ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 282

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Édition de langue française

Communications et informations

62e année
20 août 2019


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

2019/C 282/01

Avis du Comité économique et social européen Vers un cadre juridique européen adapté pour les entreprises de l’économie sociale (avis d’initiative)

1

 

AVIS

2019/C 282/02

Avis du Comité économique et social européen Pour une meilleure mise en œuvre du socle des droits sociaux et la promotion des services essentiels (avis d’initiative)

7

2019/C 282/03

Avis du Comité économique et social européen Améliorer la convergence économique et la compétitivité au sein des macrorégions, à l’exemple de la stratégie de l’Union européenne pour la région du Danube — le rôle des groupements transnationaux (avis exploratoire)

14


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

2019/C 282/04

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Plan d’investissement pour l’Europe: premier bilan et prochaines étapes[COM(2018) 771 final]

20

2019/C 282/05

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen (sommet de la zone euro), au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers un renforcement du rôle international de l’euro[COM(2018) 796 final]

27

2019/C 282/06

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres[COM(2019) 151 final]

32

2019/C 282/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil — Poursuivre le renforcement de l’état de droit au sein de l’Union — État des lieux et prochaines étapes envisageables[COM(2019) 163 final]

39

2019/C 282/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2013/UΕ relative au mécanisme de protection civile de l’Union[COM(2019) 125 final — 2019/0070 (COD)]

49

2019/C 282/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Une planète propre pour tous — Une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat[COM(2018) 773 final]

51


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/1


Avis du Comité économique et social européen «Vers un cadre juridique européen adapté pour les entreprises de l’économie sociale»

(avis d’initiative)

(2019/C 282/01)

Rapporteur: Alain COHEUR

Décision de l’assemblée plénière

12.7.2018

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

28.5.2019

Adoption en session plénière

19/06/.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

159/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

À l’heure où la construction européenne recherche un nouveau souffle, la promotion de la diversité des formes d’entreprises est un facteur de création d’emplois, d’innovation et de cohésion sociales, ainsi que de compétitivité en Europe. Le droit de l’Union européenne repose sur une conception simplificatrice des formes d’entreprises existant dans le marché unique, de sorte que les entreprises de l’économie sociale (EES) ne se retrouvent ni en tant qu’entreprises de capitaux à but lucratif, ni comme organisations sans aucun but lucratif (économiquement désintéressées).

1.2.

Les entreprises et organisations de l’économie sociale sont gérées selon des caractéristiques, des valeurs et des principes communs tels que la primauté de la personne et de l’objet social sur le capital, l’adhésion volontaire et ouverte et la gouvernance démocratique. Elles ne cherchent pas à maximiser les bénéfices à court terme mais à assurer leur viabilité à long terme. Les bénéfices sont réinvestis dans la création ou le maintien d’emplois ou dans le développement d’activités répondant à l’objet social, ou encore sont répartis collectivement en fonction de la contribution personnelle des membres.

1.3.

Le droit de l’Union européenne ne prend pas en compte l’économie sociale dans ses caractéristiques intrinsèques, notamment, celle d’un rapport différent au profit. L’article 54 du TFUE est interprété comme opposant les entités économiquement désintéressées (sans but lucratif) aux sociétés exerçant une activité économique contre rémunération. Cette seconde catégorie englobe donc, sans les différencier et indépendamment de leur forme juridique, toutes les entreprises amenées à réaliser des bénéfices, qu’elles les distribuent ou non.

1.4.

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la pratique décisionnelle de la Commission européenne (CE) ne manifestent pas d’intérêt suffisant pour les entreprises qui sont dites «à but non lucratif» dans leur droit national ou qui, indépendamment de cette qualification, reposent sur des critères de propriété, de gouvernance et d’utilisation des bénéfices qui les distinguent fortement des entreprises capitalistes à but lucratif, notamment dans leurs conditions d’accès aux sources de financement. Qui plus est, la nécessité de libérer le potentiel de toutes les formes d’entreprise, ainsi que le principe de neutralité du droit de l’Union européenne à l’égard des différentes formes d’organisation des entreprises devraient permettre d’éviter que ne se développe un modèle unique d’entreprise.

1.5.

Ainsi, le CESE:

propose d’introduire dans le droit de l’Union européenne un cadre juridique adapté à une meilleure reconnaissance des EES. Ce cadre s’appuierait sur une nouvelle notion, la lucrativité limitée, laquelle définirait l’ensemble des entreprises qui sont susceptibles de réaliser un bénéfice, mais qui n’ont pas pour but de le distribuer à leurs propriétaires, leur finalité étant de type solidaire ou d’intérêt général,

demande à la CE de lancer une étude sur la notion de lucrativité limitée et sur les modèles d’entreprises qui répondent à ce fonctionnement. Cette étude permettrait de mieux cerner les besoins de cadres juridiques, financiers, fiscaux adaptés à la préservation des aptitudes concurrentielles des entreprises concernées et le cas échant, conduirait à édicter de bonnes pratiques,

demande à la CE de poursuivre les efforts consentis dans la communication sur la qualification d’aide d’État en direction des sociétés coopératives en élargissant les dispositions pertinentes à toutes les EES,

invite également la CE à rédiger une communication interprétative de l’article 54 du TFUE ainsi que des articles du traité sur le droit de la concurrence, afin d’expliciter la notion de but non lucratif en droit de l’Union européenne,

estime enfin qu’un protocole sur la diversité des formes d’entreprises devrait être annexé au TFUE, à l’instar du protocole no 26 sur les SIG et demande aux États membres d’inscrire cette révision à l’agenda des réformes à venir.

2.   Observations générales

2.1.   Reconnaissance politique de l’économie sociale

2.1.1.

L’ES est une réalité qui se développe dans l’économie et sur les territoires de l’Union européenne. Ce sont 2,8 millions d’entreprises et organisations de formes diverses – entre autres, coopératives, mutuelles, entreprises sociales, associations ou fondations – qui exercent une activité économique, représentent 8 % du PIB de l’Union européenne et 13,6 millions de travailleurs, soit 6 % des salariés en Europe. Des très petites entreprises (TPE) et PME aux grands groupes de l’ES, elles opèrent dans tous les secteurs d’activité. Par son poids et la variété de ses actions, l’ES représente un enjeu majeur pour une croissance économique européenne durable, innovante, socialement inclusive et écologique.

2.1.2.

L’ES a encore besoin de reconnaissance politique. Des progrès certains ont certes été accomplis, comme en témoignent la Déclaration de Luxembourg pour l’économie sociale en Europe «A roadmap towards a more comprehensive ecosystem for social economy enterprises», les conclusions du Conseil de l’Union européenne (EPSCO) sur la «promotion de l’économie sociale en tant que vecteur essentiel du développement économique et social en Europe» approuvées pour la première fois à l’unanimité des 28 EM, le renouvellement par la CE en 2018 de son groupe d’expert sur l’économie sociale et les entreprises sociales (GECES), et l’appel du PE pour que la CE s’assure que les caractéristiques de l’ES soient prises en compte dans l’élaboration des politiques européennes.

2.1.3.

À plusieurs occasions, le CESE s’est exprimé sur l’intérêt d’une reconnaissance de l’ES, sur le besoin d’une prise en compte effective de la diversité des formes d’entreprises dans la réglementation de l’Union européenne et sur la mise en place d’un plan d’action spécifique pour l’ES.

2.1.4.

Le Socle européen des droits sociaux ne pourra devenir effectif sans la participation des EES. Il importe dès lors de s’assurer concrètement de leur participation au développement économique et social de l’Union européenne. Si, dans les périodes de crise, les EES démontrent une plus grande résilience et si elles jouent un rôle d’amortisseur social, au quotidien, elles maintiennent et favorisent la cohésion sociale et sont sources d’innovation sociale. De plus, nombre d’entre elles répondent par leur principes de fonctionnement tout d’abord, par leurs activités ensuite, aux objectifs affichés dans le Socle: elles ont naturellement vocation à remplir des objectifs tels que la promotion d’emplois sûrs et adaptables, le dialogue social et la participation des travailleurs, un environnement de travail sûr, sain et bien adapté, ou à offrir des réponses innovantes à certains besoins sociaux fondamentaux.

2.2.   Absence de reconnaissance juridique — une conception dichotomique et simplificatrice des formes d’entreprises

2.2.1.

Les EES font l’objet de très peu de reconnaissance dans le droit de l’Union européenne. Dans le passé, des initiatives ont été prises pour permettre l’émergence de coopératives, de mutuelles, d’associations et de fondations européennes. Seul a pu aboutir le projet de règlement sur les coopératives européennes.

2.2.2.

Actuellement, l’approche statutaire, catégorie par catégorie, semble abandonnée au profit de deux autres approches:

d’une part, la promotion de la notion d’entreprises sociales au niveau européen, et la mise en œuvre de plusieurs instruments financiers pour répondre à leurs besoins de financement,

d’autre part, les recommandations non contraignantes de la CE pour ‘encourager les États à promouvoir eux-mêmes, en leur sein, les EES, notamment en ce qui concerne ceux qui ne disposent pas encore de cadres législatifs au niveau national.

2.2.3.

Même si par ailleurs, le Parlement européen (PE), le Conseil et la CE annoncent miser sur le développement de l’ensemble de l’ES, ces différentes formes d’action sont adaptées aux entreprises sociales et elles ne s’adressent pas à l’ensemble des EES; de même, ces actions risquent de proposer une vision étroite de l’ES, cantonnée à des activités de nature sociétale.

2.2.4.

Surtout, les textes en vigueur et les propositions récentes occultent un point essentiel: l’ensemble du droit de l’Union européenne est bâti sur une conception dichotomique et donc simplifiée des acteurs de l’économie.

2.2.5.

Inscrite depuis le traité de Rome, cette dichotomie figure aujourd’hui dans l’actuel article 54 du TFUE relatif à la liberté d’établissement. En vertu de ce texte, le droit de l’Union européenne reconnaît deux types d’entités: d’un côté, celles à but non lucratif qui recouvrent exclusivement les organisations ayant une activité économiquement désintéressée; de l’autre, les entreprises, parmi lesquelles figurent principalement les sociétés commerciales et civiles et parmi lesquelles sont également rangées les coopératives.

2.2.6.

Qu’elles soient des coopératives, des mutuelles, des entreprises sociales ou des associations, toutes les entreprises qui exercent une activité économiquement viable et permettent, le cas échéant, de dégager des excédents, sont assimilées aux entreprises de type capitaliste à but lucratif. Or, les EES ne poursuivent pas d’objectif de maximisation ou de rentabilité du capital, mais un objectif social.

2.2.7.

L’insuffisance de prise en compte des spécificités des EES s’est également traduite dans le droit de la concurrence par une assimilation des EES aux autres entreprises, comprises comme des entités exerçant une activité économique sur un marché, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Cette indifférence à la nature juridique, aux objectifs des EES et, partant, aux contraintes particulières qui pèsent sur elles du point de vue économique et financier est parfois renforcée par des interprétations jurisprudentielles et doctrinales qui véhiculent régulièrement l’idée que la norme sur le marché est l’entreprise qui poursuit un but lucratif, afin de maximiser les profits ou la rentabilité du capital investi.

2.2.8.

Le modèle de l’entreprise capitaliste à but lucratif imprègne l’ensemble des réglementations européennes. Ainsi, en dépit des avantages d’intérêt général retirés de la présence de telles structures sur le territoire des États membres de l’Union européenne, et hormis l’éventuelle identification de services d’intérêt économique général, ni le droit des groupements ou droit des sociétés, ni le droit des marchés publics, ni le droit fiscal ne distinguent les EES des autres formes d’entreprises.

2.2.9.

Une reconnaissance politique sincère ne peut donc plus faire l’économie d’une reconnaissance juridique, inscrite dans le TFUE, laquelle passe nécessairement par la levée de la confusion fondamentale originelle.

2.2.10.

Le droit de l’Union européenne affiche un principe de neutralité concernant les régimes de propriété dans les États membres.

Il implique que la propriété des entreprises échappe à la compétence de l’Union européenne mais également que les règles de l’Union européenne ne doivent pas conduire à dicter les régimes de propriété.

2.2.11.

De la même façon, le droit de l’Union européenne n’interfère pas avec la décision d’adopter pour une entreprise soit une structure de type capitaliste à but lucratif, où le pouvoir dépend du nombre d’actions ou de parts sociales détenues, soit une structure relevant de l’économie sociale qui donne lieu à une répartition du pouvoir fondée sur les hommes et non sur les capitaux et dans laquelle la redistribution des excédents est strictement limitée, voire nulle, lorsqu’ils sont intégralement réinvestis dans l’objet social.

2.2.12.

Toutefois, lorsque la neutralité conduit à la non-reconnaissance de pans entiers de l’économie et laisse un certain type d’entreprise s’imposer comme modèle ou norme de référence pour la construction du droit, le principe se trouve détourné.

2.2.13.

Un avis d’initiative du CESE sur la diversité des formes d’entreprise avait déjà noté, en 2009, le besoin de proclamer la diversité économique dans l’Union européenne.

2.2.14.

Il y a lieu de réviser l’ensemble de l’ordre juridique de l’Union européenne afin de mieux comprendre le rôle et les modalités de fonctionnement spécifiques des entreprises ayant une fonction d’intérêt général et dont l’affectation des revenus générés par leurs activités coïncide strictement avec la poursuite d’objectifs sociaux.

2.2.15.

Une voie d’évolution consisterait donc à faire reconnaître les EES, à côté des entreprises à but lucratif et des entités désintéressées, en tant que troisième catégorie d’acteurs économiques dont la lucrativité est volontairement limitée par la priorité accordée à d’autres finalités.

3.   Observations particulières

3.1.   La lucrativité limitée: caractéristique commune aux EES

3.1.1.

L’introduction de la notion de lucrativité limitée permettrait d’insister sur la différence essentielle entre EES et entreprises de type capitaliste. Dire qu’une entité est à lucrativité limitée signifie que la lucrativité est un moyen et non une fin de l’activité.

3.1.2.

Premièrement, il est admis que l’activité doit être économiquement viable, c’est-à-dire ne pas dépendre de subventions ou de dons pour être à l’équilibre.

3.1.3.

Deuxièmement, si l’activité permet de dégager des excédents, ces derniers doivent, selon la structure, être affectés aux réserves ou à l’activité, afin d’assurer la pérennité et le développement de l’activité de l’entreprise par l’investissement. Les coopératives, par exemple, peuvent être amenées à distribuer une partie des excédents à leurs membres sous formes de ristournes ou d’intérêts, mais seule une part limitée des excédents peut être ristournée et elle dépend théoriquement des transactions réalisées par les membres et non pas de leurs parts dans le capital.

3.1.4.

Troisièmement, la lucrativité ne peut être la seule finalité de l’activité. Dans les EES, la finalité de l’activité répond à des objectifs autres que la rentabilité d’un capital investi ou la maximisation des profits. Ces objectifs consistent soit à servir les intérêts de leurs membres, soit à servir l’intérêt général, tout en intégrant souvent d’autres objectifs de cohésion sociale, territoriale ou environnementale.

3.1.5.

Les contraintes de fonctionnement et de gestion intrinsèquement liées aux finalités de l’entreprise sont formalisées dans ses statuts. Toutefois, le droit de l’Union européenne doit également acter l’existence des acteurs qui adoptent ces formes spécifiques d’entreprises et rendre possible leur développement au sein du marché intérieur.

3.1.6.

Recourir à la notion de lucrativité limitée permet:

a)

d’éviter que la reconnaissance de l’économie sociale soit limitée aux seules entreprises sociales, c’est-à-dire à celles qui mènent des activités sociales sélectionnées, alors que les EES, quel que soit leur secteur, répondent à des besoins économiques, sociaux et territoriaux. Les excédents dégagés profitent en priorité aux membres des coopératives, aux adhérents des mutuelles, aux utilisateurs locaux d’associations de prestations de services. Ils ne vont jamais rémunérer des fonds spéculatifs ou des investisseurs installés partout dans le monde;

b)

de garantir le respect des diversités nationales en matière de formes d’entreprises, dans le respect du principe de subsidiarité.

3.2.   Des applications transversales

La notion de lucrativité limitée a vocation à s’imposer dans différentes politiques de l’Union européenne:

3.2.1.   Liberté d’établissement

3.2.1.1.

En matière de liberté d’établissement, un premier changement d’ordre rédactionnel permettrait de reconnaître officiellement l’existence de sociétés à lucrativité limitée.

3.2.1.2.

L’article 54 TFUE et la liberté d’établissement pourraient ainsi viser les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, qu’elles aient un but lucratif ou une lucrativité limitée.

3.2.1.3.

La liberté d’établissement représente un véritable enjeu pour certaines formes d’EES. Comme les statuts juridiques diffèrent fortement d’un État à l’autre, l’exercice de cette liberté oblige le plus souvent les entreprises à adopter dans l’État membre d’établissement des statuts qui ne correspondent pas aux règles de fonctionnement définies dans l’État membre d’origine. En effet, il n’y a pas, pour les EES, d’équivalent à la société européenne. La reconnaissance a minima des EES, grâce à une communication interprétative de l’article 54 TFUE notamment, permettrait dans le même temps d’avancer dans la prise en considération de leurs spécificités dans le droit de l’Union européenne, mais aussi d’engager des réflexions sur les différentes réponses qu’il serait possible d’apporter au problème de l’établissement, par exemple en passant par des coopérations renforcées.

3.2.1.4.

Il s’agirait d’une première étape dans un processus plus global de prise de conscience et d’accompagnement au niveau européen de la promotion de l’économie sociale. Ce processus doit impliquer à la fois l’Union européenne et les États membres, lesquels doivent être encouragés à créer des cadres nationaux de l’ES propres à accueillir des structures souples d’entreprises à lucrativité limitée.

3.2.2.   Droit de la concurrence

3.2.2.1.

La notion de lucrativité limitée devrait également trouver à s’appliquer en droit de la concurrence, sans préjudice des règles applicables aux services d’intérêt économique général en vertu de l’article 106, paragraphe 2 TFUE et des textes qui le complètent ou l’interprètent.

3.2.2.2.

Même si la détermination du champ d’application des règles de la concurrence ne fait pas intervenir d’autre critère que celui de l’exercice d’une activité économique sur un marché, des ajustements pourraient avoir lieu au stade de l’application des règles, afin de tenir compte de certaines spécificités des EES.

3.2.2.3.

Ainsi, en matière d’aides d’État, la CJUE a reconnu la situation particulière dans laquelle sont placées les sociétés coopératives par rapport aux sociétés à but lucratif, au regard des contraintes qui pèsent sur elles pour l’accès au financement de leur activité. Dans une décision de justice, il a été précisé que la mesure fiscale avantageuse pour les coopératives ne pouvait être décrite comme instaurant un avantage sélectif à leur endroit car les situations respectives des coopératives et des sociétés de capitaux ne pouvaient être comparées.

La Cour justifie son raisonnement par les caractéristiques propres aux coopératives du point de vue du contrôle, de la relation non purement commerciale entretenue avec leurs membres et surtout, du faible accès aux marchés de capitaux et du besoin impérieux de devoir s’appuyer sur leurs fonds propres et le crédit pour assurer leur développement.

3.2.2.4.

Dans sa communication relative à la notion d’aide d’État, la CE a pris acte de la position de la CJUE concernant les coopératives. Elle indique qu’un régime d’imposition plus favorable pour les coopératives peut ne pas relever de la qualification d’aide d’État.

3.2.3.   Liberté de prestations de services et marchés publics

3.2.3.1.

L’accès des EES aux marchés publics a été identifié comme point d’attention par la CE, qui souligne la difficulté pour certaines de participer aux appels d’offres.

3.2.3.2.

La voie des marchés réservés est a priori exclue. Il existe cependant une exception générale pour les opérateurs économiques dont l’objet principal est l’intégration sociale et professionnelle de personnes handicapées ou défavorisées. Par ailleurs, la directive 2014/24 donne aussi aux États membres la possibilité de réserver des marchés de services de santé, sociaux et culturels à des entreprises à lucrativité limitée qui répondent à certains autres critères de fonctionnement.

3.2.3.3.

Il faut toutefois noter que la voie de la réponse à l’appel d’offres, c’est-à-dire la mise en concurrence des entreprises inspirée du modèle libéral et privé, ne place pas toujours les entreprises à lucrativité limitée dans une position concurrentielle confortable. Là encore, leur taille parfois modeste ou bien l’accès plus délicat aux sources de financement des investissements peuvent représenter un handicap compétitif, quel que soit le type d’activité visée. Le découpage des marchés en lots et les critères d’attribution se rapportant à l’offre économiquement la plus avantageuse devraient ainsi tenir compte de cette différence de situation.

3.2.4.   Fiscalité

3.2.4.1.

En matière de fiscalité, la CE reconnaissait, toujours en 2013, qu’un cadre fiscal propice récompense l’impact social des entreprises sociales. Des discussions devraient s’engager pour un cadre fiscal propice qui récompense plus largement l’impact social de l’ensemble des entreprises, en matière de cohésion sociale, environnementale et territoriale.

Bruxelles, le 19 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


AVIS

20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/7


Avis du Comité économique et social européen «Pour une meilleure mise en œuvre du socle des droits sociaux et la promotion des services essentiels»

(avis d’initiative)

(2019/C 282/02)

Rapporteur: Raymond HENCKS

Corapporteur: Krzysztof BALON

Décision de l’assemblée plénière

24.1.2019

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

Compétence

Transports, énergie, infrastructures et société de l’information

Adoption en section

22.5.2019

Adoption en session plénière

19.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

128/3/6

1.   Conclusions et recommandations

Conclusions

1.1.

Le 20e principe du socle européen des droits sociaux introduit dans l’Union la notion de «services essentiels», qui n’existe pas telle quelle dans les traités, mais qui prévoit que «toute personne a le droit d’accéder à des services essentiels de qualité, y compris l’eau, l’assainissement, l’énergie, les transports, les services financiers et les communications numériques. Les personnes dans le besoin doivent bénéficier d’un soutien leur permettant d’accéder à ces services».

1.2.

Vu les exemples de services qualifiés d’essentiels par ledit principe no 20, le CESE considère qu’il s’agit en l’occurrence de services d’intérêt économique général (SIEG) qui sont d’ores et déjà couverts par le droit communautaire et plus particulièrement par le protocole no 26 sur les services d’intérêt général, annexé au TFUE, dont les dispositions interprétatives dépassent le cadre d’une simple garantie d’un accès de qualité, mais dont une partie sont – à des degrés très variés – insuffisamment réglementés et mis en œuvre dans des États membres.

1.3.

Le CESE approuve donc que le 20e principe du socle européen des droits sociaux réaffirme le droit d’accès aux services essentiels/SIEG qui constituent une composante essentielle d’une justice sociale et qui se fondent sur le principe d’égalité de traitement des usagers, avec la prohibition de toute discrimination ou exclusion de quelque nature que ce soit, et sur le principe de l’accès universel à un niveau élevé d’accessibilité financière et de qualité.

Recommandations

Droit d’accès

1.4.

Pour que le principe proclamé selon lequel «toute personne a le droit d’accéder à des services de qualité» soit effectif, il doit être suivi de mesures concrètes dans le cadre du développement durable et de la cohésion sociale, et il faut, tout à la fois:

a)

qu’il soit garanti par des dispositions législatives ou réglementaires, le déclinant et définissant ses modalités d’exercice pour chaque domaine;

b)

que soient définies les contreparties auxquelles les personnes peuvent prétendre en cas de non-respect;

c)

qu’il puisse faire l’objet de réclamations, plaintes ou recours judiciaires.

Accès universel

1.5.

Le CESE demande de clarifier le concept de l’accès universel aux SIEG et d’introduire des mesures législatives obligeant les États membres à définir des indicateurs pour déterminer, pour chaque SIEG, le caractère d’un accès universel (densité des points d’accès au service, distance maximale jusqu’à un point d’accès, régularité du service, etc.) afin d’éviter que, surtout dans les zones suburbaines, rurales ou peu denses, des services essentiels d’intérêt général pour les usagers (par exemple, services de transport public, bureaux postaux, filiales bancaires) ne soient supprimés ou sous-entretenus, ou, si tel était le cas, de veiller à des solutions alternatives équivalentes.

Service universel

1.6.

En ce qui concerne les services de l’électricité, des communications électroniques, postaux et bancaires, le service universel dont ils bénéficient n’est pas synonyme d’universalité puisqu’il ne garantit qu’un accès limité à des services de base. Ceci vaut tout spécifiquement pour les communications électroniques dont les services inclus dans le service universel sont largement dépassés par l’évolution technologique, ne répondent plus aux outils modernes de communication offerts sur le marché et ne font qu’agrandir la fracture numérique dans des régions éloignées des grands centres urbains.

1.7.

Le CESE demande donc d’adapter le service universel, de garantir des prestations à la pointe du progrès et d’offrir une couverture territoriale intégrale pour toutes les industries en réseaux en général et spécifiquement pour les communications électroniques.

Accessibilité financière

1.8.

Vu que, de plus en plus, la garantie d’un accès abordable ne se fait plus par le biais d’un tarif social dit «raisonnable», mais par une aide sociale exclusivement en faveur des personnes les plus pauvres, et vu que ce ne sont pas seulement les plus démunis qui éprouvent de graves difficultés économiques pour avoir accès à des SIEG, le CESE réitère sa demande de fixer le caractère abordable en déterminant un panier de services jugés essentiels, dont le taux d’effort financier d’un ménage pour chacun de ces services est fixé en fonction de ce qui est acceptable par rapport au salaire social/revenu minimum, au-dessus duquel les prix sont surélevés et demandent des mesures réglementaires, ou doivent donner droit à des aides publiques.

Qualité de service

1.9.

Vu les défaillances de la qualité de service de divers SIEG dans certains États membres (retards ou annulations dans le transport public, couverture territoriale défaillante ou insuffisante en communications électroniques, etc.), le CESE demande que les États membres retiennent pour les SIEG des indicateurs portant sur la perception de satisfaction comme la rapidité, la ponctualité, la fiabilité, le confort, la disponibilité, la compétence et la serviabilité des prestataires, ainsi que d’autres aspects tels que l’environnement, les conditions de travail et la protection des consommateurs.

1.10.

En ce qui concerne les compensations qui sont prévues par la législation européenne en cas de manque de qualité (retards ou annulations de trains ou d’avions, pertes ou endommagements d’envois postaux), le CESE ne peut se défaire de l’impression que certains prestataires préfèrent payer des compensations (modestes) plutôt que d’investir dans la qualité, et il demande, par conséquent, de revoir les montants de compensation en vigueur et, en règle générale, d’instituer des compensations appropriées pour tout SIEG en cas de non-respect des obligations de service public ou de service universel.

Évaluation

1.11.

Afin de garantir un accès de qualité, il est indispensable de développer une dynamique d’évaluation des performances de ces services. Pour ce faire, le CESE demande aux institutions décisionnaires de définir de prime abord clairement les notions, objectifs et missions de tous les services d’intérêt général (économiques et non économiques).

1.12.

Le CESE plaide donc pour une évaluation des services d’intérêt général au niveau national, régional ou local des États membres, qui devra être indépendante, pluraliste, contradictoire, couvrir les volets économiques, sociaux et environnementaux, et être basée sur une batterie de critères et menée en consultation de toutes les parties prenantes avec, au plan communautaire, une nouvelle méthodologie d’évaluation harmonisée à l’échelle européenne sur la base d’indicateurs communs.

Semestre européen

1.13.

Dans le tableau de bord social, inclus dans le Semestre européen, qui est censé examiner la situation des droits sociaux proclamés dans le socle européen, des indicateurs sur les SIEG essentiels font défaut. Le CESE demande donc que les services essentiels visés par le principe no 20 du socle européen des droits sociaux fassent partie intégrante du tableau de bord social du Semestre européen.

2.   Introduction

2.1.

Le Parlement européen, le Conseil et la Commission se sont engagés, par la déclaration de Göteborg du 17 novembre 2017 sur le socle européen des droits sociaux, à réaliser la promesse, inscrite dans les traités, d’une économie sociale de marché hautement compétitive qui tend au plein emploi et au progrès social.

2.2.

Les 20 principes-clés du socle européen des droits sociaux visent en premier lieu à combler les lacunes des traités et participent ainsi à la structuration de l’ordre juridique européen, régissent l’exercice des droits fondamentaux et contribuent à faire converger les valeurs applicables au sein des ordres nationaux et européens.

2.3.

Le socle européen des droits sociaux réaffirme certains des droits déjà énoncés dans l’acquis de l’Union, et y ajoute de nouveaux principes pour relever les défis issus des évolutions sociétales, technologiques et économiques (1). Cela relève de l’aveu qu’à l’heure actuelle, les droits sociaux, ou du moins une partie d’entre eux, sont – à des degrés variés selon les États membres – insuffisamment réglementés et mis en œuvre.

2.4.

Comme la responsabilité d’un État membre peut être engagée pour non-respect des principes généraux du droit européen, «ces principes et ces droits, pour être opposables, nécessitent d’abord des mesures concrètes ou des actes législatifs devant être adoptés au niveau approprie» (2).

3.   Les services essentiels

3.1.

Le principe-clé no 20 du socle européen des droits sociaux, intitulé «Accès aux services essentiels», retient que «toute personne a le droit d’accéder à des services essentiels de qualité, y compris l’eau, l’assainissement, l’énergie, les transports, les services financiers et les communications numériques. Les personnes dans le besoin doivent bénéficier d’un soutien leur permettant d’accéder à ces services».

3.2.

La notion de «services essentiels» n’existe pas dans les traités, qui ne traitent que de services publics (transports) et de services d’intérêt général (économiques, non économiques). Ledit 20e principe ne fournit aucune définition de ce qu’il faut entendre par «services essentiels». Il se limite à citer quelques exemples sans en dresser une liste exhaustive. La notion de «services essentiels» est par contre d’usage courant dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies et y couvre certains services qui figurent également dans d’autres principes du socle européen des droits sociaux.

3.3.

Le droit à des services essentiels ne se limite donc pas seulement à ceux énumérés au principe no 20, mais concerne également d’autres principes, concernant notamment les domaines de l’accueil de l’enfance et de l’aide à l’enfance, les soins de santé, l’inclusion des personnes handicapées, les soins de longue durée, le logement et l’aide aux sans-abri. Une mise en œuvre du droit d’accès à des services essentiels de qualité devra donc être suivie de mesures concrètes aussi bien pour les SIEG que pour les domaines précités. Le CESE rappelle, dans ce contexte, la responsabilité et le large pouvoir discrétionnaire dont disposent les États membres pour définir, organiser et financer des services d’intérêt général qui répondent aux besoins des citoyens.

3.4.

