ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 240

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

62e année
16 juillet 2019


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

2019/C 240/01

Résolution sur Mobilisons-nous pour une Europe unie! Votons!

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

2019/C 240/02

Avis du Comité économique et social européen sur les Questions relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes   (avis d’initiative)

3

 

AVIS

2019/C 240/03

Avis du Comité économique et social européen sur la Mutation économique, technologique et sociale des services avancés de santé à la personne âgée  (avis d’initiative)

10

2019/C 240/04

Avis du Comité économique et social européen sur le Travail avec l’amiante dans la rénovation énergétique  (avis d’initiative)

15

2019/C 240/05

Avis du Comité économique et social européen sur La contribution des entreprises de l’économie sociale à une Europe plus cohésive et démocratique   (avis exploratoire à la demande de la présidence roumaine)

20

2019/C 240/06

Avis du Comité économique et social européen sur La philanthropie européenne: un potentiel inexploité  (avis exploratoire à la demande de la présidence roumaine)

24


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

2019/C 240/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 904/2010 en ce qui concerne des mesures de renforcement de la coopération administrative afin de lutter contre la fraude à la TVA  [COM(2018) 813 final — 2018/0413(CNS)]

29

2019/C 240/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’instauration de certaines exigences applicables aux prestataires de services de paiement  [COM(2018) 812 final — 2018/0412(CNS)] et sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 en ce qui concerne les dispositions relatives aux ventes à distance de biens et à certaines livraisons intérieures de biens  [COM(2018) 819 final — 2018/0415(CNS)]

33

2019/C 240/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une bioéconomie durable pour l’Europe: renforcer les liens entre l’économie, la société et l’environnement[COM(2018) 673 final]

37

2019/C 240/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/757 afin de tenir dûment compte du système mondial de collecte des données relatives à la consommation de fuel-oil des navires  (COM(2019) 38 final — 2019/0017(COD))

41

2019/C 240/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Le marché unique dans un monde qui change — Un atout sans égal nécessitant une volonté politique renouvelée  [COM(2018) 772 final]

44

2019/C 240/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle  [COM(2018) 795 final]

51


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/1


Résolution sur «Mobilisons-nous pour une Europe unie! Votons!»

(2019/C 240/01)

Lors de sa session plénière des 15 et 16 mai 2019 (séance du 15 mai), le Comité économique et social européen a adopté la résolution suivante par 226 voix pour, 4 voix contre et 12 abstentions.

Mobilisons-nous pour une Europe unie! Votons!

À la veille des élections au Parlement européen et compte tenu de la déclaration sur l’avenir de l’Europe adoptée par les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne à 27 à Sibiu (Roumanie), le 9 mai 2019, le Comité économique et social européen invite les citoyens de l’Union à faire usage de leur droit de vote.

L’Union européenne est fondée sur des valeurs communes: la démocratie, la protection des droits de l’homme, la liberté d’expression, l’état de droit, la tolérance, la justice, l’égalité, la solidarité et la participation démocratique. Il convient de défendre et de protéger ces valeurs en permanence car ce sont elles qui permettent aux européens de vivre dans une société ouverte, au sein de laquelle tous les citoyens sont respectés et unis par une identité européenne, qui vient s’ajouter à leur identité nationale.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à des défis communs complexes:

le changement climatique,

les inégalités sociales, économiques et territoriales,

la pauvreté,

le chômage, en particulier chez les jeunes,

le rétrécissement de l’espace civique,

la migration,

la sécurité et le terrorisme,

la corruption.

Et le nationalisme n’est pas la solution.

Seule une Europe unie nous permettra d’enregistrer de réels progrès sur ces questions.

Nous défendons une Europe qui place les besoins de ses citoyens au cœur de ses politiques et actions et veille à ce que les défis économiques, sociaux et environnementaux soient relevés ensemble dans une perspective durable, une Europe qui garantit une qualité de vie et de l’emploi, un environnement favorable à l’investissement et à l’esprit d’entreprise, ainsi qu’une cohésion économique et sociale accrue.

Nous défendons également une Europe qui offre aux jeunes des possibilités d’exploiter leur potentiel et les encourage à participer activement aux processus politiques européens.

En tant que représentants des organisations de la société civile, nous œuvrons ensemble pour une Union européenne qui produise des résultats et réponde plus efficacement aux attentes et aux besoins de ses citoyens.

Nous encourageons vivement les citoyens de toute l’Europe à se rendre aux urnes lors des prochaines élections européennes. Nous appelons les organisations de la société civile à se joindre à nos efforts pour mobiliser un vote positif en faveur d’une Europe unie.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


AVIS

Comité économique et social européen

16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/3


Avis du Comité économique et social européen sur les «Questions relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes»

(avis d’initiative)

(2019/C 240/02)

Rapporteure: Indrė VAREIKYTĖ

Décision de l’assemblée plénière

20.9.2018

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

24.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

200/4/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que l’égalité entre les femmes et les hommes est un enjeu de société et que seule une société égalitaire peut être économiquement et socialement forte. Par conséquent, il est impératif, sur le plan tant économique que social, que les femmes et les hommes soient traités sur un pied d’égalité et qu’ils bénéficient des mêmes chances.

1.2.

Bien que cette question constitue un objectif majeur pour l’Union européenne, le CESE constate avec regret qu’au rythme actuel, il faudra attendre plus de 100 ans pour qu’il soit réalisé, en particulier si les progrès continuent d’être freinés par un recul dans les domaines les plus cruciaux du développement et un ralentissement général de la croissance économique.

1.3.

Le Comité estime que l’Union européenne et ses États membres doivent tout mettre en œuvre pour réaliser, d’ici à 2030, l’ODD 5 relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. Aussi préconise-t-il que l’Union européenne adopte une stratégie quinquennale (1) audacieuse en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui couvre le mandat de la prochaine Commission et du prochain PE, et qu’un engagement fort soit pris en la matière par les institutions européennes, les pouvoirs publics, la société civile et le secteur privé, dans l’objectif de traiter simultanément et avec efficacité tous les aspects de l’égalité dans leur globalité, en prenant des mesures de même échelle.

1.4.

Le CESE demande que l’égalité entre les femmes et les hommes demeure un objectif autonome dans les futurs cadres financiers, qu’un engagement clair soit pris en ce sens, ainsi qu’en faveur de l’intégration de cette question dans les politiques de l’Union européenne, et que soient inclus dans tous les programmes et domaines, des indicateurs sexospécifiques, une évaluation de l’impact selon le sexe et une budgétisation sensible au genre. La dimension d’égalité devrait également être intégrée dans les recommandations par pays.

1.5.

Le Comité invite la Commission européenne à initier un train de mesures sur les services de soins afin de stimuler la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et de revoir les objectifs de Barcelone en matière de garde d’enfants.

1.6.

Le CESE condamne toutes les formes de violence à l’égard des femmes et encourage les États membres qui n’ont pas encore ratifié la convention d’Istanbul à revoir leur position. Le CESE invite également la Commission à intégrer le harcèlement en ligne et le harcèlement moral des femmes dans la définition des discours de haine illégaux. Il convient d’établir des indicateurs à l’échelle de l’Union pour la collecte de données comparables sur la violence à l’égard des femmes. Cela contribuerait à l’élaboration de mesures politiques efficaces.

1.7.

Le Comité prend note du fait que la discussion sur la directive relative à la présence des femmes dans les conseils des sociétés reste à l’ordre du jour de la présidence roumaine dans l’objectif d’augmenter la participation des femmes dans les organes de décision. Il invite le Conseil à maintenir ses efforts et à poursuivre la discussion sur la directive en question. Le Comité invite également les entreprises à jouer un rôle de premier plan et à accroître la participation des femmes aux postes à hautes responsabilités.

1.8.

Le CESE préconise d’adopter des mesures ambitieuses pour garantir la présence dans une égale mesure des femmes et des hommes sur le marché du travail, plus particulièrement des mesures visant à combler l’écart salarial entre hommes et femmes, et pour lutter contre la ségrégation sexuelle horizontale et verticale entre professions.

1.9.

Le CESE propose la création d’un fonds juridique d’urgence au niveau de l’Union, destiné à soutenir les organisations de la société civile qui contestent devant les tribunaux la législation nationale ou locale qui viole les droits des femmes.

1.10.

Le Comité reconnaît le rôle joué par les médias, la publicité et les modèles publics dans la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, et demande que des mesures soient prises pour faire en sorte que la publicité ait un impact positif plutôt que négatif sur la représentation et la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la société.

1.11.

Le CESE appelle les institutions publiques et les organisations de la société civile de l’Union européenne à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans leurs politiques et leurs actions extérieures et à mettre en place des mesures internes exemplaires, telles que la promotion des femmes au sein du processus décisionnel et l’intégration de cette matière dans l’ensemble de leurs politiques et de leurs procédures.

1.12.

Se référant à l’article 300, paragraphe 5, du TFUE, le Comité invite le Conseil à revoir ses lignes directrices relatives à la nomination des membres du CESE et recommande que les États membres proposent des membres sur la base de la parité entre les femmes et les hommes. Le Comité s’efforcera de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre de ses activités, d’intégrer l’égalité dans son processus de travail et de mettre en place un groupe de suivi (follow-up group) chargé d’élaborer des lignes directrices adéquates.

2.   Considérations générales

2.1.

L’égalité entre les femmes et les hommes constitue une valeur et un objectif fondamentaux de l’Union européenne, consacrés par les traités européens et la Charte des droits fondamentaux, et récemment réaffirmés dans le contexte du socle européen des droits sociaux. Outre le cadre législatif et politique qu’elle a mis en place en vue de parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes, l’Union européenne soutient la mise en œuvre du programme d’action de Pékin et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que du programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement et les conclusions de leurs conférences d’examen.

2.2.

S’il existe de nombreuses initiatives positives au sein de l’Europe pour s’attaquer à différents aspects des inégalités entre les sexes, les moteurs de l’égalité réelle, en particulier dans les États membres et les régions, sont complexes et présentent de multiples facettes. Malgré les progrès généraux accomplis, le CESE regrette qu’au rythme actuel, il faudra plus de 100 ans pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’Union européenne. Le CESE a appelé de ses vœux une stratégie globale en faveur du développement durable en vue de la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030. Dans ce contexte, le Comité estime que l’Union européenne et ses États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour réaliser, d’ici à 2030, l’ODD 5 relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes.

2.3.

Le CESE est également préoccupé par le fait que les progrès à venir en matière d’égalité entre les femmes et les hommes pourraient être entravés par la dégradation, dans certains États membres, de la situation concernant l’autonomisation économique des femmes (emploi, équilibre entre vie professionnelle et vie privée, droits sociaux, structures d’accueil), l’éducation, la santé et les droits sexuels et génésiques, la violence à l’égard des femmes, les ONG défendant les droits des femmes, et, au niveau tant de l’Union européenne que des États membres, de domaines clés du cadre institutionnel et politique.

2.4.

Un ralentissement de la croissance économique d’un certain nombre de pays européens est annoncé, de sorte qu’il existe un risque sérieux que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes puisse être reléguée au second plan par les États membres et les entreprises. Il importe que les effets des politiques macroéconomiques en matière d’égalité des sexes soient pleinement évalués et pris en compte lors de l’élaboration des politiques budgétaires et en matière de protection sociale et des politiques relatives à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, entre autres, afin d’éviter d’exacerber encore davantage les inégalités existantes entre les femmes et les hommes.

2.5.

Le Comité estime que si l’on veut progresser et garantir la mise en œuvre effective des politiques de l’Union européenne en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, il est indispensable que soit adoptée une nouvelle stratégie européenne quinquennale relative à cette question, qui couvre les prochains mandats du Parlement et de la Commission, et que les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les institutions européennes renouvellent leur engagement en faveur de l’égalité entre des sexes. C’est non seulement nécessaire pour garantir une société juste et équitable, mais cela constitue également la meilleure réponse collective pour lutter contre les mouvements populistes discriminatoires et misogynes qui remettent actuellement en question les sociétés démocratiques.

2.6.

L’opinion publique soutient le point de vue du CESE à cet égard, étant donné que la plupart des européens estiment vitale l’égalité des sexes pour une société démocratique et équitable (91 %), pour l’économie (87 %) et pour eux, à titre personnel (84 %). En outre, la proportion de citoyens de l’Union européenne qui souhaiteraient que l’Union intervienne davantage dans ce domaine politique a augmenté de 10 % (passant de 55 à 65 %) en seulement deux ans (2016-2018).

2.7.

Dans ce contexte, le Comité regrette que l’ensemble des fonds européens alloués à des mesures en faveur de l’égalité des sexes au cours de la période 2014-2020 ne s’élève qu’à 6,17 milliards d’EUR, soit environ 0,6 % de l’ensemble des crédits. Le CESE demande que l’égalité entre les femmes et les hommes reste un objectif autonome dans les futurs cadres financiers, qui doivent également faire preuve d’un engagement clair en faveur de l’égalité des sexes et de l’intégration de la dimension de genre, et imposer des indicateurs sexospécifiques, une évaluation de l’impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la prise en compte de cette dimension dans l’établissement du budget, à l’échelle tant de l’Union européenne que des États membres. Il convient de veiller à l’intégration de la dimension de genre et à la mise à disposition de fonds spécifiques destinés à financer des mesures en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, non seulement dans les programmes en matière d’emploi et d’insertion sociale, ou dans ceux relatifs aux droits fondamentaux de la personne humaine [par exemple les ressources disponibles dans le cadre du FSE, du programme «Droits, égalité et citoyenneté»(REC), du Fonds «Asile, migration et intégration»(AMIF), et du Programme de l’Union européenne pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI)], mais également dans des domaines stratégiques n’étant pas considérés comme directement liés à l’égalité des sexes, mais qui pourraient avoir des effets importants sur celle-ci, tels que les TIC, les transports, le développement urbain et rural, le monde de l’entreprise, l’aide à l’investissement, le développement durable et les politiques environnementales. La dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes, évaluée sur la base de l’indice qui y est consacré, devrait faire partie intégrante du processus du semestre européen, y compris des rapports et des recommandations par pays.

2.8.

Compte tenu de l’augmentation récente des révélations dans le cadre du mouvement #MeToo, le Comité félicite le Médiateur européen qui recommande un code de conduite plus strict dans toutes les institutions européennes et estime qu’il devrait aussi être rapidement adapté et adopté par les institutions publiques des États membres.

2.9.

Le CESE invite les institutions publiques et les organisations de la société civile de l’ensemble de l’Union européenne, non seulement à encourager l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre de leurs politiques et de leurs actions extérieures, mais également à mettre en place des mesures internes exemplaires, telles que la valorisation des femmes dans les fonctions d’encadrement et l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ensemble de leurs politiques et procédures, qui sont actuellement limitées, mais qui pourraient constituer un exemple positif fort pour les institutions publiques et les entreprises du voisinage et faire progresser le dialogue au sujet de la mise en œuvre des mesures en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société européenne.

3.   Économie

3.1.

L’égalité d’accès aux ressources économiques n’est pas seulement nécessaire à l’indépendance économique des femmes, elle est également une condition préalable à la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de croissance économique durable, de qualité de l’emploi, de cohésion sociale, de prospérité et de compétitivité. Encourager la participation des femmes au marché du travail est essentiel pour la croissance intelligente, durable et inclusive et, plus généralement, pour le PIB, afin de veiller à ce que l’Union tire pleinement parti des talents disponibles.

3.2.

Sur le marché du travail, les européennes restent confrontées à des inégalités, à une ségrégation et à des écarts salariaux persistants liés à leur sexe, qui à eux seuls coûteront à l’Union européenne une perte estimée à 240 millions du PIB d’ici 2030, et ont des conséquences à la fois à court terme, sur leur salaire net, et à long terme, sur leurs droits à la sécurité sociale et à la retraite. Le CESE se félicite dès lors de la consultation de la Commission visant à évaluer les dispositions de la directive 2006/54/CE relative à la mise en œuvre du principe d’égalité salariale, ancré dans le traité, en vue d’assurer une meilleure application dans la pratique du principe d’une rémunération égale pour un travail de valeur égale.

3.3.

Si la réduction du temps de travail peut être un choix, plus d’un quart de la population européenne occupe un emploi à temps partiel sans l’avoir désiré. Les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel et leur choix d’opter pour cette solution est souvent influencé par les responsabilités familiales. La proportion du travail à temps partiel involontaire n’a diminué que légèrement (0,1 %) au cours de ces dernières années. L’une des raisons expliquant le travail à temps partiel involontaire réside dans l’insuffisance d’infrastructures d’accueil adéquates et de formules de travail souples qui pourraient permettre de parvenir à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. D’une manière générale, les femmes sont aussi davantage exposées à la pauvreté et à des possibilités de carrière limitées. En outre, dans l’ensemble de l’Union européenne, les femmes qui créent leur propre entreprise sont près de deux fois moins nombreuses que les hommes.

3.4.

Le CESE préconise donc d’adopter des mesures efficaces pour garantir une égale participation des femmes et des hommes au marché du travail et pour lutter contre la ségrégation sexuelle horizontale et verticale au sein des professions. Créer pour les femmes davantage de possibilités d’accéder à des emplois à plein temps de qualité où l’organisation du travail est flexible devrait constituer une priorité absolue.

3.5.

Le Comité considère qu’il est essentiel de promouvoir des politiques de l’emploi favorables aux familles et à l’égalité entre les femmes et les hommes et de mettre en place des mesures de transformation ciblées susceptibles de rééquilibrer la répartition inéquitable des responsabilités et des tâches domestiques entre les femmes et les hommes (2), en particulier dans le contexte économique actuel qui met les travailleurs sous une pression grandissante. Le suivi de la transposition de la directive de l’Union européenne relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée sera essentiel pour garantir des réformes progressistes visant à mettre en œuvre des modalités de congés payés et de formules de travail flexibles adéquates et pour évaluer l’incidence des nouvelles mesures destinées à promouvoir le congé parental et de paternité auprès des pères.

3.6.

Des mesures appropriées, telles qu’une offre de structures d’accueil des enfants et de services de soins de longue durée accessibles et abordables, et la promotion des congés destinés aux hommes, sont indispensables pour permettre aux parents et aux aidants d’entrer sur le marché du travail, d’y rester ou d’y retourner. Le Comité invite la Commission européenne, d’une part, à initier un train de mesures sur les services de soins qui viserait à stimuler la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et à compléter la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et qui combinerait des recommandations relatives aux stratégies, au financement et aux objectifs, et d’autre part, à envisager la révision des objectifs de Barcelone en matière de garde d’enfants.

3.7.

La négociation collective peut jouer un rôle important dans la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. La recommandation de la commission mondiale de l’OIT sur l’avenir du travail portant sur un programme de réforme en matière d’égalité entre les femmes et les hommes devrait guider les partenaires sociaux, les États membres et les institutions de l’Union européenne dans leur action.

4.   Éducation et formation

4.1.

En dépit de nombreuses évolutions encourageantes dans les parcours suivis par les femmes et les hommes en matière d’enseignement, des formes de ségrégation stéréotypées subsistent dans l’ensemble des États membres. Les hommes restent largement sous-représentés dans des secteurs associés aux rôles traditionnellement dévolus aux femmes, tels que la santé et le bien-être, les sciences humaines et l’art ou encore la formation des enseignants et les sciences de l’éducation, tandis qu’ils sont plus nombreux que les femmes dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques et dans celui des technologies de l’information et de la communication (TIC), et ce, dans tous les États membres. Cela crée des difficultés supplémentaires pour les femmes, étant donné que les compétences dans ces deux domaines, ainsi que dans celui de l’intelligence artificielle, sont déjà cruciales à l’heure actuelle et deviendront indispensables à l’avenir (3).

4.2.

Les femmes disposant d’un faible niveau de compétences et de qualifications doivent être davantage soutenues si l’on veut améliorer leur situation sur le marché du travail, étant donné que l’écart entre les femmes et les hommes au regard de l’emploi est plus important pour les personnes ne disposant d’aucune ou de peu de qualifications et celles souffrant de discrimination intersectionnelle. Les mesures destinées spécifiquement aux groupes de femmes vulnérables, notamment à celles qui sont confrontées à un handicap (4) et à de multiples désavantages, contribueraient à améliorer leur niveau de compétence.

4.3.

Les femmes continuent à prendre une place de plus en plus importante dans l’enseignement supérieur et elles sont plus nombreuses que les hommes dans de nombreux secteurs de l’enseignement tertiaire. Toutefois, la ségrégation dans l’enseignement supérieur et dans l’enseignement professionnel persiste, ce qui limite les choix de carrière dans les secteurs non traditionnels et l’accès aux mêmes possibilités de carrière.

4.4.

Il est donc essentiel de continuer à lutter contre les stéréotypes fondés sur le sexe et contre la ségrégation dans le domaine de l’éducation et de la formation, en soutenant les programmes qui tiennent compte de cette dimension dans le domaine de l’éducation, de l’orientation professionnelle, des campagnes médiatiques qui encouragent les filles comme les garçons, les femmes comme les hommes à suivre des parcours professionnels conformes à leurs compétences et à leurs capacités; en favorisant les perspectives de carrière et l’évolution aussi bien des femmes que des hommes qui choisissent des secteurs non traditionnels; en créant pour les femmes des occasions de tirer parti de leurs bons résultats dans l’enseignement supérieur dans la même mesure que les hommes, en supprimant l’actuel plafond de verre auquel se heurtent les femmes dans le milieu universitaire (5) et en augmentant les opportunités pour les femmes entrepreneurs (6), en particulier dans les secteurs non traditionnels. Il est également recommandé de sensibiliser davantage le public aux questions liées à l’égalité des sexes et les compétences des fonctionnaires et des professionnels en la matière.

5.   Les femmes et la pauvreté

5.1.

Les femmes sont davantage exposées au risque de pauvreté, en partie du fait de leur rémunération horaire inférieure, de leur surreprésentation parmi les bénéficiaires de revenus minimums et dans les secteurs où les niveaux de rémunération sont plus faibles, et sont plus susceptibles de travailler à temps partiel, de se voir proposer des contrats non flexibles ou de s’absenter de leur travail pour assumer des responsabilités familiales. Le phénomène de féminisation de la pauvreté s’explique par un certain nombre de facteurs, dont la sous-évaluation du travail des femmes et l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. L’écart entre les hommes et les femmes en matière d’emploi se creuse nettement à l’arrivée des enfants, ce qui témoigne des difficultés rencontrées par les femmes pour concilier leur vie professionnelle et leurs responsabilités familiales, ainsi que des traitements discriminatoires et injustes auxquels sont confrontées les femmes enceintes ou qui reviennent de congé de maternité.

5.2.

Il est essentiel de reconnaître que les femmes ne constituent pas une catégorie homogène et que des mesures spécifiques sont nécessaires pour les femmes discriminées ou désavantagées pour des raisons qui ne sont pas liées à leur sexe, c’est-à-dire les femmes handicapées, victimes de racisme, LGBTIQ+, vivant en milieu rural, immigrées, réfugiées ou demandeuses d’asile, ou encore les femmes jeunes et âgées.

5.3.

Le Comité recommande dès lors de renforcer les mesures promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle:

intégrer la dimension d’égalité dans les initiatives de développement économique,

promouvoir l’égalité en matière d’emploi pour parvenir à une indépendance économique et une sécurité financière équivalentes,

soutenir les initiatives visant à sensibiliser davantage au rôle majeur de l’indépendance économique des femmes dans la réduction de la pauvreté,

lutter contre les conséquences des interruptions de carrières et des différentes formes de travail sur le risque que courent les femmes de se retrouver à vie en situation de pauvreté,

développer des mesures politiques ciblant des groupes de femmes spécifiquement vulnérables courant un risque accru de pauvreté,

continuer à réformer les dispositions nationales en matière de retraites en faisant de la dimension homme-femme un facteur du calcul des droits à la retraite (par exemple en ajoutant les congés de maternité/paternité ou d’autres congés liés à des responsabilités familiales dans le calcul de la retraite),

lutter contre la pauvreté des enfants en intégrant les questions de genre et une approche globale visant à développer des synergies entre l’insertion sociale, l’égalité des sexes et d’autres domaines d’action et avec d’autres instruments politiques et financiers,

réviser, adopter et conserver des politiques et des stratégies de développement macroéconomiques qui répondent aux besoins des femmes touchées par la pauvreté et aux efforts qu’elles fournissent.

6.   Les droits fondamentaux

6.1.

L’égalité des sexes est un principe fondamental, qui fait partie intégrante des droits humains et qui est une condition indispensable pour rendre ces droits fondamentaux applicables à tous et permettre à tous d’en jouir.

6.2.

Le CESE condamne toutes les formes de violence à l’égard des femmes et encourage les États membres qui n’ont pas encore ratifié la convention d’Istanbul à envisager de le faire dans les plus brefs délais. Il convient d’établir des indicateurs à l’échelle de l’Union pour la collecte de données comparables sur la violence à l’égard des femmes. Cela contribuerait à l’élaboration de mesures politiques efficaces. À cette fin, l’expérience de certains pays de l’Union dans ce domaine pourrait donner une idée de l’approche qu’il convient d’adopter. Le CESE invite également la Commission à mettre à jour la recommandation sur les mesures destinées à lutter de manière efficace contre les contenus illicites en ligne et le code de conduite visant à combattre les discours de haine illégaux en ligne, qui a été approuvé par la CE et les entreprises informatiques mondiales, en intégrant le harcèlement en ligne et le harcèlement moral des femmes dans la définition des discours de haine illégaux.

6.3.

Le Comité regrette profondément l’actuelle réaction d’hostilité envers la santé et les droits sexuels et génésiques des femmes en Europe, qui a de graves conséquences pour les droits fondamentaux des femmes et constitue une menace générale pour l’universalité des droits humains. En outre, bien que des reculs législatifs aient spécifiquement ciblé l’accès des femmes à des services légaux d’avortement dans certains pays européens (même lorsqu’il est prouvé qu’une éducation sexuelle globale peut réduire les grossesses non désirées de 50 %), d’autres aspects de la santé sexuelle et génésique des femmes et de leurs droits dans ces domaines ont également été affectés, par exemple les exigences légales à remplir en vue d’obtenir des prescriptions médicales pour une contraception d’urgence. En outre, une série de lois et de politiques rétrogrades assorties d’un large éventail de conséquences préjudiciables pour les droits des femmes sont entrées en vigueur, notamment des lois qui ont pour effet d’entraver l’éducation sexuelle, d’empêcher la diffusion d’informations sur l’orientation sexuelle et sur l’identité de genre, y compris dans un but d’éducation, ou de dépénaliser certaines formes de violence domestique.

6.4.

Le CESE invite les institutions et la société civile européennes à œuvrer de concert afin de prendre des mesures immédiates et déterminées contre ce type de lois. Le Comité propose également la création d’un fonds juridique d’urgence au niveau de l’Union, destiné à soutenir les organisations de la société civile qui contestent devant les tribunaux la législation qui viole les droits des femmes.

6.5.

Le CESE souligne par ailleurs l’importance de lutter contre les obstacles rencontrés par les femmes, en particulier les victimes de violences lorsqu’elles demandent réparation de la violation de leurs droits, et de garantir l’égalité d’accès à la justice pour toutes les femmes, en supprimant les barrières institutionnelles économiques, et culturelles liées au sexe, ce qui est une condition préalable nécessaire aux droits fondamentaux des femmes. Le Comité regrette en outre que les indicateurs permettant d’évaluer les progrès accomplis par les États membres dans le domaine des droits fondamentaux des femmes fassent toujours défaut et que les hommes soient généralement plus susceptibles de faire l’objet d’un arrêt non objectif et d’être privés des droits de garde parentale et de visite.

7.   La participation des femmes au pouvoir et au processus d’élaboration des décisions

7.1.

Malgré les progrès enregistrés ces dernières années, la sous-représentation des femmes dans les processus décisionnels politiques et économiques reste un problème dans l’Union et ses États membres. À tous les niveaux de pouvoir, les femmes n’occupent qu’un tiers des postes de décision et un quart des postes ministériels de premier et de second rang. Les institutions économiques et financières, tant publiques que privées, sont encore presque exclusivement dirigées par des hommes.

