’UE doit insister pour exiger des pays tiers qui exportent vers l’UE, des normes équivalentes beaucoup plus élevées, similaires à celles qui sont exigées des agriculteurs européens. Il n’est pas admissible d’importer sur le marché européen des produits non conformes aux normes de l’UE dans le but de supplanter des produits européens soumis à des normes élevées obtenus dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table» et de la stratégie en faveur de la biodiversité, qui sont beaucoup plus strictes. De même, l’Europe ne peut externaliser son ambition de réaliser des objectifs en matière de lutte contre le changement climatique en recourant à des fuites de carbone. |
3.52. |
L’UE doit également se garder de toute tentation de faire des concessions majeures en matière d’agriculture qui pourraient nuire à la production domestique. Enfin, elle devrait éliminer l’application du système «deux poids, deux mesures» en matière d’agriculture, s’agissant notamment des accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires ou des obstacles techniques au commerce. |
Emploi
3.53. |
Les recherches montrent que les accords de libre-échange constituent un instrument approprié pour améliorer la situation de la main-d’œuvre dans les pays partenaires (30). L’OIT, dans une étude portant sur les dispositions relatives au travail figurant en 2016 dans 76 de ces accords (sur plus de 260), conclut que la combinaison de la coopération technique, des mécanismes de vérification et de la participation de la société civile a contribué à améliorer la situation en matière de droits du travail dans différents secteurs. |
Analyse d’impact
3.54. |
La législation de qualité est celle qui, avant d’être instaurée, a fait l’objet d’un examen approfondi en bonne et due forme. Toute mesure proposée dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table» et de la stratégie en faveur de la biodiversité doit comporter une analyse détaillée de l’impact de la réglementation (AIR), y compris des analyses comparatives, avant que des décisions politiques ou réglementaires ne soient prises. |
Sylviculture et déboisement
3.55. |
L’augmentation de la superficie destinée à la sylviculture dans l’UE représente un pas dans la bonne direction, et aura des effets très bénéfiques sur le changement climatique. Elle doit s’accompagner d’un important financement pour que les agriculteurs ne subissent aucune perte de revenu, compte tenu de la durée de l’investissement. |
3.56. |
Dans la logique des objectifs définis par le pacte vert et la stratégie «De la ferme à la table», l’UE doit veiller scrupuleusement, dans sa politique commerciale, à ce que ses importations n’entraînent pas d’augmentation de la déforestation dans les pays tiers qui sont les partenaires de ses échanges. Les importations de bœuf et de soja de pays du Mercosur (Brésil), de viande bovine et ovine d’Australie, ou encore d’huile de palme d’Indonésie sont autant d’exemples de ce problème. |
3.57. |
Le CESE invite la Commission à mieux informer et à sensibiliser les consommateurs européens aux défis liés à la déforestation en améliorant l’étiquetage environnemental des produits et en mettant en place un observatoire européen de la déforestation et un mécanisme d’alerte précoce. |
3.58. |
Il demande à la Commission de soutenir, conjointement avec les populations locales, le reboisement des zones déboisées et le boisement, en particulier en Amérique latine, en Afrique subsaharienne et dans les pays émergents. De même, la Commission doit mettre en place un soutien financier et une assistance technique aux pays tiers (y compris les acteurs étatiques et non étatiques), en particulier pour préserver les écosystèmes forestiers «anciens». |
3.59. |
Le CESE demande à la Commission d’améliorer la qualité et la crédibilité du label «zéro déforestation importée» en encourageant la convergence des outils et l’extension des certifications existantes, en s’appuyant sur la cartographie de l’utilisation des sols par télédétection, en soutenant les producteurs dans la mise en œuvre et en renforçant les contrôles tout au long des chaînes d’approvisionnement. |
4. Incidences de la pandémie de COVID-19
4.1. |
La crise du coronavirus révèle notre vulnérabilité vis-à-vis des chaînes de production mondialisées et du commerce international fonctionnant en flux tendu, qui nous empêche de nous procurer des biens essentiels en cas de choc: des masques, des médicaments essentiels, etc. Des crises comme celle-ci se reproduiront. Relocaliser des activités, aussi bien dans l’industrie et l’agriculture que dans les services, devrait permettre d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de reprendre le contrôle des modes de production et de lancer une transition écologique et sociale des activités. |
4.2. |
La pandémie nous rappelle notre forte relation avec la nature et la nécessité de protéger la biodiversité ainsi que de prévenir la déforestation. |
4.3. |
L’incidence de la pandémie actuelle de COVID-19 sur l’économie mondiale est telle que le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré que le monde était confronté à la pire récession de son économie depuis la grande dépression des années 1930. |
4.4. |
Le FMI prévoit une contraction du PIB mondial de 3 % en 2020, tandis que d’autres estiment que le ralentissement mondial se situera à un niveau compris entre 2,3 % et 4,8 %, et que le coût qui en résultera atteindra entre 2 000 et 4 000 milliards de dollars. Le FMI prévoit également pour 2020 que le PIB des États-Unis se contractera de 5,9 % et celui de la zone euro de 7,5 % (31). Au deuxième trimestre de 2020, le PIB de l’UE a chuté de 15 %; dans l’ensemble, l’économie devrait se contracter de 7 % en 2020 (32). |
4.5. |
L’une des principales retombées de la grande dépression des années 1930 a été le manque de sécurité et de souveraineté alimentaires qui s’est traduit par des disettes et des famines dans certains pays européens et dans plusieurs États des États-Unis, provoquant par la suite des troubles sociaux et l’apparition de groupes politiques extrémistes. |
4.6. |
L’une des leçons essentielles à tirer de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19 est l’importance que la sécurité et la souveraineté alimentaires revêtent pour l’UE, ainsi que la nécessité absolue de financer la PAC de manière adéquate. |
4.7. |
La situation d’urgence provoquée par la pandémie de COVID-19 devrait conforter l’importance de la PAC pour l’UE (33) et renforcer les objectifs politiques initialement assignés à cette politique, tels que définis à l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dont, en particulier:
|
4.8. |
On ne saurait trop souligner que l’UE se doit d’apporter une réponse économique forte à la situation d’urgence créée par la pandémie de COVID-19. Dans le domaine de l’agriculture, on ne peut qu’être déçu, pour l’instant, par la réaction de la Commission, qui n’a alloué à ses mesures d’urgence qu’un financement limité à 78 millions d’EUR. |
4.9. |
En ce qui concerne la revitalisation de l’économie européenne à la suite de la crise due à la pandémie de COVID-19, l’UE a lancé le plan de relance de Next Generation EU d’un montant supplémentaire de 750 milliards d’EUR, ce qui, avec le budget de l’UE pour la période 2021-2027, représente 1 850 milliards d’EUR. |
4.10. |
L’on ne saurait trop souligner que l’UE se doit d’apporter une réponse économique forte à la situation d’urgence créée par la pandémie de COVID-19. La réponse de la Commission européenne doit contribuer à redresser et à renforcer l’économie, la sécurité alimentaire, les chaînes d’approvisionnement durable, la mise à disposition et, conformément à l’approche «Une seule santé», la disponibilité des dispositifs médicaux, l’agriculture, le secteur agroalimentaire, ainsi que la protection de l’environnement. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) COM(2019) 640 final.
(2) Objectifs de développement durable.
(3) COM(2019) 640 final — graphique 1.
(4) Stratégie «De la ferme à la table».
(5) Stratégie sur la biodiversité.
(6) Voir les avis du CESE sur «Une stratégie alimentaire durable “de la ferme à la table”» et sur la «Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030» (voir p. 51 et p. 259 du présent Journal officiel).
(7) Voir la lettre.
(8) https://ec.europa.eu/trade/policy/eu-position-in-world-trade/
(9) Eurostat (en anglais).
(10) https://ec.europa.eu/info/news/2019-record-year-eu-agri-food-trade-2020-mar-27_en#moreinfo
(11) Avis du CESE «Importance du commerce agricole pour le développement futur de l’agriculture et de l’économie agricole au sein de l’Union européenne, dans le contexte de la sécurité alimentaire mondiale» (JO C 13 du 15.1.2016, p. 97).
(12) Avis du CESE sur «Le rôle de l’agriculture dans les négociations commerciales multilatérales, bilatérales et régionales à la lumière de la réunion ministérielle de l’OMC à Nairobi» (JO C 173 du 31.5.2017, p. 20).
(13) https://www.eesc.europa.eu/lt/node/63550
(14) Voir la législation de l’UE relative au secteur de l’agriculture biologique: https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/farming/organic-farming/legislation_fr
(15) Avis du CESE sur les «Chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange (ALE) conclus par l’UE» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 27).
(16) Avis du CESE sur «Le rôle clé du commerce et des investissements dans la réalisation et la mise en œuvre des objectifs de développement durable» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 27).
(17) Voir note de bas de page 12.
(18) https://ec.europa.eu/info/departments/joint-research-centre_fr
(19) Avis du CES sur «Le rôle des politiques de l’UE en matière de commerce et d’investissement dans l’amélioration de la performance économique de l’UE» (JO C 47 du 11.2.2020, p. 38) — spécialement le chapitre 5, qui couvre le commerce et le développement durable, et plus particulièrement les ODD et Paris.
(20) Avis du CESE sur «L’économie durable dont nous avons besoin» (JO C 106 du 31.3.2020, p. 1).
(21) Avis sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18).
(22) https://onehealthejp.eu/about/
(23) https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/budget-may2018-modernising-cap_fr.pdf
(24) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_18_3985
(25) Avis du CESE sur «Améliorer la chaîne d’approvisionnement alimentaire» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 165).
(26) https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/cap-legislative-proposals
(27) Allen, M.R., Shine, K.P., Fuglestvedt, J.S., Millar, R.J., Cain, M., Frame, D.J. et Macey, A. H., (2018) A solution to the misrepresentations of CO2-equivalent emissions of short-lived climate pollutants under ambitious mitigation («Une solution aux représentations erronées des émissions en équivalent CO2 de polluants climatiques à courte durée de vie dans le cadre de scénarios d’atténuation ambitieux»), npj Climate and Atmospheric Science, 1 (1), p. 16.
(28) Avis du CESE «Ne laisser personne de côté» (JO C 47 du 11.2.2020, p. 30).
(29) Voir note de bas de page 12.
(30) Evita Schmieg, Innovation in the social pillars of sustainable development («Innovation dans les piliers sociaux du développement durable»), Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité (SWP).
(31) https://blogs.imf.org/2020/04/14/the-great-lockdown-worst-economic-downturn-since-the-great-depression/
(32) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52020DC0456
(33) Avis du CESE sur le thème «Propositions législatives relatives à la PAC» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 214).
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/77 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Énergie: les femmes, des acteurs à part entière au XXIe siècle»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/11)
Rapporteure: |
Laure BATUT |
Corapporteure: |
Evangelia KEKELEKI |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Transports, énergie, infrastructures et société de l’information |
Adoption en section |
23.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
208/4/2 |
1. Conclusions et recommandations
Le CESE recommande à la Commission d’inciter toutes les autorités de décision à:
1.1. |
créer les conditions de l’accès à l’énergie pour tous, réduire la pauvreté énergétique et collecter des données qualitatives et par genre assorties d’indicateurs appropriés; |
1.2. |
renforcer et faire appliquer la législation existante, tant au niveau européen que national en matière d’égalité; |
1.3. |
prévoir une politique ciblée sur l’égalité des genres dans les métiers de l’énergie parce que le talent des femmes est important; |
1.4. |
créer des conditions égales de formation aux métiers de l’énergie dans les États membres et au niveau européen — Créer un «Collège européen des STIM»; |
1.4.1. |
inviter les États membres à développer pour les jeunes enfants des «Little Polytechnics Schools» pour les familiariser aux STIM; |
1.5. |
créer les conditions de l’égalité sur le marché du travail dans le secteur de l’énergie: |
1.5.1. |
présenter par genre les données de toutes les parties du secteur y compris celle des renouvelables, ainsi que celles sur la pauvreté énergétique. Considérer quelles sont les opportunités pour les femmes, mais éviter que les transitions énergétique et numérique soient des pièges pour la carrière et le salaire des femmes. |
1.5.2. |
instaurer des mesures contraignantes sur la transparence des salaires et des rémunérations car c’est le prérequis pour une réelle égalité salariale sur toute l’échelle; |
1.5.3. |
imposer la parité dans les conseils d’administration des entreprises; |
1.6. |
développer le dialogue social et les conventions collectives, partout en Europe, sur l’égalité dans les entreprises du secteur de l’énergie; |
1.7. |
changer les mentalités des femmes elles-mêmes grâce à des modèles, et créer un réseau européen de «Teams-Europe»; |
1.8. |
changer les mentalités des hommes et les enseignements du management. |
2. Introduction: le secteur de l’énergie et les femmes
2.1. |
L’égalité est une valeur essentielle de l’UE, un droit fondamental et un principe du socle européen des droits sociaux. Elle fait partie des objectifs de développement durable de l’ONU. L’article 8 du TFUE en fait une clause transversale qui fonde l’intégration de la dimension d’égalité dans toutes les politiques. |
2.2. |
En cette année 2020, 25e anniversaire de la Déclaration de Pékin (1), l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir par une nouvelle stratégie l’égalité entre les hommes et les femmes. La période récente a vu de nombreux documents rédigés sur ce thème, que le CESE ne prétend ni doubler ni paraphraser, mais dont il soutient les conclusions, ainsi par exemple celles établies à la demande de son Comité FEMM pour le Parlement européen sur le rôle des femmes dans la transition énergétique (2), celles de la très récente communication de la Commission sur sa stratégie en faveur de l’égalité pour la période 2020-2025 (3) [COM(2020) 152 final], et celles des études menées par l’institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) (4). |
2.3. |
La Commission estime que«dans le monde des affaires, en politique, dans l’ensemble de la société, nous ne pouvons réaliser tout notre potentiel qu’en mettant pleinement à profit nos talents et notre diversité. L’égalité entre les hommes et les femmes débouche sur des emplois plus nombreux et sur une productivité plus élevée — un potentiel qui doit être exploité à l’heure où nous accueillons les transitions verte et numérique, et où nous nous attaquons à nos défis démographiques».
L’ensemble des défis posés au secteur de l’énergie figure dans par ce paragraphe: potentiel et productivité, employabilité et donc qualifications et équilibre entre vie privée et vie professionnelle, égalité des genres, démographie, choc des transitions, la verte et la numérique. |
2.4. |
Le taux d’emploi des femmes, avant les conséquences de la crise provoquée par le coronavirus, est plus élevé qu’il n’a jamais été dans l’UE, mais de nombreuses femmes continuent de se heurter à des obstacles pour accéder au marché du travail et pour y rester. La question «où sont les femmes?» tend à devenir un lieu commun dans tous les secteurs d’activité, ce qui est un progrès par rapport à l’époque précédente qui se demandait sur le mode sarcastique: «ah bon, des femmes?». Cela ne veut pas dire que le fossé entre hommes et femmes dans le monde du travail ait été comblé. Comme de nombreux secteurs intégrant une certaine dimension technique, l’énergie tarde à tendre vers la parité: en Europe elle n’emploierait en moyenne que 22 % de femmes. C’est par exemple le cas en Croatie (5). Les données relatives aux énergies renouvelables devraient être aussi collectées par genre. |
2.5. |
L’énergie est un vaste segment de l’économie concernant les matières premières, les produits finis et les services, englobant mines, production, commercialisation, transport et distribution, diplomatie, sécurité physique et géopolitique, assurant ainsi l’usage du charbon, du bois, du pétrole, du gaz, de l’atome, du vent, du solaire, de l’eau, etc. pour garantir aux citoyens, aux consommateurs et aux entreprises l’accès à l’électricité, au chauffage, à l’autonomie des transports. Ce segment a la particularité d’être un levier essentiel aux autres secteurs de l’économie. Il a besoin de tous les talents. |
2.6. |
Le secteur de l’énergie, considéré dans tous ses aspects, est un secteur très stéréotypé en ce qui concerne le genre, où les hommes sont en position dominante, ce qui engendre de grands déséquilibres professionnels entre hommes et femmes tant dans le secteur privé que dans le secteur public de l’énergie, sans qu’on y trouve partout une véritable volonté d’agir pour «genrer» toute la chaîne de valeur (6). |
2.7. |
Le nombre de femmes aux postes de direction dans le secteur de l’énergie est très faible. Dès 2012, une étude de l’EIGE montrait qu’en Allemagne, en Espagne et en Suède, 64 % des 295 entreprises de ce secteur n’avaient aucune femme dans leurs exécutifs. La situation était meilleure dans le secteur des énergies renouvelables et du pétrole, et est un peu meilleure dans les pays du Nord, mais dans tous les États membres, les femmes dirigeantes sont absentes des domaines technologiques liés à l’énergie. En 2019, les inégalités de genre restent préoccupantes dans ce secteur [51,9 points d’indice (7)], bien que l’EIGE indique que presque tous les États membres ont fait des progrès au cours de ces dernières années. |
3. Observations générales: la nécessité de réduire l’abîme
3.1. |
Pour accélérer le changement, il convient d’agir en même temps sur différents axes, et de combler les fossés qui se sont additionnés et interagissent. |
3.2. Le fossé de l’accès à l’énergie
3.2.1. |
Il est acquis que la transformation du système énergétique n’est pas une question purement technique, mais qu’elle est aussi profondément sociale. Sur ce plan, il faut accorder une attention spéciale à l’accès de tous à l’énergie. Dans l’Union européenne, il existe toujours des foyers qui ont des problèmes pour accéder à l’énergie (8), soit en raison de leur position par rapport aux réseaux, soit en raison de leur pauvreté. Les femmes qui ont la charge de sa gestion sont les premières à en souffrir, à devoir souvent faire un choix difficile pour elles et leurs enfants entre manger ou se chauffer («heat or eat»). Les politiques énergétiques sont insensibles aux problèmes de la répartition des responsabilités dans les ménages, raison pour laquelle la pauvreté énergétique devrait être examinée sous l’angle du genre (9). Le manque d’accès à l’énergie les prive aussi de l’accès au numérique, ce qui complique considérablement leur vie et les isole de l’environnement social, du travail, de l’éducation, de la culture. Le manque d’accès à l’énergie se double ainsi de la fracture numérique, aggravée parfois par celle de l’âge. Il convient d’en reconnaître tous les aspects et de prendre en compte de manière spécifique le genre le plus pénalisé. |
3.2.2. |
La collecte de données qualitatives sur l’utilisation de l’énergie par les foyers permettrait d’avoir une vision plus précise de la réalité de leur pauvreté, qui requiert une approche globale pour être traitée. Au-delà d’un prix social de vente de l’énergie, les remèdes à la pauvreté énergétique ont à voir avec les politiques urbaines, celles du logement, de l’accès au travail, du niveau des salaires, des pratiques de vente des entreprises à l’utilisateur final. Selon les études de l’OCDE, les femmes sont des consommateurs concernés par le développement durable. En raison de leurs responsabilités dans les foyers et de leurs rôles d’éducatrices, et d’éveilleurs des consciences à l’utilisation raisonnée des énergies et du recyclage, elles sont des acteurs-clés pour infléchir les modèles de comportement (10). |
3.3. Le fossé politique
3.3.1. |
La politique européenne de l’énergie est fondée sur cinq dimensions étroitement liées:
Et, pour réussir, la Commission ambitionne:
|
3.3.2. |
La place des femmes n’est jamais envisagée en tant que telle. Or elles sont en position dominée dans ce secteur, et toujours en première ligne des licenciements en cas de crise, quelle que soit la nature de la crise. Le fossé politique ne peut se réduire sans mesures spécifiques en leur faveur, à prendre dans chacun des domaines d’action, d’autant moins que cela fait partie des objectifs de développement durable de l’ONU (11). |
3.3.3. |
Le CESE souligne que les politiques mises au point dans le secteur de l’énergie souffrent dès leur conception d’un défaut de prise en compte de la dimension de genre. Il souhaite que la méthodologie«Define, Plan, Act, Check» mise au point par l’EIGE dans sa publication «Le genre et l’énergie» (12) bénéficie d’une large diffusion sous forme d’une incitation auprès des gouvernements des États membres et des écoles de formation au management dans le secteur de l’énergie et dans ses entreprises. |
3.3.4. |
Comme l’EIGE, le CESE estime que la dimension de genre peut être intégrée dans toutes les phases de la politique en matière d’énergie. Après l’analyse des situations et la consultation des parties prenantes, l’étude de la budgétisation, la phase de mise en œuvre devrait débuter par l’augmentation du niveau de conscientisation et le renforcement des capacités et donc des qualifications; un «gender toolkit», module de formation sur l’énergie (financé par le FP7), a mis en évidence l’importance du genre dans le secteur de l’énergie et la manière dont la recherche dans ce domaine peut être concernée par cette question (13); enfin l’évaluation des politiques et des programmes doit être faite après leur mise en œuvre. Le Comité salue la volonté d’aller dans ce sens, que la Commission affirme dans sa dernière communication sur l’égalité. |
3.4. Les fossés du marché du travail
3.4.1.
3.4.1.1. |
En France, EDF se glorifie d’avoir 25 % de femmes dans ses effectifs et 27 % dans ses comités de direction. Alors que la loi française y impose 40 % de femmes. Cependant, cette entreprise a lancé une campagne numérique à la recherche d’idées pour discuter, orienter, convaincre, favoriser, et «développer l’industrie au féminin» (14). Dans la situation actuelle, ce sont souvent les femmes elles-mêmes qui se mobilisent pour se faire entendre. Ainsi en 2018 en Espagne, 57 associations du secteur de l’énergie ont-elles publié un manifeste commun «En Energia NO sin Mujeres» (15) pour affirmer qu’il est temps d’avoir des experts féminins dans la sphère publique afin que la transition énergétique soit plus durable et plus juste. La Commission européenne réaffirme que «la promotion de l’égalité entre hommes et femmes est une tâche qui incombe à l’Union pour toutes ses actions», et donc à tous les États membres, dont l’indice d’égalité de genre n’est en moyenne que de 67,4 points sur 100. En Autriche, des entreprises de distribution de l’énergie ont aussi élaboré des programmes pour intéresser les femmes, souvent en coopération avec les lycées et universités (16). |
3.4.1.2. |
Dans le secteur de l’atome, l’exclusion des femmes est perçue avec une certaine légitimité, «vu ses métiers scientifiques et techniques où elles sont encore peu nombreuses». La part des femmes au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) progresse lentement: en 2018, elles représentent 33,8 % de l’effectif total contre 30 % en 2008; 30,3 % des personnels cadres (26,5 % parmi les cadres scientifiques) et 39,4 % pour les autres personnels. |
3.4.1.3. |
Les femmes sont encore sous-représentées dans l’industrie pétrolière et gazière. Elles n’y représentent que 20 % des employés, 17 % des cadres et 1 % des PDG d’entreprises (17). Elles commencent peu à peu à être vues comme «des réserves inexploitées», la mixité pourrait être un jour un atout de créativité dans les métiers techniques, et une solution au fossé générationnel et démographique. Les stéréotypes, qui ont la vie dure, doivent être abandonnés au profit d’un rééquilibrage de l’emploi. L’effort est toujours à fournir par les femmes qui doivent d’abord s’engager dans les filières techniques de formation. |
3.4.1.4. |
Les femmes dans le secteur de l’énergie, comme les autres travailleurs, relèvent de différents statuts. Elles y sont aussi moins bien rémunérées que les hommes, et plus facilement licenciées; dans l’Union, elles restent pénalisées par le fait que la société est encore organisée en s’appuyant sur le temps privé des femmes pour assurer les fonctions sociales et affectives non-professionnalisées (soins aux enfants, aux personnes âgées, …). |
3.4.2.
3.4.2.1. |
Il existe encore dans l’UE un facteur territorial et une pression sociale qui empêchent les filles d’accéder à l’éducation supérieure. Dans certaines régions rurales de l’Europe du Sud, certaines catégories de la population estiment encore que la place des filles est à la maison. Leur analphabétisme numérique les éloigne définitivement des métiers de l’énergie ce qui constitue une perte globale de compétences pour la société. |
3.4.2.2. |
Tout commence par la formation et les qualifications. Selon l’EIGE, il perdure de plus une ségrégation horizontale entre étudiants et étudiantes. Les garçons vont plus volontiers vers les sciences, et quand les filles sont diplômées en sciences, quelques années après leurs diplômes, elles n’exercent pas des métiers techniques. Leur arrivée dans l’entreprise peut être problématique: «J’ai été traitée comme les autres pendant mes études d’ingénierie mais tout a changé quand j’ai commencé à travailler. La centrale n’avait pas été construite dans l’idée qu’une femme y travaillerait un jour/il n’y avait ni tenues de protection radiologique, ni vestiaires pour femmes» (18), dit une personne qui relate sa situation dans une centrale nucléaire, au début de sa carrière. Cette expérience parle à beaucoup. En 2017, bien que les femmes croates aient obtenu 60 % des mastères de sciences et 55 % des doctorats, elles souffraient toujours des effets du plafond de verre dans la vie professionnelle du secteur de l’énergie où leur taux de présence dans les structures de direction restait situé entre 13 et 16 %, et était de 19 % dans les sociétés cotées. |
3.4.2.3. |
En France, les écoles d’ingénieur(e)s accueillant moins de 30 % de femmes, la mixité est difficile à atteindre au sein de la branche professionnelle des IEG (19). En 2017, la filière purement technique de cette branche ne comptait que 14 % de femmes, alors qu’elles sont majoritaires dans les branches commerciale et tertiaire! Quelle est la valeur ajoutée des femmes? Être sociales, humaines, capables de ranger les dossiers et de préparer le café? Ou bien être techniciennes, ingénieures, chercheuses? Les femmes ont besoin d’une réelle égalité des chances pour entrer dans les filières de l’énergie, et de reconnaissance de leurs capacités pour y rester et y développer des carrières. L’Espagne observe que malgré des mesures d’ouverture aux femmes, certaines ne s’orientent pas vers les secteurs techniques (20). Les stéréotypes sur l’apprentissage des mathématiques et de la physique réservé aux garçons doivent être abolis par la structure des études, l’attitude des professeurs et l’éducation des parents dès que les enfants entrent à l’école primaire pour faire évoluer les approches des femmes sur elles-mêmes. Des exemples sont inspirants: en Pologne, le projet «Little Polytechnics for Children» accueille des enfants (filles et garçons) en âge d’école primaire à des séances qui les familiarisent aux matières techniques, pour prévenir la peur des STIM. |
3.5. Les carrières et les salaires
3.5.1. |
Il n’est pas toujours facile pour elles d’atteindre un équilibre satisfaisant entre leur vie familiale et leur vie professionnelle dans ces métiers exigeants. Par manque de modèles, les femmes y renoncent parfois d’elles-mêmes. Elles ont besoin de la solidarité de marraines, de mentors, de femmes exceptionnelles qui leur montrent la voie et affirment leur confiance. Le CESE estime que la formation des responsables des ressources humaines dans les entreprises de cette branche devrait les préparer à être sensibilisés et inventifs pour tous, hommes et femmes, dans la gestion de leur emploi et de leur carrière, pour que les carrières vues comme exceptionnelles deviennent banales. En Croatie, un réseau a été établi en 2019 par des femmes, inspiré de «CIGRE», une communauté collaborative mondiale, pour s’entraider dans le développement de leurs carrières dans l’énergie (21). Le Comité estime que l’introduction de quotas pour instaurer la parité dans les conseils d’administration des entreprises devient un signal nécessaire. |
3.5.2. |
Pour développer une carrière à base de STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) dans les filières de l’énergie, les femmes rencontrent encore trop d’obstacles internes à leurs entreprises, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. La Commission plaide pour que tous soient «libres de suivre la voie qu’ils ou elles auront choisie dans la vie», en toute égalité. Elle doit prévoir des moyens supplémentaires pour les femmes dans un secteur où la force physique n’est plus de première utilité, mais où elle reste une référence de capacité. L’égalité devra pouvoir être mesurée par des indicateurs qualitatifs sur les opportunités de carrières obtenues et, à qualification et grade égal, par les niveaux de rémunérations. Celles-ci incluent salaires de base et compléments de salaires. Le CESE soutient pleinement sur ce point les objectifs de la Coalition internationale pour l’égalité salariale (22). Il recommande que soient instaurées des mesures contraignantes sur la transparence des salaires et des rémunérations car c’est le prérequis d’une réelle égalité salariale. |
3.6. Le rôle du dialogue social national et européen
Le CESE estime que les accords conclus devraient être inclus dans la gouvernance des branches et des entreprises.
3.6.1.
Le rôle du dialogue social est primordial pour développer des conditions de travail appropriées et assurer aux femmes la sécurité du travail et de l’emploi dans le secteur de l’énergie. Les industries IEG en France ont signé avec les syndicats un accord de branche pour 4 ans, balayant tous les champs sur lesquels agir pour avancer vers l’égalité professionnelle (23). Le CEA a un accord d’entreprise. Il serait très important, dans tous les États membres, que de telles mesures agréées par les partenaires sociaux figurent dans les conventions collectives, pour qu’elles aient une totale applicabilité juridique.
3.6.2.
Une entreprise comme Électricité de France a signé avec ses syndicats en 2018 un accord de RSE qui vise à assurer la mixité à tous les niveaux de l’entreprise et s’engage à promouvoir des femmes dirigeantes à des postes clés. Il s’appuie sur le renforcement de l’attractivité des métiers techniques auprès des jeunes femmes et sur le respect de la garantie de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes du groupe tout au long de leur parcours professionnel. Ceci est un bel engagement, mais qui reste de la «soft law», ou du droit non-contraignant; il requiert une vigilance permanente notamment des femmes pour être mis en œuvre, pour vérifier qu’il est en conformité avec la loi, laquelle reste nécessaire.
4. La transition énergétique est-elle une chance ou un risque pour les femmes?
4.1. |
L’évolution vers une économie décarbonée modifie les modes de production vers des entités de plus petite taille, des circuits courts, rééquilibrant énergies fossiles ou nucléaire et énergies renouvelables. Les bâtiments «intelligents» qui peuvent stocker l’énergie, les «smart grids», etc., mobilisent les techniques, les technologies de l’information à la pointe, l’intelligence artificielle. Dans la période pré-COVID-19 de cherté des prix du pétrole, les entreprises dirigées par des femmes avaient tendance à investir dans les énergies renouvelables et à prendre en compte les menaces sur l’environnement (24). Le taux de leur activité dans ce secteur était en hausse, bien qu’encore faible dans l’ingénierie (28 %, d’après l’IRENA). La déstabilisation des marchés de l’énergie par la perte de valeur de l’énergie carbonée due à la crise risque d’impacter cette tendance. |
4.2. |
Le monde de l’énergie voit dans ces nouvelles activités, moins «lourdes», un grand besoin de diversité, de compétences novatrices, de profils représentant le plus possible la société dans son ensemble. Il est admis qu’il faut que la société s’approprie les transitions, la transition énergétique se nourrissant de la transition numérique, avec leurs opportunités et surtout leurs coûts en emplois et en restructurations (25). Et que pour cela, il faudrait des femmes. Elles n’y sont pas encore nombreuses. |
4.3. |
Les grands profils de carrière ne sont pas encore dessinés dans le secteur des énergies renouvelables. Le Comité veut mettre en garde contre deux tentations:
Il plaide à nouveau pour que les accords de branche et d’entreprise sur l’égalité soient inclus dans le droit contractuel opposable. |
5. Observations particulières
5.1. |
Réaliser son potentiel est un enjeu individuel et collectif dans la société européenne vieillissante, et largement concurrencée par les talents d’autres puissances commerciales. Hommes et femmes doivent combiner des compétences très diverses dans un contexte énergétique plus horizontal qui utilise plateformes et réseaux. Les modes de management s’en trouvent modifiés. Mais l’illettrisme numérique demeure et un effort doit être fourni pour qu’il soit éradiqué dans toute l’Union. Le travail d’aujourd’hui se fait dans le cadre de droits déjà établis. Il faut qu’il donne rapidement des résultats. Women’s talents matter! |
5.2. |
Où se réaliser?«Les femmes élargiraient le vivier de compétences disponibles» et «la diversité est un élément clé de compétitivité» (26). L’intelligence artificielle, l’utilisation du Big Data, ont-ils un sexe? Ce domaine est largement ouvert, toutes ses applications ne sont pas connues, et c’est un domaine indispensable à la compétitivité internationale de l’Europe pour les femmes comme pour les hommes. Il convient de former les femmes, de les inciter à investir ce secteur, en assurant auprès des jeunes filles dans les collèges, les lycées et sur les sites, la promotion des métiers de l’énergie où ils sont appliqués. |
5.3. |
Donner aux femmes l’énergie et les moyens d’être des décideuses. L’entreprise, petite ou grande, demande de plus en plus d’éthique. Pour cela aussi, on se tourne volontiers vers les femmes parce que les structures qui se développent, orientées vers les systèmes décentralisés de production d’énergie, auraient tendance à augmenter l’égalité de genre dans la prise de décision. On reconnaît alors que leurs motivations seraient différentes de celles des hommes et que les compétences non-techniques auraient une valeur pour la marche de l’entreprise. Pour le CESE, cette reconnaissance peut être positive, mais peut aussi être un piège favorisant le maintien du statu quo ante. Les femmes doivent rester vigilantes. Dans tous les cas, l’égalité est un droit, et elle doit se manifester dans leurs carrières et dans leurs rémunérations, et ceci indépendamment des situations de crise ou de problèmes démographiques. |
5.4. Créer sur le modèle de Bruges, un «Collège européen des STIM», mais à quotas évolutifs
Le CESE demande instamment à la Commission de créer dans les meilleurs délais, à Bruxelles, un collège de troisième cycle dit «Collège européen des STIM» (27), qui comporterait une filière «Énergie» dotée d’un quota d’étudiantes de 80 % à son ouverture, pour tendre à la parité au bout de quelques années. Il suggère de ne pas attendre de trouver la ténacité d’une équipe comme celle composée de Madriaga-Churchill-Spaak-De Gasperi qui imaginèrent le Collège d’Europe de Bruges. Mais il recommande de le proposer dans les meilleurs délais au Conseil.
5.4.1. |
Comme pour le Collège de Bruges, les États membres assureraient la première sélection des étudiant(e)s retenus et leur financement par des bourses. Ce qui n’empêcherait pas le Conseil de consentir un budget de fonctionnement à cette école d’excellence. Les formations à y délivrer devraient être presque exclusivement orientées vers l’apprentissage des savoirs et des savoir-faire caractéristiques des activités relevant des STIM, avec des filières appliquées et des cursus pouvant être pluridisciplinaires, dont un consacré à l’énergie.
Ce collège-phare donnerait une image européenne d’excellence «dé-genrée» des métiers de l’énergie, une valeur ajoutée européenne à toutes les grandes écoles nationales, et pourrait ainsi jouer un rôle de modèle et constituer un levier important pour la féminisation des professions de l’énergie et pour la collecte de tous les talents. |
5.4.2. |
Comme le collège d’Europe qui a un établissement à Bruges et un à Natolin (Pologne), le collège ECS devrait avoir plusieurs établissements dans l’Union, travaillant en réseau avec des structures déjà existantes au niveau européen comme les clusters scientifiques, et par exemple l’ONG «Euro-CASE» (28) qui rassemble les académies nationales d’ingénierie, de sciences appliquées et de technologie de 21 pays européens, ou l’EIT-InnoENergy (29), l’Institut européen d’innovation et de technologie, inscrit dans le programme Horizon 2020 et consacré à la promotion de l’innovation, de l’entrepreneuriat et de l’éducation dans le domaine de la transition énergétique et des énergies durables, qui rapproche universitaires, entrepreneurs et instituts de recherche (30) sur toute la chaîne de valeur. |
5.4.3. |
En liaison avec le portail des données ouvertes de l’Union (31), qui sont gratuites et peuvent être réutilisées, l’UE disposerait là d’un outil puissant et envié, intégrant femmes et hommes, et offrant des passerelles vers les industries et les centres de recherche. Toutes les écoles d’excellence valorisent les régions où elles sont implantées. La valeur ajoutée européenne apporte un rayonnement encore plus grand. |
5.5. Développer des «Teams Énergie-Europe»
Des associations (32) travaillent déjà activement au changement de mentalité des jeunes femmes pour qu’elles se projettent elles-mêmes dans les métiers de l’énergie. Des femmes dirigeantes du secteur se réunissent et organisent des actions auprès des lycéennes et des étudiantes de 3e cycle pour présenter leurs métiers et le panel des professions de l’énergie. En Pologne, une expérience dite «Girl at the Polytechnic» (33) a eu de très bons résultats. L’objectif était d’encourager les femmes à étudier dans les lycées techniques et à casser les stéréotypes par des actions diverses, notamment des journées portes ouvertes dans ces établissements. Le CESE estime qu’il est primordial de systématiser cette approche au moyen d’un échange direct au niveau européen par l’intermédiaire des «Teams Énergie-Europe». Dans tous les États membres, lors de l’introduction de l’euro, des équipes de volontaires, sous la responsabilité des représentations locales de la Commission, allaient bénévolement parler avec les citoyens pour leur exposer les changements qui allaient être occasionnés par l’arrivée de la monnaie unique.
5.5.1. |
Des «Teams Énergie-Europe» pourraient de la même manière s’entretenir avec les étudiantes pour leur exposer comment fonctionnent la recherche, la technologie, l’approvisionnement, les réseaux trans-européens, la fixation des prix, les systèmes de régulation, les marchés de l’énergie, et toutes les places qu’elles pourraient y trouver. |
5.5.2. |
Ces équipes chargées de faire découvrir aux collégiennes, lycéennes et étudiantes les métiers d’ingénieur(e)s et de technicien(ne)s, et susciter des vocations devraient comporter des femmes qui soient des modèles et montrent que ces métiers (dits plutôt «masculins») sont accessibles aux filles. |
5.5.3. |
Au niveau du monde professionnel, ces équipes pourraient partager les bonnes pratiques, promouvoir les passerelles et les échanges avec d’autres réseaux et associations dans l’Union. Les hommes s’engagent aussi. Ils assurent notamment du «mentoring» et du parrainage. Mais les femmes ont ici plus d’impact dans un rôle-modèle. Un réseau européen de femmes pourrait être créé, qui ferait partie d’un projet européen bénéficiant de fonds, et assurerait des relais vers le Collège européen des STIM. |
5.6. |
Au niveau des institutions et organes européens, il serait nécessaire de renforcer l’évolution déjà amorcée, en augmentant la participation des femmes jusqu’à atteindre la parité parmi les régulateurs de l’énergie (34). |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) https://beijing20.unwomen.org/en/about
(2) «Women, Gender Equality and the Energy Transition in the EU» (Les femmes, l’égalité des genres et la transition énergétique dans l’UE), étude à la demande de la commission FEMM (mai 2019) https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2019/608867/IPOL_STU(2019)608867_EN.pdf
(3) COM(2020) 152 final, 5.3.2020, «Une Union de l’égalité: stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025».
(4) EIGE, Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, Vilnius, «Gender and Energy» (Genre et énergie).
(5) Bureau croate des statistiques, secteur de l’énergie (à l’exclusion de l’industrie pétrolière): https://www.dzs.hr/Hrv_Eng/publication/2019/09-02-01_12_2019.htm
(6) ODD des Nations unies 5, 7 et 8; Joy Clancy, Université de Twente, «Give women a chance: engendering the energy supply chain».
(7) EIGE , Gender Equality Index (Indice d’égalité de genre de l’Union européenne).
(8) JO C 341 du 21.11.2013, p. 21.
(9) Avis du CESE TEN/707 (voir page 93 du présent Journal officiel).
(10) Voir le rapport d’information du CESE sur le thème «Évaluer l’union européenne de l’énergie — La dimension sociale et sociétale de la transition énergétique», rapporteur: Christophe Quarez, juillet 2020.
(11) http://www.unido.org/fileadmin/user_media_upgrade/What_we_do/Topics/Women_and_Youth/Guide_on_Gender_Mainstreaming_ECC.pdf
(12) Voir p. 10 (2016). Gender Mainstreaming Platform > Policy Areas > Energy http://eurogender.eige.europa.eu
(13) http://www.yellowwindow.be/genderinresearch/down-loads/YW2009_GenderToolKit_field4_Energy_001.pdf
(14) https://www.edfpulseandyou.fr/autres-themes/industrie-feminin/
(15) #EnEnergiaNoSinMujeres, manifeste signé par 57 associations en Espagne.
(16) Voir «Chancengleichheit zwischen Frauen and Männern in der Energiebranche» (L’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le secteur de l’énergie), étude effectuée par l’Association autrichienne de l’environnement et des technologies (ÖGUT) à la demande du ministère fédéral autrichien de l’agriculture et des forêts, de l’environnement et de la gestion de l’eau, octobre 2016.
(17) Chiffres avancés lors du Congrès mondial du pétrole, à Istanbul, en 2017, extraits d’une étude réalisée par la société Boston consulting group (BCG).
(18) https://www.iaea.org/fr/newscenter/news/des-femmes-travaillant-dans-le-domaine-du-nucleaire-parlent-de-leur-experience-a-loccasion-de-la-journee-internationale-de-la-femme
(19) IEG: Industries électriques et gazières.
(20) Initiative «Steel women».
(21) https://www.cigre.org/GB/community/women-in-engineering
(22) https://www.ilo.org/global/topics/equality-and-discrimination/epic/lang--fr/index.htm (JO C 110 du 22.3.2019, p. 26; JO C 262 du 25.7.2018, p. 101).
(23) https://sgeieg.fr/actualites/accord-relatif-a-egalite-professionnelle-entre-les-femmes-et-les-hommes-2019-2023
(24) https://escholarship.org/
(25) Ces lignes écrites en pleine crise du coronavirus n’auront peut-être plus de pertinence après la crise.
(26) Cercle Interelles.
(27) «STEM» en anglais, pour «Science, technology, engineering and mathematics», en français «STIM» (science, technologie, ingénierie et mathématiques); voir «Énergie, l’Europe en réseaux» de Michel Derdevet, maître de conférences à l’IEP de Paris.
(28) Euro-Case, European Council of Applied Sciences, Technologies and Engineering www.euro-case.org; https://www.euro-case.org/about-us/mission-and-governance/
(29) EIT-InnoENergy, innoenergy.com.
(30) Voir «Énergie, l’Europe en réseaux», M. Derdevet, maître de conférences à l’IEP de Paris, secrétaire général (2013-2019) et membre du directoire d’Enedis.
(31) data.europa.eu (portail des données ouvertes de l’Union européenne).
(32) Énergies de femmes pour EDF; women4energy.eu (innoenergy/EIT, pilotage de Steinbeis 2i GmbH); ellesbougent.com; http://www.interelles.com/colloques-interelles/actes-complets-du-colloque-2019: conférence intitulée «L’IA a-t-elle un sexe?».
(33) Le programme a débuté en 2007. Le pourcentage de filles dans des cursus polytechniques est passé de 30,6 % à 36 %. http://www.dziewczynynapolitechniki.pl/pdfy/raport-kobiety-na-politechnikach2019.pdf
(34) Avis du CESE sur la «Stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes» (SOC/633), rapporteure: Giulia Barbucci, corapporteure: Indre Vareikyté, juillet 2020 (JO C 364 du 28.10.2020, p. 77).
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/85 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Entre un super-réseau transeuropéen et des îlots énergétiques locaux — Le juste équilibre entre solutions décentralisées et structures centralisées pour une transition énergétique durable sur le plan économique, social et écologique»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/12)
Rapporteur: |
Lutz RIBBE |
Corapporteur: |
Thomas KATTNIG |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en section |
3.9.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
254 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/2/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La question de savoir à quel point le futur système énergétique de l’UE sera centralisé ou décentralisé n’est pas tranchée sur le plan politique. Ni la Commission ni les États membres ne donnent d’indications claires à ce sujet. La seule certitude que l’on ait, c’est que sans l’émergence des énergies renouvelables, des structures décentralisées n’auraient pas pu voir le jour. |
1.2. |
Dans nombre de ses avis, le Comité économique et social européen (CESE) a souligné qu’il importe de reconnaître que la transition énergétique n’est pas seulement une question de technologie mais qu’elle représente aussi un enjeu social et politique majeur. Le CESE réclame avec insistance que l’on garantisse la participation des travailleurs, des syndicats et des consommateurs à cette transition énergétique, comme l’ont promis les décideurs politiques. Toutefois, sur ce point également, la Commission et les États membres laissent davantage de questions en suspens qu’ils ne donnent de réponses. Pire encore: les initiatives qui ont été lancées en matière d’énergie feront obstacle à une large participation des citoyens au lieu de l’encourager. |
1.3. |
Le CESE est convaincu que le futur système énergétique européen comportera à la fois des éléments centralisés et des éléments décentralisés. Ce choix ne doit toutefois pas être laissé au hasard. Il y a lieu de définir un objectif clair afin de déterminer s’il faut privilégier l’approche de la décentralisation ou de la centralisation. En effet, la transition énergétique européenne a avant tout besoin de sécurité en matière d’investissements, tant pour les pouvoirs publics que pour les acteurs privés. Cette sécurité ne peut être obtenue que moyennant des décisions de principe claires. |
1.4. |
Les coûts liés à un système énergétique décentralisé sont similaires à ceux d’un système centralisé. Ils sont toutefois imputables à des composantes différentes: les grandes installations et les réseaux de transport dans un système centralisé; les installations de production de plus petite taille et les options de flexibilité, qui sont aussi implantées au plus près des consommateurs, dans un système décentralisé. Les réseaux de distribution jouent en outre un rôle plus important, en particulier les réseaux intelligents, qui sont une condition sine qua non pour le développement de marchés intelligents et, partant, le soutien du système par les différents acteurs. Cette évolution technique permet en outre de disposer d’une autonomie accrue et d’unités de réseau autorégulées plus décentralisées. |
1.5. |
Cette configuration a pour conséquence une répartition différente de la valeur ajoutée et, partant, des incidences économiques et sociales diverses. Si, dans un système centralisé, la valeur ajoutée est généralement concentrée sur un petit nombre d’acteurs, dans un système décentralisé, les consommateurs en tant que clients actifs, les communautés énergétiques citoyennes, les agriculteurs, les PME et les entreprises locales peuvent eux aussi participer à la création de valeur. |
1.6. |
La question de l’organisation du nouveau système énergétique dépasse dès lors le simple cadre technique pour devenir une question hautement politique: dans le contexte d’une «transition juste et équitable», il y a lieu de déterminer qui peut (et qui devrait) jouer quel rôle et donc — pour dire les choses clairement — qui pourra et sera autorisé, à l’avenir, à gagner de l’argent avec l’énergie et, partant, à participer économiquement à la transition énergétique. La réponse à cette question déterminera également dans quelle mesure la transition énergétique stimulera l’innovation. |
1.7. |
Le train de mesures sur l’énergie propre fournit des indications importantes sur la direction que devrait prendre cette évolution. Le paquet fait état d’une union de l’énergie qui vise (entre autres) à réduire les importations d’énergie et qui est «focalisée sur le citoyen, dans laquelle ce dernier prend à son compte la transition énergétique, tire avantage des nouvelles technologies pour réduire sa facture et prend une part active au marché énergétique, participe activement au marché et (…) devient un producteur et un acteur actif du marché». |
1.8. |
Le CESE considère toutefois qu’au cours des cinq dernières années, la Commission et la grande majorité des États membres n’ont pas vraiment réussi à clarifier quelles devraient être les futures structures et répartition des tâches. |
1.9. |
Jusqu’ici, le Conseil n’a lui non plus guère contribué à la définition d’une politique énergétique suffisamment claire. À cet égard, le CESE regrette que la présidence allemande du Conseil mette unilatéralement l’accent sur certaines technologies (telles que l’énergie éolienne en mer ou l’hydrogène produit à partir de sources d’énergie renouvelables), mais n’aborde pas du tout les importantes questions structurelles qui y sont liées. Le CESE tient à souligner clairement qu’accorder la préférence à ces technologies aura des conséquences telles que la concentration sur un petit nombre d’opérateurs et des investissements massifs dans les capacités de transport, c’est-à-dire dans des monopoles naturels. |
1.10. |
Pour pouvoir participer pleinement au marché, les nouveaux opérateurs doivent avoir accès à l’ensemble des marchés pertinents de l’électricité, y compris ceux de la flexibilité. Or ce n’est le cas dans presque aucun État membre. Ceux-ci sont par conséquent instamment invités à adapter leurs cadres réglementaires de manière à mettre pleinement en œuvre les idées qui sous-tendent le train de mesures sur l’énergie propre et à réaliser l’égalité des chances. Cela permettra notamment à des marchés régionaux de dégager des solutions hautement efficaces grâce à la numérisation et, une fois qu’ils disposeront d’un réseau intelligent, de contribuer à une sécurité d’approvisionnement stable et résiliente. |
1.11. |
S’agissant des conséquences économiques et sociales, le CESE réaffirme sa position selon laquelle les systèmes énergétiques décentralisés peuvent donner une impulsion importante au développement régional et créer des emplois nouveaux, de qualité et qualifiés dans les régions (1). |
1.12. |
Bien que les décideurs politiques abordent partiellement la problématique des consommateurs vulnérables et de la précarité énergétique, ils ne proposent toutefois aucune piste de solution et n’établissent pas non plus de lien entre ces thèmes et la conception du futur système énergétique. Afin de mieux évaluer la précarité énergétique, le CESE invite la Commission à proposer l’introduction de critères de définition et d’indicateurs communs au niveau européen. Les États membres doivent développer davantage d’outils statistiques permettant de cibler efficacement les ménages précaires. Parallèlement, il convient de veiller à ce que les ménages à faibles revenus aient la possibilité de mettre en œuvre des mesures d’efficacité énergétique visant à réduire notamment leur consommation d’énergie. |
1.13. |
La question fondamentale qui se pose est de savoir si le «réseau électrique», qui est une infrastructure critique, ne devrait pas, en tant que monopole naturel, être aux mains du secteur public afin de garantir une sécurité d’approvisionnement durable, d’autant qu’il a été créé et développé à grands renforts de fonds publics. Ce point devrait faire l’objet d’un examen plus détaillé dans un avis du CESE. |
1.14. |
Le plan de relance et le cadre financier pluriannuel 2021-2028 prévoient désormais d’investir plusieurs centaines de milliards d’euros dans les infrastructures et les technologies énergétiques. Il convient de veiller à ce que ces investissements soient effectivement utilisés dans le cadre d’une transition énergétique axée sur les citoyens et non sur les acteurs de l’actuel système d’énergies fossiles. Le CESE invite la Commission, le Conseil et le Parlement européen à engager dès que possible un vaste débat structuré avec la société civile et les collectivités territoriales afin de clarifier les questions soulevées dans le présent avis d’initiative. |
2. Contexte du présent avis d’initiative
2.1. |
L’Europe se trouve dans un processus compliqué de transition vers la neutralité climatique, qui devrait être réalisée d’ici 2050. Pour y parvenir, il lui faudra profondément transformer son système énergétique. Pour ce faire, il faudra, entre autres, y apporter des changements techniques fondamentaux, mais aussi se pencher sur des questions structurelles en relation avec la production, le commerce et la commercialisation et mettre en place des processus de changement sociopolitiques. Cela étant, ni la nature exacte de ces changements ni leur ampleur n’ont à ce jour encore été précisées. Il importe de souligner que la transition énergétique n’est pas seulement une question de technologie mais qu’elle représente aussi un enjeu social majeur. Il convient de s’assurer que les travailleurs et les syndicats ainsi que les consommateurs soient en mesure d’y participer. |
2.2. |
Ces dernières années, la Commission a publié un grand nombre de déclarations d’intention politiques et adopté de nouvelles règles. Le CESE les a toutes commentées et les a, dans la plupart des cas, accueillies favorablement et soutenues. Il a toutefois également regretté le caractère trop vague et imprécis de bon nombre d’entre elles. |
2.3. |
Une chose est claire: seule l’émergence des énergies renouvelables a rendu possible un débat sur la question de la (dé)centralisation des structures dans le secteur de l’énergie. Les énergies renouvelables (énergies solaire, éolienne et biomasse) sont décentralisées et largement disponibles, et elles ne nécessitent que des investissements comparativement faibles, tandis que les centrales nucléaires ou au charbon représentent des structures d’envergure centralisées. |
2.4. |
La manière dont les énergies renouvelables devraient être gérées n’est pas claire. On ignore en particulier si la Commission entend promouvoir leur intégration dans le système existant ou si elle veut transformer le marché. |
2.5. |
À cet égard, le CESE a souligné que, selon lui, il ne s’agit pas en premier lieu d’«intégrer» les énergies renouvelables dans le système électrique existant. Par «transformation totale», il entend bien plus que le simple regroupement des systèmes nationaux dans un réseau européen et qu’une augmentation significative de la part des énergies renouvelables. Cela signifie également que les sources d’énergie conventionnelles actuelles (en ce compris le gaz naturel) ne seront plus appelées qu’à jouer un rôle de complément. |
2.6. |
Un système énergétique totalement nouveau requiert une variété d’acteurs beaucoup plus grande. Les réseaux de distribution, en particulier, jouent un rôle beaucoup plus important et devront en tout état de cause se muer en «réseaux intelligents»: les informations sur la situation du réseau en question doivent être mises à la disposition des acteurs du marché sous une forme fiable, clairement compréhensible et opportune, avec, éventuellement, une haute précision au niveau local. Dans cette configuration, la mise en place de réseaux intelligents sera la condition sine qua non à des marchés intelligents offrant des incitations efficaces à adopter un comportement qui soutient le système. |
2.7. |
Dans son paquet «Union de l’énergie», la Commission européenne évoque un nouveau rôle pour le consommateur jusque-là «passif»: «Enfin et surtout, notre vision est celle d’une Union de l’énergie focalisée sur le citoyen — dans laquelle ce dernier prend à son compte la transition énergétique, tire avantage des nouvelles technologies pour réduire sa facture et prend une part active au marché — et qui permette aussi de protéger les consommateurs les plus vulnérables» (2). |
2.8. |
Mais elle ne précise pas ce que cela signifie concrètement. Cette imprécision tient également au fait qu’aucune distinction n’est établie entre les consommateurs industriels et commerciaux et les ménages et, parmi ces derniers, entre les consommateurs privés socialement et donc techniquement plus aisés et les ménages moins bien équipés. Au moins peut-on en déduire que le consommateur ne devrait plus à l’avenir se borner à être le destinataire (payant) de l’énergie. Il ne devrait pas non plus seulement être en mesure de changer de fournisseur plus facilement et/ou de réagir de manière plus souple aux signaux du marché. Il doit avoir accès à tous les marchés pertinents de l’électricité. Des termes tels que clients «actifs», «autoconsommateurs», «communautés énergétiques citoyennes» ou encore «communautés d’énergies renouvelables» ont été créés, et certains droits ont été conférés à ces nouveaux acteurs, sans toutefois qu’il ne soit précisé la forme sous laquelle ils devraient réellement participer au marché, c’est-à-dire à quel point le marché devrait s’ouvrir et se libéraliser et comment gérer les consommateurs qui n’ont pas les moyens financiers ou la possibilité juridique d’y participer (voir paragraphe 5.6). |
2.9. |
Par ailleurs, si le document aborde le problème des consommateurs vulnérables et de la précarité énergétique, il ne propose toutefois pas de véritables pistes de solution. Le CESE invite la Commission à proposer d’instaurer des éléments de définition de la précarité énergétique et des indicateurs communs au niveau européen, ce qui constituerait un premier pas pour mieux mesurer ce phénomène. Afin d’adapter cette définition à différents contextes nationaux, les États membres doivent développer davantage d’outils statistiques permettant de cibler efficacement les ménages précaires. |
2.10. |
De l’avis du CESE, la Commission n’a donc que très peu clarifié, au cours des cinq dernières années, les structures et la répartition des tâches futures. Mais surtout, les États membres ont été très réticents à adapter leur cadre réglementaire, voire ne l’ont pas adapté du tout. Dans de nombreux États membres, les consommateurs, mais aussi les petites entreprises et les communautés énergétiques citoyennes, n’ont toujours pas accès aux marchés de l’électricité. |
2.11. |
Avec le pacte vert, la Commission a placé la neutralité climatique en tête de ses priorités et avec le plan de relance, elle prévoit d’investir des milliards d’euros dans la reconstruction de l’économie ainsi que dans la création et la sauvegarde d’emplois de grande qualité en Europe. Le CESE estime dès lors qu’il est impératif d’engager — dans les plus brefs délais — un vaste débat politique et social afin de clarifier dans quelle mesure des «structures centralisées» sont nécessaires et dans quelle mesure des structures décentralisées semblent, le cas échéant, réalisables et pertinentes. Le présent avis d’initiative vise à formuler des suggestions à cet égard. |
2.12. |
La crise de la COVID-19 nous aura enseigné qu’il faut agir vite avant que l’escalade ne se produise. La Commission estime que la réalisation des objectifs actuels en matière de climat et d’énergie d’ici 2030 nécessitera des investissements supplémentaires à hauteur de quelque 260 milliards d’euros par an. Cela ne sera pas possible sans équité sociale et sans un renforcement massif des investissements publics notamment dans le développement des énergies renouvelables, le stockage, la rénovation énergétique des bâtiments, les transports publics, la recherche et le développement. Et à cet égard, la crise de la COVID-19 ouvre de nouvelles perspectives. La levée temporaire des règles européennes en matière de dette publique et de déficit doit également s’appliquer à la gestion de la crise climatique. Il convient toutefois d’utiliser les fonds de manière à atteindre l’objectif consistant à placer les citoyens au cœur de la transition énergétique et, partant, à stimuler l’économie régionale. |
2.13. |
Afin d’éviter des investissements stériles et mal avisés, il convient d’éliminer les ambiguïtés et les incohérences existantes concernant les structures fondamentales du nouveau système énergétique, l’architecture du marché, les rôles sur le marché et les règles du marché et, surtout de remédier sans délai aux répercussions sociales qu’elles ont pour les travailleurs et les consommateurs. Une répartition équitable des coûts d’investissement joue à cet égard un rôle essentiel, tout comme une répartition équitable des bénéfices éventuels. |
3. L’importance d’une préférence claire pour ou contre la décentralisation pour la sécurité des investissements
3.1. |
Le nouveau système énergétique comportera probablement à la fois des éléments centralisés et décentralisés, notamment parce qu’il est parfois difficile de classer un élément dans une catégorie ou dans une autre. Par exemple, peut-on encore considérer comme «décentralisé» un parc éolien terrestre d’une puissance installée supérieure à 30 mégawatts? Néanmoins, la question de savoir si le nouveau système énergétique doit être conçu plutôt selon les principes de la décentralisation ou plutôt selon ceux de la centralisation revêt une importance considérable pour une conception efficace de la transformation du système énergétique. |
3.2. |
En effet, le choix qui sera opéré influencera les priorités qui seront fixées et la teneur des décisions d’investissement qui seront prises par les autorités publiques ainsi que par les bailleurs de fonds et investisseurs privés. Le risque «d’investissements perdus» ne peut être évité que si les autorités politiques prennent clairement et rapidement une décision de principe pour déterminer si la transition énergétique doit être prioritairement centralisée ou décentralisée. |
3.3. |
L’idée de base qui sous-tend le système énergétique central actuel est qu’il ne devrait pas y avoir de goulets d’étranglement dans le transport de l’électricité et que tous les acteurs du marché doivent pouvoir agir comme si les possibilités de transport au sein du système étaient illimitées. Les réseaux de transport acquièrent dès lors une importance décisive pour le système. Outre l’idée d’une «plaque de cuivre» européenne, c’est-à-dire d’un réseau électrique européen sans restrictions physiques, certains modèles proposent même de connecter le réseau européen aux réseaux d’Asie du Sud ou de l’Est. |
3.4. |
La question fondamentale qui se pose est de savoir si «ce réseau électrique», qui est une infrastructure critique, ne devrait pas, en tant que monopole naturel, être aux mains du secteur public afin de garantir une sécurité d’approvisionnement durable, d’autant qu’il a été créé et développé à grands renforts de fonds publics. Ce point devrait faire l’objet d’un examen plus détaillé dans un avis du CESE. |
3.5. |
Dans un système centralisé, le lieu de production de même que le lieu des options de flexibilité ne devraient dès lors jouer aucun rôle pour les opérations de marché en tant que telles. Ni le lieu de production ni le point de consommation ne devraient résulter de l’infrastructure de transport, en aucun cas. Au contraire, l’infrastructure de transport suit la structure et les lieux de production et de consommation. |
3.6. |
En revanche, par système énergétique décentralisé, on entend un système dans lequel la production (et le stockage) de l’électricité utilisée pour des applications électriques, thermiques et de mobilité est située au plus près du point de consommation; les sources d’énergie renouvelables permettent une structure comme celle-là. Il en résulte un transport largement réduit de l’électricité inhérent au système et, partant, également une diminution des pertes de transport. La volatilité de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables pose de nouveaux défis aux réseaux électriques. À la suite de la décentralisation, les réseaux de distribution jouent un rôle de plus en plus important pour préserver la stabilité et la sécurité de l’approvisionnement. |
3.7. |
Dans un système décentralisé, les goulets d’étranglement dans l’infrastructure de réseau ne sont généralement pas considérés comme des problèmes à éliminer en priorité. Au contraire, les systèmes décentralisés misent sur des options de flexibilité locales qui contribuent à compenser directement les fluctuations de la production. Parmi ces options de flexibilité figurent, outre le stockage et le transfert de charge entre heures creuses et heures pleines, la cogénération et l’électromobilité. Le couplage sectoriel joue un rôle beaucoup plus important dans un système décentralisé que dans un système centralisé. En outre, les marchés dits «de flexibilité» joueront un rôle beaucoup plus important que dans un système centralisé. |
3.8. |
Dans un système énergétique décentralisé, l’indépendance par rapport à l’infrastructure du réseau est plus grande, ce qui, selon les études, permet aussi une résilience accrue face aux attaques extérieures, par exemple à la cybercriminalité — pour autant, du moins, que la capacité suffisante à un îlot soit atteinte. L’augmentation des investissements dans les réseaux de distribution garantit donc un approvisionnement stable et une résilience accrue face à la cybercriminalité. |
3.9. |
La politique énergétique européenne doit donc répondre aux questions suivantes:
Il est absolument nécessaire de clarifier ces questions, car chacune des deux approches implique des investissements considérables mais dans des secteurs différents: si, dans un système centralisé, les fonds sont principalement destinés aux réseaux de transport, dans un système décentralisé, ils sont plutôt consacrés aux options de flexibilité de plus petite taille et distribuées. |
3.10. |
La question posée au paragraphe 3.9 concerne implicitement la structure et la conception du nouveau marché de l’énergie. Cet aspect est reconnu par le règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil (3) sur le marché intérieur de l’électricité. Toutefois, il ne tranche pas mais laisse la décision à l’appréciation des États membres.
Cela suffira-t-il pour une transition énergétique européenne sûre? C’est très discutable. En effet, dans de nombreux États membres, le cadre juridique n’est clairement pas conforme aux objectifs qui sous-tendent le train de mesures sur l’énergie propre. |
3.11. |
Derrière les questions soulevées au paragraphe 3.9 se cache une question éminemment politique: qui pourra à l’avenir gagner de l’argent dans le nouveau système énergétique et, par conséquent, participer économiquement à la transition énergétique? Par exemple, la présidence allemande du Conseil met unilatéralement l’accent sur certaines technologies (à savoir l’énergie éolienne en mer et l’hydrogène produit à partir de sources d’énergie renouvelables). Elle ne tient pas compte du fait que ces technologies restreindront le marché des producteurs à un petit nombre d’opérateurs, nécessiteront d’investir massivement dans les capacités de transport, c’est-à-dire dans des monopoles naturels, et que, le cas échéant, elles maintiendront, voire renforceront la dépendance énergétique de l’Europe. En revanche, la question de savoir comment placer le citoyen au cœur de la politique énergétique ne figure pas à l’ordre du jour. |
4. Critères de décision pour ou contre la centralisation ou la décentralisation
4.1. |
Le libellé du paragraphe 3.10 est d’une importance capitale pour la prise d’une décision sociopolitique. Toutefois, cette discussion n’est pas menée ouvertement et honnêtement dans le cadre du débat politique, mais passe toujours après des arguments soi-disant «rationnels»: |
4.1.1. |
La transition énergétique nécessite une modification du modèle économique des grandes entreprises de fourniture d’énergie (EFE). Cependant, nombre d’entre elles trouvent manifestement beaucoup plus facile de remplacer leur ancien parc (centralisé) de grandes centrales électriques par des installations renouvelables qui sont toutefois tout aussi centralisées et n’ont parfois guère plus de capacité. Cela permet de maintenir les structures de distribution qui y sont associées. Une décentralisation impliquerait en revanche de nombreux changements radicaux, de sorte que les EFE sont beaucoup plus réticentes à s’engager dans cette voie, contrairement aux PME et aux entreprises de service public détenues par une municipalité. |
4.1.2. |
Il en va de même pour les gestionnaires des réseaux de transport: ils n’ont aucun intérêt à transporter moins d’électricité à travers l’Europe, puisqu’après tout, ils en vivent. |
L’argument du coût
4.2. |
La manière d’assurer une sécurité d’approvisionnement maximale au moindre coût est considérée à juste titre comme un critère essentiel. On peut déduire de manière plausible, et modéliser, que les coûts de transport sont plus élevés dans un système centralisé que dans un système décentralisé. En revanche, les coûts de production, de stockage, de transfert de charge et de redistribution sont plus faibles dans un système centralisé que dans un système décentralisé. |
4.3. |
Un certain nombre d’études ont comparé ces différences de coûts. Toutefois, elles ne donnent pas de résultats concluants, étant donné que les différences entre les avantages au niveau des coûts dans un système décentralisé et ceux dans un système centralisé ne sont pas particulièrement marquées et qu’elles dépendent, dans leur analyse fine, des hypothèses sous-jacentes. Il convient de rappeler que, dès 2016, le Centre commun de recherche de l’Union européenne a constaté qu’environ 80 % des Européens pourraient s’approvisionner en électricité photovoltaïque autoproduite à un prix inférieur à celui de l’électricité provenant du réseau; or, depuis lors, les prix de l’électricité photovoltaïque ont continué à chuter massivement. |
4.4. |
Un simple regard sur les coûts du système ne permet donc pas de trancher la question fondamentale de savoir s’il convient de donner la priorité aux investissements dans des projets de système énergétique centralisé ou dans des projets de système énergétique décentralisé, ni des orientations que le cadre réglementaire devrait établir en conséquence. |
4.5. |
Alors, quels autres critères peuvent être utilisés au-delà d’une simple prise en considération des économies de coûts afin de pouvoir prendre une décision définitive concernant la décentralisation ou la centralisation du nouveau système énergétique, du point de vue des investisseurs? |
Une valeur ajoutée différente…
4.6. |
La valeur ajoutée diffère structurellement: dans un système centralisé, elle bénéficie plutôt aux grandes centrales et aux monopoles naturels. Dans un système décentralisé, elle bénéficie plutôt aux installations de plus petite taille et, surtout, aux options de flexibilité, souvent utilisées dans un système décentralisé, comme p. ex. les accumulateurs, les pompes à chaleur, les minicentrales combinées de chaleur et d’électricité ainsi que les voitures électriques à charge bidirectionnelle («véhicule vers réseau»). Des options de flexibilité se trouveront donc très souvent dans les ménages privés. Et les installations de production d’électricité seront elles aussi souvent entre les mains de particuliers, d’agriculteurs, de jeunes PME, de coopératives énergétiques, d’entreprises communales, de régies communales de distribution, etc. Ainsi, dans un système énergétique décentralisé, les entités qui contribuent à la création de valeur sont différentes de celles d’un système centralisé: les consommateurs actifs y jouent un rôle beaucoup plus important. |
4.7. |
Un système énergétique décentralisé est difficilement concevable sans une vaste participation de la société. Un rôle plus actif pour les consommateurs, y compris les prosommateurs, est donc caractéristique d’un système décentralisé et est aussi judicieux pour des raisons d’acceptation et de renforcement économique régional. |
4.8. |
Étant donné que la Commission entend créer une union de l’énergie axée sur les citoyens, qu’elle veut que de nouveaux emplois soient créés au niveau régional et que la transition énergétique donne une impulsion économique à de nombreuses régions d’Europe, elle doit miser sur un système énergétique décentralisé. C’est également important pour surmonter la crise de la COVID-19. |
5. Incidences de la centralisation ou de la décentralisation sur les politiques économiques et sociales
5.1. |
S’agissant de la création de valeur, un système décentralisé signifie que le consommateur, de payeur, devient acteur, et qu’il participe à la création de valeur de l’industrie de l’énergie. En d’autres termes, il gagne ou économise de l’argent. D’où l’importance de débattre ouvertement et honnêtement de la question soulevée au paragraphe 3.11 — qui pourra à l’avenir gagner de l’argent grâce à l’énergie?
Avec l’extension de la notion de «prosommation», tant son acception que sa définition sont élargies dans le paquet sur l’énergie propre: désormais, les consommateurs qui possèdent des biens fonciers et immobiliers ne sont plus les seuls à pouvoir devenir des prosommateurs. La prosommation pourra ainsi être envisagée par les locataires ou les résidents d’immeubles à habitations multiples, par exemple, ainsi que pour l’approvisionnement de propriétés et de logements, ou encore de zones commerciales ou de parcs industriels. C’est précisément dans ces cas que la mise en réseau intelligente des capacités individuelles de production et de stockage et des consommateurs individuels au sein d’une centrale électrique virtuelle ou par l’intermédiaire d’un microréseau intelligent est indispensable. Par conséquent, les exigences posées aux gestionnaires de réseau de distribution locaux et régionaux ne cessent d’augmenter. |
5.2. |
Le prosommateur ne devient partie intégrante du système énergétique que s’il a effectivement accès à tous les marchés de l’électricité pertinents. Les consommateurs actifs doivent aussi pouvoir mettre à la disposition du système la flexibilité que leur offrent les accumulateurs, la gestion de la charge, les voitures électriques, les pompes à chaleur, etc. Pour cela il faut des marchés spécifiques, qui ne sont pas encore disponibles dans la plupart des États membres. |
5.3. |
Une transition énergétique conduisant à un système énergétique décentralisé est souvent qualifiée non seulement de transformation écologique, mais également de transformation socioécologique. En effet, une transition énergétique en faveur d’un système décentralisé est assortie d’une impulsion importante pour l’économie locale et régionale, d’emplois dans les PME et d’un renforcement du pouvoir d’achat local. Il est d’autant plus significatif que de nombreux États membres maintiennent dans leurs systèmes énergétiques des structures qui font obstacle à ces effets positifs. Dans le même temps, il convient de faire en sorte que les postes de travail créés garantissent des emplois de qualité assortis d’une protection sociale élevée. |
5.4. |
Afin de garantir que ce nouvel élan profite bien à tous les habitants des régions concernées, et pas seulement aux plus nantis, la priorité devra être donnée à la promotion de projets conduisant à des communautés de consommateurs d’énergie auxquelles peuvent participer des personnes disposant de peu de capitaux, de revenus ou de patrimoine [voir aussi l’avis TEN/660 du CESE (4)]. Des concepts à cet égard sont déjà disponibles. Toutefois, leur mise en œuvre doit être encouragée de manière beaucoup plus résolue que jusqu’à présent dans les États membres. Et c’est très urgent, car la décentralisation ne doit pas conduire à une société énergétique à deux vitesses. Si les personnes à faibles revenus et à faibles ressources peuvent avoir accès aux communautés de consommateurs d’énergie grâce à des aides directes, cette participation peut constituer un moyen efficace de lutter contre la pauvreté énergétique, puisqu’elle réduira considérablement la charge pesant sur ceux qui ont jusqu’à présent souffert de factures énergétiques élevées, grâce à la baisse rapide du coût des énergies renouvelables. |
5.5. |
Les consommateurs vulnérables et la précarité énergétique sont un problème préoccupant et il est probable qu’il ne pourra être résolu ni dans le cadre d’un système énergétique centralisé ni dans celui d’un système décentralisé. Toutefois, compte tenu de la dégressivité des coûts des installations d’énergie renouvelable et des systèmes de stockage de l’énergie électrique, ce problème est davantage susceptible d’être atténué dans un système décentralisé que dans un système centralisé. En effet, l’utilisation de sources d’énergie renouvelables et le stockage dans le cadre de solutions de quartier peuvent contribuer à réduire durablement les factures d’énergie et à libérer les consommateurs de leur dépendance vis-à-vis des tarifs imposés par les fournisseurs d’énergie et les opérateurs de réseau. Cela implique toutefois la mise en place d’une politique active qui soutienne l’élaboration d’approches adéquates. Parallèlement, il convient de veiller à ce que les ménages à faibles revenus aient la possibilité de mettre en œuvre des mesures d’efficacité énergétique afin de réduire également leur consommation d’énergie. |
5.6. |
En outre, des options de participation élargies ne devraient pas servir de prétexte pour porter atteinte aux droits des consommateurs. Ceux-ci doivent être renforcés et, si nécessaire, adaptés aux nouveaux modèles d’entreprise. |
5.7. |
Enfin, les centres de consommation — grandes villes et gros consommateurs industriels — doivent être pris en considération. Pour être approvisionnés de manière sûre et à un prix avantageux, ceux-ci doivent être associés aux zones environnantes dans les régions énergétiques. Il en va de même pour les îles énergétiques. Les régions énergétiques prendront la forme de cercles concentriques autour des centres de consommation. Des incitations ciblées seront nécessaires pour permettre à la région environnante de réaliser pleinement son potentiel d’utilisation des énergies renouvelables. Ces incitations peuvent consister, par exemple, en des redevances de réseau réduites lorsque la région énergétique s’autoalimente. Une conséquence positive de cette architecture système réside dans le renforcement des structures économiques régionales — un aspect qui pourrait être particulièrement important pour l’ordre économique post-COVID-19. |
6. Le système énergétique de demain
6.1. |
Le nouveau système énergétique ne devrait plus être conçu «du haut vers le bas» (des grandes centrales électriques vers les consommateurs), mais plutôt «du bas vers le haut» comme un réseau comportant de nombreux îlots de production et d’approvisionnement en électricité et en chaleur renouvelables (énergie des bâtiments), dans lequel la distribution d’électricité et de chaleur ainsi que la gestion de la demande (y compris le stockage) jouent un rôle majeur. |
6.2. |
Un tel système permettrait un approvisionnement suffisant et sûr de toutes les régions d’Europe (5). Dans la logique de la nouvelle diversité des acteurs souhaitée, cette mutation impliquera qu’à côté des structures classiques de négoce, notamment de gros, apparaîtront des formes de commercialisation et des systèmes de gestion énergétique qui seront totalement inédits, de type décentralisé. |
6.3. |
Aujourd’hui, des vagues d’innovation dans les technologies de l’information, dans les technologies de production et de stockage, dans le système de distribution et dans les technologies du bâtiment, ont suscité l’émergence de nombreux «îlots de production et d’approvisionnement» de ce type, qui, voici quelques années encore, auraient paru inimaginables. Des particuliers, des entreprises, des groupements, comme des coopératives de producteurs d’énergie, ou encore des communes, sous la forme de services municipaux, se sont dotés de certains équipements partiellement ou totalement autonomes qui les ont rendus bien moins dépendants des offres et des flux commerciaux traditionnels. Il est important de saisir ce parallélisme entre évolutions techniques et sociales. Les deux vont dans le même sens, celui d’une plus grande autonomie et d’entités formant des réseaux autoréglementés et plus décentralisés. |
6.4. |
Le renforcement de la production locale et la commercialisation directe mériteraient déjà d’être salués au seul motif qu’ils limitent les pertes de réseau. L’Agence fédérale allemande des réseaux déclare à ce sujet que (6)«la transformation du système énergétique n’aura évidemment de perspectives optimales de succès que si tous les acteurs intéressés coopèrent entre eux. […] Nous devrions favoriser les approches qui ont pour effet que l’énergie soit, le plus possible, consommée là où elle est produite […] car elles réduisent au maximum les pertes de réseau.» |
6.5. |
Par conséquent, la Commission se doit de réfléchir à partir de l’infrastructure énergétique souhaitée et de modeler le système d’échanges en ce sens, au lieu de tenter de concevoir les adaptations qu’il serait nécessaire d’apporter à ladite infrastructure énergétique de manière à ce qu’elle soit compatible avec ce dispositif de transactions tel qu’il existe aujourd’hui. |
6.6. |
Il convient toutefois de prendre également en considération l’expérience de nombreux pays, dans lesquels certains acteurs du marché, tels que les investisseurs stratégiques, ont délibérément choisi les segments les plus rentables du marché dans le seul but de maximiser leurs bénéfices, tout en refusant d’investir dans la sécurité d’approvisionnement, l’innovation et la maintenance, répercutant ces coûts sur leurs clients. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Voir, entre autres, JO C 367 du 10.10.2018, p. 1.
(2) COM(2015) 80 final, 25.2.2015, p. 2.
(3) JO L 158 du 14.6.2019, p. 54.
(4) JO C 367 du 10.10.2018, p. 1.
(5) Voir JO C 82 du 3.3.2016, p. 13, JO C 82 du 3.3.2016, p. 22.
(6) «Smart Grid and Smart Market — Keynote Paper of the Federal Grid Agency on the changing energy supply system» («Réseau intelligent et marché intelligent: document d’orientation de l’Agence fédérale des réseaux sur l’évolution du système de distribution d’énergie»), décembre 2011, p. 42.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/93 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Un accès universel à un logement décent, durable et abordable dans la durée»
(avis d'initiative)
(2020/C 429/13)
Rapporteur: |
Raymond HENCKS |
Corapporteur: |
András EDELÉNYI |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Transports, énergie, infrastructures et société de l’information |
Adoption en section |
3.9.2020 |
Adoption en session plénière |
16.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/1/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La crise sanitaire, économique et sociale de la COVID-19 a mis à jour la gravité de la crise du logement abordable à laquelle les États membres sont confrontés depuis des années (1), en particulier pour les sans-abris, les ménages vivant en suroccupation de leur logement, les habitants de quartiers populaires et les travailleurs saisonniers et immigrés, victimes de conditions de logement qui ont directement impacté le taux d’infection de la société. Même si la politique de logement demeure de la compétence des États membres, la pénurie de logements décents et abordables dans l’Union européenne (UE) requiert un plan d’action européen du logement qui couvre un ensemble cohérent et lisible pour les citoyens européens de mesures contribuant à aider les États membres, les régions et les villes européennes à relancer durablement l’offre de logements sociaux et abordables et à lutter efficacement contre le sans-abrisme. |
1.2. |
L’UE doit, de prime abord, veiller à consacrer un réel droit universel au logement, notamment en statuant par voie de règlement sectoriel, conformément à la procédure législative ordinaire, établissant les principes et fixant les conditions pour fournir, faire exécuter et financer des logements abordables et décents, conformément à l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). |
1.3. |
Le Comité économique et social européen (CESE) approuve, dans ce contexte, l’initiative de la Commission visant à établir un lien entre le socle européen des droits sociaux et le Semestre européen, ce qui, dans le domaine de la politique du logement, devrait se traduire par un meilleur suivi concernant la réforme du logement social, l’accessibilité et le caractère abordable des logements, ainsi que l’efficacité des allocations de logement. Il insiste pour que les représentants de la société civile organisée soient consultés préalablement à l’adoption des recommandations par pays du Semestre européen en matière de politique du logement. Le CESE plaide pour une plus grande marge de manœuvre en faveur de l’investissement de long terme dans les infrastructures sociales et pour son exclusion des comptes de l’administration publique lors du calcul du déficit public. |
1.4. |
La création d’un «fonds européen d’investissement dans le logement abordable, décent et adéquat» destiné à la création et au maintien de logements à coût modéré permettrait à l’UE de rendre ses actions et ses politiques plus lisibles et cohérentes pour les citoyens européens, notamment dans le cadre du futur plan «bâtiment» du pacte vert et du futur plan d’action du socle européen des droits sociaux. |
1.5. |
Sur la base du rapport que les États membres devront soumettre au comité européen du risque systémique (CERS) en 2020 concernant les mesures de la surévaluation potentielle des prix de l’immobilier et les actions entreprises à la suite des recommandations du CERS, ou des justifications à apporter en cas d’inaction en la matière, il est crucial de détecter très tôt les vulnérabilités susceptibles d’entraîner des crises financières, économiques et sociales, et de réagir en conséquence. |
1.6. |
La Commission européenne devra procéder dans les meilleurs délais à une révision de la décision sur les services d’intérêt économique général (SIEG) concernant le groupe cible d’un logement social et préciser que la politique de logement ne peut se limiter au seul objectif d’aider les personnes gravitant autour du risque de pauvreté, mais doit garantir un logement décent, abordable et payable dans la durée à tout citoyen, surtout aux personnes sans-abris, aux jeunes couples, aux familles monoparentales ou nombreuses, aux salariés et plus globalement aux classes moyennes, victimes de la crise européenne du logement. Dans ce contexte, la Commission devrait proposer une définition commune de la notion de surcoût de logement, une méthodologie harmonisée d’évaluation des charges de logement excessives, une réglementation normative contre la rétention spéculative de logements vides et de terrains à bâtir et un encadrement des pratiques de réaffectation de logements abordables en hébergements locatifs touristiques de court terme. |
1.7. |
Enfin, le CESE demande à la Commission d’organiser, sur une base annuelle, un sommet européen du logement abordable, réunissant l’ensemble des parties prenantes, pour examiner la mise en œuvre et le suivi de ce plan d’action européen pour un logement abordable, à l’aide d’un rapport annuel sur l’état du logement dans l’UE. |
2. Observations générales
2.1. |
Bien que l’accès à une aide au logement soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE et que l’accès à un logement social ou à une aide au logement de qualité figure dans le socle européen des droits sociaux, la reconnaissance d’un droit à un logement décent n’est pas véritablement achevée dans les textes de l’UE dans la mesure où il ne revêt pas pour autant un véritable caractère opératoire. En témoigne la forte croissance du nombre de sans-abris et de personnes mal logées ou de ménages confrontés à un surcoût de logement. Dans la pratique, le citoyen européen ne dispose pas d’un réel droit de disposer d’un logement décent et abordable. Ce droit se limite à une aide au logement, à un logement social ou à un hébergement d’urgence temporaire quand il est considéré comme étant dans le besoin, conformément aux législations et pratiques des États membres, et sous réserve de disponibilité d’un logement approprié. |
2.2. |
Les forces du marché du logement résidentiel n'arrivent pas à satisfaire l’ensemble des besoins. Le renchérissement continu de l’immobilier résidentiel a entraîné une hausse des inégalités partout en Europe. Ainsi, de plus en plus de ménages sacrifient plus de 40 % de leur budget au logement, équivalant à un surcoût de logement; 11 % des citoyens européens sont dans une situation où plus de 40 % de leur revenu personnel (net d’allocation de logement) est dépensé pour se loger, alors qu’un citoyen sur vingt vit dans un logement surpeuplé qui manque de services de première nécessité (2). |
2.3. |
Les structures économiques et démographiques ainsi que les niveaux de prix sont très disparates d'un État membre à l'autre. S’y ajoute un écart de prix important entre les capitales, les villes secondaires et le reste des territoires. |
2.4. |
Les marchés du logement d’un grand nombre de métropoles européennes, de grandes villes et de régions péri-urbaines de l’UE sont caractérisés par une forte croissance de la demande liée à la mobilité des ménages en quête d’emplois, face à une offre de logements contrainte par une rareté foncière, des coûts de construction et de densification croissants et des pratiques spéculatives des investisseurs. Le foncier est une ressource rare dont l’utilisation est liée à une concurrence croissante entre les différentes utilisations: logement, infrastructures publiques, agriculture, sylviculture, exploitation commerciale ou industrielle, transport, biodiversité, terrains d’irrigation, loisirs, etc., au point que le prix du foncier constitue souvent le facteur le plus inabordable du logement. Le renchérissement du logement résidentiel métropolitain et péri-urbain se traduit par une montée de l’exclusion du logement, du sans-abrisme, et du mal-logement qui s’étend désormais aux jeunes, aux familles monoparentales ou nombreuses, aux salariés et plus globalement aux classes moyennes, chassés des métropoles européennes par une charge de logement excessive et contraints de se délocaliser dans les zones rurales.
Cette délocalisation entraîne à son tour une augmentation, à des degrés variables, du coût du logement en milieu rural, avec comme conséquence, entre autres, une ségrégation sociale, l’apparition de zones exclusivement résidentielles (dortoirs), une mobilité accrue, des mutations paysagères, une artificialisation des sols ainsi qu'une augmentation des infrastructures et des coûts pour la collectivité. |
2.5. |
Les États membres disposent d’un large pouvoir discrétionnaire pour définir, organiser et financer leurs services sociaux d’intérêt général, y compris le logement. Cette compétence ne les dispense toutefois pas de se conformer aux valeurs de l’Union (dignité humaine, égalité, non-discrimination, droits de l’homme, etc.) et aux règles communautaires s’appliquant au logement, notamment au protocole 26 sur les services d’intérêt général annexé au TFUE qui invite les États membres à veiller à un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs. La Commission, en tant que gardienne des traités, a donc un rôle important à jouer et est appelée à intervenir lorsque les États membres ne répondent pas à leurs obligations.
Toutefois, dans le cadre de la réglementation sur les aides d’État, la Commission réduit profondément les compétences des États membres en statuant que les logements sociaux doivent être réservés exclusivement aux ménages les plus démunis, alors que la crise du logement touche une population beaucoup plus large. De même, une autorité publique ne peut vendre des terrains à bâtir dans le cadre d’un programme de création de logements abordables qu’au prix du marché et seulement après détermination de ce prix par une procédure complexe. |
2.6. |
Par ailleurs, la forte contraction des investissements publics en logements sociaux et abordables des États membres, consécutive au retrait des banques commerciales du financement de ces investissements, à la crise économique et budgétaire et au pacte de stabilité et de croissance, n’a pas permis de satisfaire la demande croissante par une offre de logements complémentaire à celle du marché, d’autant moins que la privatisation du parc des logements sociaux existants se généralise dans certains États membres. |
2.7. |
Des plates-formes Internet sont venues alimenter cette tension sur les marchés locaux du logement par une concentration de la demande en lien avec les migrations internationales et le développement de plateformes mondiales d’hébergement touristique, qui a conduit, dans les métropoles les plus attractives, à soustraire des logements abordables du marché par une réaffectation de l’offre de logements en hébergement de court terme. S’y ajoutent des stratégies de sociétés de capitaux internationaux (fonds de pension, compagnies d’assurance, fonds de capital-investissement, etc.) qui, vu le niveau très réduit des retours financiers (taux d’intérêt, dividendes, etc.) investissent massivement dans l’immobilier, ce qui fait de nouveau monter les prix. |
2.8. |
Le comité européen du risque systémique (CERS) retient dans ses recommandations du 31 octobre 2016 (3) que les crises financières passées ont montré que les évolutions non durables des marchés immobiliers pouvaient avoir de graves répercussions sur la stabilité du système financier et de l’économie dans son ensemble. Le CERS a adressé en 2019 un «avertissement sur les vulnérabilités à moyen terme de l’immobilier résidentiel» à 9 États membres. |
2.9. |
La pandémie de COVID-19 a paralysé le marché immobilier. Au lendemain de la crise sanitaire, de graves conséquences risquent de se faire sentir dans le secteur du logement résidentiel. Du côté de l’offre, les aides aux ménages et les investissements dans le logement social par des autorités et organismes publics risquent de subir de substantielles réductions suites aux dépenses économiques et sociales engagées dans la lutte contre les conséquences de la pandémie, grevant fortement les futurs budgets publics. Du côté de la demande, le nombre de ménages qui ne disposeront plus des revenus nécessaires pour se procurer un logement sur le marché immobilier augmentera proportionnellement à l’augmentation du chômage et de la précarité. |
2.10. |
Le plan «bâtiment» du pacte vert et le socle européen des droits sociaux doivent être l’occasion, dans le respect des politiques et des pratiques des États membres, de rendre concrètes et lisibles les politiques de l’UE en matière de logement, notamment en invitant toutes ses institutions financières (BCE, BEI, FEI) et le dispositif «InvestEU» à relancer les investissements publics et à accroître substantiellement les prêts avantageux à long terme et les garanties aux investisseurs et au secteur du bâtiment au bénéfice du consommateur final. |
3. Surcoût de logement
3.1. |
Il est indéniable que beaucoup de ménages sont confrontés à un surcoût pour leur logement, lequel constitue leur principale dépense de consommation et une charge excessive, au détriment d'autres besoins de première nécessité, exposant de nombreux citoyens européens à un risque élevé de surendettement, de déclassement social ou d’exclusion (4). |
3.2. |
Il n’existe pas d’unanimité, au niveau de l'UE, quant à la définition du surcoût de logement et de ses composantes. Eurostat considère qu’une dépense de logement supérieure à 40 % du revenu disponible relève d’un surcoût, alors que dans divers documents de la Commission ce taux est fixé à un tiers du revenu disponible. De plus, la crise sanitaire contraint les ménages modestes à puiser dans leurs réserves au moment de payer leur loyer et les met de ce fait encore plus en danger de surendettement. |
3.3. |
En outre, au sein même de l’UE, la définition du surcoût de logement fait régulièrement l’objet de discussions d’ordre méthodologique; tous les instituts nationaux de statistiques n’utilisent pas les mêmes méthodes d’évaluation. Lors de l’élaboration d’axes communs, une prise en considération des réalités socio-économiques est indispensable. |
3.4. |
Le surcoût de logement ne touche plus uniquement la population la plus démunie, gravitant autour du risque de pauvreté, mais affecte également des personnes qui ont un revenu trop élevé pour pouvoir bénéficier d’un logement social, d’une part, et trop bas pour pouvoir se loger aux conditions du marché privé, d’autre part. Souvent, un logement décent dans une ville ou une périphérie proche de leur lieu de travail leur est devenu inabordable. Ces personnes sont reléguées dans des territoires éloignés de leur lieu de travail. De ce fait, si elles profitent de coûts de logements moins élevés en dehors des grandes agglomérations, elles sont par ailleurs confrontées à d’autres frais, à des problèmes de mobilité, à des impératifs écologiques et autres contraintes supplémentaires. L’éviction des classes moyennes du centre des villes entraîne des déséquilibres fonctionnels, augmentant la demande en logements et provoquant un renchérissement des loyers et un surcroît de pollution lié aux allers-retours entre le domicile et le lieu de travail. |
3.5. |
Les politiques de logement des États membres ne peuvent donc se limiter au seul objectif d’aider les personnes vulnérables à trouver un «toit au-dessus de leur tête», mais doivent veiller à adapter le logement à la situation de la famille, à promouvoir la qualité de l’habitat, notamment à travers l’amélioration de l’habitat existant, c.à.d. garantir un logement décent et abordable à tous les citoyens là où s’expriment les besoins tant quantitatifs que qualitatifs. |
4. Le logement social
4.1. |
Il n’existe pas de modèle européen de logement social vu la diversité des approches et des conceptions adoptées dans les États membres. Néanmoins, on remarque des tendances communes dans la plupart d’entre eux: décentralisation en faveur des collectivités régionales et locales, recentrage sur les populations les plus fragiles, réduction des investissements publics dans l’offre de logements sociaux et valorisation du parc existant par la vente de logements locatifs sociaux, parfois parce que les bailleurs sociaux ne peuvent plus assurer ni la mise en conformité avec les normes, ni les rénovations. |
4.2. |
Dans l’UE, le logement social ou le logement à coût modéré représente la matérialisation du droit au logement, censé garantir à toute personne dans le besoin l’accès à un logement décent à un loyer/prix abordable, et à répondre ainsi aux obligations des États membres et de l'UE, résultant d’une multitude de conventions, déclarations, chartes et traités souscrits au niveau tant européen qu’international. |
4.3. |
Dans sa conception du logement social, la Commission, agissant par décision en qualité d’autorité européenne de concurrence, est très restrictive (5): elle statue que les logements sociaux bénéficiant de l'exemption de notification des aides d'état doivent être réservés exclusivement «aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux moins avantagés qui, pour des raisons de solvabilité ne sont pas en mesure de trouver un logement aux conditions de marché». Cette définition restrictive du logement social ne correspond plus aujourd'hui à l'ampleur de la crise européenne du logement et aux obligations de service public imparties aux bailleurs sociaux par les États membres, allant du «logement d'abord» pour les personnes sans abri au logement abordable ou intermédiaire pour les classes moyennes dans les métropoles européennes. |
4.4. |
Dans une communication de 2006 (6), la Commission a classé le logement social parmi les services sociaux d’intérêt général auxquels s’applique le principe de subsidiarité et qui laissent (en principe) aux États membres un large pouvoir discrétionnaire pour les définir, les organiser et les financer. |
4.5. |
Cependant, dans l’exercice de cette liberté, les États membres doivent tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE, selon laquelle la quasi-totalité des services prestés dans le domaine social (à l’exception des régimes de sécurité sociale basés sur la solidarité) sont considérés comme des activités économiques. |
4.6. |
En conséquence, à défaut d’un cadre juridique spécifique pour le logement social, les dispositions communautaires traitant des services d’intérêt économique général, notamment l’article 14 du TFUE et le protocole 26 annexé au traité de Lisbonne, s’appliquent au logement social. |
4.7. |
Il s’ensuit que l’Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans celles du champ d’application des traités, doivent veiller à ce que la mise à disposition de logements sociaux fonctionne sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. |
4.8. |
D’importants moyens européens de financement pour cofinancer des constructions ou des rénovations thermiques de logements sociaux et de logements adaptés en faveur de communautés marginalisées sont accessibles aux opérateurs du logement social, notamment par le biais de fonds européens (7), de la BEI, de la Banque de développement du Conseil de l’Europe, par le plan Juncker 2 d’investissements stratégiques, le fonds d’investissement à créer dans le cadre du pacte vert pour l’Europe et du plan de relance «NextGenerationEU», notamment du fonds de transition juste, de REACT-EU et de InvestEU.
Ainsi, la Banque européenne d’investissement (BEI) et le Fonds européen d’investissement (FEI) accordent des prêts à long terme visant à soutenir les opérateurs de logements sociaux, les partenariats public-privé (PPP), les structures d’agrégation, les banques intermédiaires et les sociétés de projet. Dans certains cas, la prise de risque plus élevée nécessite une aide au titre du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS). Il convient dès lors de rendre lisibles ces investissements de long terme en infrastructures sociales pour les citoyens européens. |
4.9. |
Le projet de plan «bâtiment» du pacte vert et de son objectif de «vague de rénovation thermique» des bâtiments, et notamment des logements sociaux et privés, devra également se décliner sous la forme d’un fonds d’investissements spécifique et d’un soutien à la structuration de filières locales de rénovation thermique, qui sont créatrices d’emplois locaux et sources d’économies d’échelle, à l’exemple du projet «EnergieSprong» cofinancé par l’UE. |
4.10. |
Au niveau des États membres, il existe toute une série de mesures pour promouvoir un habitat durable, entre autres, par la construction de logements à coût modéré, des aides individuelles qui contribuent à la constitution du capital de départ nécessaire pour l’octroi d’un prêt immobilier, visent à diminuer la charge mensuelle de remboursement d’un prêt immobilier, aident les ménages les plus défavorisés à louer un logement décent approprié ou encouragent l’assainissement énergétique durable des bâtiments d’habitation et l’exploitation des énergies renouvelables. Cependant, au niveau des États membres, les politiques incitatives ou fiscales ne sont pas coordonnées et ne favorisent pas toujours la mixité sociale de l’habitat. En outre, chaque État membre devrait offrir un service indépendant fournissant un maximum d'informations et de conseils concernant tout type de renseignements sur le plan des aides au logement destinés aux particuliers et des aides étatiques pour les promoteurs publics et privés dans le cadre des construction d'ensembles de logements subventionnés. |
4.11. |
Toutes ces initiatives et aides n’arrivent toutefois pas à résoudre la pénurie de logements abordables et décents. Voilà pourquoi le CESE estime que la Commission devrait proposer un plan d’action européen du logement décent et abordable, dans le cadre de la mise en œuvre du principe no 19 du socle européen des droits sociaux et du futur plan «bâtiment» du pacte vert. |
5. Un plan d’action européen du logement décent et abordable: un investissement de long terme pour une Europe plus proche de ses citoyens et de ses territoires
5.1. |
Même si la politique de logement demeure de la compétence des États membres, la pénurie de logements appropriés à laquelle l’UE est confrontée requiert un plan d’action européen du logement décent et abordable qui couvre un ensemble cohérent et lisible de mesures contribuant à aider les États membres, les régions et les villes européennes à relancer durablement l’offre de logements sociaux et abordables dans les marchés locaux du logement concernés, tout en renforçant leur performance énergétique. |
5.2. |
Au niveau européen, il n’existe pas de définition universelle d’un réel droit au logement dans la mesure où toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières n’a droit qu’à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent ou s’y maintenir. En outre, en l'absence d’une offre de logements adéquate, un droit au logement, même opposable, reste théorique. Le CESE demande dès lors la consécration d’un réel droit au logement dans le droit communautaire. |
5.3. |
La Commission doit veiller à ce qu’un tel droit soit accompagné d’une politique volontariste de soutien aux investissements de long terme nécessaires à la programmation publique d’une offre de logements sociaux et abordables, dans laquelle la mixité sociale et des normes minimales de qualité soient la règle générale. Le CESE demande que le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, statuant par voie de règlement sectoriel conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les principes et fixent les conditions pour fournir, faire réaliser et financer des logements abordables, conformément à l’article 14 du TFUE. |
5.4. |
La Commission devra procéder à une révision de la décision sur les services d’intérêt économique général concernant le groupe cible de bénéficiaires d’un droit au logement social et préciser que la politique de logement ne peut se limiter au seul objectif d’aider les personnes gravitant autour du risque de pauvreté, mais doit garantir un logement décent, abordable et payable dans la durée à tout citoyen, y compris les sans-abri et victimes de la pénurie européenne de logements appropriés. En outre, il y a lieu de prévoir des dispositions régulant la rétention spéculative de logements vides et de terrains à bâtir et un encadrement des pratiques de vacances locatives, en dissociant la propriété du logement de son usage, lequel relève du bien commun, de l’intérêt général et doit pouvoir faire l’objet d’un encadrement spécifique afin de le rendre accessible. |
5.5. |
De même la Commission devrait proposer une définition commune d’un logement abordable et du surcoût de logement, ainsi qu’une méthodologie harmonisée d’évaluation des charges de logement excessives. |
5.6. |
Sur base du rapport que les États membres devront soumettre au Comité européen du risque systémique en 2020 concernant les mesures de la surévaluation potentielle des prix de l’immobilier et les actions entreprises à la suite des recommandations du CERS, ou des justifications à apporter en cas d’inaction en la matière, il est crucial de détecter très tôt les vulnérabilités susceptibles d’entraîner des crises financières. Le CESE estime que ledit rapport devra être amendé en 2021 par un autre, qui le complétera en montrant les éventuelles conséquences dues à la crise de la COVID-19. |
5.7. |
Le CESE approuve dans ce contexte l’initiative de la Commission visant à établir un lien entre le socle européen des droits sociaux et le semestre européen, ce qui, dans le domaine de la politique du logement, devrait se traduire par un meilleur suivi de la réforme du logement social, de l’accessibilité et du caractère abordable des logements, ainsi que de l’efficacité des allocations de logement, mais il insiste pour que les représentants de la société civile organisée soient consultés préalablement à l’adoption des recommandations par pays du Semestre européen en matière de politique du logement. |
5.8. |
La proposition de révision de la politique de cohésion européenne pour la période 2021-2027, en cours de discussion au Conseil de l'Union européenne et au Parlement européen, vise à porter de 2,2 à 4 milliards d’euros le budget du logement social. Le CESE plaide pour une plus grande marge de manœuvre en faveur de l’investissement de long terme dans les infrastructures sociales et pour son exclusion des comptes de l’administration publique lors du calcul du déficit public. L’UE ne peut d’un côté inciter les États membres à assurer le niveau requis de réinvestissement dans les infrastructures sociales et, de l’autre, plafonner ces investissements au titre du pacte de stabilité et de croissance. |
5.9. |
La création d’un «fonds européen d’investissement dans le logement abordable», destiné à la création et au maintien de logements, permettrait à l’UE de rendre ses actions et ses politiques plus lisibles et cohérentes pour les citoyens européens, notamment dans le cadre du futur plan «bâtiment» du pacte vert et du futur plan d’action du socle européen des droits sociaux. |
5.10. |
Le CESE demande à la Commission d’organiser, sur une base annuelle, un sommet européen du logement abordable réunissant l’ensemble des parties prenantes pour examiner la mise en œuvre et le suivi de ce plan d’action européen pour un logement abordable, à l’aide d’un rapport annuel sur l’état du logement dans l’UE. |
5.11. |
Enfin, le CESE estime que le «logement social» est souvent l’objet de préjugés s’il ne s’inscrit pas dans une mission d’intérêt général de mixité, de diversité et d’inclusion sociales; il tient à rappeler la contribution que l’investissement dans le logement social apporte au développement de l’emploi et à la transition écologique. |
Bruxelles, le 16 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Cf. rapport de Housing Europe «State of Housing in the EU 2019».
(2) Eurostat: housing cost/mars 2017.
(3) CERS/2016/14.
(4) Eurostat (housing cost/mars 2017).
(5) Décision de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général.
(6) COM(2006) 177 final «Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne — Les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne».
(7) Feder, FSE, Interreg.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/99 |
Avis du Comité économique et social européen sur «L’avenir du transport aérien de l’UE pendant et après la crise du coronavirus»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/14)
Rapporteur: |
Thomas KROPP |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en section spécialisée |
3.9.2020 |
Adoption en session plénière |
16.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
217/1/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
L’aviation est l’un des secteurs les plus durement touchés par la crise provoquée par la pandémie de COVID-19. Rien qu’entre mars et mai 2020, le marché du transport aérien de passagers a chuté de 90 %, avec des conséquences dramatiques pour les revenus de toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur et les salariés du secteur de l’aviation.
L’aviation joue un rôle central dans le commerce et le tourisme ainsi que pour les liaisons à l’intérieur de l’Europe et avec les pays non membres de l’UE. Le secteur du tourisme, contributeur essentiel du PIB de nombreux pays, a subi des pertes considérables. Ces pertes ont une incidence sur les États membres de l’UE mais leur impact est encore plus important dans les pays en développement, où le secteur représente une part importante du PIB. Pour ces pays, la mise à l’arrêt des activités touristiques menace de réduire à néant d’importants progrès qui avaient été enregistrés sur le plan humanitaire [étude de l’Institut der deutschen Wirtschaft, août 2015: Entwicklungsfaktor Tourismus (Le tourisme, facteur de développement); les touristes allemands ont dépensé à eux seuls 13,5 milliards d’EUR pour se rendre dans des destinations touristiques dans les pays en développement.] Cette somme représente 5 % de l’ensemble des dépenses touristiques dans ces pays et 78 000 emplois. Le CESE invite la Commission à promouvoir le tourisme en tant que pierre angulaire de sa coopération au développement. |
1.2. |
Les États membres de l’UE entendent soutenir tous les secteurs économiques dans le processus de recouvrement. Néanmoins, en raison d’une récession mondiale sans précédent et de l’incertitude quant à la durée de la pandémie, il est peu probable que les activités économiques mondiales retrouvent dans un avenir proche leur niveau d’avant la crise. Pour cette raison, le CESE demande à la Commission d’élaborer une feuille de route globale pour la relance de l’ensemble du secteur européen de l’aviation; un tel plan d’action devrait prévoir des ressources spécifiques pour soutenir tous les sous-secteurs et leur main-d’œuvre. |
1.3. |
Toutes les parties prenantes et les partenaires sociaux ont besoin d’une certaine stabilité en matière de planification. S’agissant de la crise de la COVID-19, il y a lieu de faire une nette distinction entre la phase de redressement du secteur de l’aviation à court terme et la nécessité d’assurer la compétitivité internationale du secteur et des conditions de concurrence équitable à moyen et à long terme.
Dans ce contexte, le maintien d’emplois de qualité et de conditions de travail appropriées est essentiel pour conserver une main-d’œuvre qualifiée, sans laquelle la compétitivité durable ne peut être assurée. La poursuite du recrutement et de la formation d’une main-d’œuvre qualifiée dans la chaîne de valeur de l’aviation est dès lors une condition préalable pour garantir la reprise de l’aviation européenne. |
1.4. |
À court terme, la Commission devrait accorder la priorité au rétablissement de la confiance des passagers dans l’aviation. La crise de la COVID-19 a créé des conditions de marché que la plupart des règlements concernés n’avaient pas prévues. Il convient de rassurer les passagers quant aux conditions de remboursement des billets prépayés en cas d’annulation pendant cette crise; la Commission devrait également faire valoir que l’avion est un mode de transport sûr en promouvant des accords internationaux contraignants sur les normes sanitaires appropriées.
De même, au cours de cette phase critique de redressement, la Commission devrait garantir la stabilité en matière de planification en imposant un moratoire sur les modifications du cadre réglementaire susceptibles de faire obstacle à l’efficacité du redressement. Le CESE invite la Commission à rechercher et maintenir un bon équilibre entre les mesures de relance nécessaires pour surmonter la crise de la COVID-19 et les adaptations qu’il est souhaitable d’apporter aux règlements financiers découlant du pacte vert pour l’Europe. Le CESE demande instamment à la Commission d’éviter d’imposer des charges financières et/ou réglementaires supplémentaires au secteur, en particulier lors de la phase de redressement, alors même qu’il est, dans son ensemble, extrêmement fragilisé sur le plan financier. Cela suppose, entre autres choses, de prolonger la dérogation à la disposition relative aux créneaux «utilisés ou perdus» pour la saison d’hiver 2020-2021. |
1.5. |
À moyen terme, la Commission devrait réexaminer la stratégie de l’UE en matière d’aviation (adoptée en 2015), stratégie qui devrait garantir, après la crise, des conditions de concurrence équitables sur la base d’une évaluation de l’extraordinaire fragilité du secteur de l’aviation ainsi que de l’évolution des paramètres et de la dynamique du marché. |
1.6. |
Le CESE recommande à la Commission d’envisager de renégocier, sur la base de conditions de concurrence égales, les accords bilatéraux sur les services aériens (ASA) avec les pays tiers afin d’éviter les effets de distorsion des aides d’État, des régimes environnementaux tels que le système d’échange de quotas d’émissions (SEQE) et des déséquilibres sociaux, et de garantir une croissance constante et durable du marché. |
1.7. |
Une fois que le secteur européen de l’aviation aura retrouvé sa stabilité, le CESE attend de la Commission qu’elle s’engage à mettre en place une politique durable qui libère le potentiel de ce secteur. |
1.8. |
Le CESE demande instamment à la Commission de garantir la compétitivité européenne en accélérant les mesures réglementaires nécessaires à la mise en œuvre pleine et entière du ciel unique européen après des décennies de disputes inutiles entre les États membres et l’UE, et de parvenir ainsi à une réduction de 10 % des émissions de CO2 à l’échelle de l’UE. |
1.9. |
Le pacte vert est un train de mesures d’une importance capitale, soutenu par le CESE, qui vise à réduire, en fin de compte, l’impact de tous les secteurs, y compris l’aviation, sur le changement climatique. Le CESE s’attend à ce que d’autres fonds de l’UE soient alloués à la R&D dans le but de promouvoir des produits, des services, des procédures et des technologies respectueux de l’environnement sans nuire à la compétitivité européenne. De fait, le CESE invite la Commission et les États membres à axer leur politique sur la promotion de normes applicables à l’échelle mondiale en matière de durabilité, y compris des mesures environnementales supplémentaires, dans le cadre de l’octroi d’une aide financière par les États membres. |
1.10. |
Le CESE demande la garantie que les partenaires sociaux qui participent au dialogue social continuent d’être associés à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures réglementaires nécessaires et réaffirme qu’il est prêt à soutenir pleinement la Commission dans ses efforts visant à promouvoir une reprise rapide du secteur de l’aviation en Europe. |
2. Contexte
2.1. |
Le secteur aéronautique de l’UE représente 1,4 (1) à 2 (2) millions d’emplois directs et de 4,8 à 5,8 millions d’emplois indirects. La contribution directe de l’aviation au PIB de l’UE est de 110 milliards d’EUR et son apport global, si l’on tient compte du tourisme, s’élève à pas moins de 510 milliards d’EUR grâce à son effet multiplicateur.
Ce rôle crucial de l’aviation, non seulement comme secteur, mais comme catalyseur de la prospérité économique, de la sécurité de l’emploi et du tourisme a été très sous-estimé jusqu’ici. Dans certains États membres, le tourisme représente jusqu’à 25 % du PIB. La reprise rapide des services aériens — sous réserve du respect des mesures sanitaires pertinentes — revêt dès lors une importance primordiale pour maintenir le tourisme en tant que source majeure de revenus. Au niveau mondial, l’aviation européenne encourage également le commerce et le tourisme à destination de pays qui ont cruellement besoin d’un soutien économique et d’une intégration politique dans la communauté internationale. L’absence de voyages aériens internationaux pendant la crise de la COVID-19 a aggravé la faiblesse économique des pays en développement en particulier. |
2.2. |
Bien que le secteur de l’aviation ait déjà été confronté à des crises par le passé (exemples: les attentats terroristes et la fermeture de l’espace aérien en 2001; l’épidémie de SRAS et le virus Ebola; la fermeture de l’espace aérien européen pendant la propagation des cendres volcaniques en 2010), la crise actuelle est sans précédent. Selon les estimations actualisées, la reprise du secteur ne se fera pas avant 2024 (3). Ni les institutions européennes ni les instances internationales n’ont été en mesure de coordonner les mesures réglementaires en vue d’établir des normes internationales. Le transport aérien international exige toutefois, pour rétablir les niveaux de service durables et résilients d’avant la crise, des normes mondiales cohérentes fondées sur des données scientifiques.
Si, durant la crise, les compagnies aériennes ont été au centre de l’attention de l’opinion publique et des politiques, l’écosystème de l’aviation comprend d’autres acteurs importants tels que les aéroports, les prestataires de services de navigation aérienne, les services d’assistance en escale et d’autres prestataires de services. Il convient de rechercher des solutions qui incluent l’ensemble de la chaîne de valeur de l’aviation. |
3. Observations générales sur l’état d’avancement de la crise
3.1. Préoccupations en matière de santé
L’intensité et la durée de la crise due à la pandémie de COVID-19 dépendront de la capacité des autorités compétentes à contenir la propagation d’un virus jusqu’alors inconnu. Plusieurs études montrent que le transport aérien est l’un des modes de transport les plus sûrs. Des lignes directrices relative à un protocole d’hygiène coordonné et à des mesures coordonnées en matière de santé et d’hygiène ont été élaborées au niveau européen par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et, au niveau mondial, par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Les compagnies aériennes et les aéroports ont coopéré étroitement avec la Commission européenne et l’OACI.
3.2. Manque de liquidités
Au deuxième trimestre 2020, les revenus des compagnies aériennes ont baissé en moyenne de 79 %. Même en déduisant les coûts flexibles, la consommation de trésorerie des compagnies aériennes a été d’environ 60 milliards d’USD au cours de cette période. L’un des principaux responsables de ce problème de liquidités est le remboursement des billets prévendus (les calculs sont différents pour le modèle d’entreprise des compagnies à bas coûts, qui ont des coûts opérationnels plus faibles mais une plus grande dépendance à l’égard des billets prévendus).
Toutefois, les consommateurs sont eux aussi touchés par la crise de la COVID-19; des procédures judiciaires ont été entamées dans plusieurs États membres par des consommateurs qui demandent le remboursement de billets prépayés, conformément aux dispositions du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil (4). Une résolution transparente et réaliste de ces cas et des demandes à venir s’impose dans un délai raisonnable.
Au sortir de la crise de la COVID-19, le secteur du transport aérien sera lourdement endetté (bien que jusqu’ici, dans le monde entier, les gouvernements aient fourni des aides d’état équivalant approximativement à 123 milliards d’USD pour permettre aux compagnies aériennes de demeurer opérationnelles, seuls 11 milliards d’USD l’ont été sous forme d’apport en numéraire, le reste étant constitué de dettes que les compagnies aériennes devront rembourser). En outre, les aides d’État accordées aux compagnies aériennes européennes varient considérablement en forme et en volume selon les États membres.
Plusieurs compagnies aériennes opérant à l’échelle internationale ont déposé leur bilan (par exemple Avianca, LATAM et South African Airways).
Certains paiements aux prestataires de services de navigation aérienne ont été différés; cette mesure allège la pression exercée sur la liquidité des compagnies aériennes mais crée un manque important de recettes pour les prestataires de services de navigation aérienne. Une solution doit être trouvée pour permettre aux prestataires de services de navigation aérienne de continuer à fournir des services essentiels rentables sans pour autant que cela entraîne des frais supplémentaires pour les compagnies aériennes à une date ultérieure, alors qu’elles se remettront tout juste de la crise. De même, les aéroports, les opérations de fret ainsi que les services d’assistance en escale, la restauration et les autres prestataires de services ont été durement touchés par la crise et ont donc également besoin d’un soutien supplémentaire.