À défaut de toute définition, et vu les exemples de services énumérés au principe no 20, il est évident qu’il s’agit en l’occurrence de «services d’intérêt économique général», soumis à des obligations de service universel ou de service public couvertes par les articles 36 de la charte européenne des droits fondamentaux et 14 du TFUE, et par le protocole no 26 sur les services d’intérêt général.

3.5.

Le 20e principe du socle européen des droits sociaux ne fait donc que réaffirmer des droits existants dans le traité. Force est toutefois de constater que les dispositions interprétatives du protocole no 26 sur les SIG, annexé au TFUE, dépassent le cadre d’une simple garantie d’un «accès de qualité» et prévoient un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs. Étant donné que, pour le CESE, les SIEG représentent des composantes indispensables d’une structure de justice sociale, celui-ci approuve que le principe no 20 les qualifie de «services essentiels».

3.6.

Pour que le principe proclamé selon lequel «toute personne a le droit d’accéder à des services de qualité» soit effectif, il doit être suivi de mesures concrètes dans le cadre du développement durable et de la cohésion sociale et il faut, tout à la fois:

a)

qu’il soit garanti par des dispositions législatives ou réglementaires, le déclinant et définissant ses modalités d’exercice pour chaque domaine;

b)

que soient définies les contreparties auxquelles les personnes peuvent prétendre en cas de non-respect;

c)

qu’il puisse faire l’objet de réclamations, plaintes ou recours judiciaires – individuels ou par actions de groupe.

3.7.

Les services d’intérêt économique général, comme l’électricité, le transport de personnes par chemin de fer et par route, les communications électroniques et postales, dits «industries de réseaux», ont suivi depuis la fin des années 80 un processus d’européanisation et de libéralisation progressive spécifique dans l’optique de la consécration du marché unique.

3.8.

Or, rapidement, force a été de constater que ces services ne peuvent pas seulement fonctionner d’après les règles communes de concurrence et de marché, mais que des règles spécifiques sont indispensables pour assurer à chaque citoyen un accès abordable à ces services considérés comme essentiels et reconnus comme valeurs communes de l’Union.

3.9.

Leur reconnaissance dans le droit primaire a été actualisée par le traité de Lisbonne. Le protocole no 26 annexé au TFUE précise les valeurs communes de l’Union et en particulier les six valeurs qui doivent s’appliquer à tous les SIEG partout dans l’Union européenne: «un niveau élevé de qualité et de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs».

4.   Évaluation de l’application du protocole no 26

4.1.

Il n’existe pas d’analyse évaluative d’ensemble des effets positifs (baisse des prix, diversification de l’offre) et négatifs (hausse des prix, création d’oligopoles, écrémage du marché, précarisation des emplois, dumping social) de la politique de libéralisation des SIEG. Certains services essentiels repris dans le socle européen des droits sociaux contribuent effectivement au progrès économique et social et au lien social. Pour d’autres services, l’introduction de la concurrence a conduit à une augmentation des tarifs et/ou a mené à un affaiblissement des missions de service public (3).

4.2.

Non seulement l’Union et les États membres ont l’obligation renforcée de veiller au bon fonctionnement des SIEG, ce qui implique notamment de développer une dynamique progressive d’évaluation des performances de ces services, mais il est aussi nécessaire pour les institutions décisionnaires de définir clairement les notions, objectifs et missions. Tant que cela ne sera pas acquis, les évaluations de performance ne pourront concourir à garantir aux citoyens les SIEG qu’ils sont en droit d’attendre de leurs institutions, tant nationales qu’européennes.

4.3.

Au début des années 2000, la Commission avait commencé à établir chaque année une évaluation horizontale des performances des industries de réseaux sur la base de la note méthodologique sur l’évaluation horizontale des SIEG (4). Ces rapports étaient régulièrement présentés et discutés contradictoirement au CESE lors d’une audition publique. En 2007, la Commission avait encore coorganisé au CESE un atelier sur une nouvelle méthodologie d’évaluation sur la base d’une étude d’un consultant externe, avant que l’établissement d’une évaluation des SIG précités ne disparaisse dans le tiroir des oubliettes.

4.4.

Le CESE réitère sa revendication formulée dans son avis d’initiative sur «Une évaluation indépendante des services d’intérêt général» (5), où il a plaidé pour une évaluation des SIG au niveau national, régional ou local des États membres, qui devra être indépendante, pluraliste, contradictoire, couvrir les volets économiques, sociaux et environnementaux et être basée sur une batterie de critères et menée en consultation de toutes les parties prenantes avec, au plan communautaire, une nouvelle méthodologie d’évaluation harmonisée à l’échelle européenne sur la base d’indicateurs communs.

5.   Droit d’accéder à des services essentiels

5.1.

La charte des droits fondamentaux (article 36) demande à l’Union européenne «de reconnaître et de respecter l’accès aux services d’intérêt général tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément aux traités» et de les placer parmi les droits fondamentaux, «afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union».

5.2.

Le 20e principe-clé du socle ne fait donc que réaffirmer le droit de tout un chacun d’accéder à des SIG de qualité comme composante des valeurs communes de l’Union européenne. Tout comme le protocole no 26, le socle ne définit ni les conditions d’accès, ni le niveau de garantie, ni les procédures de recours.

5.3.

Le CESE considère que la notion d’un accès garanti à tout un chacun se fonde sur les principes d’égalité de traitement, de solidarité, d’universalité, de continuité, de proximité de l’usager, et d’accessibilité financière.

6.   Égalité de traitement

6.1.

L’égalité de traitement repose, en matière de SIG, sur l’égalité d’accès (accès universel) des usagers, dans des situations comparables, aux services nationaux et transfrontaliers, avec la prohibition de toute discrimination ou exclusion sociale de quelque nature que ce soit (nationalité, genre, lieu de résidence, handicap, âge, etc.).

6.2.

L’égalité de traitement ou l’obligation de non-discrimination n’empêche toutefois pas l’adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques pour certaines catégories d’usagers (personnes âgées, handicapées ou à mobilité réduite, etc.).

6.3.

Pour certains services, le droit d’accès universel est censé être garanti, soit par un service universel, soit par des obligations de service public imposées aux prestataires de services.

7.   Service universel

7.1.

Le service universel se justifie dans le cadre de la libéralisation de certains SIEG pour lesquels le marché seul ne peut pas offrir une couverture territoriale totale, des prix abordables ou une qualité de service appropriée. Il comprend un «ensemble d’exigences d’intérêt général dont l’objectif est de veiller à ce que certains services prédéterminés soient mis à la disposition de tous les consommateurs et utilisateurs sur la totalité du territoire d’un État membre, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable» (6). Un service universel n’est défini au plan communautaire, jusqu’ici, que dans les secteurs des communications électroniques, des postes, de l’électricité et des services bancaires.

7.2.

La définition du service universel ne porte donc que sur «certains services», c’est-à-dire sur des services limitativement énumérés. Le service universel n’est donc pas synonyme d’universalité puisqu’il ne garantit pas un accès à tous les services offerts sur le marché.

7.3.

Cela vaut tout spécifiquement pour les communications électroniques (7), dont les services inclus dans le service universel sont largement dépassés par l’évolution technologique et ne répondent plus aux outils modernes de communication offerts sur le marché.

7.4.

Beaucoup d’États membres, de territoires ou d’agglomérations sont en substantiel retard en matière de communications électroniques à haut débit et/ou de couverture territoriale totale en mobilophonie (zones grises ou blanches), qui représentent de nos jours un facteur essentiel pour améliorer les conditions de vie, par exemple en facilitant l’accès aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services publics. Il s’ensuit que les défaillances actuelles du «service universel de communications électroniques» ne font qu’aggraver la fracture numérique.

7.5.

Or, d’après la directive afférente, «le concept de service universel devrait évoluer au rythme des progrès technologiques, des développements du marché et de l’évolution de la demande des utilisateurs» (8). Pour ce faire, la Commission doit, selon la directive précitée, revoir tous les trois ans la portée du service universel, en particulier en vue d’en proposer la modification ou la redéfinition au Parlement européen et au Conseil.

7.6.

Le CESE recommande donc d’adapter les conditions d’accès aux communications électroniques à l’évolution technologique, et notamment d’imposer une couverture territoriale intégrale en mobilophonie et à haut débit.

8.   Obligations de service public

8.1.

Pour certains SIEG ne bénéficiant pas d’un service universel, le droit d’accès universel est couvert par des obligations de service public imposées aux prestataires desdits services.

8.2.

Les transports publics de personnes par route et par rail, par exemple, ne bénéficient pas d’un service universel, ils sont soumis à des obligations de service public, qui sont définies (9) comme une «exigence définie ou déterminée par une autorité compétente en vue de garantir des services d’intérêt général de transports de voyageurs qu’un opérateur, s’il considérait son propre intérêt commercial, n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions sans contrepartie». Il s’ensuit qu’un service de transport public, répondant à un besoin des usagers, ne doit pas nécessairement fonctionner selon les règles du marché. Or, dans de nombreux États membres, des lignes ferroviaires et routières de transport public de voyageurs sont supprimées ou sous-entretenues dans les zones rurales ou peu denses, pour des raisons de rentabilité. Cela vaut au même titre pour d’autres services tels que les services postaux (fermeture de bureaux) ou bancaires (fermeture de filiales).

8.3.

Le CESE demande donc de clarifier le concept de l’accès universel aux SIEG, et d’introduire des mesures législatives obligeant les États membres à définir des indicateurs pour déterminer, pour chaque SIEG, le caractère d’un accès universel (densité des points d’accès au service, distance maximale jusqu’à un point d’accès, régularité du service, nombre de bureaux, etc.).

9.   Accessibilité financière

9.1.

Le marché ne peut, dans le meilleur des cas, que proposer un prix fixé en fonction des coûts, ce qui pourrait ne pas garantir l’accès de tous à un SIEG à un prix abordable. Un des dangers de la libre concurrence est donc la tentation de la part des prestataires d’un SIEG de n’approvisionner que les clients considérés a priori comme «solvables».

9.2.

Pour contrecarrer ce risque, le protocole no 26 demande aux États membres de veiller à un haut niveau du caractère abordable de chaque SIEG.

9.3.

Le caractère abordable est défini comme «le prix des services pour les consommateurs à bas/moyen revenu rapporté à celui des consommateurs disposant de différents niveaux de revenus» (10).

9.4.

L’exigence d’un service financièrement abordable représente donc un facteur important dans la lutte contre l’exclusion sociale afin de permettre à tout un chacun l’accès à des SIEG quel que soit son revenu. Or, le 20e principe du socle européen des droits sociaux semble plus limitatif dans la mesure ou (seulement) les personnes dans le besoin doivent bénéficier d’un soutien leur permettant d’accéder à ces services.

9.5.

Force est de constater que, de plus en plus, la garantie d’un accès abordable ne se fait plus par le biais d’un tarif social dit «raisonnable», mais par une aide sociale exclusivement en faveur des personnes les plus pauvres. Or, ce ne sont pas seulement les plus démunis qui éprouvent de graves difficultés économiques pour avoir accès à des SIEG.

9.6.

Il arrive, lorsque l’objectif d’un accès abordable pour tous n’est pas atteint, que des mesures de réglementation des prix soient appliquées par les autorités réglementaires. Ainsi, la Commission et le législateur européen sont intervenus par un règlement pour faire baisser, puis abolir les facturations des communications mobiles intracommunautaires (frais d’itinérance) si l’usager est en déplacement dans l’Union européenne, mais non s’il appelle un correspondant dans l’Union européenne à partir de chez lui. Dans sa proposition de règlement relatif aux services de livraison transfrontière de colis, la Commission annonce des mesures contraignantes si la situation des prix surélevés appliqués par les entreprises de livraison de colis transfrontière ne s’améliorait pas avant la fin 2018 (11).

9.7.

En ce qui concerne l’évaluation des prix abordables, cela fait des années que le CESE demande de clarifier le concept du caractère abordable des SIEG et d’introduire des mesures législatives obligeant les États membres à définir des indicateurs pour déterminer le caractère abordable.

9.8.

Le CESE réitère sa demande de fixer le caractère abordable en déterminant un panier de services jugés essentiels, dont le taux d’effort financier d’un ménage pour chacun de ces services est fixé en fonction de ce qui est acceptable par rapport au salaire social/revenu minimum, au-dessus duquel les prix sont surtarifés et demandent des mesures réglementaires, ou doivent donner droit à des aides publiques.

10.   Des services essentiels de qualité

10.1.

Le protocole no 26 invite les États membres à veiller à un haut niveau de qualité des SIEG, alors que le socle se limite à un simple service essentiel «de qualité».

10.2.

Quoi qu’il en soit, un service de qualité est celui qui donne satisfaction aux usagers. Pour y aboutir, il faudra donc identifier les usagers, leurs besoins et leurs attentes. Or, souvent, l’expression des attentes n’est organisée qu’à postériori, lorsque l’usager se plaint d’un dysfonctionnement.

10.3.

Des normes de qualité sont fixées au niveau communautaire dans de nombreux SIG comme les services postaux, les communications électroniques, la fourniture d’eau, l’enlèvement des déchets, le transport de voyageurs, les services sociaux d’intérêt général, etc. à des degrés variés et certaines fois fort modestes. À titre d’exemple, même si la majorité des européens ont accès à de l’eau potable de qualité, dans certains États membres, de nombreux citoyens préfèrent la consommation d’eau en bouteille à cause d’un goût jugé désagréable de l’eau du robinet. Une mise à jour régulière des normes actuelles s’impose pour accroître la confiance du consommateur et améliorer la qualité de l’eau du robinet et, partant, avoir un impact positif sur l’environnement en réduisant les déchets plastiques.

10.4.

La qualité de service représente un facteur essentiel d’une évaluation telle que proposée par le CESE ci-avant. Les États membres devront donc retenir pour les SIEG des indicateurs portant sur la perception de satisfaction comme la rapidité, la ponctualité, la fiabilité, le confort, la disponibilité, la compétence et la serviabilité des prestataires, etc. La qualité recouvre également des aspects tels que l’environnement, les conditions de travail et la protection des consommateurs.

10.5.

La qualité des services est directement liée aux droits des consommateurs. Pour certains SIEG (transport ferroviaire, postes), des compensations sont prévues par la législation européenne en cas de manque de qualité (retards ou annulations de trains ou d’avions, pertes ou endommagements d’envois postaux). Vu les énormes défaillances du transport ferroviaire de personnes dans certains États membres, le CESE ne peut se défaire de l’impression que certains prestataires préfèrent payer des compensations (modestes) plutôt que d’investir dans la qualité. En plus, les droits d’indemnisation en cas de retard sont limités, dans de nombreux États membres, aux grandes lignes, alors que les services ferroviaires urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs sont exclus de toute compensation, conformément aux dérogations autorisées par la législation européenne (12).

10.6.

Le CESE demande d’appliquer le système de compensation en cas de retard à tous les voyages par train, quelle que soit la distance parcourue, et de fixer le droit à compensation par tranche d’une demi-heure de retard à l’arrivée par rapport à l’horaire officiel ou par tranches de 15 minutes au départ.

10.7.

Dans le cadre des droits des consommateurs, le CESE demande en règle générale d’instituer des compensations pour tout SIG en cas de non-respect des obligations de service public.

11.   Tableau de bord social du Semestre européen

11.1.

Le tableau de bord social intégré dans le Semestre européen est censé repérer les défis en matière sociale auxquels sont confrontés les États membres dans l’application des principes du socle européen des droits sociaux.

11.2.

Cet instrument de première analyse qui s’articule avec une analyse plus poussée au niveau de chaque pays est appelé à examiner la situation des droits sociaux proclamés dans le socle européen sous l’angle des indicateurs clés du tableau de bord social. Or, parmi tous les indicateurs clés et indicateurs secondaires du tableau de bord social, qui figurent dans l’annexe statistique des rapports par pays, les services essentiels visés par le principe-clé no 20 du socle font défaut.

11.3.

Le CESE demande donc que les services essentiels visés par 1e principe no 20 du socle européen des droits sociaux fassent partie intégrante du tableau de bord social du Semestre européen.

Bruxelles, le 19 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Considérant 14 du préambule du socle européen des droits sociaux.

(2)  Considérant 14 du préambule du socle européen des droits sociaux.

(3)  Voir les enquêtes Eurobaromètre sur les services d’intérêt général.

(4)  COM(2002) 331 final.

(5)  267/2008.

(6)  Livre vert sur les services d’intérêt général du 21 mai 2003.

(7)  Directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques.

(8)  Considérant 1 de la directive 2002/22/CE du 7 mars 2002.

(9)  Règlement (CE) no 1370/2007 du 23 octobre 2007.

(10)  COM(2002) 331 final.

(11)  Proposition de règlement COM(2016) 285 final.

(12)  Règlement (CE) no 1370/2007 du 23 octobre 2007.


20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/14


Avis du Comité économique et social européen «Améliorer la convergence économique et la compétitivité au sein des macrorégions, à l’exemple de la stratégie de l’Union européenne pour la région du Danube — le rôle des groupements transnationaux»

(avis exploratoire)

(2019/C 282/03)

Rapporteur: Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

20.9.2018

Lettre de M. Victor NEGRESCU, ministre roumain chargé des affaires européennes

Base juridique

Article 304 du TFUE

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

4.6.2019

Adoption en session plénière

19.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

202/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est bien conscient qu’une coopération interrégionale et transnationale qui prolonge des liens préexistants d’ordre historique, socio-économique et culturel, constitue la réponse nécessaire aux problèmes qui résultent d’une extension en mutation rapide de l’Union européenne (UE), due pour part à une concurrence mondiale accrue et à la nécessité pressante qui en découle d’élargir les marchés contrôlés, d’un point de vue tant géographique qu’économique. Il importe grandement d’établir un système de collaboration interconnecté, transfrontalier et transsectoriel, fondé sur la gouvernance à niveaux multiples, ainsi que de produire un cadre stratégique pour les pôles thématiques pour les institutions de financement afin de mettre en œuvre des projets bien ciblés au sein d’une macrorégion.

1.2.

Au cours de leurs dix premières années de fonctionnement, les quatre stratégies macrorégionales ont constitué des instruments utiles pour la politique de cohésion, avant tout en renforçant l’intégration et la coopération et en mettant en évidence d’importants processus de développement qui associent les citoyens et les régions. Ces stratégies contribuent à créer une Europe qui est à la fois plus profonde et plus large en associant sur un pied d’égalité les pays candidats et les pays du voisinage et en favorisant l’échange d’expériences.

1.3.

Toutefois, s’agissant de réduire les disparités sociales et géographiques et de renforcer la durabilité environnementale, leurs performances demeurent modestes. Cette situation résulte très probablement de la complexité de leur gouvernance et des arrangements intergouvernementaux, du niveau de bureaucratie, du manque d’homogénéité transrégionale lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre les stratégies conjointes convenues, ainsi que d’une association insuffisante des partenaires sociaux, des agents socio-économiques et des organisations de la société civile.

1.4.

Le CESE soutient l’idée qu’il convient de concevoir les stratégies macrorégionales comme des laboratoires du développement d’une approche ascendante afin de relever les nouveaux défis qu’affrontent la société et l’économie de l’Europe. Ces défis touchent des domaines tels que la migration, l’approvisionnement énergétique durable, le marché du travail, l’éducation et la numérisation, et ils ne sauraient être résolus par des pays, des régions ou des municipalités qui agissent de manière isolée. Une coopération transnationale et internationale est plus efficace et débouche sur des solutions communes.

1.5.

Les stratégies macrorégionales peuvent stimuler l’intégration européenne en jouant le rôle de cadre stratégique essentiel pour la politique de cohésion et de durabilité. Il convient de financer les stratégies macrorégionales parallèlement à des programmes spéciaux tels que le programme d’actions innovatrices urbaines. Dans le cadre du processus révisé de programmation pour la cohésion après 2020, il apparaît judicieux de prévoir l’utilisation obligatoire du cadre stratégique thématique qui découle des stratégies macrorégionales, en lien avec d’autres politiques et en tenant compte de l’élargissement de l’Union européenne et des relations de celle-ci avec son voisinage.

1.6.

De surcroît, il convient également d’axer les stratégies macrorégionales sur l’ensemble des politiques promues dans le cadre du programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 adopté en 2015. Cette démarche renforcera la visibilité et la reconnaissance internationales, ainsi que le soutien de la coopération régionale menée dans le cadre des quatre stratégies macrorégionales.

1.7.

Sur la base de l’examen détaillé des éléments avancés précédemment, le CESE expose, dans la partie 5 du présent avis, une liste de propositions politiques concrètes. L’on peut résumer ces dernières comme suit: 1) en sus de la nécessité de renforcer les interventions politiques, il s’impose de réduire la charge bureaucratique; 2) instaurer une mise en réseau, une interconnexion et une gestion fonctionnelles des bases de données existantes et aider le grand public à utiliser les données et les informations existantes; 3) faire une priorité de la mise en réseau et de la création de groupements de partenaires sociaux, des agents socio-économiques locaux et des organisations de la société civile, aussi bien au sens géographique (groupements transrégionaux et mise en partenariat de groupements) qu’au sens sectoriel (en suivant l’approche de la quadruple hélice); 4) à l’avenir, les stratégies macrorégionales bénéficieront largement de la mise en place de réseaux efficaces d’activités éducatives dans le contexte de la numérisation de la production, ainsi que d’initiatives sur les écosystèmes interrégionaux de recherche et d’innovation efficaces, dans les activités de R&D fondamentale et appliquée.

1.8.

Le développement et la mise en œuvre de stratégies de communication macrorégionales pour les acteurs jouent un rôle puissant de soutien en renforçant la visibilité et en favorisant la mise en réseau et la participation. Le renforcement de la communication et l’approfondissement des relations de confiance entre les entités essentielles de gouvernance des stratégies macrorégionales et les partenaires sociaux, le secteur des entreprises, les acteurs locaux, la société civile et le monde universitaire, devraient continuer à être soutenus au moyen d’auditions et de journées nationales et macrorégionale de la participation.

2.   Contexte du présent avis

2.1.

Les stratégies macrorégionales de l’Union européenne ont été lancées en tant qu’outils destinés à faciliter la mise en œuvre transnationale de politiques, favorisant ainsi la cohésion entre des zones géographiques plus étendues. L’un de leurs objectifs était d’accroître la compétitivité et le développement socio-économique dans des zones s’étendant sur plusieurs États, y compris des pays qui n’appartiennent pas à l’Union européenne.

2.2.

Le présent avis exploratoire a été initialement conçu comme un avis d’initiative destiné à passer en revue les documents politiques de l’Union européenne existants en la matière, y compris le rapport du Parlement européen sur la mise en œuvre des stratégies macrorégionales (1), et à prolonger les évaluations du CESE existantes sur la politique de l’Union européenne visant à renforcer la coopération transfrontière et la convergence. À la suite de la demande de la présidence roumaine, le sujet a été élargi pour englober l’importance des groupements transnationaux (2) dans le renforcement de la convergence et de la compétitivité au sein des macrorégions. Le présent avis entend suggérer des solutions pour mieux cibler et mettre en œuvre les stratégies macrorégionales. Il y est pourvu tout d’abord en cernant plus précisément les besoins spécifiques de l’ensemble de la région afin de garantir l’obtention de résultats visibles, et, ensuite, en encourageant les acteurs à participer activement, tout en tenant pleinement compte du principe des «trois non».

2.3.

L’avis s’inscrit dans les priorités politiques du CESE pour 2018, tout particulièrement celles de «renforcer la cohésion sociale et territoriale»et d’«assurer le respect des droits fondamentaux». Il s’inscrit également dans le programme d’actions prioritaires du Comité dans le cadre de la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne, et il est conforme aux intérêts du monde de l’entreprise, des milieux universitaires, des partenaires sociaux et de la société civile dans les macrorégions.

2.4.

L’on escompte également que le présent avis ait une influence constructive sur les responsables politiques de toute l’Europe grâce à une analyse objective et des propositions concrètes concernant les moyens d’améliorer la mise en œuvre des stratégies macrorégionales. Il déterminera également s’il est nécessaire d’étendre leur champ d’application et les instruments qui pourraient être proposés afin d’encourager la coopération entre les parties prenantes, y compris les possibilités découlant de regroupements transnationaux intersectoriels.

3.   Observations générales: le développement des stratégies macrorégionales jusqu’à présent

3.1.

Pour ce qui est de leurs résultats, les stratégies macrorégionales ont souffert du fait de la complexité des dispositions en matière de gouvernance, du niveau de bureaucratie prévalant dans différents pays et du manque d’homogénéité dans la manière dont les stratégies communes adoptées ont été mises en œuvre dans les régions concernées. Cette situation a conduit à un engagement insuffisant des partenaires sociaux, des agents socio-économiques et des organisations de la société civile. En conséquence, il est devenu indispensable d’assurer un meilleur suivi de la mise en œuvre des stratégies macrorégionales, en utilisant des indicateurs appropriés. Cette démarche nécessite des données fiables et comparables qui doivent elles-mêmes être suffisamment détaillées pour tenir compte de la situation dans l’ensemble de la région concernée (3).

3.2.

Une analyse récente montre que les quatre stratégies macrorégionales approuvées à ce jour – celles de la mer Baltique, des mers Adriatique et Ionienne, de la région du Danube et de la région alpine – diffèrent considérablement sur le plan du niveau de développement économique des pays participants. Il a été montré que la performance économique affecte fortement tant le niveau de coopération régionale que l’efficacité de la mise en œuvre des politiques. En outre, des problèmes tels que l’engagement, l’appropriation, les ressources et, en particulier, l’inefficacité de la gouvernance, persistent dans certaines zones spécifiques.

3.3.

En dépit du manque d’homogénéité des résultats macroéconomiques obtenus, la macrorégion du Danube se caractérise par des relations fortes entre les différentes zones de la région et par une intégration satisfaisante dans les domaines du commerce, de l’investissement et de l’énergie. Les choses sont, toutefois, bien différentes en ce qui concerne la compétitivité, avec des disparités notables surtout entre les zones urbaines et rurales. Il existe aussi de fortes dissemblances pour ce qui est de la gouvernance et des aspects institutionnels.

3.4.

Les quatre stratégies macrorégionales existantes semblent toutes avoir réussi à réunir différents acteurs, y compris divers acteurs privés, ainsi que des organismes publics à différents niveaux de gouvernement. La stratégie de l’Union européenne pour la région du Danube (EUSDR), en particulier, a suscité un niveau élevé de dialogue et de coopération politiques, y compris avec des pays tiers. Dans ce contexte, il convient de noter que les progrès les plus importants ont été enregistrés dans les régions qui avaient déjà une expérience de la coopération socio-économique, tirant parti des liens socio-économiques ancrés historiquement, plus profonds.

3.5.

Apparemment, les attentes étaient telles en ce qui concerne le résultat de la coopération multirégionale qu’on a mésestimé l’importance du renforcement des capacités institutionnelles au cours des premières étapes de l’élaboration des stratégies macrorégionales. Au moment de définir le programme de coopération dans une macrorégion, il est essentiel de mettre l’accent sur les problématiques qui appellent une coordination transsectorielle et transterritoriale, notamment en ce qui concerne le renforcement des capacités institutionnelles.

3.6.

Le succès global d’une stratégie macrorégionale est lié à la mise en place de solutions politiques grâce aux efforts conjoints de part et d’autre des frontières régionales. Pour obtenir de bonnes performances, il est essentiel de mettre en place une coopération ascendante associant les partenaires sociaux, les agents socio-économiques et les organisations de la société civile ainsi que tout acteur engagé de toute la zone géographique, en recourant à l’approche de la «quadruple hélice». Il peut s’agit d’acteurs de l’industrie, du monde universitaire et de la R&D, de la gouvernance (en particulier les collectivités locales et régionales), de la société civile et de l’économie sociale.

3.7.

En liaison avec ce qui précède, la Commission a apporté un soutien considérable aux groupements transfrontaliers au moyen d’une série de cadres de programmation et d’instruments de financement: Europe Innova, Interreg, le FEDER et le FSE notamment en ce qui concerne le développement du capital humain et de l’apprentissage tout au long de la vie. Comme il est possible de mobiliser davantage d’autres ressources locales et/ou privées, le cadre existant auparavant a été complété par le soutien apporté actuellement aux partenariats stratégiques européens de clusters au titre de COSME et aux projets de groupements d’INNOSUP-1 pour de nouvelles chaînes de valeur industrielles au titre d’Horizon 2020 (4), ainsi que par le recours à des instruments tels que le programme «Invest EU»et le mécanisme pour l’interconnexion en Europe. Il est grand besoin d’une action coordonnée visant à réduire les obstacles bureaucratiques et à favoriser directement la création et le fonctionnement de réseaux d’entrepreneurs grâce à des incitations fiscales et le soutien financier à des activités de R&D regroupées et à des stratégies globales de commercialisation régionale et transfrontalière.

3.8.

L’évaluation ex post de la politique de cohésion fait état du lien entre spécialisation intelligente et groupements. L’expérience engrangée en la matière a montré que: 1) promouvoir la mise en réseau et la création de groupements d’entreprises constitue le moyen le plus abouti de soutenir l’innovation et le développement dans les rangs des PME. Toutefois, il n’a été recouru à cet instrument que de manière marginale. L’on peut citer à titre d’exemple le projet DanuBioValNet, qui crée de nouvelles chaînes de valeur pour des produits biologiques; 2) les activités d’intermédiation sous la forme de conseils et de services administratifs (par le truchement, par exemple, des agences régionales de développement, des chambres de commerce, des gestionnaires de groupements, etc.) accroissent l’efficacité de la mise en réseau et de la création de groupements (5).

3.9.

Les différences existant entre pays pour ce qui est des modalités d’application ont été un obstacle majeur à la réalisation de plans stratégiques conçus au niveau central. L’efficacité de la coopération ne peut être optimalisée que si des approches modernes, telles que les groupes de projets, les chaînes des projets ou les plateformes de projets, sont adoptées, en passant de la communication à la coordination puis, enfin, à la cocréation. Il convient que la planification du financement soit souple et il s’impose qu’elle respecte les compétences et les conditions-cadres des régions. Il est nécessaire d’étudier attentivement l’éventail des ressources et instruments financiers existants, y compris l’IAP II, qui est de la plus haute importance.

3.10.

Pour s’assurer d’obtenir une meilleure coordination et gouvernance des stratégies macrorégionales, il convient de définir clairement le rôle que joue chaque intervenant, en particulier en ce qui concerne le financement. Les futurs programmes devraient faciliter la collaboration transnationale au-delà du soutien aux projets individuels. À cet égard, les agents locaux pourraient coordonner leurs contributions à la discussion en cours sur la hiérarchisation des objectifs et des instruments pour la prochaine période de programmation 2021-2027. Cela pourrait être une excellente occasion de redynamiser les quatre stratégies macrorégionales et d’intégrer les priorités qui découlent des approches de spécialisation intelligente.