7.2.

Le CESE déplore qu’en dépit des demandes répétées de l’ensemble de l’Union européenne et du Comité lui-même (7), le seuil de 40 % de femmes au sein des conseils d’administration des sociétés ne puisse être atteint d’ici 2020. Il prend note du fait que la discussion sur la directive sur la présence des femmes dans les conseils des sociétés reste à l’ordre du jour de la présidence roumaine dans l’objectif d’augmenter la participation des femmes dans les organes de décision. Il invite le Conseil à maintenir ses efforts et à poursuivre la discussion sur la directive relative à la présence des femmes dans les conseils des sociétés. Le Comité invite également l’industrie à jouer un rôle de premier plan et à accroître de manière significative la participation des femmes aux postes à hautes responsabilités.

7.3.

Le Comité a recommandé à plusieurs reprises (8) d’envisager des stratégies et des outils efficaces (par exemple, des dispositions légales, budgétaires et volontaires, des quotas) pour briser le plafond de verre et parvenir à l’équilibre entre les sexes aux postes pourvus par élection ou par nomination des grandes structures politiques. Il est plus important que jamais d’aborder et de régler le problème des normes, comportements et stéréotypes liés au sexe qui entravent l’égalité en matière de représentation des femmes aux postes de décision dans les domaines politique, économique et social.

7.4.

Le CESE recommande à la Commission de prendre la tête d’une initiative visant à inciter davantage de femmes à s’investir en politique et à voter pour des candidates qualifiées en adoptant des mesures dont l’objectif est d’investir dans leurs compétences, les ressources et les réseaux de tutorat.

7.5.

Le CESE se félicite de l’objectif fixé par Jean-Claude Juncker, président de la Commission, de veiller à ce que d’ici la fin de la législature actuelle, au moins 40 % des membres de son personnel d’encadrement intermédiaire et supérieur soient des femmes et, à cet égard, reconnaît qu’il est regrettable que 30 % seulement des membres du CESE soient des femmes, compte tenu du fait qu’il s’agit d’un organe de l’Union qui représente la société civile européenne et joue un rôle de pont entre la société et les institutions européennes. Le Comité invite dès lors le Conseil à revoir ses lignes directrices relatives à la nomination des membres du CESE afin de tenir compte de l’évolution économique, sociale et démographique au sein de l’Union, conformément à l’article 300, paragraphe 5, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le Comité s’efforcera de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre de ses activités.

7.6.

Dans son règlement intérieur nouvellement adopté, le CESE s’est engagé à garantir, dans toutes ses politiques, le respect des principes d’égalité de genre et de non-discrimination. À cette fin, le CESE adoptera une politique de lutte contre le harcèlement et établira un groupe de suivi (follow-up group) afin d’élaborer des lignes directrices pour l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous ses travaux, notamment dans ses avis.

8.   Médias

8.1.

Les médias jouent un rôle essentiel dans le façonnement des opinions, des attitudes et des préjugés de la société. Les femmes sont productrices et consommatrices de contenus médiatiques, dont elles font partie intégrante. Or ces contenus médiatiques ne sont pas toujours respectueux de la dimension homme-femme et peuvent présenter des images dégradantes des femmes et perpétuer des normes, des rôles et des stéréotypes traditionnels figés. L’essor des technologies numériques et des nouvelles formes de communication a encore compliqué les relations entre les rôles des femmes dans les médias d’une part, et la manière dont les producteurs, les consommateurs et les contenus s’y réfèrent d’autre part.

8.2.

Si l’emploi des femmes dans le secteur des médias au sein de l’Union européenne a augmenté pour atteindre près de la moitié des effectifs (44 %), et si les femmes constituent le groupe le plus important (68 %) des diplômés dans les secteurs du journalisme et de l’information, dans les médias, elles occupent principalement des postes ayant peu d’influence sur les contenus et la stratégie des organisations.

8.3.

Si l’on veut améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur des médias, il est indispensable de briser le plafond de verre, de renforcer la participation des femmes aux plus hauts postes de décision et de compléter les mesures volontaires adoptées par les organisations médiatiques par des mesures contraignantes destinées à soutenir la transformation du secteur des médias et de ses contenus. Il est de la plus haute importance de commencer à reconnaître les conséquences des stéréotypes fondés sur le sexe que produisent les contenus médiatiques, et à évaluer la manière dont femmes et hommes sont représentés dans les médias.

8.4.

Le secteur de la publicité s’efforce à grand-peine de dresser un portrait des femmes et des hommes qui soit équilibré et réaliste. Le portrait qui est fait des femmes et des hommes est encore fondé sur des modèles archaïques et inacceptables, même si les stéréotypes liés au genre sont aujourd’hui souvent présentés de manière plus subtile. Le CESE estime qu’il est temps de mettre fin à ces perceptions anachroniques et que l’industrie assume un rôle de premier plan pour faire en sorte que la publicité ait un impact positif plutôt que négatif, s’agissant de la représentation et de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de la société, en particulier en ce qui concerne la commercialisation de produits destinés aux enfants, qui véhicule des stéréotypes de genre.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 110 du, 22.3.2019, p. 26.

(2)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 44.

(3)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(4)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 20.

(5)  JO C 12 du 15.1.2015, p. 10.

(6)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 24.

(7)  JO C 133 du 9.5.2013, p. 68.

(8)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 101.


AVIS

16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/10


Avis du Comité économique et social européen sur la «Mutation économique, technologique et sociale des services avancés de santé à la personne âgée»

(avis d’initiative)

(2019/C 240/03)

Rapporteur: Marian KRZAKLEWSKI

Corapporteur: Jean-Pierre HABER

Décision de l’Assemblée plénière

12.7.2018

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

26.3.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

150/3/6

1.   Conclusions et recommandations (1)

1.1.

La problématique du vieillissement sociodémographique en Europe et les réponses éthiques, politiques, économiques et sociales qu’il convient de mettre en œuvre constituent un défi considérable à relever et présentent des opportunités en matière d’emploi, de formation, de développements économiques et d’innovation dans l’Union.

1.2.

Le Comité regrette que les politiques européennes économiques, sociales et de santé n’aient pas anticipé les besoins croissants des seniors. Il souhaite que soit mis en avant le rôle social et économique des aînés ainsi que le bassin d’emploi colossal qu’ils représentent par l’intermédiaire de l’«économie argentée»(«silver economy») et des besoins en matière de soins et de services à la personne âgée (SAPA).

1.3.

Une représentation conforme des réalités sociodémographiques du vieillissement passe par une bonne mesure statistique du phénomène: il serait judicieux, en termes d’économie de la santé, de mesurer le vieillissement démographique de manière dynamique et affinée, notamment en introduisant des variables telles que le genre, l’espérance de vie en bonne santé, l’épidémiologie environnementale, etc. Il conviendrait dès lors de confier à un panel de démographes, de sociologues et de médecins la construction d’un ensemble d’indicateurs dynamiques du vieillissement démographique.

1.4.

La notion de soins et de services à la personne en institution et à domicile devrait être précisée car cette terminologie englobe une diversité d’activités dont la mise en œuvre peut être assurée par des prestataires disposant de statuts très diversifiés.

Compte tenu du large éventail des activités de SAPA, ces services ne sont pas considérés comme un secteur économique cohérent au sein de l’Union européenne. Il conviendrait dès lors d’envisager une définition juridique générale des SAPA dans l’Union européenne.

1.5.

Le CESE recommande que le droit au vieillissement dans la dignité soit reconnu comme un droit fondamental de la personne humaine. Il estime dès lors que tout doit être mis en œuvre pour favoriser l’égalité d’accès à des soins et des services de qualité.

1.6.

Le CESE souhaite que la stratégie numérique de l’Union européenne prenne en compte le maintien de l’utilisation du papier pour faciliter le discernement des seniors quant aux soins qui leur sont prodigués.

1.7.

Le CESE recommande que soient articulées les politiques du logement et les politiques du vieillissement autour de formules d’habitat innovantes (telles que les appartements modulaires, l’habitat groupé, l’habitat intergénérationnel et solidaire, etc.) qui devraient faire l’objet d’une attention soutenue et d’un programme d’aide spécifique issu des Fonds structurels européens.

1.8.

Il conviendrait de suggérer à chaque État membre de mettre en place des observatoires du vieillissement nationaux et régionaux qui travailleraient sur une base collaborative avec les services économiques et sociaux de première ligne pour:

faire évoluer les dispositifs juridiques afin de protéger la situation sociale et financière de la personne âgée,

développer la mobilité interne (logement) et externe (activités, déplacements, loisirs…) des aînés,

organiser la complémentarité entre les services à domicile, les maisons de retraite et toutes les formes alternatives de logement pour les aînés,

coordonner les démarches des soignants, des aidants et des SAPA autour d’un parcours de soins des seniors, orchestré par un médecin coordinateur gérontologue et une infirmière.

1.9.

L’Union européenne devrait envisager la création d’une plateforme de coordination des activités des observatoires du vieillissement chargée, entre autres, de proposer des formations continues et de diffuser les bonnes pratiques en développant une banque de données publique des meilleurs produits, dispositifs, équipements et architectures sécurisant la vie quotidienne des aînés. Le CESE souhaite que l’Union européenne soutienne plus activement des programmes de R&D portant sur les facteurs humains et sociaux caractéristiques des personnes âgées et sur l’épigénétique en identifiant les principaux mécanismes moléculaires et biologiques du vieillissement. Il recommande la mise en place d’une plateforme technologique communautaire qui permettrait de mieux orienter la R&D vers des innovations protégeant la santé des seniors et assurant la prévention.

1.10.

Le CESE appelle à une meilleure utilisation des innovations issues des technologies numériques par l’ensemble des parties prenantes du secteur médico-social: télémédecine, capteurs, carte clinique et dossier médical informatisés, domotique et plus généralement la mise en œuvre des techniques d’intelligence artificielle dans l’espace des seniors.

Il souhaite que l’innovation soit stimulée en mettant fin à la fragmentation des marchés et à des approches corporatistes qui constituent de véritables barrières techniques. Il attire l’attention sur le manque de normes et de certifications européennes en matière de matériel et d’équipements destinés aux seniors.

1.11.

Le CESE appelle à une mutualisation dans l’utilisation des nouveaux outils technologiques issus du numérique afin de stimuler un véritable marché couvrant les besoins des seniors et de pérenniser les investissements en Europe.

Il estime que les gains de productivité dégagés par la technologie numérique devraient être utilisés pour améliorer le bien-être des seniors et programmer une revalorisation financière des intervenants sociaux et paramédicaux.

1.12.

La formation professionnelle du secteur doit être fortement soutenue. Les problématiques de la nutrition, des chutes domestiques, de la violence vis-à-vis des aînés et des intervenants, de l’utilisation des technologies numériques à domicile, de l’accompagnement en fin de vie, etc. doivent être intégrées dans des programmes spécifiques. Il conviendrait que les Fonds structurels, en particulier le Fonds social européen, assurent le financement de la formation professionnelle des intervenants dans le secteur des soins et services.

1.12.1.

Considérant la diversité des approches dans l’Union européenne, le CESE recommande de définir un socle commun incluant l’essentiel des formations existantes dans une démarche semblable à celle qui présida à la définition des directives 2005/36/CE du 7 septembre 2005 et 2013/55/UE relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

1.13.

Afin de préparer et de renforcer la mobilité des travailleurs et des services aux personnes âgées, il convient de définir un socle européen de formation des infirmiers en gérontologie, des aides-soignants et des auxiliaires de vie non seulement sur le plan technique mais également au niveau social et humain.

1.13.1.

Parallèlement, une revalorisation de la considération sociale et financière du personnel en charge des personnes âgées s’impose. La reconnaissance de la notion d’aidant proche est également indispensable à la construction d’une politique du vieillissement cohérente et efficace.

1.14.

Le CESE demande l’organisation d’une table ronde financière réunissant les principaux acteurs du secteur médico-social, les régulateurs institutionnels des marchés (que sont l’État et les collectivités locales), les caisses de retraite, les assureurs et les fonds de pension pour garantir aux personnes âgées la pérennité des services et des investissements, solvabiliser les emplois et recommander le juste prix des services. Cette table ronde centrale devrait être précédée d’une série de rencontres préparatoires décentralisées, organisées autour des Conseils économiques et sociaux nationaux ainsi que du CESE.

1.15.

Le CESE recommande la mise en place d’une politique de communication européenne visant à développer une plus grande solidarité intergénérationnelle en faveur des aînés, tant sur le plan économique que social.

2.   Une politique des aînés concertée et ordonnancée

2.1.

Une représentation conforme des réalités sociodémographiques du vieillissement passe par une bonne mesure statistique couplée à une approche socio-sanitaire du phénomène. Il serait judicieux de:

mobiliser sociologues et démographes pour élaborer une analyse fine et prospective des dimensions sociodémographiques du vieillissement (taille et composition des ménages, liens avec les enfants et autres proches, impacts de la séparation et de la recomposition des ménages),

mettre en place des outils d’évaluation en Europe afin d’observer et de comparer les politiques des États membres et de transposer les bonnes pratiques.

2.2.

La prévention peut limiter l’impact d’un vieillissement difficile à condition d’en mesurer l’enjeu, d’identifier les composants du bien vieillir (exercice, sociabilité, sérénité, nutrition) et de réorienter les efforts humains et financiers vers cet enjeu majeur, sans alourdir la facture des contribuables et en tenant compte de la variété des régimes financiers.

2.3.

Les recommandations dans ce domaine doivent être étayées par une recherche scientifique qui devrait se concentrer sur l’épigénétique et identifier les principaux mécanismes moléculaires et biologiques du vieillissement susceptibles d’être améliorés par la micronutrition et le rapport entre l’être humain et l’environnement. La production de composés bioactifs de qualité pour lutter contre la dégénérescence cellulaire devrait être mieux contrôlée et certifiée pour assurer une meilleure efficience.

2.4.

Les services à la personne âgée relèvent de deux approches complémentaires: l’approche institutionnelle en maison de retraite médicalisée (MRM) et l’approche domiciliaire. L’efficience de cette complémentarité ne sera assurée que par une objectivation des missions et des contenus de l’une et de l’autre, par une définition précise des profils pris en charge, ainsi que par une meilleure coordination des acteurs et de leurs outils.

2.5.

Il conviendrait de mobiliser et de structurer l’information afin d’évaluer — quantitativement et qualitativement — les besoins actuels en termes de places en MRM sachant que, selon la littérature consultée, le maintien à domicile (même dans des conditions de dépendance lourde) est une demande très majoritaire chez les personnes de 85 ans et plus.

2.6.

La carte clinique et le dossier médical informatisés devraient être généralisés à tous les États membres. Ils permettraient une meilleure appréhension de la réalité sanitaire et faciliteraient la mise en place d’un parcours de soins spécifique aux aînés.

2.7.

Il serait nécessaire d’encourager le décloisonnement et donc le partenariat entre les différents intervenants médicaux et paramédicaux en privilégiant le rôle de médecin coordonnateur gérontologue et d’infirmier principal — dont la fonction devrait être renforcée — et d’établir des passerelles entre services de soins institutionnels, soins et services ambulatoires, médecin de famille et aidants proches. Cela permettrait une meilleure appréhension de la demande en matière d’équipements et d’accueil des aînés.

2.8.

Outre les intervenants professionnels, l’implication des aidants doit être reconnue et valorisée.

Le système japonais Fureai Kippu (FK) est à ce titre intéressant (2).

2.8.1.

L’Union européenne pourrait être à l’initiative d’une expérience pilote de banque du temps intergénérationnelle dans une dizaine de régions et/ou villes européennes, s’inspirant du FK pour ensuite proposer aux États membres — qui souscriraient à cette idée — de généraliser le dispositif s’il se révèle efficace.

3.   Une politique du logement raisonnée et efficiente

3.1.

La problématique du logement des aînés est complexe et sensible. Elle doit être envisagée en privilégiant systématiquement le choix de la personne et le dialogue avec la famille et les proches. Une politique raisonnée du logement des seniors doit tenir compte des éléments suivants:

les logements vieillissent avec leurs occupants. Les coûts liés à l’occupation d’un logement inadapté peuvent devenir un facteur de paupérisation, de désocialisation et de détérioration de la santé,

le choix ne peut plus se faire exclusivement entre le domicile et l’institution. Des formes alternatives d’accueil existent. Il conviendrait d’en évaluer le potentiel social et économique et de définir les structures à créer en fonction des profils et des pathologies (centres de jour, accueils de nuit, centres de proximité axés sur l’autonomie, etc.),

il convient de distinguer entre les «troubles cognitifs»et l’incapacité à l’autonomie,

la concentration des personnes âgées entre elles ne présente aucun avantage cognitif et la relation entre la santé mentale et la santé physique des seniors est aujourd’hui scientifiquement établie,

la concentration et la prise en charge totalisante du senior augmente significativement le risque de renoncement et de résignation. Cela implique inévitablement une médicalisation et une médicamentation croissantes.

3.2.

La politique immobilière destinée aux institutions de placement pour personnes âgées dépendantes devra être raisonnée sous peine d’inefficacité et de coûts difficilement amortissables par les seniors eux-mêmes, tout en tenant compte de l’importance de la localisation géographique. Veiller au respect du choix de la personne quant à son éventuel placement en institution doit rester un impératif catégorique.

3.2.1.

Il est indispensable d’envisager des politiques immobilières et urbanistiques dynamiques et flexibles afin de privilégier l’intermodalité des logements, l’intergénérationnel et l’ouverture sociale.

3.3.

Les avancées technologiques en matière de domotique sont un élément déterminant des politiques de logement à mettre en œuvre. Elles devront être soutenues par une attention particulière à l’accompagnement humain compétent et qualifié.

3.4.

La démarche «ville amie des aînés»(VADA, soutenue par l’OMS) a pour objectif principal de promouvoir un vieillissement actif en optimisant la santé, la participation et la sécurité des citoyens âgés. Une VADA établit un état des lieux, évalue les structures et les services dédiés aux personnes âgées et fixe un plan de mise en œuvre des priorités et des effets sur le terrain.

L’Union européenne pourrait être à l’initiative d’un programme visant à déployer une série d’expériences pilotes de VADA en ciblant des profils urbains hétérogènes, depuis des quartiers de (très) grandes villes jusqu’à des entités semi-rurales.

4.   La revalorisation des professionnels et une formation soutenue

4.1.

Dans une société vieillissante, l’accent doit être mis sur la prise en charge des symptômes et leur variabilité. Il faut davantage de professionnels pour développer des systèmes et procédures. Le nombre de personnes appelées à travailler dans la réadaptation et la télémédecine va ainsi augmenter.

Des conventions collectives issues du dialogue social sont souhaitables afin d’éviter la rotation importante des travailleurs du secteur en insistant sur la revalorisation de la considération sociale et des rémunérations des professionnels.

4.2.

Statistiquement et quel que soit le scénario étudié, le métier d’aide à domicile est, potentiellement, la plus grande source de création d’emplois. Les professions relatives aux soins et à l’aide aux personnes fragiles dans leur ensemble, étant relativement moins sensibles à la conjoncture économique, devraient bénéficier d’une forte dynamique de l’emploi. Les aides-soignants, les auxiliaires de vie et les infirmiers comptent également parmi les métiers les plus créateurs d’emplois.

4.3.

Toute la littérature consultée converge vers la même conclusion: les soins et services aux seniors représentent un bassin d’emploi potentiellement gigantesque puisque la tendance lourde est au vieillissement sociodémographique du continent. Le problème central concerne la solvabilisation de ces emplois mal rémunérés eu égard à leur valeur ajoutée, au dévouement du personnel et aux conditions de travail difficiles.

4.4.

La formation des aidants doit aussi être soutenue car leur présence et leurs activités, complémentaires à celles des professionnels, est indissociable du bien-être de la personne âgée. L’Union européenne pourrait être à l’initiative d’une politique volontariste d’aide aux aidants proches en suggérant aux États membres d’adapter leurs législations sociales. Il s’agirait de reconnaître à l’aidant un statut particulier.

4.5.

Le public qui serait visé par les formations professionnelles de SAPA est en général peu (voire pas) qualifié, parce qu’il est peu habitué aux parcours d’apprentissage traditionnels. Néanmoins, il dispose de savoirs empiriques. Il conviendrait dès lors de définir un cadre pour le développement d’expérimentations formatives fondées sur des savoirs atypiques (savoir-faire et savoir-être). Le CESE préconise une approche qui, sans négliger les apprentissages cognitifs, utiliserait une pédagogie fondée sur les acquis pour définir des profils de compétence adéquats.

4.6.

Il conviendrait de faciliter l’accès et les modalités de formation au public cible en rendant plus flexible le passage vers la connaissance technique nécessaire par:

des outils ICT (et autres) permettant l’accès à la théorie et à l’information,

la mise en place de moments privilégiés d’échange,

la désignation d’un mentor permanent,

l’organisation de communautés en ligne permettant l’échange de savoirs et de pratiques.

4.7.

Ce qui précède devrait faire l’objet d’une attention spécifique du programme Erasmus+. Par ailleurs, l’autorité budgétaire européenne devrait ouvrir et soutenir la réflexion par une ligne budgétaire «expérimentation».

5.   Une politique de financement adéquate

5.1.

Le principe de l’accès universel aux SAPA peut s’inspirer de celui de la plateforme européenne des personnes âgées: être accessible à un prix qui ne compromette ni la qualité de vie, ni la dignité, ni la liberté de choix.

5.2.

La personne vieillissante reste un acteur direct et indirect du tissu social. Lorsqu’elle se retrouve en perte d’autonomie, elle enclenche son rôle social passif: elle crée des emplois directs et indirects nécessaires à l’organisation du réseau de soutien. C’est à ce moment que la société, en retour, peut activer et mettre en œuvre l’ensemble de ses compétences et de ses ressources pour assurer la prise en charge globale de ses aînés.

5.3.

Les SAPA bénéficient généralement d’un large soutien des pouvoirs publics passant par des dispositifs visant à solvabiliser la demande privée des ménages. La marchandisation et la monétisation de ces services font cependant évoluer le rôle des pouvoirs publics et la gouvernance de ces services. De fournisseurs de services auprès des personnes dépendantes, l’État et les collectivités locales tendent à devenir des régulateurs du marché en instaurant des procédures visant à assurer l’efficience du marché et la confiance des bénéficiaires. Cela passe principalement par le contrôle des opérateurs de terrain, la qualité des services et la diffusion d’informations. Le CESE souhaite que la Commission recommande aux États membres la mise en place de la transparence des marchés et des performances qualité dans les activités de SAPA.

5.4.

Afin d’assurer une réelle solvabilité de la demande en matière de SAPA, il conviendrait d’encourager les États membres à favoriser la mise en place d’une assurance autonomie (AA), de préférence incorporée dans le dispositif de sécurité sociale. Cette assurance devrait être inclusive, de manière à financer des services et des équipements permettant une autonomie effective. L’AA devrait couvrir les besoins en soins et services à domicile ainsi que le séjour temporaire ou définitif en institution.

5.5.

Les systèmes de sécurité sociale des États, s’ils doivent intégrer cette donne, ne pourront pas en assumer le financement sur la base unique de l’impôt. Il conviendrait d’envisager ce financement en y associant d’autres sources, publiques et privées, dont les fonds de pension.

Une vaste étude de prospective socio-économique initiée par la Commission et portant sur la solvabilisation des emplois SAPA sur le territoire de l’Union est aujourd’hui souhaitable. Cette étude devrait envisager les différentes modalités de financement public et privé, proposer des mécanismes d’investissements basés sur des partenariats public-privé et suggérer différentes recommandations tant au niveau supranational qu’au niveau des États membres. Les contours d’une telle étude devraient être dessinés dans le cadre d’une table ronde financière réunissant les principaux acteurs responsables de la prise en charge de l’aide aux personnes âgées.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Cet avis est complémentaire à ceux du CESE du 13.12.2012 sur les «Tendances et conséquences des évolutions futures des secteurs des services à la personne, dans les domaines sociaux, médicaux et éducatifs dans l’Union européenne»(JO C 44 du 15.2.2013, p. 16); et du 14.2.2018 sur «Les mutations industrielles dans le secteur de la santé»(JO C 227 du 28.6.2018, p. 11). Il prend également en considération les recommandations de la Commission du 2.7.2008 sur «l’interopérabilité transfrontalière des systèmes de dossiers informatisés de santé»et du 6.2.2019 relative à «un format européen d’échange des dossiers de santé informatisés».

(2)  Le Japon (qui est le pays de l’OCDE dans lequel le vieillissement de la population est le plus rapide) a mis en place le système Fureai Kippu, qui est un réseau d’entraide mutuelle au niveau local doublé d’une «banque du temps» permettant de sensibiliser la population au volontariat. Selon le principe de la subsidiarité, il couvre toute aide aux personnes âgées ou invalides qui n’est pas prise en charge par l’assurance maladie.


16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/15


Avis du Comité économique et social européen sur le «Travail avec l’amiante dans la rénovation énergétique»

(avis d’initiative)

(2019/C 240/04)

Rapporteur: Aurel Laurențiu PLOSCEANU

Corapporteur: Enrico GIBELLIERI

Décision de l’assemblée plénière

12.7.2018

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

26.3.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

199/4/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de l’ambitieuse révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments (PEB), mais reconnaît également que l’amiante représentante un danger considérable, aujourd’hui première cause de cancer d’origine professionnelle en Europe. Pour réaliser les objectifs ambitieux consistant à renouveler le parc des bâtiments européens afin de créer des logements et des lieux de travail sains et efficaces du point de vue énergétique, le CESE estime nécessaire de créer des synergies dans le cadre du retrait des substances dangereuses au cours des rénovations énergétiques, de manière que cette tâche ne soit pas laissée à la prochaine génération.

1.2.

La Commission européenne doit assurer le suivi le processus engagé par la résolution du Parlement européen sur les risques liés à l’amiante pour la santé au travail et les perspectives d’élimination complète de l’amiante encore existante [2012/2065(INI)] et par l’avis d’initiative du CESE sur l’éradication de l’amiante en Europe, et donner suite aux propositions formulées.

1.3.

La Commission européenne devrait collaborer avec l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la base des précédents programmes de ces organismes. Il serait souhaitable que l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail et la Commission européenne soutiennent conjointement ce type de mesures dans l’Union européenne.

1.4.

La Commission européenne devrait promouvoir activement une approche fondée sur le cycle de vie en ce qui concerne la conception des bâtiments et les matériaux de construction en tenant compte de leur capacité à être recyclés et de leur utilisation en fin de vie, ainsi que de l’objectif de l’Union visant à créer une économie circulaire.

1.5.

La Commission européenne devrait faire de l’élimination des substances nocives une priorité dans l’élaboration d’outils complémentaires, tels qu’un journal de bord numérique et un passeport de rénovation du bâtiment, visant à informer les consommateurs au sujet du potentiel de rénovation de leur bâtiment et à soutenir la mise en œuvre de plans de rénovation sur mesure reposant sur des contrôles réalisés par des professionnels. Ceci pourrait comprendre également des outils complémentaires à l’échelon de l’Union européenne destinés à procéder à l’enregistrement des substances nocives présentes dans les bâtiments, informations qui seraient accessibles au public dans le but de protéger les consommateurs.

1.6.

La Commission européenne et les États membres doivent revoir la transposition de la directive sur l’exposition à l’amiante pendant le travail (directive 2009/148/CE) et son application pratique du point de vue des différents groupes à risque, afin d’améliorer la protection de tous les travailleurs qui courent un risque d’être exposés à l’amiante. La Commission européenne et les États membres devraient collaborer pour utiliser efficacement les Fonds structurels et d’investissement de l’Union européenne en vue d’éliminer l’amiante.

1.7.

La rénovation énergétique se situe au carrefour de multiples domaines du droit européen. Il convient d’évaluer la législation de l’Union européenne et celle des différents États membres afin d’assurer la cohérence politique des mesures prises à l’égard des substances nocives. Cela comprend la législation sur les déchets, et la garantie de disposer d’un nombre suffisant de décharges pour traiter les déchets amiantés.