3.3. Une approche coordonnée pour assurer la relance à court terme
La Commission a publié une communication pour le secteur des transports, recommandant:
— |
une stratégie globale en vue d’une reprise en 2020 et au-delà, |
— |
une approche commune pour le rétablissement de la liberté de circulation et la levée progressive et coordonnée des restrictions aux frontières intérieures de l’UE, |
— |
un cadre visant à soutenir le rétablissement progressif des transports tout en assurant la sécurité des passagers et du personnel, |
— |
le recours à des bons à valoir destinés aux passagers et voyageurs à titre d’alternative intéressante au remboursement en espèces des voyages, |
— |
des critères applicables à la reprise progressive et en toute sécurité des activités touristiques ainsi qu’à l’élaboration de protocoles sanitaires dans les établissements du secteur de l’hébergement et de la restauration, tels que les hôtels. |
Ces recommandations n’ont pas de caractère contraignant mais elles donnent une idée du bénéfice que les États membres retireraient d’un alignement de leurs mesures respectives.
Au printemps 2020, la Commission a publié une communication relative à un cadre temporaire sur les aides d’État. Ce cadre permet aux États membres de compenser les pertes financières exceptionnelles des entreprises et de maintenir les emplois et les niveaux d’emploi. En outre, la Commission a accordé des dérogations temporaires sur l’attribution des créneaux horaires (5) ainsi que sur les licences d’assistance en escale. Il est important et urgent d’évaluer si une nouvelle prorogation de ces mesures contribuerait à la planification de la stabilité pour les entreprises concernées et, dans l’affirmative, de prendre les mesures réglementaires nécessaires le plus tôt possible.
Le CESE est profondément préoccupé par l’incapacité des États membres de l’Union européenne à mettre en œuvre des approches cohérentes et fondées sur des données scientifiques s’agissant des restrictions en matière de déplacements. En dépit des appels répétés du secteur en faveur d’une approche scientifique, harmonisée et coordonnée des nouvelles restrictions, l’on constate des différences dans les approches nationales. Certaines de ces mesures nationales, à caractère unilatéral, sont contraires à l’avis des experts et nuisent encore davantage à la confiance des consommateurs. Le CESE demande instamment à la Commission de garantir une reprise sûre et transparente du trafic aérien en Europe. Les États membres devraient s’efforcer d’harmoniser l’ouverture progressive de leurs frontières, conformément aux recommandations de la Commission.
4. Observations spécifiques sur les prérequis nécessaires à une relance durable
4.1. La crise offre l’occasion de procéder à une réévaluation du rôle stratégique de l’aviation pour l’Europe (6).
La crise de la COVID-19 a modifié la relation entre les acteurs de la chaîne de valeur de l’aviation. Compte tenu de la nouvelle dimension du marché et de sa structure, il convient d’associer les parties prenantes du secteur de l’aviation à l’élaboration de mécanismes adaptés aux besoins du marché des voyages aériens de l’après-COVID-19.
La Commission devra en outre réexaminer sa politique générale en matière d’aides d’État compte tenu de l’évolution des réalités géopolitiques. En effet, en l’absence d’une politique de l’aviation européenne cohérente et convaincante visant à promouvoir la compétitivité de l’UE et des conditions de concurrence équitables tout en préservant des emplois de qualité en Europe, les plateformes internationales situées à proximité de l’UE telles que celles d’Istanbul, de Londres-Heathrow et des pays du Golfe pourraient dévier la course du trafic aérien et compromettre la connectivité de l’UE. Il conviendra également d’évaluer systématiquement le niveau des aides d’État accordées dans les pays tiers (lesquelles peuvent prendre la forme de prêts, de subventions salariales, de garanties de prêts, de financements sous forme de fonds propres, d’impôts sur les sociétés, de financement de liaisons aériennes ou d’injections de liquidités). S’imposera en outre une mise en œuvre rigoureuse du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil (7) afin de prévenir les prises de contrôle hostiles et les investissements par des pays tiers dans des compagnies aériennes de l’UE, de sorte que l’économie européenne puisse demeurer concurrentielle sur le plan international en termes de qualité et de prix, et s’appuyer sur la connectivité fournie par son secteur de l’aviation (Astra, une petite compagnie aérienne grecque, était en négociation avec des investisseurs chinois).
4.2. Maintenir la compétitivité
4.2.1. |
Le secteur du transport aérien ne sera pas en mesure de revenir à la normalité de l’avant-COVID-19 (les scénarios varient selon que la reprise aura lieu d’ici 2022 ou 2025) car l’ampleur de la crise aura des effets structurels sur le marché. Afin de maintenir la stabilité de la planification pour les parties prenantes et les consommateurs, les accords de services aériens (ASA) conclus par l’UE avec des pays tiers devraient servir de plateforme pour contrôler conjointement le degré d’aides d’État accordées durant la crise de la COVID-19, dans le but de recenser et de résoudre les tendances qui faussent la concurrence. Dans ce contexte, l’accès au marché devrait jouer un rôle important dans la détermination du niveau des aides d’État. Il conviendra d’appliquer des mesures de rétorsion si un pays tiers refuse d’aborder la question des aides. L’hétérogénéité des normes environnementales et sociales entre les transporteurs de l’UE et ceux de pays tiers doit être abordée dans ces ASA. |
4.2.2. |
La surcapacité sur le marché, conjuguée à une diminution prévisible du pouvoir d’achat lors de la prochaine récession mondiale, pourra même nécessiter des modifications temporaires ou structurelles des ASA afin de préserver la réciprocité au cours de la période de rétablissement. |
4.2.3. |
La Commission pourrait et devrait engager des procédures unilatérales à l’encontre des pays tiers et de leurs transporteurs si des solutions ne peuvent être trouvées par voie de négociation [le règlement (UE) 2019/712 du Parlement européen et du Conseil (8) offre la possibilité d’engager de telles procédures]. |
4.2.4. |
Une question particulièrement sensible est celle de la tension entre les contraintes de liquidité des passagers, qui demandent le remboursement de billets prépayés, et celles des compagnies aériennes, dont bon nombre devraient se déclarer en faillite si tous les remboursements étaient effectivement effectués. La prochaine révision du règlement (CE) no 261/2004 devrait viser à clarifier les règles afin de fournir une solution gagnant-gagnant, dans l’intérêt tant des passagers que des compagnies aériennes (plusieurs possibilités pourraient être envisagées comme, par exemple, un bon à valoir garanti par les pouvoirs publics: si une compagnie aérienne dépose le bilan avant l’expiration de ce bon à valoir ou si elle n’est pas en mesure d’assurer le vol, le passager est remboursé et la compagnie bénéficie d’un délai pour utiliser ses réserves de trésorerie). |
4.2.5. |
Le CESE estime que l’état actuel du secteur est tellement critique que les initiatives réglementaires qui détournent l’attention de la nécessité de stabiliser le secteur aérien européen et de le rendre concurrentiel à l’échelle mondiale devraient être suspendues pendant la durée de la phase de redressement.
Dans ce contexte, le CESE rappelle les priorités que la Commission devrait poursuivre pour retrouver et maintenir la compétitivité européenne tout en assurant le niveau nécessaire de protection sociale (9). |
4.3. Le dialogue social, pilier essentiel du redressement
La crise actuelle est à l’origine de craintes existentielles de la part de l’ensemble de l’écosystème de l’aviation et de ses employés, quelle que soit l’efficacité des services offerts. Il est essentiel de trouver un juste milieu entre considérations entrepreneuriales et considérations sociales afin de garantir la création d’emplois durables et de qualité à l’avenir.
Il ne s’agit pas seulement d’une question de politique et de principe mais d’une question qui nécessite un examen immédiat: les pratiques de marché telles que l’enregistrement à la demande, le faux travail indépendant, le manque de protection sociale dans les passations de marchés publics et/ou la perte partielle d’activités, ou la résiliation des contrats des salariés pour tenter de recruter le même personnel à des salaires sensiblement inférieurs sont inacceptables (10).
Le dialogue social sera également nécessaire au cours de l’inévitable redimensionnement dans la plupart des compagnies et devrait dès lors être encouragé au niveau européen, au niveau national et au niveau des entreprises. Cela n’empêche pas les institutions de l’UE et les États membres d’assumer leurs responsabilités dans le domaine social.
4.4. Garantir la durabilité de l’écosystème de l’aviation
4.4.1. |
Le CESE fait observer que l’ensemble du secteur de l’aviation s’accorde sur les mesures visant à contenir les émissions de CO2 tant au niveau mondial (11) qu’au niveau de l’UE (12). Toute mesure supplémentaire de l’UE doit dès lors être envisagée dans un contexte concurrentiel; à titre d’exemple, le détournement du trafic aérien des compagnies aériennes de l’UE vers leurs concurrents de pays tiers n’a pas d’effet positif sur la durabilité.
Le CESE estime que la durabilité doit être évaluée dans un nouveau contexte post-COVID-19. Il est nécessaire de procéder à une évaluation de l’incidence des mesures sur la capacité des compagnies aériennes de l’UE à se rétablir durablement de la crise causée par la pandémie de COVID-19 et à demeurer concurrentielles. Le CESE souligne que l’aviation, comme tous les autres secteurs, devrait se conformer aux objectifs à long terme du pacte vert. Il demande instamment à la Commission de coordonner ses actions au niveau mondial, notamment au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Il est partisan de la poursuite de l’expansion d’un réseau ferroviaire à grande vitesse en Europe et de connexions directes avec les aéroports pivots. Le CESE se félicite que le plan de relance de l’UE prévoie des investissements dans des secteurs tournés vers l’avenir. Ce plan devrait comporter, de l’avis du CESE, des investissements stratégiques dans des technologies interopérables de pointe pour toutes les parties prenantes du secteur de l’aviation. Il convient de promouvoir activement les marchés des carburants d’aviation durables, des technologies durables et des marchés de données. Les combustibles liquides non fossiles présentent un grand potentiel pour effectuer des transports aériens à faibles émissions de carbone. Des efforts importants en matière de recherche et développement sont encore nécessaires pour fournir ces combustibles à des coûts raisonnables. Le CESE prend note avec satisfaction des diverses initiatives de financement en faveur de ces carburants de substitution (technologies de conversion d’électricité en d’autres vecteurs énergétiques, carburants de synthèse) dans le cadre de l’actuel instrument de financement de la recherche de l’UE (Horizon 2020) et encourage la Commission à intensifier ses efforts en vue du prochain programme-cadre pour la recherche et l’innovation (entre autres instruments de financement: Horizon Europe). |
4.4.2. |
Il insiste toutefois pour que le financement des nouvelles technologies et des mesures destinées à renforcer la durabilité, la résilience et l’évolutivité de l’écosystème de l’aviation fassent partie intégrante d’une feuille de route globale pour l’aviation, qui devrait être mise en œuvre dans le but de fournir le soutien nécessaire à la relance de la chaîne de valeur de l’aviation européenne. |
Bruxelles, le 16 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Steer Davies Gleave, Study on employment and working conditions in air transport and airports (Étude sur l’emploi et les conditions de travail dans le transport aérien et les aéroports), rapport final 2015.
(2) Aviation: Benefits Beyond Borders (Aviation: des avantages au-delà des frontières), rapport préparé par Oxford Economics pour Air Transport Action Group (ATAG), mars 2014.
(3) Voir https://staging.corporatetravelcommunity.com/european-capacity-may-have-grown-in-jun-2020-but-a-european-aviation-body-warns-that-the-recovery-in-passenger-traffic-is-proceeding-at-a-slower-pace-than-it-had-projected/
(4) JO L 46 du 17.2.2004, p. 1.
(5) Avis TEN/711 du CESE — Attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (non encore publié au Journal officiel).
(6) JO C 13 du 15.1.2016, p. 169.
(7) JO L 293 du 31.10.2008, p. 3.
(8) JO L 123 du 10.5.2019, p. 4.
(9) JO C 13 du 15.1.2016, p. 110.
(10) Voir note de bas de page 9.
(11) CORSIA (Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale).
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/105 |
Avis du Comité économique et social européen sur «UE-Afrique: concrétiser un partenariat de développement équitable fondé sur la durabilité et des valeurs communes»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/15)
Rapporteurs: |
Dimitris DIMITRIADIS (EL-I) Dilyana SLAVOVA (BG-III) Thomas WAGNSONNER (AT-II) |
Décision de l’Assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Relations extérieures |
Adoption en section |
24.2.2020 |
Adoption en session plénière |
16.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/1/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Dans un monde en mutation rapide, qui connaît des problèmes importants, mais aussi de nouvelles opportunités, l’Europe a une obligation: utiliser son héritage multiculturel, institutionnel et socio-économique pour permettre un développement durable à l’échelle mondiale. Les défis auxquels sont confrontés les pays en développement en Afrique étant très complexes, il convient d’aborder ces questions dans le cadre d’une approche appropriée et multidimensionnelle. L’on ne saurait se contenter de donner des conseils bien intentionnés; il est également nécessaire que l’UE et ses États membres investissent en Afrique des moyens financiers considérables pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD). Tel doit être l’objectif principal des partenariats internationaux de l’UE; le respect des droits universels de l’homme, lesquels sont des valeurs communes essentielles, doit être le fondement de tout engagement politique dans le cadre d’un partenariat de développement d’égal à égal avec l’Afrique. |
1.2. |
Dans le droit fil du nouveau consensus européen sur le développement, le CESE préconise de promouvoir une vie décente et de bonnes perspectives d’avenir, de créer une classe moyenne et de soutenir des partenariats d’égal à égal, en renforçant les structures démocratiques sociales et libérales durables en Afrique dans le respect des droits universels de l’homme (1), et notamment des droits fondamentaux du travail (déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui comprend les normes fondamentales du travail et la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale), la liberté d’entreprendre et le droit à un environnement sain, ainsi que les objectifs de développement durable (ODD). Le CESE accueille favorablement la communication conjointe intitulée «Vers une stratégie globale avec l’Afrique» (2) et entend contribuer à l’amélioration de la nouvelle stratégie globale de l’UE avec l’Afrique. |
1.3. |
La situation actuelle révèle des défis cruciaux mais aussi des perspectives prometteuses pour la coopération UE-Afrique en matière de développement. Parmi les 20 pays du monde qui connaissent la croissance la plus rapide, beaucoup se trouvent en Afrique. D’ici à 2035, le plus important potentiel de main-d’œuvre se trouvera sur le continent africain. Un partenariat à haut niveau en matière de commerce et d’investissement fondé sur les droits universels de l’homme et sur la durabilité est nécessaire pour les deux parties; il y a lieu de placer le développement au centre des préoccupations plutôt que d’utiliser les fonds de développement pour la sécurité des frontières. |
1.4. |
Le CESE se félicite de la mise en place de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) dans la mesure où elle renforce les échanges commerciaux sur le continent, atténue les dépendances et s’éloigne d’une approche exclusivement axée sur les exportations vers les pays non africains. Ce pourrait être là une première étape essentielle sur la voie d’une zone de libre-échange entre l’UE et l’Afrique. Le CESE rappelle l’importance du rôle de la société civile organisée dans l’accord de l’après-Cotonou. |
1.5. |
L’investissement à long terme dans les infrastructures intra-africaines visant à promouvoir les chaînes de valeur régionales et une économie locale durable se justifie d’un point de vue économique, est durable sur le plan écologique et crée des capacités de production, y compris des emplois de qualité au niveau local. Une approche axée uniquement sur les exportations vers les pays non-africains n’est pas durable. En particulier, la collaboration économique intercontinentale devrait favoriser la production locale en Afrique, dont les principaux secteurs devraient être l’agriculture durable, l’énergie et l’économie circulaire, ainsi que les secteurs traditionnels liés aux matières premières et à la construction, lesquels doivent encore être réformés conformément aux ODD. Les fonds publics ne seront pas nécessairement utilisés pour des investissements privés en Afrique au détriment de la coopération au développement classique. Par conséquent, les systèmes de suivi, de contrôle et d’évaluation qui impliquent une participation importante de la société civile organisée sont absolument indispensables. |
1.6. |
La société civile, les partenariats sociaux, les économies sociales de marché et les systèmes d’État-providence devraient être des modèles efficaces pour soutenir le développement durable en Afrique, pour autant qu’ils soient adaptés à la culture locale et à la situation socio-économique. Les priorités du soutien aux pays africains devraient porter non seulement sur le commerce et les investissements, mais aussi, en particulier, sur la politique fiscale, la migration, le développement, l’environnement, l’éducation, la santé, ainsi que les conditions de vie et de travail. Cet aspect est d’autant plus important compte tenu de la crise actuelle due à la pandémie de COVID-19, dont l’Afrique souffrira énormément. |
1.7. |
Il y a lieu de mettre en place une infrastructure de l’assurance de la qualité afin que les marchandises africaines puissent être conformes aux normes des marchés ciblés. Il convient de veiller au respect des lois conformes aux ODD. De même, des systèmes de diligence raisonnable relatifs aux droits de l’homme, y compris les règles de l’UE, seraient très utiles (3). |
1.8. |
Erasmus+ devrait être étendu afin de renforcer la coopération entre l’UE et l’Afrique. Le partenariat UE-Afrique pour le développement doit soutenir plus fermement la création de systèmes d’enseignement public locaux, de la pédagogie infantile jusqu’au niveau universitaire, en passant par l’enseignement et la formation professionnels, y compris l’apprentissage et les systèmes d’apprentissage tout au long de la vie. Il est capital d’éviter une «fuite des cerveaux» de l’Afrique vers l’UE. L’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes et l’autonomisation des femmes jouent un rôle central dans la réalisation du développement durable. |
1.9. |
L’autonomisation des femmes en Afrique constitue une priorité pour le CESE, qui invite les institutions et la société civile à œuvrer de manière active et constante en faveur d’une égalité totale entre les hommes et les femmes aux différents niveaux sociaux et économiques. |
1.10. |
Inverser la migration est, à de nombreux égards, un problème crucial. Seuls le développement économique, environnemental et social contrecarrera la migration involontaire, en s’attaquant à ses causes. |
1.11. |
Une plateforme internationale des finances de la diaspora africaine, régie par des organismes africains et utilisée pour répondre à des besoins africains, pourrait constituer une solution idéale pour canaliser les investissements. Elle pourrait aussi constituer une option pour les investisseurs de l’UE. |
1.12. |
Ces dix dernières années, l’Afrique a connu une forte croissance, ce qui a conduit à prévoir que la demande énergétique du continent doublera d’ici 2050 tandis que les taux de pauvreté demeureront élevés. Une telle situation perpétuerait, voire aggraverait, les problèmes liés à la durabilité sur le plan environnemental et socio-économique. |
1.13. |
Néanmoins, des possibilités pourraient se présenter: 1) les pays africains peuvent jouer un rôle de premier plan dans la conversion de l’énergie solaire en énergie électrique par l’utilisation de l’énergie solaire photovoltaïque; 2) des possibilités spécifiques portant sur des projets communs, des activités et des politiques commerciales pourraient faire émerger une nouvelle approche socio-écologique de l’économie de marché. |
1.14. |
Il s’impose de soutenir les industries agricoles et alimentaires en Afrique, d’améliorer les cultures, de réduire les pertes de récoltes et de renforcer les normes de qualité. Parmi les autres objectifs dans le secteur agroalimentaire, l’on mentionnera l’élaboration de nouvelles méthodes de commercialisation et de production, la promotion d’une auto-organisation coopérative des agriculteurs, la sécurité alimentaire et l’accroissement des échanges commerciaux tout au long de la chaîne de valeur. Le CESE s’oppose tout particulièrement à l’accaparement de terres en Afrique. |
1.15. |
Les parties prenantes de l’UE et d’Afrique devraient œuvrer de concert afin de faire du pacte vert une réalité qui permette de sauver la planète et de créer une vie décente pour tous. Institutionnaliser la participation de la société civile organisée nous aiderait à mieux faire preuve de discernement et à éviter les erreurs du passé grâce à de nouveaux moyens. Le développement durable n’est possible que s’il tire son origine et sa mise en œuvre de l’intérieur même d’un pays. |
1.16. |
L’adoption d’une approche fondée sur les droits universels de l’homme, la mise en place de structures de gouvernance démocratique, l’amélioration de la gouvernance économique et financière par la gestion transparente des finances publiques et la mise en place d’un système crédible pour lutter contre la corruption fondé sur un système judiciaire indépendant sont autant d’éléments qui contribuent à mettre en place des partenaires solides, autonomes et stables en matière d’affaires et de développement. |
2. Contexte et principaux thèmes du présent avis
2.1. |
L’UE-27 est le plus important partenaire commercial et d’investissement de l’Afrique. Le CESE accueille favorablement la communication conjointe intitulée «Vers une stratégie globale avec l’Afrique (4)», qui propose des partenariats en rapport avec la transition verte et l’accès à l’énergie, la transformation numérique, la croissance durable et l’emploi ainsi que la paix et la gouvernance. |
2.2. |
Cinquante-deux pays africains ont, sous une forme ou une autre, conclu un accord commercial avec l’UE. Des accords d’association existent avec quatre pays d’Afrique du Nord et des négociations relatives à la zone de libre-échange approfondi et complet sont en cours avec le Maroc et la Tunisie. L’UE a négocié cinq accords de partenariat économique (APE) avec des organisations régionales africaines. Ces accords sont fondés sur l’accord de Cotonou et sur son objectif d’adapter les relations commerciales entre l’UE et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) aux règles de l’OMC. |
2.3. |
Le CESE réitère son approche: il souhaite assurer une vie décente et de bonnes perspectives d’avenir pour tous, créer une classe moyenne (gardant à l’esprit la corrélation entre la migration et les revenus) et soutenir les partenariats d’égal à égal en renforçant les structures démocratiques socio-libérales. Il convient toutefois de respecter les traditions et les bonnes pratiques locales préexistantes. Le CESE plaide en faveur d’une politique de développement qui crée de bonnes perspectives, des structures et des débouchés économiques pour tous en Afrique. |
2.4. |
Les investissements en provenance de l’extérieur de l’Afrique ne cessent de croître. À titre d’exemple, la Chine investit dans le cadre de son Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) et de l’initiative «Une ceinture, une route» (les nouvelles routes de la soie). Parmi les autres initiatives de moindre envergure, citons le programme «Africa Partnership Station» des États-Unis et le sommet Russie-Afrique de 2019. |
2.5. |
Les droits universels de l’homme, y compris les droits fondamentaux du travail, la liberté d’entreprendre et le droit à un environnement sain sont des valeurs communes universelles essentielles. Ils forment, avec les ODD, une norme minimale convenue au niveau international pour les programmes de développement, et constituent la base d’un partenariat d’égal à égal pour le développement. |
2.6. |
Ces valeurs sont conformes au nouveau consensus de l’UE sur le développement, qui vise également à tenir compte des incidences sur le développement d’autres politiques, en veillant à la cohérence des politiques au service du développement. |
2.7. |
Le présent avis recense les aspects critiques pour un partenariat de développement véritablement équitable et analyse la situation actuelle et les défis relatifs aux relations entre l’UE et l’Afrique. |
3. Les défis actuels
Une vie décente, la responsabilité écologique et de bonnes perspectives sont cruciales pour notre survie. Nous devons lutter contre le changement climatique et réfléchir de manière plus responsable, dans un esprit de coopération. L’approche traditionnelle de la politique industrielle et de la croissance est un modèle de développement dépassé qui détruira la planète et engendrera des coûts sociétaux considérables. En Afrique, en particulier, il y a lieu non seulement de sortir les personnes de l’extrême pauvreté, mais aussi de leur permettre de participer activement à la société (logement, nourriture, santé, éducation). Le rapport 2017 du Forum économique mondial sur les risques mondiaux a mis l’accent sur le problème des inégalités dans le monde en tant que principal facteur de risque associé aux récents défis politiques. Les femmes et les groupes vulnérables sont encore plus touchés et exclus de la participation de la société en cas d’absence de perspectives.
3.1. Aspects économiques
3.1.1. |
Parmi les 20 pays qui connaissent la croissance la plus rapide au monde, beaucoup se trouvent en Afrique; d’ici à 2035, le plus important potentiel de main-d’œuvre se trouvera sur le continent africain. C’est en Afrique qu’émergent les marchés mondiaux, les clients et les travailleurs de l’avenir. Par conséquent, la plupart des défis mondiaux actuels ne peuvent être relevés qu’avec des partenaires africains solides. Il est nécessaire de mettre en place un partenariat pour le commerce et l’investissement fondé sur l’égalité, les droits de l’homme et la durabilité. Une enveloppe de 600 milliards d’euros est nécessaire chaque année pour atteindre les objectifs de développement durable en Afrique (5). Par conséquent, le CESE reconnaît l’immensité des besoins en matière d’investissements privés. |
3.1.2. |
La politique commerciale devrait tenir compte de la cohérence en matière de développement, en particulier en ce qui concerne les droits de douane, les passations de marchés et les taxes, tout en ayant conscience des asymétries existantes, s’agissant en particulier des APE (6); elle devrait soutenir l’intégration régionale, inclure des dispositions sur la durabilité qui soient contraignantes et qui prévoient des sanctions, et modifier la protection des investissements de manière à ce que les droits universels de l’homme soient respectés dans leur totalité. |
3.1.3. |
Le CESE se félicite de la mise en place de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) dans la mesure où elle renforce les échanges commerciaux sur le continent, atténue les dépendances et s’éloigne d’une approche axée exclusivement axée sur les exportations en dehors de l’Afrique. Il est favorable à une zone de libre-échange entre l’UE et l’Union africaine (UA) dans le cadre d’un accord unique qui devra tenir compte de la diversité et des atouts économiques des différents États africains. |
3.1.4. |
De plus en plus, des fonds traditionnellement affectés au développement sont utilisés pour mobiliser des investissements privés, ce qui ne doit pas se faire au détriment de la coopération au développement traditionnelle. Ce qu’il est convenu d’appeler les «obligations vertes», qui sont spécifiquement orientées vers des projets durables, pourrait constituer un bon moyen de canaliser les investissements privés en Afrique. Tout investissement, qu’il soit public ou privé, doit absolument faire l’objet d’un suivi, d’un contrôle et d’une évaluation avec la participation des organisations de la société civile, pour garantir qu’il est utilisé pour atteindre les ODD et les objectifs de développement et qu’il se conforme aux droits universels de l’homme. De même, le CESE note que des fonds européens de développement ont été utilisés pour atténuer les mauvaises conditions de travail en Afrique (7). |
3.1.5. |
L’agriculture est un secteur économique de première importance en Afrique (plus de 60 % des Africains travaillent dans l’agriculture, le plus souvent dans l’agriculture de subsistance). Pays industrialisées et émergents se livrent à une course effrénée pour s’assurer des terres arables en Afrique (8). L’absence de registres officiels ou précis facilite l’accaparement des terres et empêche les jeunes Africains d’accéder à des terres agricoles. La plupart des investissements terrestres dans le monde, y compris les investissements à grande échelle de l’UE, sont effectués en Afrique. Les experts en matière de développement préviennent que, dans la savane guinéenne, jusqu’à quatre millions de kilomètres carrés de terres arables sont en passe de devenir la cible d’exploitations agricoles internationales (y compris européennes) (9). La production alimentaire mondiale doit augmenter de 70 % d’ici à 2050 (10), ce qui nécessitera une augmentation de 97 % dans les pays en développement, alors que les terres arables sont de plus en plus utilisées pour produire des éco-carburants et des ingrédients pour l’industrie chimique. La sécurité alimentaire est encore plus importante en raison de l’impact de la pandémie de COVI-19. |
3.2. Aspects sociaux
3.2.1. |
Les notions de société civile, de partenariats sociaux et d’économie sociale de marché ont très bien fonctionné en Europe. |
3.2.2. |
Les projets de la Banque européenne d’investissement (BEI) semblent répondre à des objectifs plus larges en matière de durabilité et recourir à une meilleure approche en matière de développement. Toutefois, le Parlement européen, la Commission et les OSC ont fait part de leurs préoccupations concernant les opérations de la BEI. Ils ont souligné la nécessité d’améliorer le devoir de diligence en matière de droits de l’homme dans le cadre de ses opérations. Cet aspect est de la plus haute importance si l’on veut offrir un soutien crédible (11). |
3.2.3. |
Les dispositions qui permettent aux Européens de contester les lois qui respectent les ODD nuisent à notre crédibilité:
|
3.2.4. |
Notre partenariat pour le développement doit soutenir davantage la création de systèmes d’enseignement public locaux, des pédagogies maternelles jusqu’au niveau universitaire. Il convient d’accorder une attention particulière à l’enseignement professionnel, y compris l’apprentissage et les systèmes d’apprentissage tout au long de la vie. L’expérience de l’Europe peut être utile dans le développement de systèmes éducatifs en Afrique. |
3.2.5. |
Le coût du commerce en Afrique est souvent très élevé, et de nombreux pays ne respectent pas encore les normes internationales en matière de qualité, de sécurité et d’environnement. Il y a lieu de mettre en place des infrastructures de l’assurance de la qualité pour veiller à ce que les produits africains satisfassent aux normes des marchés ciblés, y compris en Afrique. En particulier, le soutien aux pays africains devrait être axé sur les conditions d’environnement, de santé et de travail et les structures de protection. |
3.2.6. |
Les systèmes d’État providence européens, fondés sur la solidarité, et ancrés dans des valeurs fondamentales communes à tous les grands mouvements politiques, se sont développés avec succès. Les systèmes d’assurance sociale, les modèles coopératifs et les services publics ont permis aux citoyens d’acquérir de la richesse et de canaliser les forces du marché, non seulement pour réduire la pauvreté et stimuler la croissance économique, mais aussi pour promouvoir des démocraties participatives. |
3.2.7. |
Cet aspect est d’autant plus important si l’on tient compte des défis que pose la crise de COVID-19, dont l’Afrique souffre énormément. Selon des données des Nations unies, l’Afrique supporte 24 % de la charge mondiale des maladies, le paludisme (malaria) étant particulièrement problématique, mais ne compte que 3 % des travailleurs du secteur de la santé dans le monde. Il est notoire que les pays qui forment des professionnels de santé subissent des pertes financières lorsque ces professionnels émigrent vers les pays industrialisés (12). |
3.2.8. |
Seuls le développement économique, environnemental et social contrecarrera les causes de la migration involontaire. Nous devons faire en sorte que nos politiques favorisent en Afrique le type de sociétés que de nombreux émigrants africains, faute de perspectives dans leur pays, cherchent dans l’UE. |
3.2.9. |
Inverser la tendance migratoire est une question cruciale. À titre d’exemple, le CESE souhaite attirer l’attention sur les informations (13) faisant état d’une fuite des cerveaux depuis la Tunisie, pays où les décideurs politiques doivent faire face au fait qu’environ un tiers des spécialistes en matière de technologies de l’information, formés avec l’aide de fonds européens, émigrent pour venir travailler dans l’UE. |
3.3. Aspects liés à la durabilité
3.3.1. |
L’économie africaine s’est fortement développée au cours des dix dernières années, et les conditions de vie se sont notamment améliorées, mais les taux de pauvreté sont restés obstinément élevés. Compte tenu de sa faible diversification économique, de la persistance des inégalités, du chômage élevé et de la dégradation de l’environnement, le continent doit encore progresser vers une voie de développement durable capable de donner une vie décente à tous. |
3.3.2. |
La demande d’énergie en Afrique devrait doubler d’ici à 2050. Ces besoins supplémentaires devraient être couverts par un recours accru aux énergies renouvelables. La mise en œuvre de la transition énergétique des combustibles fossiles vers les sources d’énergie renouvelables est essentielle pour atténuer le changement climatique. Les pays africains peuvent jouer un rôle de premier plan dans la conversion de l’énergie solaire en électricité à l’aide de la technologie photovoltaïque. En plus de fournir de l’énergie électrique à des fins d’utilisation locale, les grands parcs photovoltaïques peuvent également conduire à la production de carburants de synthèse (14). La population locale devrait pouvoir participer aux gains. Le méthanol et d’autres carburants de synthèse semblent pouvoir se substituer aux combustibles fossiles pour l’aviation, mais ils pourraient aussi prolonger l’utilisation des moteurs à combustion interne des véhicules de transport routier. |
4. Recommandations politiques
4.1. Observations générales
4.1.1. |
Une relation de développement juste et équitable avec les États africains passe par la promotion d’un travail décent et le maintien des services publics. En particulier, la politique commerciale doit veiller au respect total des droits universels de l’homme, de l’environnement et du droit à une vie décente. Elle doit également tenir compte des besoins des pays moins développés. Un accord pour l’après-Cotonou ne sera une chance que s’il crée des emplois de qualité, dynamise la croissance durable et assure l’inclusion de la société civile organisée. D’éminents experts de la politique de développement soutiennent que le régionalisme démocratique devrait guider la politique de développement de l’UE, particulièrement en ce qui concerne l’Afrique et ses sociétés, en raison de circonstances locales particulières (15). |
4.1.2. |
Les partenariats progressistes contemporains devraient refléter la demande d’une nouvelle forme de coopération entre pays industrialisés et pays en développement. En particulier, la mise en place de ces partenariats de réforme nécessitera d’améliorer l’environnement général pour les activités du secteur privé, et de créer des emplois de meilleure qualité, assortis d’un revenu suffisant pour permettre à la jeunesse africaine d’avoir une vie décente. C’est là un point essentiel si l’on veut limiter le désir des jeunes du continent africain d’émigrer pour un avenir meilleur (16). À cet égard, le CESE rappelle les contacts dont il dispose, ainsi que son soutien à la démocratisation de la Tunisie. L’accord de libre-échange approfondi et complet, pour lequel les négociations sont en cours, doit envisager de préserver ce qui a été fait en veillant à ce que l’économie tunisienne soit en mesure d’offrir des possibilités et des perspectives à sa population. |
4.1.3. |
On pourrait mettre en place, afin de renforcer et de soutenir les réformes nécessaires en Afrique, un groupe de réflexion qui accorderait une attention particulière à l’engagement de la société civile et aux ODD, aux réformes économiques et structurelles délibérées et aux ODD. Une telle initiative pourrait favoriser le développement des connaissances et des compétences en Afrique, et faciliter les échanges entre les sociétés civiles en Afrique et en Europe. |
4.2. Développement économique
4.2.1. |
S’agissant du pacte vert pour l’Europe, innovation et transformation socio-écologique devraient être les moteurs du développement économique. Il y a lieu de veiller à une répartition équitable des richesses et à la création de modèles d’État providence. Les priorités ne devraient pas seulement prendre en compte le commerce et l’investissement, mais aussi la coopération internationale dans d’autres domaines tels que la politique fiscale, la migration, le développement, l’environnement, l’éducation ou les conditions de travail, de vie et de santé (surtout après la COVID-19). La participation de la société civile organisée sera déterminante à cet égard. |
4.2.2. |
Des investissements à long terme dans les infrastructures intra-africaines (par opposition aux infrastructures destinées à faciliter les exportations en dehors du continent) sont nécessaires pour promouvoir les chaînes de valeur régionales et une économie locale durable. Cette approche, qui fait sens sur le plan économique, est durable sur le plan écologique, et elle crée des capacités de production, y compris des emplois locaux de qualité. Le paradigme consistant à orienter les exportations vers les autres continents demeure important compte tenu de l’importance stratégique que revêtent les matières premières pour les grandes économies (y compris l’UE et ses États membres). Les investissements de l’UE doivent adopter une autre approche, fondée sur un véritable partenariat d’égal à égal qui profite à tous et qui, plus particulièrement, favorise le développement durable en Afrique. |
4.2.3. |
Une société de financement international de la diaspora africaine pourrait coordonner l’utilisation des ressources de la diaspora africaine en faveur du développement inclusif et les investissements dans des projets et des programmes (17) socialement responsables en Afrique. Ce pourrait être une plateforme idéale pour canaliser les investissements; gérée par des organismes africains, elle servirait à répondre aux besoins des Africains et attirerait les investisseurs de l’UE. Les investissements nécessaires pour atteindre les ODD en Afrique sont largement supérieurs aux estimations portant sur le montant des économies réalisées chaque année par les migrants africains. Il convient par conséquent de renforcer les modes de coopération (commerciale) avec l’aide des organisations issues de la diaspora. |
4.2.4. |
Indépendamment de l’exportation des matières premières destinées à être transformées ailleurs, il y a lieu d’encourager et d’aider les pays africains à mettre en place des industries nationales durables, de manière à ce que les bénéfices produits par la transformation des matières premières restent dans le pays. Les recettes provenant du secteur des industries extractives devraient être investies dans les infrastructures et les services sociaux et, de ce fait, bénéficier à la population. |
4.2.5. |
Le renforcement de la sécurité publique pour lutter contre le terrorisme doit demeurer une priorité. Toutefois, la question de la sécurité des frontières et de la fourniture d’armes doit être traitée avec le plus grand soin. Le développement doit faire l’objet d’une attention particulière, au lieu d’utiliser les fonds de développement pour mettre un terme à la migration involontaire et armer les forces de sécurité: la «titrisation» croissante en matière de politique de développement est susceptible d’exacerber les causes profondes de la migration. |
4.2.6. |
Le CESE plaide pour que l’UE adopte des règles sur le devoir de diligence en matière de droits de l’homme (18). Il a précédemment réclamé à l’UE la mise en œuvre contraignante de mesures relatives au devoir de diligence en matière de droits de l’homme, en particulier dans les chaînes de valeur internationales de l’UE (19). Un système de devoir de diligence contraignant, reposant sur des mesures existantes et des concepts proposés par le CESE (tels que, par exemple, une agence de notation, serait très utile au développement durable, en particulier en Afrique, et renforcerait les efforts de l’UE pour créer un partenariat de développement d’égal à égal. |
4.2.7. |
On ne saurait trop vanter les mérites du développement des PME et de la coopération entre PME africaines et européennes. La plupart du temps, les entreprises multinationales sont en mesure de gérer les risques liés aux entreprises commerciales en Afrique. Pour pouvoir exploiter leur potentiel dans un partenariat pour le développement fondé sur l’égalité des parties, les PME ont besoin de structures et d’un soutien institutionnel fiables. En Afrique, la majorité des emplois sont fournis par des PME. Les services financiers, en particulier ceux reposant sur une base coopérative, devront être améliorés et (là où ils n’existent pas) créés pour répondre aux besoins des PME tels que, par exemple, les prêts, les prêts en monnaie locale et la gestion des risques. |
4.2.8. |
En Afrique, le manque de personnel qualifié est un obstacle de taille pour les entreprises. La promotion de la formation professionnelle est dès lors une priorité absolue. |
4.2.9. |
«Attendu que les questions fiscales sont étroitement liées à la réalisation des ODD, les entreprises devraient dûment acquitter leurs impôts là où elles réalisent des bénéfices en créant de la valeur, par exemple par la production ou l’extraction de matières premières et d’autres activités similaires» (20)). Ce principe revêt une importance fondamentale pour un partenariat de développement d’égal à égal. Le CESE a également préconisé des analyses d’impact des accords bilatéraux de double imposition menées par l’UE en cas de risque pour les politiques de développement de l’UE (21).
Outre les investissements privés, les recettes fiscales jouent également un rôle important dans le financement du développement durable. Les pays africains manquent des recettes fiscales nécessaires pour doubler le montant de tous les financements au titre du développement qu’ils reçoivent chaque année. Des mesures pour lutter contre l’évasion fiscale et pour éliminer la corruption, ainsi que des campagnes pour accroître les recettes nationales des pays africains, associées à la formation de fonctionnaires des autorités fiscales, des tribunaux d’audit et des ministères des finances, sont essentielles. Les paradis fiscaux, qu’ils soient situés dans les États africains ou dans l’UE, font obstacle au développement durable. |
4.2.10. |
Des infrastructures sont nécessaires pour aider les entreprises à trouver des mécanismes de financement et de soutien et à établir des contacts sur le terrain. Les entreprises ont également besoin de conseils au cours des phases de planification du projet. |
4.2.11. |
Il convient de soutenir les industries agricoles et alimentaires dans les pays africains afin d’élaborer des procédures permettant d’améliorer les cultures, de réduire les pertes de récoltes, de mettre un terme à la déforestation et de renforcer les normes de qualité. De plus, le secteur agroalimentaire devrait élaborer de nouvelles méthodes de commercialisation et des méthodes de culture et de transformation modernes, promouvoir l’auto-organisation parmi les agriculteurs, en particulier dans les coopératives, et accroître les échanges tout au long de la chaîne de valeur. |
4.3. Politique sociale
4.3.1. |
L’inclusion de la société civile dans la structure institutionnelle des États européens, au moyen notamment de partenariats sociaux au niveau des magasins et des différents secteurs de l’économie, a conféré à l’UE un avantage. Il y a lieu d’associer étroitement la société civile organisée au partenariat pour le développement fondé sur l’égalité, ce qui créerait des structures stables pour toutes les activités de l’UE, en particulier pour les entreprises. Ainsi nos efforts ne se concentreraient-ils pas seulement sur les bénéfices, mais aussi sur le développement durable en Afrique, de manière à créer des partenariats à long terme fondés sur la confiance et l’égalité. |
4.3.2. |
Erasmus + devrait être étendu afin de renforcer la coopération entre l’UE et les États africains. Les compétences professionnelles et les connaissances des diplômés africains doivent soutenir le développement durable dans leurs pays d’origine. Il convient d’éviter une «fuite des cerveaux» de l’Afrique vers l’UE. L’éducation est une étape importante pour améliorer les conditions de vie notamment des femmes et des groupes vulnérables, et notre soutien devrait être ciblé en conséquence. |
4.3.3. |
La COVID-19 rend les défis encore plus complexes. De nombreux systèmes de santé sont actuellement débordés. Nous devrons fournir un soutien encore plus important aux États africains afin qu’ils puissent mettre en œuvre des systèmes de soins de santé efficaces, prêts à relever des défis tels que la COVID-19, qu’il s’agisse de biomédecine ou de médecine sociale. La mise en place de soins de santé de qualité ne doit pas être entravée par une économie pauvre, un défaut de gouvernance, des difficultés d’accessibilité ou un manque de personnel qualifié. La construction d’États-providence solides en Europe a largement fait ses preuves face au défi actuel et pourrait servir de modèle, en particulier, pour améliorer les systèmes de soins de santé en Afrique. |
4.3.4. |
Les organisations de la diaspora africaine présentes au sein de l’UE doivent être associées sur un pied d’égalité à la création d’un partenariat entre l’UE et les États africains. Elles peuvent offrir un financement et un savoir-faire, et démontrer qu’une approche fondée sur les droits universels de l’homme permettra de renforcer les structures africaines nécessaires à la stabilité des entreprises, à l’engagement social et à un environnement sain. Elles savent l’importance de la mise en œuvre par l’Union européenne des droits universels de l’homme, connaissent les rouages des cadres de l’UE et pourraient servir de passerelle aux activités de l’UE dans leurs pays d’origine. |
4.4. Développement durable
4.4.1. |
Le développement durable n’est possible que s’il tire son origine et sa mise en œuvre de l’intérieur même d’un pays. Les capacités de développement propres à l’Afrique doivent être soutenues de manière à ce que des réformes soient engagées, que tous aient des perspectives décentes, et que les investissements publics et privés sur le continent soient rentables. |
4.4.2. |
L’Afrique a besoin d’une nouvelle approche de la politique industrielle qui soit organisée par secteur et coordonnée au niveau international, afin de créer des marchés plus vastes et des incitations plus intéressantes pour les industries durables, en particulier celles qui ne dépendent pas des combustibles fossiles (22). |
4.4.3. |
En termes d’efficacité économique (23), en ce qui concerne la production de carburant de synthèse utilisant la technologie photovoltaïque, la localisation est importante et les régions ensoleillées de l’équateur semblent être la zone idéale (24). Ce secteur pourrait également avoir une incidence favorable sur le développement économique des pays africains et leur permettre de participer à des projets internationaux dans le domaine de l’énergie. Toute aide au développement dans ce secteur pourrait avoir une incidence positive non seulement sur les pays qui en bénéficient, mais aussi sur les consommateurs d’énergie dans les pays développés (25). |
4.4.4. |
Les ODD préconisent, entre l’UE et ses partenaires africains, une relation fondée sur les droits universels de l’homme, dans laquelle tous œuvreraient ensemble dans l’esprit du pacte vert afin de sauver la planète et de créer des conditions de vie décentes pour tous. La participation institutionnalisée de la société civile organisée nous permettrait de faire preuve de discernement et d’éviter les erreurs passées grâce à de nouveaux moyens. |
4.4.5. |
Toutes les parties prenantes, y compris les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile, doivent promouvoir des projets, des activités commerciales et des politiques qui créent une nouvelle approche socio-écologique de l’économie de marché. Outre les aspects économiques, il convient de prendre davantage en considération les aspects sociaux et biophysiques fondamentaux (tels que le changement climatique). Par conséquent, non seulement les indicateurs économiques, mais aussi ceux qui tiennent compte des aspects globaux du bien-être pour tous doivent être pris en considération dans le cadre du développement durable (26), dans un partenariat de développement fondé sur l’égalité. |
4.4.6. |
De nombreux investissements agricoles ont des répercussions douteuses sur les populations. Des rapports font régulièrement état de violations des droits de l’homme et d’investisseurs –y compris européens — qui reviennent sur les accords portant sur la construction d’infrastructures ou la création d’emplois pour les populations locales. Le CESE est particulièrement opposé à l’«accaparement de terres» en Afrique. Les évaluations d’impact menées avec la participation de la société civile organisée doivent être plus rigoureuses et avoir des conséquences pour les investisseurs qui ne respectent pas les droits de l’homme et les ODD. Une possibilité consisterait à soutenir la création de registres fonciers et à organiser les agriculteurs résidents afin de créer des entreprises coopératives plus fortes sur les marchés internationaux. Une telle démarche aiderait l’UE et l’Afrique à atteindre leurs objectifs communs car elle créerait des structures garantes de l’égalité de traitement avec ses partenaires africains et renforcerait ces derniers par rapport à d’autres acteurs économiques majeurs. |
4.5. La coopération et le renforcement de la société civile dans les États africain, sur la base des droits universels de l’homme et des objectifs de développement durable — la voie du succès de l’UE pour un partenariat de développement sur un pied d’égalité
4.5.1. |
L’adoption d’une approche fondée sur les droits universels de l’homme, la mise en place de structures de gouvernance démocratique, l’amélioration de la gouvernance économique et financière par la gestion transparente des finances publiques ou la mise en place d’un système crédible pour lutter contre la corruption fondé sur un système judiciaire indépendant sont autant d’éléments qui contribuent à l’émergence de partenaires solides, autonomes et stables en matière de relations économiques et de développement. La participation de la société civile organisée pourrait assurément garantir la mise en œuvre de toutes ces mesures. |
4.5.2. |
Les promesses de l’UE doivent produire des résultats concrets. Ce n’est qu’en respectant les droits universels de l’homme et en atteignant les ODD que nous serons en mesure de rompre avec les dépendances et de devenir des partenaires de développement égaux. |
Bruxelles, le 16 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Comme stipulé dans les neuf clauses et conventions fondamentales des Nations unies en matière de droits de l’homme.
(2) JOIN(2020) 4 final.
(3) Étude du Parlement européen sur «L’accès aux voies de recours pour les victimes de violations des droits de l’homme commises par des entreprises dans des pays tiers», Bruxelles (2019).
(4) JOIN(2020) 4 final.
(5) Ministère allemand du développement, Afrika und Europa — Neue Partnerschaft für Entwicklung, Frieden und Zukunft (L’Afrique et l’Europe: un nouveau partenariat pour le développement, la paix et l’avenir) (2017).
(6) La Fondation autrichienne pour la recherche sur le développement recense, dans une étude intitulée The Economic and social effects of the Economic Partnership Agreements on selected African Countries (Les effets économiques et sociaux des accords de partenariat économique sur certains pays africains) (2018), les effets négatifs de l’APE sur la CEDEAO; la réduction des droits de douane peut coûter des milliards d’EUR à nos pays partenaires, soit une perte de recettes publiques pour le développement durable (JO C 97 du 24.3.2020, p. 18, paragraphe 5.5).
(7) Source: rapport oral de Jarosław Mulewicz, membre du CESE, faisant suite à une visite effectuée au cours d’une mission du CESE auprès du parc industriel de Bole Lemi, en Éthiopie, où sont établies des entreprises textiles asiatiques. Toutefois, le fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique doit promouvoir des conditions d’emploi durables et acceptables (ce qu’il a fait jusqu’à présent avec des résultats mitigés).
(8) Agence allemande de l’environnement, Globale Landflächen und Biomasse (Les surfaces agricoles mondiales et la biomasse), 2013.
(9) Gebauer, Trojanow, Hilfe? Hilfe! — Wege aus der globalen Krise (Au secours? Au secours! — Comment sortir de la crise mondiale)
(10) Voir la note de bas de page 8.
(11) Résolution du PE du 17 janvier 2019 2018/2151(INI); document de travail des services de la Commission SWD(2019) 333 final.
(12) Kingsley Ighobor in Africa Renewal, décembre 2016 — mars 2017, Diagnosing Africa’s medical brain drain (Diagnostic de la fuite des compétences médicales en Afrique)
(13) Commnication orale de Kais Sellami, PDG de Discovery Informatique, lors de la conférence Euromed de Barcelone en octobre 2019
(14) COM(2018) 773 — «Une planète propre pour tous — Une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat»
(15) Ainsi Werner Raza, directeur de la Fondation autrichienne pour la recherche sur le développement, lors de la conférence sur le thème «A good life for all needs a different Globalisation» (Pour que tous vivent bien, mondialisons autrement), mars 2020, Vienne
(16) Des études montrent qu’un certain niveau de salaire minimum réduit les pressions migratoires; voir par exemple Clemens, Does Development Reduce Migration? (Le développement réduit-il les migrations?) (2014).
(17) GK Partner (2019), Strategic, Business and Operational Framework for an African Diaspora Finance Corporation (Un cadre stratégique, commercial et opérationnel pour une société financière de la diaspora africaine).
(18) JO C 47 du 11.2.2020, p. 38, point 1.5.3.
(19) JO C 47 du 11.2.2020, p. 38 et JO C 97 du 24.3.2020, p. 9.
(20) JO C 81 du 2.3.2018, p. 29, point 1.9.
(21) Ibid., point 1.7.
(22) Victor, Geels, Sharpe, Accelerating the Transitions,(Accélérer les transitions), 2019.
(23) Janina Scheelhaase et al., Transportation Research Procedia 43 (2019) pp. 21-30.
(24) Prognos (2018), Importance of liquid energy sources for the energy transition (Importance des sources d’énergie liquides pour la transition énergétique).
(25) Radermacher F.-J. (2019), Die internationale Energie- und Klimakrise überwinden (Surmonter la crise énergétique et climatique internationale).
(26) Stiglitz, Joseph, Sen, Amartya et Fitoussi, Jean Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, (CMEPSP), 2009.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/114 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Contribution de la société civile au programme en matière d’environnement et au développement durable des Balkans occidentaux dans le cadre du processus d’adhésion à l’UE»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/16)
Rapporteure: |
Dragica MARTINOVIĆ DŽAMONJA |
Corapporteur: |
Pierre-Jean COULON |
Décision de l’Assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Relations extérieures» (REX) |
Adoption en section |
24.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
215/1/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) a soutenu et continue de défendre résolument l’élargissement de l’Union européenne aux six pays des Balkans occidentaux (1), pour autant qu’ils remplissent les critères nécessaires à l’adhésion. |
1.2. |
Dans ce contexte, le CESE salue les mesures prises par la Commission européenne concernant la méthodologie révisée, qui permet d’ouvrir les négociations d’adhésion à la Macédoine du Nord et à l’Albanie, et les efforts qu’elle déploie pour rendre le processus plus dynamique et plus prévisible. Cela étant, le Comité appelle à renforcer le rôle des partenaires sociaux et des organisations de la société civile. |
1.3. |
Le CESE estime que la relance après la crise de la COVID-19 devrait comprendre des politiques respectueuses de l’environnement, et que, dans les Balkans occidentaux, la transition écologique doit faire partie intégrante d’un plan de relance complet et tourné vers l’avenir (2). Dans cette perspective, il se félicite de l’annonce par la Commission européenne d’un ensemble de mesures d’aide à la relance à l’intention des pays des Balkans occidentaux. |
1.4. |
Le CESE est d’avis que les Balkans occidentaux devraient s’aligner sur les principales politiques et initiatives européennes et y être associés, s’agissant notamment, du fait de leur situation géographique, du pacte vert pour l’Europe. |
1.5. |
Compte tenu des investissements importants et des adaptations réglementaires nécessaires, le Comité est fermement convaincu que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ont un rôle tout à fait crucial à jouer dans la transition vers une société plus verte et plus durable, en particulier dans les contextes politiques spécifiques des pays des Balkans occidentaux. |
1.6. |
Le CESE rappelle qu’il importe de garantir la liberté d’association ainsi qu’un espace civique favorable, et d’intensifier le soutien envers le renforcement des capacités des organisations de la société civile, afin de permettre un dialogue civil fort et effectif. |
1.7. |
Le CESE rappelle que les Balkans occidentaux sont très sensibles aux conséquences du changement climatique, qui portent atteinte à la santé et à l’économie en général, et que des mesures urgentes sont nécessaires pour améliorer la qualité de vie des citoyens de la région, en particulier des enfants et des jeunes, au moyen d’une transition juste vers un modèle plus écologique, en gardant à l’esprit le principe selon lequel «personne ne devrait être laissé pour compte». |
1.8. |
Le CESE préconise que les futures actions en faveur de la transition écologique des Balkans occidentaux soient adaptées aux difficultés et aux besoins spécifiques de la région, notamment en ce qui concerne un cadre réglementaire adéquat, les activités transfrontalières, des solutions technologiques innovantes, l’énergie produite et consommée localement et l’efficacité énergétique, le transport urbain durable, les réseaux routiers et ferroviaires, l’engagement public et privé, les TIC et le déploiement de l’internet rapide, les mesures agroalimentaires, etc. |
1.9. |
Le Comité estime que les difficultés auxquelles sont confrontés les pays des Balkans occidentaux en ce qui concerne la décarbonation, la dépollution de l’air, de l’eau et des sols, la connectivité et le changement climatique peuvent être transformés en occasions à saisir en investissant dans la recherche et l’innovation, et en apprenant et en adoptant de nouvelles approches, à savoir l’économie circulaire, la gestion des déchets, des solutions plus écologiques en matière d’énergie et de connectivité, et des mesures actives visant à protéger la riche biodiversité de la région. |
1.10. |
Le CESE insiste sur l’importance de développer des compétences vertes au moyen de stratégies actives d’éducation et de formation à l’échelon national et régional, axées en particulier sur l’égalité entre les hommes et les femmes, en coopération avec les parties prenantes et dans le cadre d’un dialogue social efficace. |
1.11. |
Le CESE souligne qu’une bonne gouvernance et des institutions démocratiques, l’état de droit, des politiques efficaces de lutte contre la corruption, la lutte contre la criminalité organisée, le respect des droits de l’homme et la sécurité doivent être correctement mis en œuvre dans les Balkans occidentaux. L’écologisation de l’économie exigeant des investissements importants, il est essentiel de rappeler que l’état de droit est un facteur clé pour garantir un climat économique efficace et attirer les investissements privés et étrangers directs. |
2. L’intégration des Balkans occidentaux dans l’Union européenne
2.1. |
Le CESE a fermement soutenu l’élargissement de l’Union européenne aux six pays des Balkans occidentaux, pour autant qu’ils remplissent tous les critères nécessaires à l’adhésion. Il a tissé un réseau très solide avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile de cette région, résolument engagé à en faire entendre les voix. |
2.2. |
Le CESE se félicite de la solidarité manifestée par les dirigeants européens à l’égard des Balkans occidentaux lors du sommet de Zagreb du 6 mai 2020, mais rappelle qu’il a souligné, dans sa contribution (3), la nécessité d’un engagement plus ferme à l’avenir en faveur de l’élargissement, et qu’il y a déploré que l’importance de la voix de la société civile soit insuffisamment reconnue. |
2.3. |
Le CESE accueille favorablement la communication intitulée Renforcer le processus d’adhésion — Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux (4), qui propose une méthodologie d’adhésion révisée pour les pays candidats, et vise un processus plus crédible, afin de faire avancer l’élargissement, mais constate avec regret que le rôle des partenaires sociaux et des organisations de la société civile n’y est pas suffisamment reconnu. |
2.4. |
Le CESE demande à la Commission de renforcer le rôle de la société civile dans le suivi des actions déployées par les pouvoirs publics pour respecter les critères d’adhésion requis, en particulier concernant les «fondamentaux», ainsi que l’ensemble de chapitres intitulé «programme environnemental et connectivité durable». |
2.5. |
Le CESE soutient l’ensemble de mesures proposé par la Commission européenne pour aider les pays des Balkans occidentaux à faire face aux conséquences de la pandémie de COVID-19, comme il est précisé dans la communication sur la réaction de l’UE au niveau mondial face à la pandémie de COVID-19 (5) ainsi que dans la communication sur le soutien aux Balkans occidentaux dans la lutte contre la COVID-19 et la relance après la pandémie (6). |
2.6. |
Tout en renforçant ses engagements envers cette région, en ce qui concerne tant la réaction à la crise que le futur plan de développement économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux, le CESE préconise d’insister davantage sur les réformes et la conditionnalité appliquée par l’Union européenne en matière de réformes démocratiques et de respect des valeurs européennes fondamentales telles que l’état de droit et les droits fondamentaux. |
2.7. |
Le CESE réaffirme sa conviction selon laquelle les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile, tant au niveau de l’UE qu’à l’échelon national, devraient être associés de manière significative à l’ensemble du processus d’intégration des pays des Balkans occidentaux dans l’Union. Il est nécessaire de renforcer leurs capacités en leur apportant un soutien technique et économique, en facilitant leur accès aux sources de financement européennes et en les associant pleinement au processus des négociations d’adhésion (7). |
3. Le pacte vert, un aspect essentiel de l’intégration des Balkans occidentaux dans l’Union européenne
3.1. |
Le CESE estime que les Balkans occidentaux devraient poursuivre leurs efforts pour s’aligner sur les orientations, les objectifs et les valeurs de l’Union européenne, et que celle-ci devrait s’efforcer de faire participer les pays de la région à ses initiatives. Cela vaut en particulier pour le pacte vert pour l’Europe, qui doit intégrer les Balkans occidentaux précisément en raison de leur situation géographique, au cœur du continent européen et entourés de tous côtés par l’Union. Il n’est donc pas surprenant que la communication sur le pacte vert du 11 décembre 2019 annonce justement un «programme en matière d’environnement pour les Balkans occidentaux» (8), dans le cadre du plan de développement économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux, qui doit être présenté d’ici la fin de l’année 2020. |
3.2. |
Le CESE préconise que le programme en matière d’environnement pour les Balkans occidentaux encourage la coopération régionale et en renforce l’efficacité, en particulier dans les secteurs de l’énergie et des transports. Il est essentiel que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile participent activement et soient associés aux communautés, traités et initiatives existants en matière de coopération régionale, de manière à favoriser le bien-être et la santé des habitants de la région, tout en y libérant le potentiel d’une économie verte, à faible intensité de carbone et circulaire. Le programme en matière d’environnement pour les Balkans occidentaux devrait aborder ces questions à travers cinq piliers thématiques: 1) la décarbonation; 2) l’économie circulaire; 3) la biodiversité; 4) la pollution et 5) les mesures agroalimentaires. |
3.3. |
Le CESE est d’avis que les conséquences de la crise de la COVID-19 sur les citoyens et les entreprises seront considérables, et qu’il est donc nécessaire de repenser les objectifs stratégiques. Toutefois, le Comité estime que la transition écologique doit faire partie intégrante d’un plan de relance global, qui devrait être tourné vers l’avenir et prévoir des investissements publics et privés à grande échelle dans les transports et les liaisons énergétiques, ainsi que dans les technologies permettant des économies d’énergie au niveau de la demande et plus respectueuses de l’environnement, telles que l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’hydrogène propre, les batteries et le captage du dioxyde de carbone, qui évitent ou réduisent au minimum les répercussions sur l’environnement naturel et les populations. |
3.4. |
Le CESE déplore certaines analyses et tendances préoccupantes dans cette région, qui nécessitent de prendre des mesures d’urgence. Les économies des Balkans occidentaux dépendent encore largement des combustibles fossiles solides et se caractérisent par une forte intensité énergétique. La région est particulièrement touchée par le changement climatique (sécheresses, inondations), et l’augmentation de la température devrait y atteindre jusqu’à 4 oC d’ici la fin du siècle (9). Les véhicules de transport routier y sont généralement plus anciens et moins économes en carburant. Certaines villes de la région figurent en tête des classements européens des villes les plus polluées aux particules fines PM2,5 et PM10,0 (Sarajevo, Pristina, Skopje, Belgrade). |
3.5. |
Cependant, le CESE rappelle que cette région dispose d’un important potentiel dans le domaine des énergies renouvelables (hydraulique, éolien et solaire), ainsi que d’une immense réserve de ressources naturelles et d’une biodiversité extraordinaire. Les défis auxquels sont confrontés les pays de cette région en ce qui concerne la décarbonation, la dépollution de l’air, de l’eau et des sols, la connectivité et le changement climatique peuvent être transformés en chances à saisir par la recherche et l’innovation et l’adoption de nouvelles approches, ainsi que par une économie circulaire, la gestion des déchets, et des solutions plus écologiques en matière d’énergie, d’efficacité énergétique et de connectivité. |
3.6. |
Le CESE rappelle que, lors du sommet de Poznań sur les Balkans occidentaux (10), l’UE a confirmé son engagement en faveur de l’environnement et du climat, approuvant la déclaration commune sur la transition vers une énergie propre pour les Balkans occidentaux, datée du 21 février 2019. |
3.7. |
Le basculement des économies reposant sur les combustibles fossiles vers celles de type vert concerne également les questions qui ont trait aux interconnexions, depuis les infrastructures d’énergie, de transport et de distribution jusqu’au programme numérique. Pour réussir la transition vers une économie verte, les entreprises doivent être considérées comme une partie de la solution. Avec un cadre et un soutien adéquats, la transition vers des économies neutres en carbone permettra de moderniser l’industrie et de créer de nouveaux emplois de qualité, ainsi que davantage de possibilités d’emploi. La participation des partenaires sociaux, des associations d’entreprises et d’autres associations de la société civile des Balkans occidentaux à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir une économie à faible intensité de carbone, intelligente et circulaire, est essentielle. Dans le cadre de ce processus, les politiques sociales et le dialogue social constituent une garantie essentielle de la cohésion sociale, qui a vocation à créer des emplois pour tous et à réduire les inégalités et l’exclusion. |
3.8. |
Le CESE souligne la nécessité de pleinement associer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à la détermination du développement durable comme objectif politique prioritaire, afin d’encourager les «investissements verts» dans cette région. Les universitaires, les employeurs et les travailleurs, les catalyseurs sociaux comme les entrepreneurs, les médias et les autorités religieuses ou autres, au-delà des frontières nationales, sont des vecteurs importants d’un développement inclusif et durable. Les communautés scientifiques, les groupes culturels, les groupements d’entreprises et les associations de consommateurs, entre autres, disposent d’une expertise précieuse pour soutenir ce choix important pour la région des Balkans occidentaux, et faire en sorte qu’il soit le bon pour l’économie et la société. |
3.9. |
Il est nécessaire de développer des compétences vertes au moyen de stratégies actives d’éducation et de formation à l’échelon national et régional, en coopération avec les parties prenantes et dans le cadre d’un dialogue social efficace, notamment avec les étudiants, les enseignants et les parents, afin de parvenir à une économie à faible intensité de carbone, économe en ressources et respectueuse de l’environnement. Considérant la transition vers une économie circulaire comme un objectif stratégique pour les Balkans occidentaux, la promotion des compétences vertes devrait être alignée sur les stratégies de croissance nationales afin de garantir que les initiatives en matière d’éducation et de formation répondent aux objectifs stratégiques nationaux et bénéficient d’un financement suffisant. Le CESE demande qu’une attention particulière soit accordée à la participation des femmes à l’élaboration de nouvelles politiques en matière d’éducation et de formation (mise à niveau des compétences et reconversion de la main-d’œuvre) et à leur mise en œuvre, de manière à assurer une meilleure égalité entre les femmes et les hommes et une transition plus juste vers l’économie verte. |
3.10. |
En vue de lutter contre le chômage et l’inadéquation des compétences, il conviendrait d’établir un meilleur système de prévision des compétences, pour garantir que celles des étudiants et de la main-d’œuvre correspondent aux exigences du marché du travail, ainsi que de renforcer l’enseignement et la formation professionnels et, en particulier, l’apprentissage en milieu professionnel et les systèmes d’éducation en alternance qui ont contribué à faire reculer le chômage des jeunes dans certains États membres de l’UE. Dans cette perspective, il est nécessaire de solliciter et d’encourager la participation active des entreprises et des associations d’entreprises telles que les chambres de commerce. |
3.11. |
Dans le cadre de la transition vers une économie à faible intensité de carbone, le CESE soutient le principe selon lequel «personne ne devrait être laissé pour compte». Dans ce contexte, une attention particulière devrait être accordée aux citoyens et aux groupes particulièrement vulnérables, en veillant à ce que l’énergie soit abordable et accessible et à ce que ces groupes puissent bénéficier de l’appui aux mesures en matière d’efficacité énergétique. Il convient de soutenir les régions charbonnières dans leur transition juste, de sorte qu’elles puissent concevoir des plans de reconversion participatifs en partant de la base, de manière à limiter les pertes d’emplois. Les consommateurs doivent être informés, orientés et mis à contribution afin d’adopter et de mettre en œuvre des comportements responsables qui permettront de limiter les conséquences du changement climatique. |
3.12. |
Le CESE reconnaît l’importance géopolitique et géoéconomique de cette région pour l’UE, et appelle à faire preuve de vigilance en ce qui concerne les investissements provenant de pays tiers, qui tiennent souvent moins compte des objectifs de durabilité. Le Comité invite les autorités et la société civile de la région à favoriser et à faire connaître l’engagement positif et le soutien financier de l’UE en matière de déploiement de technologies plus vertes. |
3.13. |
Le CESE préconise une évaluation ex ante du financement des activités liées au développement durable dans les Balkans occidentaux, ainsi que de l’application du principe de conditionnalité concernant la durabilité des projets. |
4. Le changement climatique et les Balkans occidentaux
4.1. |
Le CESE rappelle que les Balkans occidentaux sont très sensibles aux effets du changement climatique, ayant subi des inondations et des sécheresses particulièrement dévastatrices au cours des années précédentes. L’étude du Conseil de coopération régionale (CCR) (11) sur le changement climatique a enregistré une augmentation de la température constatée de 1,2 oC, et prévoit une nouvelle augmentation de 1,7 à 4,0 oC d’ici la fin du siècle. Par ailleurs, les problèmes liés à la pollution de l’air, bien documentés, ont porté atteinte à la santé et à l’économie en général.
Alors que le changement climatique compromet la satisfaction des besoins fondamentaux de l’existence (abri, nourriture et eau), les enfants et les jeunes sont parmi les plus vulnérables face à ses conséquences directes et indirectes, qui sont aujourd’hui exacerbées par la pandémie de COVID-19 (12). |
4.2. |
Le CESE reconnaît l’importance des engagements pris par les pays des Balkans occidentaux dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat de 2015 (13), à savoir réduire les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que relever le niveau d’ambition de leurs contributions déterminées au niveau national au fil du temps en fonction des dernières données scientifiques. Outre les gouvernements, d’autres acteurs tels que les entreprises, les villes et les ONG ont un rôle majeur à jouer dans la mise en œuvre de l’accord de Paris. |
4.3. |
Le CESE reconnaît également les engagements pris par les pays de cette région dans le cadre des objectifs de développement durable du programme des Nations unies à l’horizon 2030, un plan directeur visant à relever les défis du développement durable, notamment la pauvreté, l’inégalité, le changement climatique, la dégradation de l’environnement, la paix et la justice. Il est en outre crucial que le nouveau modèle de développement soit soutenu par les citoyens, les entreprises et le secteur financier dans chaque pays, ainsi que sur le plan international. |
4.4. |
Le CESE sait que les négociations relatives à l’environnement et au changement climatique font partie des chapitres de négociation les plus épineux, en particulier s’agissant des directives exigeant des investissements lourds, par exemple celles qui portent sur l’eau, les déchets, les émissions industrielles et les échanges de droits d’émission. Cela étant, il estime que le changement climatique exige des mesures radicales et porteuses de transformations, ce qui nécessite non seulement un alignement des politiques et de la législation, mais également un changement de paradigme économique et une transition vers une société neutre en carbone, à l’épreuve du changement climatique et économe en ressources. Ainsi, les stratégies locales et nationales sur le climat et la décarbonation sont en réalité de nouvelles stratégies de croissance. |
4.5. |
Conscient que l’élaboration d’une stratégie en matière de climat exige de profondes réformes et des transformations dans tous les secteurs, le CESE appelle les pays des Balkans occidentaux à développer et à mettre en œuvre leurs stratégies en s’alignant sur l’acquis de l’UE, et à coordonner leurs travaux de manière à élaborer des stratégies à long terme de développement à faible émission de gaz à effet de serre d’ici 2050, dans le cadre de leur adhésion à la CCNUCC, en faisant activement participer et en renforçant la contribution de toutes les parties prenantes, y compris les organisations de la société civile. |
4.6. |
Tous les pays sauf la Bosnie-Herzégovine ont créé des organes de coordination de haut niveau sur le changement climatique afin d’intégrer les mesures climatiques aux autres politiques sectorielles, en particulier dans les domaines du développement économique, de l’énergie, des transports et de l’agriculture, dans le but de tenir compte des préoccupations et des observations de toutes les parties concernées lors de l’élaboration de documents stratégiques et politiques et de textes législatifs. Le CESE recommande que tous ces organes comprennent des représentants d’organisations de la société civile et des partenaires sociaux dès le début des consultations réglementaires et/ou législatives. Il recommande également qu’un mécanisme soit mis en place afin que toutes les préoccupations puissent être traitées de manière opportune, transparente et participative. |
4.7. |
Étant donné que la plupart des coûts de l’alignement sur la directive relative au système d’échange de quotas d’émission de l’UE devront être couverts par l’industrie, le CESE recommande que la société civile, l’industrie et les associations d’entreprises participent pleinement aux activités de sensibilisation et de renforcement des capacités en la matière. Cela représente une lourde obligation d’investissement pour les pays des Balkans occidentaux, en particulier pour ceux qui disposent d’un important secteur industriel, car ils n’ont pas la capacité suffisante pour faire face aux exigences de la directive, qui ne sont pas seulement liées à l’investissement, mais imposent également des changements en matière d’environnement réglementaire, de gestion, de suivi et de compte rendu, ainsi que de vérification et d’accréditation des émissions. |
5. L’énergie dans les Balkans occidentaux
5.1. |
Le CESE soutient l’union de l’énergie ainsi que le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, dans l’optique de réaliser les objectifs de l’accord de Paris. Les pays des Balkans occidentaux ont l’obligation de s’aligner sur ces politiques, mais devraient s’engager plus activement à cet égard et être associés à l’union de l’énergie dès les premières discussions. |
5.2. |
Le Comité souscrit à la déclaration conjointe de 2019 sur la transition vers une énergie propre pour les Balkans occidentaux, convenue par les ministres de l’énergie et de l’environnement de la région concernant les principes pour le développement durable de l’hydroélectricité dans les Balkans occidentaux (14), et rappelle que la contribution et la participation active des organisations de la société civile sont essentielles à l’adoption de ces principes. Il estime que, même s’il s’agit d’un bon début, il reste encore beaucoup à faire. |
5.3. |
Dans cette perspective, le CESE recommande de permettre aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile des Balkans occidentaux de jouer un rôle actif et concret dans les activités de l’observatoire de la pauvreté énergétique de l’UE, notamment en formulant des propositions. |
5.4. |
Le CESE estime que les efforts déployés pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, et une croissance durable en général, doivent être étayés par des mesures appropriées pour la région qui soient modernes et adaptées aux besoins. Il s’agit notamment de développer une infrastructure moderne et tournée vers l’avenir, de créer un cadre législatif et réglementaire adéquat et d’adopter de nouvelles technologies ainsi que les modèles d’entreprises correspondants, pour un développement «vert et inclusif» des économies de la région. Concrètement, cela se traduira par la construction de réseaux «intelligents» de transport et de distribution de l’électricité pour faire face à la part toujours plus importante des énergies renouvelables intermittentes dans la production d’électricité. De même, le développement de marchés infrajournaliers, d’équilibrage et de stockage contribue à la création de solutions axées sur le marché permettant d’allouer correctement les ressources dans le bouquet énergétique déjà en évolution, depuis les combustibles fossiles vers une énergie plus propre. |
5.5. |
Le CESE estime qu’un cadre législatif et réglementaire solide, moderne et transparent est fondamental pour développer le marché de l’énergie et attirer les nouveaux investissements nécessaires au financement de nouvelles infrastructures et capacités. Le rôle de la Communauté de l’énergie (15) ainsi que la transposition et la mise en œuvre de l’acquis de l’UE sont des conditions sine qua non. Par ailleurs, les activités transfrontières telles que le commerce de l’électricité peuvent améliorer l’efficacité et permettre des économies d’énergie et de coûts, à condition que tous les intervenants du marché suivent des règles comparables en matière de respect de la législation environnementale et de tarification du carbone. Ainsi, le rôle du conseil de régulation de la Communauté de l’énergie est primordial et devra être renforcé, en gardant à l’esprit que des choix durables nécessitent des marchés transfrontières qui fonctionnent bien. L’UE devrait soutenir le secrétariat de la Communauté de l’énergie afin d’aider les gouvernements régionaux à élaborer des plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat, axés sur les objectifs à l’horizon 2030 pour la région. Ces plans nationaux devraient traduire le niveau d’ambition requis pour décarboner l’économie, et tenir compte des garanties environnementales. Ils devraient prévoir des politiques et des mesures visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’ensemble des principaux secteurs émetteurs, afin de réaliser les objectifs à l’horizon 2030 et les contributions nationales déterminées dans le cadre de l’accord de Paris, et avoir comme perspective la transition vers une économie neutre en carbone d’ici 2050. |
5.6. |
Le CESE demande que l’instrument d’aide de préadhésion (IAP) prévoie un pourcentage suffisant de ressources budgétaires pour la transition verte. Il déplore le nombre limité de projets de recherche, développement et innovation dans les Balkans occidentaux, et invite les pays de la région à participer davantage aux programmes de l’UE disponibles, notamment Horizon Europe, car de tels investissements sont essentiels au développement de nouvelles technologies en vue d’une transition écologique efficace. |
5.7. |
Compte tenu de l’importance de l’innovation dans le paysage énergétique en évolution, le CESE recommande de sérieusement envisager, pour les pays de la région des Balkans occidentaux, l’énergie distribuée, c’est-à-dire l’énergie produite et consommée localement. Ses vastes chaînes de montagnes rendent en effet difficile et peu rentable un déploiement important de réseaux électriques à haute et moyenne tension. Les solutions technologiques actuelles sont bien plus abouties, et efficaces sur le plan économique, pour soutenir l’énergie distribuée. Les expériences actuelles de l’UE et son cadre législatif et réglementaire à l’appui des prosommateurs et des communautés énergétiques peuvent renforcer cette nouvelle approche. Ces modèles économiques peuvent fournir des solutions plus adaptées aux besoins et aux caractéristiques locales, en permettant aux acteurs locaux de contribuer directement aux solutions durables et de s’approprier ainsi la transition vers le développement durable. |
5.8. |
Par ailleurs, le CESE estime que l’efficacité énergétique recèle un grand potentiel dans les Balkans occidentaux. La rénovation du parc immobilier, y compris les bâtiments publics et privés, les activités industrielles et autres, permettra de réaliser d’importantes économies en termes d’énergie et de coûts, tout en s’attaquant au problème majeur de la précarité énergétique. Les économies d’énergie sont également un aspect important du modèle économique et social fondé sur l’«énergie locale», puisque la récupération de la chaleur à des fins industrielles et/ou résidentielles est pertinente aux niveaux local et régional. En outre, les pertes de distribution, conséquentes dans la plupart des pays de la région, nécessitent des investissements majeurs. Les financements européens et internationaux pourraient donc, dans ce contexte aussi, contribuer à développer une production et une consommation d’énergie efficaces, locales et à impact réduit. Compte tenu des moyens limités des pays de la région, ces financements seront nécessaires au vu de l’intensité capitalistique initiale des investissements et de leur période d’amortissement relativement longue. Les technologies européennes sont techniquement et économiquement viables, et donc adaptées à cette région. Le CESE demande à l’Union européenne et aux organismes de financement compétents de renforcer leur engagement en faveur de projets locaux et régionaux en matière d’efficacité énergétique. |
5.9. |
Selon le Comité, la Communauté de l’énergie, qui vise à étendre l’acquis de l’UE dans les domaines de l’énergie, du climat et de l’environnement aux pays candidats à l’adhésion et aux pays voisins, devrait être plus étroitement intégrée au projet de l’Union de l’énergie, en particulier s’agissant des actions prioritaires recensées ci-dessus. Les organisations de la société civile devraient être systématiquement associées et intégrées aux rencontres de la Communauté de l’énergie. |
6. La connectivité dans les Balkans occidentaux
Transports
6.1. |
Le CESE est pleinement favorable à l’élaboration de réseaux de transport modernes et «à l’épreuve du futur» dans cette région, afin de favoriser le commerce et la mobilité transfrontières. Les réseaux urbains et routiers des Balkans occidentaux, ainsi que leurs réseaux ferroviaires particulièrement vétustes, nécessitant une amélioration radicale, toute construction nouvelle devrait, dès le départ, être pensée de manière à favoriser l’électromobilité ou les véhicules à hydrogène propre, mais également au gaz, s’il y a lieu. Cela permettrait de rendre ces infrastructures viables et adaptées pendant plusieurs décennies, tout en améliorant la qualité de l’air et en réduisant les importations de carburants. |
6.2. |
L’UE ainsi que les entreprises et l’expertise européennes peuvent contribuer à l’introduction harmonieuse de toutes les possibilités durables éventuelles qui seront choisies dans la région (par exemple l’électromobilité, les biocombustibles, l’hydrogène propre). Le CESE invite les Balkans occidentaux à collaborer activement avec les acteurs publics et privés de l’UE et à prendre des mesures audacieuses visant à développer leurs réseaux de transport. Il recommande également de tenir compte des exemples de bonnes pratiques observés dans l’UE, notamment les plans de mobilité urbaine durable (PMUD). Ces initiatives pourraient être mises en œuvre par l’intermédiaire de la Communauté des transports, organisation encore peu active. |
Technologies de l’information et de la communication
6.3. |
Les réseaux de données et les TIC sont en passe de devenir l’épine dorsale de l’activité économique, industrielle, et sociale. De plus, il existe un lien direct fondamental entre les TIC, les réseaux internet rapides et le développement durable: l’automatisation que les réseaux intelligents permettent favorise la création de solutions efficaces, par exemple l’internet des objets, les villes et villages intelligents, les compteurs intelligents, les véhicules connectés, etc. Un financement à grande échelle est nécessaire pour de tels réseaux et technologies, qui sont actuellement coûteux mais pourraient transformer les économies de la région. Par conséquent, le CESE demande que les fonds de l’UE soient mobilisés à cette fin, mais il invite également les Balkans occidentaux à travailler ensemble à l’élaboration d’un plan directeur régional pour le déploiement de l’internet rapide, qui leur permettrait de négocier des contrats conjoints et d’obtenir de meilleures conditions au moyen de négociations collectives à l’échelle régionale. |
7. Ressources naturelles, biodiversité et mesures agroalimentaires dans les Balkans occidentaux; possibilités de croissance
7.1. |
Les Balkans occidentaux possèdent une riche biodiversité et des espaces naturels vierges fortement boisés, mis en danger à plusieurs reprises, notamment par l’étalement des zones bâties dans les régions urbaines et côtières, les activités minières, un développement peu réglementé de petites centrales hydroélectriques construites sans analyse complète de leurs incidences sur la biodiversité, et une chasse et une coupe de bois non réglementées. Les pouvoirs publics ont pris une série de mesures pour protéger les espèces et les habitats, en augmentant la part protégée de leur territoire. |
7.2. |
Le CESE recommande aux pays des Balkans occidentaux de réfléchir à des solutions qui rendraient leurs fragiles économies plus efficaces dans l’utilisation des ressources, et leur permettraient de progresser vers l’économie circulaire, de développer et de mettre en œuvre des mécanismes de protection durable des paysages et des habitats à haute valeur sociale et de conservation (y compris les rivières) qui se trouvent menacés, et de basculer vers les nouvelles technologies vertes. La riche biodiversité et les habitats vierges de cette région représentent un potentiel économique important pour l’écotourisme et l’agritourisme, à condition d’en renforcer les capacités et la conformité. En moyenne, l’utilisation des ressources est très peu efficace, tandis que la productivité des ressources est cinq fois inférieure à la moyenne de l’UE, les pratiques de recyclage et de gestion des déchets étant insuffisantes. Pour améliorer la situation, une transition vers l’économie circulaire est nécessaire, de même que le développement et l’utilisation de nouvelles technologies vertes dans la région. |
7.3. |
Le CESE recommande aux différents pays d’adhérer pleinement aux principes de la nouvelle stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité (16), en mettant l’accent sur l’extension de la superficie des zones protégées, ainsi que sur la protection stricte et la restauration des habitats dégradés. Il les encourage donc fortement à revoir, dans les meilleurs délais, leurs stratégies nationales et leurs plans d’action en faveur de la biodiversité, et/ou, au moins, à présenter des engagements nationaux concernant les objectifs prioritaires. |
7.4. |
Le changement climatique perturbe la production alimentaire et les chaînes de valeur, et provoque des dommages et des pertes de production considérables dans les secteurs de la culture, de l’élevage, de la pêche et de la foresterie. La stratégie «De la ferme à la table» (17), récemment proposée par l’UE, devrait définir les principes directeurs pour l’élaboration de stratégies agricoles régionales et nationales, prévoyant notamment la réduction des pesticides, des engrais et des antibiotiques afin de produire des aliments durables et de garantir aux agriculteurs un revenu décent grâce à des prix corrects, tout en éliminant progressivement les subventions préjudiciables à l’environnement. |
8. Conditions transversales pour une transition durable réussie dans les Balkans occidentaux
8.1. |
Le CESE rappelle que les Balkans occidentaux ne pourront réussir leur transition écologique sans des conditions de départ favorables, concernant prioritairement des cadres politiques nationaux stables et transparents et une volonté politique. L’état de droit visé dans l’ensemble des «fondamentaux», tel que défini dans la méthodologie d’adhésion révisée, est une valeur fondamentale sur laquelle l’Union européenne est construite, qui détermine comme il se doit le rythme du processus d’élargissement. L’absence d’état de droit crée un environnement défavorable au changement, aux investissements et à la nécessaire transition vers des sociétés plus durables. |
8.2. |
Le CESE exhorte donc les autorités nationales de toute la région à prendre des mesures immédiates, radicales et cohérentes pour garantir le fonctionnement efficace et transparent des administrations publiques, combattre et éradiquer la corruption, assurer l’indépendance totale des systèmes judiciaires, créer un environnement prévisible et attrayant pour les entreprises et des conditions de concurrence équitables (autrement dit, garantir la transparence du marché, une réglementation claire et des consultations ouvertes avec toutes les parties prenantes), promouvoir l’innovation et la compétitivité, et renforcer la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, seul moyen d’obtenir des résultats concrets sur le long terme. |
8.3. |
L’ensemble des composantes de la société civile organisée, les partenaires sociaux et les autres organisations jouent un rôle central et actif dans les efforts réalisés pour instaurer le développement durable dans les Balkans occidentaux. Leur lien avec la société est tel qu’ils peuvent asseoir leur légitimité et mobiliser un ferme soutien de l’opinion publique en faveur de cet objectif politique. La société civile organisée contribuera à promouvoir le développement durable en tant que «choix sociétal actif», c’est-à-dire un choix adopté et appuyé au-delà des clivages politiques et sociaux. |
8.4. |
Le CESE rappelle aux autorités des pays des Balkans occidentaux qu’il importe de garantir la liberté d’association et de garantir un espace civique propice à un dialogue civil fort et effectif. Il invite tous les gouvernements des Balkans occidentaux à adopter des stratégies nationales contribuant à l’instauration d’un environnement favorable pour les partenaires sociaux et les organisations de la société civile et au renforcement de leurs capacités, ainsi que des plans d’action d’accompagnement. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo (désignation utilisée sans préjudice des positions sur le statut du Kosovo et conformément à la résolution 1244/99 du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu’à l’avis de la Cour internationale de justice sur la déclaration d’indépendance du Kosovo), Monténégro, Macédoine du Nord et Serbie.
(2) COM(2020) 315 final (29.4.2020), «Communication sur le soutien aux Balkans occidentaux dans la lutte contre la COVID-19 et la relance après la pandémie».
(3) Contribution du CESE au sommet UE-Balkans occidentaux du 6 mai 2020 (publiée le 28.4.2020).
https://www.eesc.europa.eu/fr/news-media/presentations/contribution-au-sommet-ue-balkans-occidentaux-du-6-mai-2020
(4) COM(2020) 57 final (5.2.2020), «Renforcer le processus d’adhésion — Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux».
(5) JOIN(2020) 11 (8.4.2020), «Communication sur la réaction de l’UE au niveau mondial face à la pandémie de COVID-19».
(6) COM(2020) 315 final (29.4.2020), «Communication sur le soutien aux Balkans occidentaux dans la lutte contre la COVID-19 et la relance après la pandémie».
(7) JO C 262 du 25.7.2018, p. 15.
(8) COM(2019) 640 final (11 décembre 2019), Annexe de la communication sur le pacte vert pour l’Europe.
(9) https://www.rcc.int/pubs/62
(10) Lancée en 2014, l’initiative du Groupe des six des Balkans (également appelée processus de Berlin) vise notamment à aider les six parties contractantes de la Communauté de l’énergie d’Europe du Sud-Est (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo*, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie) à renforcer la coopération régionale et à favoriser une croissance et des emplois durables.
(11) https://www.rcc.int/pubs/62
(12) L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que ce sont les enfants qui souffriront de plus de 80 % des maladies, préjudices et décès imputables au changement climatique.
(13) N’étant pas partie à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le Kosovo n’a pas présenté de contribution déterminée au niveau national (CDN). Il a toutefois adopté la stratégie en matière de changement climatique.
(14) L’hydroélectricité parmi d’autres sources d’énergie renouvelables; la réhabilitation des structures existantes en priorité; un nombre limité de nouvelles grandes centrales hydroélectriques; l’intégration au réseau de sources d’énergie renouvelables et du marché régional de l’électricité; la gestion intégrée des ressources en eau; la prise en compte des conséquences du changement; la prise en compte des incidences du développement de l’hydroélectricité sur l’environnement; et les considérations transfrontières et les principes de durabilité dans la programmation de l’hydroélectricité.
(15) La Communauté de l’énergie, établie en 2006 (et dont le mandat a été prorogé en 2016), vise à généraliser les règles et les principes du marché intérieur de l’énergie de l’UE parmi ses membres, à savoir l’Union européenne, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Kosovo, le Monténégro, la Serbie, la Moldavie, l’Ukraine, ainsi que parmi les pays ayant le statut d’observateur, l’Arménie, la Géorgie, la Norvège et la Turquie. Son siège se situe à Vienne (www.energy-community.org).
(16) COM(2020) 380 final (20 mai 2020), «Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030».
(17) COM(2020) 381 final, «Une stratégie “De la ferme à la table”».
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/122 |
Avis du Comité économique et social européen sur les «Marchés du carbone: émergence, structuration et défis pour l’industrie européenne»
(avis d’initiative)
(2020/C 429/17)
Rapporteure: |
Emmanuelle BUTAUD-STUBBS |
Décision de l’assemblée plénière |
20.2.2020 |
Base juridique |
Article 32 paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Relations extérieures» |
Adoption en section |
24.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
220/0/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. La nouvelle donne des marchés du carbone
1.1.1. |
De nombreux marchés du carbone sont en place à travers le monde, et le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE) ne fonctionne pas de manière isolée. Ces marchés sont de tailles diverses et suivent des règles différentes, mais ils présentent des caractéristiques communes telles que la mise en place de certains mécanismes de marché visant à mesurer les émissions de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre (GES) ainsi qu’à en fixer le prix par tonne. |
1.1.2. |
La Commission européenne devrait surveiller les marchés locaux du carbone afin de recenser les bonnes pratiques qui pourraient être utiles pour la révision du SEQE-UE et de la directive sur l’énergie. Cette connaissance et cette compréhension d’autres marchés du carbone sont en outre essentielles pour calibrer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui devrait s’appliquer différemment aux pays disposant d’un marché du carbone et à ceux qui n’en ont pas. |
1.1.3. |
La pandémie actuelle de COVID-19 ne saurait ralentir la lutte contre le changement climatique, que ce soit au niveau européen ou international. Cela signifie que le pacte vert pour l’Europe devrait être mis en place selon le calendrier prévu, car le moindre retard nous éloigne de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Plus important encore, les trains de mesures de relance doivent être alignés sur l’objectif climatique de l’UE et harmonisés avec l’objectif du pacte vert pour l’Europe. |
1.1.4. |
Le CESE estime que l’adoption de l’article 6 de l’accord de Paris constitue une occasion rêvée de renforcer l’action pour le climat après 2020, et demande dès lors à la Commission européenne d’obtenir un mandat clair des États membres afin de parvenir au compromis nécessaire pour l’adoption des orientations relatives à l’article 6 lors de la vingt-sixième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 26) en 2021. |
1.2. Le règlement sur les échanges entre marchés du carbone
1.2.1. |
La diversité des marchés du carbone et des juridictions dont ils relèvent donne lieu à différents niveaux de prix du carbone, qui se situent actuellement entre1 USD et plus de 30 USD par tonne équivalent CO2, ce qui signifie que les échanges bilatéraux entre chacun de ces marchés du carbone devraient tenir compte de ces variations au moyen de certains mécanismes spécifiques (compensation, ajustement, etc.) pour les secteurs les plus gourmands en énergie et les plus exposés à la concurrence (acier, ciment et autres). |
1.2.2. |
Ce problème d’asymétrie entre les niveaux de prix du carbone devrait être une priorité pour l’Union européenne. Différentes solutions sont envisageables pour atténuer cette asymétrie et protéger la compétitivité de l’industrie européenne, dont l’allocation gratuite de quotas, le couplage du SEQE-UE avec d’autres régimes et les ajustements carbone aux frontières. |
1.2.3. |
Le CESE soutient la stratégie du pacte vert et demande à la Commission européenne de soumettre ses différentes propositions dans les prochains mois, comme prévu, y compris celle relative au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Si un tel mécanisme pourrait potentiellement permettre aux secteurs de l’Union présentant la plus forte intensité de carbone de bénéficier de conditions équitables par rapport à leurs concurrents de marchés tiers dans des pays qui n’ont pas de politique climatique ambitieuse, son efficacité dépendra pour l’essentiel des modalités de mise en œuvre proposées, que le CESE attend impatiemment de connaître. |
1.2.4. |
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières étant une priorité législative du mandat actuel de la Commission européenne, le CESE a déjà contribué à cette réflexion afin de concevoir un outil compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui soit efficace dans la lutte contre le changement climatique et utile pour la compétitivité de l’industrie européenne (1). L’objectif est également de prévenir l’adoption de mesures compensatoires par des pays tiers grâce à un processus de consultation qui comprendra un dialogue sur la méthode de mesure et de comparaison des émissions de carbone, ainsi que sur les meilleures technologies disponibles. |
1.2.5. |
Dans tous les cas, ces mesures de politique climatique devraient faire partie d’une stratégie globale et intégrée prévoyant des mesures industrielles, un accès aux financements et aux investissements, des efforts de normalisation, des programmes de recherche et de développement ainsi que des politiques de formation afin de faciliter la transition de l’Union vers des technologies propres. |
1.2.6. |
Il convient de bien organiser, au niveau des États membres, l’élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles qui faussent le plus la concurrence au sein de l’Union et de prendre en compte la nécessité d’utiliser une partie des recettes provenant de la vente des quotas d’émission afin de garantir une transition juste pour les régions dépendantes du charbon. Une telle stratégie aidera l’Union européenne à s’engager plus résolument dans les futures négociations plurilatérales de l’OMC sur la réduction des subventions en faveur des combustibles fossiles. |
2. L’émergence de nombreux marchés du carbone dans le monde et leurs caractéristiques
2.1. Définitions
2.1.1. |
La tarification du carbone est l’un des principaux outils politiques permettant de réduire les émissions de GES. Selon la Banque mondiale, la tarification du carbone est un instrument qui permet de déterminer les coûts externes des émissions de GES, c’est-à-dire les coûts supportés par la collectivité de manière indirecte (comme les pertes de récoltes et les frais de santé découlant des vagues de chaleur et des épisodes de sécheresse, et les dommages causés aux biens par les inondations et l’élévation du niveau de la mer), et d’associer ces coûts à ceux qui en sont à l’origine en établissant généralement un prix pour le dioxyde de carbone émis. |
2.1.2. |
La notion de tarification du carbone peut prendre différentes formes lorsqu’elle est traduite en politique: taxe sur le carbone ou marché du carbone. L’une des formes les plus courantes est un système d’échange de droits d’émission. Comme l’explique l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les systèmes d’échange de droits d’émission contribuent à l’efficacité économique en facilitant les réductions d’émissions là où il est le moins coûteux d’y parvenir. Les pollueurs pour lesquels la réduction des émissions s’avérerait coûteuse sont autorisés à acheter des droits d’émission aux pollueurs qui peuvent réduire leurs émissions à moindre coût. Dans un marché fonctionnant «parfaitement», les coûts de réduction d’une unité supplémentaire d’émissions seraient égalisés, et les coûts totaux pour atteindre un objectif environnemental donné seraient réduits au minimum. |
2.1.3. |
Il existe deux grands types de systèmes d’échange de droits d’émission: un système de plafonnement et d’échange des droits d’émission dans lequel une limite supérieure d’émissions est fixée et les droits d’émission sont soit vendus aux enchères soit distribués gratuitement selon des critères spécifiques, et un système fondé sur des niveaux de référence et de crédit dans lequel il n’y a pas de limite fixe d’émissions, mais où les pollueurs qui réduisent leurs émissions dans une plus large mesure qu’ils ne sont tenus de le faire accumulent des «crédits» qu’ils vendent à d’autres. |
2.2. Vue d’ensemble
2.2.1. |
À l’heure actuelle, il existe 21 régimes d’échange de droits d’émission fonctionnant sur quatre continents et couvrant 29 juridictions. Ces systèmes fonctionnent aux niveaux supranational, national et infranational (État, région et ville). Les territoires qui représentent 42 % du produit intérieur brut (PIB) mondial ont recours à l’échange de droits d’émission. Les SEQE-UE couvrent 9 % des émissions mondiales de GES, et près d’un sixième de la population mondiale vit sous un régime d’échange de droits d’émission en vigueur. Vingt-quatre autres systèmes sont actuellement en cours de développement ou à l’étude (2). |
2.2.2. |
À l’heure actuelle, des régimes d’échange de droits d’émission sont en place à plusieurs niveaux:
|
2.2.3. |
Le SEQE-UE est le plus grand et le plus ancien des régimes d’échange de droits d’émission. Lancé en 2005, il couvre environ 45 % des émissions de l’Union. Il est suivi, tant du point de vue de la taille que de celui de la date de lancement, par les systèmes de la Californie et de la Corée. |
2.3. Caractéristiques communes et particularités des marchés du carbone
2.3.1.
2.3.1.1. |
Bien qu’il n’existe pas deux systèmes d’échange de droits d’émission identiques, les différents systèmes, ou tout du moins la plupart d’entre eux, partagent certaines caractéristiques et certains choix de conception:
|
2.3.2.
2.3.2.1. |
Néanmoins, il existe certaines différences entre les divers systèmes d’échange de droits d’émission, notamment en ce qui concerne leurs caractéristiques de conception:
|
2.4. Aperçu du SEQE-UE, le premier et le plus grand marché du carbone
2.4.1. |
Le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE) est le plus ancien et le plus important système de plafonnement et d’échange de droits d’émission visant à réduire les émissions de GES (3). Le SEQE-UE a été établi et étendu en trois phases: phase I (2005-2007), phase II (2008-2012; alignée sur la première période d’engagement au titre du protocole de Kyoto), phase III (2013-2020; alignée sur la deuxième période d’engagement au titre du protocole de Kyoto) (4). |
2.4.2. |
La phase IV débutera en 2021 et s’étendra jusqu’en 2030. Le SEQE-UE couvre environ 11 000 centrales électriques, usines de fabrication et autres installations fixes, ainsi que les activités aériennes, dans 30 pays: l’EU-27 ainsi que l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Au total, environ 45 % des émissions totales de GES de l’Union sont couvertes par le SEQE-UE (5). |
2.4.3. |
Le cadre d’action en matière de climat et d’énergie de l’Union à l’horizon 2030, adopté en octobre 2014, réaffirme la stratégie de l’Europe pour parvenir à la décarbonation et étend au-delà de 2020 l’horizon temporel des objectifs de décarbonation de l’Union, dont celui visant à réduire, à l’horizon 2030, les émissions de GES d’au moins 40 % (par rapport aux niveaux de 1990). |
2.4.4. |
Pour contribuer à la réalisation des réductions d’émissions de GES susmentionnées d’ici à 2030, le SEQE-UE vise à réduire les émissions de 43 % (par rapport à 2005) dans les secteurs qu’il couvre (6). La phase IV du SEQE-UE se déroulera de 2021 à 2030. L’objectif de la phase IV est d’accélérer le rythme des réductions d’émissions, de mettre en place des règles mieux ciblées en matière de fuites de carbone, ainsi que de financer des innovations à faible intensité de carbone et la modernisation du secteur de l’énergie (7). La Commission européenne a introduit de nouvelles règles pour réformer le SEQE-UE avant la phase IV et, surtout, pour aligner la trajectoire d’abaissement des plafonds sur l’objectif de réduction des émissions à l’horizon 2030. |
2.5. Mesures complémentaires dans le cadre d’une stratégie climatique globale de l’Union
2.5.1. |
Au niveau de l’Union, le SEQE-UE n’est pas la seule politique européenne mise en œuvre pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques de l’Union fixés à l’horizon 2020. Le paquet de l’Union sur le climat et l’énergie à l’horizon 2020 fixe trois objectifs différents à atteindre d’ici à 2020:
|
2.5.2. |
Alors que le SEQE-UE a été conçu comme l’instrument politique clé pour décarboner l’économie européenne et atteindre le premier de ces objectifs, la directive sur les sources d’énergie renouvelables et la directive relative à l’efficacité énergétique ont été mises en œuvre en vue d’atteindre les deuxième et troisième objectifs. |
2.5.3. |
En outre, un certain nombre d’États membres ont mis en œuvre au niveau national des politiques venant compléter et se superposer à la politique européenne, concernant principalement les prix planchers et l’abandon progressif du charbon. Pour garantir une réglementation efficace, il convient d’éviter les incidences négatives des politiques complémentaires et redondantes. |
2.5.4. |
La mise en œuvre de telles politiques pourrait compromettre significativement le fonctionnement du marché du carbone de l’Union. Une forte diminution des émissions du fait de la mise en œuvre de ces politiques entraînerait une réduction de la demande de quotas d’émission et, dès lors, fausserait l’équilibre du marché. |
2.5.5. |
Cet effet peut être atténué dans une certaine mesure par la réserve de stabilité du marché, qui a commencé à fonctionner en janvier 2019 et vise à absorber l’excédent de quotas qui s’accumule sur le marché. De 2019 à 2023, la réserve de stabilité du marché absorbera 24 % de l’excédent. Cette part diminuera pour se situer à 12 % à partir de 2024, et, à compter de 2023, les quotas détenus dans la réserve de stabilité du marché au-delà du nombre total de quotas mis aux enchères au cours de l’année précédente ne seront plus valables. Il est néanmoins essentiel de veiller à une plus grande transparence et à une meilleure comparabilité de ces politiques qui se superposent au SEQE-UE, et d’en limiter autant que possible les effets négatifs lorsque ceux-ci sont importants. |
2.5.6. |
La question des subventions en faveur des combustibles fossiles accordées aux niveaux national et régional devrait figurer en meilleure place dans l’échelle des priorités de l’Union, eu égard à leur ampleur — jusqu’à 300 milliards d’euros par an; ce montant représente un tiers de l’investissement total pour le pacte vert et devrait donner lieu à un engagement plus proactif de l’Union dans les futures négociations au sein de l’OMC concernant une élimination progressive des subventions en faveur des combustibles fossiles à l’échelle mondiale. |
2.5.7. |
Le CESE estime en outre que les énergies renouvelables sont un outil formidable pour le développement régional (biomasse, énergie éolienne, énergie solaire, etc.). La principale question est de savoir de quelle manière combiner les deux politiques, l’élimination progressive des subventions en faveur des énergies fossiles (charbon, pétrole), d’une part, et l’introduction progressive d’incitations aux énergies renouvelables, d’autre part. |
3. Enjeux et perspectives pour l’avenir des marchés du carbone
3.1. |
La COVID-19 et son incidence sur la politique en matière de changement climatique |
3.1.1. |
Les mesures de confinement ont entraîné une baisse des émissions de dioxyde de carbone (CO2) de 58 % par jour dans l’Union européenne (8). Si ces mesures durent 45 jours dans une majorité d’États membres, 45 mégatonnes de CO2 peuvent être évitées en 2020, soit 5 % des émissions annuelles de l’Union. Dans les transports routier et aérien, les émissions quotidiennes sont dix fois inférieures à la normale, tandis que la baisse de la consommation d’énergie atteint les 40 %. |
3.1.2. |
La forte baisse des émissions actuellement enregistrée devrait être temporaire et l’UE sera bientôt confrontée aux mêmes problèmes en matière de décarbonation (9). Cela signifie que le pacte vert pour l’Europe devrait être mis en place selon le calendrier prévu, car le moindre retard nous éloigne de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. |
3.1.3. |
Les instruments de marché visant à réduire les émissions de GES font preuve d’une bonne résilience aux effets de la COVID-19. Les prix des quotas d’émission ont diminué compte tenu de la baisse de la demande attendue, ce qui soulage à court terme les entreprises touchées. Les mesures de stabilisation du marché intégrées dans la plupart des systèmes d’échange de droits d’émission en place garantissent que les prix du carbone ne descendront pas en dessous d’un certain seuil et que ce déclin ne se prolongera pas à moyen ou à long terme. Il convient de veiller à ce que ces mesures soient suffisantes pour résister aux conséquences de la COVID-19. C’est là un point essentiel pour garantir une stabilité à long terme des prix du carbone. Les régulateurs ont également été en mesure de garantir de la flexibilité concernant les délais réglementaires et de mise en conformité en des circonstances extrêmement perturbatrices. |
3.2. |
L’adoption de règles communes pour libérer le potentiel des marchés du carbone (article 6 de l’accord de Paris) |
3.2.1. |
L’accord de Paris, adopté en décembre 2015, a ouvert la voie à la lutte contre le changement climatique pour la seconde moitié du siècle, voire beaucoup plus longtemps. En vertu de l’accord de Paris, les États parties sont censés proposer des contributions déterminées au niveau national (CDN) décrivant leur contribution à l’objectif global de l’accord. Les CDN sont dans l’ensemble très diverses, mais comprennent généralement un objectif de réduction des émissions pour les dix années suivantes. |
3.2.2. |
L’article 6 de l’accord de Paris vise à établir un cadre permettant aux pays de coopérer dans la mise en œuvre des CDN, y compris par des approches fondées sur le marché. Il offre donc la possibilité d’établir un cadre pour la création d’un marché international du carbone au titre de l’accord de Paris. Plus important encore, cet article peut être un moteur essentiel en vue de l’adoption et de l’expansion de politiques de tarification du carbone et de systèmes d’échange de quotas d’émission. Grâce à l’article 6, les pays qui utilisent un régime d’échange de droits d’émission pourront relier leur système à un autre régime d’échange de droits d’émission, et utiliser ce couplage comme moyen d’atteindre leurs CDN. Les pays seront également en mesure de se procurer des crédits internationaux à utiliser pour se conformer à leurs politiques nationales grâce à un cadre international régissant le marché. Les négociations entourant la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) n’ont pas permis d’adopter d’orientations pour la mise en œuvre de l’article 6 lors de la COP 24 en 2018 et de la COP 25 en 2019, en raison d’importantes divergences entre certaines parties. L’adoption des orientations relatives à l’article 6 est maintenant à l’ordre du jour de la COP 26, et il est crucial de conclure ce processus sans plus tarder. |
3.3. |
La négociation d’un accord bilatéral ambitieux et équilibré sur les marchés du carbone entre l’EU-27 et le Royaume-Uni |
3.3.1. |
Il existe un consensus au sein de la Commission européenne sur le fait que le Royaume-Uni serait un partenaire formidable en ce qui concerne les questions de changement climatique, mais celle-ci estime également que, pour résister à l’épreuve du temps, des dispositions claires en matière de climat doivent être intégrées dans un accord afin d’encadrer les manœuvres du Royaume-Uni pour s’écarter des règles de l’Union. |
3.3.2. |
L’approche de l’Union repose sur quatre éléments:
|
3.4. |
Enseignements tirés de l’accord économique et commercial global (AECG) et possibilités de coopération bilatérale en matière de climat |
3.4.1. |
L’article 24.4 de l’AECG, dans lequel le Canada et l’Union européenne réaffirment leur engagement à mettre en œuvre les accords multilatéraux auxquels ils sont parties, contient une disposition qui lie le commerce et l’environnement. Cette disposition pourrait servir de passerelle vers la tenue de discussions entre le Canada et l’Union européenne concernant la mise en œuvre des accords multilatéraux sur l’environnement lorsqu’il existe des préoccupations communes, voire de base permettant au Canada et à l’Union européenne d’élaborer ou de mener de nouvelles initiatives de coopération en matière de climat dans le cadre de l’accord de Paris. |
3.4.2. |
L’article 22.3 de l’AECG préconise une coopération entre le Canada et l’Union sur les questions de développement durable liées au commerce. Le plan de travail au titre de l’article 24 prévoit une coopération sur les effets du commerce et des investissements sur les politiques environnementales ainsi que la prise en considération des aspects commerciaux du régime de lutte contre les changements climatiques, tels que les questions se rapportant aux marchés du carbone ainsi que la mise au point et le transfert de technologies propres. L’article 24.12 contient une liste de dix exemples de domaines de coopération potentielle sur des questions environnementales entre les parties, pour certains desquels l’AECG servirait de plateforme permettant de «multilatéraliser» l’élaboration des politiques nationales. |
3.4.3. |
Les travaux conjoints de l’Union et du Canada sur les ajustements carbone aux frontières offrent des possibilités de coopération sur «les aspects commerciaux du régime international actuel et futur de lutte contre les changements climatiques». Cette coopération pourrait porter sur le partage d’informations et l’adoption de bonnes pratiques, par exemple dans les domaines du calcul de l’empreinte carbone des échanges commerciaux ou de l’alignement des méthodes visant à résoudre les problèmes de compétitivité et de fuites dans les secteurs à forte intensité d’émissions et exposés aux échanges commerciaux qui sont actuellement couverts par les systèmes nationaux d’échange de quotas d’émission du Canada et de l’Union. |
3.4.4. |
Avec le soutien des industries concernées, telles que celles du ciment ou de l’aluminium, des possibilités viables pourraient également se faire jour en vue de projets pilotes de coopération sectorielle menés conjointement par l’Union et le Canada sur la conception d’un régime d’échange des droits d’émission et les approches permettant de préserver la compétitivité et d’éviter les fuites (par exemple, la mise en commun de critères de référence et de méthodes pour calculer les allocations gratuites de quotas, ou des ajustements carbone aux frontières communs, entre autres). |
3.5. |
Enseignements tirés de l’élargissement du champ d’application sectoriel: transports et carburants |
3.5.1. |
Alors que l’Union européenne étudie les futures modifications du SEQE-UE, il convient d’accorder une attention toute particulière aux expériences de conception et de mise en œuvre des marchés dans les systèmes infranationaux d’échange de quotas d’émission en Amérique du Nord. Un aspect particulier dont l’Union européenne peut tirer des enseignements précieux réside dans la manière dont la Californie et le Québec ont élargi la couverture de leurs régimes d’échange de droits d’émission pour y inclure les secteurs des transports et des carburants. Depuis 2015, les distributeurs californiens et québécois de carburants destinés au transport, de gaz naturel et d’autres combustibles sont soumis à des obligations de mise en conformité dans le cadre du programme conjoint de plafonnement et d’échange de droits d’émission de l’initiative climatique de l’Ouest (Western Climate Initiative — WCI). Les entités de ce secteur couvertes par le programme ne reçoivent pas de quotas à titre gratuit mais sont tenues de les acheter par le biais d’enchères publiques trimestrielles ou sur le marché secondaire privé. |
3.5.2. |
Un autre développement américain qui mérite d’être suivi est l’initiative transport et climat (Transportation Climate Initiative — TCI) (10), une collaboration régionale de 12 États du nord-est et du centre du littoral atlantique des États-Unis ainsi que du district de Columbia qui vise à améliorer les transports, à mettre en place l’économie des énergies propres et à réduire les émissions de carbone du secteur des transports. L’initiative s’appuie sur le rôle moteur de la région en matière de réduction des émissions de GES du secteur de l’électricité grâce à un programme régional de plafonnement et d’échange de droits d’émission, l’initiative régionale sur les gaz à effet de serre (Regional Greenhouse Gas Initiative — RGGI), lancée en 2009. Un tiers de toutes les émissions de GES dans les territoires couverts par la TCI provenant du secteur des transports, les États participants travaillent en 2020 à l’élaboration d’une approche collaborative de «règles types» assortie de recommandations relatives à la conception de programmes concernant les régimes d’échange de droits d’émission pour traiter ces émissions sectorielles actuellement non couvertes — et en augmentation. L’objectif est que le ou les programmes d’échange de droits d’émission, nouveaux ou élargis, lancent des périodes de conformité initiales dès 2022. |
3.5.3. |
Les avantages d’une expansion sectorielle plus large des régimes d’échange de droits d’émission pour le climat et l’économie sont évidents: plus le marché est grand et étendu, plus l’éventail des acteurs du marché est large, et plus il y a de possibilités de réduction des émissions, d’innovations technologiques et de gains d’efficacité, ce qui se traduit par une diminution des coûts du programme et des coûts de réduction par tonne ainsi que par un portefeuille élargi de réductions d’émissions ainsi que de financement et d’investissement propres. |
4. Défis pour les politiques climatiques et industrielles de l’Union européenne
4.1. Une révision réussie du système d’échange de quotas d’émission
4.1.1. |
Le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 de l’Union européenne, adopté en octobre 2014, fixe les objectifs suivants:
|
4.1.2. |
Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, présenté en décembre 2019, la Commission européenne prévoit de relever l’objectif de l’Union européenne à l’horizon 2030, y compris en ce qui concerne le SEQE-UE. Le but est de porter l’objectif global de réduction des émissions de 40 % à 50 % ou à 55 %, afin de placer l’Union en bonne voie pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Le plan complet et détaillé visant à relever les objectifs à l’horizon 2030 devrait être présenté en octobre 2020, et des propositions spécifiques de révision des mesures législatives pertinentes seront présentées en juin 2021. Les propositions comprendront une révision de la directive sur le SEQE-UE, éventuellement combinée au réexamen de la réserve de stabilité du marché. |
4.1.3. |
Cela signifie que l’objectif du SEQE-UE à l’horizon 2030 et les règles du système feront l’objet d’un réexamen approfondi dans les années à venir. Dans le cadre ce réexamen, il conviendra d’accorder une attention particulière aux principales caractéristiques du SEQE-UE et à leur incidence sur l’industrie européenne. |
4.2. La conception et la mise en œuvre d’un mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières
4.2.1. |
L’idée d’une taxe sur le carbone aux frontières de l’Union figurait déjà dans le programme d’Ursula von der Leyen au moment de sa candidature. Depuis sa désignation en tant que présidente de la Commission européenne, cette réflexion sur les mécanismes d’ajustement carbone de l’Union qui pourraient prendre plusieurs formes (taxes, normes ou régimes tiers d’échange de droits d’émissions reflétant les dispositions du SEQE-UE) est une priorité pour la Commission européenne. |
4.2.2. |
La direction générale de la fiscalité et de l’union douanière a lancé une consultation en ligne en mars 2020 afin de recueillir les avis de toutes les parties prenantes. Les résultats de cette consultation ainsi que des débats menés avec des experts des États membres seront utiles pour élaborer une proposition législative au printemps 2021. Les futures mesures relatives au carbone devraient être conformes aux règles de l’OMC et aux autres obligations internationales de l’Union européenne. Cela signifie essentiellement qu’elles doivent être non discriminatoires et proportionnées au sens de la jurisprudence. |
4.3. |
Le CESE recommande à la Commission d’approfondir sa réflexion sur les diverses options stratégiques, telles que la réforme du SEQE, un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou un taux de TVA aligné sur l’intensité de carbone, et de les comparer s’agissant:
|
4.4. Avantages d’un mécanisme d’ajustement carbone de l’Union
4.4.1. |
Un tel mécanisme protégera les entreprises européennes à forte consommation d’énergie (secteurs de l’acier et du ciment, par exemple) face aux importations moins chères en provenance de pays tiers qui n’ont pas de politique climatique ou une politique climatique moins rigoureuse (pas de marché ni de tarification du carbone). Cet ajustement rétablirait des conditions de concurrence équitables entre les entreprises de l’Union et celles des pays tiers, et pourrait prendre la forme, par exemple, d’une taxe sur les marchandises importées, fondée sur les prix moyens au sein du SEQE-UE. De tels mécanismes permettront de prévenir les fuites de carbone et d’éviter un nivellement par le bas pour les industries à forte intensité énergétique tout en protégeant la compétitivité des industries de l’Union et en réduisant la compétitivité des importations bon marché à forte intensité de carbone. |
4.4.2. |
L’Union européenne représentant 10 % des émissions de GES dans le monde, l’adoption d’un tel mécanisme pourrait également envoyer un signal positif aux pays de même sensibilité qui commercent avec elle (le Canada, le Royaume-Uni, la Suisse), lesquels bénéficieront d’une sorte de reconnaissance mutuelle de leur propre régime d’échange de droits d’émission et d’une dispense, pour leurs entreprises nationales, de payer toute taxe sur les exportations à destination l’EU-27. |
4.4.3. |
Ce faisant, l’Union européenne garantira la cohérence entre ses engagements internes et externes et améliorera sa politique climatique au moyen de la révision de la directive sur les sources d’énergie renouvelables afin de relever le défi consistant à réduire d’ici à 2030 les émissions de GES de 50 % à 55 % par rapport aux niveaux de 1990 et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. |
4.4.4. |
Ces mesures potentielles de compensation du prix du carbone aux frontières pourraient se substituer aux mesures actuelles qui agissent sur le risque de fuite de carbone dans le SEQE-UE (allocation gratuite de quotas de CO2 accordée après une analyse approfondie du profil d’émission, des meilleures technologies disponibles, etc.) Un débat est en cours sur la question de savoir si une mesure d’ajustement du prix du carbone aux frontières viendrait remplacer ou compléter les mesures de compétitivité existantes dans différents secteurs et/ou dans un même secteur. Il est également important de comprendre quelles pourraient être les conséquences pour les importations et les exportations d’électricité au sein de réseaux interconnectés. |
4.5. Inconvénients d’un mécanisme d’ajustement carbone de l’Union
4.5.1. |
Le recours à des mesures de compensation du prix du carbone aux frontières pourrait entraîner des représailles de la part de pays tiers fournissant des matières premières à l’Union européenne, tels que la Chine, les États-Unis, ou l’Inde, ce qui créera de nouvelles barrières commerciales dans un contexte où la contraction du commerce mondial en raison de la COVID-19 sera considérable (entre 18 % et 32 % selon une récente publication de l’OMC). |
4.5.2. |
Le recours à un tel ajustement carbone aux frontières pourrait également compromettre l’approche multilatérale de la CCNUCC et pourrait être considéré comme un rejet de la coopération internationale au profit d’approches plus unilatérales. |
4.5.3. |
Le coût de certaines matières premières importées de pays tiers dotés de politiques climatiques de faible envergure sera plus élevé pour leurs acheteurs européens, ce qui signifie que les prix de certaines grandes entreprises manufacturières européennes (dans les secteurs de l’automobile et de la construction) qui transforment ces matières premières pourraient être moins compétitifs, tandis que les exportations européennes de produits finis pourraient être compromises. |
4.5.4. |
La couverture sectorielle d’un ajustement carbone aux frontières peut différer de la couverture des mesures existantes visant à protéger la compétitivité: la couverture possible des mesures aux frontières en matière de carbone pourrait se limiter à des secteurs comme le ciment et l’acier, qui sont les plus exposés au risque de fuite de carbone, alors que la couverture sectorielle actuelle des mesures en matière de fuite de carbone est plus large (produits chimiques et activités de teinture et de finissage des textiles, par exemple). |
4.6. L’approche sectorielle
4.6.1. |
Le secteur de l’acier européen est soumis à la pression d’une concurrence mondiale féroce avec les sidérurgistes d’Algérie, de Chine, d’Iran ou de Turquie, pays qui ne disposent pas de régime d’échange des droits d’émission couvrant ce secteur et qui exportent déjà 30 millions de tonnes d’acier vers l’Union. L’Association européenne de la sidérurgie (Eurofer) soutient l’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour des raisons environnementales, économiques et juridiques, et estime qu’il s’agit d’une condition préalable pour éviter le risque de fuite de carbone. Ce mécanisme devrait couvrir les produits finis et semi-finis en acier et devrait être fondé sur un système de comptabilité adéquat pour mesurer l’empreinte CO2 des produits au moyen de certains «accords d’équivalence» avec des pays tiers et pour pouvoir coexister pendant une période transitoire avec l’allocation gratuite de quotas du SEQE-UE. |
4.6.2. |
Le secteur européen du ciment (Cembureau — Association européenne du ciment) accueille favorablement l’idée d’un mécanisme de compensation du prix du carbone aux frontières, étant donné le risque important de fuite de carbone dans une industrie européenne dont les marges sont faibles. Ce secteur, qui s’est engagé dans un cycle d’investissement à long terme afin d’atteindre l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050, pose plusieurs conditions à l’adoption d’un tel mécanisme, telles qu’une méthode transparente, le respect des règles de l’OMC, une large couverture sectorielle intégrant tous les secteurs dans le SEQE-UE et la coexistence avec l’allocation gratuite de quotas jusqu’en 2030. |
4.7. Dialogue avec les pays tiers
4.7.1. |
Le CESE est favorable à l’ouverture d’un dialogue avec les pays tiers afin de discuter du contenu des mesures frontalières en matière de carbone et de leur incidence sur leurs exportations vers l’Union européenne. Le dialogue avec les pays qui ont des politiques climatiques ambitieuses (comme le Canada) devrait être différent de celui mené avec ceux qui n’en ont pas (Chine, États-Unis, Russie). |
4.7.2. |
Nous savons par exemple que l’administration américaine suit de très près l’évolution des réflexions sur les mesures d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne. Au sein de l’OMC, lors du processus d’évaluation de la politique commerciale de l’Union, certains responsables américains ont déjà fait part de leurs inquiétudes quant à d’éventuelles mesures aux frontières de l’Union en matière de carbone. |
4.8. L’objectif ultime de la tarification mondiale du carbone
4.8.1. |
Le CESE insiste sur la nécessité de combiner et d’harmoniser les différents outils disponibles afin de lutter contre la crise climatique. Les organisations internationales et entreprises concernées estimant que le signal de prix du carbone est essentiel pour obtenir des progrès effectifs dans la lutte contre le changement climatique ainsi que pour créer un environnement attractif pour les investissements à long terme afin d’accélérer la transition écologique pour les acteurs publics et privés (industrie, transport, logement et agriculture, entre autres), le CESE plaide en faveur d’une harmonisation des approches entre les différentes juridictions, conduisant à terme à l’émergence d’un signal de prix comparable dans l’ensemble des juridictions. |
4.8.2. |
Pendant la période de transition précédant l’adoption d’un signal de prix comparable et d’une méthode commune convenue pour mesurer les empreintes carbone, la tarification régionale du carbone entre territoires partageant les mêmes préoccupations (l’Amérique latine, l’Asie du Sud-Est, le Midwest des États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse et l’EU-27, entre autres) devrait être progressivement harmonisée. La création de tels marchés régionaux du carbone entraînera le développement d’infrastructures communes du marché du carbone (une sorte de marché unique du carbone) tandis que certains mécanismes spécifiques au carbone pourraient être mis en place vis-à-vis des pays tiers. |
4.8.3. |
Cependant, afin d’éviter l’émergence d’une guerre commerciale du carbone entre les pays et les unions douanières régionales, une dérogation de l’OMC devra établir les règles selon lesquelles ces mécanismes d’ajustement carbone aux frontières (taxe carbone, normes ou régimes tiers d’échange de droits d’émissions reflétant les dispositions du SEQE-UE) doivent être mis en place et fonctionner, dans le respect de deux principes fondamentaux de l’OMC: la proportionnalité et la non-discrimination. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 353 du 18.10.2019, p. 59.