4.   Observations particulières: tendances récentes ayant une influence pour l’avenir des stratégies macrorégionales

4.1.

Près de dix ans après le lancement de la première stratégie macrorégionale, à savoir la stratégie de l’Union européenne pour la région de la mer Baltique (EUSBSR), le contexte politique et socio-économique actuel au plan international et régional se caractérise par plusieurs tendances et/ou besoins qui sont clairement en rapport avec les stratégies macrorégionales. Nous commencerons par examiner ceux d’entre eux qui résultent d’évolutions socio-économiques structurelles, avant de poursuivre en étudiant les tendances liées à la préservation de l’environnement et à la rareté des ressources.

4.2.

Les conditions économiques du monde contemporain démontrent que l’interconnexion des axes routiers importe davantage que le contrôle de marchés déterminés géographiquement et de l’origine des ressources. Cela met à son tour en évidence la portée mondiale de la région du monde spécifique qui part de la mer Baltique et descend vers l’Europe orientale, la mer Noire et la Méditerranée (orientale). Étant donné que la mobilité des matières premières et des capitaux partout en Europe et en Asie est essentielle pour la future architecture économique (et politique), l’intérêt porté précisément à cette assez vaste région croît, tout comme les tensions en son sein. Par conséquent, cela confirme le caractère opportun du développement de stratégies macrorégionales spécifiques. Cela témoigne également de l’importance mondiale de leur réussite et met en lumière l’existence de priorités suprarégionales.

4.3.

Un fait étroitement lié à ce qui précède est que les principaux flux migratoires transitent par les régions du Danube et celles de l’Adriatique et de la mer Ionienne. En sus de la mobilité des marchandises et des capitaux précédemment évoquée, la mobilité des personnes s’est affirmée comme une grande question socio-économique, culturelle et politique. Les problèmes humanitaires, les possibilités économiques et les préoccupations en matière de sécurité constituent des enjeux d’un thème important et complexe qui doit être intégré au programme d’action de chaque stratégie macrorégionale, conformément à l’acquis sociopolitique européen historique.

4.4.

Le fait que deux stratégies macrorégionales de l’Union européenne concernent des régions qui s’articulent autour d’une mer met en évidence la portée des liens maritimes et des aspects environnementaux et l’importance des activités économiques liées à la mer. Les agents qui participent aux stratégies macrorégionales dans la mer Baltique et la région adriatico-ionienne (EUSAIR) devraient par conséquent prendre particulièrement en compte les priorités de la croissance bleue et les risques et opportunités associés à l’économie bleue, qui ont été mis en évidence, entre autres, par l’Union européenne, le CESE, les Nations unies et le WWF.

4.5.

Un objectif stratégique majeur des stratégies macrorégionales était de favoriser la convergence économique spatiale dans l’Union européenne, qui est d’une importance considérable pour la viabilité économique et l’équilibre progressif des politiques au niveau national et européen. Malheureusement, bien que la volonté politique et le budget de l’Union européenne se soient tournés dans cette direction, les données statistiques montrent en fait que les régions ont divergé sur le plan socio-économique, ce qui a donné lieu à des bouleversements politiques (6). Les stratégies macrorégionales, en particulier celles centrées sur l’Europe centrale et orientale, doivent en tenir sérieusement compte et intensifier les efforts de mise en œuvre de politiques dans ce domaine, avec une véritable participation des partenaires sociaux, des agents socio-économiques locaux et des organisations de la société civile. Dans le même temps, les stratégies macrorégionales se sont avérées très propices à l’intégration au sein de l’Union européenne de nouveaux et de futurs États membres. Ce rôle est manifeste dans le cas des pays des Balkans occidentaux en lien avec la EUSDR et la EUSAIR, ce qui vaut également pour la Moldavie et l’Ukraine, qui bénéficient d’une assistance pour mettre en œuvre leurs accords d’association avec l’Union européenne.

4.6.

Les travaux de recherche menés dans le domaine des sciences humaines et des sciences sociales ont mis en évidence la nécessité de passer d’une approche axée sur la protection sociale à une approche visant à optimiser le bien-être, dont le centre d’intérêt se déplace d’économies d’échelle quantitatives vers une variété qualitative accrue. En ce sens, la diversité multiple de l’Europe, qui résulte de ses caractéristiques historiques et naturelles, notamment dans les régions couvertes par les stratégies macrorégionales existantes, devient un avantage comparatif majeur dans l’ère mondialisée qui est en train d’apparaître. Il convient donc de s’assurer que la nécessité de renforcer la convergence socio-économique n’aboutisse pas à des politiques susceptibles de dévaluer la ressource que constitue cette «variété socioculturelle et environnementale». Au contraire, les stratégies macrorégionales devraient favoriser la préservation de la diversité sur le plan qualitatif et stimuler la mise en œuvre de projets qui renforceront la cocréation interrégionale de nouveaux produits et services.

4.7.

De manière générale, l’intensification de la concurrence internationale se traduit par l’importance accrue que revêt le travail en réseau. Néanmoins, la croissance exponentielle de la productivité du travail, qui va de pair avec une importance croissante des différenciations qualitatives, appelle la création de groupements et de structures de collaboration qui tireront parti d’avantages d’échelle dans la réalisation d’activités horizontales – comme par exemple la promotion, la logistique et les transports, la R&D – tout en maintenant, et même en augmentant, la capacité d’offrir des produits et services spécialisés. En d’autres termes, les évolutions actuelles que connaissent des marchés internationalisés rendent nécessaire de développer des groupements géographiques et intersectoriels de producteurs (semi-) autonomes. Ce devrait être une des grandes priorités des quatre stratégies macrorégionales (7).

4.8.

Il est possible de créer une valeur ajoutée en reliant les différentes stratégies macrorégionales, comme dans le cas de la EUSBSR et de la EUSDR (8). Cela paraît faisable, tout particulièrement en ce qui concerne les questions liées à la protection de l’environnement et à l’utilisation rationnelle de ressources finies et de l’énergie. À cet égard, les occurrences réussies de coopération en rapport entre chambres de commerce au sein de l’EUSDR et de l’EUSAIR constituent un bon exemple (9).

4.9.

Puisqu’elles visent à stimuler la prospérité économique, les stratégies macrorégionales devraient de plus en plus se centrer sur des processus et des initiatives de technologies propres propices à la transition d’une économie linéaire vers une économie circulaire. L’on peut citer notamment les exemples des projets de la EUSBSR qui seront menés dans le cadre de l’initiative pour une croissance plus propre, ainsi que les projets CirculAlps et AlpLinkBioECO menés dans le cadre de la stratégie de l’Union européenne pour la région alpine (EUSALP).

4.10.

Le changement climatique est un défi auquel il convient de s’attaquer en engageant une action coordonnée sur des zones géographiques plus vastes: des investissements ciblés dans le domaine de l’environnement devraient contribuer à réduire au minimum les conséquences des épisodes météorologiques extrêmes et les autres effets néfastes du changement climatique, tout en maintenant les conditions économiques qui prévalent et les caractéristiques écologiques des zones en question. Pour prendre un autre exemple, une augmentation des transports maritimes intervenant en premier lieu sur le Danube pourrait entraîner une réduction des émissions de gaz à effet de serre et améliorer la qualité de l’air dans toutes les zones concernées par le transport routier de marchandises. La coopération macrorégionale devrait donner lieu à des stratégies appropriées, durables et globales, en matière de transports.

4.11.

Une autre conséquence de la nécessité de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre (comme indiqué dans l’accord de Paris de 2015) est la pénétration des sources d’énergie renouvelables. Cette «transition énergétique»suppose d’abandonner progressivement les centrales à combustibles fossiles et d’augmenter rapidement le nombre de convertisseurs d’énergie éolienne et de centrales photovoltaïques. Cette transition implique des changements importants dans le système d’alimentation électrique, avec de nouveaux concepts qui permettront également une souplesse accrue dans le commerce d’énergie électrique entre régions et pays. La coopération macrorégionale accroîtra sans aucun doute la probabilité que soient prises des décisions correctes sur les questions concernant la transition énergétique.

4.12.

Dans l’ensemble, les dimensions précédemment mentionnées en rapport avec l’orientation nécessaire des stratégies macrorégionales coïncident avec l’éventail des politiques qui sont encouragées dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par tous les États membres des Nations unies en 2015. En particulier, les stratégies macrorégionales devraient tenir compte des actions en cours pour réaliser divers objectifs de développement durable (ODD), en établissant éventuellement des relations avec des réseaux régionaux existants pour des stratégies de développement durable (10). Ajuster les programmes des quatre stratégies macrorégionales au sein de ce cadre permettra de renforcer l’approche globale indispensable. Cette démarche permettra également d’accroître la visibilité et la reconnaissance internationales du dispositif ainsi que de soutenir la coopération régionale spécifique dans l’Union européenne.

5.   Propositions politiques

5.1.

Bien qu’il existe un besoin de renforcer les interventions politiques et de stimuler un engagement actif envers les stratégies macrorégionales, il est également nécessaire de réduire la charge bureaucratique déjà importante. Un instrument à cet effet pourrait consister à encourager la coopération directe des acteurs publics dans le cadre des groupements européens de coopération territoriale (GECT), ou encore la coopération d’acteurs privés, ainsi que dans le cadre de dispositifs d’un contenu thématique spécifique.

5.2.

L’on manque de données fiables et détaillées qui permettent d’établir des comparaisons entre les régions, ainsi qu’entre les secteurs. Il est nécessaire, d’une manière générale, d’établir une mise en réseau et une gestion fonctionnelles des bases de données existantes, éventuellement fondées sur des mégadonnées, mais aussi des informations spécifiques.

5.3.

Dans le même temps, en sus de garantir l’accès du public à ces bases de données fonctionnelles, interconnectées, il est également nécessaire de renforcer la capacité des citoyens à utiliser les données et les informations existantes. Il est capital de disposer d’un appui technique pour les stratégies macrorégionales et de fournir un accès aux outils permettant d’utiliser les données pertinentes, afin d’aider aussi bien les pouvoirs publics locaux et nationaux que les agents et les acteurs privés. Cet appui devrait s’organiser au niveau central, mais s’axer sur la région concernée.

5.4.

La mise en réseau des partenaires sociaux, des agents socio-économiques locaux et des organisations de la société civile, sur le plan géographique, mais aussi sectoriel (en recourant à l’approche dite de la quadruple hélice), et leur participation active à la prise de décision, à la planification et à l’évaluation des politiques sont extrêmement utiles pour la mise en œuvre des stratégies macrorégionales dans l’avenir, dans l’objectif d’accroître la cohésion et la durabilité sociale et environnementale.

5.5.

En outre, des initiatives politiques spécifiques doivent être prises afin de renforcer la création et le développement de pôles interrégionaux et de partenariats sous forme de groupements (11):

i)

redéfinir les critères de participation aux groupements soutenus par les fonds de l’Union européenne et les fonds nationaux, de sorte que la participation d’un plus grand nombre d’entreprises qui ont réussi soit renforcée, sans menacer l’autodétermination des réseaux et l’autonomie relative des partenaires participants;

ii)

il convient d’étoffer en temps utile les financements et, en particulier, les autres modalités de soutien aux groupements et aux réseaux (par exemple les mesures liées à la fiscalité ou aux processus), de manière que la durée des groupements ne soit pas limitée dès leur conception et que ceux-ci ne soient pas empêchés d’atteindre leur niveau maximal potentiel de maturité organisationnelle et d’autosuffisance financière (12);

iii)

la planification stratégique nationale et (inter)régionale doit prendre en considération le fait que la situation mondiale évolue et envisager des modalités de soutien aux activités locales de regroupement dans ce cadre. En outre, il devrait y avoir davantage d’incitations à créer des structures permettant de relier entre eux les groupements existants dans une logique régionale et intersectorielle, en utilisant ainsi les complémentarités des interventions globales;

iv)

l’exigence, raisonnable, de se concentrer sur les caractéristiques et spécificités locales se traduit souvent par des groupements qui manquent d’orientation internationale, au-delà de la dimension transfrontalière de la région spécifique. Il convient d’améliorer cet aspect, et les politiques de soutien appliquées devraient mobiliser un fonctionnement socio-économique au niveau mondial, étant donné l’importance de l’internalisation des activités commerciales. En outre, cette démarche contribuera à réduire le laps de temps qui s’écoule entre les initiatives politiques et la prise de décision au sein des entreprises.

5.6.

Les stratégies macrorégionales existantes et futures vont considérablement bénéficier d’initiatives efficaces de mise en réseau dans le domaine de l’éducation et des services administratifs, tout comme dans celui des écosystèmes interrégionaux de recherche et d’innovation efficaces et des activités de R & D fondamentale et appliquée. Dans le cadre de la consultation en cours relative à la révision du plan de la EUSDR, il a été indiqué que les capacités des administrations locales et régionales seraient renforcées grâce à des initiatives de renforcement des capacités, à des projets de coopération, à des réseaux d’apprentissage mutuel, à l’échange de bonnes pratiques et à des recommandations d’action politique. Ces initiatives pourraient être soutenues au moyen de financements à petite échelle (tels que des dotations globales ou d’autres instruments) destinés aux acteurs locaux (petites entreprises, organisations de la société civile, organisations de la jeunesse, monde universitaire, etc.), ce qui favoriserait un environnement inclusif pour l’innovation à l’échelon transnational.

5.7.

Tout spécialement pour ce qui est de la mise en réseau dans le domaine de l’éducation, des activités pourraient s’insérer dans les structures existantes telles que le programme Erasmus+. Les recommandations d’action politique devraient se concentrer sur les aspects essentiels de la zone géographique concernée, dans le but d’ouvrir de nouvelles voies pour l’amélioration des produits et des services de promotion de l’esprit d’entreprise, et enfin de soutenir l’apprentissage tout au long de la vie du capital humain local dans le contexte des exigences qui découlent de la numérisation de la production.

5.8.

Les régions des quatre stratégies macrorégionales ont une longue tradition de liens historiques, socio-économiques, culturels et politiques, qui peuvent revêtir un caractère positif mais aussi problématique. Ces liens peuvent être utilisés d’une manière constructive via la promotion d’autres instruments pour la constitution de regroupements interrégionaux et la collaboration interrégionale, tels que le groupement européen de coopération territoriale (GECT).

Bruxelles, le 19 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  [2017/2040 (INI)].

(2)  Il convient de préciser que par le terme de «regroupement», l’on entend la mise en réseau et la coopération thématique ou globale d’agents et d’institutions issus du secteur privé, des administrations publiques, du monde universitaire et de la société civile (et qui par exemple dépassent le cadre de la mise en réseau de petites et moyennes entreprises).

(3)  Voir http://ec.europa.eu/regional_policy/en/information/publications/studies/2017/macro-regional-strategies-and-their-links-with-cohesion-policy (disponible pour l’heure uniquement en anglais).

(4)  Il importe de faire état du succès qu’a connu INNOSUP-1 s’agissant de promouvoir la création de groupements. Les six premiers projets en cours d’INNOSUP-2015, lancés en 2016 et 2017, ont touché plus de 2 800 PME (grâce, par exemple, à des évènements de mise en relation et à des appels à idées ou à projets de coopération, etc.) et ils fournissent une aide directe à 449 PME (au moyen, par exemple, de titres de soutien à l’innovation). En tout, les projets de grappe d’INNOSUP-1 soutiendront bientôt 2 000 PME.

(5)  Voir l’évaluation ex post des programmes de la politique de cohésion financés par le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds de cohésion durant la période de programmation 2007–2013, module de travail 2 – «Soutenir les PME – Intensifier la recherche et l’innovation dans les PME et développer les PME», contrat no 2014CE16BAT002, rapport final, p. 10-11 et 14-17.

(6)  Voir Zarotiadis et Gkagka (2013), «European Union: A diverging Union?»(Union européenne, une union divergente?), Journal of Post-Keynesian Economics (Revue des études économiques post-keynésiennes), vol.. 35, p. 537 à 567.

(7)  Voir les conclusions du Conseil du 12 mars 2018, qui appellent à approfondir la politique européenne en matière de grappes d’entreprises, dans le but d’interconnecter et de développer celles des régions de manière à ce qu’elles deviennent transeuropéennes, atteignant un niveau mondial et se fondant sur les principes de la spécialisation intelligente, afin de soutenir l’émergence de nouvelles chaînes de valeur dans toute l’Europe.

(8)  Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mise en œuvre des stratégies macrorégionales de l’Union, COM(2019) 21 final.

(9)  L’Association des chambres de commerce de la région du Danube a signé un accord de coopération avec le Forum des chambres de commerce de la région adriatico-ionienne dans le but d’échanger leurs expériences et de coopérer dans le cadre de projets où les deux stratégies concernées sont complémentaires.

(10)  Se reporter par exemple au réseau récemment établi des solutions pour le développement durable (SDSN) pour la mer Noire (http://sdsn-blacksea.auth.gr/ et http://unsdsn.org/news/2018/10/31/presenting-a-new-regional-chapter-sdsn-black-sea/), le SDSN pour la Méditerranée (http://www.sdsn-mediterranean.unisi.it/) et le SDSN pour l’Europe du Nord (https://www.unsdsn-ne.org/).

(11)  Les propositions spécifiques sont conformes aux conclusions du premier «Rapport sur l’état d’avancement des partenariats stratégiques européens de groupements»élaboré par l’Observatoire européen des grappes d’entreprises et des mutations industrielles (#EOCIC), qui fournit une vue d’ensemble des premiers résultats, expériences et bonnes pratiques obtenues par la deuxième génération de partenariats stratégiques européens de groupements pour l’internationalisation (ESCP-4i).

(12)  Cette nécessité d’augmenter les financements en temps opportun s’insère également dans la proposition d’initiatives communes en matière de groupements d’entreprises dans le cadre du volet COSME du programme en faveur du marché unique.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/20


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Plan d’investissement pour l’Europe: premier bilan et prochaines étapes»

[COM(2018) 771 final]

(2019/C 282/04)

Rapporteur: Petr ZAHRADNÍK

Corapporteur: Javier DOZ ORRIT

Consultation

Commission européenne, 18.2.2019

Base juridique

Article 304 du TFUE

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

4.6.2019

Adoption en session plénière

19.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

180/0/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

D’une manière générale, le CESE accueille favorablement le plan d’investissement pour l’Europe pour sa contribution à la promotion de l’investissement dans l’Union européenne et l’utilisation plus efficace des ressources financières limitées aux fins d’investissements stratégiques paneuropéens en tant que nouveau type de redistribution financière de l’Union européenne. Le CESE recommande que la fixation d’un objectif d’investissement dans l’Union européenne soit considérée comme l’un des critères d’une politique d’investissement durable et à long terme. Cet objectif d’investissement pourrait devenir une partie intégrante du cycle régulier du semestre européen et être évalué annuellement.

1.2.

Le plan d’investissement pour l’Europe et, plus généralement, les investissements encouragés par les pouvoirs publics devraient avoir pour finalité de soutenir les objectifs stratégiques de l’Union européenne, notamment: a) la promotion de la convergence économique et sociale vers le haut entre les États membres, b) l’investissement durable, dans le respect des objectifs de développement durable des Nations unies, c) la facilitation des transitions verte et numérique équitables, d) le renforcement de la résilience économique des économies européennes, e) le développement d’infrastructures stratégiques, f) la promotion de la productivité, de la recherche, du développement et de l’innovation, ainsi que de l’éducation et de la formation professionnelle, g) l’augmentation des investissements sociaux et h) le soutien à la compétitivité de l’économie européenne dans un contexte mondial. Le CESE estime que des orientations supplémentaires seraient nécessaires pour atteindre ces objectifs d’un point de vue géographique et sectoriel.

1.3.

La mise en place très rapide d’un système unifié de classification et d’indicateurs permettant de déterminer le niveau de performance sous l’angle de la durabilité, sur la base des objectifs de développement durable des Nations unies et des conclusions du Conseil européen du 20 juin 2017, aiderait les investisseurs à orienter leurs flux d’investissement vers des activités durables (1).

1.4.

Le CESE est convaincu de l’énorme potentiel qu’offrent les instruments financiers innovants pour intervenir dans les domaines couverts par le programme InvestEU proposé. Le Comité est confiant dans les synergies entre le programme InvestEU et les futurs programmes gérés au niveau central (mécanisme pour l’interconnexion en Europe, Horizon Europe, par exemple), avec une préférence pour le recours à un instrument basé sur le rendement. À cette fin, une simplification réglementaire est nécessaire lorsqu’il s’agit de combiner plusieurs programmes ou projets.

1.5.

L’une des valeurs ajoutées les plus importantes du programme InvestEU est le soutien à des projets européens de grande envergure (SESAR, ERTMS, réseaux intelligents de l’Union européenne) fondés sur la mobilisation de fonds privés, mais dont la réalisation exige également que la Commission prenne des mesures pour mettre en place le cadre réglementaire et financier approprié. La Commission devrait s’efforcer de faire participer les États membres à ces grands projets.

1.6.

Le CESE estime que l’Union européenne devrait aujourd’hui être en mesure d’assumer un risque plus grand pour donner une impulsion plus forte à l’emploi et au niveau de vie. Le Comité recommande dès lors que les engagements prévus par le cadre financier pluriannuel en faveur de cet instrument soient plus élevés.

1.7.

Le CESE soutient vigoureusement les efforts déployés par la Commission pour recenser les principaux obstacles à des activités d’investissement plus intensives dans les domaines de l’environnement du marché unique, de l’intégration des infrastructures, de l’éducation et des compétences nécessaires, ainsi qu’en matière d’harmonisation des règles relatives aux aides d’État.

1.8.

Néanmoins, le Comité estime que la résolution du problème du déficit d’investissement de l’Union européenne, qui constitue l’un des risques les plus graves pour l’avenir de l’économie européenne, nécessite un effort financier plus important de la part de l’Union européenne, des États membres et du secteur privé. C’est pourquoi il invite les autorités de l’Union européenne à renforcer la capacité financière d’InvestEU au sein du cadre financier pluriannuel 2021-2027.

1.9.

D’autre part, le Comité estime qu’il est nécessaire de déployer des efforts supplémentaires et d’établir des liens plus étroits entre l’EFSI (ou le programme InvestEU) et les autres programmes d’investissement de l’Union européenne et des États membres, en favorisant les synergies nécessaires, en prévenant les doubles emplois et les chevauchements avec les autres programmes, ainsi qu’en orientant les investissements de manière à répondre à des objectifs plus précis.

1.10.

Le CESE propose d’étendre le champ d’application du programme InvestEU afin de fournir aux entreprises européennes les garanties nécessaires leur permettant d’investir en dehors de l’Union européenne et de promouvoir le commerce de l’Union européenne.

1.11.

Le CESE recommande vivement à la Commission de redoubler d’efforts pour sensibiliser les entreprises et les citoyens européens aux avantages découlant du plan d’investissement pour l’Europe, en particulier en ce qui concerne les PME, et ainsi de leur faire prendre conscience de la contribution de l’Union européenne.

2.   Contexte général de la proposition et éléments factuels essentiels

2.1.

Le présent avis s’inspire directement des conclusions adoptées dans l’avis sur InvestEU (2) ainsi que dans d’autres avis relatifs au cadre financier pluriannuel 2021-2027 de l’Union européenne et aux performances de l’Union européenne en matière d’économie et d’investissement (3). Par conséquent, les conclusions formulées de manière explicite dans les avis en question ne seront pas répétées dans le présent document, qui de manière logique y souscrit.

2.2.

La communication de la Commission européenne sur un «Plan d’investissement pour l’Europe: premier bilan et prochaines étapes» rejoint totalement les conclusions de l’avis adopté sur InvestEU (4), en particulier sur les points suivants:

l’activité d’investissement est le seul indicateur macroéconomique majeur à ne pas avoir retrouvé son niveau d’avant la crise de 2006-2007, et il est donc tout à fait justifié et légitime d’encourager le recours à tous les instruments pertinents pour la soutenir,

la création d’un instrument financier de soutien à l’investissement, fondé sur le principe de la garantie, constitue une innovation importante dans le financement de grands projets d’investissement d’intérêt public,

la participation de capitaux privés est très bénéfique et souhaitable dans cette perspective. Toutefois, des partenariats public-privé (PPP) mal conçus peuvent s’avérer en définitive plus coûteux que la fourniture des mêmes services directement par les pouvoirs publics. Les investissements publics dans des services publics de haute qualité, abordables et accessibles dans l’Union européenne doivent constituer une priorité,

outre les investissements intérieurs, il convient également de soutenir les investissements revêtant une importante dimension transfrontière. Le modèle peut également s’appliquer pour mettre en œuvre des investissements de l’Union européenne en faveur du développement en dehors de son territoire,

la mise en œuvre de réformes structurelles au niveau des États membres et dans l’ensemble de l’Union européenne peut amplifier les effets des opérations d’investissement,

les investissements réalisés devraient respecter les besoins du marché unique, le cas échéant, dans toutes ses dimensions, le fonctionnement des marchés financiers, les infrastructures de transport et d’énergie et le niveau de préparation des ressources humaines pour relever ces défis.

2.3.

La communication de la Commission européenne va plus loin que de coutume, en répondant à la nécessité de supprimer les obstacles qui entravent la reprise d’investissements plus importants et l’utilisation plus efficace des instruments financiers pour soutenir l’investissement.

2.4.

Si le projet de règlement relatif au programme InvestEU traite principalement des paramètres techniques de cet instrument, la communication de la Commission s’attache en particulier à la présentation du contexte économique, politique et social, ainsi qu’à une analyse et une description de l’environnement dans lequel l’instrument sera utilisé. Le CESE partage ce point de vue général.

2.5.

La première grande priorité de la Commission Juncker (de la fin 2014 jusqu’au début de l’année 2015) a été d’aider à réduire le déficit d’investissement dans l’Union européenne après la crise, voire à l’éliminer. En l’absence d’investissements suffisants et rentables, il ne sera pas possible à l’avenir d’assurer la prospérité de l’Europe ni sa compétitivité au niveau mondial, sur le plan économique. C’est la raison pour laquelle a été adopté et mis en œuvre le projet de plan d’investissement pour l’Europe, qui sera principalement incarné au-delà de 2020 par le programme InvestEU. Au cœur de ce dispositif se trouve un instrument financier construit sur la base d’une garantie budgétaire. Le CESE estime que cet instrument ne se prête pas seulement à garantir les investissements au sein de l’Union européenne, mais qu’il pourrait également constituer une plateforme européenne très efficace pour développer et soutenir des projets d’investissement en dehors de l’Union européenne (en lien avec les nouveaux objectifs du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour la période 2021-2027 relatifs à l’action extérieure, à la mondialisation et à un plus grand nombre de projets externes).

2.6.

La rentabilité et l’efficacité des investissements sont tributaires de la bonne santé des structures économiques. Les réformes structurelles sont donc considérées comme une condition préalable pour s’assurer que les investissements produisent les effets escomptés. Des défaillances importantes dans ce domaine se traduisent par un large éventail d’obstacles, d’ordre réglementaire ou administratif, néfastes à une concurrence loyale ou d’autres difficultés, dont la gravité se manifeste tant au niveau national qu’au niveau transfrontière.

2.7.

Le CESE apprécie le fait que l’Union européenne soutienne le climat le plus ouvert possible tant pour les investissements que pour le commerce, pour autant que les droits du travail et les droits sociaux soient préservés, ainsi que l’environnement. Dans le même temps, toutefois, il accorde une attention particulière au risque politique et stratégique de plus en plus considérable qui se présente à l’échelle mondiale, auquel certains investissements étrangers pourraient être liés. Le CESE accueille favorablement et soutient l’introduction d’une fonction de protection pour certains investissements étrangers, dont l’objectif essentiel n’est pas de nature commerciale ou économique, mais de l’ordre de la politique et de la puissance.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE salue les avantages du plan d’investissement pour l’Europe, notamment en ce qui concerne les aspects suivants:

lors de la crise, les financements privés étaient au point mort et, par voie de conséquence, certains besoins financiers n’étaient pas satisfaits. Les investisseurs ont commencé à examiner les risques de manière beaucoup plus prudente et minutieuse. Le plan d’investissement pour l’Europe s’est révélé être une plateforme appropriée, sûre, pratique et bien pensée pour stimuler les investissements et mobiliser les capitaux privés,

le plan d’investissement pour l’Europe a contribué de manière positive à un suivi ciblé et systématique des cas de défaillances du marché ou des situations d’investissement défavorables, et a contribué à adapter la perception des risques à la nécessité de les traiter d’une manière compatible avec le marché,

les exemples de projets soutenus mentionnés dans la communication de la Commission européenne montrent clairement que si le plan d’investissement pour l’Europe et le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) n’avaient pas existé, des capitaux privés n’auraient jamais été affectés à ce type de projets en l’absence de garantie suffisante et de couverture adéquate des risques (sauf ceux de nature philanthropique) et que les ressources publiques pour de telles initiatives auraient été par nature limitées,

le plan d’investissement pour l’Europe et l’EFSI nécessitent que les projets fassent l’objet d’un test du rendement financier direct et répondent ainsi à la norme de qualité minimale qui leur est imposée.

3.2.

En 2018, le montant total des investissements publics et privés dans l’Union européenne a été de 20,5 % du PIB de l’Union européenne, soit encore plus de deux points de pourcentage en dessous du niveau de 2007. Depuis 2013, la lente reprise du taux d’investissement est due à la fois à des investissements tant publics que privés.

3.3.

L’investissement public dans l’EU-27 pour la période 2014-2018 s’est élevé, en moyenne, à 2,86 % du PIB (2,68 % dans la zone euro), contre 3,4 % du PIB entre 2009 et 2013 (3,2 % dans la zone euro) (5). En particulier, la formation nette de capital fixe a généralement été négative de 2014 à 2017, ce qui indique une baisse du stock de capital public. Étant donné que cette situation va à l’encontre des objectifs du plan d’investissement pour l’Europe à un niveau macroéconomique, le CESE encourage la Commission européenne à prendre des mesures pour favoriser les investissements publics au niveau des États membres. Ces mesures devraient être incluses dans les recommandations par pays ainsi que dans les autres instruments pertinents du semestre européen.

3.4.

La majeure partie du déficit d’investissement est imputable à l’investissement privé. À la lumière de ce qui précède, il s’avère que la taille totale du plan d’investissement était trop réduite dès le départ. Sur une période de cinq ans, l’Union européenne prévoit de mobiliser des investissements pour un montant de 500 milliards d’EUR, soit 100 milliards d’EUR par an, ce qui représente environ 0,6 % du PIB de l’Union européenne.

3.5.