1.8.

Les États membres devraient élaborer des registres et placer les substances nocives au cœur de tout passeport de rénovation du bâtiment actuellement en vigueur, ou des nouveaux passeports qui seront mis au point.

1.9.

Les États membres doivent impérativement concevoir leurs stratégies de rénovation à long terme en tenant compte des dangers inhérents à l’amiante et à d’autres substances nocives.

1.10.

Les États membres doivent veiller à ce que les critères d’attribution des aides financières à la rénovation énergétique, telles que des abattements fiscaux ou des subventions, soient expressément définis de sorte que les propriétaires de logements puissent éliminer complètement les substances nocives lors d’un processus de rénovation.

1.11.

Les États membres doivent soutenir les partenaires sociaux pour adapter les formations, les qualifications et les profils d’emploi aux besoins futurs. Ces adaptations ont pour objectif d’augmenter l’attractivité du secteur en direction des jeunes travailleurs et des femmes.

1.12.

Il faudrait pleinement reconnaître et soutenir le rôle et la responsabilité spécifiques des partenaires sociaux pour lutter contre les risques et protéger les travailleurs. De nombreuses composantes de la société civile organisée devraient également participer à ces actions puisque l’amiante concerne la vie professionnelle, la santé, la protection des consommateurs et l’environnement. C’est tout particulièrement le cas lorsqu’il s’agit de la reconnaissance et de l’indemnisation des victimes de maladies liées à l’amiante.

1.13.

Les États membres peuvent contribuer à évaluer et à promouvoir de bonnes pratiques et de nouvelles technologies visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs et des occupants des bâtiments.

1.14.

Étant donné l’importance capitale de cette question, le CESE présentera cet avis lors d’une conférence organisée avec le Parlement européen, le Comité européen des régions et la Commission européenne.

2.   Observations générales

2.1.

La directive PEB modifiée aura un effet important sur les activités économiques dans le secteur de la construction en raison de l’augmentation du taux moyen de rénovation annuelle. L’un des changements les plus importants apportés à la directive PEB modifiée est son niveau d’ambition, le taux annuel moyen de rénovation devant passer de 1 à 3 %, ce qui engendrera des conséquences positives sur l’emploi et permettra de favoriser de nouvelles compétences et qualifications supplémentaires afin d’assurer des emplois de qualité durables ainsi que la compétitivité de ce secteur.

2.2.

Les responsables politiques et les parties prenantes doivent être conscients du risque potentiel pour la santé inhérent à la rénovation du parc immobilier européen, risque qui résulte en particulier de l’exposition à des substances nocives telles que l’amiante. Les propriétaires de logements, les habitants et les employés qui travaillent à l’intérieur sont exposés à ce risque. La directive PEB modifiée met l’accent sur les questions de santé; le considérant 14 de la directive (UE) 2018/844 dispose, en particulier, que «Les États membres devraient apporter leur soutien aux améliorations de la performance énergétique des bâtiments existants qui contribuent à créer un environnement sain à l’intérieur des bâtiments, notamment en prévoyant le retrait de l’amiante et d’autres substances nocives, à empêcher le retrait illégal de substances nocives et à faciliter le respect des actes législatifs existants tels que les directives 2009/148/CE (1) et (UE) 2016/2284 (2) du Parlement européen et du Conseil».

2.3.

En effet, parmi les immeubles dont l’amélioration des performances énergétiques est nécessaire, beaucoup ont été construits avant l’interdiction de l’amiante. Selon certaines estimations, à l’heure actuelle, environ 35 % des bâtiments de l’Union européenne ont plus de 50 ans et près de 75 % du parc immobilier est inefficace d’un point de vue énergétique, la majeure partie des bâtiments d’Europe pourraient dès lors faire l’objet d’une rénovation avant 2050. En conséquence, d’importantes quantités d’amiante vont devoir être retirées en toute sécurité.

2.4.

Conformément à l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive PEB modifiée, dans le cadre de leurs stratégies de rénovation à long terme, les États membres doivent établir une feuille de route assortie d’un plan d’action sur la manière de transformer leur parc immobilier d’ici 2050. Compte tenu de la proportion élevée de bâtiments qui contiennent de l’amiante en Europe, les États membres devraient élaborer leurs stratégies de rénovation à long terme en vue de réduire au minimum les risques pour la santé des travailleurs, des habitants et de la population en général.

2.5.

La rénovation énergétique des bâtiments existants requiert que les travailleurs disposent de connaissances et de compétences spécifiques. Le projet de formation et d’enseignement professionnels au service de la construction basse énergie (VET4 LEC) des partenaires sociaux sectoriels européens du secteur de la construction a exposé cette nécessité. Il est important que toutes les activités qui comportent, professionnellement ou de manière accidentelle, un contact avec l’amiante disposent de qualifications appropriées.

2.6.

L’amiante continue d’être la première cause de cancer d’origine professionnelle dans l’Union européenne. Selon la commission internationale de la santé au travail (CIST), l’amiante cause chaque année la mort d’environ 88 000 personnes en Europe, ainsi que 55 à 85 % des cancers du poumon d’origine professionnelle. Les taux de mortalité vont continuer à augmenter jusqu’aux années 2020 et 2030. Même les travaux sur de l’amiante liée peuvent provoquer une importante libération de fibres d’amiante nocives.

2.7.

La structure de gouvernance de la directive PEB modifiée à l’échelon national doit répondre aux défis actuels et à venir. Ladite directive prévoit à l’article 2 bis, paragraphe 5, qu’«afin de soutenir l’élaboration de sa stratégie de rénovation à long terme, chaque État membre organise une consultation publique». Les États membres mettent en place les modalités de consultation de manière inclusive, tout en associant les acteurs publics et privés de manière plus efficace, sur la base d’une large consultation et d’une participation réelle.

3.   Observations concernant les institutions européennes

3.1.

Le Parlement européen a adopté une résolution sur les risques liés à l’amiante pour la santé au travail et les perspectives d’élimination complète de l’amiante encore existante [2012/2065(INI)] dans laquelle, entre autres, il invitait la Commission à adopter une approche globale de la rénovation énergétique et du désamiantage. L’avis d’initiative du CESE sur l’éradication de l’amiante en Europe a formulé des recommandations similaires. La Commission européenne a pris quelques mesures dans le cadre du suivi des mesures proposées, mais elle doit encore accélérer ses efforts.

3.2.

En raison de l’utilisation de produits contenant de l’amiante dans pratiquement chaque partie des bâtiments existants, construits avant l’interdiction de l’amiante, tout type d’activité de rénovation comporte le risque potentiel de libération de fibres d’amiante. Il faut contrôler l’exposition potentielle des travailleurs et la Commission européenne doit entamer une évaluation de la valeur limite sur le lieu de travail en vigueur en Europe pour les fibres d’amiante de 100 000 fibres/m3 (directive 2009/148/CE) afin de déterminer si elle garantit effectivement une sécurité suffisante pour les travailleurs. La CIST recommande d’abaisser la valeur limite à 1 000 fibres/m3.

3.3.

Les modèles actuels d’enregistrement de l’amiante et d’autres substances nocives utilisés dans les États membres ne sont généralement pas adaptés à l’usage prévu. Bien que de nombreux États membres ou régions disposent de registres de substances nocives, ceux-ci sont souvent incomplets, inaccessibles au public, et la plupart ne sont pas mis à jour. Dans certains pays, ils n’existent pas du tout. La Pologne constitue une exception notable: ce pays dispose d’un ambitieux programme d’élimination de l’amiante qui bénéficie d’un soutien public et est facilité par l’existence d’un registre de l’amiante accessible au public.

3.4.

Un registre de l’état des lieux relatif aux substances nocives dans les bâtiments devrait contenir: les indications spécifiques à chaque bâtiment concerné relatives à l’emplacement et aux quantités des substances nocives, les éléments concernant la menace potentielle et le calendrier prévu pour leur élimination, la collecte de données centralisée par les autorités publiques à des fins statistiques et les informations relatives à la conception des stratégies d’élimination et des incitants financiers, ainsi que les modalités d’accès aux informations pertinentes en matière de sécurité et de santé pour les pouvoirs publics, les habitants, les contractants et les travailleurs.

3.5.

Il convient d’améliorer les procédures de reconnaissance et d’indemnisation des victimes d’exposition à l’amiante et de faciliter l’accès aux informations nécessaires afin de permettre aux victimes de s’exprimer et de les soutenir le plan juridique, financier et personnel. Il faut soutenir les associations de victimes de l’amiante. Cela permettrait d’alléger le fardeau qu’elles supportent à titre personnel dans le cadre de ces procédures de reconnaissance, et qui s’ajoute toujours aux souffrances liées à la maladie.

3.6.

Il faudrait définir des objectifs précis au sein de la structure de gouvernance de la directive PEB à tous les niveaux, qui soient fondés sur les principaux problèmes recensés et le bilan des progrès accomplis. Des instruments européens destinés à soutenir la mise en œuvre des stratégies nationales de rénovation à long terme devraient être élaborés sous la forme de lignes directrices et d’indicateurs, d’étalonnage, d’échange de bonnes pratiques et d’examens par les pairs.

4.   Observations relatives à la mise en œuvre de la directive PEB à l’échelon national

4.1.

La directive PEB modifiée oblige les États membres à élaborer des stratégies de rénovation à long terme. Conformément à son article 7, ces stratégies à long terme doivent impérativement être conçues en tenant compte des dangers inhérents à l’amiante et à d’autres substances nocives.

4.2.

Les États membres sont tenus d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de rénovation à long terme. Cela devrait être fait en concertation avec les acteurs concernés, y compris les différents échelons territoriaux que sont les régions et les communes. Il convient naturellement de prendre en considération les différences nationales dans les structures administratives et organisationnelles.

4.3.

Les critères d’attribution des aides financières à la rénovation énergétique, telles que des abattements fiscaux ou des subventions, doivent être expressément définis de sorte que les propriétaires de logements puissent éliminer les substances nocives lors d’une rénovation énergétique, comprenant éventuellement par exemple l’utilisation de matières énergétiques actives telles que les systèmes photovoltaïques intégrés. Il est important que des incitations financières soient mises à disposition pour l’élimination des substances dangereuses, même lorsque celle-ci n’est pas directement liée à la performance énergétique du bâtiment. Cela pourrait contribuer à créer des espaces de vie et de travail sains et efficaces du point de vue énergétique, et à faciliter la réalisation d’un ambitieux désamiantage.

4.4.

Les consommateurs ont besoin d’une aide supplémentaire sous la forme de campagnes de sensibilisation à l’égard des dangers liés à la présence de substances nocives dans des bâtiments pouvant avoir des effets négatifs sur la santé et sur la qualité de l’air intérieur, et sur la manière de réduire ces dangers au cours d’une rénovation énergétique. Les conseillers et les auditeurs en matière d’énergie et d’autres fournisseurs de soutien aux consommateurs devraient disposer de connaissances et de qualifications pour transmettre des informations au sujet des possibilités d’élimination et de financement.

4.5.

À l’heure actuelle, les exigences et dispositions générales relatives à la formation dans de nombreux États membres ne sont pas suffisantes pour protéger convenablement les travailleurs contre les risques liés à l’amiante. En principe, chaque travailleur dans le secteur de la construction est exposé au risque potentiel de rencontrer de l’amiante dans le cadre de son travail. Conformément à la directive sur l’exposition à l’amiante pendant le travail (directive 2009/148/CE), tous les travailleurs exposés ou susceptibles d’être exposés doivent recevoir une formation appropriée au niveau de risque, cette obligation n’est toutefois pas suffisamment prise en compte dans la transposition en droit national d’un grand nombre d’États membres qui l’ont souvent limitée aux travailleurs susceptibles d’être exposés à des concentrations élevées (par exemple, en cas de désamiantage ou de démolition). Les États membres sont invités à revoir leur transposition respective de la directive ainsi que l’application pratique que chacun en fait du point de vue des différents groupes à risque, afin d’améliorer la protection de tous les travailleurs susceptibles d’être exposés à l’amiante.

4.6.

Il est important d’intégrer une dimension de sensibilisation et de formation professionnelle, y compris la sensibilisation générale auprès des jeunes travailleurs en particulier, qui peut inclure des actions d’enseignement et de formation professionnelle. La formation devrait être conçue de manière à répondre aux besoins des travailleurs qui sont occasionnellement en contact avec de l’amiante, et à leur permettre d’éliminer des matériaux à faible risque tels que les toits et tuyaux en amiante-ciment intacts. C’est particulièrement important dans le cas des PME. Enfin, il convient d’examiner séparément les besoins des entreprises spécialisées dans l’élimination de l’amiante, qui peuvent aussi s’occuper régulièrement de matériaux à haut risque et ce en grandes quantités.

4.7.

Les partenaires sociaux européens du secteur de la construction ont mis au point des modules d’information au sujet de l’utilisation plus sûre de l’amiante, disponibles en plusieurs langues. Les États membres sont encouragés à entreprendre leurs propres actions de sensibilisation, ou à diffuser le matériel existant.

4.8.

Il existe de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques professionnelles destinées à protéger la santé et la sécurité des travailleurs et des occupants de bâtiments et il faut en promouvoir l’utilisation et la mise en œuvre. La réduction générale des poussières sur le lieu de travail peut limiter de nombreux effets nocifs sur la santé résultant de l’exposition, entre autres, à la silice cristalline, à la poussière de bois et à l’amiante. Cet objectif peut être atteint par différents moyens, tels que l’aspiration à la source ou le mélange de la poussière à des liants comme de l’eau ou du gel. Des robots télécommandés sont déjà utilisés pour éliminer des substances sur des surfaces, dans des espaces confinés, sur des plafonds et des murs des bâtiments. Prendre au sérieux le danger que représentent les substances nocives peut stimuler l’innovation.

4.9.

Il est important de tenir compte de la perception, qui est parfois exacte, du caractère dangereux et insalubre des lieux de travail dans le secteur de la construction. Il s’agit d’un élément important à prendre en considération dans un contexte de vieillissement de la main-d’œuvre. La gestion globale du risque de l’amiante et d’autres substances nocives au cours d’une rénovation énergétique peut contribuer à rendre le secteur plus attrayant pour les jeunes, hommes ou femmes.

4.10.

La rénovation énergétique crée de nouveaux emplois et modifie les profils d’emploi existants. L’occasion peut être saisie d’améliorer l’image actuelle de ce secteur, et d’y créer de nouveaux emplois attrayants. Il est de plus en plus important de faire face à l’évolution démographique de ce secteur au moyen de profils d’emploi et de conditions de travail qui répondent aux attentes des jeunes travailleurs et des femmes en particulier.

4.11.

Une personne moyenne passe environ 90 % de son temps à l’intérieur. De nos jours, les matériaux de construction sont rarement constitués de matériaux homogènes. Des produits même simples en apparence sont fabriqués à partir de toute une gamme de produits chimiques et d’additifs, pour des raisons souvent liées à des processus techniques. Les effets à long terme sur la santé humaine ne sont parfois pas connus. Les nanomatériaux, par exemple, présentent des propriétés géométriques semblables à l’amiante et pourraient être potentiellement dangereux à long terme. Les responsables politiques et les fabricants de matériaux de construction devraient appliquer le principe de précaution à titre de ligne directrice de la recherche et du développement relatifs aux matériaux de construction.

4.12.

Il convient de généraliser une approche fondée sur le cycle de vie à la conception des bâtiments et des matériaux de construction en vue de leur utilisation en fin de vie et de leur capacité à être recyclés. Les responsables politiques pourraient encourager ou fournir des incitations à l’utilisation de techniques de construction durables et de matériaux de construction naturels tels que, mais non exclusivement, le bois, de préférence à partir de sources locales. À titre d’exemple, nous assistons à une augmentation des constructions à ossature bois et des évolutions technologiques dans les matériaux d’isolation d’origine biologique, tels que les briques de chanvre, ou de nouvelles applications pour des produits à base de bois. Ces évolutions consistant à utiliser des matériaux et des produits plus durables devraient être plus activement encouragées et soutenues au moyen de différentes initiatives et instruments de l’Union européenne. Il convient également de tenir compte de l’objectif de l’Union visant à créer une économie circulaire.

4.13.

L’une des principales motivations de la révision de la directive PEB était de réduire les effets du changement climatique. Néanmoins, il est possible de prévoir une fréquence accrue des catastrophes naturelles, susceptibles de déboucher sur la libération incontrôlée de fibres d’amiante provenant de bâtiments et d’infrastructures publiques. Cet élément devrait constituer une incitation supplémentaire à accélérer l’élimination de l’amiante et devrait figurer dans les plans de réaction aux catastrophes naturelles. Les services d’urgence sont menacés dans de telles situations et doivent être protégés de manière adéquate.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/20


Avis du Comité économique et social européen sur «La contribution des entreprises de l’économie sociale à une Europe plus cohésive et démocratique»

(avis exploratoire à la demande de la présidence roumaine)

(2019/C 240/05)

Rapporteur: Alain COHEUR

Consultation

Lettre du 20.9.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

118/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les entreprises de l’économie sociale (EES) apportent, dans la diversité de leurs secteurs d’activité, de multiples réponses pour évoluer vers une société plus cohésive et attentive à l’intérêt général. L’économie sociale est un vecteur essentiel du développement économique et social en Europe, fondé sur 2,8 millions d’entreprises et 13,6 millions d’emplois qui représentent 8 % du PIB de l’Union européenne. Les EES jouent un rôle clé dans la création et le maintien d’emplois de qualité, la réussite du socle européen des droits sociaux et le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

1.2.

La situation actuelle de l’économie sociale (ES) en Europe est inégale. Il existe des États membres (EM) où la force historique et les politiques nationales récentes soutiennent le développement du secteur, alors que dans d’autres, il est freiné. Ce contexte, auquel s’ajoute l’inadéquation des moyens financiers, empêche l’ES de contribuer à la reprise économique et au regain de dynamisme des entreprises, d’atténuer les tensions sociales générées par la montée des inégalités et la pauvreté, de réduire le chômage dans certaines régions et de lutter contre la précarisation des conditions de travail, phénomènes qui conduisent à la montée du populisme.

1.3.

Le CESE plaide pour que les États membres et la Commission européenne (CE) reconnaissent la contribution des EES au développement d’une citoyenneté active et au bien commun, à la promotion du modèle social européen et à la construction d’une identité européenne. Cette reconnaissance ne prend tout son sens qu’avec l’allocation de ressources appropriées, mais également par l’encouragement à diffuser et à promouvoir l’utilisation de l’innovation et des connaissances.

1.4.

Le CESE constate que les modèles d’EES sont quasi absents des programmes d’enseignement et des dispositifs de création et de développement d’entreprise. La question de la formation et de l’éducation à l’ES doit pouvoir s’inscrire dans les programmes des systèmes éducatifs, véritable porte d’entrée à la connaissance et à l’esprit d’initiative entrepreneurial. Ainsi, il y aurait lieu de favoriser l’accès des EES au programme Eramus+.

1.5.

Le CESE rappelle qu’il est indispensable, de promouvoir les EES par des politiques publiques ambitieuses et transversales, ainsi que par un plan d’action européen pour l’ES.

1.6.

Comme il l’a déjà fait valoir dans des avis antérieurs, le CESE appelle les institutions de l’Union européenne et les États membres à dispenser un soutien spécifique à l’innovation sociale, qui implique de reconnaître et d’appuyer politiquement les entreprises d’économie sociale et la société civile, en tant que partie prenante essentielle de la société, ainsi que de créer un environnement favorable en la matière.

1.7.

Le CESE demande à la CE de clarifier le concept de l’ES à partir des caractéristiques de ses différentes formes actuelles.

1.8.

Le CESE rappelle à la CE, aux EM et à Eurostat la nécessité de mettre en œuvre les propositions contenues dans le manuel sur les comptes satellites afin de créer un registre statistique des EES.

1.9.

Le CESE rappelle le besoin de mener davantage de recherches pour comprendre la portée et les mécanismes par lesquels les EES contribuent à renforcer la cohésion sociale et la démocratie et à dynamiser l’économie. Cette démarche permettrait de réduire l’écart existant entre les nouveaux États membres et le reste de l’Union européenne.

2.   Observations générales

2.1.

Les EES se caractérisent par le fait qu’elles sont au service de l’intérêt général ou d’une communauté et qu’elles n’ont pas pour objectif de maximiser leur profit. Leur objectif est clairement social: il s’agit d’améliorer le bien-être individuel et collectif en réduisant les inégalités et en améliorant la cohésion sociale. Il s’agit aussi de contribuer à développer des emplois de qualité dans des entreprises socialement responsables.

2.2.

L’ES est une forme d’organisation des activités humaines, fondée sur la propriété collective, la solidarité et la démocratie participative, qui s’appuie sur l’efficience économique de ses moyens et qui assure la production, la distribution, l’échange, ainsi que la consommation de biens et de services. Elle contribue à l’expression d’une citoyenneté active et participe à la prospérité individuelle et collective. Elle intervient dans tous les domaines: économique, social, sociétal et environnemental.

2.3.

Force est de constater que de nombreux éléments portent progressivement atteinte aux fondements de nos sociétés qui reposent sur la démocratie et la cohésion sociale: réduction des dépenses publiques et des filets de protection qu’elles offrent, logique de profit et de rentabilité à court terme poursuivie par les marchés financiers et spéculatifs, montée des populismes, croissance des inégalités.

2.4.

Pour faire face à ces évolutions sociétales et aux incertitudes grandissantes, mais également pour maintenir ses ambitions de développement économique, l’Union européenne doit contribuer à l’avènement de sociétés démocratiques, empreintes de cohésion, synonymes de progrès économique et social, de lutte contre les discriminations et contre les formes d’exclusion sociale. L’Union européenne peut concrétiser ses ambitions tout en défendant ses valeurs communes par une mise en œuvre ambitieuse du socle européen des droits sociaux et en réalisant les objectifs du développement durable.

3.   Cohésion sociale et société civile

3.1.

La cohésion sociale est, selon le Conseil de l’Europe, la capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, en réduisant les disparités et en évitant la marginalisation. Pour la CE, l’ambition de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale est de réduire les écarts de richesse et de développement entre les régions de l’Union européenne. Les atteintes à la «cohésion sociale» provoquent la montée de frustrations, de replis identitaires, terreau de théories antidémocratiques. Démocratie et cohésion sociale, organisation libre et indépendante de la société civile sont constitutives du projet européen, même si elles peuvent être aujourd’hui discutées. L’ES, à travers ses finalités sociales ou ses retombées sociales, répond pragmatiquement aux objectifs de cohésion et de développement tout en étant porteuse d’un modèle démocratique.

3.2.

Pour des raisons historiques et de contexte, la société civile connaît des définitions très différentes et peut prendre différentes formes selon les États membres. Son implantation relève de traditions culturelles et politiques. Certaines de ses organisations (syndicats, groupements, œuvres, etc.) sont pérennes, d’autres apparaissent au gré des évolutions du temps. Les EES, en ce qu’elles sont une économie des personnes et non du capital, peuvent être considérées comme une composante de cette société civile.

3.3.

La société civile est en quelque sorte un incubateur pour le développement des EES et, par voie de conséquence, un accélérateur de cohésion. Par la création d’EES, la société civile peut donner à certaines minorités le droit d’être entendues, ou développer des activités faiblement rentables, alors qu’elles ne seraient pas forcément prises en compte par le biais des entreprises plus traditionnelles. À l’heure des mouvements xénophobes ou du recul démocratique, les EES peuvent contribuer à plus de démocratie et plus de cohésion (article 2 du traité), par exemple dans la question de l’intégration des migrants (1).

3.4.

Dans le domaine de l’éducation, l’ES ainsi que son apport et sa valeur ajoutée pour nos sociétés, sont le plus souvent ignorés des programmes scolaires et universitaires; il en est de même pour les filières de création d’entreprise. Les États membres, comme les instances de l’Union européenne, devraient donc ouvrir la possibilité d’une éducation à l’ES, pour permettre non pas de l’imposer mais pour mettre à disposition des citoyens les outils pour se l’approprier.

4.   L’économie sociale, un modèle économique qui s’exprime différemment

4.1.

Trouvant son origine dans l’organisation des citoyens pour répondre à leurs besoins économiques et sociaux, mais aussi culturels, face aux bouleversements de la société, les EES ont d’abord été définies par leurs statuts juridiques, contrats fondamentaux qui lient les parties agissantes en fixant librement les règles internes de leur fonctionnement. Ainsi furent créées les mutuelles, les coopératives et les associations, auxquelles se joignirent les fondations. Aujourd’hui, ces véhicules juridiques restent les plus souvent utilisés pour la création d’entreprises dans l’ES (2).

4.2.

Suivant l’évolution des sociétés, d’autres types de structures sont venus s’y greffer: les entreprises d’insertion par le travail (WISE) dans les secteurs de l’insertion socioprofessionnelle et du handicap, ou les sociétés à finalité sociale dans la récupération et le recyclage, les soins aux personnes, la défense de l’environnement.

4.3.

La CE, dans des textes de nature différente (initiative, règlement (3)), a donné une impulsion pour appuyer le développement des entreprises sociales, qui sont pour l’essentiel des entreprises ressortissant au champ de l’économie sociale. Aujourd’hui, le débat est ouvert sur l’intégration de facto d’un entrepreneuriat social dont la définition n’est pas univoque.

4.4.

Le CESE réclame de longue date un plan d’action en faveur des EES, qui garantisse le développement et l’essor de ce secteur en Europe et en exploite tout le potentiel. À ses yeux, ces entreprises font partie intégrante de l’économie traditionnelle et n’entrent pas en contradiction avec d’autres modèles économiques. Pourtant, la plupart des programmes qui existent pour aider les entreprises, favoriser leur développement ou assister celles qui sont en phase de démarrage, tout comme les autres composantes à réunir à cette fin, telles que la législation ou les instruments financiers, s’avèrent souvent incapables d’aider les EES, la raison essentielle étant qu’ils sont conçus pour celles qui suivent la logique et le modèle courants, de type plus traditionnel. En outre, il importe que les entreprises de l’économie sociale soient pleinement reconnues dans le cadre du dialogue social et y soient associées à part entière.

5.   Contribution de la coopération et de l’économie sociale aux objectifs de cohésion sociale et de démocratie

5.1.

La démocratie s’inscrit au cœur de la définition de l’ES et des dynamiques portées par ses entreprises. La démocratie «interne» évoque le principe «une personne-une voix» au sein des organes de décision, la participation de diverses catégories d’acteurs à la gestion de l’entreprise comme les travailleurs, les usagers ou les bénéficiaires.

Cependant, le rôle des EES dans la démocratisation de notre économie dépasse leurs modes de gestion internes. En effet, il existe une dimension démocratique qui offre aux citoyens la possibilité de s’engager dans des activités collectives et de contribuer aux débats de société. En cela, les EES constituent une véritable école de démocratie participative.

5.2.

Cette fonction démocratique des EES se joue à différents niveaux: au travers des biens et services qu’elles offrent, des alternatives qu’elles proposent, des réponses qu’elles donnent à des besoins auxquels il n’est pas apporté de réponse, des lieux d’expression et de débats qu’elles contribuent à créer, des actions de lobbying et de sensibilisation qu’elles mènent. Elles doivent assumer un modèle d’entreprises plus respectueuses des questions environnementales, des rapports sociaux et des conditions de travail de leurs salariés.

5.3.

Quand on évoque la contribution de l’ES à la cohésion, on tend à se référer principalement à ses capacités «réparatrices», ses interventions auprès des populations en difficulté, sa part dans les secteurs du social et du médico-social. Cette tendance à assigner à l’ES une fonction réparatrice est indiscutable et indissociable de l’activité du monde associatif. Toutefois, il faut également regarder la cohésion et la démocratie sous l’angle des politiques et des procédures mises en œuvre par les EES pour mesurer leur impact social.

6.   Cohésion sociale et territoriale — consolider un espace européen intégré par le biais de l’économie sociale

6.1.