(2) https://icapcarbonaction.com/en/?option=com_attach&task=download&id=677
(3) IETA: 10 years of Emissions Trading in Europe: towards a new beginning?, mai 2015, http://www.ieta.org/resources/EU/EUETS%20Paper%20May_FINAL.pdf
(4) Voir la note de bas de page 3.
(5) Voir la note de bas de page 3.
(6) Voir la note de bas de page 3.
(7) «Réexamen de la phase 4 (2021-2030)», Commission européenne (direction générale de l’action pour le climat): https://ec.europa.eu/clima/policies/ets/revision_fr (consulté pour la dernière fois en mars 2018).
(8) Sia Partners, CO2 emissions in the EU, 1er avril 2020.
(9) Carbon Brief, Analysis: What impact will the coronavirus pandemic have on atmospheric CO2?, 7 mai 2020.
(10) https://www.transportationandclimate.org/content/about-us
(11) Voir la note de bas de page 1.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/131 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Le renforcement des entreprises sociales à but non lucratif, pilier incontournable d’une Europe sociale»
(avis exploratoire)
(2020/C 429/18)
Rapporteur: |
Krzysztof BALON |
Consultation |
Présidence allemande, 18.2.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
4.9.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
211/3/5 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Compte tenu du rôle que jouent les entreprises sociales à but non lucratif pour concrétiser la dimension sociale de l’Union européenne (UE) et mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux, y compris et surtout en situation de crise, le Comité économique et social européen (CESE) préconise le renforcement et la promotion ciblée des entreprises sociales et des autres organisations de l’économie sociale, en particulier celles qui réinvestissent intégralement leurs bénéfices éventuels dans les missions d’intérêt général ou à des fins statutaires d’utilité publique. Il convient en outre d’accroître leur visibilité dans toute l’Europe. |
1.2. |
Il existe d’ores et déjà dans les systèmes juridiques de nombreux États membres des règles qui établissent un statut d’utilité publique également applicable aux entreprises sociales. Aussi le CESE entend-il encourager tous les autres États membres à inscrire des dispositions analogues dans leur législation nationale respective. |
1.3. |
Par ailleurs, un protocole sur la diversité des formes d’entreprises, dans lequel les entreprises sociales à but non lucratif feraient l’objet d’une définition distincte, devrait également être annexé au TFUE, à l’instar du protocole no 26 sur les services d’intérêt général (SIG). Le CESE invite de surcroît les États membres à inscrire cette révision à l’agenda des réformes à venir. |
1.4. |
Il importe de renforcer les entreprises sociales à but non lucratif et les organisations similaires d’utilité publique en leur accordant, dans le droit des marchés publics, une attention particulière par rapport aux prestataires publics ou commerciaux pour ce qui est de fournir des services sociaux d’intérêt général. À cet égard, les appels d’offres publics devraient se concentrer sur les domaines d’activité spécifiques des entreprises sociales à but non lucratif en ce qui concerne la prestation de services sociaux, par exemple dans le secteur des soins à la personne et des soins de santé. |
1.5. |
Le CESE est en outre favorable à la possibilité d’accorder une aide exclusivement destinée aux organisations à but non lucratif, sans enfreindre les règles de l’UE en matière d’aides d’État. |
1.6. |
Il convient de relever de manière significative le seuil fixé par le règlement de minimis concernant les SIEG, en le faisant passer de 500 000 EUR sur trois exercices fiscaux actuellement à environ 800 000 EUR par exercice fiscal. |
1.7. |
Le CESE est d’avis que des dérogations généralisées pour l’utilisation de fonds européens assortis d’un cofinancement national devraient être accordées. De même que pour les programmes exclusivement gérés par l’Union, cela ne devrait pas, dans le cas d’un cofinancement national, être considéré comme une aide d’État. |
1.8. |
Le soutien aux organisations de l’économie sociale à but non lucratif devrait également figurer dans le tableau de bord social intégré dans le processus du Semestre européen. |
1.9. |
Non seulement les entreprises de l’économie sociale à but non lucratif constituent un modèle économique durable, mais elles créent et préservent aussi des emplois de qualité, favorisent l’égalité des chances, notamment pour les personnes handicapées et d’autres groupes socialement défavorisés, assurent un niveau élevé de participation et de justice sociales et promeuvent la transformation numérique et écologique. L’économie sociale représente donc un allié stratégique dans le renforcement de la dimension sociale en Europe. Par conséquent, il conviendrait que les activités d’économie sociale bénéficient d’un soutien particulier au titre des fonds européens et qu’elles deviennent notamment un objectif spécifique distinct de l’intervention du FSE+. |
1.10. |
Le CESE se déclare prêt à assumer une fonction d’impulsion et de coordination au sein du débat sur le rôle des entreprises sociales à but non lucratif dans la mise en œuvre du plan de relance après la crise du coronavirus et dans le cadre du plan d’action 2021 en faveur de l’économie sociale, ainsi que sur la refonte nécessaire, dans ce contexte, du cadre juridique et budgétaire. |
2. Introduction
2.1. |
Dans le cadre de la préparation de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne au second semestre de 2020, le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne a demandé au CESE, le 18 février 2020, d’élaborer un avis intitulé «Le renforcement des entreprises sociales à but non lucratif, pilier incontournable d’une Europe sociale». À cette occasion, le gouvernement allemand a souligné l’importance de l’intérêt général comme valeur fondamentale unifiant l’Europe, y compris dans le domaine des activités économiques, ainsi que la forte capacité d’innovation dont font preuve les entreprises de l’économie sociale au service de l’intérêt général qui se consacrent à la fourniture de services sociaux. |
2.2. |
L’économie sociale se compose d’une large palette d’entreprises et d’organisations, parmi lesquelles des coopératives, des mutuelles, des associations, des fondations et des entreprises sociales, ainsi que d’autres formes juridiques propres à chaque État membre, qui sont unies par des valeurs et des principes communs (1). En Europe, l’économie sociale s’avère particulièrement cruciale et d’une grande importance systémique, même en période de crise économique et sociale. Elle contribue à créer de la cohésion sociale, à la renforcer et à la pérenniser. En particulier, le modèle de la fourniture de services sociaux sans but lucratif, dont la finalité sociale est la primauté absolue, s’est révélé extrêmement souple, proche des citoyens, innovant, durable, démocratiquement légitime et efficace. Les entreprises sociales à but non lucratif jouent aussi un rôle décisif pour assurer l’égalité des chances pour tous, indépendamment de l’âge, du sexe et de l’origine. Elles prennent en charge les besoins sociaux de la société qui ne sont pas déjà couverts par les services publics. Dans un précédent avis, le CESE avait déjà fait observer que le travail des entreprises de l’économie sociale doit être au service de l’intérêt général et non viser une maximisation des profits. L’économie sociale contribue ainsi à créer des emplois de qualité dans des entreprises socialement responsables (2), entre autres dans les secteurs des soins de santé, des soins à la personne ou de la garde d’enfants. |
2.3. |
Compte tenu de la diversité de l’économie sociale en Europe, il n’existe, à l’échelle de l’Union européenne, aucune définition juridiquement contraignante de l’«entreprise sociale». Sur la base de certaines caractéristiques, le CESE décrit les entreprises sociales comme des entreprises qui:
|
2.4. |
Il n’existe pas non plus, à l’échelle de l’Union, de définition juridiquement contraignante de l’utilité publique. Au contraire, comme l’a fait remarquer le CESE dans un avis antérieur, le droit de l’Union européenne ne tient guère compte des caractéristiques intrinsèques de l’économie sociale, notamment celle d’un rapport différent au profit. L’article 54 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) a jusqu’à présent été interprété comme opposant les entités économiquement désintéressées (sans but lucratif) aux sociétés exerçant une activité économique contre rémunération. Cette seconde catégorie englobe donc, sans les différencier et indépendamment de leur forme juridique, toutes les entreprises amenées à réaliser des bénéfices, qu’elles les distribuent ou non (4). Il existe cependant dans les systèmes juridiques de nombreux États membres des règles qui établissent un statut d’utilité publique également applicable aux entreprises sociales. Il convient donc de distinguer trois types d’acteurs économiques: les entreprises à but purement lucratif, les entreprises de l’économie sociale à lucrativité limitée — abordées dans l’avis INT/871 (5) du CESE — et les entreprises sociales à but purement non lucratif. Ces dernières sont au centre du présent avis. |
2.5. |
Au regard de ces règles nationales, les entreprises sociales qui présentent les caractéristiques énumérées au paragraphe 2.4 et qui sont en outre tenues, conformément à la législation nationale, de réinvestir intégralement les bénéfices éventuels dans les missions d’intérêt général ou à des fins statutaires d’utilité publique peuvent être considérées comme des entreprises sociales à but non lucratif. |
2.6. |
Dans un précédent avis, le CESE a déjà critiqué le fait que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la pratique décisionnelle de la Commission européenne laissent paraître un manque d’intérêt pour les entreprises qui sont qualifiées d’«utilité publique» dans le droit national qui leur est applicable ou qui, indépendamment d’une telle qualification, remplissent les critères susmentionnés. C’est pourquoi le CESE estime qu’un protocole sur la diversité des formes d’entreprises, dans lequel les entreprises sociales à but non lucratif et les entreprises sociales à lucrativité limitée feraient l’objet d’une définition distincte, devrait être annexé au TFUE, à l’instar du protocole no 26 sur les services d’intérêt général (SIG), et il demande aux États membres d’inscrire cette révision à l’agenda des réformes à venir (6). |
3. Les entreprises sociales à but non lucratif en tant que prestataires de services sociaux et de santé d’intérêt général dans le cadre de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux
3.1. |
Le CESE a déjà fait valoir, dans un précédent avis, que le socle européen des droits sociaux ne pourra devenir effectif sans la participation des entreprises de l’économie sociale et que celles-ci ont naturellement vocation à remplir des objectifs du socle tels que la promotion d’emplois sûrs et adaptables, le dialogue social et la participation des travailleurs, ainsi qu’un environnement de travail sûr, sain et bien adapté, ou à offrir des réponses innovantes à certains besoins sociaux fondamentaux (7). Il conviendrait d’accroître la visibilité de ces organisations à but non lucratif dans toute l’Europe. Il est nécessaire d’encourager l’innovation et de faciliter l’accès aux financements afin qu’elles puissent continuer à fonctionner, tant au quotidien qu’en situation de crise. Les États membres devraient procéder entre eux à des échanges de bonnes pratiques. |
3.2. |
Selon la conception du modèle social des différents États membres de l’Union européenne, il incombe à l’État-nation de veiller à ce que les citoyens puissent bénéficier de services sociaux et de santé d’intérêt général universels, efficaces, accessibles à tous, abordables et de qualité. Le CESE a d’ores et déjà fait observer que les services d’intérêt général représentent une composante indispensable de la structure de justice sociale et qu’il existe un droit d’accès à des «services essentiels» de qualité, y compris des services sociaux et de santé, tels que décrits par le socle européen des droits sociaux (8). |
3.3. |
Dans certains pays, la prestation de ces services est assurée par des initiatives, des institutions et des administrations d’utilité publique, en priorité par rapport aux services fournis par l’État, de telle sorte que ce dernier garantit les conditions-cadres de fourniture des services, que les utilisateurs en choisissent les prestataires et que les prestataires de services sociaux en assument le financement. La prestation de services doit ainsi être guidée par les intérêts des bénéficiaires, lesquels doivent y être associés de manière participative. À la fois axée sur les utilisateurs et concurrentielle, cette forme de prestation de services assurée par les entreprises sociales à but non lucratif pourrait servir de base de discussion quant à un modèle paneuropéen et, par exemple, être renforcée vis-à-vis des procédures de passation de marchés, qui privent les utilisateurs de leur liberté de choix. |
3.4. |
Le CESE est favorable à la possibilité d’accorder une aide ciblée ou exclusivement destinée aux organisations à but non lucratif, sans risque d’enfreindre les règles de l’UE en matière d’aides d’État. Cela est plus important que jamais en temps de crise, car les organisations à but non lucratif ne disposent pas de réserves. Pourtant, c’est justement dans les situations de crise que les services sociaux et de santé sont indispensables, et il faut veiller à ce qu’ils soient maintenus à un niveau de qualité élevé. |
3.5. |
À cette fin, et plus généralement pour renforcer le rôle de l’économie sociale à but non lucratif dans la fourniture de services sociaux et de santé d’intérêt général, il est nécessaire de modifier fondamentalement le cadre juridique européen, notamment: |
3.5.1. |
en introduisant, dans le droit des marchés publics, la primauté des prestataires à but non lucratif sur les prestataires publics ou commerciaux; |
3.5.2. |
en augmentant de manière significative le seuil fixé par le règlement de minimis concernant les SIEG, en le faisant passer de 500 000 EUR sur trois exercices fiscaux actuellement à environ 800 000 EUR par exercice fiscal; un tel relèvement contribuerait à améliorer l’applicabilité et, partant, l’efficacité dudit règlement, tout en réduisant dans le même temps le risque de réelles distorsions de concurrence transfrontalières; |
3.5.3. |
en accordant des dérogations généralisées pour l’utilisation de fonds européens assortis d’un cofinancement national; de même que pour les programmes exclusivement gérés par l’Union, cela ne devrait pas, dans le cas d’un cofinancement national, être considéré comme une aide d’État. En l’occurrence, les autorités des États membres devraient pouvoir déterminer de manière juridiquement contraignante, et dans le respect du principe de confiance légitime du bénéficiaire de la subvention d’État, que cela ne constitue pas, de fait, une aide d’État. Il devrait appartenir à la Commission ou à la CJUE de contrôler les abus à cet égard. |
4. Cadre budgétaire des activités menées par les entreprises sociales à but non lucratif
4.1. |
Le CESE a invité à plusieurs reprises la Commission européenne à mettre en place, en coopération avec les États membres, un écosystème favorable et durable pour l’économie sociale (9). Afin d’améliorer le cadre financier des activités menées par les entreprises sociales à but non lucratif, il conviendrait notamment de garantir des taux de cofinancement suffisants, de simplifier les procédures administratives, par exemple grâce à un système d’indicateurs fondés sur les besoins, ainsi que d’utiliser et d’accepter les forfaits. |
4.2. |
Pour les entreprises sociales à but non lucratif qui fournissent des services sociaux et de santé, l’aide apportée au titre des fonds européens, dont le Fonds social européen plus (FSE+), revêt une importance particulière. |
4.2.1. |
Dans son avis sur le projet de règlement relatif au FSE+ (10), le Comité a déjà demandé que, compte tenu du rôle croissant joué par l’économie sociale dans la dimension sociale de l’Union européenne, le soutien aux activités d’économie sociale devienne un objectif spécifique distinct du FSE+ (11). |
4.2.2. |
Le CESE a aussi fait valoir le manque fréquent de ressources financières que connaissent les entreprises sociales à but non lucratif, et il a déjà plaidé, dans ce contexte, pour que les contributions en nature soient traitées sur le même pied que les contributions financières, lors de l’apport de ressources propres aux activités financées par le FSE+ (12). |
4.2.3. |
Parmi les entreprises sociales à but non lucratif figurent également des organisations plus petites actives sur le terrain, nées par exemple de groupes d’entraide. Le CESE s’est déjà dit favorable à ce qu’une part suffisante des ressources du FSE+ soit allouée à ces organisations (13). En outre, il devrait être possible de promouvoir de manière ciblée le volontariat dans la fourniture de services sociaux et de santé. |
5. Plan d’action en faveur de l’économie sociale: les entreprises sociales à but non lucratif comme acteurs essentiels du plan de relance après la crise du coronavirus
5.1. |
La crise du coronavirus montre que les mesures prises au niveau national ne sont efficaces que si les approches sont coordonnées. Comme l’a déjà fait remarquer le CESE dans son exposé de position ECO/515 sur le règlement relatif à l’initiative d’investissement en réaction au coronavirus, il convient, outre les systèmes de santé publique et les PME, de ne pas négliger les entreprises sociales à but non lucratif ni les organisations de la société civile et de leur apporter un soutien renforcé. Celles-ci ne disposent que de très maigres réserves auxquelles elles pourraient avoir recours en situation de crise. Elles sont pourtant essentielles à la pérennité de systèmes (de santé) fonctionnels, surtout pendant une période de crise. Aussi le CESE réclame-t-il que ces domaines d’activité et organisations bénéficient d’un soutien accru non seulement pour affronter cette crise dans l’urgence, mais aussi dans le cadre de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, de la politique sociale et sanitaire commune, du Fonds social européen (FSE) et du tableau de bord social intégré dans le processus du Semestre européen (14). |
5.2. |
Le CESE soutient la position de la Commission européenne, exposée dans la lettre adressée le 24 avril 2020 (15) aux gouvernements des États membres par Nicolas Schmit, commissaire à l’emploi et aux droits sociaux, selon laquelle c’est précisément en ces temps de crise qu’il faut soutenir l’économie sociale. La Commission est d’avis que, dans la pratique, les organisations de l’économie sociale contribuent déjà à atténuer les effets de cette crise de nombreuses manières: en coopération avec l’action des pouvoirs publics, ou en complément de celle-ci, elles fournissent un large éventail de services sociaux, en particulier aux personnes les plus fragiles dans notre société. Elles sont également d’importantes pourvoyeuses d’emplois pour les groupes vulnérables et jouent un rôle crucial dans l’intégration sur le marché du travail et dans la mise à niveau des compétences. |
5.3. |
Les organisations de l’économie sociale et autres organisations sans but lucratif devraient mieux s’organiser en réseau pour ce qui est de la communication, des politiques et du travail opérationnel. L’Union européenne et les États membres devraient soutenir cette démarche en favorisant durablement la coopération transfrontalière régulière et en resserrant les liens entre la protection civile, les services d’urgence, ainsi que les services sociaux et de santé. Le retour à la fermeture des frontières et à des approches purement nationales observé lors de la crise du coronavirus est contre-productif et contraire aux objectifs et aux valeurs de l’Union. |
5.4. |
En Europe, les organisations de l’économie sociale, et en particulier les entreprises sociales à but non lucratif, contribuent tout particulièrement à fournir une assistance aux migrants, de par leur nature inclusive et leur finalité de soutien des personnes les plus défavorisées. Comme l’a déjà demandé le CESE dans son avis INT/785, les organisations de l’économie sociale doivent, dans ce contexte également, être mieux reconnues (16). |
5.5. |
Se référant à son avis sur la dimension extérieure de l’économie sociale (17), le CESE rappelle que la Commission n’a pas pris en compte l’économie sociale dans sa proposition concernant un nouveau consensus pour le développement. L’économie sociale à but non lucratif dispose précisément d’un potentiel particulier, en se fondant sur l’entraide et sur la société civile organisée, pour produire un impact durable afin de résoudre les problèmes sociaux et environnementaux de manière ascendante. L’on dispose en Europe d’une économie sociale à but non lucratif forte de son expérience en matière de bonnes pratiques. La visée clairement établie de l’utilité publique, sous la forme d’un réinvestissement intégral des bénéfices dans l’objectif social de l’entreprise, peut empêcher, dans le cadre de mécanismes appropriés de contrôle exercé par l’État ou bénéficiant d’une légitimité démocratique, la privatisation de fonds publics et la maximisation à tout va du profit, y compris en dehors de l’Europe. |
5.6. |
Il s’impose de parvenir à un large consensus social entre employeurs, travailleurs et autres organisations de la société civile sur le rôle des entreprises sociales à but non lucratif et des organisations de la société civile qui les soutiennent dans la mise en œuvre du plan de relance après la crise du coronavirus et dans le cadre du plan d’action 2021 en faveur de l’économie sociale, ainsi que sur la refonte nécessaire, dans ce contexte, du cadre juridique et budgétaire. Le CESE se déclare prêt à assumer un rôle d’impulsion et de coordination à cet égard. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 282 du 20.8.2019, p. 1.
(2) JO C 240 du 16.7.2019, p. 20.
(3) JO C 24 du 28.1.2012, p. 1.
(4) Voir la note de bas de page 1.
(5) Voir la note de bas de page 1.
(6) Voir la note de bas de page 1.
(7) Voir la note de bas de page 1.
(8) JO C 282 du 20.8.2019, p. 7.
(9) JO C 13 du 15.1.2016, p. 152; JO C 62 du 15.2.2019, p. 165.
(10) COM(2018) 382 final.
(11) JO C 62 du 15.2.2019, p. 165.
(12) Voir la note de bas de page 1.
(13) Voir la note de bas de page 1.
(14) Exposé de position ECO/515 du CESE, paragraphe 1.11.
(15) https://twitter.com/NicolasSchmitEU/status/1254685369070530560
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/136 |
Avis du Comité économique et social européen sur l’«Obligation de diligence»
(avis exploratoire)
(2020/C 429/19)
Rapporteur: |
Thomas WAGNSONNER |
Corapporteure: |
Emmanuelle BUTAUD-STUBBS |
Consultation |
Lettre du Parlement européen, 15.9.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
4.9.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
215/1/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) affirme que le moment est venu pour la Commission européenne d’agir et de proposer aux États membres et au Parlement européen une législation instituant un devoir de diligence à caractère contraignant («obligation de diligence»), qui reconnaisse la responsabilité découlant des normes en vigueur et offre un cadre juridique clair et sécurisé aux entreprises européennes. |
1.2. |
Le devoir de diligence en matière de droits de l’homme est devenu un enjeu pour le marché intérieur: les États membres appliquant chacun des sanctions juridiques différentes aux entreprises pour leur conduite, une initiative législative fragmentée et partiellement sectorielle à l’échelle de l’Union est insuffisante. |
1.3. |
Le champ d’application matériel de l’initiative législative, qu’il s’agisse d’une directive ou d’un règlement, chacun présentant ses avantages et inconvénients, devrait intégrer une définition large des droits de l’homme et des droits en matière d’environnement, y compris les droits des travailleurs et les droits syndicaux, et garantir l’inclusion des dernières évolutions en matière de droits de l’homme. |
1.4. |
Les obligations en matière de devoir de diligence, particulièrement lorsqu’elles concernent les chaînes de valeur mondiales, doivent servir de guides pour la prise de décisions de gestion visant à assurer la durabilité économique, écologique et sociale des entreprises. En tout état de cause, la question des incidences environnementales devrait être considérée comme extrêmement importante pour l’adoption de pratiques commerciales durables et occuper une place prioritaire dans les chaînes de valeur mondiales. |
1.5. |
L’initiative législative devrait inclure de manière transversale l’ensemble des entreprises, en appliquant des exigences proportionnées pour les petites et moyennes entreprises (PME) établies ou actives dans l’Union de façon à éviter toute concurrence déloyale et inégale, ainsi que le secteur public. Elle devrait imposer aux entreprises le respect de normes élevées en matière de pratiques commerciales responsables, tout en prévoyant des mesures adaptées en fonction du risque respectif de violation des droits de l’homme. |
1.6. |
Les éléments suivants devraient être intégrés au devoir de diligence en matière de droits de l’homme:
|
1.7. |
Afin d’éviter toute incertitude juridique, l’initiative législative doit définir très clairement les mesures individuelles que les entreprises doivent prendre tout au long du processus de devoir de diligence pour évaluer les risques en matière de droits de l’homme dans le respect des autres actes législatifs contraignants de l’Union, y compris la révision, susceptible d’être adaptée, de la directive sur les exigences de publication d’informations non financières:
|
1.8. |
Les victimes dont les droits ont été bafoués et leurs représentants, notamment les syndicats et les défenseurs des droits de l’homme, doivent avoir accès à des voies de recours efficaces contre les répercussions négatives qu’elles ont subies. |
1.9. |
Il convient de faire en sorte que les victimes de violations des droits de l’homme liées aux activités des entreprises et leurs représentants, notamment les syndicats et les défenseurs des droits de l’homme, puissent bénéficier, au titre des droits de l’homme, d’un accès garanti aux tribunaux et aux autorités administratives ainsi qu’à des procédures équitables. Les cas dans lesquels il est difficile de déterminer si la responsabilité est imputable à la société mère, à l’une de ses filiales ou à l’un des fournisseurs avec lesquels elle entretient des relations commerciales établies devraient relever de la compétence d’une instance unique appliquant des procédures équitables. Il convient de modifier en conséquence le règlement Bruxelles I pour permettre le recours à une procédure européenne en cas de violation des droits de l’homme. |
1.10. |
La fixation d’un cadre en matière d’obligation de diligence reposerait sur une norme convenue dont l’application serait fondée sur des sanctions proportionnées, efficaces et dissuasives, la responsabilité étant engagée en cas de violation d’un ensemble clairement défini de droits de l’homme. Comme dans tout régime de responsabilité, il est nécessaire d’établir un lien évident de causalité entre une faute ou un défaut de prévention et un préjudice certain. Dans les cas de causalité plutôt atypiques, il n’existe donc pas de lien de risque. |
1.11. |
Sur la base des enseignements tirés de la législation française en matière de devoir de diligence, une initiative législative contraignante se doit de respecter les normes de qualité suivantes pour que les entreprises européennes puissent remplir ce rôle:
|
1.12. |
Il convient d’encourager le développement de technologies de l’information innovantes (par exemple les chaînes de blocs), permettant de tracer l’ensemble des données, pour la gestion des chaînes d’approvisionnement mondiales, afin de réduire les charges et les coûts administratifs et d’éviter les doubles emplois. Ces technologies garantissent sécurité et traçabilité. |
2. Principaux éléments et contexte
2.1. |
Le Parlement a invité le CESE à rendre un avis concernant l’initiative législative annoncée à l’échelle de l’Union sur le devoir de diligence et la responsabilité des entreprises. Le Comité examinera donc les propositions relatives au contenu et aux définitions possibles de cet acte législatif, sur la base de ses travaux sur le devoir de diligence et sur les entreprises et les droits de l’homme ainsi que des connaissances et de l’expérience de ses membres, en particulier ceux qui sont originaires de pays disposant d’une législation ambitieuse. |
2.2. |
Le CESE a travaillé activement sur les questions de devoir de diligence dans les chaînes de valeur mondiales (1). Des violations et des cas de non-respect des droits de l’homme (2), y compris des droits de travailleurs (3) et des droits en matière d’environnement, persistent encore dans ces chaînes de valeur, même si ces répercussions pourraient dans de nombreux cas être évitées grâce au devoir de diligence et au respect, par les États et leurs administrations, de leurs engagements internationaux, notamment dans le domaine du droit du travail et des droits de l’homme. Les victimes de ces violations n’ont souvent aucun recours juridique pour faire valoir leurs droits. |
2.3. |
Plusieurs cadres volontaires ont été élaborés pour permettre aux entreprises de mettre en œuvre le devoir de diligence en matière de droits de l’homme dans leurs activités commerciales. Ces cadres prennent généralement la forme de stratégies en matière de responsabilité sociale des entreprises. |
2.4. |
Parmi ces instruments, les PDNU, le pacte mondial des Nations unies, la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociétale et les principes directeurs élaborés par l’OCDE (principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales) ont une très forte influence. Ils suggèrent, entre autres, que les contrats avec des partenaires commerciaux dans les chaînes de valeur mondiales devraient être conçus de manière à structurer les relations commerciales d’une façon qui protège les droits de l’homme. Ces instruments volontaires montrent qu’il est possible de gérer les risques et de mettre en œuvre des normes sur les violations des droits de l’homme dans les chaînes de valeur mondiales. Ils pourraient servir de base à l’élaboration de mesures supplémentaires, éventuellement obligatoires. |
2.5. |
Les mesures volontaires n’ont pas toujours pu prévenir les violations graves des droits fondamentaux et n’offrent pas aux entreprises la sécurité juridique dont elles ont besoin lorsqu’elles établissent des relations commerciales à l’étranger. Il en résulte un ensemble disparate de mesures qui n’assurent ni la sécurité juridique ni la prévisibilité juridique. |
2.6. |
Pour y remédier, certains États membres de l’Union ont adopté une législation renforçant la responsabilité des entreprises et établissant des cadres plus solides pour le devoir de diligence en matière de droits de l’homme, dont nous pouvons tirer de précieux enseignements. Différents pays européens envisagent actuellement d’adopter une législation similaire. Le Royaume-Uni a adopté la clause «Transparence des chaînes d’approvisionnement» dans sa loi sur l’esclavage moderne. Les Pays-Bas ont adopté la loi sur la diligence en matière de travail des enfants, afin de lutter contre le travail des enfants dans les entreprises établies aux Pays-Bas et fournissant des biens et des services sur le marché néerlandais. |
2.7. |
Il existe à l’échelon européen des actes législatifs relatifs au devoir de diligence en matière de droits de l’homme. Le règlement de l’Union relatif aux minerais originaires de zones de conflit, la directive sur la publication d’informations non financières et le règlement sur le bois sont des exemples d’actes ayant renforcé le devoir de diligence en matière de droits de l’homme. Les violations des droits de l’homme dans les chaînes de valeur mondiales sont poursuivies indirectement sur la base du droit administratif, civil ou pénal. Elles soulèvent des questions de droit international privé, de droit procédural international et de droit pénal international (des sociétés), lesquels ont été harmonisés dans une certaine mesure au sein de l’Union (règlements Bruxelles I et Rome II). |
2.8. |
Des efforts sont entrepris au niveau international. Un groupe de travail du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies à Genève a négocié un instrument juridiquement contraignant relatif aux entreprises et aux droits de l’homme (traité des Nations unies), qui a fait l’objet d’un avis du CESE (4), dans lequel ce dernier a convenu avec le Parlement européen (5) des éléments que doit contenir un tel traité, à savoir:
|
2.9. |
Divers aspects du devoir de diligence en matière de droits de l’homme ont fait l’objet d’études réalisées par des institutions et agences européennes, notamment l’Agence des droits fondamentaux (FRA) (6) et le Parlement. |
2.10. |
Récemment, une étude commandée par la DG Justice (7) a présenté une analyse des exigences en matière de devoir de diligence dans les chaînes d’approvisionnement. Dans le cadre de cette étude, les parties prenantes ont été interrogées, le cadre réglementaire a été expliqué, différentes options politiques ont été évaluées et la nécessité de travailler sur des mesures globales et contraignantes relatives au devoir de diligence en matière de droits de l’homme a été démontrée. |
2.11. |
Plus de 600 personnes ont été interrogées dans le cadre de l’enquête, et la majorité de celles-ci ont indiqué que l’obligation de diligence en tant que norme de conduite juridique peut offrir aux entreprises des avantages potentiels en matière d’harmonisation, de sécurité juridique et de conditions de concurrence équitables, mais aussi renforcer l’effet de levier dans leurs relations commerciales tout au long de la chaîne d’approvisionnement grâce à une norme non négociable. Étant donné que de nombreuses entreprises opèrent dans plusieurs secteurs, un règlement général intersectoriel pouvant porter sur l’ensemble des entreprises et s’appuyant sur les PDNU, ainsi qu’une norme de conduite, ont été préférés à une exigence de procédure. |
2.12. |
L’étude souligne aussi qu’actuellement, un peu plus d’un tiers seulement des entreprises interrogées ont indiqué exercer un devoir de diligence tenant compte de toutes les incidences sur les droits de l’homme et sur l’environnement. En outre, la majorité des entreprises interrogées qui exercent un devoir de diligence disent ne couvrir que les fournisseurs de premier rang (8). En présentant les résultats de l’étude, M. Reynders, commissaire à la justice, a déclaré qu’ils montraient que les actions volontaires pour lutter contre les violations des droits de l’homme et contre les préjudices climatiques et environnementaux causés par des entreprises, bien qu’encouragées par la publication d’informations, n’ont pas conduit aux changements de comportement nécessaires» (9). |
3. Observations générales
3.1. |
Les mesures volontaires ne peuvent pas empêcher toutes les violations des droits. Des mesures contraignantes assorties de sanctions appropriées peuvent servir à garantir le respect d’une norme juridique minimale, y compris par les entreprises qui ne prennent pas leurs responsabilités morales autant au sérieux que celles qui appliquent des normes élevées en matière de droits de l’homme. Des règles contraignantes devraient être conçues en cohérence avec les systèmes existants relatifs au devoir de diligence, tels que les PDNU, pour en faciliter la mise en œuvre et éviter les doubles emplois. |
3.2. |
Les répercussions négatives ou les violations des droits de l’homme et des normes sociales et environnementales peuvent être le fruit des activités de l’entreprise elle-même, des activités de ses filiales ou des entreprises contrôlées, ainsi que de ses relations commerciales, à savoir de sa chaîne d’approvisionnement et de sous-traitance. En conséquence, les PDNU, les principes directeurs de l’OCDE et la déclaration tripartite de l’OIT reconnaissent que le devoir de diligence devrait également porter sur les relations commerciales des entreprises, y compris les chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance. Conformément à ces cadres, les exigences en matière de devoir de diligence doivent donc idéalement porter sur l’ensemble des opérations des entreprises, quelle que soit leur taille, y compris leurs propres activités, les opérations de leurs filiales et des entreprises contrôlées, ainsi que leurs relations commerciales, notamment l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance, de leurs franchises et de leur gestion contractuelle. Elles doivent englober les activités, les conséquences effectives et éventuelles ainsi que les violations tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union. Il est toutefois difficile, dans les faits, de définir le champ d’application du devoir de diligence: l’un des critères retenus, par exemple, dans la loi française no 2017-399 du 27 mars 2017 est l’existence d’une relation commerciale établie avec une entité de la chaîne d’approvisionnement qui suppose un certain degré de contrôle. Le Conseil constitutionnel français a défini dans une autre décision la notion de «relation commerciale établie» comme étant une relation qui revêt un caractère suivi, stable et habituel, généralement entretenue avec des fournisseurs et sous-traitants de premier rang. Il serait bien entendu plus ambitieux d’inclure toutes les entités sans exception, mais nous devons tenir compte de la complexité liée au grand nombre de fournisseurs (jusqu’à 100 000 pour une entreprise multinationale) et inciter dans le même temps les entreprises à appliquer un devoir de diligence efficace pour l’ensemble de la chaîne de valeur/d’approvisionnement. |
3.3. |
Il convient d’encourager le développement de technologies de l’information innovantes (par exemple les chaînes de blocs), permettant de tracer l’ensemble des données, pour la gestion des chaînes d’approvisionnement mondiales, afin de réduire les charges et les coûts administratifs et d’éviter les doubles emplois entre les différentes structures internes. Ces technologies garantissent sécurité et traçabilité. |
3.4. |
Le CESE réitère ses propos précédents (10): «Lorsque les États membres de l’Union européenne commenceront individuellement à mettre en place des cadres obligatoires de devoir de diligence plus stricts, cela entraînera un décalage entre ces normes au sein de l’Union européenne. [Les entreprises] qui sont situées dans des États membres de l’Union européenne ayant des exigences plus strictes en matière de devoir de diligence ne doivent pas être en concurrence avec celles qui ne le sont pas. Le CESE indique que les entreprises doivent bénéficier de conditions de concurrence équitables et de la sécurité juridique, avec des responsabilités claires.» |
3.5. |
L’adoption déséquilibrée et fragmentée de régimes volontaires crée une concurrence déloyale à l’échelle européenne, puisqu’il n’existe pas de régime unique, mais une multitude de lois nationales qui diffèrent les unes des autres tout en poursuivant le même objectif global. En dehors de l’Union, les lois en matière de devoir de diligence sont rares, ce qui est regrettable pour certains de nos partenaires commerciaux principaux, comme les États-Unis et la Chine. Une fois mise en place l’initiative obligatoire de l’Union, les entreprises de ces autres marchés devront respecter les normes européennes pour exercer sur notre marché intérieur, dès lors que l’initiative législative de l’Union concernera les entreprises des pays tiers qui fournissent des biens et des services au sein de l’UE. Pour des raisons de concurrence équitable, il est également essentiel que le traité des Nations unies assure des conditions de concurrence équitables en dehors de la juridiction de l’Union. Le cadre actuel de l’Union offre un espace à des pratiques et à des normes différentes, qui sont inégales en matière de droits de l’homme et de normes sociales et environnementales. L’initiative législative de l’Union devrait être à la fois ambitieuse et pragmatique, mais aussi en mesure de mettre en œuvre la norme internationale sur laquelle les Nations unies s’emploient à s’accorder (11) pour assurer des conditions de concurrence équitables à l’échelle internationale. Étant donné le rôle que joue l’Union dans la défense des droits de l’homme, le fait que de nombreuses entreprises européennes, en particulier les grandes entreprises, présentent un bilan positif pour ce qui est du devoir de diligence en matière de droits de l’homme peut faire de celles-ci des pionnières en ce qui concerne la responsabilité de protéger les droits de l’homme dans la chaîne de valeur mondiale. |
3.6. |
Pour que les entreprises européennes puissent remplir ce rôle, l’initiative législative contraignante de l’Union se doit de respecter les normes de qualité suivantes:
|
3.7. |
Grâce à l’influence du marché intérieur européen sur le commerce mondial, une initiative législative européenne permettrait de rendre les conditions de concurrence plus équitables en exigeant le respect du devoir de diligence en matière de droits de l’homme non seulement par les entreprises européennes, mais également par les entreprises des pays tiers qui fournissent des biens et des services sur le marché intérieur. Cette exigence de conditions de concurrence équitables entre les entreprises de l’Union établies dans l’UE et les entreprises des pays tiers qui vendent des biens et des services et investissent dans le marché intérieur doit être au cœur de toute nouvelle initiative législative européenne, faute de quoi les entreprises européennes subiront un désavantage compétitif. En examinant les exemples pratiques des règlements susmentionnés sur le bois et sur les minerais originaires de zones de conflit, nous constatons qu’il est possible de se servir du marché intérieur pour influencer également les fournisseurs internationaux. |
3.8. |
Le devoir de diligence en matière de droits de l’homme est devenu un enjeu pour le marché intérieur: étant donné que les différents États membres appliquent des sanctions juridiques différentes aux entreprises pour leur conduite, une législation fragmentée et partiellement sectorielle à l’échelle de l’Union est insuffisante. Le devoir de diligence peut avoir des ramifications juridiques différentes suivant le contexte national et juridique spécifique. Dans le cadre du présent avis, le devoir de diligence désigne une liste d’obligations qu’une entreprise doit respecter pour prévenir, atténuer et prendre en compte les conséquences de ses activités et de sa chaîne d’approvisionnement mondiale sur les droits de l’homme (y compris les conventions fondamentales de l’OIT) et sur l’environnement. En outre, il est nécessaire de s’assurer de l’existence de conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises concernées. Le CESE déplore l’absence de dynamique en faveur d’une législation relative au devoir de diligence à l’échelle internationale, notamment en ce qui concerne le traité contraignant des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme, et estime qu’intégrer les entreprises de pays tiers qui investissent et vendent au sein de l’Union dans le champ d’application d’une future initiative législative de l’UE constitue un bon point de départ pour renforcer les normes. |
3.9. |
Le CESE affirme que le moment est venu pour la Commission européenne d’agir et de proposer aux États membres et au Parlement européen une initiative législative instituant une obligation de diligence, qui reconnaisse la responsabilité découlant des normes en vigueur et offre un cadre juridique clair aux entreprises européennes. |
3.10. |
Cette initiative législative devrait se fonder sur une compréhension holistique, mais aussi juridiquement solide et sans équivoque, des parties prenantes d’une entreprise (12). Les actionnaires sont au cœur d’un ensemble de parties prenantes et subissent souvent des pertes financières lorsque les entreprises sont associées à des violations des droits de l’homme qui nuisent à leur image. Mais les actionnaires ne sont pas les seuls concernés: les employés, leurs représentants au niveau des magasins et des secteurs, ainsi que les citoyens touchés par les actes commis par une entreprise, soit parce qu’ils vivent à proximité, soit parce qu’ils sont exposés aux conséquences de ces actes, qui sont souvent regroupés en organisations de la société civile, ont tout intérêt à ce que la gestion des activités de l’entreprise se fasse de manière responsable dans le cadre du devoir de diligence en matière de droits de l’homme. Il convient de tenir dûment compte de toutes les catégories de parties prenantes dans le cadre d’une initiative législative relative au devoir de diligence en fonction de leurs intérêts respectifs. |
3.11. |
Il en résulte que les victimes dont les droits sont bafoués et leurs représentants, notamment les syndicats et les défenseurs des droits de l’homme, doivent avoir accès à des voies de recours efficaces contre les répercussions négatives qu’elles ont subies. Des voies de recours efficaces impliquent la possibilité d’obtenir une indemnisation totale pour les dommages subis. |
3.12. |
Il convient également de souligner que les négociations sur un traité des Nations unies ont débouché sur de potentielles dispositions relatives à la responsabilité pénale pour les actes les plus graves, comme les crimes de guerre ou les exécutions sommaires. Par conséquent, il doit être possible d’intégrer ces questions de droit pénal aux cadres de cette initiative législative européenne en matière de devoir de diligence. |
3.13. |
Dès lors, certains éléments sont à inclure dans l’examen du devoir de diligence en matière de droits de l’homme:
|
3.14. |
Il existe un lien de corrélation évident entre le cadre du devoir de diligence et les questions de responsabilité civile (et éventuellement pénale). Des procédures et des informations strictes en matière de devoir de diligence permettent aux entreprises de démontrer qu’elles ne sont pas responsables d’une violation spécifique des droits de l’homme. Les entreprises qui exercent leur devoir de diligence doivent être récompensées de leurs efforts. Ce principe ne doit pas être interprété comme une exonération de toute responsabilité. Cette question est abordée dans le commentaire du principe 17 des PDNU: «L’exercice approprié de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme devrait aider les entreprises à éviter de faire les frais d’actions en justice en démontrant qu’elles ont pris toutes les mesures raisonnables pour ne pas prendre part à une atteinte présumée aux droits de l’homme. Toutefois, les entreprises qui exercent une telle diligence ne devraient pas en conclure que cela les exonérera automatiquement et entièrement en soi de toute responsabilité si elles ont commis des atteintes aux droits de l’homme ou y ont contribué.» |
3.15. |
L’initiative législative doit porter sur le devoir de diligence, mais aussi s’assurer que celui-ci soit pris en considération de manière adéquate et cohérente en ce qui concerne les questions de responsabilité, sur la base d’un champ d’application fondé sur les PDNU qui englobera notamment les entités avec lesquelles une entreprise a un lien direct au titre de ses activités, produits ou services par l’intermédiaire de relations commerciales établies. |
3.16. |
Il peut s’agir également d’une approche idéale pour intégrer une responsabilité proportionnelle, sans déclarer arbitrairement des seuils applicables aux PME. Les cadres de devoir de diligence existants, tels que les PDNU et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, s’appliquent à toutes les entreprises, et ce, pour de bonnes raisons: les droits de l’homme sont universels et indivisibles; l’exposition aux droits de l’homme dans les chaînes de valeur peut varier considérablement selon la taille, les revenus et les spécificités du secteur; le fait de limiter la responsabilité à certaines tailles, certaines filiales et certains fournisseurs peut poser des problèmes, étant donné que la chaîne de valeur mondiale s’adapterait en fonction des seuils de conformité. Il est établi que ces entreprises, déjà profondément touchées par la crise de la COVID-19, disposent de moins de ressources adéquates pour exécuter la tâche qui leur est demandée. Un devoir de diligence raisonnable garantira le respect des droits de l’homme et l’indemnisation des personnes directement touchées, mais évitera l’imposition d’une charge logistique, financière et humaine disproportionnée aux PME en période de crise économique on ne peut plus grave. Clarifier la façon dont les exigences du devoir de diligence interagissent avec la responsabilité éventuelle peut constituer une manière pragmatique de tenir compte des particularités des PME en Europe. |
3.17. |
Conformément aux PDNU, l’initiative législative devrait inclure de manière transversale l’ensemble des entreprises établies ou actives dans l’Union, de façon à éviter toute concurrence déloyale et inégale, ainsi que le secteur public. Elle devrait imposer aux entreprises le respect de normes élevées en matière de pratiques commerciales responsables, tout en proposant des mesures adaptées en fonction du risque respectif de violation des droits de l’homme. Les entreprises doivent mettre en place des mécanismes efficaces de devoir de diligence qui permettent d’identifier, de prévenir et d’atténuer les violations des droits de l’homme et les incidences sociales et environnementales néfastes, et qui couvrent à la fois leurs activités et leurs relations commerciales, y compris leurs chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance qui sont clairement liées par une relation commerciale au sein de chaînes de valeur mondiales bien définies. |
3.18. |
Le champ d’application matériel de l’initiative législative devrait intégrer une définition large des droits de l’homme et des droits en matière d’environnement, y compris les droits des travailleurs et les droits syndicaux, et garantir l’inclusion des dernières évolutions en matière de droits de l’homme, comme le principe de non-discrimination. Il devrait reposer sur des instruments tels que la charte internationale des droits de l’homme, les conventions de l’OIT, la convention européenne des droits de l’homme et la charte sociale européenne. La déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale comprend également un catalogue complet de droits relatifs aux entreprises multinationales et au travail, qui mentionne expressément les conventions et recommandations concernant la sécurité et la santé au travail et qu’il convient de prendre en considération. En ce qui concerne les droits en matière d’environnement, il est nécessaire de tenir compte de l’accord de Paris, tout en gardant à l’esprit que ce traité international a été signé par des gouvernements et non par des entreprises, ce qui signifie que les premiers doivent respecter leurs engagements et les secondes contribuer à leur réalisation. Il conviendrait en outre de s’appuyer sur les traités européens et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que sur les instruments nationaux dans le domaine des droits de l’homme. En tout état de cause, le niveau de protection des droits de l’homme ne devrait en aucun cas être inférieur à celui prévu par la législation existante au niveau international, européen ou national. |
3.19. |
Les obligations liées au devoir de diligence doivent englober les conséquences effectives et éventuelles. Elles doivent également porter sur les incidences sociales et environnementales, en s’appuyant notamment sur les objectifs de développement durable, la lutte contre la corruption, la gouvernance d’entreprise et la justice fiscale. La question des incidences environnementales devrait être considérée comme primordiale pour permettre des pratiques commerciales durables. Selon les définitions des PDNU, des principes directeurs de l’OCDE et de la déclaration tripartite de l’OIT, les entreprises devraient exercer un devoir de diligence pour «identifier leurs incidences négatives effectives ou potentielles, prévenir ces incidences et en atténuer les effets, et rendre compte de la manière dont elles y remédient. Sur la base de ces instruments, l’obligation du devoir de diligence devrait consister à évaluer et à identifier les incidences effectives et potentielles, tout en protégeant les intérêts légitimes du secret d’entreprise, à donner une suite aux constatations afin de prévenir ou de faire cesser les incidences négatives, à suivre la mise en œuvre et les résultats, et à faire savoir comment il a été remédié à ces incidences». L’initiative législative devrait être conçue en cohérence avec les systèmes existants relatifs au devoir de diligence, tels que les PDNU, pour en faciliter la mise en œuvre et éviter les doubles emplois. |
3.20. |
L’initiative législative doit clairement définir les mesures individuelles que les entreprises doivent prendre tout au long du processus de devoir de diligence pour évaluer les risques en matière de droits de l’homme dans le respect des autres actes législatifs contraignants de l’Union, tels que la révision de la directive sur la publication d’informations non financières (13), qui pourrait devoir être adaptée en conséquence à l’avenir. Elle devrait contenir les mesures suivantes:
|
3.21. |
Les États membres devraient veiller à ce qu’une ou plusieurs autorités publiques nationales, comme l’inspection du travail ou celle de la santé et de la sécurité, soient chargées de surveiller le respect des obligations des entreprises. L’autorité devrait disposer des ressources et de l’expertise nécessaires pour effectuer des contrôles, y compris des contrôles d’office, et des vérifications s’appuyant sur des évaluations du risque, des informations reçues de la part de lanceurs d’alerte et des plaintes. Elle devrait travailler en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et s’assurer de leur participation active. Des points de contact de l’OCDE disposant de moyens adaptés devraient également jouer un rôle. |
3.22. |
Les instruments internationaux reconnaissent le rôle nécessaire que devraient jouer des consultations significatives avec les représentants de la société civile, les syndicats, les travailleurs et leurs représentants légitimes à chaque niveau du dialogue social (au niveau des magasins et des secteurs et à l’échelle nationale, européenne et internationale) dans la définition et la mise en œuvre des initiatives en matière de devoir de diligence des entreprises. Par conséquent, l’initiative législative devrait garantir cette participation dans le cadre des dispositions respectives en matière de devoir de diligence. |
3.23. |
Dans les systèmes existants sur lesquels peut s’appuyer l’initiative législative obligatoire, la mise en œuvre et l’utilisation d’un système de devoir de diligence n’excluent pas toujours de fait la responsabilité, car les dommages résultent de violations des droits de l’homme et non d’une négligence du devoir de diligence. En cas d’échec de la prévention, les victimes de violations des droits de l’homme ont toujours besoin, tout au moins, de voies de recours judiciaires efficaces qui garantissent la pleine compensation des dommages subis. Un système de devoir de diligence permettra de mieux apprécier les efforts entrepris pour prévenir les dommages. |
4. Observations particulières
4.1. |
Les entreprises qui opèrent à l’échelle transnationale, à l’intérieur des frontières de l’UE comme au-delà, doivent être gérées d’une manière qui soit durable, en l’occurrence d’un point de vue économique, social et écologique et par l’ouverture de perspectives pour des implantations et la production de biens et de services en Europe. L’initiative législative devrait également exiger des entreprises qu’elles intègrent des principes et des considérations de pratiques responsables et durables dans leurs relations commerciales au sein des chaînes de valeur mondiales. Il conviendrait qu’elle mette en place un cadre qui inclurait la conduite d’un dialogue effectif, à caractère obligatoire, avec les principales parties prenantes des entreprises, de préférence au niveau de leurs conseils de surveillance et comités consultatifs. |
4.2. |
Compte tenu des défis et des obstacles auxquels les victimes sont souvent confrontées lorsqu’elles cherchent à accéder à la justice dans les pays tiers où les entreprises européennes exercent leurs activités, il convient de garantir la possibilité d’un accès à la justice dans l’État membre où l’entreprise est établie (ou exerce des activités commerciales). Il devrait donc être possible d’introduire dans la juridiction d’un État membre des réclamations à l’encontre d’entreprises qui y sont établies, qui y mènent des activités ou qui lui sont liées d’une quelconque façon. Cette possibilité est déjà prévue par la loi française du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des entreprises, mais les affaires en instance montrent que la compétence des tribunaux nationaux n’est pas encore acquise pour les plaintes concernant une filiale à l’étranger. |
4.3. |
La compétence des tribunaux européens se limite généralement aux parties défenderesses européennes. Cela signifie qu’une entreprise basée en Europe peut être poursuivie devant une juridiction européenne, mais que ses filiales dont le siège se trouve dans le pays où le dommage s’est produit ne peuvent généralement pas l’être. Les fournisseurs et les intermédiaires de la chaîne d’approvisionnement sont encore plus éloignés de l’entreprise européenne en question. Il convient de faire en sorte que les victimes de violations des droits de l’homme liées aux activités des entreprises et leurs représentants, notamment les syndicats et les défenseurs des droits de l’homme, puissent bénéficier, au titre des droits de l’homme, d’un accès garanti aux tribunaux et aux autorités administratives ainsi qu’à des procédures équitables. Les cas dans lesquels il est difficile de déterminer si la responsabilité est imputable à la société mère, à l’une de ses filiales ou à l’un de ses fournisseurs devraient relever de la compétence d’une instance unique appliquant des procédures équitables. Il convient de modifier en conséquence le règlement Bruxelles I pour permettre le recours à une procédure européenne en cas de violation des droits de l’homme. |
4.4. |
Le droit applicable constitue une autre question qui a été discutée au niveau des Nations unies. Selon l’article 7 du règlement Rome II, il existe un choix de la loi applicable en cas d’atteintes à l’environnement. Le cas sera-t-il également le même pour les droits de l’homme, afin d’assurer le même niveau de droits entre les atteintes à l’environnement et les violations des droits de l’homme? Cette question fait actuellement l’objet d’un débat entre juristes, et le CESE sera en principe favorable à cette harmonisation sans préjuger de l’ensemble des conséquences juridiques. |
4.5. |
Il est nécessaire d’introduire un cadre de responsabilité spécifique, y compris le cas échéant en matière de responsabilité pénale, selon le système pénal et la violation, en cas de non-respect des droits de l’homme et des normes sociales et environnementales ou de conséquences néfastes dues aux activités des entreprises, notamment dans leurs chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance. La responsabilité pénale pour les crimes internationaux les plus odieux a été incluse dans le projet de traité des Nations unies. Dans son avis sur ledit traité, le CESE a déjà fait remarquer que cette responsabilité devrait également être étendue aux cas de négligence grave (14). |
4.6. |
Le CESE a également déjà exprimé son point de vue sur la question d’une charge de la preuve et du niveau de preuve correspondant. L’avis du CESE (15) propose que: «(…) Cela signifierait au moins que, dans les cas de violations des droits de l’homme, l’on exigerait seulement des parties requérantes qu’elles prouvent l’existence d’un lien manifeste entre l’auteur de l’infraction (tel qu’un fournisseur ou une filiale) et la société (bénéficiaire ou mère) qui devra de son côté expliquer de manière plausible que les infractions échappaient à son contrôle». |
4.7. |
Les entreprises ne devraient pas être exposées à des recours abusifs ou à une responsabilité absolue, étant donné qu’elles peuvent se référer à leur processus de devoir de diligence pour démontrer leur engagement et les mesures prises pour atténuer et prévenir les conséquences néfastes. Aucune responsabilité ne peut être imputée à une entreprise lorsqu’elle n’a ni causé un dommage, ni contribué à ce dommage, ni pu en avoir connaissance, même si elle a exercé un devoir de diligence pertinent. Un processus de devoir de diligence devrait traiter le problème de l’«écran de la personnalité morale», souvent cité, selon lequel les victimes n’ont souvent pas les moyens ni la possibilité de démontrer la chaîne de responsabilité spécifique au sein d’une chaîne de valeur mondiale. |
4.8. |
Les mesures visant à faciliter l’accès des victimes à la justice devraient comporter des mécanismes de soutien adaptés. Des procédures provisoires devraient permettre de mettre un terme aux activités contraires aux droits de l’homme et aux normes sociales et environnementales. Le CESE a déjà souligné l’importance des témoins et le rôle des lanceurs d’alerte, ainsi que la nécessité de soutenir les ONG qui travaillent dans ce domaine étant donné qu’elles ont un intérêt légitime, fondé sur des principes juridiques établis, à agir et à réunir des preuves. En France, certaines mises en demeure émises à l’initiative d’ONG à l’encontre d’entreprises sur la base du devoir de diligence français ont démontré les difficultés d’application de la loi, notamment du droit applicable. |
4.9. |
La fixation d’un cadre en matière d’obligation de diligence reposerait sur une norme convenue dont l’application serait fondée sur des sanctions proportionnées, efficaces et dissuasives, la responsabilité étant engagée en cas de violation d’un ensemble clairement défini de droits de l’homme. Comme dans tout régime de responsabilité, il est nécessaire d’établir un lien évident de causalité entre une faute ou un défaut de prévention et un préjudice certain. Dans les cas de causalité non directe et éloignée, il n’existe donc pas de lien de risque. |
4.10. |
Les sanctions devraient comprendre l’exclusion des marchés publics et du financement public, ainsi que des réparations et des sanctions financières proportionnelles au chiffre d’affaires de l’entreprise. Il s’agit d’inciter les entreprises à remplir les obligations prévues et à prévenir les répercussions négatives de leurs activités, ainsi que de contribuer à la convergence vers le haut de l’approche en matière de droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs et des syndicats. Les États membres devraient introduire des incitations positives pour encourager les entreprises à adopter une approche ambitieuse en matière d’activités économiques durables, y compris dans leurs chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance. |
4.11. |
Il convient d’intégrer à l’initiative législative une clause de non-régression, le principe de la clause la plus favorable ainsi qu’une clause de révision s’appuyant sur les contributions d’experts, pour laquelle la législation sur la protection des données pourrait servir d’exemple. Les exigences d’une nouvelle initiative législative de l’Union devraient également s’appliquer aux outils existants en matière de devoir de diligence volontaire, qu’il convient d’adapter si nécessaire. |
4.12. |
La Commission devrait activement promouvoir sa politique relative au devoir de diligence à l’échelle internationale, c’est-à-dire dans le cadre du processus du traité des Nations unies et auprès de toutes les organisations internationales concernées, afin d’inciter d’autres juridictions à suivre cette voie. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 303 du 19.8.2016, p. 17; JO C 97 du 24.3.2020, p. 9, et avis du CESE sur des chaînes d’approvisionnement durables et un travail décent dans le commerce international (voir page 197 du Journal officiel).
(2) Comme définis dans la charte internationale des droits de l’homme, les neuf principaux instruments relatifs aux droits de l’homme en ce qui concerne l’Europe et l’Union européenne, la convention européenne des droits de l’homme, la charte sociale européenne et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
(3) Comme définis dans les normes fondamentales du travail et notamment la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l’Organisation internationale du travail (OIT).
(4) JO C 97 du 24.3.2020, p. 9.
(5) Résolution 2018/2763(RSP) du Parlement européen.
(6) Étude de la FRA: Improving access to remedy in the area of business and human rights at the EU level (Améliorer l’accès aux voies de recours dans le domaine commercial et des droits de l’homme au niveau de l’UE) (Vienne, 2017).
(7) https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/8ba0a8fd-4c83-11ea-b8b7-01aa75ed71a1/language-en
(8) Study on due diligence requirements through the supply chain (Étude sur les exigences en matière de diligence raisonnable dans la chaîne d’approvisionnement), Commission européenne, janvier 2020, p. 16.
(9) Discours du commissaire Reynders lors du webinaire sur le devoir de diligence du groupe de travail en matière de conduite responsable des entreprises, 30 avril 2020.
(10) Voir la note de bas de page 4.
(11) Traité des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme.
(12) https://s3.amazonaws.com/brt.org/BRT-StatementonthePurposeofaCorporationOctober2020.pdf
(13) JO L 330 du 15.11.2014, p. 1.
(14) Voir la note de bas de page 4.
(15) Voir la note de bas de page 4.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/145 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Révision de l’agenda territorial de l’UE, de la charte de Leipzig et du programme urbain pour l’UE»
(avis exploratoire à la demande de la présidence allemande)
(2020/C 429/20)
Rapporteur: |
Petr ZAHRADNÍK |
Corapporteur: |
Roman HAKEN |
Consultation |
18.2.2020, lettre de Peter ALTMAIER, ministre fédéral allemand de l’économie et de l’énergie |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
20.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE recommande que les nouvelles circonstances et paramètres qui sont apparus depuis que l’actuelle charte de Leipzig est en vigueur (voir paragraphe 2.2) soient pleinement intégrés dans le contenu de la nouvelle charte, de sorte que celle-ci soit compatible, sur le plan fonctionnel, avec le futur cadre financier pluriannuel de l’UE et ses liens avec le processus du Semestre européen. Cette nouvelle charte devrait également tenir compte des incidences et des retombées de la pandémie de COVID-19 sur le développement économique, social, environnemental et territorial des États membres et de l’UE dans son ensemble. |
1.2. |
Le CESE attire l’attention sur l’augmentation attendue des perturbations et des risques (économiques, sanitaires, environnementaux, informatiques, etc.) et propose de faire explicitement valoir dans la nouvelle charte de Leipzig sur des villes européennes durables la nécessité de prendre en compte la résilience de manière systématique. |
1.3. |
Le CESE se félicite du texte relatif à l’agenda territorial 2030 et souscrit à ses piliers fondamentaux qui s’appuient sur la justice, le souci de l’environnement et la nécessité de traduire la dimension territoriale dans l’ensemble des domaines concernés de l’administration publique. |
1.4. |
Le CESE se félicite dans le même temps de la possibilité que lui offre l’agenda territorial 2030 de s’engager dans le processus de sa mise en œuvre. |
1.5. |
Le CESE est conscient de la marge de manœuvre considérable disponible pour utiliser une approche intégrée dans le cadre du développement territorial et urbain, ainsi que des avantages que procure une telle approche sous la forme de synergie de ses effets, d’économies sur les charges et d’interconnexion fonctionnelle du contenu des projets bénéficiant d’un soutien. |
1.6. |
Le CESE attire l’attention sur la marge de manœuvre qui se présente pour l’approche intégrée s’agissant également de la possibilité de combiner des ressources financières de caractère public et privé de manière à accroître les capacités et à partager les risques au bénéfice du développement aussi bien territorial qu’urbain soumis au contrôle démocratique, à une gouvernance transparence et au principe de responsabilité. |
1.7. |
Le CESE approuve sans réserve l’équilibre entre les différents types de territoire lors du recours aux instruments du développement territorial et urbain. Il recommande d’utiliser les instruments de soutien les plus appropriés pour les types de territoire concernés, tout en respectant le principe de subsidiarité, ce qui conduira à éliminer les symptômes de privation, de retard et d’isolement dans le cas des régions à risque. |
1.8. |
Le CESE met en relief l’importance de nouveaux modèles et formes du développement des agglomérations urbaines et des zones métropolitaines, qui constituent des facteurs essentiels pour améliorer la compétitivité mondiale de l’UE grâce à leur ouverture, tout comme la nécessité de faire face à certaines répercussions accessoires de la mondialisation. |
1.9. |
Toutefois, le CESE est également bien conscient de l’importance de protéger et de soutenir les territoires périphériques et éloignés, principalement ruraux, afin de contribuer à les insérer dans un développement régional moderne et durable. |
1.10. |
Si l’on considère les facteurs endogènes et exogènes, il n’est pas possible de traiter séparément de la durabilité et de la résilience des villes et des régions. Aussi le CESE recommande-t-il d’assurer une coordination maximale du programme urbain avec la politique de cohésion territoriale. Il est possible de garantir celle-ci à l’aide de partenariats fonctionnels entre les zones urbaines et rurales et au moyen de projets intégrés visant à renforcer la durabilité et la résilience des systèmes locaux économiques, sociaux et environnementaux des villes et de leurs territoires fonctionnels et de leurs périphéries rurales. |
1.11. |
Le CESE invite la Commission européenne à appuyer les échanges d’expérience, afin d’aboutir progressivement à des recommandations méthodologiques pour tenir compte des risques émergents et de la résilience dans le cadre de la préparation et de l’évaluation des plans de développement aux niveaux urbain et régional. |
1.12. |
D’une part, le CESE observe que les métropoles et les agglomérations urbaines ont créé, grâce à la concentration des ressources et la diversification des activités économiques, des conditions favorables pour devenir des pôles de croissance de l’économie nationale dans son ensemble et des points de contact de cette dernière, dans le contexte de l’ouverture économique de la mondialisation. D’autre part, il est pleinement conscient de la nécessité d’un développement équilibré de l’ensemble de l’économie nationale, y compris des régions rurales et périphériques. |
1.13. |
Le CESE exige fermement de prévoir une représentation plus équilibrée, dans le cadre du principe de partenariat en matière de développement urbain et régional. S’agissant de représentation équitable, le programme LEADER/DLAL constitue un bon exemple, lorsqu’il prévoit que tout au plus 50 % des membres d’un partenariat peuvent provenir d’administrations publiques. Le CESE recommande d’associer bien plus largement les groupes cibles [à savoir les habitants des villes et des zones rurales, les organisations non gouvernementales (ONG) et les partenaires sociaux qui œuvrent sur place] à une coopération effective entre les secteurs public et privé. |
1.14. |
Le CESE note que, dans la pratique, l’approche territoriale intégrée est principalement appliquée dans les zones rurales (LEADER/DLAL) et dans le cas des agglomérations urbaines fonctionnelles et des agglomérations métropolitaines. |
1.15. |
Bien qu’un partenariat (intersectoriel) soit garanti dans la composition des organes de gestion et de conseil, dans la pratique, les entités privées [que ce soit des entreprises locales, des ONG ou des groupes d’action locale (GAL) et associations apparentés] occupent une position nettement plus faible dans l’investissement territorial intégré (ITI). À l’avenir, il convient de combler cette lacune, qui ne permet pas par la suite d’obtenir une vue équilibrée de la communauté sur ses besoins de développement. |
2. Contexte
2.1. |
La charte de Leipzig est un document intergouvernemental des États membres de l’UE visant à respecter des principes et des stratégies communs en matière de politique de développement urbain durable. À cet égard, elle repose sur trois piliers:
|
2.2. |
Le CESE approuve la portée et la teneur de la charte de Leipzig, mais estime qu’il est nécessaire d’adapter son contenu aux nouvelles circonstances qui sont apparues depuis son adoption en mai 2007. Les changements les plus importants survenus depuis lors sont notamment les suivants:
|
2.3. |
L’agenda territorial 2030 constitue un document intergouvernemental des États membres de l’Union européenne, élaboré sur la base d’une coopération avec des partenaires d’autres pays, des institutions et organisations de l’Union et des groupes d’intérêt européens. Son objectif est de faire en sorte que la nécessité d’un avenir durable s’attache non seulement au renforcement de la cohésion territoriale, qui constitue un objectif établi par l’article 3 du traité sur l’Union européenne, mais aussi à l’ensemble des territoires et à leurs habitants. |
2.3.1. |
Dans cette optique, l’agenda territorial 2030 appelle au renforcement de la dimension territoriale de toutes les politiques, à tous les niveaux de gouvernement. À cet égard, il repose sur trois piliers:
|
2.4. |
Le CESE marque son accord avec la teneur de l’agenda territorial 2030, dont il convient également de l’importance, et il apprécie les efforts déployés depuis 2011 pour mettre à jour et approfondir le thème de l’agenda territorial:
|
2.5. |
Le CESE accueille favorablement le processus de soutien apporté à la mise sur pied du nouveau programme urbain de l’Union à la suite de la signature du pacte d’Amsterdam. Ce programme, qui entretient des liens étroits et logiques avec les programmes URBACT ou URBAN, recèle un potentiel indéniable à l’avenir pour ce qui est de déterminer les priorités du développement urbain et de mettre en valeur les bonnes pratiques qu’il sera possible de reproduire au sein de l’Union. |
2.6. |
Tous les thèmes prioritaires de l’agenda urbain concernent les organisations de la société civile; néanmoins ils dépassent le cadre du rôle que l’on attribue traditionnellement à la société civile. Les ONG, les entreprises sociales et les coopératives ne cessent d’accroître leurs capacités ou de mettre en place de nouveaux modèles économiques ou organisationnels pour fournir des services d’intérêt public. Il est nécessaire que les pouvoirs publics puissent être conscients de la manière dont les perçoivent les associations et les organisations actives dans les zones urbaines. Le CESE fait observer qu’il serait tout aussi judicieux d’associer des réseaux nationaux ou régionaux ou des organisations locales possédant une large expérience sur une question donnée que de disposer de réseaux européens. |
2.7. |
En tout état de cause, dans le souci de mettre en œuvre efficacement le programme urbain de l’Union, il est indispensable:
|
2.8. |
Le CESE observe une certaine dualité entre, d’une part, l’agenda territorial et le programme urbain et, d’autre part, la cohésion territoriale. Il prend acte du fait que la question de la cohésion territoriale fait partie du traité (TFUE), et donc de la législation commune, depuis 2009, alors que ni le programme urbain ni l’agenda territorial en tant que tels ne font partie du traité et que leur composante de souveraineté reste de la compétence des États membres et continue d’être régie par un accord intergouvernemental. |
2.9. |
S’agissant d’un élément important du développement régional réalisé dans le cadre de l’Union, le CESE soutient également la création et la mise en œuvre de stratégies participatives de développement des macrorégions, qui rassemblent à la fois des États et des régions membres de l’Union et des États et des régions qui n’en font pas partie. |
2.10. |
Bien que d’un point de vue chronologique, le thème de l’agenda territorial et du programme urbain de l’Union relève d’un horizon temporel plus éloigné que celui du cadre financier pluriannuel, il est essentiel que ce dernier en tienne également compte de manière adéquate dans ses orientations futures et qu’il lui apporte un soutien d’une ampleur adéquate. En effet, l’on peut supposer que la pandémie de COVID-19 qui sévit actuellement aura des répercussions fondamentales sur le futur cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. |
2.11. |
Avec les conséquences de la pandémie, il sera d’autant plus nécessaire d’inclure dans l’agenda territorial et le programme urbain non seulement la dimension de développement, mais aussi la capacité à résister aux risques difficilement prévisibles, qui se présentent sous la forme de chocs exogènes asymétriques et ont une incidence considérable sur la durabilité de la trajectoire de développement. |
3. Observations générales
3.1. Durabilité et résilience
3.1.1. |
Le CESE souligne que l’Europe est confrontée actuellement à des défis persistants liés aux effets du changement climatique, à l’utilisation des ressources et à la nécessité de réduire les risques environnementaux pour la santé et le bien-être de la population. Bien qu’un nombre sans cesse croissant de municipalités et de communautés locales soient en train d’expérimenter différents modes de mobilité, de construction, de production et de consommation durables, leur application plus large dans la pratique exigera une participation sensiblement accrue de toute la société, notamment des entreprises, des organisations non gouvernementales et des citoyens, à l’ensemble du processus de transition. |
3.1.2. |
Le CESE estime que les collectivités urbaines, du fait de leur capacité à trouver des solutions locales intégrées, peuvent utiliser efficacement les moyens financiers destinés à faire face aux conséquences sanitaires et économiques de la pandémie actuelle de COVID-19, non seulement afin de renforcer les infrastructures sanitaires et sociales et relancer l’économie, mais aussi pour soutenir la transition vers des modèles de développement économique plus durables et plus résilients. |
3.1.3. |
Le CESE constate que les villes européennes ont traditionnellement considéré comme allant de soi l’approvisionnement en biens et services provenant de zones extérieures, et ont pris pour acquis le fait que des systèmes économiques pleinement intégrés permettent de faire face à d’éventuelles perturbations. Toutefois, comme on peut le voir de manière patente dans le cas de l’actuelle pandémie de COVID-19, le degré élevé d’interdépendance entraîne des risques d’effets en cascade. |
3.1.4. |
Le CESE souligne de ce fait la nécessité de mettre en place des partenariats gagnant-gagnant entre les zones urbaines et rurales, dans le but de renforcer la durabilité et la résilience des systèmes économiques, sociaux et environnementaux locaux. Les partenariats de ce type peuvent devenir un pilier de la cohésion territoriale à l’avenir. |
3.1.5. |
Par conséquent, le CESE recommande que la nouvelle charte de Leipzig exhorte les villes à:
|
3.1.6. |
Dans le même temps, le CESE reconnaît le caractère relativement nouveau que revêt la discipline du renforcement de la résilience. Aussi, il recommande de lancer un échange paneuropéen d’expériences, qui inclue également les chercheurs et les spécialistes de terrain, ainsi que des initiatives visant à promouvoir les bonnes pratiques dans ce domaine. |
3.2. Intégration
3.2.1. |
Le CESE souligne que le potentiel de mise en œuvre de projets intégrés dans le cadre de la politique de cohésion reste colossal à l’échelle de l’Union. L’approche intégrée de l’Union en matière d’utilisation des ressources doit être centrée sur l’interdisciplinarité et axée sur des thèmes horizontaux (autrement dit, il faut dépasser le cloisonnement aussi répandu que néfaste et la vision sectorielle artificielle qui empêchent effectivement la mise en œuvre de solutions véritablement intégrées). |
3.2.2. |
Le CESE est conscient qu’une approche intégrée nécessite une position totalement nouvelle en matière de gestion des projets bénéficiant d’une aide. Cette approche se fonde sur l’interconnexion et l’interdépendance logique et fonctionnelle des projets, dans le cadre desquels les sources de soutien non seulement proviennent de différents programmes du budget de l’Union, mais se présentent aussi sous différentes formes (subventions, instruments financiers). Idéalement, ces sources sont également complétées par des sources privées. Pour cette approche, il est essentiel de veiller à la cohérence thématique du contenu et excessivement important d’évaluer les effets réels. |
3.2.3. |
Le CESE recommande que l’approche territoriale intégrée soit dûment prise en compte dans tout accord de partenariat. En outre, elle doit être pleinement interconnectée et entièrement compatible avec le principe de la concentration thématique, et on ne doit pas accepter qu’elle soit interprétée sous la forme d’un résidu de concentration thématique. |
3.2.4. |
Le CESE ajoute qu’un test d’hypothèse a montré que l’approche intégrée apporte, sur les indicateurs de performance, 40 % de valeur en plus par rapport à un scénario où les projets individuels sont isolés. Du point de vue macroéconomique, ces changements sont plutôt négligeables dans le cas du soutien aux investissements dans le secteur privé (compte tenu de la part très faible des investissements réalisés de la sorte par rapport à l’investissement total privé); en revanche, dans le cas des investissements publics, leur impact est considérable, notamment grâce à la coordination de leur mise en œuvre et de leur utilisation. |
3.2.5. |
Le CESE note que l’intégration ne doit pas seulement porter sur le contenu couvert et les thèmes. Pour différents types de projets intégrés, différents territoires et types de territoires sont également appropriés, d’où la grande importance d’appliquer le principe de subsidiarité et de lier correctement les thèmes aux besoins. Dans ce contexte, les types de territoires suivants sont les plus fréquemment mentionnés: métropole, (sous-) région, zone urbaine défavorisée et agglomération urbaine. |
3.2.6. |
Le CESE note que les projets liés à la promotion de la compétitivité et de l’excellence, où la fonction de pôles de développement est mise en œuvre, sont principalement adaptés aux zones métropolitaines et aux agglomérations, alors que les projets visant à soutenir les priorités de convergence sont très importants pour les (sous-) régions et les zones urbaines défavorisées. L’intégration peut également avoir pour objet la convergence des ressources, qui est possible tant dans le cadre d’un programme opérationnel de la politique de cohésion qu’entre les programmes opérationnels, entre les Fonds et dans les programmes du cadre financier pluriannuel. Le CESE considère que la mobilisation de ressources financières privées en vue d’accroître les financements publics disponibles et donc de pourvoir à une capacité supplémentaire et de mieux partager les risques, constitue également une option possible en vue d’une approche intégrée. |
3.2.7. |
Le CESE estime que les principaux atouts de l’approche territoriale intégrée sont la réalisation d’économies d’échelle, le coût de la mise en œuvre de ces projets étant considérablement réduit, et la synergie des effets bénéfiques du développement, qui peut être considérée comme l’avantage le plus positif. Les principaux obstacles peuvent être résumés comme suit: méfiance persistante, complexité de la gestion et de la mise en œuvre, et surtout, manque de volonté de déléguer des responsabilités aux maillons inférieurs de la structure de gouvernance. |
3.3. Équilibre
3.3.1. |
Plus le développement des métropoles et des agglomérations urbaines se réalisera au détriment des autres types de territoires au sein d’un pays donné, plus le risque de défaillances structurelles futures sera grand, et celles-ci ne seront résolues qu’à grand renfort d’argent. Ce point de vue est également valable pour le développement équilibré des différents États membres de l’UE et justifie la légitimité du maintien d’une politique de cohésion forte de l’Union dans l’avenir. |
3.3.2. |
Les principaux instruments d’aide au développement régional devraient également respecter ce postulat, et les projets spécifiques relevant de l’ITI et du DLAL-U devraient prendre ce contexte plus large en considération, sans quoi il existe un risque accru de voir se créer des périphéries intérieures («no man’s lands») qui ne sont pas suffisamment soutenues par les politiques de développement territorial, et dont le développement futur est de ce fait fortement entravé. En toute logique, ce sont les grands projets et les projets d’investissement qui sont prédominants dans l’ITI, alors que ceux qui relèvent du DLAL-U sont de dimension financière réduite et, plus souvent, sans liens avec des investissements, tout en apportant une forte valeur ajoutée. |
3.3.3. |
Cela crée également un espace en vue d’une compatibilité mutuelle entre l’ITI et le DLAL, sur la base du respect du principe de subsidiarité. S’agissant de l’ITI, il faudrait non seulement englober la zone métropolitaine ou l’agglomération urbaine concernée, mais aussi les zones rurales ou les territoires des villes plus petites qui s’y rapportent. D’autre part, le développement local mené par les acteurs locaux est un instrument rationnellement applicable, qui sert non seulement à soutenir les initiatives locales dans les zones rurales, mais aussi à répondre aux problèmes des communautés dans les agglomérations urbaines et au niveau des arrondissements des métropoles. |
3.3.4. |
Caractéristiques essentielles du DLAL-U (1):
|
3.3.5. |
Le CESE est conscient que certains profils de territoires au sein de l’UE se trouvent, en raison des changements structurels et technologiques en cours, dans une situation où ils ne sont pas en mesure, au moins à court terme, de s’en tirer par leurs propres moyens (par exemple, les régions d’extraction intensive du charbon et les industries lourdes qui en dépendent, en déclin), et qu’il y a en l’occurrence des signes de défaillances du marché. Les instruments de développement régional devraient aider ces régions à trouver un point de départ stratégique viable sous la forme d’une diversification fonctionnelle des activités économiques et fournir les ressources financières nécessaires à ce développement. |
4. Observations particulières
4.1. Aspects institutionnels
4.1.1. |
Le CESE est conscient qu’il existe une certaine dualité dans l’ancrage institutionnel de l’Union européenne, à savoir entre le développement territorial et le programme de développement urbain, d’une part, et la cohésion territoriale, d’autre part. Si, d’un point de vue global, le développement urbain peut être considéré comme faisant partie du développement territorial au sens plus large, il possède, du point de vue des compétences, un certain degré d’autonomie, étant donné qu’il relève de la seule compétence des États membres et, partant, fait l’objet de modalités de gestion intergouvernementales. En revanche, la cohésion territoriale fait, depuis 2009, partie de la législation de l’Union. Comme on peut le constater, il existe un chevauchement important entre les deux éléments sur le plan du contenu. |
4.1.2. |
La dualité susmentionnée, à laquelle fait par exemple référence la déclaration de Bucarest de 2019, ne constitue pas encore une problématique majeure, étant donné que le programme urbain est pleinement intégré dans la politique de cohésion. Le système de gouvernance à plusieurs niveaux contribue également à résoudre le problème (voir ci-dessous). Néanmoins, la nouvelle charte de Leipzig devrait permettre de dépasser autant que possible cette dualité et d’établir un lien maximal entre l’agenda territorial et le programme urbain. |
4.2. Substance
4.2.1. |
Le CESE escompte que l’intérêt majeur et la valeur ajoutée de la nouvelle charte de Leipzig résideront dans la prise en compte complète des nouveaux éléments et circonstances qui déterminent le développement territorial et urbain (voir paragraphe 2.2), dans l’incorporation du principe de résilience à l’ensemble de la conception du nouveau document et dans la réaction convaincante que proposera celui-ci face aux effets de la pandémie de COVID-19, qui sont susceptibles d’avoir un caractère structurel et à long terme. |
4.2.2. |
Parmi les importantes considérations de fond figurent également l’existence d’infrastructures adéquates de prévention, de soutien et de développement, tirant parti des possibilités technologiques actuelles et assurant un développement équilibré du territoire, par l’intermédiaire duquel certaines différences qualitatives de niveau de vie entre les zones métropolitaines et les zones périphériques rurales s’estompent. |
4.3. Aspects financiers
4.3.1. |
Afin d’assurer un développement territorial et urbain optimal, il est nécessaire de créer une ressource financière robuste, réactive et capable de répondre aux besoins réels, sous la forme d’un futur cadre financier pluriannuel de l’UE pour lequel un développement territorial équilibré mais dynamique, durable et intégré devrait être l’une des priorités fondamentales. D’autre part, même dans le contexte du développement territorial, il semble opportun de recourir davantage à des instruments financiers modernes, c’est-à-dire ceux qui tiennent compte des résultats et des performances, dont les effets sont mesurables et dont certains sont construits sur une base de rentabilité. |
4.3.2. |
Dans le cadre du recours à l’initiative privée et du point de vue de la responsabilité visant le développement des territoires dans lesquels nous travaillons et vivons, et compte tenu de la rareté des ressources publiques, il convient d’optimiser la possibilité de mobiliser des financements privés pour accroître ces dernières, sous réserve d’un contrôle et d’une gouvernance démocratiques stricts. |
4.4. Gouvernance à plusieurs niveaux
4.4.1. |
Dans le contexte d’un développement territorial et urbain moderne, la gouvernance à plusieurs niveaux, qui est strictement respectueuse du principe de subsidiarité, est une nécessité et une condition préalable. Il ne reste qu’à créer les conditions institutionnelles appropriées pour son bon fonctionnement. Nous entendons par là avant tout des compétences réelles, des conditions administratives et de procédure, et une base financière suffisante. |
4.4.2. |
Le partenariat, qu’il soit vertical ou horizontal, constitue le grand principe pour garantir des services publics modernes. Le CESE propose d’examiner divers modèles de coopération entre les secteurs public et privé qui respectent les bonnes pratiques en matière de responsabilité et de contrôle démocratiques de la gouvernance des projets urbains, tout comme divers modèles d’entreprise sociale, ainsi que des programmes européens fondés sur le partenariat, tels que l’ancienne initiative EQUAL (2), qui constituent d’autres illustrations d’une telle coopération. Il appartient aux administrations publiques des différents échelons, notamment dans les villes, de rassembler les partenaires intéressés dans des projets communs et d’utiliser efficacement les financements. |
4.4.3. |
La gouvernance à plusieurs niveaux peut être développée et mise en œuvre efficacement au moyen de projets intégrés entre des agglomérations urbaines et leurs territoires fonctionnels dans les zones rurales. Les groupes d’action locale présents dans les zones rurales et les partenariats urbains intersectoriels nouvellement créés peuvent également participer avec succès à ces projets. |
4.4.4. |
En même temps, un développement territorial et urbain moderne requiert non seulement une harmonisation entre toutes les composantes du secteur public (État, régions et municipalités), mais aussi la participation effective des partenaires sociaux et de la société civile (particuliers, organisations professionnelles et associations d’entreprises, syndicats, secteur sans but lucratif actif localement, etc.). |
4.4.5. |
Le CESE suggère de développer plus avant dans la charte le thème de la participation des communautés urbaines et des citoyens. Les villes ont besoin d’un mécanisme qui fonctionne correctement afin de renforcer la position des citoyens et des groupes de citoyens de sorte que ceux-ci puissent être de véritables partenaires solides dans le cadre des débats et de la mise en œuvre des priorités du développement de leurs villes et pour réaliser le programme urbain. Seule une communauté sûre d’elle-même et forte, qui dispose d’un capital social élevé, sera en mesure de relever les défis qui se profilent à l’horizon. À cette fin, il est nécessaire que l’administration publique prépare les modules d’enseignement et de formation destinés à montrer comment créer et renforcer les partenariats coopératifs au sein de sa propre commune. Le CESE est prêt à œuvrer pour donner corps à cette idée. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Aux fins du présent avis, nous désignons par DLAL-U le développement local mené par les acteurs locaux dans les zones urbaines. Ce faisant, nous tentons de mieux décrire différentes ressources et conditions pour le développement local rural et urbain. À l’heure actuelle, le DLAL s’emploie habituellement pour les zones rurales, dans le cadre d’un développement du programme LEADER, mais de manière moins fréquente moins pour le développement urbain.