Le CESE est conscient de l’ampleur du soutien que les instruments financiers remboursables peuvent apporter à l’investissement dans l’Union européenne, ainsi que de leur potentiel encore inexploité. Ils créent par exemple les conditions d’une utilisation beaucoup plus efficace et plus commode des fonds disponibles. À la différence des subventions, il s’agit de fonds remboursables qui peuvent être utilisés ultérieurement et à plusieurs reprises, en fonction de leur rotation. En outre, le resserrement attendu de la politique monétaire et l’existence de créances dépréciées pourraient encore accroître leur attractivité. S’ils sont employés à bon escient du point de vue de la politique économique et de la gouvernance, ils facilitent la création d’une base financière solide pour un soutien à très long terme (y compris sur plusieurs décennies) des investissements d’intérêt public (il est essentiel de définir ce que l’on entend par intérêt public; l’opinion qui prévaut actuellement est que les instruments financiers permettent de remédier à divers types de défaillance du marché). Le développement d’instruments financiers contribue également à encourager la variation des produits financiers disponibles sur les marchés nationaux ainsi que sur le marché paneuropéen de l’intermédiation financière, à renforcer sa diversité, ainsi qu’à élargir l’éventail des produits financiers et des solutions disponibles.

3.6.

Dans le même temps, le CESE souligne que le soutien des instruments financiers ne peut en aucun cas convenir à tous les projets (le critère général de pertinence est l’existence d’un environnement de marché et le risque de défaillance du marché sous ses multiples formes). Lorsque la démonstration a été faite que le projet mérite un soutien au moyen des instruments financiers, l’objectif visé peut être atteint de trois façons principales:

par un soutien à un projet capable d’apporter des avantages supplémentaires et mesurables (par exemple, une augmentation de la rentabilité ou des gains de productivité). Dans ce cas, les bénéficiaires de l’aide sont presque exclusivement des entreprises individuelles ou des groupements de telles entreprises, tels que des clusters,

en réalisant des économies dans la mise en œuvre des processus existants (tels que la réduction des besoins et des coûts en énergie ou la réduction des coûts de fonctionnement par l’optimisation des processus). Dans ce cas, des organismes du secteur public peuvent être soutenus par des instruments financiers de la même manière que des entités économiques,

par l’établissement d’une participation financière pour les consommateurs d’un produit ou d’un service donné. Cette participation peut bénéficier d’un soutien additionnel au moyen d’une subvention ciblée ou d’un autre programme de soutien national ou régional qui permet de rembourser un instrument financier.

3.7.

Le CESE relève qu’un chapitre essentiel de la communication de la Commission européenne s’emploie à recenser les obstacles existants. Il y est question avant tout d’obstacles au marché unique et de la nécessité de continuer à l’approfondir et de lever les barrières (à la fois en surmontant les obstacles administratifs et réglementaires existants et en entreprenant la modernisation technologique du marché unique grâce à la réalisation du marché unique numérique et à la stratégie de mise en œuvre correspondante). Nous pensons également aux possibilités de développement des marchés des capitaux et à leur intégration dans l’union des marchés des capitaux. Il existe également des obstacles à l’intégration des infrastructures de transport et d’énergie et un potentiel pour réaliser celle-ci, que ce soit par le développement des réseaux transeuropéens (RTE) ou par une union de l’énergie. Il importe également de ne pas perdre de vue la dimension humaine et les besoins en matière d’éducation et de compétences de la main-d’œuvre (conformément aux principes du socle européen des droits sociaux), ainsi que l’alignement des règles en matière d’aides d’État. Du point de vue des synergies d’optimisation dans le cadre du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, le CESE note également qu’il est nécessaire de veiller au respect maximal des Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI).

3.8.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de déployer davantage d’efforts et d’accroître la cohérence entre l’EFSI (ou le programme InvestEU) et les autres programmes d’investissement de l’Union européenne et ceux des États membres. Cela permettra de favoriser les synergies nécessaires et de prévenir les doubles emplois entre les programmes.

3.9.

Les investissements encouragés par les pouvoirs publics devraient viser des objectifs précis, définis de manière claire et stratégique au niveau européen, afin de réaliser les objectifs des politiques de l’Union. Les domaines qui devraient bénéficier d’un soutien sont énumérés au paragraphe 1.2 du présent document. Dans cette perspective, le CESE est d’avis qu’il conviendrait de fournir des orientations complémentaires à l’EFSI et au futur programme InvestEU, en particulier en matière d’allocation sectorielle de crédits.

3.10.

Plus spécifiquement, en ce qui concerne le plan d’action de la Commission européenne pour le financement de la croissance durable, la mise en place très rapide d’un système unifié de classification et d’indicateurs permettant de déterminer le niveau de performance sous l’angle de la durabilité doit s’appuyer sur une vision globale de l’incidence des activités économiques et des investissements sur la durabilité environnementale et l’utilisation efficace des ressources, ainsi que sur les objectifs sociaux et de gouvernance, conformément aux objectifs de développement durable des Nations unies et aux conclusions du Conseil européen du 20 juin 2017. Cette approche devrait aider les investisseurs à orienter leurs flux d’investissement vers des activités durables qui permettent la mise en œuvre complète, globale, intégrée et efficace du programme à l’horizon 2030 (6).

3.11.

Le plan Juncker initial prévoyait une garantie ou un filet de sécurité de 21 milliards d’EUR de manière à permettre la mobilisation d’investissements à concurrence de 315 milliards d’EUR. Dans InvestEU, la Commission propose un filet de sécurité de 38 milliards d’EUR (+ 9,5 milliards d’EUR venant de partenaires financiers) pour mobiliser jusqu’à 650 milliards d’EUR. À première vue, l’initiative InvestEU double la puissance de feu du plan Juncker et il permet en outre aux États membres d’engager jusqu’à 5 % de leurs enveloppes au titre de la politique de cohésion dans les quatre domaines de politique bénéficiant de la garantie. Le CESE se félicite du renforcement de cet instrument, mais estime que l’engagement de 15,2 milliards d’EUR, qui représente 1,2 % du prochain cadre financier pluriannuel, n’est pas suffisant pour atteindre l’objectif de stimuler les investissements pour retrouver les niveaux d’avant la crise. Par exemple, un engagement de 2 % (25,5 milliards d’EUR) permettrait de mobiliser plus de 1 000 milliards d’EUR d’investissements publics et privés supplémentaires.

3.12.

Il est nécessaire de promouvoir et de soutenir la participation d’entreprises et de consortiums européens aux appels d’offres et aux marchés publics internationaux. Le champ d’application du programme InvestEU pourrait être étendu de manière à couvrir toutes les zones géographiques et fournir des garanties aux entreprises européennes investissant en dehors de l’Union européenne. Ceci pourrait constituer une première réponse tangible à l’initiative «Une ceinture, une route».

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE recommande d’accorder une attention appropriée à la suppression des obstacles aux niveaux national et régional conformément au principe de subsidiarité.

4.2.

Le CESE invite la Commission européenne à déterminer clairement et sans équivoque les possibilités d’intégration de l’EFSI, du futur programme InvestEU et des Fonds ESI. La proposition de règlement fait référence, à de nombreux endroits, à des synergies entre les chapitres et les programmes du cadre financier pluriannuel, mais la réalité est bien moins propice à ces synergies. La pratique actuelle montre les limites qui affectent les possibilités de combiner l’EFSI avec les Fonds ESI. Le CESE estime qu’il n’est pas souhaitable de maintenir cette impossibilité et suggère de définir des règles précises qui permettent de recourir aux Fonds ESI (sous la forme d’une subvention) et à l’EFSI (sous la forme d’un instrument financier) pour le même projet.

4.3.

Le CESE invite la Commission européenne à adopter une vision globale des investissements lorsqu’elle préconise une extension de l’EFSI. Les États membres doivent pouvoir disposer des ressources budgétaires nécessaires à l’investissement public. Étant donné que, en vertu des règles budgétaires en vigueur dans l’Union européenne, les dépenses sont automatiquement liées aux recettes fiscales, la Commission européenne devrait être aux avant-postes d’une action résolue pour lutter avec l’aide d’instruments efficaces contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et l’activité illégale des paradis fiscaux. Il s’agit notamment d’éliminer la concurrence fiscale déloyale qui est pratiquée aujourd’hui par certains États membres qui favorisent la planification fiscale agressive des entreprises multinationales.

4.4.

Certains types d’investissements, tels que les infrastructures publiques, peuvent être assurés plus efficacement et à un moindre coût pour la société en recourant au secteur public plutôt qu’aux partenariats public-privé. Lorsque c’est le cas, la Commission européenne est encouragée à permettre aux États membres d’investir suffisamment sans réduire les dépenses sociales. Conformément à la théorie et à la pratique de longue date des finances publiques rationnelles, il conviendrait d’amener les futures générations qui bénéficieront des investissements actuels à payer une part équitable de leur financement en procédant aujourd’hui à l’émission d’obligations d’État. Si la génération actuelle devait financer seule les investissements publics au moyen d’une augmentation des impôts ou d’une réduction des dépenses publiques, elle serait soumise à une charge indûment élevée. En pratique, cela signifie qu’il faut rendre le pacte de stabilité et de croissance plus souple grâce à la «règle d’or», qui consiste à ne pas comptabiliser les dépenses publiques d’investissement dans le calcul des objectifs de déficit public. L’approche flexible de la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance récemment adapté, mise en place par la Commission en 2014, a eu des effets positifs sur la croissance. Elle devrait être poursuivie et ciblée sur les investissements présentant un intérêt public élevé.

4.5.

La réforme de l’Union économique et monétaire (UEM) pourrait prévoir les mesures de gouvernance indispensables à une politique d’investissement adéquate. En particulier, l’achèvement de l’union bancaire et de l’union des marchés des capitaux pourrait contribuer, grâce à la mise en œuvre de leurs instruments, au financement des entreprises, en particulier des PME. Le CESE estime qu’il s’agit d’une d’urgence et déplore les retards pris par le Conseil européen à cet égard.

4.6.

Le CESE est d’avis qu’il conviendrait de fournir des orientations complémentaires concernant l’allocation sectorielle de l’aide de l’EFSI et le futur programme InvestEU. Il considère qu’il conviendrait d’accorder la priorité aux investissements dans trois secteurs: a) la construction d’un modèle économique européen vert et numérique, b) la recherche, le développement et l’innovation, et c) l’éducation et la formation. Afin de garantir une transition équitable vers un modèle vert et social pérenne, il convient de promouvoir les investissements à caractère social, conformément aux recommandations du groupe de haut niveau sur l’investissement dans l’aide sociale (7).

4.7.

Des audits menés par la Cour des comptes européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI) sur des échantillons de projets du volet «Infrastructures et innovation» ont suggéré qu’environ un tiers des projets auraient pu être entièrement financés par des sources autres que l’EFSI. Les raisons qui poussent les promoteurs de projets à choisir principalement l’EFSI sont les coûts moins élevés et, en partie, une durée des prêts plus longue.

4.8.

Le fait de comptabiliser un projet qui aurait été réalisé par des sources de financement autres que l’EFSI comme relevant de l’additionnalité en lien avec l’EFSI est conforme à l’interprétation commune et non technique de l’additionnalité. Cette situation soulève la question de la pertinence pour l’économie réelle de la définition et de l’application pratique de l’additionnalité dans la réglementation de l’EFSI et sa mise en œuvre. Cela pourrait nuire à la crédibilité de l’EFSI, qui est pourtant bien nécessaire. Par conséquent, le CESE estime que le FEI devrait avant tout axer ses activités sur des projets qui présentent un véritable caractère additionnel, en ce sens qu’ils n’auraient pas été réalisés en l’absence de financements au titre de l’EFSI afin d’assurer un effet maximal sur l’économie réelle et de susciter la confiance du grand public dans ce fonds.

4.9.

Comme l’a relevé la Cour des comptes européenne, la méthode utilisée pour estimer l’investissement mobilisé a surestimé, dans certains cas, la mesure dans laquelle le soutien de l’EFSI a effectivement entraîné des investissements supplémentaires dans l’économie réelle. En outre, le CESE estime que la Commission européenne devrait suivre la recommandation formulée par la Cour des comptes européenne d’élaborer des indicateurs de performance et de suivi comparables pour l’ensemble des instruments financiers et garanties budgétaires de l’Union européenne afin d’accroître la transparence et la capacité d’en évaluer les résultats.

4.10.

Comme l’a relevé la Cour des comptes, l’EFSI a également remplacé en partie les financements provenant d’autres instruments financiers de l’Union européenne faisant l’objet d’une gestion centralisée, en particulier dans les domaines des transports et de l’énergie. Nous encourageons la Commission et la BEI à examiner les éventuels chevauchements qui pourraient se présenter dans le futur entre les opérations au titre du volet «Infrastructures et innovation» de l’EFSI et les instruments financiers des Fonds structurels et d’investissement européens.

4.11.

Afin de garantir une estimation correcte des investissements mobilisés par l’EFSI, le CESE invite la Commission européenne à conceptualiser de manière systématique la collecte des données nécessaires à la réalisation de l’analyse statistique ex post destinée à évaluer les facteurs d’estimation des multiplicateurs ex ante des différents projets. Cet effort pourrait contribuer à améliorer les calculs ex ante à l’avenir.

4.12.

Le CESE recommande qu’en plus de la plateforme européenne de conseil en investissement (qui vise principalement à soutenir de grands projets d’investissement présentant une valeur ajoutée européenne manifeste), un réseau de bureaux de conseil nationaux et régionaux opère dans l’ensemble de l’Europe en utilisant une méthodologie et une interprétation cohérentes, et fournisse des services de conseil, en particulier aux PME et à leurs projets davantage axés sur le niveau régional.

4.13.

Le CESE rappelle la nécessité de réaliser un test d’éligibilité des projets de financement remboursable au moyen d’instruments financiers, et recommande à la Commission européenne de mettre en place une plateforme d’experts. Dans le cadre de cet exercice, il importe de respecter les trois exigences fondamentales des instruments financiers: l’efficacité (qui est assurée par le gestionnaire de ces fonds dans l’exercice de ses fonctions, satisfaisant ainsi l’intérêt public d’une manière qualitativement différente des subventions); l’utilité (qui est fondée sur la légitimité de chaque programme ou partie de celui-ci qui est réservée aux instruments remboursables); la durabilité dans ses dimensions économique, sociale et environnementale (qui est basée sur le principe qui veut que les instruments renouvelables doivent être remboursables).

4.14.

Le règlement EFSI ne fixe aucun critère de répartition géographique pour les garanties qu’il accorde. Il prévoit que leur octroi est régi par la demande. Toutefois, le comité de pilotage de l’EFSI a établi une diversification géographique indicative et une limite de concentration géographique dans le volet relatif aux infrastructures et à l’innovation. Le règlement ne fixe pas de limites de concentration pour le volet des PME. Le Comité est fermement convaincu que le plan d’investissement pour l’Europe et le futur programme InvestEU doivent être des instruments de convergence économique et sociale entre les États membres, et non de divergence. Bien que les informations fournies par la Commission européenne indiquent que la tendance à la concentration géographique a été partiellement corrigée en 2018, la question est suffisamment importante pour que soient adoptées les orientations politiques et les modifications réglementaires nécessaires pour mettre un terme à cette situation. L’un des leviers pour y porter remède, et dont le Comité se félicite, consiste à mettre en place des banques et institutions nationales de développement dans les pays qui ne coopèrent pas avec l’EFSI et la BEI. Le Comité encourage tous les États membres à le faire.

4.15.

Le CESE fait observer qu’en particulier au cours de la prochaine période de programmation du cadre budgétaire, il sera plus important pour les instruments financiers d’avoir une fonction spécifique dans un but précis et que les règles proposées permettent un large éventail de combinaisons entre eux, offrant ainsi la possibilité de solutions «sur mesure» pour les différents projets. Les instruments financiers ne présentent pas une typologie homogène, et la formule du prêt, de la garantie, de l’apport direct en capital ou de l’emprunt obligataire peut être réservée à un type spécifique de projet. Dans le cadre de l’utilisation de ces instruments, la préférence devrait être donnée, dans la pratique, à des solutions «sur mesure», car c’est précisément grâce à de telles solutions que l’on peut tirer pleinement parti des possibilités offertes par les instruments financiers.

4.16.

Si les réformes structurelles sont de manière générale jugées importantes pour atteindre un niveau d’investissement plus élevé, il y a lieu de les définir de manière explicite et détaillée. Plusieurs ajustements et réformes structurels menés au cours de la période des politiques d’austérité dans les pays ayant fait l’objet d’un programme ont aggravé la faiblesse de la demande privée et publique, favorisé le chômage, accru l’incertitude, réduit les revenus des ménages et les perspectives de ventes des entreprises. Ils ont donc contribué à creuser le déficit d’investissement. Par conséquent, le CESE recommande que les réformes à promouvoir a) améliorent l’environnement des entreprises, b) facilitent leur financement, en particulier celui des PME, c) accroissent la productivité, d) favorisent la recherche, l’innovation et le développement, ainsi que la formation, e) soutiennent la création d’emplois de qualité, f) renforcent la négociation collective et le dialogue social au niveau européen et national, g) consolident la demande intérieure, h) améliorent la résilience économique, et i) permettent un niveau adéquat d’investissement public, par exemple par la création de capacités de planification efficaces dans le secteur public.

4.17.

Outre la nécessité d’améliorer les synergies entre les programmes d’investissement de l’Union européenne et des États membres, il y a également lieu de promouvoir les réalisations de ces programmes auprès des citoyens: quelque 945 000 PME devraient bénéficier de l’EFSI et bien plus encore du programme InvestEU. Les PME bénéficiaires doivent être informées de l’aide reçue de l’Union européenne, par exemple au moyen d’une mention expresse dans le contrat de financement et par l’utilisation du logo de l’Union européenne dans ce même contrat.

Bruxelles, le 19 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Conformément au plan d’action de la Commission européenne sur le financement de la croissance durable.

(2)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 131.

(3)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 106; JO C 62 du 15.2.2019, p. 83; JO C 62 du 15.2.2019, p. 90; JO C 62 du 15.2.2019, p. 126; JO C 62 du 15.2.2019, p. 312; JO C 159 du 10.5.2019, p. 49.

(4)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 131.

(5)  Prévisions économiques européennes. Annexe statistique Commission européenne, novembre 2018.

(6)  Voir la résolution législative du Parlement européen du 28 mars 2019 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement d’un cadre pour favoriser les investissements durables [COM(2018) 35 — C8-0207/2018 — 2018/0178(COD)].

(7)  Investing in Social Care & Support. A European Imperative (Investir dans l’aide sociale — un impératif européen).


20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/27


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen (sommet de la zone euro), au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers un renforcement du rôle international de l’euro»

[COM(2018) 796 final]

(2019/C 282/05)

Rapporteur: Philip VON BROCKDORFF

Corapporteur: Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Commission européenne, 24.1.2019

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

4.6.2019

Adoption en session plénière

19.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote (pour/contre/abstentions)

200/3/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE constate que le rôle international de l’euro n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise financière. Si les mesures proposées par la Commission européenne, telles qu’elles figurent dans la communication à l’examen, sont bien accueillies et jugées nécessaires par le CESE, elles pourraient ne pas aller assez loin compte tenu de l’ampleur des défis sociaux et économiques de la zone euro. La cohésion sociale, la convergence économique vers le haut et la promotion de la compétitivité et de l’innovation, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME), devraient constituer les fondements sur la base desquels l’économie de la zone euro devrait opérer sa relance et favoriser un renforcement du rôle international de l’euro.

1.2.

Le CESE demande instamment à l’Union européenne de redoubler d’efforts pour renforcer la cohésion sociale et la convergence économique sur l’ensemble de son territoire. Des différences importantes subsistent entre les États membres et en leur sein, et ces différences empêchent de tirer parti des possibilités économiques qui pourraient profiter à l’Union européenne dans son ensemble.

1.3.

Le CESE met en garde contre le fait que les avancées technologiques telles que la technologie financière et la numérisation en cours ainsi que l’émergence d’autres monnaies internationales à plus long terme sont susceptibles de favoriser un système multipolaire basé sur plusieurs devises clés.

1.4.

Le CESE estime que l’euro est à même de renforcer son statut international. Dans le même temps, cependant, le CESE suggère que la priorité absolue de la zone euro soit, avant tout, de remettre de l’ordre en son sein et d’assurer l’intégrité et la prospérité en améliorant ses perspectives de croissance et en restaurant la viabilité des finances publiques. Ce processus, qui requiert, entre autres choses, l’achèvement de l’Union économique et monétaire et de l’union bancaire, devrait être la priorité pour renforcer le rôle international de l’euro.

1.5.

La crédibilité de la monnaie unique de l’Union européenne, qui est une condition préalable au renforcement de son rôle international, implique d’adopter de nouvelles mesures en faveur de politiques budgétaires nationales saines et de politiques favorisant la croissance, ainsi que des efforts supplémentaires pour un secteur financier assaini. À cet égard, le CESE rappelle l’importance de soutenir les PME et d’accroître encore la productivité, en tant que moyens de renforcer la compétitivité de la zone euro sur les marchés internationaux.

1.6.

Le CESE est d’avis que les avantages de l’intégration du marché ne doivent pas être remis en cause par l’instabilité financière, et réclame une action soutenue pour réduire les prêts non productifs d’une manière socialement soutenable, notamment à la suite de l’accord politique conclu à la fin de 2018 sur les exigences en matière de fonds propres pour les créances douteuses des banques.

1.7.

Le CESE estime que pour que l’euro voit son rôle de monnaie internationale renforcé il convient de remédier à la fragmentation du marché des obligations souveraines de la zone euro, qui rend les marchés de la dette souveraine nettement moins profonds et moins liquides. Le CESE invite instamment la Commission à étudier les possibilités de créer des actifs en euros plus liquides et plus sûrs.

1.8.

La BCE peut faciliter quelque peu l’engagement sur la voie d’un renforcement du rôle international de l’euro, tout d’abord et avant tout en remplissant son mandat de maintien de la stabilité des prix dans la zone euro. En outre, le soutien de la BCE aux politiques macroéconomiques et à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et de l’union des marchés des capitaux donne un nouvel élan au renforcement du rôle international de l’euro.

1.9.

Le CESE est également d’avis que des mesures supplémentaires sont nécessaires pour approfondir le secteur financier européen, y compris une consolidation des infrastructures du marché financier européen et des critères de référence solides en matière de taux d’intérêt. De plus, l’on tient également pour crucial de promouvoir une utilisation plus large de l’euro dans les secteurs stratégiques pour contribuer au renforcement du rôle international de l’euro.

1.10.

Enfin, le CESE invite instamment les États membres à adopter une approche plus unifiée en matière de diplomatie internationale, qui pourrait se traduire par une amélioration des possibilités commerciales. Cette approche unifiée pourrait également être encouragée par l’adoption d’une approche plus volontariste, qui vise avant tout à promouvoir les intérêts de l’Union européenne, notamment en anticipant les initiatives stratégiques et diplomatiques de la Chine et des États-Unis.

2.   Contexte

2.1.

La communication intitulée «Vers un renforcement du rôle international de l’euro» (1), publiée en décembre 2018, fait valoir qu’il existe une marge pour renforcer encore davantage le rôle de cette monnaie à l’échelle mondiale, de sorte qu’il corresponde mieux au poids politique, économique et financier de la zone euro. Pour réaliser cet objectif, il faut consolider encore davantage les structures de l’Union économique et monétaire, notamment par l’adoption de toutes les propositions en attente qui visent à achever l’union bancaire et à faire progresser de manière décisive l’union des marchés des capitaux.

2.2.

Ce document de travail s’inscrit dans la droite ligne des demandes formulées dans des avis antérieurs du CESE (2) (3), qui soulignaient que l’achèvement de l’union bancaire, et notamment la mise en place d’une couverture d’assurances des dépôts bancaires plus solide et plus uniforme, tout comme celui de l’union des marchés des capitaux, était d’une importance capitale pour garantir un environnement compétitif aux entreprises européennes, les grandes comme les petites, et pour créer une véritable monnaie unique européenne.

2.3.

Dans la déclaration de Rome de 2017, les dirigeants des vingt-sept États membres, le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne se sont engagés à faire de l’Union européenne un acteur mondial plus fort en développant les partenariats existants et en en instaurant de nouveaux, de même qu’en promouvant la stabilité et la prospérité aux niveaux régional et mondial et en assumant des responsabilités internationales (4).

2.4.

Pour sa part, le président de la Commission européenne, dans son discours sur l’état de l’Union de septembre 2018, a souligné l’importance de l’euro dans le système monétaire international et a appelé à davantage de mesures pour garantir qu’il joue pleinement son rôle sur la scène internationale (5).

2.5.

Dans ce contexte, la Commission a établi une feuille de route pour l’approfondissement de l’Union économique et monétaire (6), qui plaide en faveur d’un système financier intégré et performant, y compris l’achèvement de l’union bancaire et de l’union des marchés des capitaux (UMC).

2.6.

Il est souligné dans la communication sur l’union des marchés des capitaux (7) que l’Union européenne a besoin de marchés de capitaux bien développés et intégrés pour renforcer le rôle international de l’euro. Une union des marchés des capitaux efficace contribuera à la stabilité du système financier, à un meilleur accès au financement pour les entreprises et, partant, à davantage de possibilités d’investissement.

2.7.

Dans le même ordre d’idées, le rapport du Centre commun de recherche intitulé «JRC Science for Policy Report» (8) de 2016 montre que des politiques macroéconomiques saines, l’approfondissement de l’Union économique et monétaire de l’Union européenne et le développement de l’union des marchés des capitaux sont autant d’éléments qui contribueront à renforcer encore le rôle de l’euro dans le commerce mondial et sur les marchés financiers mondiaux.

2.8.

La Commission européenne recommande (9) une utilisation plus large de l’euro dans les projets et les transactions financières en rapport avec l’énergie en tant que moyen d’atteindre les objectifs de la politique énergétique de l’Union européenne, en amenuisant le risque de rupture de l’approvisionnement énergétique et en favorisant ainsi une autonomie accrue des entreprises européennes.

3.   Observations générales

3.1.

L’euro a parcouru un long chemin en vingt ans d’existence. Il est très vite devenu la deuxième monnaie internationale la plus importante au monde (derrière le dollar des États-Unis) (10). Plus concrètement, près de soixante pays dans le monde utilisent ou utiliseront l’euro, ou encore lient leur monnaie à ce dernier. Par ailleurs, l’euro représente environ 20 % des réserves internationales des banques centrales étrangères, ce qui atteste de son importance en tant que réserve de valeur sûre, et un cinquième de la dette internationale émise par les entreprises et les gouvernements étrangers est libellé en euros. Enfin, et tout aussi important, l’euro est largement utilisé pour les paiements internationaux: près d’un tiers de la valeur des transactions internationales ont été soit facturés, soit réglés en euro en 2017 (contre environ deux cinquièmes pour le dollar des États-Unis).

3.2.

L’utilisation à l’international de l’euro est bénéfique dans la mesure où elle: i) réduit le risque de change et les coûts qui en résultent pour les entreprises européennes; ii) accroît la transparence des prix, ce qui permet aux entreprises de s’approvisionner en matières premières moins chères et aux consommateurs d’acheter des produits moins coûteux; iii) impose une plus grande discipline en termes d’inflation, ce qui entraîne en principe une baisse des taux d’intérêt payés par les ménages et les entreprises; iv) renforce l’autonomie financière et offre un accès au financement à des conditions d’emprunt plus favorables pour les entreprises européennes (y compris les PME) et les gouvernements, à mesure que les marchés financiers européens deviennent plus intégrés, et gagnent en profondeur et en liquidité; et v) favorise la poursuite du développement des échanges commerciaux à l’intérieur de l’Union européenne et internationaux.

3.3.

De plus, le renforcement du rôle international de l’euro offrirait aux acteurs du marché du monde entier une option supplémentaire, ce qui rendrait l’économie internationale moins vulnérable aux chocs liés à une forte dépendance de nombreux secteurs (l’énergie, les denrées de base et l’industrie aéronautique, par exemple) vis-à-vis du dollar des États-Unis.

3.4.

Les positions respectives du dollar et de l’euro n’ont pas changé au cours des deux dernières décennies. Bien que l’écart entre les deux monnaies se soit progressivement réduit depuis le lancement de l’euro, il s’est de nouveau creusé après le début de la crise de la zone euro. Cette situation risque de persister dans un avenir prévisible, malgré le fait que l’euro soit émis par le plus grand bloc commercial du monde. Il semble donc que le renforcement du rôle international de l’euro ne soit pas uniquement une question de dimension et d’ouverture de l’économie mais qu’il s’agisse en premier lieu de sa capacité limitée à assurer la stabilité en période de crise financière mondiale.

3.5.

D’autres facteurs freinent encore l’utilisation de l’euro à l’échelle internationale, notamment:

i)

le rôle historiquement dominant du dollar en tant que monnaie de réserve internationale mondiale;

ii)

les coûts moins élevés liés à l’utilisation du dollar et sa plus forte liquidité, en particulier dans les opérations sur le marché monétaire; et

iii)

l’intégration actuellement incomplète des marchés financiers européens qui sous-tendent la monnaie unique;

iv)

en outre, le fait que la plupart des systèmes financiers internationaux utilisent des plateformes de négociation, de compensation et de règlement des paiements situées en dehors de la zone euro ou exploitées par des entreprises non européennes n’est pas favorable au renforcement du rôle international de l’euro.

3.6.

Ce renforcement requiert également un environnement économique encore plus stable et plus résilient et un fonctionnement plus harmonieux du système financier. À cette fin, un certain nombre d’initiatives ont été proposées pour promouvoir les performances des économies de la zone euro (11) et mieux absorber les chocs asymétriques susceptibles de s’y produire (12). Toutefois, l’accent doit être mis non seulement sur l’absorption des chocs asymétriques, mais aussi sur une atténuation des divergences de comportement dans la zone euro découlant des structures économiques, sociales et politiques très différentes de ses États membres. Ces divergences, notamment en matière de politique budgétaire, d’évolution des salaires, de productivité et de gouvernance, menacent les perspectives futures de l’euro. Sans un certain degré d’union budgétaire, l’architecture de la monnaie commune reste incomplète et laisse la zone euro vulnérable aux futures crises financières et économiques.

3.7.

La poursuite de l’internationalisation de l’euro pourrait entraîner un risque plus élevé qui pourrait conduire à une appréciation monétaire temporaire indésirable, en particulier en période de crise mondiale, ce qui se traduirait par une baisse de la compétitivité des producteurs de la zone euro et nuirait à la performance de cette dernière en matière d’exportations. Une utilisation accrue de l’euro à l’échelle internationale pourrait également entraîner certains coûts, mais ceux-ci seraient compensés par d’autres avantages, tels qu’une plus grande autonomie en matière de politique monétaire et une plus grande transmission internationale de la politique monétaire.