La mondialisation, la construction du marché unique européen, les grandes révolutions industrielles ont entraîné de profondes mutations des territoires. Des régions se sont trouvées, ou se trouvent encore sinistrées, notamment par la désindustrialisation et le chômage.

6.2.

Les économies des nouveaux États membres ont traversé des processus longs et parfois pénibles de transition des systèmes de planification communistes aux économies de marché régulées. Les ajustements institutionnels et politiques ont eu des conséquences pour leurs sociétés et économies respectives, ainsi que sur les flux migratoires. Ces changements ont également touché les PME, en particulier le secteur des coopératives dans chacun de ces pays, qui a été instrumentalisé pendant plusieurs décennies et même pendant la transition vers un système de marché. Le développement de l’économie sociale dans ces pays pourrait contribuer à l’objectif que poursuit l’Union européenne de consolider un espace européen intégré dans lequel les inégalités sociales et économiques entre l’EU-15 et les 12 nouveaux pays membres d’Europe orientale et méridionale seraient réduites et éliminées.

6.3.

Dans de nombreux pays de cette région, l’ES a perdu de plus en plus de prestige. Néanmoins ce secteur n’a pas été démantelé. Les mutuelles, associations et fondations, quant à elles, après un demi-siècle de disparition quasi totale, connaissent une redécouverte et une expansion graduelles, parallèlement au développement de la société civile, des mouvements sociaux et des syndicats dans ces pays. Le développement de ce «troisième pilier» dans les nouveaux États membres devrait être considéré comme faisant partie de leur intégration adéquate dans le modèle social européen.

6.4.

Des campagnes d’éducation et d’information sur l’histoire, les traditions et les racines nationales de l’économie sociale et des mouvements coopératifs devraient permettre d’atténuer les images négatives associées aux coopératives forcées des régimes communistes et de relier les nouvelles formes d’entreprise sociale aux traditions de l’ES.

6.5.

Parallèlement, dans les pays à forte tradition d’ES, des élus, des entrepreneurs, des populations ont cherché à donner un nouveau souffle à leurs territoires et à répondre aux déséquilibres économiques et sociaux auxquels ils étaient confrontés. Les formes traditionnelles ou nouvelles de l’ES se sont retrouvées au cœur de bien des politiques locales et ont contribué à la cohésion et à la vie démocratique.

7.   Les EES porteuses d’innovation sociale et économique

7.1.

Dans des avis antérieurs, le CESE s’est penché sur les innovations souvent qualifiées de «sociales» ou «sociétales», qui sont non seulement bénéfiques pour la société mais en renforcent les capacités d’action. L’innovation sociale se fonde sur une perspective éthique, philosophique ou axée sur l’intérêt général, comme en témoigne le rôle joué par la société civile dans la formation des systèmes de protection sociale. Les EES constituent des catalyseurs de l’innovation sociale, car elles ciblent des groupes d’usagers spécifiques, se concentrent sur tel ou tel besoin qui n’est pas satisfait par la société ou s’attachent à combler des lacunes.

7.2.

Émergent ainsi toute une série de nouveaux modèles économiques, qui transforment les rapports entre les producteurs, les distributeurs et les consommateurs, qu’il s’agisse, par exemple, de l’économie de la fonctionnalité et du partage ou de la finance responsable. Les EES ne constituent pas une nouveauté, mais s’inscrivent dans cette catégorie des modèles économiques substitutifs, étant donné qu’elles s’efforcent toutes de relever des défis autres, qui revêtent une importance cruciale pour les populations et pour la planète et sont déterminants pour le développement durable, tels que la justice sociale, la gouvernance participative et la préservation des ressources et du capital naturel. L’Union européenne est susceptible de prendre une place de chef de file en ce qui concerne les modèles économiques novateurs qui lieront de manière indissociable la notion de prospérité économique avec une protection sociale de qualité et la durabilité environnementale et qui définiront une «marque européenne». Il importe donc qu’elle fasse preuve d’ambition dans ce domaine.

7.3.

En Belgique, l’expérience coopérative de SMART permet à ses sociétaires travailleurs autonomes de développer leur activité économique dans un cadre sécurisé. SMART est aujourd’hui présent dans neuf pays européens pour un total de 120 000 professionnels.

7.4.

En Espagne, le groupe coopératif Mondragon assume depuis plus de 70 ans une part importante du développement économique et social du Pays Basque. Mondragon Corporation emploie aujourd’hui plus de 90 000 personnes.

7.5.

En France, les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ont occupé largement la place pour l’accompagnement et la réinsertion de publics en difficulté. Elles sont devenues des acteurs du développement territorial et conduisent des projets de développement local.

7.6.

De plus en plus de professionnels et de chercheurs du domaine du numérique agissent sous forme de coopératives, d’entreprises se réclamant des «communs immatériels».

7.7.

Il en est de même dans les domaines du commerce équitable, de la production et de la distribution d’une agriculture de qualité issue du bio ou du «raisonné». Dans les secteurs liés à l’environnement, les initiatives d’EES sont de plus en plus nombreuses.

7.8.

Les EES ne sont pas circonscrites à des entreprises de petite taille. Certaines de ces entreprises dans le champ banque-assurance (comme le Crédit coopératif en France, le Groupe P&V en Belgique) sont des entreprises leaders dans leurs marchés nationaux. Des coopératives de consommation ou de distribution occupent de la même manière des places importantes dans le commerce populaire en Europe.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 1.

(2)  Étude du CESE de 2017 sur les «Évolutions récentes de l’économie sociale dans l’Union européenne».

(3)  Règlement (UE) no 1296/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 établissant un programme de l’Union européenne pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI) et modifiant la décision no 283/2010/UE instituant un instrument européen de microfinancement Progress en faveur de l’emploi et de l’inclusion sociale (JO L 347 du 20.12.2013, p. 238).


16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/24


Avis du Comité économique et social européen sur «La philanthropie européenne: un potentiel inexploité»

(avis exploratoire à la demande de la présidence roumaine)

(2019/C 240/06)

Rapporteur: Petru Sorin DANDEA

Avis exploratoire à la demande de la présidence roumaine du Conseil

Lettre du 20.9.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

24.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

132/5/15

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE reconnaît pleinement la valeur ajoutée, complémentaire et innovante, que la philanthropie peut apporter à la cohésion sociale en soutenant des valeurs communes et en rendant notre société plus résiliente. Le Comité recommande aux États membres de reconnaître la philanthropie comme un moyen de faire preuve d’engagement et de dévouement envers la société, de créer un espace favorable à la philanthropie et de nouer le dialogue avec les acteurs philanthropiques, par des initiatives législatives ou non législatives appropriées.

1.2.

Le CESE invite les États membres, d’une part, à mettre en place un environnement propice à la philanthropie, conformément aux libertés et aux droits fondamentaux de l’Union, qui favorise l’action philanthropique et citoyenne, le don privé en faveur de causes d’intérêt général et la création d’organisations philanthropiques et, d’autre part, à s’assurer que les mesures de sécurité nationales et européennes sont basées sur les risques, proportionnées et fondées sur des données factuelles, mais aussi qu’elles favorisent la transparence de l’action philanthropique.

1.3.

L’État-providence et la sécurité sociale sont des créations européennes que le reste du monde nous envie. Le Comité est d’avis que les États membres devraient renforcer l’État-providence, le modèle social européen et les systèmes de protection sociale, en se fondant sur une justice fiscale et des politiques efficaces en matière d’emploi. Cela permettra d’améliorer la complémentarité des organisations philanthropiques ainsi que leur capacité à répondre aux besoins réels des personnes les plus vulnérables et à résoudre des problèmes qui ne sont pas entièrement pris en charge par les institutions publiques ou le secteur privé.

1.4.

Étant donné que la libre circulation des capitaux est au cœur du marché unique de l’Union, le CESE estime que garantir l’application juridique et pratique de cette liberté fondamentale, associée au principe de non-discrimination, en vue de faciliter les dons et investissements philanthropiques par-delà les frontières, devrait figurer parmi les priorités de l’Union européenne et des États membres. Il conviendrait également d’envisager des formes juridiques supranationales destinées à faciliter l’engagement philanthropique.

1.5.

L’Union pourrait renforcer l’incidence des ressources privées sur le bien commun en mettant en place des instruments financiers, comme le programme InvestEU pour 2018, qui servent de catalyseur pour l’octroi de ressources conjointement avec le secteur philanthropique, stimulent les co-investissements et les investissements à impact social et offrent des outils de garantie afin de réduire les risques financiers des investissements liés aux missions réalisés par les organisations philanthropiques. Il importe par ailleurs de faciliter l’engagement dans l’innovation sociale.

2.   Introduction

2.1.

Que ce soit par de grands moyens ou de manière plus modeste, la philanthropie a amélioré les conditions de vie des citoyens de l’Europe et du monde entier. Sur l’ensemble du continent européen, individus, familles, partenaires sociaux, organisations de la société civile et entreprises contribuent au bien commun, dans un rôle clairement complémentaire à celui de l’État, en prenant part à une tradition de longue date en vertu de laquelle notre humanité commune progresse.

2.2.

Le don individuel, sous toutes ses formes, est probablement aussi ancien que l’interaction entre les hommes, tandis que les origines du don organisé (par exemple sous la forme de fondations) remonte, dans de nombreux pays européens, à l’Empire romain. Dans le même temps, l’Europe recèle une grande diversité et la forme qu’y prend la philanthropie est conditionnée par les spécificités historiques et culturelles ainsi que par les contextes économiques, politiques et législatifs.

2.3.

De nos jours, la philanthropie constitue l’un des moyens de faire preuve d’engagement social, d’engagement en faveur du bien public, de solidarité et de citoyenneté active. Les individus sont au cœur de ce phénomène: ils sont libres de contribuer, sur leurs ressources privées, à des causes d’intérêt public et ce, en soutenant ou en créant des organisations philanthropiques tenues aux principes de transparence et de responsabilité.

2.4.

Les flux philanthropiques sont protégés par les libertés garanties par le traité sur l’Union européenne. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en particulier le droit d’association, offre aux citoyens la liberté de créer et d’organiser des structures philanthropiques. La plupart d’entre elles promeuvent les valeurs de l’Union telles que consacrées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne, notamment le respect de la dignité humaine, des droits de l’homme et de l’état de droit.

2.5.

La philanthropie vise à créer une société axée sur la cohésion sociale, la citoyenneté active, l’épanouissement et l’égalité des chances. Ces valeurs revêtent une grande importance pour notre société. L’indignation face à l’injustice, le souci des personnes les plus vulnérables, la compassion, l’aspiration à un avenir novateur et la responsabilité de préserver une nature et une culture précieuses en sont à l’origine. Motivées par ces valeurs, de nombreuses personnes et organisations philanthropiques proposent des solutions et des résultats tangibles.

2.6.

Le secteur philanthropique européen se compose de différents types de donateurs et d’entités philanthropiques. Même s’il n’existe aucune étude unique, approfondie et actualisée sur la philanthropie européenne couvrant l’ensemble des États membres de l’Union, nous disposons de données indicatives sur ce secteur. En 2016, des données collectées par le réseau des associations de donateurs et fondations en Europe et analysées par le Foundation Center (centre des fondations aux États-Unis) ont indiqué que plus de 147 000 «fondations d’intérêt public»étaient enregistrées en Europe, dont les dépenses annuelles combinées s’élèvent à près de 60 milliards d’EUR. Ces chiffres sont basés sur les dernières données disponibles provenant de 24 pays européens, dont 18 États membres de l’Union européenne. En 2017, une étude publiée par le réseau européen de recherche sur la philanthropie (1) a fourni un aperçu complet des dons philanthropiques effectués par les ménages, les entreprises, les fondations d’intérêt public et les loteries caritatives dans 20 pays européens (19 États membres de l’Union et la Suisse), sur la base de données datant de 2013. Pour ces 20 pays, on estime que les contributions philanthropiques en Europe représentent au moins 87,5 milliards d’EUR chaque année (estimation la plus basse).

3.   Rôle et valeur

3.1.

Les initiatives philanthropiques se saisissent des enjeux de société aux niveaux local, régional, national, européen et international. Les dons philanthropiques sont destinés aux causes d’intérêt général, qu’il s’agisse de promouvoir la pluralité des idées, des sociétés inclusives, l’intégration des personnes handicapées, des Roms et des migrants, les droits de l’homme et l’état de droit, ou de financer la recherche et l’innovation, les enjeux environnementaux, les arts et la culture, les projets de justice sociale, les jeunes entreprises et les entreprises de l’économie sociale, dans tous les domaines pertinents pour l’Union.

3.2.

Fort de sa diversité, le secteur philanthropique est en mesure de détecter des niches, d’y intervenir et de les soutenir lorsque les acteurs du marché et des gouvernements ont plus de difficultés à le faire (2). Il sert souvent de catalyseur pour l’innovation et pour des idées nouvelles. L’action philanthropique est un atout lorsqu’il s’agit de découvrir et d’essayer de nouvelles méthodes visant à résoudre des problèmes de société. La philanthropie expérimente, connaît de nombreuses réussites, parfois des échecs, mais elle apprend en permanence et partage ses bonnes pratiques.

3.3.

Dans de nombreux cas, les acteurs publics (tels que les gouvernements nationaux et les collectivités locales) et philanthropiques travaillent en partenariat afin de se compléter mutuellement dans des activités qui préservent la force de notre société. La philanthropie augmente son impact quand elle peut être soutenue par les pouvoirs publics. Le CESE a conscience que la philanthropie aide les personnes mais elle ne fait pas partie du «modèle social européen»(protection sociale solidaire, services publics, dialogue social) et ne peut pas le remplacer. Il est aussi conscient que la philanthropie peut venir à manquer aux plus démunis. Il recommande que les systèmes solidaires de protection sociale soient préservés et développés, et reconnaît l’aide que les organisations philanthropiques apportent à ces populations.

3.4.

La philanthropie est ouverte à tous: chacun d’entre nous peut faire un don. Chaque année, des millions de donateurs, particuliers et entreprises, s’engagent déjà en Europe. Ils agissent avant tout par passion, gratitude et engagement envers des enjeux de société, en complémentarité de l’action publique. Les individus et les organisations, y compris les entreprises, disposent de nombreux moyens de donner pour les causes d’intérêt général. Ces possibilités vont des dons et donations philanthropiques aux investissements à impact social en passant par la création de fonds philanthropiques ou d’une organisation philanthropique privée et indépendante pourvue d’une vision à long terme.

3.5.

Les questions philanthropiques sont transnationales, transfrontalières et européennes: les enjeux d’intérêt général (tels que le changement climatique et les risques sanitaires) ne s’arrêtent pas aux frontières, et les européens sont de plus en plus mobiles. C’est pourquoi les organisations philanthropiques et les donateurs travaillent de plus en plus de part et d’autre des frontières et en collaboration avec des partenaires de toute l’Europe, malgré l’existence d’obstacles juridiques à la philanthropie transfrontalière. Les acteurs philanthropiques s’engagent par ailleurs en faveur de valeurs et d’initiatives mondiales telles que les objectifs de développement durable et l’accord sur le climat, dont ils encouragent la mise en œuvre au niveau européen, national et local.

3.6.

Les fondations et autres organisations philanthropiques peuvent également agir en tant que «rassembleurs», en réunissant les différentes parties prenantes nécessaires pour résoudre un défi spécifique.

3.7.

Certains gouvernements nationaux instaurent ou envisagent d’instaurer des règles plus strictes qui réduisent la marge de manœuvre de la philanthropie, sous la pression du discours public de plus en plus négatif vis-à-vis des organisations de la société civile (3). Les mécanismes favorisant la philanthropie et un environnement global propice sont toutefois indispensables à la création d’une culture du don. Limiter cette marge de manœuvre pourrait accroître la méfiance de l’opinion à l’égard du rôle précieux que joue la société civile pour promouvoir le développement de la société dans son ensemble.

4.   Les obstacles à surmonter afin d’exploiter pleinement le potentiel de la philanthropie en Europe

4.1.

Afin de libérer tout leur potentiel, la philanthropie et ses formes organisées nécessitent un environnement propice à l’échelon de l’Union et des États membres. Il s’agit notamment de mettre en place une culture sociale et un environnement juridique favorables qui encouragent l’engagement philanthropique. L’étude réalisée en 2018 par Oonagh Breen et intitulée Enlarging the Space for European Philanthropy (4) révèle qu’au sein du marché unique de l’Union, si les sociétés et leurs flux de capitaux peuvent franchir librement les frontières sans restrictions injustifiées, ce n’est pas encore le cas des organisations philanthropiques et des flux de dons. En outre, des évolutions inquiétantes concernant l’introduction de restrictions en matière de financement étranger dans certains pays de l’Union et les exigences croissantes du programme de sécurité remettent en question leur marge de manœuvre.

4.2.

La philanthropie organisée constitue un partenaire de premier plan dans le cadre du dialogue civil, lequel doit faire l’objet d’une mise en œuvre plus rigoureuse (5). Si les organisations philanthropiques et les donateurs travaillent de plus en plus de part et d’autre des frontières et en collaboration avec des partenaires, ils rencontrent toutefois divers obstacles juridiques, administratifs et fiscaux:

premièrement, les organisations philanthropiques doivent parfois s’enregistrer avant de pouvoir intervenir dans un autre pays. Leur personnalité juridique n’est pas toujours reconnue à l’étranger,

deuxièmement, dans la plupart des pays, il n’existe aucune disposition légale concernant le transfert du siège d’une organisation philanthropique à l’étranger; cette opération comprend donc un degré élevé d’insécurité juridique,

les entités philanthropiques ne peuvent pas fusionner par-delà les frontières, tandis que les entreprises y sont autorisées,

les gouvernements devraient s’abstenir de réduire les mesures d’incitation aux dons et aux parrainages pour les organisations philanthropiques, y compris dans des contextes transfrontaliers, en particulier pour celles qui offrent des services qui ne sont pas couverts par le marché ou les pouvoirs publics,

il existe aussi des obstacles fiscaux et administratifs qui entravent les actions philanthropiques, notamment au-delà des frontières nationales, étant donné que le principe de non-discrimination fiscale n’est pas encore appliqué à la philanthropie transfrontalière de manière équitable et constructive par les États membres (6).

4.3.

En outre, nous constatons des restrictions en matière de financement étranger, alors que les fonds philanthropiques devraient circuler librement, conformément au principe de la libre circulation des capitaux établi par l’Union; parfois, des mesures de sécurité aux niveaux national et européen remettent aussi en cause le cadre opératoire. Si les impératifs de sécurité revêtent une grande importance et relèvent d’un intérêt commun, il convient de faire preuve de prudence quant aux éventuelles conséquences imprévues pour ce secteur. Les mesures politiques doivent être proportionnées et fondées sur les risques.

4.4.

Le secteur philanthropique est également actif dans la lutte contre l’extrémisme et dans le secteur de l’assistance humanitaire. Ses connaissances et son expertise sont un atout pour relever ces défis.

4.5.

Concernant l’environnement politique, il est nécessaire d’améliorer, au niveau national et surtout européen, la perception du rôle complémentaire que joue la philanthropie en matière d’action publique. Celle-ci reste relativement absente du débat au sein des institutions européennes.

5.   Croissance philanthropique et potentiel

5.1.

La philanthropie est en constante augmentation. Au cours de la dernière décennie, des initiatives privées de plus en plus nombreuses se sont attelées à des problèmes de société que les gouvernements et les acteurs économiques peinent à résoudre par leurs propres moyens, et elles sont devenues un élément fondamental de notre société. Le CESE déplore l’incidence négative provoquée par la réduction de la capacité des gouvernements à fournir une protection et des services sociaux à leurs citoyens. Dans ce contexte, il est donc très opportun de renforcer les conditions propices à l’épanouissement de la philanthropie. Les organisations philanthropiques européennes modernes sont jeunes. Le nombre de fondations d’intérêt général a augmenté rapidement au cours des deux à trois dernières décennies. Entre 2001 et 2014 par exemple, le nombre de fondations françaises a plus que doublé. En Belgique, plus de la moitié des fondations existant en 2012 ont été créées après 1995, et le secteur a connu une expansion rapide au cours de la dernière décennie. En Espagne, ce sont même plus de 70 % des fondations d’intérêt public existant en 2014 qui ont vu le jour après 1994 (7).

5.2.

Les dons et les engagements philanthropiques sont en constante augmentation dans plusieurs pays européens, en particulier ces dernières années. Les baromètres de la philanthropie indiquent que cette croissance s’observe partout en Europe.

5.3.

L’engagement au sein des collectivités et la philanthropie locale se développent. Les fondations communautaires présentes dans l’ensemble de l’Europe sont désormais vitales pour la cohésion sociale.

5.4.

La jeune génération est particulièrement attachée au bien commun et son engagement prend diverses formes nouvelles. Les chercheurs mettent en évidence un mouvement à l’échelle mondiale, de nouvelles valeurs et l’incidence positive des évolutions technologiques: le financement participatif, les médias sociaux, les causes mondiales ne connaissant pas de frontières, mais également des initiatives très locales émanant du terrain. L’investissement social est essentiel.

5.5.

Les femmes, de plus en plus nombreuses à s’engager dans la philanthropie, jouent aussi un rôle très important à cet égard en Europe. Elles ont tendance à donner de manière plus engagée et inclusive: elles souhaitent rencontrer les destinataires de leurs dons, collaborer avec leurs pairs et s’impliquer en personne dans les causes qu’elles défendent. Les femmes font souvent des dons pour des causes plus complexes touchant, par exemple, à la violence sexiste et à la santé.

5.6.

La notion de «donner en retour»fait désormais partie de l’activité du secteur privé. Dans toute l’Europe, l’engagement philanthropique s’inscrit dans le cadre des stratégies des entreprises en matière de RSE et il contribue à les renforcer. De plus en plus d’entreprises, quelle que soit leur taille, consacrent des ressources financières, des produits, des connaissances et du temps au bien commun.

5.7.

Il convient d’accorder une attention et un soutien particuliers au secteur en expansion de l’économie sociale, qui constitue un domaine d’activité philanthropique innovante. De plus en plus de personnes et d’entrepreneurs se tournent vers des modèles d’entreprise d’économie sociale, moteur essentiel du développement économique et social durable (8).

6.   Encourager la philanthropie en Europe

6.1.

Reconnaître la philanthropie: reconnaître la valeur ajoutée qu’elle peut apporter à la cohésion sociale en soutenant des valeurs communes et en rendant notre société plus résiliente. Promouvoir la philanthropie comme un moyen de faire preuve d’engagement sociétal. Engager le dialogue avec les acteurs philanthropiques et favoriser l’adoption de législations et de réglementations encourageant cette forme d’engagement social.

6.2.

Favoriser et protéger la philanthropie: appeler les États membres à instaurer un environnement qui lui soit propice. S’assurer que les mesures nationales et européennes en matière de sécurité sont proportionnées et fondées sur les risques ainsi que sur des données factuelles. Ne pas décourager l’action philanthropique et citoyenne. Offrir des mesures d’incitation au don privé en faveur de causes d’intérêt général, dans un contexte de justice fiscale.

6.3.

Faciliter la philanthropie transfrontalière: la libre circulation des capitaux est au cœur du marché unique de l’Union. Veiller à l’application juridique et pratique de cette liberté fondamentale, ainsi que du principe de non-discrimination, en vue de faciliter l’activité philanthropique au-delà des frontières nationales. Les investissements transfrontaliers des organisations philanthropiques revêtent une importance capitale. Il conviendrait également d’envisager des formes juridiques supranationales destinées à faciliter l’engagement philanthropique.

6.4.

Octroyer des fonds et investir conjointement en faveur du bien commun et d’une société civile plus forte: faciliter la participation aux outils d’innovation sociale et la mise en place de partenariats stratégiques avec des acteurs philanthropiques. L’Union européenne pourrait renforcer l’impact des ressources privées sur le bien commun en mettant en place des instruments financiers qui facilitent l’octroi conjoint de ressources et qui stimulent les investissements communs des organisations philanthropiques.

6.5.

Accueillir l’innovation: nous vivons une période exaltante pour la philanthropie. Les approches novatrices telles que les investissements sociaux, les obligations à impact social, l’investissement d’impact et le capital-risque philanthropique produisent des résultats inédits et inspirent tant les pratiques philanthropiques traditionnelles que les pratiques d’entreprise. Les nouvelles technologies et les médias sociaux permettent de nouveaux engagements, rapides et porteurs. L’initiative «Data for Good»et la numérisation offrent de nouvelles perspectives à la philanthropie partout en Europe. Une nouvelle plateforme numérique européenne de dons transfrontaliers permettant à des donateurs de toute l’Europe de soutenir des organisations sur l’ensemble de son territoire est en train d’être mise en place. Les acteurs publics et privés devraient encourager et développer ces initiatives afin de rendre la philanthropie plus ciblée et d’en accroître l’impact.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  www.ernop.eu.

(2)  Voir, par exemple, le cas de l’ONG belge Kick Cancer, qui finance des recherches pour mettre au point des médicaments destinés aux enfants atteints d’un cancer — https://kickcancer.org/fr/?locale=fr

(3)  Voir l’étude publiée en 2018 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne sur le champ d’action de la société civile, qui recense les difficultés que rencontre celle-ci dans différents pays de l’Union européenne, notamment concernant l’espace dévolu à la philanthropie — https://fra.europa.eu/fr/publication/2018/difficultes-rencontrees-par-les-organisations-de-la-societe-civile-actives-dans-le domaine des droits de l’homme

(4)  Enlarging the Space for European Philanthropy («Accorder une place plus importante à la philanthropie européenne», en anglais uniquement).

(5)  Plan d’action du groupe de liaison du CESE pour la mise en œuvre de l’article 11, paragraphes 1 et 2, du TUE.

(6)  Boosting cross-border philanthropy in Europe: towards a tax-effective environment («Stimuler la philanthropie transfrontière en Europe: vers un environnement fiscal avantageux», en anglais uniquement), étude réalisée par le Centre européen des fondations (CEF) et Transnational Giving Europe (TGE), par Hanna Surmatz et Ludwig Forrest, mai 2017.

(7)  http://www.fundaciones.org/EPORTAL_DOCS/GENERAL/AEF/DOC-cw585d042d56ecf/Aefsectorfundacional3erInforme3.pdf (en espagnol uniquement).

(8)  «La promotion de l’économie sociale en tant que vecteur essentiel du développement économique et social en Europe» — Conseil de l’UE, 7 décembre 2015.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/29


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 904/2010 en ce qui concerne des mesures de renforcement de la coopération administrative afin de lutter contre la fraude à la TVA»

[COM(2018) 813 final — 2018/0413(CNS)]

(2019/C 240/07)

Rapporteur: Krister ANDERSSON

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 20.12.2018

Base juridique

Article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’Assemblée plénière:

13.12.2018

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

212/2/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient l’objectif de la Commission visant à mettre en place une collaboration opérationnelle avancée entre les autorités fiscales en matière de fraude à la TVA dans le secteur du commerce électronique, sur la base de dispositions législatives claires.

1.2.

Le CESE recommande que la réponse des pouvoirs publics aux formes sophistiquées de fraude à la TVA s’améliore constamment, qu’il s’agisse de l’efficacité de la mise en œuvre (à l’aide de technologies appropriées, telles que l’intelligence artificielle, par exemple) ou de la coopération entre les autorités nationales concernées. Celles-ci devraient travailler en synergie afin de garantir une réponse européenne globale et efficace face à la fraude à la TVA.

1.3.

Dans le même temps, le CESE note que, du côté des consommateurs, la proposition à l’examen entraînera de nouveaux échanges et le traitement d’informations à caractère personnel en rapport avec la TVA, régis par le règlement général sur la protection des données («RGPD»). Le CESE souligne la nécessité de continuer à encadrer les dérogations et les limitations aux dispositions du RGPD afin qu’elles ciblent strictement l’objectif défini de lutte contre la fraude à la TVA. En tant qu’exceptions spécifiques aux règles générales et obligatoires protégeant les données à caractère personnel et la vie privée, ces dérogations doivent être interprétées avec rigueur et précaution par les autorités chargées de faire appliquer la législation.

1.4.