(2) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM:c10237
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/153 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle des politiques structurelles et de cohésion de l’UE dans la transformation innovante et intelligente de l’économie»
(avis exploratoire)
(2020/C 429/21)
Rapporteur: |
Gonçalo LOBO XAVIER |
Consultation |
18.2.2020 — lettre de Peter ALTMAIER, ministre fédéral allemand de l’économie et de l’énergie |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
20.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
217/0/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE invite la Commission européenne à considérer la politique de cohésion comme un instrument fondamental pour relever les défis considérables posés par la pandémie de COVID-19. Il est urgent de réagir rapidement, et les moyens financiers permettant d’aider et de soutenir les États membres doivent être déployés dans le respect des critères pertinents, mais aussi avec courage. Plus que jamais, l’Europe doit adopter une approche différenciée pour relever un défi unique. |
1.2. |
Les effets de la crise du coronavirus rendent nécessaire d’adopter des mesures vigoureuses et claires pour reconstruire l’économie européenne. Les conséquences pour les actions en matière économique, sociétale, politique et de santé publique sont difficilement mesurables et les États membres ne seront pas tous affectés de la même façon. Le CESE convient que les priorités de la présidence allemande doivent se concentrer sur ces nouvelles circonstances et demande que des mesures soient prises pour protéger l’emploi et les droits sociaux dans l’ensemble de l’Union. |
1.3. |
Le CESE estime que tout plan de relance pour l’Europe doit tenir compte de ce qu’a révélé cette crise, à savoir la dépendance du continent à l’égard d’autres espaces économiques pour certains produits et services. Il est clair que l’Europe doit réfléchir à sa politique commerciale, stimuler l’innovation et mettre à profit sa stratégie de spécialisation intelligente fondée sur les régions et sur une approche industrielle sectorielle. La politique de cohésion a joué par le passé un rôle fondamental pour créer les conditions propices au niveau de l’industrie, de la recherche et développement et des infrastructures afin de permettre l’élaboration de solutions. Le CESE est d’avis que les besoins actuels requièrent une politique encore plus vigoureuse pour aider les entreprises à relocaliser leurs activités en Europe. Une réindustrialisation s’impose et c’est maintenant qu’il faut agir. |
1.4. |
Le CESE estime que la numérisation des services doit rester une priorité pour tous les États membres. Cette crise a montré la nécessité de proposer des services plus simples et plus complets pour soutenir tous les Européens, en particulier ceux qui ont besoin d’une aide plus soutenue. Il apparaît évident pour le CESE que les perspectives et les défis à relever en matière de numérisation diffèrent d’un État membre à l’autre. Les infrastructures existantes ne sont pas adaptées et la hausse des investissements dans ces domaines doit être une priorité. Les États membres devraient être encouragés à investir dans de meilleures infrastructures pour créer les conditions favorables aux nouvelles entreprises et aux nouveaux services. Il faut pour ce faire que les instruments financiers soient créatifs et simples. |
1.5. |
Le CESE convient qu’il reste nécessaire d’investir dans le déploiement généralisé des systèmes à large bande pour permettre aux zones rurales de développer des activités modernes dans le domaine de l’agriculture et du tourisme. Les instruments de la politique de cohésion ont négligé cet impératif ou, à tout le moins, l’attention des États membres a été détournée des possibilités qu’offrent actuellement les programmes financiers. Pour permettre la mise en place d’une «nouvelle forme d’agriculture», de nouvelles activités touristiques et de nouvelles «industries», les gouvernements des États membres devraient être encouragés à investir dans les infrastructures à haut débit. |
1.6. |
Le CESE est fermement convaincu que le commerce électronique est un élément fondamental de la «nouvelle normalité» résultant de l’incidence de la COVID-19 sur la société et l’économie. Il sera nécessaire de prévoir différentes options, tant pour les entreprises que pour les consommateurs. Les PME pouvant également bénéficier de cette nouvelle approche, il y a lieu de libérer des fonds structurels pour permettre aux entreprises d’explorer de nouveaux marchés et de nouvelles possibilités. Le CESE invite instamment la Commission européenne à faire preuve de flexibilité au moment de relever ces défis, qui peuvent offrir aux entreprises des possibilités de se lancer dans des activités en ligne au moyen de partenariats et d’investissements intelligents afin d’être compétitives non seulement sur le marché intérieur, mais aussi sur la scène mondiale. Des réseaux d’approvisionnement plus durables sont absolument nécessaires pour permettre aux entreprises et aux consommateurs d’interagir plus efficacement. |
1.7. |
Le CESE estime qu’il est urgent de protéger les PME et leur viabilité. Pour ce faire, les outils européens habituels actuellement disponibles, tels que le Fonds social européen, doivent être utilisés d’une manière qui soit extrêmement créative tout en restant simple. L’incidence de cette crise sur les taux d’emploi ne fait aucun doute, et il sera difficile pour l’Europe de rebondir sans une véritable stratégie en matière de formation et de réinsertion des personnes sur le marché du travail. Pour cette même raison, le processus décisionnel relatif à l’utilisation des instruments financiers doit tenir compte du fait que les PME doivent encore faire face à une charge administrative importante pour bénéficier de ces régimes. Le CESE demande que des mesures soient prises pour alléger cette charge, afin de permettre aux PME d’aller plus loin dans ce domaine. |
1.7.1. |
Il est impératif d’assurer aux PME des conditions favorables de crédit à long terme afin de les aider en cette période difficile; il conviendrait d’utiliser le Fonds de cohésion pour créer un instrument financier efficace et mobilisable rapidement. |
1.7.2. |
Dans le même ordre d’idées, le CESE attire l’attention sur la nécessité de favoriser et de créer les conditions propices au développement des mécanismes et de l’investissement public nécessaires à la mise en place de programmes de formation tout au long de la vie, qui doivent permettre aux citoyens d’adapter dès aujourd’hui leurs compétences aux besoins du marché et nous préparer à fournir de nouvelles compétences aux générations futures. |
1.8. |
Le CESE convient également qu’il y a lieu de soutenir le programme du pacte vert et demande instamment à la Commission européenne d’apporter aux États membres des éclaircissements concernant, par exemple, la manière dont les 40 milliards d’EUR du «Fonds pour une transition juste» pourront être utilisés pour «décarboner» l’économie. Il s’agit là d’un exemple d’idée et de concept intéressants qui devraient être promus auprès des États membres, mais dont la mise en œuvre concrète demeure à ce stade assez floue. |
1.9. |
Le CESE accueille favorablement le «programme REACT-EU», au titre duquel 55 milliards d’EUR seront investis pour soutenir la politique de cohésion, mais invite la Commission européenne à informer rapidement les États membres et à leur fournir des éclaircissements concernant les conditions et critères d’attribution propres à ces fonds, étant donné qu’ils doivent être alloués avant la fin de l’année 2022. Les financements au titre de REACT-EU seront répartis entre les États membres en fonction de leur prospérité relative et de l’ampleur des effets de la crise actuelle sur leurs économies et leurs sociétés, y compris pour ce qui est du chômage des jeunes. Des informations plus précises sont néanmoins nécessaires pour obtenir des résultats. Pour l’instant, c’est la mise en œuvre qui doit être assurée, plutôt qu’un montant déterminé de financement. Si l’emploi et la valeur ajoutée sont bien l’enjeu majeur, l’Europe doit disposer d’un programme souple, rapide et simple, impliquant des procédures moins complexes, qui puisse simplifier l’accès des entreprises aux financements, quels que soient leur taille, leur origine ou leur secteur d’activité. |
1.10. |
Le CESE estime nécessaire d’assurer une consultation et une participation massive des organisations de la société civile lors de la définition des politiques régionales, pour bénéficier des connaissances concrètes et pertinentes des parties prenantes et pouvoir ainsi renforcer la mise en œuvre de la stratégie. Le moment est venu d’associer les partenaires sociaux à la définition et à la mise en œuvre des politiques, afin d’établir une approche de partenariat qui puisse réellement faire la différence. |
2. Observations générales
2.1. |
La présidence allemande de l’Union européenne se déroulera dans un contexte très spécifique et représentera un grand défi pour le projet européen. De nombreux objectifs de la présidence pourraient être modifiés en raison de la crise du coronavirus, qui va avoir des répercussions sur le devenir des populations, des entreprises et des industries, et qui mettra à l’épreuve la résilience de l’Europe après la pandémie. |
2.2. |
Même si les priorités peuvent toujours être modifiées, certaines idées phares peuvent être maintenues malgré la situation. La numérisation, les risques budgétaires et l’instauration d’une économie intelligente et de croissance sont autant d’enjeux qui figuraient déjà au cœur des priorités. |
2.3. |
La numérisation sera au centre des préoccupations avec la politique en matière de données, l’intelligence artificielle et le marché unique numérique. Il faut que l’ouverture du marché intérieur reste garantie, et c’est une ambition qui peut être comprise dans le cadre du débat sur le plan de relance européen. Le marché intérieur numérique continuera d’être développé afin d’améliorer la compétitivité de l’Europe. L’UE est attachée à l’interopérabilité, à la normalisation et aux technologies à source ouverte. |
2.4. |
La situation actuelle risque également d’aggraver les différences économiques et sociales, y compris les disparités régionales et territoriales entre les États membres et en leur sein. Les modifications de la demande et la capacité de rebond dont fera preuve le secteur des entreprises auront des effets asymétriques sur les régions et les territoires au sein des États membres en raison de leurs différences de spécialisation sectorielle. Les services qui nécessitent un contact direct avec les consommateurs devraient néanmoins pâtir de la crise, notamment en raison de la réduction du chiffre d’affaires et de l’emploi dans les PME. |
2.5. Réindustrialisation des zones rurales
2.5.1. |
Les États membres disposant d’une marge de manœuvre budgétaire importante peuvent apporter un soutien plus généreux et de longue durée aux entreprises et aux ménages. Ils seront également mieux à même de résorber des déficits publics et des niveaux d’endettement plus élevés, dans un contexte d’urgence accrue de garantir des soins de santé de qualité et des prestations sociales durables pour les personnes qui en ont besoin. De manière plus générale, les États membres n’auront pas tous la même capacité à financer les investissements nécessaires pour relancer leurs économies et soutenir les transitions verte et numérique. Ces différences pourraient entraîner une distorsion des conditions de concurrence au sein du marché unique et accroître les divergences entre les niveaux de vie. |
2.6. |
Selon la célèbre formule de Jean-Claude Juncker, «Il n’y a pas assez d’Europe dans cette Union. Et il n’y a pas assez d’union dans cette Union». Une fois de plus, la crise actuelle montre clairement que dans les moments difficiles, le «chacun pour soi» prévaut. Les interdictions temporaires d’exportation de certains produits protégés par des États membres et la fermeture des frontières actuellement en vigueur sont des réponses très nationales à une crise mondiale. Il y a lieu de s’en inquiéter. La politique de cohésion pourrait remédier à cette situation. |
3. La politique de cohésion est l’atout majeur de l’Europe pour dynamiser le marché unique
3.1. |
Le marché unique est au cœur du projet européen. Son bon fonctionnement devrait permettre aux citoyens de l’UE de bénéficier d’un choix plus large de services et de produits et de meilleures perspectives d’emploi. Le marché unique devrait favoriser les échanges et la concurrence, qui s’avèrent indispensables au succès de la transformation verte et numérique de l’UE. Une politique de cohésion appropriée et équilibrée est fondamentale pour parachever le marché unique. |
3.2. |
Malgré les nombreuses disparités existant entre les États membres, la politique de cohésion demeure un mécanisme essentiel pour équilibrer le développement, ouvrir des perspectives et améliorer les normes. Il importe de rappeler que cette politique repose sur la solidarité européenne et produit des effets dans l’ensemble des États membres, qu’ils soient bénéficiaires des financements ou «contributeurs nets». |
3.3. |
Il est également primordial que des mesures spécifiques soient prises pour répondre à une épreuve dont les effets sont variables dans les différents États membres. Plus que jamais, l’Europe doit adopter une approche différenciée pour relever un défi unique. Les États membres n’auront donc pas tous besoin du même niveau de soutien, et c’est là le principal atout d’une politique de cohésion efficace: des initiatives intelligentes et performantes visant à remédier à des effets divers, tels que ceux que l’on subit en raison de la crise de la COVID-19. |
3.4. |
Le CESE affirme qu’il est essentiel de disposer d’une politique industrielle européenne bien coordonnée, qui tienne compte non seulement des défis actuels pendant et après la pandémie de COVID-19, mais aussi des aspects liés à la numérisation et à la durabilité. |
3.4.1. |
Il y a lieu de recenser et de soutenir les industries et secteurs clés, des ressources humaines à la recherche, de manière à aboutir à une politique industrielle européenne qui protège ces secteurs stratégiques du marché et assure la sécurité de l’approvisionnement en produits essentiels, tels que les respirateurs et les masques, entre autres, en cas de pandémie. |
3.4.2. |
L’Europe doit financer des activités qui répondent à deux critères: le rétablissement de capacités de production stratégiques, fournissant des emplois de qualité, afin de rendre l’Europe indépendante, notamment en matière de protection de la santé et de capacité de réaction, ainsi que la priorité donnée à un investissement durable, socialement responsable et respectueux de l’environnement. Les PME pourraient, au même titre que les grandes entreprises et les entreprises sociales, jouer un rôle crucial dans la restructuration du système de production européen. |
3.5. |
Les PME et les organisations de la société civile devraient être au centre de l’attention portée à la résilience et à la relance. Les programmes de cohésion devraient être restructurés de manière beaucoup plus simple et plus efficace pour que les bénéficiaires modestes et de taille moyenne puissent réellement en profiter. |
3.6. |
Le tourisme et la culture sont deux secteurs clés qui ont été durement touchés par la pandémie. Les fonds européens devraient se concentrer sur la recherche d’outils permettant de soutenir les entreprises actives dans les domaines du tourisme et de la culture, grâce à l’innovation, à la transformation numérique et à la coopération intersectorielle. |
4. La politique de cohésion et la situation à l’issue de la pandémie de COVID-19
4.1. |
Les circonstances exceptionnelles de la crise du coronavirus représentent une immense épreuve pour la politique de cohésion. Plus que jamais, les plans de relance des États membres doivent refléter les valeurs de la cohésion territoriale, telles que la numérisation, la lutte contre le changement climatique et l’inclusion sociale. Un plan de relance méthodique et robuste pour l’Europe et tous les États membres de l’UE dépend essentiellement de cette politique, indépendamment de la taille ou des autres caractéristiques de tel ou tel pays. |
4.2. |
L’un des aspects les plus fondamentaux de la stratégie de relance est le cadre financier de la politique de cohésion. Plus que jamais, la pandémie a révélé et même exacerbé les inégalités entre les citoyens et entre les États membres. Chacun est exposé au virus de la même manière, mais l’approche spécifique adoptée par les citoyens, les sociétés et les États membres pour faire face à ce risque varie. La situation financière précaire qui résultera de cette crise aura des conséquences dramatiques pour certains pays et certaines composantes de la société, et la réponse européenne doit en tenir compte. |
4.3. |
La coopération sera essentielle pour obtenir des résultats. Ce n’est pas le moment de critiquer les actions antérieures. Il faut plutôt regarder le présent tel qu’il est et se concentrer sur l’avenir, en visant des objectifs majeurs qui ont été définis en commun et qui peuvent être maintenus même dans ce contexte critique. |
4.4. |
Le préjudice porté par la crise de la COVID-19 au projet européen et au monde amplifiera les dommages causés par le retrait du Royaume-Uni de l’UE. Cela pourrait signifier qu’à l’issue de la pandémie, les écarts de développement économique, de protection sociale et de prospérité entre les États membres de l’Union se creuseront. |
4.5. |
Il n’existe pas de solution unique à la crise, mais une politique de cohésion adaptée et équilibrée a permis, par le passé, de faire face aux différences et de créer une solidarité entre tous les États membres. |
4.6. |
La relance de l’Europe devrait se fonder sur le principe de solidarité, mais il faut encore corriger les erreurs du passé. Il faut aider les États membres dont la dette publique est excessive à aller beaucoup plus vite sur la voie d’une relance durable, mais ce soutien doit associer des politiques fortes et une action équilibrée sur la base des recommandations par pays formulées dans le cadre du Semestre européen. L’heure est venue d’agir avec courage et non pas de penser à tirer un profit politique de la situation au niveau national. |
4.7. |
Le pacte vert demeure pertinent et le CESE estime que ses principaux objectifs sont cruciaux pour permettre à l’Europe de jouer un rôle de premier plan dans de nombreux domaines liés au défi mondial qu’il nous faut relever. |
4.8. |
Dans ce contexte, le CESE accueille favorablement et soutient pleinement les propositions formulées par la Commission européenne, à savoir le plan «Next Generation EU», y compris REACT-EU, et le budget global de l’UE pour la période 2021-2027. Alors que REACT-UE poursuit et étend les mesures de réaction et de réparation face aux crises de la nouvelle politique de cohésion, le CESE recommande vivement d’éliminer toutes les barrières et charges administratives possibles au niveau des administrations publiques tant nationales qu’européennes, afin que les efforts puissent se concentrer sur la gestion des problèmes liés à l’épidémie. |
4.9. |
Le CESE a dès lors la ferme conviction que REACT-EU mobilisera les investissements et anticipera le soutien financier durant les premières années cruciales de la reprise en injectant des ressources supplémentaires dans l’économie réelle. La préservation des emplois existants, la création de nouveaux emplois — en particulier pour les jeunes — et l’aide à l’investissement pour les PME sont des secteurs essentiels qui nécessitent d’être soutenus par un financement supplémentaire au titre de REACT-EU. |
4.10. |
Les priorités d’investissement à l’issue de la pandémie de COVID-19 doivent tenir compte de l’impact disproportionné qu’a eu celle-ci sur certains pans de la population, notamment les personnes âgées, les personnes handicapées, les migrants et réfugiés ainsi que la communauté rom. Il sera absolument fondamental d’aider ces communautés à retrouver la stabilité et de faire en sorte qu’elles ne soient pas laissées pour compte lors de la sortie de crise, comme ce fut le cas après la dernière crise financière qui a frappé l’Europe. |
5. Semestre européen et recommandations par pays
5.1. |
Le Semestre européen doit encore surmonter de nombreux défis qu’il est encore plus impérieux de relever compte tenu de la crise actuelle. Les défis à relever sont notamment le manque d’appropriation des réformes proposées et un ralentissement de la mise en œuvre des recommandations par pays. |
5.2. |
La participation de la société civile organisée au processus du Semestre européen est donc fondamentale, car le fait que les parties prenantes s’approprient les réformes améliore leur mise en œuvre et contribue à l’obtention de résultats positifs. |
5.3. |
Dans ce contexte, le processus du Semestre européen jouera un rôle de plus en plus important dans le suivi et l’évaluation de l’intervention prévue dans le plan «Next Generation EU», et le CESE est donc d’avis qu’il convient de considérer les partenaires économiques et sociaux ainsi que les organisations de la société civile comme des acteurs essentiels à cet égard. |
5.4. |
Les partenaires de la société civile, les acteurs locaux et les associations, ainsi que le Parlement européen, doivent être associés à toutes les décisions relatives aux dépenses concernant les fonds de relance, ainsi qu’à la vérification ex post de la bonne utilisation des fonds dans l’intérêt des citoyens européens. Il est essentiel de rendre leur participation obligatoire pour faire en sorte que les fonds parviennent à des projets qui remettent l’économie européenne sur les rails et l’aident à se rétablir. |
6. Des instruments de la politique de cohésion efficaces
6.1. |
La politique de cohésion est une politique d’investissement moderne, efficace et flexible de l’Union européenne. D’une part, elle offre une réponse aux défis à long terme par la voie de sa programmation pluriannuelle. D’autre part, elle peut être extrêmement flexible dans des situations de gestion de crise telles que celle que nous traversons en lien avec la COVID-19, où des changements rapides dans son système de mise en œuvre permettront d’acheminer vers les États membres une aide de 8 milliards d’EUR (dans un premier temps). |
6.1.1. |
La politique de cohésion a un effet significatif sur les économies des États membres. Au terme de la période de mise en œuvre de la politique de cohésion pour la période 2014-2020, le PIB de l’EU-13 devrait avoir progressé d’environ 3 % sous l’action de celle-ci. Cette politique a également une incidence considérable sur les régions moins développées de l’Union. Ainsi, à la fin de la période de programmation, le PIB de certaines des régions les moins développées de Hongrie devrait être supérieur de plus de 8 % à ce qu’il serait en l’absence de politique de cohésion. |
6.1.2. |
Dès la crise économique et financière, les fonds de l’UE ont joué un rôle stabilisateur afin de garantir un niveau plus élevé d’investissement public dans de nombreux domaines d’action, des grands projets d’infrastructure au financement des PME et à la formation des travailleurs et des chômeurs. |
6.1.3. |
Sur la période 2021-2027, la politique de cohésion continuera de soutenir l’ensemble des régions de tous les États membres, en finançant un large éventail d’investissements qui aideront les régions de l’UE à faire face efficacement à la double transition que représentent l’évolution technologique et les objectifs climatiques, notamment au moyen de nouvelles initiatives telles que le Fonds pour une transition juste. |
6.2. |
La proposition relative à la future politique de cohésion repose sur les trois grands principes exposés ci-dessous. |
6.2.1. |
Une politique pour toutes les régions: si les trois quarts des investissements réalisés au titre de la politique de cohésion sont axés sur les régions les moins développées, des dispositions subsistent pour les régions en transition industrielle et les régions ultrapériphériques de l’UE. En outre, la coopération transfrontière s’est intensifiée et le rôle des villes, des zones métropolitaines et des initiatives locales a été renforcé, une nouvelle priorité étant consacrée à «rapprocher l’Europe des citoyens». Malgré la réduction globale du budget de l’UE, les ressources devraient continuer de se concentrer sur les États membres et régions les plus pauvres. Dans la proposition de la Commission, cette priorité est encore plus marquée que dans la période actuelle, les États membres les plus pauvres continuant de recevoir beaucoup plus que les plus développés. L’aide est effectivement apportée là où elle est la plus nécessaire: 62 % des ressources destinées à l’objectif portant sur l’emploi et la croissance ont été affectés aux régions les moins développées (contre 52 % sur la période 2014-2020). Malgré les contraintes budgétaires, il a été possible d’augmenter les dotations en termes réels par rapport aux prix de 2018 pour les régions moins développées (+ 8 %) et les régions en transition (+ 17 %). C’est là l’essence même de la politique de cohésion: donner corps au principe de solidarité. |
6.2.2. |
Une politique plus moderne: les trois quarts de l’investissement sont destinés à préparer les régions à la double transition vers une économie numérique et moderne et vers une économie circulaire neutre pour le climat, soit les principaux défis auxquels notre société sera confrontée au cours de la prochaine décennie. Cette priorité indispensable se traduit par plusieurs mesures visant à améliorer la qualité et l’incidence des investissements, telles que l’établissement de «conditions favorisantes» adaptées à ceux-ci, qui visent à garantir que les conditions préalables à la réussite soient réunies. |
6.2.3. |
Une politique plus simple et plus dynamique: 80 simplifications administratives ont été proposées, permettant de rationaliser les règles à tous les niveaux, de la mise en place des programmes aux procédures d’audit et de remboursement, et garantissant ainsi des règles simples et claires pour sept fonds de l’UE mis en œuvre selon une gestion partagée, régie par un corpus réglementaire unique. Ce corpus unique simplifiera la vie aussi bien des gestionnaires que des bénéficiaires des programmes et facilitera les synergies entre les sept fonds ainsi qu’avec d’autres instruments faisant partie des outils budgétaires de l’Union, tels que la politique agricole commune, le programme Horizon Europe pour l’innovation, l’instrument de l’UE pour la mobilité à des fins d’apprentissage (Erasmus+) et le programme LIFE pour l’action en faveur de l’environnement et du climat. |
6.3. |
Associées à la poursuite du renforcement des capacités administratives, toutes ces mesures assureront un démarrage plus rapide et plus efficace des nouveaux programmes. |
6.4. |
En résumé, la nouvelle politique de cohésion sera plus ciblée et apportera davantage de valeur ajoutée européenne; il ne s’agit donc pas seulement d’une question de taille, mais également de résultats. |
6.5. |
Dans le même temps, les collectivités locales devront consentir des efforts supplémentaires sous la forme d’une appropriation accrue lors de la mise en œuvre des projets financés par l’UE. Cela implique que le cofinancement national retrouve ses niveaux d’avant la crise. Bien qu’elle puisse être perçue comme un facteur de tension potentiel dans les budgets publics, la diminution du taux de cofinancement devrait également être considérée comme une occasion de réaliser de meilleurs projets et de renforcer le sentiment d’appropriation et le sens de la responsabilité. Il en va de même pour l’accent thématique renforcé, déjà cité plus haut, mis sur de grands objectifs stratégiques correspondant aux priorités et défis européens, tels qu’une Europe intelligente et verte. |
6.6. |
Une importante condition préalable à ce qui précède est que l’Europe remédie à l’absence d’une communication efficace concernant la politique de cohésion, à laquelle se heurtent trop souvent les projets financés au titre de cette politique. S’il faut prendre acte des diverses lignes directrices adoptées par la Commission en matière de communication, il ne fait aucun doute pour le CESE que celles-ci sont très loin d’être suffisantes. La réalisation de certains projets, voire même le fait qu’ils sont en réalité financés par l’UE, ne sont souvent pas ou peu connus. La politique de cohésion n’est par conséquent pas ou peu reconnue. |
6.7. |
Le CESE invite la Commission à poursuivre son travail de révision des obligations actuelles en matière de publicité et à les améliorer considérablement, en prenant en compte les moyens modernes de communication numérique qui sont pleinement intégrés dans la stratégie numérique. Un recours accru aux projets faisant appel aux meilleures pratiques devrait servir à fournir des exemples concrets pour encourager une utilisation plus large et plus efficace des fonds. |
6.8. |
Le CESE appelle la Commission à élaborer un plan stratégique de communication en collaboration avec tous les partenaires concernés, y compris les organisations de la société civile, les acteurs locaux et les citoyens. Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire que les États membres et les bénéficiaires garantissent une communication plus efficace concernant les meilleures pratiques et un meilleur accès à ces dernières. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/159 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Des salaires minimum décents dans toute l’Europe»
(avis exploratoire à la demande du Parlement européen et du Conseil)
(2020/C 429/22)
Rapporteurs: |
Stefano MALLIA et Oliver RÖPKE |
Consultation |
Parlement européen, 30.1.2020 |
Base juridique |
Article 304, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales, citoyenneté» |
Adoption en section |
9.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
209/0/8 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
L’Europe a été durement frappée par la pandémie de COVID-19. L’Union européenne et ses États membres sont confrontés à une récession économique d’une ampleur historique, dont les conséquences sont dramatiques pour sa population comme pour ses entreprises. Des politiques coordonnées et résolues sont nécessaires, à court et moyen terme, pour y préserver l’emploi et les revenus et y garantir une relance rapide et durable des activités économiques, ainsi que la compétitivité et le bon fonctionnement de la structure socio-économique. Il est indispensable d’avoir des emplois de qualité, dotés de salaires décents, notamment grâce à des rémunérations minimum appropriées dans l’ensemble de l’Europe, car ils constituent une partie intégrante de la solution à apporter. Il est également nécessaire de tenir compte des paramètres économiques, dont la productivité et la durabilité des entreprises. Un dialogue citoyen efficace joue un rôle essentiel pour obtenir des résultats positifs en la matière et conserver la confiance de la population. De même, un dialogue social et une négociation collective qui soient vigoureux et opérants sont primordiaux pour relever les défis qui se posent dans l’économie et le marché du travail et conforter la reprise. |
1.2. |
Le présent avis exploratoire a été demandé par le Parlement européen, dans la perspective de l’initiative que la Commission va lancer prochainement concernant des salaires minimum décents. Au sein du CESE, le groupe des travailleurs et celui de «Diversité Europe» défendent l’idée que tous les travailleurs de l’UE devraient être protégés par des salaires minimum équitables, grâce auxquels ils puissent bénéficier d’un niveau de vie décent quel que soit l’endroit où ils travaillent. Il s’agit là d’un droit fondamental. Le groupe des employeurs, quant à lui, estime que la fixation de salaires minimum constitue une compétence de l’échelon national, qui doit s’exercer en conformité avec les spécificités du système en vigueur dans le pays concerné. |
1.3. |
Pour ce qui est des niveaux qu’atteint le salaire minimum légal, les États membres continuent à présenter de fortes disparités, qui sont le reflet de leur hétérogénéité quant à leur stade de développement économique et social, et dans certains cas, il se situe nettement sous le seuil de la rémunération qui expose au «risque de pauvreté». Le CESE avait déjà exprimé sa conviction qu’il y a lieu de consentir des efforts supplémentaires en matière de convergence des rémunérations et d’établissement de salaires minimum dans les États membres, tout en soulignant que «les compétences clés et l’autonomie des partenaires sociaux nationaux en ce qui concerne les processus de fixation des salaires doivent être pleinement respectées, conformément aux pratiques nationales» (1). Ces efforts devraient également viser au renforcement de la négociation collective, qui contribuerait elle aussi, d’une manière générale, à une plus grande équité salariale. |
1.4. |
Les salaires, y compris minimum, représentent un rouage important du modèle d’économie sociale de marché qui a cours dans l’Union européenne. Garantir que des salaires minimum décents existent dans l’ensemble des États membres contribuerait à réaliser bon nombre des objectifs de l’UE, qu’il s’agisse de parvenir à une convergence des rémunérations par le haut, d’augmenter la cohésion économique et sociale, d’éliminer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes, d’améliorer les conditions de vie et de travail en général, ou encore de garantir un environnement de concurrence loyale dans le marché unique. Les salaires constituent la rémunération du travail accompli et représentent l’un des éléments qui sont mutuellement bénéfiques pour les entreprises et les travailleurs. Ils sont liés à la situation économique propre à chaque pays, région ou secteur. Tout changement effectué en la matière peut avoir des répercussions pour l’emploi, la compétitivité et la demande macroéconomique. |
1.5. |
Les salaires minimum devraient être équitables par rapport au spectre des rémunérations de chaque État et atteindre par ailleurs une valeur appropriée par au regard des prix réels pratiqués, de manière à permettre un niveau de vie décent tout en préservant la pérennité des entreprises qui offrent des emplois de qualité. |
1.6. |
Le CESE s’inquiète de constater que la pauvreté en général et celle qui frappe des personnes au travail au travail constituent toujours un problème majeur dans de nombreux États membres. Pour répondre à ces préoccupations, il y a lieu d’adopter, au niveau de l’UE et des États membres, une approche globale, qui implique notamment de soutenir des dispositifs d’inclusion active, combinés avec des services sociaux primordiaux et émancipateurs. Sont également nécessaires des marchés du travail, des services publics de l’emploi et des politiques actives du marché du travail qui fonctionnent correctement. Le Comité a également proposé d’adopter une approche graduelle concernant des normes minimales communes pour les régimes d’assurance chômage des États membres (2), et il avait déjà plaidé en faveur de l’instauration d’un cadre européen contraignant pour un revenu minimum décent en Europe (3). Si, au sein du CESE, le groupe des travailleurs et celui de «Diversité Europe» ont soutenu l’avis, celui des employeurs n’a pas adhéré à l’idée qui y était développée s’agissant d’établir un instrument contraignant pour un revenu minimum au niveau européen. |
1.7. |
La Commission européenne a fait part de son intention de proposer «un instrument juridique destiné à faire en sorte que chaque travailleur au sein de l’Union européenne bénéficie d’un salaire minimum équitable». Pour le groupe des travailleurs et celui de «Diversité Europe», cette initiative de la Commission représente un élément essentiel pour la mise en œuvre du sixième principe du socle européen des droits sociaux. La Commission a souligné que son intention n’est pas d’établir un «salaire minimum européen» unique, ni d’harmoniser directement le niveau de ces rémunérations minimum dans l’ensemble de l’UE, ou encore de les instaurer dans des États membres où les négociations collectives affichent un haut taux de couverture des salariés ou dans lesquels les salaires sont fixés exclusivement par des conventions collectives. Elle a également tenu à indiquer qu’elle respecterait pleinement les compétences, traditions et spécificités nationales de chaque pays, ainsi que la liberté et l’autonomie contractuelle des partenaires sociaux, et qu’aucune de ses actions ne porterait atteinte aux mécanismes de négociation collective qui fonctionnent de manière satisfaisante. |
1.8. |
Dans le document qu’elle a adressé aux partenaires sociaux européens pour une seconde phase de consultation concernant une éventuelle action visant à relever les défis liés à un salaire minimum équitable, la Commission a affirmé qu’à son avis, il y avait matière à effectuer, au niveau de l’UE, des interventions de type tant législatif que non législatif au titre de l’article 153, paragraphe 1, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité et des limites fixées par le paragraphe 5 de ce même article 153. Les instruments juridiques qu’elle dit envisager sont la directive et la recommandation. Au sein du CESE, des divergences de vues existent toutefois quant à la légitimité que présenterait une quelconque initiative juridique lancée par l’Union européenne sur la base de l’article 153, en particulier s’il s’agissait d’une directive. Le CESE fait observer par ailleurs que les partenaires sociaux européens ont la possibilité de négocier et conclure des accords au titre de l’article 155 du traité. |
1.9. |
En conséquence, le CESE reconnaît qu’une éventuelle action de l’UE dans ce domaine suscite des préoccupations, l’une des principales étant qu’elle ne dispose pas de compétences pour agir en matière de «rémunérations» et qu’une telle intervention pourrait entrer en interférence avec l’autonomie des partenaires sociaux et affaiblir les mécanismes de négociation collective, en particulier dans les États membres où les seuils salariaux minimum sont fixés par voie de conventions collectives. En ce qui concerne la valeur ajoutée que pourrait produire une action de l’Union européenne, qui plus est, les avis divergent aussi, y compris au sein du Comité, dont certaines composantes, majoritaires, estiment que cette valeur pourrait être réelle, tandis que d’autres pensent le contraire. |
1.10. |
Le groupe des travailleurs et celui de «Diversité Europe» jugent qu’il s’impose d’agir, étant donné que dans l’UE, certains travailleurs, en particulier parmi ceux qui sont vulnérables, se trouvent exclus du périmètre d’application des salaires minimum légaux ou que l’on y relève des situations où le minimum salarial n’est pas suffisamment élevé pour garantir un niveau de vie décent. En conséquence, il serait bénéfique de convenir de seuils minimum communs à l’ensemble de l’UE pour définir quel est le montant d’un «niveau de vie décent». Le groupe des employeurs considère que la question de ces seuils ne doit pas être abordée par le truchement d’une intervention de l’Union européenne, car elle est dépourvue de compétences dans le domaine du niveau des salaires. |
1.11. |
Le CESE ne sous-estime nullement la complexité des enjeux en la matière. Il importe que toute action de l’UE soit fondée sur une analyse et une appréhension précises de la situation et des sensibilités présentes dans chacun des États qui la composent et qu’elle respecte le rôle et l’autonomie des partenaires sociaux, ainsi que les différents modèles de relations sociales. Il est également crucial que toute initiative de sa part préserve les modèles qui ont cours dans les États membres où les partenaires sociaux ne considèrent pas que des salaires minimum légaux soient nécessaires. |
1.12. |
Selon le choix opéré à l’échelle nationale, ce sont les partenaires sociaux qui, moyennant le plein respect de leur autonomie et au niveau qu’ils auront choisi, sont les mieux placés quand il s’agit de fixer les rémunérations. En ce qui concerne les régimes où un salaire minimum est déterminé par la voie légale, il importe que les partenaires sociaux soient consultés en temps opportun et de manière appropriée si l’on veut garantir que les besoins des deux versants du monde de l’entreprise soient pris en considération. Le CESE déplore qu’en ce qui concerne les processus de fixation des salaires ou les mécanismes prévus pour les adapter qui s’effectuent par la voie légale, certains États membres omettent d’associer à la démarche ou de consulter les partenaires sociaux de la manière qui serait indiquée. Il se félicite que la Commission reconnaisse l’existence d’un espace d’intervention de l’Union européenne pour promouvoir le rôle de la négociation collective dans la fixation de salaires minimum qui soient adéquats et aient un champ d’application étendu. Il serait possible que l’action de l’UE en matière de salaires minimum inclue des mesures qui soutiennent la négociation collective tout en respectant la diversité des systèmes nationaux de dialogue social. Cette position va dans le sens des recommandations que le CESE a émises antérieurement pour appeler à renforcer la négociation collective et le dialogue social et aider les partenaires sociaux à renforcer leurs capacités. Les marchés publics pourraient également fournir une piste supplémentaire pour encourager la négociation collective sur tout le territoire de l’Union européenne. |
2. Historique et contexte
2.1. |
Le Parlement européen a demandé le présent avis exploratoire dans la perspective de l’initiative législative que la Commission va prendre prochainement concernant un salaire minimum équitable. La présidence allemande du Conseil de l’Union européenne, qui débute en juillet 2020, a également indiqué que les salaires minimum figureraient parmi ses priorités. Le CESE se réjouit d’avoir la possibilité de contribuer davantage à la discussion sur l’action qu’il serait possible d’entreprendre à l’échelle européenne, tout en prenant en considération la diversité des réalités au sein des États membres et la répartition des compétences entre l’Union européenne et l’échelon national. |
2.2. |
La pandémie de COVID-19 représente la plus grande urgence sanitaire, sociale et économique qui se soit posée depuis une génération. En plus des mesures d’urgence, il est nécessaire de mener, à court et moyen terme, une action politique de grande ampleur, coordonnée et déterminante, pour éviter que la crise ne produise des retombées dommageables de nature persistante sur la société, l’économie et le monde du travail. |
2.3. |
L’UE et ses États membres sont confrontés à une récession économique d’ampleur historique. Selon les prévisions économiques de printemps publiées par la Commission européenne, le PIB général de l’Union européenne pourrait accuser une chute de 7,5 % en 2020, pour ensuite rebondir de 6 % en 2021, mais avec de forts contrastes d’un État membre à l’autre (4). Les entreprises, tout particulièrement, les PME et les microentreprises doivent faire face à des répercussions économiques sans précédent et prendre des décisions difficiles concernant leur survie, s’agissant notamment de savoir si elles doivent garder leur personnel ou le licencier. Les mesures de confinement ont durement affecté bon nombre de secteurs de l’économie, et bien des sociétés voient se profiler la menace de la faillite, que ce soit dans le domaine des services, chez les hôteliers, restaurateurs et traiteurs, ou encore dans le monde de la culture, pour ne prendre que ces quelques exemples. |
2.4. |
Les services publics ont été lourdement touchés, notamment en ce qui concerne les systèmes de soins de santé et de protection sociale, qui sont mis à rude épreuve pour assister les personnes dans le besoin. Sans une action et un soutien vigoureux de la part des pouvoirs publics, la crise de la COVID-19 pourrait également déboucher sur une montée du chômage, du sous-emploi et de la pauvreté. Plus d’un quart des personnes qui ont répondu à l’enquête que la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) a menée sur la COVID-19 ont indiqué qu’elles avaient perdu leur emploi, soit temporairement (23 %), soit de manière définitive (5 %) (5). La Commission prévoit (6) que le taux de chômage dans l’UE pourrait grimper de 6,7 % à 9 % en 2020, avant de retomber aux alentours de 8 % en 2021, mais ici aussi avec des différences marquées entre les États membres. |
2.5. |
La crise de la COVID-19 a également jeté une lumière crue sur la vulnérabilité toute particulière des travailleurs indépendants, atypiques ou précaires, lesquels, trop souvent, ne sont pas couverts par les filets de sécurité de la protection sociale, qui pourraient amortir la baisse de leurs revenus ou la perte de leur emploi. Les personnels des services essentiels se sont attiré des éloges publics pour toute la contribution qu’ils ont apportée au bien commun, bien souvent en prenant eux-mêmes de grands risques. Leurs professions, qui se situent par exemple dans le secteur des soins de santé et des services sociaux, le commerce de détail et les prestations de livraison, ou encore le nettoyage, ont revêtu une grande importance pour l’ensemble de la société mais n’en souffrent pas moins d’être fréquemment sous-estimées et nécessitent une revalorisation. |
2.6. |
Les femmes, les travailleurs migrants et ceux issus de minorités ethniques sont souvent proportionnellement surreprésentés dans certains de ces domaines d’activité essentiels et il est nécessaire de leur consacrer une plus grande attention, pour garantir qu’ils bénéficient de l’éventail entier des droits du travail, de même qu’ils peuvent avoir besoin d’être mieux protégés par les filets de la sécurité sociale. Les jeunes de moins de 25 ans ont été particulièrement atteints par les pertes d’emplois, y compris en ce qui concerne les dispositifs d’apprentissage, ainsi que par les perturbations qui se sont produites dans leur éducation et leur formation. Ils doivent à présent affronter des obstacles encore plus imposants pour intégrer le marché du travail, et il en va de même pour d’autres catégories de personnes vulnérables, qui étaient déjà désavantagées pour y accéder, comme celles qui sont handicapées ou en butte à la discrimination. |
2.7. |
L’Europe ne peut pas se permettre de perdre à nouveau une décennie. Pour le court terme, toute l’attention doit se porter sur la sauvegarde des entreprises et la protection de l’emploi. Il convient de tirer les leçons des réponses qui avaient été apportées à la crise économique et financière de 2008, laquelle avait produit des effets aussi lourds que persistants pour l’Union européenne et ses citoyens. Des mesures doivent être prises pour protéger les emplois et les revenus, ainsi que pour ouvrir la voie à une relance solide et rapide de l’activité économique, en vue d’assurer une croissance durable, de conférer une plus grande stabilité à la croissance, de garantir la compétitivité de l’économie et d’instaurer un modèle socio-économique plus équitable, productif et opérant. Pour avoir l’assurance de riposter efficacement à la COVID-19 et garder la confiance des citoyens, il est primordial de dialoguer avec la société et d’associer à la démarche tous les acteurs intéressés. |
2.8. |
La voie qui sera choisie doit nécessairement prévoir des créations d’emplois de qualité et des rémunérations décentes, dont des salaires minimum qui donnent à chaque travailleur l’assurance de jouir d’un niveau de vie acceptable tout en tenant compte des paramètres économiques, productivité comprise. La négociation collective et le dialogue social jouent un rôle essentiel dans ces initiatives et ils doivent être renforcés ou soutenus à tous les niveaux, en fonction des mécanismes nationaux de concertation sociale. |
Le socle européen des droits sociaux et l’engagement réitéré en faveur de salaires équitables et de la négociation collective dans l’Union européenne
2.9. |
En proclamant le socle européen des droits sociaux (SEDS), lors du sommet de Göteborg en novembre 2017, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont réaffirmé leur engagement à œuvrer pour une Europe qui présente plus d’équité et d’égalité. Le socle devrait servir de pierre de touche pour renouer avec une convergence par le haut, axée sur l’amélioration des conditions de travail et de vie, et pour orienter les réformes entreprises sur les marchés de l’emploi et dans les politiques sociales. |
2.10. |
Le CESE n’a cessé d’insister sur la nécessité de mener une action concrète pour traduire ces principes en réalités. En parallèle de l’augmentation de la compétitivité et de la productivité, la convergence devrait, conformément au principe no 6 du socle, viser tout particulièrement à encourager des salaires minimum adéquats, qui offrent un niveau de vie décent aux travailleurs et à leurs familles, au regard des conditions économiques et sociales prévalant dans chaque pays, et qui soient fixés de manière transparente et prévisible, conformément aux pratiques nationales et dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux (7). |
3. Observations générales
3.1. Considérations d’ensemble
3.1.1. |
Dans ses «orientations politiques pour la Commission européenne 2019-2024» (8), la présidente de l’institution, Ursula von der Leyen, exprime son intention de proposer «un instrument juridique destiné à faire en sorte que chaque travailleur au sein de l’Union européenne bénéficie d’un salaire minimum équitable». Le 14 janvier 2020, la Commission européenne a lancé, au titre de l’article 154 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une première phase de consultation des partenaires sociaux sur l’action qui est envisageable pour relever les défis liés à la mise en œuvre de salaires minimum équitables. Lors de la seconde phase de cette consultation, qui a fait l’objet d’une publication le 3 juin, elle a exposé la nécessité d’une action de l’UE en la matière et éclairci son intention de continuer à travailler sur la question de l’instrument juridique qui pourrait être utilisé, en l’occurrence une directive ou une recommandation. |
3.1.2. |
Le CESE avait déjà exprimé sa conviction qu’il y a lieu de consentir des efforts supplémentaires en matière de convergence des salaires et d’établissement de salaires minimum dans les États membres, tout en soulignant que «les compétences clés et l’autonomie des partenaires sociaux nationaux en ce qui concerne les processus de fixation des salaires doivent être pleinement respectées, conformément aux pratiques nationales» (9). L’objectif devrait être de garantir que dans tous les États membres de l’Union européenne, des salaires minimum fournissent aux travailleurs un niveau de vie décent, tout en tenant compte des paramètres économiques. Cette démarche contribuerait à réaliser l’objectif que poursuit l’Union d’améliorer les conditions de vie et de travail de ses citoyens, ainsi qu’à concrétiser les visées de la Commission quand elle entend promouvoir une «Union plus ambitieuse». |
3.1.3. |
Le CESE s’est également dit inquiet que dans certains États membres, le dialogue social n’a pas d’envergure effective et a souligné en conséquence qu’il était nécessaire de le promouvoir, de même que la négociation collective, à tous les niveaux appropriés, conformément aux mécanismes nationaux de concertation sociale. |
3.2. Contexte global
3.2.1. |
Parmi les facteurs qui influent sur la convergence économique et sociale par le haut et la lutte contre la pauvreté, certains sont aussi d’ordre plus général, qu’il s’agisse, par exemple, du fonctionnement plus ou moins satisfaisant des marchés du travail, de l’efficacité des services publics de l’emploi et des politiques actives concernant ce même marché du travail, ou des résultats atteints dans la manière dont opèrent la fiscalité, la sécurité sociale, y compris les allocations de chômage, la protection sociale, les dispositifs d’éducation et de formation, ou encore le marché unique. |
3.2.2. |
Les salaires sont liés à la situation économique propre à chaque pays, région ou secteur. Tout changement effectué en la matière peut avoir des répercussions pour l’emploi, la compétitivité et la demande macroéconomique. La productivité constitue un paramètre important pour un marché du travail qui soit opérant et pour les perspectives d’emploi, en particulier celles des travailleurs peu qualifiés et des personnes qui intègrent ce marché pour la première fois, tout comme pour les chances que les salariés rémunérés au salaire minimum puissent connaître une progression dans leur carrière. Tous les travailleurs, y compris les moins bien payés, devraient pouvoir profiter de l’évolution de la productivité et de la croissance. Dans le même temps, lorsque les coûts généraux liés à l’embauche d’un travailleur s’accroissent, il est très important que la productivité augmente elle aussi, de manière à assurer la compétitivité économique de l’UE. Les impôts et les coûts du travail non salariaux, notamment les cotisations sociales à charge des employeurs et des travailleurs, peuvent parfois creuser un large écart entre le salaire brut et le salaire net, et avoir une incidence tant pour le «salaire poche» du salarié que pour la charge salariale de l’entreprise qui l’emploie. |
3.2.3. |
Les salaires minimum exercent aussi, par ricochet, un effet sur toute la grille des salaires, et il convient en outre de tenir compte des autres grands paramètres que sont le pourcentage de travailleurs payés au niveau du salaire minimum, les tendances à l’œuvre dans l’évolution salariale, le niveau des prix et le pouvoir d’achat, ainsi que le montant qu’atteint ledit salaire minimum par rapport à l’éventail général des rémunérations dans le pays concerné. Les salaires minimum devraient être équitables par rapport au spectre des rémunérations de chaque État et atteindre par ailleurs une valeur appropriée par au regard des prix réels pratiqués, de manière à permettre un niveau de vie décent tout en préservant la pérennité des entreprises qui offrent des emplois de qualité. Depuis 2010, les salaires minimum nationaux bruts, en standards de pouvoir d’achat, ont connu une convergence par le haut au sein de l’Union européenne, du fait, en particulier que les pays d’Europe centrale et orientale se sont rapprochés de la moyenne de l’Union (10). Les disparités qui subsistent restent toutefois des plus importantes et, ces dernières années, le rythme auquel s’effectue la convergence s’est ralenti (11). |
3.3. Nécessité de salaires minimum décents en Europe
3.3.1. |
Bénéficier de conditions de travail et d’une rémunération qui soient justes et équitables constitue des droits fondamentaux, consacrés par les instruments internationaux et européens relatifs aux droits de l’homme. Les salaires, y compris les salaires minimum, représentent un rouage important du modèle d’économie sociale de marché qui a cours dans l’Union européenne. Ils constituent la rémunération du travail accompli et représentent l’un des éléments qui sont mutuellement bénéfiques pour les entreprises et les travailleurs, en ce qu’ils forment les clés de voûte de marchés du travail qui fonctionnent de manière satisfaisante, et bien souvent, l’un des enjeux essentiels de la négociation collective. |
3.3.2. |
Les salaires minimum remplissent également d’autres fonctions, comme celle de protéger les travailleurs contre des rémunérations par trop faibles ou de le préserver du phénomène de la pauvreté au travail (12). Aujourd’hui, bien que l’emploi de qualité reste la meilleure voie pour s’extraire de la pauvreté, travailler ne garantit pas automatiquement d’y échapper, en particulier si l’activité concernée n’est pas exercée à plein temps. Dans l’Union européenne, environ un travailleur sur dix gagne «à peu près» le salaire minimum légal national, ou moins (13). En 2018, sur dix personnes de 18 ans ou plus employées, une était menacée de pauvreté et les travailleurs de huit États membres gagnaient moins, en valeur réelle, qu’au début de la crise de 2008. En outre, au cours des dix dernières années, la part de la population active exposée au risque de pauvreté a augmenté dans la majorité des États membres, même si elle est restée identique ou a diminué dans une minorité d’entre eux. Dans certains pays, les seuils en vigueur pour le salaire minimum ne sont actuellement pas suffisants pour que les travailleurs concernés puissent sortir de la pauvreté du seul fait d’avoir un emploi (14). |
3.3.3. |
Que l’Union européenne et les États membres doivent consentir davantage d’efforts pour lutter contre la pauvreté, dont celle affectant les travailleurs, est une idée qui fait consensus. Dans les documents de consultation sur des salaires minimum équitables, la Commission reconnaît que des rémunérations minimales décentes peuvent jouer un rôle notable pour réduire la pauvreté chez les personnes qu’elle affecte alors qu’elles ont un travail. Le CESE a la conviction que le moyen le plus efficace pour réduire la pauvreté au travail consiste à instaurer des salaires minimum décents et à mener des politiques d’inclusion active qui se concentrent sur les personnes et soient intégrées, favorisant l’accès à des revenus minimum adéquats, aux services de l’emploi et à des postes de qualité, ainsi qu’à des dispositifs sociaux primordiaux et émancipateurs, dans la logique de la recommandation émise en 2008 par la Commission. |
3.3.4. |
Toutefois, la pauvreté des travailleurs a des causes multiples et la fondation Eurofound (15) aboutit à la conclusion que si un salaire minimum adéquat constitue un pilier essentiel de tout modèle de protection sociale pour les travailleurs pauvres, le lien que ce phénomène entretient avec ces minima salariaux est complexe. La composition du ménage concerné représente un facteur important à prendre en compte: si dans certains pays, bénéficier du salaire minimum peut suffire à prémunir contre le risque de pauvreté dans le cas d’un adulte isolé, il s’avère souvent insuffisant pour subvenir aux besoins de plusieurs personnes s’il n’y a qu’un seul apport de revenu dans la famille. |
3.3.5. |
Le niveau du coût de la vie peut également constituer une des principales raisons qui plongeront un ménage dans la pauvreté, et, au niveau des pays éventuellement concernés, il conviendrait d’en tenir compte pour déterminer si les salaires minimum sont adéquats. Les prestations liées à l’emploi ou assurées par la protection sociale, les transferts sociaux et les allocations familiales peuvent également jouer un rôle de choix pour atténuer ou prévenir la pauvreté au travail, en fonction de la composition familiale. |
3.3.6. |
De nombreux gouvernements ont également choisi la piste d’une réduction de l’impôt sur le revenu et des cotisations de sécurité sociale afin d’augmenter les revenus nets des travailleurs payés au salaire minimum légal et des autres personnes faiblement rémunérées. Toutefois, ces abattements peuvent avoir des conséquences politiques plus larges, notamment celle d’affaiblir les systèmes publics de santé et de protection sociale, ainsi que les services du secteur public en général. En complément de ces mesures directes, le rapport d’Eurofound se penche également sur le déploiement d’initiatives indirectes de lutte contre la pauvreté des travailleurs (16), mais, leur incidence n’est pas facile à mesurer et il est nécessaire de les soumettre à une évaluation plus spécifique. |
3.3.7. |
De manière plus générale, en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, le CESE a déjà plaidé pour que soit instauré un cadre européen contraignant pour un revenu minimum décent, qui ouvre la possibilité de généraliser, de soutenir et de rendre «décents», c’est-à-dire adéquats, les systèmes de revenu minimum dans les États membres, en tant que première grande réponse apportée, à l’échelle européenne, au problème grave et persistant que constitue la pauvreté en Europe (17). Si, au sein du CESE, le groupe des travailleurs et celui de «Diversité Europe» ont soutenu l’avis afférent, celui des employeurs n’a pas adhéré à l’idée qui y était développée d’établir un instrument contraignant pour un revenu minimum au niveau européen, et a préconisé plutôt de recourir à la méthode ouverte de coordination (18). Le Comité a également proposé la mise en œuvre d’une approche progressive concernant des normes minimales communes dans le domaine de l’assurance-chômage au sein des États membres, afin d’offrir des filets de sécurité adéquats aux travailleurs qui perdent leur emploi, ainsi qu’une protection contre la pauvreté (19). Elles pourraient également jouer le rôle de stabilisateur automatique et favoriser une convergence par le haut au sein de l’Union européenne. |
3.3.8. |
Il s’impose également d’adopter une approche globale, qui, entre autres mesures, prévoira aussi des régimes de salaires minimum efficaces, ainsi que des réformes appropriées en matière de sécurité sociale et des investissements accrus dans les services publics. Un point crucial est que pour extraire la population de la pauvreté, il est utile de poursuivre les discussions au niveau de l’UE sur la manière de parvenir à atteindre sur son territoire le pourcentage-cible qu’elle s’est assigné pour l’indicateur concernant les personnes exposées au risque de pauvreté (indicateur AROP au niveau de l’UE (20)), cet examen devant être combiné avec celui des montants nationaux de référence concernant le coût des biens et services indispensables, y compris sous l’angle des différentes méthodologies utilisées. Dans ce débat, il conviendrait de tenir compte des mécanismes de redistribution collective, de la fiscalité et des composantes du niveau de vie dans chacun des États membres de l’UE (21) et de contribuer à moduler ce seuil d’exposition au risque de pauvreté en fonction des multiples facettes qu’elle présente. |
3.3.9. |
Dans presque tous les États membres, les femmes sont surreprésentées parmi les travailleurs rémunérés au salaire minimum (22). Il existe des éléments indiquant que les salaires minimum peuvent également avoir un effet positif pour réduire l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au bas de l’échelle des salaires, dès lors qu’ils s’accompagnent aussi de mesures d’intervention visant à lutter contre les inégalités structurelles de genre sur les marchés du travail et dans la société. De même, des salaires minimum décents constitueraient une avancée significative pour d’autres catégories de population défavorisées, comme les travailleurs migrants, les personnes handicapées et celles issues de minorités ethniques. Pour améliorer les taux d’emploi des travailleurs handicapés, les pouvoirs publics compétents pourraient par ailleurs octroyer aux employeurs des subventions salariales ou des abattements d’impôts, compensant les frais supplémentaires à engager pour les employer. |
3.3.10. |
Enfin, concernant cette thématique des salaires décents en Europe, le CESE souligne également que des systèmes performants de négociation collective, en particulier à l’échelle sectorielle, jouent un rôle crucial pour garantir que les rémunérations soient équitables et appropriées sur toute l’étendue de la grille salariale, y compris en ce qui concerne les salaires minimum légaux, lorsqu’ils existent. Ces dispositifs sont également nécessaires pour encourager une convergence des salaires par le haut, tant entre les différents pays qu’au sein de chacun d’eux, ainsi que pour garantir une approche équilibrée entre les aspects sociaux et économiques. |
3.4. Nécessité et faisabilité d’une action à l’échelle de l’UE
3.4.1. |
Lors de sa première phase de consultation des partenaires sociaux, la Commission a détaillé un certain nombre de voies par lesquelles l’action de l’Union européenne pourrait apporter une valeur ajoutée, en l’occurrence en contribuant à garantir des salaires minimum équitables, en aidant les États membres à parvenir à une convergence par le haut en matière de conditions de travail, en assurant un environnement de concurrence loyale au sein du marché unique, ou encore en accroissant le pouvoir d’achat des personnes faiblement rémunérées. |
3.4.2. |
Dans la seconde phase de cette consultation des partenaires sociaux, la Commission européenne précise quels sont les objectifs de l’action de l’UE et les objectifs d’intervention que pourrait poursuivre une éventuelle initiative (23). Selon la Commission, une action de ce genre pourrait avoir pour visées générales de garantir que dans l’UE, tous les travailleurs bénéficient de l’existence d’un salaire minimum équitable, qui leur permette d’avoir un niveau de vie décent quel que soit l’endroit où ils travaillent, et que ces rémunérations minimales soient fixées à des niveaux adéquats, tout en préservant l’accès à l’emploi et en tenant compte de leurs effets sur la création de postes de travail et sur la compétitivité. Au sein du CESE, une majorité se dégage pour approuver les buts définis par la Commission et considérer qu’ils devraient être réalisés par une action de l’UE sur des salaires minimum équitables. Toutefois, une minorité estime qu’il ne serait pas approprié que l’Union intervienne sur certains de ces objectifs. |
3.4.3. |
La Commission a souligné que son intention n’est pas d’établir un «salaire minimum européen» unique, ni d’harmoniser directement le niveau de ces salaires minimum dans l’ensemble de l’UE, et elle a fait valoir qu’elle respecterait pleinement les compétences, traditions et spécificités nationales de chaque pays, ainsi que l’autonomie contractuelle des partenaires sociaux. |
3.4.4. |
Si la majorité des États membres disposent d’un salaire minimum légal ou national, ils présentent, pour ce qui est de son montant, des disparités importantes qui sont le reflet des différences dans le niveau de développement économique et social qu’ils ont atteint. En janvier 2020, le salaire minimum légal dans les États membres variait de 312 à 2 142 euros par mois. Le salaire minimum mensuel est généralement inférieur à 600 euros dans l’Est de l’Union européenne et supérieur à 1 500 euros dans sa partie Nord-Ouest (24). Dans le texte qu’elle a soumis pour la seconde phase de consultation, la Commission relève que dans la plupart des États membres, le salaire minimum est devenu plus adéquat (25). Toutefois, des disparités subsistent et, dans un nombre non négligeable d’États membres, le salaire minimum légal est égal ou inférieur à 50 % du salaire médian brut à plein temps (26) et nettement inférieur au seuil salarial exposant au risque de pauvreté, qui équivaut à 60 % du salaire médian, et, par conséquent, il est insuffisant pour extraire, à lui seul, les travailleurs de la pauvreté. |
3.4.5. |
Les salaires minimum devraient garantir un niveau de vie décent. Le groupe des travailleurs et celui de «Diversité Europe» considèrent que dans un certain nombre d’États membres, les salaires minimum n’atteignent toujours pas un niveau adéquat et que le salaire minimum légal de «référence» doit être fixé nettement au-dessus du seuil de pauvreté, lequel, dans le contexte de l’UE, est déterminé grâce à l’indicateur concernant les personnes exposées au risque de pauvreté (AROP), soit 60 % du revenu des ménages disponible équivalent médian national après transferts sociaux, et qu’il importe qu’il soit équitable en comparaison des rémunérations générales pratiquées sur le marché du travail. Un tel point de référence assurerait des niveaux de rémunération adéquats et éviterait de rejeter des travailleurs vers des emplois précaires, présentant des conditions négatives par rapport aux dispositifs de revenu minimum. Un relèvement des salaires de la fraction de la population qui est faiblement rémunérée en évoluant vers des salaires minimum à l'épreuve de la pauvreté aurait également pour résultat d’élargir l’assiette fiscale des pouvoirs publics et aiderait ainsi à un financement adéquat des systèmes de protection sociale. Le groupe des employeurs considère toutefois que cette question ne doit pas être traitée par une intervention de l’UE, car elle ne dispose pas de compétences en ce qui concerne les rémunérations en général et leur niveau en particulier, comme il ressort de divers arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. Selon les tenants de cette position, il serait tout au plus envisageable de procéder, au moyen de la méthode ouverte de coordination ou du processus du Semestre européen, à un débat et un échange de vues sur les moyens d’assurer des niveaux adéquats d’allocations et d’établir des dispositifs appropriés de salaire minimum, ainsi que sur la manière dont ces mécanismes peuvent, en combinaison avec l’emploi, aider à financer des régimes adaptés de sécurités sociale. |
3.4.6. |
Le CESE prend acte des diverses préoccupations soulevées quant à une éventuelle action de l’Union européenne dans ce domaine. On relève en particulier de fortes divergences d’opinion en ce qui concerne les compétences de l’Union en la matière. Certains soutiennent qu’elle ne dispose d’aucune marge d’action à son niveau, étant donné qu’en vertu de l’article 153, paragraphe 5, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ses attributions législatives excluent les «rémunérations». D’autres, en revanche, dont la Commission, font valoir qu’elle dispose de possibilités d’agir à son échelle et que l’article 153, paragraphe 5, ne l’en empêcherait aucunement. |
3.4.7. |
De même, d’aucuns craignent qu’une telle action ne nuise à l’autonomie des partenaires sociaux, en particulier dans les États membres où les planchers salariaux sont, exclusivement ou en majeure partie, définis par la négociation collective. Il est donc essentiel que toute initiative de l’Union européenne préserve les modèles qui ont cours dans les États membres où les partenaires sociaux ne considèrent pas que des salaires minimum légaux soient nécessaires. De la même manière, les mesures encourageant les négociations collectives, en particulier à l’échelon sectoriel, devraient respecter pleinement les différents mécanismes nationaux de concertation sociale et ne prôner aucune approche uniformisée. |
3.4.8. |
Une autre source de préoccupation est qu’une politique européenne en matière de salaire minimum légal pourrait avoir des effets négatifs sur l’emploi, en particulier pour les jeunes et les travailleurs peu qualifiés, et multiplier les cas de non-respect de la législation, de sorte que bon nombre de personnes faiblement rémunérées pourraient être rejetées vers le secteur informel (27). Il est toutefois possible de prévenir cette dérive en fixant le montant du salaire minimum à un niveau qui soit adéquat, c’est-à-dire qui conforte les revenus des travailleurs sans nuire à l’emploi et tienne compte des facteurs spécifiques à chaque pays, notamment les comportements que les employeurs adoptent par rapport à cette question, l’intensité de la concurrence sur les marchés des biens et celui du travail, et l’interaction avec d’autres politiques, en particulier celles relatives aux taxes et aux prestations (28). On dispose effectivement d’exemples concrets d’États membres où l’introduction d’un salaire minimum n’a pas eu d’effet négatif sur la création d’emplois et dans lesquels, même relevé de manière substantielle, il a produit des retombées macroéconomiques positives, y compris une croissance accélérée de l’emploi (29). |
3.4.9. |
Le CESE mesure pleinement la complexité des questions soulevées par ce débat et reconnaît que la mise en œuvre de salaires minimum n’est pas la panacée qui résoudra tous les problèmes. Néanmoins, une approche commune au niveau de l’UE, qui serait assortie d’objectifs d’action bien définis, que les États membres auraient à réaliser par différents moyens, et qui assurerait la participation des partenaires sociaux à la démarche, dans le cadre de systèmes opérationnels de négociation collective, pourrait apporter la garantie, d’une part, que les droits des travailleurs à une rémunération équitable et à la liberté d’association soient sauvegardés et, d’autre part, qu’il soit tenu compte des impératifs des employeurs en matière de productivité et de compétitivité. Combiné avec des mesures plus larges, cette façon de procéder pourrait également contribuer à une convergence par le haut et au progrès social dans l’ensemble de l’UE, en ce qu’elle réduirait les écarts de revenus et de salaires entres les États membres, ferait reculer la pauvreté au travail et créerait un environnement de concurrence équitable au sein du marché unique. |
3.4.10. |
Toute initiative européenne en matière de salaires minimum équitables, y compris dans son volet de soutien et de promotion d’une négociation collective opérante pour la fixation des rémunérations, doit être conçue au départ d’une analyse et d’une appréhension précises de la situation qui prévaut dans chaque État membre et respecter le rôle et l’autonomie des partenaires sociaux, ainsi que les différents modèles de relations sociales. |
4. Vers une initiative juridique européenne pour des salaires minimum légaux incluant une action de soutien et de promotion pour la participation des partenaires sociaux
4.1. La notion de salaire minimum
4.1.1. |
La formation des salaires est influencée par différents facteurs, tels que le secteur et la branche d’activité qui sont concernés et leur degré d’exposition à la concurrence mondiale, le coût de la vie, l’offre et la demande sur le marché, la productivité, l’éventail des rémunérations, leur niveau tel qu’établi par la négociation collective, les compétences et les performances individuelles, ainsi que la prise en compte de la manière dont elles sont réalisées et évaluées. Ils rémunèrent un travail accompli conformément aux lois applicables, aux conventions collectives et aux pratiques. On peut considérer que le salaire global intègre différents paramètres, selon les modalités définies par chaque État membre ou région, ou par les diverses conventions collectives. |
4.1.2. |
L’Organisation internationale du travail (OIT) définit le salaire minimum comme «la rémunération minimale que l’employeur est tenu de payer aux salariés pour le travail qu’ils effectuent durant une période donnée, et qui ne peut être réduite par une convention collective ou un contrat individuel» (30). Selon la convention no 131 de l’OIT sur la fixation des salaires minima (31), la définition des salaires minimum équitables implique de prendre en considération tant les besoins des travailleurs et de leurs familles, y compris le niveau général des rémunérations dans le pays concerné et le coût de la vie, que les facteurs d’ordre économique, dont la productivité et l’emploi. Ce même texte dispose qu’il convient, pour définir ce salaire minimum, d’assurer que les partenaires sociaux soient pleinement consultés. Les dix États membres de l’Union européenne (32) qui ont ratifié la convention possèdent tous un système de salaire minimum légal. |
4.1.3. |
L’efficacité des salaires minimum légaux dépend de nombreux facteurs, qui s’appliquent à différents degrés suivant le contexte national concerné, s’agissant de savoir, par exemple, dans quelle proportion les travailleurs sont couverts, si la détermination et les ajustements de ce salaire minimum s’effectuent à un niveau adéquat, assurant les besoins des salariés et de leurs familles tout en tenant compte de paramètres économiques comme la productivité, ou si les employeurs se conforment à la réglementation sur la rémunération minimale (33). Ce bon fonctionnement dépend également du soutien accordé à la participation des partenaires sociaux et de l’existence d’un système efficace de négociation collective qui joue un rôle complémentaire par rapport à la fixation du salaire minimum par la voie légale. Dans son action, l’UE devrait, notamment, favoriser les améliorations nécessaires dans ces matières. |
4.1.4. |
Dans les États membres où les partenaires sociaux sont responsables de la fixation des planchers salariaux, la proportion de travailleurs qui ne bénéficient pas d’une couverture officielle par de tels accords varie de 2 % en Autriche à environ 20 % au Danemark et se situe aux alentours de 10 % en Suède, en Finlande et en Italie. Dans le cas de la Suède et du Danemark, il convient toutefois de noter que la majeure partie de ces travailleurs qui ne sont pas couverts formellement par les conventions de salaires minimum sont soit des cadres très hautement rémunérés, qui gagnent bien davantage que le minimum salarial, soit des travailleurs étudiants ou autres jeunes actifs qui intègrent le marché de l’emploi. Par ailleurs, il arrive bien souvent en pratique que sans y être contraints, les employeurs octroient le salaire minimum défini sur une base sectorielle aux travailleurs qui n’entrent pas formellement dans son champ d’application. Pour ce qui est de l’Italie, toutefois, les actifs non concernés par le salaire minimum sont ceux qui appartiennent au secteur informel ou travaillent dans des conditions fixées au cas par cas pour des tâches occasionnelles, en particulier pour ce qui est des jeunes actifs. |
4.1.5. |
La Commission européenne, le Conseil et les partenaires sociaux européens se sont accordés à souligner qu’il importe de promouvoir le dialogue social et de respecter l’autonomie des interlocuteurs sociaux, et ils ont par ailleurs lancé un appel aux États membres pour qu’ils aident à améliorer le dialogue social au niveau national et à en assurer le bon fonctionnement (34). Il importe d’éviter qu’une éventuelle initiative sur les salaires minimum n’affaiblisse les systèmes de négociation collective dans quelque État membre que ce soit, par exemple en réduisant le contrôle des partenaires sociaux sur les salaires. |
4.2. Procédures ou institutions nationales de fixation des salaires dans l’Union européenne
4.2.1. |
Les systèmes de fixation des salaires minimum, ainsi que le rôle et les attributions des partenaires sociaux en la matière, varient considérablement d’un État membre à l’autre, en raison des différences qui existent entre les traditions nationales en la matière, ainsi que de la diversité des facteurs économiques et sociaux, et du cadre politique et constitutionnel du pays concerné. |
4.2.2. |
Certains États membres ont opté pour un régime de salaire minimum légal, en vertu duquel les salaires doivent atteindre au moins un niveau minimum défini par la loi. Il peut également y exister des salaires minimum, plus élevés, qui sont fixés par les partenaires sociaux au niveau sectoriel ou intersectoriel. Dans d’autres États, dépourvus de salaire minimum légal, ce sont les partenaires sociaux qui, de manière exclusive ou prépondérante, fixent les rémunérations, dans le cadre de conventions collectives conclues à l’échelle du pays, d’un secteur ou d’une entreprise. |
4.2.3. |
Les États membres qui appliquent un salaire minimum légal tendent généralement à couvrir l’ensemble des salariés, bien que des dérogations puissent être concédées pour certaines catégories spécifiques, dont les travailleurs gagneront donc moins que le minimum légal. En outre, onze États membres de l’Union européenne appliquent des taux spéciaux à certains groupes de travailleurs (35). Ils concernent principalement les plus jeunes et les personnes moins expérimentées, ou encore les apprentis mais peuvent également s’appliquer aux travailleurs non qualifiés, ou ceux qui présentent un handicap, entre autres exemples. Certains pays prescrivent également des taux plus élevés en fonction des compétences des employés (36). Comme la Commission l’a fait remarquer, les lacunes dans la couverture assurée par le dispositif peuvent avoir des conséquences dommageables pour les travailleurs concernés comme pour l’économie dans son ensemble. Si l’on veut comprendre les différences entre les approches nationales et les raisons qui pourraient expliquer ces exclusions, ainsi que leurs implications, il est nécessaire d’évaluer les répercussions qu’elles produisent, tout comme celles d’une couverture plus large des travailleurs. |
4.2.4. |
Dans les pays qui n’appliquent pas de salaire minimum légal, les rémunérations minimum ne concernent que les travailleurs couverts par des conventions collectives. Bien qu’en ce qui concerne la couverture par la négociation collective, la plupart de ces États possèdent des taux très élevés, supérieurs à 80 %, il arrive dans certains cas que des travailleurs ne soient pas repris dans le dispositif (37). |
4.2.5. |
L’adéquation du salaire minimum légal par rapport aux besoins constitue un paramètre crucial pour juger s’il présente un caractère «équitable» et est capable d’assurer un niveau de vie décent au travailleur et à sa famille. Il convient également de prendre en considération le niveau que ces rémunérations atteignent par rapport à la grille générale des salaires dans le pays concerné. Le groupe des travailleurs et celui de «Diversité Europe» sont d’avis qu’il serait bénéfique d’établir des critères communs à toute l’Union européenne en ce qui concerne les seuils minimaux requis pour un «niveau de vie décent» Différentes possibilités existent pour définir de tels planchers, consistant par exemple à utiliser un panier de biens de référence nécessaires afin d’assurer plus qu’une simple subsistance, ou à fixer ces limites par rapport à un pourcentage du salaire médian ou de la rémunération brute moyenne pour un emploi à temps plein. Il est assurément nécessaire de poursuivre la discussion pour déterminer quels pourraient être ces planchers et de quelle manière il serait possible de les atteindre progressivement. Le groupe des employeurs considère que la question de ces seuils ne doit pas être abordée par le truchement d’une intervention de l’Union européenne, car elle est dépourvue de compétences dans le domaine du niveau des salaires, comme il ressort d’arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (38). Lors de l’examen des salaires minimum légaux, il importe de garantir que cette question de leur bonne adéquation soit prise en compte et vérifiée à intervalles réguliers et qu’il existe en la matière une procédure claire, à laquelle les partenaires sociaux soient pleinement associés. |
4.2.6. |
Selon le comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l’Europe, la notion de «niveau de vie décent»«va au-delà des nécessités de base purement matérielles comme la nourriture, les vêtements et le logement et englobe les ressources nécessaires à la participation aux activités culturelles, éducatives et sociales». Dans ses récentes conclusions (39), ce comité a constaté que le montant des salaires minimum dans certains États membres n’assurait pas un niveau de vie décent aux travailleurs et à leurs familles. |
4.2.7. |
Plusieurs États membres autorisent actuellement les employeurs à opérer des retenues sur le salaire minimum légal, par exemple, pour la compensation de dommages ou pour l’achat d’équipements, ou encore à inclure dans son calcul des versements supplémentaires qui ont été effectués pour des heures supplémentaires ou à titre de primes, pour ne prendre que ces exemples. Le CEDS ainsi que les instances de contrôle au niveau de l’Organisation des Nations unies et de l’Organisation internationale du travail ont jugé que, dans différents États membres, ces pratiques violaient le droit des travailleurs à une rémunération équitable. |
4.3. Rôle des partenaires sociaux dans les systèmes de fixation des salaires minimum légaux
4.3.1. |
En ce qui concerne l’association des partenaires sociaux aux systèmes de fixation des salaires minimum légaux, la situation est fort contrastée. Dans certains pays, les gouvernements ont malheureusement pris des décisions unilatérales sur ces minimums salariaux, sans que les partenaires sociaux aient pu y participer ou n’aient été consultés comme il se devait. |
4.3.2. |
Les mécanismes grâce auxquels cette consultation peut se dérouler en temps opportun et de manière appropriée contribuent à garantir que la diversité des situations des économies, des marchés du travail, sectorielles et des entreprises soit dûment prise en considération. Ils peuvent également aider à dégager des accords entre les autorités nationales compétentes et les partenaires sociaux et à aboutir à des solutions équilibrées, qui tiennent compte des besoins des employeurs et des travailleurs. |
4.3.3. |
L’existence de critères transparents, clairs et stables pour procéder à l’ajustement des salaires minimum légaux, garantissant qu’ils soient appropriés tout en prêtant l’attention requise aux paramètres économiques, contribue à offrir aux employeurs, aux travailleurs et à leurs représentants un tableau de la situation qui soit plus compréhensible et prévisible. De tels paramètres font malheureusement défaut dans certains États membres. |
4.3.4. |
Il conviendrait que les partenaires sociaux soient dûment associés, en fonction des besoins de chacun des deux versants du monde de l’entreprise, aux consultations sur les salaires minimum légaux, y compris pour ce qui est de déterminer quels sont les critères appropriés pour leur fixer un montant adéquat, ainsi que d’évaluer s’il est nécessaire de les ajuster éventuellement. En outre, en soutenant le renforcement des capacités des partenaires sociaux nationaux, l’Union européenne et les États membres peuvent les aider à s’engager dans la négociation collective, y compris, quand il y a lieu, pour fixer les salaires, ainsi que dans les discussions sur les salaires minimum légaux. |
4.4. Rôle de la négociation collective dans la fixation des salaires minimum
4.4.1. |
Les salaires négociés par les partenaires sociaux reposent sur un accord équilibré conclu entre eux, qui est important pour garantir que les rémunérations apparaissent équitables aux yeux de chacun des deux protagonistes du monde de l’économie. Cinq des six pays où les salaires planchers sont définis par l’entremise de négociations collectives sectorielles figurent parmi ceux qui possèdent les taux les plus élevés pour ce qui est de la main-d’œuvre couverte par la négociation collective. |
4.4.2. |
Le CESE se félicite que la Commission ait précisé que toute initiative de sa part «ne viserait pas à introduire un salaire minimum légal dans les pays où les conventions collectives sont nombreuses et où les salaires sont fixés exclusivement au moyen de telles conventions» (40). Cette affirmation témoigne que, selon le choix opéré à l’échelle nationale, ce sont les partenaires sociaux qui sont les mieux placés pour définir et gérer les politiques et mécanismes de fixation des salaires, dans le plein respect de leur autonomie et au niveau qu’ils souhaitent. |
4.4.3. |
Dans de nombreux pays appliquant un salaire minimum légal, la négociation collective revêt également une importance capitale pour définir les niveaux de salaire, et les accords qui y sont négociés améliorent souvent les taux fixés par les pouvoirs publics. |
4.5. Nécessité de soutenir et promouvoir la négociation collective dans les États membres
4.5.1. |
Les effets des salaires minimum légaux et le champ qu’ils couvrent dépendent de la manière dont ils interagissent avec d’autres politiques et institutions du marché du travail. L’une des interactions qu’ils entretiennent ainsi concerne la négociation collective. La force plus ou moins grande qu’elle présente selon les pays est l’un des principaux paramètres qui déterminent s’ils produiront des retombées par ricochet et quelle sera leur amplitude (41). |
4.5.2. |
Lorsqu’elles fonctionnent bien, les procédures de négociation collective favorisent l’augmentation de l’emploi et la baisse du chômage pour tous les travailleurs. La coordination entre les différents compartiments de la négociation aide les partenaires sociaux à tenir compte de la situation du cycle économique, ainsi que des effets macroéconomiques que les accords salariaux exercent sur la compétitivité (42). |
4.5.3. |
Le droit à la liberté d’association et celui de s’organiser et de négocier collectivement sont des prérogatives essentielles, sanctionnées par les instruments internationaux et européens en matière de droits de l’homme. Tous les États membres ont ratifié les conventions de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (C087) et sur le droit d’organisation et de négociation collective (C098). Le niveau atteint par les négociations collectives et le degré de couverture qu’elles assurent varient considérablement d’un État membre à l’autre, n’atteignant que 7 % en Lituanie pour se monter à 98 % en Autriche. Depuis 2000, ce taux de couverture a baissé dans 22 États membres et on estime que le nombre de travailleurs qui sont protégés grâce à un accord négocié par cette voie a diminué d’au moins 3,3 millions de personnes. |
4.5.4. |
Selon un rapport de l’OCDE, la négociation collective est confrontée, tout à la fois, à des défis anciens, tels que la baisse du champ qu’elle couvre et le déclin du taux de syndicalisation, et à d’autres nouvellement apparus, comme la part croissante qu’occupent dans la force de travail les personnes qui, occupant des emplois atypiques, par exemple, en travaillant avec des contrats temporaires à temps partiel ou sous un statut d’auto-entrepreneur, peuvent dès lors ne pas avoir accès à cette négociation (43). Dans presque tous les États membres, l’espace couvert par la négociation collective s’est contracté depuis le déclenchement de la crise économique et sociale (44), car dans bon nombre d’entre eux, elle a provoqué des modifications dans les mécanismes de négociation salariale, tandis que dans d’autres, elle accentuait la tendance à la décentraliser qui y existait déjà. Cette régression est imputable à divers facteurs nationaux et, dans certains, cas, à des interventions de l’UE, imposant des évolutions en ce sens comme condition préalable à des opérations de renflouement de l’économie. |
4.5.5. |
Le CESE a souvent insisté sur les défis que posent les nouvelles formes de travail et celles de type flexible, dont, en particulier, le risque qu’elles comportent d’exclure beaucoup de travailleurs du périmètre des structures de la négociation collective et de la représentation syndicale. Il a également souligné la nécessité de renforcer le rôle du dialogue social et de la négociation collective, notamment grâce au soutien dispensé par l’UE pour renforcer les capacités, mettre en place des environnements nationaux propices et stimulants, assurer une organisation vigoureuse des interlocuteurs des deux versants de l’économie et préserver le bon fonctionnement des négociations menées collectivement (45). |
4.5.6. |
Il convient également de respecter et de promouvoir la liberté d’association et le droit de s’organiser. Il est important que des discussions se déroulent, à l’échelle nationale et à celle de l’Union européenne, sur les moyens de garantir que les travailleurs puissent avoir accès à une représentation syndicale et exercer leurs droits à s’organiser et agir de manière collective. |
4.5.7. |
Il se félicite que la Commission reconnaisse l’existence d’un espace d’intervention de l’Union européenne pour promouvoir le rôle de la négociation collective dans la fixation de salaires minimum qui soient adéquats et aient un champ d’application étendu. Il serait possible que l’action de l’UE en matière de salaires minimum inclue des mesures qui soutiennent la négociation collective tout en respectant la diversité des systèmes nationaux de dialogue social. Cette position va dans le sens des recommandations que le CESE a émises antérieurement pour appeler à renforcer la négociation collective et le dialogue social. |
5. Contribution des parties prenantes: visites dans des États membres et audition publique, en mode virtuel
5.1. Vue d’ensemble et contexte des visites
5.1.1. |
Pour élaborer le présent avis, il importait que le CESE recueille les opinions des parties prenantes concernées, au niveau national et européen. Plusieurs visites de pays avaient été planifiées à cette fin, ainsi qu’une audition publique avec des acteurs du niveau de l’UE. Pour ce qui était des déplacements dans des États membres, cinq d’entre eux, à savoir l’Allemagne, l’Espagne, la Pologne, la Roumanie et la Suède, avaient été retenus, sur la base des critères concernant l’instauration d’un salaire minimum dans les pays de l’UE, tels qu’ils avaient été cernés par la Commission européenne durant la première phase de la consultation des partenaires sociaux. Il avait été prévu de mener des discussions avec des représentants des pouvoirs publics, des instances nationales de fixation des salaires, des partenaires sociaux de l’échelon national et des organisations de lutte contre la pauvreté. La pandémie de COVID-19 ayant éclaté, il n’a pas été possible d’effectuer les visites prévues, qui ont été remplacées par un questionnaire mi-libre, mi-structuré, ainsi que par des conférences vidéos de suivi avec les acteurs concernés. |
5.2. Synthèse des conférences vidéo
5.2.1. |
S’accordant unanimement à considérer que l’UE n’a pas compétence pour prendre l’initiative en matière de salaires, ce sont les représentants de la Suède qui ont fait part des inquiétudes et de l’opposition les plus résolues en ce qui concerne une initiative juridique européenne sur les salaires minimum. Les partenaires sociaux suédois partageaient tous la crainte qu’une action de l’UE viendrait notamment interférer avec leurs traditions nationales en matière de négociations salariales et empiéterait sur l’autonomie des interlocuteurs sociaux. En lieu et place, ils ont suggéré le lancement d’initiatives non contraignantes pour encourager le dialogue social et la négociation collective, en faisant observer que les mécanismes nationaux sont l’aboutissement de plusieurs décennies d’évolutions et ne se prêtent pas à être transplantés d’un pays à un autre. En Suède, la négociation collective atteint un taux de couverture de 90 % et moins de 1 % des travailleurs ont une rémunération inférieure à 60 % du salaire médian (46). La personne représentant le gouvernement suédois a abondé dans le sens des partenaires sociaux et fait valoir que l’UE a un rôle important à jouer pour contribuer à augmenter l’emploi et améliorer les évolutions sociales. Pour préserver la cohésion de l’Union et le marché intérieur, il est crucial de relever les défis qui se posent au sein de la société. Néanmoins, les intervenants n’ont pas considéré qu’une initiative juridiquement contraignante, dont une directive, constituerait la bonne manière de progresser en la matière, et ils ont affirmé qu’une action lancée par l’Union européenne ne devrait pas aboutir à contraindre les États membres à instaurer des conventions collectives ou des salaires minimum légaux d’une applicabilité générale. |
5.2.2. |
Dans les quatre autres pays, les syndicats et la société civile étaient favorables à une action au niveau de l’UE et certains intervenants ont même avancé qu’elle pourrait prendre la forme d’une directive-cadre. Parmi les arguments allégués en faveur d’une telle action, il a notamment été souligné qu’elle serait susceptible d’assurer une coordination des politiques de rémunération à l’échelle internationale, de lutter contre le dumping social, d’encourager la convergence des salaires, de réduire la pauvreté au travail, d’offrir une protection aux travailleurs non couverts par les conventions collectives, d’éviter que ceux appartenant à des catégories vulnérables, comme les migrants, ne soient exploités, ou encore de contribuer à réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Plusieurs représentants ont également évoqué la possibilité que l’UE établisse des critères communs sur des valeurs-seuils concernant l’adéquation des salaires minimum, par exemple en utilisant un panier de référence rassemblant les biens et les services indispensables à tout un chacun. Par ailleurs, certains interlocuteurs ont relevé qu’une initiative de l’UE sur les salaires minimum devrait s’accompagner d’autres mesures, notamment une directive sur le revenu minimum adéquat et une action visant à renforcer le rôle du dialogue social et la représentation syndicale. |
5.2.3. |
Les organisations d’employeurs de trois pays (47) ont exprimé leur inquiétude ou leur opposition quant à des mesures contraignantes. Certains ont relevé explicitement qu’en vertu de l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’UE ne dispose pas de compétences en matière de rémunérations et que la discussion devrait se focaliser sur la manière de renforcer le processus du Semestre européen. Les organisations d’employeurs se sont dites opposées à une initiative juridique, arguant qu’elle viendrait interférer avec les systèmes nationaux de fixation des salaires et aurait des effets dommageables pour la compétitivité des États membres et l’emploi, ainsi que pour l’intégration des chômeurs sur le marché du travail. Ils ont également fait observer que les discussions sur le salaire minimum ne pouvaient être dissociées de problématiques plus vastes concernant le marché du travail, notamment les régimes de sécurité sociale. Dans certains pays, les représentants des employeurs ont fait part de leur inquiétude face à des relèvements du salaire minimum légal procédant de décisions politiques qui entreprennent de les relever sans tenir compte des paramètres économiques. Dans un État membre, il a également été signalé que les recommandations par pays ont relevé l’impact négatif que le salaire minimum produisait sur la compétitivité. Les interlocuteurs d’un pays ont relevé qu’une recommandation non contraignante pourrait constituer un des outils envisageables et ont fait valoir que le renforcement de la négociation collective représentait une question relevant du niveau national et qu’il nécessitait un soutien de la part de l’UE, notamment pour ce qui est de développer les capacités des partenaires sociaux. |
5.2.4. |
Les représentants des pouvoirs publics n’ont pas exprimé des positions aussi tranchées que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile. Certains, comme ceux de l’Allemagne, ont appelé de leurs vœux la promotion d’une initiative cadre, sans la préciser plus avant, tandis que d’autres, dans le cas de l’Espagne, par exemple, ont soutenu l’idée d’une directive-cadre. En ce qui concerne les prochaines étapes, les représentants de l’Allemagne ont confirmé que la présidence allemande du Conseil, lors du second semestre de 2020, était attachée à soutenir le processus en cours. |
5.3. Audition publique
5.3.1. |
Le 25 juin, a été organisée une audition publique en ligne, à laquelle ont participé le commissaire européen pour l’emploi et les droits sociaux, Nicolas Schmit, la rapporteure du Parlement européen sur le thème «Réduire les inégalités, avec une attention particulière à la pauvreté des travailleurs» et les coordonnateurs pour l’emploi et les affaires sociales des groupes PPE et S&D, la Confédération européenne des syndicat (CESE) et BusinessEurope, ainsi que la Plateforme sociale. La Commission a réitéré son intention de proposer un instrument juridique sur les salaires minimum en Europe, qui respecterait l’autonomie des partenaires sociaux et les systèmes de négociation collective des États membres, sans interférer avec ceux qui fonctionnent de manière satisfaisante. Le commissaire a également reconnu que cette question du salaire minimum équitable constituait une question difficile et controversée. Un consensus politique s’est dégagé entre les trois députés européens présents pour considérer qu’une action de l’UE s’imposait afin de contribuer à ce que les travailleurs européens bénéficient d’un niveau de vie décent et de traiter la question de la pauvreté au travail. Les partenaires sociaux européens étaient en train de répondre à la seconde phase de consultation par la Commission européenne mais il est apparu qu’ils défendaient des positions divergentes quant à la nécessité, la faisabilité et la base juridique d’une action de l’UE en la matière. La Plateforme sociale a souligné qu’il importait de disposer tout à la fois de revenus et de salaires minimum qui soient adéquats, et que les seconds devaient être supérieurs aux premiers. |
6. Possibilités d’action à l’échelle de l’UE
6.1. L’acquis de l’UE
6.1.1. |
Le CESE note qu’il existe un large éventail d’instruments européens et internationaux qui consacrent et promeuvent la notion de salaire «juste», permettant d’offrir aux travailleurs et à leurs familles «un niveau de vie décent» (48). Il relève que c’est dans le cadre du titre «politique sociale» du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qu’une initiative juridique de l’UE sur des salaires minimum décents est proposée. Elle devrait s’articuler avec les objectifs assignés à l’Union par l’article 3 du traité sur l’Union européenne, à savoir promouvoir une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi, au progrès social, au bien-être de ses peuples et au développement durable de l’Europe. |
6.1.2. |
Le Comité reconnaît aussi le terrain juridique sur lequel doit se situer une initiative de l’Union européenne relative aux salaires minimum présente une haute complexité. L’Union peut adopter des instruments juridiques concernant les conditions de travail sur la base des articles 151 et 153, paragraphe 1, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lequel précise par ailleurs que les dispositions de l’article 153 ne s’appliquent pas aux «rémunérations». Par ailleurs, il existe une jurisprudence de l’UE et des directives en vigueur qui ont traité desdites rémunérations, en tant qu’elles constituent une condition de travail essentielle. Les avis sur cette question présentent des divergences manifestes, et le CESE reconnaît que la Commission devra adopter une approche équilibrée et prudente. |
6.1.3. |
Par son article 155; le titre du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui porte sur la politique sociale confère également des compétences aux partenaires sociaux pour conclure des accords. |
6.2. Possibilités pour une éventuelle initiative juridique de l’UE concernant des salaires minimum équitables: directive ou recommandation du Conseil
6.2.1. |
En ce qui concerne les salaires minimum, c’est aux États membres qu’incombe au premier chef la responsabilité de mettre en œuvre les engagements du socle européen des droits sociaux. La Commission a constaté qu’une action de l’UE était nécessaire en ce qui concerne ces rémunérations et tracé un certain nombre de pistes possibles pour ce faire. Si les acteurs présents au CESE estiment en majorité qu’une telle intervention pourrait dégager une valeur ajoutée, d’autres ne sont pas de cet avis. Toute initiative prise au niveau de l’UE doit respecter pleinement l’autonomie des partenaires sociaux et la répartition des compétences entre l’échelon européen et celui des États membres. |
6.2.2. |
Dans son document sur la seconde phase de consultation des partenaires sociaux, la Commission observe que parmi les instruments à la disposition de l’UE, ceux dont elle envisage l’utilisation sont la directive et la recommandation du Conseil. Au sein du CESE, les avis sont partagés quant à la légitimité d’une initiative juridique de l’UE au titre de l’article 153, en particulier si elle prend la forme d’une directive, étant donné que le paragraphe 5 de ce même article précise que ses dispositions ne s’appliquent pas aux rémunérations. Après consultation des partenaires sociaux et dans le cas où ils s’abstiendraient de négocier entre eux, il conviendrait que l’objectif poursuivi par la Commission, quel que soit l’instrument qu’elle puisse envisager d’utiliser pour une initiative concernant des salaires minimum équitables, soit de garantir que là où ils existent, ces salaires minimum fixés par la loi se situent dans un rapport d’équité par rapport à la répartition des rémunérations à l’échelle du pays concerné, ainsi que d’assurer le respect du droit des travailleurs à une juste rémunération, de manière à donner ainsi l’assurance que les travailleurs et leurs familles bénéficient au moins d’un niveau de vie décent. L’action de la Commission devrait également tenir compte des grands enjeux économiques, comme la productivité. |
6.2.3. |
Selon la Commission, il est possible de recourir à des instruments tant législatifs que non législatifs. Elle fait valoir qu’une directive dans le domaine des «conditions de travail» laisserait aux États membres le soin de décider de la manière de mettre en œuvre les exigences minimales et les impératifs de procédure à respecter. Au cas où c’est une recommandation du Conseil qui serait proposée, elle fait observer que la surveillance de sa mise en œuvre pourrait s’effectuer au moyen d’un cadre d’évaluation comparative spécifique, intégré dans le Semestre européen. Dans ce contexte, il serait possible de mener un débat et d’effectuer un suivi en ce qui concerne des mécanismes qui visent, notamment, à définir les salaires par la voie légale, à associer les partenaires sociaux à la démarche et à vérifier que les montants concernés sont appropriés. |
6.3. Utilisation des marchés publics
6.3.1. |
Les marchés publics constituent l’un des moyens grâce auxquels des institutions publiques, au niveau de l’UE ou des États membres, peuvent agir en faveur de rémunérations équitables, de bonnes conditions de travail et du recours à la négociation collective, tout en poursuivant des objectifs touchant à des considérations d’ordre économique, à la fourniture de prestations de qualité et à l’intérêt général. En vertu de la convention C094 de l’OIT sur les clauses de travail (contrats publics), cette démarche est possible, grâce à une meilleure application des critères sociaux dans la législation existante de l’Union en matière de marchés publics. |
6.3.2. |
En complément, un moyen efficace de promouvoir la négociation collective dans toute l’Union européenne serait qu’elle introduise dans ses règles sur les marchés publics des dispositions relatives aux négociations collectives, exigeant que le respect du droit aux négociations et aux conventions collectives soit une condition sine qua non pour l’obtention de tout contrat public. |
6.4. Amélioration de la collecte des données
6.4.1. |
Il existe un certain nombre de domaines dans lesquels l’Union européenne pourrait aider les États membres en collectant des données et en aidant à élaborer, en consultation avec les partenaires sociaux, des indicateurs et outils de mise en œuvre concernant l’évolution des salaires minimum légaux. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.
(2) JO C 97 du 24.3.2020, p. 32.
(3) JO C 190 du 5.6.2019, p. 1
(4) https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-performance-and-forecasts/economic-forecasts/spring-2020-economic-forecast-deep-and-uneven-recession-uncertain-recovery_en
(5) Vivre, travailler et COVID-19: premières conclusions, avril 2020, Dublin.
(6) Voir la note de bas de page 5.
(7) Socle européen des droits sociaux, principe no 6.
(8) Une Union plus ambitieuse — Orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2019-2024.
(9) Voir la note de bas de page 1.
(10) Eurofound, Minimum wages in 2019 — Annual review (Les salaires minimum en 2019, examen annuel), 2019.
(11) B. Galgóczi et J. Drahokoupil, Condemned to be left behind? Can Central and Eastern Europe emerge from its low-wage model? («Condamnés à rester à la traîne? L’Europe centrale et orientale peut-elle sortir de son modèle à bas salaires?»), ETUI, 2017.
(12) Toutefois, pour atteindre un niveau de vie acceptable, les travailleurs payés au salaire minimum peuvent avoir encore besoin, par exemple suivant la composition de leur ménage, de prestations fournies par d’autres dispositifs de protection sociale, comme les allocations pour actifs ou des abattements ou crédits d’impôt.
(13) Eurofound (2019), Minimum wage in 2019 — Annual review («Salaire minimum en 2019: examen annuel»).
(14) Statutory Minimum Wages in the EU: Institutional Settings and Macroeconomic Implications («Salaires minimum légaux dans l’UE: contexte institutionnel et conséquences macroéconomiques»), document politique de l’IZA no 124, février 2017.
(15) Eurofound (2017), In work poverty in the EU («Pauvreté au travail dans l’UE»).
(16) Le rapport a recensé cinq catégories de mesures indirectes susceptibles d’aider à lutter contre la pauvreté des travailleurs, à savoir la fourniture de services de garde d’enfants d’un coût abordable, des dispositifs souples d’aménagement du temps de travail, des mesures qui favorisent la progression professionnelle ou améliorent les compétences des travailleurs, des dispositions qui contribuent à élever le niveau de vie des personnes faiblement rémunérées et, enfin, des initiatives qui créent des environnements de travail inclusifs afin d’ouvrir de plus larges perspectives aux migrants, aux personnes handicapées ou aux autres groupes de travailleurs défavorisés (voir page 41).
(17) JO C 190 du 5.6.2019, p. 1 (cet avis du CESE n’a pas reçu le soutien du groupe des employeurs: voir le contravis qui y est joint).
(18) Voir le contre-avis joint à l’avis du CESE, JO C 190 du 5.6.2019, p. 1.
(19) Voir la note de bas de page 2.
(20) Il est fixé à 60 % du revenu disponible équivalent médian national après transferts sociaux.
(21) Cette démarche s’inscrit dans la logique de l’avis que le CESE a adopté en 2019 sur le thème «Pour une directive-cadre européenne relative à un revenu minimum» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 1), voir la note de bas de page 13.
(22) Eurofound (2019), Minimum wages in 2019: Annual review («Salaire minimum en 2019: examen annuel»).
(23) Seconde phase de consultation des partenaires sociaux au titre de l’article 154 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sur une éventuelle action visant à relever les défis liés à un salaire minimum équitable.
(24) Disparities in minimum wages across Europe («Disparités entre les salaires minimum au sein de l’UE»), Eurostat, 3 février 2020 (https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-eurostat-news/-/DDN-20200203-2).
(25) Document de la Commission européenne sur la seconde phase de consultation des partenaires sociaux.
(26) Informations obtenues lors de la première phase de consultation des partenaires sociaux (p. 2), en référence à l’enquête sur la structure des revenus d’Eurostat et à l’enquête statistique de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie (EU-SILC, voir les notes infrapaginales 6 et 7).
(27) Eurofound (2019), Upward convergence in employment and socioeconomic factors («Convergence ascendante de l’emploi et des facteurs socioéconomiques»).
(28) Des emplois de qualité pour tous dans un monde du travail en mutation — La stratégie de l’OCDE pour l’emploi.
(29) A. Dube, The impact of minimum wages — review of the international evidence («L’impact des salaires minimum — Examen des données internationales»), 2019, Londres, Trésor de Sa Majesté, https://www.gov.uk/government/publications/impacts-of-minimum-wages-review-of-the-international-evidence; A.oGodøy, M.oReich, Minimum Wage Effects in Low-Wage Areas («Effets du salaire minimum dans les zones à bas salaires»), Document de travail de l’IRLE 106-19, juin 2019.
(30) Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations (2014), Étude d’ensemble sur les systèmes de salaires minima, paragraphe 68.
(31) Convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970, https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:C131
(32) Il s’agit de la Bulgarie, l’Espagne, la France, la Lettonie, la Lituanie, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie.
(33) Guide des politiques en matière de salaire minimum de l’OIT.
(34) Voir les conclusions du Conseil intitulées «Un nouveau départ pour un dialogue social fort», http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-10449-2016-INIT/fr/pdf, et la déclaration quadripartite de la présidence du Conseil, de la Commission et des partenaires sociaux, https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=89&newsId=2562
(35) La Belgique, l’Espagne, la France, la Hongrie, l’Irlande, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal et la Roumanie.
(36) Voir la note de bas de page 22.
(37) Voir la note de bas de page 22.
(38) Cour de justice de l’Union européenne, affaire C-268/06 Impact.
(39) https://www.coe.int/en/web/european-social-charter/-/protection-of-workers-rights-in-europe-shortcomings-found-but-also-positive-developments-in-certain-areas
(40) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/fs_20_51
(41) D. Grimshaw, G. Bosch et J. Rubery (2013), Minimum wages and collective bargaining: what types of pay bargaining can foster positive pay equity outcomes? («Salaires minimums et négociation collective: quels types de négociations salariales peuvent fournir des résultats positifs en matière d’équité salariale?»), British Journal of Industrial Relations, D OI 10.1111 / bji r.12021.
(42) OCDE, Negotiating our way up: Collective bargaining in a changing world of work («Négocier pour avancer ensemble: la négociation collective dans un monde du travail en mutation»).
(43) Voir la note de bas de page 42.
(44) Eurofound, Developments in collectively agreed pay 2000–2017 («Évolution des salaires établis par convention collective 2000-2017»), Annexe 1https://www.eurofound.europa.eu/sites/default/files/ef_publication/field_ef_document/ef18049en.pdf
(45) JO C 303 du 19.8.2016, p. 54, JO C 434 du 15.12.2017, p. 30, JO C 13 du 15.1.2016, p. 161, JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.
(46) Selon la contribution écrite émanant de la branche suédoise du Réseau européen de lutte contre la pauvreté (EAPN SE), une organisation de la société civile qui lutte contre le dénuement, l’UE se doit d’œuvrer à instaurer un système qui réglemente les salaires minimum dans chacun des États membres, mais il est tout aussi important qu’elle respecte ceux qui possèdent un mécanisme de négociation collective régissant les minima salariaux.
(47) La confédération patronale espagnole CEOE n’a pas pu prendre part à la téléconférence nationale mais a développé des vues analogues dans sa contribution écrite.
(48) Voir la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de 1989, http://aei.pitt.edu/4629/1/4629.pdf, l’article 23, paragraphe 3, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, https://www.ohchr.org/en/udhr/documents/udhr_translations/frn.pdf, l’article 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CESCR.aspx, l’article 4, paragraphe 1, de la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe (CSE), de 1961, les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, notamment les objectifs 1, 8 et 10, la convention de l’Organisation internationale du travail sur la protection du salaire, de 1949 (no 95), l’article 4, paragraphe 5, de la Charte sociale européenne, la Convention de l’OIT sur la protection des créances des travailleurs en cas d’insolvabilité de leur employeur, de 1992 (no 173), et l’article 25 de la Charte sociale européenne révisée (CSER), de 1996; https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/090000168007cf94.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/173 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Des emplois équitables dans l’économie des plateformes»
(avis exploratoire à la demande de la présidence allemande)
(2020/C 429/23)
Rapporteur: |
Carlos Manuel TRINDADE |
Demande de la présidence allemande du Conseil |
Lettre du 18.2.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. |
|
|
Compétence |
Section «Emploi affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en section |
9.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
182/23/8 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) fait valoir que le présent avis, élaboré à la demande de la présidence allemande du Conseil de l’UE, a pour objectif de tracer, dans une perspective globale, le cadre général nécessaire pour un travail décent dans l’économie des plateformes. |
1.2. |
Le CESE défend l’idée que les questions que suscite le travail sur plateformes doivent être abordées et résolues à la lumière, notamment, des objectifs de développement durable, de la stratégie numérique pour l’Europe et du socle européen des droits sociaux. |
1.3. |
Le CESE constate que l’économie des plateformes n’occupe encore qu’une place modeste, mais qu’elle recèle des potentialités de croissance. |
1.4. |
Le CESE note que les plateformes «ont généralement une incidence positive sur l’économie» (1), en ce qu’elles contribuent tant à créer de l’emploi, stimuler l’innovation et offrir souplesse et autonomie aux travailleurs qu’à leur assurer des revenus, souvent à titre complémentaire, et à donner à des personnes vulnérables la possibilité d’accéder à l’emploi. |
1.5. |
Le CESE relève que le travail sur plateformes recèle des risques qu’on ne peut minimiser, à savoir i) qu’il dénie certains droits fondamentaux au travailleur qui l’exécute, dont celui de s’organiser et de mener des négociations collectives, génère de la précarité, ne lui procure que de maigres revenus et lui impose une intensification des cadences et une parcellisation aiguë des tâches, à travers le monde entier, sans qu’il soit affilié à la sécurité sociale, et ii) que, pour la société, il aggrave le risque d’une concurrence reposant sur une dévalorisation des normes sociales, laquelle a des conséquences néfastes tant pour les employeurs, qui sont soumis à une pression concurrentielle intenable, que pour les États membres, privés de certaines recettes fiscales et cotisations de sécurité sociale. |
1.6. |
Le CESE relève que les concepts en rapport avec les plateformes prêtent à controverse, notamment la notion de plateforme envisagée comme un «employeur», et non comme un «intermédiaire entre l’offre et la demande», ainsi que celles de «travailleurs salariés» et d’«indépendants», car elles ont des conséquences sur les droits des personnes concernées. |
1.7. |
Le CESE presse la Commission et les États membres de déployer des efforts pour clarifier ces concepts, étant donné leurs implications en ce qui concerne la possibilité d’appliquer les dispositions de la législation du travail et un ensemble de droits destinés à le protéger. |
1.8. |
Le CESE recommande que l’UE et ses États membres s’engagent sur la voie d’une uniformisation des notions, afin que le travail sur plateformes acquière un caractère décent. À cette fin, il préconise que la Commission et les États membres soient guidés par les impératifs suivants: i) il y a lieu de prendre en considération la dépendance économique et le travail effectué dans un rapport de subordination, étant donné qu’un travailleur qui, pour subsister, dépend principalement de la rémunération qu’il perçoit de cette activité est un salarié et non un indépendant, ii) il est nécessaire d’étudier soigneusement, sous toutes ses facettes, l’application du principe voulant que jusqu’à preuve du contraire, les personnes travaillant sur des plateformes sont présumées en être des employés, et, enfin, iii) les algorithmes qu’elles utilisent doivent être assimilés aux instructions, orales ou écrites, en usage dans les formes classiques de travail. |
1.9. |
Le CESE préconise que, compte tenu de la compétence souveraine des États membres en ce qui concerne les questions sociales, l’on entreprenne d’élaborer des lignes directrices pour aider à éclaircir le statut des employés des plateformes. Le CESE considère que s’agissant de l’économie des plateformes, il convient de s’assurer que les travailleurs aient tous accès à un ensemble de droits et de protections, quels que soient leur statut ou type de contrat, en veillant à ce que certains opérateurs ne s’arrogent pas un avantage concurrentiel du fait de ne pas respecter leurs obligations et assumer leurs responsabilités. |
1.10. |
Le CESE recommande de clarifier les responsabilités que toutes les parties prenantes doivent assumer dans des domaines tels que la santé et la sécurité, la protection des données, les assurances ou la responsabilité juridique, dans le sens d’une évaluation d’un ajustement et d’une harmonisation des réglementations existantes. |
1.11. |
Le CESE souligne que si l’on veut qu’un travail de qualité puisse se développer sur les plateformes, il s’impose que le dialogue social et la négociation collective y jouent un rôle de premier plan, à tous les niveaux appropriés et dans le plein respect de l’autonomie des partenaires sociaux. |
1.12. |
Le CESE préconise d’élaborer, avec la participation des plateformes, des travailleurs et des consommateurs, des codes de conduite qui reprennent les principes et orientations les meilleurs en matière de rémunérations, de conditions de travail et de qualité du service fourni. |
1.13. |
Le CESE demande à la Commission de tenir compte des recommandations que la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré a formulées concernant la fiscalité de l’économie des plateformes. |
1.14. |
Le CESE réitère la recommandation qu’il avait déjà émise, demandant que «la Commission européenne, l’OCDE et l’OIT travaillent avec les partenaires sociaux à tous les niveaux appropriés et avec les organisations de la société civile, plus largement, afin de développer des dispositions appropriées concernant les conditions de travail décentes et la protection requise» (2). Dans ce cadre, il souhaite que cette action commune puisse déboucher, le cas échéant, sur une convention de l’OIT pour les plateformes. |
1.15. |
Le CESE estime qu’il convient de garantir que les plateformes fournissent des informations qui offrent transparence et prévisibilité à toutes les parties intéressées. À cette fin, il y a lieu de procéder à leur enregistrement dans tous les États membres et il est par ailleurs nécessaire de créer une base de données au niveau de l’UE afin de suivre l’évolution de l’économie des plateformes. |
1.16. |
Le CESE soutient les efforts que déploie la Commission pour étudier l’économie des plateformes. Un important déficit d’informations cohérentes et systématiques n’en subsiste pas moins au niveau national et à celui de l’UE. Le CESE invite instamment la Commission et les États membres à travailler de concert pour améliorer ces données statistiques. |
2. Contexte
2.1. |
Le présent avis s’efforce de répondre aux questions que le ministère allemand du travail a posées à propos de l’activité exercée par l’intermédiaire de plateformes, s’agissant d’en cerner les principaux défis et perspectives, en menant une réflexion sur le statut de leurs travailleurs, sur les instruments politiques permettant d’améliorer leurs conditions de travail et sur les bonnes pratiques en matière de réglementation. |
2.2. |
Les évolutions en cours à l’origine des plateformes numériques sont liées à des innovations récentes, à savoir Internet, qui est la plus importante de toutes, les grandes bases de données, ou «mégadonnées», qui ouvrent la possibilité de gérer de gros volumes d’informations, et, enfin, les appareils de communication mobiles, grâce auxquels les consommateurs, les travailleurs et les prestataires de services peuvent accéder à la Toile à tout instant et en tout lieu (3). |
2.3. |
Les questions que suscite le travail sur plateformes doivent être abordées et résolues à la lumière, notamment, des objectifs de développement durable, de la stratégie numérique pour l’Europe et du socle européen des droits sociaux. |
2.4. |
Le CESE réitère le contenu de ses différents avis (4) consacrés à la transformation numérique de l’économie et à l’émergence de nouvelles formes de travail. |
2.5. |
Il est difficile d’estimer la taille de l’économie des plateformes et sa dynamique de croissance, du fait qu’elles présentent une grande complexité, que la terminologie les concernant n’est pas normalisée et que l’on ne dispose pas de données statistiques à leur sujet. L’OCDE (5) signale que, suivant toutes les études, le travail sur plateformes occupe un pourcentage de la main-d’œuvre compris entre 0,5 et 3 %. Dans un groupe de 16 pays européens, on ne trouve que 1,4 % de la population de 16 à 74 ans qui y exercent leur activité principale, ce pourcentage allant de 0,6 % en Finlande à 2,7 % aux Pays-Bas (6). Quelque 11 % de la population adulte y ont déjà fourni des prestations, quelles qu’elles soient (7). |
2.6. |
Une certaine incertitude règne quant à l’essor que le travail sur plateformes (8) connaîtra à l’avenir, étant donné que sa croissance est tributaire des évolutions de la technologie, des nouveaux modèles d’activité, de la protection des données et de la politique de protection des consommateurs. Certains auteurs ont calculé qu’entre 2013 et 2015, on a assisté à un quasi-triplement de la valeur des transactions ou des revenus générés par les plateformes en Europe (9). Le CESE estime qu’il est nécessaire de procéder à un enregistrement des plateformes, en particulier dans leurs dimensions qui ont trait à l’économie, au travail et aux aspects sociaux, de manière qu’il soit possible de mieux cerner les contours du phénomène. |
2.7. |
Le travail sur les plateformes a pour caractéristique d’établir une relation entre la plateforme concernée, le travailleur et l’utilisateur. Cette intermédiation s’effectue pour une large part au moyen de technologies et d’algorithmes qui sont souvent opaques et influent sur les conditions de travail du fait de leur impact concernant la répartition et l’organisation du travail, ainsi que l’évaluation des travailleurs. Cette «boîte noire de l’intermédiation» constitue un trait distinctif du travail sur plateformes (10). |
2.8. |
Selon la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) (11), le travail sur plateforme se définit comme une forme d’emploi qui utilise une plateforme en ligne grâce à laquelle des organisations ou des particuliers peuvent avoir accès à d’autres organisations ou particuliers pour résoudre des problèmes ou fournir des services contre rémunération. Les principales caractéristiques du travail sur plateforme sont les suivantes:
|
2.9. |
Le statut des travailleurs constitue un élément-clé du travail sur plateformes. D’une manière générale, la plateforme se présente comme un intermédiaire entre l’offre et la demande et, par conséquent, elle n’estime pas être un employeur, vu l’inexistence d’une relation de travail subordonné. Dans cet environnement, les personnes qui y travaillent sont censées être des «indépendants», et non des salariés, de sorte que ne leur sont applicables ni la législation du travail afférente, y compris en matière de santé et de sécurité, ni celle concernant la protection sociale ou la fiscalité. Tout en reconnaissant l’existence de véritables travailleurs indépendants, le CESE est d’avis qu’il y a lieu d’étudier soigneusement, sous toutes ses facettes, le principe que jusqu’à preuve du contraire, un travailleur qui exerce son activité sur une plateforme est présumé en être un employé. Ce postulat garantit la protection des intérêts des personnes qui tirent l’essentiel de leurs revenus du travail sur les plateformes. Le Comité considère cependant que les travailleurs réellement indépendants qui le souhaitent doivent être autorisés à pouvoir continuer à bénéficier de ce statut. |
2.10. |
Le CESE relève que les plateformes existantes forment un spectre très hétérogène et varié. Les critères à utiliser pour classer leurs différents types sont le degré de qualification requis pour les tâches demandées, selon qu’elles demandent des compétences plus ou moins élevées, l’espace ou le lieu concret où s’effectue la prestation de services, en ligne ou hors ligne, et l’intervenant qui a le pouvoir de décider du processus de sélection, en l’occurrence la plateforme, le travailleur sur plateforme ou le client. D’aucuns envisagent encore d’autres paramètres, comme les différences concernant la division du travail, ou encore l’autonomie des travailleurs (12). |
2.11. |
L’Organisation internationale du travail (OIT) (13) estime que les plateformes posent des problèmes particuliers en matière de réglementation et fait état de plusieurs points préoccupants, concernant notamment la faiblesse des rémunérations, qui sont pour une bonne part d’un montant inférieur aux salaires minimums, l’absence d’affiliation à la sécurité sociale, laquelle concerne pas moins de 91 % des personnes travaillant sur la plateforme Amazon Mechanical Turk, le rejet de prestations, qui a touché neuf travailleurs sur dix, l’obligation de verser des commissions pour travailler, en violation des conventions de l’OIT protégeant les rémunérations, ou encore la non-syndicalisation et l’absence de convention collective. |
2.12. |
Le travail sur plateformes présente des aspects liés au genre et à l’âge. Généralement parlant, les hommes y sont majoritaires dans les services liés au développement de logiciels et à la prestation de services de transport, tandis que les femmes y occupent une place prédominante pour les tâches en rapport avec la traduction ou les services à l’échelon local; les jeunes y sont relativement surreprésentés, notamment parmi les personnes qui en tirent plus de 50 % de leur revenus ou qui y travaillent plus de vingt heures par semaine; dans certains cas, des personnes âgées ont également entrepris d’investir ce type de travail. Le CESE estime qu’il y a lieu d’étudier ces aspects plus avant, afin de mieux en appréhender les réalités et de définir des politiques publiques adéquates. |
3. Défis, perspectives et risques liés aux économies des plateformes
3.1. |
Les plateformes «ont généralement une incidence positive sur l’économie» (14), en ce qu’elles contribuent tant à créer de l’emploi, stimuler l’innovation et offrir souplesse et autonomie aux travailleurs qu’à leur assurer des revenus, souvent à titre complémentaire, et à donner à des personnes vulnérables la possibilité d’accéder à l’emploi (15). La Commission fait observer que «l’économie collaborative offre de nouvelles possibilités d’emploi générant des recettes, en plus de celles générées par les relations de travail linéaires traditionnelles, et permet de travailler selon des formules souples. Elle permet à certaines personnes de devenir économiquement actives dans des cas où des formes plus traditionnelles d’emploi ne sont pas adaptées à leur situation ou ne leur sont pas accessibles» (16). Quelles que soient les nouvelles perspectives ainsi ouvertes, le CESE juge qu’il reste nécessaire d’étudier plus avant l’incidence macroéconomique de l’économie des plateformes. |
3.2. |
De plus, si l’on excepte le cas des personnes hautement qualifiées, ce type d’économie expose les travailleurs à des risques qu’on ne peut minimiser: le travail qu’ils y effectuent leur dénie certains droits fondamentaux, dont celui de s’organiser et de mener des négociations collectives, génère de la précarité, ne leur procure que de maigres revenus, d’autant qu’ils sont souvent surqualifiés, et leur impose une intensification des cadences et une parcellisation aiguë des tâches, à travers le monde entier, sans qu’ils ne soient affiliés à la sécurité sociale. |
3.3. |
Une étude de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) (17) fait observer que le travail sur plateformes induit des risques accrus, sur le plan physique comme d’un point de vue social, notamment en ce qui concerne la précarité de l’emploi, l’exposition à divers dangers, comme les accidents de la circulation ou le contact avec des produits chimiques, ou encore les menaces propres à l’activité en ligne, tels que le cyberharcèlement, les troubles dus à de mauvaises postures, la fatigue oculaire ou le stress découlant de divers facteurs. Le CESE recommande de clarifier les responsabilités que les parties prenantes doivent assumer en matière de santé et de sécurité, de protection des données, ainsi que d’assurance et de responsabilité juridique, dans le sens d’une évaluation d’un ajustement et d’une harmonisation des réglementations existantes. |
3.4. |
La société court également des risques. Comme le CESE l’a déjà évoqué, en relevant que la Commission estime que cette complexité aggrave ainsi «le risque d’une concurrence reposant sur une dévalorisation des normes sociales, laquelle a des conséquences néfastes tant pour les employeurs, qui sont soumis à une pression concurrentielle intenable, que pour les États membres, privés de certaines recettes fiscales et cotisations de sécurité sociale» (18). |
3.5. |
Des périls guettent aussi le consommateur en ce qui concerne la qualité des prestations qui lui sont fournies, puisqu’en cas d’accident ou de problèmes liés au service, il lui est difficile de détecter où se situent les responsabilités. Le CESE considère qu’améliorer la protection juridique des travailleurs apporte un gain qualitatif pour les consommateurs. |
3.6. |
De l’avis du CESE, c’est une réflexion importante et novatrice (19) qui, à propos des problèmes rencontrés par les travailleurs des plateformes, a été menée récemment grâce à l’élaboration d’un modèle d’analyse qui repose sur trois grands axes: le travail, l’emploi et les relations sociales. S’agissant des plateformes, les défis les plus importants sont les suivants: |
3.6.1. |
pour l’axe du «travail»: l’autorité, le contrôle, l’évaluation, au moyen d’algorithmes, l’autonomie dans la division du travail et l’environnement physique, en particulier pour les plateformes qui assument des tâches peu qualifiées, effectuées sur place ou déterminées par le client; |
3.6.2. |
pour l’axe de l’«emploi»: le statut, sans doute l’enjeu le plus important, l’identification de l’employeur et le contrat, tout particulièrement pour les plateformes qui réalisent des tâches faiblement qualifiées et ne ménagent guère d’autonomie. La protection sociale, les revenus et le temps de travail constituent également des défis, même s’ils sont communs à toutes les formes de travail atypiques; |
3.6.3. |
pour l’axe des «relations sociales»: la représentation constitue également un problème, qui se retrouve cependant aussi dans les autres catégories de travail atypique. Du fait de la flexibilité et de la compartimentation de leur activité, il s’avère très difficile de recenser, d’organiser et de représenter les travailleurs qui exercent leur activité sous une forme non conventionnelle. Cette mission est d’autant plus ardue que, par sa nature même, le travail sur plateforme s’exerce sur un mode solitaire, se caractérise par son éparpillement géographique, une anonymité marquée et un fort taux de rotation des travailleurs, lesquels sont placés en situation de concurrence mutuelle et peuvent exercer leur activité sur d’autres plateformes. En règle générale, les plateformes n’assument pas la fonction d’employeur et n’adhèrent pas aux fédérations patronales, de sorte que leurs travailleurs, les syndicats et les responsables politiques n’ont pas d’interlocuteurs avec qui négocier. |
3.6.4. |
Les comportements sociaux néfastes et les traitements discriminatoires posent également des problèmes considérables sur les plateformes où le travail est faiblement qualifié, étant donné que les travailleurs y sont généralement des jeunes ou des personnes issues de minorités défavorisées. L’utilisation d’algorithmes et les situations où le client peut exercer une influence en ce qui concerne l’attribution du travail et son exécution représentent des facteurs qui renforcent ces comportements dommageables et la discrimination. |
3.6.5. |
La question de la protection des données, du point de vue de leur propriété et de leur utilisation, représente aussi un défi majeur et particulier pour les travailleurs des plateformes et les consommateurs. |
4. Le statut du travailleur dans l’économie des plateformes
4.1. |
Le CESE estime que si l’on veut aider le dispositif de l’économie des plateformes à fonctionner de manière efficace et juste, il y a lieu de déployer des efforts, au niveau de l’UE comme des États membres, afin de clarifier le statut de leur main-d’œuvre et tendre à le réglementer, ainsi que de les obliger à fournir des informations qui garantissent que, pour toutes les parties intéressées, elles fonctionnent de manière transparente et prévisible et assurent l’égalité de traitement. |
4.2. |
Respectueux de la souveraineté des États membres en matière sociale tout en ayant le souci de préserver le principe d’une harmonisation par le haut, le CESE recommande de tracer des orientations pour définir sous quel statut l’activité sur plateformes s’exerce au regard de la législation du travail, afin que leurs travailleurs bénéficient de leurs droits et d’une protection. |
4.3. |
Selon une enquête européenne (20), les travailleurs concernés que l’on interroge à propos de la relation de travail dans laquelle ils effectuent leurs activités répondent à 68,1 % qu’ils travaillent pour le compte d’autrui, tandis que 7,6 % affirment qu’ils le font pour leur propre compte. Une majorité des sondés se considèrent donc comme des salariés, quelle que soit la catégorie à laquelle les plateformes les rattachent. |
4.4. |
La Commission a abordé cette question du statut (21), en estimant que la distinction entre le travailleur indépendant et le salarié peut être établie au moyen de trois critères: l’existence d’un lien de subordination, la nature du travail et la présence d’une rémunération. Ces conditions sont définies aux fins de l’application de la notion de travailleur dans l’UE mais la communication ajoute que dans leur sphère de compétence, les juridictions des États membres ont tendance à utiliser le même jeu de critères. |
4.5. |
Le CESE a émis un avis dans lequel il souligne que «concrètement, il convient d’établir, dans le respect des compétences nationales, un cadre juridique pour les travailleurs qui définisse de manière précise les statuts professionnels correspondants: un salaire décent et le droit à participer à la négociation collective, en passant par la protection contre les comportements arbitraires et le droit de se déconnecter afin de maintenir le temps de travail numérique dans les limites des différents paramètres de dignité, etc.» (22). |
4.6. |
Pour ce qui est de définir la notion de travailleur, les critères principaux qu’utilise la jurisprudence européenne sont l’existence d’un lien de subordination, le caractère économique et réel du service et la présence d’une rémunération (23). |
4.7. |
Le CESE souligne l’importance de deux arrêts de la Cour de justice de l’UE: le premier (C–67/96, Albany) établit une exception de grande importance pour l’application de la législation européenne en matière de concurrence, en affirmant reconnaître que quand le principe de la concurrence entre en contradiction avec la politique sociale, la convention collective couvrant le travailleur ne relève pas du champ d’application du droit de la concurrence; le second (C-413/13, FNV Kunsten Informatie) a posé que le droit européen de la concurrence est compatible avec la négociation collective, estimant que les travailleurs indépendants concernés étaient de «faux indépendants». L’avis ainsi exprimé revêt une grande portée pour le travail sur plateformes, en ce qu’il ouvre la possibilité que les faux indépendants qui y travaillent soient considérés comme des salariés (24). |
4.8. |
Certains États membres, comme l’Italie et la France, possèdent déjà une jurisprudence qui s’inscrit dans la ligne ainsi définie par la Cour de justice de l’Union européenne (25). |
4.9. |
Bon nombre des travailleurs des plateformes ne sont pas affiliés à la sécurité sociale et ne bénéficient pas de conditions de travail adéquates du point de vue de la santé et de la sécurité, alors qu’il s’agit là de droits qui sont tenus pour essentiels et sont consacrés par les législations nationales, les traités, le droit européen et les normes internationales de l’OIT (26). L’actuelle crise pandémique montre à l’évidence toute l’importance que la sécurité sociale revêt dans les sociétés démocratiques, si l’on considère que ces systèmes ont apporté un soutien au revenu d’une grande partie de la population et que, parallèlement, les personnes qu’ils ne couvrent pas sont devenues encore plus vulnérables du point de vue de la protection sociale et de la santé. |
5. Instruments d’intervention pour améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques
5.1. |
Le CESE prend acte de la réflexion qui vient d’être lancée à propos de toute la gamme d’instruments nationaux qui sont destinés à relever les défis posés par les plateformes (27). Une partie de ces outils est de nature plutôt administrative et «dure», faisant intervenir la législation, les tribunaux et l’inspection du travail, tandis qu’une autre est de type plus «doux», empruntant la voie de la négociation collective (28), d’initiatives émanant des plateformes elles-mêmes et d’actions des travailleurs. |
5.1.1. |
En ce qui concerne la législation, on relèvera qu’elle est rarement utilisée et vise moins à améliorer les conditions de travail et de protection sociale qu’à résoudre les problèmes de concurrence, même si beaucoup de pays ont étendu le régime de protection sociale aux travailleurs indépendants, tandis que du côté des organes de justice, on constate une certaine indécision quant à la manière de résoudre les litiges portant sur le statut des travailleurs concernés et que, s’agissant des actions d’inspection, même si les États se sont efforcés de se montrer plus énergiques en la matière, on se heurte à des difficultés de notification dans le cas de bon nombre de plateformes, notamment en ligne. Le CESE estime que la législation sur les plateformes doit centrer son attention sur les problèmes les plus pertinents de réglementation de l’économie, du travail et des enjeux sociaux. |
5.1.2. |
Dès lors que la législation sur la concurrence elle-même pose des obstacles à ce qu’elle soit menée, la négociation collective entre les «travailleurs indépendants» et les plateformes se trouve être des plus réduite, bien que des conventions collectives aient été conclues dans certains pays, pour le secteur du transport et des livraisons; les initiatives prises par des plateformes, pour leur part, sont guidées par le souci de répondre aux critiques qui leur sont adressées, ou consistent essentiellement en ce qu’elles adhèrent à des fédérations d’employeurs, pratiquent l’autoréglementation, souscrivent des codes de conduite, remanient leur mode de fonctionnement ou mettent un terme à certaines de leurs activités; enfin, les actions que mènent les travailleurs sont variées et incluent notamment des protestations et des grèves, lesquelles ont eu lieu non seulement sur les plateformes qui proposent des travaux qualifiés effectués sur site, mais également sur celles d’autres types, comme dans le cas d’un projet qui a été lancé par IG Metall en 2016 et, avec la collaboration de syndicats suédois et autrichiens, a abouti, la même année, à la «déclaration de Francfort» sur le travail participatif équitable. |
5.1.3. |
Le CESE considère que dans l’économie des plateformes, il est important de promouvoir des codes de conduite, élaborés avec la participation des plateformes, des travailleurs et des consommateurs. |
5.2. |
Le CESE relève que malgré la multiplicité des moyens utilisés pour l’instauration et la défense de conditions de travail dignes sur les plateformes, aucune solution appropriée n’a été dégagée. C’est au niveau national que se situent la majeure partie des initiatives qui ont été relevées, consistant en des changements résultant soit de l’adoption d’une législation spécifique, soit de modifications au droit du travail, avec, dans certains cas, la création d’une nouvelle notion, celle d’une catégorie à mi-chemin entre le travail salarié et indépendant, le premier étant effectué par un travailleur pour le compte d’autrui, et le second par une personne travaillant pour son propre compte (29). De l’avis du CESE, cette solution n’est pas satisfaisante. |
5.3. |
Le recours aux inspections du travail et aux tribunaux est attesté selon une fréquence qui varie d’un État membre à l’autre. Les actions en justice ont débouché sur des décisions qui ne sont pas de nature uniforme, établissant dans certains cas que la relation de travail présente un caractère de subordination et dans d’autres, que les travailleurs sur plateformes sont des indépendants. |
5.4. |
Le concept qui devrait guider l’UE et les États membres est celui de la dépendance économique et de la subordination. Le travailleur sur plateforme qui, pour assurer sa subsistance, dépend principalement de la rémunération qu’il tire du travail qu’il y accomplit et qui travaille dans une relation de subordination est un salarié et non un indépendant. De la même manière, il conviendrait que les algorithmes utilisés par les plateformes soient assimilés aux instructions, orales ou écrites, qui ont cours dans les formes classiques de travail. Le CESE a déjà exprimé un avis favorable sur ces concepts (30). |
5.5. |
L’inspection du travail doit accorder une attention particulière aux travailleurs des plateformes, pour éviter qu’ils ne restent sans protection et que ne se perpétuent des formes de concurrence déloyale vis-à-vis des autres entreprises (31). |
5.6. |
Le CESE est d’avis que ces travailleurs devraient être inscrits à la sécurité sociale et bénéficier dans leur travail de conditions adéquates du point de vue de la santé et de la sécurité. Les institutions européennes ont pour position que tout travailleur doit avoir accès à la protection sociale, quelle que soit la nature de son contrat. Plusieurs pays ont instauré des régimes particuliers pour les travailleurs indépendants, afin de tenir compte des conditions spécifiques dans lesquelles ils exercent leur activité. |
5.7. |
Le rapport de la Commission mondiale sur l’avenir du travail (32) a proposé de développer un système de gouvernance internationale pour les plateformes (33). À cet égard, le CESE a déjà recommandé que «la Commission européenne, l’OCDE et l’OIT travaillent avec les partenaires sociaux à tous les niveaux appropriés et avec les organisations de la société civile, plus largement, afin de développer des dispositions appropriées concernant les conditions de travail décentes et la protection requise (34)». |
5.8. |
En ce qui concerne la fiscalité, le CESE est d’avis que tous les acteurs de l’économie numérique doivent payer des impôts. Il souscrit sur ce point aux recommandations de la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré (35) quand elle préconise que l’UE établisse un instrument juridique contraignant, aux termes duquel les plateformes seraient tenues de déclarer l’ensemble de leurs transactions aux autorités fiscales des pays dans lesquels elles opèrent, de fournir à ces instances toutes les informations voulues pour garantir qu’elles se conforment à la législation en matière d’impôt, de communiquer à leurs travailleurs les données relatives à leurs gains et à leurs obligations en matière d’imposition et de les prémunir du risque d’être rangés à tort dans la catégories des indépendants. |
6. Bonnes pratiques de réglementation du travail sur plateformes
6.1. |
Le CESE estime, en concordance avec des études internationales (36), que la Commission et les États membres doivent engager des politiques adéquates pour réglementer le marché du travail, stimuler le dialogue social et la conclusion de conventions collectives et encourager l’acquisition de qualifications. |
6.1.1. |
Dans la réglementation du marché du travail, il convient de s’assurer que les travailleurs, conformément aux systèmes et pratiques nationaux, aient tous accès à un ensemble de droits et de protections, quels que soient leur statut ou type de contrat, en veillant à ce que certains opérateurs ne s’arrogent pas un avantage concurrentiel du fait de ne pas respecter leurs obligations et assumer leurs responsabilités. |
6.1.1.1. |
Il y a lieu de limiter au maximum la zone de flou entre le travail salarié et indépendant, en uniformisant et en clarifiant dans toute la mesure du possible la définition de ces notions, de manière à réduire les incertitudes pour les travailleurs comme pour les employeurs. |
6.1.1.2. |
Il s’impose de combattre le faux travail indépendant, en entreprenant de renforcer les moyens d’inspection, de réduire les facteurs qui incitent les entreprises à inscrire «par erreur» la relation de travail concernée dans telle ou telle catégorie et de prévoir des sanctions pour ces classifications indues. |
6.1.1.3. |
Au niveau international, la Commission européenne, l’OCDE et l’Organisation internationale du travail se doivent de lancer un processus de travail commun, susceptible d’aboutir à une convention de l’OIT pour les plateformes. |
6.1.2. |
Par le dialogue social et la négociation collective, il y a lieu de s’attaquer au déséquilibre qui existe dans le rapport de forces entre les plateformes et les travailleurs. Il est nécessaire de lutter contre les pratiques abusives sur le marché en augmentant la transparence en matière de rémunérations, ainsi que l’information, les droits, les devoirs et les responsabilités. |
6.1.2.1. |
La nécessité s’impose de renforcer le dialogue social au niveau de l’UE et des États membres, lesquels doivent par ailleurs avoir recours à la négociation collective, de manière à concourir ainsi à l’amélioration des conditions de travail, en empruntant également, s’il y a lieu, la voie législative. |
6.1.2.2. |
Les organisations de travailleurs et d’employeurs jouent un rôle essentiel pour assurer la représentation des intérêts en jeu, dans le cadre du modèle social européen. |
6.1.3. |
Il convient d’élaborer, avec la participation des plateformes, des travailleurs et des consommateurs, des codes de conduite qui reprennent les principes et orientations qui sont les meilleurs en matière de rémunérations, de conditions de travail et de qualité du service fourni. |
6.1.4. |
Les États membres doivent apporter la garantie que les travailleurs disposent de possibilités de formation et de carrière, étant donné qu’ils font généralement partie de groupes défavorisés, migrants ou autres, et sont confrontés à des problèmes fondamentaux en matière de formation. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 303 du 19.8.2016, p. 54.
(2) JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphe 3.9.
(3) C. Degryse, «Digitalisation of the economy and its impact on labour markets» («La numérisation de l’économie et son impact sur les marchés du travail»), document de travail 2016.02, p. 7.
(4) JO C 303 du 19.8.2016, p. 54, JO C 283 du 10.8.2018, p. 39, JO C 81 du 2.3.2018, p. 145, JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, JO C 237 du 6.7.2018, p. 1, et JO C 75 du 10.3.2017, p. 33.
(5) OCDE, Employment Outlook 2019 («Perspectives de l’emploi 2019»), p. 55.
(6) Z. Kilhoffer et. al., Study to gather evidence on the working conditions of platform workers («Étude visant à recueillir des témoignages sur les conditions de travail des travailleurs de plateformes»), décembre 2019, p. 45.
(7) Ibid., p. 47.
(8) Z. Kilhoffer, op. cit., p. 48.
(9) Chiffres de 2015: 28,1 milliards d’euros et 3,6 milliards d’euros, voir Z. Kilhoffer, op.cit., p. 48.
(10) Z. Kilhoffer, op. cit., p. 15.
(11) Eurofound 2018, Employment and working conditions of selected types of platform work («Conditions d’emploi et de travail dans une sélection d’activités professionnelles via une plateforme»), p. 9.
(12) Ibid., p. 15.
(13) OIT, Policy responses to new forms of work. International governance of digital labour platforms («Mesures d’intervention concernant les nouvelles formes de travail. La gouvernance internationale des plateformes de travail numérique»), avril 2019.
(14) Voir note de bas de page 1.
(15) Voir note de bas de page 1.
(16) Communication de la Commission «Un agenda européen pour l’économie collaborative», COM(2016) 356 final.
(17) EU-OSHA 2017 Protecting Workers in the Online Platform Economy. An overview of regulatory and policy developments in the EU («Protéger les travailleurs dans l’économie des plateformes en ligne. Aperçu des évolutions en matière de réglementation et d’intervention dans l’UE»).
(18) JO C 283 du 10.8.2018, p. 39, paragraphe 3.4.
(19) Z. Kilhoffer, op. cit., pp. 48-98.
(20) Enquête COLLEEM (COLLaborative Economy and Employment, «Économie collaborative et emploi»). Voir Commission européenne, Platform Workers in Europe («Les travailleurs des plateformes en Europe»), 2018, p. 4.
(21) Commission européenne, «Un agenda européen pour l’économie collaborative», 2016, pp. 11-13.
(22) JO C 75 du 10.3.2017, p. 33, paragraphe 4.4.2.
(23) Z. Kilhoffer, op. cit., p. 227.
(24) Z. Kilhoffer, op. cit., p. 85.
(25) Arrêts de la Cour suprême de cassation no 1663/2020, pour l’Italie, et de la Cour de cassation no o17-20.079, du 28 novembre 2018, pour la France.
(26) Notamment la convention no 102, de 1952, et ses modifications ultérieures.
(27) Z. Kilhoffer, op. cit., pp. 125-176.
(28) Bien que les auteurs classent la négociation collective parmi les instruments «doux», il est indéniable que dans beaucoup d’États membres, elle a des effets équivalents à ceux d’une loi et constitue donc un outil «fort».