3.8.

L’essor de l’euro en tant monnaie internationale a été favorisé, dans une certaine mesure, par la zone euro elle-même, les investisseurs de cette zone étant des acheteurs importants d’obligations libellées en euros émises par des non-résidents de la zone euro. Toutefois, ce rôle se caractérise par une forte concentration régionale, étant donné que c’est dans les pays situés à proximité immédiate de la zone euro qu’il est le plus présent. Il a été largement démontré, notamment, que la Cité de Londres joue un rôle clé sur le marché des obligations libellées en euros émises par des non-résidents de la zone euro, que ce soit du côté de l’offre, de la demande ou en tant qu’intermédiaire. Dans ce contexte, le Brexit pourrait avoir une certaine incidence sur ce marché.

3.9.

Dans une perspective plus large, le rôle international de l’euro serait renforcé si l’Union européenne devait poursuivre une politique étrangère plus unifiée et insistait pour l’adoption, dans la continuité, d’une approche multilatérale des échanges commerciaux. La monnaie de l’Union européenne ne peut prétendre à un statut international élevé que si l’Union européenne agit de manière unifiée et si ses actions sont soutenues collectivement par l’ensemble de ses forces diplomatiques et économiques. Cela devrait s’appliquer à des secteurs tels que l’énergie, les transports, l’industrie et d’autres, dans lesquels les intérêts de l’Union européenne et de la zone euro dans son ensemble devraient prévaloir. Il est également essentiel que l’Union européenne parle d’une seule voix s’agissant des évolutions géopolitiques, comme l’influence de la Chine dans le commerce international, qui va croissant à la faveur de son initiative «Une ceinture, une route», un programme économique et diplomatique susceptible de transformer et de dominer le commerce en Asie et au-delà. Les implications de ce programme économique et diplomatique doivent être évaluées de manière approfondie par l’Union européenne car il est susceptible d’accroître le poids économique de la Chine dans le monde. L’Union européenne et la zone euro, plus particulièrement, ne peuvent pas se permettre de rester inactives face au déroulement de ce programme.

4.   Observations particulières

4.1.

Compte tenu des avantages liés à l’euro qui sont mentionnés au paragraphe 3.2, il peut paraître surprenant que tous les États membres n’aient pas encore rejoint la zone euro. Les raisons de cette non-participation peuvent varier et peuvent inclure le degré de préparation des États membres en question et le degré de respect des critères économiques nécessaires à l’adhésion à l’euro, ainsi que, dans certains cas, les obstacles juridiques qui subsistent et empêchent de remplir ces critères. Dans l’ensemble, cette non-participation est le reflet des disparités persistantes au sein de l’Union européenne en matière de cohésion sociale et de convergence économique. Il convient de remédier à ces disparités si l’on veut que l’élargissement de la zone euro conduise à une plus grande stabilité économique en son sein et qu’elle soit plus résistante aux chocs économiques externes. Cela se traduirait par une consolidation de la position de l’Union européenne en tant que puissance mondiale et un renforcement plus marqué du rôle international de l’euro.

4.2.

L’interaction entre la politique budgétaire et la politique monétaire dans la zone euro est cruciale pour l’avenir de l’euro et son rôle international. Cependant, l’existence de conditions macroéconomiques stables dépend du changement d’orientation à la fois budgétaire et monétaire afin de compenser les problèmes de viabilité de la dette souveraine et de renforcer les perspectives de croissance. Là encore, la situation varie au sein de la zone euro en raison de la combinaison insatisfaisante des politiques structurelle, budgétaire et monétaire au lendemain de la crise financière mondiale, qui a conduit à une répartition inégale des charges d’ajustement entre les États membres de la zone euro. Cet état de fait est la traduction du cadre institutionnel existant sur lequel l’euro a été construit, lequel exerce une pression sur les différents États membres et ne fournit pas les instruments nécessaires pour garantir une politique économique et budgétaire coordonnée et efficace dans l’ensemble de la zone euro.

4.3.

Cela explique en partie pourquoi les déséquilibres et les inégalités dans la zone euro l’emportent et pourquoi il est jugé nécessaire d’accélérer la convergence vers le haut. L’on pourrait ainsi améliorer les performances économiques et soutenir la stabilité sociale et politique, qui sont autant d’éléments essentiels pour renforcer le rôle international de l’euro. En l’état actuel des choses, l’ampleur des défis de la politique monétaire dans un espace économique où les conditions économiques et sociales des États membres sont si hétérogènes est considérable.

4.4.

Des mesures doivent également être prises pour résoudre le problème des prêts non performants. Ces prêts représentent une charge considérable pour le financement de l’économie de l’Union européenne car ils faussent l’attribution des crédits, réduisent la confiance des marchés et, en fin de compte, ralentissent la croissance économique. Il faut reconnaître qu’il subsiste des risques importants dans les secteurs bancaires nationaux de la zone euro qui entravent la mise en place d’un système commun de garantie des dépôts. Il est clair que la réduction de ces prêts et la recapitalisation des banques représentent un coût pour les gouvernements comme pour le secteur privé. Comme dans son avis précédent (13), le CESE plaide en faveur de l’octroi responsable de prêts par les établissements de crédit et souligne la nécessité pour les autorités nationales et les institutions européennes d’unir leurs forces et de progresser plus avant dans la mise en place d’un cadre européen complet et fiable pour le traitement des prêts non performants.

4.5.

L’achèvement de l’union bancaire et la poursuite de l’intégration de l’union des marchés des capitaux sont également considérés comme essentiels pour la stabilité macroéconomique. L’union bancaire est cruciale pour tirer parti des avantages des activités bancaires transfrontières au sein de l’union monétaire mais bien que des progrès significatifs aient été réalisés, elle n’est toujours pas parachevée. La zone euro doit également continuer à progresser en ce qui concerne d’autres initiatives importantes pour que l’on puisse mettre en œuvre une union financière plus complète. L’union des marchés des capitaux contribuera à favoriser l’intégration financière transfrontière, et les banques et les marchés de capitaux peuvent se compléter pour financer l’économie de la zone euro.

4.6.

En conjuguant union bancaire et union des marchés des capitaux, il est possible de faire passer le marché unique des services financiers au stade suivant pour deux raisons principales: i) la présence de marchés financiers plus sains, plus profonds et plus intégrés permettrait aux entreprises d’accéder au crédit à des conditions plus favorables, ce qui leur permettrait de réaliser des investissements rentables, et ii) l’intégration des marchés financiers améliorerait l’environnement de financement, en particulier pour les PME, qui sont souvent considérées comme l’épine dorsale de l’économie européenne pour ce qui est de la création d’emplois, de l’innovation et de la croissance économique. Dans un marché financier intégré, les banques pourraient plus aisément tirer parti d’économies d’échelle en proposant des produits et des services similaires, voire identiques, dans plusieurs États membres. De plus, elles augmenteraient probablement leurs réserves d’actifs transfrontières et seraient en mesure de constituer des paniers de garanties plus vastes et plus diversifiés pour les produits titrisés et les obligations sécurisées.

4.7.

Le bon fonctionnement et l’intégration du marché des capitaux étant considérés comme très importants pour le bon fonctionnement de la zone monétaire, remédier aux faiblesses des marchés de capitaux européens devrait être une priorité, en particulier dans la perspective d’un Brexit sans accord. Il convient néanmoins de garder à l’esprit que le projet d’union des marchés des capitaux intègre un ensemble d’approches très diverses, dont certaines n’ont peut-être pas abouti au résultat initialement escompté. Par exemple, les produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle et l’initiative concernant le marché de la titrisation, même si, en ce qui concerne les retraites, le CESE reconnaît le rôle que jouent les pensions de retraite de l’État pour les personnes qui n’ont pas les moyens d’accéder aux pensions privées. En effet, le succès de l’union des marchés des capitaux a été plutôt mitigé jusqu’à présent. Toutefois, ces initiatives pourraient contribuer, lentement mais sûrement, au renforcement du rôle international de l’euro.

4.8.

En outre, au lendemain de la crise financière, il est important de comprendre que le renforcement du rôle international de l’euro dépend de la stabilité financière de la zone euro. L’émission d’effets, de bons et d’obligations européens communs, en tant qu’actifs sûrs, semblables à ceux émis par le département du Trésor des États-Unis, assortie d’une structure de gouvernance appropriée (comprenant un cadre de politique budgétaire solide et fiable), favoriserait une plus grande stabilité en fournissant des instruments de dette sûrs et liquides propres à financer des augmentations imprévues des dépenses publiques.

4.9.

L’émission d’obligations communes de la zone euro, notamment, devrait également aller de pair avec un cadre de surveillance amélioré. Il est nécessaire de prendre en considération l’élément de risque de ces produits, éventuellement par la mutualisation des risques et des garanties, en particulier dans le contexte d’une union des marchés de capitaux fortement intégrée.

4.10.

Accroître le rôle international de l’euro, en particulier pour concurrencer le dollar des États-Unis en tant que monnaie de réserve, ne devrait pas être considéré comme une voie à sens unique pour obtenir un avantage concurrentiel. Cela pourrait également faire peser une pression mondiale sur l’économie interne à la zone euro en fonction de l’évolution de la situation économique dans les nations concurrentes. Toutefois, réagir efficacement et parler d’une seule voix permettrait d’accroître la cohésion sociale et la convergence économique dans l’ensemble de la zone euro. Les initiatives européennes visant à encourager la coopération en matière de défense et d’affaires internationales sont également susceptibles de renforcer le rôle géopolitique de l’Union européenne et de promouvoir la portée mondiale de l’euro.

4.11.

La BCE peut faciliter quelque peu la progression sur la voie difficile du renforcement du rôle international de l’euro, tout d’abord et avant tout en remplissant son mandat de maintien de la stabilité des prix dans la zone euro. En outre, le soutien de la BCE aux politiques macroéconomiques et à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et de l’union des marchés des capitaux donne un nouvel élan au renforcement du rôle international de l’euro.

Bruxelles, le 19 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 796 final.

(2)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 28.

(3)  JO C 197 du 8.6.2018, p. 1.

(4)  http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/03/25/rome-declaration/

(5)  https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/soteu2018-speech_fr.pdf

(6)  https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/reflection-paper-emu_fr.pdf

(7)  COM(2018) 767 final.

(8)  http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC96913/lbna27754enn.pdf

(9)  C(2018) 8111 final.

(10)  COM(2018) 767 final.

(11)  https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2018:0814:FIN:FR:PDF

(12)  COM(2018) 387 final.

(13)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 43.


20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/32


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres»

[COM(2019) 151 final]

(2019/C 282/06)

Rapporteure: Ana BONTEA

Consultation

Conseil, 12.3.2019

Base juridique

Article 148, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

5.6.2019

Adoption en session plénière

20.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/3/10

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE réitère ses conclusions antérieures sur les lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres afin qu’elles soient mises à profit (1).

1.2.

Le CESE se félicite des actions européennes et nationales, qui ont conduit à des progrès dans le domaine de l’emploi, et recommande de les maintenir et de les développer afin de garantir la promotion de la viabilité économique et de la durabilité sociale, une main-d’œuvre qualifiée, formée et donc mieux préparée aux évolutions, notamment technologiques, des marchés du travail réactifs aux changements économiques, la réalisation des objectifs de plein emploi et de progrès social, la réduction des disparités, la promotion de l’égalité des chances pour tous, de l’inclusion sociale et de la lutte contre la pauvreté, afin de supprimer les disparités régionales en termes de conditions de vie et de travail et de garantir une meilleure efficacité du marché du travail et du dialogue social.

1.3.

Le CESE réaffirme qu’il est nécessaire, lors de l’élaboration des politiques de réglementation du marché du travail et des droits sociaux, de combiner harmonieusement les dimensions interconnectées de compétitivité, productivité et durabilité sociale/droits des travailleurs. Toutes les politiques mises en œuvre par les institutions européennes, nationales et locales devraient prévoir un équilibre adéquat entre durabilité économique, sociale et environnementale.

1.4.

Il convient de mener des politiques et des réformes structurelles qui facilitent la création d’emplois de qualité, la promotion d’un entrepreneuriat responsable, le développement des PME et des entreprises sociales.

1.5.

Le CESE souligne l’importance de garantir une éducation technique, professionnelle et supérieure inclusive, équitable et de qualité, y compris l’enseignement supérieur, un niveau élevé de compétences et de connaissances pertinentes favorisant l’emploi, des emplois décents et l’esprit d’entreprise, ainsi que de promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous.

1.6.

Le bon fonctionnement du dialogue social est essentiel pour améliorer la conception et la mise en œuvre des réformes, mais aussi leur suivi (2).

1.7.

Le CESE maintient ses recommandations en faveur de la poursuite des efforts visant à éliminer les disparités, la convergence vers le haut étant un principe transversal qui doit être pris en compte et intégré dans toutes les politiques de l’Union.

1.8.

Le CESE réitère ses conclusions et recommandations relatives au socle européen des droits sociaux (3).

2.   Observations générales

2.1.

La proposition de décision du Conseil prévoit le maintien en 2019 des quatre lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres figurant à l’annexe de la décision no 2018/1215/UE (4).

2.2.

Dans ses précédents avis (5), le CESE a formulé des conclusions et recommandations sur les lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres, qu’il souhaite réitérer dans le cadre du présent avis afin qu’elles soient mises à profit.

2.3.

Le CESE se félicite des actions européennes et nationales, qui ont permis de progresser (6), et recommande de les poursuivre et de les développer en veillant à l’amélioration continue de la qualité de l’emploi et à la réduction des inégalités (car il subsiste des différences entre États membres, régions et groupes de personnes sur le marché du travail, et la croissance ne profite pas dans la même mesure à tous les pays, régions et citoyens, certains États étant toujours confrontés à des taux de chômage élevés, à des revenus réels des ménages inférieurs aux niveaux d’avant la crise et à des taux de pauvreté élevés).

2.4.

D’ici 2020, les États membres et l’Union, en concertation avec les partenaires sociaux, doivent s’attacher à élaborer une nouvelle stratégie coordonnée pour l’emploi qui garantisse en particulier la promotion de la viabilité économique et de la durabilité sociale, une main-d’œuvre compétente, qualifiée et donc mieux préparée aux évolutions, notamment technologiques, des marchés du travail réactifs aux changements économiques, la réalisation des objectifs de plein emploi et de progrès social, la réduction des disparités, ainsi que le renforcement du fonctionnement du marché du travail et de l’efficacité du dialogue social.

3.   Observations particulières

3.1.   Stimuler la demande de main-d’œuvre et les investissements

3.1.1.

«Ainsi qu’il est signalé dans les rapports par pays de 2019, tous les États membres connaissent des barrières aux investissements dans différents domaines d’action». «Parmi ces carences figurent la charge réglementaire et administrative, le manque de prévisibilité des cadres réglementaires, l’efficacité des systèmes judiciaires et les dysfonctionnements de l’administration publique» (7) (les réformes et les investissements requièrent des capacités administratives et techniques suffisantes pour permettre aux États membres d’atteindre les résultats escomptés), la lourdeur et la longueur des procédures d’approbation, sans parler du déficit de compétences dû à la défaillance des systèmes d’éducation et de formation. Les pénuries de compétences sont mentionnées dans plusieurs rapports par pays comme un facteur qui entrave ou retarde les investissements. En dépit des efforts consentis et des progrès accomplis récemment (8) en ce qui concerne certaines lacunes du système financier, il convient également de mentionner les difficultés persistantes auxquelles sont confrontées les entreprises, en particulier les PME, pour accéder au financement de l’investissement (9). Toutes ces vulnérabilités, qui ont des incidences transfrontalières importantes, nécessitent une action appropriée aux niveaux européen et national pour que l’Union et ses États membres retrouvent leurs niveaux d’investissement pré-crise, et que les objectifs fixés par la stratégie UE 2020 en matière de R&D des entreprises, et de formation de leur personnel, soient atteints.

3.1.2.

Il convient d’adopter des politiques d’investissement plus ciblées, combinées à une série de réformes structurelles bien conçues, destinées à faciliter la création d’emplois de qualité, la promotion de l’entrepreneuriat responsable et du véritable travail indépendant, ainsi que le soutien à la création et à la croissance des PME et des entreprises sociales.

3.1.3.

Il convient d’adopter une politique européenne horizontale inclusive, cohérente et favorable aux PME et de passer du principe de «Priorité aux PME» (Think Small First) à l’approche «Agir pour les PME d’abord» (Act small first). Le CESE réitère les recommandations (10) qu’il a formulées antérieurement, y compris la création d’un indicateur permettant de mesurer les conditions favorisant l’entrepreneuriat.

3.1.4.

Compte tenu des tendances démographiques, la croissance de la productivité est fondamentale pour assurer une future croissance économique durable dans tous les États membres. Le principal défi pour les décideurs politiques et les partenaires sociaux consiste à stimuler la croissance de la productivité en Europe (11) en procédant à des investissements plus ciblés dans le capital physique et humain et l’exploitation des progrès technologiques dans les secteurs industriel et des services, et ce, en renforçant les investissements productifs dans l’innovation, la recherche et le développement, dans les projets propres à garantir la croissance, ainsi que dans les infrastructures physiques et sociales telles que les réseaux de TIC et les structures de soins. Des efforts accrus sont nécessaires pour investir dans la création d’emplois de qualité et pour lutter contre le travail précaire, car celui-ci constitue également un frein à la productivité.

3.2.   Améliorer l’accès à l’emploi, aux qualifications et aux compétences (12)

3.2.1.

Un des principaux motifs de préoccupation en 2019 est la confirmation d’une inadéquation entre les compétences structurelles et les exigences du marché du travail, les entreprises de l’Union européenne ayant de plus en plus de difficultés à recruter des travailleurs. Cela s’explique par l’insuffisance de compétences pertinentes au sein de l’Union européenne, facteur qui ne fait qu’accroître la pression sur les capacités de production. La pénurie de compétences ne concerne pas seulement les pays dont le taux d’emploi est élevé mais également ceux présentant un taux de chômage important, et elle est particulièrement criante dans certains secteurs, à savoir la construction, les services TIC, l’ingénierie et les services financiers (13). Il convient d’adopter des mesures plus fortes pour remédier à cette situation, en réformant prioritairement les systèmes d’éducation et de formation dans la plupart des pays et en promouvant une approche fondée sur les résultats obtenus dans l’enseignement supérieur.

3.2.2.

Les priorités sont les suivantes: garantir l’équité et l’égalité des chances, l’égalité d’accès à une éducation de qualité et à un niveau élevé de compétences et de connaissances, ainsi qu’à la répartition équitable des acquis d’apprentissage.

3.2.3.

Les établissements d’enseignement et les enseignants devraient bénéficier du soutien, de l’espace et des outils nécessaires pour intégrer les valeurs de démocratie, de citoyenneté active, d’esprit critique, de tolérance et de paix, dans le contexte des difficultés d’intégration des migrants et des réfugiés, de l’extrémisme de droite et du nationalisme populiste.

3.2.4.

Le bon fonctionnement de l’enseignement et de la formation professionnels fondés sur l’alternance contribue à la hausse de l’emploi des jeunes.

3.2.5.

En vue de parvenir à une habileté numérique complète de l’ensemble des enseignants et élèves, ainsi que des citoyens, y compris ceux qui se trouvent dans les zones marginalisées, il est nécessaire de mobiliser des fonds publics adéquats, des équipements de pointe et l’engagement de personnel technique compétent.

3.2.6.

Lutter contre cette pénurie de compétences constitue une tâche pluridimensionnelle pour laquelle des efforts considérables doivent être consentis. Il convient d’encourager, à tous les niveaux, la créativité, l’esprit d’entreprise et la mobilité dans le domaine de l’éducation et de la formation, ainsi que l’apprentissage tout au long de la vie et le renforcement des liens entre les entreprises et les prestataires de services éducatifs. Les partenaires sociaux ont également un rôle important à jouer à cet égard.

3.2.7.

Outre l’accès à une éducation et à une formation professionnelle de qualité, les personnes handicapées et les autres groupes défavorisés doivent bénéficier d’un soutien et de mesures spécifiques visant à améliorer leur accès au marché du travail.

3.3.   Renforcer l’efficacité du dialogue social au niveau national et européen (14)

3.3.1.

Un dialogue social qui fonctionne bien est essentiel pour atteindre les objectifs précités de convergence sociale ascendante, d’accès à l’emploi de qualité, aux qualifications et aux compétences, et pour améliorer la conception et la mise en œuvre des réformes qui découlent de ces objectifs, en vue d’accroître le sentiment d’appropriation.

3.3.2.

La participation significative et en temps utile des partenaires sociaux est nécessaire tout au long du processus du semestre européen afin d’améliorer l’engagement dans les politiques, ce qui facilitera la réussite de leur mise en œuvre en conciliant les intérêts des travailleurs et ceux des employeurs. La collaboration entre partenaires sociaux peut être un moteur de la réussite, de la durabilité et de l’inclusivité des politiques économiques, de l’emploi et de l’inclusion sociale.

3.3.3.

Les partenaires sociaux sont à même de parvenir à des solutions innovantes pour faire face à la transformation de la société et du marché du travail, à l’évolution démographique, à la numérisation et aux effets de la mondialisation. Le cadre législatif tant national qu’européen devrait garantir l’existence d’un espace réservé à l’innovation au niveau des entreprises, des secteurs et des États membres, afin de stimuler le développement des partenaires sociaux. Le Fonds social européen (FSE) a un rôle important à jouer pour soutenir le renforcement des capacités des partenaires sociaux, comme l’atteste la déclaration quadripartite intitulée «Nouveau départ pour le dialogue social» (2016), et le CESE encourage la Commission et les États membres à veiller à ce que les recommandations des partenaires sociaux soient mises en œuvre (15).

3.3.4.

La participation des partenaires sociaux au semestre européen nécessite également un soutien supplémentaire au renforcement des capacités, afin de pouvoir contribuer aux différentes phases du processus, y compris la mise en œuvre des réformes. De même, le renforcement des capacités des partenaires sociaux est important dans certains pays afin de réaliser la transposition des résultats du dialogue social européen.

3.3.5.

Comme le soulignent les rapports par pays de 2019, l’évolution positive dans certains États membres contraste avec les retours en arrière enregistrés dans d’autres. Dans certains États membres, la participation des partenaires sociaux au niveau national est, de fait, réduite. La consultation des partenaires sociaux devrait être obligatoire.

3.3.6.

Le dialogue social devrait jouer un rôle plus important dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des réformes. Il convient que les accords entre partenaires sociaux qui identifient les défis urgents et les facteurs politiques en vue de l’amélioration des marchés du travail soient pris en considération, au même titre que les rapports par pays et le tableau de bord social.

3.4.   Promouvoir l’égalité des chances pour tous, favoriser l’inclusion sociale et combattre la pauvreté (16)

3.4.1.

Le CESE réaffirme qu’il est nécessaire, lors de l’élaboration des politiques de réglementation du marché du travail et des droits sociaux, de combiner harmonieusement les dimensions interconnectées de compétitivité, productivité et durabilité sociale/droits des travailleurs. Tous les acteurs doivent s’engager afin de promouvoir une croissance inclusive et, dans le même temps, d’instaurer des conditions favorables pour le monde des entreprises, de manière à créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. L’unique façon de bâtir des sociétés plus égalitaires consiste à générer une croissance et des emplois plus inclusifs et plus durables, dans le but d’assurer à la population des conditions de travail décentes, des rémunérations et retraites suffisantes, ainsi que la faculté d’exercer ses droits.

3.4.2.

Malgré l’amélioration de la situation dans toute l’Europe, des divergences subsistent entre les États membres, entre les régions et entre les différents groupes de personnes sur le marché du travail. La croissance ne bénéficie pas à tous les pays, à toutes les régions et à tous les citoyens de la même manière. Certains États membres connaissent encore un chômage élevé, un revenu réel des ménages inférieur aux niveaux d’avant la crise et un taux de pauvreté important. Les disparités régionales restent fortes et s’accroissent dans certains États membres.

3.4.3.

Les recommandations par pays (17) peuvent jouer un rôle essentiel dans l’amélioration de l’efficacité des lignes directrices pour les politiques de l’emploi et du socle européen des droits sociaux, ce qui leur offre une occasion majeure de façonner les politiques nationales conformément aux lignes directrices et aux principes du socle, dans l’optique de parvenir à des résultats communs. Elles devraient avoir pour finalité de réduire ces divergences, ainsi que d’accroître les ressources correspondantes et de les orienter vers la réalisation de cet objectif.

3.4.4.

Dans certains d’entre eux, le taux de chômage n’a pas totalement retrouvé son niveau d’antan et dépasse encore les 10 %. La situation des jeunes reste problématique dans plusieurs pays: un taux élevé de jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formations suscite des craintes quant à leur employabilité actuelle et future (18). Dans d’autres, l’aggravation de la pénurie de main-d’œuvre entrave la poursuite de la croissance.

3.4.5.

Globalement, malgré une hausse des taux d’emploi des femmes, des écarts de taux d’emploi entre hommes et femmes subsistent et conduisent à des écarts de rémunération (19). Les personnes peu qualifiées et les personnes d’origine immigrée, en particulier, éprouvent des difficultés à trouver un emploi (20). Les personnes handicapées restent également défavorisées (21). De plus, de grandes disparités régionales en matière de participation au marché du travail existent dans de nombreux États membres. Les changements démographiques et les évolutions technologiques redessinent les marchés du travail européens. Ces problèmes doivent être résolus par l’adoption de mesures législatives et administratives et la coopération entre les institutions concernées et les partenaires sociaux.

3.5.   Le socle européen des droits sociaux

3.5.1.

Le socle européen des droits sociaux joue un rôle fondamental dans l’amélioration des conditions de travail et de salaire, ainsi que des systèmes de protection sociale en Europe. En outre, il est essentiel à la garantie de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et à l’amélioration des normes sociales et de la convergence entre les États membres de l’Union européenne – notamment la négociation collective et l’accès aux services sociaux. En ce qui concerne le socle européen des droits sociaux, le CESE réitère les conclusions et recommandations qu’il a formulées dans de précédents avis (22).

3.5.2.

Les rapports par pays 2019 accordent une attention particulière aux résultats obtenus par les États membres concernant les différentes dimensions du socle européen des droits sociaux. La mise en œuvre du socle indique la direction à suivre pour parvenir à une croissance inclusive, équitable et durable.

3.5.3.

L’avenir du marché du travail devrait constituer une thématique clé des débats sur le socle des droits sociaux, qui devraient traiter de la transformation majeure qu’il subit, et il convient d’adopter une stratégie européenne cohérente en matière d’emploi qui couvre les thèmes suivants:

l’investissement et l’innovation,

l’emploi et la création d’emplois de qualité,

des conditions de travail équitables pour tous,

des transitions justes et fluides épaulées par des politiques actives du marché de l’emploi,

l’association à la démarche de toutes les parties concernées, en particulier les partenaires sociaux.

3.5.4.

Toutes les parties prenantes doivent travailler de concert pour garantir qu’à l’avenir, le monde du travail soit équitable et inclusif, offre des possibilités d’emploi à tous et favorise le progrès social, une main-d’œuvre qualifiée et motivée, dotée d’un revenu décent et d’un accès à des emplois de qualité.

3.5.5.

Cependant, aucun progrès ne pourra être enregistré sans moyens financiers: la mise en œuvre effective de ce socle dans les États membres ne sera possible que s’ils disposent de suffisamment de ressources financières pour investir dans des politiques sociales, traduisant ainsi les droits et principes en initiatives politiques spécifiques. À cet effet, il convient de faire intervenir de manière substantielle des mécanismes tels que le Fonds social européen et le Fonds européen pour les investissements stratégiques.

3.6.   Fonds européens (23)

3.6.1.

Le CESE accueille favorablement l’intention, formulée dans le projet de règlement FSE+, de renforcer le lien entre le FSE et le processus du semestre européen, en particulier la mise en œuvre des recommandations par pays.

3.6.2.

Pour certains États membres, les fonds de l’Union européenne représentent une proportion déterminante de leurs investissements publics. Un meilleur alignement des fonds de l’Union européenne sur l’analyse et les recommandations du semestre européen devrait améliorer les résultats et renforcer les effets du financement de la politique de cohésion.

3.6.3.

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques et les Fonds structurels et d’investissement européens devraient être conçus pour apporter une contribution essentielle à la création d’emplois et de croissance ainsi qu’à la promotion de la cohésion sociale et territoriale. Le CESE est d’avis qu’une utilisation plus efficace et efficiente de ces fonds est nécessaire et qu’il conviendrait d’accorder la priorité à des investissements à long terme de l’Union européenne dans des infrastructures et des services sociaux de grande qualité, y compris par l’intermédiaire du Fonds européen pour les investissements stratégiques et de la Banque européenne d’investissement, et de les associer à la mise en œuvre du socle.

3.7.   La numérisation

3.7.1.

Dans de nombreux avis, le CESE a analysé le phénomène de la numérisation et son incidence sur l’organisation du travail et sur l’emploi (24).

3.7.2.

La quatrième révolution industrielle entraînera des changements majeurs dus aux évolutions enregistrées dans des domaines tels que la génétique, l’intelligence artificielle, la robotique, les nanotechnologies, l’impression en 3D et la biotechnologie, concernant les modes de consommation, de production et de travail, s’accompagnant de défis majeurs qui nécessitent une adaptation proactive de la part des entreprises, des pouvoirs publics et des citoyens. Parallèlement à la révolution technologique, une série de facteurs socio-économiques, géopolitiques et démographiques liés à ces changements ont des effets accrus, étant donné qu’ils agissent dans de multiples directions et se renforcent mutuellement. Au fur et à mesure que l’ensemble de l’industrie s’adapte, la plupart des métiers connaissent une transformation radicale.

3.7.3.

Tandis que certains emplois risquent de devenir superflus et que d’autres sont en plein essor, les emplois existants requièrent l’acquisition des compétences nécessaires. Des mesures spécifiques sont nécessaires pour remédier aux pénuries de compétences, au chômage de masse et aux inégalités croissantes, nécessitant une reconversion et une amélioration des compétences, une approche proactive en matière d’apprentissage tout au long de la vie, des mesures incitatives et des équipements appropriés, ainsi que des partenariats multisectoriels.

3.7.4.

Une meilleure compréhension de l’évolution de la nature du travail et des relations de travail à l’ère du numérique devrait permettre de renforcer l’efficacité de la politique de l’emploi de l’Union européenne.

3.7.5.

La priorité doit être accordée à la formation tout au long de la vie, à la reconversion et au développement des compétences, de sorte que chacun ait la possibilité de décrocher un emploi dans un environnement de travail mondialisé de haute technologie et d’accéder à des informations et des services, dont certains revêtent un caractère essentiel.