À cet égard, il convient de prêter une grande attention: i) à l’objectif relatif au traitement des données, qui ne devra être possible que pour lutter contre les comportements illicites; ii) aux personnes autorisées à accéder aux données collectées, stockées et échangées, qui ne devraient être que des fonctionnaires d’Eurofisc, dans des conditions bien précises et pour des finalités connues et limitées liées à la lutte contre la fraude à la TVA; iii) à l’utilisation ultérieure des données en vue de déclencher d’éventuelles enquêtes et actions répressives.

1.5.

Tous les aspects susmentionnés sont pris en compte en bonne et due forme par la proposition de la Commission à l’examen, ce qui constitue sans nul doute un aspect positif de la proposition elle-même. Cela étant, le CESE exige que la Commission veille à l’avenir, dans la pratique du système au quotidien, à la mise en œuvre intégrale et effective de toutes les garanties relatives aux libertés fondamentales inscrites dans la proposition, ce qui permettra de trouver un juste équilibre entre une application stricte des règles en matière de TVA et la nécessaire protection des droits individuels et des libertés fondamentales.

2.   Proposition de la Commission et contexte général

2.1.

La proposition de la Commission modifiant le règlement (UE) no 904/2010 du Conseil établit des règles relatives à la collecte harmonisée, par les États membres, des données enregistrées mises à disposition par voie électronique par les prestataires de services de paiement conformément à l’article 243 ter de la directive TVA.

2.2.

Le secteur du commerce électronique a enregistré une croissance spectaculaire ces dernières années et les consommateurs ont désormais tout le loisir de choisir entre des milliers de fournisseurs, de produits et de marques sur leur ordinateur ou leur téléphone intelligent. Or, des entreprises frauduleuses exploitent aussi cette possibilité afin d’éluder leurs obligations en matière de TVA.

2.3.

Selon les estimations, les États membres enregistrent sur les livraisons de biens transfrontières des pertes de recettes de TVA s’élevant à 5 milliards d’EUR par an et, plus récemment, ce chiffre a été revu pour atteindre un montant encore plus impressionnant, se situant entre 7 et 10 milliards d’EUR. S’impose dès lors une réaction vigoureuse des pouvoirs publics, qui devrait reposer sur une collaboration efficace entre autorités chargées de l’application des règles fiscales, tant au sein de l’Union européenne qu’au niveau international.

2.4.

Dans la pratique, la proposition met en place un nouveau système électronique central pour la collecte, le stockage et le traitement des informations relatives aux paiements et pour le traitement ultérieur de ces informations par les agents chargés de la lutte contre la fraude dans les États membres au sein d’Eurofisc, le réseau d’échange multilatéral de signaux d’alerte précoce en matière de lutte contre la fraude à la TVA.

2.5.

Après avoir effectué une analyse d’impact minutieuse et approfondie, la Commission a considéré qu’un système européen central pour la collecte et l’échange des données relatives aux paiements, dénommé «CESOP», était le moyen le plus efficace pour faire en sorte que les autorités fiscales disposent d’une vue d’ensemble complète afin de contrôler le respect des règles en matière de TVA sur le commerce électronique et de lutter contre la fraude à la TVA. Ce système permettra aux États membres d’échanger les informations sur les paiements qu’ils conservent au niveau national, ce qui contribuera à lutter efficacement contre la fraude à la TVA dans le commerce électronique.

2.6.

Le CESOP permettra notamment: i) de regrouper l’ensemble des informations relatives au paiement de la TVA transmises par les États membres pour chaque bénéficiaire; ii) d’avoir une vue d’ensemble des paiements reçus par les bénéficiaires, effectués par des payeurs situés dans les États membres; iii) de reconnaître les opérations de paiement identiques enregistrées plusieurs fois; iv) de nettoyer les informations reçues par les États membres; v) aux fonctionnaires de liaison Eurofisc de procéder à des recoupements entre les données échangées relatives aux paiements et les informations concernant la TVA; vi) de conserver les informations uniquement pendant la période nécessaire aux autorités fiscales pour effectuer les contrôles portant sur la TVA.

2.7.

La période de stockage de l’information dans le CESOP sera de deux ans et les fonctionnaires de liaison Eurofisc pourront voir si les paiements reçus par un bénéficiaire donné au cours de la période considérée n’excèdent pas 10 000 EUR dans l’ensemble des États membres. Le système ne serait accessible qu’aux fonctionnaires de liaison Eurofisc des États membres et ne permettrait d’effectuer des recherches qu’aux fins des activités d’enquête sur des cas présumés ou constatés de fraude à la TVA.

2.8.

Tous les cinq ans, la Commission fera rapport au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement du nouvel outil de coopération administrative.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

Le CESE soutient l’objectif de la Commission visant à mettre en place une collaboration opérationnelle avancée entre les autorités fiscales en matière de fraude à la TVA dans le secteur du commerce électronique, sur la base de dispositions législatives claires. La promotion de l’assistance administrative mutuelle entre les autorités fiscales permettra d’accroître les ressources financières tant pour les budgets nationaux que pour celui de l’Union européenne et d’instaurer des conditions de concurrence plus simples pour les entreprises respectueuses de la réglementation fiscale.

3.2.

L’utilisation croissante des technologies de communication par les acteurs du marché implique la nécessité de mettre à jour en permanence la législation antifraude afin de refléter les différentes manières dont les règles fiscales et les obligations en matière de TVA sont contournées. Il est dès lors essentiel que la réponse des pouvoirs publics aux formes sophistiquées de fraude à la TVA s’améliore constamment, qu’il s’agisse de l’efficacité de la mise en œuvre (à l’aide de technologies appropriées) ou de la coopération entre les autorités nationales concernées. Ces dernières devraient travailler en synergie avec le soutien de la Commission afin de garantir une réponse européenne globale et efficace à la fraude à la TVA, conformément au principe de subsidiarité tel qu’établi par les traités.

3.3.

À cet égard, selon le CESE, investir dans l’intelligence artificielle afin de détecter la fraude à la TVA dans le cadre du nouveau système en cours d’élaboration pourrait être bénéfique et contribuer à rendre le nouveau système pleinement opérationnel, à condition que les droits fondamentaux des personnes et les règles spécifiques de l’Union européenne telles que le règlement général sur la protection des données (RGPD) (1) soient pleinement respectés dans le nouveau cadre opérationnel, ce qui implique l’utilisation des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle pour soutenir l’activité des pouvoirs publics chargés de l’application de la législation.

3.4.

Compte tenu de la nature transfrontière de la fraude à la TVA et de la facilité croissante (grâce à la technologie) avec laquelle les pratiques illégales peuvent rapidement se développer — citons, à titre d’exemple, la vitesse à laquelle l’argent provenant de la fraude à la TVA peut être transféré —, il y a lieu d’établir une coopération plus étroite non seulement au sein de l’Union européenne, mais avec les autorités du monde entier. Les mesures de lutte contre la fraude à la TVA ne peuvent aboutir que si les administrations fiscales des différents pays coopèrent plus étroitement dans un esprit de confiance mutuelle, ce qui nécessitera de leur part d’échanger les informations pertinentes qui leur permettront de s’acquitter de leurs tâches.

3.5.

À cette fin, l’OCDE recommande de renforcer la coopération administrative internationale en matière de TVA ou de taxe sur les ventes afin de relever les défis liés à la perception de la TVA auprès des fournisseurs non résidents, en particulier dans le commerce B2C («des entreprises aux consommateur»), ainsi que le relève avec raison l’analyse d’impact réalisée par la Commission.

3.6.

L’accord conclu entre l’Union européenne et la Norvège dans le domaine de la coopération administrative en matière de TVA en juin 2018, qui comprend également des instruments spécifiques pour le recouvrement des créances de TVA, constitue un pas dans cette direction. Le CESE espère que l’Union européenne continuera à promouvoir la coopération internationale en matière de lutte contre la fraude afin d’élaborer une réponse efficace et coordonnée aux activités qui dépassent les frontières des États et les frontières continentales et portent préjudice à la fois au budget de l’Union européenne et à ceux des États membres.

3.7.

Le CESE souligne qu’en ce qui concerne les consommateurs, la proposition donnera lieu à de nouveaux échanges d’informations à caractère personnel en rapport avec la TVA et à leur traitement, ressortissant au règlement général sur la protection des données (RGPD) récemment approuvé et mis en œuvre dans toute l’Europe, entraînant des coûts de mise en conformité importants pour les entreprises de l’Union européenne.

3.8.

Le RGPD donne une définition large des données à caractère personnel, incluant toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable, susceptible d’être identifiée directement ou indirectement. Les informations relatives aux paiements qui sont visées par la propositions de la Commission relèvent par conséquent du champ d’application et des principes applicables à la protection des données à caractère personnel, tels que définis dans la charte des droits fondamentaux.

3.9.

Selon la Commission, «la taxation est un objectif important d’intérêt public au niveau de l’Union et des États membres, ce qui a été reconnu dans le cadre des restrictions pouvant être imposées aux droits et obligations au titre du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil (2) et de la protection des informations au titre du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil (3). Les limitations relatives aux droits en matière de protection des données sont nécessaires en raison de la nature et du volume des informations provenant des prestataires de services de paiement et devraient reposer sur des conditions spécifiques et prédéfinies et sur les modalités énoncées aux articles 243 ter à 243 quinquies de la directive 2006/112/CE du Conseil (4)».

3.10.

Le CESE souligne avec force la nécessité de continuer à encadrer les dérogations et les limitations aux dispositions du règlement général sur la protection des données afin qu’elles ciblent uniquement et strictement l’objectif défini de lutte contre la fraude à la TVA. En tant qu’exceptions spécifiques aux règles générales et obligatoires protégeant les données à caractère personnel et la vie privée, ces dérogations doivent être interprétées avec rigueur et précaution par les autorités chargées de faire appliquer la législation. À cet égard, il convient de prêter une grande attention: i) à l’objectif relatif au traitement des données, qui ne devra être possible que pour lutter contre les comportements illicites; ii) aux personnes autorisées à accéder aux données collectées, stockées et échangées, qui ne devraient être que des fonctionnaires d’Eurofisc, dans des conditions bien précises et pour des finalités connues et limitées liées à la lutte contre la fraude à la TVA; iii) à l’utilisation ultérieure des données en vue de déclencher d’éventuelles enquêtes et actions répressives.

3.11.

Tous les aspects susmentionnés sont pris en compte en bonne et due forme par la proposition de la Commission à l’examen, ce qui constitue sans nul doute un aspect positif de la proposition elle-même. Cela étant, le CESE exige que la Commission garantisse à l’avenir, dans la pratique du système au quotidien, la mise en œuvre intégrale et effective de toutes les garanties relatives aux libertés fondamentales inscrites dans la proposition, ce qui permettra de trouver un juste équilibre entre une application stricte des règles en matière de TVA et la sauvegarde nécessaire des droits individuels et des libertés fondamentales.

3.12.

En ce qui concerne ce dernier point, le CESE demande aux autorités nationales compétentes de surveiller attentivement et de vérifier si les règles limitant l’utilisation des données et des informations contenues dans la proposition, ainsi que les dispositions du règlement général sur la protection des données, sont pleinement et concrètement respectées. Le CESE invite la Commission — lors de la collecte des retours d’information des États membres devant être achevés d’ici la fin de 2024 — à vérifier soigneusement, parallèlement aux autorités nationales chargées de la protection des données personnelles et au contrôleur européen de la protection des données, si les dispositions du règlement général sur la protection des données ont été pleinement respectées et à faire rapport au Parlement européen et au Conseil dans le cadre de son rapport prévu sur le fonctionnement du nouvel instrument de coopération administrative [article 59 du règlement (UE) no 904/2010]. Si des distorsions ou des actes répréhensibles sont détectés, il y a bien entendu lieu de les empêcher et de les corriger immédiatement.

3.13.

Quant à la protection des entreprises européennes actives dans le domaine du commerce électronique, le CESE recommande que le nouveau système soit en mesure de préserver et de protéger efficacement les secrets commerciaux, tant lors de la phase de contrôle préliminaire de collecte et d’analyse des données que dans la phase ultérieure (hypothétique) de l’application de la législation. À cet égard, l’expérience acquise par la Commission européenne en matière de protection de la propriété intellectuelle et des secrets industriels dans les affaires relevant du droit de la concurrence pourrait être utile en tant que norme comparative.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32016R0679

(2)  Règlement général sur la protection des données: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32016R0679&from=FR

(3)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32018R1725&from=FR

(4)  Directive TVA: http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32006L0112&from=FR


16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/33


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’instauration de certaines exigences applicables aux prestataires de services de paiement»

[COM(2018) 812 final — 2018/0412(CNS)]

et sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 en ce qui concerne les dispositions relatives aux ventes à distance de biens et à certaines livraisons intérieures de biens»

[COM(2018) 819 final — 2018/0415(CNS)]

(2019/C 240/08)

Rapporteur: Krister ANDERSSON

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 20.12.2018

Base juridique

Article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient l’objectif de la Commission, à savoir l’introduction de règles supplémentaires visant à garantir la proportionnalité et à renforcer la sécurité juridique pour les opérateurs qui exploitent des interfaces électroniques facilitant la livraison de biens aux consommateurs dans l’Union, en particulier lorsqu’elles sont traitées comme étant réputées être les fournisseurs desdits biens.

1.2.

Le CESE soutient par ailleurs la volonté de la Commission d’établir une coopération régulière avec les prestataires de services de paiement sur la base de dispositions législatives claires. Les résultats prometteurs qui sont attendus au terme de la mise en œuvre des nouvelles mesures garantiront de plus amples ressources tant pour les budgets nationaux que pour celui de l’Union européenne, ainsi qu’un environnement simplifié de concurrence équitable pour les entreprises respectueuses de la réglementation fiscale.

1.3.

Le CESE relève que l’approche réglementaire adoptée par la Commission est conforme au principe de subsidiarité, étant donné que la fraude à la TVA dans le commerce électronique concerne tous les États membres et qu’une législation arrêtée au niveau européen constitue l’outil le plus susceptible de les aider efficacement à obtenir les informations nécessaires afin de contrôler la TVA dans les livraisons transfrontières. En revanche, des initiatives législatives multiples, menées au niveau national, ne seraient pas adéquates pour résoudre efficacement les problèmes liés à la fraude à la TVA et déboucheraient sur un paysage réglementaire trop compliqué.

1.4.

Toutefois, dans le même temps, le CESE souligne que, du côté des consommateurs, la proposition à l’examen entraînera de nouveaux échanges et le traitement d’informations à caractère personnel en rapport avec la TVA, désormais régis par le règlement général sur la protection des données («RGPD») (1). À cet égard, le CESE insiste particulièrement sur l’importance que revêt le plein respect des dispositions dudit règlement, ainsi que sur la nécessité de limiter l’utilisation des données au seul objectif, et ce, dans sa définition la plus stricte, de lutter contre la fraude à la TVA, d’une manière qui soit efficace au regard de son coût et acceptable pour le grand public.

1.5.

Enfin, le CESE recommande à la Commission de procéder à des investissements adéquats dans les actifs physiques et l’informatique afin de garantir la mise en place d’un registre central fonctionnel, et fait valoir que les coûts estimés du projet pourraient être aisément et rapidement couverts par les résultats escomptés en ce qui concerne la réduction de la fraude à la TVA et de l’écart de TVA.

2.   Proposition de la Commission et contexte général

2.1.

La proposition de la Commission introduit diverses exigences applicables aux prestataires de services de paiement visant à garantir leur coopération efficace avec les autorités fiscales, et ce, dans l’objectif d’améliorer les outils de lutte contre la fraude dans le domaine de la TVA. Elle est conforme à la directive relative à la TVA sur le commerce électronique, qui a introduit de nouvelles obligations en matière de TVA pour les places de marché en ligne et des simplifications supplémentaires afin d’aider les entreprises à respecter les obligations en matière de TVA par l’intermédiaire d’un guichet unique.

2.2.

La proposition COM(2018) 819 final de la Commission introduit également des règles qui devraient améliorer le fonctionnement du train de mesures concernant la TVA sur le commerce électronique adopté en décembre 2017, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Elle apporte des précisions supplémentaires sur le régime TVA applicable aux fournisseurs qui utilisent une interface électronique pour faciliter les livraisons de biens aux consommateurs dans l’Union européenne lorsque ces derniers sont réputés fournisseurs aux termes de l’article 14 bis, paragraphe 2, de la directive TVA, et donc responsables de la perception et du paiement de la TVA aux autorités fiscales. En principe, en vertu de l’article 369 ter de la directive 2006/112/CE (2) TVA, le guichet unique ne peut être utilisé que pour déclarer et payer la TVA sur les prestations transfrontières de services et les ventes à distance intracommunautaires de biens, et non pour les livraisons intérieures de biens. Toutefois, étant donné que les fournisseurs qui vendent des biens au moyen d’une interface électronique peuvent détenir un stock de biens dans différents États membres à partir desquels ils effectuent des livraisons intérieures, il en résulterait que les opérateurs exploitant ces interfaces électroniques, qui sont réputées avoir livré les biens concernés, seraient tenus de s’enregistrer aux fins de la TVA dans tous les États membres de l’Union européenne où les fournisseurs initiaux détiennent un stock et effectuent des livraisons intérieures. Il est donc proposé de les autoriser à utiliser le guichet unique également pour les livraisons intérieures pour lesquelles ces interfaces sont réputées livrer les biens conformément à l’article 14 bis, paragraphe 2, de la directive TVA. Ce faisant, la proposition maintient la simplification qu’introduit le guichet unique pour les interfaces électroniques, et évite ainsi d’imposer aux entreprises de lourdes procédures supplémentaires. La proposition COM(2018) 819 final de la Commission établit les règles spécifiques nécessaires pour favoriser l’adoption d’un guichet unique, en modifiant le cadre juridique actuel de manière ciblée.

2.3.

Le secteur du commerce électronique a enregistré une croissance spectaculaire ces dernières années et les consommateurs ont désormais tout le loisir de choisir entre des milliers de fournisseurs, de produits et de marques sur leur ordinateur ou leur téléphone intelligent. Or, des entreprises fraudeuses exploitent aussi cette possibilité afin d’éluder leurs obligations en matière de TVA.

2.4.

Plus précisément, il existe trois cas principaux de fraude à la TVA dans le cadre du commerce électronique transfrontière: i) les livraisons de biens et prestations de services intra-UE, ii) les importations de biens en provenance d’entreprises établies dans un pays tiers à destination de consommateurs dans les États membres, et iii) les prestations de services à des consommateurs des États membres par des entreprises établies dans un pays tiers.

2.5.

Selon les estimations, les États membres enregistrent sur les livraisons de biens transfrontières des pertes de recettes de TVA s’élevant à 5 milliards d’EUR par an et, plus récemment, ce chiffre a été revu pour atteindre un montant encore plus impressionnant, se situant entre 7 et 10 milliards d’EUR. Il convient dès lors que les pouvoirs publics posent un acte fort et qui implique, chaque fois qu’un tel effort est nécessaire et proportionné, la coopération des acteurs privés.

2.6.

La proposition de la Commission COM(2018) 812 final vise à réduire le problème de la fraude à la TVA dans le commerce électronique en renforçant la coopération entre les autorités fiscales et les prestataires de services de paiement étant donné que plus de 90 % des achats en ligne effectués par des clients européens passent actuellement par un intermédiaire. À cet égard, l’expérience de plusieurs États membres a montré qu’une coopération suffisante entre les autorités fiscales et les prestataires de services de paiement peut produire des résultats tangibles et rapides dans la lutte contre la fraude à la TVA dans le commerce électronique.

2.7.

La proposition permettra aux autorités fiscales de collecter et d’échanger les informations relatives aux paiements fournies par les prestataires de services de paiement, et ce, grâce à un registre central, que la Commission développera en coopération avec les autorités fiscales nationales, dans le but d’assurer une approche uniforme de la collecte et de l’analyse des données.

2.8.

Concrètement, l’article 243 ter de la directive 2006/112/CE relative à la TVA introduit une nouvelle obligation en matière de tenue de registres applicable aux prestataires de services de paiement. Les seuls services de paiement concernés seront ceux qui donnent lieu à des transferts de fonds transfrontières destinés aux bénéficiaires (ou aux prestataires agissant pour le compte des bénéficiaires) et uniquement lorsque le payeur est situé dans l’un des États membres. En d’autres termes, il est entendu dans la proposition que la notion de «transfrontière»renvoie aux opérations dans lesquelles le consommateur est situé dans un État membre et le fournisseur dans un autre ou dans un pays tiers. Les paiements nationaux ne relèvent pas de la proposition de la Commission.

2.9.

Afin de ne tenir compte que des paiements liés à une activité économique et d’exclure les transferts de fonds transfrontières exécutés à des fins privées, les prestataires de services de paiement ne doivent tenir des registres sur les bénéficiaires et les mettre à la disposition des autorités fiscales que lorsque le montant total des paiements reçus par ces bénéficiaires dépasse le plafond de 25 paiements au cours d’un trimestre civil. Pour fixer le seuil, il a été tenu compte d’une valeur moyenne de 95 EUR pour les commandes effectuées en ligne qui, multipliée par un nombre minimum de 100 opérations de paiement par an, aboutit à un chiffre de près de 10 000 EUR de ventes annuelles.

2.10.

Les informations à conserver par les prestataires de services de paiement doivent permettre d’identifier celui de ces prestataires qui tient le registre, ainsi que les données d’identification du bénéficiaire du paiement concerné et les éléments relatifs aux paiements qu’il a reçus. Les informations permettant d’identifier les payeurs ne sont pas intégrées dans l’obligation en matière de tenue de registres applicable aux prestataires de services de paiement, car elles ne sont pas indispensables pour détecter la fraude. Les prestataires de services de paiement seront tenus de tenir ces registres pendant deux ans.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

Le CESE soutient l’objectif exprimé par la Commission dans sa proposition COM(2018) 819 final, à savoir l’introduction de règles supplémentaires visant à garantir la proportionnalité et à renforcer la sécurité juridique pour les opérateurs qui exploitent des interfaces électroniques facilitant la livraison de biens aux consommateurs dans l’Union, en particulier lorsqu’elles sont traitées comme étant réputées être les fournisseurs desdits biens.

3.2.

Le CESE soutient par ailleurs l’objectif de la Commission d’établir une coopération régulière avec les prestataires de services de paiement sur la base de dispositions législatives claires et transparentes. Les résultats prometteurs qui sont attendus au terme de la mise en œuvre des nouvelles mesures justifient l’effort législatif consenti par la Commission et garantiront de plus amples ressources tant pour les budgets nationaux que pour celui de l’Union européenne, ainsi qu’un environnement simplifié de concurrence équitable pour les entreprises respectueuses de la réglementation fiscale.

3.3.

La proposition de la Commission fait suite à une large consultation de plusieurs parties prenantes, et notamment des prestataires de services de paiement, d’autres représentants des entreprises et des autorités fiscales des États membres. Le CESE s félicite que la Commission ait recueilli un large retour d’informations et de contributions de la part des acteurs publics et privés, qui a certainement contribué à l’élaboration d’une proposition législative solide et proportionnée.

3.4.

Le CESE relève que l’approche réglementaire que préconise la proposition est conforme au principe de subsidiarité, tel que consacré dans les traités, étant donné que la fraude à la TVA dans le commerce électronique concerne tous les États membres et qu’une législation arrêtée au niveau européen constitue l’outil le plus agissant pour aider efficacement les États membres à obtenir les informations nécessaires afin de contrôler la TVA dans les livraisons transfrontières. En revanche, des initiatives législatives multiples, menées au niveau national, ne seraient pas adéquates pour résoudre efficacement les problèmes liés à la fraude à la TVA et déboucheraient sur un paysage réglementaire trop compliqué.

3.5.

La proposition de la Commission oblige les prestataires de services de paiement à tenir des registres contenant des données dont ils disposent déjà pour exécuter les opérations de paiement et respecte ainsi le principe de proportionnalité énoncé dans les traités et développé plus avant par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. En outre, l’instauration d’une obligation harmonisée à l’échelle de l’Union européenne concernant la tenue de registres et la transmission de données aux autorités fiscales limitera les charges administratives pesant sur les prestataires de services de paiement, contrairement à celle qu’ils auraient à supporter s’ils devaient se conformer à des approches nationales divergentes.

3.6.

À cet égard, comme l’a montré l’analyse d’impact, l’harmonisation des obligations de déclaration dans un format unique aux fins de transmission des informations permettra de réduire les coûts de mise en conformité pour les prestataires de services de paiement, qui seront en mesure de mener, pour lutter contre la fraude à la TVA, une coopération qui n’aura qu’un impact raisonnable et équilibré sur leurs activités opérationnelles quotidiennes.

3.7.

Le seuil de 25 paiements par trimestre, soit environ 10 000 EUR par an, sur la base d’une valeur moyenne de 95 EUR pour les opérations dans le domaine du commerce électronique de l’Union européenne, semble raisonnable et proportionné, y compris si l’on considère que, généralement, ce montant de 10 000 EUR donne déjà lieu à des obligations en matière de TVA dans les États membres. De plus, il correspond au seuil de 10 000 EUR qui a été introduit pour les livraisons intra-UE par la directive relative à la TVA sur le commerce électronique. Par conséquent, il apparaît que ce chiffre minimal de 10 000 EUR est approprié pour parvenir à un équilibre entre la protection des opérations purement privées, qui ne sont aucunement concernées par la fraude à la TVA, et l’objectif de mettre en place un système de contrôle viable pour réduire ladite fraude. La Commission européenne devrait toutefois surveiller l’évolution de la situation pour s’assurer que les seuils resteront appropriés sur la durée et, le cas échéant, entreprendre des changements.

3.8.

Le CESE souligne qu’en ce qui concerne les consommateurs, la proposition donnera lieu à de nouveaux échanges d’informations à caractère personnel en rapport avec la TVA et à leur traitement, ressortissant au règlement général sur la protection des données (RGPD), qui a été récemment approuvé et mis en œuvre dans l’ensemble de l’Europe, entraînant des coûts de mise en conformité importants pour les entreprises de l’Union européenne.

3.9.

Le RGPD donne une définition large des données à caractère personnel, incluant toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable qui peut être identifiée, directement ou indirectement. Les informations relatives aux paiements qui sont visées par la propositions de la Commission relèvent par conséquent du champ d’application à la protection des données à caractère personne et des principes y applicables, tels que définis dans la Charte des droits fondamentaux.

3.10.

Selon la Commission, dans le cadre de la proposition, «seules les informations sur les paiements qui sont nécessaires pour lutter contre la fraude à la TVA dans le commerce électronique seraient traitées. […] Les informations qui feraient l’objet d’un traitement ne concernent que les destinataires de fonds (bénéficiaires) et l’opération de paiement elle-même (montant, devise, date), cependant que les informations sur les consommateurs qui paieraient pour des biens ou des services (payeurs) ne sont pas comprises dans l’échange d’informations. Par conséquent, ces informations ne seraient pas utilisées à d’autres fins, telles que le contrôle des habitudes d’achat des consommateurs. […] Les paiements nationaux seraient également exclus du champ d’application de l’initiative. Enfin, les informations relatives aux paiements ne seraient accessibles qu’aux fonctionnaires de liaison Eurofisc des États membres et uniquement pendant la période nécessaire pour lutter contre la fraude à la TVA dans le commerce électronique.»

3.11.

Le CESE souligne avec force l’importance que revêt le plein respect des dispositions du règlement général sur la protection des données, ainsi que la nécessité de limiter l’utilisation des données au seul objectif, et ce, dans sa définition la plus stricte, de lutter contre la fraude à la TVA, d’une manière qui soit efficace au regard de son coût et acceptable pour le grand public. Sur ce point, le CESE invite la Commission, lorsqu’elle procédera à la collecte des retours d’information des États membres, qui doit être achevé au plus tard fin 2024, à vérifier soigneusement si les dispositions du règlement général sur la protection des données ont été pleinement respectées et s’il a été possible d’en repérer des cas de violation dans les États membres et d’y remédier.

3.12.