(29) Z. Kilhoffer, op. cit., p. 107.
(30) JO C 75 du 10.3.2017, p. 34, paragraphe 1.4, et JO C 283, 10.8.2018, p. 39, paragraphe 5.1.2.
(31) Z. Kilhoffer, op. cit., p. 227.
(32) OIT, op. cit.
(33) OIT, Commission mondiale sur l’avenir du travail, Travailler pour bâtir un avenir meilleur, Genève, 2019.
(34) JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphe 3.9.
(35) JO C 458 du 19.12.2014, p. 43.
(36) OCDE, Employment Outlook 2019 («Perspectives de l’emploi 2019»), pp. 32-36.
ANNEXE I
PLATEFORMES NUMÉRIQUES: PRATIQUES
Le bref tour d’horizon ci-après a pour objectif de repérer les «bonnes pratiques» dans le domaine des plateformes numériques. Sa principale source d’information consiste en une publication de l’Institut syndical européen (ETUI): Isabelle Daugareilh et al., Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , ETUI, 2019 (1).
|
PAYS |
PRATIQUE |
1 |
Allemagne |
En 2017, le syndicat IG Metall, une association allemande du travail participatif et huit plateformes numériques ont créé un service de médiation pour l’application du code de conduite concernant cette activité (2). |
2 |
Autriche |
En 2019, a été conclue une convention collective, applicable à partir de janvier 2020, qui couvre une entreprise de restauration et ses travailleurs, en l’occurrence ses livreurs. Leur statut au regard du droit du travail n’est pas clair (3). |
3 |
Belgique |
Le pays possède une «Commission administrative de règlement de la relation de travail» qui arrête des décisions quant à la catégorie dans laquelle il faut verser telle ou telle relation de travail (4). |
4 |
Danemark |
Une convention collective a été conclue en juillet 2018 entre Hilfr, une plateforme numérique de services de nettoyage, et un syndicat. Les travailleurs commencent à y travailler comme indépendants mais, après 100 heures de prestations, ils passent sous un régime de contrat de travail (5). |
5 |
Espagne |
En 2017, les travailleurs de la plateforme numérique Deliveroo ont lancé, sous la dénomination de «Riders X Derechos», une plateforme Internet pour la défense de leurs droits. En 2017 également, le syndicat UGT a créé le portail Turespuestasindical (6). |
6 |
Espagne |
Un accord interprofessionnel catalan, applicable pour la période 2018-2020, a été conclu en 2020 entre des confédérations patronales (Fomento del Trabajo, PIMEC et Fepime) et des syndicats (CC.OO. et UGT). Il comporte un chapitre consacré au travail sur les plateformes (7). |
7 |
France |
Les travailleurs des plateformes de livraison alimentaire ont fondé des organisations syndicales (par exemple à Bordeaux) (8). |
8 |
Italie |
Une législation spécifiquement consacrée au travail sur les plateformes numériques a été adoptée En 2019 pour la région du Latium. Elle définit la notion de travailleurs numériques et précise les droits qui leur sont applicables (9). |
9 |
Italie |
La convention collective nationale du secteur de la logistique, conclue en 2018, a établi la catégorie de livreur, qu’elle classe comme travail effectué dans un rapport de subordination. Il en va de même de l’accord collectif signé avec Laconsegna, une plateforme numérique de livraison de repas. Ces textes ont été souscrits par les organisations syndicales (10). |
10 |
Italie |
Signée en 2018 entre la municipalité de Bologne et deux plateformes, Sgnam et MyMenu, la Charte des droits fondamentaux des travailleurs numériques (dite «charte de Bologne») ne comporte pas de clauses qui préciseraient le statut des travailleurs concernés au regard du droit du travail (11). |
11 |
Portugal |
Le code du travail fixe des critères de présomption concernant l’existence d’un contrat de travail. La législation sur les plateformes numériques de transport, dite «loi Uber», s’y réfère explicitement pour ce qui est du lien juridique établi entre le conducteur et la plateforme (12). |
12 |
Suisse |
En février 2019, un syndicat et une association patronale ont conclu une convention collective couvrant les livreurs (13). |
13 |
Partenaires sociaux européens |
En juin 2020, les partenaires sociaux européens ont conclu un accord-cadre autonome sur la numérisation (14). |
PN = plateforme numérique |
(1) ETUI, 2019, document de travail 2019.10, Isabelle Daugareilh, Christophe Degryse et Philippe Pochet (dir.), Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, p. 57.
(2) OIT, Policy responses to new forms of work. International governance of digital labour platforms («Mesures d’intervention concernant les nouvelles formes de travail. La gouvernance internationale des plateformes de travail numérique»), avril 2019, pp. 6 et 7.
(3) Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), voir: https://www.eurofound.europa.eu/data/platform-economy/initiatives
(4) ETUI, 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, p. 48; voir le portail https://commissionrelationstravail.belgium.be/fr/
(5) ETUI, 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, p. 44; voir aussi: https://www.equaltimes.org/in-denmark-a-historic-collective?lang=en#.XsjN8DpKhPa
(6) Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, p. 63; voir https://twitter.com/ridersxderechos et https://www.ugt.es/turespuestasindicales
(7) Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, p. 66.
(8) Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, p. 88.
(9) Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, p. 101. Il ne semble pas qu’elle établisse quel est leur statut, salarié ou indépendant.
(10) Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, pp. 104-105.
(11) Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, pp. 105-106.
(12) Portugal, loi 45/2018 du 10 août 2018.
(13) Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, p. 145.
(14) Accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur la numérisation.
ANNEXE II
Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:
Paragraphe 2.9
Modifier comme suit:
2.9 |
Le statut de travailleur constitue un élément-clé du travail sur plateformes. D’une manière générale, la plateforme se présente comme un intermédiaire entre l’offre et la demande et, par conséquent, elle n’estime pas être un employeur, vu l’inexistence d’une relation de travail subordonné. Dans cet environnement, les personnes qui y travaillent sont censées être des «indépendants», et non des salariés, de sorte que ne leur sont applicables ni la législation du travail afférente, y compris en matière de santé et de sécurité, ni celle concernant la protection sociale ou la fiscalité. Tout en reconnaissant l’existence de véritables travailleurs indépendants, le CESE est d’avis que l’UE et ses États membres se doivent qu’il y a lieu d’étudier soigneusement, sous toutes ses facettes, le principe que selon lequel jusqu’à preuve du contraire, un travailleur qui exerce son activité sur une plateforme est présumé en être un employé, à la lumière des différences fondamentales qui distinguent les salariés des travailleurs indépendants (nature du travail, existence d’un lien de subordination et de rémunération). Ce postulat garantit la protection des intérêts des personnes qui tirent l’essentiel de leurs revenus du travail sur les plateformes. Le Comité considère cependant que les travailleurs réellement indépendants qui le souhaitent doivent être autorisés à pouvoir continuer à bénéficier de ce statut. |
Exposé des motifs
Selon la Commission européenne, le statut de travailleur est une question controversée et l’une des plus pertinentes d’un point de vue politique lorsque le principal bien échangé par l’intermédiaire de la plateforme est le travail. La Commission a abordé cette question du statut, en estimant que la distinction entre le travailleur indépendant et le salarié peut être établie au moyen de trois critères: l’existence d’un lien de subordination, la nature du travail et la présence d’une rémunération. Ces conditions sont définies aux fins de l’application de la notion de travailleur dans l’UE mais la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative» ajoute que dans leur sphère de compétence, les juridictions des États membres ont tendance à utiliser le même jeu de critères. Compte tenu de ces critères, une réglementation supplémentaire concernant le statut de travailleur au niveau européen n’est pas nécessaire. Au niveau national, diverses initiatives ont été prises, parfois par l’introduction de la notion de catégorie intermédiaire entre le travail subordonné et le travail indépendant.
En ce qui concerne le statut de travailleur, il importe également de noter que le récent accord-cadre autonome sur la numérisation conclu entre les partenaires sociaux européens dispose qu’il couvre tous les travailleurs et employeurs des secteurs public et privé, y compris les activités utilisant des plateformes en ligne, lorsqu’il existe une relation de travail telle que définie au niveau national.
Résultat du vote
Pour |
65 |
Contre |
99 |
Abstentions |
13 |
Paragraphe 5.4
Modifier comme suit:
5.4 |
Dans l’application des critères généraux relatifs au statut des travailleurs (lien de subordination, nature du travail et rémunération), l’un des concepts Le concept qui devrait doivent guider l’UE et les États membres est celui de la dépendance économique et de la subordination, afin de garantir des conditions de travail décentes au . Le travailleur sur plateforme qui, pour assurer sa subsistance, dépend principalement de la rémunération qu’il tire du travail qu’il y accomplit et qui travaille dans une relation de subordination est un salarié et non un indépendant. De la même manière, il conviendrait que les algorithmes utilisés par les plateformes peuvent aussi être considérés comme contraignants, à l’instar des instructions soient assimilés aux, orales ou écrites, qui ont cours dans les formes classiques de travail. Le CESE a déjà exprimé un avis favorable sur ces concepts. |
Exposé des motifs
Selon la Commission européenne, le statut de travailleur est une question controversée et l’une des plus pertinentes d’un point de vue politique lorsque le principal bien échangé par l’intermédiaire de la plateforme est le travail. La Commission a abordé cette question du statut, en estimant que la distinction entre le travailleur indépendant et le salarié peut être établie au moyen de trois critères: l’existence d’un lien de subordination, la nature du travail et la présence d’une rémunération. Ces conditions sont définies aux fins de l’application de la notion de travailleur dans l’UE mais la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative» ajoute que dans leur sphère de compétence, les juridictions des États membres ont tendance à utiliser le même jeu de critères. Compte tenu de ces critères, une réglementation supplémentaire concernant le statut de travailleur au niveau européen n’est pas nécessaire. Au niveau national, diverses initiatives ont été prises, parfois par l’introduction de la notion de catégorie intermédiaire entre le travail subordonné et le travail indépendant.
En ce qui concerne le statut de travailleur, il importe également de noter que le récent accord-cadre autonome sur la numérisation conclu entre les partenaires sociaux européens dispose qu’il couvre tous les travailleurs et employeurs des secteurs public et privé, y compris les activités utilisant des plateformes en ligne, lorsqu’il existe une relation de travail telle que définie au niveau national.
Résultat du vote
Pour |
64 |
Contre |
98 |
Abstentions |
14 |
Paragraphe 5.8
Modifier comme suit:
5.8 |
Le CESE demande que les régimes fiscaux nationaux prennent en compte le phénomène de l’économie collaborative et des plateformes numériques, en respectant pour ce secteur les principes inhérents à un système fiscal équitable, à savoir la cohérence, la prévisibilité et la neutralité, tout en garantissant l’intérêt général consistant à veiller à ce que toutes les parties prenantes s’acquittent de leurs obligations fiscales (1) . En ce qui concerne la fiscalité, le CESE est d’avis que tous les acteurs de l’économie numérique doivent payer des impôts. Il souscrit sur ce point aux recommandations de la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré (2) quand elle préconise que l’UE établisse un instrument juridique contraignant, aux termes duquel les plateformes seraient tenues de déclarer l’ensemble de leurs transactions aux autorités fiscales des pays dans lesquels elles opèrent, de fournir à ces instances toutes les informations voulues pour garantir qu’elles se conforment à la législation en matière d’impôt, de communiquer à leurs travailleurs les données relatives à leurs gains et à leurs obligations en matière d’imposition et de les prémunir du risque d’être rangés à tort dans la catégories des indépendants. |
Exposé des motifs
Le CESE ayant récemment adopté un avis sur la fiscalité de l’économie collaborative (avis ECO/500 sur «La fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière de rapports»), il serait plus approprié de se référer à ce texte qui a été convenu.
Résultat du vote
Pour |
64 |
Contre |
97 |
Abstentions |
14 |
Paragraphe 1.8
Modifier comme suit:
1.8 |
Le CESE recommande que l’UE et ses États membres s’engagent sur la voie d’une uniformisation des notions, afin que le travail sur plateformes acquière un caractère décent. À cette fin, et pour assurer des conditions de travail décentes, notamment aux travailleurs qui, pour subsister, dépendent principalement de la rémunération qu’il perçoivent de cette activité, il préconise que la Commission et les États membres, s’agissant de l’application des critères généraux relatifs au statut des travailleurs (lien de subordination, nature du travail et rémunération), soient guidés par les impératifs suivants: i) il y a lieu de prendre en considération la dépendance économique et le travail effectué dans un rapport de subordination, étant donné qu’un travailleur qui, pour subsister, dépend principalement de la rémunération qu’il perçoit de cette activité est un salarié et non un indépendant, ii) il est nécessaire conviendrait d’étudier soigneusement, sous toutes ses facettes, en respectant les différences fondamentales qui distinguent les salariés des travailleurs indépendants (nature du travail, existence d’un lien de subordination et rémunération), l’application du principe voulant que jusqu’à preuve du contraire, les personnes travaillant sur des plateformes sont présumées en être des employés et, enfin, iii) les algorithmes qu’elles utilisent doivent être assimilés aux peuvent être considérés comme contraignants, à l’instar des instructions, orales ou écrites, en usage dans les formes classiques de travail. |
Exposé des motifs
Selon la Commission européenne, le statut de travailleur est une question controversée et l’une des plus pertinentes d’un point de vue politique lorsque le principal bien échangé par l’intermédiaire de la plateforme est le travail. La Commission a abordé cette question du statut, en estimant que la distinction entre le travailleur indépendant et le salarié peut être établie au moyen de trois critères: l’existence d’un lien de subordination, la nature du travail et la présence d’une rémunération. Ces conditions sont définies aux fins de l’application de la notion de travailleur dans l’UE mais la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative» ajoute que dans leur sphère de compétence, les juridictions des États membres ont tendance à utiliser le même jeu de critères. Compte tenu de ces critères, une réglementation supplémentaire concernant le statut de travailleur au niveau européen n’est pas nécessaire. Au niveau national, diverses initiatives ont été prises, parfois par l’introduction de la notion de catégorie intermédiaire entre le travail subordonné et le travail indépendant.
En ce qui concerne le statut de travailleur, il importe également de noter que le récent accord-cadre autonome sur la numérisation conclu entre les partenaires sociaux européens dispose qu’il couvre tous les travailleurs et employeurs des secteurs public et privé, y compris les activités utilisant des plateformes en ligne, lorsqu’il existe une relation de travail telle que définie au niveau national.
Résultat du vote
Pour |
63 |
Contre |
99 |
Abstentions |
15 |
Paragraphe 1.13
Modifier comme suit:
1.13 |
Le CESE demande que les régimes fiscaux nationaux prennent en compte le phénomène de l’économie collaborative et des plateformes numériques, en respectant pour ce secteur les principes inhérents à un système fiscal équitable, à savoir la cohérence, la prévisibilité et la neutralité, tout en garantissant l’intérêt général consistant à veiller à ce que toutes les parties prenantes s’acquittent de leurs obligations fiscales (3) . Le CESE demande à la Commission de tenir compte des recommandations que la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré a formulées concernant la fiscalité de l’économie des plateformes. |
Exposé des motifs
Le CESE ayant récemment adopté un avis sur la fiscalité de l’économie collaborative (avis ECO/500 sur «La fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière de rapports»), il serait plus approprié de se référer à ce texte qui a été convenu.
Résultat du vote
Pour |
62 |
Contre |
99 |
Abstentions |
15 |
(1) Voir l’avis ECO/500 sur le thème «Fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière de rapports», adopté en juillet 2020 (JO C 364 du 28.10.2020, p. 62).
(2) JO C 458 du 19.12.2014, p. 43.
(3) Voir note de bas de page 1.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/187 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Numérisation et durabilité — état de la question et nécessité d’une action du point de vue de la société civile»
(avis exploratoire)
(2020/C 429/24)
Rapporteur: |
Peter SCHMIDT (DE-II) |
Corapporteur: |
István KOMORÓCZKI (HU-I) |
Consultation |
Présidence allemande, 7.4.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
31.8.2020 |
Adoption en session plénière |
17.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/2/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE plaide en faveur de politiques visant à ancrer davantage une économie numérique qui intègre nos valeurs sociétales, garantissant ainsi le développement d’une économie du bien-être numérique aussi inclusive que possible, afin de permettre aux travailleurs, aux consommateurs, aux PME, aux grandes entreprises et aux acteurs économiques à but non lucratif d’en bénéficier au même titre, en particulier dans les zones rurales. Ces politiques doivent notamment prévoir les mesures suivantes:
|
1.2. |
Le CESE invite les gouvernements nationaux et locaux à soutenir les plateformes coopératives de partage. Il plaide également en faveur de chaînes de production TIC transparentes, équitables et vertes, de normes énergétiques ambitieuses et d’une extension de la directive européenne sur l’écoconception, et demande à la Commission européenne:
|
1.3. |
La pandémie de COVID-19 a entraîné une baisse soudaine et significative du transport, de la production et de la consommation; l’utilisation accrue des TIC a permis d’atténuer les effets des pratiques de travail et des modes de vie à forte intensité énergétique. Le CESE demande que des mesures politiques appropriées soient prises pour contribuer à consolider ces aspects positifs après la pandémie. Bien entendu, cela soulève des questions plus larges quant à l’efficacité énergétique du «nuage» et des centres de données qui le sous-tendent. Les mesures suivantes sont suggérées, à titre d’exemple:
|
1.4. |
Le CESE reconnait l’importance capitale du développement de villes intelligentes durables, et notamment des approches innovantes en matière de mobilité intégrée, d’énergie et de tourisme. |
2. Contexte et fondements
2.1. |
Le présent avis est élaboré à la demande de la présidence allemande du Conseil et vise à examiner les deux grandes tendances à l’œuvre au niveau mondial que sont la numérisation et la durabilité du point de vue de la société civile organisée européenne. Le CESE se félicite de cette approche en faveur de l’alignement des transitions verte et numérique, celui-ci étant essentiel pour la prospérité et la résilience futures de l’Europe. |
2.2. |
L’UE s’est pleinement engagée à mettre en œuvre le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies (1) et ses 17 objectifs de développement durable (ODD), et déploie son action dans le cadre des accords internationaux sur le climat, tels que l’accord de Paris (2). Afin d’en garantir la bonne mise en œuvre, l’UE doit élaborer et finaliser une stratégie globale en faveur du développement durable. |
2.3. |
Le CESE accueille favorablement le pacte vert — et social — pour l’Europe (3) et son Fonds pour une transition juste, étant donné qu’ils devraient fournir les investissements à grande échelle nécessaires à une transition juste vers une économie neutre pour le climat. Le CESE estime que la Plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire (4) est essentielle à la réalisation des objectifs du nouveau Plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire (5) et attend avec intérêt la poursuite de cette collaboration. Le Comité souligne que l’UE doit veiller à ce que la numérisation contribue à la réalisation du pacte vert pour l’Europe. |
2.4. |
Le CESE salue le train de mesures de relance et de reconstruction «Next Generation EU» (6) de l’Union, destiné à venir en aide aux pays et aux acteurs les plus durement touchés par la crise de la COVID-19. |
2.5. |
La pandémie de COVID-19 est l’occasion de réfléchir à la manière dont nous pouvons remodeler notre économie et la rendre plus innovante afin qu’elle soit plus durable sur le plan environnemental et social; la crise ne doit pas détourner l’UE de ses objectifs écologiques et en matière de durabilité. |
2.6. |
Le CESE a déjà plaidé en faveur d’une économie du bien-être durable et inclusive (7), qui œuvre à la fois pour les personnes et pour la planète et suppose notamment d’utiliser à cette fin la numérisation de manière appropriée. |
2.7. |
Le CESE considère qu’une démarche systémique de l’UE en matière de consommation durable (8) est l’un des éléments constitutifs essentiels de la vision stratégique du Comité d’une économie durable du bien-être qui ne laisse personne de côté. |
2.8. |
Le CESE a plaidé en faveur d’une approche européenne pour un avenir numérique (9), fondée sur les valeurs sociales et les normes éthiques européennes, afin de ne pas manquer de saisir les opportunités numériques qui s’offrent à l’économie, tout en protégeant notre vie privée et notre autodétermination, et en respectant les limites de notre planète. |
2.9. |
Le livre blanc sur l’IA (10) publié récemment par la Commission propose une stratégie visant à garantir l’adoption de l’IA au sein de l’UE et le CESE soutient les ambitions de la Commission de faire de l’UE un chef de file international en matière de recherche et développement sur l’IA et d’améliorer ainsi la compétitivité de l’Europe à l’échelle mondiale (11). Dans le même temps, le CESE apprécierait que la stratégie en matière d’IA soit mieux intégrée dans les stratégies actuelles de l’UE en matière de durabilité. |
2.10. |
Le CESE invite toutes les parties prenantes à tenir compte des incidences de la numérisation dans les différents secteurs et sur l’ensemble des ODD en ce qui concerne les infrastructures de base, l’autonomisation et la transformation. |
3. Vers une numérisation socialement, écologiquement et économiquement saine
3.1. |
Il ressort clairement de la réflexion menée pendant le hiatus causé par la COVID-19 qu’une révolution numérique durable suppose de s’aligner sur les facteurs humains ainsi que de maintenir des solutions non numériques, tout en évaluant soigneusement les risques encourus et en accordant une attention particulière à la résilience. Combler le fossé numérique existant entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci à travers le monde, en mettant tout particulièrement l’accent sur les États membres et en gardant à l’esprit la perspective de l’élargissement, constituera l’une des premières priorités. La lutte contre la fracture numérique au sein des États membres nécessite des investissements publics et privés. La pandémie a mis en lumière tant les avantages que les inconvénients de la communication numérique, en particulier pour les personnes vivant dans les zones rurales. |
3.2. |
Le présent avis se concentrera sur l’ODD 8 (travail décent), l’ODD 12 (consommation et production responsables) et l’ODD 13 (action en faveur du climat) (12), et établira donc des liens étroits entre les facteurs de durabilité environnementale et sociale. L’alignement de ces préoccupations est essentiel pour parvenir à une forme de numérisation qui profite à tous. D’autres points revêtant un intérêt particulier seront notamment l’éducation numérique (ODD 4), les villes intelligentes (ODD 11) et la santé en ligne (ODD 3), pour lesquels le Comité recommande de procéder à des analyses plus détaillées dans le contexte du rôle de la société civile dans les travaux futurs du CESE. |
3.3. |
La pandémie a transformé un grand nombre de nos routines quotidiennes en une vaste expérience de mise en œuvre numérique en conditions réelles: les gouvernements ont fermé temporairement les écoles et demandé aux élèves, aux étudiants et aux enseignants de travailler en ligne, tandis que les employeurs ont été contraints de revoir leur approche en matière de télétravail. Alors que nous sortons lentement du confinement, il convient de réfléchir à l’ampleur dans laquelle la numérisation est souhaitable et appropriée, ainsi qu’à la manière dont nous pouvons préserver, dans le cadre de ce processus, l’équité intra- et intergénérationnelle dans le respect des ODD.
Le CESE invite toutes les parties prenantes à prendre en considération les incidences de ce «pas en avant numérique» dans le contexte des trois dimensions de la numérisation que sont les infrastructures de base, l’autonomisation et la transformation. À titre d’illustration, citons l’exemple de nos environnements d’éducation et de travail. Le Comité recommande toutefois de s’en inspirer de manière heuristique dans d’autres domaines afin d’y appréhender ces dimensions et d’avoir un aperçu de leurs avantages et leurs risques respectifs. |
3.3.1.
Si nous tenons pour acquis que l’internet offre un accès quasi universel aux connaissances pour beaucoup d’entre nous en Europe, nous devons toutefois continuer à œuvrer pour améliorer la qualité, la sécurité, la fiabilité, l’inclusivité et l’accessibilité des services en ligne. Alors que nous entrons dans une ère de plus en plus dominée par l’IA, il est essentiel d’analyser les expériences scientifiques, sociétales et pédagogiques réalisées dans le contexte de cette situation inattendue, ainsi que leurs conclusions, en prenant acte du récent rapport de l’UNESCO sur l’IA (13). Le Comité est déjà conscient des inégalités sociales importantes mises en lumière dans ce contexte, notamment le manque de dispositifs électroniques, et une formation et une connectivité insuffisantes.
Conformément au principe de précaution, les facteurs négatifs potentiels pourraient inclure l’augmentation du temps passé devant l’écran, l’exposition aux appareils en général, la posture, les radiations, les préoccupations relatives à l’impact de la 5G sur notre santé, les fausses informations, la fraude sur internet, le harcèlement en ligne et les questions de surveillance, autant d’éléments qui appellent de nouvelles études sérieuses.
3.3.2.
Parmi les aspects positifs, l’évolution de la situation nous a tous rappelé de manière spectaculaire le potentiel de la numérisation en tant qu’outil d’autonomisation dans la vie de tous les jours. Par exemple, les informations sont aisément disponibles, ce qui permet un apprentissage indépendant tout au long de la vie et la flexibilité dans le travail. Cet environnement varié et riche se compose de documents audio, vidéo, de textes, d’animations, d’environnements de formation virtuels, de forums de discussion en ligne, de réalité augmentée et de réalité virtuelle portant sur un large éventail de sujets adaptés au calendrier et aux besoins des intéressés, qu’ils soient des élèves, des étudiants, des travailleurs ou simplement des personnes cherchant à acquérir de nouvelles connaissances ou de nouvelles compétences.
L’internet sert également de catalyseur aux mouvements de la société civile et s’est plus particulièrement avéré un puissant outil de mobilisation des citoyens dans le cadre d’actions politiques ou en faveur du climat, telles que Fridays for Future, ou comme l’ont illustré de manière spectaculaire les manifestations de Hong Kong au cours des dernières années.
Dans le même temps, le Comité se rend compte que le recours à une numérisation hautement technologique n’aboutit pas nécessairement à une plus grande durabilité; par exemple, des communautés indigènes ou des groupes de personnes âgées ayant faiblement recours à la technologie tendent à adopter des solutions non numériques qui sont plus durables.
3.3.3.
Les enseignements tirés de cette expérience de «laboratoire mondial» offrent une excellente occasion d’élaborer des conclusions quant à la manière dont cela aura une incidence sur les évolutions futures, s’agissant par exemple de la combinaison idéale de formation à distance sur mesure et d’éducation sur place. Les institutions les mieux classées au monde proposent déjà des cours en ligne ouverts et massifs (CLOM) grâce à des collaborations telles que Coursera, offrant ainsi à tout un chacun certains des avantages d’une université prestigieuse.
Les implications environnementales et sociales sont indubitables. L’on a pu observer une forte réduction des voyages d’affaires, ce qui a entraîné une baisse de la pollution atmosphérique et environnementale en général, moins de bruit, une diminution du stress humain, et il est probable que certains de ces nouveaux modes de fonctionnement subsisteront même après le retour à la normale. Pour beaucoup, la situation a permis de passer plus de temps à la maison ou en famille et a profité aux fournisseurs locaux tels que les magasins à la ferme, mais, à l’évidence, d’autres ont également connu de grandes difficultés.
En ce qui concerne les infrastructures, il s’agit d’une occasion parfaite de soulever et d’analyser les questions relatives aux investissements communautaires et au rapport coût-efficacité.
3.4. ODD 8: Travail décent et économie du bien-être
La numérisation recèle un grand potentiel pour l’économie du bien-être. Cependant, les bénéfices sont répartis de manière inégale, entraînant le risque de voir une part croissante des capitaux et des actifs s’accumuler entre les mains de quelques acteurs. La plupart des plateformes numériques et des entreprises de logiciels se situent aux États-Unis et en Asie (14). Les PME européennes dépendent de leurs services et perdent une partie du fruit de leurs ventes en paiements de redevances, par exemple quand elles recourent au service «Expédié par Amazon». Pour lutter contre cette tendance oligopolistique, nous devons construire une économie de bien-être inclusive en Europe. Le CESE soutient le développement d’une politique budgétaire qui permettra de s’assurer que les entreprises numériques paient leur juste part d’impôts (15).
3.4.1.
La numérisation dans l’environnement de travail offre de nombreuses possibilités en vue d’une rationalisation souhaitable du travail (16), par exemple en utilisant des «cobots» (17), mais cela comporte également certains risques, à moins que nous parvenions à ancrer solidement cette évolution dans nos valeurs sociales européennes et nos normes éthiques en privilégiant une approche où l’humain reste aux commandes. Les défis spécifiques à relever dans ce contexte sont les suivants:
— |
Une évolution du ratio emplois/revenus dans les nouveaux secteurs d’activité, les entreprises numériques générant plus de ventes avec moins d’emplois. La plupart des études scientifiques estiment que les effets nets de la numérisation sur le marché du travail entraîneront une hausse du chômage (18) (19) (20) (21) (22) (23). |
— |
Un processus de précarisation des emplois dans le cadre duquel les personnes susceptibles d’avoir des emplois gratifiants et bien rémunérés seront moins nombreuses tandis qu’un nombre croissant de travailleurs n’auront d’autre choix que de travailler dans des conditions d’emploi instables dans l’économie dite «des petits boulots», caractérisée par des contrats de travail à temps partiel, à court terme ou «zéro heure» (24) (25) (26) (27) (28). |
— |
Une polarisation des revenus, la part du produit intérieur brut (PIB) imputée aux salaires étant en baisse, tandis que la part des revenus des investissements (29) augmente (30) (31) (32). Cette polarisation des revenus peut influencer négativement le pouvoir d’achat (33) (34) (35). |
— |
Une tendance à l’externalisation de la main-d’œuvre et du contrôle du travail. Le gain perçu d’autonomie lorsque l’on travaille à domicile ne devrait pas se faire au détriment des intérêts des travailleurs (s’agissant par exemple de la sûreté du lieu de travail, de la stabilité des conditions de travail, du droit à la déconnexion et de la protection des données sur le lieu de travail). Par conséquent, le CESE plaide en faveur d’une interprétation stricte du RGPD de l’UE et suggère d’adopter une loi portant spécifiquement sur la protection des données sur le lieu de travail. |
— |
Une utilisation ciblée de l’IA pour améliorer le fonctionnement du marché du travail, par exemple en anticipant les besoins de compétences ou les effets sur les temps et les conditions de travail, dans le but de parvenir à une économie de bien-être. (Cela pourrait passer par la prise en compte de considérations relatives à l’introduction d’un revenu de base, à une réduction des heures pour les emplois à temps plein ou à des prélèvements pour les emplois faiblement rémunérés.) |
3.4.2.
La montée en puissance des «géants du numérique», se traduisant par des tendances monopolistiques ou oligopolistiques, a faussé la concurrence. De plus, la concentration des informations et des connaissances a des répercussions sur la souveraineté politique et l’autonomie décisionnelle de la personne, étant donné qu’une grande partie du trafic internet (par exemple, les données personnelles et liées au marché, les actualités et les discours publics) est entre les mains de quelques entreprises informatiques mondiales (non européennes). Le CESE demande à la Commission d’adapter la législation actuelle en matière de concurrence et de monopole afin de réglementer les marchés des plateformes numériques (36). Il relève également l’importance de protéger les droits des citoyens dans le contexte du RGPD et note que la dimension abusive du capitalisme de la surveillance doit être ouvertement abordée et débattue.
En outre, les plateformes comme Amazon agissent de plus en plus comme des acteurs du marché sur leurs propres marchés, tout en contrôlant l’infrastructure économique (c’est-à-dire la plateforme d’achat en ligne, les circuits de distribution et les publicités) où des milliers de vendeurs concurrents offrent leurs produits. Amazon utilise ces données émanant de vendeurs tiers pour faire la promotion de ses propres produits, ce qui pénalise ses concurrents (37). Une révision du droit européen de la concurrence dans le sens du règlement indien relatif à l’IDE (38) pourrait permettre de recenser et de sanctionner de telles pratiques abusives.
Il est essentiel d’assurer la neutralité des nouveaux marchés de plateformes numériques (39) pour garantir des conditions de concurrence équitables à tous les acteurs du marché. Le CESE suggère d’adopter des règlements sur les «monopoles naturels» dans l’économie numérique afin de garantir leur gouvernance par la société civile ou les pouvoirs publics (40). Cela passe notamment par l’interopérabilité entre les plateformes concurrentes de manière à garantir la concurrence au sein du marché numérique, par exemple au moyen d’une législation relative aux interfaces prédéfinies obligatoires pour l’échange d’informations.
3.4.3.
Le CESE demande à la Commission et aux États membres de l’UE de promouvoir les applications et les logiciels libres en tant qu’outils pour encourager les modèles et applications d’entreprise qui permettent un accès libre et un partage équitable des avantages.
En outre, le CESE plaide en faveur d’une approche «deniers publics — données publiques», laquelle nécessiterait des projets de recherche et de développement financés par des fonds publics afin de rendre les données disponibles, par exemple au moyen de licences Creative Commons ou de licences publiques de droits d’auteur.
De plus, le CESE suggère d’élaborer une politique stratégique de l’UE en matière de gouvernance des données afin de trouver un équilibre entre la mise à disposition de données aussi ouvertes que possible, tout en veillant à ce que les acteurs économiques publics et les PME ne perdent pas leur activité principale au profit de grandes sociétés internet ou entreprises de données. Par le passé, les simples «données ouvertes» ont profité aux seules grandes entreprises de l’internet. Le CESE appelle à mettre en place des «fonds publics pour les données», qui pourraient servir d’intermédiaires entre les acteurs qui génèrent des données et/ou ont l’intention d’utiliser des données. Différents fonds publics de ce type pourraient être mis en place pour les données relatives à la mobilité, à la ville, etc. Une nouvelle législation est nécessaire pour créer les mandats publics qui permettront à des organisations gouvernementales ou de la société civile de gérer ces fonds publics pour les données et notamment de décider de l’accès aux produits et services et de la répartition des avantages qui en découlent. Les données pertinentes pour les services publics devraient refléter un équilibre entre les innovations entrepreneuriales, la souveraineté publique, les droits à un accès universel et le bien-être des citoyens. Dans une perspective d’avenir, il est essentiel de développer davantage les technologies des chaînes de blocs et d’assurer une transparence algorithmique.
3.5. ODD 12: Consommation et production responsables
Les applications numériques recélant un grand potentiel pour faire progresser la consommation durable (41), le CESE invite les gouvernements nationaux et locaux à soutenir les plateformes de partage des coopératives ainsi que les plateformes de commerce électronique proposant des produits durables (42). Un nouveau système intelligent d’étiquetage des denrées alimentaires durables, tel que proposé récemment par le CESE, fournirait des informations complètes sur les produits (43) de manière à promouvoir des choix de consommation durables et des régimes alimentaires plus sains (44).
Afin de renforcer le caractère durable du commerce en ligne, le CESE suggère que la législation de l’UE encourage les bonnes pratiques visant notamment à réduire le nombre de colis renvoyés (par exemple, en limitant les retours gratuits) (45), à interdire la destruction de ces colis, à regrouper les livraisons et à augmenter les taux d’utilisation des véhicules de livraison.
60 % de l’ensemble du trafic de données est du streaming vidéo. Comme on a pu l’observer dans le cadre de la limitation volontaire pendant la pandémie de COVID-19, les solutions de remplacement à basse résolution sont largement acceptées et plus durables; il convient donc de les encourager.
3.5.1.
Il conviendrait d’appliquer les normes de l’économie circulaire à la production de matériel TIC. Parmi les questions qui se posent dans ce domaine figurent l’extraction de terres rares et d’autres matériaux, ainsi que la production d’appareils, qui implique souvent de mauvaises conditions de travail et environnementales (par exemple en Chine et dans d’autres pays de l’hémisphère sud).
Le CESE plaide en faveur d’une plus grande transparence dans les chaînes de production des TIC. Il est nécessaire d’étendre le champ d’application de la directive sur l’écoconception (46) afin qu’elle prévoie des normes complètes de production concernant notamment i) les matériaux durables (ressources recyclées et renouvelables), ii) la conception du matériel (maximisation de sa longévité — dispositifs modulaires et réparables), iii) les mises à jour logicielles jusqu’à la fin de la durée de vie physique d’un produit, iv) l’allongement des délais de garantie, v) la réutilisation des appareils qui fonctionnent et l’augmentation du recyclage du matériel, vi) des normes énergétiques ambitieuses, notamment un règlement dynamique de promotion de l’excellence en vertu duquel le produit le plus économe en énergie devient la norme minimale, et vii) des normes de durabilité pour le développement de logiciels et d’applications, encourageant les développeurs à concevoir des logiciels permettant de réduire autant que possible le trafic de données et l’utilisation du matériel pendant l’application. Le CESE accueille favorablement le Manifeste de Karlskrona pour la conception durable et invite la Commission à élaborer des critères complets pour les produits logiciels durables (47) (48).
3.5.2.
La numérisation doit faire progresser la transparence et la responsabilité le long des chaînes de production. Le CESE accueille favorablement la proposition relative au pacte vert pour l’Europe réitérée par le gouvernement allemand dans sa récente «Stratégie numérique pour l’environnement» et qui vise à mettre en place un «laissez-passer pour les produits numériques» contenant des informations sur le matériel et les normes de production afin de recenser les lacunes dans la production durable, conformément à la stratégie européenne en matière de responsabilité sociale des entreprises (49), concernant notamment les normes du travail.
3.5.3.
Le CESE invite la Commission et les États membres de l’UE à favoriser le développement de plateformes internet de coopératives fonctionnant comme des intermédiaires neutres en vue de favoriser une meilleure répartition des bénéfices entre les producteurs/fournisseurs de services, ainsi qu’une participation accrue des citoyens/consommateurs dans la gouvernance, la prise de décision et le partage des bénéfices.
Par exemple, la fédération CoopCycle, gérée de manière coopérative, fournit la plateforme logicielle pour les coopératives de livraison à vélo dans neuf villes européennes. La plateforme de location FairBNB compte des villes et des régions parmi ses parties prenantes. En faisant don de 50 % de ses revenus à des projets locaux, elle favorise une nouvelle compréhension du tourisme européen qui bénéficie à la fois aux voyageurs et aux hôtes.
Le CESE plaide en faveur d’un soutien politique favorisant le développement de ces plateformes à travers l’Europe. Les règlements relatifs aux marchés publics devraient être adaptés afin que les autorités locales puissent leur accorder un traitement préférentiel.
3.5.4.
Le CESE se déclare préoccupé par le fait que, de plus en plus, les plateformes de commerce électronique ont tendance à favoriser des formes de consommation non durables. Le pistage des décisions d’achat en ligne et la personnalisation des publicités favorisent la consommation de masse non durable. Le CESE considère que l’utilisation des données à des fins tierces n’est pas suffisamment abordée par le RGPD et invite la Commission à renforcer cette législation en ce qui concerne les principes de la suffisance des données (minimisation des données) et du couplage des données.
Le CESE plaide également en faveur de restrictions concernant la publicité en ligne. Dans de nombreux États membres, les annonces publicitaires sont interdites dans les espaces publics tels que les écoles. Le Comité soutiendra la création d’espaces libres sans publicité sur l’internet, en particulier sur les moteurs de recherche et les médias sociaux. Le CESE note qu’environ la moitié de l’ensemble des recettes publicitaires mondiales en ligne (plus de 300 milliards de dollars par an (50)) est perçue par deux entreprises américaines: Google et Facebook.
Le CESE salue les initiatives telles que celle de l’«assistant de consommation verte», un outil reposant sur l’IA actuellement mis au point par Einstein Center Digital Future et Ecosia.org, qui vise à développer des moteurs de recherche pour aider les consommateurs à acheter des produits et services plus durables.
3.6. ODD 13: Action pour le climat
3.6.1.
Le CESE accueille favorablement les solutions numériques en faveur de la protection de l’environnement et d’une transition durable des transports, des systèmes énergétiques, des bâtiments, de l’agriculture et d’autres secteurs. Une étude suisse a, par exemple, révélé que les TIC pourraient permettre d’éviter de produire jusqu’à 6,99 millions de tonnes d’équivalents CO2 par an, avec une empreinte carbone propre de 2,69 millions de tonnes d’équivalents CO2 par an (51). D’autres études ont mis en évidence des potentiels encore plus grands (52). Toutefois, le CESE fait observer que la numérisation globale de l’économie et de la société n’a jusqu’à présent pas contribué à réduire la demande d’énergie ni les émissions de carbone (53). Par conséquent, pour exploiter le potentiel des TIC afin de contribuer à la protection du climat et de l’environnement, des politiques de soutien sont nécessaires, par exemple pour atténuer les effets de rebond et d’induction.
3.6.2.
Le «nuage» est constitué de centres de données physiques, dont la construction se caractérise par une forte intensité d’utilisation des ressources et dont la gestion est très consommatrice d’énergie. Le CESE invite la Commission à coopérer avec les États membres de l’UE afin d’établir un inventaire européen des centres de données, couvrant notamment les questions relatives à l’efficacité énergétique, au cycle de vie et aux matériaux de construction. En outre, il souhaiterait que la Commission propose une législation relative à l’intégration des centres de données dans les logements urbains ou les zones commerciales de manière à optimiser l’utilisation de la chaleur perdue.
Le CESE recommande la mise en place d’un système d’excellence (top-runner), afin de veiller à ce que les centres de données les plus économes en énergie deviennent la norme. Le Comité souhaiterait qu’un accord commun soit conclu entre les États membres afin de mandater la construction de nouveaux centres de données fonctionnant avec 100 % d’énergie renouvelable.
Le CESE recommande l’utilisation de l’IA pour soutenir la protection du climat et la transition énergétique.
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Comme le suggère le livre blanc sur l’IA, la Commission devrait proposer des mesures quant à la manière dont les États membres peuvent promouvoir des solutions durables en matière d’IA. |
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Les véhicules autonomes guidés par l’IA pourraient réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport urbain grâce à des algorithmes d’optimisation du trafic/de conduite écologique ou à des services de covoiturage utilisant des flottes de véhicules autonomes entièrement électriques. |
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L’IA peut améliorer la prévisibilité de l’offre et de la demande d’énergies renouvelables au sein d’un réseau de distribution ou améliorer le stockage de l’énergie, l’efficacité énergétique et la gestion de la charge énergétique. |
3.7. Villes intelligentes et autres exemples
Le CESE accueille favorablement les applications basées sur le nuage des technologies des villes intelligentes qui gèrent les données en temps réel afin de permettre de meilleures décisions, comme la rationalisation de la collecte des déchets, la diminution de la congestion du trafic, l’amélioration de la qualité de l’air et l’amélioration de la distribution de l’énergie (avec des systèmes utilisant 100 % d’énergies renouvelables, la gestion du réseau, et une offre et une demande d’électricité fluctuante).
3.7.1. |
La mobilité est un domaine essentiel, notamment grâce au concept de mobilité à la demande, qui catalyse une meilleure utilisation des espaces, données et infrastructures publics, afin de réduire les émissions de carbone grâce à l’intégration des transports publics et privés. Le transport multimodal, notamment les vélos en libre service, le covoiturage, les transports publics, les taxis et d’autres modes de transport, peut rendre les transports publics et partagés beaucoup plus intéressants et réduire la dépendance à l’égard de la voiture. On peut, à cet égard, citer trois exemples emblématiques dans les États membres:
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3.7.2. |
Le CESE salue les politiques intelligentes et durables de Barcelone ainsi que les projets européens de villes intelligentes tels que:
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3.7.3. |
Le tourisme durable est essentiel à la reprise post-COVID. Nous devrions nous appuyer sur les récents avis du CESE concernant cette question (56). Il conviendrait plus particulièrement de promouvoir les moyens de transport non polluants tels que les vélos et les transports collectifs, de développer des moteurs aéronautiques de plus en plus économes en carburant et de favoriser la rénovation des installations d’hébergement au moyen de la certification du label écologique européen Ecolabel. |
3.7.4. |
Le CESE se félicite des approches durables dans le domaine de la numérisation de l’agriculture et fait référence à son avis en cours d’élaboration consacré à la stratégie de la Commission dite «de la ferme à la table» (57). L’ambition du Comité est de veiller à ce que les petites et moyennes exploitations bénéficient également de solutions numériques pour la nécessaire transition agroécologique si elles le souhaitent, pour autant qu’elles soient financièrement viables et restent sous la maîtrise des exploitants eux-mêmes. Il existe une multitude d’applications technologiques innovantes, dont bon nombre sont manifestement avantageuses alors que la société évolue vers une production alimentaire plus durable (par exemple, les drones pour la surveillance des cultures et des animaux, les robots destinés à l’ensemencement, au désherbage, à la récolte ou à la traite, et la perspective des exploitations dites «verticales» dans les villes, avec une consommation d’eau bien plus réduite et un approvisionnement local). Dans ce contexte, le CESE encourage la copropriété, les systèmes de partage de données (58) et d’autres modèles innovants.
La gestion de la révolution numérique dans l’agriculture pose des défis complexes et le Comité souligne l’importance d’initiatives telles que FAIRshare (59) pour promouvoir l’utilisation d’outils numériques visant à optimiser les pratiques agricoles. Le renforcement des compétences et de la confiance dans le cadre de la lutte contre la fracture numérique en milieu rural revêt une importance particulière dans ce contexte. |
3.7.5. |
La santé en ligne est un élément essentiel pour favoriser une prise de décisions en connaissance de cause et fondée sur des données probantes, la transparence des procédures de soins, la réduction des erreurs, l’amélioration de la précision du diagnostic et de la rentabilité, et la réduction des temps d’attente et des déchets. Les mesure de distanciation sociale et de quarantaine prises dans le cadre de la pandémie ont suscité une prise de conscience beaucoup plus large du potentiel de la santé en ligne. |
Bruxelles, le 17 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/development-agenda/.
(2) https://unfccc.int/fr/process-and-meetings/the-paris-agreement/l-accord-de-paris
(3) https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/european-green-deal-communication_fr.pdf
(4) PAEEC, https://circulareconomy.europa.eu/platform/fr
(5) PAEC, https://ec.europa.eu/environment/circular-economy/
(6) https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/factsheet_1_en.pdf (uniquement disponible en anglais).
(7) Avis du CESE sur «L’économie durable dont nous avons besoin» (JO C 106 du 31.3.2020, p. 1).
(8) Avis du CESE sur le thème «Vers une stratégie de l’Union européenne pour une consommation durable» (voir page 51 du présent Journal officiel).
(9) Avis du CESE sur le thème «Façonner l’avenir numérique de l’Europe» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 101).
(10) Livre blanc sur l’intelligence artificielle: Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance, https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/commission-white-paper-artificial-intelligence-feb2020_fr.pdf.
(11) Dans ce contexte, la notion de compétitivité ne doit pas être définie uniquement en termes quantitatifs, mais également en tenant compte de l’aspect qualitatif, de manière à établir un équilibre entre prospérité économique, dimension environnementale et inclusion sociale.
(12) Il s’agit des ODD les plus fréquemment cités, selon le 7e bilan annuel sur les déclarations et publications d’entreprises dans les domaines environnemental, social et de la gouvernance publié par le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable en 2019.
(13) UNESCO: Steering AI and advanced ICTs for knowledge societies: a Rights, Openness, Access, and Multi-stakeholder Perspective (Piloter l’IA et les TIC avancées pour les sociétés du savoir: une perspective ROAM; uniquement en anglais).
(14) Comme Google/Alphabet, Apple, Facebook, Amazon ou Microsoft aux États-Unis et Alibaba ou Tencent en Chine.
(15) Comme la taxe sur les services numériques introduite en France, qui a toutefois été perçue comme discriminatoire à l’égard des entreprises de pays tiers.
(16) Rationalisation liée à la robotisation, à l’automatisation, à l’IA, aux améliorations de l’efficacité au travail et aux changements sectoriels.
(17) Un cobot est un robot collaboratif capable de travailler avec des humains en prenant en charge des tâches répétitives, indésirables ou dangereuses et en créant de nouvelles tâches plus gratifiantes.
(18) Muro/Maxim/Whiton, Automation and Artificial Intelligence: How machines are affecting people and places (Automatisation et intelligence artificielle: comment les machines affectent les personnes et les lieux), 2019.
(19) Frey/Osborne, The future of employment: How susceptible are Jobs to Computerisation? (L’avenir de l’emploi: dans quelle mesure les emplois sont-ils susceptibles d’être automatisés?), 2013. Les auteurs n’affirment rien avec précision quant à la rapidité avec laquelle ce processus pourrait se dérouler, préférant parler, en des termes plutôt vagues, d’une ou deux décennies.
(20) Ziehran/Gregory/Arntz, The risk of automation for jobs in OECD countries: a comparative analysis (Le risque que présente l’automatisation pour les emplois dans les pays de l’OCDE. Analyse comparative), document de travail de l’OCDE sur les questions sociales, l’emploi et les migrations, 2016.
(21) Fédération internationale de robotique: The Impact of Robots on Productivity, Employment and Jobs (L’impact des robots sur la productivité, le travail et les emplois), 2017.
(22) Ziehran/Gregory/ Arntz: Racing With or Against the Machine? (Faire la course avec ou contre la machine?), 2016.
(23) Forum économique mondial, The Future of Jobs Report (Le rapport sur l’avenir de l’emploi), 2018.
(24) Muntaner, Digital Platforms, Gig Economy, Precarious Employment, and the Invisible Hand of Social Class (Plateformes numériques, économie des petits boulots, emploi précaire et main invisible de la classe sociale), 2018.
(25) Pour une typologie des plateformes de travail participatif, voir: Howcroft/Bergvall-Kåreborn, A Typology of Crowdwork Platforms (Une typologie des plateformes de travail participatif), 2019.
(26) Uws et al., Crowd work in Europe: Preliminary results from a survey in the UK, Sweden, Germany, Austria and the Netherlands (Travail participatif en Europe: résultats préliminaires d’une enquête menée au Royaume-Uni, en Suède, en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas), 2016.
(27) Berg, Income security in the on-demand economy: Findings and policy lessons from a survey of crowdworkers (Sécurité des revenus dans l’économie à la demande: conclusions et leçons politiques tirées d’une enquête menée auprès de travailleurs participatifs), 2015.
(28) Bartmann, The Return of the Servant (Le retour des domestiques), 2016.
(29) Notamment les valeurs actionnariales et les dividendes des plateformes numériques, des entreprises pionnières en matière d’IA, de la robotisation, etc.
(30) Stockhammer, Determinants of the Wage Share (Facteurs déterminants de la part salariale), 2017.
(31) Hudson, The Road to Debt Deflation, Debt Peonage, and Neofeudalism (La voie vers la déflation, le péonage pour dette et le néoféodalisme), 2017.
(32) Lange/Santarius, Smart Green World? Making Digitalisation Work for Sustainability (Un monde écologique et intelligent? Mettre la numérisation au service de la durabilité), 2020.
(33) Cf. Staab, The consumption dilemma of digital capitalism (Le dilemme de la consommation du capitalisme numérique), 2017.
(34) Summers, Larry Summers at IMF Economic Forum (Larry Summer au Forum économique du FMI), 2013.
(35) Teulings/Baldwin, Secular Stagnation: Facts, Causes and Cures (Stagnation séculaire: faits, causes et remèdes), 2014.
(36) Par exemple, les moteurs de recherche ou l’internet des objets, les plateformes de commerce électronique ou de médias sociaux.
(37) Feiner, Amazon admits to Congress that it uses «aggregated» data from third-party sellers to come up with its own products (Amazon reconnaît devant le Congrès utiliser des données «agrégées» émanant de vendeurs tiers pour promouvoir ses propres produits), 2019.
(38) Règlement indien relatif à l’IDE 5.2.15.2.4. v: «Une entité détenant une participation dans une entité de marché en ligne active dans le commerce électronique […] n’est pas autorisée à commercialiser ses produits sur la plateforme gérée par cette entité».
(39) En particulier les marchés dans le domaine des biens publics (santé, mobilité, ville).
(40) Par exemple, un moteur de recherche public, un serveur en nuage GAIA X ou des plateformes de médias sociaux civiles gérées par la société civile.
(41) Tels que le partage d’achats (et d’expériences) entre consommateurs, le troc d’occasions, les formes numériques de «prosommation», les plateformes numériques locales pour promouvoir les entreprises locales et, le cas échéant, les circuits d’approvisionnement courts.
(42) Par exemple «La ruche qui dit oui», une plateforme belge proposant des produits bio et saisonniers.
(43) Concernant par exemple la production, l’incidence sur l’environnement, la composition, l’usage, la réparabilité et à la facilité d’utilisation d’un produit donné.
(44) Avis du CESE: «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne», JO C 190 du 5.6.2019, p. 9.
(45) En moyenne, un colis sur huit achetés en ligne est renvoyé. https://www.salecycle.com/blog/featured/ecommerce-returns-2018-stats-trends/.
(46) Directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 285 du 31.10.2009, p. 10).
(47) C. Becker et al. (2015), Sustainability Design and Software: The Karlskrona Manifesto (Conception durable et logiciels: le Manifeste de Karlskrona), in IEEE/ACM 37e conférence internationale de l’IEEE sur l’ingénierie logicielle, p. 467–476, doi: 10.1109/ICSE.2015.179.
(48) Voir également Kern et al. (2018), Sustainable software products — Towards assessment criteria for resource and energy efficiency (Produits logiciels durables — Vers des critères d’évaluation de l’efficacité dans l’utilisation des ressources et de l’énergie), Future Generation Computer Systems, Bd. 86, S. 199–210, doi: 10.1016/j.future.2018.02.044.
(49) «Responsabilité sociale des entreprises: une nouvelle stratégie de l’UE pour la période 2011-2014», COM(2011) 0681.
(50) Emarketer.com
(51) Hilty & Bieser (2017): Opportunities and risks of digitalisation for climate protection in Switzerland (Les possibilités et les risques inhérents à l’utilisation de la numérisation aux fins de protection du climat en Suisse).
(52) E.g., GESI/Accenture (2015): SMARTer2030. ICT Solutions for 21st Century Challenges (SMARTer2030. Solutions TIC pour relever les défis du 21e siècle).
(53) Lange et Santarius (2020): Smart Green World. Making Digitalization Work for Sustainability (Un monde vert et intelligent? Mettre la numérisation au service de la durabilité); Lange, Pohl et Santarius (2020): Digitalization and Energy Consumption. Does ICT Reduce Energy Demand? (Numérisation et consommation d’énergie: les TIC réduisent-elles la demande d’énergie?).
(54) http://www.remourban.eu/
(55) https://www.matchup-project.eu/
(56) Avis du CESE: «Commerce international et tourisme — Un programme mondial de développement durable» (JO C 14 du 15.1.2020, p. 40) et «Tourisme et transport en 2020 et au-delà» (voir page 219 du présent Journal officiel).
(57) Avis du CESE sur le thème «Une stratégie alimentaire durable “de la ferme à la table”», 2020 (voir page 268 du présent Journal officiel).
(58) Comme JoinData, une plateforme de données indépendante pour les agriculteurs (join-data.nl).
(59) https://www.h2020fairshare.eu/
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/197 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Des chaînes d’approvisionnement durables et un travail décent dans le commerce international»
(avis exploratoire)
(2020/C 429/25)
Rapporteure: |
Tanja BUZEK (DE-II) |
Consultation |
Présidence allemande, 18.2.2020 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 1, du règlement intérieur |
|
Avis exploratoire |
Compétence |
Section «Relations extérieures» |
Adoption en section |
24.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/2/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Les chaînes d’approvisionnement mondiales (CAM) jouent un rôle essentiel dans les activités économiques à l’échelle de la planète et dans le commerce mondial, car les entreprises opèrent de plus en plus au-delà des frontières. Les entreprises multinationales en sont les principaux moteurs, et les petites et moyennes entreprises (PME) en constituent des composantes importantes. Elles sont «complexes, diversifiées et fragmentées», avec tout ce que cela suppose de possibilités et de risques. La croissance économique, la création d’emplois et l’esprit d’entreprise qu’elles engendrent sont aussi mis en cause par leurs effets négatifs avérés, dans certaines d’entre elles, sur les conditions de travail et la durabilité (1). |
1.2. |
La crise de la COVID-19 a été le révélateur de la fragilité préoccupante et des risques considérables liés à des chaînes d’approvisionnement très fragmentées et peu diversifiées. Elle a mis en évidence la vulnérabilité des travailleurs, en révélant les violations des droits humains et les conséquences néfastes du fonctionnement économique à l’échelle mondiale dans les chaînes d’approvisionnement actuelles, tant sur le plan social, que sur ceux de la santé et de la sécurité. |
1.3. |
La pandémie de COVID-19 nous apprend que les chaînes d’approvisionnement mondiales doivent devenir plus résilientes, plus diversifiées et plus responsables. Le commerce sera appelé à jouer un rôle essentiel pour promouvoir une reprise économique durable, et permettre aux entreprises de reconstruire et de réorganiser leurs chaînes de valeur mises à mal. Toutefois, il faut que des instruments plus puissants permettent d’assurer la mise en œuvre d’un programme socialement et écologiquement responsable en faveur des entreprises, du commerce et de l’investissement. |
1.4. |
Le CESE invite l’Union à collecter davantage de données sur les chaînes d’approvisionnement vulnérables, notamment en ce qui concerne les risques de perturbation des activités économiques et la détection des violations des droits de l’homme. Il souligne également qu’il est urgent d’évaluer, au niveau mondial, la manière dont les normes internationales du travail remédient aux déficits de travail décent au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales, et de combler les lacunes recensées en matière de gouvernance. |
1.5. |
Un second enseignement concerne la question des caractères «stratégique» et «authentique» des investissements dans la durabilité. Il faut que des actions ambitieuses garantissent que les chaînes d’approvisionnement mondiales contribuent à un modèle économique et social plus équitable, fondé sur la durabilité et le travail décent. Les actions doivent être compatibles avec les principes internationaux et européens, notamment avec l’accord de Paris, les objectifs de développement durable (ODD), les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT), le pacte vert pour l’Europe et le socle européen des droits sociaux. Ceux-ci doivent constituer l’épine dorsale des réponses apportées à la crise de la COVID-19 aux échelons mondial, européen et national. |
1.6. |
Le programme des Nations unies à l’horizon 2030 reconnaît que le commerce est à la fois un moteur de croissance économique inclusive et de réduction de la pauvreté, et un facteur contribuant à la promotion du développement durable. Toutefois, compte tenu des restrictions imposées au commerce mondial et aux investissements dans les chaînes d’approvisionnement mondiales en raison de la crise de la COVID-19 et du rythme déjà ralenti de la réduction de la pauvreté avant la crise, il est urgent d’accélérer les réformes, d’accroître les investissements, de favoriser la durabilité du commerce et des chaînes d’approvisionnement mondiales et d’intégrer davantage les pays en développement dans une économie mondiale ouverte, dans l’optique d’une croissance inclusive et durable. |
1.7. |
Les droits de l’homme, la durabilité et la responsabilité sociale des entreprises (RSE) sont devenus de plus en plus importants pour les acteurs de l’économie. De nombreuses entreprises appliquent activement les principes directeurs des Nations unies (PDNU) relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ainsi que d’autres instruments pertinents soutenus par les pouvoirs publics, notamment les principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales, ou encore la déclaration de l’OIT sur les entreprises multinationales. Ces dispositions volontaires ont entraîné un certain nombre de changements de comportement positifs en ce qui concerne le respect des droits de l’homme dans le cadre de leurs activités économiques, mais des améliorations restent nécessaires. |
1.8. |
Il est essentiel pour l’Union européenne et ses États membres d’agir de façon cohérente aux niveaux national, européen et international, de coordonner les initiatives et de combler les lacunes recensées. Le Comité économique et social européen (CESE) invite la Commission européenne à élaborer un plan d’action européen sur les droits de l’homme, le travail décent et la durabilité dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, en accord avec le Parlement européen (PE) et le Conseil, et en s’appuyant sur le dialogue social et une approche associant de multiples acteurs. |
1.9. |
Ce plan doit être ambitieux, global et transversal pour répondre efficacement aux réalités des chaînes d’approvisionnement mondiales. Ses principaux objectifs devraient être de promouvoir un entrepreneuriat responsable, de garantir le respect des droits de l’homme et des objectifs sociaux et environnementaux de l’Union européenne dans les activités des entreprises et dans leurs chaînes d’approvisionnement, de soutenir les entreprises et les PME pour qu’elles adoptent une approche responsable de l’entrepreneuriat, et de garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises. |
1.10. |
Dans la mesure où il constituerait le cadre général d’initiatives aussi bien politiques que législatives, ce plan devrait reconnaître les rôles essentiels, différents et complémentaires des multiples acteurs de ce champ, notamment les institutions européennes, les États membres, les organismes internationaux, les entreprises, les partenaires sociaux et les parties prenantes. |
1.11. |
Les plans d’action nationaux devraient mettre en œuvre ses objectifs, et être tenus de respecter des normes minimales d’application des principes directeurs des Nations unies (PDNU). |
1.12. |
La réalisation de progrès multilatéraux commence parfois par une action unilatérale ambitieuse. Le CESE considère que l’Union est particulièrement bien placée pour jouer un rôle moteur en matière de devoir de diligence, en particulier au regard de la position de premier plan de certaines entreprises européennes au niveau mondial. Tout en invitant l’Union européenne et ses États membres à mettre en place des instruments internationaux plus efficaces et contraignants, il réaffirme son soutien à l’idée d’un traité contraignant des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme (2), ainsi qu’à une convention de l’OIT sur le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement (3). |
1.13. |
Le CESE sait gré à la Commission d’avoir relayé son appel en faveur d’une législation européenne sur la question de «la diligence raisonnable» (4), et d’en faire une composante clé du plan d’action. Afin de garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises européennes, il faudrait qu’une initiative législative intersectorielle contraignante sur le devoir de diligence en matière de droits de l’homme et d’entrepreneuriat responsable s’applique à toutes les entreprises établies ou actives dans l’Union, ainsi qu’au secteur public, et réponde aux besoins et contraintes propres aux PME. |
1.14. |
Il sera essentiel d’exiger des entreprises qu’elles mettent en place des mécanismes efficaces en matière de devoir de diligence, non seulement à titre préventif, mais aussi pour garantir un accès effectif à des recours et à la justice, ou encore pour assurer une mise en œuvre efficace, y compris grâce à un suivi des pouvoirs publics, des contrôles et des sanctions. Un avis spécifique du CESE sera consacré à leurs caractéristiques particulières, notamment en matière de responsabilité des entreprises (5). |
1.15. |
Les travailleurs et les syndicats doivent faire partie de la solution. Le devoir de diligence devrait couvrir explicitement les droits syndicaux et les droits des travailleurs, notamment le droit à la négociation collective et à l’action collective, des conditions de travail et de rémunération équitables, l’information et la consultation, ainsi que la santé et la sécurité sur le lieu de travail. Ces droits humains fondamentaux constituent une composante essentielle du travail décent. |
1.16. |
Le dialogue social intersectoriel et sectoriel européen, et le dialogue social au niveau national, devraient contribuer à sa mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les initiatives et les projets communs, les lignes directrices, le renforcement des capacités, les accords, le soutien aux entreprises en ce qui concerne les obligations en matière de devoir de diligence, ainsi que la participation des syndicats aux discussions et aux négociations avec les instances de direction. |
1.17. |
Pour que son approche globale et cohérente soit efficace, le plan d’action devrait également définir les axes d’une révision ambitieuse de la directive sur la publication d’informations non financières afin d’y inclure toutes les entreprises, en tenant compte des besoins et des contraintes propres aux PME, ainsi que des indicateurs et objectifs de performance clés spécifiques. Pourraient être envisagées des mesures législatives au niveau de l’Union sur l’obligation des conseils d’administration d’agir dans l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes, et la nécessité pour les activités des entreprises de contribuer à la réalisation des objectifs sociaux et environnementaux. |
1.18. |
Dans le cadre du nouvel instrument de relance «Next generation EU» et d’autres financements de l’UE, le CESE suggère que la conditionnalité et les incitations soient liées au respect des droits de l’homme, au travail décent et aux objectifs de durabilité dans les activités des entreprises et les chaînes d’approvisionnement. |
1.19. |
Les États membres devraient veiller à la mise en œuvre et à l’application intégrales de la clause sociale dans les directives sur les marchés publics. Les nouvelles propositions de la Commission devraient garantir que les procédures de passation de marchés publics soutiennent et promeuvent effectivement le devoir de diligence en matière de droits de l’homme et d’entrepreneuriat responsable dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement, y compris le travail décent. |
1.20. |
Le plan d’action devrait également comporter des mesures non législatives, notamment des initiatives visant à sensibiliser les consommateurs, les investisseurs et les autres parties prenantes, ainsi que des mesures d’encouragement à un entrepreneuriat responsable allant au-delà des obligations légales et un soutien spécifique aux PME pour que des actions répondant au devoir de diligence soient mises en place. |
1.21. |
Les éléments de nature commerciale des objectifs du plan d’action devraient être pris en compte dans le nouveau réexamen de la stratégie commerciale européenne. Les accords commerciaux et internationaux en matière d’investissement sont de nature à stimuler et à assurer une mise en œuvre plus uniforme des normes, tant par les investisseurs que par les pouvoirs publics. Les investisseurs étrangers devraient être tenus de respecter le devoir de diligence avant de pouvoir bénéficier d’un accord international d’investissement. Les accords de libre-échange (ALE) doivent promouvoir les bonnes pratiques sur la manière d’intégrer les critères environnementaux et sociaux aux marchés publics, et ne limiter en aucune manière leur application. |
1.22. |
Le nouveau responsable de l’application des législations commerciales doit disposer d’instruments plus solides pour faire respecter les engagements en matière de commerce et de développement durable. Un groupe d’experts reconfiguré devrait avoir la possibilité d’activer un mécanisme de règlement des différends entre États, lui permettant d’appliquer des sanctions, notamment financières, et d’offrir des recours à la partie lésée (6). Un secrétariat indépendant du travail et un mécanisme de recours collectif devraient compléter l’application des chapitres sur le commerce et le développement durable (7). Il y a lieu d’amplifier considérablement l’effet des recommandations des groupes consultatifs internes (GCI) sur les enquêtes concernant des violations de dispositions sur le commerce et le développement durable. De nouvelles approches en matière de conflits du travail devraient envisager des recours contre des sociétés en infraction, ainsi qu’un système de lutte contre le dumping social inspiré par les mesures antidumping de l’Union européenne. |
1.23. |
C’est durant la phase de négociation des accords et avant leur conclusion que l’effet de levier pour faire ratifier les conventions de l’OIT reste le plus efficace; cet élément devrait donc se retrouver dans l’accord signé. La clause dite des «éléments essentiels» devrait être étendue pour s’appliquer aux conventions fondamentales et actualisées de l’OIT, ratifiées par tous les États membres de l’Union, tandis que l’OIT devrait être associée au suivi de la mise en œuvre de ses conventions dans les ALE (8). Le CESE suggère de lier les réductions tarifaires à la mise en œuvre effective des dispositions relatives au commerce et au développement durable. |
2. Contexte
2.1. |
La présidence allemande de l’Union a demandé au CESE de présenter dans le cadre du présent avis exploratoire une panoplie d’initiatives destinées à améliorer la durabilité et à garantir le respect des droits de l’homme et du travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales (CAM). La présidence a transmis une liste détaillée de questions qui s’articulent autour des problématiques suivantes:
|
2.2. |
Le CESE a déjà fourni plusieurs contributions pertinentes en la matière. En 2016, il a recommandé à la Commission d’adopter «une stratégie globale et ambitieuse afin de promouvoir, dans toutes ses politiques internes (accès aux marchés publics de l’UE, étiquetage, etc.), et externes (commerce, développement, politique de voisinage, etc.), le travail décent dans les CAM». Il préconisait de «prévoir à la fois des mesures législatives et non législatives, des bonnes pratiques, des incitations financières, l’accès à la formation ainsi que le renforcement des capacités pour le dialogue social et les syndicats» (9). |
2.3. |
En 2018, le CESE a demandé instamment à la Commission d’«adopter une approche plus ambitieuse, s’agissant notamment de renforcer l’applicabilité effective des engagements pris dans les chapitres en matière de commerce et de développement durable» (10). Il soulignait également l’urgence de ratifier les conventions fondamentales de l’OIT avant la conclusion d’un accord commercial. En ce qui concerne le renforcement des dispositions relatives au travail, il a recommandé d’examiner, entre autres, la mise en place d’un secrétariat indépendant du travail et d’un mécanisme de recours collectif. |
2.4. |
En 2019, le CESE a appelé les institutions européennes à soutenir le processus en vue de l’adoption d’un traité contraignant des Nations unies et à s’engager dans les négociations, en s’accordant sur le contenu nécessaire d’un traité contraignant (11). |
2.5. |
La commission des affaires juridiques du Parlement européen a récemment demandé au CESE d’élaborer un avis sur «le devoir de diligence des entreprises et sur la responsabilité des entreprises» (12). Plusieurs résolutions du Parlement ont appelé à la mise en place d’une législation contraignante sur le devoir de diligence ainsi qu’à d’autres initiatives visant à garantir le respect des droits de l’homme dans les activités des entreprises et dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. |
2.6. |
Le Conseil de l’Union a souligné l’importance d’un accès effectif à la justice pour les victimes de violations des droits de l’homme dans le cadre de la mise en œuvre du devoir de diligence, en reconnaissant que le respect des droits de l’homme au sein des entreprises est «indispensable au développement durable et à la réalisation des Objectifs de développement durable (13)». Il concluait son propos en affirmant que le fait de «mener ses activités de manière responsable peut, en fin de compte, constituer un avantage concurrentiel pour les entreprises» (14). |
2.7. |
Après la présentation de l’étude par la direction générale de la justice et des consommateurs (DG JUST), en avril 2020, le commissaire Didier Reynders s’est engagé à présenter une initiative juridique intersectorielle contraignante sur le devoir de diligence applicable aux droits de l’homme et l’entrepreneuriat responsable, couvrant les chaînes d’approvisionnement des entreprises, y compris les questions de la responsabilité et des sanctions, et sur la base d’une définition complète des droits de l’homme, comprenant les droits des travailleurs et des organisations syndicales (15). |
3. Chaînes d’approvisionnement mondiales: le statu quo et les conséquences de la crise de la COVID-19
3.1. |
Les opérations réalisées dans les chaînes d’approvisionnement mondiales jouent un rôle essentiel dans les activités économiques à l’échelle planétaire et dans le commerce mondial. Les entreprises multinationales et leurs chaînes d’approvisionnement emploient des centaines de millions de travailleurs, et ces réseaux représentent quelque 80 % du commerce mondial (16). Selon les données de l’OIT (2013), ce sont 453 millions d’emplois, soit plus d’un cinquième des emplois, qui seraient liés aux CAM, ce qui représente une augmentation de 53 % par rapport à la décennie précédente (17). Les évolutions en matière de technologies numériques, de gouvernance environnementale et sociale ainsi que de développement durable auront des effets multiples dans le contexte de la «décennie de transformation» que connaîtra la production internationale (18). |
3.2. |
Le commerce international est un moteur de croissance économique inclusive et de réduction de la pauvreté, et un facteur contribuant à la promotion du développement durable (19). Compte tenu des restrictions imposées au commerce mondial et aux investissements dans les chaînes d’approvisionnement mondiales en raison de la crise de la COVID-19 et du rythme déjà ralenti de la réduction de la pauvreté avant la crise, il est urgent d’accélérer les réformes, d’accroître les investissements, et de favoriser la durabilité du commerce et des chaînes d’approvisionnement mondiales. Les organisations et agences internationales renforcent la base d’informations sur les facteurs clés de la réduction de la pauvreté. Les banques de développement ont souligné que le commerce joue un rôle déterminant, et qu’il sera essentiel de continuer à intégrer les pays en développement dans une économie mondiale ouverte pour atteindre l’objectif consistant à éradiquer l’extrême pauvreté d’ici 2030. Par exemple, le développement des marchés ruraux et leur intégration équitable sur les marchés mondiaux peuvent devenir une source de revenus de plus en plus importante pour les pauvres en milieu rural. D’autres éléments montrent que des emplois décents et productifs, des entreprises durables et la transformation économique jouent un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté. |
3.3. |
Les chaînes d’approvisionnement mondiales sont «complexes, diversifiées et fragmentées», certaines entreprises multinationales comptant plus de 100 000 fournisseurs directs. Elles sont porteuses à la fois de possibilités et de risques. Elles ont contribué à la croissance économique, à la création d’emplois et à l’esprit d’entreprise, et elles peuvent participer au passage de l’économie informelle à l’économie formelle (20), qui est favorable aux pays en développement. Compte tenu du poids croissant du commerce et des investissements au niveau mondial par l’intermédiaire des chaînes d’approvisionnement mondiales, ainsi que de l’externalisation et de la coordination transfrontière de la production mondiale par les sociétés centrales, les activités des entreprises ont des incidences sociales importantes (21). |
3.4. |
La longueur des chaînes d’approvisionnement et la durée des relations avec les fournisseurs relèvent de choix économiques complexes faisant intervenir la recherche des relations commerciales les plus intéressantes, la proximité des marchés de consommation, la logistique, les compétences, etc. Cependant, la sous-traitance systématique est aussi un sous-produit de la concurrence et de moteurs économiques dans un modèle d’entreprise où les CAM s’organisent trop souvent en fonction du moindre coût, Par ailleurs, cette recherche d’efficacité des entreprises axée sur le coût de la main-d’œuvre ne profite pas nécessairement aux économies, aux travailleurs, aux parties prenantes et à la société dans son ensemble. |
3.5. |
Le cadre actuel applicable aux activités des entreprises et aux droits de l’homme est principalement constitué d’instruments non contraignants. Des violations des droits de l’homme, y compris des droits des travailleurs et des organisations syndicales, continuent de se produire dans le cadre des activités des entreprises, notamment dans les entreprises multinationales, leurs chaînes d’approvisionnement et la sous-traitance. Il est par ailleurs difficile de déterminer l’origine de leurs effets négatifs. Des cadres de responsabilité spécifiques dans les chaînes de sous-traitance existent déjà en droit européen, et ils ont été introduits, par exemple, dans des législations visant les marchés publics, le détachement des travailleurs ou les migrations. |
3.6. |
La crise de la COVID-19 a été le révélateur d’une fragilité préoccupante et de risques considérables liés à des chaînes d’approvisionnement très fragmentées et peu diversifiées, et elle a mis en lumière la vulnérabilité des travailleurs qui les font fonctionner. Des perturbations à grande échelle ont mis en évidence la nécessité de renforcer la fiabilité et la résilience des chaînes d’approvisionnement mondiales, en particulier dans des régions et secteurs clés, tant au sein du marché intérieur de l’Union que dans les relations avec les gouvernements de pays tiers. |
3.7. |
Le CESE suggère de collecter ou de traiter davantage de données sur les chaînes d’approvisionnement vulnérables, tant en ce qui concerne les risques de perturbation des activités économiques, qu’en ce qui concerne la détection des violations des droits de l’homme. Le rapport annuel sur la mise en œuvre des ALE pourrait servir de plateforme d’information régulière. |
3.8. |
António Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a exposé son analyse en ces termes: «La pandémie de COVID-19 relève d’une situation d’urgence sanitaire publique — mais elle est bien plus que cela. C’est une crise économique. Une crise sociale. Et une crise humaine qui se transforme rapidement en crise des droits humains» (22). «La société civile a fait apparaître au grand jour l’incapacité de nombreux gouvernements à protéger leurs citoyens, et l’incapacité de nombreuses entreprises à respecter les droits de l’homme, conformément aux PDNU. De façon systématique, les travailleurs sont contraints de travailler sans équipement adéquat pour se protéger de la maladie, lorsqu’ils sont malades, le droit de bénéficier d’un congé de maladie rémunéré leur est refusé, ou encore ils doivent eux-mêmes s’isoler, et ils sont licenciés sans préavis ni indemnité» (23). Ont notamment été mis en évidence des risques de travail forcé dans des entreprises opérant dans les chaînes d’approvisionnement pour la production de gants et autres équipements de protection individuelle achetés en Europe et aux États-Unis (24). |
3.9. |
Dans une déclaration importante, le groupe de travail des Nations unies sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises a reconnu la nécessité d’adopter «une démarche durable centrée sur la personne» dans la lutte contre la COVID-19. La riposte «ne doit pas conduire à tirer les normes vers le bas — ou encore servir de prétexte aux gouvernements ou aux acteurs économiques pour contourner les engagements internationaux en matière de droits de l’homme». Obtenir de réels progrès dans la mise en œuvre des PDNU nous permettra «de mieux nous préparer à la prochaine crise, notamment lorsqu’il s’agira de réorienter notre attention collective vers la crise climatique et les autres problèmes en matière de droits de l’homme résultant des injustices et des inégalités croissantes» (25). |
3.10. |
Le CESE plaide pour une relance des flux commerciaux qui s’appuie sur des engagements forts en faveur de normes sociales et de travail, ainsi que sur leur application effective. La perturbation des processus d’approvisionnement et de production a démontré l’importance de mettre en place des mesures de santé et de sécurité au travail, de les appliquer de manière efficace, et de veiller à ce que les travailleurs soient en sécurité et en bonne santé pour approvisionner le monde en biens et services. La ratification, la mise en œuvre et l’application des conventions fondamentales de l’OIT sur la liberté d’association et la négociation collective constituent un moyen essentiel de garantir des conditions de travail sûres et décentes, de même que toutes les conventions fondamentales et actualisées de l’OIT (26). |
4. Point de départ: les principaux instruments et définitions internationaux existants
4.1. |
Plusieurs instruments internationaux traitent des chaînes d’approvisionnement transnationales. Ils fournissent des définitions de l’entrepreneuriat responsable, des mécanismes de devoir de diligence et des obligations incombant aux entreprises en ce qui concerne leurs chaînes d’approvisionnement, ainsi que les rôles, obligations et engagements des États en matière de respect des droits de l’homme, y compris la prévention, les contrôles, les recours et les sanctions efficaces. |
4.2. |
Les 17 objectifs de développement durable (ODD) sont le cœur du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies. L’organisation des chaînes d’approvisionnement mondiales et le rôle du secteur privé sont essentiels à la promotion et à la réalisation de ces objectifs, y compris la croissance économique soutenue et plein emploi productif (objectif 8), l’industrialisation durable qui profite à tous (objectif 9), la réduction des inégalités (objectif 10), l’établissement de modes de production et de consommation durables (objectif 12) et le renforcement des partenariats pour le développement durable (objectif 17). L’ODD 9 et l’ODD 12 visent spécifiquement les chaînes d’approvisionnement, l’ODD 17 cible le comportement des entreprises. |
4.3. |
Les principes directeurs des Nations unies (PDNU) de 2011 soulignent que «[l]es États ont l’obligation de protéger [contre les atteintes] aux droits de l’homme sur leur territoire et/ou sous leur juridiction» et d’«énoncer clairement qu’ils attendent de toutes les entreprises domiciliées sur leur territoire et/ou sous leur juridiction qu’elles respectent les droits de l’homme dans toutes leurs activités». La responsabilité de respecter les droits de l’homme qui incombe aux entreprises exige d’elles qu’elles «évitent d’avoir des incidences négatives sur les droits de l’homme ou d’y contribuer par leurs propres activités» et qu’elles «s’efforcent de prévenir ou d’atténuer les incidences négatives sur les droits de l’homme qui sont directement liées à leurs activités, produits ou services par leurs relations commerciales, même si elles n’ont pas contribué à ces incidences». «[L]es entreprises doivent avoir en place des politiques et des procédures», notamment «[une] procédure de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme pour identifier leurs incidences sur les droits de l’homme, prévenir ces incidences et en atténuer les effets, et rendre compte de la manière dont elles y remédient», ainsi que pour entreprendre activement de «remédier à toutes les incidences négatives sur les droits de l’homme qu’elles peuvent avoir ou auxquelles elles contribuent». D’après les commentaires des PDNU concernant les incidences négatives qui sont apparues dont l’entreprise n’est pas à l’origine et auxquelles elle n’a pas contribué, mais qui sont directement liées à ses activités, produits ou services par une relation commerciale, «de par sa responsabilité en matière de respect des droits de l’homme, l’entreprise n’est pas tenue de prévoir elle-même des voies de recours, bien qu’elle puisse jouer un rôle à cet égard» (27). En outre, les commentaires des PDNU établissent que les entreprises qui exercent une diligence raisonnable ne devraient pas en conclure que cela les exonérera automatiquement et entièrement en soi de toute responsabilité si elles ont commis des atteintes aux droits de l’homme ou y ont contribué» (28). Les PNDU soulignent le rôle des marchés publics dans la promotion du respect des droits de l’homme, ainsi que la possibilité d’un désengagement responsable en tant que solution de dernier ressort, essentielle en matière de gestion de la chaîne d’approvisionnement. |
4.4. |
Plusieurs instruments et initiatives de l’OIT traitent des chaînes d’approvisionnement et de travail décent, et notamment des responsabilités des États membres et des entreprises. Le concept de travail décent de l’OIT couvre quatre objectifs stratégiques:
|
4.5. |
La résolution de l’OIT sur le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales de 2016 touche au rôle des gouvernements dans l’obligation faite aux entreprises de mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable au sein de leurs chaînes d’approvisionnement, de garantir le respect des droits de l’homme et de promouvoir la conduite responsable des entreprises, notamment au moyen de politiques de passation de marchés publics. |
4.6. |
Sur la base des PDNU et de leur procédure de devoir de diligence, la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale précise que «ce processus devrait tenir compte du rôle central de la liberté d’association et de la négociation collective, ainsi que des relations économiques et du dialogue social comme un processus continu». |
4.7. |
Les principes directeurs pour les entreprises multinationales de l’OCDE, contraignants pour ses pays membres, fournissent des lignes directrices détaillées en matière d’entrepreneuriat responsable, et recommandent «d’exercer une diligence raisonnable fondée sur les risques» et exigent des États qu’ils mettent en place des points de contact nationaux (PCN) pour promouvoir le respect des principes directeurs, y compris en ce qui concerne la sensibilisation ou la réception de réclamations en cas d’infraction. Le CESE avait précédemment invité les États membres à veiller à ce que les PCN soient «indépendants et structurés de manière à associer les partenaires sociaux en tant que membres du PCN ou de son organe de surveillance. Ils doivent également être financés correctement et dotés d’un personnel suffisant et bien formé (29)». Dans le contexte de leurs chaînes d’approvisionnement, les entreprises devraient «[s]’efforcer d’empêcher ou d’atténuer une incidence négative, dans le cas où elles n’y ont pas contribué mais où cette incidence est néanmoins directement liée à leurs activités, à leurs produits ou à leurs services en vertu d’une relation d’affaires. Ceci ne doit pas être interprété comme transférant la responsabilité de l’entité à l’origine d’une incidence négative sur l’entreprise avec laquelle elle entretient une relation d’affaires (30)». «Dans le contexte de la chaîne d’approvisionnement, si une entreprise s’aperçoit qu’il existe un risque d’incidence négative, elle devrait alors prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin ou pour l’empêcher. Si une entreprise s’aperçoit qu’elle risque de contribuer à une incidence négative, elle devrait alors prendre les mesures nécessaires pour interrompre ou pour empêcher cette contribution et user de son influence pour atténuer les incidences résiduelles dans toute la mesure du possible» (31). En tout état de cause, ces éléments sont sans préjudice de toute responsabilité des entreprises établie par l’Union européenne ou les États au titre de violations des droits de l’homme et d’autres incidences négatives dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance, y compris au titre de violations des obligations de diligence. |
5. Créer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises européennes
5.1. |
De nombreuses entreprises se sont engagées en ce sens, et elles ont pris part à des initiatives individuelles qui ont conduit à un changement de comportement allant dans le sens d’un respect des droits de l’homme dans leurs propres activités économiques. Les initiatives sectorielles incluent amfori, Together for Sustainability, Chemie3 et Bettercoal. Les entreprises européennes jouissent d’une bonne réputation au-delà de l’Europe en ce qui concerne leurs engagements et leurs contributions, grâce à leur présence locale, au développement durable. Toutefois, ces mesures volontaires n’ont pas entraîné le changement complet de comportement requis (32). |
5.2. |
Une étude (33) récente de la DG JUST présente une analyse utile et complète du statu quo, qui montre que seul un peu plus d’un tiers des entreprises ayant répondu à l’enquête mentionne des activités de diligence en matière de respect des droits de l’homme et d’impact environnemental, sachant que la majorité d’entre elles porte uniquement sur les fournisseurs de premier rang. L’étude insiste sur la nécessité d’adopter une législation européenne contraignante et transsectorielle sur le devoir de diligence en matière de droits de l’homme et sur l’entrepreneuriat responsable. La crise actuelle a même renforcé le soutien en faveur des actions en la matière. |
5.3. |
Compte tenu de leur expérience importante dans la mise en œuvre de politiques efficaces et ambitieuses en matière de devoir de diligence, souvent sur la base d’accords passés avec les syndicats, les entreprises européennes bénéficieraient effectivement de conditions de concurrence équitables, fondées sur des normes minimales communes applicables également aux sociétés établies dans des pays tiers et actives sur le territoire de l’Union européenne. La bonne réputation de la «marque européenne» en matière commerciale repose également sur les normes élevées de son environnement réglementaire. |
5.4. |
Il existe de multiples dispositions législatives européennes ayant trait à la gestion des chaînes d’approvisionnement et au respect des droits de l’homme et du travail décent, notamment la directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil (34), qui fait obligation aux grandes entreprises d’intérêt public de publier une déclaration sur les incidences et les risques de leurs activités, ainsi que de leurs politiques, et le cas échéant, de les réduire, y compris des «procédures de diligence raisonnable». En ce qui concerne certains secteurs spécifiques, le règlement (UE) no 995/2010 du Parlement européen et du Conseil (35) sur le bois, et le règlement (UE) 2017/821 du Parlement européen et du Conseil (36) sur les minerais originaires de zones de conflit ont établi une «diligence raisonnée» en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement des entreprises. |
5.5. |
Plusieurs législations nationales ont également introduit un devoir de diligence, parmi lesquelles la loi française relative au «devoir de vigilance» des entreprises (37). Cette dernière constitue un cadre juridique national ambitieux, obligeant les «grandes sociétés» à établir, à publier et à mettre en œuvre un «plan de vigilance» afin d’identifier les risques et de prévenir «les atteintes graves envers les droits humains» ainsi que les conséquences négatives sur l’environnement «résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement», ainsi que «des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie». Elle introduit une responsabilité des sociétés lorsque des manquements à leurs obligations en matière de «devoir de vigilance» entraînent des dommages ou des atteintes aux droits humains. |
5.6. |
Ce cadre juridique fragmenté existant a un effet négatif sur les entreprises qui doivent alors se conformer à des ensembles de règles différents. Elles pâtissent de la concurrence déloyale, de l’insécurité juridique et des coûts administratifs qui devraient être évités. Un nombre croissant d’entreprises et d’investisseurs réclament donc un instrument d’obligation de diligence (38). |
5.7. |
En outre, le statu quo ne récompense pas les entreprises responsables, en raison de l’absence d’exigences minimales communes, de procédures comparables, de mesures d’incitation adéquates prises par les pouvoirs publics, d’une application effective des règles existantes, ainsi que d’une prise de conscience des investisseurs, des parties prenantes et des consommateurs. |
6. Un plan d’action européen en faveur des droits de l’homme et du travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales
6.1. Créer un cadre réglementaire efficace
6.1.1. |
Le travail décent, le respect des droits de l’homme et la durabilité dans les chaînes de valeur et d’approvisionnement mondiales figurent parmi les priorités politiques des institutions mondiales, européennes et nationales, et revêtent une importance croissante pour le monde des affaires. Toutefois, pour atteindre ce but, il est nécessaire d’adopter de toute urgence un cadre réglementaire plus efficace et cohérent permettant de promouvoir les objectifs sociaux et environnementaux mondiaux et européens, d’assurer une concurrence loyale entre les opérateurs économiques et de soutenir les activités économiques européennes. |
6.1.2. |
En s’appuyant sur des initiatives déjà engagées par de nombreuses entreprises européennes, qui confirment leur rôle de pionniers à l’échelle mondiale dans ce domaine, il est essentiel de mettre au point une stratégie ambitieuse, globale et transversale qui relie efficacement les initiatives et comble les lacunes recensées. «Les mesures volontaires et les mesures contraignantes ne s’excluent pas mutuellement, mais doivent se compléter» (39). |
6.1.3. |
Un plan d’action européen devrait être conçu comme un cadre général pour des initiatives législatives et non législatives sur les droits de l’homme, le travail décent et la durabilité dans les activités des entreprises et leurs chaînes d’approvisionnement. Il devrait reconnaître les rôles essentiels, différents et complémentaires des divers acteurs de ce champ, notamment les institutions européennes, les États membres, les organismes internationaux, les entreprises, les partenaires sociaux et les parties prenantes. Pour garantir son succès, tous les acteurs doivent être pleinement associés à la réalisation des objectifs du plan d’action qui devraient être élaborés sur la base du dialogue social et d’une approche multipartite. |
6.1.4. |
Les principaux objectifs devraient être de promouvoir un entrepreneuriat responsable, de garantir le respect des droits de l’homme et des objectifs sociaux et environnementaux de l’Union européenne dans les activités des entreprises et leurs chaînes d’approvisionnement, de soutenir les entreprises et les PME pour qu’elles adoptent une approche de l’entrepreneuriat responsable, et de garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises. Une approche préventive de l’obligation de diligence devrait avoir pour résultat de réduire les violations des droits de l’homme. Soumettre toutes les entreprises à un même arsenal de règles de base permettrait également aux consommateurs de comparer les processus. |
6.1.5. |
Une définition large devrait embrasser les droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs et les droits syndicaux, et s’appuyer sur une panoplie d’instruments internationaux (40), notamment les conventions de l’OIT. Ces droits incluent, entre autres, la liberté d’association et le droit de négociation collective et d’action collective, le droit à l’information, à la consultation et à la participation, des conditions de travail décentes, la santé et la sécurité au travail, des salaires équitables ou encore la couverture sociale. Dans la lutte contre le travail des enfants et le travail forcé, la «tolérance zéro» de la Commission à l’égard du travail des enfants doit être suivie de mesures efficaces et ambitieuses. Le plan d’action devrait également porter sur une approche plus large de l’entrepreneuriat responsable, notamment les incidences sociales et environnementales, la gouvernance d’entreprise, la lutte contre la corruption, la politique fiscale équitable et la transparence fiscale. Pour agir concrètement en faveur de la durabilité de chaînes d’approvisionnement, il importe de mettre en œuvre des mesures concrètes au niveau local, pour que les entreprises puissent évaluer la législation et les accords locaux lorsqu’elles étendent leurs activités en dehors de l’Union. En reconnaissant l’importance d’une application des règles du droit du travail par les pouvoirs publics, notamment au moyen d’inspections, les autorités à l’échelle nationale et locale doivent jouer pleinement leur rôle (41). |
6.1.6. |
Une coordination entre l’Union européenne et les États membres est essentielle. Les plans d’action nationaux qu’il convient d’élaborer en coopération avec les partenaires sociaux et la société civile devraient être étroitement liés aux plans d’action nationaux pour la mise en œuvre des PDNU, et reconnaître le rôle des lignes directrices de l’OCDE et des points de contact nationaux (PCN), lesquels devraient être «indépendants et structurés de manière à associer les partenaires sociaux en tant que membres du PCN ou de son organe de surveillance. Ils doivent également être financés correctement et dotés d’un personnel suffisant et bien formé (42)». Le plan d’action européen pourrait également comprendre des normes minimales dans différents domaines pour garantir une mise en œuvre pleine et effective au niveau national des instruments internationaux pertinents. Au niveau de la Commission, il est crucial de veiller à la cohérence et à la coordination entre les différents domaines d’action et directions générales responsables, notamment les DG Justice, Finances, Commerce ou encore Emploi, ainsi que, si nécessaire, le SEAE. |
6.2. Élaboration d’une législation européenne contraignante en matière de devoir de diligence
6.2.1. |
Le CESE se félicite que la Commission suive sa recommandation (43) de proposer une législation européenne dans ce domaine, et plaide en faveur d’un plan d’action européen privilégiant une initiative législative intersectorielle contraignante sur le devoir de diligence en matière de droits de l’homme et sur l’entrepreneuriat responsable, en tenant compte des conclusions de l’étude commandée par la DG JUST, et conformément à l’engagement pris par le commissaire Reynders. |
6.2.2. |
Pour éviter que s’installent une concurrence déloyale et des conditions de concurrence inégales, cette initiative devrait valoir pour la totalité des entreprises établies ou actives dans l’Union et leurs activités, y compris l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance — secteur public compris –, et aussi répondre aux besoins et contraintes spécifiques des PME. Cette approche s’inscrit dans le prolongement des principes directeurs des Nations unies qui consiste à couvrir «toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, de leur secteur, de leur lieu d’implantation, de leur régime de propriété et de leur structure» (44). Les entreprises devraient respecter des normes élevées en matière d’entrepreneuriat responsable couvrant les droits de l’homme, les incidences environnementales et sociales, la gouvernance d’entreprise, la lutte contre la corruption et la justice fiscale. |
6.2.3. |
Conformément aux étapes principales des procédures de devoir de diligence telles que les définissent les instruments pertinents des Nations unies, de l’OIT et de l’OCDE, les entreprises devraient être tenues d’inventorier et d’évaluer les incidences négatives effectives et potentielles, d’agir sur la base des conclusions tirées (faire cesser les activités ayant des effets néfastes), d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de devoir de diligence afin de prévenir tout risque potentiel et toute matérialisation des incidences négatives, de mettre en place un mécanisme d’alerte précoce, de vérifier et de contrôler efficacement, et de manière transparente, l’application des plans de devoir de diligence et de faire rapport sur leur mise en œuvre. La procédure de diligence par l’intermédiaire de laquelle les entreprises assument leurs responsabilités devrait être proportionnelle à la gravité des conséquences potentielles ainsi qu’à leur contexte opérationnel. |
6.2.4. |
L’instrument juridique devrait reposer sur une approche préventive, tout en garantissant des voies de recours efficaces et un accès à la justice pour les victimes et leurs représentants, notamment les syndicats et les défenseurs des droits de l’homme. En cas de non-respect, le suivi public des obligations des entreprises et les conséquences juridiques revêtiront une importance essentielle. Un avis spécifique du CESE sera consacré à leurs caractéristiques particulières, notamment en matière de responsabilité des entreprises (45). Toutefois, toute initiative de l’Union dans ce domaine devrait s’abstenir de porter atteinte ou de limiter les mécanismes de responsabilité solidaire ou autres cadres de responsabilité aux niveaux international, européen ou national. |
6.3. Le rôle clé des partenaires sociaux et de la société civile
6.3.1. |
Le dialogue social devrait jouer un rôle essentiel en matière de devoir de diligence et d’entrepreneuriat responsable, en garantissant le respect des droits de l’homme dans les activités des entreprises, ainsi que dans leurs chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance. Tout plan d’action et toute initiative législative devraient être fondés sur sa valeur et sur celle de la négociation collective, tout en garantissant le respect des droits des travailleurs en matière d’information et de consultation. Malheureusement, ces éléments ne sont aucunement abordés dans l’étude de la DG JUST. |
6.3.2. |
Les entreprises et les syndicats peuvent négocier, au niveau pertinent, des accords visant à définir l’application concrète des obligations figurant dans la directive. Cela met en évidence les bonnes pratiques et la contribution positive de plusieurs accords existants sur les processus de devoir de diligence. En outre, les représentants des travailleurs devraient être informés et consultés concernant l’élaboration du plan relatif au devoir de diligence, ainsi que sa mise en œuvre. |
6.3.3. |
Le dialogue social intersectoriel et sectoriel européen devrait contribuer à apporter des améliorations dans ces domaines, notamment au moyen d’initiatives et de projets communs, de lignes directrices, du renforcement des capacités et d’accords. |
6.3.4. |
Les expériences précédentes ont montré comment des initiatives fondées sur le dialogue social pouvaient apporter des avancées importantes en matière de travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. L’accord sur la protection contre les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh a été signé en mai 2013 sous la forme d’un accord juridiquement contraignant par plus de deux cents marques de confection, pour la plupart européennes, avec deux syndicats mondiaux, à savoir IndustriALL et UNI Global Union, ainsi que plusieurs syndicats et témoins signataires. |
6.3.5. |
Le plan d’action devrait également prévoir des mesures visant à sensibiliser les consommateurs et les investisseurs à l’importance de l’impact social et environnemental des entreprises, à promouvoir des instruments permettant de comparer les performances des entreprises et à mieux identifier celles qui mettent en place des stratégies efficaces en matière d’entrepreneuriat responsable. Toutes les initiatives devraient être fondées sur la participation des parties prenantes, notamment des partenaires sociaux et des ONG, qui peuvent agir comme multiplicateurs d’information et contribuer à faire mieux connaître les comportements positifs ou négatifs. |
6.4. Mesures destinées à compléter un plan d’action européen
6.4.1. |
Révision de la directive sur la publication d’informations non financières. Il s’agit de soutenir une révision ambitieuse pour inclure toutes les entreprises dans le champ d’application personnel, lequel répond aussi aux besoins et aux contraintes spécifiques des PME. Le champ d’application matériel devrait être mieux défini de sorte que les rapports non financiers soient complets, comparables et efficaces. Étant donné que la présentation de rapports est une composante essentielle des mécanismes de devoir de diligence, il faudrait que celle-ci s’inscrive en cohérence avec l’initiative législative correspondante, et inclue des indicateurs et objectifs de performance clés spécifiques (par exemple, sur la base de l’accord de Paris et des objectifs de développement durable), et aussi qu’elle soit fondée sur les principes directeurs des Nations unies et autres instruments internationaux pertinents. |
6.4.2. |
Les missions du conseil d’administration, la gouvernance d’entreprise durable et le droit des sociétés. Il y a lieu de soutenir les mesures législatives au niveau de l’Union concernant l’obligation des administrateurs d’agir dans l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes et la nécessité pour les activités des entreprises de contribuer à la réalisation des objectifs sociaux et environnementaux. En outre, il convient d’inventorier d’autres mesures législatives et non législatives permettant de promouvoir une gouvernance d’entreprise et une législation sur les sociétés plus durables, tournées vers l’avenir et davantage axées sur le long terme. |
6.4.3. |
Financement et soutien publics. Il s’agit de proposer des conditions spécifiques et des incitations positives en relation avec le respect des droits de l’homme, les objectifs en matière de travail décent et de durabilité dans les activités des entreprises et leurs chaînes d’approvisionnement pour l’accès aux financements et aux soutiens qu’ils soient publics ou européens, en particulier dans le contexte des plans de relance économique nationaux et européens post-COVID-19. |
6.4.4. |
Marchés publics. Il s’agit de veiller à la pleine mise en œuvre et au respect de la clause sociale dans les directives relatives aux marchés publics par les États membres et de proposer des procédures de passation des marchés publics pour soutenir et promouvoir efficacement les droits de l’homme, le devoir de diligence et l’entrepreneuriat responsable dans leurs opérations et leurs chaînes d’approvisionnement, y compris en matière de travail décent. Il serait possible d’y parvenir, notamment grâce à la révision des directives sur les marchés publics, au renforcement des capacités des pouvoirs adjudicateurs et à l’échange de bonnes pratiques, y compris par leur promotion au moyen des accords de libre-échange. |
6.4.5. |
Mesures incitatives. Il s’agit de proposer des initiatives pour offrir un soutien aux entreprises qui vont au-delà des obligations légales en matière d’entrepreneuriat responsable et d’incidences environnementales et sociales positives. Cela pourrait passer, par exemple, par un soutien à l’élaboration de politiques et d’instruments spécifiques, la promotion de réseaux d’entreprises durables, le renforcement des capacités pour les initiatives des partenaires sociaux. |
6.4.6. |
Des synergies avec les priorités internationales en matière de commerce et d’investissement. Les investisseurs étrangers devraient être tenus de respecter le devoir de diligence avant de pouvoir prétendre relever du champ d’application d’un accord international d’investissement. De même, les parties à un ALE devraient garantir que les entreprises résidant sur leur territoire respectent les exigences de devoir diligence. Le Canada, par exemple, a renforcé sa stratégie en matière de responsabilité sociale des entreprises, en se concentrant sur le comportement des entreprises canadiennes à l’étranger, et a créé un organe consultatif multipartite. En avril 2019, le premier ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a été nommé, avec pour mission d’examiner (et de publier des rapports publics à ce sujet) les allégations d’atteintes aux droits de la personne découlant des activités à l’étranger des entreprises canadiennes des secteurs minier, pétrolier et gazier ainsi que du textile, et notamment de recommander l’imposition de mesures commerciales aux entreprises (46). |
6.4.7. |
Le plan d’action devrait être attentif à un éventail plus large d’aspects, notamment la transparence fiscale, la publication de rapports par pays, un comportement fiscal équitable ainsi que des financements et des obligations durables pour les investisseurs. Les règlements sur les minerais originaires de zones de conflit et sur le bois pourraient être évalués pour déterminer s’il y a lieu de les réviser ou de les renforcer. |
7. La nécessaire contribution du commerce en matière de travail décent et d’application effective de la législation
7.1. |
Le commerce constitue un élément transversal important dans la mise en œuvre des objectifs d’un plan d’action européen, en liaison avec les pays tiers et avec la dimension multilatérale. Il est urgent que la nouvelle révision de la stratégie commerciale de l’Union en tienne compte. L’Union dispose du plus grand réseau commercial au monde. Celui-ci confère à ses accords commerciaux bilatéraux un pouvoir important de levier qui doit être utilisé efficacement avant leur conclusion, puis tout au long de leur mise en œuvre et de leur exécution. |
7.2. |
Les négociations entre l’Union européenne et le Vietnam ont démontré que l’Union pouvait obtenir des progrès en matière de conditions de travail dans ses relations avec un pays partenaire. Toutefois, plusieurs années après la conclusion des accords de libre-échange, nous constatons encore une absence de progrès en ce qui concerne le respect des engagements en matière de commerce et de développement durable dans certains pays partenaires, notamment dans le conflit relatif aux droits du travail qui oppose depuis des années l’Union européenne et la Corée autour de la question de la non ratification par ce pays de conventions fondamentales et actualisées de l’OIT. Cela prouve que c’est bien durant la phase de négociation, et avant la conclusion des accords, que l’effet de levier est le plus important pour garantir la ratification des principales conventions de l’OIT; cet élément devrait donc se retrouver dans l’accord signé. |
7.3. |
Le commerce n’est pas le moteur de la politique climatique, mais il peut devenir un catalyseur essentiel. Faire de l’accord de Paris une «composante essentielle» de tout accord commercial complet à venir, ce qui supposerait de suspendre ce dernier en cas de non-respect, représenterait une mesure positive qui devrait être étendue pour s’appliquer à l’ensemble des conventions fondamentales et actualisées de l’OIT ratifiées par tous les États membres de l’Union. En tant qu’instance reconnue au niveau international, l’OIT devrait être associée au suivi de la mise en œuvre de ses conventions dans les ALE (47). |
7.4. |
Par le passé, le CESE a recommandé qu’il y ait à la fois une clause spécifique pour promouvoir les objectifs de développement durable dans tous les futurs mandats de négociation des chapitres sur le commerce et le développement durable, et que la réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) établisse des règles qui garantissent le respect et la mise en œuvre de ces objectifs par tous les pays. À cette fin, l’UE et ses États membres devraient faire usage de leur influence et déployer des efforts de sensibilisation au sein des structures des comités de l’OMC, en particulier en ce qui concerne de nouveaux domaines comme le commerce et le travail décent. |
7.5. |
Les chapitres sur le commerce et le développement durable constituent un élément de plus en plus important dans tous les ALE de nouvelle génération de l’Union européenne. Toutefois, les questions de l’application effective et de la force exécutoire doivent jouer désormais un rôle essentiel pour réaliser ces engagements, en particulier dans le but de garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises de l’Union européenne à l’étranger. Il y a lieu d’amplifier considérablement l’effet des recommandations des GCI sur les enquêtes concernant des violations de dispositions sur le commerce et le développement durable. |
7.6. |
Le CESE encourage par ailleurs la Commission à se pencher sur de nouvelles approches en matière de règlement des conflits du travail, qui permettraient à un groupe international ad hoc de règlement des différends d’imposer des mesures correctrices en cas de non-respect. Une procédure rapide est déjà de mise pour les mesures antidumping européennes. Celle-ci pourrait être étendue au dumping social. Conformément au «non-papier» français et néerlandais (48), le CESE suggère, en général, que la mise en œuvre effective des dispositions relatives au commerce et au développement durable soit liée à une mise en œuvre progressive de la réduction tarifaire. |
7.7. |
Le CESE préconise la refonte des mécanismes de groupes d’experts sur le commerce et le développement durable, au sein desquels des juristes en droit commercial, mais aussi des experts du travail, du climat ou des droits de l’homme, pourraient enquêter sur les plaintes déposées au titre des chapitres sur le commerce et le développement durable. Si ces groupes constatent des infractions, un mécanisme de règlement des différends entre États devrait se déclencher, permettant d’appliquer des sanctions, notamment pécuniaires, et d’offrir un recours à la partie lésée (49). À cet égard, le CESE a également proposé la mise en place d’un secrétariat indépendant du travail ainsi qu’un mécanisme de recours collectif (50). |
7.8. |
Le nouveau responsable de l’application des législations commerciales doit montrer la voie à suivre pour faire respecter les engagements, «en particulier, ceux repris dans les chapitres sur le commerce et le développement durable, ainsi que les préoccupations sociales et environnementales soulevées en relation avec d’autres chapitres des accords de commerce et d’investissement»; il doit lancer des investigations «en temps voulu et de manière efficace», être «soutenu par un volant de ressources approprié» et prévoir de «donner aux parties prenantes reconnues un rôle bien défini, qu’il s’agisse d’introduire des plaintes ou de participer à toute audition publique qui s’ensuivra» (51). |
7.9. |
Les entreprises jouent un rôle important en veillant au respect des droits sociaux et au droit du travail, en soutenant et en appliquant des lois qui protègent les droits des travailleurs ainsi que des normes de travail décent convenues avec les syndicats, tant dans le cadre de leurs activités directes que dans l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement. Le CESE a demandé à la Commission d’élaborer des clauses de RSE assorties d’engagements fermes et conformes aux instruments des Nations unies et de l’OCDE (52). Cela permettrait de garantir que les accords commerciaux favorisent les bonnes pratiques commerciales et de prévenir le dumping social et la dévalorisation des normes sociales. |
7.10. |
Les accords en matière de commerce et d’investissements internationaux jouent un rôle de levier essentiel dans la mise en œuvre de ces normes, tant par les investisseurs que par les pouvoirs publics. Un rapport récent de l’OCDE (53) dresse la liste des nombreuses initiatives existantes ou émergentes aux niveaux national et régional. Cette variété de réglementations est un problème dans la mesure où certaines approches sont horizontales tandis que d’autres portent sur des questions spécifiques. En raison de la diversité des seuils et des champs d’application, elles n’ont pas le même impact sur les entreprises. Même les pays de l’OCDE ont des normes variables en matière d’information. Cela pose clairement un problème sous l’angle de l’équité des conditions de concurrence: une convergence vers le haut entre toutes les normes applicables garantirait la sécurité juridique et une concurrence loyale pour tous. |
8. Combler les lacunes en matière de gouvernance: l’importance du rôle moteur de l’Union européenne au niveau mondial
8.1. |
L’adoption d’une norme européenne de devoir de diligence est une étape indispensable pour garantir le respect des droits de l’homme et du travail décent dans les chaînes d’approvisionnement. Elle contribuerait à la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies, de la déclaration tripartite de l’OIT et des principes directeurs de l’OCDE. Elle compléterait également les initiatives nationales déjà prises pour atteindre les objectifs de développement durable, notamment en ce qui concerne l’éradication du travail des enfants et du travail forcé. |
8.2. |
Elle contribuerait également à la mise en place de chaînes d’approvisionnement plus fiables, plus durables et mieux gérées, renforçant ainsi, en temps de crise, la résilience et l’efficacité de la gestion. Cet aspect serait particulièrement important, par exemple en ce qui concerne la santé et la sécurité sur le lieu de travail. |
8.3. |
Les actions européennes doivent faire l’objet d’améliorations complémentaires du cadre normatif international pour assurer la cohérence des politiques au niveau mondial. La réalisation de progrès multilatéraux commence parfois par une action unilatérale ambitieuse. Le CESE considère que l’Union est particulièrement bien placée pour jouer un rôle moteur en matière d’obligation de diligence, en particulier au regard de la position de premier plan de certaines entreprises européennes au niveau mondial. |
8.4. |
Le CESE invite l’Union européenne et ses États membres à réaliser de réels progrès dans la mise en place d’instruments plus efficaces et contraignants au niveau international, tout en lançant parallèlement de nouvelles initiatives visant à promouvoir la mise en œuvre effective des instruments et cadres existants. Il s’agit notamment de soutenir la mise en place d’un traité contraignant des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme (54) et de plaider pour la mise en place d’une convention de l’OIT sur le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement (55), conformément à la discussion lors de la Conférence internationale du travail de 2016, et sur la base des conventions fondamentales et actualisées de l’OIT ainsi que de la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT. Le CESE estime qu’il est urgent de réaliser une enquête à l’échelle mondiale sur la manière dont les normes internationales du travail remédient aux déficits de travail décent et de combler les lacunes recensées. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) OIT, Le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, Rapport IV, 2016.
(2) JO C 97 du 24.3.2020, p. 9.
(3) JO C 303 du 19.8.2016, p. 17.
(4) JO C 47 du 11.2.2020, p. 38.
(5) Avis du CESE sur l’Obligation de diligence (avis exploratoire Conseil/PE) (INT/911, septembre 2020), (voir page 136 du présent Journal officiel).
(6) Voir note de bas de page 3.
(7) JO C 227 du 28.6.2018, p. 27.
(8) Avis du CESE sur la Mise en œuvre des accords de libre-échange du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 (REX/525, juillet 2020) (JO C 364 du 28.10.2020, p. 160).
(9) Voir note de bas de page 3.
(10) Voir note de bas de page 7.
(11) Voir note de bas de page 2.
(12) Voir note de bas de page 5.
(13) Conclusions du Conseil (10254/16) du 20 juin 2016 sur les entreprises et les droits de l’homme.
(14) Conclusions du Conseil (8833/16) du 12 mai 2016 sur l’UE et les chaînes de valeur mondiales responsables.
(15) Discours du commissaire Reynders (en anglais) lors du webinaire sur le devoir de diligence, organisé par le groupe de travail sur l’entrepreneuriat responsable du PE, le 29 avril 2020.
(16) CNUCED, «World Investment Report» (rapport sur l’investissement dans le monde, 2013).
(17) «Perspectives pour l’emploi et le social dans le monde — tendances 2015» (OIT)
(18) Cnuced, Rapport sur l’investissement dans le monde (2020).
(19) Le programme de développement durable à l’horizon 2030, point 68.
(20) Voir note de bas de page 1.
(21) Voir note de bas de page 3.
(22) António Guterres, «Nous sommes tous dans le même bateau. Le virus nous menace tous. Les droits humains nous grandissent tous.», avril 2020.
(23) What are the avenues for corporate liability for COVID-19-related human rights abuses?, Business & Human Rights Resource Centre, 16 juin 2020.
(24) Malaysia medical glove manufacturers see surge in orders due to covid-19 amid forced labour concerns, Business & Human Rights Resource Centre, 29 juin 2020.
(25) Déclaration du groupe de travail des Nations unies sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, Ensuring that business respects human rights during the COVID-19 crisis and beyond: The relevance of the UN Guiding Principles on Business and Human Rights.
(26) Voir note de bas de page 8.
(27) PDNU no 22, commentaire.
(28) PDNU no 17, commentaire.
(29) Voir note de bas de page 7.
(30) Principes directeurs de l’OCDE, partie II, point A.12.
(31) Principes directeurs de l’OCDE, partie II, points 18 et 19 des commentaires.
(32) Voir note de bas de page 15.
(33) Étude relative aux exigences en matière de diligence raisonnable dans la chaîne d’approvisionnement, 2020.
(34) JO L 330 du 15.11.2014, p. 1.
(35) JO L 295 du 12.11.2010, p. 23.
(36) JO L 130 du 19.5.2017, p. 1.
(37) Loi no 2017-399 du 27 mars 2017 relative au «devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre» (France).
(38) L’appel des investisseurs représentant 1 300 milliards d’USD et La liste des déclarations et adhésions des entreprises publiques, Centre de ressources pour les droits de l’homme, 2019.
(39) Voir note de bas de page 4.
(40) Notamment la Charte internationale des droits de l’homme, ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme ou la Charte sociale européenne. Il faudrait en outre s’appuyer sur les traités européens et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que sur les instruments et la législation nationaux dans le domaine des droits de l’homme.
(41) Voir note de bas de page 7.
(42) Voir note de bas de page 7.
(43) Voir note de bas de page 4.
(44) UNGP, point 14.
(45) Voir note de bas de page 5.
(46) Voir note de bas de page 4.
(47) Voir note de bas de page 8.
(48) Non-papier de la France et des Pays-Bas sur le commerce, ses conséquences en matière socioéconomique et de développement durable, mai 2020.
(49) Avis du CESE sur Une urgence au lendemain de la COVID-19: la conception d’une nouvelle matrice multilatérale (avis d’initiative) (REX/529, juillet 2020) (JO C 364 du 28.10.2020, p. 53).
(50) Voir note de bas de page 7.
(51) Voir note de bas de page 7.
(52) Voir note de bas de page 7.
(53) Rapport de l’OCDE, 2020.
(54) Voir note de bas de page 2.
(55) Voir note de bas de page 3.