3.7.6.

À l’ère du numérique, il est essentiel de garantir l’accessibilité des réseaux et des parcours d’acquisition de compétences numériques aux personnes qui encourent des risques, et de leur donner la possibilité d’exercer leurs droits et d’accéder aux services sociaux, en particulier ceux qui revêtent un caractère fondamental.

3.7.7.

Les nouvelles inégalités et les risques sociaux liés à la révolution numérique pourraient également trouver en partie leur origine dans le phénomène de l’exclusion numérique, certains segments de la population ne détenant pas les compétences informatiques et les connaissances élémentaires en la matière, qui sont nécessaires pour pouvoir accéder à des informations et des services, dont certains revêtent un caractère essentiel.

Bruxelles, le 20 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 57.

(2)  JO C 159 du 10.5.2019, p. 1, JO C 434 du 15.12.2017, p. 30.

(3)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 1; JO C 81 du 2.3.2018, p. 145; JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(4)  Décision (UE) 2018/1215 du Conseil du 16 juillet 2018 relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres (JO L 224 du 5.9.2018, p. 4):

stimuler la demande d’emplois,

renforcer l’offre de travail et améliorer l’accès à l’emploi, les qualifications et les compétences,

améliorer le fonctionnement des marchés du travail et l’efficacité du dialogue social,

promouvoir l’égalité des chances pour tous, favoriser l’inclusion sociale et combattre la pauvreté.

(5)  JO C 332 du 8.10.2015, p. 68, JO C 237 du 6.7.2018, p. 57.

(6)  Communication COM(2019) 150 final — L’Union européenne jouit de sa septième année consécutive de croissance économique. La reprise économique qui se poursuit a une incidence positive sur les marchés du travail et le progrès social. La situation de l’emploi continue de s’améliorer, le nombre de personnes engagées au cours du quatrième trimestre de 2018 étant de 240 millions, le taux de chômage (6,6 %) est revenu au niveau de 2000. Rien qu’en 2017, plus de cinq millions de personnes sont sorties de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

(7)  Communication COM(2019) 150 final — (Annexe 4); voir également la communication COM (2019) 500 final.

(8)  «Accès au financement pour les PME et entreprises de capitalisation moyenne au cours de la période 2014-2020: opportunités et défis» (rapport d’information); JO C 345 du 13.10.2017, p. 15; JO C 197 du 8.6.2018, p. 1.

(9)  Voir la note 8 de bas de page.

(10)  COM(2019) 150 final.

(11)  Voir la note 10 de bas de page.

(12)  SOC/622 (en cours), JO C 62 du 15.2.2019, p. 136, JO C 228 du 5.7.2019, p. 16, JO C 237 du 6.7.2018, p. 8, JO C 81 du 2.3.2018, p. 167; JO C 13 du 15.1.2016, p. 57; JO C 161 du 6.6.2013, p. 67.

(13)  Voir l’ étude commandée par le CESE sur «Les inadéquations des compétences», 2018.

(14)  JO C 159 du 10.5.2019, p. 1; JO C 434 du 15.12.2017, p. 30.

(15)  Déclaration des partenaires sociaux européens, de la Commission européenne et de la présidence néerlandaise du Conseil de l'Union européenne: «Un nouveau départ pour le dialogue social»,2016.

(16)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 15; JO C 237 du 6.7.2018, p. 1; JO C 440 du 6.12.2018, p. 135; SOC/620 (en cours); JO C 228 du 5.7.2019, p. 7.

(17)  Recommandations par pays.

(18)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 142.

(19)  SOC/610(JO C 240 du 16.7.2019, p. 3); JO C 110 du 22.3.2018, p. 26; JO C 440 du 6.12.2018, p. 37; JO C 262 du 25.7.2018, p. 101; JO C 110 du 22.3.2019, p. 20.

(20)  «Les coûts de la non-immigration (et de la non-intégration)» (rapport d’information); JO C 264 du 20.7.2016, p. 19; JO C 71 du 24.2.2016, p. 46.

(21)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 15; JO C 367 du 10.10.2018, p. 20; SOC/616 (en cours).

(22)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10; JO C 81 du 2.3.2018, p. 145; SOC/614 (en cours).

(23)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 165.

(24)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 8; JO C 129 du 11.4.2018, p. 7; JO C 237 du 6.7.2018, p. 1; JO C 434 du 15.12.2017, p. 36; JO C 434 du 15.12.2017, p. 30; JO C 173 du 31.5.2017, p. 45; JO C 303 du 19.8.2016, p. 54; JO C 13 du 15.1.2016, p. 161; JO C 128 du 18.5.2010, p. 74; SOC/622 (en cours).


ANNEXE

Le paragraphe suivant de l’avis de section a été modifié à la suite de l’adoption par l’assemblée des amendements correspondants, mais il avait obtenu plus d’un quart des votes exprimés (article 59, paragraphe 4, du règlement intérieur):

1.4.

Il convient de mener des politiques et des réformes structurelles qui facilitent la création d’emplois de qualité, la promotion d’un entrepreneuriat responsable, le développement des PME et des entreprises sociales, ainsi que l’abandon du principe de «Priorité aux PME» (Think Small First) pour privilégier l’approche «Agir pour les PME d’abord» (Act small first).

Résultat du vote:

Pour

:

117

Contre

:

86

Abstentions

:

15


20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/39


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil — Poursuivre le renforcement de l’état de droit au sein de l’Union — État des lieux et prochaines étapes envisageables»

[COM(2019) 163 final]

(2019/C 282/07)

Rapporteurs:

Jukka AHTELA

Karolina DRESZER-SMALEC

José Antonio MORENO DÍAZ

Consultation

Commission européenne, 10.5.2019

Base juridique

Article 62 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

5.6.2019

Adoption en session plénière

19.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

190/11/12

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission et les efforts que celle-ci déploie pour utiliser d’autres instruments afin de renforcer l’état de droit. Il importe de renforcer autant que possible le volet «état de droit»de ces instruments, étant donné que nombre d’entre eux ont plusieurs finalités différentes, et d’associer autant que faire se peut la société civile à leur mise en œuvre.

1.2.

Le CESE estime que la communication aurait dû aborder les questions liées à la société civile, aux médias et à la politique de manière plus approfondie afin de comprendre le contexte, en accordant une place plus importante aux acteurs directement concernés.

1.3.

Le CESE estime que le délai de réflexion accordé aurait dû être plus long afin de permettre une consultation et une participation plus approfondies de la société civile dans les différents États membres, et qu’à plus long terme, la Commission devrait proposer un mécanisme plus systématique de consultation des organisations de la société civile (OSC) concernant la situation des droits fondamentaux et le respect de l’état de droit dans les États membres.

1.4.

Il est nécessaire de développer des moyens de protéger les OSC qui exercent des fonctions de veille, les journalistes d’investigation ainsi que les médias indépendants, et les propositions relatives à leur protection et à leur rôle actif en matière d’alerte précoce doivent figurer en bonne place dans les propositions que la Commission présentera à la fin de la période de réflexion.

1.5.

Tout en se félicitant que l’accès des OSC aux financements soit renforcé dans le nouveau cadre financier pluriannuel, le CESE estime insuffisant le montant qui est affecté à l’état de droit et aux droits fondamentaux dans la proposition de la Commission, de même que celui destiné aux OSC (1). En outre, l’UE devrait envisager des moyens de garantir, dans tous les États membres, un financement de base plus important pour les OSC qui exercent des activités de veille, de sensibilisation, de plaidoyer et de contentieux en ce qui concerne les droits fondamentaux et l’état de droit.

1.6.

Le CESE confirme qu’il est favorable à la création, au niveau de l’UE, d’un mécanisme de contrôle du respect de l’état de droit et des droits fondamentaux. Il juge essentiel d’établir un mécanisme européen juridiquement contraignant, un cadre associant étroitement la Commission, le Parlement et le Conseil, au sein duquel le Comité jouerait un rôle important en tant que représentant de la société civile. Ce mécanisme devrait comprendre un volet préventif permettant aux experts et aux représentants de la société civile de déclencher une alerte précoce en cas d’évolution particulière d’une situation et d’examiner des propositions pour y remédier, en tenant compte de toutes les parties prenantes concernées. Un tel mécanisme permettrait également de contribuer à la répartition des charges entre les institutions et d’accroître l’appropriation commune des actions de l’UE.

1.7.

En outre, le CESE propose de reconnaître et de renforcer les plateformes existantes de la société civile et d’établir à l’échelon européen un forum annuel sur les droits fondamentaux et l’état de droit, auquel il participerait, en premier lieu pour que les décideurs de l’UE puissent être alertés de manière précoce directement par les parties prenantes, notamment les organisations de terrain, des atteintes à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (TUE) dès que celles-ci se profilent, et en second lieu, pour faciliter l’apprentissage mutuel et la collaboration nationale et transnationale entre tous les acteurs concernés (entreprises, syndicats, organisations de la société civile, instances nationales de défense des droits de l’homme et pouvoirs publics).

1.8.

Le CESE est convaincu que, dans les circonstances actuelles, il est nécessaire de faire entendre les multiples voix provenant des plateformes et organisations de terrain existantes. Le CESE est un organe unique en son genre, qui offre la possibilité d’un véritable dialogue entre tous les acteurs de la société civile, y compris les partenaires sociaux, de l’ensemble des États membres. Cette particularité lui confère une valeur ajoutée pour contribuer à la diversité et au dynamisme de la société civile. Un tel forum pourrait permettre aux OSC de déclencher une alerte précoce.

1.9.

Comme l’a montré la jurisprudence récente, les menaces contre l’état de droit risquent de saper la confiance mutuelle sur laquelle repose l’Union européenne. Les juridictions nationales indépendantes sont le rempart garantissant le bon fonctionnement de l’UE, et notamment de son marché intérieur.

1.10.

Il convient également de prendre en considération les aspects économiques de l’état de droit. La confiance mutuelle est une valeur difficile à appréhender en termes purement économiques, mais il est clair que le manque de confiance lié à l’existence d’une influence politique sur le système judiciaire ou de la corruption a des conséquences économiques négatives. Il s’agit d’un sujet qui mérite une plus grande attention et pour lequel il serait nécessaire d’avoir davantage de données et de recherches au niveau de l’UE.

1.11.

L’éducation, à la fois formelle et non formelle, a un rôle essentiel à jouer dans la mise en place de la culture de la démocratie et de l’état de droit. La démocratie et l’état de droit devraient être ancrés dans le cœur et l’esprit de chaque citoyen européen; le CESE invite la Commission européenne à proposer une stratégie ambitieuse de communication, d’éducation et de sensibilisation des citoyens aux droits fondamentaux, à l’état de droit et à la démocratie.

2.   Introduction et vue d’ensemble de la communication

2.1.

La situation en matière de respect des droits fondamentaux et de l’état de droit est très préoccupante dans l’ensemble de l’UE, d’autant plus qu’elle a, dans quelques cas, donné lieu au déclenchement de l’article 7 du TUE. C’est la raison pour laquelle la communication de la Commission à l’examen lance une réflexion sur la manière dont la situation de l’état de droit dans l’UE pourrait être améliorée.

2.2.

La communication rappelle l’importance de l’état de droit en tant que valeur fondatrice de l’Union européenne, qui constitue la base du système démocratique ainsi qu’une condition préalable à la protection des droits fondamentaux. L’état de droit est une notion qui recouvre, entre autres, le principe de légalité, lequel suppose l’existence d’une procédure d’adoption des textes de loi transparente, responsable, démocratique et pluraliste, et les principes de sécurité juridique, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, de protection juridictionnelle effective assurée par des juridictions indépendantes, y compris celle des droits fondamentaux, de la séparation des pouvoirs et d’égalité devant la loi.

2.3.

La Commission définit trois piliers pour une application effective de l’état de droit dans l’Union, à savoir «Promotion: renforcer les connaissances et promouvoir une culture commune de l’état de droit»; «Prévention: coopération et soutien pour renforcer l’état de droit au niveau national»; et «Réponse: mise en application au niveau de l’Union en cas de défaillance des mécanismes nationaux». Plus précisément, elle insiste sur la nécessité de promouvoir les principes de l’état de droit, de reconnaître les signes d’alerte, d’approfondir les connaissances relatives aux États membres, d’améliorer la capacité de l’UE à réagir aux problèmes liés à l’état de droit, et de remédier aux lacunes à long terme au moyen de réformes structurelles.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE, conscient de l’importance des problèmes récemment apparus dans l’UE au regard de l’état de droit, se félicite qu’il soit procédé à une consultation. Le nombre de ces menaces s’est accru ces dernières années, ce qui laisse présager le risque d’une éventuelle crise généralisée de l’état de droit et de la démocratie, en particulier dans certains États membres. Il convient de reconnaître pleinement cette crise et de mettre en place une réponse appropriée. Cela suppose de réaffirmer courageusement les valeurs de l’UE et de se doter d’instruments solides pour prévenir et corriger toute nouvelle détérioration de l’état de droit.

3.2.

Le CESE, qui avait déjà exprimé sa profonde préoccupation à l’égard de la situation des droits fondamentaux et du respect de l’état de droit, appelle depuis 2016 à un renforcement des actions en la matière (2).

3.3.

Il est important de rappeler que l’Union européenne n’est pas seulement un marché commun, c’est aussi une communauté fondée sur des valeurs communes, comme l’indique l’article 2 du traité. Elle reconnaît en outre les droits, les libertés et les principes énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ces valeurs sur lesquelles s’appuie l’Union européenne constituent le fondement de l’intégration et font partie de l’identité européenne. Elles constituent non seulement des critères d’adhésion, mais doivent par la suite être respectées par les États membres dans la pratique.

3.4.

L’état de droit se manifeste concrètement dans le cadre de la relation triangulaire d’interdépendance et d’indissociabilité qu’il entretient avec les droits fondamentaux et la démocratie. Seule la garantie de ces trois valeurs, prises conjointement les unes avec les autres, permet de prévenir les abus de pouvoir de l’État. La protection des droits fondamentaux est un pilier qui devrait être développé davantage, grâce à la ratification de tous les instruments pertinents (y compris les conventions des Nations unies et la convention européenne des droits de l’homme), à une coopération plus solide entre les institutions de l’UE et au renforcement du soutien apporté aux organisations de terrain et de veille, dans toute l’Europe.

3.5.

Le CESE déplore que les traités sur l’UE ne prévoient pas de manière explicite l’obligation pour tous les États membres de satisfaire aux critères de Copenhague (3). Ces critères devraient être respectés de manière égale et constante tant par les nouveaux États membres de l’UE que ceux qui lui appartiennent de longue date. Il relève que les institutions de l’UE ne disposent pas d’instruments suffisamment robustes et bien adaptés qui soient à même de protéger contre les menaces qui pèsent à l’heure actuelle sur l’état de droit, les droits fondamentaux et la démocratie pluraliste dans les États membres.

3.6.

Les problèmes actuels ne sont résolus ni en temps utile ni avec efficacité, tant au niveau national qu’au niveau de l’UE: les instruments existants ont eu une incidence limitée sur les facteurs à l’origine de ces problèmes.

3.7.

Les plus graves se posent dans certains États membres où de puissants acteurs politiques s’en sont pris à l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi qu’aux institutions et organisations qui composent et soutiennent le système démocratique pluraliste. La communication ne tient pas suffisamment compte de cet aspect essentiel et préfère recourir à une perspective dans laquelle les institutions – parlements, gouvernements et ministères, cours constitutionnelles, organismes professionnels – sont traitées indépendamment de la notion de concurrence politique et électorale. Cette approche «non interventionniste»en matière de partis politiques et d’élections empêche toute explication des raisons pour lesquelles des acteurs puissants agissent contre l’état de droit et la démocratie, et semblent en même temps populaires et impossibles à arrêter. Les aspects politiques, culturels et sociologiques des problèmes de l’état de droit qui touchent les démocraties sont un domaine essentiel que l’UE a jusqu’à présent ignoré dans les analyses et les réponses qu’elle a tenté d’apporter. Ce fait explique en partie les limites de l’approche et des instruments utilisés actuellement, y compris la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 1, du TUE. Par le lien qu’il entretient avec la société civile dans son ensemble, et notamment les partenaires sociaux, le CESE est particulièrement bien placé pour offrir un espace permettant une analyse, un débat et une réaction de meilleure qualité à ces aspects politiques, sociologiques et culturels des défis posés à la démocratie et à l’état de droit.

3.8.

Ces dernières années, la Commission a entrepris de mettre en place des mécanismes complémentaires et cumulatifs pour combler ce vide entre l’absence d’action et l’action de dernier recours. Cependant, ils semblent insuffisants pour relever les défis actuels, à savoir les actions concertées menées pour accaparer le pouvoir dans toutes les institutions, y compris dans le système judiciaire, et qui bénéficient d’un fort soutien au sein des organisations de partis et de leurs clientèles, si ce n’est pas dans les circonscriptions électorales. Même les démocraties les mieux ancrées ne sont pas à l’abri d’un autoritarisme rampant et d’une érosion de l’état de droit. Les préoccupations sécuritaires sont de plus en plus instrumentalisées pour justifier la remise en question des garanties démocratiques, voire leur suspension. Certains gouvernements rendent plus difficile le travail de diverses OSC de première ligne, au lieu de proposer un espace propice à leurs activités. Il est donc essentiel que l’UE adopte une approche plus proactive et préventive.

3.9.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel les récentes évolutions populistes et autocratiques nécessitent une action de tous les organes de l’Union et de la société civile de l’UE dans son intégralité afin de garantir la préservation des valeurs sur lesquelles l’UE est fondée. Le CESE est fermement opposé à toute forme de démocratie illibérale.

3.10.

Aussi le CESE estime-t-il également que la période de réflexion aurait dû être plus longue pour permettre une consultation et une participation plus approfondies des OSC dans les États membres.

3.11.

De nombreuses OSC ont informé le CESE que la brièveté des périodes de consultation est souvent un problème, que l’on peut interpréter comme un manque de transparence et de concertation concrète, ce qui nuit à la qualité de la législation et à l’état de droit dans les États membres. Dans cette perspective, le CESE estime que la Commission aurait dû permettre une consultation plus approfondie de la société civile, laquelle est directement concernée.

3.12.

Les organisations de la société civile, les défenseurs des droits de l’homme, les lanceurs d’alerte et les journalistes sont en première ligne lorsque l’état de droit se détériore, et ils se retrouvent dans une situation très difficile en cas de violation du droit dans un État membre donné. Ce sont eux qui surveillent la situation et signalent les violations, et c’est au niveau local qu’ils sont à même d’envoyer des signaux d’alerte précoces. Par conséquent, le CESE estime que leur rôle est primordial, de même que celui des médias et du journalisme d’investigation. Aussi est-il nécessaire, pour espérer toute avancée viable, de développer des moyens de protéger les OSC et les médias. Il conviendra que les propositions relatives à leur rôle occupent une place importante dans les propositions que la Commission présentera après le délai de réflexion.

3.13.

En particulier, le futur cadre financier pluriannuel devrait accroître le soutien aux organisations de la société civile, en particulier celles qui œuvrent pour défendre les valeurs de l’article 2. Il convient de fournir un financement de base aux OSC à tous les niveaux – local, national, européen – afin de renforcer leurs capacités et de soutenir leurs activités en matière de sensibilisation, de suivi et de documentation, de plaidoyer et de contentieux. Afin de renforcer le soutien de l’UE au rôle des organisations de la société civile en Europe, le futur cadre financier pluriannuel devra veiller à ce que tous les fonds de l’UE concernés, en particulier dans les domaines social et économique et la politique de cohésion, prévoient un rôle important pour la société civile dans la conception, la mise en œuvre et le suivi de ces politiques. L’UE devrait également accroître son soutien financier à l’indépendance et à la pluralité des médias en Europe et intégrer ces préoccupations dans toutes les politiques pertinentes de l’UE, y compris celles de la concurrence. Afin de garantir un traitement politique prioritaire de ces questions, le futur vice-président de la Commission européenne chargé des droits fondamentaux devrait également être chargé de veiller à ce que l’environnement soit favorable à la société civile, aux défenseurs des droits de l’homme et aux journalistes. Le CESE plaide à nouveau pour la mise en place d’un médiateur européen chargé des libertés de l’espace civique auprès de qui les ONG pourraient signaler des incidents liés à des cas de harcèlement ou de limitation de leur action (4).

3.14.

Conformément au mandat qui lui a été confié par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en tant que représentant de la société civile organisée, le CESE doit être étroitement associé au développement futur des initiatives institutionnelles dans ce domaine.

3.15.

Il a un rôle particulier à jouer et une obligation d’agir, lorsque les activités de ses propres membres et de la société civile au sens large sont menacées au sein de l’UE. Le CESE pourrait et devrait jouer un rôle crucial pour faciliter les échanges sur l’état de droit entre tous les acteurs concernés dans les États membres du point de vue de la société civile, et servir de transmetteur (réseau d’alerte précoce) avant l’apparition des premiers symptômes de problèmes concernant les droits fondamentaux et l’état de droit.

3.16.

Dès 2016, le CESE a adopté un avis d’initiative appelant à une action renforcée de l’Union en matière de droits fondamentaux et d’état de droit dans les États membres, puis il a créé, en avril 2018, un groupe spécifique chargé d’examiner comment la société civile organisée peut contribuer au mieux à cette action.

3.17.

Les menaces contre l’état de droit risquent de saper la confiance mutuelle sur laquelle repose l’Union européenne, comme le montre clairement un exemple récent: la Cour de justice de l’Union européenne a estimé qu’un juge national ne devait pas nécessairement respecter un mandat d’arrêt européen (MAE) émis par un État membre de l’UE, s’il existe des défaillances systémiques ou généralisées de l’état de droit dans cet État membre, et qu’elles sont susceptibles d’affecter l’indépendance du pouvoir judiciaire dans l’État membre d’émission ainsi que le droit fondamental du plaignant à un procès équitable (5).

3.18.

Les juridictions nationales indépendantes sont le rempart garantissant que les citoyens peuvent compter sur le respect de leurs droits européens, que les entreprises européennes peuvent effectuer des échanges transfrontaliers sans la crainte que les contrats juridiques ne soient pas appliqués de manière impartiale et indépendante, que les travailleurs travaillant dans un pays voisin puissent faire respecter leurs droits, et que les OSC puissent exercer leurs droits librement au-delà des frontières, sans que les fonds de solidarité étrangers ne fassent l’objet d’une imposition discriminatoire. Les OSC, les partenaires sociaux et des conseils d’investisseurs étrangers ont tous fait part au CESE de leur inquiétude quant à la détérioration de l’état de droit et à ses graves conséquences économiques.

3.19.

L’éducation, à la fois formelle et non formelle, a un rôle essentiel à jouer dans la mise en place d’une culture de la démocratie et de l’état de droit. La diversité des cultures politiques en Europe rend la tâche plus difficile. Toutefois, il existe des exemples historiques de réussite en matière d’enseignement, de diffusion et de consolidation des valeurs démocratiques. À long terme, la meilleure protection contre la dégradation de la démocratie et de l’état de droit est une citoyenneté active, fondée sur l’éducation et l’engagement. La démocratie libérale, telle que définie dans un avis antérieur du CESE (6), et l’état de droit devraient être ancrés dans le cœur et l’esprit de chaque citoyen européen et l’UE devrait montrer la voie à suivre pour atteindre cet objectif, par exemple en encourageant l’intégration de ces questions dans les programmes scolaires et ceux de l’enseignement supérieur, et en promouvant les échanges universitaires et professionnels entre les citoyens et les OSC actives dans ces domaines. Le CESE invite la Commission européenne à proposer une stratégie ambitieuse de communication, d’éducation et de sensibilisation des citoyens aux droits fondamentaux, à l’état de droit et à la démocratie.

4.   Commentaires sur les instruments existants

4.1.

Le CESE relève les lacunes des instruments dont les institutions de l’Union disposent à l’heure actuelle afin de protéger les valeurs visées à l’article 2 du TUE. Les procédures d’infraction tendent à s’appliquer trop étroitement pour prévenir ou parer des attaques concertées contre l’état de droit. Deuxièmement, il s’est avéré extrêmement difficile de fédérer une volonté politique suffisante pour déclencher la procédure prévue à l’article 7 du TUE.

4.2.

Pour ce qui est de la communication de la Commission européenne de 2014 intitulée «Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit» (7), bien qu’il soit plus aisé d’activer ce cadre que de déclencher l’article 7, on peut douter de son efficacité lorsque l’on a affaire à des gouvernements nullement disposés à coopérer de bonne foi. En outre, les seuils requis pour son activation sont trop élevés et pas assez précoces. Le CESE recommande d’améliorer le cadre relatif à l’état de droit, notamment en définissant des critères de référence, des indicateurs et des délais plus clairs afin de mieux évaluer la réponse des autorités concernées et les mesures d’accompagnement de l’UE.

4.3.   Procédures d’infraction et décisions préjudicielles

4.3.1.

Ces dernières années, la Commission a ouvert plusieurs procédures d’infraction concernant l’état de droit (8). De telles procédures devraient être utilisées chaque fois que cela est possible, mais elles ne peuvent suffire à elles seules, car toutes les violations ne relèvent pas du droit de l’Union. Toutefois, certains spécialistes plaident pour que des procédures d’infraction puissent être engagées directement pour violation de l’article 2 du TUE, en vertu de l’article 258 du TFUE (9), ce qui pourrait être une piste à explorer.

4.3.2.

La décision préjudicielle peut également être un outil utile. Néanmoins, plusieurs obstacles empêchent les juridictions nationales de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne, et il s’agit souvent d’une longue procédure.

4.4.   Semestre européen

4.4.1.

Le principal objectif du Semestre européen est de fournir un cadre pour la coordination des politiques économiques dans l’ensemble de l’UE, mais il couvre également la lutte contre la corruption, l’efficacité des systèmes judiciaires et la réforme de l’administration publique, qui peuvent donner lieu à des recommandations par pays (10). Toutefois, ces dernières ne font pas nécessairement l’objet d’un suivi efficace.

4.4.2.

Le Semestre européen a été critiqué au motif qu’il ne tient pas suffisamment compte des partenaires sociaux, tant au niveau de l’UE qu’au niveau national (11), et que seuls 20 % des recommandations par pays sont actuellement mis en œuvre de manière satisfaisante par les États membres (12).

4.4.3.

Le Semestre européen est essentiellement un instrument de politique économique et sociale, qui guide et soutient les réformes dans les États membres. Toutefois, son rôle dans le suivi et la promotion des questions liées à l’état de droit pourrait être renforcé grâce à une intégration plus visible des indicateurs relatifs à l’état de droit, notamment en ce qui concerne des questions telles que la sécurité juridique et l’accès aux voies de recours pour les entreprises et les salariés. Il conviendrait en outre d’améliorer la participation de la société civile et d’assurer un meilleur suivi en vue de renforcer le respect des règles.

4.5.   Tableau de bord de la justice dans l’UE

4.5.1.

Le tableau de bord de la justice dans l’UE fournit des informations sur le système judiciaire de tous les États membres et peut donner lieu à des recommandations par pays dans le cadre du Semestre européen. Il repose sur des enquêtes réalisées auprès de citoyens et d’entreprises afin d’évaluer l’indépendance du système judiciaire (13). Le CESE recommande toutefois d’inclure les organisations de la société civile dans ces enquêtes.

4.6.   Mécanisme de coopération et de vérification

4.6.1.

Le mécanisme de coopération et de vérification (MCV) (14) a été créé à titre transitoire pour aider la Roumanie et la Bulgarie, après leur adhésion, à remédier à plusieurs lacunes en matière de réforme du système judiciaire, de corruption et (pour la Bulgarie) de criminalité organisée. Il a établi un ensemble de critères que la Commission évalue et sur lesquels elle publie des rapports annuels concernant les progrès accomplis.

4.6.2.

Ce mécanisme s’est révélé être un outil efficace. Toutefois, le dernier rapport sur la Roumanie a fait état d’un recul dans les progrès accomplis, alors qu’il était escompté que les objectifs seraient atteints très prochainement. Cela suscite des inquiétudes quant à savoir si l’exigence de progrès est suffisamment stricte et si les changements opérés doivent être plus solidement ancrés avant que le MCV n’arrive à son terme.

4.6.3.

La question de savoir si le MCV est un instrument pertinent pour résoudre les problèmes de l’état de droit dans d’autres États membres nécessite une évaluation plus approfondie. Même si l’engagement des différents partis au pouvoir dans les deux pays a été variable, l’existence de cet instrument permet un dialogue structuré et continu entre la Commission européenne et le pays membre.

4.7.   Service d’appui à la réforme structurelle de la Commission

4.7.1.

Le service d’appui à la réforme structurelle (SRSS) fournit un soutien direct aux autorités nationales (contrôle des méthodes, formations, analyses, conseils d’experts) et couvre la gouvernance et l’administration publique, y compris la transparence et la lutte contre la corruption, mais c’est essentiellement un outil macroéconomique. Il n’a, jusqu’ici, financé que peu de projets ayant un lien substantiel avec l’état de droit (15).

4.7.2.

Le CESE recommande de recourir davantage aux missions spéciales lorsque des recommandations par pays relatives à l’état de droit ont été adressées à un État membre, et de garantir la participation des OSC aux programmes de réforme.

4.8.   Fonds structurels et d’investissement européens et fonds à l’appui des politiques en matière de justice et de sécurité

4.8.1.

Un des principaux leviers de l’UE pour faire respecter l’état de droit est le financement. Le 17 janvier 2019, le Parlement européen a voté en faveur d’un mécanisme (l’instrument pour les valeurs européennes) visant à accroître le financement du programme «Droits et valeurs»de l’UE. La proposition de la Commission relative à un Fonds pour la justice, les droits et les valeurs ne répond pas entièrement à cette demande.

4.8.2.

Tout en se félicitant que des moyens soient prévus pour renforcer l’accès des OSC aux financements au titre du nouveau cadre financier pluriannuel, le CESE estime que le montant affecté à l’état de droit et aux droits fondamentaux est insuffisant, de même que celui destiné aux OSC (16).

4.9.   Nouveau mécanisme de protection du budget de l’Union lorsque des défaillances généralisées de l’état de droit dans les États membres affectent ou risquent d’affecter ce budget

4.9.1.

Le CESE a accueilli favorablement la proposition et recommandé qu’il soit associé plus étroitement (17). En outre, il a préconisé de modifier la proposition afin d’y inclure une notion plus large de l’état de droit qui comprenne la protection des droits fondamentaux et les garanties qui protègent la démocratie pluraliste.

4.9.2.