Enfin, le CESE recommande à la Commission d’adapter les investissements dans les actifs physiques et l’informatique afin de garantir la mise en place d’un registre central fonctionnel, et fait valoir que les coûts estimés du projet (11,8 millions d’EUR pour sa réalisation et 4,5 millions d’EUR par an pour sa gestion) pourraient être aisément et rapidement couverts par les résultats escomptés en ce qui concerne la réduction de la fraude à la TVA et de l’écart de TVA, étant donné que les pertes de recettes de cet impôt relatives aux livraisons de biens transfrontières dépassent au total les 5 milliards d’EUR et qu’en 2017, l’ensemble des ventes en ligne représentait environ 600 milliards d’EUR.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Règlement général sur la protection des données — https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32016R0679

(2)  Directive TVA 2006/112/CE — https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32006L0112


16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/37


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une bioéconomie durable pour l’Europe: renforcer les liens entre l’économie, la société et l’environnement»

[COM(2018) 673 final]

(2019/C 240/09)

Rapporteur: Mindaugas MACIULEVIČIUS

Corapporteur: Udo HEMMERLING

Consultation

Commission européenne, 14.12.2018

Base juridique

Article 29, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau

16.10.2018

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

25.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

203/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Un sentiment d’urgence planétaire se fait sentir: les défis mondiaux tels que le changement climatique et la croissance démographique nous forcent instamment à trouver des substituts aux combustibles fossiles et à utiliser les bioressources d’une manière plus efficace. L’agriculture et le secteur exploitant les ressources forestières comptent parmi les grands producteurs de biomasse à des fins autres que l’alimentation humaine et animale et, en tant que tels, apportent une contribution importante à la bioéconomie. De nouvelles chaînes de valeur offrent à l’économie rurale des perspectives supplémentaires d’activités, pour opérer la transition d’un système économique fondé sur les combustibles fossiles à une bioéconomie.

1.2.

Dans ce contexte, il convient d’accorder la priorité à une meilleure prise de conscience de notre consommation en bioressources, dans la ligne des objectifs climatiques de l’accord de Paris. Il convient qu’en plus de parvenir à être mieux comprises, les activités bioéconomiques mobilisent le consommateur, en lui fournissant régulièrement des conseils et des informations afin de faciliter les changements nécessaires et d’ouvrir la voie à l’instauration de mesures de création de marchés qui stimulent encore sa confiance et encouragent les acheteurs publics à opter pour des bioproduits fabriqués dans l’Union européenne.

1.3.

Cette démarche ouvre des possibilités au profit de la biodiversité, de l’industrie, du développement économique et de l’emploi. Le CESE salue la mise à jour de la stratégie bioéconomique de 2012, qui pose un jalon important dans la bonne direction. S’il existe une demande mondiale pour des bioproduits durables et efficaces du point de vue des ressources utilisées, il n’en reste pas moins qu’en dépit des progrès appréciables enregistrés dans la nouvelle version, certaines des mesures prévues doivent encore trouver une traduction concrète.

1.3.1.

Indépendamment de l’accès donné aux instruments financiers, il est capital d’établir des services personnalisés et souples de consultance et de conseil qui aident les PME de l’agroalimentaire à lancer des projets novateurs de long terme. Il leur manque souvent l’expertise ou le savoir nécessaires en interne, pour de nombreuses raisons, notamment de ressources en personnel, moyens financiers ou infrastructures.

1.3.2.

La coopération entre le public et le privé devrait porter l’attention voulue aux producteurs primaires. Ce modèle pourrait être conforté par une série de mesures et instruments ressortissant à la politique agricole commune (PAC).

1.3.3.

Si l’on incorpore les activités touchant à la recherche, l’innovation et la bioéconomie dans une stratégie de long terme, il deviendra plus facile de soutenir le développement et la reproduction.

1.3.4.

Poursuivre l’éducation et la formation des travailleurs et des producteurs primaires constitue un enjeu crucial. Il importe de faciliter l’échange des connaissances, de dispenser un soutien aux réseaux transnationaux et de suivre le rythme de l’évolution de la société et des technologies. Les approches d’éducation, de mobilisation et de communication qui s’assurent de la participation des acteurs de la bioéconomie rurale sont d’une portée cruciale.

1.3.5.

Un élément capital consiste à encourager l’économie circulaire et les connexions territoriales intersectorielles, dans l’Union européenne comme au-delà de ses frontières, notamment dans l’optique de mener à bonne fin les engagements pris au titre des objectifs de développement durable et de ceux de la COP 21.

1.3.6.

Tous les États membres se doivent d’intégrer une stratégie bioéconomique globale dans leurs politiques et programmes et d’y associer les pouvoirs publics locaux compétents et les autres acteurs concernés, qu’il s’agisse des producteurs primaires, des acteurs de la recherche et de l’éducation, de l’industrie, de la société civile, des partenaires sociaux, etc.

1.3.7.

L’Union devrait s’efforcer de parvenir à un système mondial de tarification des émissions de carbone, car il offrirait une voie neutre et efficace pour promouvoir la bioéconomie et faire participer tous les acteurs du marché à l’atténuation du changement climatique.

1.4.

Pour une «nouvelle»bioéconomie, il est essentiel de respecter les principes de durabilité, et les ressources naturelles doivent être préservées, afin de rester productives. Dans ce domaine, la bioéconomie se doit de se conformer à des critères de durabilité. Pour éviter des distorsions dommageables pour l’environnement, l’économie et la société, il conviendra que les mêmes règles s’appliquent à la biomasse qui provient de l’Union européenne et à celle venue de l’extérieur de ses frontières.

2.   Observations générales

La bioéconomie englobe la production de ressources biologiques renouvelables et leur transformation en denrées destinées à l’alimentation humaine, aliments pour animaux, bioproduits et bioénergie. Sont notamment concernés l’agriculture, la sylviculture, la pêche, l’agroalimentaire, la production de pâte à papier et de papier, ainsi que certains segments des secteurs de la chimie, des biotechnologies et de l’énergie.

2.1.

La stratégie de l’Union européenne en faveur de la bioéconomie de 2012 visait à «faciliter l’avènement d’une société plus innovante, plus économe en ressources et plus compétitive qui concilie la sécurité alimentaire et l’utilisation durable des ressources renouvelables à des fins industrielles tout en garantissant la protection de l’environnement». En 2017, la Commission a procédé à un réexamen de ladite stratégie de 2012, et en a conclu qu’elle avait démontré la pertinence de ses objectifs et que l’ampleur des possibilités offertes par la bioéconomie était de plus en plus reconnue, au sein comme à l’extérieur de l’Europe. En octobre 2018, la Commission a présenté un plan d’action en vue de mettre en place une bioéconomie durable et circulaire, visant «à améliorer et à développer l’utilisation durable des ressources renouvelables pour relever des défis mondiaux et locaux tels que le changement climatique et le développement durable» (1).

2.2.

Selon les prévisions, la population mondiale devrait frôler les dix milliards d’habitants d’ici 2050 (2), et il est d’une nécessité urgente d’exploiter plus efficacement les ressources biologiques, afin de parvenir à produire des denrées alimentaires sûres, nourrissantes, de qualité et d’un prix abordable pour davantage de personnes, en réduisant l’incidence environnementale et climatique par unité produite, ainsi que des matières biologiques renouvelables en quantité voulue pour assurer une partie appréciable de la production que nous réalisons actuellement à partir de pétrole brut d’origine fossile, tout en articulant cette approche avec le recours à l’énergie éolienne et solaire et aux autres énergies renouvelables. En conséquence, il s’est avéré nécessaire de recentrer les actions et de mettre à jour la stratégie en faveur de la bioéconomie en fonction des évolutions récentes de la politique en la matière, dont les objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) (3) et la convention sur les changements climatiques, en l’occurrence les engagements souscrits à la COP 21.

2.3.

La Commission déclare, par le truchement de la stratégie actualisée en matière de bioéconomie (4), qu’elle procédera en 2019 au lancement de quatorze mesures, entre autres:

créer une plateforme d’investissement thématique pour la bioéconomie circulaire, dotée d’un budget de 100 millions d’euros, afin de rapprocher les bio-innovations du marché et de réduire les risques liés aux investissements privés dans des solutions durables, et faciliter la mise en place de nouvelles bioraffineries durables dans toute l’Europe,

mettre au point un programme stratégique de déploiement portant sur les systèmes alimentaires et agricoles durables, la sylviculture durable et les bioproduits,

créer un mécanisme de soutien de l’Union européenne aux politiques de bioéconomie afin d’aider ses États membres, dans le cadre d’Horizon 2020, à se doter de programmes nationaux et régionaux de bioéconomie,

lancer, pour le développement de la bioéconomie dans les zones rurales, côtières et urbaines, des actions pilotes axées, par exemple, sur la gestion des déchets ou les pratiques agricoles à faible intensité de carbone,

mettre en œuvre un système de suivi à l’échelle de l’Union européenne pour relever les progrès accomplis vers une bioéconomie durable et circulaire,

améliorer nos connaissances et notre compréhension de certains domaines spécifiques de la bioéconomie en recueillant des données et en les rendant plus accessibles grâce au centre de connaissances sur la bioéconomie,

fournir des orientations et promouvoir les bonnes pratiques sur la manière d’opérer en bioéconomie en restant dans des limites écologiques sûres.

2.4.

La bioéconomie peut proposer des solutions susceptibles de contribuer tant à diminuer les émissions de CO2 qu’à réduire la dépendance vis-à-vis des ressources fossiles importées. Les forêts de l’Union européenne, par exemple, séquestrent une quantité de carbone qui correspond à 10 % des émissions annuelles de l’Union, tout en offrant un approvisionnement durable et constant en biomasse pour une énergie renouvelable. En outre, on estime qu’en théorie, 100 000 des produits chimiques actuellement en production pourraient être élaborés à partir de matières premières renouvelables. Il n’en résulte pas que tous devraient être produits de cette façon mais bien que cette possibilité existe, sur un plan théorique. Grâce à une telle démarche, il serait possible non seulement d’assurer une production locale et durable d’articles ménagers d’utilisation courante, mais également de contribuer, en particulier dans les régions côtières et rurales, à la création d’emplois et à la croissance au sein d’une Europe qui conserve une forte avance technologique. Selon les estimations de l’industrie, c’est un million de nouveaux emplois qui, d’ici 2030, pourraient ainsi être créés dans les bio-industries.

2.5.

Toutefois, d’importants obstacles continuent à entraver un développement plus vif de l’innovation dans la bioéconomie de l’Union européenne. Un écueil majeur consiste en la compétitivité des coûts de ces produits, par rapport tant aux combustibles fossiles qu’aux produits équivalents provenant d’autres parties du monde. Cette compétitivité est influencée par de nombreux facteurs, dont le niveau de maturité technologique, le coût du travail, les subventions aux combustibles fossiles et leur amortissement, ainsi que le faible niveau de soutien que le marché apporte aux bioproduits. À cette question de la compétitivité s’ajoutent des difficultés d’accès au financement pour les projets novateurs et les installations de production, le faible intérêt que les utilisateurs finaux continuent bien souvent à montrer vis-à-vis des bioproduits, ainsi que l’insuffisance des compétences et des relations opérationnelles qui seraient nécessaires pour faire progresser le secteur. En outre, les procédures d’autorisation pour les nouveaux projets ressortissant à la bioéconomie deviennent longues et pesantes, générant ainsi des incertitudes juridiques et des risques financiers de grande ampleur pour les acteurs économiques.

3.   Observations particulières

Le CESE accueille favorablement la communication qui met à jour la stratégie bioéconomique de 2012. Une politique de long terme, cohérente et efficace, est nécessaire pour promouvoir la bioéconomie. Toutefois, l’articulation entre cette stratégie transsectorielle et les autres instruments d’action qui existent ne va toujours pas de soi. Pour mener une politique opérante dans ce domaine de la bioéconomie, le facteur clé consiste donc, encore et toujours, à repérer les synergies entre les différents champs d’intervention, d’une manière qui prenne en compte les objectifs d’une production alimentaire viable, d’une gestion durable des ressources naturelles, d’un développement territorial équilibré des zones rurales, ainsi que l’assurance de revenus sûrs et décents.

3.1.

Si la mise à jour vise à tirer parti des investissements de l’Union européenne et s’attache tout particulièrement à renforcer les différents secteurs de la bio-industrie et à favoriser leur essor, en exploitant leur potentiel d’investissements et de marchés, elle continue cependant de présenter, au-delà de la recherche et du développement, une lacune concernant la «croissance aux premiers stades», quand l’enjeu consiste à apporter une assistance aux entreprises de la bioéconomie pour ce qui est de leurs levées de fonds, de leur stratégie d’arrivée sur le marché, de l’organisation de leur développement et de la maturation de leurs produits. Tout autant que sur la mobilisation des investissements de l’Union européenne en faveur de grands projets, il est nécessaire de pouvoir compter sur des investisseurs qui, à un stade précoce, interviennent à l’échelon national et régional en dispensant des conseils sur mesure aux industries et entreprises débutantes de taille très petite ou modeste. Pour commercialiser de nouveaux produits, il s’impose d’aborder la question du financement sous un angle global.

3.2.

Dans sa mise à jour, la stratégie souligne aussi que les synergies entre le public et le privé se prêtent à la valorisation optimale des différentes sources d’investissement. À cet égard, l’entreprise commune Bio-industries s’avère jouer un rôle crucial pour soutenir le développement des infrastructures industrielles de cette branche d’activité en Europe, ainsi que les chaînes de valeur axées sur l’utilisation des ressources renouvelables, y compris les déchets.

3.3.

Toutefois, l’accent n’est pas suffisamment mis sur le secteur privé et, en particulier, les producteurs primaires, c’est-à-dire les agriculteurs, les sylviculteurs et leurs coopératives, qui ont un rôle significatif à jouer dans le développement d’une bioéconomie durable, de même qu’il convient de porter toute l’attention requise aux PME, lesquelles représentent un maillon essentiel de la chaîne agroalimentaire. Dans un tel contexte, la politique agricole commune pourrait devenir un instrument intéressant pour aider ces agriculteurs et sylviculteurs et leurs coopératives à investir davantage dans leur production et à la rendre plus durable.

3.4.

Vu le cadre ainsi tracé, la création de conditions de marché favorables revêt une importance cruciale et est corrélée avec le niveau qu’atteint la confiance portée par les consommateurs aux informations qui leur sont fournies concernant les produits dont ils envisagent l’achat. Il serait opportun de prévoir des normes applicables à cette obligation d’informer, et un important jalon posé en la matière a été d’en établir pour les bioproduits, à l’échelle de toute l’Union européenne, afin de mieux protéger la crédibilité de celles qui ont été acceptées par l’industrie, tout en évitant de semer la confusion dans l’esprit des consommateurs et en donnant confiance aux clients industriels et aux acheteurs publics. Il reste encore beaucoup à faire pour aider lesdits consommateurs à opérer des choix éclairés, grâce à des démarches intelligentes de communication.

3.5.

La stratégie mise à jour renforce également l’idée de «montée en puissance», mais elle néglige la notion de «reproduction». La recherche intervient dans ce domaine, et les stratégies à long terme d’innovation et de bioéconomie doivent aller de pair. Il convient que la recherche fondamentale et la recherche appliquée soient bien synchronisées et concourent aux objectifs stratégiques communs. Il y aurait lieu, par ailleurs, de veiller à développer des infrastructures ou des pôles de recherche et d’innovation de haute qualité, à en garantir l’accessibilité et à les maintenir en bon état. Par exemple, la création de centres, de classe mondiale, pour la recherche appliquée concernant l’élaboration de bioprocédés à grande échelle, débouchant sur des filières novatrices et durables, pourrait aider des petites et moyennes entreprises (PME) à exploiter tout un éventail de savoirs. Le transfert de connaissances aurait à gagner d’exemples et de démonstrations, qui offriraient aux PME une image complète des technologies disponibles dans un domaine donné de la bioéconomie.

3.6.

Dans l’Union européenne, les zones rurales traversent une période de profonde mutation économique, démographique et institutionnelle. Aussi convient-il de veiller également à procéder aux améliorations voulues, en matière d’infrastructures et de logistique, afin de stimuler les chaînes d’approvisionnement en biomasse, existantes ou à créer, tout en optimisant la gestion durable des ressources naturelles et la création d’emplois et de valeur ajoutée dans ces zones à la campagne.

3.7.

On ne saurait trop souligner que pour introduire des équipements de haute technologie dans la bioéconomie, il faut pouvoir compter sur les compétences plus poussées qui sont nécessaires pour les faire fonctionner et les entretenir, y compris s’agissant d’étendre celles qui concernent les technologies de l’information et de la communication (TIC) et les nouveaux programmes de formation en matière de santé et de sécurité, tout comme il y a lieu de mieux appréhender et respecter les aspects touchant à la protection de l’environnement. Il est de la plus haute importance de garantir que chacun développe et adapte constamment ses aptitudes, tout au long de sa vie, ainsi que de combler les déficits de qualifications dans ce secteur de la bioéconomie qui prend aujourd’hui son essor. La stratégie mise à jour ne met pas à l’honneur les échanges entre pairs, les activités conjointes entre chercheurs, les services d’appui à l’innovation, les agriculteurs et sylviculteurs et leurs coopératives, ainsi que les autres acteurs privés, alors que tous ces éléments revêtiraient une importance capitale pour favoriser les partages de connaissances.

3.8.

Si nous échouons à valoriser les résidus, flux secondaires et déchets et à encourager l’économie circulaire, nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies, ni à atténuer le changement climatique (5). À cette fin, il est impératif que tous les secteurs (chaînes alimentaires et non alimentaires et territoires ruraux), tous les continents coopèrent entre eux. Il y a lieu de prêter une plus grande attention aux connexions, territoriales et locales, des zones rurales entre elles et avec les villes ainsi qu’aux liens entre les espaces terrestres et maritimes, et à leur contribution aux chaînes de valeur et grappes d’entreprises de la bioéconomie durable dans les campagnes. Le développement de ces liaisons en Europe centrale et orientale est susceptible de jouer un rôle décisif pour aider ces pays à cerner leurs objectifs de développement stratégique, dans l’optique d’améliorer le traitement de la biomasse. Du fait de leurs activités étendues dans le domaine agricole, sylvicole et halieutique, le centre et l’est de l’Europe constituent des régions riches en biomasse et, concernant les aliments destinés à la consommation humaine, la nourriture pour bétail, les matières premières industrielles, les biocarburants ou les utilisations à des fins énergétiques, elles disposent ainsi de vastes gisements de biomasse, lesquels sont cependant inutilisés, ou sous-utilisés. Par ailleurs, la stratégie mise à jour n’insiste pas suffisamment sur la nécessité d’une coopération internationale pour partager l’expertise et les capacités de la manière la plus efficace possible et pour renforcer les synergies avec les États membres et les programmes de recherche hors Union européenne. Les partenariats internationaux sont particulièrement importants pour mettre les différentes solutions au banc d’essai et les reproduire.

3.9.

Enfin, il convient d’exploiter au maximum les mécanismes de marché pour mettre en œuvre les objectifs fixés par l’accord de Paris. Un système mondial de tarification des émissions de carbone constituerait un outil neutre et efficace pour faire participer à la démarche tous les acteurs du marché. Le CESE encourage la Commission à explorer activement différentes pistes et mesures et à s’engager avec d’autres pays sur la voie de la fixation d’un tarif mondial pour ces émissions. Un système qui, à l’échelle mondiale, tariferait le carbone d’une manière efficace et équitable garantirait un cadre de concurrence loyale pour les activités d’exportation sur les marchés mondiaux, diminuant par là même le risque de délocalisation des investissements et des emplois. En outre, il éliminerait l’avantage compétitif dont bénéficient les marchandises importées qui affichent des prix inférieurs du fait d’exigences moins strictes en matière climatique.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  https://ec.europa.eu/research/bioeconomy/pdf/ec_bioeconomy_strategy_2018.pdf

(2)  https://www.un.org/development/desa/fr/news/population/world-population-prospects-2017.html

(3)  https://sustainabledevelopment.un.org/?menu=1300

(4)  https://ec.europa.eu/research/bioeconomy/index.cfm?pg=policy&lib=strategy

(5)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 45.


16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/41


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/757 afin de tenir dûment compte du système mondial de collecte des données relatives à la consommation de fuel-oil des navires»

(COM(2019) 38 final — 2019/0017(COD))

(2019/C 240/10)

Rapporteur: M. Constantine CATSAMBIS

Consultation

11.2.2019, Parlement européen

13.2.2019, Conseil

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du bureau

19.2.2019

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

25.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

204/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le présent avis se réfère à la proposition de la Commission européenne visant à modifier le règlement (UE) 2015/757 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de dioxyde de carbone du secteur du transport maritime (1) (ci-après le «règlement MRV de l’Union européenne»). À cet égard, il est fait référence à l’avis NAT/616 du rapporteur Stefan Back adopté en 2013 et portant sur les émissions du secteur du transport maritime, concernant les modifications proposées pour le règlement MRV de 2015, qui contient de nombreuses propositions importantes, dont l’article 22 du règlement de 2015 adopté par la Commission, en vertu duquel celle-ci, en cas d’accord international sur la création d’un système mondial de surveillance, de déclaration et de vérification, réexaminera le règlement MRV de l’Union européenne et, le cas échéant, proposera des modifications de celui-ci afin de le mettre en adéquation avec ledit accord international.

1.2.

En fait, en 2016, le comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l’Organisation maritime internationale des Nations unies (ci-après l’«OMI») a adopté des amendements à la convention MARPOL établissant le cadre juridique d’un système mondial de collecte des données relatives à la consommation de fuel-oil des navires (ci-après le «système mondial de collecte de données de l’OMI»), en vertu duquel les obligations en matière de surveillance ont commencé à s’appliquer en janvier 2019.

1.3.

La Commission a souligné qu’un alignement partiel des deux systèmes de surveillance, de déclaration et de vérification pourrait contribuer à réduire la charge administrative imposée aux compagnies maritimes et aux administrations, tout en préservant les objectifs essentiels du règlement MRV de l’Union européenne. À cette fin, elle a proposé un alignement limité dudit règlement sur le système mondial de collecte de données de l’OMI en ce qui concerne les définitions, les paramètres de surveillance, les plans et modèles de surveillance.

1.4.

Les modifications qu’il est proposé d’apporter au règlement MRV de l’Union européenne sont les suivantes:

1.4.1.

Les obligations de déclaration en cas de «changement de compagnie»doivent tenir compte des dispositions parallèles du système mondial de collecte de données de l’OMI. Cela permettra de faire en sorte que les mêmes entités juridiques s’acquittent, sur la base de périodes de référence calculées de manière similaire, des exigences de surveillance et de déclaration.

1.4.2.

Le paramètre «cargaison transportée»est conservé comme un paramètre de surveillance facultatif à utiliser par les compagnies qui souhaitent calculer et communiquer l’efficacité énergétique moyenne de leurs navires sur la base de la cargaison transportée.

1.4.3.

Le paramètre «temps passé en mer»actuellement appliqué est remplacé par le paramètre «heures pendant lesquelles le navire fait route»tel qu’il est défini dans le cadre du système mondial de collecte de données de l’OMI.

1.4.4.

Le calcul de la «distance parcourue»devrait être fondé sur les options retenues dans les lignes directrices pertinentes du système mondial de collecte de données de l’OMI.

1.4.5.

Le contenu minimal des plans de surveillance devrait être rationalisé afin de tenir compte des directives de l’OMI pour l’élaboration du plan de gestion du rendement énergétique du navire («Directives pour l’élaboration du plan de gestion du rendement énergétique du navire (SEEMP)»), sauf en ce qui concerne les dispositions qui sont nécessaires pour garantir que seules les données ayant trait à l’Union européenne sont surveillées et communiquées dans le cadre du règlement MRV de l’Union européenne.

1.4.6.

Les émissions de CO2 générées par les navires à l’intérieur des ports de l’Union doivent en outre être surveillées et déclarées séparément, afin d’encourager le recours aux mesures disponibles pour réduire les émissions de CO2 dans les ports de l’Union européenne et de faire prendre davantage conscience des émissions du secteur du transport maritime.

1.4.7.

Il convient de conserver les dispositions du règlement MRV de l’Union européenne en vigueur en matière de vérification des données par des tiers accrédités afin de préserver l’objectif que s’est fixé l’Union de fournir des informations fiables et comparables dans le temps en vue d’orienter les décisions qui seront prises à l’échelon de l’Union européenne ou au niveau mondial.

1.5.

Les autres questions importantes en vue d’un alignement complet sur les lignes directrices du système mondial de collecte de données de l’OMI portent principalement sur les autorités et modalités de vérification, les éléments de suivi et la publication de données commerciales sensibles. L’objectif d’un alignement complet du règlement MRV de l’Union européenne sur le système de collecte de données de l’OMI est de parvenir à une uniformité réglementaire mondiale afin de réduire au minimum la charge supplémentaire qui a un impact considérable, notamment sur les petites et moyennes entreprises de transport maritime, et d’éviter les doubles obligations de déclaration dans le cadre de deux systèmes différents.

2.   Observations générales

2.1.

Dans l’avis (2) de 2013 le CESE s’est interrogé sur la nécessité et la valeur ajoutée des informations et données opérationnelles dépassant le champ de la consommation de carburant et des émissions, qui doivent être surveillées et déclarées en vertu du règlement MRV de l’Union européenne et, plus particulièrement, sur la nécessité de disposer des informations recueillies en vertu des points d) à g) de l’article 9 concernant la surveillance de paramètres par voyage et des points g) à j) de l’article 10 concernant la surveillance de paramètres sur une base annuelle, et en vertu de l’annexe II concernant la surveillance des autres informations (utiles), étant donné qu’il s’agit d’informations sensibles d’un point de vue commercial et que des questions peuvent se poser quant à la valeur de la disponibilité de ces informations sous une forme agrégée.

2.2.

D’une manière générale, avec les modifications qu’elle propose d’apporter au règlement MRV de l’Union européenne, la Commission maintient sa position concernant la publication des données collectées auprès des différents navires. Il ne s’agit en effet que d’ajustements techniques apportant des corrections au niveau du paramétrage. En cela, elles ne constituent aucunement un alignement complet du règlement MRV de l’Union européenne sur le système mondial de collecte de données de l’OMI tel que demandé par cette dernière organisation et par le secteur des transports maritimes dans leurs interventions publiques; des questions importantes restent en suspens. Les modifications proposées portent principalement sur les autorités et modalités de vérification, les éléments de suivi et la publication de données commerciales sensibles.

2.3.

Dans son évaluation des modifications proposées, la Commission devrait tenir compte du fait que le secteur du transport maritime mondial s’est pleinement engagé à réduire ses émissions de CO2 d’au moins 40 % d’ici à 2030, à poursuivre ses efforts pour atteindre 70 % de réduction d’ici à 2050, par rapport au niveau de 2008, et à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 50 % à l’horizon 2050, par rapport au niveau de 2008, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. En avril 2018, l’OMI a adopté une «stratégie initiale», dont la révision est prévue en 2023, qui établit un cadre pour l’élaboration et l’adoption de mesures concrètes de réduction des émissions de CO2 à court terme et de mesures envisageables à moyen et long termes pour parvenir à une réduction appropriée des émissions dans le respect des délais et calendriers de mise en œuvre convenus, conformément à la feuille de route pour la décarbonation à l’horizon 2050 approuvée par l’OMI.

2.4.

Au vu du nombre et du contenu des différentes propositions soumises par les États membres et l’industrie en prévision des prochaines délibérations de l’OMI, toutes les parties prenantes semblent travailler d’arrache-pied pour réglementer l’efficacité énergétique de la flotte marchande mondiale dans un délai déterminé, sur la base des informations et des données précises fournies par le système mondial de collecte de données de l’OMI sur les émissions de CO2 des navires.

2.5.

Le CESE est d’avis que l’alignement partiel proposé entraînera des obligations de surveillance et de déclaration doubles, contraignantes et inefficaces, les obligations de déclaration demeurant régies par deux systèmes distincts, à savoir un système régional (UE) et un autre mondial (OMI). En conséquence, les navires devront respecter aussi bien les obligations de surveillance et de présentation de rapports prévues par le règlement MRV de l’Union européenne que celles prévues par le système mondial de collecte de données de l’OMI. Les modèles de déclaration de l’Union européenne et de l’OMI sont différents, ce qui accroît la charge de travail, la charge administrative et les coûts pour les équipages des navires et le secteur du transport maritime.