III Actes préparatoires
Comité économique et social européen
554e session plénière du Comité économique et social européen, 16.9.2020-18.9.2020
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/210 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie axée sur les PME pour une Europe durable et numérique»
[COM(2020) 103 final]
(2020/C 429/26)
Rapporteure: |
Milena ANGELOVA |
Corapporteur: |
Panagiotis GKOFAS |
Consultation |
Commission européenne, 22.4.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
22.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
219/0/0 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE se félicite de la stratégie en faveur des PME, nécessaire et très attendue. Il en apprécie l’approche globale et systématique, et salue le fait qu’elle fasse le point sur les mesures, les outils et les instruments existants qui se sont révélés utiles, qu’elle les perfectionne et les replace dans un cadre commun bien coordonné. Le CESE demande à la Commission européenne de mettre en œuvre la stratégie en adoptant une approche cohérente, intégrée et transversale, qui placerait les PME au cœur de toutes les grandes décisions politiques, telles que le pacte vert et la stratégie industrielle, ainsi que dans le cadre de l’élaboration du budget de l’UE et de la conception des moyens nécessaires à la mise en œuvre du plan de relance pour l’Europe. |
1.2. |
Le CESE est déterminé à contribuer à la mise en œuvre rapide de la stratégie en faveur des PME et plaide en faveur d’une gouvernance à plusieurs niveaux; à l’échelon européen, un groupe de travail inter-DG sur les PME doit veiller à ce que:
|
1.3. |
Tout en prenant acte du fait que la proposition a été publiée avant le début de l’épidémie de COVID-19, le CESE demande à la Commission européenne d’élaborer une stratégie axée sur les PME «nouvelle génération», qui devra faire le point sur les mesures d’aide aux PME prévues par le plan de relance pour l’Europe afin d’aider ces entreprises à atténuer les effets négatifs du confinement, de la distanciation sociale et des mesures de sécurité sanitaire sur leurs activités et à se remettre rapidement. Le CESE se félicite de la création d’un instrument pour la reprise et la résilience lié au budget de l’UE, mais souhaite une réelle garantie que ce plan pourra bénéficier à toutes les PME qui en ont besoin, en prévoyant des mesures de soutien spécialement adaptées. Cela nécessite un réexamen politique plus complet et des propositions plus précises et plus spécifiques concernant la manière de stimuler la numérisation, l’innovation et la durabilité dans les PME. |
1.4. |
Cette stratégie axée sur les PME «nouvelle génération» devra pouvoir s’appuyer sur un cadre de mise en œuvre solide et la cohérence des politiques. Le CESE suggère que la Commission européenne, le Conseil, le Parlement européen, les organes consultatifs et les agences de l’UE conviennent d’une feuille de route en matière de mise en œuvre s’étalant sur plusieurs années, qui prévoirait des indicateurs intermédiaires spécifiques et un calendrier pour les objectifs d’action à court, moyen et long terme. |
1.5. |
Le CESE demande que les organisations de PME puissent s’approprier davantage le processus de mise en œuvre de la stratégie axée sur les PME, notamment en mettant en place un programme européen qui leur permettrait, ainsi qu’aux partenaires sociaux, de renforcer leurs capacités et apporterait un soutien aux actions conjointes visant à ce qu’elles deviennent un point de contact unique pour les informations et l’assistance technique, en les associant étroitement à la désignation et au suivi des représentants des PME et en adoptant un système de suivi pour mesurer l’efficacité de ce dispositif. Pour que le réseau Entreprise Europe (EEN) puisse jouer un rôle plus important en conseillant les PME, comme l’envisage la Commission européenne, notamment en ce qui concerne la transition durable, il convient de le réformer en profondeur, étant donné que, dans la plupart des États membres, ce réseau ne parvient pas à atteindre les PME et certainement pas les entreprises de l’artisanat. Le CESE estime que les progrès réalisés dans la mise en œuvre et l’efficacité de la stratégie doivent faire l’objet d’un suivi, d’une évaluation et d’un examen réguliers par un observatoire européen indépendant spécifiquement désigné à cette fin, en vue de concevoir et de proposer rapidement des mesures correctives dès que cela s’avère nécessaire. |
2. Observations générales et approche prospective
2.1. |
Le CESE demande à la Commission et aux États membres d’envisager sérieusement d’élargir le champ d’application et d’assurer la mise en œuvre effective des mesures visant à promouvoir la compétitivité et la capacité d’innovation des PME, de les aider à améliorer leur productivité multifactorielle et de soutenir leurs activités courantes. Tout en reconnaissant l’importance de l’innovation et de la numérisation, le CESE souligne que la grande majorité des PME européennes ont cruellement besoin d’aide pour moderniser leur technologie, gérer les questions liées aux ressources humaines et améliorer leurs performances commerciales. |
2.2. |
Le CESE apprécie grandement l’intention affichée par la Commission de mettre en œuvre des mesures ciblant les besoins spécifiques des différents sous-groupes de PME, tels que les entreprises qui créent de la valeur, les microentreprises, les entreprises petites, publiques, familiales et traditionnelles ainsi que celles qui exercent leur activité dans des régions reculées, les travailleurs indépendants et les artisans, et aussi les PME de l’économie sociale. Il estime que mieux répondre à leurs besoins spécifiques est un facteur de réussite essentiel. |
2.3. |
Toutes les composantes axées sur les PME du Fonds européen pour la relance doivent faire l’objet d’un suivi systématique afin de garantir leur capacité à fournir aux PME le soutien nécessaire, comme le nouvel instrument de solvabilité. |
2.4. |
Le CESE demande à la Commission européenne d’élaborer une feuille de route réaliste en matière de mise en œuvre s’étalant sur plusieurs années, qui expose clairement les ressources et les mesures appropriées et prévoit des consultations et des actions conjointes avec les partenaires sociaux, un rapport d’étape indépendant, et des mécanismes de suivi et d’analyse d’impact. Pour que la transition numérique soit un succès, il est essentiel que les propositions ambitieuses relatives au programme pour une Europe numérique et au programme Horizon Europe dans le prochain cadre financier pluriannuel soient mieux ciblées sur les PME et qu’elles prévoient une couverture géographique plus équitable. Le CESE souligne qu’il importe de canaliser efficacement le financement des PME et les mesures de soutien à celles-ci vers les microentreprises, notamment les entreprises traditionnelles. |
3. Pilier 1
3.1. |
Le CESE salue le fait que la Commission reconnaisse la nécessité d’adapter les mesures de soutien aux PME dans le but de les aider à prospérer d’une manière flexible, climatiquement neutre, efficace sur le plan des ressources et dans la maîtrise des compétences numériques. Des conseillers en matière de durabilité et des volontaires du domaine numérique peuvent aider les PME à maîtriser les technologies numériques, à mettre à jour leur technologie, à se préparer à une transition réussie vers le développement durable et à trouver des solutions efficaces dans l’utilisation des ressources et sans incidence sur le climat. Leur rôle et leurs responsabilités doivent être facilités et renforcés par les organisations européennes, nationales et régionales de PME. |
3.2. |
Le CESE apprécie le rôle particulier que l’on entend faire jouer aux partenaires sociaux et espère que le principe de partenariat sera encore renforcé et que les États membres l’appliqueront plus effectivement. Les organisations de PME européennes, nationales et locales ont un rôle essentiel à jouer pour aider les PME à prendre connaissance des mesures de soutien prévues par la politique en leur faveur et à les comprendre. Cela revêt une importance particulière pour celles parmi les PME — représentant la grande majorité de celles-ci — qui sont des entreprises traditionnelles et/ou des microentreprises et/ou qui exercent leur activité dans des régions reculées et rurales, et doivent rejoindre le rythme rapide de la révolution numérique. Le CESE est disposé à apporter son soutien à une démarche qui viserait à regrouper ces organisations et les partenaires sociaux dans un réseau de collecte et d’échange de bonnes pratiques et d’idées en matière de mesures de soutien et de dispositifs de conciliation sociale spécifiques dans le cadre du dialogue social. |
3.3. |
Le CESE accueille favorablement le vaste éventail de mécanismes visant à faciliter les transitions des PME vers la durabilité et la circularité et leur conformité avec la législation en rapport. Le Comité souligne l’importance de mettre en œuvre rapidement le plan d’action pour l’économie circulaire (PAEC) et d’introduire sans attendre un prix plancher du carbone ambitieux, ainsi que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Le CESE souligne la capacité du mécanisme pour une transition juste à soutenir l’essor de la nouvelle économie et recommande d’adopter, le cas échéant, des mesures sociales et de soutien afin d’éviter que la crise et la transition vers une économie circulaire à faibles émissions de carbone ne nuisent aux plus vulnérables, y compris en ce qui concerne l’aide au secteur privé, lorsque des effets négatifs se font sentir, et en particulier pour les PME. Pour encourager les PME à devenir plus écologiques, il y a lieu de stimuler leur potentiel d’innovation radicale et disruptive afin de faire progresser la transition écologique. Grâce à une aide en nature et à un soutien juridique adéquats, les PME pourront tirer profit des pratiques innovantes et durables plus rapidement que les grandes entreprises. |
3.4. |
Une politique efficace en matière de droits de propriété intellectuelle (DPI) est essentielle pour le succès des entreprises innovantes, en particulier les PME et les «jeunes pousses». Les DPI, brevets, marques déposées, droits d’auteur et autres actifs fondés sur la connaissance compris, doivent devenir partie intégrante de la stratégie d’entreprise de nombreuses PME. Les entreprises ont besoin d’un cadre solide et fiable en matière de DPI, adapté à l’ère numérique. Le système unique de brevets de l’Union devrait rapidement devenir opérationnel, afin de garantir la sécurité juridique et de permettre aux PME de développer et de protéger leurs inventions à un coût raisonnable et avec des charges administratives réduites. Une approche collaborative entre la Commission européenne, les États membres et l’Office européen des brevets (OEB), qui viserait à étendre les services de demande de brevet en prévoyant notamment un soutien financier, à améliorer l’accès des PME à la justice en cas de violation des brevets, notamment par le biais d’un régime d’assurance préalable (before-the-event), et à repenser la procédure de recours engagée devant l’OEB, serait essentielle pour renforcer encore le développement et la protection du savoir-faire des PME. |
3.5. |
L’entrepreneuriat est le moteur des PME. Le CESE demande à la Commission européenne de s’attacher davantage à promouvoir, renforcer et cultiver l’initiative entrepreneuriale, l’esprit d’entreprise et une approche de la prise de risque en connaissance de cause, ainsi qu’à offrir une image plus positive des entrepreneurs en situation de détresse financière. Bien que cela soit important, il ne suffit pas de se concentrer sur l’éducation et la formation à l’esprit d’entreprise à tous les niveaux d’enseignement; il importe également de favoriser la revalorisation de l’appréciation sociétale du rôle de l’entrepreneur, notamment par la promotion de bons exemples et la mise en avant de modèles de rôle. Il convient de promouvoir la mise à niveau des compétences et la formation des entrepreneurs. La stratégie pourrait définir des mesures visant à améliorer encore la mobilité de la main-d’œuvre à l’intérieur de l’UE et de celle des pays tiers, et explorer la possibilité d’assortir le régime simplifié de l’UE en matière de visas d’instruments complémentaires. La Commission européenne, de conserve avec les États membres, doit fournir aux PME les infrastructures nécessaires à l’innovation, à savoir des laboratoires, des infrastructures de technologies de l’information et de la communication, des bâtiments de bureaux et une assistance juridique et en matière de propriété intellectuelle, ce qui permettrait, à un niveau adéquat, d’abaisser considérablement le seuil pour les jeunes entreprises et d’ouvrir des possibilités pour les entrepreneurs à temps partiel. La Commission européenne pourrait également inciter les organismes publics à mettre en place des environnements dans lesquels les PME peuvent tester leurs prototypes, ce qui faciliterait le financement des PME innovantes en réduisant le risque technique pour les investisseurs. Il est également essentiel de développer une veille stratégique efficace sur les besoins de compétences en influençant les programmes scolaires. |
3.6. |
Les ressources humaines sont un facteur déterminant de la compétitivité, en particulier pour les PME, qui ont généralement moins d’outils organisationnels, financiers et de gestion à leur disposition pour attirer, motiver et retenir un personnel qualifié. Par conséquent, le CESE souligne combien il importe d’aider les PME à recruter du personnel expérimenté et qualifié, y compris par des moyens financiers, et espère que cela constituera un élément clé de la composante PME du futur pacte pour les compétences. Le CESE soutient la responsabilité partagée en matière de reconversion et de perfectionnement de la main-d’œuvre entre les gouvernements, les employeurs, les régions et les particuliers. L’enseignement et la formation professionnels (EFP) doivent devenir un choix d’excellence, de même que la promotion de l’enseignement supérieur, afin de soutenir la transition du marché du travail. Il importe que les programmes d’enseignement soient axés sur les résultats d’apprentissage, étant donné que cela contribuera à favoriser des transitions efficaces en temps utile. |
3.7. |
Il est essentiel d’améliorer la capacité numérique des PME. Il y a lieu, à cette fin, de commencer par les groupes de PME les moins préparés, par exemple les microentreprises et les entreprises très traditionnelles qui ont peu ou pas d’expérience dans le domaine de la numérisation. Elles doivent être les cibles des cours intensifs numériques destinés tant aux entrepreneurs de PME qu’à leurs salariés, et leurs besoins doivent être pris en compte dans le cadre de l’élaboration des pôles d’innovation numérique (PIN), afin de leur permettre de mettre à jour et d’améliorer leurs compétences professionnelles et de devenir des utilisateurs expérimentés des technologies. Les PIN devraient être correctement équipés pour aider les PME à réaliser des évaluations des risques, et protéger efficacement les données. Le CESE soutient la stratégie européenne pour les données annoncée, qui vise à rendre les données plus accessibles et à permettre les flux de données entre les entreprises et les pouvoirs publics. La libre circulation des données doit être assurée. Le partage des données entre entreprises devrait être encouragé afin de renforcer la coopération au sein des chaînes de valeur et d’offrir des possibilités d’accroître le pouvoir économique de notre économie en améliorant la disponibilité et l’accessibilité des informations (émanant du gouvernement ou de la chaîne de valeur) sur le partage et la portabilité des données. |
3.8. |
Le réseau à haut débit dans l’UE, en tant que condition préalable essentielle à la numérisation, doit être élargi de manière globale, de sorte que les entreprises puissent évoluer vers une plus grande numérisation sans qu’aucune ne soit laissée pour compte. L’Union ne réalisant toujours que des progrès trop limités dans ce domaine, en particulier dans les zones rurales, où se situent de nombreuses PME, toutes les autres initiatives à l’échelle de l’UE devraient en tenir compte à partir du terrain et prendre les mesures qui s’imposent à cet égard. |
3.9. |
Le CESE plaide en faveur de mesures de soutien ciblées axées sur la numérisation et l’amélioration de la connectivité de secteurs tels que la santé, l’éducation, l’administration publique, l’alimentation et l’agriculture, l’industrie manufacturière et les transports. La transformation numérique devrait être fondée sur l’ouverture (la non-dépendance), la simplicité, l’intelligence, l’automatisation, la confiance et la sécurité, dans la mesure où l’objectif est d’élaborer des modèles d’entreprise, des processus, des logiciels et des systèmes nouveaux. Elle est au cœur des efforts déployés par l’UE en vue d’asseoir son leadership climatique et la reprise économique. L’UE devrait accélérer les investissements dans les domaines de l’efficacité énergétique, des transports, des bâtiments et des processus industriels à faibles émissions de carbone, dans lesquels la numérisation a un rôle essentiel à jouer. |
3.10. |
Le CESE recommande d’accélérer la mise en place de réseaux accessibles partout, à grande capacité et sûrs, d’encourager les investissements privés et de stimuler les financements en faveur des zones rurales et faiblement peuplées. Il convient également d’accélérer, dès que les opérations normales reprendront, les attributions des spectres planifiées qui auraient pu être reportées en raison de la crise de la COVID-19. Lorsque ce moment sera venu, les gouvernements devraient également accorder la priorité à de nouvelles attributions de spectres, sous licence ou en exemption de licence, de manière à rendre la connectivité sans fil plus robuste. |
4. Pilier 2
4.1. |
Le CESE se félicite qu’une attention particulière soit accordée aux PME et de l’application rigoureuse des principes de la «transmission unique d’informations» et du «numérique par défaut». Le CESE demande à la Commission européenne d’appliquer le principe «agir en faveur des PME» dans le cadre du déploiement de la nouvelle stratégie et avertit que tout retard dans la mise en œuvre des mesures d’aide aux PME serait contre-productif. En effet, les PME sont actuellement confrontées à plus de défis que jamais auparavant, parmi lesquels les répercussions négatives de la pandémie de COVID-19, une concurrence acharnée, une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, de nouvelles formes de travail et de consommation, un flux d’informations toujours plus complexe et plus intense, des ressources limitées consacrées à l’innovation, une dévalorisation continue du rôle de l’entrepreneur, la volatilité des marchés financiers, la difficulté de l’accès au financement et une forte dépendance à l’égard de l’environnement extérieur, ainsi qu’un pouvoir de négociation limité. En ce qui concerne l’évaluation de l’impact des «mesures de surréglementation» sur les PME, le CESE réitère son point de vue selon lequel les objectifs de réduction de la charge réglementaire devraient reposer sur un test PME approfondi, des analyses d’impact sérieuses et une évaluation globale, incluant un dialogue avec la société civile et les parties prenantes. Il convient toutefois de ne pas remettre en question le niveau actuel de protection des citoyens, des consommateurs, des travailleurs, des investisseurs et de l’environnement dans les États membres lors de la mise en œuvre du droit européen. |
4.2. |
La question des retards de paiement continue d’exiger une attention particulière, et la révision prévue de la directive sur le retard de paiement constitue une étape importante dans le cadre de laquelle il y a lieu d’associer étroitement et de consulter les parties prenantes des PME. Il pourrait être utile d’intervenir sur le plan culturel afin de promouvoir un comportement vertueux. À cet égard, une mesure spécifique destinée à soutenir ce processus pourrait consister à créer un outil, par exemple un site internet, demandant aux entreprises de s’engager à respecter certains principes liés aux paiements dans les délais. Afin de protéger les PME du pouvoir de négociation supérieur des grandes entreprises, le CESE suggère que la Commission élargisse et renforce la portée de ses dispositions relatives aux pratiques commerciales déloyales entre entreprises et entre plateformes et entreprises et les renforce, en les étendant à tous les secteurs, éventuellement dans le cadre du droit de la concurrence de l’UE, avec la possibilité pour les PME de déposer des plaintes confidentielles auprès d’une autorité centrale, ce qui, dans le cas de l’UE, pourrait être la DG COMP. |
4.3. |
Conformément à ses avis antérieurs, le CESE émet des doutes quant à l’utilité réelle du réseau des représentants des PME, qui n’est pas pleinement opérationnel dans tous les États membres, et quant à sa capacité à apporter une réelle valeur ajoutée. Il recommande de renforcer le rôle des organisations de PME plutôt que de créer un nouveau rôle sous la forme d’un représentant de l’UE pour les PME, qui ne garantira nullement l’adoption d’une réglementation favorable à celles-ci. Le CESE suggère que le représentant national pour les PME soit nommé en accord avec les organisations nationales de PME, qui doivent être en contact permanent avec le représentant, lequel doit leur rendre des comptes à intervalles réguliers. La mise en œuvre de la stratégie en faveur des PME «nouvelle génération» et du «Small Business Act» doit être intégrée dans l’exercice du Semestre européen ainsi que dans le tableau de bord concernant les PME qui a été créé. |
4.4. |
Les «bacs à sable réglementaires» se sont révélés être un outil utile et le CESE demande qu’ils soient plus largement utilisés lors de l’introduction de réglementations concernant les PME, et mieux promus auprès des législateurs nationaux. La Commission européenne devrait préciser comment, où et pourquoi ces «bacs à sable réglementaires» seront appliqués. Il est clair qu’il faut encore améliorer le test PME dans l’analyse d’impact afin de s’assurer que l’ensemble de la législation proposée soit favorable aux PME. La nouvelle plateforme «Prêts pour l’avenir» de la Commission européenne devrait s’attacher en priorité à recenser les charges potentielles susceptibles d’entraver la revitalisation socio-économique. L’UE devrait également mettre en place des «bacs à sable réglementaires» au niveau de l’UE, ce qui permettrait de renforcer le marché unique, de garantir une harmonisation accrue, et de fournir rapidement aux innovateurs la sécurité juridique nécessaire pour promouvoir des solutions innovantes dans toute l’Europe. L’UE compte davantage de jeunes pousses et de PME innovantes que les États-Unis ou la Chine, mais plusieurs études montrent que ces entreprises préfèrent déployer leurs solutions innovantes en dehors de l’Europe. De nombreuses raisons expliquent cette situation, notamment le manque d’incitations financières en Europe et la fragmentation du marché unique, d’où l’importance de mettre en place des «bacs à sable réglementaires», qui encourageront les entreprises à rester en Europe et, on peut l’espérer, contribueront à créer des champions européens sur le long terme. |
4.5. |
Veiller à ce que les marchés publics soient plus accessibles et favorables aux PME permettrait de prévenir la criminalité transfrontière et les abus de marché. Encourager les PME à s’investir plus activement dans la solidarité et des secteurs stratégiques et essentiels, tels que les biens et les services de santé et de sécurité, l’espace et la défense, est un moyen efficace de mieux les intégrer dans les chaînes de valeur et serait assurément le bienvenu dans le cadre d’un système commercial ouvert luttant contre la montée du protectionnisme. En outre, l’épidémie de COVID-19 a montré combien il est important de disposer de chaînes d’approvisionnement diversifiées mais aussi de les avoir sur place ou à proximité, et il est essentiel d’aider les PME à trouver leur place dans ce processus. La crise a également fourni de nombreux exemples soulignant combien le marché unique demeure fragile; un plan d’action est nécessaire pour garantir le bon fonctionnement de tous les secteurs, lequel est essentiel pour les PME, ainsi que pour encourager celles-ci à se développer sur les marchés extérieurs. |
4.6. |
La Commission européenne doit être plus ambitieuse dans ses efforts en faveur de l’ouverture des marchés publics aux PME, en s’efforçant, en coopération avec les prestataires de services publics, d’accroître la transparence de la passation des marchés publics et de garantir la conformité des contrats publics avec les règles du marché unique de l’UE. À cet égard, le CESE suggère notamment les mesures suivantes:
|
4.7. |
De même, l’UE doit poursuivre ses efforts en faveur d’une plus grande transparence et d’une coopération plus étroite avec l’industrie européenne dans son ensemble lors des enquêtes dans le cadre des instruments de défense commerciale, et elle doit continuer à faciliter l’accès des PME à ces instruments. |
4.8. |
Le CESE est préoccupé par les difficultés rencontrées par le secteur du commerce de détail, surtout pendant le confinement mis en place durant la crise de la COVID-19, et demande des mesures de soutien et de promotion spécifiques. |
4.9. |
Le portail numérique unique, lié aux guichets uniques dans les différents États membres, fournira des informations et une assistance aux PME, tandis que les organisations nationales et régionales de PME les aideront à trouver et à reconnaître les solutions les plus appropriées. |
4.10. |
Il est extrêmement important de faciliter la transmission des entreprises, car cela incitera davantage une génération entière à maintenir les entreprises familiales opérationnelles et facilitera les transferts de propriété dans les cas où le(s) propriétaire(s) ne dispose(nt) pas des compétences, des ressources et des idées nécessaires pour continuer à gérer l’entreprise. Le rachat des entreprises par les travailleurs via la création d’une coopérative et d’autres formes d’actionnariat des salariés peut également être envisagé dans de tels cas. Il est également extrêmement important d’identifier les deux types différents de transmission d’entreprise afin de comprendre comment la législation spécifique affecte chacun d’eux. Il convient d’établir une distinction entre les «transmissions d’entreprise au sein de la famille» et les «transmissions d’entreprise externes», avec pour chaque type une définition distincte. Le cadre législatif doit être plus souple pour qu’il soit plus facile d’acquérir une entreprise existante dans les cas où des risques importants, des coûts considérables et des procédures complexes sont en jeu. Il convient d’accorder une attention particulière aux transmissions de PME par-delà les frontières pour relever le défi des coûts élevés liés à ces transactions et des différences substantielles entre les réglementations en vigueur dans les États membres. Au-delà de la question des transferts, le CESE recommande la création d’une entreprise européenne 2.0 pour les PME, sous la forme d’une société privée européenne remodelée [(Societas Privata Europaea (SPE)], afin de faciliter l’expansion transfrontalière et la croissance des PME. |
4.11. |
Afin de permettre aux PME de tirer pleinement parti des accords commerciaux, le CESE demande que la présence de chapitres consacrés aux PME devienne l’approche habituelle dans le cadre des futures négociations commerciales bilatérales de l’UE avec les pays tiers et que des comités pour les PME soient mis en place afin de lancer des initiatives visant à diffuser auprès des PME des informations sur les accords de libre-échange (ALE) et sur les normes techniques et à surveiller l’utilisation qu’elles font de ces accords, tant dans l’UE que dans l’autre ou les autres États parties à l’accord. Il convient d’améliorer le réseau «Enterprise Europe Network» (EEN) en tant qu’outil de soutien à l’internationalisation des PME, ainsi que la coopération et les synergies avec les prestataires de services nationaux et les fédérations sectorielles et nationales de PME. |
4.12. |
La Commission européenne devrait continuer à explorer l’option d’un droit européen des sociétés conçu pour les PME, en s’inspirant des travaux réalisés dans le cadre de la proposition relative à la société privée européenne. Dans sa stratégie en faveur des PME, la Commission européenne prévoit d’évaluer la nécessité d’adopter des mesures supplémentaires en matière de droit des sociétés afin de faciliter l’expansion transfrontalière et la croissance des PME. Une proposition spécifique visant à atteindre ces objectifs est la création d’une forme juridique européenne de société conçue pour les PME, comme indiqué ci-dessus. Étant donné qu’en raison des différences linguistiques, administratives et juridiques existant entre les États membres qui entravent la création de filiales à l’étranger, seulement 2 % des PME européennes investissent à l’étranger en y créant des succursales, il convient de se pencher sur la nécessité de mettre en place un mécanisme juridique permettant aux entreprises de mieux gérer leur expansion au sein de l’UE. |
4.13. |
Compte tenu du fait que la promotion des échanges commerciaux relève essentiellement de la compétence des gouvernements nationaux, la réussite de la mise en œuvre des ALE repose, en définitive, sur la capacité et la volonté de chaque État membre de promouvoir un accord commercial donné de l’UE au sein de sa communauté d’entreprises nationale. Le CESE invite les 27 États membres et la Commission européenne à s’engager, sur une base volontaire et dans le respect de leurs compétences respectives, à mettre en œuvre des mesures et des activités spécifiques dans chaque pays, en s’appuyant sur des plans d’action européens pour la mise en œuvre qui viendraient compléter, au niveau intra-européen, les feuilles de route «externes» pour la mise en œuvre adoptées parallèlement aux ALE de l’UE. Ces plans d’action devraient en outre contribuer à un suivi efficace de la transposition effective des engagements négociés dans le cadre des ALE dans chaque pays tiers, tout en permettant le suivi et l’évaluation comparative des mesures spécifiques prises par les gouvernements et les milieux d’affaires aux niveaux national et régional. |
5. Pilier 3
5.1. |
Le CESE réitère sa proposition visant à encourager les États membres à créer et à développer un réseau de «médiateurs financiers» coordonné par l’UE. Avec le soutien de la task-force sur les liquidités des PME proposée, ce réseau devrait utiliser des méthodes appropriées pour suivre la mise en œuvre des nouvelles mesures de la Commission européenne axées sur la liquidité à court terme des micro-PME qui ont été proposées au niveau de l’UE et des États membres. En plus d’aider les PME à accéder quotidiennement aux financements, le réseau pourrait également assister la Commission dans la collecte et l’analyse des données qualitatives afin de connaître la manière dont les instruments financiers sont utilisés par les banques intermédiaires pour atteindre les PME qui ont le plus besoin de ressources financières ainsi que les raisons pour lesquelles les crédits ne leur sont pas accordés, conformément aux principes du retour d’information des banques. Le réseau devrait également régler des différends plus généraux entre les PME, d’une part, et les banques, les autres prestataires de services financiers et les fournisseurs de liquidité, d’autre part. |
5.2. |
Le CESE est satisfait des efforts déployés en faveur de la diversification des sources de financement pour les PME, qui prennent la forme de la promotion du financement sur fonds propres et du recours aux marchés de croissance des PME, et de la recherche d’autres possibilités d’entrée en bourse pour celles-ci. Le CESE demande à la Commission européenne, avec la contribution active des organisations de PME, d’envisager la mise en place de mesures spécifiques en vue de sensibiliser les cadres d’entreprise aux avantages et aux opportunités qu’offrent les différentes possibilités de financement et de les aider à choisir celle qui correspond le mieux à leurs besoins, ainsi que de promouvoir de nouvelles solutions sur mesures proposées par les experts. |
5.3. |
Conformément aux positions adoptées précédemment en vue d’encourager et de stimuler l’entrepreneuriat féminin, le CESE se félicite particulièrement et vivement de la proposition de la Commission de lancer une initiative de financement intégrant la dimension hommes-femmes afin de promouvoir le financement des entreprises et des fonds dirigés par des femmes et de renforcer l’entrepreneuriat féminin. En effet, la présence accrue et plus forte des femmes, y compris dans l’environnement entrepreneurial, est une nécessité absolue pour construire l’Europe de demain. |
5.4. |
Le CESE salue l’établissement d’un fonds public-privé spécialisé dans les introductions en bourse de PME et soutient pleinement la création d’instruments supplémentaires de financement de fonds propres, de quasi-fonds propres, de capital-risque et de partage des risques pour les PME. Le CESE est d’avis que leur promotion et la garantie de leur accessibilité revêtent une importance particulière pour les petites entreprises de taille intermédiaire innovantes. |
5.5. |
Bien que le CESE reconnaisse que l’entrée en bourse des PME offre des possibilités aux entreprises, il note également que cela n’est une solution pour toutes les entreprises en raison de la nature de la charge administrative et des coûts y afférents. L’utilisation des actions sans droit de vote pourrait constituer un bon moyen d’encourager les PME, en particulier les entreprises familiales, à accéder aux capitaux sans perdre le contrôle de leurs activités. Traiter le financement sur fonds propres au même titre que le financement par l’emprunt constitue un autre défi. |
5.6. |
Alors que le prochain budget de l’UE mettra logiquement l’accent sur la mobilisation de fonds pour les investissements, il ne faut pas sous-estimer la valeur du financement d’activités paneuropéennes de renforcement des capacités des PME et d’actions conjointes; elle revêt en effet une importance particulière dans la situation actuelle. Le budget de l’UE est particulièrement important pour les mesures de développement des compétences, l’internationalisation, la promotion de l’économie circulaire, l’entrepreneuriat, le soutien aux entreprises en difficulté et l’accès aux services publics. De telles initiatives pouvant générer un retour sur investissement colossal pour les contribuables européens et les PME qui en bénéficient directement, elles devraient également être dûment prises en compte dans le cadre financier pluriannuel (CFP) révisé. |
5.7. |
Concernant l’utilisation des crypto-actifs et des jetons numériques par les PME, le CESE invite la Commission européenne, en coopération avec les organisations représentatives des PME, à assurer un suivi étroit de leur utilisation, étant donné que les crypto-actifs possèdent des caractéristiques uniques qui diffèrent de celles des actifs financiers traditionnels et posent dès lors de nouveaux défis pour les entreprises (y compris les PME), en particulier en ce qui concerne la sécurité et les contrôles internes. Les PME devraient donc, d’une part, comprendre les risques et les avantages liés aux crypto-actifs et, d’autre part, concevoir un environnement de contrôle efficace qui puisse garantir la sécurité. En outre, les crypto-actifs étant très peu réglementés, les PME peuvent faire l’objet d’enquêtes en matière de fraude si leurs investisseurs introduisent des plaintes à leur encontre. |
6. Mise en œuvre et engagement des États membres
6.1. |
Le soutien et l’engagement sans faille des États membres sont un facteur clé de la mise en œuvre réussie et rapide des mesures de la stratégie. Le CESE estime que l’application pleine et entière du principe de partenariat, dans le cadre d’une collaboration étroite avec les ambassadeurs pour l’entrepreneuriat stratégique — dont les travaux devraient apporter une valeur ajoutée — en vue de mettre en œuvre ces mesures produira des résultats concrets. Le CESE souligne une nouvelle fois qu’il est également important d’associer étroitement à ce processus les organisations représentatives des PME aux niveaux européen, national et régional, dans la mesure où elles assurent la liaison directe avec les milieux d’affaires. |
6.2. |
Le CESE comprend les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas modifié la définition d’une PME, bien que les avis divergent quant à la mesure dans laquelle celle-ci est adaptée à sa finalité, et se félicite de l’engagement à évaluer les questions spécifiques soulevées dans le cadre du processus de consultation et à en rendre compte. Dans le même temps, dans le droit fil de ses avis antérieurs, le CESE demande à la Commission européenne d’aider les États membres à faire preuve de souplesse lors du choix de la méthode de mise en œuvre. |
7. Les PME déploient leurs activités et prospèrent en période de pandémie de COVID-19
7.1. |
Les répercussions tragiques et toujours plus graves de la crise de la COVID-19 sur les systèmes économiques ont durement touché les PME, en particulier les microentreprises. Cet impact négatif considérable menace fondamentalement le rôle systémique des PME dans l’économie et a démontré l’importance d’associer pleinement et systématiquement les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernées à toutes les étapes de la prise de décision et à l’établissement du réseau de connaissances et de formation rescEU dans le cadre de l’actuel mécanisme de protection civile de l’Union, comme l’a déjà proposé le CESE. |
7.2. |
Le CESE est ouvert à l’examen de la nouvelle approche proposée par la Commission européenne visant à favoriser le soutien aux écosystèmes plutôt qu’aux entreprises en fonction de leur taille. Le Comité observe qu’à l’heure actuelle, la Commission européenne reconnaît 14 écosystèmes et tient à souligner la nécessité d’assurer une communication et une gouvernance efficaces, afin que les voix de toutes les parties prenantes au sein de ces écosystèmes soient entendues et que la participation active des organisations représentatives des PME aux niveaux européen, national et régional soit assurée. |
7.3. |
Les mesures d’urgence prioritaires à court terme, qui sont essentielles pour les PME, en particulier les microentreprises, devraient viser à fournir des liquidités de manière transparente et en temps utile, avec un taux d’intérêt équitable, en utilisant des intermédiaires financiers et sans créer d’obstacles injustifiés et de charges bancaires administratives déraisonnables. Dans le même temps, les PME arrivant à la conclusion que leur modèle d’entreprise est devenu obsolète méritent de bénéficier de l’aide nécessaire pour procéder à la liquidation de la société de manière ordonnée et créer une nouvelle entreprise. |
7.4. |
Des mesures de soutien à l’échelon européen doivent pouvoir bénéficier de manière effective aux PME aussi rapidement que possible et leur mise en œuvre doit être évaluée et contrôlée étroitement au niveau de l’UE et des États membres, sur la base d’un mécanisme commun de retour d’information approprié, dans le cadre duquel les organisations de PME, les intermédiaires financiers et le secteur bancaire et celui des garanties de crédit peuvent partager leurs données. L’objectif est d’éviter que des retards injustifiés soient imposés et que des décisions arbitraires soient prises en réponse aux besoins urgents de liquidité du secteur de l’artisanat et des PME qui pourraient découler de différences existant dans la mise en œuvre de ces mesures par les systèmes de crédit nationaux et les intermédiaires financiers. |
7.5. |
Il est essentiel d’élaborer et de rendre pleinement opérationnel un système européen de réaction rapide et harmonisée aux problèmes de liquidité, axé sur les microentreprises et les petites entreprises. Le CESE suggère que la Commission européenne mette en place à l’échelon de l’UE une task-force permanente composée d’experts de haut niveau chargée d’étudier la question de la liquidité des microentreprises et des petites entreprises, dont l’objectif serait de faciliter les flux de liquidités des PME sur la base d’analyses de données indépendantes, fournies périodiquement, et de mieux comprendre comment surmonter les obstacles existants à la liquidité des PME. Les données et pratiques économiques et financières pourraient être évaluées périodiquement par l’Observatoire indépendant des PME. |
7.6. |
Le CESE demande à la Commission européenne d’envisager de modifier l’annexe III de la directive TVA afin de permettre aux États membres de réduire temporairement les taux de TVA pour certains des secteurs les plus durement touchés, tels que le tourisme et le secteur connexe de l’hôtellerie et de la restauration (HORECA), les travailleurs indépendants, le secteur de l’artisanat, etc. Le CESE soutient ces actions à condition qu’elles ne créent pas de concurrence déloyale, ce qui, de l’avis du Comité, ne devrait pas être le cas, étant donné le caractère temporaire de la mesure. |
7.7. |
Des mesures d’aide spéciales sont nécessaires pour aider les travailleurs à retrouver un emploi, en particulier ceux qui travaillent pour les PME. Ces mesures comprennent une «carte jaune», une aide permettant aux petits travaux publics locaux de commencer immédiatement, des informations et des conseils aux personnes quant à la manière de se comporter et de se conformer aux mesures d’hygiène, de santé et de sécurité afin de réduire encore le risque de contamination par la COVID-19, et une évaluation du risque de COVID-19 qui devra être mise en œuvre par les organismes nationaux et externes de sécurité et de santé au travail afin de s’assurer que ces mesures soient correctement mises en œuvre et de réduire les charges et les coûts y afférents. Il est indispensable de fournir les équipements de protection individuelle nécessaires pour permettre aux travailleurs de reprendre le travail, et de renforcer les capacités de production des PME qui les produisent en réalisant des investissements directs, en leur fournissant une assistance technique et en adoptant des normes harmonisées pertinentes. Les organisations de PME ont un rôle de soutien essentiel à jouer concernant l’échange de protocoles et de bonnes pratiques entre leurs membres afin de faciliter la relance et d’accélérer le retour au travail. |
7.8. |
Une autre demande émanant des partenaires sociaux européens a été satisfaite dans le cadre de la récente modification de l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État concernant les PME. Bien que celle-ci ait tenu compte des avantages particuliers accordés aux entreprises pendant la crise de la COVID-19, comme les reports d’impôts et les prêts, elle n’a pas modifié la règle «de minimis» générale. Les régions éloignées et rurales et les îles bénéficient traditionnellement de subventions en matière de transport qui peuvent facilement représenter la majeure partie du montant «de minimis». Au lendemain de la crise de la COVID-19, ces régions ne seront que peu, voire pas du tout visitées par les touristes et devront profiter du rétablissement des échanges de marchandises pour se redresser. |
7.9. |
Une reprise effective nécessitera des investissements publics et privés considérables pour financer la double transition et permettre à la fois aux entreprises existantes de rester compétitives et à des entreprises nouvelles de se lancer. Toutefois, les PME rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de s’adapter aux changements et aux réglementations complexes dans le cadre de la transition. Pour rendre ces investissements extraordinaires possibles, l’UE devra élargir ses instruments de financement existants (notamment le CFP, InvestEU, les Fonds structurels et de cohésion, Horizon Europe et le programme pour une Europe numérique, de même que le soutien financier du Groupe BEI et le déploiement du MES), garantir leur flexibilité à long terme et mettre en place un fonds pour la relance permanent afin d’aider les États membres à relever les défis à venir. Pour aider les PME confrontées à des difficultés financières dans l’ensemble de l’Europe, il relève de la plus haute importance que les États membres mettent pleinement en œuvre la directive sur l’insolvabilité en ce qui concerne les cadres de restructuration préventive et fournissent un soutien professionnel aux PME afin que celles-ci puissent mener à bien un redressement de leur situation ou bénéficier d’une seconde chance. |
7.10. |
Le CESE demande que soit mis en place un programme de l’UE permettant un renforcement des capacités des organisations de PME et leur fournissant l’aide nécessaire en vue d’actions conjointes, pour qu’elles puissent servir de guichet unique pour l’information et l’assistance technique, ce qui sera nécessaire et urgent après la phase de sortie de crise. Il est tout aussi important que l’UE finance des bases de données d’analyses du cycle de vie de groupes de produits, accessibles gratuitement et multilingues, afin de permettre aux PME, qui ne sont pas en mesure de générer directement ces données, de produire de manière plus écologique. |
7.11. |
Même avant la crise, les organisations de PME étaient associées à l’élaboration et à la fourniture de divers services destinés à aider les PME en difficulté financière, dont l’initiative «Early Warning Europe». La nécessité de ce type de soutien se fera encore plus sentir dans les mois et les années à venir. La mise en œuvre des outils d’alerte précoce définis dans la directive sur l’insolvabilité doit être renforcée pour garantir l’accès à une aide efficace aux entreprises en difficulté. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/219 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Tourisme et transport en 2020 et au-delà»
[COM(2020) 550 final]
(2020/C 429/27)
Rapporteur: |
Panagiotis GKOFAS |
Saisine |
Commission, 17.6.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
4.9.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
217/2/0 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE est d’avis que la communication COM(2020) 550 final de la Commission européenne devrait être un instrument stratégique pour repenser le modèle durable de l’UE en matière de tourisme et de transport. Le CESE plaide en faveur d’un ensemble de mesures complet, assorti de lignes directrices et de recommandations visant à:
|
1.2. |
Les politiques monétaire et budgétaire de l’Eurogroupe, du Conseil européen et de la Banque centrale européenne (BCE) n’étant pas relayées de manière symétrique dans tous les États membres, en particulier les plus vulnérables et les plus durement touchés par la crise, la Commission doit renforcer son rôle de gardienne des traités et préserver le redressement symétrique du marché unique, de la manière suivante:
|
1.3. |
En raison de l’absence de données relatives à l’évolution et à la situation des entreprises de tourisme, le CESE a créé un questionnaire en ligne de manière à mieux évaluer les propositions contenues dans le présent avis. Plus de 170 organisations dans l’ensemble de l’Union européenne, représentant environ 3 500 000 membres du secteur du tourisme, dont la restauration et l’accueil, les services d’hôtellerie et d’hébergement, les agences touristiques, le secteur des loisirs, le tourisme nautique, les guides touristiques, les services de transport, etc., ont répondu à ce questionnaire. Les principales données qui en ressortent sont les suivantes:
|
1.4. |
Un dialogue social intensif et un programme d’action substantiel sont nécessaires de toute urgence pour négocier des conventions collectives sectorielles actualisées pour les secteurs du tourisme et des transports, les PME et les organisations représentatives des PME les plus touchées par la COVID-19 étant associées à cet exercice. |
2. Observations générales
2.1. |
La pandémie de COVID-19 a paralysé l’industrie du tourisme, posant de grandes difficultés aux voyageurs qui tentaient de rentrer chez eux et produisant des effets dévastateurs sur les économies qui dépendent fortement du tourisme. |
2.2. |
Le secteur touristique de l’UE emploie quelque 22,6 millions de personnes (2). Il représente 11,2 % de l’emploi total dans l’Union, et en 2019, il a contribué à hauteur de 9,5 % au PIB de l’UE. En 2018, on comptait 600 154 établissements de tourisme dans l’UE-27, tandis que la demande dans les hébergements touristiques s’élevait à environ 1 326 049 994 nuitées. Pour de nombreux États membres, régions et villes européennes, le tourisme apporte une contribution importante au tissu économique et social. En outre, il fournit des emplois et des revenus indispensables, souvent concentrés dans des zones où il n’existe pas d’autres sources de travail, et embauche des travailleurs peu qualifiés (3). |
2.3. |
L’industrie européenne du tourisme, qui emploie environ 13 millions de personnes (4), devrait perdre près d’un milliard d’euros de recettes par mois suite à l’épidémie de COVID-19. |
2.4. |
Dans de nombreuses autres destinations prisées par les touristes, les hôtels ont été abandonnés et des restaurants, des bars, des attractions touristiques, des ports de plaisance, des musées et des centres ont fermé. La situation est particulièrement difficile dans plusieurs pays de l’UE qui sont des destinations touristiques majeures, comme l’Italie, la Grèce, le Portugal, Malte, Chypre, l’Espagne et la France. Cette année, l’Italie risque de perdre environ 60 % de ses touristes. Le Conseil mondial du voyage et du tourisme prévoit qu’en 2020, le marché du voyage et du tourisme pourrait perdre 75 millions d’emplois dans le monde, dont 6,4 millions d’emplois dans l’UE (5). |
2.5. |
L’Association internationale du transport aérien (IATA) estime qu’en 2020, le transport aérien mondial pourrait perdre plus de 252 milliards de dollars (228 milliards d’euros). Au 30 juin, deux millions de vols de passagers avaient été annulés. En France, le taux d’occupation des hôtels était de 3,3 % le 17 mars (alors qu’il atteignait 65,3 % le 26 février). Le 30 mai, les restaurants et les bars avaient fermé dans presque tous les États membres de l’UE, à l’exception de la Suède. Les hôtels, les restaurants, les bars et les marinas ont licencié des milliers de travailleurs, de manière permanente ou temporaire. Le secteur ferroviaire européen a perdu 90 % de ses passagers au plus fort de la crise et fonctionne toujours à faible capacité. |
2.6. |
Il est nécessaire de reconnaître les conséquences de la crise sur les secteurs auxiliaires liés au tourisme, tels que la production d’équipements pour le secteur des loisirs (par exemple, la construction de bateaux). Il convient de soutenir ces secteurs en faisant la promotion du tourisme et en développant des débouchés commerciaux internationaux. |
2.7. |
L’écosystème du tourisme européen couvre toute une série d’activités telles que les voyages, le transport, l’hébergement, l’alimentation, les loisirs terrestres et aquatiques, la culture et la nature. Il génère, directement et indirectement, près de 10 % du PIB européen et fait de l’UE la principale destination touristique au monde qui représentait, en 2018, 563 millions d’arrivées internationales et 30 % des recettes mondiales (source: Commission européenne). Avec 30 % des arrivées internationales en 2018, l’UE est la principale destination touristique du monde (source: Commission européenne). L’analyse de la composition de ces flux internationaux pourrait servir à élaborer une stratégie et un programme pertinents pour l’UE à court, à moyen et à long termes. |
3. PILIER I: Durabilité du tourisme et du transport
3.1. |
Le CESE estime que la communication à l’examen devrait marquer la première étape de la prochaine génération de politiques et de programmes de l’UE en faveur du tourisme durable. Elle devrait associer les besoins et les situations des PME et des travailleurs afin de restaurer la confiance du public en tant que touristes et consommateurs. Elle devrait défendre les droits et les normes en matière de santé et de sécurité et garantir la viabilité et la trésorerie des entreprises dans le cadre d’une stratégie européenne renouvelée en faveur des PME pour 2030, conformément aux principes du «Small Business Act». |
3.2. |
Le CESE estime qu’il n’est pas réaliste de se contenter d’adopter une approche de retour à la normale pour faire face à la plus grave crise qui ait jamais frappé les secteurs du tourisme et du transport de l’UE. Le CESE appelle à une refonte complète de ces politiques en vue de rétablir la confiance et la stabilité des entreprises et des travailleurs, grâce à l’adoption d’un pacte de solidarité de l’UE de nouvelle génération en faveur du tourisme durable d’ici à 2030. |
3.3. |
Le CESE est d’avis que nous avons désormais la possibilité d’assurer une reprise équitable et de reconstruire rapidement nos économies afin de les rendre plus écologiques, plus équitables et plus résilientes face aux chocs futurs. Il convient de réviser la contribution du plan d’intégration de l’UE au modèle européen de développement durable du tourisme et du transport, en évitant toute mesure présentant un risque de renforcer la fragmentation et les conditions ou pratiques déloyales au sein du marché intérieur. |
3.4. |
Dans le secteur du tourisme, une reconstruction juste et durable nécessite les mesures suivantes:
|
3.5. |
Les professionnels du tourisme responsable doivent s’engager à afficher l’empreinte carbone des séjours et des activités qu’ils proposent. |
3.6. |
Le plan de relance de l’UE et les plans de relance nationaux devraient prévoir un financement suffisant pour réaliser la transformation environnementale et numérique du secteur du tourisme et de ses infrastructures, au moyen d’investissements permettant de rendre le tourisme plus attrayant pour les consommateurs et d’offrir de réels avantages aux entreprises touristiques. |
3.7. |
Le CESE estime que le tourisme équitable repose sur des entreprises socialement responsables qui fournissent des emplois de qualité. Cela nécessite le développement d’un tourisme non saisonnier capable de garantir des emplois durables. À cette fin, la Commission européenne doit soutenir les initiatives et les projets qui répondent à ces critères. Il convient de mener des études européennes sur les coûts sociaux et environnementaux du tourisme non durable. |
3.8. |
Les activités touristiques qui permettent d’éviter le tourisme de masse (par exemple, le tourisme de plein air ou le tourisme nautique) sont de plus en plus populaires auprès des consommateurs, compte tenu des règles de distanciation sociale. Ces tendances de consommation offrent l’occasion d’accélérer la reprise de l’ensemble du secteur européen du tourisme et de l’emploi. Il convient de soutenir ces activités, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir lieu dans un environnement régional, national ou européen. Dans le cas du tourisme nautique, des possibilités distinctes s’offrent à toute l’Europe pour les îles, les rivières, les canaux, les lacs et les zones côtières. |
3.9. |
Le CESE est d’avis que, dans le cadre d’un régime de TVA harmonisé à l’échelle de l’UE, il conviendrait d’appliquer des taux réduits de TVA aux hôtels, aux restaurants, aux services de voyage, aux services de tourisme nautique (location de bateaux, ports de plaisance), aux compagnies d’autobus, aux guides touristiques, etc. Il s’agirait notamment, le cas échéant, de prévoir des modifications rapides de la directive TVA, de manière à garantir l’égalité de traitement de tous les secteurs de l’industrie du tourisme. |
3.10. |
Le secteur du transport par autocar, qui est composé de nombreuses PME, a été durement touché par la pandémie. Le chiffre d’affaires de nombreuses compagnies d’autocars est tombé à 0-10 % du de sa valeur pour la même période l’année dernière. L’UE a maintenant l’occasion d’aider ce secteur sur la base des propositions qu’elle a faites, notamment une législation harmonisée pour les zones à faibles émissions au sein de l’Union et un guichet unique pour les remboursements de TVA. |
3.11. |
Dans ce contexte, il s’impose de prendre des mesures propres à favoriser la reprise du tourisme international, continental et national, dans l’intérêt de secteurs importants de l’économie de l’UE. Le rail peut contribuer au développement de destinations touristiques qui ne sont pas desservies de manière adéquate par l’avion, ouvrir de nouvelles liaisons et promouvoir de nouvelles chaînes de valeur. Pour les opérateurs ferroviaires européens, c’est l’occasion de répondre à la demande croissante de touristes soucieux de la protection du climat sur le marché. L’Année européenne du rail devrait être l’occasion de sensibiliser l’opinion publique au tourisme durable et aux nouveaux itinéraires touristiques que les citoyens européens peuvent découvrir grâce aux liaisons ferroviaires. Dans ce cadre, l’Année européenne du rail devrait également être l’occasion de donner plus de visibilité aux lignes ferroviaires historiques et pittoresques dans toute l’Europe et de mieux les faire connaître auprès du grand public (6). |
3.12. |
Pour plusieurs raisons, un nombre important de jeunes Européens n’ont jamais ou rarement voyagé en Europe. Bien que des programmes d’échanges éducatifs existent, l’UE vient de lancer un outil qui permettrait d’offrir à tout Européen une expérience de voyage qui donnerait la possibilité de mieux mettre les jeunes en contact avec l’identité européenne, de les sensibiliser aux valeurs fondamentales de l’Union européenne et de les familiariser avec un mode de transport durable et propre. «DiscoverEU» (Découvrir l’Europe) est une initiative de l’Union européenne qui offre aux citoyens l’occasion de découvrir l’Europe grâce à des expériences d’apprentissage. Voyager principalement en train (il existe des exceptions pour permettre à ceux qui vivent sur des îles ou dans des zones reculées de participer) permet aux jeunes Européens de découvrir l’Europe et ses villes (7). |
4. PILIER II: Trésorerie, reprise de l’emploi et rétablissement de la confiance des entreprises
4.1. |
Il est crucial de soutenir la reprise et la trésorerie à court, moyen et long termes des entreprises touristiques européennes, en particulier des micro et petites entreprises. Dans cette perspective, il s’agit, entre autres, de créer immédiatement une task-force de l’UE sur les liquidités, capable d’évaluer l’efficacité des mesures concernées, d’une part en garantissant la transparence au sujet des refus de crédit injustifiés, des retards et des lourdeurs bureaucratiques inutiles, et d’autre part en prenant les mesures correctives appropriées concernant les Fonds européens d’investissement, les nouvelles procédures d’insolvabilité et leurs médiateurs nationaux. |
4.2. |
En ce qui concerne les guides touristiques, l’UE doit garantir des conditions de concurrence équitables avec les mêmes conditions et une concurrence loyale sur le marché du tourisme entre la profession de guides touristiques et les organisateurs de voyages et les «guides» qui opèrent de manière illégale. Le CESE invite la Commission européenne, en tant que gardienne des traités, à veiller au développement équilibré de l’économie collaborative de l’UE (8) dans les États membres, comme indiqué dans la note d’information du Parlement européen du 16 novembre 2016 qui présentait l’agenda européen pour l’économie collaborative dans le cadre des services de guides touristiques. |
4.3. |
Banques, trésorerie et politique monétaire n’ont pas été gérées correctement. Certaines banques (par exemple en Grèce) optent pour un assouplissement monétaire (versements du PEPP par la BCE) afin de renforcer leur position et non pas de soutenir le marché réel. Ces banques accordent des crédits à des entreprises viables et non touchées (comme les supermarchés) et ne prennent pas le risque de prêter à des secteurs vulnérables tels que le tourisme et les services. Les restaurants, cafés, hôtels, compagnies d’autobus, etc., ne figurent plus sur les listes d’emprunteurs des banques; ces dernières exigent en échange de prêts des garanties que ces entreprises ne peuvent pas fournir, y compris celles auxquelles les banques pourraient accorder leurs prêts. Les taux d’intérêt sont supérieurs à 4,5 %, en dépit de toutes les garanties et subventions fournies par la BCE. |
4.4. |
L’emploi dans le secteur touristique de l’UE nécessite une approche harmonisée et avancée, fondée sur les partenaires sociaux nationaux et des pratiques consolidées. Afin d’éviter le chômage et la perte de travailleurs qualifiés, des mesures de travail à court terme doivent être convenues au niveau national entre les gouvernements responsables et les partenaires sociaux. Nous devrions également prendre en considération le fait que, dans les grandes villes où les employeurs publics et privés promeuvent à l’heure actuelle les mesures instaurant le travail à domicile, la plupart des restaurants, des pubs, des bars et des cafés risquent de fermer. Des mesures politiques et dans le domaine de l’emploi doivent être adoptées pour éviter les fermetures permanentes dans les centres-villes et les zones environnantes. Par ailleurs, le travail à distance (ou le télétravail) ne doit pas remplacer, à long terme, la forte mobilité de la main-d’œuvre européenne. La réduction du nombre de conférences, de salons, de congrès et de voyages d’affaires européens entraînerait de considérables pertes d’emplois, de PME, de savoir-faire, de créativité et de partenariats d’innovation en Europe, et limiterait les modes de pensée à une dimension plus nationale. |
4.5. |
Il convient de soutenir l’organisation de foires commerciales, qui sont indispensables pour le secteur du tourisme et les secteurs connexes, et qui constituent en soi une source importante de tourisme, de voyages et d’emploi. Des lignes directrices devraient être mises en place pour que ces foires soient organisées en toute sécurité et bénéficient d’un financement de la part de l’UE et des États membres. |
4.6. |
Secteur du tourisme: la gestion des attentes. Toutes les données disponibles indiquent que cette saison est perdue. Les arrivées de touristes seront loin de couvrir les coûts de fonctionnement de ce secteur. Toutes les entreprises subiront des pertes énormes qui compromettront leur viabilité. Le triple paquet de l’Eurogroupe (paquets SURE, BEI et MES qui représentent respectivement 100, 200 et 250 milliard d’euros) n’est pas suffisant et/ou les gouvernements ne sont pas en mesure d’assurer une transmission adéquate des politiques. À titre d’exemple, en Grèce, le gouvernement a choisi de ne pas utiliser le mécanisme européen de stabilité (MES) et les deux autres éléments sont à la traîne: pas assez ciblés, pas assez de moyens financiers, pas assez d’incitations. |
4.7. |
Une vaste campagne de marketing et de communication devrait promouvoir l’industrie européenne du tourisme, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE, afin de soutenir la reprise de ce secteur. Proclamer une «Année européenne du tourisme durable» en 2021 ou 2022 permettrait d’établir un cadre à l’échelle de l’UE et de lancer des activités dans toute l’Union. |
5. PILIER III: Réseaux de connaissance des données et préparation, santé et sécurité, atténuation des risques et préparation
5.1. |
Le CESE considère que, suite à la pandémie de COVID-19 et compte tenu des enseignements tirés par les États membres qui ont été confrontés à des difficultés de coordination des politiques transfrontalières et communes, une approche coordonnée plus efficace est nécessaire dans les secteurs du tourisme et du transport. L’on pourrait y parvenir en élaborant, chaque année jusqu’en 2024, des programmes pilotes visant à garantir une préparation et une réaction conjointes efficaces, grâce au déploiement de réseaux européens de la connaissance ouverts aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile. |
5.2. |
Le CESE estime qu’il est nécessaire de veiller à ce que les plateformes nationales d’atténuation des risques mises en place dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’UE conformément au cadre de Sendai des Nations unies deviennent opérationnelles plus rapidement. Dès lors, le CESE demande à la Commission européenne et aux États membres (plans nationaux de coordination des secours d’urgence), aux partenaires économiques et sociaux et aux organismes scientifiques d’inclure le secteur du tourisme et de la mobilité dans des projets pilotes communs pendant et après la crise de la COVID-19, ainsi que dans le réseau européen de formation afin de préparer la réponse de l’UE. |
5.3. |
Afin de disposer de données européennes, harmonisées et actualisées sur le tourisme, la mobilité des transports, les goulets d’étranglement sur le marché et les meilleures pratiques, le CESE demande à la Commission européenne de mettre en place des programmes spécifiques et des projets pilotes régionaux en partenariat avec les partenaires sociaux européens et nationaux et les réseaux de recherche universitaires et indépendants, mettant ainsi en commun les ressources en matière de recherche et de formation. En outre, afin de mieux coordonner la relance de l’UE en tant que destination touristique internationale au niveau mondial et d’attirer les investissements directs étrangers, le CESE demande à la Commission européenne d’encourager les États membres à promouvoir des programmes spécifiques et des initiatives pilotes communes. |
5.4. |
Les itinéraires transfrontaliers empruntés pour le tourisme et les activités de loisirs peuvent jouer un rôle essentiel pour rétablir le lien entre les régions et les États membres tout en offrant des possibilités de stimuler le tourisme dans les régions moins développées. À l’instar du réseau EuroVelo, il convient d’étendre ces itinéraires à d’autres secteurs et d’en faire une large promotion auprès des consommateurs, avec le soutien de fonds européens (par exemple, les routes du tourisme nautique). |
6. PILIER IV: Gouvernance et ressources: prochaine génération de politiques en faveur d’un tourisme et de transports durables
6.1. |
Le CESE se félicite de la communication, opportune et nécessaire, sur le tourisme et le transport européens en 2020 et au-delà (9). Les enseignements tirés devraient amener les institutions de l’UE et les États membres à repenser les politiques actuelles en matière de tourisme et de transport en s’appuyant sur de nouvelles compétences partagées de l’UE, sur une base volontaire, au moyen d’une coopération renforcée entre les gouvernements intéressés et les autorités à divers niveaux. Cet objectif pourrait être atteint avec la participation active des partenaires sociaux et des organes consultatifs de l’UE et des États membres, ainsi que grâce au lancement d’une Année européenne consacrée au tourisme durable. |
6.2. |
Le CESE souligne que nous avons besoin de toute urgence d’une politique de l’UE à moyen et à long terme qui soit efficace, afin de rétablir la confiance des individus et de la société dans son ensemble dans la possibilité de voyager en toute sécurité dans l’ensemble de l’Union européenne. Cette politique doit couvrir les autres écosystèmes du tourisme européen, tels que l’hébergement, l’alimentation, la santé et la sécurité, le commerce, les télécommunications et l’agriculture. Dans l’UE, le tourisme et les transports font partie des écosystèmes les plus durement touchés par la COVID-19. |
6.3. |
Afin de rétablir la confiance, et de relancer et d’augmenter la fréquentation touristique, le CESE est favorable à l’utilisation d’un «passeport européen de santé» (à l’instar du formulaire de localisation des passagers et de codes QR) dans le cadre d’une «plateforme européenne multilingue et interopérable d’assistance sanitaire». Les citoyens pourraient utiliser le code QR pour accéder aux informations et aux services de santé dans le pays où ils séjournent et disposer d’un accès en urgence aux systèmes de santé et de sécurité sociale. |
6.4. |
Le formulaire de localisation des passagers, axé sur les tests et le partage de données au niveau de l’UE, a été mis en place en Grèce afin d’accueillir des visiteurs de l’Union européenne et de quelques autres pays, dans le cadre d’une stratégie visant à parvenir à un équilibre entre la santé publique, la surveillance épidémiologique et les avantages socio-économiques liés au flux de voyageurs. Ce formulaire repose sur les deux piliers suivants:
|
6.5. |
Le CESE invite toutes les institutions européennes et nationales concernées à élaborer un plan d’action pluriannuel de l’UE immédiatement après la phase d’urgence. Ce plan d’action doit repenser complètement l’élaboration de la politique de l’UE en matière de tourisme et de transport et faciliter la coordination du tourisme au sein du marché intérieur, ainsi que les flux touristiques internationaux provenant du monde entier. |
6.6. |
Le formulaire en ligne de localisation des passagers a été élaboré compte tenu de ces deux piliers et il permet, conjointement avec l’outil d’intelligence artificielle EVA:
|
6.7. |
Le CESE accueille et soutient pleinement les propositions formulées dans la communication ainsi que la vision à moyen et à long termes adoptée par la Commission européenne dans le cadre du plan «Next Generation EU» et dans le budget global de l’UE pour la période 2021-2027, qui nécessiteront des mesures budgétaires appropriées. En particulier, ces mesures devraient être axées sur la mise en œuvre de la prochaine génération de politiques et de programmes en faveur d’un tourisme et des transports durables, y compris des plans d’entreprise nationaux pour le secteur du tourisme destinés à renforcer les capacités des PME, des organisations représentatives et des partenaires sociaux, tout en tenant suffisamment compte des autres priorités de l’UE qui ne sont pas nécessairement liées à la pandémie. |
6.8. |
Pratiques prédatrices des compagnies aériennes: qu’elles voyagent dans le cadre de leurs loisirs ou pour des raisons professionnelles, les personnes dont le vol est annulé par les compagnies aériennes peu de temps après le paiement perdent de l’argent. Les compagnies aériennes décident, sans en informer au préalable leurs clients, de maintenir ou d’annuler des liaisons, des vols et des créneaux. Les clients se retrouvent empêtrés dans des procédures de bons de voyage et de réacheminement. Les remboursements sont trop longs et représentent moins de 20 % du volume total des réservations annulées, privant les consommateurs et les entreprises de liquidités précieuses. |
6.9. |
Le CESE constate avec inquiétude l’équilibre fragile entre les droits des consommateurs et les problèmes de liquidité des compagnies aériennes dus à l’annulation de vols dans le contexte de la COVID-19. Le CESE invite les compagnies aériennes, les passagers et les autorités nationales et de l’Union à trouver des solutions appropriées au cours de la période de transition après la pandémie en ce qui concerne les délais de remboursement ou les autres options. Le Comité désapprouve les pratiques illégales de certaines compagnies aériennes, qui ne proposent parfois que des bons d’achat ou de nouvelles réservations. Le CESE demande instamment aux compagnies aériennes de se conformer à la législation européenne relative aux droits des passagers [règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil (10)], y compris le droit de bénéficier d’un remboursement intégral après l’annulation par la compagnie aérienne. |
6.10. |
Une approche harmonisée de l’émission des bons d’achat et des remboursements est nécessaire à l’ensemble du secteur du tourisme, y compris aux activités touristiques individuelles, qui ne sont actuellement pas concernées et dans lesquelles les traitements diffèrent selon les secteurs et les États membres. |
6.11. |
Un dialogue social intensif générant des conventions sectorielles actualisées couvrant tous les salariés est nécessaire pour le secteur du tourisme, en particulier à l’ère de la COVID-19 et au lendemain de celle-ci; il en va de même dans le secteur des transports. C’est là le meilleur moyen de protéger efficacement les salariés de ces secteurs et de préserver la paix sociale, en aidant ainsi les entreprises à risque. L’ensemble des parties concernées doivent déployer tous les efforts nécessaires pour renforcer le dialogue social et les négociations collectives à tous les niveaux du secteur. |
6.12. |
Des politiques sources de valeur ajoutée doivent être coordonnées avec les programmes nationaux de relance du tourisme au niveau de la Commission européenne afin de reconstruire le secteur européen du tourisme. Cela devrait naturellement être lié à la coordination des programmes nationaux de lutte contre la crise et à la reconstruction des transports aériens, maritimes et par autocars, qui sont considérablement affectés dans de nombreux pays de l’UE (Pologne, Italie, Espagne et autres). |
6.13. |
Un dialogue social intensif est nécessaire, notamment avec les organisations de PME, pour négocier des conventions collectives sectorielles actualisées pour le secteur du tourisme et des transports, car elles apporteront la paix sociale et, grâce aux solutions convenues, seront le moyen le plus efficace de protéger les travailleurs et d’aider ainsi les entreprises à risque et l’ensemble du secteur. |
6.14. |
Pour que l’industrie touristique puisse redémarrer et se développer, il faut adopter une approche globale en ce qui concerne les aptitudes et les certifications qui ne sont pas toujours harmonisées entre les pays, notamment dans les domaines où il n’y a pas de reconnaissance mutuelle (par exemple, les permis des capitaines de navires de commerce de petite taille). |
6.15. |
Les partenaires sociaux européens dans les domaines des services touristiques et des transports devraient coordonner leurs efforts pour parvenir à un accord sur les normes sociales dans ces secteurs. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) La Grèce réalise 7 000 tests par jour et nous sommes en mesure d’affiner l’incidence de la maladie dans les pays les plus problématiques de manière très fiable.
(2) https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/RC-9-2020-0166_FR.html
(3) COM(2020) 550 final.
(4) https://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=tour_cap_nuts2&lang=fr
(5) EPRS_ATA(2020)649368_EN.
(6) Avis TEN/710 — «Année européenne du rail (2021)» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 149).
(7) Voir note de bas de page 6.
(8) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016DC0356&from=FR
(9) COM(2020) 550 final.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/227 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Réexamen de la gouvernance économique — Rapport sur l’application des règlements (UE) no 1173/2011, no 1174/2011, no 1175/2011, no 1176/2011, no 1177/2011, no 472/2013 et no 473/2013 et sur l’adéquation de la directive 2011/85/UE du Conseil
[COM(2020) 55 final]
(2020/C 429/28)
Rapporteure: |
Judith VORBACH |
Corapporteur: |
Tommaso DI FAZIO |
Consultation |
Commission européenne, 9.3.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
20.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/0/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE se félicite de la révision du cadre de gouvernance économique à l’examen, car il était nécessaire de le remanier. Nous traversons actuellement une phase historique, dans laquelle il est urgent de donner un nouvel élan aux valeurs fondatrices de l’Union européenne et de parvenir à une véritable union économique et sociale, afin de jeter les bases d’une union politique bâtie sur la démocratie et la cohésion. L’Union européenne doit démontrer qu’elle est une communauté fondée sur la solidarité qui a pour but de promouvoir le bien-être de la population, comme le prévoit le traité sur l’Union européenne (TUE) (1) (2). La crise de la COVID-19 constitue un choc énorme, qui exige de mobiliser à plein les capacités financières. Il est indispensable d’œuvrer dans une même optique pour circonscrire les conséquences économiques et sociales de cette pandémie et pour répartir équitablement, entre les États membres comme au sein de chacun d’eux, le poids des dommages qui en résultent. D’importantes mesures à court terme ont déjà été mises en place, telles que l’activation de la clause dérogatoire générale du cadre budgétaire. Au lieu d’un «retour à la normale» précipité, le CESE recommande d’opérer un «virage» vers un cadre révisé de gouvernance économique tel qu’il est présenté dans le présent avis. |
1.2. |
Le CESE souligne que, pour être complet, ce deuxième réexamen quinquennal des mesures spécifiques introduites depuis la crise financière et connues sous le nom de paquets législatifs «à six composantes» (six-pack) et «à deux composantes» (two-pack), devrait également couvrir l’ensemble des règles établies depuis 2010 en vue d’assurer la mise en œuvre des politiques économiques et financières des États membres, leur coordination plus étroite et leur convergence accrue. Le Comité appelle également à débattre de la question centrale de l’orientation à donner à la gouvernance économique lors de la prochaine conférence sur l’avenir de l’Europe. Dans ce contexte, il conviendrait de ne pas considérer comme un sujet tabou que les dispositions sur la gouvernance économique qui sont inscrites dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne fassent l’objet d’une adaptation à la situation économique qu’elle connaît actuellement. Par exemple, malgré une politique monétaire très expansionniste, l’Union européenne est confrontée à un risque de déflation. |
1.3. |
Le CESE estime qu’un réexamen sérieux de la gouvernance économique exige une révision complète des objectifs de politique économique. Il plaide en faveur d’une gouvernance économique axée sur la prospérité, qui accorde la priorité au bien-être social et économique des citoyens, de manière à ne laisser personne de côté. Aussi appelle-t-il de ses vœux une politique économique équilibrée, qui accorde la même importance à la réalisation de toute une série d’objectifs politiques essentiels tels que la croissance durable et inclusive, le plein emploi et le travail décent, la répartition équitable des ressources matérielles, la santé publique et la qualité de vie, la durabilité environnementale, la stabilité des marchés financiers, celle des prix, l’équilibre dans les relations économiques extérieures, une économie sociale de marché compétitive et la stabilité des finances publiques. Dans le cycle de l’économie, l’essor des investissements publics et privés représente à la fois la condition et la conséquence d’un environnement économique stable. |
1.4. |
La stabilité des finances publiques installe un climat de résilience économique et de confiance et est dans l’intérêt de chaque État membre. Elle dépend toutefois de nombreux paramètres et, dans bien des cas, ne peut être pilotée au niveau national. Les efforts visant à réduire les dépenses publiques, surtout s’ils sont mal conçus, sont susceptibles d’avoir des effets négatifs à court et à moyen terme sur d’autres grands objectifs stratégiques ainsi que, le cas échéant, d’agir négativement sur d’autres États membres. Les règles budgétaires et recommandations par pays actuellement en vigueur ont abouti à restreindre les dépenses des gouvernements et les investissements publics, en particulier dans les systèmes de santé, prolongeant ainsi la crise économique et créant des difficultés considérables pour de nombreux citoyens. Cette manière d’appliquer les règles s’est révélée produire, en partie, des effets procycliques. En période de récession, elles ont même accentué le repli des économies, mettant de nouveau les finances publiques sous pression. Une gouvernance économique fondée sur la solidarité devrait être mise en œuvre de manière à ce qu’un État membre ne soit pas sanctionné, mais qu’il puisse renforcer sa résilience face à la crise et parvenir à une croissance et des finances publiques qui soient durables et inclusives. |
1.5. |
Le CESE demande à la Commission de mettre en chantier une réforme de la gouvernance économique européenne qui permette, en particulier en situation de crise, d’éviter les effets asymétriques dans les États membres et de ne laisser personne de côté. Il s’impose de prendre des mesures résolues pour encourager la relance économique en mettant en œuvre la règle d’or, ainsi qu’en activant et en coordonnant de vastes plans d’investissement. Pour répondre à la crise de la COVID-19, il convient de mettre en place des politiques contracycliques à caractère exceptionnel, tant au niveau de l’UE qu’à l’échelon national. Le CESE recommande de manière pressante d’affronter la crise en se fondant sur la solidarité, comme indiqué dans sa résolution de juin 2020 (3). Il est indispensable d’investir dans des secteurs essentiels et prioritaires, tels que les infrastructures matérielles et immatérielles, en ciblant pour l’heure celles de santé, la formation à tous les niveaux, en particulier la formation professionnelle et celle tout au long de la vie, la reprise écologique et l’énergie, ainsi que la recherche, tout particulièrement afin de résoudre les crises climatique et sanitaire et de définir un cadre équitable pour la concurrence internationale. La meilleure façon de procéder serait de revoir et de rééquilibrer le cadre de gouvernance économique de la manière suivante: |
1.6. |
rendre les finances publiques viables à long terme et éliminer les déséquilibres macroéconomiques:
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1.7. |
veiller à ce que les politiques budgétaires garantissent la durabilité tout en permettant une stabilisation à court terme:
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1.8. |
mener des réformes clés et stimuler les investissements durables:
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1.9. |
proposer un cadre de gouvernance économique fondé sur la solidarité et la responsabilité:
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1.10. |
assurer une gouvernance économique équilibrée par l’approfondissement de l’Union économique et monétaire (UEM) dans les domaines suivants:
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2. Contexte
2.1. |
À la suite de la crise financière de 2008, le train de mesures législatives «à six composantes» (six-pack), de 2011, a encore durci les exigences du pacte de stabilité et de croissance. Le volet préventif de cet ensemble de mesures prévoit que les États membres qui s’écartent de leur objectif budgétaire à moyen terme sont tenus d’améliorer chaque année leur solde budgétaire structurel d’au moins 0,5 % du PIB. En outre, il introduit un critère de dépenses. Pour les États dont le niveau d’endettement excède 60 % du PIB, le train de mesures impose également une trajectoire de réduction de la dette d’environ un vingtième par an, étant entendu qu’en cas de non-respect des objectifs, une procédure pour déficit excessif sera lancée au titre du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance. Il a par ailleurs institué la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM). D’une manière générale, des sanctions sévères ont été prévues en cas de non-respect des dispositions prévues par le pacte de stabilité et de croissance et le train de mesures «à six composantes» (4). La surveillance des indicateurs budgétaires et macroéconomiques a été intégrée dans le Semestre européen et s’inscrit dès lors dans le cadre d’un calendrier. Le train de mesures législatives «à deux composantes», de 2013, a mis en place un cadre pour les États membres qui connaissent ou ont connu des difficultés financières. Il a également prévu que les projets de budget des États membres de la zone euro fassent l’objet d’un examen spécifique avant leur adoption par les parlements nationaux. |
2.2. |
La Commission procède à un réexamen du cadre de gouvernance économique et, en particulier, des trains de mesures législatives «à six» et «à deux composantes». Dès avant la crise de la COVID-19, elle avait souligné que le contexte avait changé, faisant observer que le potentiel de croissance, les taux d’intérêt et l’inflation étaient plus faibles et qu’il fallait tenir compte de la nécessité de veiller davantage aux impératifs climatiques et de s’adapter à la numérisation et au vieillissement démographique. Si la Commission a dressé un bilan positif de la procédure de déficit excessif, puisque tous les États membres avaient respecté le critère d’un solde budgétaire déficitaire ne devant pas excéder 3 % du PIB, elle a toutefois reconnu que le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance n’avait eu qu’une efficacité limitée, dans la mesure où certains États membres présentaient encore des déficits qui n’offraient pas une marge de sécurité suffisante par rapport audit critère. Les taux d’endettement rapportés au PIB ont certes baissé dans l’ensemble de la zone euro, mais les écarts entre États membres se sont creusés. |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE se félicite du processus de révision quinquennale obligatoire du cadre de gouvernance économique qui fait l’objet du présent avis. Il coïncide cette année avec la plus grave crise qui se soit produite en temps de paix depuis un siècle. Ce réexamen doit tenir compte des répercussions de pareil choc et proposer des solutions équitables pour un cadre de gouvernance qui rétablisse la croissance et la prospérité dans tous les États membres. Cet objectif ne peut être atteint que si chacun d’entre eux soutient fermement une véritable union économique et sociale, laquelle constitue le fondement d’une union politique basée sur la démocratie, la cohésion, l’assistance mutuelle, la solidarité et la responsabilité. La communication de la Commission est toutefois incomplète, car elle s’attache essentiellement à évaluer les trains de mesures «à six» et «à deux composantes» et n’accorde pas la même attention aux autres dispositions adoptées pour favoriser la coordination des politiques économiques. Le Comité appelle à débattre, lors de la conférence sur l’avenir de l’Europe, de la question centrale que constitue la manière de moderniser la gouvernance économique. L’adaptation des dispositions sur la gouvernance économique figurant dans le traité sur le fonctionnement de l’UE ne devrait pas être un sujet tabou. Étant donné que les thèmes soumis au débat public (voir le chapitre 4) sont formulés d’une manière qui limite la possibilité d’obtenir une vue d’ensemble de la question, le CESE a choisi d’exposer ses réflexions générales dans le présent chapitre. |
3.2. |
Le CESE plaide en faveur d’une gouvernance économique axée sur la prospérité, qui accorde la priorité au bien-être social et économique des citoyens, de manière à ne laisser personne de côté. Aussi le CESE appelle-t-il de ses vœux une politique économique équilibrée qui mette en avant toute une série de visées fondamentales de la politique économique et sociétale qui sont fortement corrélées et auxquelles il accorde la même importance: croissance durable et inclusive, plein emploi et travail décent, répartition équitable des ressources matérielles, santé publique et qualité de vie, durabilité environnementale, stabilité des marchés financiers et des prix, équilibre dans les relations économiques extérieures, économie sociale de marché compétitive (5) et finances publiques stables. Ces objectifs sont cohérents tant avec ceux énoncés à l’article 3 du traité sur l’Union européenne qu’avec les actuels objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. |
3.3. |
S’agissant des mesures politiques, cette position a comme corollaire qu’il convient, premièrement, d’instaurer une croissance durable et inclusive en accroissant la demande et, partant, la production au moyen d’une consommation durable et d’investissements productifs, deuxièmement, de s’attaquer aux inégalités sociales en garantissant un niveau élevé de protection sociale, des emplois de qualité et des salaires décents au sein de l’UE dans son ensemble, et, troisièmement, de lutter contre les crises climatiques et sanitaires en encourageant le public et le privé à investir dans les technologies numériques, les soins de santé, les économies d’énergie, les infrastructures, la formation, ainsi que la recherche et le développement. La stabilité des finances publiques et la capacité à stimuler la demande au cours des périodes de contraction de l’économie sont dans l’intérêt de chaque État membre. Toutefois, les objectifs de politique économique sont fortement corrélés et de nombreux paramètres ne peuvent être gérés au niveau national. Une gouvernance économique fondée sur la solidarité devrait aider les États membres à parvenir à une croissance et à des finances durables et inclusives et à devenir résiliente face aux crises. |
3.4. |
Le CESE déplore que la gouvernance économique menée jusqu’à présent ait principalement cherché à assurer la stabilité des finances publiques en réduisant le déficit et la dette des États membres. Il reconnaît que la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques et le Semestre européen ont pu contribuer à ce que soient formulées des recommandations par pays qui visent à promouvoir les réformes structurelles. Pour mettre en œuvre une politique économique équilibrée, il sera important que ces outils ciblent également les principaux objectifs de la politique économique et sociétale (voir paragraphe 3.2) et jouent un rôle plus important et efficace dans toute réforme de la gouvernance. La stratégie pour une croissance durable, quant à elle, prend en compte l’environnement, la productivité, la stabilité et l’équité. Néanmoins, le déséquilibre procédural subsiste: la stratégie pour une croissance durable est un processus non contraignant fondé sur le principe du blâme devant les pairs, tandis que le pacte de stabilité et de croissance offre une procédure assortie de délais clairement définis et de sanctions spécifiques (voir paragraphe 4.7.1). |
3.5. |
Des économies dans lesquelles les politiques budgétaires nationales reconnaissent la nécessité de constituer en période de croissance des réserves sur leurs rentrées, tout en consentant les investissements nécessaires pour garantir la prospérité future, seront plus résilientes pour lutter contre les effets négatifs d’une récession économique. Si elle est mal conçue et mal appliquée, une démarche tendant à l’équilibre des budgets, en particulier lorsque les États se trouvent encore dans la phase initiale de la reprise, réduit dangereusement la marge de manœuvre disponible pour la politique budgétaire et, si cette opération n’est pas effectuée de façon coordonnée au sein de la zone euro, entraîne également une baisse considérable de la demande dans d’autres États membres. Dans la zone euro, l’ajustement réalisé par l’action budgétaire nationale revêt une importance particulière, étant donné que les États membres n’ont pas la possibilité de recourir aux politiques monétaires, ni à celles en matière de taux d’intérêt et de change. Certaines mesures d’assainissement budgétaire simultané qui ont été appliquées dans l’ensemble de l’UE ont prolongé la crise économique et financière jusqu’en 2014 et bien des gens ont été durement éprouvés par les coupes opérées pendant la récession. Bien que les indicateurs sociaux se soient globalement améliorés dans la zone euro entre 2014 et 2020, ils sont restés en deçà des niveaux d’avant la crise dans plusieurs États membres. Les investissements publics ont régressé eux aussi, passant de 3,7 % du PIB en 2009, à 2,7 % en 2017. De plus, ces interventions ont eu des répercussions négatives sur la croissance du PIB et, partant, sur le taux d’endettement par rapport à lui. Un élément auquel la Commission doit prêter davantage attention est que le ralentissement de la croissance a pour effet de détériorer la situation. Le CESE se réfère à cet égard aux recommandations qu’il a formulées précédemment (6) concernant le réexamen des règles, et qui n’ont pas encore été prises en compte. |
3.6. |
Aujourd’hui, comme très probablement aussi dans un futur proche, maintenir la stabilité des prix revient en réalité à prévenir la déflation plutôt que l’inflation. La politique monétaire est essentielle pour la stabilité des budgets publics et de l’économie dans son ensemble. Il convient de consolider le rôle éminent que joue la Banque centrale européenne en tant que prêteur en dernier ressort, afin que les États ne dépendent pas exclusivement d’un refinancement par les marchés financiers. Le CESE salue les mesures qu’elle a prises, dans le contexte de la crise de la COVID-19, pour garder sous contrôle les différentiels de taux sur le marché obligataire. Face à une situation d’urgence économique, elle doit être prête à étendre l’assouplissement quantitatif. Toutefois, si l’on veut que la politique économique soit équilibrée, il serait utile d’appliquer à celle menée en matière monétaire un objectif non seulement d’inflation mais aussi de croissance durable et inclusive. |
3.7. |
Pour répondre à la crise liée à la COVID-19, il convient d’adopter une politique contracyclique commune, volontariste et de nature exceptionnelle, afin de prévenir le chômage de masse et d’augmenter, le cas échéant, les ressources et le personnel des services d’intérêt général et des infrastructures publiques, en particulier dans les systèmes de sécurité sociale et de soins de santé. Dès lors que les enseignements de la crise financière de 2008 comme de la pandémie de 2020 nous obligent à conclure que des situations tout aussi graves pourraient bien se reproduire dans le futur, il importe d’approfondir l’Union économique et monétaire (voir paragraphe 4.6). Le CESE réaffirme que lorsqu’elle est confrontée à une crise, l’Union européenne doit montrer qu’elle est une communauté qui ne fédère pas seulement des intérêts économiques, mais qui est aussi, et surtout, basée sur la solidarité (7). Les politiques de l’UE doivent être régies par ce principe, de même que par celui de promouvoir le bien-être des peuples européens, tel qu’il est défini dans le traité sur l’Union européenne (TUE) (8). |
3.8. |
Le CESE se félicite de l’activation de la clause dérogatoire générale prévue par le cadre budgétaire, laquelle constitue une possibilité que le train de mesures «à six composantes» a fort heureusement mise à la disposition de tous les États membres. La question est de savoir dans combien de temps il sera exigé de renouer avec les règles budgétaires «normales». Le CESE met en garde contre un «retour à la normale» trop rapide, car il pourrait déclencher une nouvelle récession. Au lieu d’un «retour», le CESE recommande d’amorcer un «virage» vers un cadre de gouvernance économique révisé selon les modalités indiquées ci-dessous. |
4. Observations particulières sur les questions soulevées dans la consultation publique organisée par la Commission européenne
Comme indiqué au paragraphe 3.1, le CESE souligne que les thèmes soumis au débat public sont formulés d’une manière qui limite la capacité à obtenir une vue complète de la question. Les réponses spécifiques présentées ci-après doivent être abordées en lien avec les considérations générales qu’il a formulées, dans le chapitre 3 du présent avis, sur le cadre de gouvernance économique.
4.1. Améliorer le cadre pour garantir la viabilité des finances publiques à long terme et éliminer les déséquilibres macroéconomiques
4.1.1. |
La Commission continue de plaider en faveur d’un volet préventif efficace et d’une mise en œuvre rapide des recommandations de politique budgétaire sans suggérer de solutions aux difficultés que rencontrent un certain nombre d’États membres, ni aborder les conséquences de cette approche pour d’autres objectifs économiques essentiels. Il s’est avéré extrêmement difficile d’atteindre le critère relatif à l’endettement, en particulier dans les États membres fortement endettés où la croissance est faible, l’inflation basse et les coûts de financement de la dette élevés. Réduire les dépenses courantes et les investissements publics pour se conformer à l’objectif à moyen terme induit de lourdes répercussions, sous la forme d’un recul des dépenses sociales, de l’emploi et de la croissance économique. Toutefois, la crise économique actuelle constitue un signal d’alarme, qui nous appelle à dégager une marge de manœuvre budgétaire offrant la possibilité de mener une politique contracyclique. |
4.1.2. |
Le CESE souligne que ce n’est pas en rendant les procédures plus strictes qu’on pourra garantir un financement durable, mais en modifiant les perspectives de la politique économique. Le cadre de gouvernance de l’UE a un rôle essentiel à jouer pour permettre aux États membres de progresser sur la voie d’une consolidation de leurs finances publiques et les aider à rétablir un équilibre à long terme entre les dépenses et les recettes publiques. En premier lieu, il doit viser à une croissance durable et inclusive et tenir compte des multiplicateurs budgétaires. Lorsque le PIB ralentit, des mesures de relance budgétaire sont susceptibles d’accélérer les rentrées et de diminuer le ratio d’endettement par rapport audit PIB. Une croissance plus forte crée une marge de manœuvre pour des investissements accrus et un financement suffisant du socle social et, partant, stimule la demande. À cet égard, il pourrait aussi être utile d’effectuer une analyse complémentaire pour déterminer dans quelle mesure l’amélioration des indicateurs budgétaires est due au cadre de gouvernance de l’économie ou à une évolution favorable de la situation économique. |
4.1.3. |
Deuxièmement, il convient d’insister davantage sur l’augmentation des recettes que sur la réduction des dépenses. En plus de limiter la structure des recettes et de fausser la concurrence, les pressions visant à diminuer la taxation des facteurs de production mobiles, combinées avec l’évitement fiscal agressif et la fraude à l’impôt, poussent aussi à opérer une limitation des dépenses dans le secteur des services sociaux, de l’éducation et de la santé, qui est souvent considérée comme le moyen le plus simple de réduire la dette à court terme. Il s’impose de combattre ce travers au moyen de politiques fiscales coordonnées, afin de préserver des budgets publics viables d’une manière qui soit équitable. Si les mesures contre la fraude à l’impôt ont déjà pour effet de soulager considérablement les budgets publics, on estime toutefois que celle concernant la TVA et les manœuvres pour éluder cette taxe entraînent à elles seules une perte de 147 milliards d’euros (9) par an, alors que la somme des déficits de l’ensemble des États membres de l’UE pour 2018 s’élevait à 114 milliards d’euros. |
4.1.4. |
Troisièmement, il convient d’accorder la même importance aux excédents et aux déficits dans le cadre de la gouvernance économique. Il s’agit là de la seule façon de remédier aux déséquilibres entre États membres. Il y a lieu de se féliciter des déclarations de la Commission affirmant que rééquilibrer les balances courantes dans la zone euro pour les déficits comme les excédents contribuerait à la convergence vers le haut et aurait une incidence positive sur la croissance nominale. Certains États membres auraient effectivement dû réduire les excédents de leur balance courante en menant des politiques plus expansionnistes visant à stimuler la demande intérieure, mais ils n’en ont rien fait. Par ailleurs, il aurait fallu que d’autres États présentant des déséquilibres structurels en raison de faibles niveaux de productivité et de compétitivité intensifient leurs investissements dans la formation, augmentent leurs dépenses consacrées à la recherche et au développement et modernisent leurs activités productives. Ils n’ont toutefois pas été en mesure de le faire en raison de leurs ressources financières limitées. |
4.1.5. |
La prise en compte des ajustements liés à l’emploi et à l’évolution sociale dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques constitue une évolution bénéfique. En dépit du champ d’application de cette procédure, la surveillance a continué de s’appliquer à des aspects que la Commission juge pertinents pour la stabilité macroéconomique, tels que la productivité et la compétitivité. Cette perspective est trop étriquée, étant donné que les déséquilibres dans les secteurs sociaux risquent également de compromettre la stabilité macroéconomique. Par exemple, un taux de chômage élevé a des répercussions négatives sur la demande, sur le système financier, du fait des créances douteuses, et sur les finances publiques. Une attention accrue doit plus particulièrement être accordée au retard que, depuis 2010, l’augmentation des salaires accuse par rapport à la productivité du travail dans quinze États membres. Alors même que les effets négatifs de la crise climatique sur la viabilité macroéconomique peuvent être considérables, les aspects environnementaux sont passés sous silence. |
4.2. Mener des politiques budgétaires responsables qui préservent la viabilité à long terme, tout en permettant une stabilisation à court terme
4.2.1. |
La refonte du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance visait à garantir que les stabilisateurs automatiques puissent entrer en action en période de conjoncture défavorable. Si cette intention est louable, il n’en reste pas moins que les politiques sont restées procycliques. Une des principales raisons en est que beaucoup d’États membres ont connu des difficultés économiques de longue durée, de sorte qu’il a été difficile d’y mettre en œuvre une politique budgétaire contracyclique. Un autre motif réside dans les sérieux problèmes posés par les indicateurs, comme l’incertitude qui entoure la manière de définir l’écart de production et la diversité des méthodes de calcul appliquées pour estimer le PIB potentiel dans les différents États membres. En raison de la complexité des procédures destinées à évaluer le solde budgétaire structurel, les résultats sont soumis à des corrections répétées et de grande ampleur (10). On remarquera toutefois que le PIB lui-même est également le produit d’estimations statistiques qui sont susceptibles d’être entachées d’erreurs ou de faire l’objet de révisions majeures a posteriori. En outre, il n’est pas possible d’influer directement sur la valeur de ces indicateurs au moyen de mesures d’intervention. Le CESE recommande d’atténuer fortement l’influence considérable qu’ils exercent sur l’évolution de la politique économique actuelle et, en particulier, d’abandonner la notion de soldes budgétaires structurels. |
4.2.2. |
Une autre possibilité, qui pourrait s’avérer plus pertinente, serait de définir un indicateur reflétant la relation entre les dépenses à moyen terme et les tendances en matière de recettes. Par exemple, la croissance des dépenses nominales peut être ajustée en fonction du taux de croissance à moyen terme de la production potentielle, augmenté de l’objectif d’inflation défini par la BCE et corrigé pour les mesures discrétionnaires en matière de recettes. Toutefois, quelle qu’en soit la forme, les règles budgétaires sont toujours susceptibles de produire des scénarios défavorables. C’est pourquoi les écarts ne doivent pas déclencher d’effets automatiques, mais donner lieu à une analyse technique plus approfondie, qui tienne compte de l’ensemble des principaux objectifs de politique économique, et à un processus décisionnel auquel les parties prenantes concernées devront être associées (voir le paragraphe 4.4). En définitive, les déficits budgétaires résultent d’une multitude de facteurs, et il convient de tenir compte des spécificités nationales, de la situation économique générale et des interactions complexes entre les objectifs de politique économique. |
4.3. Encourager les réformes et les investissements essentiels pour relever les défis économiques, sociaux et environnementaux, tout en préservant les garde-fous contre les risques pesant sur la soutenabilité
4.3.1. |
Même lorsque des dispositions relatives aux investissements et aux réformes structurelles ont été intégrées dans le pacte de stabilité et de croissance, il n’a pas été possible d’empêcher une baisse des montants investis par les pouvoirs publics pendant les périodes d’assainissement budgétaire. S’il est judicieux d’assouplir les conditions d’application des règles budgétaires, cette mesure s’est toutefois avérée insuffisante. C’est la raison pour laquelle le CESE recommande d’appliquer la «règle d’or» aux investissements publics, afin de préserver la productivité et le socle social et écologique qui sont nécessaires pour le bien-être des générations futures. En d’autres termes, il faut exclure du calcul des indicateurs de déficit pertinents les ressources nettes investies pour l’avenir. Il est incompréhensible que dans le cas des investissements publics, l’amortissement ne s’effectue pas sur une période clairement définie, en fonction de la durée de vie utile de l’actif, comme c’est le cas pour ceux du privé. |
4.3.2. |
Des actifs publics sont nécessaires pour garantir la prospérité, générer des recettes dans le futur et assurer la compétitivité à long terme. Ce constat vaut plus particulièrement pour la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe et la réalisation d’infrastructures modernes dans les domaines de la santé, de l’éducation et des technologies. Étant donné que cette démarche garantit aussi la durabilité économique, sociale et environnementale pour les générations futures, qui tireront parti de ses retombées potentielles, il est justifié qu’elles contribuent à l’effort financier déployé pour investir de la sorte. Il est également possible d’atténuer les déséquilibres macroéconomiques en consentant des investissements importants pour l’avenir. En outre, les investissements publics représentent un outil important pour promouvoir des politiques contracycliques mais favorables à la croissance, tandis que stimuler la demande favorise une croissance durable à court terme. |
4.3.3. |
Le CESE recommande par ailleurs d’élaborer un plan d’investissement stratégique commun qui couvre un large éventail de domaines, allant de la lutte contre la crise climatique au développement des secteurs technologiques, en passant par le soutien apporté aux changements structurels dans les secteurs traditionnels de l’industrie et la modernisation des services sociaux. Le Comité accueille favorablement l’annonce du renforcement d’InvestEU, et la création d’une facilité d’investissement stratégique et d’un instrument de solvabilité, ainsi que de l’instrument de relance qui est prévu et de la mise à disposition de fonds par la Banque européenne d’investissement, comme décidé en avril 2020. Comme toujours, l’aide et les garanties publiques doivent être transparentes et il convient de les évaluer sous l’angle de visées sociales, environnementales et budgétaires. |
4.4. Un cadre de l’Union européenne plus simple et plus transparent, axé sur la surveillance des États membres confrontés à des défis plus urgents et garantissant un dialogue de qualité
4.4.1. |
La complexité du dispositif de réglementation est symptomatique de la difficulté que pose la prise en compte d’évolutions très différentes dans le cadre de règles uniformes. En lieu et place, le CESE recommande d’établir un ensemble clair d’indicateurs et, lorsqu’ils révèlent des écarts importants, de prévoir une analyse détaillée qui porte sur tous les États membres et concerne tant les excédents que les déficits. Il est illogique d’infliger des sanctions pécuniaires, en particulier dans le cadre d’une procédure de déficit excessif: les atteintes ainsi portées à la réputation du pays concerné peuvent avoir pour effet d’en fragiliser encore davantage la solvabilité et la compétitivité. Imposer ainsi des sanctions amplifie en outre les forces centrifuges et il ne sera pas possible d’approfondir l’Union économique et monétaire sans solidarité. La gouvernance économique devrait être mise en œuvre de manière à ce qu’un État membre ne soit pas sanctionné, mais qu’il puisse s’assurer des finances publiques durables. |
4.4.2. |
Plutôt que de débattre de différents types d’incitations, la gouvernance de l’économie doit se fonder sur une évaluation technique équilibrée, qui prenne en compte l’ensemble des grands objectifs de la politique économique, et sur un processus décisionnel large, démocratique et transparent. Il s’impose d’octroyer au Parlement européen un rôle beaucoup plus important dans les décisions qui se prennent actuellement au titre du cadre de gouvernance économique. Étant donné que de nombreux aspects du pacte de stabilité et de croissance ne concernent que la zone euro, un groupe spécifiquement chargé de l’UEM pourrait être créé au sein du Parlement. L’objectif devrait être d’accroître la transparence des décisions de l’Eurogroupe. |
4.4.3. |
Le CESE souligne par ailleurs qu’il y a lieu d’associer davantage la société civile à la prise des décisions économiques au niveau de l’UE et, en conséquence, il insiste aussi sur l’importance que revêt le dialogue social. En procédant de la sorte, il sera possible de mettre en place une politique économique équilibrée qui concilie tous les intérêts en présence et prenne mieux en compte les besoins fondamentaux. Compte tenu de la position qu’il occupe sur le plan économique et social, le CESE considère qu’il est l’organe européen compétent pour contribuer à une telle approche ascendante. Cependant, le titre VIII du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui traite de la politique économique et monétaire, ne mentionne aucunement le Comité, pas plus que ne le font les dispositions relatives au dialogue économique qui figurent dans les trains de mesures «à six» et «à deux composantes». Il conviendra de corriger cette omission dans toute modification future qui sera apportée aux dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne concernant la gouvernance économique et auxdits trains de mesures «à six» et «à deux composantes». |
4.4.4. |
En cas d’écart important par rapport aux indicateurs traduisant les objectifs de politique économique, il conviendrait d’effectuer une analyse plus détaillée et d’engager un dialogue d’égal à égal avec l’État membre concerné sur les raisons du déséquilibre et la mise en œuvre de mesures d’incitation positives. Le principal critère sur lequel doit reposer toute recommandation en la matière est la promotion d’une croissance inclusive et durable. Il est dans l’intérêt de l’État lui-même de corriger les écarts qu’il présente notamment par rapport au critère de déficit, par exemple en proposant une politique industrielle respectueuse de l’environnement, de sorte qu’il deviendra inutile de décréter des sanctions. |
4.5. Les cadres budgétaires nationaux et leur interaction avec celui de l’UE
4.5.1. |
Les règles du pacte budgétaire et les mécanismes de frein à l’endettement qui sont inscrits dans les constitutions de plusieurs États membres sont moins souples que la gouvernance économique au niveau de l’UE. Cette disparité peut non seulement générer de la complexité et des divergences, mais aussi amener à ce que l’on s’accroche, en matière de politique budgétaire, à des règles qui sont contre-productives. Au niveau des États membres aussi, le bon équilibrage du budget doit s’inscrire dans le cadre d’une politique économique visant à la prospérité. |
4.6. Prendre en compte la dimension relative à la zone euro et le programme d’approfondissement de l’Union économique et monétaire
4.6.1. |
Le CESE partage pleinement l’avis de la Commission quand elle estime que l’approfondissement de l’Union économique et monétaire améliorerait l’efficacité de la gouvernance économique. Il recommande d’en renforcer les différents piliers, monétaire et financier, économique, social et politique, d’une manière équilibrée (11). D’une manière générale, il convient d’élaborer, pour approfondir la zone euro, un plan qui aille au-delà des limites prévues par le traité de Maastricht. Il y a lieu de concentrer sans délai tous les efforts sur les visées fondamentales de la politique économique, afin qu’elle soit axée sur le bien-être. Les États membres qui n’ont pas encore rejoint la zone euro devront y adhérer et ce, le plus rapidement possible. Compte tenu de l’évolution actuelle, il convient, en particulier, d’accorder la priorité absolue à l’objectif de relance économique. |
4.6.2. |
Le CESE constate que la Commission mentionne à plusieurs reprises qu’en l’absence d’une capacité budgétaire centrale assortie d’éléments de stabilisation, il n’est possible de piloter l’orientation des budgets que dans une mesure qui reste limitée. Par le passé, le CESE a souligné qu’une capacité budgétaire accrue était essentielle à la bonne gestion de l’Union économique et monétaire. Il convient de mettre en place une politique économique anticyclique commune, qui vienne soutenir celles menées au niveau national. Un dispositif de stabilisation doit être mis en place, mais le soutien qu’il dispensera doit être subordonné au respect de critères qui s’inscrivent dans la ligne des objectifs de développement durable et du socle européen des droits sociaux. Si le mécanisme européen de stabilité (MES) est utilisé à cette fin, son intervention ne doit pas être soumise à des conditions qui nuisent à une croissance durable et inclusive. |
4.6.3. |
Le CESE soutient avec force l’idée d’enclencher la reprise sur la base de la solidarité, comme indiqué dans sa résolution de juin 2020 (12). À long terme, un instrument appuyé par des garanties communes des États membres de la zone euro, contribuerait à réduire les déséquilibres budgétaires. Toutefois, il ne pourra être considéré comme un actif sûr et résister aux crises majeures affectant la zone euro dans son ensemble que si la fraude fiscale ne vient pas grever davantage encore les recettes publiques. Le CESE recommande dès lors de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement visant à lutter contre la planification fiscale agressive et la fraude fiscale. Il conviendrait d’émettre un actif sûr au moyen d’un véhicule qui soit soumis à un contrôle démocratique et s’attache à soutenir le progrès social et la durabilité. Des obligations d’État communes réduiraient par ailleurs la fragilité du secteur financier. |
4.6.4. |
Les marchés financiers et les finances publiques sont étroitement corrélés. Les crises financières ont montré que les acteurs du marché étaient susceptibles d’accroître l’instabilité en augmentant les coûts d’emprunt pour les gouvernements en difficulté: pour recapitaliser des banques, ils peuvent se trouver contraints de procéder à un accroissement de leur endettement, lequel provoquera à son tour un affaiblissement de la confiance dans les finances publiques et la valeur des obligations qui les enfermera dans un cercle vicieux, mettant à nouveau la pression sur les banques. Tenter de prévenir ces risques en recourant essentiellement à des règles budgétaires restrictives, fait peser une contrainte encore plus néfaste sur les budgets publics. Pour atténuer efficacement le risque lié aux marchés financiers, il est en outre nécessaire d’approfondir l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux en privilégiant une réglementation opérante. En effet, la stabilité budgétaire se trouvera compromise si on ne contient pas les risques systémiques liés aux marchés financiers. Enfin, il est nécessaire de renforcer le rôle international de l’euro, en s’appuyant sur une Union économique et monétaire qui soit stable, économiquement forte et socialement équilibrée. |
4.7. L’interaction entre le pacte de stabilité et de croissance et la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques dans le cadre du Semestre européen
4.7.1. |
D’une manière générale, tant le Semestre européen que l’examen de la croissance durable et la gouvernance économique doivent être fondés sur les objectifs d’une politique économique qui vise à la prospérité. Si tel est le cas et que l’on adopte en outre une approche plus démocratique, le Semestre européen devrait revêtir un caractère plus contraignant. Un tableau de bord intégré, reflétant l’ensemble des objectifs sociaux, environnementaux, économiques et budgétaires, contribuerait à introduire une approche équilibrée. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur «L’avenir du Fonds de solidarité» (JO C 181 du 21.6.2012, p. 52).
(2) Traité sur l’Union européenne, article 3, paragraphe 1.
(3) Résolution sur les «Propositions du CESE pour la reconstruction et la relance après la crise de la COVID-19» (JO C 311 du 18.9.2020, p. 1).
(4) Cette procédure n’a encore jamais été utilisée, soit parce que la Commission s’est déclarée satisfaite des réformes proposées par l’État membre concerné, soit parce qu’elle a jugé politiquement irréalisable de le faire. Voir The European Semester for economic policy coordination: A reflection paper («Le Semestre européen pour la coordination de la politique économique: document de réflexion»), Parlement européen, octobre 2019, PE 624.440.
(5) Voir la conception de la compétitivité présentée dans l’avis du CESE sur les «Conseils nationaux de la compétitivité» (JO C 177 du 18.5.2016, p. 35).
(6) Voir les avis du CESE sur le «Réexamen de la gouvernance économique» (JO C 268 du 14.8.2015, p. 33), et le «Train de mesures sur l’Union économique et monétaire» (JO C 262 du 25.7.2018, p. 28).
(7) Voir note 1 de bas de page.
(8) Traité sur l’Union européenne, article 3, paragraphe 1.
(9) COM(2019) 8 final, p. 4.
(10) La nature incertaine des soldes structurels estimés peut être illustrée par le cas de l’Allemagne. En mai 2017, la Commission a estimé qu’entre 2016 et 2017, le solde s’était réduit de 0,25 %. Revue en mai 2018, l’estimation a montré que le solde budgétaire structurel avait augmenté de 0,35 % sur la période susmentionnée, conduisant à ce que la variation du solde structurel soit ajustée à hauteur de 0,6 % de la performance économique potentielle. Il s’agit d’un ajustement très important sachant que l’Allemagne est une économie relativement stable et qu’elle n’a pas connu de chocs majeurs en 2017.
(11) Avis du CESE sur «Une nouvelle vision pour achever l’Union économique et monétaire» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 32).