Le CESE conseille toutefois de faire preuve d’une extrême prudence dans ce cas, afin de veiller à ce que les bénéficiaires finaux ne soient pas touchés. Il est important de se souvenir que des organisations indépendantes se trouvent dans une situation extrêmement délicate dans leur État membre et de leur fournir des moyens spéciaux de soutien.

4.10.   L’Office européen de lutte antifraude (OLAF) avec le Parquet européen

4.10.1.

La corruption est l’un des problèmes de l’état de droit. Par conséquent, l’UE doit veiller à ce que ses fonds ne soient pas utilisés de manière abusive ni ne permettent la corruption.

4.10.2.

À l’heure actuelle, les enquêtes de l’OLAF ne peuvent être menées que par les procureurs des États membres (18) et seulement 45 % d’entre elles donnent lieu à des poursuites (19). Aussi le CESE est-il favorable au Parquet européen (20) nouvellement mis en place, et il invite instamment tous les États membres de l’UE à y participer (21).

4.10.3.

Les organisations de la société civile, les défenseurs des droits de l’homme, les lanceurs d’alerte et les journalistes jouent un rôle important dans la révélation de la fraude, et le CESE réaffirme par conséquent l’importance de mener un dialogue structuré avec la société civile et d’apporter un soutien financier et politique accru à ces acteurs.

4.11.   Processus d’adhésion à l’UE et politique de voisinage

4.11.1.

En 2011, l’UE a introduit une nouvelle approche des fonds de l’instrument européen de voisinage (IEV) afin de faire pression sur les pays partenaires pour qu’ils s’engagent à respecter les valeurs et les réformes politiques de l’UE (22).

4.11.2.

La conditionnalité politique est un aspect positif de la politique européenne de voisinage, qui fonctionne bien avec les pays intéressés par cette réforme.

4.11.3.

L’UE doit réaffirmer avec force son engagement en faveur de la conditionnalité politique dans le cadre de la politique de voisinage et du processus d’adhésion à l’UE. Pour rester crédible, il convient qu’elle applique les mêmes critères à l’intérieur de ses frontières. Il est essentiel que tout pays désireux d’adhérer à l’Union européenne manifeste un engagement ferme en faveur des «valeurs européennes». Les candidats à l’adhésion doivent satisfaire aux critères de Copenhague (23). Il importe que l’UE veille de manière très stricte à ce que ces exigences soient respectées. Le renforcement de l’état de droit n’est pas seulement une question institutionnelle, il nécessite aussi une transformation de la société.

5.   Suggestions pour l’avenir

5.1.

Le CESE soutient depuis 2016 la création, au niveau de l’UE, d’un mécanisme de contrôle du respect de l’état de droit et des droits fondamentaux (24).

5.2.

Le CESE juge essentiel d’établir un mécanisme européen juridiquement contraignant, un cadre associant étroitement la Commission, le Parlement et le Conseil, au sein duquel le Comité jouerait un rôle important en tant que représentant de la société civile. Ce mécanisme viendra compléter les outils existants (25) et devrait comporter un volet préventif pour permettre aux parties prenantes (entreprises, syndicats, organisations de la société civile, instances nationales de défense des droits de l’homme et pouvoirs publics) et aux experts de détecter les difficultés dès qu’elles se présentent au niveau national et de débattre de solutions possibles à un stade précoce. Il permettrait également de contribuer à la répartition des charges entre les institutions et d’accroître l’appropriation commune des actions de l’UE dans ce domaine.

5.3.

Le rôle du CESE dans ce domaine doit être replacé à l’aune de son rôle de passerelle entre l’UE et les États membres et de sa composition, uniques en leur genre. En tant que représentant privilégié de la société civile, il englobe les organisations profondément attachées à l’état de droit et aux droits fondamentaux, mais aussi les partenaires sociaux et d’autres acteurs économiques et sociaux importants, avec leurs affiliations nationales et européennes. Par conséquent, le CESE pourrait apporter une valeur ajoutée manifeste en tant que source de données et d’informations uniques provenant de la base, ne faisant pas double emploi avec d’autres sources pertinentes, en ce qui concerne la promotion, la prévention et la réaction.

5.4.

Dans un premier temps, le CESE a déjà commencé à effectuer des missions d’information pour obtenir une vue d’ensemble de la manière dont la société civile des différents États membres appréhende les problèmes qui se posent. Il a l’intention de se rendre dans l’ensemble des 28 États membres (26), mais publiera dès l’automne un rapport présentant ses conclusions pour les 5 premières visites par pays effectuées. Bien que ces visites ne comportent pas de mécanisme de suivi, le fait d’entendre le point de vue des OSC nationales apporte une contribution importante. Par conséquent, le CESE propose, à titre de mesure supplémentaire, de reconnaître et de renforcer les plateformes de la société civile et organisations de terrain existantes. Faire entendre une multiplicité de voix est nécessaire dans les circonstances actuelles.

5.5.

En outre, il conviendrait d’établir à l’échelon européen un forum annuel sur les droits fondamentaux et l’état de droit, auquel le CESE participerait, en premier lieu pour que les décideurs de l’UE puissent être alertés de manière précoce, directement par les organisations de terrain, des atteintes à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (TUE) dès que celles-ci se profilent, et en second lieu, pour faciliter l’apprentissage mutuel, l’instauration d’un climat de confiance et la collaboration entre les acteurs concernés au niveau national, tels que les entreprises, les syndicats, les organisations de la société civile, les instances nationales de défense des droits de l’homme et les pouvoirs publics. Le format et les modalités de ce forum des parties prenantes devraient s’inspirer des modèles existants que constituent le forum européen sur la migration et la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire. Le CESE assurerait le secrétariat du forum et en accueillerait les réunions, qui seraient organisées conjointement avec la Commission européenne.

5.6.

Le CESE estime que faire entendre une multiplicité de voix est nécessaire dans les circonstances actuelles et pourrait permettre aux OSC de déclencher une alerte rapide. À la différence du colloque annuel sur les droits fondamentaux, qui associe un nombre limité de parties prenantes clés, le forum du CESE est conçu comme un forum ouvert permettant d’encourager un débat public. Le mandat de l’Agence des droits fondamentaux (FRA) de l’Union européenne est malheureusement limité par l’article 51 de la charte, qui ne lui permet d’intervenir qu’en cas de violation de l’article 2 du TUE. Le forum de la FRA rassemble principalement des organisations de défense des droits de l’homme, tandis que le CESE comprend des organisations qui dépassent ce seul domaine, y compris les partenaires sociaux, et dispose d’une expérience dans l’interaction avec les organisations à l’échelon européen, national et local sur un large éventail de sujets. Cette particularité lui confère une valeur ajoutée pour contribuer à la diversité et au dynamisme de la société civile, qui comporte des acteurs économiques importants.

5.7.

Il convient de prendre en considération les aspects économiques de l’état de droit. La confiance mutuelle est une valeur difficile à appréhender en termes purement économiques, mais il est clair que le manque de confiance lié à l’existence d’une influence politique sur le système judiciaire ou de la corruption a des conséquences économiques négatives. Aussi le CESE invite-t-il la Commission européenne à mettre davantage l’accent sur les conséquences de la détérioration de l’état de droit pour toutes les parties prenantes, y compris le secteur des entreprises, et à recueillir davantage de données et d’analyses à ce sujet. L’insécurité juridique, le manque de transparence de la législation, la concurrence déloyale, l’accès discriminatoire aux marchés publics et l’impossibilité d’accéder véritablement à des voies de recours sont des exemples de conséquences de la détérioration de l’état de droit pour le secteur des entreprises, qui devrait être mieux pris en compte dans les analyses et les réponses proposées par l’UE, y compris dans le cadre du Semestre européen.

5.8.

La nécessité de renforcer le soutien aux organisations de la société civile (financement de base des organisations de veille) est un autre point spécifique: il est important que l’UE envisage des moyens de soutenir les OSC et le journalisme d’investigation ainsi que les médias qui surveillent et signalent les atteintes à l’article 2. Le CESE estime qu’un instrument de financement destiné à soutenir les OSC qui promeuvent les valeurs posées par l’article 2 du TUE au sein des États membres est nécessaire pour créer sur le terrain des soutiens à ces valeurs auprès du grand public. À cet égard, le CESE invite à se reporter à son avis sur les propositions relatives à un nouveau Fonds pour la justice, les droits et les valeurs (27) et demande au Conseil et au Parlement européen d’accroître substantiellement les ressources allouées à ce Fonds dans le cadre de leur décision sur le cadre financier pluriannuel après 2020.

Bruxelles, le 19 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 88.

(2)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 8.

(3)  Tels qu’établis par le Conseil européen de Copenhague en 1993.

(4)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 9.

(5)  Cour de justice de l’Union européenne, Arrêt de la Cour (grande chambre) – Affaire C-216/18 PPU, 25 juillet 2018.

(6)  SOC/605 – Une démocratie résiliente grâce à une société civile forte et diverse (JO C 228 du 5.7.2019, p. 24).

(7)  Communication de la Commission européenne, Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit, 11 mars 2014.

(8)  Commission européenne, http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-1957_fr.htm, 3 avril 2019.

(9)  Michel Waelbroeck et Peter Oliver, Enforcing the Rule of Law in the EU: What can be done about Hungary and Poland? («Faire respecter l’état de droit dans l’Union: que faire en ce qui concerne la Hongrie et la Pologne?»), 9 février 2018.

(10)  Communication de la Commission européenne, Poursuivre le renforcement de l’état de droit au sein de l’Union – État des lieux et prochaines étapes envisageables, 3 avril 2019.

(11)  Confédération européenne des syndicats, Communiqué de presse: Semestre européen – Paquet d’hiver: la CES réagit, 27 février 2019.

(12)  BusinessEurope, Lettre d’information no 2019-13: A renewed role for the European Semester («Un nouveau rôle pour le Semestre européen»), 11 avril 2019.

(13)  Commission européenne, The 2019 EU Justice scoreboard (Tableau de bord 2019 de la justice dans l’UE), 2019, p. 55, point 3.3.3 – Synthèse sur l’indépendance de la justice.

(14)  https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/effective-justice/rule-law/assistance-bulgaria-and-romania-under-cvm_en

(15)  Parmi les exemples de projets cités par le service d’appui à la réforme structurelle, seuls six sont axés sur l’état de droit: présentation d’une analyse indépendante du bureau du procureur de Bulgarie; réforme de l’évaluation des handicaps en République tchèque, en Grèce et en Pologne; renforcement de l’efficacité du système judiciaire en Croatie; amélioration de la coordination des audits internes en Roumanie; amélioration du traitement des cas de dénonciation d’abus en Italie; et aide à l’intégration des jeunes migrants et réfugiés en Autriche.

(16)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 178.

(17)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 173.

(18)  Cour des comptes européenne, Rapport spécial no 1/2019: Dépenses financées par l’UE: des mesures s’imposent pour lutter contre la fraude.

(19)  Organized Crime and Corruption Reporting Project, EC Adopts New Anti-Fraud Strategy («La Commission adopte une nouvelle stratégie antifraude»), 1er mai 2019.

(20)  Communication de la Commission européenne, Stratégie antifraude de la Commission: action renforcée pour protéger le budget de l’Union européenne, 29 avril 2019.

(21)  Parquet européen, page web de présentation.

(22)  Momin Badarna, La PEV et son instrument de conditionnalité politique: inefficace?, in Magazine des Jeunes Européens, 15 septembre 2018.

(23)  Commission européenne, Communication de 2018 sur la politique d’élargissement de l’UE, 17 avril 2018.

(24)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 8.

(25)  Comme le propose le Parlement européen au paragraphe 9 de sa résolution du 27 février 2014 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2012), P7_TA(2014)1773, rapporteur: M. Louis Michel.

(26)  Ou 27 États membres, si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne.

(27)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 178, portant sur les propositions de règlement COM(2018) 383 final et COM(2018) 384 final.


ANNEXE

Les propositions d’amendements suivantes, qui ont recueilli plus d’un quart des suffrages exprimés, ont été rejetées au cours des débats (conformément à l’article 59, paragraphe 3, du règlement intérieur):

Paragraphe 3.7

Les plus graves se posent dans certains États membres où de puissants acteurs politiques s’en sont pris à l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi qu’aux institutions et organisations qui composent et soutiennent le système démocratique pluraliste. La communication ne tient pas suffisamment compte de cet aspect essentiel et préfère recourir à une perspective dans laquelle les institutions – parlements, gouvernements et ministères, cours constitutionnelles, organismes professionnels – sont traitées indépendamment de la notion de concurrence politique et électorale. Cette approche «non interventionniste» en matière de partis politiques et d’élections empêche toute explication des raisons pour lesquelles des acteurs puissants agissent contre l’état de droit et la démocratie, et semblent en même temps populaires et impossibles à arrêter. Les aspects politiques, culturels et sociologiques des problèmes de l’état de droit qui touchent les démocraties sont un domaine essentiel que l’UE a jusqu’à présent ignoré dans les analyses et les réponses qu’elle a tenté d’apporter. Ce fait explique en partie les limites de l’approche et des instruments utilisés actuellement, y compris la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 1, du TUE. Par le lien qu’il entretient avec la société civile dans son ensemble, et notamment les partenaires sociaux, le CESE est particulièrement bien placé pour offrir un espace permettant une analyse, un débat et une réaction de meilleure qualité à ces aspects politiques, sociologiques et culturels des défis posés à la démocratie et à l’état de droit.

Exposé des motifs

Les auteurs de l’avis vont trop loin dans le jugement qu’ils portent sur les institutions des États membres. La formulation proposée peut-être perçue comme offensante pour des institutions qui sont censées garantir le caractère pluraliste du système. La partie du paragraphe que nous proposons de conserver reflète les attentes de l’Union européenne dans les études qu’elle mène dans le domaine de l’état de droit.

Vote

Voix pour

:

47

Voix contre

:

141

Abstentions

:

19

Paragraphe 5.2

Le CESE juge essentiel d’établir un mécanisme européen juridiquement contraignant, un cadre associant étroitement la Commission, le Parlement et le Conseil, au sein duquel le Comité jouerait un rôle important en tant que représentant de la société civile. Ce mécanisme viendra compléter les outils existants (1) et devrait comporter un volet préventif pour permettre aux parties prenantes (entreprises, syndicats, organisations de la société civile, instances nationales de défense des droits de l’homme et pouvoirs publics) et aux experts de détecter les difficultés dès qu’elles se présentent au niveau national et de débattre de solutions possibles à un stade précoce. Il permettrait également de contribuer à la répartition des charges entre les institutions et d’accroître l’appropriation commune des actions de l’UE dans ce domaine. Il conviendrait d’utiliser ledit mécanisme avec prudence, pour éviter qu’il ne serve des finalités politiques et provoque des conflits culturels.

Exposé des motifs

La modification proposée ne pose en rien une limite au soutien qu’apporte le CESE à ce mécanisme: il l’enrichit d’un commentaire sur le caractère apolitique qu’il doit revêtir et sur la nécessité de faire droit à la diversité culturelle.

Vote

Voix pour

:

42

Voix contre

:

153

Abstentions

:

23

Paragraphe 1.6

Le CESE confirme qu’il est favorable à la création, au niveau de l’UE, d’un mécanisme de contrôle du respect de l’état de droit et des droits fondamentaux. Il juge essentiel d’établir un mécanisme européen juridiquement contraignant, un cadre associant étroitement la Commission, le Parlement et le Conseil, au sein duquel le Comité jouerait un rôle important en tant que représentant de la société civile. Ce mécanisme devrait comprendre un volet préventif permettant aux experts et aux représentants de la société civile de déclencher une alerte précoce en cas d’évolution particulière d’une situation et d’examiner des propositions pour y remédier, en tenant compte de toutes les parties prenantes concernées. Un tel mécanisme permettrait également de contribuer à la répartition des charges entre les institutions et d’accroître l’appropriation commune des actions de l’UE. Il conviendrait d’utiliser ledit mécanisme avec prudence, pour éviter qu’il ne serve des finalités politiques et provoque des conflits culturels.

Exposé des motifs

La modification proposée ne pose en rien une limite au soutien qu’apporte le CESE à ce mécanisme: il l’enrichit d’un commentaire sur le caractère apolitique qu’il doit revêtir et sur la nécessité de faire droit à la diversité culturelle dont nous sommes si fiers.

Vote

Voix pour

:

42

Voix contre

:

153

Abstentions

:

23

Les paragraphes suivants de l’avis de section ont été modifiés pour refléter l’amendement adopté par l’Assemblée bien que plus d’un quart des suffrages exprimés aient été en faveur du texte sous sa forme originale (article 59, paragraphe 4, du règlement intérieur):

Paragraphe 3.12

Les organisations de la société civile, les défenseurs des droits de l’homme, les lanceurs d’alerte et les journalistes sont en première ligne lorsque l’état de droit se détériore, et ils se retrouvent dans une situation très difficile en cas de violation du droit dans un État membre donné. Ce sont eux qui veillent au respect des droits, surveillent la situation et signalent les violations, et c’est au niveau local qu’ils sont à même d’envoyer des signaux d’alerte précoces. Par conséquent, le CESE estime que leur rôle est primordial, de même que celui des médias et du journalisme d’investigation. Aussi est-il nécessaire, pour espérer toute avancée viable, de développer des moyens de protéger les OSC et les médias. Il conviendra que les propositions relatives à leur rôle occupent une place importante dans les propositions que la Commission présentera après le délai de réflexion.

Vote

Voix pour

:

122

Voix contre

:

73

Abstentions

:

20

Paragraphe 1.11

L’éducation, à la fois formelle et non formelle, a un rôle essentiel à jouer dans la mise en place de la culture de la démocratie et de l’état de droit. La démocratie libérale et l’état de droit devraient être ancrés dans le cœur et l’esprit de chaque citoyen européen; le CESE invite la Commission européenne à proposer une stratégie ambitieuse de communication, d’éducation et de sensibilisation des citoyens aux droits fondamentaux, à l’état de droit et à la démocratie.

Vote

Voix pour

:

119

Voix contre

:

73

Abstentions

:

21


(1)  Comme le propose le Parlement européen au paragraphe 9 de sa résolution du 27 février 2014 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2012), P7_TA(2014)1773, rapporteur: M. Louis Michel.


20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/49


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2013/UΕ relative au mécanisme de protection civile de l’Union»

[COM(2019) 125 final — 2019/0070 (COD)]

(2019/C 282/08)

Rapporteur: Panagiotis GKOFAS

Consultation

Parlement, 14.3.2019

Conseil, 27.3.2019

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

23.5.2019

Adoption en session plénière

19.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

171/01/04

1.   Contexte

1.1.

Un nouveau mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU) a été approuvé le 13 mars 2019 par la décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2013/UE. Le mécanisme de protection civile de l’Union fournit un cadre pour coopérer et dispenser une aide dans des situations de besoins importants et exceptionnels, qu’elles surviennent à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne. Il a été activé plus de 300 fois depuis 2001. Tous les États membres de l’Union européenne, deux des quatre pays membres de l’AELE (l’Islande et la Norvège), ainsi que le Monténégro, la Serbie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine et la Turquie sont parties au mécanisme de protection civile, de même que les Nations unies (cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030) et les organisations internationales concernées. L’acte prévoit la mise en place d’une réserve supplémentaire de ressources, rescEU, afin de fournir une aide dans des situations où les capacités globales existantes sont insuffisantes. RescEU comprendra en particulier des moyens aériens pour lutter contre les incendies de forêts, ainsi que des ressources pour faire face aux urgences médicales et aux incidents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires. Le réseau de connaissances en matière de protection civile pour la formation et le partage des connaissances constituera également un facteur stratégique de préparation et de prévention.

1.2.

Cet amendement a pour but d’améliorer la prévention des risques en exigeant des États membres qu’ils approfondissent leur évaluation de leur capacité de gestion des risques et de leur planification de la gestion des risques, en particulier lorsque plusieurs États membres sont touchés simultanément par le même type de catastrophes, qu’elles soient d’origine naturelle ou humaine, ou bien liées à des changements climatiques inattendus ou à des séismes forts, imprévisibles et à taux élevé de répliques, entraînant des pertes de vies humaines et une destruction massive des écosystèmes, des infrastructures civiles et publiques, des activités économiques et des petites entreprises (1).

2.   Conclusions

2.1.

Le CESE accueille favorablement cette proposition visant à réviser et renforcer l’actuel cadre du MPCU.

2.2.

Afin de garantir des conditions uniformes de mise en œuvre du MPCU et en vue de la création et de l’organisation du réseau de connaissances en matière de protection civile, le CESE pourrait contribuer à la révision périodique des lignes directrices sur la cartographie des risques au sein de groupes consultatifs spécifiques, ainsi que par l’intermédiaire d’initiatives interinstitutionnelles appropriées (par exemple, le «Forum annuel de la société civile sur l’évaluation, l’atténuation et la prévention des risques et la préparation aux situations d’urgence»), en collaboration avec des partenaires sociaux et économiques reconnus et représentatifs, de même qu’avec des réseaux régionaux transfrontaliers de villes résilientes.

2.3.

Le CESE demande au Conseil, au Parlement et à la Commission d’évaluer la possibilité de créer un centre de formation et de connaissances européen relié aux structures nationales et infranationales existantes, notamment aux centres d’excellence, aux réseaux de recherche spécialisés indépendants et à d’autres experts capables de procéder à une analyse immédiate des interventions sur les catastrophes inhabituelles, et d’en planifier la mise en place. Ce centre de connaissances pourrait être un outil concret et accessible mis à jour en permanence, destiné à apporter des compétences de base en matière d’atténuation efficace des risques, tant aux jeunes professionnels qu’aux volontaires expérimentés, dans le domaine de la formation à la gestion des situations d’urgence pour des communautés locales résilientes; il pourrait, dans la mesure du possible, être étendu à des pays tiers, en particulier les pays voisins, aux groupes vulnérables présents dans des zones isolées, aux acteurs de la mobilité et du tourisme, aux médias, etc.

2.4.

Le CESE estime nécessaire d’inscrire de manière adéquate les nouveaux objectifs et la nouvelle approche du MPCU dans le cadre des politiques structurelles et d’investissement existantes. Il est essentiel de garantir une dimension territoriale adéquate, incarnée par les acteurs locaux, en particulier dans les régions reculées, insulaires, montagneuses et rurales. Les actions de proximité sont le moyen le plus rapide et le plus efficace pour limiter les dégâts causés par une catastrophe.

Bruxelles, le 19 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Il est ici fait référence à l’atelier organisé le 10 février 2018 à Naples dans le cadre d’un partenariat entre le CESE et la Commission européenne (DG ECHO), en collaboration avec des représentants de la CES et de SMEunited, des représentants du CdR, des organisations de la société civile (WWF, CIME), des organisations nationales de PME (GSEVEE, CMA Corse, CNA) et des syndicats, des universitaires spécialisés au niveau européen et national, des réseaux de recherche et de formation (université «La Sapienza», université Federico II, Institut national de géophysique et de volcanologie de Naples, SMEs Academy Avignon, Centre Anodos), des réseaux de villes et régions résilientes (Athènes, Naples et Thessalonique), des médias et des journalistes de la presse spécialisée.


20.8.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 282/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne

d’investissement — Une planète propre pour tous — Une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat»

[COM(2018) 773 final]

(2019/C 282/09)

Rapporteur: Pierre Jean COULON

Corapporteur: Stefan BACK

Saisine du Comité

Commission européenne, 17.6.2019

Base juridique

Article 304 du TFUE

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

20.6.2019

Session plénière no

544

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

152/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE convient que le risque d’un réchauffement planétaire de 2o C peu après 2060, c’est-à-dire au-delà de la limite maximale fixée par l’accord de Paris, aura des répercussions graves sur les conditions de vie et l’économie en Europe. Le CESE est donc nettement favorable à l’objectif de transformer l’Union européenne en une économie neutre du point de vue climatique d’ici 2050, en appliquant des mesures équitables et efficaces sur le plan social. Cette transition est possible et bénéfique pour l’Europe.

1.2.

Par conséquent, il est urgent de passer à l’action dès maintenant. Le CESE approuve les priorités absolues définies dans la communication de la Commission européenne. Le CESE invite les États membres à soutenir l’objectif visant à transformer l’Union européenne en une économie neutre pour le climat à l’horizon 2050. Le CESE demande aux entreprises, aux syndicats, aux ONG et aux comités économiques et sociaux nationaux de poursuivre cet objectif.

1.3.

Le CESE se félicite que les résultats attendus de la mise en œuvre des différentes mesures déjà prises soient prometteurs. En effet, l’on estime la réduction des émissions de gaz à effet de serre à 45 % d’ici 2030, ce qui va au-delà de l’engagement de 40 % pris par l’Union européenne dans le cadre de l’accord de Paris, et 60 % d’ici 2050.

1.4.

Bien que cela ne soit pas suffisant pour réaliser l’objectif d’une société neutre pour le climat d’ici 2050, le CESE estime que les résultats escomptés à l’horizon 2030 des mesures déjà adoptées montrent que les nouvelles mesures doivent intégrer le besoin de prévisibilité afin de permettre une bonne planification et d’éviter les pertes d’actifs. Par conséquent, le CESE souligne qu’il importe d’envoyer en temps utile des signaux clairs aux entreprises, en particulier aux PME.

1.5.

Pour les mêmes raisons, le CESE estime qu’il est urgent de définir rapidement une stratégie pour l’après-2030, afin de réaliser une transition vers une société neutre du point de vue climatique d’ici 2050.

1.6.

Le CESE souligne que la transition vers une société neutre pour le climat doit être opérée en adoptant une approche concurrentielle, équitable et multilatérale et que des instruments adéquats doivent être créés qui garantissent une pleine participation et acceptation de la société civile, y compris de l’ensemble des citoyens, des entreprises et des organisations. Cela inclut la conception et la mise en œuvre de la tarification du carbone en intégrant ses effets sur les entreprises et les citoyens.

1.7.

Le CESE insiste sur le rôle majeur de l’action menée au niveau local et régional et sur l’importance d’associer pleinement les collectivités locales et régionales.

1.8.

Le CESE souligne l’intérêt substantiel de l’économie circulaire, de la bioéconomie, de la numérisation et de l’économie du partage, qui contribuent de manière décisive à l’amélioration de l’efficacité des ressources et à la réduction des émissions.

1.9.

Le CESE rappelle que la mobilité joue un rôle clé dans le fonctionnement du marché intérieur de l’Union européenne, comme le reconnaît la Commission dans sa communication, et estime qu’il est essentiel de trouver des solutions qui réduisent l’empreinte carbone du secteur des transports, y compris du secteur aérien, sans toutefois affecter le rôle fondamental de la mobilité pour l’ensemble de l’économie et de la société, ainsi que des citoyens et des entreprises de l’Union européenne.

1.10.

Le CESE convient qu’il est important de produire de l’électricité à partir des sources d’énergie à zéro émission existantes et futures. L’interconnexion des réseaux, le stockage de l’énergie et la modulation de la gestion de la demande sont des facteurs essentiels afin de garantir la fourniture d’électricité, produite de plus en plus à partir de sources d’énergie renouvelables.

1.11.

La planification et la fixation d’objectifs à un stade précoce jouent un rôle majeur pour garantir la sécurité de planification des entreprises, encourager la recherche et le développement et créer des conditions favorables pour permettre à l’Europe, y compris l’industrie et les entreprises européennes en général, de tirer les bénéfices de son rôle de précurseur et de rester compétitive. Dans ce contexte, le CESE souligne le caractère fondamental des relations avec les pays tiers, qui permettent d’associer davantage de pays à une stratégie proactive en faveur du climat, et de garantir des conditions de concurrence équitables pour l’industrie européenne et d’influencer la définition des normes.

1.12.

Le financement est essentiel à la mise en œuvre de la stratégie prévue. C’est pourquoi le CESE réitère ses recommandations de prévoir des ressources budgétaires suffisantes en faveur de la recherche, du développement et du déploiement industriel.

1.13.

Le CESE souligne que le financement constitue une question cruciale. Il ne se limite pas aux fonds publics et il convient donc de promouvoir des mécanismes visant à encourager les investissements verts.

1.14.

Par ailleurs, il souligne que la transition vers une économie neutre du point de vue climatique ne se fera pas sans une recherche et une innovation de grande envergure. Toutes sortes d’innovations sont nécessaires, notamment sur le plan des comportements, des modèles économiques, des normes sociales, des procédés, des techniques, de la commercialisation et des technologies.

1.15.

Le CESE souligne le rôle important de la bioénergie avec le captage et le stockage du dioxyde de carbone et des puits de carbone naturels, tels que les forêts et de nombreuses pratiques agricoles qui fixent le carbone, notamment les prairies, les pâturages et les tourbières. La gestion durable des forêts et l’exploitation du potentiel de séquestration du carbone dans les terres agricoles peuvent y contribuer.

1.16.

Le CESE relève que l’Europe représente, au niveau mondial, environ 7 % de la population, 20 % du PIB et 30 % des publications scientifiques de haute qualité. Étant donné que la transition vers une économie sans incidence sur le climat requiert qu’un effort soit consenti à l’échelle mondiale pour lutter contre le changement climatique, le CESE estime que le plus grand impact que peut avoir l’Union européenne est de prouver au reste du monde que cette transition est réalisable et positive pour la société. Dans cette optique, le fait de rendre 100 villes européennes neutres pour le climat d’ici 2030 prouverait que la transition vers une économie sans incidence sur le climat peut devenir réalité et améliorer la qualité de vie.

1.17.

Le CESE estime que l’Europe a besoin d’un pacte social pour une transition vers une économie neutre pour le climat, lequel serait approuvé par l’Union européenne, les États membres, les régions, les villes, les partenaires sociaux et la société civile organisée, de manière à s’assurer que la transition ne laisse personne de côté. À cette fin, il convient de concevoir et financer le Fonds social européen et le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation de manière adéquate. La transition vers une économie neutre sur le plan climatique représente également l’occasion d’éradiquer la pauvreté énergétique et d’améliorer la qualité de vie, la création d’emplois et l’inclusion sociale, ainsi que de garantir à tous les européens l’égalité d’accès aux services énergétiques de base.

1.18.

Le CESE invite le Parlement européen à mettre en place un comité indépendant de l’Union européenne sur le changement climatique chargé de procéder à des évaluations fondées sur des données scientifiques et de formuler des recommandations politiques. S’il n’en existe pas encore, le CESE invite les États membres à créer de tels comités au niveau national et à veiller à ce qu’ils rendent compte aux parlements et aux comités économiques et sociaux nationaux, en respectant les spécificités nationales.

1.19.