2.6.

L’alignement complet du règlement MRV de l’Union européenne sur le système mondial de collecte de données de l’OMI faciliterait non seulement la création d’une base de données unique et fiable à l’échelon international pour les émissions de CO2 des navires, mais serait également conforme au programme de la Commission européenne pour une meilleure réglementation, qui vise une réglementation mieux ciblée, en mesure d’atteindre ses objectifs et bénéfique pour l’économie européenne à un coût minimal. Un tel alignement garantirait également des conditions de concurrence équitables au niveau international pour la flotte européenne. L’objectif d’un alignement complet du règlement MRV de l’Union européenne sur le système de collecte de données de l’OMI est de parvenir à une uniformité réglementaire mondiale afin de réduire au minimum la charge supplémentaire qui a un impact considérable, notamment sur les petites et moyennes entreprises de transport maritime, et d’éviter les doubles obligations de déclaration dans le cadre de deux systèmes différents.

2.7.

Le règlement MRV de l’Union européenne impose à la Commission de publier les données reçues ainsi que les identifiants des compagnies et de chaque navire, avec pour conséquence que cette information pourra être utilisée par des tiers. Le but du système de l’OMI est simplement d’établir le volume total des émissions de CO2 du secteur du transport maritime international de manière à faciliter l’adoption de nouvelles décisions politiques et à pouvoir plus aisément envisager des mesures supplémentaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, la Commission souhaite publier des données détaillées (et sensibles sur le plan commercial) sur chaque navire faisant escale dans les ports de l’Union européenne/EEE, avec le risque qu’elles soient utilisées à mauvais escient. Cela pourrait avoir pour conséquence une pénalisation injuste des navires, fausser la concurrence et entraîner des désavantages concurrentiels majeurs pour les armateurs européens sur le marché mondial du transport maritime ainsi que pour les navires faisant escale dans les ports de l’Union.

2.8.

Il serait souhaitable de recourir aux mécanismes existants de l’OMI des administrations de l’État du pavillon pour ce qui concerne l’application et la mise en œuvre, dans le cadre d’un système unique et fonctionnel de collecte de données relatives à la consommation mondiale de fuel-oil. Dans le cadre du système de l’OMI, les informations transmises par les navires à l’organisation par l’intermédiaire de l’État du pavillon restent anonymes pour les tiers.

3.   Observations particulières

3.1.

Concernant la proposition à l’examen, il y a lieu de noter les points techniques suivants. En vertu de l’article 21, point f), la consommation annuelle moyenne de combustible et les émissions annuelles moyennes de CO2 par distance parcourue et cargaison transportée lors des voyages sont toujours des informations devant être mises à la disposition du public par la Commission européenne. Cela semble contradictoire avec la disposition modifiée figurant à l’article 9, paragraphe 1, point f), dans la proposition à l’examen selon laquelle toute surveillance (par voyage) de la cargaison transportée doit se faire sur une base volontaire. Or, si la cargaison transportée n’est désormais plus qu’un paramètre de surveillance facultatif, la disposition ainsi modifiée n’est pas alignée sur le système de collecte de données de l’OMI. En outre, bien que la définition du «port en lourd»d’un navire ait été ajoutée à l’article 3, point p), ainsi qu’à l’article 11, paragraphe 3, point a) xi), modifiés de la proposition, ce paramètre ne semble pas avoir été intégré de manière cohérente dans tous les articles de la proposition, ce qui pourrait être interprété comme un manque de confiance de la part de la Commission dans l’efficacité du système de collecte de données de l’OMI.

3.2.

Les modifications apportées à l’article 11, paragraphe 2, et à l’article 3, point d), de la proposition à l’examen, qui portent sur le changement de compagnies, sont les bienvenues puisqu’elles introduisent désormais la responsabilité de l’ancien propriétaire, ce qui était grandement nécessaire pour les cas où le changement de compagnie intervient pendant une période de déclaration. La définition des termes «compagnie»et «période de déclaration», ainsi que l’attribution des obligations de surveillance et de déclaration en cas de «changement de compagnie»sont à présent mieux alignées sur ce que prévoient les dispositions correspondantes du système mondial de collecte de données de l’OMI. Néanmoins, la nouvelle description ne semble pas suffisamment précise pour réglementer la relation entre l’«ancienne»et la «nouvelle»compagnie. Pour veiller à une clarté juridique maximale, le nouveau propriétaire pourrait être juridiquement responsable à compter du jour où la réalisation du changement prend effet. L’article 11, paragraphe 2 proposé pourrait être modifié comme suit:

«2.

Si un navire change de compagnie, la compagnie précédente soumet à la Commission et aux autorités de l’État du pavillon concerné, à une date aussi proche que possible de la réalisation du changement et au plus tard trois mois après celui-ci, une déclaration couvrant les mêmes éléments que la déclaration d’émissions, mais limitée à la période correspondant aux activités qui ont été menées sous sa responsabilité. La nouvelle compagnie veille à ce que chaque navire satisfasse aux exigences du présent règlement à compter du jour de la réalisation du changement

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de dioxyde de carbone du secteur du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE (JO L 123 du 19.5.2015, p. 55).

(2)  Avis du CESE sur les émissions du secteur du transport maritime (JO C 67 du 6.3.2014, p. 170).


16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/44


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Le marché unique dans un monde qui change — Un atout sans égal nécessitant une volonté politique renouvelée»

[COM(2018) 772 final]

(2019/C 240/11)

Rapporteur: Gonçalo LOBO XAVIER

Corapporteur: Juan MENDOZA CASTRO

Consultation

Commission européenne, 18.2.2019

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

153/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE salue le message fort de la Commission sur le renforcement du marché unique et la nécessité d’un engagement de la part de tous les États membres et de tous les citoyens. Le marché unique exige un équilibre entre les attentes des citoyens et des politiques coordonnées permettant d’adapter l’Europe pour qu’elle puisse faire face aux différents défis posés par la mondialisation, les nouvelles tendances et les progrès technologiques.

1.2.

Le CESE plaide en faveur d’un marché unique, identique pour tous les États de l’Union européenne, qui soit perçu comme un levier pour réaffirmer les valeurs européennes, les droits fondamentaux et le devoir d’apporter le progrès et le bien-être à tous les États membres et à tous les citoyens.

1.3.

Un processus d’intégration souple mais concret est un argument puissant pour prévenir et combattre la menace du protectionnisme, de l’individualisme et des sociétés extrémistes. Il y a lieu de mieux faire connaître auprès des citoyens et des États membres les grandes réalisations que l’on doit au marché unique.

1.4.

Il existe des exemples positifs de la manière dont les citoyens européens tirent avantage du marché unique, en s’appuyant sur les efforts et l’engagement de divers acteurs. Dans l’esprit des citoyens, des valeurs telles que la liberté, la croissance économique, la démocratie, la paix, la science et l’innovation, la stabilité politique et les droits sociaux et ceux des consommateurs doivent être comptées au nombre des réalisations qui sont redevables à un processus qui a commencé il y a 60 ans. Les difficultés rencontrées pour réaliser ces valeurs ne peuvent être oubliées, mais elles devraient aussi être vues comme des enseignements à tirer pour l’avenir.

1.5.

Le CESE réaffirme son soutien à la limitation des aides d’État et à la lutte contre les abus de position dominante, tout en soulignant les difficultés que les entreprises européennes rencontrent sur les marchés mondiaux face à des oligopoles ou monopoles, qui, dans certains cas, sont détenus par des États.

1.6.

Le CESE souligne également le rôle déterminant du marché unique s’agissant d’enclencher une stratégie industrielle européenne plus ambitieuse et assortie d’objectifs clairs pour 2030. Une intégration du marché unique plus inclusive et plus large menée parallèlement à une véritable stratégie industrielle européenne devrait également être une priorité essentielle de la prochaine Commission européenne et mettre l’accent sur un accroissement des investissements dans l’innovation et les technologies, un cadre réglementaire plus souple et plus convivial à la compétition à l’échelle mondiale, mais sans oublier le respect des règles et des procédures durables d’une saine concurrence mondiale.

1.7.

Le CESE renouvelle son appel à élargir la dimension sociale de l’Union européenne dans le but de favoriser la création d’emplois de qualité, d’améliorer les aptitudes et les compétences, d’augmenter les investissements sociaux et de développer l’économie sociale en mettant l’accent sur les entreprises socialement responsables, ainsi que de prévenir la pauvreté, les inégalités, la discrimination et l’exclusion sociale, en insistant tout particulièrement sur l’intégration des jeunes dans la société. Le CESE juge opportun de mettre en œuvre des politiques sociales pour faire face à cette situation, qui entraîne une désaffection vis-à-vis de l’Union, ainsi qu’une montée du populisme et de la xénophobie dans certains secteurs de la population.

1.8.

Le CESE relève que, malgré des efforts considérables déployés pour mettre en œuvre et faire appliquer les règles du marché unique, les faits montrent (1) que des dispositions nationales peuvent susciter des charges disproportionnées pour les citoyens et les entreprises. Il fait une priorité de sa demande aux États membres d’éviter de telles pratiques.

1.9.

Conscient que l’avenir du marché unique est lié à l’économie numérique, le CESE la soutient depuis des années. Il partage l’avis de la Commission selon lequel le règlement général sur la protection des données (RGPD) (2) joue un rôle essentiel pour garantir la confiance envers le marché unique pour ce qui est des données à caractère personnel mais il tient pour nécessaire d’adopter des mesures supplémentaires afin de mettre en place un cadre amélioré, plus clair et plus convivial pour éviter des malentendus et des charges inutiles. Il s’agit également d’un aspect crucial pour accroître la mobilité afin d’améliorer un secteur des services en essor et qui revêt une importance déterminante pour la croissance économique et de nouveaux emplois. L’essor du secteur des services et l’aggravation de la pénurie de compétences exigent que le marché unique fonctionne mieux.

1.10.

Le CESE souscrit à l’objectif consistant à mettre en place un cadre propice à la transition vers un modèle circulaire et rappelle qu’un bon système de financement de la croissance durable, doté d’une stratégie à long terme, est l’élément moteur déterminant pour rétablir la confiance dans les marchés et mettre en relation l’épargne avec les investissements durables.

1.11.

Le CESE se félicite des progrès manifestes qui ont été accomplis dans la transformation du mécanisme européen de stabilité (MES) en un Fonds monétaire européen, qui pourrait mettre à disposition des liquidités de manière préventive, réduisant ainsi les programmes de conditionnalité. Toutefois, pour faire face aux dangers auxquels le système financier pourrait être exposé à l’avenir, le CESE soutient la recherche d’un consensus entre les États membres afin d’achever l’union bancaire. La réalisation d’une pleine intégration des marchés financiers et de l’union des marchés des capitaux devrait continuer à figurer au premier rang des priorités.

2.   Contexte

2.1.

Avec la stratégie pour le marché unique (3), le paquet «Union des marchés de capitaux» (4) et la stratégie pour un marché unique numérique (5), la Commission a présenté, ces quatre dernières années, un ensemble de mesures ambitieux et équilibré visant à approfondir le marché unique et à le rendre plus équitable.

2.2.

Plusieurs propositions ont déjà été adoptées, mais le Parlement européen et le Conseil doivent encore s’accorder sur 20 des 67 propositions exposées dans ces stratégies.

2.3.

En mars 2018, le Conseil européen a demandé à la Commission d’évaluer l’état d’avancement du marché unique en ce qui concerne la mise en œuvre, l’application et le contrôle de l’application de la législation existante, ainsi que les obstacles qui subsistent et les possibilités d’établissement d’un marché unique pleinement opérationnel.

2.4.

La communication à l’examen a été adoptée conjointement avec l’examen annuel de la croissance (6) et une communication dressant un bilan du plan d’investissement (7).

2.5.

Dans le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique, la Commission a présenté plusieurs initiatives visant à supprimer les principaux obstacles au commerce électronique. Plusieurs d’entre elles ont déjà été adoptées concernant le blocage géographique (8), les services de livraison transfrontière de colis (9), la taxe sur la valeur ajoutée applicable au commerce électronique (10) et la coopération en matière de protection des consommateurs (11).

2.6.

Les plateformes en ligne sont devenues des acteurs de premier plan du marché unique, qui offrent à plus d’un million d’entreprises la possibilité d’atteindre des clients dans l’ensemble de l’Union. La Commission a présenté une proposition de nouvelles règles harmonisées concernant les pratiques des «plateformes pour les entreprises» (12), sur lequel le Parlement européen et le Conseil se sont accordés au niveau politique en février 2019.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE soutient le message fort de la Commission sur le renforcement du marché unique, qui constitue une réussite majeure et un élément clé du processus d’intégration européenne. Il devait être la pierre angulaire de la prospérité en Europe.

3.2.

La création de l’euro et les accords de Schengen ont été des choix décisifs pour l’achèvement du marché unique. Dans le même temps, il persiste encore de nombreuses disparités entre les États membres, auxquelles il s’impose de remédier. Il est besoin d’un engagement déterminé de l’ensemble des États membres pour changer cette situation et pour maintenir leur cohésion.

3.3.

Le marché unique exige un équilibre entre les attentes des citoyens et des politiques coordonnées permettant d’adapter l’Europe pour qu’elle puisse faire face aux différents défis posés par la mondialisation, les nouvelles tendances, les progrès technologiques et la numérisation.

3.4.

Le marché unique, qui permet d’avoir accès à plus de 512 millions de consommateurs, est clairement une réussite: l’adoption de règles communes a permis la suppression des obstacles réglementaires pour plus de 80 % des produits industriels; toutefois, ce processus ne peut être tenu pour acquis. Les différences entre les engagements des États membres et la nécessité de mieux mettre en œuvre la législation correspondante doivent constituer une priorité politique. Le marché unique doit s’appliquer aussi aux vendeurs en ligne.

3.5.

C’est un bon signe que la Commission ait reconnu la nécessité de se mettre d’accord sur des propositions législatives et de combler l’écart entre les discours et les actes. Réaliser cette démarche doit constituer pour les États membres un «processus quotidien».

3.6.

L’intégration complète du marché unique ne sera jamais accomplie si les États membres ne prennent pas conscience de la valeur réelle de ce processus et ne communiquent pas à ce sujet avec leurs citoyens. Il faut que les responsables politiques mettent en évidence les résultats en les accompagnant d’un message positif pour le bien-être des peuples.

3.7.

Le projet européen repose sur la paix, la prospérité et le développement social. Les coûts de la «non-Europe»doivent être exposés pour rappel à ceux qui en doutent. Les citoyens européens doivent apprécier à leur juste valeur les réussites afin de jouer un rôle actif dans le processus en évitant les malentendus et le radicalisme. La mise en place du marché unique a contribué au développement de l’Europe et pourrait être un bon exemple pour promouvoir les valeurs européennes.

3.8.

Il ne saurait y avoir de marché unique lorsque sur ce dernier se vendent des produits qui présentent un «double niveau de qualité», à savoir des produits écoulés sous la même marque commerciale dans les pays qui ont rejoint récemment l’Union européenne et qui présentent des différences sur le plan de la qualité (avec une teneur inférieure en matières premières de qualité) par rapport aux produits vendus dans les pays membres de longue date de l’Union européenne. Le CESE tient une telle pratique pour inacceptable.

4.   Observations particulières

4.1.   Le marché unique, outil de communication pour défendre les valeurs et les réussites de l’Union

4.1.1.

Le CESE estime qu’un langage commun doit être utilisé pour mieux communiquer sur les réalisations du marché unique. Les faits devraient être mis en avant, tels que la mobilité des citoyens pour des motifs de loisirs ou de travail, les services financiers, ou même les aspects sociaux concernant la sécurité et les possibilités d’emploi ou encore la protection des consommateurs.

4.1.2.

Le CESE estime que le processus de développement de l’Union pâtit des discours d’un petit nombre de personnes, et qui s’appuient sur la mise en exergue des différences entre les États membres et de quelques faits isolés qui ne rendent pas compte de tous les aspects de la réalité du marché unique. Il est essentiel de prévenir et de combattre ce type de rhétorique parmi les citoyens, ne fût-ce que parce que la politique d’intégration est un processus très dynamique et fonctionne selon des rythmes différents. Il est important de mettre en évidence le résultat global et de donner la priorité à la prévention des inégalités à différents niveaux (économique, social, éducatif, etc.).

4.2.   Davantage de perspectives et de bienfaits pour les citoyens

4.2.1.

Les politiques de l’Union européenne en matière de concurrence et de protection des consommateurs ont joué un rôle important dans le développement du marché unique. Pour que les consommateurs puissent jouir de ses bénéfices, ce dernier doit fonctionner efficacement et les consommateurs doivent pouvoir faire confiance aux marchandises et aux services, que ce soit en ligne ou hors ligne, qu’ils soient fournis localement ou depuis un autre État membre. Les États membres doivent faire en sorte que les entreprises respectent les règles en matière de concurrence et de protection des consommateurs et qu’il ne se produise aucune discrimination à l’endroit des concurrents aux dépens du bien-être des consommateurs.

4.2.2.

La politique de l’Union européenne en matière de concurrence, qui jouit d’un prestige mondial, a joué un rôle important dans le développement du marché unique. Comme le CESE l’a souligné au fil des années, la limitation des aides d’État et la lutte contre les abus de position dominante ont dynamisé le marché de l’Union européenne et ont été bénéfiques pour les consommateurs et les entreprises.

4.2.3.

Dans le cadre des règles de la concurrence économique, même les vendeurs en ligne doivent respecter le marché unique et il convient de déterminer la position qu’y tiennent les entreprises internationales.

4.3.   Bienfaits pour les entreprises

4.3.1.

Le marché unique offre aux entrepreneurs un environnement commercial reposant sur des règles, ouvert et multilatéral, garantissant l’accès aux chaînes de valeur internationales.

4.3.2.

L’union des marchés des capitaux vise à mobiliser des capitaux en Europe et à les acheminer vers l’ensemble des entreprises, des infrastructures et des projets durables à long terme, ce qui est de nature à bénéficier à l’emploi (13).

4.3.3.

Toutefois, il reste beaucoup de chemin à parcourir: les entreprises européennes sont beaucoup plus tributaires du crédit bancaire que leurs homologues américaines.

4.3.4.

La taille du marché unique permet également à l’Union de développer un système commercial reposant sur des règles, ouvert et multilatéral. Les entreprises des pays tiers doivent se conformer à la législation de l’Union européenne pour accéder au marché unique, y compris dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la sécurité alimentaire et des produits, et de la protection des consommateurs.

4.3.5.

Le CESE souligne les difficultés que les entreprises européennes rencontrent sur les marchés mondiaux face à des oligopoles et des monopoles, qui dans certains cas sont détenus par des États. L’on peut citer à cet égard les exemples, entre autres, des industries ferroviaires, du transport aérien, des éoliennes, où les entreprises européennes sont confrontées à une concurrence féroce (de la part d’entreprises de pays tiers, notamment chinoises).

4.4.   La dimension sociale

4.4.1.

Le CESE a déjà appelé la Commission à développer la dimension sociale de l’Union européenne dans le but de favoriser la création d’emplois de qualité, d’améliorer les aptitudes et les compétences, d’augmenter les investissements sociaux et de développer l’économie sociale, ainsi que de prévenir la pauvreté, les inégalités, la discrimination et l’exclusion sociale, en insistant tout particulièrement sur l’intégration des jeunes dans la société.

4.4.2.

Il semble se manifester un sentiment selon lequel les salariés ont été les grands perdants de la crise économique, qui s’est traduite par une hausse du chômage et de la pauvreté, par une stagnation ou une baisse des salaires réels, ainsi que par une réduction des prestations sociales. Le CESE juge opportun de mettre en œuvre des politiques sociales pour faire face à cette situation, qui entraîne une désaffection vis-à-vis de l’Union, ainsi qu’une montée du populisme et de la xénophobie dans certains secteurs de la population. Une recherche de l’Institut syndical européen (ETUI) (14) montre que les travailleurs de neuf États membres gagnaient moins en 2017 qu’en 2010, alors que les répercussions de cette crise sont loin d’être terminées. Le CESE rappelle que dans six États membres de l’Union européenne, il n’existe pas de salaire minimum obligatoire, tandis que dans d’autres, celui-ci est très bas (15).

4.4.3.

Le CESE se félicite des progrès accomplis pour adapter l’acte européen sur l’accessibilité afin de promouvoir les droits des personnes handicapées et il encourage les États membres à adopter une approche ambitieuse et équilibrée au cours de la phase de transposition. Le CESE demande également à la prochaine Commission de présenter un plan d’action européen pour le secteur de l’économie sociale, qui pose des conditions de concurrence équitables pour les entreprises de ce secteur et en favorise le développement.

4.5.   Mettre en œuvre et appliquer les règles du marché unique de manière plus efficace

4.5.1.

Le CESE relève que, malgré des efforts considérables déployés pour mettre en œuvre les directives relatives au marché unique, les faits montrent (16) que des dispositions nationales peuvent susciter des charges disproportionnées pour les citoyens et les entreprises (17). Il importe que cette question soit tout spécialement traitée par les États membres et que la mise en place de nouveaux outils pour l’éviter devienne une priorité.

4.5.2.

Le CESE souligne que les signaux récents liés à la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne «ne sont pas tous encourageants», ce qui nécessite un engagement accru de la part des États membres.

4.6.   Exploiter le plein potentiel du marché unique

4.6.1.   Le marché unique numérique et l’économie des services

4.6.1.1.

Conscient que l’avenir du marché unique est lié à l’économie numérique, le CESE l’a soutenue au fil des ans (18).

4.6.1.2.

C’est pourquoi le CESE accueille très favorablement l’accord politique (19) intervenu sur le tout premier programme pour une Europe numérique 2021-2027 (20), doté au total d’un budget de 9,2 milliards d’EUR pour orienter et soutenir la transformation numérique des sociétés et des économies européennes et garantissant une large utilisation des technologies numériques dans l’ensemble de l’économie et de la société, de manière à renforcer la place de premier plan de l’Europe sur le plan industriel et technologique.

4.6.1.3.

Compte tenu de la place croissante que prend le secteur des services dans l’ensemble de l’économie et dans la création d’emplois dans l’Union européenne (21), il est plus que jamais nécessaire d’exploiter pleinement les possibilités qu’offre ce secteur, en particulier parce que les gains escomptés pour celui-ci sont considérables (22).

4.6.2.   Économie européenne fondée sur les données

4.6.2.1.

Il s’agit principalement pour le marché unique de construire en Europe un écosystème de données, vecteur indispensable à la fois de progrès économique et social et d’une solide compétitivité européenne dans un monde en pleine transformation radicale, caractérisé par la présence de puissants concurrents aux États-Unis et en Asie. Afin de renforcer la connectivité et les possibilités de stockage, les investissements publics-privés dans les infrastructures sont absolument indispensables sur l’ensemble du continent (23).

4.6.2.2.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel le règlement général sur la protection des données (24) est essentiel pour garantir la confiance dans le marché unique des données à caractère personnel (25). Toutefois, il y a lieu de clarifier la proposition de règlement sur la vie privée et les communications électroniques (26) afin de garantir l’application de la Charte des droits fondamentaux et des droits de l’homme (articles 5, 8 et 11), ainsi que les possibilités de restriction prévues par la législation nationale (27).

4.6.3.   Économie circulaire et finance durable

4.6.3.1.

Le CESE souscrit à l’objectif qui consiste à établir un cadre propice à la transition vers un modèle circulaire, couvrant l’intégralité du cycle de vie des produits (28).

4.6.3.2.

Un système solide de financement de la croissance durable conçu pour le long terme est un facteur important pour restaurer la confiance dans les marchés et mettre en relation l’épargne avec les investissements durables. Dans ce domaine, le plan d’action de l’Union européenne (29) doit promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous (objectif de développement durable no 8) (30).

4.6.4.   Marchés de produits et de services

4.6.4.1.

Le modèle de normalisation de l’Union européenne fait d’elle un leader mondial. Le CESE attire l’attention sur les travaux de la Commission dans ce domaine. L’uniformité et la cohérence du corpus de normes européennes sont garanties par le principe d’«une norme unique, soumise à un essai unique et acceptée dans toute l’Europe», qui offre aux entreprises une sécurité en matière d’investissement, ainsi qu’en matière juridique et financière (31).

4.6.4.2.

Le train de mesures sur l’«énergie propre»vise à accélérer, modifier et consolider la transition de l’économie de l’Union européenne vers une énergie propre tout en continuant de poursuivre les objectifs majeurs que sont la croissance économique et la création d’emplois (32).

4.6.4.3.

Après le quatrième paquet ferroviaire (2013) (33), le sixième rapport de suivi du marché ferroviaire (RMMS) (34) fait état d’une augmentation de la longueur totale du réseau ferroviaire de l’Union européenne.

4.6.4.4.

«Un plan d’action pour la 5G en Europe» (35) traite d’un des aspects les plus importants pour l’économie numérique et la société. Des services commerciaux seront fournis à partir de 2020. Selon le CESE, les facteurs déterminants seront la réussite des projets menés dans le cadre du partenariat public-privé pour les infrastructures 5G (PPP-5G) au cours de la phase de recherche, et l’intégration des réseaux fronthaul avec les réseaux backhaul de transmission de données grâce à la réalisation d’aiguillages de grande capacité, à des liaisons hétérogènes de transmission et à des processeurs situés dans le nuage en ayant recours à plusieurs fournisseurs d’accès à l’internet (36).

4.6.5.   Vers une intégration accrue des marchés des capitaux et une union bancaire à part entière

4.6.5.1.

Grâce aux mesures adoptées à la suite de la crise financière, les banques européennes sont désormais mieux à même de faire face aux turbulences à venir. Le CESE se félicite des progrès manifestes accomplis dans la transformation du mécanisme européen de stabilité en un Fonds monétaire européen, qui pourrait mettre à disposition des liquidités de manière préventive, réduisant ainsi les programmes de conditionnalité.

Toutefois, pour faire face aux dangers auxquels le système financier pourrait être exposé à l’avenir, le CESE soutient la recherche d’un consensus entre les États membres sur la mise en place d’une union bancaire forte, centrée sur des mesures susceptibles de renforcer la confiance des citoyens et des entreprises.

4.6.6.   Réduire la charge administrative et faciliter le respect de la réglementation fiscale

4.6.6.1.

Pour le marché unique, il est vital que l’Union européenne dispose de règles modernes en matière de droit des sociétés. Dans cette perspective, le «Paquet sur le droit européen des sociétés»constitue une stratégie globale destinée à traiter de manière équilibrée et à protéger les intérêts et les besoins légitimes de toutes les parties prenantes, des PME, des actionnaires minoritaires, des créanciers et des salariés (37).

4.6.6.2.

L’exigence d’unanimité au sein du Conseil rend plus difficile l’adoption de règles communes dans certains domaines de la fiscalité, notamment en ce qui concerne l’assiette commune (consolidée) pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) et un espace TVA unique dans l’Union européenne. Le CESE approuve également le train de mesures sur la réforme de la TVA (38).

4.6.7.   Mobilité durable

4.6.7.1.

Quarante pour cent des conducteurs européens interrogés dans le cadre d’un sondage (39) ont déclaré qu’ils pensaient que la prochaine voiture qu’ils achèteraient serait électrique. Les normes en matière de véhicules propres et les mesures d’encouragement en leur faveur aideront l’industrie automobile européenne à rester compétitive sur le marché mondial où l’électrification progresse rapidement.

4.6.7.2.

Le CESE accueille favorablement l’alliance européenne pour les batteries, qui est un bon exemple d’une chaîne de valeur stratégique pour l’Europe. Toutefois, il importe d’intensifier les efforts en la matière, car les marques européennes sont largement distancées par les producteurs asiatiques et des États-Unis dans la course à la commercialisation de véhicules rechargeables destinés au grand public.

4.7.   La voie à suivre

4.7.1.