(12) Voir note 3 de bas de page.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/236 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion, au Fonds pour une transition juste et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds «Asile et migration», au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas
[COM(2020) 450 final — 2018/0196 (COD)]
et sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion
[COM(2020) 452 final — 2018/0197 (COD)]
(2020/C 429/29)
Rapporteur: |
Mihai IVAŞCU |
Saisine |
Conseil de l’Union européenne, 8.6.2020, 10.6.2020 Parlement européen, 17.6.2020 |
Base juridique |
Articles 177, 178 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
20.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
217/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Après le choc symétrique, exogène et sans précédent, qu’a infligé la pandémie de COVID-19, les prévisions indiquent qu’une flambée spectaculaire du chômage et de la pauvreté va se produire, tandis que les entreprises seront nombreuses à faire faillite. |
1.2. |
Le CESE soutient totalement l’initiative qu’a prise la Commission d’utiliser le budget de l’UE pour mobiliser les investissements et apporter un soutien financier durant la phase de relance de l’après-COVID-19. |
1.3. |
Parmi les États membres, la crise de la COVID-19 a provoqué des réactions non coordonnées, qui ont été fonction de leurs capacités nationales ou de celles de leurs régions. Le CESE considère que certaines modifications qu’il est préconisé d’apporter à la proposition de règlement portant dispositions communes sont absolument nécessaires et il se félicite de l’intention affichée d’apporter une simplification supplémentaire et un nouvel assouplissement dans les sept fonds relevant de la gestion partagée. |
1.4. |
Le CESE considère que les marges de flexibilité qui sont proposées constituent l’approche appropriée à adopter dans une situation économique et sociale difficile et qu’elles donneront aux États membres la possibilité d’affecter les fonds disponibles dans les domaines où ils sont les plus utiles. La reprise de l’après-COVID-19 devra respecter les principes de la durabilité et donner lieu à une coordination des efforts entre le FEDER, les Fonds de cohésion et les autres programmes européens. |
1.5. |
En revanche, le CESE exprime son insatisfaction face aux disparités qui existent dans la manière dont les différents États membres incluent et mobilisent les partenaires sociaux et les organisations de la société civile pour l’élaboration des accords de partenariat, tout comme pour la conception et la mise en œuvre des programmes, ainsi qu’au sein des comités de suivi. |
1.6. |
Le CESE juge qu’il s’impose d’accorder une attention particulière aux régions qui ont été gravement touchées par la crise de la COVID-19 et éprouvent les plus grandes difficultés pour renouer avec une reprise économique soutenue. L’inclusion sociale et la réduction des écarts tant entre les États membres qu’entre leurs différentes régions, constituent et doivent constituer la priorité absolue des Fonds de cohésion. |
1.7. |
Le CESE convient qu’une flexibilité accrue est absolument nécessaire en ce qui concerne l’échéancier et il soutient la proposition d’autoriser les transferts au début de la période de programmation ou à tout autre moment de la phase de mise en œuvre. |
1.8. |
En outre, arrêter des dispositions temporaires pour autoriser l’utilisation des Fonds dans des circonstances exceptionnelles aurait pour effet de renforcer la confiance et de corriger des déséquilibres dans l’économie. À défaut d’un soutien efficace par tous les moyens requis, les niveaux élevés que devrait atteindre la dette publique seront lourds de conséquences pour l’économie. |
1.9. |
Le Comité est d’avis qu’il est impératif de permettre que le budget de l’UE fasse preuve d’une plus grande souplesse pour traiter de chocs néfastes, en particulier lorsqu’ils ne sont pas d’origine économique. |
1.10. |
Le CESE préconise que l’Union européenne mène des politiques qui visent à une meilleure coopération transfrontière en temps de crise. Grâce à une amélioration des protocoles et à un renforcement de la coopération, il serait possible d’apporter une réponse européenne ordonnée et rapide face à tout type de catastrophe. |
2. Introduction et présentation de la proposition législative
2.1. |
Il y a plus de deux ans, la Commission européenne a présenté sa proposition de règlement portant dispositions communes (RPDC) (1), qui reprend des normes législatives communes applicables à l’engagement des fonds de la politique de cohésion pour la période 2021-2027. Le cadre législatif proposé introduit des simplifications et une dose supplémentaire de flexibilité pour répondre à certains besoins qui sont en train d’émerger et à un souci d’efficacité dans l’utilisation des instruments financiers. Le texte a été débattu avec les États membres et les acteurs intéressés. |
2.2. |
Le règlement proposé instaure des dispositions propres à ménager une marge de manœuvre dans l’utilisation faite du Fonds européen de développement régional, du Fond social régional européen plus, du Fonds de cohésion, du Fonds pour une transition juste et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche. Il modifie par ailleurs les règles financières qui s’appliquent aux fonds susmentionnés, ainsi qu’au Fonds «Asile et migration», au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas. Le CESE salue l’intention de simplifier et assouplir davantage les sept fonds à gestion partagée. |
2.3. |
Le choc provoqué par la pandémie de COVID-19, exogène, de type symétrique et d’une ampleur sans précédent, a eu pour effet que l’augmentation de la pression sur les systèmes de santé en Europe a immédiatement débouché sur de graves problèmes sociaux et économiques. Les prévisions annoncent une montée brutale du chômage et de la pauvreté, tandis que bon nombre d’entreprises feront faillite. |
2.4. |
Pour la période restante du cadre financier actuel, qui court jusqu’à la fin de l’année, l’Union européenne a arrêté sur-le-champ deux propositions législatives, pour apporter une riposte immédiate aux effets potentiels de la pandémie, en l’occurrence sous la forme de deux modifications au règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil (2), qui ont été adoptées respectivement le 30 mars et le 23 avril 2020 et se sont efforcées d’offrir aux États membres une certaine souplesse dans les efforts qu’ils déploient pour gérer les programmes en réaction à la crise de la COVID-19. |
2.5. |
Les discussions en cours sur la stratégie soutenue de sortie de crise se concentrent sur deux grands axes, le Fonds européen pour la relance et un vigoureux renforcement du cadre financier pluriannuel. Le règlement proposé va dans le sens d’un soutien aux investissements dans le cadre de la politique de cohésion pour le moyen et le long terme. |
2.6. |
Le CESE soutient totalement l’initiative qu’a prise la Commission d’utiliser le budget de l’UE pour mobiliser les investissements et apporter un soutien financier durant la phase de relance de l’après-COVID-19. Cet effort devrait venir appuyer des plans de plus grande envergure, visant à ce que l’économie européenne gagne en compétitivité et en durabilité et à mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux. |
2.7. |
L’actuelle crise de la COVID-19 a mis en lumière tout l’importance que revêtent la flexibilité et des réactions rapides et coordonnées de la part des États membres et de l’UE. Les leçons qui ont pu être ainsi tirées devraient trouver une traduction dans le nouveau cadre juridique et financier, qui doit faire la démonstration de sa souplesse et de de sa capacité à riposter aux situations exceptionnelles qui se produiront à l’avenir. |
3. Observations générales
3.1. |
Parmi les États membres, la crise de la COVID-19 a provoqué des réactions non coordonnées, qui ont été fonction de leurs capacités nationales ou de celles de leurs régions. Cet état de fait peut déboucher sur une reprise asymétrique et, dans le même temps, concourir à creuser les disparités et les inégalités entre les régions, lesquelles, sur le long terme, sont susceptibles de fragiliser le marché unique et d’entamer la stabilité financière de l’Union européenne. Le CESE estime qu’il capital d’agir sur-le-champ afin d’éviter toute progression du morcellement dans le marché unique et de faire droit à l’objectif d’encourager la convergence et de réduire les écarts qui figure dans les traités. |
3.2. |
La reprise économique exige de puissants investissements publics, qui pourraient être entravés par la forte pression exercée sur les finances des pouvoirs publics, de sorte que la récession s’en trouverait prolongée. Pour le prochain cadre financier pluriannuel, il sera donc absolument nécessaire d’apporter certaines modifications au règlement portant dispositions communes. |
3.3. |
Le Semestre européen est en rapport étroit avec les investissements relevant de la politique de cohésion, lesquels, en retour, sont propres à satisfaire les besoins cernés par le processus dudit Semestre et à contribuer activement à la relance de l’économie. Le CESE a insisté à maintes reprises sur «la nécessité de mettre en place un cadre européen commun — similaire à l’accord de partenariat au titre des Fonds structurels de l’UE — qui garantisse une participation forte et significative des partenaires sociaux et de la société civile au sens large à toutes les étapes de la conception et de la mise en œuvre du Semestre européen» (3). |
3.4. |
L’article 6 du règlement portant dispositions communes relatives aux sept fonds définit la manière dont chaque État membre devrait nouer des partenariats avec les pouvoirs régionaux et locaux compétents, en incluant dans sa démarche, au minimum, les autorités publiques urbaines et autres, les partenaires économiques et sociaux, ainsi que les organismes indiqués qui représentent la société civile, des partenaires environnementaux et des organisations de défense des droits fondamentaux. Tous les États membres se devraient d’associer ces parties prenantes à l’élaboration des accords de partenariat, ainsi qu’à la rédaction et à la mise en œuvre des programmes, et les intégrer dans les comités de suivi. |
3.4.1. |
Bien que ces directives soient claires, le CESE déplore les divergences qui existent dans la manière dont chaque État membre fait participer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à la démarche et les y inclut. Le CESE a déjà fait observer que «plusieurs États membres ont reçu, dans le cadre des recommandations par pays de cette année, des recommandations sur le renforcement du dialogue social. Afin d’encourager la participation des partenaires sociaux, il conviendrait d’introduire des normes minimales relatives à la consultation des partenaires sociaux nationaux par les gouvernements nationaux à différents stades du processus du Semestre européen» (4). |
3.5. |
En ce qui concerne la période actuelle de mise en œuvre, le CESE reconnaît que les bénéficiaires éprouvent certaines difficultés pour mener à bonne fin dans les délais les programmes qui ont été approuvés. La flexibilité constitue un facteur essentiel pour le bon déroulement et l’éventuelle prolongation de la période de mise en œuvre, tout en assurant un échelonnement correct des opérations. |
3.6. |
Le CESE considère que les marges de flexibilité qui sont proposées constituent l’approche appropriée à adopter dans une conjoncture économique et sociale difficile, où l’on s’attend à devoir faire face à des situations exceptionnelles durant la prochaine période de mise en œuvre. Il apparaît de plus en plus clairement que l’impact économique de la pandémie de COVID-19 aura des effets à long terme sur les États membres et que la dette constitue le seul moyen d’assurer une issue viable à cette situation. En conséquence, il est extrêmement utile de construire immédiatement le cadre nécessaire pour que tous les pays soient en mesure d’instiller plus de souplesse à leur stratégie de sortie de crise et d’affecter les fonds disponibles aux situations où ils sont les plus nécessaires. |
4. Observations particulières
4.1. |
Le CESE estime qu’il s’impose d’accorder une attention particulière aux régions qui ont été gravement touchées par la crise de la COVID-19 et font face aux plus grandes difficultés pour renouer avec une reprise économique soutenue. |
4.2. |
L’inclusion sociale et la réduction des écarts entre les États membres, ainsi qu’entre leurs différentes régions, constituent et doivent constituer la priorité absolue des fonds de cohésion. Ayant été touché de plein fouet par la crise de la COVID-19, le secteur du tourisme et celui de la culture doivent bénéficier d’un soutien spécifique. Par ailleurs, ces domaines d’activité ne sont pas les seuls à être concernés par la problématique de l’inclusion sociale, et les principes du socle européen des droits sociaux devraient jouer un rôle essentiel dans toute approche. En conséquence, le CESE est favorable à ce qu’un objectif distinct soit établi au titre de l’objectif stratégique 4 du FEDER. |
4.3. |
Le CESE se félicite de l’intention affichée d’accorder plus de souplesse aux États membres pour transférer certaines sommes entre différents fonds de l’UE, à tout moment où ils l’estimeront nécessaire. Il convient d’adapter rapidement le cadre juridique de la politique de cohésion en fonction des nouvelles réalités, afin que l’adoption et la mise en œuvre de mécanismes conçus à des fins spécifiques puissent s’effectuer aisément. Dans un contexte économique et social aussi difficile que le nôtre, cette flexibilité et la possibilité de déroger aux règles en vigueur pourraient s’avérer revêtir une importance capitale. En conséquence, le CESE apporte son soutien à l’habilitation donnée à la Commission européenne pour adopter les actes d’exécution nécessaires. |
4.4. |
Les modifications proposées accordent aux États membres une certaine souplesse pour demander des transferts des Fonds entre eux ou vers tout autre instrument, dans le contexte de la gestion tant directe qu’indirecte. Le CESE convient que la flexibilité étendue qui est accordée pour les délais est absolument nécessaire et adhère à la proposition que les transferts puissent être effectués au début de la période de programmation ou à tout autre moment durant la phase de mise en œuvre. |
4.5. |
Le pacte de stabilité et de croissance favorise la coordination entre les politiques budgétaires et le respect du principe de finances publiques saines, qui sont indispensables pour une reprise économique et une croissance qui soient stables. Le CESE estime que prendre des dispositions temporaires pour autoriser l’utilisation des Fonds dans des circonstances exceptionnelles aurait pour effet de renforcer la confiance et de corriger des déséquilibres dans l’économie. À défaut d’un soutien efficace par tous les moyens requis, les niveaux élevés que devrait atteindre la dette publique seront lourds de conséquences pour l’économie. |
4.6. |
Le CESE a la conviction que des mécanismes de complémentarité bien définis devraient exister entre les différents flux de financement européens. Une fois cet impératif posé, il conviendrait que la reprise de l’après-COVID-19 repose sur des principes durables et que le FEDER, les Fonds de cohésion et les autres programmes européens conjuguent leurs efforts d’une manière coordonnée. |
4.7. |
Le CESE se félicite de l’adjonction des «circonstances exceptionnelles et inhabituelles» en ce qui concerne les mesures liées à la bonne gouvernance économique. Eu égard à la souplesse accrue qui est nécessaire pour faire face à des situations d’exception telles que la crise de la COVID-19, il estime qu’il y avait lieu de modifier comme proposé l’intitulé du chapitre III du titre II. |
4.8. |
Le CESE soutient entièrement la proposition d’ajouter un article 15 bis au règlement. Il est d’avis qu’il est impératif de permettre que le budget de l’UE fasse preuve d’une plus grande souplesse pour traiter de chocs néfastes, en particulier lorsqu’ils ne sont pas d’origine économique. En outre, cette flexibilité instaure à juste titre une approche justifiée, en permettant d’augmenter les paiements intermédiaires jusqu’à 10 points de pourcentage au-delà du taux de cofinancement applicable mais sans dépasser le quota de 100 %. |
4.9. |
Le CESE estime qu’il est judicieux d’introduire dans l’article 8, point d) une obligation de motiver les transferts, car il sera possible ainsi d’améliorer le contrôle et la transparence en la matière. |
4.10. |
En outre, la modification du considérant 71 garantit que les compétences d’exécution relatives aux mesures temporaires pour l’utilisation des Fonds seront conférées à la Commission sans recours aux procédures de comité. Un volant de flexibilité supplémentaire est proposé pour tout transfert d’un Fonds à un autre qui pourra être demandé par un État membre à concurrence de 5 % de sa dotation nationale initiale. Au titre de l’objectif «Investissement pour l’emploi et la croissance», un pays peut également demander de transférer des montants supplémentaires, jusqu’à un maximum de 5 % de l’enveloppe nationale, entre le FEDER, le FSE+ ou le Fonds de cohésion. |
4.11. |
Le CESE s’accorde lui aussi à reconnaître l’importance des PME dans l’économie et se félicite qu’elles bénéficient d’une attention accrue. En outre, il conviendrait de cibler tout particulièrement celles qui génèrent de la croissance et créent des emplois de grande qualité, lesquels sont indispensables pour réduire les inégalités et les disparités. |
4.12. |
La pandémie de COVID-19 a montré que l’éducation numérique pose toute une série de défis. Il ne suffit pas de garantir que les apprenants vivant dans un environnement défavorisé aient accès aux technologies de l’information et de la communication et aux équipements numériques. Le CESE recommande aux États membres d’analyser les modes d’accessibilité des plateformes numériques. En outre, ces apprenants de milieux peu favorisés, tout comme certains enseignants plus âgés, ne maîtrisent nécessairement pas les compétences requises pour travailler efficacement avec des outils et contenus numériques. Aussi le CESE demande-t-il que l’on consente immédiatement des investissements supplémentaires afin de les mettre à niveau. |
4.13. |
Pour autant que toutes les autres conditions fixées dans l’article 111 soient respectées, le CESE est favorable à la proposition d’abaisser à 5 millions d’euros, contre 10 actuellement, le seuil fixé pour les opérations faisant l’objet d’une mise en œuvre échelonnée. |
4.14. |
Le CESE préconise qu’en plus d’augmenter les capacités en matière d’équipement et fournitures de type médical, l’Union européenne mène des politiques qui visent à une meilleure coopération transfrontière en temps de crise. Les catastrophes et situations naturelles de crise ne s’arrêtent pas aux frontières des États. Durant la pandémie, la coordination entre les États membres et leurs réactions communes ont été des plus limitées, décousues et subordonnées à des visées internes. En améliorant les protocoles et la coopération, il serait possible d’éliminer bon nombre des obstacles initiaux et d’enclencher une riposte européenne ordonnée et rapide face à tout type de catastrophe. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) COM(2018) 375 final, 2018/0196(COD).
(2) JO L 347 du 20.12.2013, p. 320.
(3) Voir l’avis d’initiative du CESE sur ««Le Semestre européen et la politique de cohésion — Vers une nouvelle stratégie européenne pour l’après-2020» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 39).
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/240 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la facilité de prêt au secteur public dans le cadre du mécanisme pour une transition juste»
[COM(2020) 453 final — 2020/0100(COD)]
et sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds pour une transition juste»
[COM(2020) 460 final — 2020/0006(COD)]
(2020/C 429/30)
Rapporteur: |
Petr ZAHRADNÍK |
Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 8.6.2020 et 10.6.2020 Parlement européen, 17.6.2020 |
Base juridique |
Article 175, paragraphe 3, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
20.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
219/0/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE gratifie de son vif soutien et de son appréciation favorable une forte augmentation de la dotation financière du Fonds pour une transition juste (FTJ), afin de faciliter un changement de cap consistant à se détourner d’une économie et d’une société fortement émettrices de carbone au profit d’un modèle plus moderne, durable et diversifié. |
1.2. |
Le CESE a la ferme conviction que pour obtenir un résultat optimal dans le processus de transition juste, il est de la plus haute importance non seulement d’affecter des ressources financières suffisantes, répondant à des critères de modernité, à l’appui de domaines précisément définis, mais aussi de faire une interprétation souple des règles en matière d’aides d’État. |
1.3. |
Le CESE applaudit des deux mains à la proposition de facilité de prêt au secteur public, qu’il juge innovante et originale, et dont il considère qu’elle répond à une forte demande des entités du secteur public dans leur trajectoire de transition climatique. |
1.4. |
Le CESE souligne qu’à la suite des nouvelles propositions liées au plan de relance et au dispositif «Next Generation EU», il existe une réelle chance que le mécanisme pour une transition juste (MTJ) devienne une pièce maîtresse du futur cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, dont les avantages se répercuteront non seulement sur le pacte vert pour l’Europe, mais aussi sur la relance et la reconstruction au lendemain de la COVID. |
1.5. |
Le CESE invite toutes les institutions de l’Union européenne concernées à accélérer autant que possible leurs travaux de préparation, de validation et de mise en œuvre concernant le MTJ ajusté afin de le mettre rapidement en état de marche. S’agissant de ces questions, le temps presse. |
1.6. |
Le CESE se réjouit qu’une attention toute particulière ait été portée à la facilité de prêt au secteur public dans les régions moins développées dans le cadre de la transition juste. |
1.7. |
Le CESE est convaincu que l’idée novatrice qui est au cœur de la facilité de prêt au secteur public pourrait également fournir une source d’inspiration pour des produits financiers de même nature au niveau des États membres. |
1.8. |
Le CESE considère que les critères de sélection et d’éligibilité tout comme les domaines d’investissement qui sont proposés sont hautement pertinents dans la perspective d’une transition juste. |
1.9. |
De même, le CESE applaudit et soutient un financement supplémentaire en faveur du programme InvestEU et de son dispositif spécifique pour une transition juste, qui multiplie les possibilités de recourir à des instruments financiers dans le processus de transition juste. |
2. Les éléments de fond et le contexte
2.1. |
Lors de sa session plénière de juin 2020, le CESE a adopté son avis sur le Fonds pour une transition juste (1), dans lequel il expose avec force détails sa position sur la question de l transition juste et formule également des réflexions pour l’après-COVID. Les résultats, conclusions et recommandations de portée générale que contient cet avis restent bien entendu valables. |
2.2. |
Nous traversons cependant des temps agités et, à la fin du mois de mai, la Commission européenne a publié son plan de relance; les trois piliers du mécanisme pour une transition juste (MTJ) forment un pan substantiel du programme «Next Generation EU» et, en comparaison avec la proposition initiale de janvier 2020, le MTJ devrait fonctionner avec une assise et une dotation financières d’un niveau sensiblement supérieur. La nouvelle série de documents qui est proposée traduit une symbiose et une coexistence pragmatique des objectifs contenus dans le pacte vert pour l’Europe et du plan de relance et de résilience pour l’après-COVID. |
2.3. |
Il est désormais question également, sous un nouvel intitulé, d’une plateforme pour une transition juste (PTJ), censée fournir un soutien technique et des conseils aux acteurs publics et privés dans les régions charbonnières et les autres régions fortement émettrices de carbone, de sorte qu’ils disposent d’informations suffisantes sur les possibilités de financement. |
2.4. |
Le MTJ ajusté irait plus loin grâce à ses trois piliers:
Par ailleurs, la pandémie de COVID a fait apparaître au grand jour les raisons qui justifient de continuer à poursuivre des objectifs raisonnables au titre du pacte vert et à soutenir le processus de restructuration économique, en particulier dans les régions et territoires vulnérables. C’est pour cette raison qu’il a été proposé de renforcer vigoureusement l’assise et la dotation financières du MTJ. |
2.5. |
Les principaux changements apportés par rapport à la proposition de janvier 2020 sont les suivants:
|
2.6. |
Les autres éléments proposés dans le train de mesures présenté par la Commission européenne en janvier 2020 demeurent inchangés et pleinement valables; ils se rapportent aux activités et domaines bénéficiant d’un soutien (ainsi qu’à ceux qui en sont exclus), aux processus de mise en œuvre (plusieurs dispositifs se substituant aux programmes opérationnels), aux plans territoriaux de transition juste, appelés à devenir les principaux documents de référence déterminants pour le soutien, ainsi qu’aux types de bénéficiaires. |
2.7. |
Il y a lieu d’envisager les propositions relatives au MTJ ajusté comme un élément parmi d’autres dans la structure en forme de mosaïque globale et imbriquée que forment le programme «Next Generation EU» et l’ajustement de la proposition de CFP pour la période 2021-2027, qui consiste à augmenter l’assise budgétaire de l’Union et à s’en servir comme levier pour répondre aux besoins urgents. Les mesures budgétaires qui sont proposées complètent également les mesures d’urgence déjà adoptées au titre de la politique monétaire et des politiques structurelles ainsi que dans les cadres réglementaires. Elles doivent par ailleurs être soutenues par des efforts consentis en parallèle pour améliorer l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux. |
2.8. |
Le train de mesures établissant un instrument pour la relance et adaptant le CFP pour la période 2021-2027 aux besoins créés par la situation de l’après-COVID est considéré comme une intervention tout aussi extraordinaire que nécessaire et urgente dans le financement de l’Union. Dans les circonstances actuelles et sous les règles en vigueur, la politique budgétaire de l’Union aurait tout simplement manqué de flexibilité et aurait été dans l’incapacité de conduire une action susceptible d’apporter une solution tangible à la situation de crise. On peut estimer par ailleurs que la proposition à l’examen apparaît hautement réalisable dans le contexte politique actuel. |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE accueille favorablement la proposition à l’examen car il reconnaît que les réformes structurelles et le soutien à la diversification de l’économie constituent une priorité de la plus haute importance à long terme pour l’Union européenne. |
3.2. |
Le CESE envisage l’ajustement du MTJ dans le contexte plus général de l’instrument pour la relance et estime qu’il s’agit d’un outil équitable, innovant, inclusif et efficace pour soutenir les régions et les territoires qui sont confrontés à la transition écologique, consistant à abandonner le charbon et les industries fortement émettrices de carbone au profit d’activités économiques modernes et durablement diversifiées. Combiné avec l’interprétation la plus souple possible des règles en matière d’aides d’État, il ouvre désormais une réelle possibilité de faciliter l’avènement d’une transition juste à cet égard. |
3.3. |
Le CESE soutient l’idée d’utiliser le financement supplémentaire du FTJ au titre du dispositif «Next Generation EU» (30 milliards d’EUR) sur un mode accéléré, afin de contribuer à augmenter énergiquement le rythme des investissements dans la transition écologique jusqu’à 2024 au plus tard. |
3.4. |
Le CESE demande à la Commission européenne de mettre en place le cadre nécessaire pour que l’instrument du FTJ renforcé soit prêt dès le début 2021, au moment où certaines régions seront susceptibles de subir de plein fouet les retombées de la crise tant sur leurs résultats économiques que sur leur situation sociale et environnementale. Par la même occasion, le CESE demande aux États membres d’accélérer leurs travaux relatifs aux plans territoriaux de transition juste, qui sont les documents de programmation stratégique absolument indispensables pour accéder à un financement au titre de chacun des trois piliers du MTJ. |
3.5. |
Le CESE se félicite également de la dotation financière supplémentaire du programme InvestEU, qui procure des avantages à certaines régions dans la prise en charge de leurs besoins liés à la transition écologique. Le Comité se réjouit qu’au titre du mécanisme pour une transition juste, un soutien aux investissements dans les régions effectuant une telle transition sera possible via l’un ou l’autre des volets d’action du programme InvestEU, en fonction des besoins d’investissement spécifiques recensés par les États membres dans leurs plans territoriaux de transition juste. Le CESE soutient également la participation du volet relatif aux investissements stratégiques européens qui vient d’être proposé aux activités relevant du MTJ. |
3.6. |
Le CESE se félicite que l’inclusion des projets d’InvestEU dans le deuxième pilier du MTJ permette de mobiliser les investissements qui sont économiquement viables et ont subi le test du marché auprès des entités privées et publiques au moyen d’un mode de financement innovant. |
3.7. |
Le CESE gratifie de son vif soutien et de son appréciation favorable l’idée d’une facilité de prêt au secteur public, qui représente une solution hautement innovante à destination de ce dernier et qui intègre un produit commun conçu par la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement dans le but de combiner une composante de crédit avec une subvention. Ce financement mixte est censé mobiliser jusqu’à 30 milliards d’EUR d’investissements publics au bénéfice des infrastructures d’énergie et de transport, des réseaux de chauffage urbain, des mesures en faveur de l’efficacité énergétique, des infrastructures sociales et d’autres types de projets visant à soutenir les populations et les régions éprouvées ainsi qu’à améliorer, respectivement, leur bien-être et leur compétitivité. |
3.8. |
Le CESE souligne le caractère novateur et original de la facilité de prêt au secteur public qui, au niveau des projets, soutient la mise en œuvre d’instruments financiers à l’aide d’une subvention additionnelle. Le CESE soutient l’idée avancée qui veut que cet instrument soit complémentaire du FTJ et du dispositif de financement transversal InvestEU. Dans ce contexte, l’exigence consistant à exclure tout autre financement par une source de l’Union pour les projets soutenus par la facilité de prêt au secteur public apparaît raisonnable. |
3.9. |
Le CESE admet que la composante «subvention» soit gérée directement par la Commission européenne et qu’elle soit redistribuée par un système de dotations nationales jusqu’à la fin 2024. Dans ce contexte, le CESE demande à la Commission d’avancer rapidement dans le lancement des appels, dès qu’un certain nombre de plans territoriaux de transition juste auront été adoptés, et demande aux États membres d’entamer dès à présent la préparation des projets. Il sera ainsi possible de faire en sorte que les ressources affectées au bénéfice des États membres soient consommées en totalité dans le cadre des appels lancés d’ici la fin 2024. |
3.10. |
Le CESE a bien conscience du caractère exclusif et original de l’instrument innovant que constitue la facilité de prêt au secteur public, qui vise à soutenir les investissements des entités publiques qui répondent aux critères retenus en matière de transition climatique et qui ne génèrent pas des recettes suffisantes. Par conséquent, la composante «subvention» est déterminante pour la mise en place pratique de projets à visée économique, sociale et environnementale dont la viabilité financière est insuffisante et qui ne peuvent dès lors pas être financés par des instruments financiers uniquement. |
3.11. |
Le CESE insiste sur l’importance cruciale des plans territoriaux de transition juste, qui s’avèrent tout aussi pertinents pour chacun des trois piliers du MTJ. Le CESE admet que seuls les États membres disposant d’un plan territorial de transition juste déjà approuvé puissent accéder au financement. Ces plans représentent en effet un levier essentiel pour mobiliser des engagements auprès des États membres afin de progresser sur la voie d’une économie neutre pour le climat. |
3.12. |
Le CESE accueille favorablement l’idée d’attribuer aux projets menés dans les régions moins développées (celles dont le PIB par habitant ne dépasse pas 75 % de la moyenne de l’Union) une subvention en sus du prêt supérieure de 5 points de pourcentage par rapport aux projets conduits dans d’autres territoires (soit jusqu’à 20 % contre 15 %). Il s’inquiète néanmoins de ce que le taux de subvention effectif puisse descendre jusqu’à 5-7 % par rapport au coût total du projet. Ce taux pourrait ne pas offrir une incitation suffisante pour que les projets obtiennent un financement. |
3.13. |
Le CESE estime également que la participation de partenaires financiers autres que le BEI serait avantageuse pour la mise en œuvre des ressources proposées au titre de la facilité. On ouvrirait ainsi un espace où les institutions financières établies dans les États membres pourraient concevoir des produits originaux et innovants de ce type et les offrir à leur clientèle respective. |
3.14. |
Le CESE considère que la PTJ est importante, en particulier pour offrir aux bénéficiaires un service d’information et un accompagnement technique adaptés, à des conditions égales, qui contribuent à l’efficacité du financement alloué. Dans ce contexte, le CESE insiste aussi sur l’importance de l’assistance mise à la disposition des États membres pour élaborer leurs plans territoriaux de transition juste dans le cadre de l’appel et du soutien correspondants de la Commission. |
4. Observations particulières
4.1. |
Le CESE demande à la Commission européenne de préciser plus en détail la portée du dispositif pour une transition juste dans le cadre du programme InvestEU ajusté, mais aussi les modalités d’éligibilité des projets relevant du pacte vert au titre du volet relatif aux investissements stratégiques européens. |
4.2. |
Concernant la facilité de prêt au secteur public, le CESE apprécie la proposition de soutenir les investissements publics par des conditions de crédit préférentielles ciblant les territoires les plus rudement éprouvés par la transition climatique, en conformité avec les plans territoriaux de transition juste. |
4.3. |
Le CESE admet les exigences posées par les critères de sélection des projets et leur ordre de priorité, et souscrit à l’idée de leur spécification détaillée dans les appels lancés au niveau national. |
4.4. |
Le CESE recommande à la Commission européenne de définir et spécifier plus précisément les domaines de synergie avec les autres instruments du dispositif «Next Generation EU» afin d’en soutenir l’approche intégrée tout en éliminant les chevauchements. |
4.5. |
Le CESE se félicite vivement que les bénéficiaires éligibles soient les parties prenantes de l’ensemble des domaines concernés, à savoir les institutions du secteur public (l’État, les régions, les villes et les municipalités), les entreprises, les instituts de recherche et les universités, les écoles, les établissements d’enseignement, les prestataires de conseils sur le marché du travail et les organisations non gouvernementales. |
4.6. |
Le CESE demande au Conseil et aux États membres de l’Union d’achever dans les meilleurs délais tous les travaux préparatoires nécessaires à la mise en œuvre du MTJ. La Commission européenne est invitée à approuver les programmes des États membres relevant du MTJ le plus rapidement possible, moyennant une procédure accélérée. Il n’y a que de cette manière que l’on pourra minimiser les retards dans le décaissement des fonds et obtenir les effets positifs souhaités sur la situation économique de l’Union. |
4.7. |
Le CESE souligne que le virement envisagé du FSE+ en faveur du FTJ ne doit pas mettre en péril la mise en œuvre des projets ordinaires du FSE+; l’objectif est de constituer une base financière suffisante pour mener à bien des projets à vocation sociale (reconversion, éducation, formation, etc.) dans le cadre du FTJ. |
4.8. |
Pour ce qui concerne la facilité de prêt au secteur public, le CESE considère que la gamme étendue des domaines appelés à bénéficier d’un soutien est adéquate, et il apprécie sa compatibilité avec les autres piliers du MTJ ainsi qu’avec certains autres outils et instruments de financement du CFP. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/245 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen plus (FSE+)
[COM(2020) 447 — 2018-0206-COD]
(2020/C 429/31)
Rapporteur général: |
Krzysztof BALON |
Corapporteur général: |
Carlos Manuel TRINDADE |
Consultation |
Parlement européen, 17.6.2020 Conseil, 9.6.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Décision du bureau |
9.6.2020 |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
215/0/6 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La pandémie de COVID-19 a provoqué un choc violent et sans précédent pour l’économie, le marché du travail et les systèmes de santé et de protection sociale de l’Union européenne. Cette pandémie pose de multiples et de gigantesques défis sociaux, tels que l’aggravation des inégalités et l’augmentation rapide de la pauvreté du fait des pertes d’emplois, ainsi qu’une augmentation prévisible de l’exclusion de groupes vulnérables de la société et du marché du travail. Une Europe qui souhaite rester compétitive dans l’économie mondiale et protéger, respecter et mettre en œuvre les principes du socle européen des droits sociaux doit harmoniser correctement ses politiques économiques et sociales, en particulier en période de crise. Pour relever ces défis, l’Union devrait prendre des mesures appropriées, concernant notamment le cadre financier pluriannuel (CFP) — y compris le Fonds social européen plus (FSE+). |
1.2. |
Au cours de la phase de reprise, il importe d’assurer la cohérence dans le recours aux différents Fonds européens de manière à éviter la fragmentation des interventions à l’échelon national. Par conséquent, le CESE est très favorable à ce que les opérations du FSE+ soient cofinancées au moyen de la facilité pour la reprise et la résilience. En outre, le recours au FSE+ pour financer des actions en faveur de la transformation verte et numérique devrait se concentrer sur le perfectionnement professionnel et la reconversion, en complément des autres ressources européennes relevant du CFP et de la facilité pour la reprise et la résilience. |
1.3. |
Le règlement relatif au FSE+ n’est pas doté d’un budget suffisant pour répondre aux besoins de la politique de cohésion sociale. Le CESE s’oppose dès lors fermement à la réduction de l’enveloppe financière globale du FSE+ pour la période 2021-2027. Il s’impose de supprimer l’instrument du transfert obligatoire de ressources du FSE+ et/ou du FEDER vers le Fonds pour une transition juste. Les taux de cofinancement du CFP actuel doivent être maintenus. |
1.4. |
Le CESE réitère la demande formulée dans son avis précédent sur le sujet, à savoir affecter au FSE+ 30 % de l’ensemble des ressources allouées à la politique de cohésion économique, sociale et territoriale, et consacrer 30 % des ressources existantes au titre du FSE+ aux mesures d’inclusion sociale. Étant donné que la proposition modifiée prévoit que 5 % des ressources servent à lutter contre la pauvreté des enfants, cette demande constitue le minimum indispensable. Dans le même temps, le CESE est favorable à l’augmentation à 15 % de l’enveloppe minimale pour l’inclusion des jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation (NEET); il conviendrait d’allouer un financement spécifique pour tenir compte de la plus grande proportion de femmes parmi ces jeunes dans certaines régions de l’UE. |
1.5. |
Eu égard au rôle joué par le FSE+ dans la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, le CESE demande instamment à la Commission européenne et aux États membres d’envisager un suivi plus approprié de la situation sociale dans le cadre du Semestre européen en y incluant une liste d’indicateurs définis d’un commun accord, susceptibles de fournir des informations fiables et correctes sur l’évolution de la situation sociale dans l’UE. Le CESE élaborera très prochainement sa propre proposition d’une telle liste. |
1.6. |
Prenant acte du rôle important de l’économie sociale, et notamment des prestataires de services sociaux, pour la dimension sociale de l’UE et de son rôle essentiel en temps de crise et de relance, le CESE réitère la demande formulée dans son avis précédent (1), à savoir, veiller à ce que l’aide aux mesures en faveur de l’économie sociale, y compris les organisations à but non lucratif fournissant un soutien et des services aux populations, devienne un objectif spécifique à part entière au titre du FSE+. |
1.7. |
Si le FSE+ est utilisé pour cofinancer des services sociaux d’intérêt général, le règlement devrait préciser que ces services doivent répondre à trois critères: être accessibles à tous, de qualité élevée et abordables. En ce qui concerne la suppression du volet «Santé» du FSE+, il y a lieu de mieux définir le groupe cible des ressources destinées à soutenir les soins de santé — mais aussi les soins de longue durée pour les personnes vulnérables. En outre, les familles et les aidants informels doivent figurer explicitement parmi les groupes cibles du FSE+ de sorte qu’ils soient pleinement soutenus pour pouvoir faire face aux chocs futurs. |
1.8. |
Pour promouvoir la solidarité européenne, fortement ébranlée par la crise actuelle, une augmentation substantielle de l’enveloppe destinée aux projets, réseaux ou éléments transnationaux ou transfrontaliers est nécessaire. |
1.9. |
Même si le FSE+ prévoit un objectif spécifique visant à l’intégration de ressortissants de pays tiers, le CESE recommande l’introduction d’un considérant précisant que les règlements de l’UE ne limitent en aucun cas l’accès des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants issus de pays tiers à des mesures actives ou à l’aide sociale lorsqu’ils font valoir de telles mesures. Le CESE invite également les États membres à s’abstenir d’imposer des restrictions qui aggravent l’exclusion sociale des migrants. Ceci vaut également pour d’autres groupes vulnérables tels que les minorités ethniques. |
1.10. |
En outre, il est plus important que jamais de mettre pleinement en œuvre le principe de partenariat, en associant les partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile. Une condition préalable essentielle à cette fin est le financement adéquat du renforcement des capacités des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile, en particulier leurs réseaux et fédérations. |
2. Introduction
2.1. |
Le 30 mai 2018, la Commission européenne a adopté sa proposition de règlement sur le FSE+ (2), reflétant les nouveaux défis auxquels se heurte l’Union — l’insuffisance des niveaux de compétence, les faibles résultats de la politique active du marché du travail et des systèmes d’enseignement, les problèmes découlant des nouvelles technologies et des nouvelles formes de travail, la faible mobilité de la main-d’œuvre et l’exclusion sociale. Le 17 octobre 2018, le CESE a adopté un avis sur cette proposition, dont le contenu essentiel reste valable (3). En réaction aux conséquences sociales et économiques de la pandémie de COVID-19, la Commission européenne a adopté, le 28 mai 2020, une proposition modifiée de règlement relatif au FSE+ (4), qui fait l’objet du présent avis, rédigé à la demande de la Commission européenne (28 mai) et du Parlement européen (9 juin 2020). |
2.2. |
La pandémie de COVID-19 a provoqué un choc violent et sans précédent pour l’économie, le marché du travail et les systèmes de santé et de protection sociale de l’Union européenne. Les effets directs et indirects de la pandémie de COVID-19 ont, et continueront d’avoir, une incidence significative et néfaste sur tous les États membres, entraînant non seulement une baisse importante du PIB à court terme, mais aussi, notamment à moyen et long termes, des inégalités sociales croissantes et l’augmentation de la pauvreté et du chômage, y compris chez les jeunes. Le principal défi à relever est l’augmentation rapide de la pauvreté découlant, entre autres, des pertes d’emplois et de la «nouvelle» exclusion sociale et professionnelle des groupes vulnérables, notamment les personnes handicapées, les Roms et les migrants. |
2.3. |
Par ailleurs, l’Union éprouve des difficultés à gérer le défi de la longévité, comme l’a révélé de manière tragique le nombre de décès de personnes âgées provoqués par la COVID-19 dans les structures d’accueil de plusieurs États membres. Aux problèmes auxquels sont confrontées les personnes âgées s’ajoutent certaines faiblesses européennes en matière de solidarité intergénérationnelle, qui nécessitent des interventions fortes de la part de l’Union et des États membres. |
2.4. |
D’autres évolutions récentes et en cours, qui touchent en particulier les PME, toujours dans les mêmes secteurs et régions, ont aggravé les défis structurels découlant de la mondialisation de l’économie, de la gestion des flux migratoires et de la menace accrue pour la sécurité, de la transition vers une énergie propre, de l’évolution technologique, du vieillissement de la main-d’œuvre, ainsi que d’écarts croissants entre l’offre et la demande de compétences et de main d’œuvre. L’UE doit se préparer aux défis actuels et futurs en investissant dans les compétences pour appuyer les transitions écologique et numérique, en rendant la croissance plus inclusive en améliorant les politiques sociales et de l’emploi, tout en tenant compte de la durabilité économique et industrielle. Le CESE se félicite du soutien que prodigue le FSE+ aux mesures nécessaires pour réaliser ces objectifs, comme le décrit le nouveau considérant 14 de la proposition. |
2.5. |
Pour relever ces défis, l’Union devrait prendre des mesures appropriées, notamment en adaptant le CFP — y compris le FSE+ — aux nouvelles conditions-cadres. |
2.6. |
Même en temps de crise, toutes les parties prenantes aux niveaux européen, national et régional devraient respecter les règles de bonne gouvernance et l’état de droit lors de la planification, de la mise en œuvre et de l’évaluation des opérations du FSE+. La Commission européenne devrait veiller à ce que les demandes d’intervention du FSE+ présentées par les partenaires sociaux et les organisations de la société civile soient évaluées de manière équitable, sur la base de critères transparents. En outre, il est plus important que jamais de défendre et de mettre pleinement en œuvre le principe de partenariat, fondé sur le code de conduite, en associant les partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile. Une condition préalable essentielle à cette fin est le financement adéquat du renforcement des capacités des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile, y compris leurs réseaux et fédérations. |
2.7. |
Le CESE déplore vivement la décision de ne pas consulter les parties prenantes externes à propos de cette version modifiée du règlement. L’argument de l’urgence n’est pas suffisamment solide pour justifier le non-respect du principe fondamental de consultation des parties prenantes sur la modification d’une réglementation aussi importante. Toutefois, le CESE se félicite que des consultations soient menées avec les États membres et le Parlement européen, et espère que celles-ci aboutiront à des améliorations notables de certains aspects de la proposition. |
3. Principaux éléments de la proposition modifiée de la Commission européenne
3.1. |
Exigence de concentration thématique accrue pour l’emploi des jeunes étant donné les risques liés au taux extrêmement élevé de chômage des jeunes et à la proportion croissante de NEET (jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation): les États membres affichant un taux de NEET (tranche d’âge 15-29 ans) supérieur à la moyenne de l’UE devraient consacrer au moins 15 % (10 % dans la proposition initiale de la Commission) de leurs ressources FSE+ relevant de la gestion partagée à des actions ciblées et des réformes structurelles visant à aider les jeunes. |
3.2. |
Lutte contre la pauvreté des enfants: la Commission propose d’inclure un considérant et un article exigeant que les États membres consacrent au moins 5 % des ressources du FSE+ relevant de la gestion partagée à la lutte contre la pauvreté des enfants. |
3.3. |
Efforts destinés à encourager les transitions vertes et numériques conformément à la stratégie industrielle de l’UE (5): il est supposé que dans le «monde d’après» la pandémie de COVID-19, de nouveaux modèles apparaîtront dans les écosystèmes industriels européens, y compris de nouvelles chaînes de valeur locales, ce qui nécessitera de nouvelles compétences pour de nouveaux types d’emplois. |
3.4. |
Respect strict, par tous les États membres, du principe horizontal d’égalité entre les femmes et les hommes, étant donné que la pandémie de COVID-19 a eu un effet socio-économique disproportionné sur les femmes. |
3.5. |
Suppression du volet «Santé» du FSE+, tout en maintenant les dispositions visant à assurer des synergies et une complémentarité entre les actions du FSE+ et celles du nouveau programme de l’UE dans le domaine de la santé, compte tenu de la nécessité de coordonner étroitement les deux programmes: en lien avec la proposition de la Commission relative à la mise en place d’un programme de santé très renforcé et autonome (6). |
3.6. |
Veiller à ce que le cadre juridique de la politique de cohésion prévoie des mécanismes qui puissent être invoqués rapidement au cas où surviendraient des circonstances exceptionnelles durant la prochaine décennie: la Commission propose des mesures temporaires relatives à l’utilisation du FSE+ en cas de circonstances exceptionnelles et inhabituelles, portant sur des dérogations à certaines règles en vue de faciliter la réaction à de telles circonstances. Cela implique, par exemple, d’étendre le champ d’application du FSE+ afin d’y inclure des mesures de soutien aux régimes de chômage partiel à court terme qui ne sont pas combinés avec des mesures actives, de même que l’accès aux soins de santé, y compris pour les personnes qui ne sont pas en situation de vulnérabilité socio-économique immédiate, et de permettre, le cas échéant, d’assouplir les exigences en matière de concentration thématique. |
4. Suggestions du CESE sur la proposition modifiée de règlement
4.1. |
Une Europe qui souhaite rester compétitive dans l’économie mondiale et protéger, respecter et mettre en œuvre les principes du socle européen des droits sociaux — notamment des emplois ainsi qu’un enseignement et une formation de qualité, un accès large et équitable aux services sociaux et de santé, l’inclusion sociale et la participation active à la société des personnes handicapées et d’autres groupes vulnérables — doit harmoniser correctement ses politiques économiques et sociales, en particulier en période de crise. |
4.2. |
À cet égard, le financement de la dimension sociale de l’UE doit être correctement traité par le truchement de la facilité pour la reprise et la résilience et du budget de l’UE dans le cadre des perspectives financières 2021-2027, FSE+ compris. Par conséquent, le CESE est très favorable à ce que le FSE+ soit cofinancé au moyen de la facilité pour la reprise et la résilience. |
4.3. |
En outre, le recours au FSE+ pour financer des actions en faveur de la transformation verte et numérique devrait se concentrer sur le perfectionnement professionnel et la reconversion, en complément des autres ressources européennes relevant du CFP et de la facilité pour la reprise et la résilience. Au cours de la phase de reprise, il importe d’assurer la cohérence dans le recours aux différents fonds européens de manière à éviter la fragmentation des interventions à l’échelon national. |
4.4. |
Le CESE est fermement opposé à la réduction de l’enveloppe financière totale destinée au FSE+ pour la période 2021-2027, qui, alors qu’elle était établie précédemment à environ 101 milliards d’EUR (en prix courants), est actuellement fixée à quelque 97 milliards; la suppression du volet «Santé» (qui avait été doté d’environ 413 millions d’EUR) ne justifie pas cette baisse. |
4.5. |
Une réduction significative du FSE+ pourrait découler de l’article 21 bis du règlement portant dispositions communes, qui oblige les États membres à transférer entre 1,5 et 3 EUR du FSE+ et/ou du FEDER pour 1 EUR perçu du Fonds pour une transition juste (jusqu’à une limite de 20 % du Fonds concerné). Il convient par conséquent de supprimer cet instrument de transfert obligatoire. |
4.6. |
Les réductions proposées des taux de cofinancement de l’Union européenne sont inacceptables et créent des difficultés auxquelles les structures de financement existantes peinent à faire face. Les États membres se déchargent d’une part importante du cofinancement sur les promoteurs de projet. Au lieu de susciter un supplément de financements nationaux, la réduction des taux de cofinancement par l’Union met en difficulté sur le plan financier les organisations qui mettent en œuvre les projets. Les taux de cofinancement de la période financière actuelle doivent donc être maintenus. |
4.7. |
Étant donné que le FSE+ est le principal outil financier pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, le CESE avait demandé — également dans son précédent avis (7) — qu’il lui soit réservé une enveloppe de 30 % du total des ressources allouées aux politiques de cohésion économique, sociale et territoriale, et qu’en outre, au sein du FSE+, 30 % des ressources soient consacrées aux mesures d’inclusion sociale. |
4.8. |
De plus, le CESE estime que l’ampleur des défis économiques et sociaux qui se poseront dans le contexte de la crise sociale post-coronavirus nécessite de garantir une utilisation équilibrée du FSE+ dans l’ensemble de l’Europe. Par conséquent, le CESE réaffirme son désaccord avec la suppression de la part minimale (actuellement fixée à 23,1 %) des financements au titre de la politique de cohésion. L’aide supplémentaire à l’intention des régions ultrapériphériques et des zones à faible densité de population, tout comme l’aide à la mobilité de la main d’œuvre, constitue l’un des objectifs du FSE+ tout en entretenant des liens connexes étroits également avec la politique de cohésion. |
4.9. |
Étant donné que la proposition modifiée prévoit que 25 % des ressources soient utilisées pour l’inclusion sociale et que 5 % servent à lutter contre la pauvreté des enfants, la demande relative à l’affectation de 30 % des ressources à l’inclusion sociale constitue le minimum indispensable. En outre, en fonction de la situation réelle sur un territoire donné, il devrait être possible de consacrer plus de 5 % des fonds à la lutte contre la pauvreté des enfants (dans le cadre des 30 % destinés à l’inclusion sociale). À cet égard, il convient de mettre en œuvre des mesures de lutte contre la pauvreté des enfants conformément à la recommandation (UE) 2013/112/UE de la Commission du 20 février 2013 intitulée «Investir dans l’enfance pour briser le cercle vicieux de l’inégalité» (8), en prenant également en compte l’«Étude de faisabilité d’une garantie pour l’enfance» (rapport final) (9). |
4.10. |
Le CESE est favorable à l’augmentation de l’enveloppe minimale pour l’inclusion des NEET à 15 %. Il approuve l’action de la Commission visant à favoriser des mesures ciblées afin d’accroître la participation des jeunes au marché du travail, y compris de ceux issus de la migration. Ces mesures devraient viser à soutenir l’aptitude à l’emploi des jeunes disposant des compétences adéquates, permettant une couverture par la protection sociale et la négociation collective. À cet égard, le Comité attire l’attention sur les taux de NEET nettement supérieurs pour les femmes dans certaines régions de l’Union, ce qui devrait se traduire par des taux de financement plus élevés spécifiquement en faveur des femmes, soutenant des mesures novatrices négociées à l’échelon de l’entreprise, visant à améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. |
4.11. |
Le CESE est favorable à la concentration thématique, car celle-ci garantit l’application, par les États membres, des priorités politiques de l’UE. Néanmoins, le CESE recommande d’assortir la concentration thématique d’un certain degré de souplesse et d’autonomie pour les États membres s’agissant de l’ajustement des fonds de programmation, de manière à éviter toute charge administrative pour les gestionnaires des programmes. Si cela devait toutefois aboutir à une réduction des exigences en matière de concentration thématique pour l’inclusion sociale, le CESE demande des mesures d’accompagnement, qui prévoiraient par exemple des taux de cofinancement pouvant aller jusqu’à 100 % pour des actions liées à ces objectifs spécifiques. |
4.12. |
Étant donné que le FSE+ est axé sur la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, le règlement devrait tenir compte des plans européens et nationaux de mise en œuvre du socle – en tant que principaux documents d’orientation sur lesquels il conviendrait d’aligner les accords de partenariat et les programmes opérationnels –, et ces plans devraient faire l’objet d’un suivi dans le cadre du Semestre européen. Le CESE demande dès lors instamment à la Commission européenne et aux États membres d’envisager un suivi plus approprié de la situation sociale dans le cadre du Semestre européen en y incluant une liste d’indicateurs définis d’un commun accord, susceptibles de fournir des informations fiables et correctes sur l’évolution de la situation sociale dans l’UE. Le CESE a déjà fait connaître son avis sur cette question (10) et réclamé de nouveaux indicateurs sociaux afin de suivre, dans le cadre de la procédure du Semestre européen, la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et des recommandations sociales par pays et il élaborera très prochainement sa propre proposition d’une telle liste. À cette fin, la Commission européenne devrait élaborer des règles et des procédures pour vérifier la corrélation entre, d’une part, les projets de documents nationaux de programmation du FSE+ pour la période 2021-2027 et, d’autre part, les principes du socle européen des droits sociaux (le cadre politique pour le marché du travail, l’éducation et la formation étant principalement défini aux chapitres I et II, tandis que le cadre de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale devrait relever du chapitre III). |
4.13. |
Le FSE+ n’aborde pas comme il se doit les questions inhérentes à la période de transition que nous vivons actuellement, comme la nécessité d’envisager d’adopter des stratégies en recourant au dialogue social et dans le cadre de la négociation collective en vue d’une réduction du temps de travail sans perte de salaire, d’une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, de la promotion du travail à temps partiel volontaire, de nouvelles formes d’emploi, en particulier dans les économies des seniors, circulaire et sociale, et, plus généralement, d’une redistribution du travail qui permette à chacun de travailler tout en menant une vie saine et qui ait du sens. Le FSE+ devrait aider les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile s’agissant de développer ces stratégies, ainsi que de diffuser les bonnes pratiques, tout en favorisant les actions visant à ce que les États membres mettent celles-ci en œuvre. Un autre domaine dans lequel le FSE+ pourrait être proactif et novateur est le soutien au travail d’utilité collective. |
4.14. |
Si le FSE+ est utilisé pour cofinancer des services sociaux d’intérêt général, le règlement devrait préciser que ces services doivent répondre aux principes de solidarité et de transparence, ainsi qu’aux critères d’être accessibles à tous, de qualité élevée et abordables, selon les normes définies dans le cadre volontaire européen pour la qualité des services sociaux (11). |
4.15. |
En ce qui concerne la suppression du volet «Santé» du FSE+, il y a lieu de mieux définir le groupe cible des ressources destinées à soutenir l’accès des personnes vulnérables aux soins de santé, en spécifiant que cela concerne plus particulièrement les sans-abri, les immigrants irréguliers et d’autres personnes sans assurance maladie, ainsi que les personnes handicapées et les personnes âgées vulnérables. En outre, il est nécessaire de préciser que le champ d’application du FSE+ englobe également les soins de longue durée pour les groupes vulnérables, étant donné qu’après la pandémie, plusieurs États membres seront probablement confrontés à la nécessité de repenser, de réorganiser et/ou de développer leurs services de soins de longue durée. |
4.16. |
Les aidants familiaux (pour la plupart des femmes) fournissent déjà 80 % des soins de longue durée en Europe, et en raison de l’épidémie de COVID-19, ils se sont retrouvés, du jour au lendemain, seuls à s’occuper de leurs proches. Il leur est devenu totalement impossible de concilier vie professionnelle et vie familiale, et ils ont dû se charger des soins et de la rééducation sans un seul moment de répit tout au long du confinement, sans aucune formation pour bon nombre d’entre eux. Les familles et les aidants informels doivent dès lors figurer explicitement parmi les groupes cibles du FSE+. |
4.17. |
Prenant acte du rôle important de l’économie sociale, et notamment des prestataires de services sociaux, pour la dimension sociale de l’UE et de son rôle essentiel en temps de crise et de relance, le CESE demande une nouvelle fois que l’aide aux mesures en faveur de l’économie sociale devienne un objectif spécifique à part entière au titre du FSE+. L’économie sociale crée des emplois de qualité et favorise l’inclusion sociale, notamment en fournissant des services sociaux, de santé et éducatifs d’intérêt général, tout en contribuant au développement de la démocratie participative et de la société civile. En outre, le secteur de l’économie sociale et les organisations à but non lucratif qui fournissent de l’aide et des services aux populations ont fait preuve d’une grande résilience et ont contribué à atténuer les effets de la crise de la COVID. Cela devrait permettre de renforcer les acteurs sociaux exerçant des activités sans but lucratif et de stimuler l’investissement dans de nouveaux opérateurs, en vue d’assurer non seulement la croissance économique mais aussi le bien commun et le bien-être. |
4.18. |
La collecte à grande échelle de données, et notamment de données personnelles, a donné lieu à de graves problèmes dans la mise en œuvre des projets. Souvent, les participants à des projets du FSE ne sont pas retenus à des fins de financement s’ils ne présentent pas leurs données complètes. En dépit des efforts visant à simplifier le FSE, la Commission européenne n’a pas modifié sa proposition d’indicateurs dans les annexes I et II du règlement relatif au FSE+. Par conséquent, le CESE recommande de s’abstenir de collecter des données non pertinentes et d’adapter les indicateurs requis au programme concerné. Il s’impose de réduire plus avant le nombre d’indicateurs. |
4.19. |
Plusieurs pays ont introduit un certain nombre de restrictions en ce qui concerne l’accès des réfugiés, des demandeurs d’asile et d’autres migrants issus de pays tiers à des mesures actives ou à l’aide sociale. Par conséquent, même si le FSE+ prévoit un objectif spécifique visant à l’intégration de ressortissants de pays tiers, le CESE demande instamment à la Commission d’inclure un nouveau considérant précisant que les règlements de l’UE ne limitent en aucun cas l’accès de ces personnes à des mesures actives ou à l’aide sociale lors qu’elles bénéficient de telles mesures, même si les États membres peuvent limiter cet accès par des réglementations nationales. Le CESE invite également les États membres à s’abstenir d’imposer des restrictions qui aggravent l’exclusion sociale des migrants. |
4.20. |
Étant donné la nécessité de promouvoir la solidarité européenne, fortement ébranlée par la crise actuelle, le CESE réclame également une augmentation substantielle de l’enveloppe destinée aux projets, réseaux ou éléments transnationaux. Cette augmentation est indispensable pour mettre en place des réseaux de soutien mutuel entre les pays, mais aussi pour promouvoir un sentiment d’identité européenne parmi les citoyens des différents États membres et accroître la visibilité du soutien financier offert par l’UE à ses citoyens. Les exigences de cofinancement applicables à ces réseaux et projets transnationaux doivent être plus souples, compte tenu de l’incidence négative de la COVID-19 sur la coopération transnationale et la durabilité financière. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 62 du 15.2.2019, p. 165.
(2) COM(2018) 382 final.
(3) Voir la note 1 de bas de page.
(4) COM(2020) 447 final.
(5) COM(2020) 102 final.
(6) COM(2020) 405 final.
(7) Voir la note 1 de bas de page.
(8) JO L 59 du 2.3.2013, p. 5.
(9) https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1428&langId=fr.
(10) JO C 14 du 15.1.2020, p. 1.
(11) Comité de la protection sociale, document SPC/2010/10/8 final, https://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=6140&langId=en, disponible pour l’heure en anglais uniquement.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/251 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’établissement d’un programme d’action de l’Union dans le domaine de la santé pour la période 2021-2027 et abrogeant le règlement (UE) no 282/2014 (programme «UE pour la santé»)
[COM(2020) 405 final — 2020/0102 (COD)]
(2020/C 429/32)
Rapporteur général: |
Antonello PEZZINI (IT-I) |
Corapporteur général: |
Alain COHEUR (BE-III) |
Consultation |
Parlement européen, 17.6.2020 Conseil, 10.6.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Décision de l’assemblée plénière |
9.6.2020 |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
218/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE souligne que la pandémie de coronavirus a mis en exergue plus que jamais l’importance du renforcement du rôle de l’Union européenne en matière de santé, de sa capacité de réaction, de gestion et de coordination et de ses compétences par une «Union européenne de la santé», afin de répondre aux souffrances endurées par les citoyens et les acteurs de la santé dont le personnel médical et paramédical en première ligne ainsi qu’à leurs attentes pour une politique européenne de santé publique effective au moyen d’une articulation entre les niveaux de pouvoir européen, nationaux et régionaux déployée dans le cadre d’une gouvernance à multiniveaux (1). |
1.2. |
Le CESE salue la proposition «Programme UE pour la santé» de la Commission européenne de mai 2020 mobilisant des fonds dédiés, à la fois dans l’instrument de relance «Next Generation EU» et dans le budget pluriannuel «CFP 2021-2027» et déplore les coupes budgétaires réalisées par le Conseil européen de juillet 2020, alors que la santé publique est confrontée, à court terme et à long terme, à des défis politiques, sociaux, économiques, numériques et environnementaux complexes pour lesquels des mesures innovantes, transversales et intégrées et des investissements stratégiques d’envergure (dans le social et la santé) sont nécessaires. |
1.2.1. |
Pour le CESE, une «Europe à la carte» (2) (dite «Europe à plusieurs vitesses») ne peut constituer la voie à suivre pour répondre aux enjeux actuels dépassant les frontières nationales et ne permet pas d’œuvrer à un projet d’intégration européen ambitieux et solidaire, fondé sur l’«unité dans la diversité» et guidé par des objectifs de coopération communs. |
1.3. |
Le CESE appelle les institutions européennes et les États membres à faire preuve de volonté politique en vue d’un «Pacte de santé pour l’avenir de l’Europe», conformément aux valeurs fondamentales de l’Union européenne, dont la solidarité européenne, et aux engagements pris aux niveaux international (objectifs de développement durable, promotion des droits humains et application de conventions internationales) et européen (priorités de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne, concrétisation du socle européen des droits sociaux). |
1.4. |
Le CESE demande au Parlement européen, en sa qualité de «colégislateur», de mener les négociations avec le Conseil pour une augmentation des moyens financiers alloués au programme santé et aux autres instruments à utiliser en synergie dans le domaine de la santé (recherche, cohésion et coopération transfrontalière), de même que pour un recours spécifique aux fonds du mécanisme européen de stabilité afin de sortir de l’austérité. |
1.5. |
Le CESE insiste pour que, dans la mise en œuvre du programme, une attention spécifique soit accordée à la lutte contre les inégalités sociales en matière de santé, à l’accessibilité à des soins de santé de qualité, à la continuité des soins (y compris transfrontaliers) en toutes circonstances, à l’appui et à la consolidation des systèmes de santé à couverture universelle et au développement de l’action européenne multidimensionnelle en santé publique, en lien avec les principes du socle européen des droits sociaux, dont les «soins de santés», l’«inclusion des personnes ayant un handicap» et les «soins de longue durée». |
1.5.1. |
Le CESE demande, plus précisément, que des lignes directrices européennes soit adoptées pour répondre aux besoins des plus vulnérables d’entre nous que sont les personnes précarisées, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, surtout lorsqu’elles doivent vivre dans des lieux accueillant un grand nombre de résidents, toutes ces personnes ayant été frappées de plein fouet par la pandémie et ses conséquences, dans l’ensemble de l’Europe. |
1.5.2. |
Une attention particulière doit être accordée au renforcement des droits des personnes âgées et en situation de handicap et, notamment, à la définition d’un cadre d’évaluation conjointe intégrant une planification personnalisée, une préférence pour l'assistance à domicile ou dans les petites résidences, des critères de qualité et d’accessibilité pour la prise en charge résidentielle et les soins de longue durée dont elles ont besoin. Les taux de mortalité très élevés dans de nombreux établissements pour les personnes âgées et en situation de handicap doivent mobiliser l’attention afin d’améliorer la gestion de ceux-ci, remise en cause dans de nombreux pays de l’UE. Et, de manière générale, toute la politique de soutien aux personnes âgées devrait être revue entre autres dans le cadre des travaux de la Commission européenne sur les conséquences de l'évolution démographique en Europe. À l'instar de ce qui a déjà été fait sur des déterminants de la santé spécifiques, le CESE demande l'élaboration de lignes directrices claires et innovantes plaçant l’Humain et les droits humains, des aînés et des plus fragilisés, au cœur des priorités. |
1.6. |
Le CESE considère comme prioritaire une gouvernance européenne en matière de santé cohérente qui intègre également des modalités d’implémentation du programme pour la santé et qui soit assortie des financements adéquats et d’initiatives matérialisant l’«Europe de la santé», et il plaide pour une approche opérationnelle de la «santé dans toutes les politiques». |
1.7. |
Le CESE propose qu’au regard de l’urgence que nous vivons, des risques de résurgence de pandémies et des expériences inspirantes qui existent dans le cadre de l’«Europe de l’énergie» et des dispositifs liés à la défense et à la protection civile, un mécanisme de coordination et d’intervention rapide européen soit déployé au plus vite. |
1.8. |
Il convient de créer sans délai un groupe de travail composé d’experts agissant en tant que coordinateurs des savoirs et des ressources, pour mettre en réseau les meilleures centres de virologie et d’épidémiologie et les meilleures compétences en matière de diagnostic. |
1.9. |
Le CESE suggère que ce groupe de travail, en collaboration avec les unités d’intervention d’urgence des armées, dresse un inventaire des ressources disponibles et pouvant être allouées aisément — y compris les services d’urgence — et prévoie le déploiement d’unités mobiles. Il doit mettre en réseau les meilleures ressources disponibles en matière d’intelligence artificielle et d’appui informatique, pour pouvoir développer des simulations et des stratégies. |
1.9.1. |
Ce groupe devrait également approfondir les aspects liés à l’état de santé de l’ensemble du personnel médical, ce qui est non seulement fondamental pour le droit à la santé, mais aussi pour pouvoir répondre efficacement à une nouvelle crise éventuelle. En outre, le groupe de travail pourrait jeter les bases d’une spécialisation européenne en médecine de crise et d’urgence, comme le suggère le document de la Commission. |
1.9.2. |
L’ampleur des dépenses pouvant être consacrées à cette opération essentielle semble très limitée, car la plupart des membres de ce groupe de travail dépendent déjà d’universités, d’instituts de recherche ou de corps médicaux militaires. |
1.9.3. |
Le CESE juge de la plus haute importance que ce groupe de travail soit immédiatement opérationnel. |
1.9.4. |
Le CESE regrette que, lors de la pandémie qui perdure aujourd’hui, la Commission européenne n’ait pas fait entendre sa voix, qui fait autorité. En faisant appel aux experts européens du plus haut niveau, elle aurait pu apporter de la clarté en ce qui concerne les périmètres sanitaires et l’impact du virus sur la population et démonter certaines thèses, souvent opposées, concernant les caractéristiques et l’évolution de la maladie. Face à de précédentes épidémies, les institutions européennes ont répondu par des actions tangibles, par exemple par la création de la direction générale de la santé (DG SANTE) ou encore par la mise en place du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Pour le CESE, cette dynamique se doit d’être poursuivie. |
1.10. |
Le CESE estime que des résultats tangibles ne peuvent être obtenus par le programme santé qu’avec une approche inclusive, associant les organisations internationales (dont l’Organisation mondiale de la santé avec laquelle la collaboration et les synergies sont à approfondir), la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) et les acteurs de la santé au plus proche de la réalité des citoyens, et moyennant une évaluation régulière des objectifs. |
1.11. |
Le CESE insiste sur la valeur du personnel de santé, qui travaille dans un secteur particulièrement sensible et difficile, et demande qu’on lui accorde une attention permanente de manière à pouvoir prévenir ses exigences en matière de formation, de structures, d’équipements de protection et de bien-être économique et social. |
1.12. |
Le CESE soutient fermement les partenariats public-privé européens dans le domaine de la santé, à l’instar de l’initiative commune IMI 2, et soutient les efforts conjoints visant à renforcer la dimension technologique et productive européenne, grâce à un engagement plus ferme des communautés scientifiques et sanitaires européennes en faveur d’un véritable espace européen de la santé. |
2. Tirer des enseignements de la crise multidimensionnelle générée par la pandémie de coronavirus
2.1. |
La pandémie de coronavirus a mis en lumière la fragilité des systèmes de santé de nombreux pays dans le monde, dont ceux des États membres de l’Union européenne qui ont souffert de la faiblesse des investissements publics et de l’application directe des impératifs de la gouvernance économique européenne imposant des mesures de contrainte budgétaire. Les montants de financement des systèmes de santé varient donc considérablement d’un État membre à l’autre, tout comme les montants alloués par chacun d’entre eux à la lutte contre la pandémie de coronavirus. |
2.2. |
L’Europe est confrontée à une triade de menaces formée par des pandémies incontrôlées et l’accroissement des inégalités sociales en matière de santé, des lacunes dans l’arsenal des mesures de politique économique et des «cygnes noirs» géopolitiques, laquelle est en mesure de mettre à rude épreuve la santé et le bien-être de ses citoyens, de faire basculer l’économie mondiale dans une dépression persistante et de provoquer un effondrement et des mouvements de fuite sur le marché financier. |
2.3. |
La crise du coronavirus a souligné, une nouvelle fois, l’importance de rétablir l’équilibre entre l’activité humaine et la nature. L’impact de l’environnement (avec les changements climatiques, la qualité de l’air, la biodiversité, les systèmes alimentaires, etc.) sur la santé n’est plus à démontrer. |
2.3.1. |
Il serait très utile que la Commission et le Parlement européen, tous deux vivement attachés aux enjeux du développement durable, de l’environnement et de la biodiversité, fassent entendre leur voix et, surtout, avec l’aide des principaux experts européens, fournissent aux citoyens européens, en ces moments pénibles, des indications et des solutions possibles fondées sur des bases scientifiques leur permettant de faire face de manière plus sûre à la situation sanitaire difficile qui provoque désarroi et douleur. |
2.4. |
Les maladies non transmissibles (MNT) ne cessent d’augmenter en Europe et sont la principale cause d’invalidité et de décès en Europe: les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer et les maladies respiratoires représentent 77 % de la charge de morbidité et 86 % de la mortalité prématurée. De nombreuses MNT sont liées à la combinaison de plusieurs facteurs, dont les facteurs environnementaux. |
2.5. |
Le «pacte vert» présenté par la Commission européenne pose les fondements d’une nouvelle stratégie de croissance durable et inclusive visant à améliorer la santé et la qualité de vie des personnes, à préserver la nature et à ne laisser personne de côté. |
2.6. |
Les zones frontalières se prêtent particulièrement bien à une action politique européenne dans le domaine de la santé. Ces zones constituent, la plupart du temps, une aire géographique à forte mobilité. Elles ont été les premières à pouvoir bénéficier d’accords ou de conventions passés entre pays limitrophes pour améliorer l’accessibilité aux soins. |
2.7. |
Or, la coopération transfrontalière en matière de santé instaurée depuis plus de 20 ans par les programmes INTERREG et faite de concertation, de construction, d’organisation, de solutions parfois complexes entre les acteurs, a été balayée en quelques heures par l’arrivée de la COVID-19 et par la fermeture unilatérale des frontières, sans aucune prise en considération des réalités transfrontalières ni aucune volonté de maintenir cet esprit de coopération. |
3. Renforcer les systèmes de santé et la capacité d’agir de l’Union européenne (UE)
3.1. |
La pandémie de COVID-19 a eu — et continue d’avoir — une incidence majeure aux niveaux mondial, européen et transfrontalier, en particulier sur les citoyens et la société ainsi que sur les structures économiques, sociales et des soins de santé, et a mis en évidence la nécessité manifeste de renforcer les systèmes sanitaires et de gestion des crises. |
3.2. |
La politique de l’UE en matière de santé vise à promouvoir la santé, à assurer la protection contre les risques sanitaires et à coordonner les stratégies entre les États membres de l’Union européenne. La pandémie de COVID-19 a montré que ceux-ci doivent impérativement coopérer et se coordonner pour faire face aux crises. |
3.3. |
Afin de répondre efficacement à toute nouvelle menace transfrontière qui pourrait se présenter pour la santé, il convient de renforcer la capacité de réaction de l’UE dans les situations d’urgence, de manière générale en lien avec la concrétisation du socle européen des droits sociaux (notamment, de son principe 16) et des compétences européennes étendues en matière de santé, y compris par la révision des traités européens. |
3.4. |
Si l’UE ne dispose, actuellement, que de compétences d’appui en matière de santé publique, facteur qui limite sa marge d’action, elle agit en la matière par le biais de ses autres politiques, notamment dans le cadre du cycle de coordination des politiques menées dans le domaine économique et dans celui du marché intérieur. |
3.5. |
Dans le contexte de «l’avenir de l’Europe», une Europe de la santé doit constituer une priorité: le programme «L’UE pour la santé» constitue un premier pas dans cette direction. |
3.6. |
L’UE a pris plusieurs initiatives, à poursuivre et à consolider, dont deux peuvent être évoquées plus particulièrement: les réseaux européens de référence (RER) et les plans européens. |
3.7. |
Depuis 2017, les RER sont conçus pour mettre en relation des experts européens des maladies rares. Ils veillent à ce que l’information circule plutôt que le patient, afin d’assurer la meilleure prise en charge possible sans les inconvénients inhérents à un déplacement du patient. Aujourd’hui, plus de 900 unités de soins de santé hautement spécialisées dans plus de 300 hôpitaux sont concernées. Ce modèle pourrait être reproduit pour d’autres pathologies. |
3.8. |
En ce qui concerne la gouvernance et les modalités d’action, l’UE dispose de cinq agences auxquelles s’ajoutent d’autres dispositifs dont le «Corps médical européen» ou «Casques blancs» afin de réagir plus rapidement aux situations d’urgence. |
3.9. |
S’agissant des questions relatives à la santé, les autorités nationales bénéficient du soutien de deux agences spécialisées. D’une part, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (3) (ECDC) évalue et surveille les risques sanitaires émergents afin de coordonner les réponses à ceux-ci. D’autre part, l’Agence européenne des médicaments (4) gère l’évaluation scientifique de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité de tous les médicaments disponibles dans l’UE. D’autres agences jouent un rôle connexe important. |
3.10. |
La crise actuelle de la COVID-19 a révélé qu’aujourd’hui plus que jamais, une plus grande priorité doit être accordée à l’allocation de moyens à la santé dans le futur cadre financier pluriannuel. |
3.11. |
L’expérience de la crise a montré qu’il faut consentir davantage d’efforts pour que les systèmes de santé soient prêts d’une part à fournir des services de pointe, des médicaments, des produits médicaux et des technologies médicales et d’autre part, à faire face à des épidémies et à d’autres crises ou défis imprévisibles. |
3.12. |
Il est nécessaire de disposer d’un système à l’épreuve du temps et des crises pour garantir l’accès en temps utile et en toutes circonstances à des médicaments sûrs, de qualité et efficaces et pour remédier aux pénuries et à la dépendance à l’égard des importations de médicaments et de principes pharmaceutiques actifs en raison d’une fabrication en dehors de l’UE et, surtout, pour renforcer la coopération et la coordination entre les autorités de réglementation en cas de menaces émergentes pour la santé. |
3.13. |
Il convient d’investir dans les territoires, en renforçant l’assistance territoriale et à domicile afin d’assurer la proximité avec les citoyens grâce à des technologies permettant le suivi à distance, à la télémédecine, à des applications ou à des dispositifs médicaux issus de la médecine dite «des quatre P» (prédictive, préventive, personnalisée et participative), ainsi que d’investir dans le renforcement de l’assurance-santé obligatoire, dans un premier temps au niveau national, et ensuite dans le cadre d’une coordination étendue au niveau de l’UE (5). |
4. Doter l’Europe des moyens de ses ambitions
4.1. |
Les investissements en matière de santé et les différents programmes financiers doivent être articulés, avec une vision transversale. Les aspects tant curatifs que préventifs et promotionnels doivent être pris en considération. |
4.2. |
Le programme «Horizon Europe» prévoit en outre une série de nouvelles «missions», c’est-à-dire des partenariats de recherche caractérisés par des objectifs ambitieux visant à résoudre des problèmes urgents qui ont des répercussions sur le quotidien des citoyens. |
4.3. |
La numérisation du secteur de la santé sera un volet important des politiques de financement européennes. À cet égard, le pôle «Santé» du programme «Horizon Europe» prévoit une enveloppe de plus d’un milliard d’euros pour la seule élaboration de solutions relevant des technologies de l’information et de la communication (TIC) en matière de prévention, de diagnostic, de traitement et de soins. |
4.4. |
Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) alloue quelque 80 millions d’euros au développement et à l’interopérabilité des systèmes de santé en ligne. Le futur programme pour une Europe numérique prévoit également de soutenir la création et le renforcement d’un espace européen commun des données relatives à la santé, qui inclue la normalisation des types de données partagées, un accord sur des indicateurs communs et la participation active d’Eurostat concernant ces derniers. |
4.5. |
L’instrument d’aide d’urgence au sein de l’UE a été renforcé dans le secteur de la santé. La réserve «rescEU», qui fait partie du mécanisme de protection civile de l’UE (6), est axée sur la réponse rapide et directe à la crise sanitaire. |
4.6. |
Dans le cadre des programmes de coopération transfrontalière INTERREG gérés de façon déléguée, la santé doit être promue comme thème prioritaire. |
5. Déployer une réponse européenne ambitieuse et commune dans le cadre de la relance
5.1. |
Dans une résolution du 17 avril 2020 (7), le Parlement européen a demandé qu’un budget spécifique soit dégagé pour soutenir les systèmes de santé nationaux pendant la crise au moyen d’investissements plus importants visant à rendre les systèmes de santé européens plus résilients et à aider les pays en difficulté; il a par ailleurs appelé de ses vœux la création d’un nouveau programme européen autonome en matière de santé. |
5.2. |
Le CESE a exprimé à plusieurs reprises son point de vue sur la politique européenne en matière de santé (8). Dès le 17 mars 2020, le Comité et ses membres ont appelé à davantage de solidarité et à une action commune à l’échelon européen visant à lutter efficacement contre les conséquences de la pandémie. |
5.3. |
Comme la relance, les différentes mesures adoptées par les institutions européennes dans le cadre de «L’UE pour la santé» se doivent d’être inclusives et d’associer l’ensemble des acteurs de la santé (organisations d’assurance maladie, mutuelles, etc.). |
6. Mettre en œuvre un programme de santé intégré et intersectoriel
6.1. |
Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission européenne qui vise à apporter une réponse coordonnée, intégrée et gérée au niveau européen aux crises sanitaires dues à des pandémies, en donnant une dimension pleinement européenne à la politique en matière de santé, aux réseaux de prévention et de diagnostic précoce à distance, au renforcement de l’innovation et à la recherche dans le domaine de la santé ainsi qu’au déploiement des technologies numériques dans le secteur de la santé. |
6.2. |
Le Comité souligne notamment la nécessité d’améliorer la coordination au niveau européen en ce qui concerne les objectifs relatifs aux maladies non transmissibles et aux maladies chroniques invalidantes, et attire l’attention sur la protection des groupes vulnérables de la société, les aspects liés à la santé mentale et la lutte contre la perte d’autonomie des personnes âgées. |
6.3. |
Le CESE met l’accent sur l’importance du concept «une seule santé» qui a été adopté, sachant qu’il ne peut, d’une manière générale, y avoir de réponse qui ne concerne qu’un seul secteur et de solution qui réside uniquement dans l’amélioration des thérapies; il est évident qu’il faut éliminer les points faibles de la santé publique en adoptant une approche globale et intégrée. |
6.4. |
Le Comité considère que la coordination est un aspect fondamental, qui ne saurait être relégué parmi les quelque 70 actions éligibles, au même titre que la création et l’exploitation éventuelles d’un «mécanisme de coordination intersectorielle du concept “Une seule santé”». Le CESE estime qu’il convient d’accorder la priorité à cet aspect, étant donné que la gestion d’un mécanisme de coordination intersectorielle est un élément clé de la lutte contre les crises. |
6.5. |
Le Comité juge important que l’approche proposée permette de prendre en compte l’équilibre entre la santé humaine et la santé animale (voir le rôle possible des réservoirs animaux dans l’apparition de maladies transmissibles) ainsi que les écosystèmes (par exemple, l’attention portée à l’incidence de l’élimination des déchets sensibles au cours d’une crise), et de faire en sorte que la protection des groupes vulnérables soit au cœur des stratégies de résilience face aux crises. |
6.6. |
Le CESE est toutefois préoccupé par le fait que la coordination de cette approche de défense et de prévention contre les menaces transfrontières graves pour la santé et les pandémies soit confiée à une pluralité d’agences (9) qui ont un contexte, des missions et des compétences spécifiques et ne semblent pas en mesure de se coordonner de manière automatique et efficace au cas où elles devraient se mobiliser et apporter une réponse urgente et intégrée. |
6.7. |
Le CESE met l’accent sur le fait que les agences devraient agir ensemble, avec un mécanisme de coordination transsectoriel et constituer le moteur des propositions de l’UE en travaillant de concert. |
6.8. |
En lien avec la gouvernance et le rôle des agences, les capacités d’action de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (DG SANTE) de la Commission européenne, son articulation avec la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion (DG EMPL) et leur suivi transversal de toutes les politiques européennes du point de vue des questions sociales et de santé doivent être renforcés. |
6.9. |
Le CESE est convaincu qu’il convient de prendre dûment en compte le fait que trois épidémies de coronavirus successives ont mis en évidence, dans le monde et tout récemment aussi en Europe, que l’absence de réponse immédiate et intégrée, les lacunes en matière de gestion des informations, l’incapacité mais aussi le manque de volonté de coordonner les réponses, le manque de ressources, mais plus encore l’absence de mobilisation et de gestion stratégique des ressources potentiellement disponibles, ont permis aux épidémies de se propager, alors que leur incidence aurait pu être moins importante. |
6.10. |
Le Comité souligne que le facteur qui a le plus entravé la réaction à la COVID-19 dans de nombreux pays du monde et, du moins en partie, en Europe, est l’absence de capacités en matière d’alerte et de réaction intégrée. Face à la nécessité d’une action urgente, la situation a été aggravée par l’absence de capacité juridique à mettre en œuvre rapidement les règlements d’urgence transitoires. Il serait par conséquent opportun d’examiner la possibilité de mettre en place un mécanisme européen d’alerte précoce. |
6.11. |
Le CESE insiste sur la nécessité d’exempter la santé de toute mesure de fermeture des frontières. «La santé ne peut avoir de frontière»: ce principe doit être inscrit dans les traités européens. À cet égard, le CESE plaide pour la reconnaissance de la mobilité du personnel de la santé et des patients. |
6.12. |
La Cour des comptes s’est prononcée à plusieurs reprises sur la nécessité d’améliorer la présence et l’action de l’Europe en matière de systèmes de santé, afin qu’ils soient plus proches des citoyens européens par-delà les frontières et qu’ils améliorent les services qu’ils prodiguent, en particulier pour les personnes les plus fragiles et les plus faibles économiquement. Le CESE invite la Commission à mettre en exergue les valeurs sociales qui sont clairement énoncées dans les traités et qui doivent devenir, concrètement, la référence culturelle et l’axe d’action d’une Union européenne de la santé. |
6.13. |
Le CESE appuie la Cour des comptes qui s'est prononcée à plusieurs reprises sur la nécessité d'améliorer l'action de l'Union européenne en matière de santé, d’œuvrer à la convergence des systèmes de santé par-delà les frontières au bénéfice des citoyens européens et de renforcer l’accessibilité des services de santé, en particulier pour les personnes les plus fragiles et les plus faibles économiquement. |
7. Adapter les mesures opérationnelles, fonctionnelles et stratégiques
7.1. |
Il est certainement utile de renforcer les ressources humaines et financières, mais si l’on avait mené une action intégrée et fait preuve d’un sens de la coopération plus élevé, on aurait pu disposer, avec les ressources disponibles alors, d’équipements et de compétences suffisants pour bloquer les épidémies. |
7.2. |
Coordination et coopération sont dès lors fondamentales pour répondre aux besoins créés par l’urgence sanitaire, soutenir l’activité économique et préparer le terrain en vue de la reprise. |
7.3. |
Le CESE estime qu’il est indispensable de prévoir la mise en place d’un organisme d’analyse, de prévention dans le contexte de l’ECDC et de simulation des réponses, qui soit en mesure de fournir des données essentielles pour planifier les stratégies et de mobiliser, à très brève échéance, les meilleures ressources disponibles. |
7.4. |
Appliquer l’approche des RER (10) à d’autres secteurs permettrait de créer des groupes capables de recruter les meilleures talents disponibles en Europe dans des secteurs utiles pour lutter contre la crise et de jeter les bases de synergies. |
7.5. |
Toutefois, le CESE considère que cette approche est insuffisante, car le véritable problème réside dans la coordination et la finalisation des travaux de ces réseaux (en d’autres termes la création et la gestion de réseaux de réseaux). |
7.6. |
Il convient de développer des campagnes et des plans européens mettant davantage l’accent sur les plus vulnérables, et portant, entre autres, sur la promotion de modes de vie sains, la prévention et le dépistage, la mise en place de parcours de soins et de bien-être intégrés, et la lutte contre les inégalités sociales, etc. |
8. Suivre la réalisation des objectifs par un monitoring régulier et une approche inclusive
8.1. |
Le CESE souligne qu’une attention particulière doit être accordée aux indicateurs permettant de contrôler et de vérifier la qualité des objectifs du programme. S’il est indispensable de disposer d’indicateurs généraux, ou «macro-indicateurs», l’objectif consistant à promouvoir et à mettre en œuvre les ressources européennes dans un contexte de crise(s) requiert un système flexible qui, pour répondre aux besoins ponctuels et évolutifs, doit être capable de produire en continu des «micro-indicateurs» ad hoc afin de satisfaire les besoins permanents pour lesquels il a été créé. |
8.2. |
De l’avis du Comité, il serait nécessaire de créer un groupe de professionnels de la santé issus des États membres et d’experts de différentes disciplines. Un certain nombre d’entre eux au moins devraient disposer d’une expertise spécifique dans la lutte contre les urgences sanitaires, et les autres devraient avoir une expérience des méthodes de travail intégrées, comme c’est le cas dans les domaines de la recherche, de la protection civile et de la médecine militaire au niveau européen. |
8.3. |
Le CESE salue le programme de la Commission mettant en évidence la nécessité de disposer d’un mécanisme de surveillance des crises. Dans ce cadre, en plus des mesures proposées axées sur la production d’équipements et de technologies, le CESE rappelle l’importance de mettre en place un système de coordination, de planification, de suivi et de pilotage stratégique aux fins de prévention et d’interventions précoces. |
8.4. |
Si, dans le domaine de la santé, l’Union doit apporter un soutien aux États membres, dans celui de la formation, elle joue un rôle fondamental. À cet égard, il convient de renforcer son rôle de vérification des différents organismes actifs dans le secteur de la formation aux métiers de la santé (l’Union doit notamment jouer un rôle central dans les cliniques universitaires pour ce qui concerne leurs missions de formation, y compris en matière de santé). |
8.5. |
Le CESE est favorable à une participation égalitaire des hommes et des femmes aux processus de décision: au delà des cadres juridiques utiles, l’équilibre entre les sexes en matière de processus décisionnel et dans la vie politique, économique et sociale peut être réalisé notamment grâce à une approche qui intègre la dimension de genre au niveau social et familial. |
8.6. |
De l’avis du CESE, il serait souhaitable que l’Union assure un suivi constant de la qualité concernant ces segments de la santé. Ce suivi devrait notamment être axé sur la nécessité, pour les États membres, de garantir des espaces sanitaires adéquats et des structures pour une formation conforme aux exigences communautaires. |
8.7. |
Le CESE rappelle que les avantages offerts par le numérique pourraient bénéficier à l’égalité d’accès aux soins de santé pour autant que différentes conditions soient réunies:
|
9. Appuyer le personnel de la santé
9.1. |
Le CESE est convaincu qu’il convient d’accroître la participation directe de l’Union à la formation du personnel de santé, étant donné notamment que le renforcement des systèmes de protection civile rend nécessaire la création d’une nouvelle profession: expert en coordination et en suivi des crises. Un professionnel présentant ce profil devait être disponible dans toutes les sections territoriales de la protection civile. |
9.2. |
Une action pilote pourrait être envisagée afin de créer une école européenne proposant une formation de troisième cycle organisée en coopération avec des universités européennes. |
9.3. |
Outre la formation, le CESE reconnaît l’importance pour l’UE d’œuvrer à des conditions de travail dignes pour le personnel de santé, «héros» de la crise. |
10. Faire de l’UE une pionnière en matière de recherche
10.1. |
S’agissant de la politique de soutien à la recherche portant sur des médicaments susceptibles d’être utiles en cas de crise, il convient de noter que certains pans de celle-ci, en particulier la recherche sur les médicaments déjà utilisés dans des conditions similaires, concernent des médicaments présentant un faible intérêt pour le marché parce qu’ils ne sont pas brevetés. C’est la raison pour laquelle il convient d’intensifier également la recherche indépendante, y compris sur une question aussi sensible que celle des vaccins, notamment aux fins de garantir une souveraineté européenne en matière de technologie et de production dans ce domaine. |
10.2. |
Il ressort de travaux menés récemment que les principales universités ne sont plus aussi bien classées en ce qui concerne la production scientifique (2015-2019) — une tendance nettement plus marquée en Europe puisqu’une seule université européenne figure parmi les 30 premières. En revanche, les entreprises spécialisées dans les services relatifs à l’internet, aux technologies et à l’analyse de données n’ont cessé de gagner en importance dans le domaine de la recherche. |
10.3. |
Le CESE estime qu’il convient d’établir des synergies entre le programme «L’UE pour la santé» pour la période 2021-2027 et tous les autres programmes et fonds destinés à la recherche et à l’innovation technologique dans le secteur de la santé. Ces synergies permettraient de stimuler l’innovation et la production de brevets ainsi que d’accompagner et de soutenir une production biomédicale de haut niveau. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Comité des régions, «Charte pour la gouvernance à multiniveaux».
(2) EUR-Lex.
(3) https://www.ecdc.europa.eu/en.
(4) https://www.ema.europa.eu/en.
(5) JO C 434 du 15.12.2017, p. 1.
(6) https://what-europe-does-for-me.eu/fr/portal/2/X07_26001.
(7) https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-04-17-TOC_FR.html.
(8) Règlement relatif à l’initiative d’investissement en réaction au coronavirus, EESC-2020-01536-00-01-PAC-TRA (ECO/515, en cours); JO C 227 du 28.6.2018, p. 11; JO C 240 du 16.7.2019, p. 10; JO C 271 du 19.9.2013, p. 122; JO C 14 du 15.1.2020, p. 52; JO C 434 du 15.12.2017, p. 1; JO C 242 du 23.7.2015, p. 48; JO C 116 du 20.4.2001, p. 75; JO C 255 du 22.9.2010, p. 76; JO C 143 du 22.5.2012, p. 102; JO C 234 du 30.9.2003, p. 36; JO C 18 du 19.1.2011, p. 74; JO C 120 du 20.5.2005, p. 54; JO C 44 du 15.2.2013, p. 36; JO C 218 du 11.9.2009, p. 91; JO C 242 du 23.7.2015, p. 48; JO C 44 du 11.2.2011, p. 10; JO C 13 du 15.1.2016, p. 14; JO C 440 du 6.12.2018, p. 150; JO C 283 du 10.8.2018, p. 28; JO C 440 du 6.12.2018, p. 57.
(9) Voir paragraphe 2.6.
(10) JO L 88 du 4.4.2011, p. 45.
(11) Voir la note 5 de bas de page.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/259 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 — Ramener la nature dans nos vies»
[COM(2020) 380 final]
(2020/C 429/33)
Rapporteur: |
Antonello PEZZINI (IT-I) |
Corapporteur: |
Lutz RIBBE (DE-III) |
Saisine |
Commission européenne, 17.6.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. |
Décision du bureau |
21.1.2020 |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
31.8.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
209/5/4 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite des efforts fournis par la Commission européenne pour mettre au point une stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 dans le contexte de la réalisation du pacte vert pour l’Europe et du cadre mondial pour la biodiversité proposé par la convention sur la diversité biologique. |
1.1.1. |
Il regrette, dans le même temps, que les recommandations formulées par la Cour des comptes européenne en vue d’une application plus rapide de la politique en faveur de la biodiversité n’aient pas été prises en compte. |
1.2. |
Selon le CESE, la stratégie en faveur de la biodiversité est la voie à suivre pour placer la biodiversité européenne au cœur de la reprise post-coronavirus, pour le bien des personnes, du climat et de la planète. |
1.3. |
Il convient d’accroître considérablement les efforts visant à protéger les ressources naturelles encore existantes dans l’UE grâce à des opérations constantes de sensibilisation et de communication en direction de la société et, en particulier, des jeunes, en mettant en évidence les aspects positifs de la défense de la biodiversité. |
1.4. |
Pour atteindre cet objectif, le CESE estime, tout comme la Commission, qu’il est nécessaire d’accroître l’étendue des zones protégées, en particulier de celles qui sont strictement protégées, en limitant autant que possible l’impact sur l’agriculture et la sylviculture, bien que cela soit loin d’être suffisant pour mettre un terme au déclin de la biodiversité. |
1.5. |
C’est la raison pour laquelle il y a lieu, de l’avis du CESE, d’accroître sensiblement les efforts visant à restaurer les habitats et à lutter contre le déclin des espèces, dû principalement à une mise en œuvre défaillante du cadre juridique et au financement insuffisant des mesures nécessaires. |
1.6. |
De l’avis du CESE, il est nécessaire de souligner l’importance de la connectivité écologique; dans cette perspective, il s’impose de mettre en place un réseau transeuropéen de protection de la nature afin de remédier aux lacunes méthodologiques de la directive «Habitats». |
1.7. |
Le CESE reconnaît que la mise en œuvre des objectifs de restauration requiert de nouveaux objectifs juridiquement contraignants ainsi qu’un financement adéquat et autonome. Il y a cependant lieu d’encourager également les mesures prises à titre volontaire. |
1.8. |
Le CESE déplore que le nouveau cadre financier 2021-2027 ne contienne pas la moindre trace d’une intégration totale, efficace et cohérente de la biodiversité, et considère qu’il s’agit là d’un signe inquiétant des divergences importantes qui subsistent entre les paroles et les actes. Cela ressort également des différents rapports publiés par la Cour des comptes européenne au cours des deux dernières années sur la question de la non-compatibilité des politiques en matière d’agriculture, de climat et de biodiversité. |
1.9. |
Le CESE rappelle que la protection de la biodiversité ne doit pas être supportée économiquement par les agriculteurs et les propriétaires forestiers. La fourniture de ces «valeurs et biens publics» devrait plutôt constituer pour eux une source de revenus potentielle intéressante. Il considère que cette question doit faire l’objet d’une attention particulière dans le nouveau plan de relance économique au moyen d’investissements permettant, en fournissant du personnel et des ressources, de sauvegarder les objectifs de la stratégie. |
1.10. |
Le CESE juge essentiel que certaines partie des zones protégées deviennent des zones strictement protégées, faisant l’objet d’une gestion par non-intervention. C’est le seul moyen pour que des processus naturels purs (et non «gérés») puissent avoir lieu. |
1.11. |
Le CESE relève que l’objectif de transformer 10 % de la surface agricole en zones prioritaires n’est pas pris en compte dans la proposition de réforme de la PAC actuellement à l’examen, qui ne mentionne qu’une «part minimale», sans indiquer de chiffre concret. Le Comité recommande que tout objectif faisant l’objet d’une décision soit réaliste et partagé. |
1.12. |
Le Comité accueille très favorablement le renforcement de l’infrastructure verte et invite la Commission et les États membres à élaborer et mettre en œuvre une stratégie cohérente à cet égard. |
1.13. |
L’UE devrait faire du réseau transeuropéen pour l’infrastructure verte (RTE-V) une priorité d’investissement et le doter d’un financement adéquat. |
1.14. |
Le CESE demande à la Commission d’élaborer une stratégie à la fois solide et complète pour les forêts et le secteur forestier. |
2. Contexte
2.1. |
La stratégie en faveur de la biodiversité, à savoir la variété de la vie sur la Terre — constituée d’écosystèmes, de communautés, d’espèces et de ressources génétiques — est un préalable fondamental au bien-être durable et à la prospérité de l’humanité. Elle constitue une ressource en soi et fournit à la société un large éventail de services écosystémiques essentiels, de l’approvisionnement en nourriture et en eau douce à la pollinisation, en passant par la prévention des inondations. Outre des considérations purement matérielles, il existe également des arguments éthiques et moraux en faveur de la protection de la biodiversité. |
2.2. |
L’action de l’UE dans le domaine de la biodiversité se fonde sur différents articles du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE):
En outre, l’Union est partie à la convention des Nations unies sur la diversité biologique, signée à Rio de Janeiro en 1992 (1). |
2.3. |
En matière de droit dérivé, l’Union dispose de plusieurs actes juridiques portant sur la protection et la gestion durable des habitats naturels et des espèces menacées, et visant à favoriser la prise en considération de la biodiversité dans les politiques et les actions de l’UE. |
2.4. |
À cet égard, les dispositifs revêtant une importance particulière sont le réseau Natura 2000, un système de zones de protection déployé sur l’ensemble de l’Union, établi en vertu de la directive «Habitats» (2), qui comprend également les zones de protection spéciale (ZPS) instaurées en vertu de la directive «Oiseaux» (3), la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» (4) et le règlement sur les espèces exotiques envahissantes (5). |
2.5. |
Toutefois, malgré les instruments juridiques existants et les nombreux engagements politiques visant à enrayer la perte de biodiversité, cette dernière est gravement menacée:
|
2.6. |
Tous les programmes de l’UE en faveur de la biodiversité comportaient des objectifs très ambitieux, que le CESE a toujours soutenus. Les résultats n’ont toutefois pas été à la hauteur. En conséquence, près d’un quart des espèces animales et végétales sauvages en Europe sont actuellement menacées d’extinction, les insectes et les pollinisateurs sont en déclin rapide et l’état des écosystèmes s’est dégradé à un point tel qu’ils ne sont plus en mesure d’assurer pleinement leurs précieux services. Cette dégradation engendre d’énormes pertes sociales et économiques dans les pays de l’Union. |
2.7. |
Les cinq causes principales du déclin de la biodiversité — à savoir les changements d’utilisation des sols et des mers, la surexploitation des ressources naturelles, la pollution, le changement climatique et l’introduction d’espèces exotiques envahissantes et leur propagation — se sont encore aggravées depuis lors, annulant largement les effets positifs partiels des mesures prises pour atténuer le problème. |
2.8. |
L’UE porte une grande responsabilité à cet égard, notamment par l’intermédiaire de ses politiques agricole et de la pêche, qui définissent un cadre stratégique et sont dotées d’une enveloppe se chiffrant en milliards d’euros. Bien que la nécessité de réformer ces secteurs ait été régulièrement pointée et reconnue depuis plus de 20 ans, presque rien n’a été fait jusqu’à présent. À cet égard, le CESE attire l’attention sur les divers rapports de la Cour des comptes européenne (7), dont certains publiés très récemment, et constate qu’ils sont malheureusement presque totalement ignorés dans les documents de la Commission, du Conseil et du Parlement européen sur le sujet. |
2.9. |
En 2019, un rapport de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a fait état d’une accélération de l’extinction des espèces et d’un déclin de la santé des écosystèmes à l’échelle planétaire. Le rapport insiste en outre clairement sur le fait que la perte de biodiversité ne pourra être ni freinée ni endiguée en l’absence de changements fondamentaux et structurels dans la société. Les auteurs du rapport s’attendent à ce que la transformation nécessaire se heurte à la forte opposition des bénéficiaires du statu quo. Il est toutefois possible et indispensable, dans l’intérêt général, de surmonter ces obstacles (8). Une enquête Eurobaromètre menée dans les États membres de l’UE en décembre 2018 auprès de plus de 27 000 personnes a révélé que les citoyens de l’Union sont de plus en plus conscients de la signification et de l’importance de la biodiversité. |
2.10. |
Il serait opportun d’inclure dans l’agenda territorial européen, par ailleurs mentionné dans le programme de la présidence allemande du Conseil, une référence forte à la défense de la biodiversité (9). |
3. Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030
3.1. |
La stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 poursuit, dans une large mesure, les mêmes objectifs que les stratégies précédentes. |
3.2. |
Elle se fonde sur les recommandations du Conseil, selon lesquelles l’UE et ses États membres doivent donner l’exemple et intensifier leurs efforts pour lutter contre la perte de biodiversité et restaurer les écosystèmes. En décembre 2019, le Conseil a défini des orientations stratégiques pour la biodiversité jusqu’en 2030, en cohérence avec le pacte vert. Il a insisté sur la nécessité de prendre à tous les niveaux des mesures d’urgence à l’échelle mondiale pour mettre un terme à la perte de biodiversité, et s’est engagé à:
|
3.3. |
Le Comité a pu s’exprimer à plusieurs reprises sur la politique en faveur de la biodiversité (10) et fait à nouveau observer que ce ne sont pas les bases juridiques qui font défaut, mais bien la volonté politique. En effet, les décisions prises par le Conseil en décembre 2019, qui se reflètent en partie dans la stratégie, ne comportent aucun élément nouveau et risquent encore une fois de ne pas se concrétiser. |
3.4. |
La nouvelle stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité ne vise pas seulement à protéger et à restaurer la nature en Europe, mais elle aborde aussi, de manière plus résolue que les stratégies précédentes, la question des services écosystémiques. Elle est en outre beaucoup plus claire quant aux objectifs de restauration des habitats perdus et fixe une ligne de conduite pour les objectifs de l’UE en matière de biodiversité pour la COP15, la conférence décisive des parties sur la biodiversité prévue pour 2021. |
3.5. |
La stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 définit trois objectifs pour un réseau cohérent de zones protégées:
|
3.6. |
Afin de restaurer les écosystèmes dégradés et fragiles (pour lesquels il n’existe pas encore de cadre juridique efficace) et de réduire la pression sur la biodiversité, un certain nombre d’actions sont envisagées, visant notamment à:
|
3.7. |
Ces objectifs pourront être atteints, entre autres, par la mise en œuvre des mesures suivantes:
|
3.8. |
Afin de permettre ce changement nécessaire et profond, la Commission entend créer un nouveau cadre de gouvernance européen pour la biodiversité. À cette fin, un mécanisme de suivi et de réexamen sera mis en place sur la base d’un ensemble d’indicateurs clairs et convenus. La nécessité d’une approche juridiquement contraignante en matière de gouvernance sera évaluée en 2023. |
3.9. |
La Commission place la mise en œuvre et le respect de la législation environnementale de l’UE au cœur de sa stratégie. Il est prévu, d’une part, d’intensifier la coopération avec les États membres et les réseaux européens, les inspecteurs, les forces de police et les procureurs et, d’autre part, de renforcer le rôle de la société civile. |
3.10. |
La proposition présentée est une stratégie pour l’UE, mais la Commission souligne qu’au niveau bilatéral et multilatéral également une plus grande attention sera accordée à la protection de la biodiversité, et ajoute que l’UE est prête à jouer un rôle de premier plan dans une coalition animée de grandes ambitions en matière de biodiversité lors de la 15e conférence des parties à la convention sur la diversité biologique (CDB). |
3.11. |
Le plan d’action de la nouvelle stratégie à l’horizon 2030 prévoit une quarantaine de mesures à adopter dans les quatre prochaines années, selon le calendrier indicatif figurant en annexe de la proposition y relative. |
4. Observations générales
4.1. |
Le CESE se félicite des efforts fournis par la Commission européenne pour mettre au point une stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 dans le contexte de la réalisation du pacte vert pour l’Europe et du cadre mondial pour la biodiversité proposé par la convention sur la diversité biologique (CBD). |
4.2. |
L’appauvrissement sans précédent de la biodiversité et la propagation de pandémies dévastatrices véhiculent un message sans appel: il est temps de reconsidérer notre rapport à la nature. Selon le CESE, la stratégie en faveur de la biodiversité est la voie à suivre pour placer la biodiversité européenne au cœur de la reprise post-coronavirus, pour le bien des personnes, du climat et de la planète. La perte de biodiversité et la crise climatique sont interdépendantes et s’influencent mutuellement. Il est essentiel de protéger de manière cohérente — et de restaurer — les forêts, les sols et les zones humides et de créer des espaces verts dans les villes pour réussir à atténuer les effets du changement climatique d’ici 2030. |
4.3. |
La stratégie en faveur de la biodiversité reconnaît les liens suivants: il convient d’intensifier considérablement, au sein de l’UE, les efforts visant à protéger les ressources naturelles restantes, ce qui requiert a) une extension des zones protégées, en particulier celles qui sont strictement protégées. Toutefois, cela ne suffira nullement pour mettre un terme au déclin de la biodiversité (s’agissant non seulement du nombre d’espèces, mais surtout de leurs effectifs de population, qui diminuent dramatiquement, comme l’a montré la mort massive d’insectes sur de vastes territoires). C’est la raison pour laquelle il convient aussi b) d’accroître sensiblement les efforts visant à restaurer les habitats. Le CESE soutient explicitement ces deux objectifs. |
4.4. |
Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel le déclin des espèces et des habitats protégés est dû principalement à une mise en œuvre défaillante du cadre juridique et à l’insuffisance des financements. Le cadre juridique existant (constitué essentiellement des directives «Oiseaux» et «Habitats») est axé sur les espèces et les habitats menacés, alors que la protection de la biodiversité va bien au-delà et impose que les directives précitées couvrent également les insectes et les pollinisateurs, ainsi que les services écosystémiques et les infrastructures vertes. |
4.5. |
Le CESE soutient dès lors les propositions de la Commission concernant l’introduction d’instruments juridiques supplémentaires si les États membres ne mettent pas rapidement en œuvre les nouveaux objectifs dans les prochaines années. Il fait également valoir la nécessité de reconnaître et d’encourager la qualité de la protection et les bonnes pratiques à l’échelon des États membres, telles que des mesures volontaires de protection. |
4.6. |
Le Comité relève qu’outre les facteurs déjà mentionnés, il existe plusieurs autres facteurs responsables de ce déclin, y compris les comportements humains. |
4.7. |
Le CESE partage l’analyse de la Commission selon laquelle la persistance du déclin spectaculaire de la biodiversité requiert une extension significative du réseau de zones protégées. En particulier, jusqu’à présent, la protection des processus naturels n’a pas bénéficié de l’attention nécessaire. Le nouvel objectif de 10 % de zones strictement protégées changera la donne. Ces mesures auraient une incidence positive sur le climat, la protection des pollinisateurs et des insectes et l’amélioration de la rétention des eaux sur le territoire. En imposant la création d’un réseau transeuropéen de protection de la nature, la Commission cherche à combler les lacunes méthodologiques de la directive «Habitats» et souligne à juste titre l’importance de la connectivité écologique. Ce faisant, elle revient également sur la question des infrastructures vertes, laquelle, malheureusement, n’a pas été suivie avec la détermination nécessaire après la communication de la Commission COM (2013) 249 final. |
4.8. |
Le CESE reconnaît que la mise en œuvre des objectifs de restauration requiert de nouveaux objectifs juridiquement contraignants. La stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2020 prévoyait de restaurer 15 % des écosystèmes dégradés. La réalisation de cet objectif est tout à fait insuffisante, notamment en raison de l’absence de caractère juridiquement contraignant. |
4.9. |
Le CESE se réjouit de constater que la stratégie aborde plus clairement la question des besoins financiers. L’absence de financement adéquat a été reconnue de longue date: seulement 20 % des besoins de financement pour la gestion des zones protégées, dont celles du réseau Natura 2000 (11), sont couverts à ce jour, et les estimations financières du CESE ont toujours été bien supérieures à celles de la Commission. |
4.10. |
Le Comité s’est aussi prononcé clairement en faveur d’une ligne de financement distincte, indépendante du budget agricole, tout comme la Cour des comptes européenne. |
4.11. |
Dans son avis, la Cour des comptes fait observer que la part des dépenses de la PAC consacrée à la biodiversité n’est pas claire. Selon la Commission, environ 8 % du budget de l’UE seraient consacrés à la protection de la biodiversité (86 milliards d’EUR pour la période 2014-2020). La Cour des comptes déplore que malgré cela, aucun effet positif n’ait pu être mesuré. |
4.12. |
Cela s’explique également non seulement par le sous-financement des programmes du deuxième pilier, particulièrement efficaces sur le plan de la biodiversité, mais aussi par le peu d’attrait qu’ils présentent, de manière générale, pour les agriculteurs dans de nombreux États membres.
Depuis des années, le CESE a également soutenu des solutions qui, par exemple, permettraient aux agriculteurs de prendre plus facilement des mesures pour promouvoir la biodiversité, y compris, entre autres, un élément incitatif suffisant. Le CESE rappelle que les agriculteurs et les propriétaires forestiers, qui sont également tenus de protéger la biodiversité, ne sauraient en assumer la charge du point de vue économique. La fourniture de ce «bien public» devrait plutôt constituer pour eux une source de revenus potentielle intéressante. |
4.13. |
La Commission mentionne un besoin de 20 milliards d’EUR par an. Le fait qu’il ne soit précisé a) ni comment ce montant de 20 milliards d’EUR est calculé, b) ni comment il devrait être couvert, est l’une des faiblesses majeures de la stratégie en faveur de la biodiversité. |
4.14. |
Cette somme n’est pas reprise dans le nouveau cadre financier pluriannuel, ce qui est surprenant, étant donné qu’en décembre 2019, le Conseil a appelé «à ce que la biodiversité soit intégrée pleinement, efficacement et de manière cohérente dans la conception et la mise en œuvre du nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 de l’UE» (voir paragraphe 3.2 du présent avis). En tout état de cause, le CESE ne trouve aucune trace de ce qui précède et considère qu’il s’agit là d’un signe préoccupant qui montre qu’il existe, une fois de plus, des écarts importants entre les paroles et les actes. |
4.15. |
Le CESE critique le fait qu’une fois de plus, la Commission n’applique pas, dans cette stratégie en faveur de la biodiversité, les recommandations du Conseil de décembre 2019 sur le soutien financier aux mesures de protection de la biodiversité, et qu’elle ne propose aucune mesure efficace pour mettre fin à toutes les subventions préjudiciables à la biodiversité. De même, en ce qui concerne la demande du Conseil visant à améliorer l’examen de la mise en œuvre et l’établissement de rapports sur les politiques, les actions et les engagements relatifs à la protection de la nature et de la biodiversité, la Commission n’a pas encore proposé d’instruments adéquats. |
4.16. |
Le CESE estime, comme la Commission, que pour la plupart des zones protégées, les pratiques de gestion durable constituent un moyen approprié de maintenir ou de promouvoir des valeurs élevées en matière de biodiversité. Cependant, le CESE juge essentiel qu’une partie des zones protégées deviennent des zones strictement protégées, faisant l’objet d’une gestion par non-intervention. C’est le seul moyen de protéger efficacement les processus naturels. |
4.17. |
Le CESE se réjouit dès lors de l’augmentation significative du pourcentage de zones strictement protégées et souligne que la protection des processus naturels est de la plus haute importance pour la protection de la biodiversité, en particulier en période de changement radical du climat. Il y a lieu de saluer vivement l’importance élevée accordée à la protection stricte (avec une gestion sans intervention) des forêts vierges et primaires. Le CESE fait toutefois observer qu’il est difficile de protéger efficacement les forêts vierges et primaires, en particulier celles qui appartiennent à des propriétaires privés, en l’absence de compensations importantes. Le CESE souligne à cet égard les mesures louables prises par les ONG de défense de l’environnement, qui agissent comme des sentinelles de l’environnement, et salue les interventions continues des pompiers, qui sont engagés dans la défense de territoires qui recèlent souvent des aspects importants de la biodiversité. En ce qui concerne les forêts vierges et primaires appartenant à l’État, le CESE aurait souhaité que la Commission recommande un moratoire relatif à l’abattage des arbres. Les débats actuels portant sur la protection des forêts dans différents États membres de l’UE montrent que les forêts publiques subissent également une pression économique importante. |
4.18. |
Le CESE souligne que la PAC doit être conforme aux objectifs stratégiques en matière de biodiversité (12), à la législation européenne sur le climat, à la stratégie «De la ferme à la table» et aux objectifs du pacte vert pour l’Europe. |
4.19. |
Le CESE est très critique envers le fait que ni le dernier cadre financier pluriannuel proposé, ni le plan européen pour la relance économique ne prévoient de dépense supplémentaire pour protéger la biodiversité. |
4.20. |
Le CESE estime qu’il importe de disposer d’une stratégie à la fois solide et complète pour les forêts et le secteur forestier. Elle est notamment nécessaire faute d’une politique forestière commune de l’Union européenne ancrée dans la législation. |
4.21. |
Le CESE relève que l’objectif de transformer 10 % de la surface agricole en zones prioritaires n’est pas pris en compte dans la proposition de réforme du deuxième pilier de la PAC actuellement à l’examen, qui ne mentionne qu’une «part minimale», sans indiquer de chiffre concret. C’est là un signal extrêmement négatif du fait que cette exigence, d’un côté, est reconnue par la Commission, mais, de l’autre, n’est pas prise en compte dans le processus de réforme parallèle. |
4.22. |
Le Comité accueille très favorablement le renforcement de l’infrastructure verte et invite la Commission et les États membres à élaborer et mettre en œuvre une stratégie cohérente à cet égard. L’UE devrait faire du réseau transeuropéen pour l’infrastructure verte (RTE-V) une priorité d’investissement et le doter d’un financement adéquat. |
4.23. |
Elle annonce non seulement des objectifs de restauration juridiquement contraignants, mais aussi une nouvelle initiative législative visant à étendre les zones protégées, au cas où les États membres ne respecteraient pas les orientations ou les recommandations de la Commission. Le CESE considère ces mesures réglementaires comme essentielles au cas où les États membres n’opéreraient pas de changement radical en ce qui concerne la protection de la biodiversité. L’initiative législative annoncée pour 2024 devrait donc déboucher sur l’élaboration d’une directive de grande portée sur la biodiversité, qui comblerait également les autres lacunes mentionnées dans le présent avis et qui devrait être accompagnée d’une analyse d’impact permettant une meilleure évaluation des aspects commerciaux. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) La Convention sur la diversité biologique.
(2) Directive 92/43/CE du Conseil (JO L 206 du 22.7.1992, p. 7).
(3) Directive 79/409/CEE du Conseil (JO L 103 du 25.4.1979, p. 1), appelée directive «Oiseaux» et directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 20 du 26.1.2010, p. 7).
(4) Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 164 du 25.6.2008, p. 19).
(5) Règlement (UE) no 1143/2014 du Parlement européen et du Conseil (JO L 317 du 4.11.2014, p. 35).
(6) COM(2006) 216 final.
(7) Voir par exemple, l’avis no 7/2018 sur les propositions de la Commission concernant les règlements relatifs à la politique agricole commune pour la période postérieure à 2020 (JO C 41 du 1.2.2019, p. 1) et le rapport spécial 13/2020: Biodiversité des terres agricoles: la contribution de la PAC n’a pas permis d’enrayer le déclin.
(8) IPBES, Summary for policymakers of the global assessment report on biodiversity and ecosystem services [Résumé pour les responsables politiques du rapport d’évaluation global sur la biodiversité et les services écosystémiques], 2018.
(9) Charte de Leipzig et programme urbain pour l’UE.
(10) JO C 195 du 18.8.2006, p. 96; JO C 97 du 28.4.2007, p. 6; JO C 161 du 13.7.2007, p. 48; JO C 317 du 23.12.2009, p. 75; JO C 306 du 16.12.2009, p. 42; JO C 48 du 15.2.2011, p. 150; JO C 24 du 28.1.2012, p. 111; JO C 67 du 6.3.2014, p. 153; JO C 487 du 28.12.2016, p. 14; JO C 129 du 11.4.2018, p. 90; JO C 62 du 15.2.2019, p. 226 et JO C 47 du 11.2.2020, p. 87.
(11) COM(2010) 548 final, p. 13.
(12) La Cour des comptes européenne a vivement critiqué, en novembre 2018, les propositions du commissaire Hogan relatives à une réforme agricole après 2020, jugeant que celles-ci ne tenaient pas compte des objectifs environnementaux.
ANNEXE
L’amendement suivant, qui a recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats:
Paragraphe 4.18
Modifier comme suit:
Le CESE souligne que la PAC doit être conforme aux objectifs stratégiques en matière de biodiversité, à la législation européenne sur le climat, à la stratégie «De la ferme à la table» et aux objectifs du pacte vert pour l’Europe. Il importe que la mise en œuvre de la stratégie en faveur de la biodiversité ne menace pas la sécurité alimentaire ni les moyens de subsistance des zones rurales de l’UE.