Enfin, le CESE rappelle une nouvelle fois qu’il est urgent d’instaurer un processus de dialogue efficace afin qu’il puisse contribuer réellement à la stratégie qui doit être formulée et présentée d’ici 2020, et en garantir la pleine acceptation et le soutien après son adoption. Le CESE propose dès lors d’instaurer un dialogue permanent obligatoire avec les citoyens préalablement à toute décision politique majeure et toute initiative législative pertinente, au niveau européen, national et infranational. Les contributions au dialogue et la mesure dans laquelle elles sont pris en considération devraient être rendues publiques. Afin de garantir la visibilité du dialogue, il convient d’en attribuer la responsabilité au commissaire.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE considère que le changement climatique constitue une menace grave pour la société. Les températures moyennes à l’échelle mondiale pourraient avoir augmenté de 2o C peu après 2060, bien au-delà du niveau maximal fixé dans l’accord de Paris, ce qui aurait des répercussions très néfastes sur l’économie mondiale et sur les conditions de vie dans le monde. Comme le soulignent le rapport 2018 du GIEC (1) et la communication de la Commission européenne intitulée «Une planète propre pour tous» [COM(2018) 773], ci-après dénommée «la communication», il est urgent de protéger la planète et les européens du changement climatique.

2.2.

Le CESE souligne que si la transition vers une économie neutre pour le climat a un coût, l’inaction en a un elle aussi. Selon la communication, les catastrophes liées au climat ont représenté en 2017 un préjudice économique d’un montant record de 283 milliards d’euros, et les dégâts occasionnés par les inondations en Europe pourraient atteindre 112 milliards d’euros par an.

2.3.

Le CESE est nettement favorable à l’objectif de transformer l’Union européenne en une économie neutre pour le climat d’ici 2050, c’est-à-dire d’aboutir à un niveau zéro d’émission nette de gaz à effet de serre, à l’issue d’une transition qui soit socialement juste et économiquement viable. Comme le démontre la communication, une telle transition est possible et bénéfique. Elle est en outre conforme aux engagements pris par l’Union européenne au niveau mondial dans le cadre de l’accord de Paris et aux objectifs de développement durable des Nations unies.

2.4.

Le CESE se félicite que le train de mesures sur l’énergie propre renforce les objectifs de l’Union européenne en matière d’énergie à l’horizon 2030, tant en ce qui concerne les énergies renouvelables (de 27 à 32 %) que l’efficacité énergétique (de 27 à 32,5 %). Selon la communication, cela signifie une réduction de 45 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, ce qui va au-delà de l’engagement de 40 % pris par l’Union européenne dans le cadre de l’accord de Paris, et une réduction attendue de 60 % d’ici 2050. Cela n’est pas suffisant pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Le CESE admet dès lors qu’il est impératif d’adopter une vision de la transformation économique et sociétale telle que celle décrite dans la communication.

2.5.

Il souligne l’importance de la prévisibilité pour faciliter la planification et éviter les pertes d’actifs. Il se félicite de la déclaration faite dans la communication, selon laquelle aucune nouvelle politique ni révision des objectifs à l’horizon 2030 n’est prévue à l’heure actuelle et met l’accent sur la nécessité d’envoyer en temps utile des signaux clairs aux entreprises, en particulier aux PME.

2.6.

Le CESE convient que la réalisation de l’objectif de neutralité climatique nécessite des changements structurels dans tous les domaines de la société. Tous les citoyens, entreprises et entités seront concernés. Il est donc essentiel que la société civile soit pleinement associée, mobilisée et dotée des outils appropriés afin d’influencer les mesures nécessaires pour atteindre l’objectif de neutralité climatique. Le CESE rappelle en outre que l’intégration de l’adaptation au changement climatique dans la planification à long terme est essentielle pour garantir le développement social et économique.

2.7.

Il souligne qu’il est urgent que l’Union européenne renforce son action et qu’elle montre la voie à suivre afin de tirer parti de son rôle de précurseur.

2.8.

Le CESE prend note de la définition de sept «composantes stratégiques» indiquant les domaines dans lesquels il convient de prendre des mesures et de la conception d’un cadre favorable.

2.9.

Il souscrit à l’approche consistant à fournir un éventail de douze priorités absolues présidant à la mise en œuvre de l’objectif «zéro émission», et note en particulier la déclaration selon laquelle les États membres, les entreprises et les citoyens seront en mesure de faire des choix et d’adapter les scénarios aux circonstances nationales en vue de réaliser des transformations sociétales et économiques de grande envergure qui touchent tous les secteurs de l’économie.

2.10.

Il souligne tout particulièrement l’importance des débats aux niveaux national et infranational, ainsi qu’à celui des parties prenantes et des citoyens, en tant que moyen de concevoir ensemble, démocratiquement, les différentes mesures favorisant la transition vers une économie neutre pour le climat, y compris les changements de comportement. Ces débats permettront également d’identifier les mesures susceptibles d’obtenir un soutien public et d’associer la société civile et les citoyens, en fonction des spécificités nationales.

2.11.

Le CESE regrette qu’il n’apparaisse pas clairement si, et dans quelle mesure, les États membres seront libres d’adapter les mesures de mise en œuvre à leur situation spécifique. Une clarification sur ce point lors des consultations prévues serait très utile. La mise en œuvre du règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie constitue un critère à cet égard.

2.12.

Le CESE attire l’attention sur le fait que la Commission s’est déjà penchée sur la plupart des questions abordées dans les priorités absolues et qu’il a soutenu ces initiatives et formulé des suggestions, notamment sur la création de forums de contact, et souligné l’importance des aspects sociaux et de la gouvernance.

2.13.

Il soutient ces priorités et souligne qu’elles doivent être considérées comme un tout. Il insiste tout particulièrement sur l’importance des financements, du rôle des citoyens, des prosommateurs et des consommateurs et sur l’aspect social, afin que personne ne soit laissé pour compte. L’on peut susciter l’engagement positif des citoyens, notamment en leur permettant de profiter des avantages économiques de la transition. Il pourrait s’agir par exemple de promouvoir activement la propriété partagée de la production décentralisée d’énergie renouvelable, comme l’énergie solaire et éolienne. Il est essentiel de s’assurer que toute charge résultant, par exemple, de la tarification du carbone soit acceptée.

2.14.

Le CESE réaffirme également l’importance d’établir et d’améliorer les contacts entre les administrations et les acteurs non étatiques et renvoie à ses propositions visant à établir une coalition entre politique, administration et société civile (2).

3.   Nécessité d’une véritable politique industrielle européenne globale pour la transition vers une économie neutre en carbone, soutenue par une recherche et innovation ambitieuse, un pacte social et la démocratie

3.1.   Observations sur les douze priorités

3.1.1.

Le CESE reconnaît l’importance vitale de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables pour décarboner totalement l’Europe. Il s’agit de solutions éprouvées.

3.1.2.

Le potentiel de l’électricité en tant que moteur de décarbonation est considérable dans plusieurs domaines, notamment le chauffage et le refroidissement (y compris les pompes à chaleur, le chauffage urbain et le refroidissement urbain), les carburants électroniques et l’électromobilité. Le CESE relève que 55 % de l’électricité de l’Union européenne provient déjà de sources «zéro carbone» (25 % du nucléaire, 30 % de l’énergie éolienne, hydroélectrique et solaire et d’autres sources d’énergie renouvelables), et marque son accord avec la communication, selon laquelle l’électricité produite doit, dans la mesure du possible, provenir de sources sans émission de carbone, propres et sans incidence sur le climat.

3.1.3.

Le CESE soutient résolument le développement de la production décentralisée d’énergie renouvelable, par exemple par l’intermédiaire de coopératives énergétiques et de prosommateurs (3). Le développement de systèmes numériques intelligents et flexibles pour gérer la demande et l’offre dans un système de production d’électricité décentralisé basé sur les énergies renouvelables et un rôle significatif des prosommateurs constituera une caractéristique notable de l’avenir qui se dessine. Le stockage de l’énergie est également essentiel pour le déploiement à grande échelle des énergies renouvelables en raison des variations des niveaux de production, sur une base tant quotidienne qu’annuelle.

3.1.4.

Le CESE est favorable au développement d’une mobilité propre qui passe par l’introduction de modes de transport de remplacement, y compris les transports publics, par des systèmes de propulsion alternatifs pour tous les modes de transport, y compris l’électrification et l’hydrogène durable, le gaz et les biocarburants, ainsi que pour les véhicules routiers lourds, le transport maritime et l’aviation, et, enfin, par l’amélioration de l’efficacité grâce à la numérisation, à l’électrification et aux systèmes collaboratifs. Cela permettra d’augmenter la qualité et l’efficacité des systèmes de transport et d’en réduire l’empreinte environnementale. Le CESE plaide dès lors en faveur d’une nouvelle version du livre blanc sur la politique des transports. Il attire l’attention sur les objectifs limités de réduction des GES relatifs aux secteurs non couverts par le SEQE, dont les transports, objectifs qui ont été approuvés par le Conseil européen en octobre 2014 (4). Les taxes et charges, y compris l’internalisation des coûts externes, devraient être exploitées afin de favoriser l’amélioration de l’efficacité, être acceptables pour les acteurs concernés et ne pas augmenter le niveau global de taxation.

3.1.5.

Le CESE convient du rôle important joué par la compétitivité de l’industrie européenne et la circularité de l’économie pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui passe notamment par le passage à des carburants de substitution ainsi que par le captage et l’utilisation du carbone. Il souhaiterait voir une référence claire au concept d’industrie 4.0, à la numérisation et au développement de l’économie collaborative en tant qu’éléments clés pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire les émissions (5). Il souligne que l’économie circulaire est un levier essentiel à l’atténuation du changement climatique et à la transition vers une économie neutre sur le plan climatique. Les stratégies en faveur de l’économie circulaire telles que les mesures visant à réduire l’apport de matériaux vierges, à améliorer l’utilisation des actifs existants et à réduire la production de déchets contribueront de manière significative à l’atténuation du changement climatique et à la mise en place d’une économie neutre sur le plan climatique (6).

3.1.6.

La promotion de systèmes alimentaires durables permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment en protégeant et en créant davantage de puits de carbone. Le CESE réitère son point de vue selon lequel l’impact environnemental des systèmes alimentaires peut être diminué en encourageant la consommation de nutriments simples (7), ainsi que la production et la consommation d’aliments de saison. Les chaînes de distribution de denrées alimentaires devraient être raccourcies et les emballages limités.

3.1.7.

L’industrie européenne a démontré sa capacité à développer des alternatives énergétiques propres. L’industrie de l’Union est encore à l’avant-garde dans des secteurs clés, tels que les éoliennes, mais elle a perdu du terrain dans certains autres, comme la production de panneaux solaires, qui a progressivement quitté l’Europe, en partie du fait de politiques inadéquates menées par de précédents gouvernements nationaux. Aujourd’hui, à peine 1 % de la production mondiale de batteries au lithium est implantée en Europe. Afin d’éviter de répéter ces erreurs dans les secteurs émergents, le CESE accueille favorablement les initiatives telles que le plan d’action visant à promouvoir le secteur des batteries dans l’Union européenne et la concrétisation des projets de création de l’alliance européenne pour les batteries, y compris le développement de nouvelles technologies (8).

3.1.8.

Il attire l’attention sur l’importance de fixer des normes dans les instances internationales lorsque l’Union européenne peut montrer la voie, avec l’avantage concurrentiel que cela implique.

3.1.9.

Le CESE convient de l’importance d’intégrer d’autres économies majeures et émergentes et de créer une dynamique positive. Dans ce contexte, il souligne qu’il est essentiel de garantir des conditions de concurrence équitables par rapport aux pays tiers. Le maintien de la compétitivité doit constituer un facteur clé lors de toute décision politique pertinente.

3.1.10.

Le CESE attire l’attention sur les énormes besoins en matière d’investissements et de coopération transfrontalière et transsectorielle sur le plan de la planification qui sont nécessaires à la mise en œuvre des réseaux intelligents, y compris les compteurs intelligents et les installations de stockage d’énergie, qui constituent une condition préalable fondamentale pour une mise en œuvre efficace des plans de réseau existants et futurs et pour la gestion des variations de production des énergies alternatives.

3.1.11.

Le CESE prend note du fait que le captage et le stockage du carbone (CSC) constituent la septième grande composante stratégique et que cet axe d’action reste, actuellement en tout cas, essentiel pour parvenir à une société neutre pour le climat en 2050, en particulier grâce à l’utilisation de bioénergie associée au CSC. Le CESE signale que selon les analyses de la Cour des comptes européenne, les financements affectés par l’Union européenne au soutien du CSC, tels que NER 300, n’ont «donné lieu à la mise en œuvre d’aucun projet concluant de captage et de stockage du carbone». Il existe donc une grande incertitude quant à la faisabilité technique du CSC et peu de certitude quant au soutien public dont il jouit.

3.1.12.

Le CESE tient à mettre en avant l’importance des puits de carbone naturels, tels que les forêts et de nombreuses pratiques agricoles qui fixent le carbone, notamment les prairies, les pâturages et les tourbières. La gestion durable des forêts, combinée à l’utilisation de produits dérivés du bois qui stockent le carbone et remplacent les matériaux et les énergies fossiles, permet d’atténuer les effets à long terme du changement climatique ainsi que d’améliorer la capacité des forêts à s’y adapter. Il est essentiel d’exploiter la capacité des terres agricoles à fixer le carbone. La gestion durable des forêts et l’exploitation du potentiel de séquestration du carbone dans les terres agricoles peuvent y contribuer.

3.2.   Les conditions-cadres — aperçu

3.2.1.

Le CESE convient que l’accès à un financement adéquat est indispensable à la réussite de la transformation envisagée. Il est essentiel d’attirer les investissements publics et privés nécessaires. Le CESE réitère donc son appel à investir 40 % du Fonds européen pour les investissements stratégiques et 40 % du budget de l’Union européenne dans la lutte contre le changement climatique et à faire en sorte que tous les budgets de l’Union européenne et des États membres soient à l’épreuve du changement climatique (9) (10). Le CESE met l’accent sur le lien étroit entre le financement de la recherche et de l’innovation et le lancement sur le marché de solutions innovantes, tel qu’indiqué aux points 3.3.5 et 3.3.6.

3.2.2.

Le CESE se félicite dès lors du plan d’action de la Commission pour le financement de la croissance durable et des propositions législatives qui en découlent. Le CESE rappelle qu’il importe de donner une image positive du financement vert, mais aussi que tout type d’étiquetage ou de comparaison doit tenir compte des spécificités locales et sectorielles ainsi que de la taille des entreprises concernées (11).

3.2.3.

Le CESE rappelle ses propositions concrètes visant à réorienter les financements vers (12) des investissements durables au moyen d’un «fléchage vert», en recourant à un assouplissement quantitatif de la part de la Banque centrale européenne comme source de financement.

3.2.4.

Le CESE attire l’attention sur la nécessité de fournir une boîte à outils pour faciliter l’accès des petits acteurs au financement afin de permettre aux acteurs à tous les niveaux d’accéder au financement de la lutte contre le changement climatique (13).

3.2.5.

Enfin, le CESE souligne que les technologies liées au climat et à la transformation de l’énergie sont en évolution constante et dynamique. Il est donc essentiel de procéder à une réévaluation régulière des méthodes et moyens utilisés.

3.3.   Recherche et innovation

3.3.1.

Le CESE souligne qu’il n’y aura pas de transition vers une économie neutre sur le plan climatique sans recherche et innovation de grande envergure, y compris l’innovation sociale. En effet, toutes sortes d’innovation sont nécessaires, notamment la création de nouveaux comportements, modèles économiques, normes sociales, procédés, techniques, stratégies de commercialisation et technologies.

3.3.2.

Le CESE relève que l’Europe représente, au niveau mondial, environ 7 % de la population, 10 % des émissions de GES, 20 % du PIB et 30 % des publications scientifiques de haute qualité. Étant donné que la transition vers une économie sans incidence sur le climat requiert qu’un effort soit consenti à l’échelle mondiale pour lutter contre le changement climatique, le CESE estime que l’Union européenne peut avoir le plus grand impact en prouvant au reste du monde que cette transition est réalisable et positive pour la société.

3.3.3.

Le CESE estime que l’Europe obtient d’excellents résultats scientifiques mais peine à les transformer en innovations utiles. L’Union européenne et les États membres devraient mieux soutenir la recherche et l’innovation dans toutes leurs chaînes de valeur, de la recherche fondamentale au déploiement commercial, et intégrer les sciences sociales et humaines (SSH) pour améliorer la compréhension de ce qui anime les choix énergétiques effectués par les utilisateurs finaux, y compris les PME et les citoyens.

3.3.4.

Le CESE considère que l’Union européenne dispose d’une occasion historique pour les entreprises, les innovateurs, les travailleurs et les investisseurs européens d’affirmer leur rôle de chefs de file au niveau mondial sur les marchés de l’énergie propre en pleine expansion. L’Union européenne devrait revoir à la hausse ses ambitions dans tous les domaines des énergies propres, de l’efficacité énergétique à l’électromobilité, afin d’offrir aux entreprises européennes un marché intérieur solide, où l’innovation peut être déployée en toute sécurité, et une stratégie industrielle intégrée, visant à exporter des solutions énergétiques propres dans le reste du monde.

3.3.5.

Le CESE demande dès lors à la Commission européenne, au Parlement européen et au Conseil européen de veiller à ce que le prochain cadre financier pluriannuel soutienne dûment la recherche et l’innovation dans les domaines de l’énergie et du climat, l’innovation et, dans la mesure du possible, le déploiement sur le marché. Par conséquent, il soutient l’appel du Parlement européen visant à augmenter le budget d’Horizon Europe à hauteur de 120 milliards d’euros pour la période de programmation 2021-2027. Il plaide par ailleurs en faveur de la possibilité de créer des synergies entre les instruments de financement de l’Union européenne, dont Horizon Europe, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, le Fonds pour l’innovation, les Fonds structurels, l’ITER (réacteur thermonucléaire expérimental international), le programme de recherche et de formation d’Euratom et Erasmus, et les instruments gérés par la Banque européenne d’investissement et le Fonds européen d’investissement.

3.3.6.

Le CESE accueille la proposition de créer des «missions de recherche et d’innovation» afin de mieux orienter la recherche et l’innovation vers des projets concernant les défis de société tels que la transition vers une économie neutre pour le climat. À cet égard, il demande à la Commission européenne et au Conseil de créer une mission spécifique visant à rendre 100 villes européennes neutres en carbone d’ici 2030. Une telle initiative montrera à tous les européens que la transition vers une économie neutre pour le climat peut devenir une réalité et améliorer leur qualité de vie. Ce sera également l’occasion de travailler concrètement avec les villes du monde entier, en commençant par les villes du partenariat oriental et des pays de l’Union pour la Méditerranée, afin qu’elles s’inspirent des expériences européennes.

3.3.7.

Le CESE se félicite de la proposition visant à créer un «Conseil, européen de l’innovation». S’appuyant sur l’expérience des outils existants, y compris l’Institut européen d’innovation et de technologie, il souhaite que le Conseil européen de l’innovation devienne le principal outil de l’Union européenne permettant de fournir un capital «patient» et ne fuyant pas la prise de risques aux innovations qui sont essentielles à la transition vers une économie neutre en carbone. Le Conseil européen de l’innovation peut aider les jeunes entreprises nationales à devenir des championnes européennes, plutôt que d’être rachetées par des concurrents américains ou asiatiques.

3.3.8.

Dans ce contexte, le CESE relève le rôle essentiel joué par les communautés locales et régionales dans la lutte contre le changement climatique et dans l’accroissement de la capacité d’adaptation et de la résilience, d’une manière qui affecte directement les perspectives au niveau local d’une vaste transformation. De nombreuses communautés prennent déjà l’initiative et jouent un rôle efficace dans la définition des solutions qui s’imposent. Le CESE souligne le rôle des îles de l’Union européenne, y compris de ses régions ultrapériphériques, en tant qu’innovatrices potentielles pour les politiques de neutralité climatique de l’Union européenne et du reste du monde.

3.4.   Élaborer conjointement un pacte social pour la transition vers une économie neutre en carbone

3.4.1.

Le CESE estime que toutes les institutions européennes, nationales et infranationales devraient développer un soutien à la transition vers une économie neutre pour le climat. Les préoccupations légitimes des travailleurs du secteur du charbon dans de nombreux pays de l’Union européenne et les récents mouvements sociaux en France ont encore accentué la nécessité de montrer que la transition vers une société plus durable sur le plan environnemental devrait également être une transition vers une société plus démocratique et socialement juste.

3.4.2.

Le CESE estime que l’Europe a besoin d’un pacte social pour une transition vers une économie neutre pour le climat, lequel serait approuvé par l’Union européenne, les États membres, les régions, les villes, les partenaires sociaux et la société civile organisée, de manière à s’assurer que la transition ne laisse personne de côté.

3.4.3.

Le CESE estime que l’Union européenne doit prévoir un financement adéquat pour soutenir les travailleurs qui risquent de perdre leur emploi à la suite de la transition vers une économie neutre en carbone. À cette fin, il invite la Commission européenne, le Parlement et le Conseil à veiller à ce que le Fonds social européen et le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation soient bien conçus et financés pour relever les défis de la transition vers une économie neutre en carbone. Cela permettrait de signaler la volonté de l’Europe de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte.

3.4.4.

Le CESE estime que les compétences des travailleurs d’une économie neutre en carbone peuvent considérablement différer des compétences qui sont aujourd’hui celles de nombreux travailleurs. Il importe d’adapter les programmes d’éducation et de formation afin de garantir que les travailleurs et les services de formation futurs et actuels puissent inclure la transition vers une économie neutre en carbone dans leurs choix de formation. Cela permettra une adaptation plus rapide de la main-d’œuvre européenne et aidera les européens à développer de nouveaux talents.

3.4.5.

Le CESE considère que la transition vers une économie neutre pour le climat est l’occasion de créer des emplois pour les jeunes européens, y compris les jeunes chômeurs. En conséquence, le CESE demande à la Commission européenne de mettre au point un «programme Erasmus Pro vert», dans le prolongement de son projet pilote Erasmus Pro, ainsi que d’autres projets susceptibles d’attirer davantage de jeunes vers les secteurs en expansion de l’économie neutre en carbone (par exemple l’agriculture durable, l’économie circulaire, la gestion des déchets, l’efficacité énergétique, la génération d’énergie renouvelable) en améliorant l’image et les conditions de travail de ces emplois.

3.4.6.

Le CESE voit dans la transition vers une économie neutre en carbone une opportunité d’éradiquer la pauvreté énergétique en Europe et d’améliorer la qualité de vie, la création d’emploi et l’inclusion sociale. L’Union européenne devrait garantir à tous les européens l’égalité d’accès aux services énergétiques de base. Il y a lieu, en s’appuyant sur les conclusions de l’Observatoire de la précarité énergétique, d’élaborer un plan d’action européen visant à éradiquer la pauvreté énergétique en coopération avec les parties prenantes, y compris les associations de consommateurs, afin de veiller à ce que l’action publique cible toujours plus les causes profondes de cette précarité. Le CESE insiste sur la nécessité de passer de mesures palliatives à des mesures préventives, telles que la rénovation de bâtiments anciens visant à rendre leur consommation d’énergie quasi nulle. Les tarifs sociaux et les chèques énergie n’offrent qu’un répit temporaire et devraient être progressivement remplacés par des mécanismes tels que des subventions en faveur de la transformation de bâtiments existants en bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle, et l’achat de voitures électriques.

3.4.7.

Le CESE invite les États membres à reconnaître et promouvoir davantage un sentiment d’appropriation parmi les citoyens et les communautés pour toutes les initiatives locales nécessaires à l’avènement d’une économie neutre en carbone, y compris celles visant à modifier les comportements et à produire de l’énergie renouvelable au niveau local. Les mécanismes d’aide et les réformes du marché de l’énergie devraient permettre aux communautés locales de prendre une part active à la production d’énergie et de bénéficier d’un accès équitable au marché de l’énergie. Les États membres qui ne disposent pas de la capacité institutionnelle requise devraient être soutenus de manière plus active.

3.4.8.

Le CESE se félicite de l’ambition de la Commission européenne de réduire de moitié le nombre de décès prématurés causés par la pollution atmosphérique d’ici 2030 (400 000 décès prématurés en Europe en 2015). Le Comité estime que l’Union européenne et l’ensemble de ses États membres devraient faire de la lutte contre la pollution de l’air une priorité politique de haut niveau. Les mesures réglementaires visant à réduire les polluants atmosphériques émis par les véhicules et les centrales électriques devraient être renforcées. La Commission européenne devrait associer davantage les organisations de la société civile, en particulier les associations qui protègent les enfants et les personnes âgées, dès lors que ces groupes de la population européenne sont les plus exposés au risque de souffrir et de mourir de la pollution atmosphérique.

3.4.9.

Le CESE est fermement convaincu que l’élaboration d’un pacte social pour une transition vers une économie neutre en carbone est essentielle pour garantir un engagement positif des citoyens en faveur d’actions concrètes pour cette transition.

3.5.   Démocratie et gouvernance

3.5.1.

Le CESE approuve l’importance du rôle des citoyens et des collectivités locales et régionales et de la participation des citoyens envisagés lors des dialogues avec les citoyens. Compte tenu de la participation massive des jeunes, le CESE invite la Commission européenne et les États membres à établir également un dialogue avec les jeunes citoyens.

3.5.2.

Le CESE se félicite de l’avis de la Commission selon lequel, en ce qui concerne la mobilité propre, «des changements comportementaux des particuliers et des entreprises devront aller de pair avec cette évolution» Le CESE estime que cela vaut pour tous les secteurs concernés par la transition vers une économie neutre pour le climat, dont l’énergie, le logement, l’agriculture et l’alimentation. Le CESE souligne que les changements de grande ampleur envisagés, y compris les changements de comportement et de style de vie doivent être acceptés par les intéressés.

3.5.3.

Il est d’avis que les procédures existantes ne sont pas encore suffisamment adaptées pour garantir l’acceptation nécessaire par les citoyens. Il souligne que la Commission européenne devrait s’efforcer non seulement de rendre la transition énergétique «socialement acceptable», mais aussi de veiller à ce qu’elle bénéficie d’un soutien démocratique et social.

3.5.4.

Se référant au règlement sur la gouvernance énergétique, le CESE propose de mettre en place un dialogue permanent avec les citoyens et de faire de ce dialogue un élément préparatoire obligatoire de toutes les grandes décisions politiques et de tous les processus législatifs de l’Union pertinents pour le changement climatique. La transparence et la responsabilité devraient constituer des éléments majeurs de ce dialogue, qui devrait se dérouler au niveau le plus proche des citoyens. Par conséquent, si un dialogue sur internet peut s’avérer nécessaire, il devrait être complété par des réunions et des contacts directs avec le grand public. Il devrait bénéficier des fonds nécessaires et être doté du personnel requis, et incarné par un vice-président de la Commission européenne qui serait exclusivement en charge de cette question.

3.5.5.

Le CESE estime que l’Union européenne et les États membres doivent démocratiser davantage l’élaboration des politiques énergétiques, en utilisant des outils tels que le sondage délibératif, et en garantissant un dialogue systémique ainsi que les ressources nécessaires pour que la société civile organisée puisse participer au développement et à la mise en œuvre des plans en matière d’énergie et de climat.

3.5.6.

Le CESE relève le rôle crucial que jouent les régions et les collectivités locales dans la mise en œuvre de la politique en matière de climat et d’énergie et dans l’évolution des comportements nécessaires à sa véritable application. Il attire l’attention sur les initiatives prises par la Convention des maires et invite la Commission à approuver des initiatives similaires et à mettre en place un mécanisme permanent de consultation fondé sur le dialogue de Talanoa (14). Cela inclut notamment le dialogue européen sur les mesures de lutte contre le changement climatique prises par les acteurs non étatiques, préconisé par le CESE.

3.5.7.

Le CESE réitère son appel à la création au sein de l’Agence européenne pour l’environnement d’un «service européen d’information sur l’énergie» capable de garantir l’accès libre à des données de qualité, de créer un point d’entrée unique pour toutes les séries de données nécessaires à l’évaluation de l’état d’avancement de l’union de l’énergie, de définir avec les parties prenantes les hypothèses relatives aux différents scénarios, de fournir des modèles «open source» permettant de tester différentes hypothèses et de vérifier la cohérence entre différentes projections. Les travaux de ce service devraient être librement accessibles à tous les décideurs politiques, ainsi qu’aux entreprises et au grand public.

3.5.8.

Le CESE invite le Parlement européen à mettre en place un comité indépendant de l’Union européenne sur le changement climatique chargé de procéder à des évaluations fondées sur des données scientifiques et de formuler des recommandations politiques. S’il n’en existe pas encore, le CESE invite les États membres à créer de tels comités au niveau national et à veiller à ce qu’ils rendent compte aux parlements et aux comités économiques et sociaux nationaux, en respectant les spécificités nationales.

Bruxelles, le 20 juin 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Rapport spécial du GIEC adopté en octobre 2018.

(2)  Avis du CESE sur les thèmes «Construire une coalition entre la société civile et les collectivités infranationales pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris» (JO C 389 du 21.10.2016, p. 20) et «Promouvoir des actions en faveur du climat par des acteurs non étatiques» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 35).

(3)  Avis CESE sur la «Révision de la directive relative aux énergies renouvelables» (JO C 246 du 28.7.2017, p. 55).

(4)  Conclusions du Conseil européen des 23 et 24.10.2014, EUCO 169/14, points I 2.1, 2.2, 2.10-2.13.

(5)  Avis du CESE sur les thèmes «Investir dans une industrie intelligente, innovante et durable — Une stratégie revisitée pour la politique industrielle de l’UE» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 70), «Le développement stratégique de la politique industrielle à l’horizon 2030» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 16) et «Un agenda européen pour l’économie collaborative» (JO C 75 du 10.3.2017, p. 33).

(6)  L’économie circulaire et le rapport Ecofys:Circular Economy: A key lever in bridging the emissions gap to a 1.5 °C pathway (L’économie circulaire: un levier capital pour combler l’écart en matière d’émissions vers un scénario de 1,5 °C).

(7)  Avis du CESE sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18).

(8)  Communiqué de presse de Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission, avril 2019, conférence de presse conjointe avec Peter Altmaier et Bruno Le Maire, 2 mai 2019.

(9)  Avis du CESE sur «Le pacte européen Finance-Climat» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 8).

(10)  Avis du CESE sur le thème «Faciliter l’accès au financement de l’action climatique pour les acteurs non étatiques» (JO C 110 du 22.3.2019, p. 14).

(11)  Avis du CESE sur les thèmes «Plan d’action: financer la croissance durable» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 73) et «Finance durable: taxonomie et valeurs de référence» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 103).

(12)  Avis du CESE sur «Le pacte européen Finance-Climat» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 8).

(13)  Voir ci-dessus la note de bas de page 10.

(14)  https://unfccc.int/topics/2018-talanoa-dialogue-platform.