Il convient de tirer parti du semestre européen comme l’un des outils pour progresser plus efficacement et plus rapidement sur la voie d’une amélioration du marché unique lorsque cela est approprié.

4.7.2.

Les États membres pourraient tirer profit d’un dialogue plus inclusif fondé sur les attentes de la société civile. Le semestre européen fait partie de ce dialogue. La capacité des États membres à tirer profit des «recommandations par pays»qui peuvent améliorer — et non pas imposer — les réformes à l’échelon national semble être une étape cruciale pour parvenir au succès et associer la population.

4.7.3.

Les efforts déployés pour promouvoir les réalisations du marché unique doivent être inscrits dans les politiques et les engagements de tous les États membres, avec la participation des citoyens et l’engagement des sociétés. Il est essentiel de veiller à ce qu’une communication efficace entre les citoyens et «le projet européen fondé sur le marché unique»soit une priorité pour les États membres. Ce faisant, les dirigeants européens contribueront à prévenir l’extrémisme et des actions radicales à l’encontre d’un marché unique.

4.7.4.

Le CESE accueille favorablement les appels et les invitations adressés par la Commission au Conseil européen, en particulier l’appel à veiller à ce que le Conseil œuvre sans tarder, conjointement avec le Parlement européen, à l’adoption, dès que possible, des initiatives législatives présentées dans le cadre de la stratégie pour le marché unique, de la stratégie pour un marché unique numérique, de l’union des marchés des capitaux et de l’union bancaire (40).

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 772 final, chapitre 2.1.

(2)  JO L 119 du 4.5.2016, p. 1.

(3)  COM(2015) 550 final, JO C 177 du 18.5.2016, p. 1.

(4)  COM(2015) 468 final, JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(5)  COM(2015) 192 final, JO C 71 du 24.2.2016, p. 65.

(6)  COM(2018) 770 final.

(7)  COM(2018) 771 final.

(8)  Règlement (UE) 2018/302.

(9)  Règlement (UE) 2018/644.

(10)  Directive (UE) 2017/2455.

(11)  Règlement (UE) 2017/2394.

(12)  COM(2018) 238 final.

(13)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 117.

(14)  Benchmarking Working Europe 2018.

(15)  Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail.

(16)  COM(2018) 772 final, chapitre 2.1.

(17)  Voir l’initiative française: https://ue.delegfrance.org/suppression-de-sur-transpositions

(18)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 65; JO C 440 du 6.12.2018, p. 57; JO C 75 du 10.3.2017, p. 119; JO C 125 du 21.4.2017, p. 51; JO C 288 du 31.8.2017, p. 1; JO C 81du 2.3.2018, p. 102.

(19)  IP/19/528.

(20)  COM(2018) 434 final, JO C 62 du 15.2.2019, p. 292.

(21)  À l’heure actuelle, le secteur des services est le plus important dans l’Union européenne, puisqu’il représente environ 75 % de son PIB.

(22)  Voir la communication de la Commission «Le marché unique dans un monde qui change», COM(2018) 772 final, chapitre 3.4.

(23)  JO C 345 du 13.10.2017, p. 130.

(24)  JO L 119 du 4.5.2016, p. 1.

(25)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 90.

(26)  COM(2017) 10 final.

(27)  JO C 345 du 13.10.2017, p. 138.

(28)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 91.

(29)  COM(2018) 97 final; JO C 62 du 15.2.2019, p. 73; JO C 62 du 15.2.2019, p. 103; JO C 62 du 15.2.2019, p. 97.

(30)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 73.

(31)  JO C 197 du 8.6.2018, p. 17.

(32)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 64.

(33)  JO C 327 du 12.11.2013, p. 122.

(34)  COM(2019) 51 final.

(35)  COM(2016) 588 final.

(36)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 74.

(37)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 24.

(38)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 40.

(39)  https://www.euractiv.com/section/electric-cars/opinion/dont-let-european-automakers-lose-the-race-to-electrification (disponible pour l’heure en anglais et en allemand).

(40)  COM(2018) 772 final.


16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle»

[COM(2018) 795 final]

(2019/C 240/12)

Rapporteur: Tellervo KYLÄ-HARAKKA-RUONALA

Consultation

Commission européenne, 18.2.2019

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/2/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement le plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) et demande qu’il soit mis en œuvre sans plus attendre, compte tenu des progrès rapides observés dans le développement et l’introduction de l’IA hors de l’Union européenne. Pour affronter avec succès la concurrence mondiale, l’Union doit se placer à l’avant-garde de l’innovation et de l’investissement, en se conformant aux principes de «l’être humain aux commandes»et de fiabilité de l’IA.

1.2.

Le CESE souligne que le développement et l’adoption de l’IA doivent être inclusifs à l’égard des acteurs de la société civile, notamment les entreprises, les travailleurs et les consommateurs. Il convient donc, pour mettre en œuvre la stratégie en matière d’IA, de porter toute l’attention requise aux moyens de tirer pleinement parti des possibilités qu’offre l’IA pour la société dans son ensemble.

1.3.

Le CESE souscrit aux initiatives visant à allouer davantage de financements à l’innovation, à l’infrastructure, à l’éducation et à la formation en lien avec l’IA, au moyen des instruments financiers de l’Union. Par ailleurs, le Comité invite instamment les États membres à prendre les mesures qui s’imposent pour progresser dans la réalisation des objectifs communs.

1.4.

Pour intensifier le développement et l’adoption de l’IA par le secteur privé, le CESE préconise la mise en place d’un environnement favorable aux entreprises, notamment un cadre stratégique et réglementaire propice et stable qui stimule l’innovation et l’investissement en matière d’IA, en tenant compte des besoins particuliers des PME et des entreprises en phase de démarrage ou d’expansion.

1.5.

Le CESE estime qu’il est crucial de garantir la qualité, la disponibilité, l’accessibilité, l’interopérabilité et la circulation fluide des données au sein du marché unique, tout en assurant leur protection et leur confidentialité. Le Comité demande instamment de faciliter l’accès aux données publiques et il préconise la mise en place de conditions propices à la création de plateformes numériques européennes.

1.6.

Le CESE souscrit aux initiatives prises en matière de coopération, de partenariats et de réseaux transfrontières pour favoriser l’innovation et l’adoption de l’IA, et il souligne l’importance d’une coopération étendue entre différents acteurs de la société.

1.7.

Le CESE invite instamment les États membres à adapter leurs systèmes éducatifs à la demande de nouvelles compétences, ce qui nécessite des réformes depuis l’école primaire jusqu’à l’université. En outre, l’apprentissage tout au long de la vie et la formation continue s’imposent comme une nécessité et se dérouleront de plus en plus fréquemment dans le contexte du travail. Le dialogue social joue un rôle essentiel dans l’anticipation des changements et des besoins liés au travail.

1.8.

En ce qui concerne la gestion des changements structurels liés à l’IA, le CESE a vu dans le renforcement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation une avancée vers l’établissement d’un fonds européen de transition à part entière devant contribuer à la gestion de la transformation numérique.

1.9.

Le CESE souligne que le développement et l’utilisation de l’IA doivent respecter les valeurs de l’Union ainsi que le droit des consommateurs, du travail et des entreprises. Les représentants de la société civile et les partenaires sociaux doivent être associés à l’élaboration des politiques et des mesures en la matière. Il est également nécessaire de diffuser les connaissances relatives à l’IA afin de renforcer la confiance des citoyens.

1.10.

Dès lors que l’IA doit être placée au service de la société au sens large et prendre tout à la fois en considération les aspects économiques, sociaux et environnementaux, le CESE propose que l’Union adopte le cadre du développement durable comme ligne directrice pour le développement futur de l’IA. Il plaide également en faveur d’une mise en œuvre durable de l’IA par les différentes organisations, au moyen notamment de bonnes pratiques en matière d’information et de consultation.

2.   Observations générales

2.1.

Donnant à la suite de la stratégie pour l’Europe en matière d’intelligence artificielle publiée en avril 2018, la Commission européenne a travaillé avec les États membres à la préparation d’un plan coordonné pour l’IA, dans le but de maximiser l’effet global des mesures déployées, en particulier les investissements, au niveau européen et national, et de permettre à l’Union de faire face à la concurrence mondiale.

2.2.

Le plan coordonné propose des actions conjointes dans quatre domaines d’intervention: accroître les investissements, améliorer la disponibilité et l’accessibilité des données, promouvoir les talents et les compétences, et susciter la confiance. Il invite aussi les États membres à mettre en place leurs stratégies nationales en matière d’IA d’ici le second semestre de 2019.

2.3.

Le CESE accueille favorablement le plan coordonné en ce qu’il marque une étape importante pour asseoir la mise en œuvre de la stratégie. Le Comité a déjà formulé ses observations sur la stratégie dans un avis antérieur (1) et il a également émis un avis sur le programme pour une Europe numérique (2). En outre, il a élaboré des avis d’initiative abordant différents aspects de l’IA (3), ainsi que plusieurs autres avis en lien avec ce sujet.

2.4.

Le CESE estime qu’il est important que des mesures de mise en œuvre soient programmées au niveau à la fois européen et national, sachant que les compétences de l’Union et des États membres varient selon les différents domaines d’action. Une coopération et une coordination sont également nécessaires pour maximiser les résultats et l’efficacité du point de vue de l’Union dans son ensemble. Le CESE invite instamment les États membres à prendre les mesures nécessaires pour progresser dans la réalisation des objectifs communs, tout en reconnaissant que les conditions rencontrées sont variables d’un État à l’autre.

2.5.

Outre la coopération et la coordination entre les responsables politiques à différents niveaux, une coopération s’impose entre tous les acteurs de la société. Elle est nécessaire pour éviter les incohérences, les chevauchements et les lacunes dans l’action menée et, partant, pour accroître l’efficacité et l’effet des mesures.

2.6.

Le CESE demande que la stratégie soit mise en œuvre sans plus attendre, compte tenu des progrès rapides observés dans le développement et l’introduction de l’IA hors de l’Union européenne. Dans le même temps, l’Union et les États membres devraient persévérer résolument dans la poursuite des objectifs de long terme de la stratégie. Le CESE souscrit à l’ambition dessinée pour l’Europe «de devenir la première région au monde pour le développement et le déploiement d’une IA de pointe, éthique et sûre, axée sur le facteur humain dans un contexte mondial» (4).

2.7.

Pour affronter avec succès la concurrence mondiale, l’Union doit tenir son propre cap avec détermination, tout en prenant acte dans le même temps des évolutions et des tendances à l’œuvre hors de ses frontières. Le CESE estime qu’il est important d’envisager conjointement les problématiques de la compétitivité et de la confiance. La fiabilité pourrait se muer en avantage compétitif pour l’Europe, même si d’autres composantes de la compétitivité doivent elles aussi être mises en place.

2.8.

Dès lors que l’IA doit être placée au service de la société au sens large, le CESE propose que l’Union adopte le cadre du développement durable comme ligne directrice pour le développement futur de l’IA. Le développement durable, avec ses trois dimensions, nécessite des politiques et des mesures qui renforcent l’économie et qui favorisent le bien-être de la société, tout en contribuant à réduire les incidences climatiques et environnementales.

2.9.

Le CESE fait observer que les politiques relatives à l’IA doivent être conçues en se plaçant du point de vue des acteurs de la société civile, notamment les entreprises, les travailleurs et les consommateurs. Il convient de porter toute l’attention requise aux moyens de tirer pleinement parti des possibilités qu’offre l’IA pour l’ensemble de la société et à la manière de limiter au maximum les risques, dont la manipulation des processus démocratiques.

2.10.

Le CESE insiste sur l’importance d’une approche inclusive et du principe consistant à ne «laisser personne de côté»dans le développement et l’adoption de l’IA. Cette remarque concerne aussi bien l’accessibilité des données et de l’infrastructure que la disponibilité de produits simples à utiliser ou que l’accès aux connaissances et aux compétences. Une approche inclusive est importante à la fois pour les individus et pour les entreprises, en particulier les PME. Il y a lieu de prendre des mesures spécifiques pour développer les compétences des femmes en matière d’IA et les encourager à occuper des emplois et assumer des tâches dans ce domaine, y compris dans l’industrie.

2.11.

Compte tenu des immenses défis sociétaux en présence et du développement extrêmement rapide des technologies, l’Union devrait faire un plein usage de l’IA dans l’analyse prospective de secteurs tels que les soins de santé et les transports, y compris du point de vue de l’emploi et du travail. Elle devrait en outre anticiper les possibilités inhérentes aux technologies de rupture, telles que les technologies quantiques.

3.   Faciliter l’innovation et le développement de l’activité économique

3.1.

Outre le fait de faciliter les activités des entreprises par une efficacité et une productivité accrues, l’IA ouvre également de nouvelles perspectives commerciales pour un large éventail d’industries et de services, et ce aussi bien pour les grandes entreprises que pour les PME et les entreprises en phase de démarrage ou d’expansion. En outre, des débouchés économiques entièrement nouveaux seront eux aussi créés.

3.2.

Sachant que le développement et l’introduction de l’IA sont en plein essor en dehors de l’Union, cette dernière doit elle aussi intensifier ses efforts pour renforcer sa compétitivité. L’enjeu n’est pas de «jouer les chevaux gagnants», mais de recenser les problèmes et les défis qui appellent une réponse, dans le but de créer et de maintenir les conditions requises pour tirer parti des possibilités offertes par l’IA et en minimiser les risques.

3.3.

Les principaux domaines d’action dans lesquels il convient de se concentrer sont l’investissement dans l’innovation et l’infrastructure ainsi que la poursuite du développement du marché unique. En outre, le CESE souligne l’importance que revêt l’environnement général dans lequel évoluent les entreprises, notamment la fiscalité, la réglementation et la disponibilité des facteurs de production, pour leurs activités d’innovation et leurs décisions d’investissement.

3.4.

Le CESE souscrit aux initiatives visant à allouer davantage de financements au développement et à l’adoption de l’IA. Des dispositifs tels qu’Horizon Europe, le programme pour une Europe numérique, InvestEU et le Fonds européen pour les investissements stratégiques sont autant d’instruments précieux et nécessaires pour doper l’innovation et l’investissement dans l’IA.

3.5.

Si le secteur public a un rôle important à jouer au moyen de ses propres investissements et passations de marchés dans le domaine de l’IA, des investissements privés substantiels sont nécessaires pour progresser de manière adéquate à la fois sur le terrain du développement de l’IA et sur celui de son adoption dans divers secteurs. Le financement public qui permet d’agir par levier sur l’investissement privé apparaît de ce fait essentiel. Les pratiques de financement devraient toutefois être simplifiées pour les utilisateurs. Des règles de financement devraient également être mises au point de manière à encourager la prise de risques.

3.6.

Les écosystèmes d’entreprises, composés d’entreprises de taille variable qui évoluent dans différents secteurs et à différents maillons des chaînes de valeur, sont nécessaires au développement et à l’adoption de l’IA, de même qu’une collaboration entre les entreprises et les diverses parties prenantes. Le CESE soutient les ambitions de la Commission s’agissant de renforcer la coopération, les partenariats et les réseaux transfrontières grâce à des centres d’excellence en recherche, des installations d’essai et des pôles d’innovation numérique travaillant en liaison. Il souligne la nécessité de faciliter les rapprochements avec les PME et demande d’associer dans une logique de coopération les organisations de la société civile et les partenaires sociaux, dans le cadre de ces pôles.

3.7.

Les compétences et les qualifications jouent un rôle crucial en tant que moteur de l’innovation et du développement des activités liées à l’IA. Il existe une demande non seulement de «compétences propres à l’IA», mais aussi d’autres compétences, notamment entrepreneuriales, permettant de la mettre en œuvre dans des entreprises spécifiques. Les projets de recherche étant les mieux à même de promouvoir les nouveaux talents pour les entreprises et l’industrie, le CESE invite instamment l’Union européenne et les États membres à assurer un financement adéquat pour ce type de recherche.

3.8.

La rapidité des évolutions nécessite de faire preuve de souplesse pour ce qui est de faciliter l’innovation en matière d’IA. Il convient à cet effet de disposer de sites d’essai et de «sas réglementaires»qui permettent d’expérimenter et de mettre à l’épreuve de nouvelles idées. En outre, il importe de garantir le partage et la reconnaissance mutuelle des résultats des essais.

3.9.

Le CESE préconise un investissement accru dans les technologies et les infrastructures requises par l’IA et ses applications, notamment les ordinateurs à haute performance et les réseaux mobiles 5G, investissement qui doit aller de pair avec des mesures pour renforcer la cybersécurité. Par ailleurs, l’Union devrait se placer à l’avant-garde du développement des technologies quantiques, en particulier l’informatique et les communications quantiques.

3.10.

Sachant que l’IA repose avant tout sur l’exploitation de données, le CESE estime qu’il est crucial de garantir la qualité, la disponibilité, l’accessibilité, l’interopérabilité et la circulation fluide des données au sein du marché unique, tout en assurant leur protection et leur confidentialité. Un marché unique des données efficace devient de plus en plus important dès lors qu’il est imbriqué dans le marché unique des biens, des capitaux et des services.

3.11.

Le CESE soutient les initiatives de la Commission visant à créer un espace européen commun des données. Il demande instamment d’ouvrir et de faciliter l’accès aux mégadonnées générées par le secteur public pour tous les utilisateurs, ainsi que de renforcer les interfaces de programmation (API). Il demande également d’instaurer des conditions propices à la création de plateformes européennes pour le partage des données. L’amélioration de l’accessibilité et de la réutilisation des données doit s’inscrire dans le cadre d’une concurrence loyale et d’une protection appropriée des données et de la propriété intellectuelle.

3.12.

Les modèles commerciaux fondés sur les données, les plateformes et les écosystèmes deviennent la «nouvelle norme». Si aujourd’hui les plateformes menant des activités «de l’entreprise au consommateur»sont essentiellement dominées par de grandes entreprises extra-européennes, l’Union dispose quant à elle d’un potentiel non négligeable pour affronter avec succès la concurrence dans les secteurs qui sont ceux des plateformes «du public au citoyen»et «d’entreprise à entreprise». En tout état de cause, des conditions de concurrence équitables avec les compétiteurs étrangers sont indispensables.

3.13.

Le CESE préconise la mise en place d’un cadre propice qui stimule l’innovation et évite de faire obstacle au développement de l’IA par des règles et des exigences excessivement détaillées, tout en garantissant sa fiabilité. Il invite aussi la Commission à évaluer, de concert avec les industriels et les parties prenantes concernées, si certains dispositifs réglementaires sont de nature à entraver le développement ou l’adoption d’une IA fiable, notamment en vérifiant si le droit de la concurrence offre un cadre adapté.

3.14.

Le CESE invite également les responsables politiques à envisager les instruments des politiques du point de vue des secteurs concernés. Il n’existe pas de panacée, et chaque secteur a des besoins qui lui sont propres et des défis spécifiques à relever. Il convient de tirer pleinement parti des possibilités offertes par une normalisation, par exemple en favorisant l’interopérabilité, compte tenu de la rapidité des mutations à l’œuvre et de la nécessité d’apporter en permanence des améliorations.

4.   Donner aux acteurs les moyens de préparer l’avenir

4.1.

Il est clair que les citoyens sont mal informés des possibilités que leur offre l’IA pour les assister, tandis que les inquiétudes liées au contrôle exercé sur la machine apparaissent quant à elles de manière évidente. Le CESE estime dès lors qu’il est nécessaire de mener des actions de sensibilisation sur les possibilités qu’ouvre l’IA pour la société dans son ensemble. Des connaissances et une compréhension accrues quant à la nature et au fonctionnement de l’IA sont également nécessaires pour renforcer la confiance des citoyens sur la base d’une réflexion critique. Le CESE appelle en outre de ses vœux de meilleures données statistiques et davantage de travaux de recherche sur les conséquences de l’IA pour l’emploi et le travail, notamment des études sur ses incidences sectorielles.

4.2.

Sachant que l’IA est susceptible d’avoir un retentissement considérable sur la vie quotidienne des individus en tant que consommateurs, tout comme sur l’évolution des emplois et le travail de demain, il est crucial de les doter des connaissances et des compétences nécessaires pour les préparer à affronter les mutations à venir. Les partenaires sociaux jouent un rôle essentiel dans l’anticipation des changements en matière de travail, le soutien au développement des compétences numériques et l’amélioration de l’employabilité des travailleurs sur le marché de l’emploi.

4.3.

Le déploiement de l’IA entraîne des changements considérables du point de vue de la demande de compétences. Compte tenu de l’ampleur et de la rapidité du développement de l’IA, il convient de recenser les besoins immédiats aussi bien que ceux de long terme en matière de formation et d’éducation. L’éducation doit répondre aux besoins de compétences numériques à la fois fondamentales et avancées. Outre la maîtrise des compétences fondamentales en matière d’IA, les individus doivent disposer des compétences générales nécessaires pour pouvoir appliquer cette technologie lors de la création et de l’utilisation de solutions innovantes dans leur vie quotidienne et leur travail, dans le cadre par exemple des systèmes de coopération entre les êtres humains et les robots.

4.4.

Le CESE invite instamment les États membres à répondre à la demande de nouvelles compétences en adaptant leurs systèmes éducatifs. Il souligne aussi l’importance d’une coopération entre les pouvoirs publics, les établissements d’enseignement, les partenaires sociaux, les organisations de consommateurs et les autres organisations de la société civile concernées dans la conception comme dans la mise en œuvre de nouveaux programmes d’éducation et de formation, afin de consolider les compétences requises sur le marché du travail et dans la société au sens large. L’IA devrait également être utilisée pour évaluer les besoins de compétences ainsi que pour organiser et fournir des supports d’éducation et de formation.

4.5.

Les programmes d’études doivent être réformés, de l’école primaire à l’université. Un solide socle en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques s’impose, mais il faut reconnaître que tant le développement que le déploiement de l’IA requièrent des compétences élargies. Cette exigence met en lumière l’importance de l’éducation dans les domaines des sciences sociales et des arts, entre autres.

4.6.

Outre le développement des composantes éducatives fondamentales, il existe des besoins évidents de perfectionnement professionnel et de reconversion, notamment pour les enseignants. L’apprentissage tout au long de la vie et la formation continue s’imposent comme une nécessité pour que chacun puisse affronter les évolutions actuelles et à venir. Les apprentissages se dérouleront de plus en plus fréquemment dans le contexte du travail et seront déterminés en fonction des ambitions de chaque individu.

4.7.

Le CESE considère que l’investissement dans l’éducation et la formation devrait constituer un axe central des stratégies nationales en matière d’IA, et que les bonnes pratiques des initiatives nationales devraient être partagées au niveau européen. Il préconise d’allouer davantage de fonds de l’Union pour soutenir les réformes nécessaires et les nouvelles initiatives en matière d’éducation et de formation.

4.8.

Il importe aussi d’apporter une réponse aux changements structurels liés à l’IA dans les régions et les secteurs les plus affectés par son déploiement. Les États membres devraient mettre au point des approches pour faire en sorte de réduire le déficit de compétences et les incidences sociales négatives, y compris pour ce qui concerne la protection des personnes qui ne sont pas en situation de décrocher un emploi. Il convient aussi de garantir l’accès à l’internet sur tous les territoires afin de parer à la fracture numérique. Le CESE voit dans le renforcement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation proposé par la Commission une avancée vers l’établissement d’un fonds européen de transition à part entière devant contribuer à une gestion socialement responsable de la transformation numérique.

5.   Susciter la confiance à l’égard de l’IA

5.1.

Le CESE est fermement convaincu que pour réussir à profiter des opportunités offertes par l’IA, il s’impose d’avoir résolument confiance dans cette technologie. La fiabilité est une exigence attendue des consommateurs et des salariés, tout comme du monde des affaires – employeurs, entrepreneurs, investisseurs et financiers.

5.2.

Les inquiétudes liées à l’IA reflueront certainement à mesure que progresseront les connaissances et la compréhension concernant la nature de l’IA, ses applications possibles et la manière dont elle prend ses décisions. De telles évolutions jetteront les bases de la confiance dans l’IA en permettant une réflexion critique et la prise en compte de questions fondamentales telles que le principe de «l’être humain aux commandes»et la possibilité de conserver le contrôle de sa propre vie. Par ailleurs, la confiance dépend aussi de considérations très pratiques telles que la simplicité d’utilisation.

5.3.

Le groupe d’experts européen à haut niveau sur l’intelligence artificielle a récemment proposé des lignes directrices en matière d’éthique au service d’une IA fiable. Le CESE prend acte de ces lignes directrices et relève l’importance cruciale de données ouvertes, adéquates et fiables, de la transparence des décisions prises par l’IA et du caractère inclusif de son développement et de son adoption. Le CESE appelle également de ses vœux de vastes discussions sur des questions telles que les implications du profilage des personnes et les conditions préalables à la contestation des décisions prises par l’IA.

5.4.

Replacés dans le contexte du développement durable, les aspects éthiques débattus englobent principalement des considérations liées à l’humain et relèvent de ce fait de la dimension sociale de la durabilité. En outre, l’IA devrait tenir compte des aspects environnementaux tels que ceux liés au changement climatique et aux ressources naturelles, notamment l’utilisation durable de l’énergie et des matières premières ou encore la prévention de l’obsolescence prématurée des produits, entre autres. Enfin, la durabilité économique exige de mettre au point des solutions d’IA qui soient efficaces sur le plan économique, c’est-à-dire productives, rentables et compétitives.

5.5.

Les incidences des applications de l’IA constituent encore un autre facteur de la confiance à son égard. Si l’IA se révèle profitable pour la société, dans l’esprit d’un développement durable, en générant de la prospérité économique, du bien-être social et des avantages dans les domaines de la santé et de l’environnement, elle pourra être considérée comme une avancée.

5.6.

Le CESE considère que l’on peut accroître la confiance à l’égard de l’IA au moyen d’une action publique centrée sur le citoyen, en associant les représentants de la société civile à l’élaboration des politiques et des mesures afférentes. Le secteur public peut améliorer la confiance témoignée à l’IA grâce à une administration elle aussi axée sur le citoyen, dans laquelle l’IA pourrait être amenée à jouer un rôle central en fluidifiant et en personnalisant les procédures administratives. En outre, il serait utile de considérer les possibilités offertes notamment par les technologies des chaînes de blocs pour améliorer les services numériques de confiance.

5.7.

Le développement et l’utilisation de l’IA doivent être pleinement conformes à la législation, qu’il s’agisse du droit des consommateurs, du travail ou des entreprises. De nombreux dispositifs législatifs sont à prendre en considération dans le développement et l’utilisation de l’IA. Le CESE demande à la Commission de compléter et d’achever son évaluation des actes législatifs concernés, par exemple dans le domaine de la sécurité et de la responsabilité, au regard de leur adéquation pour assurer la fiabilité de l’IA. L’applicabilité de la réglementation sectorielle correspondante devrait elle aussi être réexaminée.

5.8.

Le plus important consiste toutefois à adopter et à mettre en place l’approche et les principes d’une IA fiable en tant que parties intégrantes de la culture de chaque organisation, dans le secteur privé comme dans le secteur public. L’éthique en matière d’IA ne devrait pas être dissociée ni distinguée de l’éthique au sens large. Les organisations devraient intégrer l’éthique en matière d’IA dans leurs stratégies globales, leurs codes de conduite et leurs pratiques ordinaires de gestion, y compris en matière d’information et de consultation des salariés, ainsi que dans leurs systèmes de contrôle et d’audit.

5.9.

L’adoption anticipée d’une IA fiable pourrait être facilitée par l’intégration de considérations éthiques dans l’éducation et la formation des développeurs et des utilisateurs de l’IA, et par l’élaboration et la mise en œuvre de lignes directrices en la matière. Le CESE est prêt, pour sa part, à mener un travail d’information concernant ces aspects éthiques auprès des acteurs de la société civile.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 51.

(2)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 292.

(3)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 43; JO C 440 du 6.12.2018, p. 1; JO C 345 du 13.10.2017, p. 52; JO C 190 du 5.6.2019, p. 17.

(4)  COM(2018) 795 final, annexe.