Résultat du vote:
Voix pour: |
59 |
Voix contre: |
106 |
Abstentions: |
8 |
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/268 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement»
[COM(2020) 381]
(2020/C 429/34)
Rapporteur: |
M. Peter SCHMIDT (DE-II) |
Corapporteure: |
Mme Jarmila DUBRAVSKÁ (SK-I) |
Consultation |
Commission, 17.6.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
8.7.2020 |
Adoption en session plénière |
16.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
208/4/7 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La communication sur «Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» vise à renforcer la durabilité économique, environnementale et sociale des systèmes alimentaires. Si la crise de la COVID-19 a testé avec succès la force et la résilience du système agroalimentaire européen et apporté la preuve éclatante de la sécurité de l’approvisionnement alimentaire dans l’Union européenne, elle a aussi montré que l’acheminement des denrées alimentaires «de la ferme à la table» ne va pas de soi. Il faut y voir une occasion de remodeler les dynamiques de la chaîne d’approvisionnement et d’apporter des améliorations durables au profit des producteurs, des transformateurs et des distributeurs. |
1.2. |
Selon le CESE, une politique alimentaire globale de l’Union européenne devrait concrétiser les éléments suivants: 1) une durabilité économique, environnementale et socioculturelle; 2) l’intégration de tous les secteurs, domaines d’action et niveaux de gouvernance; 3) des processus décisionnels ouverts; et 4) une combinaison de mesures obligatoires (règlements et taxes) et de mesures d’incitation (majoration de prix, accès au crédit, aux ressources et à l’assurance) afin d’accélérer la transition vers des systèmes alimentaires durables. Or, la stratégie proposée ne reflète pas suffisamment ces objectifs. |
1.3. |
Le budget de la PAC ne doit pas être réduit ou maintenu au niveau actuel: il devrait être augmenté conformément à ces objectifs. Des coupes dans le financement du développement rural pourraient s’avérer préjudiciables, sachant que celui-ci fait intervenir certains des outils les plus importants pour soutenir la transition. Si les 15 milliards d’EUR supplémentaires qui sont mis sur la table dans le cadre du plan de relance au lendemain de la COVID-19 apparaissent bienvenus et nécessaires, ils ne sauraient se substituer à des engagements à long terme. |
1.4. |
L’approbation des plans stratégiques relevant de la PAC devrait être conditionnée à l’adoption par les États membres de plans globaux destinés à remodeler l’environnement alimentaire, qui combineraient des incitations à produire des denrées alimentaires saines et durables avec la création de nouveaux marchés pour ces produits. |
1.5. |
Un juste prix des denrées alimentaires (un prix qui reflète le coût réel de la production pour l’environnement et la société) représente le seul moyen par lequel obtenir des systèmes alimentaires durables à long terme. L’Union européenne et ses États membres devraient prendre des mesures pour garantir que les prix au départ de la ferme restent supérieurs aux coûts de production et que les régimes alimentaires sains deviennent plus facilement accessibles. Pour y parvenir, il sera nécessaire de déployer tout l’arsenal des instruments de la gouvernance publique, depuis des dispositifs fiscaux contraignants jusqu’à des démarches informatives pour faire apparaître les coûts réels. |
1.6. |
Des importations bon marché ont souvent pour corollaire des coûts élevés pour la société et l’environnement des pays tiers. Faute d’opérer des changements dans les politiques commerciales de l’Union, les objectifs de la stratégie ne seront pas atteints. Le Comité exhorte l’Union européenne à garantir une véritable réciprocité des normes dans les accords commerciaux préférentiels. |
1.7. |
La stratégie omet d’aborder la question de la gestion durable des terres et de l’accès aux terres. C’est là un oubli majeur, car il s’agit de l’un des principaux obstacles au renouvellement de la population agricole, sans lequel l’Union n’aura plus les moyens d’établir une agriculture durable et productive. |
1.8. |
Il y a lieu d’effectuer une analyse d’impact pour les différentes manières de réaliser chacun des objectifs fixés dans la stratégie, en tenant compte de la situation qui prévaut dans chaque État membre. |
1.9. |
Il convient d’explorer la possibilité d’un «Conseil européen de la politique alimentaire», tel que proposé dans des avis antérieurs du CESE (en abordant également la question de sa viabilité financière). Il existe déjà des conseils de la politique alimentaire au niveau local, qui rassemblent divers acteurs du système alimentaire présents dans un territoire donné pour résoudre les problèmes qui s’y présentent, rétablissent le lien entre les villes et la production alimentaire dans les régions environnantes, et garantissent une gouvernance efficace des politiques alimentaires locales et régionales. |
2. Introduction
2.1. |
La communication de la Commission européenne sur «Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» constitue une pièce centrale du pacte vert pour l’Europe. Elle a pour objectifs de contribuer à l’action conduite par l’Europe dans le domaine du changement climatique, de protéger l’environnement et de préserver la biodiversité, d’asseoir la position des agriculteurs et des pêcheurs dans la chaîne de valeur, d’encourager une consommation alimentaire durable et de promouvoir une alimentation saine à des prix abordables pour tous, sans faire de compromis sur la sécurité, la qualité ou le prix abordable des denrées alimentaires. Cette stratégie est la première de l’Union européenne qui entende englober l’intégralité de la chaîne alimentaire. |
2.2. |
La crise de la COVID-19 a rendu plus urgent que jamais le renforcement de la résilience des systèmes alimentaires dans l’Union européenne et dans le monde, qui sont amenés à subir l’épreuve de nouveaux chocs à l’avenir, du changement climatique à l’apparition de nouvelles épidémies en passant par des pénuries de main-d’œuvre (1). La crise a bien montré que l’acheminement des denrées alimentaires «de la ferme à la table» ne va pas de soi, et a mis en évidence l’interdépendance des acteurs et des activités dans l’agriculture et à tous les échelons du système alimentaire. Cette situation appelle des mesures d’aide face à la crise, ainsi que des actions visant à garantir la reprise et la reconstruction à plus long terme. La communication «De la ferme à la table» et la stratégie de l’Union en faveur de la biodiversité reconnaissent à juste titre la nécessité d’asseoir la résilience au lendemain de la COVID-19, grâce à une plus grande durabilité économique, environnementale et sociale des systèmes alimentaires. Il est maintenant crucial de convertir ces stratégies en actions constructives et opportunes. |
2.3. |
Dans toute l’Union, les agriculteurs ont déjà pris des mesures pour augmenter la durabilité et développer plus avant les normes. Les agriculteurs et les travailleurs du système alimentaire (dans l’agriculture, la transformation et la distribution) se sont trouvés en première ligne face à la crise de la COVID-19 et ont assuré un approvisionnement alimentaire ininterrompu pour tous les citoyens européens; ils assument systématiquement des risques, mais ne retirent qu’une faible part de la valeur ajoutée créée dans le système alimentaire. Toutefois, il convient d’attendre à l’avenir aussi de la part des agriculteurs de bien plus grands efforts que jusqu’à présent pour bâtir la durabilité et la résilience. Au vu de la situation difficile sur le plan économique dans laquelle se trouve à l’heure actuelle la très grande majorité des agriculteurs, ces nécessaires réorientations radicales ne pourront intervenir que si l’on met en place les bonnes incitations politiques et économiques; en l’occurrence, le CESE ne considère pas que les propositions de réforme de la PAC apportent des mesures efficaces en ce sens. Il faut donc impérativement faire en sorte que de bien meilleures conditions soient réunies pour garantir la compétitivité des denrées alimentaires produites localement et de manière durable dans l’Union (2) par rapport aux importations, que les coûts et les avantages de la transition soient répartis équitablement (entre les différents groupes sociaux, secteurs et régions, ainsi qu’entre les générations actuelles et futures), et que des moyens financiers bénéficient également de manière ciblée à l’agriculture durable. La stratégie «de la ferme à la table» doit être vue comme une occasion de remodeler en profondeur les dynamiques de la chaîne d’approvisionnement et d’améliorer durablement les revenus et les conditions de subsistance des agriculteurs. Le Comité réaffirme que le pacte vert pour l’Europe doit prendre la forme d’un pacte vert et social dans toutes ses composantes. |
2.4. |
Pour ce qui est des importations de produits agricoles bruts tout comme de denrées alimentaires, le CESE aurait escompté que la stratégie «de la ferme à la table» eût donné lieu à une déclaration aussi tranchée que celle de la Commission concernant l’ajustement de la taxe carbone aux frontières pour les produits industriels; en effet, il convient de protéger nos agriculteurs (ainsi que les consommateurs) face à des importations qui ne satisfont pas les critères de durabilité européens. Ceci vaut d’autant plus qu’il est manifeste qu’il s’impose de renforcer encore nos normes actuelles. En l’occurrence, la stratégie «de la ferme à la table» constitue toutefois une complète déception. |
2.5. |
Le CESE accueille favorablement la publication de la stratégie «de la ferme à la table», qui représente une occasion majeure d’atteindre les objectifs décrits plus haut. Dans le présent avis, il expose certaines lacunes de la communication «De la ferme à la table» et du plan d’action afférent (au regard des ambitions du pacte vert pour l’Europe et des propositions qu’il a lui-même formulées en vue d’une politique alimentaire globale (3)), et fournit des orientations sur les moyens de concrétiser la stratégie à l’examen et de la traduire en une feuille de route efficace pour opérer la transition. |
3. Les piliers d’une stratégie «de la ferme à la table» efficace: gouvernance, responsabilité, objectifs et ressources
3.1. |
Depuis 2016, le CESE préconise l’élaboration d’une politique alimentaire globale au sein de l’Union, dans le but d’assurer une alimentation saine à partir de systèmes alimentaires durables, politique qui établirait un lien entre l’agriculture d’une part et la nutrition et les services écosystémiques d’autre part, et qui veillerait à ce que les chaînes d’approvisionnement préservent la santé publique dans l’ensemble de la société européenne (4). Une large coalition issue de la société civile s’est également constituée afin d’élaborer en commun un modèle détaillé de «politique alimentaire commune» pour l’Union, dans le cadre d’un processus de trois ans conduit par le Groupe international d’experts en matière de systèmes alimentaires durables (IPES-Food) (5). |
3.2. |
Conformément aux recommandations contenues dans les textes susmentionnés, une politique alimentaire globale de l’Union européenne devrait concrétiser les éléments suivants: 1) une durabilité économique, environnementale et socioculturelle; 2) l’intégration de tous les secteurs, domaines d’action et niveaux de gouvernance; 3) des processus décisionnels ouverts; et 4) une combinaison de mesures obligatoires (règlements et taxes) et de mesures d’incitation (majoration de prix, accès au crédit, aux ressources et à l’assurance) afin d’accélérer la transition vers des systèmes alimentaires durables. Elle devrait accélérer le développement d’une économie circulaire et réduire les dommages environnementaux occasionnés par les secteurs du traitement et de la distribution des denrées alimentaires en agissant sur le transport, le stockage, le conditionnement et le gaspillage alimentaire. Elle devrait aussi être armée pour faire face à la nouvelle conjoncture au lendemain de la COVID-19, en particulier la nécessité d’améliorer la gestion de crise et de conforter des conditions de travail sûres et équitables tout au long de la chaîne. |
3.3. |
Si la communication «De la ferme à la table» et le plan d’action afférent recensent de nombreux outils pertinents, des mécanismes efficaces de gouvernance leur font défaut. Premièrement, les actions doivent être regroupées dans un catalogue d’objectifs généraux, articulés autour des buts poursuivis et décrivant les systèmes alimentaires que l’Union espère mettre en place à moyen et long termes (6). Plutôt que d’intervenir sur des maillons spécifiques de la chaîne, ces objectifs doivent être transversaux (7). Cette démarche est essentielle pour: 1) mettre en avant la nécessité d’agir sur l’intégralité de la chaîne et de répartir équitablement les coûts afin de relever les défis qui se posent pour l’agriculture; 2) permettre de donner la priorité à différentes solutions et éviter une approche «à la carte» qui inclurait des solutions incompatibles; 3) s’assurer que des mesures de remplacement (aux effets équivalents) soient mises en place en cas de retard ou d’échec des actions initialement prévues; 4) veiller à ce que les cibles quantitatives et qualitatives soient assorties de toute la panoplie des mesures requises pour les atteindre (et s’assurer ainsi de leur faisabilité), et ajouter de nouvelles cibles si nécessaire afin d’atteindre l’objectif énoncé; et 5) mettre en place un socle solide pour garantir l’alignement des différentes politiques sectorielles (pour ce qui concerne par exemple la PAC, le commerce, l’environnement, la promotion de la santé et la sécurité alimentaire) sur la stratégie «de la ferme à la table». |
3.4. |
Pour être efficace, la stratégie «de la ferme à la table» doit être accompagnée d’un cadre clair, comprenant des objectifs, des indicateurs et un solide mécanisme de suivi, sans pour autant alourdir les formalités administratives. Le CESE a déjà recommandé l’élaboration d’un tableau de bord européen de l’alimentation durable, qui permettrait d’aborder les défis liés aux systèmes alimentaires dans le cadre d’une approche pluriannuelle, favorisant ainsi l’alignement des politiques à différents niveaux de gouvernance. Le tableau de bord fournirait des indicateurs qui serviraient à encourager et à suivre les progrès en matière de réalisation des objectifs fixés (8). |
3.5. |
Une stratégie «de la ferme à la table» efficace devrait réduire les effets externes coûteux de l’agriculture et garantir une juste rémunération de tous les agriculteurs par les marchés; elle présentera donc un excellent rapport coût/efficacité à plus long terme. Cependant, la transition vers des systèmes alimentaires durables et compétitifs appelle d’urgence des investissements. Des efforts et des investissements en capital considérables sont en particulier nécessaires pour hisser l’action menée dans les domaines du climat et de l’environnement aux niveaux préconisés dans le pacte vert pour l’Europe et pour aider les agriculteurs à mettre en œuvre des approches durables. Ces buts ne pourront pas être atteints si les principaux flux de financement sont interrompus. Des coupes dans le financement du développement rural pourraient s’avérer préjudiciables, sachant que celui-ci fait intervenir certains des outils les plus importants pour soutenir la transition, comme indiqué dans la communication «De la ferme à la table». Le Comité réaffirme également qu’il importe d’affecter 10 milliards d’EUR à la recherche sur l’agriculture, le développement rural et la bioéconomie, comme prévu par la Commission européenne dans ses propositions relatives au cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. Si les 15 milliards d’EUR supplémentaires en faveur du développement rural et de la recherche agroalimentaire qui sont mis sur la table dans le cadre du plan de relance au lendemain de la COVID-19 apparaissent bienvenus et nécessaires, ils ne sauraient se substituer à des engagements à long terme. |
3.6. |
Une grande diversité d’acteurs à tous les échelons des systèmes alimentaires ont un rôle à jouer s’agissant de superviser l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie «de la ferme à la table». S’il convient de donner la priorité à une meilleure coopération entre les organes existants, il n’en reste pas moins qu’une structure de gouvernance spéciale, associant de multiples parties prenantes, devra être mise en place. Dans l’examen des options qui se présentent, il y a lieu de s’assurer que la nouvelle structure de gouvernance: 1) adopte des approches démocratiques et ouvertes, conformes aux bonnes pratiques des organes existants, notamment la plateforme pluripartite à haut niveau sur les objectifs de développement durable; 2) dispose d’un mandat clair, y compris celui d’évaluer le bon alignement de politiques sectorielles telles que la PAC sur la stratégie «de la ferme à la table»; et 3) inclue une représentation étoffée et diverse des groupements d’agriculteurs, de la société civile (y compris des organisations au niveau de l’Union, des États et du terrain) et des acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Il convient d’éviter une situation dans laquelle les intérêts agricoles ne seraient abordés que dans le cadre de la PAC, et les préoccupations de la société civile uniquement dans celui de la stratégie «de la ferme à la table»: c’est l’ensemble des acteurs qui doit aller au-devant des tensions, et valider la trajectoire vers la transition. |
3.7. |
Il convient d’explorer la possibilité d’un «Conseil européen de la politique alimentaire» (9), tel que proposé dans des avis antérieurs du CESE (en abordant également la question de sa viabilité financière). Ce Conseil européen de la politique alimentaire devrait être consulté sur la mise en œuvre de la stratégie «de la ferme à la table». Il convient de le créer dans les meilleurs délais. Il existe déjà des conseils de la politique alimentaire au niveau local, qui rassemblent divers acteurs du système alimentaire présents dans un même territoire pour résoudre les problèmes qui s’y présentent, rétablissent le lien entre les villes et la production alimentaire dans les régions environnantes, et garantissent une gouvernance efficace des politiques alimentaires locales et régionales (10). Comme la crise de la COVID-19 l’a montré, la résilience des chaînes d’approvisionnement dépend de l’efficacité de l’action menée au niveau local, là où la société civile peut œuvrer aux côtés de partenaires étatiques et commerciaux pour parer aux ruptures de l’approvisionnement alimentaire (11). Un Conseil européen de la politique alimentaire permettrait d’accélérer l’alignement des politiques aux niveaux européen, national et local, dans l’esprit de la gouvernance à plusieurs niveaux. Il rassemblerait des représentants des conseils locaux de la politique alimentaire et des parties prenantes issues de la société civile et de toute la chaîne d’approvisionnement (notamment des agriculteurs, des travailleurs et des consommateurs), et offrirait une plateforme où les acteurs intéressés pourraient apprendre les uns des autres par le partage des bonnes pratiques, en veillant à ce que tous les points de vue des différents secteurs soient pris en compte et en recensant les obstacles à la promotion d’une alimentation durable au niveau local. |
4. Les principaux domaines dans lesquels il faut engager de nouvelles actions
4.1. Des régimes alimentaires sains et durables
4.1.1. |
Des régimes alimentaires sains et durables représentent une composante essentielle d’une politique alimentaire globale, et il est urgent de réorienter notre alimentation d’une façon qui améliore tout à la fois l’état sanitaire des écosystèmes et la santé du public, ainsi que la vitalité des territoires ruraux (12). La communication «De la ferme à la table» reconnaît la nécessité de faire en sorte que les options saines et durables soient les plus simples pour les consommateurs (c’est-à-dire largement disponibles et abordables pour tous), et note que l’«environnement alimentaire» influe sur les choix individuels. |
4.1.2. |
La stratégie «de la ferme à la table» pourrait être une occasion unique de remodeler les environnements alimentaires, ce qui implique d’aligner un certain nombre de politiques du point de vue de l’offre et de la demande, et aux niveaux européen, national et local, notamment par des mesures visant à: 1) lutter contre les pratiques commerciales et publicitaires délétères au moyen de mesures réglementaires; 2) garantir aux consommateurs une information nutritionnelle simple d’utilisation, fiable et indépendante; 3) mettre en place des politiques de formation des prix saines; 4) soutenir des marchés publics durables dans le domaine de l’alimentation; 5) aiguiller la (re)formulation des produits; 6) créer des environnements sains pour la vente au détail, la restauration et les milieux urbains et scolaires; et 7) investir dans l’éducation des consommateurs. Ces mesures doivent êtres complétées par des politiques sociales pour faire en sorte que les groupes à faibles revenus et ceux qui sont défavorisés aient davantage accès à des régimes alimentaires sains et durables. |
4.1.3. |
Or, la communication «De la ferme à la table» et le plan d’action afférent omettent de décrire une quelconque intervention globale dans tous ces domaines d’action, et se cantonnent à des codes de conduite, à des engagements et à d’autres outils d’autorégulation (13) qui ont fait la preuve de leur inefficacité jusqu’à ce jour. Le plan de la Commission européenne consistant à adresser des recommandations aux États membres (dans le cadre des plans stratégiques relevant de la PAC) sur la manière d’atteindre les objectifs de la PAC et de la stratégie «de la ferme à la table», notamment dans le domaine de la santé, est le bienvenu. Toutefois, l’action portant sur les régimes alimentaires ne peut pas être facultative. L’approbation des plans stratégiques relevant de la PAC devrait être conditionnée à l’adoption par les États membres de plans globaux destinés à remodeler l’environnement alimentaire, qui combineraient des incitations à produire des denrées alimentaires saines et durables avec la création de nouveaux marchés pour ces produits. Cette approche serait aussi conforme à l’engagement de la Commission de promouvoir la production et la consommation de denrées alimentaires biologiques. |
4.1.4. |
S’agissant de la fourniture d’informations et d’orientations nutritionnelles fiables, le CESE a préconisé l’élaboration de nouvelles lignes directrices pour une alimentation durable qui prendraient en compte les différences culturelles et géographiques entre les États membres, mais aussi en leur sein. Des lignes directrices pour une alimentation durable contribueraient à fixer un cap plus clair pour les exploitations agricoles, les transformateurs, les distributeurs et la restauration, et le système agroalimentaire bénéficierait d’un nouveau cadre pour produire, transformer, distribuer et vendre des denrées alimentaires plus saines et plus durables, à un prix plus juste (14). |
4.2. Une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitable, avec des prix justes
4.2.1. |
Le CESE a déjà réclamé l’interdiction de toutes les pratiques commerciales déloyales (PCD) (15). La chaîne d’approvisionnement alimentaire est particulièrement vulnérable aux PCD, en raison de forts déséquilibres entre les petits et les grands opérateurs, ainsi qu’entre des producteurs tenus par des engagements à long terme et des négociants plus flexibles. Une approche réglementaire et un cadre législatif assortis de mécanismes d’application des règles solides et efficaces constituent la solution pour remédier efficacement aux PCD au niveau de l’Union. |
4.2.2. |
La communication «De la ferme à la table» reconnaît à juste titre le travail essentiel des agriculteurs et des travailleurs tout le long de la chaîne alimentaire (notamment ceux qui travaillent dans des conditions précaires), ainsi que la nécessité de garantir leur santé et leur sécurité conformément aux engagements pris en vertu du socle européen des droits sociaux. Cependant, le Comité regrette que cette déclaration ne soit pas accompagnée de mesures concrètes dans le plan d’action. Il déplore également qu’aucun lien ne soit établi entre des conditions justes et un juste prix des denrées alimentaires, et considère que ce dernier point (un prix qui reflète le coût réel de la production pour l’environnement et la société) représente le seul moyen par lequel obtenir des systèmes alimentaires durables et équitables à long terme. Actuellement, les bénéfices les plus substantiels reviennent à la grande distribution et aux multinationales de la transformation, tandis que les prix au départ de la ferme sont trop bas pour garantir la subsistance des agriculteurs et des conditions de travail décentes, et ne couvrent souvent même pas les coûts de production. La part revenant aux agriculteurs dans la chaîne de valeur a chuté de 31 % en 1995 à 24 % en 2005 (16), et des estimations plus récentes l’ont située à environ 21 % (17). C’est sur la base d’une interprétation étroite du droit de la concurrence de l’Union, revenant à considérer que le bien-être des consommateurs équivaut au prix le plus bas possible, que cette contraction des prix au départ de la ferme a pu avoir lieu. Cette situation doit changer, y compris dans les traités de l’Union européenne. |
4.2.3. |
Dans le cadre de la stratégie «de la ferme à la table», l’Union européenne et ses États membres devraient engager une action globale pour garantir que les prix au départ de la ferme restent supérieurs aux coûts de production, et que les régimes alimentaires sains et durables deviennent relativement plus abordables et disponibles. Pour y parvenir, il sera nécessaire de déployer tout l’arsenal des instruments de la gouvernance publique, depuis des dispositifs fiscaux contraignants jusqu’à des démarches informatives pour faire apparaître les coûts réels, en s’appuyant sur les meilleures méthodologies émergentes en matière de comptabilité des coûts réels (18). Le CESE rappelle l’importance d’investir dans l’éducation autour des régimes alimentaires durables dès le plus jeune âge, afin d’aider les jeunes à apprécier la valeur de l’alimentation et des prix justes. Il convient d’accorder une attention particulière aux groupes vulnérables, en particulier les personnes âgées et les populations à bas revenus. Il y a lieu d’explorer également de nouvelles formes d’étiquetage indiquant la part de la valeur revenant aux agriculteurs. L’enchaînement de toutes les mesures touchant aux prix doit être mûrement réfléchi afin d’éviter tout dérapage brutal, et l’incidence de ces mesures pour les familles à bas revenus (19) doit faire l’objet d’un suivi pour s’assurer que les stratégies mises en œuvre ont pour effet de renforcer, et non de limiter, l’accès de ces familles à des régimes alimentaires sains. |
4.2.4. |
Les marchés de producteurs, l’agriculture à soutien collectif, les coopératives de consommateurs et d’autres initiatives en circuit court offrent aux agriculteurs une possibilité cruciale d’accroître la valeur ajoutée et de se faire rémunérer à juste prix, en particulier pour ceux qui pratiquent l’agriculture biologique ou qui appliquent d’autres méthodes respectueuses de l’environnement mais non reconnues par un label. Les collectivités territoriales y sont souvent associées, mettant en place des systèmes de gouvernance alimentaire locale qui rassemblent les différents acteurs concernés et qui favorisent notamment l’utilisation de produits locaux dans la restauration collective. Le CESE déplore que ses avis antérieurs n’aient pas été suivis par la Commission à cet égard. |
4.2.5. |
Cette relocalisation favorise l’emploi et le dynamisme local. Elle renforce aussi la résilience, comme l’ont montré les réactions à la crise de la COVID-19 à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement (producteurs, transformateurs et distributeurs). Les zones rurales offrent un exemple de secteur où les coopératives de consommateurs sont bien souvent le dernier acteur économique encore présent. Pour les consommateurs, les circuits courts offrent une source de produits frais de bonne qualité, riche d’une histoire et de relations humaines, et qui constitue un moyen de s’intéresser et de s’instruire à la valeur de l’alimentation, mais aussi de restaurer la confiance dans les systèmes alimentaires (20). Les initiatives coopératives et fondées sur la solidarité jouent aussi un rôle essentiel pour concevoir des supports pédagogiques à destination des écoles et pour mener une action vigoureuse de sensibilisation afin de lutter contre le gaspillage alimentaire et contre l’obésité, en particulier chez les enfants. Si les avantages que procurent les circuits courts sont reconnus dans la communication «De la ferme à la table», des actions concrètes et l’octroi de financements (notamment dans le cadre des plans stratégiques relevant de la PAC) sont nécessaires pour que ces chaînes se développent plus avant et pour lever tous les obstacles à leur essor partout dans l’Union. |
4.3. Renforcer la dimension extérieure de la stratégie «de la ferme à la table»
4.3.1. |
Faute d’opérer des changements dans les politiques commerciales de l’Union, les objectifs de la stratégie «de la ferme à la table» ne seront pas atteints. La communication «De la ferme à la table» et le plan d’action afférent comportent des mesures importantes pour renforcer les dispositions relatives à la durabilité dans les accords de libre-échange (ALE) bilatéraux conclus par l’Union, ainsi que le contrôle de l’application de ces règles. Cependant, comme l’ont fait observer les autorités françaises et néerlandaises (21), on pourrait s’attacher davantage à faire respecter les engagements internationaux et à rationaliser les procédures de notification et de recours en cas de manquement aux engagements pris en matière de durabilité. En outre, le Comité invite instamment l’Union européenne à garantir une véritable réciprocité des normes dans les accords commerciaux préférentiels, en particulier pour ce qui concerne le bien-être, la durabilité et la traçabilité «de la ferme à la table», en s’appuyant sur les avancées obtenues dans certaines dispositions bilatérales récemment conclues et en les généralisant (22). Une taxe carbone aux frontières, conformément au mandat figurant dans la lettre de mission du vice-président exécutif désigné chargé du pacte vert pour l’Europe (23), demeure essentielle pour éviter que les agriculteurs et les entreprises alimentaires de l’Union ne soient évincés par les importations en provenance de pays qui ne prennent pas au sérieux l’atténuation du changement climatique. L’impasse qui est faite sur la taxe carbone aux frontières, la tarification du carbone et le contrôle des émissions de gaz à effet de serre liées aux importations est par conséquent regrettable, et compromet sérieusement les ambitions de la stratégie «de la ferme à la table» et du pacte vert. |
4.3.2. |
La communication «De la ferme à la table» omet de reconnaître l’incidence des exportations de l’Union sur les petits producteurs des pays en développement, ou encore la contribution des entreprises multinationales établies dans l’Union aux pratiques non durables qui ont cours à travers le monde. De nouvelles capacités en matière de contrôle de l’application des règles doivent être dirigées avant tout vers les entreprises établies dans l’Union, qui doivent être garantes du fait que leurs chaînes d’approvisionnement ne contribuent pas à la déforestation, à l’accaparement des terres ou à des violations des droits. Par conséquent, le CESE se félicite de l’engagement pris par le commissaire chargé de la justice, M. Reynders, d’introduire à leur intention des exigences contraignantes relatives au devoir de diligence en matière de droits de l’homme et de respect de l’environnement, et demande que soient envisagées des mesures sectorielles supplémentaires dans le cadre de la stratégie «de la ferme à la table». Comme l’a fait observer le Parlement européen (24), des obligations de diligence sont particulièrement urgentes pour les opérateurs des chaînes d’approvisionnement de «produits présentant un risque pour les forêts», tels que la viande bovine, le soja ou l’huile de palme. |
4.3.3. |
Plus important encore, la stratégie «de la ferme à la table» ne tient compte ni de la circularité des marchés agricoles mondiaux ni de l’influence réciproque qu’exerce le volume des échanges à la fois sur le pays importateur et sur le pays exportateur. Elle offre une occasion cruciale de redéfinir les objectifs extérieurs de l’Union, conformément aux ambitions énoncées dans la communication sur «Le commerce pour tous» de la Commission européenne (25). Cette réflexion de long terme fait défaut dans la communication «De la ferme à la table». Les ALE continuent d’alimenter une croissance non durable de la consommation, dont les retombées environnementales sur les pays tiers sont immenses, en particulier pour ce qui concerne la déforestation (26). Il est nécessaire de remettre en question l’expansion continue des volumes d’échanges comme but ultime de la politique de l’Union (en particulier dans les secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre et dans les secteurs stratégiques qui ont besoin de chaînes diverses et solides au lendemain de la COVID-19). Il est essentiel également de trouver de nouveaux moyens d’élever les normes, de promouvoir les pratiques durables et de faire en sorte que les petits producteurs agricoles dans l’Union et dans les pays en développement puissent exploiter de nouveaux débouchés pour une production durable. Ces réflexions doivent être menées dans des forums multilatéraux tels que le Comité de la sécurité alimentaire mondiale des Nations unies et le Codex Alimentarius, plutôt que de se limiter aux seules négociations bilatérales, dans lesquelles la participation des agriculteurs et de la société civile est limitée et les déséquilibres des pouvoirs sont importants, et dont l’horizon ultime demeure la libéralisation des échanges. Le cadre législatif prévu pour les systèmes alimentaires durables peut offrir un point de départ. Il doit avant tout servir à établir clairement ce que sont des systèmes alimentaires durables, conformément aux définitions que l’Union donne déjà de la durabilité environnementale (27). |
4.4. Soutenir les agriculteurs qui opèrent la transition vers des systèmes résilients, divers et agroécologiques
4.4.1. |
La communication «De la ferme à la table» et la stratégie en faveur de la biodiversité comportent des mesures cruciales pour reconstituer et préserver les sols et les agroécosystèmes, notamment des objectifs pour les domaines agricoles à forte diversité de paysages (10 %) et les terres affectées à l’agriculture biologique (25 %). Il convient cependant de prendre en compte le fait que les points de départ sont différents d’un État membre à l’autre. La communication «De la ferme à la table» omet d’aborder la question de la gestion durable des terres et de l’accès aux terres. C’est là un oubli majeur, car il s’agit de l’un des principaux obstacles au renouvellement de la population agricole, sans lequel l’Union n’aura plus les moyens d’établir une agriculture durable et productive. Le CESE a proposé que soit mis en place un cadre de l’Union visant à protéger les terres agricoles qui sont utiles pour la production alimentaire dans les États membres (28). Toutefois, ces objectifs louables nécessiteraient un soutien financier adéquat, qui ne figure pas dans les propositions budgétaires actuelles. De même, la communication ne contient aucune orientation quant à la manière d’augmenter encore la demande de produits biologiques. L’objectif relatif aux caractéristiques paysagères sera par ailleurs très coûteux à atteindre pour certains agriculteurs, et le CESE préconise une analyse d’impact sur sa mise en œuvre. |
4.4.2. |
Le CESE considère que l’agroécologie constitue l’horizon vers lequel doit tendre l’agriculture européenne (29), ce qui nécessite de changer radicalement de modèle afin d’étoffer la diversité à tous les niveaux (espèces, exploitations, paysages et moyens de subsistance). Science, technique et mouvement social, l’agroécologie considère le système alimentaire dans sa globalité et vise à rapprocher le producteur de son environnement en préservant, ou même en restaurant, la complexité et la richesse de l’«agro-éco-socio-système». Or, la communication «De la ferme à la table» continue de la traiter comme une option marginale, à soutenir parmi d’autres dans le cadre de politiques de recherche et des programmes écologiques de la PAC. Par conséquent, il est fait abstraction de la nécessité de repenser et de rediversifier l’agriculture dans toute l’Union, alors même que ce virage serait nécessaire pour atteindre les objectifs et les buts énoncés dans la stratégie «de la ferme à la table» et celle en faveur de la biodiversité (notamment les objectifs visant à réduire l’utilisation des pesticides, des engrais et des antibiotiques). |
4.4.3. |
Le CESE insiste non seulement sur le développement de l’agriculture biologique tel que décrit ci-dessus, mais aussi sur la nécessité d’en faire davantage pour étudier et promouvoir d’autres méthodes agricoles qui accroissent la biodiversité et réduisent l’utilisation des intrants. Dans cette optique, il pourrait être utile de promouvoir l’agriculture de précision, tout en gardant à l’esprit les importantes dépenses d’investissement qu’elle nécessite et que nombre d’exploitations agricoles de petite et moyenne taille ne pourront engager à elles seules. Il est possible de libérer le potentiel de méthodes agricoles respectueuses des ressources, des sols et de l’environnement en intégrant les données relatives aux sols, aux fertilisants, aux pesticides et aux rendements, ce qui présuppose notamment un meilleur accès aux informations contenues dans les banques de données nationales, une mobilité accrue, ainsi qu’une plus grande simplicité d’utilisation des systèmes. Le recours aux technologies de l’information et de la communication devrait être encouragé. |
4.4.4. |
À la lumière de la crise de la COVID-19, il apparaît plus urgent que jamais de restructurer le secteur de l’élevage de manière à en réduire les vulnérabilités ainsi que les retombées sur les travailleurs, l’environnement et le bien-être animal. La stratégie «de la ferme à la table» n’est toutefois pas du tout à la hauteur de ce défi. Elle devrait, par exemple, décrire et inclure des mesures visant à réduire la dépendance aux importations de fourrage protéique et à réintégrer le bétail dans des systèmes agroécologiques mixtes. Depuis des années, l’on dispute sur le plan politique en Europe par exemple d’une «stratégie européenne en matière de protéines», sans le moindre effet concret. La stratégie «de la ferme à la table» ne propose en l’état que bien trop peu de dispositions bien trop peu contraignantes. Elle omet même ne fût-ce que de lancer une réflexion sur la signification que revêtirait pour l’agriculture européenne le principe, si prisé par ailleurs, de l’économie circulaire. Le CESE se demande comment il est possible par exemple de concilier ledit principe de circularité et les immenses quantités d’aliments pour animaux importées par exemple d’Amérique du Sud, qui sont l’une des causes de l’irrémédiable déforestation des jungles tropicales. |
4.4.5. |
La communication «De la ferme à la table» ne fournit pas suffisamment de détails sur la manière dont les agriculteurs seront soutenus dans l’adoption de nouvelles pratiques. Tandis que les paiements effectués au titre de la transition dans le cadre des programmes écologiques exigeraient un financement conséquent en vue de satisfaire aux nouvelles ambitions, la fonction d’aide au revenu des paiements de la PAC est vitale et le restera dans les années à venir, même si des mesures sont prises pour faire en sorte que les prix des denrées alimentaires reflètent les coûts réels (voir le paragraphe 4.2). Les services de conseil devront être dotés de ressources suffisantes pour accompagner les agriculteurs dans des réorientations majeures de leur production. Si l’on veut atteindre les objectifs du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie «de la ferme à la table», le budget de la PAC ne doit pas être réduit, ni même maintenu à son niveau actuel, mais augmenté en conformité avec lesdits objectifs. Les coûts afférents aux objectifs du pacte vert pour l’Europe s’échelonnent bien au-delà de la période de programmation actuelle. Il convient de clarifier les efforts financiers qui seront exigés des futurs budgets nationaux pour mener à bien les actions du pacte vert pour l’Europe et satisfaire à ses objectifs et indicateurs. |
4.4.6. |
La communication «De la ferme à la table» relève à juste titre la nécessité de prendre en compte le fait que les points de départ sont différents d’un État membre à l’autre. Les pratiques sont très variables du point de vue de la densité d’exploitation par hectare, de la densité d’élevage par hectare, du recours aux pesticides, aux engrais et aux antibiotiques par hectare et par animal, et du bien-être animal. Une analyse d’impact devrait être réalisée pour chacun des objectifs fixés dans le pacte vert pour l’Europe et dans la stratégie «de la ferme à la table», en tenant compte des différentes situations dans les États membres. Néanmoins, le CESE relève également que des conditions de concurrence équitables entre les États membres sont nécessaires, et réclame plus de clarté sur la manière dont on se prémunira du risque que les normes divergent grâce à la mise en œuvre de la stratégie «de la ferme à la table» et des plans stratégiques relevant de la PAC, et sur les échéances en la matière. Le Comité considère que des approches sur mesure doivent s’appliquer au rythme de la transition, mais pas aux objectifs et buts ultimes qu’il est prévu d’atteindre. |
Bruxelles, le 16 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) «Le COVID-19 et la crise dans les systèmes alimentaires: Symptômes, causes et solutions potentielles», communiqué d’IPES-Food, avril 2020.
(2) «[Si] l’Union veut se doter d’une politique alimentaire globale qui soit réellement pertinente pour les consommateurs européens, il est essentiel que les denrées alimentaires produites de manière durable dans l’UE soient compétitives. Cela signifie que le secteur agroalimentaire européen doit être en mesure de fournir des denrées alimentaires aux consommateurs à des prix incluant les coûts supplémentaires pour des critères tels que la durabilité, le bien-être animal, la sécurité alimentaire et la nutrition, mais également une juste rémunération pour les agriculteurs, tout en maintenant son statut de premier choix pour la grande majorité des consommateurs»; Avis «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne», paragraphe 5.8 (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18).
(3) JO C 129 du 11.4.2018, p. 18.
(4) Voir note de bas de page 3.
(5) IPES-Food, «Vers une politique alimentaire commune pour l’Union européenne», Bruxelles, IPES-Food, 2019.
(6) Les objectifs spécifiques, importants au regard d’une stratégie globale, et les formes d’action requises pour les atteindre sont exposés en détail plus loin et s’inspirent d’avis élaborés par le CESE.
(7) À ce titre, la référence à des «régimes alimentaires sains et durables» fait exception dans la stratégie «de la ferme à la table»; si cet objectif définit un but à atteindre, il est envisagé comme un impératif de consommation et non comme un élément à généraliser tout le long de la chaîne.
(8) Voir note de bas de page 3.
(9) Ce nouvel organe fonctionnerait comme une plateforme hébergée par des institutions existantes.
(10) Des processus visant à reconnecter les villes à leurs proches bassins de production alimentaire sont déjà à l’œuvre dans de nombreux lieux, comme Milan en Italie, Montpellier en France, Gand, Bruxelles et Liège en Belgique ou Toronto au Canada, et vont probablement s’accélérer au lendemain de la COVID-19.
(11) «Le COVID-19 et la crise dans les systèmes alimentaires: Symptômes, causes et solutions potentielles», communiqué d’IPES-Food, avril 2020.
(12) JO C 190 du 5.6.2019, p. 9.
(13) Il est dit dans la communication «De la ferme à la table» que la Commission européenne «demandera aux entreprises et aux organisations du secteur de l’alimentation de s’engager à prendre des mesures concrètes en matière de santé et de durabilité».
(14) Voir note de bas de page 12.
(15) JO C 440 du 6.12.2018, p. 165.
(16) Parlement européen, rapport sur des revenus équitables pour les agriculteurs: une chaîne d’approvisionnement alimentaire plus performante en Europe, 2009/2237(INI), 2009, http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A7-2010-0225&language=FR.
(17) Parlement européen, «questions parlementaires — réponse donnée par M. Hogan au nom de la Commission», 27 février 2015, http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-8-2015-000521-ASW_EN.html?redirect
(18) http://www.fao.org/nr/sustainability/full-cost-accounting/fr/
(19) Voir note de bas de page 12.
(20) JO C 353 du 18.10.2019, p. 65.
(21) Document officieux des Pays-Bas et de la France sur le commerce, les effets socio-économiques et le développement durable.
(22) Par exemple, c’est dans le cadre de l’ALE UE-Mercosur que l’accès en franchise de droits des œufs aux marchés de l’Union a pour la première fois été conditionné à un alignement sur les normes européennes en matière de bien-être des volailles: https://www.theguardian.com/environment/2019/oct/02/eu-imposes-hen-welfare-standards-on-egg-imports-for-first-time.
(23) https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/mission-letter-frans-timmermans-2019_en.pdf?fbclid=IwAR3MP8zmxW1jBVJhtBUtP2PKkEct5ibFjKVJTCoaxgRX6thxcdsylXhTPIk.
(24) Résolution du Parlement européen du 11 septembre 2018 sur la gestion transparente et responsable des ressources naturelles dans les pays en développement: le cas des forêts, 2018/2003(INI).
(25) https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/october/tradoc_153879.pdf
(26) https://ec.europa.eu/environment/forests/impact_deforestation.htm
(27) Cette définition pourrait s’inspirer et se rapprocher de celle donnée à la durabilité environnementale dans le plan d’action de la Commission européenne sur le financement de la croissance durable.
(28) L’utilisation des sols pour la production alimentaire durable et les services écosystémiques (JO C 81 du 2.3.2018, p. 72).
(29) Voir note de bas de page 20.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/276 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision 2003/17/CE du Conseil en ce qui concerne l’équivalence des inspections sur pied des cultures productrices de semences de céréales effectuées en Ukraine et l’équivalence des semences de céréales produites en Ukraine»
[COM(2020) 137 final — 2020/0053 (COD)]
(2020/C 429/35)
Rapporteur unique: |
Arnold PUECH D’ALISSAC |
Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 17.4.2020 Parlement européen, 16.4.2020 |
Base juridique |
Articles 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
29.6.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
213/1/4 |
1. Contexte et proposition de la Commission
1.1. |
La décision 2003/17/CE (1) du Conseil accorde une équivalence à certains pays tiers en ce qui concerne les inspections sur pied et la production de semences de certaines espèces (2). |
1.2. |
Ces dispositions régissant les semences récoltées et contrôlées dans ces pays offrent les mêmes garanties que les dispositions applicables aux semences récoltées et contrôlées dans l’Union européenne en ce qui concerne les caractéristiques, l’examen, l’identité, le marquage et le contrôle des semences. |
1.3. |
Étant donné que l’Ukraine ne fait pas partie de ces pays tiers inscrits sur la liste de la décision 2003/17/CE, il n’est actuellement pas possible d’importer dans l’Union européenne des semences de céréales récoltées dans ce pays. L’Ukraine a saisi la Commission d’une demande visant à ce que ses semences de céréales soient visées par la décision 2003/17/CE du Conseil en tant que semences de céréales équivalentes. |
1.4. |
À la suite de cette demande, la Commission a examiné la législation ukrainienne applicable et a procédé à un audit des inspections sur pied et du système de certification des semences de céréales mis en place en Ukraine. Il a été conclu que les exigences et le système en vigueur en Ukraine sont «équivalents» à ceux de l’Union et offrent les mêmes garanties que le système de l’Union. |
1.5. |
La Commission propose donc de reconnaître que les semences ukrainiennes sont équivalentes aux semences de céréales récoltées, produites et contrôlés dans l’Union européenne au moyen d’une décision devant être adoptée par le Parlement européen et le Conseil. |
2. Considérations et recommandations
2.1. |
Le CESE prend acte des résultats positifs de l’audit effectué par la Commission en Ukraine en conformité avec les exigences énoncées à l’annexe II de la décision 2003/17/CE, afin de reconnaître l’équivalence des exigences légales et des contrôles officiels pour la certification des semences de céréales. Le CESE note toutefois que le rapport d’audit relève que certaines normes ne sont pas totalement alignées sur les exigences de l’Union européenne, notamment celles relatives à la distance d’isolement des semences certifiées de sorgho qui sont inférieures, le taux de pureté variétale des lignées parentales utilisées pour la production de semences hybrides de maïs et le taux de semences d’autres espèces pour les semences certifiées de maïs. |
2.2. |
Le CESE, dans la continuité de ses précédents avis (3), approuve la proposition législative à l’examen, mais propose d’en reporter l’application jusqu’au moment où l’UE aura obtenu, à l’issue d’un contrôle ex post, les garanties démontrant que les limites relevées dans le rapport d’audit ont été corrigées, que les normes de production en Ukraine sont désormais strictement conformes aux exigences européennes, qu’une absence de concurrence déloyale est garantie et que tout effet néfaste sur l’environnement est exclu. |
2.3. |
Le CESE convient du fait que la reconnaissance de l’équivalence est, potentiellement, de nature à présenter des avantages pour les entreprises productrices de semences de l’Union opérant en Ukraine, pour ses importateurs potentiels qui font venir des semences de ce pays, ainsi que pour ses agriculteurs, qui auront désormais accès à un plus large éventail de semences mais estime que l’on doit parvenir à un système de contrôle en miroir pour les importations, et que la même protection des consommateurs doit être assurée des deux côtés.
Il convient que le contrôle de la concurrence s’applique dans les deux sens, afin de ne pas fausser les conditions commerciales pour les organisations européennes qui opèrent sur le territoire de l’UE. |
2.4. |
Le CESE tient toutefois à souligner certains éléments techniques relatifs aux modes de production des semences qui diffèrent entre l’Ukraine et l’Union européenne, notamment en ce qui concerne l’accès aux produits phytosanitaires. Les producteurs Ukrainiens ont en effet accès à une gamme de produits phytosanitaires plus large que les producteurs de l’Union européenne et bénéficient d’un accès à certaines molécules interdites au sein de l’Union européenne. Ces écarts entraînent une distorsion de concurrence et auraient pour conséquence de permettre l’entrée sur le territoire de l’Union européenne de produits qui ne respectent pas les normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne. Parmi les différences les plus notables, l’on peut citer l’accès à des substances actives utilisées pour le désherbage des parcelles telles que l’Atrazine (interdite dans l’UE depuis 2003) ou l’Acétochlore (interdite au sein de l’UE depuis 2012). Au-delà des impacts sanitaires, l’accès à ces substances présentant un large spectre d’action, un caractère rémanent, une grande efficacité technique sur les adventices et un coût réduit, offre un avantage concurrentiel certain aux producteurs ukrainiens. En ce qui concerne la protection contre les ravageurs, les producteurs ukrainiens ont toujours accès aux substances actives de la famille des néonicotinoïdes dont certaines sont interdites au sein de l’UE telles que la Clothianidine, le Thiaméthoxame ou très prochainement le Thiaclopride. |
2.5. |
Selon le pacte vert pour l’Europe, il s’impose de protéger, de préserver et de renforcer le capital naturel de l’Union européenne et de protéger la santé et le bien-être des citoyens contre les risques environnementaux; aussi l’Ukraine doit-elle impérativement cesser d’utiliser des produits chimiques pour produire les semences dont l’UE a interdit l’utilisation sur son territoire. L’Ukraine doit faire valoir le même degré d’exigence que l’Union, s’engager à respecter strictement toutes les conditions de l’accord de Paris et permettre d’évaluer chaque année les accords conclus. Il est inconcevable que des disparités continuent de persister ou qu’elles s’accentuent encore. Si ce n’est pas le cas, il n’est pas possible d’autoriser les semences sur le marché de l’Union. |
2.6. |
Le CESE a pris connaissance de la position de la Commission qui estime que la reconnaissance des procédures de certification pour les produits en question est une mesure technique. Cependant, au regard des éléments exposés précédemment, et du fait que l'ouverture du marché de l'UE aux produits des pays tiers aura un impact économique et social, le Comité recommande à la Commission de réaliser, avant toute prise de décision, une analyse d'impact pour vérifier que les producteurs européens (au sens des agriculteurs multiplicateurs et des entreprises semencières), et en particulier les micro et petites entreprises, ne seront pas affectés par cette mesure. |
2.7. |
Sur la base de cette analyse d’impact, et comme l’accord de libre-échange actuel avec l’Ukraine ne permet pas de garantir un commerce équitable avec des normes fiscales, sociales et environnementales comparables, il est donc nécessaire au préalable de revoir l’ALE, et plus globalement, la politique commerciale européenne pour éviter les concurrences déloyales. Cette révision est d’ailleurs prévue par la Commission européenne dans sa communication du 16 juin avec l’examen approfondi de la politique commerciale de l’UE et le lancement d’une consultation publique. |
2.8. |
Ceci est particulièrement prégnant entre l’Ukraine et l’UE pour le secteur des semences de maïs, avec un coût de production sortie usine en Ukraine bien inférieur (l’écart avec le coût de production français était par exemple évalué à 26 % en 2019). La combinaison de ces décisions conduirait à la remise en cause des filières européennes de multiplication de semences de maïs. |
2.9. |
À l’heure des enseignements de la crise de la Covid-19, la dépendance vis-à-vis de pays tiers dans un secteur stratégique pour la souveraineté alimentaire ne peut être acceptée et doit donc être traitée en amont. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO L 8 du 14.1.2003, p. 10.
(2) Conformément aux directives 66/401/CEE (JO 125 du 11.7.1966, p. 2298), 66/402/CEE (JO 125 du 11.7.1966, p. 2309), 2002/54/CE (JO L 193 du 20.7.2002, p. 12) et 2002/57/CEE (JO L 193 du 20.7.2002, p. 74) du Conseil.
(3) JO C 74 du 23.3.2005, p. 55, JO C 351 du 15.11.2012, p. 92.
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/279 |
Avis du Comite économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2019/833 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 établissant les mesures de conservation et d’exécution applicables dans la zone de réglementation de l’Organisation des pêcheries de l’Atlantique du Nord-Ouest»
[COM(2020) 215 final — 2020/95(COD)]
(2020/C 429/36)
Rapporteur: |
Gabriel SARRÓ IPARRAGUIRRE |
Consultation |
Parlement européen, 17.6.2020 Conseil, 8.6.2020 |
Base juridique |
Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
8.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
215/0/4 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE réitère son point de vue sur la proposition de règlement tel qu’exprimé dans son avis 2018/05155 (1), dont les conclusions et recommandations sont présentées en détail ci-après. |
1.2. |
Le CESE juge qu’il convient de transposer dans le droit de l’Union les mesures de conservation et de contrôle adoptées par l’Organisation des pêcheries de l’Atlantique du Nord-Ouest (OPANO) en vue de leur mise en œuvre uniforme et efficace au sein de l’UE. |
1.3. |
Toutefois, il considère que la proposition à l’examen ne met pas en place un mécanisme permettant de transposer rapidement les règles adoptées au sein de l’OPANO et ne répond pas à la nécessité de mettre celles-ci à jour chaque année. |
1.4. |
Le Comité est favorable à un dispositif plus rapide et plus simple. Il propose en l’occurrence un règlement constitué d’un article unique disposant que l’Union européenne doit impérativement appliquer à sa flotte les règles adoptées par l’OPANO. |
1.5. |
Le CESE insiste sur le risque lié à l’adoption du système des actes délégués, dans la mesure où il accorde à la Commission le pouvoir de légiférer sans devoir se soumettre aux procédures ordinaires. |
2. Synthèse de la proposition de la Commission
2.1. |
La proposition présentée a pour objet principal l’intégration dans le droit de l’Union des mesures de conservation et de contrôle adoptées lors de la 41 réunion annuelle de l’Organisation des pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest (OPANO) en septembre 2019. |
2.2. |
Elle préconise des modifications techniques concernant la terminologie relative aux limitations de capture et de l’effort de pêche, aux fermetures des pêcheries, aux captures détenues à bord, aux maillages et aux journaux de bord de pêche et de production. Elle prévoit également des obligations supplémentaires en matière d’inspection et la simplification des déclarations de captures mensuelles. |
2.3. |
La proposition prévoit en outre de reformuler un certain nombre de dispositions spécifiques relatives au flétan noir, au journal de production et aux procédures d’infraction, ainsi que des références au site web de cette organisation sur le contrôle et la surveillance des navires de pêche. |
2.4. |
D’autres mesures ont trait à la clarification de l’utilisation des jauges ainsi qu’à la conservation et à la gestion des requins, proposant une interdiction de la pêche ciblée de la laimargue du Groenland et la réduction des prises accessoires de cette espèce. L’on notera également des dispositions relatives aux accords d’affrètement. |
2.5. |
La proposition délègue à la Commission le pouvoir de modifier les dispositions de conservation et de contrôle relatives à des questions techniques telles que les maillages, les grilles de tri et les chaînes à chevillot pour la pêche de la gamba ou crevette nordique, ainsi que des restrictions géographiques applicables aux activités de pêche de fond. Le tout a pour but d’introduire dans le droit de l’UE, d’une manière rationalisée et simple, les modifications qui pourraient être adoptées à l’avenir dans le cadre de l’OPANO et ont trait à ces mesures de conservation et de contrôle. |
2.6. |
La proposition modifie le règlement (UE) 2019/833 du Parlement européen et du Conseil (2) du 20 mai 2019. |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE estime qu’il est nécessaire de transposer dans le droit de l’UE les mesures de conservation et de contrôle adoptées lors de la dernière réunion annuelle de l’OPANO, afin de garantir leur application uniforme dans l’UE. |
3.2. |
Toutefois, le Comité est d’avis que cette procédure de transposition ne prévoit toujours pas de mécanisme rapide, alors que ces mesures sont susceptibles d’être modifiées chaque année et que la bureaucratie de l’UE est très lente, ce qui se traduit par un écart constant entre les règles adoptées par l’OPANO et la législation communautaire. |
3.3. |
Le CESE rappelle qu’il analyse cette proposition de règlement précisément du fait de la non adoption d’une procédure plus rationalisée telle que celle proposée par le Comité en 2019, laquelle bénéficiait du soutien des administrations des États membres et des secteurs concernés. Il s’agirait d’un règlement simple, comportant un article unique, qui prévoirait l’engagement, de la part de l’Union européenne, d’appliquer de manière impérative à sa flotte les règles adoptées chaque année par l’OPANO. |
3.4. |
Le Comité attire l’attention sur le fait que la procédure actuelle conduit à une situation d’insécurité juridique non seulement pour les entreprises, mais aussi pour les administrations elles-mêmes, en raison de l’existence d’un conflit de lois; elle crée également des distorsions dans la mise en œuvre des mesures prises à l’encontre des flottes de pays tiers. |
3.5. |
Le Comité estime que le seul aspect facilité par l’introduction du système des actes délégués est la possibilité pour la Commission d’arrêter certaines règles sans devoir se soumettre aux procédures ordinaires. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur Les mesures de conservation et de contrôle dans la zone de l’Organisation des pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest (JO C 159 du 10.5.2019, p. 60).
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/281 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Sécurité du déploiement de la 5G dans l’UE – Mise en œuvre de la boîte à outils de l’UE»
[COM(2020) 50 final]
(2020/C 429/37)
Rapporteur: |
Alberto MAZZOLA |
Corapporteur: |
Dumitru FORNEA |
Saisine |
Commission européenne, 9.3.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en section |
3.9.2020 |
Adoption en session plénière |
16.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
217/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE se félicite de l’initiative des États membres et de la Commission européenne visant à vérifier la mise en œuvre par les États membres de l’ensemble des mesures recommandées dans les conclusions du paquet de mesures stratégiques et techniques et de mesures de sécurité essentielles concernant le déploiement de l’écosystème 5G. |
1.2. |
Le CESE estime que, compte tenu de la complexité et de la diversité croissantes des applications 5G (pour 2025, la Commission a fixé les objectifs de connectivité suivants: les établissements scolaires, les universités, les centres de recherche, les hôpitaux, les principaux fournisseurs de services publics et les entreprises à forte intensité numérique devraient disposer de connexions internet à débits montants/descendants d’un gigabit de données par seconde; les ménages urbains et ruraux devraient avoir accès à une connectivité avec une vitesse de téléchargement d’au moins 100 mégabits par seconde; les zones urbaines, les principaux axes routiers et ferroviaires devraient bénéficier d’une couverture 5G ininterrompue), une telle vérification de l’écosystème 5G ainsi que des actions relevant de la compétence de la Commission qui visent à assurer la cybersécurité des réseaux 5G et de la diversité de la chaîne de valeur 5G, la normalisation et la certification techniques, les investissements directs étrangers, la défense commerciale et la concurrence, les obligations de service public, les marchés publics et la cyberdiplomatie, devrait porter aussi sur la sécurité géopolitique, la sécurité des infrastructures et des données et la protection de la santé, y compris au sens de l’article 168, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. |
1.3. |
De l’avis du CESE, il est important pour l’écosystème 5G européen de garantir l’intégrité, la confidentialité, les responsabilités de gestion et de fonctionnement, la sécurité, la substituabilité de l’approvisionnement, l’interopérabilité des composants matériels et logiciels, des normes techniques et réglementaires communes, la continuité du service, la fiabilité du flux et la protection des données, la couverture de toutes les zones, y compris celles à faible densité de population, la clarté de la communication à l’intention de l’utilisateur considéré comme un acteur du marché numérique, et l’adhésion dynamique aux lignes directrices de la CIPRNI visant à protéger la santé de la population tout en réduisant les radiations autant que possible. En conséquence, la CIPRNI a mis à jour, dans les lignes directrices de 1998, le volet concernant les champs électromagnétiques (CEM) liés aux radiofréquences. Ce document expose ces lignes directrices révisées, qui assurent la protection des personnes contre l’exposition aux CEM de 100 kHz à 300 GHz. Health Phycs. 118(5):483–524; 2020 — Mars 2020. La CIPRNI a apporté (en 2020) un certain nombre de modifications pour faire en sorte que les nouvelles technologies, telles que la 5G, ne soient pas susceptibles de causer un préjudice, quelles que soient nos attentes actuelles. |
1.4. |
Le CESE demande à la Commission de suivre de près les progrès accomplis dans le déploiement et l’utilisation réelle de la 5G, de même qu’il invite les États membres à accélérer encore le processus et à garantir une mise en œuvre responsable, qui tienne compte de tous les aspects de la sécurité et de la sûreté, y compris ceux liés à l’impact des technologies 5G sur la santé de la population et des écosystèmes vivants et l’incidence sur le plan socio-économique et concurrentiel et sur l’éducation et la formation, et qui assure le respect des droits fondamentaux. |
1.5. |
Le CESE appelle l’UE à être un acteur mondial de premier plan dans la prochaine génération de technologies mobiles 5G, équipé d’une infrastructure numérique sécurisée en tant que composante solide d’une nouvelle stratégie industrielle européenne moderne, par un changement radical de la connectivité mobile et une forte dynamique potentielle pour accroître la productivité et stimuler l’économie et les services au bénéfice des citoyens. |
1.6. |
En particulier, le CESE estime indispensable d’évaluer les profils de risque des fournisseurs et d’appliquer des restrictions pertinentes pour ceux qui sont considérés comme à haut risque, y compris en procédant aux exclusions nécessaires pour atténuer effectivement les risques et définir les responsabilités, en ce qui concerne pour les actifs essentiels désignés comme critiques et sensibles dans l’évaluation coordonnée des risques au niveau de l’UE. |
1.7. |
Le CESE estime qu’il est essentiel que l’Europe vise, à moyen terme, l’autonomie et l’autosuffisance dans ce domaine, en soutenant fermement la recherche et toute une série d’entreprises européennes. Le CESE estime qu’il est important d’accroître les ressources de l’Union destinées à la R&I numérique et de soutenir les investissements des opérateurs et des fournisseurs en ce qui concerne les nouvelles fonctionnalités techniques de sécurité, investissements qui devraient pouvoir aller de pair avec la capacité du marché à reconnaître et rémunérer toutes les initiatives visant à accroître la sécurité et la résilience des systèmes. |
1.8. |
Il importe de garantir la sécurité de tous les États membres, notamment en maintenant des centres de recherche dans plusieurs régions de l’UE. En outre, le CESE suggère à nouveau que chaque pays devrait compter au moins deux fournisseurs, dont au moins un qui soit européen, ce afin de garantir la sécurité des données sur le plan politique et le respect des contraintes sanitaires. |
1.9. |
Le CESE est d’avis qu’il y a lieu de mettre davantage l’accent sur les instruments destinés aux utilisateurs, aux citoyens et aux organisations de la société civile concernées qui sont limités et peu efficaces, au-delà de l’accent mis sur les mesures appropriées concernant le pouvoir des régulateurs nationaux et le rôle des opérateurs de télécommunications, l’objectif étant de promouvoir l’autonomisation des consommateurs en renforçant leurs capacités afin de les rendre proactifs sur le marché numérique. |
1.10. |
La Commission, le Parlement européen, le Conseil et les gouvernements et parlements des États membres devraient fournir un cadre de consultation démocratique, dans lequel les arguments scientifiques ou technologiques, les garanties juridiques et les réponses des institutions compétentes aux questions de la société civile puissent être présentés au public. |
1.11. |
Le CESE recommande de renforcer la diplomatie technologique européenne afin que l’UE garantisse des conditions plus équilibrées et réciproques en matière de commerce et d’investissement, notamment en ce qui concerne l’accès des entreprises au marché, aux subventions et aux marchés publics, les transferts technologiques, la propriété industrielle et les normes sociales et environnementales. |
2. Introduction
2.1. |
La question de la sécurité des réseaux 5G revêt une importance stratégique pour les citoyens et les entreprises, l’ensemble du marché unique et la souveraineté technologique de l’UE. Dès 2013, la Commission a lancé l’initiative phare de l’UE visant à mettre en place un partenariat public-privé de la 5G (5G PPP) pour accélérer la recherche et l’innovation dans le domaine de la technologie 5G. |
2.2. |
La 5G, dont les recettes mondiales devraient dépasser 100 milliards d’EUR en 2025, est un atout majeur de la compétitivité de l’Europe sur le marché mondial, et la cybersécurité de ses réseaux est essentielle pour garantir l’autonomie stratégique de l’Union. |
2.3. |
Les réseaux 5G s’appuient sur l’actuelle 4e génération (4G) de technologies de réseau et les infrastructures de fibre optique pour fournir de nouvelles capacités de service et devenir l’infrastructure centrale et le catalyseur de pans considérables de l’économie de l’Union, afin de constituer la cheville ouvrière d’un large éventail de services essentiels au fonctionnement du marché intérieur et au maintien et à l’exercice de fonctions sociétales et économiques vitales, dans les domaines de l’énergie, des transports, de la banque et de la santé, ainsi que des systèmes de production, de distribution et de consommation dans l’agriculture et l’industrie. |
2.4. |
Étant donné le rôle central joué par les réseaux 5G dans la réalisation de la transformation numérique de l’économie et de la société de l’UE, et compte tenu du caractère interconnecté et transnational des infrastructures qui sous-tendent l’écosystème numérique et de la nature transfrontière des menaces, toute vulnérabilité importante et/ou tout incident de cybersécurité majeur concernant les réseaux 5G dans un État membre auraient des répercussions sur l’Union dans son ensemble. C’est pourquoi des mesures devraient être prises pour soutenir un niveau élevé commun de cybersécurité des réseaux 5G. |
2.5. |
En 2016, la Commission européenne — dans le cadre d’un ensemble d’initiatives lancées avec la communication intitulée «Connectivité pour un marché unique numérique compétitif — Vers une société européenne du gigabit» (1) (2) et comprenant une proposition de réforme du cadre réglementaire pour les communications électroniques (3) et les fonctions de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) (4), des «Priorités pour la normalisation en matière de TIC dans le marché unique numérique» (5), ainsi que des mesures visant à promouvoir la connectivité internet dans les communautés locales (6) — a adopté un plan d’action pour la 5G en Europe (7), sur lequel le CESE a émis un avis positif (8) et qui vise à renforcer les efforts de l’UE pour déployer dans le marché unique numérique les infrastructures et les services 5G, avec une feuille de route pour les investissements publics et privés dans les infrastructures 5G dans l’UE et l’objectif de lancer les réseaux commerciaux 5G avant la fin de 2020. |
2.6. |
Selon la définition donnée dans la recommandation de la Commission européenne (9), on entend par «réseau 5G»«un ensemble composé de tous les éléments des infrastructures de réseau pertinents pour la technologie de communication sans fil et mobile utilisés pour la connectivité et des services à valeur ajoutée et offrant des performances avancées telles que des capacités et des vitesses de débit très élevées, des communications à temps de latence faibles, une excellente fiabilité, ou supportant un nombre élevé d’appareils connectés». |
2.7. |
La recommandation précise que la Commission soutiendra la mise en œuvre d’une approche européenne de la cybersécurité de la 5G et veillera, à la demande des États membres, à assurer la sécurité de l’infrastructure 5G et de la chaîne d’approvisionnement, en recourant, le cas échéant, à tous les instruments à sa disposition:
|
2.8. |
En juillet 2019, les États membres ont présenté au groupe de coopération établi au titre de la directive SRI (10) (composé de représentants de tous les États membres), à la Commission et à l’ENISA les résultats de leurs évaluations des risques à l’échelle nationale, en délivrant, conformément à la norme ISO/IEC 27005, des informations sur les principales activités, menaces et vulnérabilités relatives aux infrastructures 5G et aux principaux scénarios de risques, décrivant les manières dont les auteurs de menaces pourraient profiter de certaines faiblesses d’une activité donnée: ces évaluations nationales ont servi de base à l’élaboration d’une évaluation coordonnée ultérieure et d’une «boîte à outils» commune concernant les mesures possibles d’atténuation des risques. |
2.9. |
En octobre 2019, le groupe de coopération SRI, avec le soutien de la Commission et de l’ENISA, a présenté un rapport sur l’évaluation coordonnée, à l’échelle de l’UE, des risques liés à la cybersécurité des réseaux de cinquième génération 5G, lequel inventorie plusieurs défis majeurs en matière de sécurité liés aux innovations technologiques essentielles dans les logiciels, les applications et les services, ainsi qu’au rôle des fournisseurs dans le déploiement et l’utilisation des réseaux 5G et au degré de dépendance à l’égard d’un fournisseur unique:
|
2.10. |
Tous ces défis créent un nouveau paradigme de sécurité qui nécessite un réexamen du cadre actuel d’action et de sécurité applicable au secteur et à son écosystème et fait de l’adoption de mesures d’atténuation une nécessité impérative pour les États membres. |
2.11. |
Le 21 novembre 2019, l’ENISA a publié un rapport intitulé «Threat landscape for 5G networks» (Inventaire des menaces propres aux réseaux 5G), dans lequel elle formule ses évaluations des menaces liées à la cinquième génération de réseaux de télécommunications mobiles et qui complète le rapport des États membres de l’UE. |
2.12. |
Le 29 janvier 2020, le groupe de coopération SRI a publié ses orientations intitulées «Cybersécurité des réseaux 5G — Boîte à outils de l’UE: mesures destinées à atténuer les risques» (11), qui comprend un ensemble commun potentiel de mesures visant à atténuer les principaux risques en matière de cybersécurité des réseaux 5G et à fournir des orientations pour la sélection des mesures qui devraient être prioritaires dans les plans d’atténuation au niveau national et au niveau de l’UE. Le même jour, la Commission européenne a adopté une communication pour soutenir la boîte à outils (12). Ce document fait l’objet du présent avis. |
2.13. |
Les principales parties prenantes de l’infrastructure de réseau 5G sont les suivantes:
Toutes ces parties prenantes sont des acteurs importants de la sécurité, tant pour la contribution à la cybersécurité des réseaux 5G que comme points d’entrée potentiels ou de vecteurs d’attaque. Il est donc important d’évaluer les risques liés à leur position dans l’écosystème 5G. |
2.14. |
Les principales catégories traditionnelles de menaces sont celles qui pèsent, respectivement, sur la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité. Plus précisément, il a été constaté qu’un certain nombre de scénarios de menace pour les réseaux 5G concernent notamment:
|
2.15. |
Les menaces que font peser les États ou les acteurs soutenus par un État sont perçues comme étant de la plus haute importance, étant donné qu’ils représentent effectivement les auteurs de menace les plus sérieux et les plus probables, car ils peuvent avoir des raisons, des intentions et, surtout, la capacité de mener des attaques persistantes et sophistiquées sur la sécurité des réseaux 5G.
Si bon nombre de ces vulnérabilités ne sont pas spécifiques aux réseaux 5G, il est probable que leur nombre et leur gravité augmenteront avec la 5G, en raison du niveau plus élevé de complexité technologique et des attentes accrues que les économies et les sociétés ont vis-à-vis de cette infrastructure. |
2.16. |
En particulier, étant donné que les réseaux 5G seront largement basés sur des logiciels, les principales failles de sécurité, telles que celles résultant de processus peu performants de développement des logiciels de la part des fournisseurs d’équipements, pourraient permettre aux acteurs malveillants d’insérer intentionnellement des portes dérobées délibérées dans les produits et de les rendre encore plus difficiles à détecter. Il en résulte que leur exploitation est davantage susceptible d’avoir un impact négatif particulièrement grave et étendu. Les problèmes de sécurité liés à la 4G n’ayant pas encore été entièrement résolus, ceux de la 5G pourraient connaître une croissance exponentielle. |
2.17. |
Il convient également d’envisager des vulnérabilités liées au processus ou à la configuration:
|
2.18. |
Les profils de risque des différents fournisseurs doivent être évalués sur la base de plusieurs facteurs, notamment: la possibilité que le fournisseur soit soumis à l’ingérence d’un pays extérieur à l’UE, facilitée lorsqu’il existe des liens étroits entre le fournisseur et le gouvernement d’un pays tiers donné; la législation d’un pays tiers, en particulier lorsqu’il n’y existe pas de contrôles ou d’équilibres législatifs ou démocratiques, et que par conséquent, les filiales d’une entreprise de ce pays actives dans l’UE pourraient être dissuadées de se conformer à la législation européenne, ou encore lorsqu’il n’existe pas d’accords en matière de sécurité ou de protection des données entre l’UE et le pays tiers en question; les caractéristiques du fournisseur en ce qui concerne la propriété; la capacité du pays tiers à exercer une forme de pression, y compris s’agissant du lieu de production de l’équipement; la qualité générale des produits et pratiques du fournisseur en matière de cybersécurité, y compris le degré de contrôle sur sa chaîne d’approvisionnement et la question de savoir si un degré de priorité suffisant a été accordé aux pratiques en matière de sécurité. |
2.19. |
Les États membres sont convenus de veiller à ce que des mesures soient prises pour réagir de manière appropriée et proportionnée aux risques déjà recensés et aux éventuels risques futurs, et de faire en sorte, en particulier, d’être en mesure d’imposer des restrictions, des interdictions et/ou des exigences ou conditions spécifiques, suivant une approche fondée sur les risques, en ce qui concerne la fourniture, le déploiement et l’exploitation d’équipements de réseau 5G. |
2.20. |
Dans cette perspective, les États membres devraient:
|
2.21. |
Comme l’a souligné à plusieurs reprises la Commission, le marché intérieur européen est et reste ouvert à ceux qui souhaitent venir en Europe, pour autant qu’ils se conforment tous à des règles claires et contraignantes fondées sur des critères objectifs. |
2.22. |
Le 6 juin 2020, le Conseil a souligné qu’il importe de renforcer la souveraineté et la coopération numériques dans l’UE, ainsi que la création de synergies au moyen de programmes de l’UE tels que le mécanisme pour l’interconnexion en Europe et le programme pour une Europe numérique, grâce au développement des compétences numériques et de l’économie fondée sur les données, et a insisté sur l’importance de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité, le numérique ayant un rôle actif à jouer dans la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe. |
3. La communication de la Commission
3.1. |
En réponse à la boîte à outils en matière de sécurité 5G proposée par le groupe de coopération SRI, la Commission européenne:
|
4. Observations générales
4.1. |
Le CESE est convaincu que les nouvelles technologies 5G sont susceptibles de transformer la manière dont nous interagissons avec le monde, en offrant des possibilités de nouvelles applications, modèles d’entreprise et modes de vie, des usines intelligentes, une productivité accrue et de nouveaux services de qualité pour les citoyens, pouvant ainsi ouvrir des portes aux technologies de pointe telles que les voitures automatisées et les systèmes de fabrication et de distribution avancés, ainsi que permettre l’éclosion d’une multitude d’appareils interconnectés qui devraient entrer dans notre monde quotidien dans le cadre de l’internet des objets (IdO). Toutefois, le CESE souhaiterait que la Commission renforce les études d’impact et de faisabilité et l’analyse coûts-avantages de la 5G par rapport à l’utilisation de la technologie 4G ou des télécommunications à fibres optiques. Le CESE considère qu’il est essentiel que la 5G soit axée sur une meilleure utilisation circulaire des ressources et sur la réduction de l’importante empreinte carbone liée à l’énergie. Le CESE souligne l’importance de faire face aux changements sociaux d’ordre structurel en favorisant une transition juste et fluide, ainsi qu’en s’attaquant au déficit de compétences, afin de générer des emplois mieux rémunérés, flexibles et hautement qualifiés. |
4.2. |
La triade de menaces formée par des pandémies incontrôlées, des lacunes dans l’arsenal des mesures de politique économique et les «cygnes noirs» de la géopolitique risque de faire basculer l’économie mondiale dans une dépression persistante et de provoquer un effondrement des marchés financiers et des mouvements de fuite des capitaux, au moment même où toutes les composantes de la société européenne prennent de plus en plus conscience qu’un développement économique durable et la révolution numérique en cours, dont la 5G est un des instruments et principes, appellent des actions combinant tout à la fois la souveraineté technologique, l’augmentation de la productivité et une utilisation plus efficace des ressources. à disposition, avec l’appui d’un cadre juridique, réglementaire, économique et financier adéquat. |
4.3. |
Le CESE invite les institutions de l’UE à parachever le marché unique numérique, y inclus le développement de capacités à intégrer et à utiliser les services 5G pour défendre et améliorer la compétitivité des industries européennes: il demande à la Commission de suivre de près les progrès accomplis dans le déploiement et l’utilisation réelle de la 5G et invite les États membres à accélérer encore le processus, en tenant compte de tous les aspects de la sécurité et de la sûreté, y compris les aspects liés à l’impact des technologies 5G sur la santé de la population et des écosystèmes vivants et à l’incidence sur le plan socio-économique et concurrentiel et sur l’éducation et la formation, et en assurant le respect des droits fondamentaux, tels que le droit de propriété ou celui au respect de la vie privée et à la sécurité des données à caractère personnel. |
4.4. |
Le CESE appelle l’UE à être un acteur mondial de premier plan dans la prochaine génération de technologies mobiles 5G, équipé d’une infrastructure numérique sécurisée en tant que composante solide d’une nouvelle stratégie industrielle européenne moderne, par un changement radical de la connectivité mobile et une forte dynamique potentielle pour accroître la productivité et stimuler l’économie et les services au bénéfice des citoyens et de leur bien-être, ainsi que la protection du climat et de l’environnement, en plaçant l’UE à l’avant-garde de la révolution de la 5G. |
4.5. |
Étant donné que la cybersécurité et la sécurité nationale sont des aspects inextricablement liés, le CESE estime que toute décision sur la sécurité nationale d’un pays de l’UE doit être prise dans le contexte de l’UE, et que les évaluations non techniques devraient être mises en œuvre de manière objective, sur la base de critères d’évaluation des risques définis au niveau européen. Ces éléments sont nécessaires pour garantir dans toute l’Europe un environnement réglementaire harmonisé et prévisible, qui garantisse une pleine interopérabilité. |
4.6. |
Le CESE estime que la qualité de l’information et la manière dont elle est communiquée — l’«effet de cadrage», autrement dit l’effet associé à un contexte ou à la mise en relief d’un élément — ont une influence significative sur le comportement des destinataires. Ainsi, l’objectif consistant à promouvoir l’autonomisation des consommateurs est pris en compte dans l’identification des outils destinés à les éduquer, à renforcer leurs capacités et à en faire des acteurs du marché numérique. Le CESE reconnaît qu’il est nécessaire de fournir aux citoyens des informations actualisées et exactes sur les bénéfices et les risques de la 5G, en se fondant sur les données qui font consensus parmi la grande majorité de la communauté scientifique, tout en signalant les aspects sur lesquels elle n’est pas unanime. |
4.7. |
Le CESE est convaincu que l’accès au marché numérique européen doit rester ouvert à toute entreprise sans discrimination, mais dans les limites d’un cadre européen constitué de règles, de normes et de critères fermes et clairs en matière d’évaluation et de sécurité, qui placent au cœur de la stratégie européenne le redressement et la relance de la souveraineté technologique européenne. |
4.8. |
Bien que les cinq principaux fournisseurs d’infrastructures comprennent deux fournisseurs européens, deux chinois et un coréen (13), aucune entreprise européenne majeure n’est parmi les premières à produire des appareils et puces 5G; le CESE est convaincu qu’il doit exister une pluralité de fournisseurs, dont au moins un ayant sa maison mère en Europe, et qu’un cadre d’interopérabilité et d’entière substituabilité des composants matériels et logiciels devrait également être assuré afin de garantir la pleine souveraineté technologique européenne dans le contexte d’une coopération internationale forte et d’une réciprocité totale sur les marchés en matière d’ouverture, d’accès et d’exploitation. Cette diversification peut s’appliquer tant que l’interopérabilité des services est possible et que la diversité n’augmente pas les risques en matière de cybersécurité. |
4.9. |
Le CESE estime qu’il est essentiel que l’Europe adopte une approche à moyen terme en ce qui concerne l’autonomie et l’autosuffisance dans ce domaine, en soutenant fermement la recherche et toute une série d’entreprises européennes. Le CESE se félicite de l’ensemble de mesures adopté par les États membres pour traiter les risques en matière de sécurité et de sûreté liés à l’introduction de la technologie 5G, qui ont déjà été recensés dans le cadre de l’évaluation européenne. Il estime toutefois que les limites d’exposition strictes et sûres aux champs électromagnétiques recommandées au niveau de l’Union et fondées sur des orientations mises à jour par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (CIPRNI), reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), devraient s’appliquer à toutes les bandes de fréquences prévues pour la 5G (14): les limites de la CIPRNI sont fondées sur le principe de précaution, puisqu’elles sont 50 fois inférieures aux niveaux d’effet sur la santé publique qui ont été établis sur la base des preuves scientifiques disponibles. |
4.10. |
Toutefois, le CESE observe que les recommandations de la CIPRNI ne sont pas reconnues par l’ensemble de la communauté scientifique, dont certains membres préconisent des limites d’exposition de la population bien plus strictes, conformément au principe «aussi bas que raisonnablement possible» (ALARA). Les solutions qui pourraient être proposées pour venir compléter les infrastructures de communication 5G comprennent notamment le recours à des liaisons fixes pour données au moyen des technologies sans rayonnements qui existent déjà (câbles ethernet, fibres optiques, etc.), dans les situations d’utilisation non mobile (par exemple pour les distributeurs de billets, les terminaux de points de vente, les robots industriels, les robots médicaux contrôlés à distance, etc.) et dans les secteurs concernés par des transmissions massives de données (prestataires de services numériques, entreprises ou grandes sociétés, etc.), ainsi que pour l’internet des objets (IdO), dans des configurations fixes, non mobiles (maisons intelligentes, villes intelligentes, capteurs sur des équipements de service public, etc.). |
4.11. |
La Commission, le Parlement européen, le Conseil et les gouvernements et parlements des États membres devraient fournir un cadre de consultation démocratique, dans lequel les arguments scientifiques ou technologiques, les garanties juridiques et les réponses des institutions compétentes aux questions de la société civile puissent être présentés au public. |
4.12. |
Le CESE est d’avis qu’il y a lieu de mettre davantage l’accent sur les instruments destinés aux utilisateurs, aux citoyens et aux organisations de la société civile concernées qui sont limités et peu efficaces, au-delà de l’accent mis sur les mesures appropriées concernant le pouvoir des régulateurs nationaux et le rôle des opérateurs de télécommunications. |
4.13. |
Le CESE a reconnu (15) l’existence du problème de l’hypersensibilité électromagnétique et a souligné ses préoccupations sur ce point, tout en estimant qu’il est encourageant de constater que de nouvelles recherches approfondies sont en cours afin de comprendre le problème et ses causes et en incitant la Commission à poursuivre et à mettre à jour ses travaux dans ce domaine. |
4.14. |
De l’avis du CESE, la crédibilité des fournisseurs de services de télécommunications et de services d’applications 5G est essentielle, étant donné que la gestion des informations sur l’internet forme la base des services de données agrégées qui sont collectées et traitées par les utilisateurs, par l’intermédiaire de mécanismes technologiques, juridiques et fiscaux interconnectant objets, machines et algorithmes. |
4.15. |
Le CESE a suggéré (16) de passer d’un concept de propriété des données à une définition des droits en matière de données pour les personnes physiques et les personnes morales. Les consommateurs devraient avoir le contrôle des données produites par les dispositifs connectés de manière à garantir le respect de leur vie privée au même titre que l’accessibilité, l’interopérabilité et le transfert desdites données, tout en en assurant de manière adéquate la protection et la confidentialité, ainsi qu’une concurrence loyale et un plus grand choix pour ces mêmes consommateurs. |
4.16. |
Il y aurait lieu d’enrichir le règlement général sur la protection des données (RGPD) par des lignes directrices de mise en œuvre claires, afin de parvenir à une application uniforme et à un niveau élevé de protection des données et des consommateurs dans la perspective de l’interconnectivité des machines et des objets, et il convient de réviser les règles relatives à la responsabilité civile et à l’assurance des produits pour les adapter à une situation où les décisions seront de plus en plus prises par les logiciels dans un environnement pleinement sécurisé. |
4.17. |
Le CESE estime qu’il est essentiel que les États membres suivent les recommandations stratégiques et techniques figurant dans la boîte à outils de l’UE, en évitant de développer des approches nationales spécifiques, telles que des essais et une certification supplémentaires, qui entraîneraient un morcellement du marché, des retards dans la mise en œuvre des technologies et des incohérences entre les marchés, avec le risque d’affaiblir la confiance dans les systèmes d’essai et d’agrément. |
4.18. |
Le CESE estime qu’il est essentiel d’utiliser les normes mondiales, avec un soutien européen accru, et de mettre en place des bonnes pratiques communes et reconnues pour parvenir à une gestion efficace des menaces, générer des économies d’échelle, éviter le morcellement et assurer l’interopérabilité des systèmes européens. Les discussions sur les normes techniques peuvent apporter la clarification voulue pour que les entreprises puissent être à nouveau compétitives et mener à bien ces activités essentielles, afin de mettre en œuvre des technologies avancées telles que la 5G et l’intelligence artificielle (IA) sur tous les marchés. |
4.19. |
En particulier, le CESE estime qu’il est indispensable d’évaluer les profils de risque des fournisseurs et d’appliquer des restrictions pertinentes pour ceux considérés comme à haut risque, y compris en procédant aux exclusions nécessaires pour atténuer effectivement les risques, en ce qui concerne les actifs essentiels qui auront été définis comme critiques et sensibles dans l’évaluation coordonnée des risques au niveau de l’UE. |
4.20. |
Le CESE estime qu’il est important d’accroître les investissements des opérateurs et des fournisseurs en ce qui concerne les nouvelles fonctionnalités techniques de sécurité, cette démarche devant pouvoir aller de pair avec la capacité du marché à reconnaître et rémunérer toutes les initiatives visant à accroître la sécurité et la résilience des systèmes. Une attention accrue pour les investissements dans le domaine de la sécurité pourrait conférer de nouveaux avantages sur le marché. |
4.21. |
Le CESE est résolument favorable à des interventions communes en faveur du développement industriel et du déploiement de la 5G, s’agissant d’évaluer les lacunes ou défaillances potentielles du marché tout au long de la chaîne de valeur de la 5G qui justifieraient des interventions ciblées dans le cadre du prochain budget à long terme ou le lancement d’un éventuel projet d’intérêt européen commun en matière de cybersécurité de la 5G (sécurité et sûreté). |
4.22. |
Le CESE souligne que, même si l’infrastructure numérique a fait la preuve de sa résilience et de sa solidité lors de la crise de la COVID-19, des investissements supplémentaires dans les infrastructures 5G sont nécessaires afin de surmonter une fracture numérique qui est encore présente et est susceptible de limiter l’accès des citoyens à la santé et l’apprentissage en ligne et au télétravail. |
4.23. |
En ce qui concerne la diplomatie technologique, le CESE estime qu’il est essentiel que tout en favorisant une pleine concurrence et l’innovation technique sur le marché, l’UE garantisse des conditions d’échanges et d’investissement plus équilibrées et réciproques, notamment en ce qui concerne l’accès au marché, les subventions, les marchés publics, les transferts de technologie, la propriété industrielle et les normes sociales et environnementales, en particulier face à des «rivaux systémiques promouvant des modèles alternatifs de gouvernance». |
4.24. |
Le CESE soutient fermement l’idée qu’afin d’éviter une dépendance à long terme, il est nécessaire de maintenir une chaîne d’approvisionnement 5G diversifiée et durable, en prévoyant le recours à de multiples fournisseurs dans un cadre de substituabilité et d’interopérabilité, ainsi que de renforcer encore le cadre financier 2021-2027 pour les programmes et initiatives de développement des capacités et la souveraineté technologique européenne pour la 5G et l’après-5G. |
4.25. |
Dans le cadre du plan de relance pour l’Europe adopté le 27 mai 2020, l’indice relatif à l’économie et à la société numériques 2020 (DESI) servira de support à l’analyse par pays étayant les recommandations du Semestre européen concernant le numérique. Cette démarche aidera les États membres à cibler et à hiérarchiser leurs priorités en matière de réforme et d’investissement, facilitant ainsi l’accès à la facilité pour la reprise et la résilience, qui est dotée d’une enveloppe de 560 milliards d’EUR. Cet instrument fournira aux États membres des fonds destinés à rendre leurs économies plus résilientes et veillera à ce que les investissements et les réformes soutiennent les transitions verte et numérique. Étant donné que la pandémie a eu un impact significatif sur chacune des cinq dimensions de l’indice DESI, les conclusions de 2020 relatives à la 5G doivent être abordées en parallèle avec les nombreuses mesures que la Commission et les États membres ont prises pour gérer la crise et soutenir la reprise. |
Bruxelles, le 16 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Voir, à l’article 168, paragraphe 1, du TFUE, ce qui suit «L’action de l’Union, qui complète les politiques nationales…».
(2) COM(2016) 587.
(3) COM(2016) 590.
(4) COM(2016) 591.
(5) COM(2016) 176.
(6) COM(2016) 589.
(7) COM(2016) 588.
(8) JO C 125 du 21.4.2017, p. 74.
(9) Recommandation (UE) 2019/534 de la Commission du 26 mars 2019 sur la cybersécurité des réseaux 5G (JO L 88 du 29.3.2019, p. 42).
(10) Directive (UE) 2016/1148 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l’Union (JO L 194 du 19.7.2016, p. 1).
(11) https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/cybersecurity-5 g-networks-eu-toolbox-risk-mitigating-measures
(12) https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/secure-5 g-deployment-eu-implementing-eu-toolbox-communication-commission
(13) Les cinq principaux fournisseurs à l’échelle mondiale sont actuellement Ericsson, Nokia, Huawei, ZTE et Samsung.
(14) PE — E-003040/2019 — Réponse donnée par Mme Kyriakides au nom de la Commission européenne (17.1.2020).
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/290 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie européenne pour les données»
[COM(2020) 66 final]
(2020/C 429/38)
Rapporteur: |
Antonio GARCÍA DEL RIEGO |
Consultation |
Commission européenne, 22.4.2020 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Décision du bureau du Comité |
18.2.2020 |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en section |
23.7.2020 |
Adoption en session plénière |
18.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
216/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE se félicite de la proposition de la Commission relative à une stratégie pour les données qui fixe comme priorité le partage intersectoriel des données et vise à améliorer l’accès à celles-ci, leur utilisation, leur partage et leur gouvernance au moyen de mesures législatives propres à chaque secteur. Une stratégie ambitieuse pour les données peut permettre de répondre au besoin impérieux de renforcer les capacités de l’Union européenne en la matière. |
1.2. |
Le CESE soutient la Commission lorsqu’elle propose que l’architecture des données de l’Union soit globalement conçue de manière à veiller davantage au respect des droits des personnes en ce qui concerne l’utilisation et la protection de leurs données, ainsi que leur contrôle et leurs connaissances sur celles-ci, et à leur donner les moyens d’agir grâce à des «espaces de données à caractère personnel», à des garanties plus claires et au renforcement du droit à la portabilité pour les personnes physiques au titre de l’article 20 du règlement général sur la protection des données (RGPD) (1). |
1.3. |
Le CESE demande à la Commission de mettre en place une stratégie plus claire en vue d’étoffer son cadre pour les données. Celui-ci devrait être conçu de manière à combiner des normes élevées de protection des données, un partage intersectoriel et responsable de celles-ci, des critères précis quant à la gouvernance sectorielle et à la qualité des données, ainsi qu’un contrôle accru des données par les particuliers. Le CESE suggère en outre d’apporter davantage de précisions concernant l’approche de financement de la stratégie et recommande des solutions pour combler le déficit de compétences. |
1.4. |
Le CESE est d’avis que le développement de plateformes fondées sur les données en Europe devrait refléter les valeurs européennes, notamment en accordant une attention particulière aux individus. Il estime que l’actuelle approche centrée sur le consommateur devrait s’élargir et se transformer en une approche où «l’humain reste aux commandes», intégrant une dimension éthique en ce qui concerne l’utilisation des données. |
1.5. |
Le CESE déplore que, deux ans après son entrée en vigueur, le RGPD ne soit pas appliqué comme il se doit et que des divergences subsistent. La Commission devrait remédier à ces problèmes, en encourageant notamment les États membres à garantir que toutes les personnes, dans l’ensemble de l’UE, puissent bénéficier pleinement de leurs droits. |
1.6. |
Le CESE considère l’achèvement du marché unique comme une priorité majeure pour le bon fonctionnement des espaces communs de données. |
1.7. |
Compte tenu du caractère sensible des données partagées, le CESE insiste sur la nécessité de prévoir des garanties quant au respect de la vie privée des personnes au moyen de mécanismes de consentement, de contrôle, de sanction et de surveillance, et de veiller à ce que les données soient rendues anonymes (et ne puissent pas être désanonymisées). |
1.8. |
Le CESE recommande à la Commission de définir dans la stratégie l’option qu’elle préconise pour le concept de propriété des données. Les débats en cours sur le plan juridique créent actuellement chez les particuliers de l’incertitude quant aux requêtes qu’ils peuvent présenter. |
1.9. |
Le CESE plaide pour un dialogue renforcé avec la société civile et rappelle la nécessité de fournir aux PME des orientations plus claires sur les mécanismes de partage des données, deux aspects qui seront essentiels pour permettre une large participation aux espaces de données. |
1.10. |
Le CESE réaffirme qu’un marché unique des données devrait garantir que les données à caractère personnel ne soient pas soumises aux mêmes règles que les biens et les services, c’est-à-dire qu’elles ne soient pas peu à peu considérées comme des données à caractère non personnel (2). |
1.11. |
La Commission devrait s’attacher à ce que le cadre juridique permette l’égalité d’accès aux données entre toutes les entreprises, grandes et petites, et qu’il remédie au pouvoir de marché des plateformes dominantes. De manière générale, la Commission devrait présenter une proposition beaucoup plus claire et concrète concernant les contrôles et la gouvernance des espaces de données, notamment quant à la manière dont les parties prenantes partageront les données. |
1.12. |
Le CESE souligne qu’il est essentiel de prendre en compte l’incidence des produits personnalisés sur les personnes (comme la discrimination) et celle du partage des données sur les entreprises. Le cadre devrait garantir le respect de normes de sécurité élevées et de droits de propriété intellectuelle. Il conviendrait de protéger les données déduites et de ne les soumettre à aucune obligation d’accès ou de transfert. |
1.13. |
Le CESE insiste sur l’urgence de renforcer les compétences et l’habileté numériques par l’éducation et la formation, notamment en s’appuyant sur le cadre des compétences numériques et en encourageant les États membres à améliorer l’éducation tout au long de la vie pour les compétences qui seront les plus demandées, à tous les niveaux d’enseignement (3). Ainsi pourra-t-on faire en sorte que les particuliers deviennent des acteurs avertis, dotés de plus grandes connaissances et d’un contrôle accru sur leurs données, les applications de mégadonnées et la gouvernance des données, qui comprennent leur environnement numérique et les risques qu’il comporte (par exemple la personnalisation) (4). |
1.14. |
Le CESE invite la Commission à clarifier et consolider le rôle des autorités compétentes, des organisations de consommateurs et des organismes indépendants, lequel est d’importance pour la gouvernance des initiatives sectorielles et pour veiller à ce que les entreprises respectent les règles et à ce que les utilisateurs bénéficient d’orientations précises, de conseils et de formations. |
2. Observations générales: la bonne stratégie pour les données
2.1. |
Le CESE approuve le fait que la Commission accorde une attention particulière aux données, qui constituent un élément important dans la vie des citoyens et l’activité des entreprises. La numérisation et les améliorations technologiques ont accru la portée et la fréquence des données générées, et elles en ont facilité le stockage, le traitement, l’analyse et le transfert. Les services fondés sur les données permettent d’accroître la commodité de la clientèle et de répondre à ses attentes, ainsi que d’améliorer les procédés industriels existants. |
2.2. |
Le CESE convient que l’innovation fondée sur les données est un moteur essentiel de la croissance économique et de la compétitivité de l’Union, et que son rôle est limité par le manque de disponibilité des données au niveau de l’industrie et des utilisateurs dans l’UE. Il souscrit à la proposition de la Commission visant à remédier à cette situation et à améliorer l’utilisation, le partage et l’accessibilité des données entre les secteurs grâce à des espaces communs de données respectant scrupuleusement les normes énoncées dans le règlement général sur la protection des données, au moyen d’un corpus commun de règles et de normes techniques et juridiques, ainsi que par des mesures complémentaires. |
2.3. |
Le CESE estime que la stratégie en matière de données sera essentielle pour soutenir la souveraineté technologique de l’Union européenne, afin de garantir un accès aux données et leur partage de manière sûre et sécurisée, de renforcer le contrôle des Européens sur leurs données et de générer des avantages pour les particuliers et les entreprises. |
2.4. |
Le CESE convient qu’une approche sectorielle en matière d’accès aux données est la plus appropriée pour cibler des solutions spécifiques susceptibles de prendre en compte les particularités de chaque secteur et de remédier aux défaillances du marché, tout en offrant les garanties les plus solides concernant la protection des consommateurs (5). |
2.5. |
Le CESE partage les préoccupations de la Commission quant au fait que la capacité de l’Union à exploiter des données et à les partager est limitée par d’importants problèmes d’interopérabilité des systèmes d’information. La crise de la COVID-19 a montré la nécessité et l’utilité de disposer d’un écosystème de données complet, les données ne s’arrêtant pas aux frontières des secteurs spécifiques, afin notamment de concevoir des solutions pour la sécurité des particuliers (par exemple, les données de géolocalisation et de santé) et d’éviter les cloisonnements. Dans le domaine des soins de santé, les chercheurs pourraient utiliser des données importantes sur le plan de la santé publique collectées par différents secteurs afin d’accélérer la mise au point des médicaments et de mieux comprendre les maladies. |
2.6. |
Le CESE reconnaît que l’innovation fondée sur les données est freinée par un déficit de compétences, une pénurie de travailleurs qualifiés dans le domaine des données au sein de l’UE et une faible habileté numérique. Il se félicite de l’objectif de la stratégie consistant à créer «un espace européen commun des données relatives aux compétences» et de la mise à jour prochaine du plan d’action de la Commission en matière d’éducation numérique. |
3. Étoffer le cadre de l’UE relatif aux données: observations générales
S’agissant du perfectionnement du cadre de l’Union européenne relatif aux données, le CESE met en avant l’enjeu crucial de l’éthique. L’étude sur «L’éthique des mégadonnées (Big Data)» (6), commandée par le CESE en 2016, traite de cette question, en considérant le besoin de protection de la vie privée et d’autodétermination de chaque individu sous plusieurs angles: la prise de conscience, le contrôle, la confiance, la propriété, la surveillance et la sécurité, l’identité numérique, la réalité personnalisée, la désanonymisation, la fracture numérique et le respect de la vie privée. Le CESE recommande d’envisager ces éléments comme principes directeurs de toute politique.
3.1. Normes de protection des données
3.1.1. |
Le CESE invite la Commission à souligner que les personnes devraient garder le contrôle sur les données, car la collecte et le partage de celles-ci ont des répercussions sur le respect de la vie privée et sur l’égalité. L’utilisation des données entre les secteurs donne la possibilité aux entreprises d’alimenter et d’améliorer leurs processus existants, de fournir des informations avec davantage d’efficacité et d’offrir aux consommateurs de nouveaux produits et expériences personnalisés. Les données au niveau de l’utilisateur, en particulier, fournissent des indications sur les caractéristiques intrinsèques, les besoins et les comportements non pris en compte par les données anonymisées, avec des retombées positives bien au-delà du secteur dans lequel les données ont été générées à l’origine. Dans le secteur financier, par exemple, le partage intersectoriel de données permettrait d’améliorer l’analyse des risques et la prévision des flux de trésorerie, de détecter les fraudes, de renforcer la capacité des particuliers à gérer le surendettement, ainsi que de favoriser l’inclusion et l’éducation financières. Néanmoins, la personnalisation peut entraîner des risques pour les consommateurs vulnérables, comme la discrimination, les abus et la manipulation. |
3.1.2. |
La Commission devrait remédier aux lacunes et à la fragmentation de la mise en œuvre du RGPD, aux interprétations juridiques divergentes et au manque de ressources affectées aux autorités chargées de la protection des données. Le règlement général sur la protection des données, élaboré en 2012, soumis au vote en 2016 et promulgué en 2018, n’est pas adapté au cadre proposé. Le CESE recommande à la Commission de mettre dûment à jour le RGPD et de procéder à des analyses d’impact, ledit règlement devant aller de pair avec la nouvelle approche relative aux espaces communs de données. Il invite également la Commission à s’attaquer aux limitations aux droits à la portabilité des données énoncées dans le RGPD. Celles-ci ont été définies à une période où les changements de services n’avaient généralement lieu qu’une seule fois, tandis qu’aujourd’hui, les données sont réutilisées à de nombreuses reprises et sont utiles en temps réel. |
3.1.3. |
Même si le CESE estime que les outils proposés pourront aider les particuliers à décider «de l’utilisation faite de leurs données» (7), il y aurait lieu, pour moins d’incertitude juridique, que la Commission définisse dans la stratégie l’option qu’elle préconise quant au concept de propriété des données, afin de préciser à titre général qui en est le propriétaire et, par exemple, ce qu’il en est et advient de ces données dans les cas où elles sont générées par des appareils électroménagers connectés. |
3.1.3.1. |
Il existe une différence, qu’il convient de souligner clairement, entre les droits des personnes en matière de données et la propriété des données. |
3.1.4. |
Sachant que fournir des données pour recevoir des services gratuits équivaut à une forme de paiement, le CESE invite la Commission à mentionner à quel texte ou critère elle se réfère quand elle invoque «l’intérêt public» et à indiquer quelle est sa finalité dans ce domaine. Le Comité préconise en outre que la Commission donne une définition au don de données sans contrepartie directe (également appelé «altruisme des données») et qu’elle prévoie les mesures utiles pour éviter que les collecteurs de données s’exonèrent de respecter leurs obligations. |
3.2. Un cadre responsable pour le partage des données
3.2.1. |
La Commission devrait préciser comment elle entend fournir des orientations aux particuliers, afin qu’ils comprennent la manière dont fonctionnent les «espaces de données à caractère personnel». Sans ces connaissances, le droit d’accès des personnes à ces espaces sera dénué de sens, et la mise en application de la proposition sera inefficace et compromettra la réalisation des objectifs fixés par la stratégie. |
3.2.2. |
L’UE a reconnu la nécessité de prévoir un droit de partage et a établi des mécanismes pratiques dans le cadre de certaines initiatives sectorielles, comme pour les prestataires de services de traitement des données (règlement relatif à la libre circulation des données (8)) ou pour les données détenues dans les comptes de paiement (DSP2 (9)). Toutefois, à l’exception de quelques cas spécifiques, les particuliers (utilisateurs de données, consommateurs, citoyens) ne disposent ni des compétences, ni des connaissances, ni des outils pour demander l’accès à leurs données à caractère personnel et non personnel ou pour les partager facilement et efficacement. |
3.2.3. |
Afin de renforcer la portabilité «en imposant des exigences plus strictes concernant les interfaces d’accès aux données en temps réel», de garantir des espaces de données à caractère personnel et de veiller à ce que les fournisseurs jouent le rôle de «médiateur neutre» (10), le CESE attire l’attention de la Commission sur les cas d’utilisation de mécanismes de partage sécurisés, comme les systèmes d’identification numérique personnelle, qui sont susceptibles d’être adoptés par des organismes privés comme publics et étendus en vue de l’accélération du partage intersectoriel des données. Les applications d’identification électronique dans le secteur financier comme «itsme» (une identité mobile pour les transactions numériques) sont des exemples d’utilisation fructueuse et mutuellement avantageuse, notamment entre les banques et les opérateurs mobiles. Elles créent une valeur importante pour les entreprises (économies de coûts, augmentation des ventes, réduction de la fraude et de l’usurpation d’identité), offrent un plus grand choix, préservent la vie privée des utilisateurs, renforcent la confiance des consommateurs, fournissent aux particuliers des mesures et des outils d’authentification forte pour gérer leurs droits et exercer un contrôle, et permettent des processus numériques sécurisés, pratiques et rapides, comme la dématérialisation du processus de souscription. |
3.2.4. |
Le CESE renvoie la Commission à l’expérience de la DSP2, qui permet aux fournisseurs tiers d’utiliser, avec leur consentement, les données des consommateurs détenues par les banques à des fins d’innovation, ainsi qu’à d’autres cas d’utilisation (tels que le recours aux données de géolocalisation et aux données de transaction) qui peuvent servir d’inspiration pour élargir le cadre de partage des données. Ces principes devraient être appliqués de la même manière et simultanément dans tous les secteurs afin de garantir des conditions de concurrence équitables entre les différents acteurs du marché. |
3.2.5. |
L’Union européenne devrait s’appuyer sur le RGPD pour favoriser un partage intersectoriel des données des utilisateurs et reproduire ces initiatives existantes dans différents secteurs afin de faciliter l’échange sécurisé des données et d’apporter des avantages aux particuliers et de la valeur aux entreprises. Cela devrait garantir à l’utilisateur final le droit de demander que ses données à caractère personnel fournies (données saisies, par exemple, son nom, son adresse) et observées (par exemple la géolocalisation) soient transférées directement d’un détenteur de données à un autre, d’une manière standardisée, au moyen d’interfaces de programmation en temps réel (11). Une personne pourrait par exemple demander à Spotify de donner à Deezer l’accès aux listes de lecture qu’elle a écoutées. Ainsi serait-il possible de garantir le respect des principes du RGPD sur la protection de la vie privée, de permettre aux utilisateurs de conserver un contrôle complet sur le processus et de tirer parti de la valeur de leurs données, de même que de rendre réellement effectif le droit à la portabilité des données à caractère personnel, et ce en temps utile, de manière dynamique et transparente, tout en appliquant par extension ces mêmes principes à certaines données à caractère non personnel. |
3.2.6. |
Les entreprises comme les utilisateurs devraient être en mesure de partager leurs propres données en toute sécurité, quel qu’en soit le responsable de la collecte, ainsi que de choisir et gérer les personnes avec lesquelles elles partagent des données et la manière dont ces données partagées sont utilisées. |
3.2.7. |
Le système et le fonctionnement des espaces communs de données devraient présenter le niveau de qualité d’un registre public; les fournisseurs de données devraient eux-mêmes garantir la qualité uniforme des données et la continuité de cette infrastructure. Ces préposés aux données («data stewards») ne devraient pas créer d’obstacles au partage des données, mais au contraire l’améliorer. Il s’agit là d’une condition essentielle à la gestion fiable et continue des données et à la disponibilité de données de haute qualité. Le CESE estime que la qualité des données n’est pas assez mise en avant dans la stratégie et qu’elle mérite des précisions. Il recommande en outre de fixer pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, un seuil minimal d’obligations afin de garantir la qualité des données et le respect des droits des personnes. Étant donné que la qualité des données peut s’avérer onéreuse et que les parties prenantes n’ont pas toutes accès aux technologies requises, ces critères de seuil devraient être réalistes pour toutes les entreprises, et notamment les PME; celles-ci peuvent en effet rencontrer des difficultés à se conformer à ces critères en raison de leurs ressources limitées, et il convient de les soutenir afin de ne pas leur imposer de coûts excessifs (12). |
3.2.8. |
Les plateformes fondées sur les données sont les entreprises les plus valorisées en raison de leur importance stratégique au sein des marchés numériques et de leur contrôle oligopolistique d’ensembles de données spécifiques. Cependant, la mesure dans laquelle les entreprises européennes peuvent tirer parti des données pour nourrir l’innovation est limitée par la disponibilité restreinte de ces données. Les marchés numériques sont caractérisés par une approche dite du winner-takes-all («le gagnant rafle tout»), dans laquelle quelques grandes entreprises se trouvent à la croisée des flux de données en ligne, ce qui leur donne accès à des informations non disponibles pour d’autres fournisseurs. Même lorsque les actifs de données sont plus largement répartis, ils sont rarement disponibles par-delà les frontières des secteurs, ce qui réduit les possibilités d’innovation intersectorielle pour l’industrie et d’autres entités. Aucune plateforme n’étant tenue de constituer une réserve de données, l’utilisateur final n’est pas en mesure de combiner et d’agréger les données qu’il génère dans différents secteurs. Le CESE demande instamment à la Commission d’examiner comment améliorer le contrôle de leurs données par les professionnels et les particuliers, en commençant en priorité par les plateformes systémiques (grandes entreprises technologiques). Le CESE suggère également la création d’une plateforme soutenue par l’UE qui centralise et regroupe l’ensemble des données publiques de l’Union disponibles sur le marché des entreprises qui en font la demande. |
3.3. Gouvernance des espaces de données
3.3.1. |
Le CESE propose les critères suivants pour régir les espaces de données sectoriels. Premièrement, une intervention prenant la forme d’un accès aux données devrait viser à corriger les défaillances du marché qui entraînent une hausse des prix à la consommation, une offre réduite pour le consommateur et une innovation restreinte. Deuxièmement, l’accès aux données doit favoriser l’essor d’une innovation axée sur le consommateur. Troisièmement, les opérateurs qui traitent des données à caractère personnel devraient être tenus de respecter des normes élevées en matière de sécurité et de sûreté des données. Quatrièmement, il conviendrait d’offrir aux particuliers des solutions techniques pour le contrôle et la gestion des flux d’informations à caractère personnel. Cinquièmement, ceux-ci devraient être autorisés à s’opposer au partage de leurs données à caractère personnel et pouvoir accéder à des voies de recours en cas de non-respect de ces principes (le CESE défend le principe de l’«humain aux commandes»). |
3.3.2. |
Toutes les données ne devraient pas être ouvertes ou rendues publiques. Des règles différentes devraient s’appliquer selon que les données sont partagées d’entreprise à entreprise (B2B), d’entreprise à consommateur (B2C), d’entreprise à administration publique (B2G) ou de particulier à entreprise (Me2B). Les données déduites devraient être protégées et aucune obligation d’y accéder ou de les transférer ne devrait être imposée. |
3.3.3. |
Le partage de données entre les espaces de données reposera sur des ensembles de données mixtes (données à caractère personnel et non personnel), par exemple dans les espaces liés aux soins de santé et à la finance. La collecte et l’utilisation de données sensibles et à caractère personnel à des fins de surveillance ou de localisation devraient nécessiter le consentement de chaque individu concerné. Le but de ces garanties serait de faire en sorte que la combinaison de points de données à caractère personnel (comme des informations financières et sanitaires) ne débouche pas sur des effets de verrouillage, des abus ou de la discrimination, par exemple en ce qui concerne l’accès des personnes à l’emploi. |
3.3.4. |
Le partage des données est entravé par le fait que les parties prenantes (entreprises et particuliers) n’ont pas connaissance des mécanismes d’identification, d’authentification et d’autorisation permettant de transférer des données en toute confidentialité, en particulier dans le domaine des soins de santé, ou qu’elles n’y ont pas accès. Le CESE recommande l’utilisation et la mise en œuvre d’un ensemble commun de données en matière de soins de santé, semblable au format électronique européen unique (FEEU). |
3.3.5. |
Il y a lieu de définir des conditions d’accès aux données par des tiers à des fins de recherche et développement. C’est le RGPD qui devrait s’appliquer, par exemple, lorsque des chercheurs dans le domaine des soins de santé et des services municipaux utilisent des données libres. |
3.3.6. |
Le CESE souligne que les entreprises ne sont pas toutes converties au numérique (comme les industries traditionnelles et de nombreuses PME européennes) et qu’elles ne parviennent pas toutes à tirer profit de la valeur des données, ce qui nuit à l’égalité des conditions de concurrence au sein du marché intérieur. Le partage volontaire des données est un outil utile, mais insuffisant, pour garantir l’égalité d’accès aux données. La Commission devrait corriger ce déséquilibre entre les entreprises numériques et les autres, ainsi qu’entre les grandes et les petites entreprises. La stratégie en faveur des PME et la stratégie industrielle de l’UE constituent à cet effet un bon point de départ. |
3.3.7. |
Le CESE fait valoir que malgré les progrès qu’a accomplis l’Union en matière de convergence, son marché unique numérique est encore loin d’être homogène: ses règles demeurent fragmentées. En conséquence, il est difficile et inefficace pour les entreprises de se développer et de faire le poids face à leurs concurrentes américaines et chinoises, qui sont régies par un cadre réglementaire véritablement unique et rachètent leurs rivales européennes, comme ce fut le cas de Skype et Booking.com. Les fondateurs de jeunes pousses de l’Union finissent par se délocaliser aux États-Unis ou vers des marchés plus favorables aux entreprises afin de bénéficier de marchés uniques plus vastes et de capital-risque plus élevé. Pour être efficace, une infrastructure commune d’appui aux espaces de données devrait également tenir compte de la nature multilingue du marché unique (13). |
3.4. Financement
3.4.1. |
La stratégie prévoit un financement compris entre 4 et 6 milliards d’euros, dans lequel à la fois les États membres et l’industrie de l’UE devraient co-investir. La Commission devrait préciser comment elle entend mobiliser des fonds, et établir des critères clairs pour garantir et évaluer leur allocation équitable. |
3.4.2. |
Afin de garantir un investissement privé suffisant et la continuité des services existants dont bénéficient de nombreuses entreprises de l’UE, le CESE juge essentiel de maintenir la participation de fournisseurs étrangers au projet, dans le respect des règles de l’Union. Le financement public, par exemple au titre du programme «Horizon Europe» et du programme pour une Europe numérique, est tout aussi crucial. Cependant, le budget de l’Union, qui sera soumis aux priorités budgétaires dans la perspective de la relance, a été réduit par rapport à la première proposition présentée en mai par la Commission. S’il est vrai que l’enveloppe financière globale allouée aux principales capacités numériques stratégiques de l’Europe a augmenté par rapport au précédent cadre financier pluriannuel, le budget du programme pour une Europe numérique a néanmoins été ramené de 8,2 milliards à 6,76 milliards d’euros. |
3.5. Combler le déficit de compétences
3.5.1. |
Si la crise économique pourrait induire des changements dans la hiérarchie des emplois jugés utiles pour la collectivité, elle ne réduira probablement pas pour autant le besoin de compétences techniques. L’automatisation peut se traduire par une redéfinition des emplois et des tâches (nécessitant plus de compétences non techniques), ainsi que par un redéploiement massif des professions, plutôt que par du chômage de masse (14). |
3.5.2. |
En ce qui concerne les emplois dans le domaine des mégadonnées, les compétences qui semblent être les plus demandées (15) sont les suivantes: capacités d’analyse, visualisation de données, connaissance du domaine d’activité et des outils liés aux mégadonnées, programmation, résolution de problèmes, langage de requête structuré (Structured Query Language — SQL), exploration de données, maîtrise des technologies, des nuages publics et des nuages hybrides, et expérience pratique. Certaines d’entre elles peuvent être enseignées dans les écoles, d’autres doivent être acquises et renforcées tout au long de la vie, selon une approche d’apprentissage «tout au long de la vie et embrassant tous les aspects de celle-ci», par l’intermédiaire de l’apprentissage continu, non formel et informel (16). |
3.5.3. |
En vue de saisir cette chance, l’éducation demeurant une compétence nationale, le CESE invite la Commission à encourager les États membres à adopter des politiques plus fermes visant à renforcer l’habileté numérique, à corriger le déficit de compétences en matière de données et à remédier à sa concentration pour lutter contre les inégalités sur tout le territoire de l’UE, ainsi qu’à réduire les pertes de savoir-faire. |
3.5.4. |
L’Union devrait revoir en profondeur ses programmes de formation et d’enseignement. Trop souvent, les filières dites STEM (17) ne sont pas suffisamment intégrées dans les programmes des différents niveaux d’enseignement. Les conséquences touchent en particulier les femmes, ce que manque de souligner la Commission, en dépit des recommandations de sa présidente sur l’égalité entre les femmes et les hommes (18). Dans ce domaine, le CESE considère le cadre des compétences numériques pour les citoyens (19) comme un outil utile qu’il conviendrait de promouvoir et d’appliquer à plus grande échelle. Le Comité invite la Commission à encourager les États membres à lancer de manière proactive des initiatives dans ce cadre et à en accélérer la mise en place. |
3.5.5. |
Le CESE suggère à la Commission de renforcer le rôle des organisations de consommateurs, qui dispensent aux utilisateurs des cours, des formations et des conseils en toute indépendance concernant les outils que les particuliers peuvent utiliser, par exemple pour obtenir des informations sur l’utilisation et le partage des données, sur les entités qui détiennent leurs données ou sur les possibilités d’introduire un recours et de déposer plainte. Afin d’accroître l’habileté numérique, des initiatives telles que le cours en ligne proposé en Finlande sur les rudiments de l’intelligence artificielle (désormais accessible à tous gratuitement, dans toutes les langues de l’Union) pourraient être étendues à différents modules d’enseignement. |
Bruxelles, le 18 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/communication-european-strategy-data-19feb2020_fr.pdf, p. 24.
(2) JO C 14 du 15.1.2020, p. 122.
(3) Voir note de bas de page 2.
(4) Bien qu’ils connaissent de mieux en mieux leurs droits, il reste difficile pour eux de savoir comment leurs données sont utilisées et partagées par l’ensemble des organisations concernées: 81 % des Européens ont le sentiment de n’avoir aucun contrôle ou seulement un contrôle partiel à cet égard. Voir l’enquête Eurobaromètre (juin 2019), https://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/survey/getsurveydetail/general/doChangeLocale/locale/fr/curEvent/survey.getsurveydetail/instruments/special/surveyky/2222/
(5) Voir https://ec.europa.eu/info/files/communication-europes-moment-repair-and-prepare-next-generation_fr, p. 10 et 11.
(6) Voir l’étude du CESE intitulée «L’éthique des mégadonnées (Big Data) — Équilibrer les avantages économiques et les questions d’éthique liées aux données massives dans le contexte des politiques européennes» (2017).
(7) Les instruments tels que les «outils de gestion des consentements, [les] applications de gestion des informations à caractère personnel, y compris [les] solutions entièrement décentralisées» sont les outils appropriés. https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/communication-european-strategy-data-19feb2020_fr.pdf, p. 12.
(8) Règlement établissant un cadre applicable au libre flux des données à caractère non personnel dans l’Union européenne: https://ec.europa.eu/knowledge4policy/publication/regulation-free-flow-non-personal-data_en
(9) Deuxième directive sur les services de paiement: https://ec.europa.eu/info/law/payment-services-psd-2-directive-eu-2015-2366_en
(10) https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/communication-european-strategy-data-19feb2020_fr.pdf, p. 24.
(11) JO C 62 du 15.2.2019, p. 238.
(12) Voir note de bas de page 11.
(13) JO C 75 du 10.3.2017, p. 119.
(14) Pour chaque emploi perdu à l’avenir en raison de la numérisation, 3,7 nouveaux pourraient être créés à la place. Voir https://www.agoria.be/fr/Agoria-Sans-politique-adaptee-il-y-aura-584-000-postes-vacants-non-pourvus-en-2030; https://newsroom.ibm.com/2019-10-30-MIT-IBM-Watson-AI-Lab-Releases-Groundbreaking-Research-on-AI-and-the-Future-of-Work; voir l’avis TEN/705 du CESE, voir page 77 du Journal officiel (JO C 13 du 15.1.2016, p. 161).
(15) Utkarsh Singh, Top 10 In-Demand Big Data Skills To Land «Big» Data Jobs in 2020 (Les dix compétences les plus demandées en matière de mégadonnées pour décrocher en emploi dans le domaine des mégadonnées en 2020), blog upGrad, 24 décembre 2019, https://www.upgrad.com/blog/big-data-skills/
(16) Voir note de bas de page 2.
(17) À savoir, les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques.
(18) Avis du CESE TEN/705 (voir p. 77 du Journal officiel).
(19) Pôle scientifique de l’UE, «DigComp: cadre des compétences numériques pour les citoyens» (Commission européenne), https://ec.europa.eu/jrc/en/digcomp
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/296 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil habilitant la France à négocier un accord complétant le traité bilatéral existant entre la France et le Royaume-Uni concernant la construction et l’exploitation par des sociétés privées concessionnaires d’une liaison fixe transmanche»
[COM(2020) 622 final —2020/0160 (COD)]
(2020/C 429/39)
Saisine |
Parlement européen, 14.9.2020 Conseil, 27.7.2020 |
Base juridique |
Articles 2, paragraphe 1, et 91, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en session plénière |
16.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
Unanimité |
Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 554e session plénière des 16, 17 et 18 septembre 2020 (séance du 16 septembre 2020), a décidé, à l’unanimité, de rendre un avis favorable au texte proposé.
Bruxelles, le 16 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
11.12.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 429/297 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2016/798, en ce qui concerne l’application des règles de sécurité et d’interopérabilité ferroviaires sur la liaison fixe transmanche»
[COM(2020) 623 final — 2020/0161 (COD)]
(2020/C 429/40)
Saisine |
Parlement européen, 14.9.2020 Conseil, 4.8.2020 |
Base juridique |
Article 91, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en session plénière |
16.9.2020 |
Session plénière no |
554 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
Unanimité |
Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 554e session plénière des 16, 17 et 18 septembre 2020 (séance du 16 septembre 2020), a décidé, à l’unanimité, de rendre un avis favorable au texte proposé.
Bruxelles, le 16 septembre 2020.
Le président du Comité économique et social européen
Luca JAHIER